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La Relation d'Adriaen Martensz Block

Article · June 2000

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Pierre Brial

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La Relation d’Adriaen Martensz Block
Pierre Brial

L’île de La Réunion est aujourd’hui un département français de l’Océan Indien. Elle est située à l’Est de
Madagascar, par 21 degrés de latitude Sud et 55 degrés de longitude Est. Cette île est entrée dans l’Histoire
en 1502, en étant pour la première fois représentée sur une carte géographique, le planisphère de Cantino 1.
Le nom de son découvreur est inconnu, mais au cours du XVIème siècle sa position sur les cartes va se préci -
ser, sous les noms de Mascarenhas ou Santa Apollonia 2. L’île de La Réunion était donc bien connue, mais cu-
rieusement, aucun écrit relatant son exploration pendant ce siècle n’est parvenu jusqu’à nous.

La plus ancienne relation que nous connaissions était celle du Pearl, navire anglais sous les ordres du ca-
pitaine Samuel Castleton, qui aborda l’île de La Réunion, alors inhabitée, le 23 mars 1613 3. Six ans plus tard,
le capitaine hollandais Willem Ysbrantsz Bontekoe y fit une escale de 21 jours. Il découvrit dans la baie de
Saint-Paul « une planche où on avait écrit avec des lettres gravées que le commandant Ariaen Maertsz Block
avait été là avec une flotte de treize vaisseaux. » 4
La flotte du capitaine Adriaen Martensz Block avait quitté Texel, en Hollande, le 29 décembre 1611 pour
Bantam en Indonésie 5. S’il existait une description de La Réunion par l’un des membres de cette expédition,
celle-ci serait antérieure à celle du Pearl.
Le Algemeen Rijksarchief, Service des Archives d’État des Pays-Bas, est dépositaire des documents de la
Verenigde Oostindische Compagnie (Compagnie Hollandaise des Indes Orientales), mais il ne possède aucun
journal de bord des vaisseaux ayant été sous le commandement de Block en 1612 et en 1613. Ce service dé -
tient toutefois, sous le numéro 594 de l’inventaire de la V.O.C., une lettre écrite par Block à Bantam et datée
du 6 décembre 1612. Dans ce courrier manuscrit adressé aux gouverneurs de la Compagnie, Block relate les
péripéties de son voyage et décrit son séjour à La Réunion, qu’il appelait alors « Eylandt de Mascarenhas ».
Voici la version originale du texte, premier témoignage connu décrivant l’île de La Réunion6 :

« Daer na den derde Augustig als wij meynden te vervallen aen Mauritius eylandt cregen wij int gesicht
het eylandt de Mascarenhas liggende op de hoochte van 21 graden bij suijden de middellinie omtrent 20 mij -
len westwaerts van Mauritius daer wy door de oost zuydt oost ende ooste winden wesen conden comen / alsoo
dat wij aen dit eijlandt de Mascarenhas mosten reede soechen ende quarmen den 6de ditto aende nord west
zijde in een seer wyde baeij ten ancker op 25.30. ende 35 vademen goede swarte sandtgrondt alwear wij aen
land comende / bevonden tusschen t'hooge geberchte ende den zeeskandt een schoon versch water / vol vuijt-
nemende schoone ende menigerleije visch / ende beffens den candt van t'selve water was het landt met me-
nichte van allerleij gevogelte overgoten / meest gansen / eijntvogels reijgers duijven ende papgaaijen ende
veel ander groot ende cleyn gevogelte t'welcke wij alle genen namen en conden geven / sulcks dat wij alhier
eene seer goede ververssinge vercregen / ande alles sonder veele moeijten te doe ons genoughsaem inden
mondt viel sonder dat ijemant onder stondt om bocken of glijten te becomen welcke int geberchte tot ver -
scheijden stonden int groot en cleyn getal gesien werden / water en branthout is hier met gemack ende in
abondantie te becomen / ende op dat eijlandt bij uwer E. vlooten ande schepen in plaetse van aen Mauritius
te loopen meer mochten werden versocht / hebben ick goet gevonden daer van een cleijn bewerp neffens desn
over te seijnden vertreckende. »

« Après le 3 août, alors que nous pensions nous diriger vers l’île Maurice, nous aperçûmes l’île de Mas -
carenhas, qui est située à la latitude de 21 degrés au Sud de l’Equateur et à approximativement 20 lieues à
l’Ouest de Maurice. A cause des vents d’Est Sud-Est et d’Est nous ne pouvions nous diriger que vers l’Ouest,
aussi nous dûmes chercher un ancrage à cette île de Mascareigne. Nous en trouvâmes un le 6 de ce mois sur
la côte Nord-Ouest dans une baie très large, par 25, 30, et 35 brasses, fond de bon sable noir, où nous débar -
quâmes. Nous trouvâmes entre les hautes montagnes et le bord de mer une étendue d’eau douce délicieuse et
propre, pleine de poissons extraordinairement beaux et variés, et sur les rives de cette eau la terre était rem-
plie d’une multitude de toute sorte de volaille, surtout des oies, des canards, des hérons, des tourterelles et
des perroquets, et plein d’autres oiseaux petits et grands dont nous ne connaissions pas les noms. Ainsi nous
avons obtenu ici de très bons rafraîchissements ; tout nous tombait sous la main sans effort, et personne n’a
éprouvé le besoin d’aller attraper les boucs ou les chèvres que nous avions vu plusieurs fois dans les mon-
tagnes en troupeaux plus ou moins importants. L’eau et le bois pour le feu sont ici en abondance et aisés à
obtenir, et comme les vaisseaux et flottes de vos excellences, au lieu d’aller à Maurice, trouveront de
meilleurs approvisionnements dans cette île, j’ai pensé utile de vous en envoyer cette brève description. »

Bull. Soc. Géog. Réunion, n°1, p.3


Le visiteur moderne de l’île de La Réunion, s’il est un tant soit peu intéressé par l’histoire naturelle du
pays qu’il découvre, s’étonnera de la pauvreté et de la discrétion de la faune. En un retour en arrière de 387
ans, Block nous offre la vision d’une île de La Réunion incroyablement différente de ce qu’elle est aujour -
d’hui. L’expression enthousiaste « remplie d’une multitude de toute sorte » nous apprend à quel point la
faune était riche et abondante, et fait mieux ressentir l’impact néfaste que peut avoir une colonisation hu -
maine, même limitée comme ce fut le cas ici, sur une île jusqu’alors déserte. Il est intéressant de noter que
malgré les conseils de Block, les hollandais ne tentèrent jamais de coloniser La Réunion, mais fondirent un
établissement sur l’île voisine de Maurice en 1638.

Pierre Brial, St-Gilles-les-Hauts le 14 juin 2000

Remerciements : je tiens à adresser mes remerciements les plus vifs à toutes les personnes qui m’ont aidé
dans cette recherche, en particulier à Nick Burningham, pour les renseignements sur les voyages hollandais
anciens, à Adriaan de Jong et Frans La Poutré, pour la traduction du manuscrit de Block, à Jean Michel
Probst, pour m’avoir encouragé à poursuivre des recherches sur l’Histoire ancienne de l’île de La Réunion, et
enfin à André Brial, mon père, pour la relecture finale de ce document.

1. North-Coombes, Alfred (1994), La Découverte des Mascareignes, Floréal, île Maurice ;


2. Mollat du Jourdin, M. et De la Roncière (1984), Les Portulans, Fribourg, Suisse ;
3. Lougnon A. (1970), Sous le signe de la Tortue, réedition Azalées Editions, Saint-Denis 1992 ;
4. Bontekoe, Villem Ysbrantsz (1619), Memorable Description of the East Indian Voyage, AES New Delhi,
1992, d’après « Journael ofte gendenckwaerdige Beschryvinge van de Oost-Indische Reyse van W.Y.
Bontekoe van Hoorn », 4to. Rotterdam, 1674 ;
5. Comm. Pers. Nick Burningham, Duyfken 1606 Replica Foundation (cf. http://www.duyfken.org.au), 31
décembre 1998, d’après Bruin, J.R., Gaastra, F.S., et Schoffer, I., (1979), Dutch-Asiatic Shipping in the
17th and the 18th centuries ;
6. Traduction par Adriaan de Jong (Perth, Australie) et Frans La Poutré (Bathmen, Pays-Bas).

Bull. Soc. Géog. Réunion, n°1, p.4

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