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Review

Reviewed Work(s): L'anatomie politique by Nicole-Claude MATHIEU


Review by: Françoise Armengaud
Source: Nouvelles Questions Féministes , 1992, Vol. 13, No. 1 (1992), pp. 87-89
Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Éditions
Antipodes
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40602878

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REVUES CRITIQUES
Nicole-Claude MATHIEU: L'anatomie politique. Catégorisations et idéologies du
sexe. Paris, Côté-femmes, 1991, 291 pages.

Dans cette sélection de textes sur vingt ans (1970-1989) NCM associe
étroitement un travail de critique épistémologique et un travail de critique militante. En
effet, elle met en évidence des fautes méthodologiques (incohérences, occultations,
distorsions) dans le discours scientifique, celui de l'ethnologie et de de la sociologie
quant à la conceptualisation du sexe et à la catégorisation des sexes; en même temps elle
met en évidence des stratégies politiques à l'égard du sexe. D'où son titre: contre la
tendance à anatomiser le politique, il s'agit bien d'affirmer que l'anatomie est politique.
Ou encore: le genre construit le sexe.

Le discours des sciences sociales ne respecte pas ses propres règles de


cohérence lorsqu'il traite des hommes et des femmes. Les hommes ne sont pas présentés
comme constituant une catégorie sociologique spécifiée. "On croit parler en général
alors qu'en réalité on parle au masculin". Corrélativement, dans la plupart des études
générales, l'absence de référence aux sexes "signifie simplement l'oubli des femmes".
Les hommes sont bien les referents, mais ils ne sont pas perçus comme tels. En
conséquence de ce système, les femmes n'existent pas, elles sont invisibilisées comme
actrices sociales, "oblitérées", Ou alors elles apparaissent en annexe du discours central,
"venant du fond de la maison, discrètes, inconnues, énigmatiques et muettes"...comme
quelque chose d'accessoire qu'il faut cependant bien mentionner. Ou encore, et c'est la
troisième modalité, elles sont décrites, pour elles-mêmes, dans leur isolement, en
général par des femmes ethnologues ou sociologues. Dans tous ces cas: 1) un traitement
différentiel est apporté aux deux catégories de sexe, 2) la systématicité de la relation
entre ces deux catégories ne peut être pensée, 3) deux types d'explication sont fournis
pour les deux termes d'un même phénomène. Ce que l'on constate dans le discours
courant des sciences sociales, c'est l'invisibilité des hommes comme sexués et leur
survisibilité comme acteurs sociaux, et l'invisibilité des femmes comme actrices
sociales et leur survisibilité comme sexuées, ces doubles qualifications étant conditions
réciproques l'une de l'autre. En 1973 et en 1974, dans "Homme-culture et femme-
nature?" (ici chap.II) et dans "Paternité biologique, maternité sociale..." (ici chap.III),
NCM a mis en évidence que la référence explicative à la biologie apparaît pour les
femmes seulement -même pour des sujets apparemment éloignés- alors qu'elle n 'apparaît
pas pour les hommes -même quand le sujet traité l'appellerait. On a affaire, note, NCM,
à une conception fondamentalement biologisante de la "féminité", en regard d 'une prise
en considération strictement sociale de la catégorie masculine.

Contrairement à ce que l'on aurait pu penser étant donné d'une part la


structuration forte et souvent rigide de la plupart des sociétés en fonction du sexe, et
d'autre part l'extrême variabilité du contenu des rôles masculins et féminins selon les
sociétés, l'ethnologie ne manifeste pas dans le traitement respectif des hommes et des
femmes une cohérence plus grande que les disciplines consacrées à l'analyse de nos
propres sociétés. D'où l'apparition, dans la nouvelle littérature scientifique liée
historiquement aux mouvements des femmes, à côté de la critique de Fethnocentrisme,
d'une critique de Yandrocentrisme, dont la définition est donnée par Molyneux: "...un

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88 Revues critiques

biais théorique et idéologique qui se centre principalement et parfois exclusivement sur


les sujets hommes et sur les rapports qui sont établis entre eux. Dans les sciences
sociales, ceci signifie la tendance à exclure les femmes des études historiques et
sociologiques et à accorder une attention inadéquate aux rapports sociaux dans lesquels
elles sont situées". Exemples: la non-prise en considération du travail exact des femmes;
la terminologie utilisée pour formaliser les relations matrimoniales: le réfèrent Ego est
sous-entendu masculin; l'analyse de discours révélant que d'une façon générale les
hommes sont construits énonciativement comme "animé humain", les femmes, soit
comme "animé non humain", soit comme "non animé"; les femmes sont pensées comme
"matière", les hommes comme "agents/humains". NCM souligne l'incohérence du
naturalisme: l'anthropologue enracine la vision "féminine" du monde dans lebiologique
(le rapport à la nature) et la masculine dans le sociologique (le rapport politique). La
pensée naturaliste s 'appuie sur un biologisme dont la particularité est qu 'il ne s'applique
qu'à un seul des deux sexes.

En conséquence les ethnologues et sociologues féministes, ainsi que les


historiennes, ont cherché à montrer les femmes comme actrices sociales, à révéler leur
importance, sous-estimée ou méconnue. Ce faisant, selon NCM, elles ont parfois
commis l'une et/ou l'autre de deux erreurs: "1) négliger ou rejeter ce que rapportent les
ethnologues hommes de la domination masculine, 2) surestimer le "poids" des femmes
dans le fonctionnement social, autrement dit, sous-estimer, et parfois nier, leur
oppression". Dans le chap. V, intitulé "Quand céder n'est pas consentir", NCM inventorie
les déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes ainsi que
quelques unes de leurs interprétations en sociologie. Culpabilisation, limitations mentales
inextricablement liées aux contraintes et aux limitations physiques, conscience contrôlée,
médiatisée par l'écran de la domination masculine, la femme apparaît "séparée de ce
qu'elle accomplit, non-sujet de ses actes, absente d'elle-même". NCM critique
l'interprétation ethnologique du pouvoir caché des femmes, interprétation qui certes
réconforte les interprétantes, mais convient peu pour désigner la "maigre réussite des
femmes dans les arcanes du pouvoir masculin". Elle critique également l'idée répandue
du partage des idées et des valeurs entre consciences dominantes et conscience
dominées: ces consciences ne sont pas identiques car leurs situations ne sont pas
identiques. Une analyse matérialiste ne peut conclure de la dominance sociologique de
certaines valeurs à leur présence psychologique dans la conscience dominée. Elle
critique enfin la théorie du consentement des dominé(e)s à la domination. La notion de
consentement, qui a l 'avantage/inconvénient d'annuler la responsabilité de l 'oppresseur,
suppose une conscience libre, et une vision de la politique sur le modèle classique du
contrat. Dans le fait de raisonner comme si les femmes étaient des sujets égaux aux
hommes, NCM voit l'attitude du dominant subtil capable de reconnaître
intellectuellement la domination masculine mais déniant l'oppression des femmes en la
décrivant comme ce à quoi elles consentiraient de leur plein gré. Théorie du pouvoir
caché et théorie du consentement sont en fait deux dénégations de l'aliénation des
femmes.

Le texte le plus récent de NCM (ici chap VI) est consacré à l 'élaboration de
trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre. Ce sont, précise NCM,
des tentatives de définition du terme "femme" par différentes tendances féministe et
lesbiennes qui ont servi de base. Selon le mode I, le genre traduit le sexe,
(correspondance homologique), dans une optique naturaliste où la différence des sexes

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Revues critiques 89

est conçue comme une bipartition absolue, à la fois naturelle et sociale, fondatrice de
l'identité personnelle, de Tordre social et de Tordre symbolique. L'individu(e) a une
identité sexuelle, destin à suivre à travers Tidentité de genre conforme. L'homosexualité
est une anomalie ou une perversion. Selon le mode II, le genre symbolise le sexe
(correspondance analogique) Le genre, mode de vie collectif, élabore culturellement la
différence sexuelle, notamment par la notion de rôle. L'individu(e) a une identité
sexuée. La conscience de groupe développe une solidarité de survie adaptée au système.
C'est, pour NCM, le point de vue du féminisme culturel et du lesbianisme culturel ( "La
lesbienne est la femme la plus femme"). Selon le mode III, le genre construit le sexe,
(correspondance sociologique) .Le refus de la hiérarchie des genres (le genre comme
imposition d'un comportement social, opérateur de pouvoir d'un sexe sur l'autre) tente
d'élaborer une nouvelle définition du sexe, selon une logique antinaturaliste et une
analyse matérialiste des rapports sociaux de sexe. L'individu(e) a une identité de sexe,
liée à la conscience de classe développée par les féministes radicales et les lesbiennes
politiques ("Une lesbienne n'est pas une femme").

Michèle CAUSSE: L'interloquée; les oubliées de l'oubli; dé/générée. Québec,


Editions TROIS, 1991, 66 pages.
Ces trois essais ( de 88, 89 et 90) s'inscrivent dans la perspective féministe
radicale et lesbienne politique qui fut toujours celle de Tauteure. Si la femme est, dans
le régime général de domination masculine - en Androcratie- "interloquée", c'est à dire
interdite, interrompue, dépourvue d'allocutaire, la lesbienne, "celle qui a exercé -sa vie
durant- la plus grande résistance à l'embrigadement dans le genre", se présente comme
la seule "dé/générée historique". C'est la question du langage qui est au centre de ces
essais, et qui est l'enjeu majeur; on comprend pourquoi: le langage propose/impose
l'interprétation de la réalité, en fait, sa perception même, sa teneur. Etre privée de
langage propre signifie non seulement ne pouvoir dire sa propre expérience, mais aussi
et surtout subir l'autorité de l'autre, seul "auteur" (source) et seul "autorisé" (légitimé).
Inversement, parvenir à inventer son langage, c'est à la fois se soustraire à l'imposition
du silence et à l'imposition d'une réalité étrangère, sortir de l'exil, inventer sa vie. Le
théâtre lesbien en est le plus flagrant exemple, que ce soit celui de Gertrude Stein, ou
aujourd'hui même, de Carolyn Gage.

Le premier essai décrit une situation: l'emprise universelle de Yandrolecte


comme "institutionnalisation d'une subjectivité sexuée au masculin". Il constitue aussi
un appel à la création d'un langage dont les femmes seraient à la source, le gynolecte,
un langage où pourrait s'énoncer et se faire entendre le tort millénaire fait aux femmes
(et parmi les composantes de l'oppression, la privation de langage propre). "Les
lesbiennes radicales disent qu'il n'est pas juste qu'une moitié de l'humanité soit aliénée
dans des pratiques langagières, liées à des pratiques sexuelles d'appropriation et
d'oppression- qui sontla transcription d'un Pathos (réification misogyne), alors qu'elles-
mêmes sont habitées par l'urgence d'un Ethos (relationnel gynophile)"(p.l6). Ce
langage où exposer le tort infligé sera en fait moins un langage de plainte qu'un langage
de lutte, le procès ne pouvant qu'être fictif... Celle que M.C. appelle T"étante", c'est à
dire celle qui advient dans le refus des identifications aux intimations masculines,
sécessionnelle, pourra "produire du sens", susciter un langage adéquat à elle-même
(exemples: Adrienne Rich refusant d'employer les mots "humanité", "androgynie";

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