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Ba Pour ou contre le revenu universel ? Le libéral Gaspard Koenig m ite pour un revenu universel qui permettrait aux individus d’échapper a la grande pauvreté aussi bien qu’é une bureaucratie so défend un droit au travail. Pour quelles raisons vous étes-vous intéressé au revenu universel ? Gaspard Koenig : L'idée fait partie du corpus libéral. Cest Milton Friedman qui a relance le débat dans Capitalisme et liberté, chapitre 12 : comment éradiquer la pauvreté d'une maniére libérale, c’est-a-dire non paternaliste. Du reste, ilne propose pas exactement un revenu univer- sel. Il considére que, & partir du moment ou des gens se retrouvent dans la grande pauvreté, la meilleure maniére de procéder, c'est de donner du cash a tout le monde. C’est un argument qui sera repris par Martin Luther King qui explique que, plutot que de s’attaquer aux causes de la pauvreté comme le logement, il faut s'attaquer a la pauvreté elle-méme. J'avais cette petite musique en téte. Quelle forme donneriez-vous & ce revenu uni- versel ? Gaspard Koenig : [...] Mon option est bien de donner a chacun un revenu mensuel, dela nais- sance & la mort, sous forme de crédit d'impot: Cest un systéme extrémement flexible et auto- matique qui s'adapte a la disparité des revenus. Un phénoméne qui deviendra la norme dans un monde post-salarial. II s'agit d'un filet de sécurité qui éradique la grande pauvreté et supprime Vangoisse d’y tomber [...] Dans une société riche et civilisée, on peut se dire que la subsistance - pouvoir répondre a ses besoins de base - est un droit universel. Ce n'est pas de la charité. II n'est pas admissible qu'il y ait 90 milliards de dépenses sociales en France et des gens qui n'ont rien 4 manger. C'est un outil de lutte contre la pauvreté. Que pensez-vous de cette philosophic ? Jean-Louis Gombeaud : Nous sommes tous d'accord pour dire que 500 euros, ce n'est rien. En vous écoutant, on se demande si votre propos est bien de lutter contre la pauvreté ou d’établir ‘impdt proportionnel, Quel est votre objectif ? Que fait-on des pauvres ? C'est une question majeure [...]. De fait, comment peut-on admettre dans une société que des gens n’aient rien pour Vivre, ou trés peu ! Or, en France, 15 416 % des gens sont catalogués par les statistiques comme des pauvres. Ce nest pas tenable. La question qui nous est posée, c’est comment en sortir. ie humiliante. Le journaliste économique y voit, lui, une fausse piste et Mais je pense a autre chose a propos du revenu de base. Savez-vous que cela a été pratiqué en masse sous Empire romain ? L'Empire avait créé le service de I'annone qui consistait @ garantir, Uniquem ent aux citoyens romains, la nourriture, essentiellement le blé, parfois la viande et le vin. Une garantie en nature financée par I’Etat non seulement a Rome, mais dans toutes les grandes villes de '—Empire. Le revenu universel a donc existé il y a bien longtemps et a, du reste, coiité trés cher. Mais I'idée de faire dépendre le revenu des gens non d'un travail mais d'un chéque me choque. Surtout sil existe une crise financiére publique de |'Etat et que celui-ci ne puisse garantir quoi que ce soit. Selon moi, c'est le travail qui fait le citoyen. Lelseul remede pour aider les pauvres, c'est le droit au travail. C'est le travail qui socialise, qui donne une identité. Ce nest pas de recevoir un chéque de la société Quel serait le coat d’une telle mesure pour la société 2 Gaspard Koenig : Notre proposition est assez bien chiffrée pour étre rationnelle. Daniel Cohen exageére dans son chiffrage en négligeant la fis- calité. II multiplie le nombre d’individus majeurs par 600 euros et conclut qu’on aboutit a des sommes extravagantes qu'on ne peut finan- cer. Dans mon systéme modélisé, la dépense qui sort en cash est de prés de 100 milliards d’euros annuels pour les gens gagnant moins de 2 000 euros, La discussion est plus sereine. » On ne parle pas d'un cout de 300 milliards [1 Les 500 euros distribués se substitueraient & Vallocation de subsistance. Mais ce n'est pas un soide de taut compte. On ne remet pas en cause les allocations spécifiques au chomage, © aux retraites ou au logement. Je propose un. systéme modeste et réaliste. Jean-Louis Gombeaud : Votre philosophie ne conduit pas au solde de tout compte. Mais en ‘colts, dae RRAUSHIG Cotte “tendance l'emportera car ce ne sont pas les philosophes mais les comptables qui gérent les pays. Et ils diront ; avec une aide de S00 euros, plus besoin du SMIC. Affirmer que ce revenu universe! n’entrainera pas de conséquences en » chaine est une autre forme d'utopie ! Gaspard Koenig : L"inquiétude existe aussi que le revenu universel passe progressivement & 700 euros dans cing ans, puis a 1 000, voire 1 500 euros, et qu’on arrive a une socialisa- » tion totale, néocommuniste, de la société. Les arguments vont dans les deux sens [..] Pour une fois, on saura précisément pourquoi on paie impot, de facon saine et logique: l'impot que je paie en tant qu'individu sert a financer “le filet de protection dont je béneficie en tant qu’individu. C'est la justification la plus forte. Des lors, un simple ordinateur a Bercy peut établir les calculs, 500 euros de versement et 25 % de prélévement. C'est une machine plus légere. Propos recueillis par Eric Forroawo et Laurent Gre saner, © lethebdo, n°139 janvier 2017

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