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Le Granier

15 décembre 2022

Signification de la philosophie, F. Alquié,


1971.
« L’expérience du temps est celle d’une privation incessante et d’une
perpétuelle compensation. Le temps ne m’enlève un moment de ma vie,
un aspect de mon être qu’en les remplaçant par d’autres, et, s’il est
source de deuil, il l’est aussi de renouveau. On peut dès lors se
demander d’où naît ce refus du temps qui engendre chez nous les
passions. Pourquoi nous est-il si difficile de nous adapter au devenir,
d’accepter avec joie ce qu’à chaque instant il nous apporte de
nouveauté ? Pourquoi le regret triomphe-t-il si fréquemment de
l’espérance, et pourquoi l’espérance même est-elle faite si souvent du
désir de retrouver, dans le futur, quelque charme passé ? » Le désir
d’éternité, F. Alquié.. Un exemple de problématisation.

Aron, Alquié, Vahl et Merleau-Ponty

1906-1985, la réflexion de F. Alquié


s’articule autour du réel qui lui inspire à la fois une forme d’amour qu’il
exprime par sa philosophie et une forme de refus qui prend forme avec
son intérêt pour le surréalisme qu’il décrit comme une "délivrance par
rapport au réel tel qu'il est sous nos yeux" .

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Sujet d’interprétation:

« L’appel du philosophe est, …appel à son semblable au nom d’une vérité


qu’il croit universelle. Et c’est pourquoi la philosophie fait souvent usage du
dialogue. Platon, qui est le père de la philosophie occidentale s’exprime par
dialogues. Descartes, Malebranche, Berkeley ont composé des dialogues. Or, le
dialogue, c’est toujours l’appel à l’autre, comme être habité par la
même raison. Il suppose toujours que deux consciences ont un fond
commun. Chez Platon, Socrate demande sans cesse, avant de poursuivre,
l’assentiment de son interlocuteur. Chez Berkeley, Philonous suppose toujours
qu’Hylas, auquel il s’adresse, bien que leurs points de départ soient tout-à-fait
différents, possède un esprit identique au sien. //Et le critère suprême n’est
pas alors une preuve discursive, ni une synthèse dialectique, c’est l’accord
de l’autre conscience. (…) Il y a donc en cela égalité des consciences,
similitude des pensées, et c’est pourquoi la philosophie nous dirige vers cette
république des esprits, à laquelle Spinoza tout aussi bien que Kant aspirent.
Car le scandale qui émeut, trouble et désespère le philosophe, c’est la
solitude où lui semble provisoirement se trouver l’universelle raison.
C’est le fait que des vérités qu’il sait universelles semblent d’abord n’être pas
comprises, et donc admises par d’autres que par lui. Ferdinand Alquié,
Signification de la philosophie, Hachette.

Question d’interprétation philosophique: en quoi le dialogue instaure-t-il un rapport


d’égalité entre les êtres ?

Dans son essai intitulé Signification de la philosophie, Ferdinand Alquié décrit la


démarche philosophique comme un « appel », une demande adressée par la parole à
un interlocuteur en vue de penser ensemble. Ainsi présente-t-il la philosophie sous un
jour nouveau comme un échange passant par le dialogue: non pas une conversation
faite de confidences singulières, non pas une discussion tournant autour de problèmes
particuliers mais comme un échange tendu vers l’universel. Dialoguer, c’est parler à
plusieurs pour chercher une vérité. (Définition du dialogue) En dépit des différences de
personnalité, de compétences, de savoirs qui peuvent opposer les interlocuteurs,
Ferdinand Alquié insiste dans son texte sur le fait que le dialogue instaure entre eux une
relation d’égalité. Comment saisir un rapport d’égalité qui se dessine ainsi sur fond de
différences réelles ? N’est-ce pas précisément sa différence qui constitue l’autre comme
interlocuteur ? (Formulation du problème traité par le texte)
Ferdinand Alquié dégage une identité fondamentale, un « fond commun » qui
sert de base à cette égalité, il souligne ensuite le lien créé par la recherche commune
d’une vérité jusque là inaccessible. (Annonce du plan du texte). On peut cependant se
demander si cette égalité de principe abolit toute rivalité et si le lien tissé dans le
dialogue se maintient au-delà. (Perspective critique)

D’après Alquié, l’égalité procède de l’intention-même du dialogue: le dialogue


s’origine dans la foi en « une vérité que (le philosophe) croit universelle ». Cette foi
constitue une base et un horizon qu’il partage avec son interlocuteur.
- La recherche d’un universel commun: le dialogue n’est pas une forme artificielle
choisie pour ces qualités dramatiques, il exprime de la part du philosophe, un « appel
à son semblable au nom d’une vérité qu’il croit universelle ». On retrouve dans le
sens-même du mot « dialogue » l’idée d’un discours rationnel, « logos » qui se donne
comme moyen de chercher la vérité. « Dia » signifie « à travers »: en reliant des
pôles séparés. Egalité dans la forme de la quête, donc. Alquié illustre son propos par

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des exemples célèbres qu’il décline à travers le temps. Notamment celui de Platon qui
fait autorité par son aura et son caractère premier.
- Mais un universel manquant. Le dialogue commence par le manque: si le philosophe
fait « appel » à un autre, c’est parce qu’il se sait ignorant, en accord avec la
conception socratique de la nescience. Egalité dans le manque pour chacun des
interlocuteurs.
- La recherche d’un accord surpasse les divergences d’idées: Alquié montre que le
dialogue suppose une adhésion, il parle d’« assentiment ». L’égalité se joue aussi
dans la manière dont la progression s’harmonise. Dans les dialogues de Platon, il est
vrai que Socrate prend la peine de récapituler ses idées, et sollicite la confirmation de
son interlocuteur.

L’égalité se situe dès lors non dans l’être des sujets du dialogue mais dans leur
démarche: leurs intentions, leurs méthodes, leurs objectifs. Mais cette égalité se traduit-
elle par des résultats concrets ?

Quelque chose de commun s’élabore dans le dialogue: les pensées sont


apparentées, reliées les unes aux autres. Chacun s’extrait partiellement des limites
propres à sa subjectivité pour atteindre une vérité commune.
- La recherche d’un « accord » à chaque étape du raisonnement témoigne de la
réussite du dialogue. La « preuve » atteste de la véracité d’une proposition mais elle
clôt la discussion en donnant raison à l’un ou l’autre, la « synthèse dialectique »
produit un dépassement où deux idées fusionnent, alors que le dialogue maintient
une égalité entre des interlocuteurs qui demeurent à la fois différents sur le plan de la
parole mais semblables sur le plan de la démarche. Egalité dans la différence,
puisqu’il s’agit d’une identité d’esprit: « un esprit identique au sien ».
- Le refus de laisser le vrai hors d’atteinte. Le dialogue suppose que plusieurs
personnes se rejoignent. « Le scandale qui émeut, trouble et désespère le
philosophe, c’est la solitude où lui semble provisoirement se trouver l’universelle
raison ». La raison, si elle vaut pour tous, devrait au contraire être partagée par le
plus grand nombre, mais pour cela il faut la mettre en oeuvre. On comprend à la fin
du texte que dans le dialogue à travers l’accord de l’autre, c’est la validité de
l’argument que l’on cherche, et la possibilité de ne pas être seul à penser de cette
manière. (Argument inspiré de la copie d’Elia)

Le dialogue instaure bien une relation d’égalité dans la mesure où la relation est
dénuée de rapport de force: la pensée s’y déploie sans qu’aucune contrainte ne lui soit
imposée. Cette égalité repose comme le montre l’auteur sur une « similitude de
pensée » et une « égalité des consciences », c’est-à-dire sur la reconnaissance par
chacun du besoin qu’il a de l’autre pour penser et de la valeur propre à sa démarche.
Les vertus du dialogue reposent en définitive sur une disposition d’esprit et un effort
commun pour maintenir un respect mutuel dans la recherche de la vérité. (Bilan des
enjeux du texte)
On peut se demander si cette belle égalité ne risque pas de se heurter au
narcissisme de chacun. Le désir de vérité ne peut-il être dévoyé par une volonté de
pouvoir, comme on le voit dans la stratégie des sophistes ? Face à ce danger, la
philosophie telle que la définit Alquié continue de nous offrir un horizon stimulant, et une
éthique féconde, sous condition de travailler à considérer nos interlocuteurs comme des
égaux. (Limites du texte) CCl inspirée de celle de Paul.

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