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IPA: Application A L'étude Du Self
IPA: Application A L'étude Du Self
L’analyse
phénoménologique
interprétative : son
application à l’étude
du self dans la clinique
neurologique
Introduction
L’analyse phénoménologique interprétative, connue surtout par
l’abréviation IPA, à partir de son nom en anglais (Interpretative
Phenomenological Analysis), est une approche initiée en Grande
Bretagne par Smith, en 1996. Il s’agit d’une méthode qualitative de
recherche clinique qui peut être appliquée, entre autres, à l’identité de
soi dans différents contextes de la vie réelle. L’IPA émerge de la phi-
losophie phénoménologique, tant de l’œuvre fondatrice de Husserl
(1927) que des auteurs qui ont rendu possible une phénoménologie
1. “The nervous system does not process information in the computationalist sense, but creates meaning.”
1. Les années citées indiquent les publications considérées comme les plus importantes pour la
conceptualisation de l’IPA.
2. Compte tenu du fait qu’une grande partie du présent chapitre est basée sur le livre de Smith
et al. (2009), ces auteurs ne seront pas systématiquement cités afin d’alléger la lecture du texte.
1.1. La phénoménologie
Les bases de la philosophie phénoménologique ont été abordées dans
le chapitre 1, dans ce paragraphe seront commentés seulement les élé-
ments de la phénoménologie que le psychologue « utilise » lors d’un
protocole de recherche clinique IPA.
La première étape est l’entretien entièrement basé sur l’écoute à la
première personne, à savoir l’investigateur se place entièrement dans la
perspective du participant. Ce requis est indispensable pour comprendre
le sens que les personnes donnent aux événements dans leur vie. Ainsi,
pour appréhender le vécu d’autrui, l’écoute de l’investigateur doit être sans
a priori. L’IPA applique directement l’attitude de la mise entre parenthèses
du monde que l’on tient pour acquis, attitude initiée par Husserl (1927 ;
voir Les fondements de la philosophie phénoménologique, au chapitre 1
pour une explication plus détaillée). Un entretien qui ne respecterait pas
totalement cette mise entre parenthèses des considérations a priori, ne
pourrait pas aboutir à une interprétation expérientielle. Une des raisons
factuelles est que l’examinateur qui a une écoute biaisée, est susceptible de
poser des questions ou de faire des commentaires qui influencent la vision
que le participant a de sa propre expérience, compromettant la sponta-
néité nécessaire à la découverte du sens d’un événement vécu.
Un autre point important que l’IPA doit au fondateur de la phéno-
ménologie est le processus de réflexion qui mène à l’examen attentif et
systématique de l’expérience vécue en tant que contenu conscient. En
revanche, si l’objectif prioritaire de Husserl était centré sur l’essence de
l’expérience, la méthode IPA, quant à elle, n’aspire qu’à capter certaines
expériences (au pluriel), telles qu’elles sont vécues. Une des contribu-
tions de Merleau-Ponty (1945), a été de relativiser les aspects abstraits
de l’œuvre de Husserl pour privilégier l’implication directe des relations
de la personne avec le monde réel et avec autrui, relations qui sont aussi
ancrées dans le monde. C’est pourquoi la méthode IPA considère l’expé-
rience comme un processus dynamique pourvu du sens donné par la
personne. Cependant, une limite de la philosophie phénoménologique,
et de l’IPA, est que l’expérience d’être un corps-dans-le-monde, ne pour-
ra jamais être entièrement captée de l’extérieur : la joie ou le chagrin
d’autrui seront toujours des phénomènes personnels enracinés chez le
corps comme sujet et l’observateur, malgré une attitude d’empathie et
une écoute à la première personne, ne pourra que les approcher.
1.2. L’herméneutique
Deuxième axe théorique de l’IPA, le terme herméneutique dérive
du mot grec hermeneutikè qui est traduit par « l’acte d’interpréter ».
L’herméneutique dite ancienne, a ses origines dans la logique aristotéli-
cienne (développée prioritairement dans l’Organon), mais, certains phi-
losophes et littéraires contemporains, qui travaillent avec l’herméneu-
tique dite nouvelle, situent ses origines surtout dans la Poétique et dans la
Rhétorique d’Aristote. Indépendamment de la polémique sur ses origines,
l’herméneutique s’occupe de l’interprétation des textes religieux (exégèse),
mais aussi juridiques, philosophiques, historiques et littéraires, de sorte
que l’on parle d’herméneutique pour l’interprétation des textes en général.
1. Hans-Georg Gadamer et Martin Heidegger sont mentionnés et leurs contributions à l’IPA déve-
loppées par Smith et al. (2009). Pour ces auteurs, et pour l’auteur de ce livre, l’idéologie de Hei-
degger ou celle de Gadamer est étrangère aux aspects des travaux que nous citons.
Sur la base des contributions (à peine esquissées ici) des auteurs her-
méneutes, l’IPA propose le cercle herméneutique, qui prend en compte
la relation dynamique entre la partie et le tout à différents niveaux, ce
qui permet une pensée non-linéaire. Voyons plus concrètement à quoi
correspondent ces termes : si la partie est le mot, le tout est la phrase ;
si la partie est l’extrait, le tout est le texte complet ; si la partie est l’en-
tretien, le tout est le protocole de recherche ; si la partie est un événe-
ment, le tout est la vie. L’idée mise en avant est un processus itératif : par
exemple, le sens d’un mot devient clair uniquement dans le contexte de
la phrase qui le contient, laquelle devient plus claire au sein d’un extrait,
etc. Cependant, on peut et on doit, aller de la phrase au mot de la même
manière qu’on est allé du mot à la phrase (ou du protocole de recherche
à l’entretien, ou de la vie entière à un événement…). Le chercheur IPA
« se déplace » vers l’avant et vers l’arrière au cours de l’étape d’interpré-
tation. Il bannit toute notion de diagramme de flux hiérarchique pour
pénétrer la signification de ce qui est dit ou écrit à partir des niveaux
différents, sachant que chaque niveau est en lien avec les autres et que
tous les niveaux pourraient contenir des perspectives différentes de la
cohérence dynamique « partie-tout » du texte ou du discours transcrit.
À titre d’exemple, on verra un cercle herméneutique, où la partie est la
rencontre avec un nouveau participant et le tout, la biographie de l’investi-
gateur. C’est la voix de ce dernier qu’on entend : « Je commence à un point
précis du cercle, immergé dans mes préoccupations, influencé par mes préju-
gés et préconceptions, guidé par mon expérience et mon savoir-faire. À partir
de là, j’essaie, soit de mettre le tout entre parenthèses, soit, au moins d’en être
conscient. Je vais à la rencontre d’un participant du protocole de recherche
qui est à l’autre bout du cercle. Indépendamment de mes préoccupations, j’ai
bougé d’un point où je suis le centre à un autre point où le participant est le
centre d’attention. À mesure que je me concentre sur son histoire, je l’aide à
découvrir son expérience. Ceci exige un niveau intense d’attention et une vo-
lonté d’engagement professionnel vis-à-vis de son récit. À la fin de l’entretien,
je retourne à mon point de départ, je retourne chez moi et je commence à
analyser les données recueillies à partir de ma perspective initiale, influencé
par mes préconceptions et par mon expérience. Cependant, je suis à présent
inexorablement changé par la rencontre avec mon/ma participant/e et son
histoire. Alors, je commence à avancer en suivant des mini-cercles virtuels :
je reprends dans ma tête l’entretien avec la personne, je réécoute mentale-
ment sa voix, lui pose des questions, et j’essaie de donner une signification
à tout ça. En fait, les différents processus du cercle herméneutique entre la
1. “The insightful case study may take us into the universal because it touches on what it is to be human at its
most essential.”
3. Clinique appliquée
Un constat très intéressant en lien avec le sujet traité dans ce livre, est
que dans une grande majorité des cas, l’approche IPA met le self au
centre de l’investigation. Ce résultat est dû à sa caractéristique essen-
tielle qui consiste à analyser des événements qui comportent une charge
émotionnelle et existentielle, à partir d’une perspective qualitative, in-
ductive et approfondie. Dans ce contexte, la relation entre le thème de
l’étude, quel qu’il soit, et le self apparaît tout naturellement. Qui plus
est, l’IPA réussie est l’IPA qui se centre sur le self. Smith et al. (2009)
constatent que la grande majorité des méthodes cliniques qui font par-
tie de la psychologie actuelle, n’ont pas cette caractéristique de révéler
systématiquement le sens du self.
1. Cette mesure de fiabilité est exclusive aux méthodes qualitatives et elle constitue un avantage
vis-à-vis de la méthode quantitative qui ne saurait pas être représentative des personnes indivi-
duelles faisant partie de l’étude (voir plus haut, La dimension idiographique).
les mêmes qu’avant la maladie (e.g. « on va à l’église comme avant, non,
ça n’a pas affecté du tout… »). Les difficultés de mémoire n’impliquent
pas la détérioration du sens du self (e.g. « toujours le même… la joie de
vivre, aimer ma femme et ma fille, bricoler… rien de tout ça n’a changé,
c’est juste ma mémoire qui est devenue mauvaise ! »).
–– Pour transmettre l’expérience de changements, les participants se
réfèrent surtout à des aspects concrets tels que certaines réactions émo-
tionnelles ou des symptômes de la maladie, plutôt qu’à des changements
de la personnalité. Ainsi, neuf personnes ont décrit des difficultés co-
gnitives et parfois des conséquences des altérations du fonctionnement
mental (e.g. un patient qui avait remarqué qu’il n’arrivait plus à trou-
ver ses mots comme avant la maladie : « …je ne peux pas répondre aux
gens… ça c’est complètement différent de comment j’étais avant… »).
Dans ce cas concret, l’identité de soi semble avoir été indirectement af-
fectée par le manque de mots précis, ce qui provoquait des problèmes
de langage et de communication et qui s’était soldé par un certain iso-
lement social du patient. Quant aux réactions émotionnelles directe-
ment provoquées par la maladie, la colère et la frustration sont les plus
fréquemment mentionnées. Ces sentiments sont dans la plupart des cas
tournés vers la personne elle-même face aux oublis de noms, d’événe-
ments, etc. et aux doutes répétés de ne pas savoir si ce qu’elles sont en
train de dire a déjà été dit ou non.
–– La tension entre le self intact et des changements qui touchent l’iden-
tité s’est manifestée chez les patients à différents moments de l’entre-
tien. Par exemple, une participante disait « je suis une maman comme
d’habitude, vous savez, je ne pense pas du tout avoir changé », mais peu
après elle ajoutait « j’ai dit à mon mari ça y est, c’est en train de lâcher
maintenant ! »).
En résumé, les auteurs indiquent que pour cette première théma-
tique, malgré la tension observée entre les deux pôles, c’est le maintien
« d’appartenance à soi-même » (selfhood) qui était le plus présent dans
les expériences décrites par les patients, plutôt que les changements de
personnalité dus à la maladie. Peu de participants ont décrit des change-
ments importants et aucun n’a mentionné de changements de croyances
religieuses, convictions politiques ou attitudes en général.
ils ont reconnu certains effets négatifs de la maladie et les ont clairement
exprimés.
Bien que Caddle et Clare (2011) ne fassent pas de commentaires au-
delà du constat de la tension, il est possible que pour qu’une personne
considère que sa vie de tous les jours a changé, il faut, soit des événements
externes, soit peut-être des changements importants au niveau corporel
limitant, par exemple, les actions indispensables de la vie quotidienne.
Tant qu’ils expérimentent des changements dus aux oublis, au manque
de mot précis, etc., la vie de tous les jours ne doit pas leur sembler altérée.
4) Même relation avec les autres versus ce n’est plus moi
–– Les patients de cette étude habitaient tous chez eux, soit avec leur
conjoint, soit avec un proche. Ils ont tous exprimé combien il était im-
portant pour eux de constater que les relations avec l’autre, conjoint ou
proche, étaient les mêmes qu’avant le diagnostic (« Je ne sens pas qu’ils
aient changé avec moi parce que j’ai des problèmes de mémoire… »).
Tous les participants ont commenté combien les relations avec leur
famille, leurs amis et même avec des personnes qu’ils rencontraient
par hasard comptaient pour eux (« Quand je vais au marché acheter
quelque chose, tout le monde papote, vous savez, on peut toujours ba-
varder un peu avec quelqu’un » ; « J’ai une épouse excellente, elle m’aide
toujours… et j’ai une fille merveilleuse, en plus j’ai beaucoup d’amis, je
ne peux pas demander plus ! »).
–– Cependant, malgré ces constats positifs de relations intactes, quatre
patients, plus particulièrement, ont exprimé des changements dans leurs
relations avec des proches et des amis (« elle voudrait sortir et ame-
ner son mari : moi, mais je préfère ne pas y aller… » ; « Les gens ont dû
remarquer, n’est-ce pas ? … ils doivent le savoir… »).
La tension dans cette thématique est très présente. Huit partici-
pants ont commenté que les relations avec les autres étaient intactes,
et en même temps, ils ont fait part de changements dans ces relations
(« …nous avons toujours ce lien, tout est pareil » ; « … parfois je dois
faire un effort pour ne pas me fâcher avec elle (épouse), … ce n’est pas sa
faute si j’oublie… »). Ces deux commentaires faits par le même patient
montrent de quelle manière la maladie peut affecter les relations, même
celles qui étaient exceptionnellement harmonieuses avant le diagnostic
de démence.
la même vie, à faire les mêmes activités et à avoir les mêmes relations
avec leurs proches. Dans ce contexte, le message clinique de ce travail est
de faciliter les activités et les relations avec les autres. Je voudrais ajou-
ter aux constats de Caddle et Clare (2011), que cette facilitation devrait
inclure un travail en lien avec la famille. Ce type de clinique, ancrée dans
la vie réelle, est de plus en plus pratiqué avec diverses populations cli-
niques (voir, par exemple, le travail de Ponsford et al., 2013 qui incluent
la famille et une équipe pluridisciplinaire pour le suivi des patients trau-
matisés crâniens dans leur centre). Par ailleurs, en suivant Caddle et
Clare (2011), il faudrait également faire en sorte que les patients puissent
exprimer les sentiments et les émotions provoqués par la situation diffi-
cile où ils se trouvent, suite à un diagnostic de démence. Le contexte ici
serait idéalement le travail en groupe. De manière plus générale, il faut
sensibiliser tous les personnels hospitaliers en contact avec les patients
pour mettre en avant les capacités encore présentes chez ces derniers, et
éviter dans la mesure du possible les situations d’échec.
Par ailleurs, il faut s’adresser aux patients comme à des adultes ma-
lades et ne pas les infantiliser. Du point de vue d’éventuels protocoles de
recherche, il faut éviter de demander aux patients leur participation à
des investigations qui ne comportent pas d’hypothèses cliniques, mais
uniquement des hypothèses de recherche expérimentale. Ces derniers
protocoles peuvent être d’un certain intérêt pour les psychologues ex-
périmentalistes ou cognitivistes, voire pour les statisticiens, cependant,
il semble difficile d’imaginer un quelconque bénéfice pour le patient.
Les mesures chronométrées de temps de réaction des malades d’Alzhei-
mer aux tâches attentionnelles, pour donner un exemple caricatural,
risquent de les fatiguer et de leur faire ressentir une grande frustration,
ce qui est très loin des objectifs d’une clinique bien comprise. En effet,
plutôt que d’avoir comme but de « faire l’examen cognitif de 500 pa-
tients déments en trois mois », toute intervention auprès de patients
atteints de démence qui se voudrait déontologique, devrait donner une
place importante au sens du self, en ayant constamment à l’esprit que
le maintien de leurs activités et de leurs relations implique le maintien
de l’identité de soi. Supposer que la démence détruit le self peut être la
source d’un manque de considération et de respect pour la personne ma-
lade : nous avons tous, professionnels ou non, l’obligation éthique d’évi-
ter ces manquements à l’égard des patients, en général, et des patients
déments, tout particulièrement. Plutôt que d’enseigner à nos étudiants
à « se passer de cliniciens » et à réussir des prouesses technologiques,
plus savoir de quoi serait fait le lendemain. L’identité de soi est ainsi
affectée au premier plan, la personne ne sachant plus de quoi elle est
encore capable ni qui elle sera dans l’avenir.
4) Relations et dépendance
Dépendre des autres, pour tous les participants, comporte des répercus-
sions très importantes sur les relations interpersonnelles. Nous avons vu
dans l’étude de Caddle et Clare (2011) combien les relations avec autrui
représentent un facteur central dans le maintien du self, chez les patients
atteints de SEP, ces relations sont constamment mises à l’épreuve. Le
problème qui est évoqué dans ce thème est que leurs aidants prenaient
trop d’initiative et trop de place, ne laissant plus rien faire au malade.
Cette attitude créait une frustration grandissante : « ils nous tuent avec
leur gentillesse ! ». Tous les patients auraient voulu maintenir un certain
niveau d’activité, même si la moindre des actions prenait deux fois plus
de temps. La difficulté relationnelle est accrue par le malaise évident de
certains aidants qui affirmaient que parfois, être l’aidant d’un patient
SEP pouvait s’avérer plus difficile que d’être un patient SEP.
5) Les autres
« Les gens sont dans l’embarras parce qu’ils ne savent pas comment réa-
gir (face au malade SEP) ». Cette impression est présente chez tous les
patients. Ils souffrent à cause de la manière dont les autres les traitent,
ce qui fait souhaiter à une patiente que certains passent une semaine
en fauteuil roulant : « on verrait comment ils se débrouillent, comment
sont leurs relations avec les autres et comment les autres réagissent (en
les voyant dans un fauteuil roulant) ». Le sentiment qu’ils partagent tous
semble être que la SEP, en rendant les actions et surtout la marche dif-
ficiles, transmet à autrui une image d’invalidité générale qui peut être
blessante (e.g. au moment du café, quelqu’un s’adresse à l’époux de la
patiente pour savoir si elle prend du sucre). Ces expériences montrent à
quel point l’image de soi est mise à mal chez les personnes atteintes de
SEP à cause du regard de certains autres. Néanmoins, elles expriment la
détermination de se battre le plus longtemps qu’elles en seront capables
pour maintenir une activité aussi proche de la normale que possible, par
exemple, continuer à marcher sans canne, même si parfois il leur arrive
de tomber.
Synthèse et conclusions
Ce chapitre avait comme objectif principal la description d’une approche
expérientielle, l’IPA, qui a des applications, entre autres, en psycholo-
gie sociale, psychologie de la santé et neuropsychologie clinique. C’est
dans ce dernier domaine qu’elle a été commentée ici. Cette méthode
est phénoménologique en ce qu’elle est consacrée à la compréhension
de l’expérience vécue et au sens donné à l’expérience. Ce sont ces deux
éléments que le chercheur IPA interprète en suivant les principes de
l’herméneutique. L’IPA est une approche de recherche au cas par cas,
cependant l’interprétation peut, soit rester au niveau de chaque cas
étudié, soit englober plusieurs cas particuliers et homogènes en termes
d’une caractéristique préétablie et qui est l’objet de l’investigation. La
réussite d’un protocole IPA nécessite beaucoup de temps de la part de
l’investigateur, ainsi que la maîtrise des façons nouvelles de réaliser la
recherche.
L’application clinique de cette approche, dans la deuxième partie du
chapitre, est centrée sur deux conditions neurologiques, la démence et
la sclérose en plaques. Plus particulièrement, sur la menace que le pro-
cessus démentiel pose au sens du self des personnes qui en sont atteintes
et sur les risques de confusion et détresse psychologique que les change-
ments physiques et psychologiques comportent pour le patient atteint
de SEP. En suivant de près l’étude de Caddle et Clare (2011), pour la dé-
mence, nous avons vu que le trait fondamental du vécu de la démence,
au stade léger, est exprimé par les patients en termes d’une tension entre
la continuité et le changement de leur identité. La continuité a été plus
souvent associée aux aspects centraux du self comme les traits de per-
sonnalité ou les activités, alors que les changements décrivaient plus vo-
lontiers, les symptômes de la maladie, notamment les oublis, ou de l’âge,
comme le ralentissement des mouvements influant sur la réalisation des
activités. Par ailleurs, dans l’étude d’Irving et al. (2009) concernant la
SEP, c’est avant tout l’impact sur le self des changements physiques inva-
lidants et la façon dont les patients font face à cette condition que les
auteurs ont mise en avant. En lien avec la SEP, nous avons vu également
une série de travaux sur la mémoire autobiographique qui est détermi-
nante pour la continuité phénoménologique.