You are on page 1of 109

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-068-A-05

22-068-A-05

Examen d’un traumatisé facial


P Duhamel
O Giraud
F Denhez
Résumé. – Le traumatisme facial se définit comme l’ensemble des lésions de nature traumatique touchant la
D Cantaloube
partie antérieure de l’extrémité céphalique, limitée en haut par un plan passant par la base du crâne et en bas
par une ligne horizontale passant par l’os hyoïde. Ces lésions regroupent les solutions de continuité du
squelette osseux de la face, mais également les atteintes des parties molles de recouvrement, voire des
espaces profonds de la face, des éléments vasculonerveux et glandulaires.
L’examen clinique d’un patient victime d’un traumatisme facial isolé, ou associé à d’autres lésions dans le
cadre d’un polytraumatisme, constitue la première étape de la prise en charge diagnostique et thérapeutique,
quels qu’en soient le mécanisme et la violence. L’approche diagnostique, grandement favorisée par les
progrès de l’imagerie moderne et notamment par l’apport de la tomodensitométrie bi- et tridimensionnelle,
doit continuer à reposer sur un examen clinique complet. De cet examen clinique et des gestes salvateurs en
découlant peuvent dépendre, parfois le pronostic vital à court terme, toujours les choix thérapeutiques et
l’évolution ainsi que le pronostic fonctionnel et esthétique à moyen et long termes.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : traumatisme face, examen physique, prise en charge, plaies et traumatismes, brûlure, fracture,
radiologie, tomodensitométrie.

Introduction Bilan des fonctions vitales, gestes


Le traumatisme facial se définit comme l’ensemble des lésions de
salvateurs et d’urgence [6, 12, 18, 23, 25]

nature traumatique touchant la partie antérieure de l’extrémité L’examen clinique d’un traumatisé facial débute sur les lieux mêmes
céphalique, limitée en haut par un plan passant par la base du crâne de l’accident, par une évaluation rapide des fonctions vitales : pouls,
(ligne passant par la suture nasofrontale, le rebord orbitaire pression artérielle, fréquence respiratoire et état de conscience, à la
supérieur, la suture frontomalaire et l’arcade zygomatique), et en recherche d’urgences aiguës asphyxiques et/ou hémorragiques,
bas par une ligne horizontale passant par l’os hyoïde (fig 1). susceptibles d’engager le pronostic vital à très court terme. Il permet
Ces lésions regroupent à la fois les atteintes des plans de couverture également d’effectuer un rapide bilan des différentes lésions, et, dans
cutanéomuqueux et musculoaponévrotiques, des éléments le cadre d’un polytraumatisme, de hiérarchiser les étapes de la prise
vasculonerveux, glandulaires, mais également les solutions de en charge thérapeutique du blessé.
continuité du squelette osseux de la face. En pratique, les limites D’un point de vue étiopathogénique, les mécanismes lésionnels
anatomiques imposées par l’usage (couvre-chef et cravate) ne sont impliqués sont variés.
plus de mises, car le traumatisme facial concerne non seulement la
Les troubles asphyxiques peuvent être liés à :
face, mais également les confins craniofaciaux et cervicofaciaux.
L’examen clinique d’un traumatisme facial isolé ou associé dans le – des causes locorégionales telles que les obstacles sur les voies
cadre d’un polytraumatisme constitue la première étape de la prise aériennes supérieures ou en amont. Il peut s’agir :
en charge diagnostique et thérapeutique, quels qu’en soient le – de corps étrangers de nature variable (sang mêlé de salive,
mécanisme et la violence. De cet examen clinique et des gestes caillots ou vomissements, fragments dentaires, appareils dentaires,
salvateurs en découlant peuvent dépendre, parfois le pronostic vital débris projectilaires ou vestimentaires), qui peuvent siéger dans
à court terme, toujours les choix thérapeutiques et l’évolution, ainsi le rhino- ou l’oropharynx, voire plus en aval ;
que le pronostic fonctionnel et esthétique à moyen et long termes.
– d’un hématome de la langue, du plancher buccal, du palais
Les progrès de l’imagerie moderne, et plus particulièrement ceux
mou, voire d’une dislocation de la pyramide nasale ou de lésions
apportés par la tomodensitométrie, représentent une aide
complexes pharyngo-laryngo-trachéales ;
diagnostique indéniable confrontée aux données de l’examen
clinique. – d’une chute de la langue en arrière dans les fractures
parasymphysaires bilatérales de la mandibule, par rupture des
attaches antérieures (éventualité extrêmement rare sauf en cas de
traumatisme balistique) ;
Patrick Duhamel : Assistant des Hôpitaux des Armées.
Olivier Giraud : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. – d’un œdème des voies aériennes supérieures chez les brûlés de
Franck Denhez : Chirurgien dentiste des Armées, adjoint au chef de service. la face, souvent associé à une inhalation de suies et de vapeurs
Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service.
Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Percy,
toxiques qui altèrent les échanges gazeux respiratoires et
101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. l’hématose (sueurs, dyspnée, cyanose) ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Duhamel P, Giraud O, Denhez F et Cantaloube D. Examen d’un traumatisé facial. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Stomatologie, 22-068-A-05, 2002, 24 p.
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

Tiers latéral Tiers vertical Tiers latéral 1 Divisions de la face (d’après J Pons).
droit médian gauche
supérieur
Étage
moyen
Étage
inférieur
Étage

– des causes centrales par altération des fonctions neurologiques 2 Traction sur la langue à l’aide d’une
végétatives : troubles de la déglutition accompagnant des troubles broche de Kirschner transfixiante (d’après J
de conscience, perte du réflexe de toux, atteinte des centres Pons).
respiratoires du tronc cérébral… ;
– des causes périphériques : hémopneumothorax suffocant par
exemple.
En ce qui concerne les troubles hémorragiques, les traumatismes
faciaux isolés en sont peu générateurs, sauf les plaies du scalp et les
gros traumatismes balistiques par armes à feu, qui peuvent être à
l’origine de déperditions sanguines parfois importantes par
hémorragie extériorisée ou non, au niveau d’une plaie ou d’un des
orifices naturels. Les hémorragies peuvent être aussi internes ou
mixtes sous la forme d’hématomes.
Sans délai, des mesures d’urgence doivent être entreprises sur le trachéale). Elle consiste à effectuer une ponction inter-
terrain. Elles ont pour but d’assurer en priorité et de concert, la cricothyroïdienne à l’aide de Kits type « Quick trackt » ou « mini-
liberté des voies aériennes supérieures et l’hémostase. track », et doit être rapidement relayée par une trachéotomie.
La liberté des voies aériennes supérieures, air way des Anglo-Saxons, Dans des circonstances exceptionnelles :
est assurée par : – une traction sur la langue à l’aide d’une compresse ou d’une
broche de Kirschner fine transfixiant la joue en avant du masséter,
– l’installation du blessé, idéalement en position demi-assise devant
puis la langue et la joue opposée à la façon d’un « fakir », peut
un traumatisme facial isolé et en l’absence de lésions du rachis
également être utilisée, notamment dans le cadre des fractures
cervical ; ou, en cas de doute, et alors en toute sécurité : en décubitus
parasymphysaires bilatérales de mandibule. Il s’agit là d’un procédé
latéral (position latérale de sécurité) ;
astucieux et rapide, bien toléré, permettant de fixer temporairement
– la désobstruction de la cavité buccale au doigt, par aspiration et la langue dans une position anatomique autorisant la déglutition
en faisant tousser le patient ; (fig 2) [25] ;
– une canule de Mayo ou de Guedel, qui permet d’éviter la chute – en dernier recours, la manœuvre de Heimlich peut être utilisée,
de la langue en arrière ; face à un corps étranger enclavé dans les voies aériennes
– l’intubation par voie orotrachéale, réalisée après légère sédation supérieures. Cette manœuvre consiste à appliquer une brusque
et sous anesthésie locale. L’intubation nasotrachéale ne sera effectuée pression au creux épigastrique du patient, à direction
qu’après un bilan radiologique, afin d’éliminer une lésion de l’étage antéropostérieure et vers le haut, afin d’obtenir l’expulsion du corps
antérieur avec effraction de l’ethmoïde, compte tenu des risques étranger enclavé par hyperpression dans les voies aériennes.
septiques par brèche ostéoméningée, et d’aggravation lésionnelle ; L’hémostase peut être obtenue par plusieurs procédés :
– la trachéotomie, qui permet de court-circuiter l’oropharynx. Elle – une compression digitale ou instrumentale par pince
peut être réalisée par voie sus- ou transisthmique, avec une incision hémostatique, relayée par la mise en place d’un pansement ou
cutanée médiane verticale ou horizontale. Ses indications sont : les bourdonnet compressif, dans l’attente d’une ligature artérielle ou
corps étrangers enclavés ou un œdème important, l’intubation veineuse élective ;
impossible, les gros fracas de la face, et les lésions complexes – les hémorragies extériorisées par les fosses nasales sous la forme
pharyngo-laryngo-trachéales nécessitant une ventilation au long d’épistaxis, relèvent d’abord d’un tamponnement nasal antérieur par
cours, enfin la pathologie de masse avec surveillance difficile de mèches grasses ou hémostatiques, parfois associé à un
nombreux blessés ; tamponnement postérieur avec compresses packing. Une sonde
– la coniotomie, réservée aux extrêmes urgences, compte tenu de sa urinaire à ballonnet gonflable peut être utilisée dans un contexte
rapidité de mise en place mais aussi des séquelles possibles (sténose d’urgence (fig 3) ;

2
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

*
A
*
C

3 Tamponnement nasal (d’après J Pons).


A. Tamponnement nasal antérieur.
B. Tamponnement nasal postérieur
C. Tamponnement nasal mixte.

*
B

4 Tamponnement buccal
et jugal par bourdonnets
compressifs en coupe fron-
tale.

– les hémorragies du plancher buccal ou de la joue peuvent faire


l’objet de points en U larges transfixiants, appliqués sur des
bourdonnets (fig 4).
En milieu spécialisé et dans un contexte d’urgence, l’hémostase peut
être obtenue dans le cadre de la radiologie interventionnelle par
embolisation sélective au décours d’une artériographie (fig 5). Il est
exceptionnel d’avoir à réaliser l’hémostase au bloc opératoire par
ligature d’une des deux carotides externes, entre l’artère
thyroïdienne supérieure en amont et l’artère linguale en aval, en
regard du classique triangle de « Farabeuf » ; celle-ci ne se justifiant
qu’après échec de toutes les mesures précédemment mises en place
(fig 6). 5 Artériographie pour épistaxis incoercible après traumatisme facial type Le Fort III.
Lorsque l’hémostase et la liberté des voies aériennes supérieures ont
été assurées, les mesures de réanimation sont complétées par : 6 Site électif de ligature de l’artère carotide externe. 1.
1 2 carotide externe ; 2. carotide interne ; 3. artère linguale ;
– la mise en place d’une ou deux voies veineuses périphériques de
3 4. site électif de ligature de l’artère carotide externe ; 5. ca-
bon calibre, voire une voie veineuse centrale type voie fémorale,
permettant un remplissage vasculaire par solutés macromoléculaires rotide primitive.
de type Plasmiont avec compensation volume par volume, dans 4
l’attente d’une transfusion isogroupe isorhésus, si elle est nécessaire.
Parallèlement, des prélèvements sanguins sont effectués, en
prévision d’une intervention chirurgicale en urgence avec :
numération-formule sanguine, hémoglobine, hématocrite, groupage
sanguin, bilan de coagulation, rhésus, recherche d’anticorps
irréguliers ;
5
– la mise en condition d’évacuation du blessé, qui achève la prise
en charge initiale sur le terrain comprend :
– une immobilisation par attelles et matelas coquille, avec – une lutte contre l’infection par antibiothérapie à visée
maintien de l’axe craniorachidien en rectitude ; antianaérobies. Celle-ci sera instaurée devant une plaie souillée

3
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

profonde, et en cas de délai d’évacuation vers l’échelon hospitalier


supérieur à 6-8 heures. Elle sera systématiquement associée à la Bilan lésionnel complet
prophylaxie antitétanique ;
– enfin, une protection thermique, une lutte contre la douleur
associées à une oxygénothérapie, et éventuellement une
neurosédation dans les traumatismes craniofaciaux, complètent
cette prise en charge initiale.

Interrogatoire
L’interrogatoire du patient, parfois difficile voire impossible selon
son état, doit être complété par les informations fournies par
l’entourage, la famille du blessé, les témoins et les premiers
intervenants de la chaîne des secours, notamment les données
7 Bilan lésionnel complet d’un traumatisé maxillofacial.
recueillies par les services d’urgence sur les fiches de transport et
d’évacuation (Service médical d’urgence régional [SMUR] ou L’examen, méthodique, est successivement local, régional puis
sapeurs-pompiers). général.

– Il est important de connaître l’âge et le sexe du patient, l’horaire


de survenue, le lieu et les circonstances de l’accident : accidents de EXAMEN LOCAL : MAXILLOFACIAL
la voie publique (voitures, camions ou deux-roues), accidents du ET STOMATOLOGIQUE
travail, accidents de sport, accidents domestiques, rixes, chutes, L’examen local vise à rechercher les déformations caractéristiques
traumatismes balistiques avec projectiles et agents vulnérants divers visibles au stade initial, mais rapidement masquées par l’œdème,
et variés, plaies par armes blanches, brûlures, morsures. parfois impressionnant, dans les heures qui suivent le traumatisme.
– Le mécanisme direct ou indirect, le point d’impact et la violence L’examen clinique bien conduit doit être le plus précoce possible,
du traumatisme doivent également être connus. réalisé de façon bilatérale et symétrique.

– L’heure du dernier repas et le délai écoulé sont utiles en cas ¶ Examen exobuccal
d’indication opératoire urgente, pour adapter l’anesthésie (estomac
vide ou plein), ou en cas d’associations lésionnelles. Inspection
– La notion de perte de connaissance initiale, complète ou non, et Elle se fait de face, de profil, en vue plongeante (l’examinateur se
sa durée est importante, ainsi que le délai de la reprise de conscience plaçant en arrière) et à jour frisant, étage par étage : tiers supérieur,
immédiat ou secondaire, c’est-à-dire la notion d’intervalle libre tiers moyen, tiers inférieur dans un plan horizontal, tiers médian et
faisant craindre un hématome intracrânien. tiers latéraux dans un plan vertical ; au repos et lors de la mimique.
– Les signes fonctionnels sont évalués avec : Elle permet de préciser :
– la douleur qui a une valeur d’orientation : siège, intensité, – l’état des téguments. On note les contusions, les ecchymoses ou
irradiation, facteurs aggravants ou non, évolution dans le temps ; hématomes en précisant leur siège, les plaies, de la simple plaie
punctiforme au scalp plus ou moins étendu, ou les morsures avec
– l’impotence fonctionnelle : vision, olfaction, audition,
leurs caractéristiques ;
phonation, mastication et/ou déglutition ;
– les déformations du massif facial et le point d’impact souvent
– la gêne à l’ouverture ou à la fermeture buccale ;
rapidement masqués par l’œdème, à type d’asymétrie, de déviation
– le déficit sensitif ou moteur. de l’axe médian, d’enfoncement, ou bien au contraire de saillie d’un
– Enfin, toute notion aidant à connaître l’état antérieur et pouvant fragment osseux sous la peau, orientant vers une fracture
être utile à la prise en charge diagnostique et thérapeutique sera sous-jacente ;
précisée, à savoir : les antécédents médicochirurgicaux, notamment – les écoulements de sang ou de liquide céphalorachidien (LCR) par
les antécédents traumatiques ou les dysmorphoses éventuelles, les orifices naturels ou par une plaie :
l’articulé dentaire préexistant, l’état buccodentaire, le port de
prothèses dentaires fixes ou non, la notion de chirurgie – otorragie, épistaxis, saignements extériorisés par la bouche ou
orthognatique et les tares associées éventuelles (diabète…). par une plaie.
Les plaies du cuir chevelu doivent à ce titre faire l’objet d’une
– Les traitements en cours, en particulier la prise d’anticoagulants, attention particulière, compte tenu de leur caractère
les allergies éventuelles, et le statut vaccinal antitétanique, doivent particulièrement hémorragique. Elles imposent une hémostase
être connus. soigneuse, notamment avant l’évacuation du traumatisé
maxillofacial vers l’échelon hospitalier parfois éloigné ;

Examen clinique [6, 17, 18, 23, 26] – écoulement de salive par la bouche en cas d’incompétence
salivaire labiomentonnière par plaie ou par attitude antalgique
bouche entrouverte ;
Quels que soient l’aspect d’un traumatisé maxillofacial, spectaculaire
ou non, et sa provenance (patient adressé par le Service d’aide – otorrhée, rhinorrhée et/ou écoulement de liquide incolore par
médicale urgente [SAMU] ou venu de lui-même), l’examen clinique une plaie frontale sus-orbitaire : témoins d’une brèche
doit toujours être complet et stéréotypé, réalisé appareil par appareil, cérébroméningée.
à la recherche de lésions associées cranioencéphaliques, Concernant les plaies, on note le siège, la taille et la direction. En
rachidiennes, viscérales (thoracique, abdominale ou pelvienne) ou effet, certaines localisations ont valeur d’orientation : le nerf facial et
squelettiques (fig 7). ses branches de division pour les régions géniennes et parotidiennes,
Ainsi, l’examen clinique du traumatisé facial préalablement mis en à savoir les branches temporofaciale et cervicofaciale et leurs
confiance, est pratiqué au mieux dans une pièce chauffée sur un rameaux ; le canal de Sténon pour les plaies jugales, et les voies
patient stabilisé par les premières mesures de réanimation lacrymales pour les plaies du tiers interne des paupières et de la
d’urgence, vérifiées et complétées en fonction des constantes vitales. région canthale interne (fig 8). Il faut rappeler que toute plaie de la

4
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

*
A

9 Traumatisme du tiers médian de la face


après accident sur la voie publique avec
fractures centrofaciales et plaie profonde des
plans de couverture (prise en charge des
troubles asphyxiques par intubation orotra-
chéale) (A, B).
8 Anatomie de la face en vue latérale. 1. muscle auriculaire postérieur ; 2. muscle
auriculaire supérieur ; 3. muscle auriculaire antérieur ; 4. nerf facial ; 5. branche tem-
porofaciale ; 5-1. rameau temporal ; 5-2. rameaux frontaux ; 5-3. rameau zygomatique ;
5-4. rameau buccal supérieur ; 6. branche cervicofaciale ; 6-1. rameau buccal inférieur ;
6-2. rameau mentonnier ; 6-3. rameau cervical ; 7. glande parotide ; 7-1. conduit paro-
tidien (canal de Sténon) ; 8. veine faciale ; 9. artère faciale ; 10. muscle sterno-cléido-
mastoïdien ; 11. muscle platysma (en partie détaché de son insertion sur la mandibule) ;
12. muscle masséter ; 13. muscle buccinateur ; 14. muscle risorius ; 15. muscle abais-
seur de l’angle de la bouche ; 16. muscle abaisseur de la lèvre inférieure ; 17. muscle
mentonnier ; 18. muscle orbiculaire de la bouche ; 19. muscle grand zygomatique ;
20. muscle petit zygomatique ; 21. muscle élévateur de la lèvre supérieure ; 22. muscle
élévateur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez ; 23. muscle nasal (partie transverse) ;
24. muscle nasal (partie alaire) ; 25. muscle orbiculaire de l’œil (portions orbitaire et
palpébrale) ; 26. muscle frontal. *
B

joue coupant la ligne tragus-aile du nez impose une exploration et


une réparation chirurgicale immédiate, compte tenu des risques
encourus pour le nerf facial, tout comme pour le canal salivaire
source d’infection, de fistules et d’orostomes.
Un examen attentif des bords libres et des lignes de jonction
cutanéomuqueuses s’impose, afin de déceler tout décalage
disgracieux au niveau des sourcils, des paupières, des orifices
narinaires, des lèvres et des oreilles ; mais également afin de
préserver la fonction : rôle de protection cornéenne pour les
paupières supérieures, perméabilité nasale et rôle essentiel des lèvres
dans la continence salivaire, qui doivent être préservés. La fonction
des muscles orbiculaire de l’œil et orbiculaire de la bouche est ainsi
systématiquement testée lors de l’examen, afin de pouvoir identifier
toute rupture partielle ou complète.
Les autres caractéristiques des plaies doivent être mentionnées :
– leur nombre, uniques ou multiples en cas de polycriblage ;
– la profondeur : superficielle à type de dermabrasion ou de scalp,
10 Traumatisme du tiers latéral de la face avec plaie profonde par arme blanche
ou profonde pouvant réaliser de vastes délabrements avec des os (coupe-coupe) et fracture associée de la mastoïde et de la branche montante de la man-
exposés, en particulier dans les traumatismes par armes à feu ou dibule.
lors des chutes d’un lieu élevé (fig 9, 10, 11) ;
– l’existence ou non d’une perte de substance cutanée, muqueuse,
ou musculaire avec des berges régulières ou contuses, voire Un examen clinique attentif est le préalable fondamental au parage
déchiquetées, en cas d’arrachements traumatiques partiels ou certes économe mais complet, avec brossage et excision de tous les
complets ; corps étrangers inclus, sous peine d’interventions réparatrices
secondaires itératives et de séquelles esthétiques [20]. Concernant les
– le degré de souillure : toute plaie est par définition contaminée brûlures de la face d’origine thermique, électrique, chimique ou par
par les projectiles, débris telluriques, vestimentaires, goudron et irradiations, on précise les facteurs de gravité : âge, localisation,
corps étrangers. Ceux-ci peuvent être à l’origine de complications surface et profondeur. Elles mettent en jeu d’une part, le pronostic
précoces septiques ou tardives par tatouage. Par ailleurs, la vital à court terme par l’œdème des voies aérodigestives
contamination peut également provenir directement de la cavité supérieures, souvent associé à une inhalation de produits toxiques
buccale, lorsqu’elle communique avec la plaie. altérant la physiologie de l’arbre bronchopulmonaire ; et d’autre

5
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

11 Plaie nasojugale droite


post-traumatique à type de V1
lambeau musculocutané.
1

V2

V3 *
B

2
*
A

part, le pronostic fonctionnel et esthétique à moyen et long termes


par leurs lourdes séquelles. Elles peuvent en effet être responsables :
– pour les globes oculaires : d’ectropion ou d’inocclusion palpébrale, *C
source de complications ulcératives cornéennes et infectieuses *D
imposant la réparation de la paupière supérieure, ainsi que la 12 Zones d’hypoesthésie ou d’anesthésie dans les territoires cutanés des branches de
protection et la surveillance du globe oculaire ; division du nerf trijumeau (V). (Inspiré de JM Descrozailles).
A. Schéma général. 1. rameaux dorsaux des nerfs spinaux cervicaux ; 2. branches
– d’une microstomie par rétraction commissurale ; du plexus cervical.
– d’une sténose du conduit auditif externe ; B. Région labiomentonnière innervée par le nerf alvéolaire inférieur (V3).
C. Territoire sous-orbitaire et hémilèvre supérieure innervés par le nerf infraorbi-
– d’une rétraction des orifices narinaires, imposant l’utilisation de taire (V2).
conformateurs [3, 25]. D. Région suprasourcillière innervée par le nerf supraorbitaire (V1).
L’étude de la motricité faciale, avec contrôle de l’intégrité de la Elle permet de rechercher :
VII e paire crânienne complète l’inspection par l’examen de la
mimique. – la présence des reliefs osseux normaux, masqués par l’œdème
dépressible ;
On demande au patient de :
– un point douloureux électif, un décalage, un enfoncement ou une
– froncer et relever les sourcils : muscles sourcilier et frontal ; mobilité anormale, témoins d’une fracture sous-jacente déplacée ou
– fermer les yeux : muscle orbiculaire des paupières ; non ;
– souffler : muscle buccinateur ; – un emphysème sous-cutané ;

– siffler : muscle orbiculaire des lèvres ; – des zones d’hypoesthésie ou d’anesthésie dans les territoires
cutanés des branches de division du nerf trijumeau (V) (fig 12A) :
– sourire : muscles petit et grand zygomatiques. région labiomentonnière innervée par le nerf alvéolaire inférieur
On rappelle pour mémoire que le muscle releveur de la paupière (V3) (fig 12B), territoire sous-orbitaire et hémilèvre supérieure pour
supérieure est innervé par la IIIe paire crânienne, et les muscles le nerf infra-orbitaire (V2) (fig 12C) et région supra-sourcillière pour
masticateurs par le nerf trijumeau ou Ve paire crânienne. le nerf supra-orbitaire (V1) (fig 12D).
La paralysie faciale périphérique post-traumatique par atteinte du L’examen de la sensibilité et de la motricité faciales, hormis sa valeur
tronc du VII, en cas de plaie jugale ou parotidienne ou de fracture diagnostique, présente un intérêt médicolégal certain, notamment
du rocher, entraîne ainsi une disparition de la motricité de toute une en cas d’intervention chirurgicale.
hémiface avec : La palpation concerne successivement (fig 13) :
– effacement des rides et du sillon nasogénien ; – le front ;

– inocclusion palpébrale, source d’ulcérations cornéennes et de – le cadre orbitaire ;


complications oculaires ; – la pyramide nasale : suture nasofrontale, arête nasale et faces
latérales, branches nasomaxillaires ;
– signe de Charles Bell : à la fermeture des paupières, l’œil
ascensionne en haut et en dehors du côté paralysé ; – le zygoma et l’arcade zygomatique ;
– la bouche est attirée du côté sain, avec contraction du muscle – le bord basilaire de la mandibule, angles et branches montantes ;
platysma lors de l’ouverture contrariée de la cavité buccale réalisant – le conduit auditif externe et les condyles palpés en région
le signe du peaucier du cou. prétragienne (fig 13, 14).
Des manœuvres dynamiques spécifiques complètent l’examen avec :
Palpation
– recherche d’une mobilité des os propres du nez : le front étant
Elle doit être douce, bilatérale et symétrique avec les deux mains immobilisé par la paume d’une main, l’examinateur tente de
réchauffées, protégées éventuellement par des gants en cas de plaie, déplacer la pyramide nasale dans le sens transversal à l’aide du
en utilisant les pulpes du pouce et de l’index. pouce et de l’index de l’autre main (fig 15) ;

6
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

13 Examen exobuccal. Palpation des re-


liefs osseux.

*
A

*
B
14 Examen exobuccal. Palpation bidigi-
tale du condyle lors des mouvements 16 Recherche d’une douleur provoquée à distance d’un point d’appui orientant vers
d’ouverture/fermeture buccale. une fracture à ce niveau.
A. Fracture de l’angle mandibulaire.
B. Fracture de la symphyse mandibulaire.

*
A *
B

15 Recherche d’une mobilité des os propres


du nez.

*
C *
D

17 Troubles de l’articulé dentaire (d’après J Pons).


A. Articulé dentaire normal.
– recherche d’une douleur provoquée à distance du point d’appui, B. Articulé déformé par fracture de la portion dentée des maxillaires.
orientant vers une fracture localisée à ce niveau : fracture de l’angle C. Articulé déplacé dans le sens transversal (décalage).
mandibulaire avec douleur provoquée lors de la pression D. Articulé déplacé dans le sens antéropostérieur avec rétrusion ou aspect de faux
antéropostérieure sur le menton, fracture de la symphyse prognathisme, et déplacé dans le sens vertical avec béance ou contact prématuré.
mandibulaire avec douleur provoquée lors de la pression
transversale sur les angles mandibulaires (fig 16) ; et l’axe de la canine supérieure passe en arrière de celui de la canine
– palpation des condyles en avant du conduit auditif externe lors inférieure. Les troubles de l’articulé dentaire post-traumatiques,
des mouvements d’ouverture-fermeture de la bouche et de témoins d’une fracture sous-jacente, doivent être analysés dans les
propulsion-diduction, pour vérifier l’absence de douleurs et la trois plans de l’espace. Ils orientent vers un foyer de fracture avec
persistance de la mobilité condylienne (fig 14). déplacement : transversal avec décalage, vertical avec béance, ou
contact prématuré et antéropostérieur avec aspect de faux
¶ Examen endobuccal prognathisme mandibulaire.
Bouche fermée-lèvres écartées : étude de l’articulé dentaire Bouche ouverte
en occlusion (fig 17).
À l’inspection, on note :
À l’état normal, le rayon de courbure du maxillaire supérieur est
plus important que celui du maxillaire inférieur. Les points – l’étude de la cinétique mandibulaire (fig 18) : mobilité spontanée,
interincisifs supérieur et inférieur sont alignés dans le plan vertical, ouverture-fermeture, propulsion-rétropulsion, diduction droite et

7
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

*
A *
B *
C

18 Cinétique mandibulaire. B. ouverture/fermeture.


A. Propulsion/rétropulsion. C. diduction droite/gauche.

ODONTOGRAMME 19 Formules dentaires (dents définitives/dents déciduales)


selon la nomenclature de la Fédération dentaire internatio-
HAUT nale (FDI) d’octobre 1970.
18 17 16 15 14 13 12 11 21 22 23 24 25 26 27 28

DROITE 55 54 53 52 51 61 62 63 64 65 GAUCHE

85 84 83 82 81 71 72 73 74 75

48 47 46 45 44 43 42 41 31 32 33 34 35 36 37 38
BAS

gauche limitée voire impossible en cas de fracture, en particulier de corporel subi et l’indemnisation de la victime. La prise de
siège temporomandibulaire ; photographies pré- et postopératoires avec plusieurs incidences et si
– l’amplitude de l’ouverture buccale limitée en cas de fracture ou possible toujours les mêmes : de face, de profil, en vue plongeante,
de contusion des muscles masticateurs ; de trois-quarts et bouche ouverte, complète habilement l’examen
clinique, et fournit des données de référence utiles pour la prise en
– l’état des muqueuses : la présence d’ecchymoses, d’hématomes, charge ultérieure. Il en est de même de la confection de modèles
de plaies muqueuses ou de morsures avec saignement muqueux ou d’étude des arcades dentaires en plâtre ou moulages réalisés chaque
non ; fois que nécessaire.
– l’état dentaire : nombre de dents (fig 19), prothèses, appareillages,
hygiène buccodentaire, parodontopathie associée.
EXAMEN RÉGIONAL
La palpation endobuccale complète l’examen. Elle retrouve une
douleur exquise localisée en regard d’un foyer de fracture, ainsi
¶ Examen ophtalmologique [1, 12, 14]
qu’un déplacement avec articulé déformé en cas de fractures
alvéolodentaires. La mobilité du foyer de fracture est également Un examen de base doit pouvoir être réalisé par tout praticien
notée avec : susceptible de prendre en charge un traumatisé facial. Il doit
– recherche d’une disjonction craniofaciale, avec mobilité anormale permettre de suspecter une plaie ou une contusion grave, relevant
du maxillaire supérieur dans le sens transversal, vertical et/ou alors d’une consultation spécialisée voire d’un geste en urgence. En
antéropostérieur. Le front restant immobilisé par la paume d’une effet, selon les séries, entre 4 et 50 % des traumatisés faciaux
main, le pouce et l’index de part et d’autre de la racine du nez, présentent des lésions oculaires de gravité variable [12]. L’examen
l’examinateur recherche une mobilité antéropostérieure, verticale ou clinique bilatéral et symétrique doit être méthodique, et effectué plan
transversale des structures osseuses de l’étage moyen de la base du par plan, avec successivement le cadre orbitaire, les paupières et
crâne, en maintenant l’arcade dentaire supérieure entre pouce et l’appareil lacrymal, l’oculomotricité et le globe oculaire.
index (fig 20) ;
– recherche d’une fracture de la mandibule, en tenant chaque Cadre orbitaire
hémimandibule entre pouce et index, et en leur imposant des La palpation douce permet de rechercher des points douloureux
mouvements prudents en sens inverse dans le plan vertical (fig 21). électifs et des déformations avec marches d’escalier en regard des
L’intégrité, la mobilité, ainsi que la vitalité de chaque dent, doivent foyers de fracture. Ceux-ci siègent le plus souvent au niveau des
être systématiquement recherchées et notées lors du certificat sutures frontozygomatiques, zygomaticomaxillaires et fronto-
médical initial, notamment pour faciliter la réparation du dommage malaires.

8
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

20 Recherche d’une mobilité anormale 23 Exploration des neuf positions du


du massif facial dans le sens transversal, regard.
vertical et/ou antéropostérieur.

La présence de plaies siégeant au tiers interne des paupières et dans


la région canthale interne doit faire évoquer une lésion des voies
lacrymales, en particulier des canalicules. Elle impose une
exploration et une réparation chirurgicale, sous peine de
larmoiements séquellaires par interruption traumatique des voies
excrétrices. De même, le canal lacrymonasal dont le trajet est
intraosseux, est particulièrement vulnérable en cas de fractures type
CNEMFO ou Le Fort II ou III.
La présence ou non du pli palpébral et sa hauteur sont notées, de
21 Recherche d’une fracture de la man-
dibule (l’examinateur tient chaque hémi-
même que la fonction du muscle orbiculaire des paupières est
mandibule entre le pouce et l’index, en leur évaluée lors de l’occlusion palpébrale.
imposant des mouvements en sens inverse
dans le plan vertical). Globe oculaire
L’étude du globe oculaire comporte un bilan anatomique, un bilan
fonctionnel, et un bilan clinique.

• Bilan anatomique
L’examen statique permet de rechercher un déplacement du globe
oculaire vertical, latéral ou antéropostérieur, avec exophtalmie,
énophtalmie, ou perte de parallélisme des globes oculaires. Ainsi,
les fractures avec communication orbitosinusienne peuvent
s’accompagner d’un emphysème orbitaire avec augmentation de
l’exophtalmie lors du mouchage.
L’examen dynamique permet d’étudier la motricité du globe oculaire.
La motricité oculaire intrinsèque est mise en évidence par l’étude
du réflexe photomoteur direct et consensuel.
La motricité oculaire extrinsèque est pour sa part assurée par six
a muscles oculomoteurs : les muscles obliques supérieur et inférieur,
b ( +- 33mm) les muscles droits supérieur, inférieur, médial et latéral, innervés par
les trois nerfs crâniens oculomoteurs.
Les muscles oblique inférieur, droits supérieur, médial et inférieur
sont innervés par la IIIe paire crânienne ou nerf moteur oculaire
commun.
22 Mesure de la distance intercanthale (b). À l’état normal, le rapport a/b est supé- Le muscle oblique supérieur, qui porte le regard en bas et en dehors,
rieur ou égal à 2.
est innervé par la IV e paire crânienne : nerf trochléaire ou
pathétique.
Paupières et appareil lacrymal Le muscle droit latéral, qui porte le regard en dehors, est innervé
par la VIe paire crânienne : nerf abducens ou moteur oculaire
On note l’orientation, les dimensions, la position et la symétrie des
externe.
fentes palpébrales à la recherche d’une dystopie canthale,
notamment d’un épicanthus par déformation du canthus interne ou Le nerf facial est pour sa part responsable du clignement, par
d’un ptosis. La distance intercanthale doit être précisée. contraction de l’orbiculaire des paupières. L’étude de la motricité
extrinsèque s’effectue œil par œil puis en vision binoculaire, en
Un élargissement de la distance intercanthale, en moyenne de demandant au patient de suivre le doigt de l’examinateur ou la
33 mm, ou un rapport distance interpupillaire et distance pointe d’un stylo dans les neuf positions du regard (fig 23). On
intercanthale inférieur à 2, évoque fortement un télécanthus post- recherche une limitation de mobilité, le plus souvent verticale dans
traumatique (fig 22). Ce télécanthus post-traumatique est souvent le regard vers le haut ou vers le bas, ou une déviation des globes
associé à un traumatisme sévère, avec notamment les fractures du oculaires. Les paralysies oculomotrices se traduisent ainsi par une
complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (CNEMFO). Il diplopie, le patient ayant la sensation désagréable de voir double
donne un aspect de fente palpébrale raccourcie avec pseudoptosis. un objet fixé unique. Le test de Hess Lancaster (test aux verres rouge
Les dystopies canthales correspondent à une anomalie de et vert) permet de préciser l’œil et les muscles atteints par le déficit,
positionnement du canthus interne ou externe, secondaire à une son degré de gravité, et de suivre l’évolution sur un graphique. Le
section ou à une désinsertion des tendons palpébraux médial et test de duction forcée permet de mettre en évidence une limitation
latéral ou à une fracture déplacée du cadre orbitaire. Le ptosis post- de mobilité du globe oculaire par incarcération musculaire. Il est
traumatique entraîne une asymétrie palpébrale supérieure par lésion réalisé sous anesthésie locale ou mieux sous anesthésie générale, à
du muscle releveur de la paupière supérieure ou de son aponévrose l’aide d’une pince avec griffes, en exerçant une traction sur
(rupture, désinsertion, plaie horizontale de la paupière supérieure l’insertion du muscle droit inférieur dans le cul-de-sac conjonctival
ou incarcération dans une fracture du toit de l’orbite). inférieur. Le test doit être impérativement bilatéral et comparatif

9
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

– la pupille, dont on précise le caractère symétrique, et la réactivité


24 A. Test de duction forcée
ou non lors du réflexe photomoteur direct ou consensuel ;
et fracture isolée du plan-
cher de l’orbite type – la clarté des milieux et le tonus oculaire, par un toucher digital
« blow-out » : traction. doux en l’absence de signes évocateurs de perforation.
B. Photo numérique.
À l’issue de l’examen, plusieurs tableaux cliniques peuvent être
décrits :
– la luxation antérieure ou postérieure du globe oculaire réalisant
au maximum une véritable énucléation ;
– les contusions ouvertes du globe oculaire, du segment antérieur
(rupture au niveau du limbe sclérocornéen) ou postérieur (rupture
*
A
autour de la papille) caractérisées par une perte plus ou moins
complète de l’acuité visuelle d’un œil avec un globe oculaire mou
rempli de sang ;
– les plaies du globe oculaire, plus ou moins évidentes, doivent être
suspectées face à un trouble fonctionnel oculaire associé à une
hémorragie sous-conjonctivale, une hémorragie de la chambre
antérieure, voire une hypotonie du globe. Outre le risque septique
qui caractérise ces plaies, la présence de corps étrangers
intraoculaires, en particulier métalliques, doit être systématiquement
évoquée et documentée par des clichés radiographiques centrés sur
les orbites. Ces corps étrangers métalliques sont en effet à l’origine
de métalloses (sidérose avec les particules de fer, chalcose avec le
cuivre), sources de taies cornéennes et de cataractes responsables de
*
B séquelles fonctionnelles, et d’intoxication rétinienne ;
– les contusions du nerf optique entraînent une cécité plus ou moins
pour permettre de conclure (fig 24). L’examen clinique permet complète avec mydriase aréflexique. Le réflexe photomoteur direct
également une orientation diagnostique du siège lésionnel. L’atteinte est aboli, mais le réflexe photomoteur consensuel est conservé par
de la IIIe paire crânienne au niveau de la fissure orbitaire supérieure, intégrité de la troisième paire crânienne, avec un fond d’œil normal.
dit syndrome de la fente sphénoïdale, entraîne ainsi une Sur le plan physiopathologique, elles peuvent correspondre à deux
ophtalmoplégie complète par atteinte des trois nerfs crâniens grands tableaux : la section physiologique du nerf optique
oculomoteurs, associée à un ptosis et une mydriase avec réflexe caractérisée par l’absence d’intervalle libre entre traumatisme et
photomoteur consensuel aboli. perte de l’acuité visuelle, peu accessible à un traitement ; la
compression du nerf optique avec notion d’intervalle libre accessible
• Bilan fonctionnel à un geste chirurgical de décompression en urgence par voie trans-
La mesure de l’acuité visuelle est effectuée grossièrement pour ethmoïdo-sphénoïdale (évacuation d’un hématome rétro-orbitaire,
chaque œil de près et de loin, en demandant au patient de compter d’un emphysème ou d’un corps étranger) ;
les doigts de l’examinateur. On quantifie ainsi une baisse de l’acuité – le cas particulier des brûlures oculaires par agent physique ou
visuelle, une cécité ou une asymétrie droite-gauche. L’acuité visuelle chimique relève du spécialiste.
correspond à la vision centrale discriminative.
Les plaies et contusions du globe oculaire doivent être
L’étude du champ visuel temporal, nasal, supérieur et inférieur à la systématiquement évoquées, et imposent une prise en charge
recherche d’un scotome, est réalisée en demandant au patient, l’œil spécialisée si possible dans les six premières heures pour préserver
immobile, de fixer un point. L’examen du champ visuel peut le pronostic fonctionnel. Le traitement sera, dans la mesure du
également orienter vers une lésion craniocérébrale associée, avec une possible, conservateur en évitant toute énucléation en urgence.
hémianopsie bitemporale dans les lésions du chiasma optique, et
une hémianopsie latérale homonyme dans les lésions ¶ Examen otologique
rétrochiasmatiques.
Il comporte un bilan anatomique et fonctionnel.
• Bilan clinique
Bilan anatomique
L’analyse du globe oculaire, rôle du spécialiste, concerne
successivement : • Examen exocavitaire
– la conjonctive, à la recherche d’une hémorragie ou d’un chémosis Il recherche :
sous-conjonctival. D’apparition immédiate après le traumatisme, ils
– un écoulement de sang ou de LCR par le nez ou les oreilles
orientent vers une contusion, voire une perforation du globe
(otorragies témoins d’une fracture du condyle mandibulaire ou
oculaire. D’apparition retardée, 2 à 3 jours après le traumatisme,
d’une fracture du rocher, rhinorrhée associée à une brèche
siégeant au niveau des culs-de-sac conjonctivaux inférieurs, ils
ostéoméningée, voire un othématome post-traumatique). Les
orientent vers une fracture de l’étage antérieur de la base du crâne.
fractures du rocher parfois associées dans la traumatologie
Le plus souvent, il s’y associe des ecchymoses palpébrales
craniofaciale comportent trois risques évolutifs : surdité, paralysie
inférieures en « lunettes ». L’examen du globe oculaire peut être
faciale et fistule de LCR ;
facilité par l’utilisation d’un écarteur autostatique de Desmarres
(blépharostat) permettant de relever les paupières, au besoin après – des plaies cutanées ou muqueuses dont on précise les
instillation d’un collyre anesthésique type Novésinet ; caractéristiques. Les amputations traumatiques partielles ou totales
du nez ou du pavillon de l’oreille, dont les fragments doivent être
– la cornée : clarté, courbure, plaies ;
conservés au froid en vue d’une réimplantation microchirurgicale,
– la chambre antérieure : profondeur, largeur et siège d’un même si le pronostic doit être réservé et les chances de succès
épanchement sanguin ; réduites.
– l’iris déplacé ou déformé, avec aspect d’iridodialyse par
désinsertion de la racine de l’iris, ou mydriase définitive par rupture • Examen endocavitaire
du sphincter ; Il repose sur :

10
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

– la rhinoscopie antérieure, réalisée à l’aide d’un spéculum et d’un – le réflexe oculocéphalique vertical, qui n’est bien entendu
miroir de Clar après évacuation douce des caillots, croûtes et corps recherché qu’après avoir éliminé une lésion du rachis cervical. Il se
étrangers par mouchage, compresses et utilisation d’un caractérise par une déviation conjuguée des yeux du côté opposé au
vasoconstricteur d’action locale (Xylocaïnet naphazolinée à 5 %). mouvement lors des mouvements rapides de flexion-extension de la
Elle permet la mise en évidence d’un écoulement : épistaxis, tête ;
rhinorrhée, d’un hématome septal, d’une déviation de la cloison – le réflexe oculocéphalique horizontal, avec déviation conjuguée
nasale, voire d’une effraction muqueuse par un fragment osseux en des yeux du côté opposé au mouvement, lors de la rotation de la
cas de fracture ouverte, avec son risque septique propre ; tête à 45° d’un côté puis de l’autre ;
– l’otoscopie, qui recherche un écoulement, et précise l’état du – le réflexe photomoteur ;
tympan normal ou lésé avec déchirure ou hémotympan, et l’état du
conduit auditif externe : plaies, hématomes. – le réflexe oculocardiaque, avec ralentissement de la fréquence
cardiaque lors de la pression des globes oculaires, qui correspond
Bilan fonctionnel au stade de coma dépassé.
Les réflexes du tronc cérébral disparaissent de façon progressive
Il complète l’examen, comportant une évaluation de l’olfaction dans l’ordre énoncé lors d’une aggravation des souffrances
(anosmie dans les fractures de la lame criblée de l’ethmoïde par neurologiques chez un traumatisé crânien. Les signes de localisation
lésion de la première paire de nerfs crâniens), et de l’audition : traumatiques : plaies du cuir chevelu, otorrhée, rhinorrhée, plaies
audiométrie pour confirmer ou non une hypoacousie ou surdité. craniocérébrales ; ou neurologiques : étude des paires crâniennes,
réflexe ostéotendineux, motricité, sensibilité des quatre membres
¶ Examen craniorachidien et neurologique [12]
complètent l’examen, de même que l’examen du rachis cervical à la
Il complète l’examen régional. Le traumatisme facial peut en effet recherche d’une fracture associée. Réalisé conjointement avec les
être associé à un traumatisme crânien dans 20 % des cas, réalisant mesures de réanimation, l’examen tomodensitométrique cérébral
ainsi un traumatisme craniofacial. L’examen clinique vise à évaluer permet de préciser les lésions cranioencéphaliques. L’indication
l’état de conscience : profondeur d’un coma, et à rechercher des opératoire est posée en urgence en cas :
signes de localisation traumatique ou neurologique. L’évolutivité – d’apparition de signes de localisation ou aggravation de signes de
des lésions impose une surveillance attentive, en renouvelant localisation préexistants, orientant vers un hématome extradural, ou
régulièrement l’examen clinique, afin de dépister toute aggravation un hématome sous-dural aigu évolutif ;
ou modification neurologique. L’état de conscience est évalué et
chiffré selon l’échelle de Glasgow de 1 à 15, établie par Teasdale et – de plaies craniocérébrales pénétrantes, compte tenu du risque
Jennet (Glasgow coma scale) : infectieux (méningite post-traumatique précoce ou tardive).
E pour ouverture des yeux (de 1 à 4) Dans les autres cas, l’indication opératoire peut être différée, avec
prise en charge chirurgicale conjointe à plusieurs équipes ou non.
1. jamais L’évolution des traumatismes craniofaciaux, avec fracture de l’étage
2. à la douleur (provoquée par un stimulus nociceptif au niveau antérieur de la base du crâne, est dominée par le risque de brèche
des membres ou du tronc) ostéoméningée (9 à 46 % des cas), elle-même source de rhinorrhée
3. au bruit (à la parole) par fistule de LCR dans 40 % des cas. Le risque de brèche
4. spontanée (avec respect des cycles éveil-sommeil) ostéoméningée et de rhinorrhée est plus marqué pour les
traumatismes craniofaciaux de type III (traumatisme de la voûte
V pour meilleure réponse verbale (de 1 à 5) crânienne irradié à la base) et de type IV (association des types III et
1. aucune II : traumatisme du tiers médian de la face) selon la classification de
2. incompréhensible (gémissements, grognements) Fain et Péri [9, 10, 27].
3. inappropriée (mots compréhensibles mais conversation
impossible) EXAMEN GÉNÉRAL
4. confuse (conversation possible mais avec signes de confusion et L’examen clinique est par ailleurs complété appareil par appareil :
désorientation temporospatiale) thorax, abdomen, pelvis, appareil locomoteur, à la recherche de
5. normale lésions associées qui peuvent conditionner elles aussi le pronostic
M pour meilleure réponse motrice (de 1 à 6) vital et la prise en charge ultérieure.
1. aucune L’examen clinique est volontiers pluridisciplinaire, afin de définir le
bilan lésionnel et la conduite à tenir, en particulier la chronologie de
2. décérébration (membres supérieurs en hyperextension et la prise en charge chirurgicale.
rotation interne, membres inférieurs en hyperextension et flexion
plantaire) Au terme du bilan clinique, plusieurs cas de figures peuvent se
présenter :
3. décortication (membres supérieurs réponse en flexion lente,
membres inférieurs en extension) – les polytraumatismes avec instabilité hémodynamique, imposant
4. réaction d’évitement (flexion rapide du coude avec évitement le maintien des fonctions vitales par des mesures de réanimation
mais sans réaction orientée) d’urgence voire une chirurgie de sauvetage : tamponnade par plaie
du cœur ou pneumothorax suffocant par exemple. Le bilan
5. orientée (le mouvement de flexion tend à faire disparaître la radiologique complémentaire et la prise en charge des lésions
source nociceptive) maxillofaciales sont effectués dans un deuxième temps après
6. obéit (à l’ordre oral). traitement des lésions viscérales ;
Le score de Glasgow est complété au besoin par l’étude des réflexes – les polytraumatismes avec stabilité hémodynamique, autorisant
du tronc cérébral, qui ont une valeur localisatrice pronostique. Ils la réalisation d’un bilan complémentaire. La tomodensitométrie sans
permettent d’évaluer plus précisément la profondeur d’une injection de produit de contraste est alors l’examen de choix. Elle
souffrance cérébrale : échelle de Liège. Au préalable, on doit permet, au cours d’une même acquisition, d’effectuer un bilan
s’assurer de l’absence de lésions du rachis cervical et de lésions du craniorachidien, maxillofacial, thoracique, abdominal, pelvien et de
globe oculaire. Ce sont des réflexes primaires : l’appareil locomoteur, avec éventuellement reconstruction
– le réflexe fronto-orbiculaire, avec contraction bilatérale des tridimensionnelle ;
muscles orbiculaires des paupières lors de la percussion de la – les traumatismes craniofaciaux (20 %) [12]
, où l’urgence est
glabelle ; neurochirurgicale et ophtalmologique ;

11
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

– les traumatismes faciaux isolés (74 %) [12] : les gros fracas liés à un
traumatisme violent à haute énergie cinétique (chute d’un lieu élevé, 25 Incidence du mordu.
accident de la voie publique avec décélération brutale voire éjection
du véhicule) sont explorés idéalement par le scanner. Les
traumatismes simples relèvent pour leur part de la radiologie
conventionnelle, éventuellement complétée par un bilan
tomodensitométrique.
Dans tous les cas, la priorité doit être donnée aux urgences vitales :
craniorachidiennes, thoraciques, abdominales, et aux urgences
fonctionnelles ophtalmologiques.
Dans le cadre d’un polytraumatisme, la prise en charge des atteintes
maxillofaciales est dans l’idéal intégrée dans un schéma
thérapeutique pluridisciplinaire et hiérarchisé, mais dans tous les
cas, après un bilan radiologique de qualité réalisé sur un patient
non agité, permettant une analyse précise des fractures et des lésions
associées. Toute précipitation ou imperfection est en effet susceptible
de compromettre le pronostic fonctionnel ultérieur. Il n’y a pas
26 Incidence rétroalvéolaire.
d’urgence à opérer un traumatisme facial, sauf en cas d’associations
lésionnelles viscérales, craniorachidiennes ou ophtalmologiques, ou
de mise en jeu du pronostic vital dans un tableau clinique
asphyxique ou hémorragique.

Examens radiologiques [6, 7, 8, 13, 17, 19, 23]

CLICHÉS RADIOGRAPHIQUES STANDARDS


Des clichés radiographiques du rachis cervical de face, de profil, de (fig 25). De la même manière, les incidences rétroalvéolaires, qui
trois quarts droit et gauche et bouche ouverte seront demandés en nécessitent l’emploi d’un appareillage de radiographie dentaire, sont
cas de signes d’appels cliniques, ou au moindre doute sur l’intégrité d’un apport intéressant pour préciser les lésions alvéolodentaires
vertébrale. L’exploration du rachis cervical doit être systématique quand le patient peut ouvrir la bouche (fig 26). Souvent plusieurs
en cas de traumatisme crânien et chez les polytraumatisés, afin clichés sont nécessaires, notamment pour la mise en évidence des
d’éliminer des lésions associées. fractures radiculaires ;
Dans les traumatismes faciaux isolés ou localisés, un bilan – pour les condyles mandibulaires : on dispose également des
radiologique de débrouillage est pratiqué en urgence en première incidences antéropostérieure de Worms-Bretton, transorbitaire de
intention. Il permet d’étudier le crâne et le massif facial et comporte : Zimmer, ou incidence de Schuller modifiée (condyles et articulations
– un cliché de profil strict du crâne et de la face, voire une temporomandibulaires de profil).
téléradiographie de profil ; Les incidences verticales de Hirtz sont contre-indiquées en cas de
risque de lésions du rachis cervical, et sont actuellement remplacées
– pour le tiers supérieur de la face : une incidence face haute ;
par la tomodensitométrie.
– pour le tiers moyen et le tiers inférieur : une incidence de Waters
ou de Blondeau. L’incidence de Louisette est pratiquée par certains ¶ Technique radiologique
en fonction des habitudes et des équipes ;
Installation du patient, incidence et critères de qualité des clichés,
– pour le tiers inférieur : une orthopantomographie (radiographie méritent d’être précisés ou rappelés pour le moins pour les clichés
panoramique), une incidence face basse ou des clichés de défilé de débrouillage. Toutes les infrastructures hospitalières ne disposent
maxillaire. pas d’un radiologue physiquement présent 24 heures sur 24. Le
L’incidence de face du crâne a peu d’intérêt pour la traumatologie spécialiste qui prend en charge un traumatisé facial doit pouvoir
faciale, du fait de nombreuses superpositions. orienter et juger par lui-même du bilan radiologique réalisé. Ainsi,
Un bilan complémentaire peut être réalisé dans un deuxième temps, certaines incidences sont réalisables uniquement en position assise,
en urgence ou à distance, en fonction de l’orientation clinique et des voire en hyperextension. Elles sont donc contre-indiquées chez un
résultats du bilan de débrouillage : traumatisé facial inconscient ou dans un contexte de
polytraumatisme.
– pour le cadre orbitaire : des incidences des cadres orbitaires. La
Une incidence radiologique se définit par le point de centrage du
recherche de corps étrangers de la chambre antérieure de l’œil est
rayon directeur, et l’angulation de ce rayon par rapport à deux plans
possible par radiographies de face, de profil et selon la technique de
de référence perpendiculaires (fig 27) :
Vogt en utilisant des films dentaires ;
– pour l’os malaire : des clichés centrés, et pour les arcades – le plan orbitoméatal passant par les canthi externes des orbites et
zygomatiques : des incidences de Hirtz latéralisées ; l’orifice du conduit auditif externe (plan presque confondu avec le
plan nasion-limite supérieure des tragus) ;
– pour la pyramide nasale : des clichés de face en incidence de
Gosserez et Treheux, et une incidence des os propres du nez de – le plan sagittal médian ou plan de symétrie de la face et du crâne.
profil. Pour l’incidence de Gosserez et Treheux, le patient est installé
en position assise ou en décubitus dorsal, la pointe du menton ¶ Incidence de profil du crâne et de la face (fig 28, 29)
reposant sur la cassette placée parallèlement au plan orbitoméatal. Le patient est installé en position assise ou en décubitus dorsal, le
Le rayon directeur est centré sur la ligne médiane en arrière du front plan sagittal médian parallèle au plan du film, avec un rayon
au niveau de l’angle externe des yeux. Cette incidence permet directeur horizontal centré à 3 cm au-dessus des tragus.
également d’explorer l’ensemble du massif facial ; Les critères de qualité sont la superposition droite et gauche au
– pour la région alvéolodentaire : les clichés occlusaux intrabuccaux niveau des parois orbitaires supérieures, des grandes ailes du
sont peu utilisés en pratique (incidence occlusale dite du « mordu ») sphénoïde et des conduits auditifs externes.

12
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

SM

OM

*
C
*
B
27 Plans de référence en radiologie conventionnelle. *
D
A. Plan orbitoméatal (OM) en orange.
B. Plan sagittal médian (SM) en vert.
C. Profil gauche : plan orbitoméatal (OM).
*
A D. Vue supérieure : plan sagittal médian (SM).

SM

RD

OM

*
B

*
A

1 17 *
C
3
5 6 7 28 Incidence de profil du crâne et de la face.
4 A. Plan orbitoméatal (OM).
10 9 8 21 B. Plan sagittal médian (SM). RD : rayon directeur.
C. Radiographie de la face de profil.
12 11 D. Incidence de profil (inspiré de F Heitz). 1. suture coronale ; 2. artère méningée moyenne ; 3. sinus frontal ; 4. apo-
physe nasale ; 5. toit des orbites ; 6. apophyse clinoïde antérieure ; 7. apophyse clinoïde postérieure ; 8. sinus sphé-
13
14 18 noïdal ; 9. grandes ailes du sphénoïde ; 10. cellules ethmoïdales ; 11. apophyses ptérygoïdes ; 12. sinus maxillaire ;
15 16 13. épine nasale ; 14. os palatin ; 15. arc antérieur de l’atlas ; 16. odontoïde ; 17. suture lambdoïde ; 18. branche
montante de la mandibule ; 19. angle de la mandibule ; 20. branche horizontale de la mandibule ; 21. conduit auditif
externe.
19

20
*
D

Le cliché de profil permet d’étudier à la fois les trois étages de la cervical), avec un appui nez-front-plaque parfaitement centré, le
face et le crâne, en particulier : plan sagittal médian strictement perpendiculaire au plan du film.
Le rayon directeur postéroantérieur est centré sur le nasion, et forme
– un recul du massif facial ;
un angle de – 25° avec le plan orbitoméatal. Les critères de qualité
– l’état de la voûte frontale et du sinus frontal ; sont :
– les os propres du nez à un moindre degré.
– des fentes sphénoïdales passant par les orbites ;
¶ Incidence face haute (ou incidence nez-front-plaque, – le bord supérieur des rochers se projetant à la partie inférieure
incidence des cadres orbitaires) (fig 30) des orbites ;
Le patient est installé en position assise ou en procubitus (donc – la distance processus orbitaire du malaire-table interne de la voûte
incidence non réalisable en cas de suspicion de lésions du rachis crânienne identique des deux côtés.

13
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

¶ Incidences de Waters et de Blondeau (fig 31)


Le patient est installé en position assise tête défléchie (donc
incidence possible uniquement en cas de certitude d’absence de
lésion du rachis cervical), avec un appui menton-plaque, le plan
sagittal médian strictement perpendiculaire au plan de la cassette.
Le rayon directeur horizontal postéroantérieur est centré à la base
du nez, formant avec le plan orbitoméatal un angle de – 50°, pour
l’incidence de Blondeau, et – 60° pour l’incidence de Waters.
L’incidence de Waters est souvent préférée pour le bilan d’un
traumatisme facial. Les critères de qualité sont :
– l’équidistance malaire-voûte temporale ;
– la projection des rochers au-dessous des sinus maxillaires.
Les incidences de Waters et de Blondeau permettent d’analyser les
étages moyen et inférieur de la face : cadre orbitaire, plancher des
sinus frontaux, os malaire, sinus maxillaire, pyramide nasale (auvent
et cloison nasale), condyles, processus coronoïdes et rebord basilaire
de la mandibule. L’analyse des clichés radiologiques est facilitée par
l’utilisation des lignes de lecture décrites par Mac Grégor et
Campbell (fig 32).
¶ Incidence face basse (sous-occipitofrontale) (fig 33)
Le patient est installé en position assise ou en procubitus, bouche
ouverte, avec un appui nez-front-plaque, le plan sagittal médian
29 Téléradiographie de profil. strictement perpendiculaire au plan de la cassette. Le rayon directeur
postéroantérieur est centré à quelques centimètres sous la
protubérance occipitale externe, formant un angle de + 15° à + 20°
L’incidence de face haute permet d’étudier les orbites et le massif avec le plan orbitoméatal. Cette incidence donne une vue globale de
facial supérieur : sinus frontaux, cellules ethmoïdales, mais la mandibule. Les critères de qualité sont la bonne visibilité de
également les sinus maxillaires, les fosses nasales, la mandibule : l’ensemble de la mandibule : branches horizontales et branches
symphyse et branches montantes. montantes, condyles et coronés.

-25° RD

OM
*
B

*
A

*
C

30 Incidence face haute.


A. Plan orbitoméatal (OM).
2 B. Plan sagittal médian. RD : rayon directeur.
C. Radiographie face haute.
5 3 4 D. Incidence face haute (inspiré de F Heitz). 1. voûte crânienne ; 2. sinus frontal ; 3. cadre orbitaire ; 4. apophyse crista-
9 7 galli ; 5. processus zygomatique de l’os frontal ; 6. processus orbitaire du zygomatique ; 7. ligne innominée de Sten-
6
8 10 vers ; 8. cellules ethmoïdales ; 9. fissure orbitaire supérieure (fente sphénoïdale) ; 10. plancher de la selle turcique ; 11.
11 bord supérieur du rocher ; 12. rebord orbitaire Inférieur ; 13. cloison des fosses nasales et cornets ; 14. sinus maxil-
12
17 laire ; 15. processus mastoïde ; 16. odontoïde ; 17. arcade zygomatique ; 18. symphyse mentonnière ; 19. branche mon-
13 tante de la mandibule.
14
15

19
16

18 *
D

14
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

RD

*
B
-50°
O
M

*
A

*
C

2 31 Incidence de Blondeau.
5 A. Plan orbitoméatal (OM).
3 B. Plan sagittal médian. RD : rayon directeur.
C. Radiographie de Blondeau.
4 D. Incidence de Blondeau (inspiré de F Heitz). 1. Voûte crânienne ; 2. sinus frontal ; 3. suture frontozygomatique ;
1 4. ligne innominée de Stenvers ; 5. toit de l’orbite ; 6. zygoma ; 7. sinus maxillaire ; 8. fosses nasales ; 9. arcade zygo-
8
6 matique ; 10. bord supérieur des rochers ; 11. processus mastoïde ; 12. mandibule ; 13. odontoïde.
7
9
10

11
12
13
*
D

alvéolaires inférieurs et des régions des condyles ; et sur le plan


dentaire, une bonne analyse de l’anatomie coronoradiculaire des
organes dentaires ;
– pour le maxillaire : la visibilité de la partie inférieure des cavités
aériques (fosses nasales et sinus maxillaires). Lorsqu’elle est
1 réalisable, cette incidence permet d’étudier sur un même cliché,
l’ensemble de la mandibule, des portions dentées et les articulations
temporomandibulaires avec cependant des déformations. C’est un
excellent cliché de débrouillage.
2
Si la radiographie panoramique n’est pas utilisable, le bilan
6 radiologique pourra être complété par :
– les incidences obliques latérales appelées défilés maxillaires
3 (fig 35). Elles sont réalisables sur un patient assis, la branche
horizontale de la mandibule parallèle au plan de la cassette. Le
4 rayon directeur ascendant de 15° à 20° est centré sur la région sus-
hyoïdienne et le milieu de la branche horizontale. Ces incidences
5 peuvent également être réalisées sur un patient en décubitus latéral
avec un rayon directeur vertical. Elles permettent d’analyser une
32 Lignes de repérage radiologiques : lignes de Mac Grégor et Campbell. 1. Ligne su- hémimandibule, de la branche horizontale au condyle ;
praorbitaire ; 2. ligne infraorbitaire ; 3. ligne passant par le plancher des sinus maxil-
laires et des fosses nasales ; 4. ligne d’occlusion dentaire ; 5. bord basilaire de la man-
– l’incidence dite du plus grand contour de Vaillant et Bonneau ;
dibule ; 6. cintre maxillozygomatique. – l’incidence de la symphyse étalée.
Les tomographies sont actuellement supplantées par la
¶ Orthopantomographie ou radiographie panoramique tomodensitométrie.
(fig 34)
Le patient est installé en position assise ou debout (donc TOMODENSITOMÉTRIE [16]

radiographie non réalisable chez le polytraumatisé et en cas de


La tomodensitométrie occupe actuellement une place de choix dans
suspicion de lésions du rachis cervical), avec utilisation d’un
le bilan préopératoire des traumatismes dento-maxillo-faciaux et
appareillage spécifique. Les critères de qualité sont :
craniofaciaux. Elle peut être réalisée, soit d’emblée face à un choc
– pour la mandibule : sur le plan osseux, une bonne visibilité de la violent ou chez un polytraumatisé, soit en complément d’un bilan
symphyse, des branches horizontales et montantes, des canaux radiographique standard. La stabilité hémodynamique et l’absence

15
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

RD

OM

+15°
*
B

*
A

1 *
C

33 Incidence face basse.


2 A. Plan orbitoméatal (OM).
3 B. Plan sagittal médian. RD : rayon directeur.
4 C. Radiographie face basse.
D. Incidence face basse (inspiré de F Heitz). 1. Rocher ; 2. racine du zygoma ; 3. condyle mandibulaire ; 4. col ; 5. co-
5 roné ; 6. branche montante de la mandibule ; 7. ligne oblique externe ; 8. épine de Spix ; 9. canal dentaire ; 10. fora-
8 6
men mentonnier.
7

10
*
D

34 Orthopantomographie.

d’agitation du patient conditionnent la réalisation pratique de


l’examen, qui permet d’effectuer un bilan lésionnel complet :
cranioencéphalique, rachidien, thoracique, abdominal, pelvien mais
également locomoteur.
Le scanner hélicoïdal, ou tomodensitométrie à acquisition spiralée,
permet grâce à sa rapidité d’acquisition, d’obtenir des images de
bonne qualité, et d’effectuer des reconstructions multiplans bi- et
tridimensionnels. Il facilite l’analyse des traits de fracture et des
déplacements, notamment dans les fractures complexes
35 Défilé maxillaire droit.
comminutives du massif facial et de la base du crâne : fractures
disjonctions craniofaciales type Le Fort, fractures complexes de
l’articulation temporomandibulaire, fractures de la portion dentée – orbitaires (incarcération musculaire dans un foyer de fracture,
des maxillaires, et étude des lésions du cadre orbitaire et des parois. hématome intra- ou rétro-orbitaire, lésions de l’apex, présence de
Le scanner avec reconstruction 3D surfacique présente un intérêt à corps étrangers intraoculaires, recherche de signes de compression
la fois au stade initial et au stade des séquelles, pour analyser les du nerf optique) ;
déplacements osseux notamment dans les formes complexes, mais – neurologiques (contusions, hématomes, voire brèche
également dans un but pédagogique (fig 36). Il permet également de ostéoméningée avec son risque infectieux secondaire en cas de
rechercher et de localiser des complications : fractures de l’étage antérieur de la base du crâne : paroi postérieure

16
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

36 Tomodensitométrie. Reconstruction 3D surfacique après


acquisition volumique sur le massif facial, de face (A) et de
trois quarts (B).

*
A *
B

des sinus frontaux, lame criblée de l’ethmoïde). Sur le plan – contusions


technique, l’examen scanographique comporte des coupes axiales et – subluxations
coronales réalisées en fenêtres osseuses et éventuellement
parenchymateuses, pour préciser certaines localisations notamment – luxations
orbitaires. Les coupes coronales sont soit directes, soit obtenues – fractures dentaires (fractures coronaires parcellaires avec ou sans
après reconstruction 2D à partir de l’acquisition axiale, en fonction atteinte pulpaire, fractures radiculaires, fractures de l’apex)
de l’état clinique du patient et de la possibilité ou non de le
mobiliser (polytraumatisme, suspicion de lésions du rachis cervical). – fractures alvéolodentaires
Les progrès considérables de l’informatique et des capacités de – traumatismes gingivomuqueux
traitement de l’image permettent des reconstructions multiples avec Traumatismes de l’étage inférieur de la face : mandibule et articulation
coupes frontales et sagittales, même si leur réalisation directe n’est temporomandibulaire
pas possible. Ils permettent également de s’affranchir d’artefacts tels
que ceux engendrés par les prothèses dentaires dans les coupes – fractures de la portion dentée
coronales directes. – fractures de la symphyse
– fractures de la branche horizontale
IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE (IRM)
– fractures de l’angle
Elle complète les données de la tomodensitométrie pour l’étude des
– fractures de la portion non dentée
parties molles, notamment l’analyse du contenu de l’orbite : globe
oculaire, muscles, et la recherche de lésions du nerf optique. Il s’agit – branches montantes
d’un examen non invasif et non irradiant, qui facilite également la – condyles
recherche de lésions vasculaires post-traumatiques : fistule
carotidocaverneuse et anévrisme (angio-IRM). – coroné
– luxations dynamiques de l’articulation temporomandibulaire
AUTRES EXPLORATIONS Traumatismes du massif facial (étages moyen et supérieur) : fractures
occlusofaciales
Les voies lacrymales peuvent être explorées par dacryocystographie
éventuellement couplée à la tomodensitométrie, et le canal – fractures disjonctions craniofaciales horizontales de Le Fort
parotidien par sialographie après échec des classiques sondages et
– fracture de Le Fort I ou fracture de Guérin
injections de produits colorés.
– fracture-disjonction craniofaciale haute dite vraie ou Le Fort III
– fracture-disjonction craniofaciale intermédiaire dite fracture
ANGIOGRAPHIE
pyramidale ou Le Fort II
D’indication rare, elle présente un intérêt à la fois diagnostique pour
le bilan de lésions vasculaires (fistule carotidocaverneuse, dissection – disjonction intermaxillaire et fractures verticales autres
dans les fractures irradiées au canal carotidien et au sinus Traumatismes du tiers latéral de la face : fractures latérofaciales
caverneux) et thérapeutique. L’artériographie représente en effet une – fractures de l’arcade zygomatique et/ou du malaire
alternative thérapeutique à la ligature chirurgicale de l’artère
carotide externe, dans les hémorragies post-traumatiques non – fractures du plancher orbitaire
contrôlées de l’extrémité céphalique, par les techniques Traumatismes du tiers médian de la face : fractures centrofaciales
d’embolisation vasculaire sélective (fig 5).
– fractures de la pyramide nasale
– dislocations orbitonasales
Formes cliniques des traumatismes – fractures de la paroi orbitaire médiale ou fractures orbitonasales
et fractures de la face [17, 21, 23, 24]
– fractures de la paroi antérieure du sinus frontal
– fractures du toit de l’orbite ou fractures orbitocrâniennes
Une classification topographique des traumatismes et fractures de
la face peut être réalisée.
Lésions des parties molles LÉSIONS DES PARTIES MOLLES
Traumatismes alvéolodentaires Les plaies et brûlures de la face ont déjà été évoquées (cf supra).

17
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

37 Traumatismes dentaires. 1. Fracture coronaire parcel-


1 laire sans atteinte pulpaire ; 2. fracture coronaire parcellaire
avec atteinte pulpaire ; 3. fracture radiculaire à trait horizon-
2 tal ; 4. fracture radiculaire à trait oblique ; 5. fracture de
l’apex ; 6. luxation avec égression ; 7. luxation avec ingres-
sion ; 8. luxation avec palatoversion.
3

4
5
6 7 8

[23]
TRAUMATISMES ALVÉOLODENTAIRES
Ils sont de gravité variable.

¶ Contusion
Elle se caractérise par une sensibilité transitoire de la dent à la
percussion ainsi qu’au froid, avec des clichés radiographiques
normaux. L’évolution peut être défavorable, et aboutir à une perte
de la vitalité pulpaire.

¶ Subluxation
La dent mobile et douloureuse après un choc direct est restée en
place dans son alvéole. Les radiographies sont peu ou pas modifiées 38 Formes topographiques des fractures de la mandibule. 1a. Fractures capitales du
avec éventuellement un espace desmodontal élargi. condyle ; 1b. fractures sous-condyliennes hautes ; 1c. fractures sous-condyliennes bas-
ses ; 2. coroné ; 3. branche montante ; 4. angle ; 5. branche horizontale ; 6. région sym-
physaire et parasymphysaire ; 7. région alvéolodentaire.
¶ Luxation
Elle s’accompagne d’une avulsion de la dent avec alvéole deshabitée secondaire et complications infectieuses, peut en effet survenir à tout
par rupture des moyens d’union. Elle touche surtout le maxillaire et moment, d’où la nécessité d’émettre systématiquement des réserves
notamment les incisives centrales 11 et 21. Plusieurs types de lors de la rédaction du certificat médical initial.
mouvements sont possible, à savoir : ingression, égression,
vestibuloversion, linguo- ou palatoversion (fig 37). La réimplantation ¶ Fractures alvéolodentaires (fig 38)
d’une dent définitive est possible, mais doit être effectuée sans délai Elles entraînent une mobilité de deux ou plusieurs dents, par
après le traumatisme dans de bonnes conditions techniques. Le fracture associée de l’os alvéolaire de soutien concernant ainsi un
pronostic reste cependant bien souvent défavorable à moyen terme. bloc alvéolodentaire.
¶ Fractures dentaires : fractures coronaires parcellaires ¶ Traumatismes gingivomuqueux
avec ou sans atteinte pulpaire, fractures radiculaires,
fractures de l’apex (fig 37) Ils sont à type de plaies ou de contusions avec hématome
sous-muqueux.
Fractures coronaires parcellaires sans atteinte pulpaire
Ce sont des fractures asymptomatiques ou paucisymptomatiques TRAUMATISMES DE L’ÉTAGE INFÉRIEUR DE LA FACE :
MANDIBULE ET ARTICULATION
limitées à l’émail ou à la dentine, de bon pronostic. TEMPOROMANDIBULAIRE [23]

Fractures coronaires parcellaires avec atteinte pulpaire Les fractures de la mandibule sont très fréquentes. Elles se divisent
en fractures de la portion dentée (symphyse mandibulaire, branches
Elles sont responsables de douleurs importantes du fait de horizontales et angles de la mandibule) et fractures de la portion
l’ouverture de la chambre pulpaire, et imposent coiffage pulpaire ou non dentée (branches montantes, condyles, coronés) (fig 38).
pulpectomie et traitement endodontique.
¶ Fractures de la portion dentée
Fractures radiculaires
La portion dentée est caractérisée par l’existence de zones de
Le siège et la direction du trait sont importants à préciser, car ils faiblesse : canines, dents de sagesse et alvéoles qui représentent les
conditionnent pronostic et traitement. Les fractures à trait oblique sièges électifs de fractures. Sur le plan clinique, celles-ci sont
ou vertical sont des fractures instables avec mobilité caractérisées par l’existence :
interfragmentaire lors de la mastication, d’où la nécessité de
privilégier l’avulsion, à la différence des fractures à trait horizontal – de points douloureux exquis en regard du ou des foyers de
où l’avulsion n’est pas systématique selon la portion radiculaire fractures ;
concernée. – de déformations avec perte de l’alignement dentaire et troubles
de l’articulé souvent dans les trois plans de l’espace par déplacement
Fractures de l’apex (chevauchement, décalage, angulation-rotation), secondairement
Elles sont traitées par résection apicale ou abstention thérapeutique masquées par l’œdème et les hématomes ;
et surveillance. – d’une mobilité anormale interfragmentaire.
Dans tous les cas et quelle que soit l’importance du traumatisme Elles imposent une réduction parfaite, pour restituer l’articulé
initial, une surveillance régulière de la vitalité dentaire doit être dentaire antérieur et éviter des troubles occlusaux séquellaires avec
assurée au décours du traumatisme dentaire, compte tenu des retentissement éventuel sur la fonction temporomandibulaire. Il
risques évolutifs. La mortification pulpaire, avec lyse radiculaire faudra systématiquement :

18
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

39 Tomodensitométrie.
Fracture de la portion den-
tée de la mandibule en ré-
gion symphysaire, en coupe
axiale.

*
A *
B

40 Fractures de la branche horizontale de la mandibule.


A. Trait de fracture défavorable (action musculaire).
B. Trait de fracture favorable.

41 Tomodensitométrie. Fracture bilaté-


rale de la mandibule déplacée (branches
horizontales) en coupe axiale (A) et re-
construction 3D surfacique (B).

– préciser l’état de la denture avec son intérêt médicolégal et


thérapeutique (possibilité de mise en place d’un blocage
intermaxillaire) ;
– rechercher une hypo- ou anesthésie labiomentonnière dentaire
inférieure (V3), notamment dans les fractures siégeant entre épine
de Spix et trou mentonnier (signe de « Vincent »). Tout déficit sensitif
ou moteur doit en effet être mentionné sur le certificat médical
initial, et notifié au patient dans la mesure du possible avant tout
geste chirurgical (valeur médicolégale).

Fractures de la symphyse (fig 39) *


A
Elles sont localisées entre les faces distales des deux canines. Le
mécanisme peut être direct ou indirect, après choc latéral sur la
branche horizontale ou l’angle mandibulaire, avec un trait de
fracture médian ou paramédian, à direction verticale ou oblique. Un
hématome pelvibuccal est quasi constant, avec un déplacement
surtout marqué dans les fractures parasymphysaires. Le long
fragment est attiré vers le bas sous l’action des muscles abaisseurs
de la mandibule, et le court fragment déplacé vers le haut sous
l’action des muscles élévateurs. Les formes bilatérales entraînent un
déplacement en bas et en arrière du fragment symphysaire détaché,
avec risque de troubles asphyxiques dans des cas exceptionnels.
Elles se caractérisent cliniquement par une douleur en région
symphysaire, provoquée par une pression transversale sur les angles
mandibulaires ou par une pression antéropostérieure sur la
symphyse (fig 16B). Chez l’enfant, il faut toujours penser à la
classique association fracture symphysaire-fractures condyliennes,
notamment devant une simple plaie du menton.

Fractures de la branche horizontale *


B

Les fractures siègent entre la face mésiale de la première prémolaire


Fractures de l’angle mandibulaire
et la face distale de la deuxième molaire. Elles peuvent survenir
après un choc direct ou indirect. La direction du trait de fracture Elles siègent entre la face mésiale de la troisième molaire ou dent de
conditionne la mobilité ou non du foyer, et donc le risque de sagesse, et une ligne horizontale prolongeant le trigone rétromolaire.
déplacement secondaire et la symptomatologie (fig 40). Les fractures La douleur localisée en regard du foyer de fracture est réveillée lors
à trait vertical ou oblique en bas et en arrière sont instables. Le de la pression antéropostérieure sur le menton (fig 16A). Ces
fragment postérieur est ascensionné sous l’action des muscles fractures sont souvent déplacées sous l’action des forces musculaires
temporal, masséter et ptérygoïdien latéral, alors que l’action des puissantes (muscles masticateurs). La position de la dent de sagesse
muscles mylohyoïdien et géniohyoïdien tend à abaisser le fragment par rapport au trait de fracture conditionne la thérapeutique.
antérieur, créant ainsi une marche d’escalier. L’action musculaire est
ainsi défavorable. Les fractures à trait oblique en bas et en avant ¶ Fractures de la portion non dentée
sont à l’inverse peu ou pas déplacées, avec absence de décalage dans
le plan vertical. La possibilité de fractures monocorticales sans Branches montantes
déplacement, paucisymptomatiques, de diagnostic radiologique Ce sont des fractures peu fréquentes, généralement non déplacées,
difficile, impose de savoir répéter les incidences radiologiques : localisées entre l’angle de la mandibule et l’échancrure sigmoïde, de
orthopantomographie, défilé maxillaire, mais également clichés deux types : verticales ou horizontales plus ou moins obliques. Elles
occlusaux et incidences rétroalvéolaires, le trait de fracture étant entraînent une limitation douloureuse de l’ouverture buccale, avec
alors plus facilement visible secondairement par déminéralisation un contact molaire prématuré du côté fracturé et une béance
osseuse (fig 41). controlatérale.

19
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

(classique bâillement) ou après un traumatisme (coup de poing). Les


42 Tomodensitométrie.
formes médiales ou latérales sont associées à des fractures
Fracture du condyle droit
en coupe axiale. condyliennes, et les formes supérieures à un enfoncement vertical
de la cavité glénoïde (fracture de Lefebvre). Le diagnostic est
cliniquement évident pour les formes antérieures, avec une
latérodéviation de la mandibule du côté sain (on dit que « le menton
regarde du côté sain ») dans les formes unilatérales, une saillie du
condyle luxé sous la peau et une vacuité de la glène. Dans les formes
bilatérales, on note une béance et une impossibilité de fermer la
bouche. La confirmation radiologique est fournie par les clichés
standards, en particulier panoramique et incidences de Schüller en
bouche ouverte et fermée ; ou bien par la tomodensitométrie en
coupes coronales et sagittales. La réduction est obtenue par
manœuvre de Nélaton réalisée en urgence ou à distance après
sédation ou anesthésie générale, avec traction en bas puis en arrière
au niveau des molaires.

Condyles (fig 42) TRAUMATISMES DU MASSIF FACIAL (ÉTAGES MOYEN


Il s’agit de fractures le plus souvent indirectes après un choc frontal ET SUPÉRIEUR) : FRACTURES OCCLUSOFACIALES
sur la symphyse mandibulaire, ou associées à une fracture de la ¶ Fractures disjonctions craniofaciales horizontales
branche horizontale controlatérale. Elles siègent au-dessus d’une
de Le Fort [2, 5, 15, 22, 23] (fig 43)
ligne oblique passant par l’échancrure sigmoïde. Sur le plan
topographique, on distingue deux types de fractures : les fractures Il s’agit de fractures de direction horizontale séparant la face de la
intra-articulaires (fractures condyliennes ou capitales et fractures base du crâne, survenant au décours d’un traumatisme violent. Les
sous-condyliennes hautes) et les fractures extra-articulaires (fractures rapports anatomiques de l’étage moyen de la base du crâne
sous-condyliennes basses siégeant à la base du col). L’association à expliquent la fréquence :
une fracture de l’os tympanal doit être recherchée. – des complications hémorragiques, par la richesse des éléments
L’examen clinique peut retrouver : vasculonerveux ;
– une ecchymose en regard du menton ; – des lésions orbitaires et périorbitaires associées, et notamment des
– une douleur prétragienne élective au repos comme lors de la lésions du nerf infraorbitaire (V2) avec hypo- ou anesthésie dans le
mobilisation, parfois accompagnée d’otorragies, pouvant faire territoire correspondant ;
suspecter une lésion du tympanal. L’atteinte du nerf facial avec – le risque de brèche ostéoméningée, par fracture irradiée à l’étage
paralysie faciale périphérique est rarement observée ; antérieur.
– en ce qui concerne la cinétique mandibulaire : Décrites au début du XXe siècle par un médecin militaire français, Le
Fort, sur le cadavre, elles sont de trois types : fracture de Le Fort I
– une limitation douloureuse de l’ouverture buccale par trismus ou fracture de Guérin ; fracture disjonction craniofaciale haute dite
réactionnel ; vraie ou Le Fort III ; fracture disjonction craniofaciale intermédiaire
– en bouche fermée, des troubles de l’articulé dentaire, avec un dite fracture pyramidale ou Le Fort II.
contact molaire prématuré du côté fracturé par ascension de la
branche montante, et une béance du côté sain ; Fracture de Le Fort I ou fracture de Guérin

– en bouche ouverte, une latérodéviation de la ligne interincisive Le trait de fracture est localisé au-dessus des apex de l’arcade
du côté atteint (on dit que « le menton regarde la lésion »), une dentaire supérieure. Elle sépare le plateau palatin du maxillaire qui
limitation douloureuse de l’ouverture buccale avec diminution ou reste solidaire du massif craniofacial, avec luxation ou section du
impossibilité de diduction et propulsion, et une absence de pied de la cloison nasale, et fracture associée à la partie inférieure
mobilité du ou des condyles fracturés lors des mouvements des apophyses ptérygoïdes, en arrière (fig 43).
d’ouverture-fermeture buccale. Fracture disjonction craniofaciale haute dite vraie ou Le Fort III
L’examen clinique et radiologique des régions condyliennes doit être
tout particulièrement attentif en cas de chute sur le menton, Elle associe quatre traits de fracture qui aboutissent à la séparation
notamment chez l’enfant, compte tenu des risques évolutifs des du massif facial de la base du crâne. Les traits de fractures
fractures condyliennes négligées. Elles peuvent en effet être à concernent ainsi la racine du nez, l’épine nasale du frontal, la lame
l’origine : de constrictions permanentes des mâchoires d’origine perpendiculaire de l’ethmoïde près de la lame criblée, le vomer à sa
musculaire et/ou articulaire, évoluant vers l’ankylose avec partie haute, les parois interne, inférieure et externe de l’orbite en
dysfonctionnement majeur des articulations temporomandibulaires ; passant sous le canal optique, la suture frontozygomatique, le
et surtout de troubles de croissance de la mandibule par atteinte des prolongement zygomatique du temporal et les apophyses
cartilages, responsables de dysmorphoses dentomaxillaires. ptérygoïdes à leur partie supérieure (fig 43).

Fracture disjonction craniofaciale intermédiaire dite fracture


Fractures du coroné
pyramidale ou Le Fort II
Ce sont des fractures peu fréquentes, rarement isolées, avec une Les traits de fracture sont dans ce cas intermédiaires, passant par la
symptomatologie clinique pauvre. Elles associent limitation partie moyenne de la pyramide nasale jusqu’au bord postérieur du
douloureuse de l’ouverture buccale, tuméfaction localisée et parfois vomer, la branche montante des maxillaires, le plancher et le rebord
hématome sous-muqueux à l’examen endobuccal. Le diagnostic en orbitaire inférieur, la suture maxillozygomatique, et la paroi
est essentiellement radiologique. postéroexterne des sinus maxillaires, jusqu’à l’apophyse ptérygoïde
à sa partie moyenne (fig 43).
¶ Luxations dynamiques de l’articulation
Pour les fractures de types II et III, l’examen clinique peut objectiver
temporomandibulaire
de profil, en cas de déplacement : une rétrusion de l’étage moyen de
Les luxations vraies sont le plus souvent antérieures uni- ou la face avec aplatissement bilatéral des pommettes, rapidement
bilatérales, survenant lors d’une ouverture forcée de la bouche masqué par l’œdème. Il peut s’y associer :

20
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

*
C

*
A *
B

43 Traits de fracture dans les fractures-disjonctions craniofaciales horizontales de Le Fort : vue de face (A), de profil (B), inférieure
(C) et parasagittale médiane (D). En vert : fracture Le Fort I, en rouge : fracture Le Fort II, en bleu : fracture Le Fort III.

*
D

– d’une hypo- ou anesthésie dans le territoire cutanéomuqueux du


nerf infraorbitaire ;

– de lésions oculaires : une diplopie par incarcération musculaire


dans une fracture du plancher de l’orbite, une énophtalmie ou plus
rarement des lésions du nerf optique par fracture irradiée au canal
optique ;

– d’un syndrome de la fissure orbitaire supérieure.


La fracture type Le Fort III avec fracture ou disjonction fronto- et
temporozygomatique, est caractérisée par une mobilité de toute la
face par rapport au crâne, à la différence du Le Fort II, où l’os
zygomatique reste solidaire des maxillaires.
Les fractures de Le Fort I ont un aspect clinique beaucoup moins
spectaculaire. On note l’existence de points douloureux électifs à la
palpation des ptérygoïdes, réalisant le signe de Guérin, mais
également à la base du nez et au niveau de l’orifice piriforme. Il
existe également des troubles de l’articulé similaires et des
ecchymoses vestibulaires supérieures et palatines en « fer à cheval ».
La mobilité anormale est ici limitée au plateau palatin.
44 Ecchymoses périorbitaires en « lunettes ». Le diagnostic radiologique impose un effort mental de
reconstruction tridimensionnelle à partir des clichés standards, d’où
– des ecchymoses périorbitaires en « lunettes » avec hémorragie la nécessité de plusieurs incidences, et surtout l’intérêt de la
sous-conjonctivale bilatérale (fig 44) ; tomodensitométrie par les coupes coronales et les reconstructions
multiplans. En pratique, les formes cliniques sont le plus souvent
– une énophtalmie plus ou moins marquée ;
associées avec des traits de fractures de siège et d’orientation
– des écoulements narinaires bilatéraux de sang et/ou de LCR. variables.
L’examen clinique exo- et endobuccal retrouve des points
douloureux électifs localisés en regard des foyers de fracture, et des ¶ Disjonction intermaxillaire et fractures verticales
troubles de l’articulé dentaire avec contact molaire prématuré
bilatéral et béance antérieure. On note également des ecchymoses
autres [5]
vestibulaires supérieures et palatines postérieures. L’examen est
Les fractures disjonctions craniofaciales verticales sont caractérisées
complété par la recherche :
par un trait de fracture sagittal médian ou paramédian, avec plaie
– d’une mobilité anormale de l’étage moyen dans le sens palatine antéropostérieure et diastème interincisif médian ou
transversal, antéropostérieur ou vertical (fig 20) ; paramédian. Elles peuvent être associées aux précédentes.

21
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

45 Fracture disjonction 47 Tomodensitométrie.


du malaire. Fracture enfoncement du
malaire en coupe axiale avec
hémosinus bilatéral prédo-
minant à gauche. À noter,
l’emphysème sous-cutané
bien visible sur le cliché.

48 Tomodensitométrie. Fracture orbito-maxillo-zygomatique en coupe axiale, avec


fracture de la lame papyracée de l’ethmoïde, de la suture sphénomalaire gauche et pneu-
morbite associé.

46 Fracture du malaire droit : effacement de la pommette en vue plongeante (flèche). 49 Tomodensitométrie.


Fracture du zygoma droit
TRAUMATISMES DU TIERS LATÉRAL DE LA FACE : avec hémosinus maxillaire
FRACTURES LATÉROFACIALES droit associé en coupe
axiale.
¶ Fractures de l’arcade zygomatique et du malaire :
fractures orbito-maxillo-zygomatiques [2, 23]
Ce sont des fractures fréquentes (20 à 25 % des fractures de l’étage
moyen de la face [24]). Elles peuvent survenir après un choc direct ou
un choc indirect, par irradiation d’une fracture complexe type
fracture transfaciale (Le Fort II ou III). Le tableau clinique est
variable : de la simple fracture non déplacée avec douleur et
ecchymose localisées, jusqu’au classique tableau de la fracture
disjonction du corps du malaire par rupture des trois pieds du
« tabouret » (les processus orbitaire externe, maxillaire et
zygomatique du malaire) (fig 45). Ce tableau associe de façon plus
ou moins complète :
– un effacement de la pommette visible à jour frisant mais
rapidement masqué par l’œdème (fig 46) ; des points douloureux
électifs et des décalages avec « coups de hache », perceptibles au – des manifestations oculaires en cas de fracture irradiée au
niveau des sutures frontozygomatiques, temporozygomatiques, du plancher de l’orbite avec : énophtalmie, abaissement du globe
rebord orbitaire inférieur et du cintre maxillozygomatique ; oculaire par dystopie canthale externe avec obliquité antimongoloïde
de la fente palpébrale, et diplopie par incarcération des expansions
– des troubles sensitifs avec hypo- ou anesthésie dans le territoire
musculaires du droit inférieur et du petit oblique.
du nerf infraorbitaire (V2), c’est-à-dire la région naso-jugo-palpébro-
labiale et les arcades dentaires supérieures. Exceptionnellement, on On peut également observer des manifestations sinusiennes avec :
peut observer des troubles sensitifs en région temporale. épistaxis, hémosinus et parfois emphysème sous-cutané jugal, avec
sa crépitation neigeuse caractéristique correspondant à une présence
En fonction de l’importance du déplacement, il peut s’y associer :
anormale d’air (fig 47, 48, 49, 50).
– un trismus à l’origine d’une limitation de l’ouverture buccale.
Celui-ci peut être lié à la compression du muscle temporal ou à la ¶ Fractures du plancher orbitaire
contusion du masséter, voire être secondaire à un conflit entre Il peut s’agir de fractures isolées ou de fractures irradiées avec un
coroné et arcade zygomatique ; point d’impact à distance. Elles résultent le plus souvent d’une

22
Stomatologie Examen d’un traumatisé facial 22-068-A-05

50 Tomodensitométrie. Fracture-enfoncement de la partie


latérale gauche du massif facial, avec solution de continuité os-
seuse des parois antérieures et postérieures du sinus maxillaire
gauche et hémosinus associé en coupe axiale (A), et en recons-
truction 3D surfacique (B).

*
A *
B

51 Tomodensitométrie. 52 Tomodensitométrie.
Fracture du plancher de Fracture plurifragmentaire
l’orbite gauche type « blow- du plancher de l’orbite droit
out » avec hernie graisseuse avec pneumorbite en coupe
et esquille osseuse extraor- coronale et hémosinus ma-
bitaire en reconstruction xillaire droit associé.
2D coronale.

hyperpression sur le plancher orbitaire, soit par choc direct sur le


globe oculaire (blow-out pur de Converse et Smith), soit par choc sur
53 Tomodensitométrie en
le rebord orbitaire inférieur par balle de tennis ou de golf par reconstruction 3D surfaci-
exemple (blow-out impur). Dans les fractures dites blow-out, le que : fracture orbitofrontale
plancher orbitaire reste effondré sous l’onde de choc, à l’inverse des droite à type d’enfonce-
fractures en « trappe » ou trap door fracture, où la partie du plancher ment.
de l’orbite fracturée se remet spontanément en place, piégeant ainsi
les éléments anatomiques graisseux et/ou musculaires herniés [1, 2, 4,
11]
.
Sur le plan clinique, elles se caractérisent classiquement par :
– une énophtalmie souvent masquée par l’œdème ;
– une hypo- ou anesthésie sous-orbitaire, et surtout des troubles
oculomoteurs avec fixité de l’œil et diplopie. Le test de duction
volontaire, particulièrement pénible et douloureux, difficile à réaliser,
confirme l’atteinte verticale par blocage des muscles droit inférieur
ou petit oblique ;
– fractures de la paroi orbitaire médiale ou fractures orbitonasales ;
– le cadre orbitaire intact dans les formes type blow-out pur.
– fractures de la paroi antérieure du sinus frontal ;
Il s’agit d’une indication chirurgicale absolue, sous peine de lésions
– de fractures orbitocrâniennes ou fractures du toit de l’orbite
oculomotrices définitives. Les radiographies standards sont parfois
(fig 53).
normales ou retrouvent une image en « goutte d’eau » appendue au
plafond du sinus maxillaire, associée à un rebord orbitaire inférieur Dans les formes complexes, elles réalisent de véritables dislocations
normal et à un hémosinus. L’exploration tomodensitométrique, par (dislocations orbito-naso-ethmoïdo-frontales : DONEF).
les coupes coronales, permet d’objectiver la hernie musculo- L’examen clinique recherche :
graisseuse dans le sinus maxillaire sous-jacent (fig 51, 52).
– un œdème et des ecchymoses naso-orbitaires ;
– des points douloureux électifs et des déformations localisées ;
TRAUMATISMES DU TIERS MÉDIAN VERTICAL
DE LA FACE : FRACTURES CENTROFACIALES [2, 22, 23] – un télécanthus par désinsertion des ligaments palpébraux
médiaux, notamment dans les fractures des branches montantes des
Elles regroupent l’ensemble des lésions du CNEMFO. Il s’agit de maxillaires, voire un épicanthus ;
façon isolée ou associée de :
– des épistaxis d’importance variable ;
– fractures de la pyramide nasale (fractures les plus fréquentes des
– une déformation par élargissement de la pyramide nasale de face,
os de la face) ;
avec épatement de la racine du nez et un aspect de rétrusion de
– dislocation orbitonasale ; profil.

23
22-068-A-05 Examen d’un traumatisé facial Stomatologie

La rhinoscopie antérieure apprécie l’existence de lésions endonasales : arguments en faveur d’une lésion associée de l’étage antérieur de la
épistaxis, hématome de la cloison, déviation septale. L’examen base du crâne : anosmie, rhinorrhée témoin d’une brèche ostéo-
oculaire recherche une diplopie, une lésions des voies lacrymales, méningée, ou une pneumatocèle sur les clichés radiographiques. Les
voire des complications oculaires à type de cécité post-traumatique fractures du toit de l’orbite s’accompagnent le plus souvent d’une
par fracture irradiée au canal optique. Enfin, on recherche des hypo- ou anesthésie supraorbitaire (V1) : région frontale et sourcilière.

Références
[1] Barbrel P, Géré E. Fractures de l’orbite. Encycl Méd Chir (Édi- [9] Fain J. La répercussion des traumatismes du massif facial sur [18] Lockhart R, Bertrand JC. Conduite à tenir en urgence
tions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stoma- l’étage antérieur de la base du crâne. Rev Stomatol Chir devant un traumatisme maxillo-facial. Encycl Méd Chir (Édi-
tologie, 22-072-A-10, 2001 : 1-20 Maxillofac 1980 ; 81 : 31-43 tions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Urgen-
[2] Beziat JL, Cresseau P. Fractures du massif facial, diagnostic. [10] Fain J, Chabannes J, Péri G, Jourde J. Traumatismes fronto- ces, 24-104-A-10, 1994 : 1-19
Rev Prat 1994 ; 44 : 817-826 basaux et fistules liquidiennes. Essai de classification [19] Martin-Duverneuil N, Chiras J, Choufa A. Traumatismes
[3] Bichet JC, Lakhel A, Foyatier JL, Cantaloube D. Brûlures de anatomo-clinique. Incidence thérapeutique. Neurochirur- maxillo-faciaux. In : Nahum H éd. Imagerie maxillo-faciale.
la face au stade aigu. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques gie 1975 ; 21 : 493-506 Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1997 : 171-210
et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-088-P- [11] Gola R, Nerini A, Jallut Y. Une fracture piège, la fracture en [20] Merville LC, Real JP. Plaies et fractures de la face. Ann Chir
10, 2001 : 1-10 « trappe » du plancher de l’orbite. Ann Chir Plast Esthét Plast Esthét 1980 ; 25 : 390-396
[4] Converse JM, Smith B, Obear MF, Wood-Smith D. Orbital 1982 ; 27 : 322-330 [21] Pellerin P. Lésions traumatiques cranio-faciales : à propos
blow-out fracture: a ten-year survey. Plast Reconstr Surg [12] Grellet M, Keravel Y, Marsault C, Morax S, Roujas F, Scheffer de 110 cas. [thèse], Lille, 1977
1967 ; 39 : 20-36 P. Traumatologie faciale en traumatologie d’urgence. Rev [22] Peron JM, Guilbert F. Fractures et disjonctions du massif
[5] Dandrau JP, Aubert S, Cantaloube D. Fractures des maxil- Stomatol Chir Maxillofac 1981 ; 82 : 149-158 facial supérieur. Diagnostic, principes du traitement. Rev
laires. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales [13] Heitz F, Montagne E, Meyer F, Buthiau D. Imagerie médi- Prat 1991 ; 41 : 1325-1332
Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-071-A-10, 2001 : cale : radiologie conventionnelle sans produit de contraste. [23] Piette E. Pathologie traumatique dento-maxillo-faciale. In :
1-13 Thoiry : éditions Médicales Heures de France, 1992 : 1-57 Traité de pathologies buccale et maxillo-faciale. Bruxelles :
[6] Descrozailles JM, Sapanet M, Nouri K. Examen d’un trau- [14] Lahbabi M, Lockhart R, Fleuridas G, Chikhani L, Bertrand De Boeck Université, 1991 : 1485-1543
matisé facial. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et JC, Guilbert F. Énophtalmies post-traumatiques. Considé-
Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-068-A-05, [24] Piette E, Reychler H. Considérations sur les fractures orbito-
rations physiopathologiques et thérapeutiques actuelles. maxillo-malaires. Ann Chir Plast Esthét 1987 ; 32 : 112-123
1994 : 1-19 Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999 ; 100 : 165-174
[7] Dubayle P, Boyer B, Goasdoué P, David H, Le Clainche P, [25] Pons J, Bellavoir A. Traumatologie faciale. Paris : Expansion
[15] Le Fort R. Étude expérimentale sur les fractures de la Scientifique Française, 1988 : 3-27, 78-94, 107-113
Pajoni D et al. Imagerie maxillo-faciale. Tomodensitomé-
mâchoire supérieure. Rev Chir 1901 ; 23 : 208-227, 360- [26] Revol M, Servant JM. Traumatologie maxillo-faciale. In :
trie. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales
379, 479-507 Manuel de chirurgie plastique, reconstructrice et esthéti-
Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-010-D-30, 1996 : 1-7
[8] Dupuis MG, Dosch JC, Badoz A. Imagerie des traumatis- [16] Levy RA, Edwards WT, Meyer JR, Rosenbaum AE. Facial que. Paris : Pradel, 1993 : 295-332
mes du massif facial. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques trauma and 3-D reconstructive imaging: insufficiencies and [27] San-Galli F, Pinsolle J, Ducours JL, Petriat B, Laur P, Siberchi-
et Médicales Elsevier SAS, Paris), Radiodiagnostic - correctives. AJNR Am J Neuroradiol 1992 ; 13 : 885-892 cot F et al. Traumatismes cranio-faciaux et brèches ostéo-
Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-652-B-10, [17] Lezy JP, Princ G. Stomatologie et pathologie maxillo- méningées. Quand faut-il aborder l’étage antérieur ? Rev
1994 : 1-15 faciale. Paris : Masson, 1987 : 1-36 Stomatol Chir Maxillofac 1987 ; 88 : 269-273

24
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-072-A-10

22-072-A-10

Fractures de l’orbite
P Barbrel
É Géré

Résumé. – L’orbite, de par sa position au sein de l’étage moyen de la face, constitue un véritable carrefour
traumatique.
Sa constitution anatomique, ses rapports limitrophes, son architecture biomécanique en sont la preuve et
expliquent la fréquence de ses fractures parmi l’ensemble des traumatismes faciaux. Au vu des conséquences
de ces fractures et de leur retentissement fonctionnel et morphologique, sans même parler d’esthétique, on
peut difficilement sortir l’orbite de son contexte. L’enfermer dans une des nombreuses classifications
anatomocliniques proposées au fil des temps ? Chacune a ses raisons, aucune n’est vraiment satisfaisante.
Elles témoignent seulement de la variété de ces fractures, de la plus simple à la plus compliquée, et de la
difficulté de leur systématisation. Ceci est paradoxal car la clinique est parfaitement connue et la prise en
charge bien codifiée. Plutôt qu’un cadre nosologique étriqué, nous avons choisi de les regrouper au sein de
trois grands chapitres qui ont pour points communs leur localisation régionale, leurs conséquences cliniques,
leur attitude thérapeutique.
Parmi les apports récents dont les fractures de l’orbite ont pu bénéficier, il faut insister sur l’imagerie
médicale. La tomodensitométrie spiralée a permis, en gagnant du temps, de multiplier les possibilités de
réalisation de ces examens qui sont devenus presque routiniers. Grâce aux logiciels de reconstructions, la
précision des images est devenue remarquable. Elle apporte un plus indéniable au bilan lésionnel qui guide
l’attitude thérapeutique et le geste du chirurgien.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : fracture, orbite.

Introduction crânienne) sont précédés de rappels anatomiques et


physiopathologiques. Les séquelles et leur traitement devant faire
l’objet d’un autre article ne sont qu’évoqués.
Les fractures de l’orbite sont définies comme des solutions de
continuité du squelette de l’étage moyen de la face qui entoure et
protège le globe oculaire, squelette appartenant de fait à d’autres Données épidémiologiques
régions faciales : frontale, malaire, zygomatique, maxillaire, nasale.
Leur retentissement est double :
ÉTIOLOGIES
– morphologique, par atteinte des contours orbitaires, anomalie de
Les étiologies des fractures orbitaires sont encore largement le fait
position du globe ou anomalie de position des canthi palpébraux ;
de la traumatologie routière, même si celle-ci est en régulière
– fonctionnel, par altération de la vision et troubles de la sensibilité diminution grâce aux protections mises en œuvre :
(V2), hormis l’atteinte directe du globe, qui n’entre pas dans notre
– casques intégraux pour les deux roues ;
propos, sachant que l’incidence des lésions du globe oculaire au
cours des traumatismes orbitaires varie de 14 à 50 % suivant les – ceintures et sacs gonflables pour les habitacles ;
auteurs et leur recrutement. – protections adaptées dans les sports à risque [73] ;
La fréquence de ces lésions orbitaires en traumatologie faciale est – mais aussi, grâce aux dispositions légales mises en œuvre par la
notable puisque, à l’exception des fractures isolées du zygoma, des prévention routière (abaissement du taux légal d’alcoolémie...).
os propres du nez ou de la région alvéolodentaire, toutes les autres
lésions de l’étage moyen du massif facial concernent de près ou de Les accidents de la voie publique (AVP) représentent ainsi 50 à 70 %
loin l’orbite. Les fractures orbitaires représentent ainsi entre 10 et des étiologies suivant les auteurs [19, 47, 54, 68].
15 % de la traumatologie faciale [52]. En dehors des accidents de la circulation routière, les étiologies sont
aussi variées que classiques [42] : rixes 10 à 40 % (comprenant les
L’étude clinique et le traitement primaire de trois grandes entités
violences conjugales [25]), accidents du travail 10 %, accidents sportifs
fracturaires (orbito-maxillo-zygomatique, orbitonasale, orbito-
5 % [73], chutes 10 %.

Philippe Barbrel : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, chef de service. RÉPARTITION SELON L’ÂGE ET LE SEXE
Éric Géré : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service.
Service de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Robert-Picque, BP
De fréquence faible chez l’enfant jeune, les lésions traumatiques
28, 33998 Bordeaux Armées, France. faciales augmentent à l’âge du vélo, puis du scooter et de la moto.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Barbrel P et Géré É. Fractures de l’orbite. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-072-A-10, 2001, 20 p.
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

Toutes les séries s’accordent pour un âge moyen de 35 ans, c’est-à-


dire celui de la pleine activité physique et professionnelle.
La répartition selon le sexe retrouve le ratio classique un tiers/deux
tiers à prédominance masculine [19, 37, 47, 53, 55, 57, 61].

Anatomie chirurgicale de la région


orbitaire [82]

L’orbite osseuse est le carrefour traumatique de l’étage moyen de la


face, mais ses fractures ne peuvent être circonscrites à leur simple
expression osseuse. Les particularités tégumentaires, la mécanique
oculopalpébrale et les rapports limitrophes permettent de
comprendre la physiopathologie de cette région orbitaire vue sous
l’angle traumatologique.

*
A
ORBITE OSSEUSE (fig 1)
Destinée à protéger le globe oculaire, elle se présente classiquement
comme une pyramide quadrangulaire ouverte vers l’avant, fermée
vers l’arrière par l’apex orbitaire. Elle est constituée d’un cadre
compact et de parois papyracées « empruntées » aux formations
osseuses du voisinage comme le démontre l’embryologie.

¶ Paroi inférieure ou plancher


La margelle infraorbitaire est formée en dehors par l’os zygomatique
et en dedans par la branche montante du maxillaire.
La paroi elle-même est essentiellement formée par la face supérieure
de l’os maxillaire, mais aussi par l’os zygomatique en dehors et par
l’apophyse orbitaire de l’os palatin en arrière.
En rapport avec le sinus maxillaire, cette paroi est creusée d’une
gouttière qui se poursuit par le canal infraorbitaire donnant passage
au paquet vasculonerveux homonyme. L’artère infraorbitaire peut
être à l’origine d’un hémosinus ou d’une hémorragie intraorbitaire.
De 5 à 10 mm après l’émergence du nerf infraorbitaire, naît le nerf
alvéolaire antérieur, responsable de l’anesthésie du bloc
incisivocanin lorsqu’il est lésé.

¶ Paroi médiale [12]

D’avant en arrière elle est constituée du processus frontal du


maxillaire, de l’os lacrymal (unguis), de la lame orbitaire de *
B
l’ethmoïde (os planum) et de la face latérale du corps du sphénoïde.
1 Orbite osseuse (d’après Zide).
Cette paroi papyracée est centrée sur les cavités aériques du A. Structure : 1. grande aile du sphénoïde ; 2. ethmoïde ; 3. frontal ; 4. palatin ;
labyrinthe ethmoïdal. La suture ethmoïdofrontale est creusée de 5. os lacrymal ; 6. os maxillaire ; 7. os zygomatique ; 8. petite aile du sphénoïde.
deux canaux ethmoïdaux qui laissent passage au rameau nerveux B. Mensurations adultes habituelles : hauteur 35 mm, largeur 40 mm, profondeur
nasal interne et aux artères ethmoïdales antérieure et postérieure ; 45-50 mm.
celles-ci vascularisent la partie supérieure des fosses nasales depuis
le système ophtalmique.
¶ Paroi latérale
¶ Paroi supérieure ou plafond Elle se partage entre la grande aile du sphénoïde et l’os zygomatique
(apophyse orbitaire du zygomatique). Elle est séparée du toit et du
Le toit de l’orbite est constitué par l’os frontal.
plancher par les fissures orbitaires supérieure et inférieure (fente
Le saillant frontal (ou margelle supraorbitaire) se prolonge sphénoïdale et fente sphénomaxillaire).
latéralement par les apophyses orbitaires interne et externe.
La fente sphénomaxillaire met en communication la cavité orbitaire
L’échancrure sus-orbitaire où passent le nerf et l’artère
et la fosse ptérygomaxillaire. Son extrémité antérieure élargie et
supraorbitaires la divise en deux parties : la partie externe s’articule
arrondie est située 16 à 18 mm en arrière du rebord orbitaire. Elle
avec l’apophyse orbitaire de l’os zygomatique, la partie interne
est traversée par quelques veines anastomotiques entre le système
s’articule avec la branche montante du maxillaire et le squelette de
ophtalmique et les plexus ptérygoïdiens, ainsi que par des filets
l’auvent nasal.
sympathiques issus des ganglions sphénopalatins destinés au
La paroi supérieure de l’orbite correspond au plancher de la fosse muscle de Müller.
cérébrale antérieure. Elle est constituée par la portion horizontale de
l’os frontal en avant et par la face inférieure de la petite aile du ¶ Apex orbitaire
sphénoïde en arrière. À 5 mm en arrière de l’angle supéro-interne,
on trouve la fossette trochléaire où s’insère la poulie de réflexion du Les quatre parois orbitaires convergent vers l’apex centré par le
muscle grand oblique. canal optique. L’os sphénoïde est la clef de voûte de cet assemblage

2
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

3 Vue supérieure de l’or-


bite (d’après Zide). Muscles
oculomoteurs. DI : droit in-
terne ; DINF : droit infé-
rieur ; DE : droit externe ;
DSUP : droit supérieur ;
GO : grand oblique ; PO :
petit oblique ; R : releveur
paupière supérieure. La flè-
che indique le canal lacry-
monasal.

La capsule de Tenon enveloppe la partie postérieure du globe, engaine


l’ensemble des muscles oculomoteurs, envoie des prolongements
vers la surface du globe et les parois orbitaires. L’ensemble de ce
réseau fibroélastique, que certains assimilent à une séreuse, réalise
une véritable articulation en rotule qui donne à l’œil sa grande
2 Apex orbitaire : anneau de Zinn (d’après Zide). 1. Fissure orbitaire supérieure ; 2. mobilité en rotation.
trou optique. III = S + I : nerf moteur oculaire commun (branches supérieure + infé- Les muscles de l’orbite sont au nombre de sept (fig 3). Le releveur de
rieure) ; IV : nerf pathétique ; N : nerf nasal V1 ; F : nerf frontal V1 ; L : nerf lacrymal la paupière supérieure, les quatre muscles droits et les deux muscles
V1 ; VI : nerf moteur oculaire externe. obliques ont pour point commun de s’insérer depuis le tendon de
Zinn en arrière jusque sur la partie antérieure de la sclérotique, à
où passent tous les éléments vasculonerveux destinés à l’orbite : trou proximité du limbe. Seul le petit oblique ne se détache pas du fond
optique et fente sphénoïdale s’ouvrant directement dans la cavité de l’orbite, mais en dehors du canal lacrymonasal. Le releveur de la
crânienne. paupière supérieure s’insère lui, en avant sur le tarse. Les muscles
Le trou optique est situé dans la base de la petite aile du sphénoïde, oculomoteurs ont tous un trajet direct sauf le grand oblique qui
légèrement au-dessus et en dedans du sommet de la pyramide possède une poulie de réflexion dans la fossette trochléaire du
orbitaire. Cet orifice ovalaire de 5 à 6 mm représente l’orifice frontal (paroi médiale).
antérieur du canal optique et laisse passage au pédicule optique Trois nerfs se partagent l’oculomotricité : le nerf moteur oculaire
(nerf optique et artère ophtalmique) qui lui est intimement associé. commun (III) innerve le droit supérieur, le droit inférieur, le petit
Au-dessus du trou optique, le releveur de la paupière supérieure oblique et le releveur ; le nerf moteur oculaire externe (VI) innerve
vient s’insérer sur le périoste orbitaire comme le grand oblique plus le droit externe ; le nerf pathétique ou trochléaire (IV) innerve le
en dedans. grand oblique. Il ne faut pas oublier le facial (VII) qui innerve
La fissure orbitaire supérieure (fente sphénoïdale) (fig 2), dessinée l’orbiculaire des paupières (responsable du clignement).
entre les deux ailes du sphénoïde, occupe le sommet de l’orbite et sa Leur action exclusivement rotatoire est à la fois synergique et
partie supéroexterne très en arrière. Divisée en deux par l’anneau antagoniste pour le même œil, mais aussi synchrone avec celle de
de Zinn, elle laisse passage à de nombreux éléments l’autre œil. Lorsqu’un muscle se contracte, les autres agissent
vasculonerveux : en dedans le nerf nasal (première branche du V1) simultanément : les muscles droits sont ainsi antagonistes des
et le nerf moteur oculaire commun (III), en dehors de l’anneau de muscles obliques. Bien entendu, chaque muscle possède une action
Zinn, le nerf pathétique (IV), le nerf frontal (deuxième branche du spécifique, explicitée par le schéma suivant (fig 4) :
V1), le nerf lacrymal (troisième branche du V1) et enfin les sinus – le droit supérieur est élévateur du globe, antagoniste du droit
veineux de drainage de l’orbite. inférieur ;
– le droit inférieur est abaisseur du globe, antagoniste du
ANATOMIE OCULOPALPÉBRALE (ŒIL ET ANNEXES) précédent ;
Le contenu orbitaire comprend, en dehors du globe oculaire, de sa – le droit interne est adducteur du globe, antagoniste du droit
graisse et des muscles oculomoteurs, l’appareil lacrymal et les externe ;
paupières. – le droit externe est abducteur, antagoniste du précédent.
L’action du grand oblique est plus complexe : il est abaisseur quand
¶ Globe oculaire l’œil est en adduction, rotateur interne (dans le sens des aiguilles
d’une montre) quand l’œil est en abduction.
L’œil est solidement amarré et protégé par la périorbite et la capsule
Le petit oblique est son antagoniste : il est élévateur quand l’œil est
de Tenon, deux formations conjonctives d’origine mésenchymateuse.
en adduction, rotateur externe (dans le sens inverse des aiguilles
La périorbite est un manchon périostique en continuité directe avec d’une montre) quand l’œil est en abduction.
la dure-mère au niveau du pédicule optique. Elle est aisément
décollable lorsqu’elle n’est pas déchirée, mais reste amarrée en bas ¶ Paupières et appareil lacrymal
au pédicule infraorbitaire qu’il faut préserver dans le décollement L’appareil tégumentaire protecteur du globe oculaire est constitué
du plancher puisqu’il est responsable de la sensibilité de la paupière des paupières mobiles, de la conjonctive, cavité virtuelle où circulent
inférieure et de la joue. On peut réaliser sans risque un décollement les larmes et de l’appareil lacrymal qui les sécrète et les évacue.
sous-périosté sur environ 30 mm au niveau du toit et de la paroi
médiale et de 25 mm au niveau des parois inférieure et latérale. Le Paupières (fig 5)
repère de profondeur du décollement interne est l’artère ethmoïdale La paupière supérieure est très mobile, tel un rideau animé par le
postérieure dont l’émergence se situe 8 mm environ en avant du muscle releveur. La paupière inférieure l’est beaucoup moins ; tel
canal optique. un mur, elle retient les larmes dont le drainage est favorisé par les

3
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

OD OG
Étape 1

Étape 2

Étape 3

*
A

Diplopies
horizontales

Atteinte du droit Atteinte du droit


externe droit interne droit

Diplopies 5 Paupières (d’après Zide). Éléments constitutifs. 1. Septum ; 2. muscle de Müller ;


verticales Atteinte du petit Atteinte du droit 3. tarse ; 4. releveur paupière supérieure ; 5. aponévrose du releveur : 6. muscle orbicu-
oblique droit supérieur gauche laire ; 7. peau.

Atteinte du grand Atteinte du droit


oblique droit inférieur gauche
*
B

Droit
supérieur Petit
oblique

Droit Droit
interne externe

Grand
Droit oblique
inférieur *
C
4 Action des muscles oculomoteurs de l’œil gauche (d’après Rouvière).
A. Exploration des neuf directions du regard chez un sujet sain.
B. Atteinte des différents muscles oculomoteurs de l’œil.
C. Rappel des actions des muscles oculomoteurs de l’œil gauche.

contractions de l’orbiculaire. Leur squelette tarsal est attaché à ses


extrémités par des tendons palpébraux ou canthi (médial ou latéral).
Le tendon palpébral latéral s’insère sur le tubercule de Whitnall. Le
tendon palpébral médial s’insère par un tendon profond sur la crête
lacrymale postérieure et par un tendon direct sur la crête lacrymale 6 Voies lacrymales (d’après Zide). 1. Point lacrymal supérieur ; 2. point lacrymal in-
férieur ; 3. canalicules lacrymaux ; 4. sac lacrymal ; 5. canal lacrymonasal.
antérieure. Cette insertion s’étale au-delà de la crête sur le processus
frontal du maxillaire, sous les vaisseaux angulaires. De fait, sa
désinsertion sous-périostée est difficile contrairement à celle du laisse facilement décoller par les ecchymoses ou les hémorragies
tendon palpébral latéral. Ces insertions osseuses jouent un rôle sous-conjonctivales que l’on observe dans les fractures.
capital dans la dimension, la position et la symétrie de la fente
palpébrale. Appareil excréteur lacrymal (fig 6)
L’armature fibroélastique des paupières est constituée d’une portion Les glandes lacrymales sécrètent les larmes, les voies lacrymales les
centrale tarsale et d’une portion périphérique, le septum orbitaire, évacuent dans les fosses nasales. Le mécanisme du drainage des
qui unit le tarse à la margelle orbitaire où il est en continuité avec le larmes est encore controversé : fonction pompe d’origine musculaire
périoste. ou par capillarité ? Les deux mécanismes sont sans doute associés.
La conjonctive est une muqueuse qui tapisse le globe (conjonctive La glande lacrymale est située à l’angle supéro-interne de l’orbite
oculaire), la face interne des paupières (conjonctive palpébrale). La dans une fossette osseuse. Elle est divisée en deux portions inégales
zone de réflexion constitue les fornix. La cavité conjonctivale forme par l’aileron externe du releveur de la paupière supérieure. Les
autour de l’œil une rigole quasi virtuelle qui ne contient qu’une canaux excréteurs s’ouvrent dans le fond du cul-de-sac conjonctival
mince couche de larmes. La conjonctive adhère peu à la sclère et se supérieur. Son innervation est assurée par le nerf lacrymal.

4
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

mal aux forces vulnérantes transversales qui viennent briser ses


piliers comme se cassent les pieds d’une table.
Dans cet assemblage osseux, les auteurs soulignent le rôle central
6 du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (CNEMFO) et
5 individualisent deux zones différentes sur le plan biomécanique :
– une zone antérieure, dense et résistante, exposée aux impacts : le
7 bandeau frontal constitué de la région glabellaire au milieu et des
corniches supraorbitaires latéralement. En son centre, un véritable
4
noyau de résistance est constitué par la suture nasomaxillaire et
l’épine nasale du frontal. En revanche, le sinus frontal constitue une
3
zone de faiblesse d’autant plus grande que sa taille augmente et que
2 ses prolongements s’étendent au-dessus des orbites et de
l’ethmoïde ;
1
7 Architecture faciale. Piliers verticaux (os compact) : 1. pilier antérieur canin ; 2. – une zone postérieure, grêle et fragile, la poutre ethmoïdofrontale
pilier latéral maxillozygomatique ; 3. pilier postérieur ptérygoïdien . Entretoises (os qui regroupe, d’une part le labyrinthe ethmoïdal de structure
compact) : 4. entretoise infraorbitaire ; 5. entretoise supraorbitaire. Système papyracée et d’autre part l’apophyse crista galli, la lame
de caissons : 6. caisson central (fosses nasales et ethmoïde) ; 7. caissons latéraux (orbite perpendiculaire et les lames criblées de structure osseuse compacte.
et sinus maxillaire).
Au total, le CNEMFO est le centre de convergence et d’épuisement
des traits de fracture des traumatismes craniofaciaux.
Les voies lacrymales peuvent être divisées en deux parties. L’une,
initiale, est intrapalpébrale et l’autre, terminale, est maxillonasale.
Les points lacrymaux [2] se situent du côté interne des bords libres Mécanismes, lésions et conséquences
des paupières, à proximité du repli semi-lunaire et de la caroncule
lacrymale. Les canalicules qui leur font suite ont un diamètre de 0,3 Tant sur le plan étiopathogénique ou anatomopathologique que
à 0,5 mm. Après un trajet arciforme de 6 à 8 mm, ils se réunissent ou physiopathologique, de nombreuses classifications ont été proposées
non en un canal unique qui s’ouvre dans le sac lacrymal. Ce sac est pour les fractures orbitaires [8, 69, 70, 80].
un réservoir membraneux de 16 mm de haut sur 5 mm de large, La multiplication des classifications proposées rend bien compte de
protégé par la gouttière lacrymale osseuse et situé dans un la difficulté d’établir des regroupements logiques, cohérents vis-à-
dédoublement du tendon palpébral médial et du muscle orbiculaire vis de fractures diverses qui n’ont pour point commun que de se
qui permet le fonctionnement de la pompe lacrymale. Le canal situer autour de l’œil. Il nous paraît présomptueux de rattacher à
lacrymal intraosseux a un diamètre de 3 mm. Long de 12 à 15 mm, tout prix une fracture orbitaire un peu complexe à un cadre
il s’ouvre dans la fosse nasale à l’aplomb de la tête du cornet nosologique précis. Il est en revanche indispensable d’inventorier
inférieur, à 3 cm en arrière de l’aile et de l’orifice narinaire, 15 mm l’ensemble des traits de fracture, les déplacements, les lésions
au-dessus du plancher des fosses nasales. associées des parties molles. Seule cette étude précise est garante
d’une thérapeutique primaire logique.

Rappel biomécanique du squelette LÉSIONS OSSEUSES


craniofacial [17]
Quelles que soient les caractéristiques de l’agent traumatisant, les
lésions osseuses (siège et nombre des traits de fracture,
La fosse crânienne antérieure et la face forment un ensemble déplacements des fragments) découlent en grande partie de
l’anatomie et de la biomécanique de l’étage moyen de la face.
biomécanique indissociable. Lors de son développement initial, la
poussée oculaire participe de façon prépondérante, au même titre Les traits de fracture, souvent indépendants des sutures
que la poussée encéphalique, à l’agencement osseux craniofacial. anatomiques, sont en général perpendiculaires ou parallèles aux
Ensuite interviennent diverses contraintes mécaniques et piliers ou les détruisent en cas de fracture comminutive.
musculaires : pression masticatrice, force des muscles élévateurs
(ptérygoïdien latéral et masséter), pression de la langue. Le résultat ¶ Déplacements
est une adaptation à des forces essentiellement verticales qui se Les déplacements des pièces osseuses dépendent de nombreux
traduit par un système de poutres ou de piliers séparés paramètres : force traumatisante, direction de cette force, point
d’entretoises [74] que d’autres ont assimilé à des cintres (fig 7). Une d’application, surface d’application et énergie, mais aussi des
approche mécanique plus moderne [16] par comparaison aux insertions musculaires sur les fragments fracturés.
techniques de construction aéronautique ou automobile parle de Les déplacements osseux au sein du massif facial sont
système de caissons, permettant d’allier une extrême rigidité à une essentiellement de type primaire, sous la dépendance directe de
légèreté maximale. l’agent traumatisant.
Les fosses nasales forment le caisson central. Comme un caisson de Les déplacements secondaires, d’origine musculaire, sont
rupture ou une structure déformable, il permet d’amortir l’impact. relativement faibles, contrairement à ce qui se passe à l’étage
Il est renforcé latéralement par les cellules ethmoïdales qui jouent mandibulaire. Seuls les muscles temporaux sont suffisamment
un rôle de raidisseur. De part et d’autre, un caisson double et puissants, mais ils tendent plutôt à réduire et à colmater les brèches
superposé : cavité orbitaire et sinus maxillaire. Chaque caisson est osseuses de la paroi orbitaire latérale, jouant le même rôle que la
renforcé aux zones de surcontrainte par un cadre. Ce cadre sangle ptérygomasséterine au niveau du ramus mandibulaire.
correspond aux classiques piliers osseux de la face. Il est formé par
différents processus de l’os frontal, de l’os zygomatique et de l’os ¶ Rôle des pare-chocs
maxillaire.
La très grande majorité des traumatismes s’exerce par
Enfin, les arcades zygomatiques jouent un rôle de « jambes de force » l’intermédiaire des pare-chocs de la face, dont la résistance est très
qui renforcent sagittalement la région orbitaire. variable comme l’ont montré les études de Swearingen évaluant en
Cet assemblage complexe, conçu pour assurer la stabilité du plan « G Units » les résistances osseuses faciales maximales avant
occlusal et résister à des pressions verticales manducatrices, résiste fractures [17].

5
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

Pare-chocs latéraux
8 Fracture du complexe naso-ethmoïdo-
Solides, ils sont représentés par les corps des os zygomatiques et maxillo-fronto-orbitaire. Schéma d’une
par les bords supraorbitaires. coupe tomodensitométrique en vue axiale.
A. Aspect normal.
B. Enfoncement monobloc de la racine
• Choc sur l’os zygomatique du nez.
La fracture isolée du pare-chocs zygomatique est une fracture- C. Fracture des os nasaux.
disjonction avec simple rotation (bascule autour d’un axe).
Si l’énergie du choc n’est pas épuisée dans cette première fracture, A
l’os zygomatique transmet les forces traumatisantes, en rompant ses
attaches. Il se déplace dans le sens d’application de la force,
habituellement en dedans, en bas et en arrière, en écrasant ses points
d’appui et en pénétrant dans l’orbite, dans le sinus maxillaire et dans
l’anneau zygomatique.
– Le plancher de l’orbite cède sur une plus ou moins grande surface,
selon les zones de relative résistance (canal infraorbitaire) ou
d’extrême faiblesse (postéromédiale).
– Le globe oculaire, ses annexes et la graisse périorbitaire
s’enfoncent dans le sinus maxillaire (d’où l’énophtalmie et la
diplopie, transitoires liées à l’œdème ou à l’hématome ou bien
définitives par incarcération du corps musculaire ou des expansions B
aponévrotiques du droit inférieur ou du petit oblique).
– L’arcade zygomatique subit un ou plusieurs traits de fracture
entraînant souvent une déformation en « coup de hache » au niveau
de l’anneau zygomatique et pouvant embrocher le muscle temporal
(d’où le trismus).
– Le rebord orbitaire latéral (frontozygomatique) est isolé par deux
traits de fracture ou plurifragmenté. Son déplacement entraîne une
dystopie canthale latérale.
– La paroi orbitaire latérale peut présenter des traits de fractures
irradiant vers l’apex orbitaire.
– Une fracture en valgus de l’os zygomatique peut survenir en cas C
de traumatisme tangentiel (environ 5 % des cas). La paroi orbitaire – Le plus souvent, la pyramide nasale se disloque et les processus
latérale se déplace en dehors et le plancher orbitaire s’ouvre frontaux des os maxillaires s’écartent. Parfois, elle résiste dans son
largement (d’où dystopie orbitaire et énophtalmie). ensemble, os nasaux et processus frontaux des maxillaires restant en
monobloc ; c’est alors la partie moyenne de l’ethmoïde qui se
• Choc sur le bord supraorbitaire fracture et le nez s’enfonce dans l’espace interorbitaire.
Sur cette zone de grande résistance, un choc latéral peut produire : – Le septum nasal ostéocartilagineux se fracture, se plicature et se
luxe.
– des lésions de redressement de courbure avec cisaillement dure-
mérien, rarement des fractures du massif facial. Il s’agit de trait de – Les parois médiales des orbites subissent rarement une fracture
fracture irradié de la voûte frontale à la base du crâne. Les points simple, beaucoup plus souvent une comminution, voire une
faibles sont alors le toit orbitaire et la gouttière olfactive ; véritable perte osseuse.
– une embarrure frontale en cas d’impact très localisé. – Les bords infraorbitaires se fracturent, le trait pouvant irradier au
plancher et/ou s’accompagner de perte osseuse.
Ces fractures intéressant le plancher de la région frontale peuvent
entraîner : – L’os lacrymal et le canal osseux lacrymonasal fracturé peuvent
léser les voies lacrymales.
– une ecchymose et un hématome périorbitaires, une incarcération – L’épine nasale de l’os frontal, noyau de résistance, joue, une fois
du muscle releveur et du muscle droit supérieur ; fracturée, un rôle lésionnel majeur en pénétrant par un mouvement
– une compression des éléments vasculonerveux du canal optique de bascule en haut et en arrière dans l’ethmoïde et l’étage antérieur
ou de la fissure orbitaire supérieure lorsque les fractures atteignent de la base du crâne.
l’apex orbitaire. – La poutre frontoethmoïdale transmet les forces à l’étage antérieur
de la base du crâne, avec effet de tassement.
Pare-chocs médians Les risques de brèche ostéodurale et de lésions des gouttières
Fragiles, ils occupent toute la partie médiane de la face : région olfactives par atteinte de la paroi postérieure du sinus frontal et de
glabellaire avec la paroi antérieure des sinus frontaux, pyramide la lame criblée de l’ethmoïde sont alors importants.
nasale avec les os nasaux et le squelette cartilagineux nasal. À ces lésions du CNEMFO s’associent donc, selon le siège de
Un choc faible s’épuise à leur niveau, mais un choc de grande énergie l’impact et l’inclinaison de la tête, des fractures de Le Fort I
entraîne toujours des lésions du squelette sous-jacent (paroi rarement, surtout des fractures de Le Fort II ou III, avec un risque
postérieure des sinus frontaux, processus frontaux du maxillaire, de fracture basicrânienne et de brèche ostéodurale nettement
labyrinthe ethmoïdal, lame criblée, os maxillaires). supérieur en cas de Le Fort III.
Un choc antérieur sur la région glabellaire et la voûte frontale CONSÉQUENCES DES LÉSIONS OSSEUSES
n’entraîne pas de conséquence orbitaire mais des complications
exclusivement crâniennes. ¶ Conséquences morphologiques
En revanche, un choc antérieur sur la région nasale entraîne la Les modifications traumatiques des reliefs du nez, des pommettes,
rupture et le recul du CNEMFO (fig 8). des bords supraorbitaires sont d’appréciation difficile en phase

6
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

primaire. La perte d’un relief osseux facial est rapidement suivie de


la rétraction des parties molles de recouvrement entraînant des 9 Arrachement palpébral
au cours d’un traumatisme
déformations très inesthétiques. orbitozygomatique ouvert
Il s’agit le plus souvent d’aplatissement (nez, pommettes), parfois (collection Dr Barbrel).
d’élargissement (valgus zygomatique, télécanthus), ou encore
d’irrégularités de surface (défaut de galbe frontal, « coup de hache »
sourcilier ou zygomatique).

¶ Conséquences nasales
La déformation nasale se présente parfois sous la forme d’un recul
en masse de l’auvent nasal sous l’os frontal creusant exagérément
l’angle nasofrontal et ouvrant l’angle nasolabial et plus souvent sous
la forme d’une ensellure par effondrement et élargissement de
l’auvent nasal.
La cloison nasale subit toujours un télescopage avec fracture du
septum cartilagineux, de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et
du vomer, source d’hématome de la cloison. La richesse vasculaire
des fosses nasales explique la gravité des épistaxis traumatiques. Ces
lésions ostéocartilagineuses et l’œdème de la muqueuse pituitaire,
constants, expliquent l’obstruction nasale sévère et le retentissement
respiratoire.
La dystopie canthale latérale peut résulter de l’arrachement du tendon
¶ Conséquences sinusales sur le tubercule de Whitnall ou du déplacement du bord orbitaire
latéral.
Selon la localisation de la fracture orbitaire, elles peuvent intéresser
Les ptosis, limitation ou abolition de l’ascension palpébrale, résultent
le sinus maxillaire, le sinus ethmoïdal et/ou le sinus frontal.
habituellement de l’atteinte du muscle releveur de la paupière
La muqueuse sinusienne, fragile, est rapidement œdématiée, supérieure par embrochage par une esquille osseuse, entrave du
infiltrée, voire partiellement nécrosée sur des fragments osseux muscle dans un foyer de fracture du toit orbitaire, désinsertion,
libres, ce qui favorise les complications infectieuses tant immédiates déhiscence ou élongation de l’aponévrose du releveur.
que tardives.
La pathologie du sinus maxillaire est moins souvent évoquée, car ¶ Conséquences lacrymales
ses complications sont moins bruyantes (hernie du corps adipeux
jugal, esquille osseuse, sinusite post-traumatique...). Les atteintes canaliculaires, sacculaires ou canalaires sont fréquentes
(20 % des cas).
La pathologie du sinus frontal est en revanche plus rare mais
beaucoup plus grave. Une sinusite frontale post-traumatique peut Les plaies des voies lacrymales, génératrices de larmoiement,
entraîner une infection méningée, cérébroméningée ou un abcès résultent de différents mécanismes :
intracrânien en cas de brèche de la paroi postérieure. Elle apparaît – section directe et franche, au niveau du canalicule inférieur et du
au cours de la première année, après effraction du sinus frontal ou canal d’union, plus rarement au niveau du canalicule supérieur ou
traumatisme du canal nasofrontal. des deux canalicules ;
L’obstruction du canal nasofrontal par une embarrure ou des
– arrachement de la paupière, siégeant de façon élective au niveau
esquilles osseuses peut conduire, dans de rares cas, à l’empyème
de la portion dite lacrymale, dépourvue de tarse (fig 9) ;
précoce ou à la mucocèle secondaire tardive (le délai habituel serait
de 7 ans). Par pression kystique ou par élaboration d’une enzyme – contusion directe ou embrochage par un fragment osseux au
ostéolytique, la mucocèle érode l’os adjacent pour pénétrer dans niveau du sac.
l’orbite ou dans les cavités intracrâniennes. Si le contenu du kyste À la différence du sac lacrymal, en grande partie intrapalpébral, le
mucoïde s’infecte, une pyomucocèle se forme et conduit, dans de canal lacrymonasal, strictement intraosseux, est vulnérable lors des
nombreux cas, à la formation d’abcès orbitaire ou crânien, à une lésions squelettiques (cisaillement, embarrure lors de fractures du
ostéomyélite crânienne ou à une méningite. CNEMFO, Le Fort II ou III).
Il est difficile de prédire si le traumatisme a engendré une
¶ Conséquences palpébrales obstruction définitive des voies lacrymales car certaines fractures
Les lésions directes palpébrales sont fréquentes : le chémosis, gênant complexes laissent un tractus lacrymal intact. En effet, il n’est pas
considérablement l’examen, les plaies palpébrales, notamment nécessaire que le sac soit interrompu pour avoir un blocage.
supérieures, peuvent masquer une atteinte plus profonde de L’œdème de la muqueuse peut suffire à provoquer l’obstruction de
l’appareil releveur ou du globe oculaire. la lumière du sac.
Les conséquences palpébrales habituelles des lésions osseuses sont
les dystopies canthales et les ptosis. ¶ Conséquences oculaires
La dystopie canthale médiale apparaît habituellement à la suite du Elles portent essentiellement sur le globe oculaire, sa statique et sa
déplacement de la zone d’insertion, plus rarement après section ou dynamique.
arrachement du tendon palpébral médial. Il en résulte : une dystopie
canthale dans les trois plans de l’espace par valgisation, Lésions du globe oculaire
antéposition, abaissement, une détente de la sangle palpébrale
raccourcissant le diamètre transversal de la fente palpébrale ; un Une plaie sclérale ou cornéenne est suspectée sur la diminution
abaissement du point lacrymal inférieur qui quitte le contact avec la d’acuité visuelle et l’hypotonie du globe à la palpation. La contusion
conjonctive bulbaire désamorçant la pompe lacrymale, source de oculaire fermée est plus fréquente.
larmoiement ; un pseudoptosis par abaissement de l’aileron
Troubles de la statique : énophtalmie et exophtalmie
aponévrotique médial. L’élargissement de la distance intercanthale
entraîne un télécanthus traumatique qui peut être uni- ou bilatéral. L’énophtalmie, enfoncement du globe dans la cavité orbitaire,
Témoin d’un traumatisme osseux sévère, il coexiste souvent avec souvent masquée par l’œdème initial, peut résulter de divers
une lésion lacrymale, canaliculaire ou même sacculaire. mécanismes :

7
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

– si l’élévation et l’abaissement sont limités, c’est que l’incarcération


est située dans une zone moyenne, au niveau de l’équateur du globe
oculaire.
Comme le muscle droit inférieur, le muscle petit oblique peut être
lésé lors de fractures du bord infraorbitaire et du plancher de
l’orbite. Le muscle droit supérieur est menacé dans les fractures du
toit de l’orbite, le muscle droit externe dans celles de la paroi
latérale. Enfin, les fractures de la paroi médiale de l’orbite peuvent
s’accompagner de désinsertion de la poulie du muscle grand oblique
et d’atteinte du muscle droit interne.

¶ Conséquences neuro-ophtalmologiques
Les principales conséquences visuelles ou neuro-ophtalmologiques
sont la baisse de l’acuité visuelle (amblyopie, cécité), la mydriase et
l’ophtalmoplégie. Ces lésions ophtalmologiques sont le fait, soit des
déplacements osseux, soit de la contusion directe du contenu
orbitaire.
L’amblyopie et la cécité post-traumatique, maîtres symptômes, sont
retrouvées dans 3 à 10 % des cas de fractures de l’étage moyen de la
10 Niveau de l’incarcération en rapport avec l’équateur du globe. face. Le plus souvent secondaires à un traumatisme du globe
oculaire (lésions rétiniennes, hémorragies du vitré, paralysies
neuromusculaires...), elles peuvent aussi témoigner d’une atteinte du
– refoulement des parois orbitaires avec augmentation du contenant
nerf optique (0,5 à 5,2 % des cas de cécité).
(surtout au niveau du plancher et de la paroi médiale), fuite du
contenu intraorbitaire à travers les traits de fracture avec diminution Les lésions directes du nerf optique relèvent de divers mécanismes :
du contenu ; – fracture du canal optique avec compression du nerf ou
– pincement des muscles oculomoteurs dans le foyer de fracture embrochage par un fragment osseux, fracture des clinoïdes
(muscle droit inférieur surtout) ; antérieures ;
– pincement de la périorbite, déplacement ou atteinte du ligament – compression par un hématome rétrobulbaire ou
suspenseur de Lockwood. ethmoïdosphénoïdal associée à une fracture des parois latérale et
supérieure de l’orbite ;
L’augmentation du volume de la cavité orbitaire est cependant le
phénomène prédominant dans la pathogénie de l’énophtalmie – compression par un hématome des gaines périnerveuses ;
post-traumatique [3]. – obstruction de la veine centrale de la rétine, ischémie après
L’exophtalmie, beaucoup moins fréquente, résulte de deux principaux hémorragie des vasa nervorum ;
mécanismes : – arachnoïdite périnerveuse secondaire.
– diminution du contenant, consécutive généralement à une Fait essentiel, les cellules sensorielles rétiniennes ne pourraient plus
embarrure du toit orbitaire ou plus rarement du plancher (blow-in) récupérer au-delà d’un délai de 4 heures d’ischémie.
qui refoule le globe vers l’avant et provoque fréquemment une La mydriase aréactive, rencontrée dans un tableau de section du nerf
diplopie associée ; optique, peut être secondaire à de nombreuses autres causes :
– augmentation du contenu par œdème, corps étranger ou – contusion du globe ;
hématome intraorbitaires. – hémorragie de la chambre antérieure ;
Les troubles de la statique oculaire entraînent parfois des troubles – rupture du sphincter irien ;
de la dynamique, mais sans parallélisme entre les lésions
anatomiques et les conséquences cliniques, ce qui est parfois – lésions du nerf moteur oculaire commun (III) ou du rameau
surprenant. destiné aux muscles droit inférieur et petit oblique, lésion
optochiasmatique, hypertension intracrânienne avec engagement
Troubles de la dynamique oculaire : diplopie cérébral.
Les troubles oculomoteurs neurogènes (ophtalmoplégie) résultent en
Le déficit de la motilité oculaire se traduisant par la diplopie, en règle d’une atteinte des paires nerveuses crâniennes au niveau de
règle immédiate, est consécutif : l’apex orbitaire et peuvent s’intégrer à un syndrome de la fente
– le plus souvent à une lésion mécanique par incarcération dans le sphénoïdale (fissure orbitaire supérieure) ou à un syndrome de
foyer de fracture du muscle droit inférieur ou du muscle petit l’apex.
oblique, les autres muscles droits et le muscle grand oblique étant Consécutifs à un impact latéral violent, ils accompagnent
plus rarement intéressés ; parfois leur embrochage par une esquille généralement des :
osseuse ; – fractures déplacées de la paroi orbitaire latérale (fractures fronto-
– plus rarement à une lésion neurologique (III, IV, VI) orbitaire latérale et fronto-sphéno-temporale) ;
essentiellement dans un fracas orbitaire avec trait irradié à la fissure – fractures déplacées type Le Fort II ou III ;
orbitaire supérieure ;
– hématomes du cône orbitaire ;
– parfois, à la décompensation d’une hétérophorie ancienne.
– hématomes et arachnoïdites de la base du crâne au voisinage de
Les diplopies d’apparition secondaire sont exceptionnelles. l’apex orbitaire.
La diplopie verticale, la plus fréquente, traduit l’atteinte du muscle
droit inférieur (fig 10) :
Examen clinique du traumatisé
– si la limitation de l’élévation est prépondérante, l’incarcération
musculaire est vraisemblablement antérieure ; orbitaire
– si la limitation de l’abaissement domine, il s’agit probablement Quand l’état de conscience le permet, l’analyse comporte un
d’une incarcération postérieure ; interrogatoire relevant les circonstances précises de l’accident.

8
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

EXAMEN MAXILLOFACIAL
11 Test de duction forcée (d’après
Centré sur la région orbitaire, il doit être bilatéral et comparatif. Il Converse).
comprend plusieurs étapes.

¶ Examen ophtalmologique
Quand un traumatisme perforant du globe est suspecté, il devient
une priorité devant toute réparation orbitaire, toute manipulation
pendant le traitement risquant d’aggraver les dégâts oculaires.
Traction
L’interrogatoire recherche une diminution ou une perte d’acuité
visuelle.
Un examen du segment antérieur, de la réactivité pupillaire et du
segment postérieur (fond d’œil) est systématiquement réalisé, au
mieux à l’aide d’un biomicroscope et d’un verre à trois miroirs,
sinon au lit du malade à l’ophtalmoscope, à la recherche
d’éventuelles lésions contusives de la rétine.

¶ Examen orbitopalpébral
Il apprécie :
– la statique et la symétrie des globes oculaires : exo- ou
énophtalmie, dystopie verticale. La distance intercanthale doit être
appréciée. Mais cette distance peut être difficilement évaluable en
cas de lésions bilatérales ; la comparaison des rapports entre les
distances interpupillaire et intercanthale est alors plus intéressante :
un télécanthus post-traumatique est hautement suspecté si ce
rapport est inférieur à 2 ;
A B
– les déformations du cadre orbitaire par une palpation prudente et
douce : les lésions du cadre siègent souvent au niveau des sutures
osseuses zygomaticomaxillaires, frontozygomatiques où l’on pourra
observer un ressaut en « marche d’escalier » avec point douloureux
exquis.
1
L’examen des paupières recherche des plaies, un ptosis post-
traumatique, des atteintes des voies lacrymales.
La palpation retrouve parfois un emphysème sous-cutané signant
une communication entre les tissus orbitaires et les cavités
sinusiennes environnantes ; elle évalue également les troubles de la 2
sensibilité dans les territoires des nerfs supra- et infraorbitaires.
Pour l’étude de la dynamique oculaire, la motilité oculaire doit être 3
évaluée dans toutes les positions du regard. L’observation d’une
diplopie n’est pas toujours significative d’une incarcération
musculaire.
C D
L’exploration de la motilité oculaire se fait en première intention au
doigt ou en fixant l’extrémité d’un stylo par exemple, recherchant
essentiellement des limitations de l’élévation ou de l’abaissement qui 12 Incidences radiographiques.
permettent théoriquement de prédire le site de la fracture du A. Blondeau (nez-menton-plaque).
B. Waters (45° avec le plan de Francfort).
plancher par rapport à l’équateur du globe. Cette exploration, si elle
C. Louisette (avec une cassette spéciale).
confirme une diplopie, est utilement complétée par un test de D. Lignes de McGregor et Campbell modifiées. 1. Ligne supraorbitaire ; 2. ligne
Lancaster qui permet de quantifier sur un schéma les limitations et infraorbitaire ; 3. cintre zygomatomaxillaire.
surtout d’en suivre l’évolution. Quant au test de duction forcée
(fig 11), s’il peut être pratiqué sous anesthésie locale en pinçant le
droit inférieur dans le cul-de-sac conjonctival inférieur, il est au incident pénètre dans la région bregmatique et sort au niveau de la
mieux réalisé sur un patient endormi : il n’a de valeur que très columelle, faisant un angle de 90° avec la plaque ;
positif et réalisé de façon comparative, signant alors l’origine – l’incidence de la Louisette, chère aux Lyonnais, se pratique avec une
mécanique du trouble oculomoteur. cassette spéciale échancrée qui permet de la glisser sous le menton.
L’examen maxillofacial est bien entendu systématique, recherchant Le plan du film est parallèle au plan de Francfort, le rayon incident
en particulier une épistaxis, une limitation de l’ouverture buccale, est vertical rétrobregmatique. Cette cassette permet une très bonne
ou des troubles de l’articulé dentaire associés. étude des parties postéro-latéro-inférieures de la face et surtout peut
s’utiliser au lit du malade.
IMAGERIE Il est commode d’analyser ces deux incidences en s’aidant des
différentes lignes décrites par Campbell et Mc Gregor.
¶ Examens radiographiques simples (fig 12)
Ils conservent toute leur utilité, même si leur importance diminue ¶ Tomodensitométrie [11]

au profit des techniques récentes de tomodensitométrie. Deux


Durant la dernière décennie, le scanner haute résolution, les
incidences de base nous paraissent relativement performantes et de
reconstitutions bi- et tridimensionnelles, l’utilisation de machines à
réalisation facile :
acquisition continue (technique hélicoïdale) ont significativement
– l’incidence de Waters est une incidence postéroantérieure, le plan amélioré l’évaluation des traumatismes orbitaires, tant à la phase
du film faisant un angle de 45° avec le plan de Francfort, le rayon aiguë que dans le bilan des complications et des séquelles.

9
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

13 Tomodensitométrie spiralée. Le 14 Reconstruction 3D


déplacement du lit pendant l’émission surfacique. Fracture de la
continue du faisceau de rayons X réa- margelle infraorbitaire irra-
lise un balayage spiralé autour du pa- diée au plancher orbitaire
tient. non déplacé. Esquille intra-
orbitaire (choc direct).

La tomodensitométrie classique en coupes axiales et coronales est


maintenant abandonnée, au profit de la tomodensitométrie
spiralée [31].

Tomodensitométrie spiralée (fig 13)


Contrairement au scanner conventionnel à balayage séquentiel, le
scanner spiralé explore un volume grâce à la rotation continue du
couple tube-détecteurs autour du lit en déplacement.
Ses avantages sont nombreux : – de mettre en évidence les associations fracturaires éventuelles ;
– rapidité de l’exploration : l’examen ne prend plus que quelques – de déterminer l’origine des troubles de la motilité oculaire :
minutes, permettant d’obtenir plus facilement l’immobilité du œdème post-traumatique, énophtalmie, incarcération musculaire
patient et de s’affranchir des artefacts de mouvements, facteurs de dans le foyer de fracture.
dégradation de la qualité de l’image et d’exploiter au mieux
l’injection de produit de contraste avec un rehaussement maximal et ¶ Imagerie par résonance magnétique
homogène des vaisseaux ou des parenchymes ;
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’est pas contributive
– l’acquisition volumique continue permet lors de la reconstruction en traumatologie aiguë [31]. Elle peut même être dangereuse en cas
des coupes, de choisir a posteriori l’incrément ou espacement de méconnaissance de corps étrangers métalliques oculo-orbitaires.
intercoupes et de réaliser si besoin, sans augmenter le temps
d’examen ou l’irradiation du patient, des coupes chevauchées Elle devient en revanche l’examen le plus performant pour
indispensables à des reconstructions 2D et 3D de qualité. Elle évite diagnostiquer les éventuelles fuites de liquide céphalorachidien
de placer le patient dans une position inconfortable, voire (LCR) qui compliquent certaines fractures orbitonasales ou
dangereuse en cas de lésion du rachis passée inaperçue ; orbitofrontales.

– la réalisation d’une segmentation de l’image permet d’éliminer les


structures parasites. Fractures
Reconstructions multiplanaires et volumiques orbito-maxillo-zygomatiques
L’empilement des coupes acquises en mode spiralé avec Elles résultent de traumatismes ayant pour point d’impact la
chevauchement des coupes lors de la reconstruction crée un volume pommette et/ou le rebord orbitaire inférieur. Ces fractures ne
dans le lequel il est possible de reconstruire d’autres coupes dans peuvent se considérer isolément, mais s’inscrivent dans la pathologie
n’importe quel plan de l’espace, chaque pixel ayant des coordonnées traumatique de l’os zygomatique ou dans le cadre plus général des
tridimensionnelles. C’est ainsi que l’on peut obtenir des coupes fractures latérofaciales [17]. À ce titre, ce sont les plus fréquentes des
reconstruites dans les trois plans de l’espace et même des fractures orbitaires (20 à 25 % des fractures de l’étage moyen de la
reconstructions curvilignes du massif facial comme celles employées face) [61].
à la mandibule pour les bilans préimplantaires (Dentascan).
Les reconstructions volumiques font appel essentiellement en
traumatologie à la reconstruction 3D surfacique qui montre la FRACTURES ORBITOZYGOMATIQUES
surface des structures osseuses en créant une impression de relief
(fig 14). Ces reconstructions permettent un bilan exhaustif de lésions ¶ Étude clinique
parfois difficiles à mettre en évidence en radiologie standard. L’aspect le plus classique est celui de l’enfoncement postéro-interne
et inférieur de l’os zygomatique. L’examen précoce, avant que les
Résultats
œdèmes ne masquent les déformations, montre (fig 15) :
Le scanner doit être réalisé soit en urgence en cas de fracture en
– un œdème et un hématome en « monocle » de la région orbitaire ;
« trappe », de fracture de l’apex avec troubles de l’acuité visuelle,
soit de façon différée dans la semaine suivant le traumatisme. – un effacement de la pommette ;
Les reconstructions volumiques sont réservées au bilan des fractures – une hémorragie sous-conjonctivale, en général externe ;
complexes et avant intervention pour correction de séquelles.
– une dystopie canthale externe se traduisant par une obliquité
Ces explorations scanographiques permettent pour les fractures antimongoloïde de la fente palpébrale ;
complexes :
– un pseudoptosis ;
– d’étudier les rapports de la fracture et des éventuels déplacements
osseux avec les composants intraorbitaires (muscles, graisse, nerfs) : – une énophtalmie rarement perceptible à ce stade, sauf disparition
un risque élevé de diplopie existe quand un muscle oculomoteur est totale du plancher et une épistaxis qui signe l’hémosinus.
adjacent au foyer de fracture ; La palpation objective :
– de mesurer les modifications du volume orbitaire induites par la – une solution de continuité douloureuse au niveau de la suture
fracture. Pour Raskin [63] , ces modifications volumiques sont frontozygomatique et éventuellement de la jonction
prédictives du degré d’énophtalmie dans les semaines suivant temporozygomatique et un ressaut plus ou moins marqué au niveau
l’accident ; de la margelle infraorbitaire. La palpation du vestibule supérieur

10
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

15 Fracture orbito-maxillo-zygomatique.
A. Hématome en « monocle », hémorragie sous-
conjonctivale externe, pseudoptosis.
B. Effacement de la pommette, dystopie canthale externe.

*
A *
B

homolatéral est également douloureuse et perçoit souvent le


déplacement fracturaire au niveau du cintre maxillozygomatique ;
– un emphysème sous-cutané jugal (crépitation neigeuse) peut aussi
être perceptible.
Sur le plan masticatoire, une limitation modérée de l’ouverture
buccale est habituelle.
Le bilan neurologique objective une hypoesthésie plus ou moins
marquée et étendue dans le territoire du nerf infraorbitaire (joues,
ailes du nez, gencives et dents du groupe incisivocanin).
L’examen endobuccal montre l’absence de trouble de l’articulé
dentaire et la présence habituelle d’un hématome sous-muqueux
vestibulaire supérieur homolatéral à la fracture.
La motilité oculaire est difficile à apprécier au début quand l’œdème
et l’hématome sont importants. Une diplopie immédiate est
retrouvée dans 25 à 30 % des cas [61] : il s’agit pour l’essentiel de
diplopie dans le regard vers le haut qui est très significative d’une 16 Incidence de Waters. Fracture du plancher orbitaire gauche avec signe de la
atteinte musculaire quand elle est franche, impliquant le droit goutte, hémosinus.
inférieur et/ou le petit oblique. Non systématisée, due à l’hématome
et à l’œdème intraorbitaires, elle va disparaître avec eux. 17 Tomodensitométrie.
L’exploration de la motilité recherche essentiellement des limitations Fracture orbito-maxillo-
de l’élévation ou de l’abaissement (fig 4B) qui permettent zygomatique.
théoriquement de prédire le site de la fracture du plancher par
rapport à l’équateur du globe.

¶ Imagerie

Examens radiographiques simples


Sur les clichés standards, la fracture orbitomalaire déplacée est facile
à reconnaître : diastasis frontozygomatique, hémosinus se traduisant
par un niveau liquide horizontal dans le bas-fond sinusien, rupture
de la ligne courbe orbitaire inférieure et du cintre
zygomatomaxillaire, permettent d’objectiver rapidement le
déplacement de l’os zygomatique. L’incidence de Waters peut
également montrer une incarcération des tissus orbitaires dans le
foyer fracturaire du plancher avec « signe de la goutte » (fig 16), qui
n’est cependant pas pathognomonique.

Tomodensitométrie
restauration du plancher orbitaire, objet de très nombreuses
Elle n’est pas obligatoirement pratiquée et n’est pas indispensable à publications depuis celle princeps de Converse.
la stratégie diagnostique et thérapeutique d’une fracture de l’os
zygomatique sans retentissement ophtalmologique. Selon les ¶ Fréquence
possibilités du plateau technique, elle est cependant de plus en plus
souvent proposée par les radiologues en première intention. Elle Leur fréquence est estimée à 3 % des fractures de la région
permet d’obtenir une topographie lésionnelle précise, de mettre en orbitaire [ 6 6 ] . Elle reste faible (1,5 %) dans l’ensemble des
évidence une incarcération du contenu orbitaire et possède un traumatismes de la face [62]. Pour Ouadah, 32 % des atteintes du
intérêt iconographique préopératoire, voire médicolégal (fig 17). plancher sont des fractures isolées [53], 28,2 % pour Meyer [47]. Paoli [54]
retrouve 29 % de fractures du plancher sur 566 traumatismes
faciaux.
FRACTURES ISOLÉES DU PLANCHER ORBITAIRE Les étiologies suivantes sont relevées par Gas [19] sur 85 cas : sport
Elles méritent un chapitre particulier du fait de leur fréquence, de (de contact) 34 %, AVP 27 %, coup de poing 21 %, accidents
leur pathogénie qui reste discutée et de l’évolution des procédés de domestiques, chutes, mécanismes divers 18 %.

11
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

18 Schéma d’une fracture orbitaire par 19 Tomodensitométrie.


« blow-out » suite à un choc sur le globe Fracture du plancher orbi-
oculaire ; a. balle ; b. rebord orbitaire non taire gauche.
fracturé. A. Reconstruction fron-
tale.
B. Reconstruction sa-
gittale.

*
A

¶ Pathogénie
Leur pathogénie mérite d’être rappelée [1, 79] . Deux théories
principales, le plus souvent intriquées, semblent s’associer :
– un traumatisme indirect hydraulique, proposé par Smith et Regan
en 1957, confirmé en 1967 par Converse [8] qui lui donne le nom de
« blow-out ». Ici, l’œil amortit directement l’onde de choc sans que le
cadre orbitaire soit intéressé, ce qui implique des agents vulnérants
de petite taille et à faible vélocité. On peut en rapprocher les
fractures en milieu liquide survenues chez les plongeurs [58, 67] ;
– un traumatisme direct osseux, choc sur la margelle infraorbitaire
avec deux conséquences possibles : le rebord cède mais sans
déplacement et la fracture irradie au plancher (blow-out impur), le
rebord ploie sans se rompre et le plancher s’effondre sous l’onde de *
B
choc (mécanisme confirmé par les travaux de Fugino [18]) (fig 18).
Alors que dans les blow-out le plancher reste effondré, ici le
¶ Sur le plan clinique bâillement fracturaire antéropostérieur se remet spontanément en
place, piégeant les éléments herniés au moment de l’impact (droit
On peut retrouver les mêmes éléments que dans les fractures de l’os inférieur, petit oblique et fibres parasympathiques).
zygomatique, à la déformation du cadre orbitaire près.
Le diagnostic repose sur la netteté des signes oculomoteurs : fixité
Elles sont volontiers méconnues au début, du fait de l’absence de du globe dans les tentatives de duction volontaire qui sont de plus
trouble morphologique important et du fait de l’œdème douloureuses, avec diplopie très invalidante et parfois mydriase
ecchymotique palpébral qui masque diplopie et énophtalmie qui témoignant de l’atteinte du contingent parasympathique [22]. Le
sont les maîtres signes dans ces fractures. scanner doit être ici pratiqué en urgence.
Une discontinuité osseuse ne s’observe que dans les fractures en
« blow-out » impur. Fracture en « clapet »
L’hypoesthésie dans le territoire du nerf infraorbitaire est variable Décrite par Merville et Gitton [45], c’est une fracture à charnière
en intensité, parfois absente. interne le plus souvent. Elle pose surtout des problèmes
Compte tenu du mécanisme physiopathologique, l’examen oculaire thérapeutiques.
doit être particulièrement attentif à la recherche de lésions
contusives. TRAITEMENT

¶ Explorations complémentaires ¶ Objectifs

L’imagerie standard est souvent peu contributive : l’hémosinus n’est Le traitement obéit à plusieurs principes : restauration des contours
pas toujours présent et une opacité arrondie du toit du sinus peut osseux, restauration des fonctions visuelles et masticatoires afin de
n’être qu’un hématome sous-muqueux. limiter au maximum les séquelles toujours actuelles de ces lésions
dont on connaît la difficulté thérapeutique (déformations
C’est essentiellement la tomodensitométrie par des reconstructions persistantes des reliefs, diplopie, énophtalmie, troubles sensitifs).
frontales et sagittales obliques qui permet un diagnostic lésionnel
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs étapes doivent être respectées :
précis : nature de la fracture, siège par rapport au canal
voies d’abord adaptées, libération des tissus incarcérés, réduction et
infraorbitaire, volet osseux effondré dans le sinus ou à charnière
contention des foyers de fracture, comblement des déficits osseux
(fig 19).
par greffons ou implants, sans oublier le traitement des parties
L’endoscopie est proposée par Sandler [71] par trépanation de la fosse molles.
canine sous anesthésie locale au lit du patient, chez certains
polytraumatisés dont l’état interdit temporairement d’autres ¶ Techniques
modalités d’explorations paracliniques.
Voies d’abord [17]
¶ Formes cliniques particulières Elles s’efforcent d’être discrètes, tout en donnant un jour suffisant
pour repérer, réduire et contenir les fragments. Plusieurs sont
Fractures en « trappe » possibles.
Décrites par Soll et Poley [75], il s’agit de variétés cliniques des
fractures du plancher, tirant leur originalité de l’importance des • Voies d’abord cutanées (fig 20)
troubles oculomoteurs nécessitant un traitement d’urgence, – La voie d’abord translésionnelle est possible, mais elle expose au
contrastant avec la pauvreté des signes radiologiques. Ces fractures risque infectieux, offre parfois un jour limité et son élargissement
se voient surtout chez l’enfant et l’adolescent. est difficile si l’abord est insuffisant.

12
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

20 Voies d’abord.
A. Voies d’abord de la région orbitaire ex-
terne. 1. Incision coronale ; 2. incision
temporale ; 3. incision sourcilière externe
(queue du sourcil) ; 4. incision dans la
patte-d’oie ; 5. incision palpébrale haute
(sous-ciliaire) ; 6. incision palpébrale
basse ; 7. incision conjonctivale ; 8. inci-
sion buccale vestibulaire supérieure.
B. Voie d’abord translésionnelle : frac-
ture orbito-maxillo-zygomatique (collec-
tion Dr Barbrel).
C. Voies orbitaires, coupe sagittale. Voie
sous-ciliaire (rétromusculaire). 1. Con-
jonctive ; 2. septum orbital ; 3. graisse
périorbitaire ; 4. orbiculaire ; 5. périorbite
(périoste orbitaire) ; 6. plancher orbitaire.
*
A D. Voies orbitaires, coupe sagittale. Voie
conjonctivale (préseptale).

21 Fracture orbito-maxillo-zygomatique. Réduction à l’aide d’un crochet de Gines-


tet (collection Dr Barbrel).

– La voie d’abord coronale est utilisée lorsque ces fractures


s’intègrent dans un traumatisme craniofacial.

• Voies d’abord muqueuses


– Conjonctivale inférieure de Tessier, pré- ou rétroseptale très
*
B étroite, elle donne un jour limité sur le plancher, à moins d’être
aggrandie par une canthotomie externe.
– Buccale vestibulaire supérieure, elle reste invisible et permet
l’accès à la console maxillozygomatique et au sinus.

• Voies d’abord antrales


1
Elles permettent l’exploration endoscopique du plancher par
trépanation de la fosse canine ou par méatotomie inférieure [72].
2 Réduction
Les déplacements fracturaires sont réduits de façon instrumentale,
3 soit à ciel ouvert, soit par voie percutanée à l’aide du crochet de
4
Ginestet (fig 21), soit par voie vestibulaire à l’aide du crochet long
*
D de Duclos.
*
C La réduction du contenu orbitaire hernié se fait de proche en proche
5 6 à l’aide d’instruments mousse de façon à circonscrire totalement la
fracture ; le décollement sous-périosté ne dépassant pas en
– La voie palpébrale supérieure, externe, dans la queue du sourcil profondeur 25 à 30 mm.
(en réalité au-dessus ou en dessous pour éviter de diviser le sourcil
en deux), permet l’exposition de la région frontozygomatique. Contention
– La voie palpébrale inférieure haute, sous-ciliaire, qui est celle de On utilise différents procédés visant à assurer la stabilité fracturaire
blépharoplastie rétromusculaire, cachée et discrète, offre un large pendant les 3 à 4 semaines nécessaires à la consolidation.
jour sur les lésions de la margelle et du plancher et éventuellement L’ostéosynthèse au fil d’acier, utilisable sur tout le pourtour du rebord
de la partie basse de la paroi médiale. orbitaire, réalise un bon alignement des fragments mais manque de
– La voie palpébrale basse dans le pli palpébrojugal permet un stabilité.
abord direct à travers les fibres de l’orbiculaire ; elle est délaissée car L’ostéosynthèse par plaques miniaturisées vissées en titane réalise une
source de complications postopératoires (lymphœdème persistant, contention rigide et peut être utilisée sur tout le cadre orbitaire avec
adhérence au foyer de fracture) et de séquelles cicatricielles du matériel adapté, mais ne tolère aucune erreur lors de sa
disgracieuses. réalisation car pérennisant les éventuels défauts de réduction.
– La voie d’abord temporale de Gillies permet l’abord à distance de L’ostéosynthèse à l’aide de matériaux biorésorbables présente des
l’arcade zygomatique, en cheminant sous l’aponévrose temporale. avantages au premier rang desquels l’absence de réintervention

13
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

22 Fracture orbito-maxillo-zygo- 23 Reconstruction du


matique. Contention du plancher par plancher orbitaire par grille
sonde à ballonnet intrasinusien. en titane.

pour dépose éventuelle et une tenue mécanique semble-t-il aussi


importante que celle des plaques métalliques. Les inconvénients sont
de deux ordres : le prix et l’ergonomie de mise en place, obligeant à
un taraudage préalable à la pose des vis. De nombreuses
publications récentes font état de l’utilisation de ces procédés et de
résultats satisfaisants [13-15, 23, 35, 77].
La stabilisation pneumatique interne par ballonnet intrasinusien
(fig 22) type Franchebois, introduit par voie nasale ou vestibulaire,
peut encore rendre service dans les très grandes instabilités
fracturaires où l’on ne souhaite pas faire de reconstruction
immédiate.
L’utilisation des colles cyanoacrylates est proposée dans le traitement
des lésions comminutives [32].

Reconstruction
Le comblement des defects osseux a fait et fait toujours appel à une
grande variété de moyens autologues ou hétérologues.

• Autogreffes
Un greffon osseux autogène cortical ou corticospongieux (os
calvarial, crête iliaque, côte dédoublée [30]) est plus fréquemment
utilisé. L’os calvarial a pour avantage sa faible résorption par 24 Fracture maxillozygomatique. Stabilisation frontozygomatique par plaque vissée.
rapport à l’os iliaque et la proximité du site donneur, mais son
prélèvement n’est pas exempt de risques et de complications. on peut s’en tenir à cette simple réduction sous réserve d’un contrôle
Dans les autres sites donneurs osseux faciaux, il faut signaler la radiographique. Si la réduction est instable (30 % des cas), il faut
région symphysaire [34], la paroi antérieure du sinus maxillaire [40] et pratiquer une ostéosynthèse : en l’absence de fragments multiples,
même le processus coronoïde controlatéral [49]. une plaque vissée sur le pilier frontozygomatique suffit à assurer
D’autres autogreffes sont proposées, cartilagineuses : septum une stabilisation tridimensionnelle (fig 24). Dans le cas contraire il
nasal [36] ou conque auriculaire [39], uniquement utilisables pour le faut multiplier les sites d’ostéosynthèse. On reconstruit ensuite
plancher orbitaire. éventuellement le plancher orbitaire suivant les données
préopératoires et celles du test de duction forcée peropératoire
• Implants allogènes [79] (fig 25).
Certains ont été très à la mode pendant de nombreuses années Fractures isolées du plancher
(silicone : Silastict) mais semblent tombés en désuétude du fait de
la fréquence des complications tardives et de l’obligation du retrait Associées ou non aux précédentes, elles sont traitées, soit en urgence
des implants [38, 47, 51, 57]. (fracture en « trappe »), soit dans un délai habituel de 4 à 8 jours.
Les biomatériaux sont en fait extrêmement nombreux, qu’ils soient Pour les fractures en « trappe », dès que l’incarcération est un peu
résorbables (polydioxanone : PDStcupules et plaques) [6, 55], inertes importante, il faut déposer le plancher, en général à sa partie interne,
(polytétrafluoroéthylène [Gore-Text] ; Téflont) [4, 53], ostéo-inducteurs autour de la fracture, puis remplacer par un biomatériau après
(corail type Biocoralt hydroxyapatite) [44, 48], voire métalliques (grilles réintégration du contenu orbitaire, la perte de substance étant
en titane) (fig 23). Ils ont pour avantage l’absence de morbidité du généralement modérée.
site donneur qui doit être comparé à leur tolérance propre [19]. Un Pour les fractures avec perte de substance, l’indication opératoire doit
procédé émergeant pour la réalisation d’implants « sur mesure », reposer sur au moins un des critères suivants :
semble être la stéréolithographie [2] permettant, pour Hoffmann [26],
la réalisation d’implants en céramique adaptés à la perte de – persistance d’une diplopie significative d’origine mécanique dans
substance. La lourdeur et le coût du procédé semblent encore devoir la semaine suivant le traumatisme ;
réserver cette technique à la chirurgie des séquelles osseuses [27]. – présence d’une énophtalmie supérieure à 2 mm responsable de
séquelles esthétiques majeures, surtout en cas de dystopie oculaire
¶ Indications opératoires associée ;
– volumineux déficit osseux supérieur à un tiers ou à 50 % de la
Fractures maxillozygomatiques surface du plancher, responsable d’une énophtalmie secondaire ;
Non déplacées, elles font l’objet d’une simple surveillance. – quant à l’hypoesthésie dans le territoire du nerf infraorbitaire,
Déplacées, elles doivent être réduites, le plus couramment à l’aide isolée, ce n’est pas une indication formelle, car elle est souvent
du crochet de Ginestet par voie percutanée : si la fracture est stable, seulement liée à des phénomènes œdémateux. Elle régresse alors

14
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

25 Fracture du plancher 26 Tomodensitométrie.


orbitaire (collection Dr Bar- Fracture orbitonasale asso-
brel). ciée à une fracture maxillo-
A. Désincarcération. zygomatique.
B. Reconstitution par
matériau biorésorba-
ble thermoformable.

*
A

La tomodensitométrie en mode spiralé permet le bilan exhaustif des


déplacements osseux (fig 26) et montre l’impaction de l’épine nasale
entre les cavités orbitaires. Elle doit comprendre également
l’exploration de l’étage antérieur de la base du crâne pour confirmer
ou non une atteinte du sinus frontal ou de la lame criblée
ethmoïdale. Les déplacements osseux sont souvent bien appréciés à
l’aide d’une reconstruction tridimensionnelle plus performante qu’il
*
B y a quelques années. Elle guide le geste chirurgical et le choix de la
voie d’abord.
habituellement en 3 à 6 mois. Notons toutefois que cette
hypoesthésie fait partie des troubles séquellaires les plus fréquents FRACTURES ISOLÉES DE LA PAROI MÉDIALE
dans ces fractures, 42 % des cas à 2 ans pour Meyer [47]. DE L’ORBITE
Pour les pertes de substances inférieures au tiers de la surface du Autrefois mésestimées, aujourd’hui peu opérées en urgence, elles
plancher, l’utilisation d’un biomatériau résorbable est licite. Au- posent le problème d’un risque d’énophtalmie secondaire.
delà, on utilise de préférence un matériau ostéo-inducteur (corail La fréquence de ces fractures paraît assez faible, surtout dans la
par exemple) ou une autogreffe osseuse [19, 39, 44, 47, 54]. littérature de l’époque précédant la généralisation des examens
Cas particulier de la fracture en « clapet » [45]. tomodensitométriques. Les séries publiées sont assez nombreuses,
La réduction des éléments herniés peut être impossible par voie mais toutes très réduites. En moyenne, 50 % des fractures des parois
haute. C’est là l’indication, soit d’un abord endoscopique orbitaires intéressent la paroi inférieure, contre seulement 10 % pour
supplémentaire [72], soit d’une marginotomie de Tessier [78] qui la paroi médiale [12]. En fait, de nombreux cas devaient passer
permet de déposer le volet fracturé et de réintégrer le contenu inaperçus comme le suggèrent certaines études anatomiques
orbitaire. La marginotomie est ensuite ostéosynthésée. retrouvant ce type de fracture chez 35 % des sujets autopsiés [59].
D’autre part, selon Davidson [9], les fractures de la paroi médiale de
l’orbite seraient associées dans 10 à 53 % des cas à une fracture du
Fractures orbitonasales plancher. Dans certaines séries, pourtant [5], elles apparaissent plus
fréquentes que les fractures isolées du plancher (55 % sur 82
Ces fractures intéressent à des degrés divers le CNEMFO, comme il examens radiologiques, contre 27 % d’associations plancher-paroi
a été rappelé plus haut, lors d’un impact antéropostérieur sur la médiale). Ceci s’expliquerait par des variations ethniques du
racine du nez. On peut schématiquement distinguer : les dislocations squelette facial : cadre orbitaire plus fin, réduction de la projection
orbitonasales ou DON et les fractures isolées de la paroi médiale de nasale et contreforts moins résistants chez les asiatiques ; hypothèse
l’orbite. aussi retenue par Gérard [21] pour des patients de race noire.
Le mécanisme étiopathogénique [12] de ces fractures est identique à
DISLOCATIONS ORBITONASALES celui des blow-out du plancher.
¶ Étude clinique ¶ Étude clinique
Le télécanthus est le maître signe de ces fractures. Il est significatif La traduction clinique de ces fractures reprend les signes communs
au-delà de 35 mm. à tout traumatisme orbitaire : œdème, ecchymose, épistaxis
Outre l’œdème et l’hématome périorbitaires, les plaies éventuelles unilatérale, mais aussi d’autres plus évocateurs :
au point d’impact, l’examen ne montre parfois qu’un simple
empâtement de la racine du nez. – emphysème sous-cutané palpébral ou sous-conjonctival
parfaitement perceptible (crépitation neigeuse) exacerbé par le
Le retentissement lacrymal se traduit par un épiphora dont on
mouchage intempestif ;
recherche ensuite la cause. Le retentissement sur la dynamique
oculaire se traduit par une pseudoparalysie du IV ou du VI. – troubles de l’oculomotricité, plus rares que dans les fractures en
L’épistaxis est la règle, de même que l’obstruction nasale qui peut blow-out du plancher [66]. Ils associent un phénomène subjectif, la
masquer une rhinorrhée de LCR ou une anosmie qui témoigne d’une diplopie horizontale, à des phénomènes objectifs comme la
atteinte de la lame criblée. perturbation des manœuvres de duction, qu’elles soient volontaires
ou forcées. Ces anomalies sont confirmées par un test de Lancaster.
¶ Imagerie
¶ Imagerie
Les radiographies standards ont peu d’utilité dans ces lésions, si ce
n’est pour montrer les déplacements des os propres du nez. C’est en fait le bilan radiologique qui permet le diagnostic.

15
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

27 Cliché standard. Pneu- 29 Voies d’abord orbitonasales. 1. Possibi-


morbite. lité d’extension supérieure ; 2. possibilité
d’extension palpébrojugale ; 3. possibilité
d’extension transversale médiane.

résulte qu’un déplacement de la paroi médiale supérieur à 3 mm est


une indication opératoire en prévention de l’énophtalmie. Les
28 Tomodensitométrie
conclusions de Yab [81] vont dans le même sens.
d’une fracture isolée de la
paroi médiale.
A. Coupe axiale.
TRAITEMENT DES FRACTURES ORBITONASALES
B. Coupe frontale.
Le traitement a pour objectif de restaurer l’oculomotricité, de
prévenir les séquelles liées à l’énophtalmie, de rétablir la
morphologie nasale et canthale, enfin de s’assurer de la perméabilité
des voies lacrymales.
La date de l’intervention, une fois la stabilisation acquise sur le plan
général, peut être raisonnablement fixée entre le quatrième et le
huitième jour, délai mis à profit pour obtenir un bilan paraclinique
complet et programmer une collaboration neurochirurgicale si un
geste endocrânien s’avère nécessaire. Précisons qu’en urgence,
certains gestes ont été effectués : contrôle de l’épistaxis, évacuation
d’un hématome septal, parage des lésions tégumentaires.

¶ Techniques

Voies d’abord cutanées


*
A
La voie périorbitaire interne permet l’exposition de la région canthale
médiale, de la paroi orbitaire et de la gouttière lacrymale. L’incision
est curviligne (fig 29), tracée à mi-distance entre l’arête nasale et le
canthus, remontant plus ou moins haut par rapport au tendon
canthal, selon le geste à effectuer.
Cette voie d’abord peut être associée à une voie sous-orbitaire, à
condition de laisser un pont cutané entre les deux incisions. Deux
voies canthales peuvent être réunies par une incision horizontale
permettant une bonne exposition de la racine du nez et de la
glabelle, mais au prix d’une cicatrice souvent visible.
La voie coronale offre un jour excellent pour aborder toute la région
fronto-naso-ethmoïdale et les parois médiales des orbites (cf infra).
La voie translésionnelle est toujours possible, avec les inconvénients
*
B déjà décrits.

Réduction
Les clichés standards sont le plus souvent normaux et ne mettent en
évidence que des signes indirects comme une opacité ethmoïdale La réduction de l’impaction de la pyramide nasale est instrumentale.
homolatérale ou une pneumorbite sous forme d’un croissant gazeux On utilise selon son choix ou ses habitudes une pince de Martin ou
clair à concavité inférieure sous le toit orbitaire (fig 27). de Ash, ou des ciseaux droits mousse protégés. Le désengrènement
C’est la tomodensitométrie qui montre le siège exact de la fracture de la racine du nez peut être contrôlé directement si un abord cutané
(os planum), l’importance de l’impaction, le comblement des cellules est pratiqué. Il a pour corollaire le risque d’aggravation d’une brèche
ethmoïdales par l’hémosinus, ainsi qu’une éventuelle incarcération ostéoméningée, mais ce n’est pas toujours le cas. Pour cette raison,
du muscle droit interne (fig 28). certains neurochirurgiens préfèrent intervenir après le traitement
maxillofacial et effectuer secondairement le traitement de la brèche
La quantification des déplacements fracturaires peut être étudiée sur
si elle persiste ou si elle s’aggrave.
ce bilan. En effet, les fractures de la paroi médiale de l’orbite sont
une cause majeure d’énophtalmie secondaire [24]. Le problème est de
Contention
déterminer à partir de quel déplacement ce risque existe. Parson [56]
a essayé de quantifier expérimentalement l’importance de La contention des fragments osseux fait appel aux procédés
l’énophtalmie induite par le déplacement des parois orbitaires. Il en classiques (fils métalliques ou plaques d’ostéosynthèse).

16
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

30 Principe de la canthopexie transnasale


après ostéosynthèse rigide d’une fracture
comminutive de la région nasale. Le fil mé-
tallique est passé en va-et-vient et fixé
du côté opposé sur un taquet métallique.

*
A
La contention du tendon canthal interne s’effectue par canthopexie
interne transnasale (fig 30). Elle est réalisée selon la technique de
Mustardé à l’aide d’un fil d’acier serti chargeant le tendon canthal et
la périorbite, passé en arrière de la crête lacrymale postérieure, puis
toronné sur un taquet controlatéral.
Il faut à ce stade restaurer les voies lacrymales ou rendre les
conditions favorables à une future dacryo-cysto-rhinostomie.

Reconstructions osseuses éventuelles


Elles font appel aux procédés précédemment décrits.

¶ Indications opératoires
*
B
Traitement d’une dislocation orbitonasale 31 Fracture orbitocrânienne.
A. Risque de fistule.
La réduction sanglante s’effectue par voie cutanée adaptée au cas
B. Risque de fistule faible, risque important d’hématome extradural.
d’espèce ; elle est le plus souvent associée à une réduction par voie
endonasale. Classiquement, la levée de l’incarcération s’effectue par
La racine du nez est stabilisée par une plaque vissée miniaturisée esquillotomie, puis la prévention de la récidive par une interposition
s’appuyant sur une zone fixe : en haut frontale et en bas sur les de biomatériaux.
apophyses montantes du maxillaire. Rauch [64] prône une décompression radicale de la paroi médiale de
Si l’utilisation de microplaque vissée s’avère inadéquate en raison l’orbite qui est largement ouverte en dedans en réalisant une
d’une instabilité trop grande ou de comminution de l’auvent nasal, ethmoïdectomie partielle. Elle aurait pour avantage de lever les
ce qui est souvent le cas des dislocations orbitonasales bilatérales, le incarcérations importantes et de drainer le foyer de fracture vers les
galbe de l’arête et la projection nasale sont obtenus par la mise en fosses nasales, mais le risque d’énophtalmie secondaire paraît
place d’emblée d’un greffon d’apposition. Puis le traitement du important.
télécanthus fait appel aux techniques de canthopexie transnasale sur Chen [7], pour limiter la rançon cicatricielle cutanée, propose une
bourdonnets pour rétablir les dépressions orbitonasales et participer reconstruction par voie endoscopique transconjonctivale.
à la contention du nez fracturé. La nécrose cutanée qui peut survenir
en cas de serrage trop important est prévenue par une surveillance
régulière et une levée précoce si des signes de souffrance Fractures orbitocrâniennes
apparaissent. Les fractures du toit de l’orbite (roof des Anglo-Saxons) s’inscrivent
De la même manière, dans les dislocations orbitonasales unilatérales dans un tableau de traumatologie craniofaciale [29]. Elles intéressent
avec fracture comminutive de l’apophyse frontomaxillaire, un toute la partie supérieure de l’orbite et représentent 5 à 10 % des
greffon osseux (calvarial par exemple) taillé à la dimension de la traumatismes faciaux [43] [65], essentiellement par AVP, générateurs de
perte de substance peut être ostéosynthésé en place et la canthopexie traumatismes violents et de blessés polytraumatisés. Les statistiques
réalisée ensuite à travers ce greffon. montrent qu’elles sont fréquentes chez les enfants. Elles entraînent
En fin d’intervention, on réaligne le septum nasal. La contention par des complications cranioencéphaliques et neuro-ophtalmologiques
plaques préfabriquées placées de chaque côté du septum, fixées par connues depuis fort longtemps. Hippocrate ne disait-il pas : « les
un point en « U » transfixiant, est maintenue pendant 10 à 15 jours. blessures qui portent sur le sourcil ou un peu au-dessus
Un méchage endonasal bilatéral complète le traitement si nécessaire. obscurcissent la vue » ? Du fait de leur complexité thérapeutique,
elles impliquent une prise en charge multidisciplinaire où
Traitement des fractures isolées de la paroi médiale de l’orbite neurochirurgie, chirurgie maxillofaciale et ophtalmologie prennent
chacune leur part.
Une fracture simple de la paroi médiale n’impose qu’une
surveillance clinique, assortie d’un traitement médical Mettant en relation l’endocrâne, l’orbite et le sinus frontal selon des
(antibiothérapie, aérosols). degrés variables, il est habituel d’en distinguer deux sous-variétés [76]
qui s’expliquent aisément par leur étiopathogénie :
Une incarcération du muscle droit médial affirmée par le test de
duction forcée et la tomodensitométrie est une indication opératoire – des fractures médianes en dedans d’une verticale passant par
formelle. Il en est de même pour une incarcération de la graisse l’échancrure supraorbitaire (fig 31) ;
périorbitaire avec des troubles de l’oculomotricité objectivés par un – des fractures latérales en dehors de l’échancrure supraorbitaire :
test de Lancaster effectué lorsque la diminution du chémosis le fractures orbitoptérioniques ou fronto-sphéno-temporales [60] selon
permet. les auteurs (fig 31).
Les techniques utilisent la voie d’abord canthale médiale [17], plus ou Ces fractures sont souvent associées à des fractures transfaciales de
moins étendue en fonction de l’existence d’une atteinte associée ou type Le Fort II ou III. C’est parmi elles que l’on retrouve le plus
non du plancher orbitaire. fréquemment des atteintes de l’apex orbitaire.

17
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

L’examen se termine par celui des annexes de l’œil. Il évalue les


32 Fracture orbitocrâ-
lésions tégumentaires palpébrales supérieures et frontales : plaies
nienne latérale. Aspect cli-
nique précoce. avec ou sans pertes de substance qui peuvent éventuellement se
transformer en voie d’abord.

¶ Fracture isolée du toit orbitaire


Le tableau clinique est parfois beaucoup plus limité [20]. C’est le cas
chez les enfants chutant d’une faible hauteur, avec des signes
cliniques se limitant à un hématome palpébral supérieur qui se
développe classiquement quelques heures après le traumatisme. Si
cette symptomatologie s’aggrave dans le temps, elle doit faire
évoquer le diagnostic qui n’est pas rare avant l’âge de 5 ans [10, 33, 46],
ceci vraisemblablement en raison de la taille proportionnellement
ÉTUDE CLINIQUE plus grande du crâne à cet âge et de l’absence de pneumatisation du
La majorité des patients porteurs de telles lésions sont accueillis aux sinus frontal.
urgences neurochirurgicales. C’est donc après la prise en charge et
le traitement des urgences vitales que le chirurgien maxillofacial est
IMAGERIE
amené à les examiner. L’examen est toujours difficile, surtout après
quelques heures d’évolution, en raison de l’œdème ecchymotique
infiltrant les téguments, comme il est habituel en traumatologie ¶ Tomodensitométrie
faciale. Dans ce contexte de traumatisme crânien facial, la
tomodensitométrie spiralée est réalisée en priorité. Les coupes
¶ Examen neurologique doivent intéresser la totalité de l’orbite jusqu’à l’apex et bien sûr
Outre les signes éventuels d’atteinte encéphalique (existence d’une l’endocrâne.
perte de connaissance initiale, état de conscience apprécié par le En urgence, on insiste sur la recherche des atteintes encéphaliques
score de Glasgow, fonctions neurovégétatives, signes neurologiques contusives, un hématome intracrânien (hématome extradural des
en foyer), on doit rechercher en priorité : fractures latérales), une pneumatocèle expansive (fracture du mur
postérieur du sinus frontal et atteinte de la lame criblée des fractures
– une anosmie et/ou une brèche ostéoméningée. Deux manœuvres
médianes), une atteinte de l’apex orbitaire, ou un hématome
peuvent aider à mettre en évidence une rhinorrhée de LCR, difficile
intraconique.
à détecter chez un patient en décubitus dorsal, l’écoulement se
faisant dans le pharynx : le signe du halo dans la compresse, le test
à la bandelette. L’issue de LCR peut être retrouvée au milieu de ¶ Imagerie par résonance magnétique
l’épistaxis qui est exploré en rhinoscopie antérieure en position C’est l’examen de choix dans le diagnostic des fistules de LCR et
déclive (origine au méat moyen) ; dans l’exploration des lésions encéphaliques associées, mais elle
– une atteinte des éléments de la fissure orbitaire supérieure n’intervient que secondairement.
(ophtalmoplégie, ptosis, mydriase aréflexique, abolition du réflexe
consensuel) ou un syndrome de l’apex orbitaire devant la survenue
TRAITEMENT
d’une amaurose doivent entraîner un bilan d’imagerie en urgence.
Cependant, il est généralement admis que si la baisse ou la
disparition de l’acuité visuelle est concomitante de la fracture, les ¶ Objectifs
dégats sont irréversibles car liés à un arrachement ou à une nécrose – La prise en charge des lésions encéphaliques éventuelles.
contusive du nerf, rendant illusoire une décompression
chirurgicale [50]. – La restauration d’une étanchéité durale pour éviter une méningite.
– La fermeture ou l’exclusion des cavités aériennes ouvertes pour
¶ Examen ophtalmologique minimiser l’apparition d’une mucocèle.
Pratiqué sans mydriatique pour surveiller l’apparition éventuelle – La réduction des déplacements osseux et la réparation d’éventuels
d’une anisocorie, il apprécie une atteinte du globe oculaire depuis le defects.
simple syndrome contusif jusqu’à l’éclatement du globe qui survient L’ensemble de ces objectifs contribue à la minimisation des séquelles
dans 10 % des cas [28]. (morphologiques, fonctionnelles ou infectieuses) de ces fractures
La présence d’une exophtalmie fixe, non évolutive dans le temps, dont le traitement fait l’objet d’un autre article (fascicule 22-075-
conséquence de l’abaissement du plafond orbitaire doit être A-10 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale).
différenciée de celle d’apparition progressive, inquiétante, Pour atteindre ces objectifs, il est souhaitable de faire appel à une
s’accompagnant d’une diminution de la fonction visuelle et équipe mixte neurochirurgicale et maxillofaciale de façon à effectuer
témoignant d’un hématome intraconique expansif. Le tableau un traitement primaire le plus exhaustif possible dans le minimum
s’enrichit progressivement (tension palpébrale, saillie du globe, de temps opératoire. Ceci n’est toutefois possible que dans les
ophtalmoplégie, mydriase) et impose une décompression orbitaire centres hospitaliers bien équipés et reste discuté au cas par cas.
urgente, seule capable d’éviter l’amaurose définitive. Ce tableau
clinique est très proche de celui d’une fistule carotidocaverneuse La date du traitement n’est pas absolument figée lorsque les lésions
(souffle intracrânien, ophtalmoplégie, exophtalmie progressive et squelettiques sont isolées, mais il est habituel d’intervenir entre le
risque de cécité) qui peut survenir au décours de violents AVP, mais septième et le 14e jour. Tout dépend bien sûr de l’état général du
d’apparition plus tardive. blessé.
A contrario, la présence d’une énophtalmie sous-tend l’existence de
lésions associées des parois interne et/ou inférieure. ¶ Techniques
Les déformations du cadre orbitaire et du galbe frontal sont visibles
Voies d’abord
et palpables à un stade précoce ; on retrouve le crépitement de
l’emphysème palpébral qu’exagère le mouchage et une hypoesthésie L’approche translésionnelle est possible, mais elle ne se conçoit que
supraorbitaire. Le ptosis est constant (fig 32). pour des lésions limitées du rebord orbitaire supérieur ou de la paroi

18
Stomatologie Fractures de l’orbite 22-072-A-10

34 Fracture isolée du pla-


fond orbitaire peu déplacée.
Abstention chirurgicale.

¶ Indications
33 Fracture orbitocrânienne. Voie coronale. Possibilité d’utilisation d’un lambeau Fractures isolées du plafond orbitaire
de galéa à pédicule latéral ou à pédicule médian.
Il est licite de s’abstenir chirurgicalement lorsqu’elles ne sont pas
déplacées (fig 34).Pour une fracture déplacée, il faut désincarcérer la
antérieure du sinus frontal. La voie d’abord la plus commune de ces périorbite et éventuellement le releveur de la paupière. Les petits
lésions reste la voie coronale bitemporale qui, outre la dissimulation defects n’ont pas systématiquement besoin d’être reconstruits. En
intracapillaire, permet seule l’abord crânien avec exposition optimale revanche, si la perte de substance est large, il faut reconstruire par
du toit orbitaire, du sinus frontal, des piliers de la face et la un greffon osseux pour éviter une synéchie orbitodurale (entraînant
reconstruction des contours orbitaires supérieurs. Elle est menée au énophtalmie et fixité du globe).
ras de l’épicrâne jusqu’au trait de fracture, puis en sous-périosté.
Elle peut être prolongée latéralement vers les piliers orbitaires Lésions du sinus frontal
externes et les zygomas. En avant, le décollement sous-périosté doit Elles méritent une attention particulière. Pour éviter le risque de
ménager si possible le pédicule supraorbitaire qui peut être libéré mucocèle, de nombreux auteurs ont recommandé l’ablation
de son canal. En cas de brèche ostéodurale, il faut se réserver la (crânialisation) ou l’oblitération (exclusion) du sinus et du canal
possibilité de prélever un lambeau de galéa à pédicule latéral ou nasofrontal chez les patients ayant une fracture de ce sinus.
antérieur dont le tracé doit être prévu avant l’incision périostée L’attitude varie suivant la lésion présentée :
(fig 33). – les fractures isolées de la paroi antérieure font l’objet d’une
Ceci n’exclut pas, en cas de lésions associées, d’utiliser d’autres voies ostéosynthèse classique ou d’une reconstruction par greffon
d’abord orbitaires précédemment décrites. autologue après mise en place d’un drainage frontonasal, ceci
d’autant plus que certains grands sinus pneumatisent de façon
Réparations osseuses importante le rebord orbitaire supérieur et jouent donc un rôle
majeur dans le galbe frontal ;
Elles sont effectuées en même temps ou avant le temps
– les atteintes comminutives de la paroi postérieure du sinus
neurochirurgical s’il est nécessaire, avec en particulier
doivent conduire à sa crânialisation après éradication totale de la
l’étanchéification de la dure-mère avec un greffon d’épicrâne ou un
muqueuse sinusienne, obturation du canal nasofrontal par un taquet
lambeau de galéa.
osseux et « étanchéification » de la base du crâne par greffon
Les déplacements fracturaires sont réduits et contenus le plus corticospongieux ;
souvent par des ostéosynthèses miniaturisées vissées en titane, sous – a contrario, les fractures non déplacées sont, soit laissées en l’état,
forme de plaques simples pour les piliers osseux (frontomaxillaire, soit conduisent à l’exclusion des petits sinus.
frontozygomatique), sous forme de plaques tridimensionnelles plus
adaptables au niveau de la voûte. Ces fixations rigides ont Lésions des voies optiques
actuellement la préférence de nombreux auteurs, car garantes de L’exploration et la décompression des voies optiques peuvent se
l’absence de déplacements secondaires, même dans les fractures faire :
plurifragmentaires. Les ostéosynthèses au fil d’acier gardent
cependant des adeptes, en particulier pour la fixation des volets – soit par voie frontale neurochirurgicale après trépanation du toit
crâniens. du canal ;
L’existence de pertes de substance osseuse, soit du fait du – soit par voie canthale médiale transethmoïdosphénoïdale ;
traumatisme initial, soit du fait de l’extrême comminution rendant – soit par voie transmaxillaire, sous neuroleptanalgésie de façon à
les fragments inutilisables, doit conduire à une restauration, de pouvoir tester la vision.
préférence par greffon osseux autologue prélevé in situ Il faut toutefois rappeler que la neuropathie optique traumatique est
(dédoublement d’un volet d’abord neurochirurgical, greffon une urgence dont le traitement ne présente pas de consensus : la
calvarial) ou à distance (greffon iliaque, costal dédoublé...). Les place de la corticothérapie seule, de la décompression chirurgicale,
matériaux biocompatibles ne sont utilisés qu’au stade séquellaire. ou de l’association des deux est toujours controversée [41].

Références ➤

19
22-072-A-10 Fractures de l’orbite Stomatologie

Références
[1] Adenis JP, Morax S. Pathologie orbito-palpébrale (rapport [27] Holck DE, Boyd EM Jr, Ng J, Mauffray RO. Benefits of stereo- [53] Ouadah A, Gerard M, Malpuech F, Buc D, Advenier D,
SFO). Paris : Masson, 1998 lithography in orbital reconstruction. Ophthalmology Mondie JM et al. Le traitement des fractures du plancher de
[2] Bauchat JL, Devauchelle B, Wattelier M. Conception et 1999 ; 106 : 1214-1218 l’orbite : réfection par lame de Téflont. Analyse des résul-
fabrication assistées par ordinateur d’un prototype de [28] Ioannides C, Treffers W, Rutten M, Noverraz P. Ocular inju- tats sur 5 ans. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1998 ; 99 (suppl
cavité orbitaire. Ann Chir Plast Esthét 1995 ; 40 : 23-29 ries associated with fractures involving the orbit. J Maxillo- 1) : 120-121
[3] Bite U, Jackson IT, Forbes GS. Orbital volume measurement fac Surg 1988 ; 16 : 157-159 [54] Paoli JR, Boutault F, Gasquet F, Fabie M. Les fractures du
in enophtalmos using three-dimensional CT imaging. Plast plancher de l’orbite. Notre expérience à propos de 164 cas.
[29] Jackson IT, Morax S, Benillouche P. Fractures orbito- Cah Stomatol Chir Maxillofac (n° 1) : 1995 ; 3-8
Reconstr Surg 1985 ; 75 : 502-507 crâniennes. In : Pathologie orbito-palpébrale. Paris :
[4] Breton P, Crezoit E, Blanchard P, Fiere A, Freidel M. Place du Masson, 1998 : 726-732 [55] Paoli JR, Dodart L, Boutault F, Lauwers F, Fabie M. Recons-
Gore-Tex en traumatologie orbitaire. À propos de 30 obser- truction du plancher de l’orbite par cupule de polydioxa-
[30] Johnson PE, Raftopoulos I. In situ splitting of a rib graft for none (PDSt). Rev Stomatol Chir Maxillofac 1995 ; 96 :
vations. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ; 91 (suppl 1) :
reconstruction of the orbital floor. Plast Reconstr Surg 1999 ; 113-116
52-54
103 : 1709-1711 [56] Parson GS, Mathog RH. Orbital wall and volume relation-
[5] Burm JS, Chung CH, Oh SJ. Pure orbital blowout fracture:
new concepts and importance of medial orbital blowout [31] Kahn JL, Bourgeat P. Notions indispensables dans l’image- ships. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1988 ; 114 :
fracture. Plast Reconstr Surg 1999 ; 103 : 1839-1849 rie des traumatismes de la face. Feuillets Radiol 1999 ; 39 : 743-747
353-362 [57] Pauzié F, Cheynet F, Chossegros C, Aldegheri A, Carreau JP,
[6] Cantaloube D, Rives JM, Bauby F, Andréani JF, Dumas B.
Utilisationde la cupule en PDSt dans les fractures orbito- [32] Kim YO. Use of cyanoacrylate in facial bone fractures. J Blanc JL. Complications à long terme des implants de sili-
malaires. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1989 ; 90 : 48-51 Craniofac Surg 1997 ; 8 : 229-235 cone utilisés dans la réparation des fractures du plancher
de l’orbite. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997 ; 98 : 109-115
[7] Chen CT, Chen YR, Tung TC, Lai JP, Rohrich RJ. Endoscopi- [33] Koltai PJ, Amjad I, Meyer D, Feustel PJ. Orbital fractures in
children.Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1995 ; 121 : [58] Payement G, Rochebilière A, Cariou JL, Bellavoir A. Fracture
cally assisted reconstruction of orbital medial wall frac-
1375-1379 isolée type blow-out du plancher orbitaire au cours d’une
tures. Plast Reconstr Surg 1999 ; 103 : 714-720
plongée. Méd Armées 1991 ; 19 : 473-476
[8] Converse JM, Smith B, Obear MF, Wood-Smith D. Orbital [34] Krishnan V, Johnson JV. Orbital floor reconstruction with [59] Pearl RM, Vistnes LM. Orbital blowout fractures: an
blow-out fractures. A ten-year survey. Plast Reconstr Surg autogenous mandibular symphyseal bone grafts. J Oral approach to management. Ann Plast Surg 1978 ; 1 :
1967 ; 39 : 20-36 Maxillofac Surg 1997 ; 55 : 327-332 267-270
[9] Davidson TM, Olesen RM, Nahum AM. Medial orbital wall [35] Kumar AV, Staffenberg DA, Petronio JA, Wood RJ. Bioab- [60] Pellerin P, Dhellemmes P, Jomin M, Laine E, Donazzan M.
fracture with rectus entrapment. Arch Otolaryngol 1975 ; sorbable plates and screws in pediatric craniofacial surgery: Les fractures fronto-sphéno-temporales : entités anatomo-
101 : 33-35 a review of 22 cases. J Craniofac Surg 1997 ; 8 : 97-99 cliniques. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1980 ; 81 : 246-252
[10] Donahue DJ, Smith K, Church E, Chadduck WM. Intracra- [36] Lai A, Gliklich RE, Rubin PA. Repair of orbital blow-out frac- [61] Piette E, Reychler H. Considérations sur les fractures orbito-
nial neurological injuries associated with orbital fracture. tures with nasoseptal cartilage. Laryngoscope 1998 ; 108 : maxillo-malaires. Ann Chir Plast Esthét 1987 ; 32 : 112-123
Pediatr Neurosurg 1997 ; 26 : 261-268 645-650 [62] Pons J, Sadania JB, Suleau J. Un dossier sur les fractures du
[11] Dubayle P, Boyer B, Goasdoué P, David H, Clainche PL, massif facial. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1986 ; 87 :
Pajoni D et al. Imagerie maxillofaciale. Tomodensitomé- [37] Laxenaire A, Levy J, Blanchard P, Lerondeau JC, Tesnier F,
Scheffer P. Lames de Silastic et reconstruction du plancher 212-217
trie. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales
Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-010-D-30, 1996 : 1-7 orbitaire. Ann Chir Plast Esthét 1996 ; 41 : 631-638 [63] Raskin EM, Millman AL, Lubkin V, DellaRocca RC, Lisman
[38] Laxenaire A, Lévy J, Blanchard P, Lerondeau JC, Tesnier F, RD, Maher EA. Prediction of late enophthalmos by volu-
[12] Ducroz V, Divaris M, Franchi G, Hamedani M, Slama M, metric analysis of orbital fractures. Ophthalmol Plast
Chikhani L et al. Fractures de la paroi médiale de l’orbite. À Scheffer P. Complications des implants de Silastic utilisés
en réparation orbitaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997 ; Reconstr Surg 1998 ; 14 : 19-26
propos de quatre observations. Rev Stomatol Chir Maxillo-
fac 1995 ; 96 : 137-141 98 (suppl 1) : 96-99 [64] Rauch SD. Medial orbital blow-out fracture with entrap-
ment. Arch Otolaryngol 1985 ; 111 : 53-55
[13] Enislidis G, Pichorner S, Kainberger F, Ewers R. Lactosorb [39] Le Faou T, Krastinova D. Reconstruction du plancher orbi-
taire fracturé par des matériaux autologues. Rev Stomatol [65] Raulo Y, Djinjian M, Kéravel Y, N’guyen JP. Fractures fronto-
panel and screws for repair of large orbital floor defects. J
Chir Maxillofac 1997 ; 98 : 240-242 orbitaires. Rev Prat 1987 ; 37 : 2211-2216
Craniomaxillofac Surg 1997 ; 25 : 316-321
[66] Reny A, Stricker M. Fractures de l’orbite. Paris : Masson,
[14] Eppley BL, Prevel CD. Nonmetallic fixation in traumatic [40] Lee HH, Alcaraz N, Reino A, Lawson W. Reconstruction of 1969
midfacial fractures. J Craniofac Surg 1997 ; 8 : 103-109 orbital floor fractures with maxillary bone. Arch Otolaryngol
Head Neck Surg 1998 ; 124 : 56-59 [67] Richard L, Bouletreau P, Cantaloube D. À propos d’une
[15] Ewers R, Harle F. Experimental and clinical results of new fracture insolite du plancher de l’orbite. Rev Stomatol Chir
advances in the treatment of facial trauma. Plast Reconstr [41] Longueville E, Adenis JP. Traumatisme du nerf optique. In : Maxillofac 1999 ; 100 : 315-318
Surg 1985 ; 75 : 25-31 Pathologie orbito-palpébrale. Paris : Masson, 1998 :
[68] Rocca A, Stefani S, Laurens D, Mattei M. Les fractures du
[16] Ferré JC, Chevalier C, Barbin JY. Réflexions sur la bioméca- 746-753
plancher de l’orbite. À propos d’une série homogène de 70
nique de la base du crâne et de la face. Rev Stomatol Chir [42] Marciani RD, Caldwell GT, Levine HJ. Maxillofacial injuries malades. Ann Chir Plast Esthét 1991 ; 36 : 193-199
Maxillofac 1990 ; 91 : 1-8 associated with all-terrain vehicles. J Oral Maxillofac Surg [69] Rougier J, Tessier P, Hervouet F, Woillez M, Lekieffre M,
[17] Freidel M, Gola R. Fractures complexes de l’étage moyen 1999 ; 57 : 119-623 Derome P. Chirurgie plastique orbito-palpébrale (rapport
de la face et de l’étage antérieur de la base du crâne; actua- SFO). Paris : Masson, 1977
[43] Martello JY, Vasconez HC. Supraorbital roof fractures: a for-
lisation du diagnostic et du traitement. Rapport au XXXIIe
midable entity with which to contend. Ann Plast Surg [70] Rowe NL, Killey HC. Fractures of the facial skeleton. Balti-
congrès de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale.
1997 ; 38 : 223-227 more : Livingstone, 1955
Rev Stomatol Chir Maxillofac 1991 ; 92 : 283-354
[18] Fugino T, Makino K. Entrapment mechanism and ocular [44] Mercier J, Piot B, Gueguen P, Cantaloube D, Blanc JL, [71] Sandler NA, Carrau RL, Ochs MW, Beatty RL. The use of
injury in orbital blow-out fractures. Plast Reconstr Surg Boutault F et al. Le plancher orbitaire en corail. Son intérêt maxillary sinus endoscopy in the diagnosis of orbital floor
1980 ; 65 : 571-574 en traumatologie. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1996 ; 97 : fractures. J Oral Maxillofac Surg 1999 ; 57 : 399-403
324-331 [72] Saunders CJ, Whetzel TP, Stokes RB, Wong GB, Stevenson
[19] Gas C, Sidjilani BM, Dodart L, Boutault F. Fractures isolées
[45] Merville LC, Gitton E. Une forme inhabituelle de fracture TR. Transantral endoscopic orbital floor exploration: a
du plancher orbitaire. Conclusions d’une étude rétrospec-
isolée du plancher orbitaire: « la fracture en clapet». Rev cadaver and clinical study. Plast Reconstr Surg 1997 ; 100 :
tive portant sur 85 cas. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999 ;
Stomatol Chir maxillofac 1985 ; 86 : 165-170 575-581
100 : 27-33
[73] Seigneuric JB, Delaporte T, Andréani JF, Cantaloube D.
[20] Geenwald MJ, Boston D, Pensler JM, Radkowski MA. Orbital [46] Messinger A, Radkowski MA, Greenwald MJ, Pensler JM.
Sports et traumatismes faciaux. Tentatives et limites d’une
roof fractures in childhood. Ophthalmology 1989 ; 96 : Orbital roof fractures in the pediatric population. Plast
étude épidémiologique. Rev Stomatol Chir maxillofac 1999 ;
491-496 Reconstr Surg 1989 ; 84 : 213-216
100 : 311-314
[21] Gerard M, Merle H, Domenjôd M, Leroux J, Reboud C, [47] Meyer C, Groos N, Sabatier H, Wilk A. Séquelles à long [74] Sicher H. Oral anatomy. St Louis : CV Mosby, 1960
Ayeboua L et al. Fracture isolée en blow-out de la paroi terme des fractures du plancher de l’orbite opérées. À
orbitaire médiale avec incarcération du droit interne. À propos d’une série de 242 patients. Rev Stomatol Chir [75] Soll DB, Brook J, Poley BJ. Trap door variety of blow-out frac-
propos de trois cas. J Fr Ophtalmol 1996 ; 19 : 591-596 Maxillofac 1998 ; 99 : 149-154 ture of the orbital floor. Am J Ophthalmol 1965 ; 60 :
269-277
[22] Gola R, Nérini A, Jallut Y. Une fracture piège, la fracture « en [48] Meyer DR, Simon JW, Kansora M. Primary infratarsal lower
trappe » du plancher de l’orbite. Ann Chir Plast 1982 ; 27 : [76] Souyris F. Fractures de l’orbite. Encycl Méd Chir (Éditions
eyelid retractor lysis to prevent eyelid retraction after infe- Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatolo-
322-330 rior rectus muscle recession. Am J Ophthalmol 1996 ; 122 : gie, 22-072-A-10, 1994 : 1-14
[23] Gosain AK, Song L, Corrao MA, Pintar FA. Biomechanical 331-339
evaluation of titanium, biodegradable plate and screw, and [77] Tartaro GP, Adamo C, Rubino C, Colella G. Clinical use of
[49] Mintz SM, Ettinger A, Schmakel T, Gleason MJ. Contrala- resorbable polymer mini-plates in mandibular fractures: a
cyanoacrylate glue fixation systems in craniofacial surgery.
teral coronoid process bone grafts for orbital floor recon- one-year experience. Minerva Stomatol 1996 ; 45 : 305-309
Plast Reconstr Surg 1998 ; 101 : 582-591
struction: an anatomic and clinical study. J Oral Maxillofac [78] Tessier P. Inferior orbitotomy. A new approach to the
[24] Hammerschlag SB, Hughes S, O’Reilly GV, Naheedy MH, Surg 1998 ; 56 : 1140-1145
Rumbaugh CL. Blow-out fractures of the orbit: a compari- orbital floor. Clin Plast Surg 1982 ; 9 : 569-575
son of computed tomography and conventional radiogra- [50] Morax S, Benillouche P. Traumatismes orbitaires. Encycl [79] Turban G. Les fractures du plancher de l’orbite et leur trai-
phy with anatomical correlation. Radiology 1982 ; 143 : Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, tement chirurgical. [thèse], Université Bordeaux II, 1996
487-492 Paris), Ophtalmologie, 21-700-D-10, 1996 : 1-23 [80] Wanyura H. Classification clinique et anatomo-
[25] Hartzell KN, Botek AA, Goldberg SH. Orbital fractures in [51] Morrison AD, Sanderson RC, Moos KF. The use of Silastic as pathologique des fractures de l’orbite. Rev Stomatol Chir
women due to sexual assault and domestic violence. an orbital implant for reconstruction of orbital wall defects: Maxillofac 1998 ; 99 : 80-87
Ophthalmology 1996 ; 103 : 953-957 review of 311 cases treated over 20 years. J Oral Maxillofac [81] Yab K, Tajima S, Ohba S. Displacements of eyeball in orbital
Surg 1995 ; 53 : 412-417 blowout fractures. Plast Reconstr Surg 1997 ; 100 :
[26] Hoffmann J, Cornelius CP, Groten M, Pröbster L, Pfannen-
berg C, Schwenzer N. Orbital reconstruction with individu- [52] Muraoka M, Nakai Y, Nakagawa K, Yoshioka N, Nakaki Y, 1409-1417
ally copy-milled ceramic implants. Plast Reconstr Surg Yabe T et al. Fifteen-year statistics and observation of facial [82] Zide BM, Jelks GW. Surgical anatomy of the orbit. New
1998 ; 101 : 604-612 bone fracture. Osaka City MedJ 1995 ; 41 : 49-61 York : Raven Press, 1985

20
¶ 22-070-A-12

Fractures de la mandibule
F. Denhez, O. Giraud, J.-B. Seigneuric, A.R. Paranque

Définies classiquement comme une solution de continuité de l’os, les fractures mandibulaires ont des
répercussions à des degrés divers, selon leur forme anatomoclinique et leur localisation, sur la fonction
manducatrice et l’esthétique de la face. Après des rappels anatomophysiologiques permettant de mieux
appréhender les mécanismes de survenue de ces pathologies traumatiques, le bilan lésionnel est exposé.
En découlent la prise en charge thérapeutique et l’exposé des différentes techniques d’orthopédie, de
chirurgie et de mécanothérapie utilisées pour traiter les fractures mandibulaires.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fractures ; Mandibule ; Classification ; Radiographies ; Tomodensitométrie

Plan ■ Rappels anatomiques [1, 2]

¶ Introduction 1 Architecture osseuse


¶ Rappels anatomiques 1
Architecture osseuse 1
Os d’origine membranaire, impair, médian et symétrique, la
mandibule constitue le relief du tiers inférieur de la face. En
Système musculaire et cinétique mandibulaire 2
forme de fer à cheval à concavité postérieure, elle est constituée
Vascularisation et innervation 2
d’un arc horizontal ou corpus, prolongé à chaque extrémité par
¶ Topographie des fractures mandibulaires 2 les branches montantes ou rami (Fig. 1).
¶ Examen clinique 2 Elle s’articule avec le massif facial par deux éléments dis-
Examen clinique de l’étage inférieur de la face 3 tincts ; l’un constant, l’articulation temporomandibulaire (ATM),
bilatérale ; l’autre intermittent, l’articulé dentaire. Les arcades
¶ Examens radiologiques 4
dentaires supérieure et inférieure entrent en contact de façon
Radiographies conventionnelles 4
physiologique lors de la mastication et de la déglutition, et de
Tomodensitométrie 5
façon pathologique dans les parafonctions comme le bruxisme.
¶ Formes anatomocliniques des fractures mandibulaires 6 Le col du condyle est grêle et constitue un rupteur en cas de
Généralités 6 recul et/ou d’enfoncement traumatique de la mandibule,
Classification topographique 6 protégeant ainsi la cavité glénoïde et la zone temporale. La
Fractures particulières 7 région symphysaire et les lignes obliques externes et internes

■ Introduction
Parmi les lésions traumatiques du complexe maxillofacial, les
fractures de la mandibule occupent une place privilégiée par
leur fréquence. Seul os mobile de la face, la mandibule se trouve
particulièrement exposée dans les traumatismes en raison de sa
position basse et projetée qui lui fait jouer le rôle d’un véritable
pare-chocs. Les étiologies des fractures mandibulaires sont
multiples. On retrouve de façon préférentielle les accidents de
la voie publique, les rixes et les sports de haute vélocité.
Définies classiquement comme des solutions de continuité de
l’os, les fractures mandibulaires ont des répercussions à des Figure 1. Anatomie de la mandibule. 1 : Condyle ; 2 : col du condyle ;
degrés divers, selon leur forme anatomoclinique et leur locali- 3 : branche montante ; 4 : angle mandibulaire ; 5 : ligne oblique externe ;
sation, sur la fonction manducatrice et l’esthétique de la face. 6 : branche horizontale ; 7 : trou mentonnier (foramen ovale) ; 8 : sym-
Le traitement vise à rétablir autant que possible ces deux physe mandibulaire ; 9 : ligne oblique interne ; 10 : épine de Spix ; 11 :
éléments. coroné.

Stomatologie 1
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

la mandibule, en agissant comme un véritable moteur de


croissance. L’importance du jeu musculaire retrouve un rôle
1
considérable dans la prise en charge thérapeutique des fractures
mandibulaires et plus particulièrement en ce qui concerne les
fractures articulaires.
On distingue classiquement deux groupes musculaires princi-
paux agissant sur l’ouverture et la fermeture buccale :
• les muscles élévateurs : ce sont les plus volumineux. Ils sont
représentés par le masséter, le temporal et le ptérygoïdien
médial ;
2 • les muscles abaisseurs : ils sont beaucoup plus grêles par
rapport aux muscles élévateurs. Leurs insertions se situant à
3
distance de l’axe de rotation virtuel de la mandibule passant
par les condyles, il n’est mécaniquement pas nécessaire
d’exercer une force musculaire importante pour obtenir une
Figure 2. Lignes de faiblesse de la mandibule. 1 : Axe de la canine ouverture buccale. Les muscles abaisseurs sont le génio-
mandibulaire ; 2 : axe oblique mésial de la dent de sagesse mandibulaire ; hyoïdien, le mylohyoïdien et le ventre antérieur du
3 : col du condyle. digastrique.
À ces mouvements binaires s’ajoutent :
• la propulsion : par contraction bilatérale des muscles ptérygoï-
diens latéraux ;
• la diduction droite et gauche : par contraction unilatérale
réciproque de ces mêmes muscles ;
• la rétropulsion : par la contraction des fibres postérieures du
temporal et des ptérygoïdiens médiaux.
La cinétique mandibulaire est complexe. Mécaniquement, elle
fait intervenir trois éléments : l’articulation temporomandibu-
laire, le système musculaire et le système dentaire par le jeu de
l’occlusion. Comme nous le verrons dans le chapitre du classe-
ment et du traitement des fractures, la fonction musculaire est
parfois un élément stabilisateur, voire une thérapeutique dans le
traitement de certaines fractures. Inversement, elle peut contri-
buer à déplacer une solution de continuité et devoir être
absolument bloquée pour permettre la consolidation.

Vascularisation et innervation
La mandibule est un os à vascularisation terminale, laquelle
Figure 3. Système musculaire et cinétique mandibulaire. 1. Action des est assurée principalement par l’artère alvéolaire inférieure,
muscles élévateurs. 2. Action des muscles abaisseurs. 3. Rétropulsion . 4. branche de l’artère maxillaire, elle-même branche de division de
Propulsion, diduction. la carotide externe. L’artère alvéolaire inférieure pénètre dans le
canal osseux du même nom au niveau de l’épine de Spix. Dans
constituent des structures de renfort. L’os basal de la mandibule son trajet intraosseux, elle fournit des rameaux osseux et
est constitué d’une gouttière épaisse de tissu compact au sein de dentaires.
laquelle se trouve du tissu spongieux dont les trabéculations À son extrémité distale, elle se divise en deux branches : une
s’établissent et s’orientent selon les lignes de forces auxquelles extraosseuse qui émerge par le trou mentonnier ; c’est la
est soumis cet os. Ces trabéculations forment une structure branche mentonnière ; l’autre qui continue son trajet intraos-
classiquement décrite en « nid d’abeilles » qui contribue au seux et qui participe à la vascularisation de la région symphy-
renfort mécanique de l’entité osseuse. saire et du groupe dentaire incisivocanin correspondant.
Le maxillaire et la mandibule portent le système dentaire qui L’apport périosté est, quant à lui, mineur.
est enchâssé au sein de l’os alvéolaire. Sa structure histologique L’innervation est assurée par le nerf alvéolaire inférieur (V3),
ne présente pas de différence avec l’os basal mais sa genèse et branche du nerf trijumeau (V), qui, dans son trajet classique, est
sa persistance sont intimement liées à la présence des dents. satellite de l’artère et de ses branches terminales.
L’os alvéolaire apparaît donc avec les dents et disparaît progres- Notons dès à présent que dans certains traumatismes, des
sivement après édentement par défaut de sollicitation bioméca- mécanismes de cisaillement et de compression peuvent être à
nique. L’épaisseur des corticales externe et interne de l’os l’origine de complications nerveuses (paresthésies, hypoesthé-
alvéolaire n’est pas homogène sur l’ensemble de l’arc mandibu- sies, anesthésies) et/ou vasculaires (hémorragies, hématomes).
laire. Cette variation est liée à l’axe d’implantation des dents. La
corticale externe augmente d’épaisseur vers les secteurs posté-
rieurs et, inversement, la table interne diminue.
L’os alvéolaire renforce l’architecture de la mandibule mais les
■ Topographie des fractures
dents enchâssées dans cette structure constituent parfois un mandibulaires (Fig. 4)
facteur fragilisant en traumatologie. Elles forment des lignes de
faiblesse en fonction de l’axe d’implantation et de la longueur La topographie lésionnelle des fractures de la mandibule est
radiculaire. C’est ainsi que la canine, par la taille de sa racine, bien établie à partir de nombreuses études. D’un point de vue
et la dent de sagesse, par son inclusion fréquente, oblique fondamental, elle s’explique parfaitement par la connaissance
mésiale au sein d’un angle, constituent des zones préférentielles de l’anatomie et de la fonction de cet os.
de fracture lors des traumatismes de la mandibule (Fig. 2). [3, 4]

Système musculaire et cinétique ■ Examen clinique [5]

mandibulaire (Fig. 3) Avant d’examiner plus particulièrement le complexe mandi-


En dehors de la fonction masticatoire, le système musculaire bulaire, il convient en toutes circonstances, face à un blessé,
orthognatique joue un rôle essentiel lors de la morphogenèse de d’évaluer les fonctions vitales afin de prévenir et de traiter les

2 Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12

d’établir les asymétries éventuelles ou déformations tégumen-


taires de l’étage inférieur de la face : projection, recul, latérodé-
viation de la pointe du menton, tassement des commissures,
absence de contact des lèvres. On recherche des plaies plus ou
moins conséquentes (de la perte de substance majeure à la
simple érosion). On précise les œdèmes et les hématomes. La
sensibilité de la lèvre inférieure depuis la commissure jusqu’à la
ligne médiane est appréciée de façon symétrique à la recherche
d’une éventuelle lésion du V3.
Cadre osseux
La palpation symétrique du rebord mandibulaire recherche
une encoche, une déformation ou une douleur provoquée. Une
pression exercée sur la symphyse peut mettre en évidence une
Figure 4. Topographie des fractures mandibulaires. 1 : Condyle ; 2 : douleur au niveau goniaque ou temporomandibulaire. De
branche montante ; 3 : angle mandibulaire ; 4 : coroné ; 5 : portion même, une force appliquée latéralement sur les angles révèle
alvéolodentaire ; 6 : branche horizontale ; 7 : symphyse et parasymphyse. parfois une douleur symphysaire en faisant bâiller le trait de
fracture médian (Fig. 5).
urgences pouvant compromettre la vie du patient. Ces notions
sont exposées dans le chapitre de la prise en charge Cinétique mandibulaire (Fig. 6)
thérapeutique. Elle est appréciée qualitativement et quantitativement. Il ne
doit pas exister de gêne ou de limitation dans les différents
Examen clinique de l’étage inférieur mouvements mandibulaires : ouverture, fermeture, propulsion
de la face et diduction. En amplitude maximale, l’ouverture buccale est
Il repose sur un examen exobuccal et endobuccal mais classiquement mesurée à 40 mm plus ou moins 5 mm (dis-
commence, comme tout examen clinique, par l’anamnèse. En tance séparant les bords incisifs mandibulaires et maxillaires
cas de diagnostic clinique ou de suspicion de fracture et dès centraux). La palpation bicondylienne prudente, légèrement
qu’un doute persiste, l’examen clinique est systématiquement en avant du tragus, puis au niveau du conduit auditif externe,
complété par un bilan radiologique. dans ces différents mouvements, recherche une douleur, une
asymétrie de déplacement des condyles ou objective une
Anamnèse lacune éventuelle due au déplacement traumatique du
Elle précise les circonstances de l’accident. Elle permet parfois condyle.
de suspecter, selon les renseignements donnés par le patient
(nature, intensité et point d’impact du choc), le siège potentiel Examen endobuccal
de certaines fractures. La notion de perte de connaissance est
fondamentale dans la prise en charge médicale générale du Les muqueuses des versants vestibulaire et lingual de la
patient. Elle constitue toujours un caractère de gravité mandibule font l’objet d’un examen soigneux, sans pour autant
potentielle. négliger l’ensemble de la muqueuse buccale, notamment le
Tout élément précisant l’état antérieur du blessé (état général plancher et la langue. Parfois, un simple saignement au niveau
et plus particulièrement état buccodentaire) doit être recueilli. d’un collet peut être le seul signe clinique pouvant laisser
Des photos de face et de profil, des moulages dentaires et des suspecter une fracture de la portion dentée de la mandibule. On
radiographies antérieures au traumatisme peuvent être d’une recherche une solution de continuité de l’arc mandibulaire en
aide précieuse. tentant de mobiliser avec précaution les différents segments de
Outre l’aspect médicolégal, cet interrogatoire constitue une l’arc squelettique (Fig. 7). On demande au patient de se mettre
aide à l’établissement du diagnostic et du plan de traitement qui
en intercuspidation maximum et, en écartant légèrement les
en découle.
lèvres, on apprécie le rapport interarcade dans le sens vertical,
Examen exobuccal transversal et antéropostérieur (Fig. 8). Un décalage des points
interincisifs, une béance antérieure, une absence de calage
Il se fait par l’inspection et la palpation de l’étage inférieur de
la face. Cependant, les modifications squelettiques dans les postérieur unilatéral ou bilatéral, enfin toute modification de
fractures et les traumatismes divers sont souvent rapidement l’articulé dentaire par rapport à l’état antérieur existant ou décrit
masquées par le développement d’un œdème extensif. par le patient doivent faire évoquer un diagnostic de fracture.
Au besoin, l’examinateur peut avoir recours au papier à articulé
Téguments afin d’objectiver une perturbation de l’articulé dentaire. On
L’inspection, en tenant compte des notions de l’état antérieur recherche des mobilités dentaires unitaires ou d’un groupe de
et par comparaison droite, gauche, de face et de profil, permet dents. Les fractures coronaires partielles ou totales sont notées

Figure 5.
A. Pression sur la symphyse entraînant une douleur de
l’articulation temporomandibulaire (ATM).
B. Force latérale sur les angles déclenchant une douleur
symphysaire.

Stomatologie 3
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

Figure 6. Palpation bilatérale des articulations temporo-


mandibulaires (ATM) dans les mouvements mandibulaires.
a. Index sur le tragus ; b. auriculaire dans le conduit auditif
externe.

Figure 7. Recherche d’une


solution de continuité par ten-
tative de mobilisation des diffé-
rentes portions de l’arc mandi-
bulaire.

ainsi que les expulsions éventuelles. Le schéma dentaire, trop


souvent négligé, doit être minutieusement établi dans un but
médicolégal.

■ Examens radiologiques [6, 7]


Figure 8. Rapports interarcades en normoclusion (A, B). a. Points
Indispensables et complémentaires, ils confirment ou infir- interincisifs alignés ; b. rapports canins de classe 1 ; c. classe 1 molaire.
ment le bilan clinique en le précisant. Ils recherchent d’autres
lésions associées éventuelles qui auraient pu échapper au
premier bilan lésionnel. Parmi ces examens radiologiques, on cliché obtenu n’est pas négligeable. D’environ 25 % en magni-
distingue classiquement les clichés conventionnels et la tude, elle est encore plus notable au niveau des extrémités. Si
tomodensitométrie.
l’image obtenue de la mandibule reste d’une exploitation tout
à fait acceptable dans sa portion dentée, elle l’est beaucoup
Radiographies conventionnelles moins quand il s’agit d’interpréter l’image déformée des
On distingue les incidences exobuccales et les clichés endo- condyles qui ne sont visualisés que dans un seul plan. Cette
buccaux plus spécifiques du bilan alvéolodentaire. incidence suppose, en règle générale, d’être en présence d’un
patient conscient et coopérant, la position requise étant, pour
Clichés exobuccaux la majorité des appareils, une position assise nécessitant la
Incidence panoramique des maxillaires (Fig. 9) participation du patient.

Malgré les nombreux défauts qu’elle présente, l’incidence Clichés en défilé mandibulaire
panoramique des maxillaires demeure un cliché de référence
dans le bilan lésionnel de la mandibule. L’image obtenue Ils ne sont plus vraiment d’actualité. Cependant, ils restent
permet l’analyse de l’architecture osseuse mandibulaire et des indiqués quand, pour des raisons techniques dépendantes ou
portions dentées. Elle s’apparente à une tomographie passant indépendantes du patient, la radiographie panoramique n’est
par un plan de coupe préétabli d’environ 1,5 cm d’épaisseur. Le pas réalisable. L’incidence du défilé permet l’analyse d’une
cliché se déroule d’une ATM à l’autre. Cependant, la radiogra- hémimandibule. Deux clichés sont donc nécessaires pour un
phie panoramique des maxillaires doit être considérée comme examen complet. Les images obtenues montrent beaucoup de
un cliché de débrouillage et doit être complétée par d’autres superpositions et, généralement, seule la portion dentée de la
incidences exposées ultérieurement. En effet, la déformation du mandibule est interprétable.

4 Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12

Figure 9. Radiographie panoramique des


maxillaires. 1. Condyle ; 2. coroné ; 3. angle
mandibulaire ; 4. os hyoïde ; 5. canal alvéolaire
inférieur ; 6. projection de l’apophyse odon-
toïde de C2 ; 7. trou mentonnier ; 8. apophyse
styloïde ; 9. sinus maxillaire ; 10. fosses nasa-
les.

Figure 10.
1 A. Incidence face basse. a : plan orbitonasal ; b : rayon incident.
B. Schéma d’un cliché face basse. 1. Rocher ; 2. racine du
2 zygoma ; 3. condyle mandibulaire ; 4. col du condyle ; 5. co-
3 roné ; 6. branche montante ; 7. ligne oblique externe ; 8. épine
de Spix ; 9. alvéolaire inférieur ; 10. trou mentonnier (foramen
4 ovale).
a 5
8 6

+15 7

b
9

A
10
B

Incidence face basse ou nez-front-plaque bouche ouverte Cliché rétroalvéolaire


(Fig. 10) Il est réalisé autant que possible en technique parallèle à
En défilant les branches verticales et les régions condyliennes, l’aide d’un angulateur porte-film. En qualité d’interprétation,
cette incidence permet plus particulièrement d’en révéler les c’est sans doute le meilleur cliché de radiographie convention-
fractures. Elle précise également les angles et les parties posté- nelle. Sans déformation, ni superposition, il permet un examen
rieures de la branche horizontale. Elle complète généralement, précis des dents, de l’os alvéolaire et de l’os basal sous-jacent. Il
dans le cadre d’un bilan de base, la radiographie panoramique existe des films pédodontiques, à format réduit, qui ne sont pas
des maxillaires en réalisant des images des condyles dans un réservés qu’à l’enfant et qui pourront aussi être utilisés chez
plan orthogonal à cette dernière. l’adulte, notamment pour les secteurs antérieurs et en cas de
difficulté d’ouverture buccale.
Incidence de Schuller
Réalisée bouche ouverte et bouche fermée, cette incidence Tomodensitométrie
pseudodynamique permet de bien visualiser la région condy-
lienne. Elle est donc particulièrement indiquée dans les suspi- Elle peut être réalisée d’emblée ou compléter un bilan
cions de fracture de l’ATM. radiographique conventionnel. Elle est indiquée en première
intention dans le cadre d’un polytraumatisé permettant, avec
Clichés endobuccaux un seul examen, de réaliser un bilan lésionnel complet chez un
Souvent négligés dans les bilans initiaux, ils prennent toute patient ne pouvant être mobilisé facilement. Actuellement, la
leur importance quand il s’agit d’explorer le système dentaire et TDM spiralée autorise une acquisition très rapide d’images avec
son os de soutien. Ils supposent que le patient puisse ouvrir la des reconstructions multiplans. La qualité du bilan radiologique
bouche et demandent une coopération de celui-ci, ce qui est en tomodensitométrie permet d’obtenir des images fidèles à la
parfois délicat dans un contexte traumatique. Plusieurs clichés réalité même dans les reconstructions tridimensionnelles
sont nécessaires pour explorer l’ensemble de la denture. longtemps sources de fausses images imputables au logiciel. De
l’interprétation facilitée, notamment dans les fractures comple-
Cliché mordu occlusal xes, découle généralement une stratégie thérapeutique mieux
Son intérêt en traumatologie se limite généralement au adaptée.
secteur antérieur. L’inclinaison du rayon incident par rapport au
film-support génère une forte déformation des structures Ces différents examens permettent d’établir le diagnostic des
explorées. fractures mandibulaires (Fig. 11).

Stomatologie 5
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

Figure 11. Arbre décisionnel. Fracture man-


dibulaire : diagnostic.
Fracture mandibulaire

Traitement des urgences vitales Bilan lésionnel

Examen clinique, imagerie

Localisation

Pertes de substances Portion dentée Portion non dentée Association


étendues portion dentée / non dentée

■ Formes anatomocliniques
des fractures mandibulaires [8, 9]

Généralités
Les formes anatomocliniques des fractures mandibulaires sont
nombreuses. De façon générale, un certain nombre de qualifi-
catifs sont utilisés pour classer et définir les fractures : fractures
ouvertes ou fermées, uni- ou plurifocales (selon le nombre de
localisations de traits de fracture), déplacées ou non, partielles
ou totales (le trait de fracture rompt partiellement ou totale-
ment l’os), stables ou instables, isolées ou associées (s’il existe
d’autres atteintes de l’intégrité corporelle). Enfin, l’orientation
du trait de fracture définie dans les trois plans de l’espace
(vertical, horizontal et sagittal), et les rapports des extrémités
des segments fracturés (chevauchement, décalage, angulation)
précisent le type de fracture. L’ensemble de ces qualificatifs peut
donc s’appliquer à la classification topographique des fractures Figure 12. Fracture de la branche horizontale.
mandibulaires développée ci-dessous. A. Fracture stable.
B. Fracture instable.

Classification topographique
Classiquement, on distingue les fractures de la portion dentée choc violent direct sur le menton. Une fracture de l’un ou des
et de la portion non dentée. deux condyles peut y être classiquement associée par transmis-
sion des forces traumatiques.
Fractures de la portion dentée Fractures de la branche horizontale (Fig. 12)
La présence des dents et la déchirure de la muqueuse gingi- Elles siègent entre la face mésiale de la première prémolaire
vale entraînent une communication du foyer de fracture avec la et la face distale de la deuxième molaire. La stabilité de la
cavité buccale. Les fractures de la portion dentée de la mandi- fracture est conditionnée par l’orientation du trait de fracture.
bule sont donc considérées comme des fractures ouvertes et Une orientation oblique en bas et en arrière entraîne une
doivent être traitées comme telles. instabilité due à l’action du jeu musculaire. Le fragment
antérieur, sous l’action des muscles sus-hyoïdiens, tend à
Fractures symphysaires et parasymphysaires
s’abaisser. Inversement, le fragment postérieur ascensionne par
Par définition, elles sont localisées entre les faces distales des action des muscles élévateurs de la mandibule. Il existe parfois
canines. Le trait de fracture est variable, médian, paramédian, un déplacement du menton du côté fracturé par chevauche-
oblique ou vertical, avec une localisation préférentielle le long ment des fragments antérieur et postérieur. À noter que ces
d’une racine dentaire et plus spécifiquement le long de la mécanismes sont majorés en cas d’édentement, l’occlusion
canine, en raison de la raréfaction de l’os à ce niveau. Dans les dentaire agissant comme un facteur limitant les déplacements.
formes unifocales, les signes cliniques sont le plus souvent Un trait de fracture oblique en bas et en avant confère une
discrets. Ils peuvent même être tardifs avec des déplacements meilleure stabilité. Dans les déplacements importants, les
secondaires. Une simple plaie de la muqueuse gingivale est atteintes du nerf dentaire inférieur sont fréquentes, à type de
parfois le seul signe clinique révélateur de la solution de contusion ou de section, et sont alors responsables, selon le cas,
continuité. Les formes bilatérales peuvent entraîner un déplace- d’hypoesthésies ou d’anesthésies du territoire labiomentonnier.
ment vers le bas et en arrière de la région symphysaire, avec un La rupture de l’artère dentaire inférieure peut exceptionnelle-
risque de chute postérieure de la langue qui s’insère sur les ment être à l’origine d’une hémorragie gravissime, pouvant
apophyses geni pouvant ainsi engendrer une détresse respira- justifier une hémostase en urgence, ou d’un hématome à
toire. À l’origine de ces fractures, on retrouve généralement un évacuer.

6 Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12

Figure 13. Fractures du dans ce type de traumatisme, les condyles jouent le rôle de
condyle et du coroné. 1 : Frac- rupteur en cédant sous le choc afin de protéger les cavités
ture capitale ; 2 : fracture glénoïdes et la base du crâne.
condylienne haute ; 3 : frac- Fractures capitales. Elles concernent la tête du condyle. On
ture sous-condylienne basse ; peut parfois observer un véritable éclatement de l’extrémité
4 : fracture du coroné. condylienne mais généralement, la fracture se présente sous la
forme d’un trait unique. Comme dans les fractures sous-
condyliennes basses, les signes cliniques sont généralement
assez discrets et peuvent même passer inaperçus.
Tout traumatisme mandibulaire, même minime, chez un
patient se plaignant d’une simple douleur dans les mouvements
d’ouverture, sans signes évocateurs de perturbation de l’articulé,
impose tout de même de suspecter une fracture condylienne
intra-articulaire ou extra-articulaire haute. Celle-ci sera confir-
mée ou infirmée par les données de l’imagerie.
Fractures du coroné
Elles sont peu fréquentes. Le plus souvent, la symptomatolo-
gie est réduite à un simple trismus. Sous l’action des fibres
musculaires du temporal, le coroné est attiré en haut et en
Fractures de l’angle mandibulaire arrière. Le diagnostic reste essentiellement radiologique.
La région est limitée en arrière par la ligne horizontale du
Fractures alvéolodentaires et dentaires
trigone rétromolaire et en avant par la face distale de la
deuxième molaire. La présence d’une dent de sagesse incluse est Elles peuvent être isolées ou associées à une solution de
un facteur favorisant la survenue de ce type de fracture. Le trait continuité de l’os basal. Les fractures alvéolodentaires touchent
prend plutôt une orientation oblique en bas et en arrière et préférentiellement le bloc incisivocanin particulièrement
résulte le plus souvent d’un choc direct. Le déplacement est exposé, par choc direct antérieur entraînant une version
variable. Il se manifeste généralement par un décalage du point linguale du secteur dentaire. Les secteurs prémolaire et molaire
interincisif du côté fracturé et une béance postérieure controla- présentent généralement des lésions dentaires pures dans les
térale. Lorsque la troisième molaire est présente sur l’arcade ou chocs latéraux (fractures cuspidiennes).
en position d’inclusion, elle peut constituer un obstacle à la Classiquement, on distingue donc :
réduction de la fracture (cf. traitement fracture mandibulaire). • les atteintes dentaires pures :
L’atteinte du nerf dentaire inférieur est fréquente. C les fractures coronaires :
– fractures de l’émail ;
Fractures de la région non dentée – fractures amélodentinaires avec ou sans exposition
pulpaire ;
Fractures de la branche montante
C les fractures radiculaires (tiers apical, moyen, cervical) ;
Elles concernent la région s’étendant de l’angle mandibulaire C les fractures coronoradiculaires (horizontales, verticales ou
aux apophyses du condyle et du coroné. Ces fractures sont plus obliques) ;
rares et les déplacements sont peu fréquents, cela étant essen- • les atteintes alvéolodentaires :
tiellement dû à l’action protectrice et stabilisatrice de la gaine C la subluxation : la dent est mobile et douloureuse mais
musculaire constituée principalement des muscles masséter et reste dans son alvéole ;
ptérygoïdien médial. Quelle que soit l’orientation du trait de C la luxation partielle : la dent occupe une position différente
fracture, on observe généralement une limitation d’ouverture dans son alvéole. Elle peut être extrusée, ingressée, vestibu-
buccale associée, dans les fractures déplacées, à un contact
lée, ou lingualée ;
prématuré homolatéral dû à une diminution de la longueur de
C la luxation totale : la dent est expulsée de son alvéole ;
la branche montante.
C la fracture partielle ou totale du procès alvéolaire : le
Fractures du condyle (Fig. 13) fragment alvéolodentaire est plus ou moins mobile ;
Elles ont pour origine essentiellement des chocs indirects, sur généralement, il reste solidaire de l’os basal par l’intermé-
le menton ou le côté controlatéral de la mandibule. On peut les diaire de la fibromuqueuse gingivale.
observer particulièrement lors des chutes en avant dans les
pertes de connaissance en position orthostatique. La personne Fractures particulières
tombe brutalement sans interposition des membres supérieurs et
le menton percute directement le sol. Dans ce cas, les fractures Fractures comminutives
bicondyliennes sont fréquentes. Il s’agit de fractures plurifragmentaires pouvant comporter
On distingue les fractures extra-articulaires et les fractures des pertes de substance, voire une disparition d’un segment
intra-articulaires. osseux. Elles sont assez typiques des traumatismes balistiques
Fractures extra-articulaires : fractures sous-condyliennes par armes à feu ou des grands traumatismes rencontrés lors des
basses. En règle générale, les déplacements sont rares, l’articulé accidents du trafic ou des chutes de grande hauteur.
dentaire est peu perturbé. Ces fractures passent parfois inaper-
çues, la symptomatologie étant généralement réduite à une Fractures chez l’enfant
simple douleur à l’ouverture et à la fermeture buccale. Trois périodes sont distinguées :
Fractures intra-articulaires. • de la naissance à la première année : la plasticité de l’os est telle
Fractures condyliennes hautes. Sous l’action des fibres muscu- que les traumatismes sont réduits au minimum. Les dents ne
laires du ptérygoïdien médial, la tête du condyle bascule en font normalement leur apparition qu’à partir de l’âge de
avant et en dedans. Il en résulte une diminution unilatérale de 6 mois ;
la dimension verticale se traduisant cliniquement par une • entre 1 an et 6 ans : le développement de la motricité jusqu’à
prématurité des contacts occlusaux du côté fracturé. La cinéti- l’acquisition de la marche et la sociabilisation de l’enfant à la
que mandibulaire est contrariée en amplitude dans les mouve- vie courante font qu’il est naturellement plus exposé aux
ments d’ouverture et de diduction. La pointe du menton est traumatismes mandibulaires. Les condyles sont peu solides et
déviée du côté homolatéral. Les fractures bilatérales ne sont pas les portions dentées présentes ou futures de la mandibule
rares en cas de choc sur le menton ; on observe alors un recul sont rendues fragiles par la présence de nombreux germes
mandibulaire associé à une béance antérieure. Rappelons que dentaires ;

Stomatologie 7
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

• entre 6 et 12 ans : l’enfant est en denture mixte. Les trauma- etc.), de pathologies générales à retentissement mandibulaire
tismes alvéolodentaires sont fréquents et favorisés par la (ostéoporose, dysplasie fibreuse, etc.), de pathologies infectieuses
présence de dents immatures sur l’arcade. Le secteur incisif ou postradiques (ostéite chronique, ostéoradionécrose).
maxillaire est particulièrement concerné. Ces pathologies compliquent généralement la prise en charge
Avant 12 ans, le traitement des fractures mandibulaires chez thérapeutique et sont sources de retard de consolidation.
l’enfant est rendu difficile par la présence de nombreux germes, .
ce qui réduit la prise en charge thérapeutique au seul traitement .

orthopédique.
■ Références
Fractures chez l’édenté [1] Rouvière H, Delmas A. Anatomie humaine. T 1: Tête et cou.
Descriptive, topographique et fonctionnelle. Paris: Masson; 654p.
La disparition des dents entraîne une perte conjointe de l’os [2] Brizon J, Castaing J. Feuillets d’anatomie n°11. Ostéologie de la tête et
alvéolaire. Celle-ci est d’autant plus importante qu’il n’y a pas du tronc. Paris: Maloine; 1997 (140p).
de compensation prothétique. La mandibule est donc fragilisée [3] Iida S, Nomura K, Okura M, Kogo M. Influence of the incompletely
par la perte d’un capital osseux et l’absence de dents amplifie erupted lower third molar on mandibular angle and condylar fractures.
l’impact des traumatismes par défaut de calage. Le déplacement J Trauma 2004;57:613-7.
des fractures est favorisé par l’édentement. La prise en charge [4] Dodson TB. Third molars may double the risk of angle fracture of the
thérapeutique est plus difficile en raison de l’absence de mandible. Evid Based Dent 2004;5:78.
[5] Denhez F, Seigneuric JB, Duhamel P, Cantaloube D. Examen d’un trau-
référentiel occlusal.
matisé maxillofacial. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris),
Stomatologie, 22-068-A-12, 2003: 11p.
Fractures pathologiques [6] LacanA. Nouvelle imagerie dentaire. Paris: CDP éditions; 1990 (168p).
[7] Teman G. Imagerie maxillofaciale pratique. Paris: éditions Quintes-
On les définit comme des fractures survenant sur un tissu sence International; 2001 (244p).
osseux fragilisé par l’évolution d’un processus pathologique [8] Le Breton G. Traité de séméiologie et clinique odonto-stomatologie.
ostéolytique. Les étiologies sont nombreuses. Il peut s’agir de Paris: CDP éditions; 1998.
tumeurs bénignes d’origine odontogène ou non (kystes mandi- [9] Piette E, Reychler H. Traité de pathologie buccale et maxillofaciale.
bulaires, améloblastomes, etc.), de tumeurs malignes (sarcomes, Bruxelles: De Boeck Université; 1991.

F. Denhez, Chirurgien dentiste, chef de service adjoint (franck.denhez@wanadoo.fr).


O. Giraud, Chirurgien maxillofacial, chef de service adjoint.
Service de chirurgie plastique et maxillofaciale et d’odontologie, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406 Clamart cedex,
France.
J.-B. Seigneuric, Stomatologiste, adjoint au chef de service.
A.R. Paranque, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service.
Service de chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F., Giraud O., Seigneuric J.-B., Paranque A.R. Fractures de la mandibule. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Stomatologie, 22-070-A-12, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-071-A-10

22-071-A-10

Fractures des maxillaires


JP Dandrau
S Aubert
D Cantaloube Résumé. – Les fractures du maxillaire correspondent à une solution de continuité qui intéresse le maxillaire
en partie ou en totalité. Elles représentent en particulier les fractures décrites par Le Fort.
Leur diversité tient au nombre de leurs combinaisons entre elles et avec d’autres formes cliniques plus rares à
traits verticaux, mais aussi à la violence des traumatismes. Elles peuvent induire des troubles fonctionnels et
morphologiques difficiles à résoudre. Les moyens radiologiques actuels aident efficacement à leur exploration.
Si les ostéosynthèses par plaques miniaturisées-vissées et les greffes osseuses immédiates s’avèrent
intéressantes, l’arsenal thérapeutique classique reste toujours d’actualité car tributaire des conditions
variables d’exercice et des perturbations anatomopathologiques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : fracture, maxillaire, dentaire, troubles occlusaux, ostéosynthèses.

Introduction
Les fractures du maxillaire supérieur correspondent à une solution
de continuité qui intéresse le maxillaire supérieur en partie ou en
totalité. Elles représentent en particulier les fractures décrites par Le
Fort.
Leur diversité tient au nombre de leurs combinaisons entre elles et
avec d’autres formes cliniques plus rares à traits verticaux. Bien que
moins fréquentes aujourd’hui, en raison de l’élaboration de moyens
de protection efficaces, néanmoins la violence des traumatismes leur
associe des fractures des autres régions de la face et peut induire
des troubles fonctionnels et morphologiques. Les moyens
radiologiques actuels aident efficacement à leur exploration.
Si les ostéosynthèses par plaques miniaturisées-vissées et les greffes
osseuses immédiates s’avèrent intéressantes, l’arsenal thérapeutique
classique reste toujours d’actualité, car tributaire des conditions
variables d’exercice et des perturbations anatomopathologiques.

Données anatomiques

MORPHOLOGIE
Le maxillaire supérieur, pair et symétrique, pièce maîtresse du
massif facial supérieur, participe à la constitution des principales
1 Maxillaire : vue de trois quarts.
cavités de la face : fosses nasales, palais osseux de la cavité buccale, 1. Maxillaire supérieur ; 2. frontal ; 3. malaire ; 4. os propre du nez ; 5. unguis ; 6. os
cavité orbitaire, fosse ptérygomaxillaire (fig 1, 2). planum ; 7. foramen infraorbitaire ; 8. canal infraorbitaire ; 9. fente sphénomaxillaire ;
Formé d’une pyramide quadrangulaire à base antéroexterne, 10. foramen ethmoïdal antérieur ; 11. foramen ethmoïdal postérieur ; 12. arcade alvéo-
couchée horizontalement, il est creusé d’une cavité, le sinus lodentaire.
maxillaire, à laquelle se trouvent soudées plusieurs apophyses en
rapport étroit avec les 13 os du massif facial supérieur (malaire,
unguis, palatin, cornet inférieur, os du nez, vomer et indirectement
Jean-Pierre Dandrau : Spécialiste des hôpitaux des Armées, chef de service de chirurgie maxillofaciale et
stomatologie. os zygomatique) [5, 6, 29].
Serge Aubert : Spécialiste des hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service.
Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Legouest, 27, avenue de Plantières,
57070 Metz, France. Ces apophyses sont représentées par :
Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et
maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex,
France. – l’apophyse montante du maxillaire ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dandrau JP, Aubert S et Cantaloube D. Fractures des maxillaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés), Stomatologie,
22-071-A-10, 2001, 13 p.
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

compacts déterminant verticalement des piliers, horizontalement des


entretoises, et sagittalement un système de lames verticales (travaux
d’Ombrédanne, Shapiro, Lieber, Cowley) (fig 3).
Dans le plan vertical
– Le pilier antérieur ou canin naît de la zone canine supérieure,
remonte le long de l’orifice piriforme pour se terminer à la partie
interne du rebord supraorbitaire.
– Le pilier externe ou maxillomalaire naît de la première et de la
deuxième molaire, suit le cintre maxillomalaire et se prolonge par le
pilier externe malo-orbitofrontal pour se terminer à la partie externe
2 Maxillaire : vue inférieure. du rebord supraorbitaire de l’os frontal.
1. Maxillaire inférieur ; 2. malaire ; 3. os zygomatique ; 4. apophyse montante
du maxillaire ; 5. lame palatine du maxillaire ; 6. bord supraorbitaire du frontal ; – Le pilier postérieur ou ptérygoïdien naît à la zone de jonction
7. foramen infraorbitaire ; 8. foramen palatin antérieur ; 9. foramen palatin posté- ptérygomaxillaire puis remonte vers le corps du sphénoïde pour
rieur. s’épuiser à la partie interne et inférieure de la grande aile du
sphénoïde.
– l’apophyse palatine qui s’unit par son bord interne avec son Dans le plan horizontal
homologue controlatéral pour former la partie antérieure du palais
– Le rebord orbitaire inférieur unit le corps du malaire et la partie
osseux ;
supérieure du pilier canin.
– le rebord alvéolaire formant avec celui du côté opposé l’arcade – Dans le prolongement du cintre maxillomolaire, l’apophyse
alvéolodentaire. zygomatique unit le corps du malaire au temporal par
De par sa position de base au sein du massif facial supérieur, cette l’intermédiaire des racines transverses et longitudinales du
structure aérique contribue à son renfort par un système d’os plus zygomatique.

"
A3

"
A2

"
A1

3 A. Lignes de renfort dans les trois plans de l’espace.


B. Résistances osseuses maximales avant fracture des dif-
férents pare-chocs de l’étage moyen mesurées en G-unit
(d’après Sweringen).

B2

B1

2
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

Artérielle
Elle est assurée à droite et à gauche par les branches d’une seule et
même artère : la maxillaire interne, branche de division terminale de
la carotide externe.
Adossée à la tubérosité maxillaire, elle distribue plusieurs branches
à destinée maxillaire avant de traverser le foramen sphénopalatin,
au-delà duquel elle prend le nom d’artère sphénopalatine.
• Artère sphénopalatine
Elle assure la vascularisation du palais :
– par la palatine descendante qui emprunte le canal palatin
postérieur et se termine en :
– branche antérieure à destinée palatine le long du rempart
alvéolaire ;
– branche postérieure à destinée vélaire ;
– par la nasopalatine qui irrigue le plafond, la cloison et le plancher
des fosses nasales avant de gagner le canal palatin antérieur.
• Artère sous-orbitaire
Elle naît dans la fosse infratemporale emprunte la fente
4 Coupe transversale passant par la deuxième molaire. sphénomaxillaire, la gouttière puis le canal sous-orbitaire avant de
1. Frontal ; 2. apex crista galli ; 3. cellules ethmoïdales ; 4. cornet supérieur ; 5. lame distribuer des branches terminales jugales et palpébrales inférieures,
perpendiculaire de l’ethmoïde ; 6. cornet moyen ; 7. vomer ; 8. cornet inférieur ; 9. ma- donnant sur son trajet intraosseux des branches alvéolodentaires à
laire ; 10. tissu cutané ; 11. masséter ; 12. petit zygomatique ; 13. nerf facial (VII) ; 14. destinées incisivocanines.
grand zygomatique ; 15. canal de Sténon ; 16. buccinateur ; 17. sinus maxillaire.
• Artère antroalvéolaire de Jasques
– Le plateau palatin constitue en quelque sorte un point d’appui
des trois piliers verticaux. Elle aborde le maxillaire au niveau de la tubérosité et assure la
vascularisation prémolomolaire et buccinatrice. Les différentes
Dans le plan sagittal branches alvéolodentaires de ces deux dernières artères
Le système vomer-lame perpendiculaire de l’ethmoïde unit la ligne s’anastomosent entre elles en un réseau sous-apical.
médiane maxillopalatine à l’ethmoïde et au sphénoïde, constituant Drainage veineux
une cloison sagittale verticale de résistance médiocre.
Il est assuré par les veines homologues des artères, se drainant dans
Ce squelette osseux présente quelques insertions musculaires les plexi veineux ptérygoïdiens (appliqués sur les reliefs
particulières : tubérositaires et les muscles ptérygoïdiens externes par des gaines
– le ptérygoïdien latéral inséré en partie sur la tubérosité maxillaire ; vasculaires décrites par Champy). Les plexi s’individualisent en
– le canin et le buccinateur traversés par le canal de Sténon ; veines maxillaires qui se drainent dans le réseau jugulaire interne.
– le masséter par ses insertions les plus antérieures. Innervation
Au-delà, le maxillaire supérieur présente des rapports étroits avec Elle est assurée par les branches du nerf maxillaire supérieur,
ses plans de couverture : la peau et les éléments sous-jacents que branche du trijumeau qui se distribue en : nerfs palatins antérieur et
sont le tissu cellulocutané et le système musculoaponévrotique inférieur, nerf nasopalatin, nerf alvéolaire supérieur (deux
superficiel (SMAS) sous lequel cheminent les branches terminales postérieurs, un inférieur, un antérieur) anastomosés en un plexus
du nerf facial (fig 4). sus-apical et le nerf sous-orbitaire, sources de dysesthésie
post-traumatique.
¶ Vascularisation du maxillaire supérieur
Mieux connue depuis les travaux de Bell et Cadenat, elle est fragile. ¶ Physiopathologie
Son mode de distribution conduit à utiliser des voies d’abord En 1901, René Le Fort, chirurgien militaire français publie la
limitées, des décollements prudents et des mobilisations douces, description princeps des trois niveaux de « fractures de la mâchoire
guidées, pour la préserver (fig 5). supérieure », à la suite de son étude expérimentale [16].

5 Vascularisation artérielle : vue antéro-interne.


1. Artère maxillaire interne ; 2. artère infraorbitaire ; 3. artère
antroalvéolaire de Jasques ; 4. artère jugale ; 5. artère sphéno-
palatine et son épanouissement ; 6. artère nasopalatine ; 7. ar-
tère du cornet moyen ; 8. artère du cornet inférieur ; 9. artère
palatine supérieur ; 10. nerf dentaire moyen ; 11. nerf infraor-
bitaire ; 12. nerf dentaire antérieur ; 13. nerf maxillaire supé-
rieur ; 14. nerf dentaire postérieur.
A. Vue antéro-interne.
B. Vue externe.

*
B

*
A

3
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

Leurs dénominations discutées et sources d’erreurs amènent à les


appeler :
– Le Fort bas ou de type I ;
– Le Fort moyen ou de type II ;
– Le Fort haut ou de type III.
Ainsi, le maxillaire supérieur est un pare-chocs médian de la face,
par la région prémaxillaire et le bloc incisivocanin.
Ces deux régions ont une résistance durimétrique élevée selon
Swearingen, supérieure aux malaires, mais inférieure à celles des
régions sus-orbitaires [4, 30].
En traumatologie, le maxillaire supérieur peut être intéressé par un
traumatisme direct ou indirect entraînant des déplacements, source
de modifications morphologiques et surtout fonctionnelles.
Les caractéristiques de l’agent traumatisant (force, énergie, sens, *
B
point d’application, durée et surface d’application) induisent les *
A
lésions osseuses (siège, nombre de traits, déplacement des 6 Recherche de la mobilité maxillaire et alvéolodentaire par rapport aux structures
fragments). Elles peuvent en grande partie être déduites de fixes sus-jacentes.
l’anatomie et de la biomécanique de l’étage moyen de la face.
Elles s’accompagnent constamment d’une fracture des ptérygoïdes
– Traumatisme direct : un choc sur le prémaxillaire entraîne plutôt à un niveau variable.
des fractures de type Le Fort I, celui exercé sur le bloc incisivocanin
entraîne des dégâts alvéolodentaires associés à des fractures de Le ¶ Sur le plan clinique [4, 5, 9, 25]

Fort I parfois plurifragmentaires.


Tant au moment du ramassage qu’à l’arrivée dans le service
– À distance : un choc frontolatéral sur la pyramide nasale, dans sa d’urgence, s’impose la recherche de troubles respiratoires,
partie supérieure, peut entraîner des fractures de Le Fort II ou III. neurologiques ou d’hémorragie qui justifient des gestes d’urgence
Un choc sur le corps de l’os zygomatique peut provoquer sa appropriés.
fracture, et son impaction éventuelle dans le squelette facial avec Après le recueil des données circonstancielles de l’accident et des
toute forme de fracture de Le Fort. antécédents quand il est possible, sont réalisées sans délais, en
– Un choc latéral sous le corps de l’os zygomatique est le plus fonction des signes d’orientation, les investigations complémentaires
souvent à l’origine d’une fracture de Le Fort II avec translation nécessaires au dépistage d’atteintes de voisinage ou à distance
latérale. engageant le pronostic vital ou fonctionnel.
Ainsi, sont recherchés :
– Les déplacements : peu dépendants des effets musculaires, ils sont
essentiellement de type primaire car sous la dépendance seule et – une fracture du rachis, en particulier cervical, impliquant des
directe de l’agent traumatisant. précautions de manipulation ;
Les fractures de Le Fort II et III glissent en bas et en arrière le long – des troubles de la conscience, témoins d’une lésion endocrânienne
du plan incliné basicrânien. imposant en urgence un examen tomodensitométrique en coupes
Ces lésions vont avoir des conséquences : axiales larges, au même titre que des lésions abdominothoraciques
en particulier hémorragiques ;
– morphologiques : l’étage moyen de la face est reculé, élargi ou
– une atteinte du squelette périphérique.
allongé ;
En milieu spécialisé maxillofacial, l’examen clinique particulier est
– fonctionnelles : elles sont occlusales à type de déplacements ou de souvent gêné par un œdème d’apparition rapide, mais il doit
déformations de l’arcade dentaire (les fractures de Le Fort déplacent cependant s’attacher à inspecter et à palper avec méthode et de
l’arcade, alors qu’une disjonction intermaxillaire [DIM] la déforme). manière comparative (fig 6).
On peut observer :
Exobuccal
– une classe III dentosquelettique par recul maxillaire ; L’inspection relève de face et de profil, en vue plongeante et en
– une béance antérieure ou latérale par contact molaire prématuré ; contre-plongée : asymétries et déformations du massif facial, en
– un décalage des points interincisifs médians et articulé croisé en particulier médian et des os propres du nez, plaies, ecchymoses et
cas de rotation maxillaire. hématomes en « lunette ». Un trouble de la statique et de la
dynamique oculaire et de l’acuité visuelle sont toujours recherchés.
La DIM crée des segmentations médiane ou paramédiane de
La palpation douce bilatérale et symétrique explore la sensibilité de
l’arcade, source de diastème interdentaire, d’élargissement de
la face, les contours osseux et leur mobilité possible ; elle apprécie la
l’arcade et de déchirure de la muqueuse palatine.
cinétique articulaire temporomandibulaire (ATM).
Endobuccal
Étude clinique L’inspection et la palpation recherchent des fractures
alvéolodentaires, des lésions muqueuses, ecchymoses vestibulaires
GÉNÉRALITÉS
supérieure tandis qu’une mobilité du prémaxillaire, du (des)
maxillaire(s) entre eux et par rapport aux éléments fixes du massif
¶ Sur le plan anatomique facial supérieur sont mis en évidence.
Cet examen est complété en fonction des besoins sans délais, ou
Les fractures de Le Fort réalisent une séparation d’une partie ultérieurement par un bilan oto-rhino-laryngologique (ORL) et
variable du maxillaire supérieur par rapport au reste du squelette ophtalmologique.
craniofacial supérieur et intéressent, de la même manière, les deux
maxillaires supérieurs. Sur le plan radiologique [3, 21]
Cependant, différentes formes anatomocliniques peuvent être En urgence, il est nécessaire de réaliser des clichés standards simples
associées voire combinées. à valeurs de débrouillage et d’orientation.

4
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

7 Guide de lecture des


incidences radiographiques
antéropostérieures.
a : ligne supraorbitaire ; b :
ligne infraorbitaire ; c : cin-
tre zygomatomalaire ; d : li-
gne d’occlusion ; e : bord
basilaire ; f : axe de symé-
trie.

*
A
*
B

Les incidences de base Blondeau, Waters, La Louisette se partagent


la faveur des auteurs français.
McGregor, Campbell, Rowe-Killey ont ainsi isolé cinq courbes qui
aident à l’interprétration de ces incidences (fig 7) :
– ligne orbitaire supérieure : suture frontomalaire, arcade orbitaire,
glabelle ; elle croise la zone des sinus frontaux ; *
D
– ligne orbitaire inférieure : tubercule zygomatique antérieure,
arcade zygomatique, corps du malaire, margelle infraorbitaire,
apophyse montante du maxillaire, cloison nasale ;
– ligne palatonasale : col du condyle coroné, plancher des sinus *
C
maxillaires et des fosses nasales ;
– ligne des bords occlusaux dentaires ;
– ligne du bord inférieur de la mandibule.
Ces clichés sont utilement complétés par d’autres de type « mordu »
et rétroalvéolaire pour explorer arcade dentaire et palais osseux,
mais aussi par un profil voire une téléradiographie de profil pour
apprécier des déplacements postérieurs, notant au passage une
opacité postérosupérieure du cavum, témoin d’un hématome en
regard des ptérygoïdes.
Les coupes tomodensitométriques axiales et coronales sont
essentielles. Mais la réalisation de ces dernières nécessite l’intégrité *
E *
F
du rachis cervical, parfois difficile à apprécier en urgence et qu’il 8 Le Fort I : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale,
faut rechercher au moindre doute. cloison sinusonasale.
À noter l’existence de logiciels de reconstruction coronale à partir
Le déplacement, s’il existe, se fait en arrière et en bas.
des coupes axiales.
L’examen intrabuccal authentifie le diagnostic :
La tomodensitométrie 3D vient compléter, sans la remplacer, la
tomodensitométrie 2D. Elle permet d’obtenir une vue globale des – ecchymose palatine en « fer à cheval » ;
déformations, des déplacements osseux, mais la technique employée – ecchymose vestibulaire supérieure ;
laisse trop de faux négatifs et de faux positifs pour permettre une – trouble de l’articulé avec contact molaire prématuré, béance
étude fine du traumatisme. antérieure et latérodéviation sont possibles.
La palpation montre des points douloureux : épine nasale antérieure,
FORMES CLINIQUES bords latéraux de l’orifice piriforme.
On retrouve le signe de Guérin : douleur à la pression des
¶ Fracture de Le Fort I ou de Guérin (fig 8) ptérygoïdes.
Enfin, l’arcade dentaire est facilement mobilisée par rapport aux
Son siège bas, son bon pronostic, ses manifestations essentiellement malaires fixes.
intrabuccales la caractérisent. Ce sont les coupes coronales, perpendiculaires au plan fracturaire,
Les traits détachent l’arcade dentaire en passant au-dessus des apex, qui montrent le mieux les lésions.
par-dessus le plancher sinusonasal ; ils coupent la partie inférieure Les coupes axiales situées dans le plan fracturaire sont insuffisantes,
des apophyses ptérygoïdes et luxent plutôt qu’ils ne sectionnent le sous-estimant les lésions : elles montrent, en revanche, les fractures
bord inférieur de la cloison osseuse nasale. irradiées à la voûte palatine ou à la région alvéolodentaire.

5
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

Clinique
L’examen extrabuccal retrouve :
– des ecchymoses périorbitaire en « lunettes » ;
– un œdème facial avec rétrusion médiofaciale ;
– une épistaxis.
La palpation objective des points douloureux et une « marche
d’escalier » sur la racine du nez, l’apophyse zygomatique ainsi que
la margelle infraorbitraire.
Une hypo- ou anesthésie des nerfs sous-orbitaires est habituelle.
L’examen intrabuccal montre :
– des ecchymoses vestibulaires et palatine postérieure ;
– un trouble de l’articulé à type de béance incisive et contact molaire
prématuré.
La palpation retrouve un signe pathognomomique : la mobilité
palatonasale par rapport au crâne et aux zygomatiques fixes.
*
A
*
B ¶ Fracture de Le Fort III (fig 10)

Traits de fracture
– Le premier trait va du nez à la fente sphénomaxillaire sur la face
interne de l’orbite, il chemine au-dessous de la suture frontonasale,
coupant la partie haute des os propres du nez, l’apophyse orbitaire
interne du frontal ou disjoignant la suture fronto maxillaire ; il
traverse l’unguis et l’os planum, passe en dessous du canal optique
qui est respecté, et se dirige vers la partie postéro-interne de la fente
sphénomaxillaire, il coupe enfin les racines des apophyses
*
D ptérygoïdes.
– Le deuxième trait chemine sur la face externe de l’orbite, à partir
de l’extrémité antérieure de la fente sphénomaxillaire, court au
voisinage de la suture sphénomalaire et aboutit au niveau de la
*
C suture frontomalaire.
– Le troisième trait sectionne le zygoma en un ou deux fragments,
en arrière de la suture temporomalaire.
– Le quatrième trait, médian, sectionne le septum nasal, l’épine
nasale du frontal, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde près de la
lame criblée, le vomer à sa partie haute, et atteint les choanes à ce
niveau.
Il existe des variantes extrêmement importantes : vers le haut avec
atteinte de la lame criblée et rhinorrhée cérébrospinale, et extension
du trait vers le canal optique.

Déplacements
*
E *
F L’ensemble de l’étage moyen recule et glisse en bas et en arrière sur
9 Le Fort II : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale, le plan incliné basicrânien.
cloison sinusonasale.
Clinique
– L’inspection de face montre un important œdème périorbitaire qui
¶ Fracture de Le Fort II (fig 9)
devient rapidement panfacial avec ecchymoses sous-conjonctivales,
épistaxis, chémosis. On note également : une augmentation de
Traits de fracture hauteur de l’étage moyen, une augmentation de largeur de la face,
– Le trait externe coupe la partie moyenne des OPN, l’apophyse un faux prognatisme par recul et impaction du massif facial, une
montante du maxillaire supérieur (MS), l’unguis croise la margelle racine du nez effondrée.
infraorbitaire près de la jonction maxillomalaire ; il traverse la face – La palpation trouve des points douloureux frontozygomatiques,
antérieure du sinus maxillaire, sa face postérieure, les ptérygoïdes à zygomatotemporaux et glabellaires. Elle met en évidence la mobilité
leur partie moyenne, la paroi interne du sinus (entre cornet moyen anormale de la face par rapport au crâne. La sensibilité, dans le
et inférieur) et revient à son point de départ sur l’apophyse territoire du V2, est modifiée.
montante du MS.
– L’examen intrabuccal retrouve un trouble de l’occlusion avec
– Le trait médian est un trait septal coupant la cloison osseuse béance incisive et contact molaire prématuré.
depuis les os propres du nez jusqu’au milieu du bord postérieur du
vomer. ¶ Fractures de la région dento-alvéolo-palatine [4, 8]

– Il n’y a pas de trait zygomatique. De face, le fragment disjoint se Ce sont des fractures partielles du maxillaire, aux traits peu
présente comme une pyramide à sommet glabellaire et base complexes, dont l’exploration radiologique de base est suffisante,
dentoalvéolaire, d’où le terme de fracture pyramidale des complétée par des clichés « mordus » et rétroalvéolaires à la
Anglo-Saxons. demande.

6
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

Clinique
Les signes endobuccaux dominent la scène :
– plaie palatine antéropostérieure ;
– diastème médian ou paramédian entraînant une déformation de
l’arcade dentaire. La dent située au niveau du trait s’est luxée.
Si les déplacements sont importants, il peut exister une
communication buccosinusienne.
Dans le cadre des fracas faciaux, elle se manifeste comme une
dislocation de la voûte palatine en deux ou trois fragments
principaux :
– un antérieur, répondant au bloc incisivocanin ;
– deux latéraux, grossièrement symétriques, porteurs des groupes
prémolomolaires.
Ces disjonctions rompent la muqueuse du plancher au sinus
maxillaire, des fosses nasales, moins souvent la muqueuse palatine
plus résistante.
*
A
*
B La mobilité est très importante.
Tous ces blocs osseux sont séparés, en haut, du reste de la face par
un trait de type fracture de Le Fort I.

Exploration radiographique
– Sur les clichés standards, la fracture est rarement visible.
– En TDM, les coupes sagittales fines, ou mieux, les coupes
coronales visualisent la fracture.
*
D Une rotation est possible dans les fractures complexes.
Avant l’âge de 15-19 ans, date de la synostose de la suture palatine,
des disjonctions suturaires peuvent survenir, plutôt que des fractures
parasagittales.

*
C ¶ Fractures combinées
Les fractures du maxillaire supérieur sont fréquemment associées
entre elles ainsi qu’à d’autres traits verticaux, obliques ou
horizontaux :
– la fracture de Richet associe une fracture de Le Fort III à une DIM ;
– la fracture de Walther, associe des fractures de types Le Fort III,
Le Fort I et une DIM ;
– la fracture de Bassereau comporte deux traits verticaux,
paramédian, séparant en tout l’os propre du nez et les branches
montantes du maxillaire, et libérant en bas le bloc incisif ;
*
E *
F – la fracture de Huet, présente deux traits verticaux plus externes
10 Le Fort III : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale,
que la précédente, passant par la zone canine prémolaire, et ouvrant
cloison sinusonasale. les sinus maxillaires.

¶ Fractures associées
Elles réalisent des fractures du maxillaire supérieur à l’état pur, se
caractérisent par leur trouble morphologique discret et leur gravité Les fractures du maxillaire supérieur peuvent s’associer à des fracas
vitale nulle. centrofaciaux (fractures du complexe central naso-ethmoïdo-maxillo-
fronto-orbitaire (CNEMFO), avec risque de brèche ostéoméningée),
Elles s’accompagnent fréquemment de lésions dentaires (luxations, à des fractures mandibulaires, et participer à des fractures
subluxations, contusions, fractures corono- ou radiculodentaires, panfaciales. Nous ne les reprendrons pas car elles font l’objet d’un
lésion du paquet vasculonerveux dentaire. chapitre particulier de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale.
Cliniquement, une ou plusieurs dents sont douloureuses et mobiles
avec l’os adjacent, entraînant une déformation de l’arcade dentaire.
L’orthopantomogramme est suffisant et permet de juger de Traitement
l’existence des traits.
– Buts : ce sont le rétablissement fonctionnel de l’occlusion
préexistante et la restauration morphologique par une bonne
¶ Disjonction intermaxillaire [20]
projection du massif facial.
Fractures sagittales essentiellement visibles en tomodensitométrie – Moyens : ils sont orthopédiques et/ou chirurgicaux [2, 7, 8, 9, 10, 13, 21,
(TDM), caractérisées par un trait qui est classiquement médian ou .
22, 23]

paramédian. Si les circonstances le permettent, le traitement doit être d’emblée


Cette fracture est toujours associée à une autre fracture. complet et total.

7
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

11 Intubation sous-men-
tale : incision muqueuse
paramédiane ; incision sous-
mentale.

*
A

En dehors des urgences absolues (que sont l’hémorragie et


l’asphyxie), le moment de l’intervention peut être différé de
quelques jours. Ce qui permet de traiter un patient stable
hémodynamiquement et complètement exploré sur le plan
radiologique.
Ensuite, plusieurs possibilités existent quant à l’intubation, la voie
d’abord, les méthodes de réduction et de contention.

[1, 15, 26]


INTUBATION
La voie nasotrachéale est la méthode la plus fréquente, la plus
classique [18].
Mais, deux éventualités la récusent :
– l’association ou la suspicion de fracture de l’étage antérieur de la
base du crâne ;
– l’association des fractures déplacées des os propres du nez.
La voie orotrachéale interdit la réalisation du blocage intermaxillaire
(BIM), donc la possibilité de rétablir l’articulé dentaire.
La trachéotomie réglée, classique, restait alors la méthode de choix
avant la description de l’intubation par voie sous-mentale.
La voie sous-mentale (fig 11). En effet, ce moyen simple sur le plan
*
B
chirurgical, fiable sur le plan anesthésique, et sans séquelle sur le
plan morphologique, permet de traiter en un seul temps les dégâts 12 Voies d’abords et régions accessibles.
du maxillaire supérieur avec trouble de l’articulé dentaire associé à a : voie canthale externe ; b : voie sous-ciliaire ; c : voie palpébrale inférieure ; d : voie
transconjonctivale ; e : voie vestibulaire supérieure.
des fractures déplacées de l’étage moyen.

– Coronale extracrânienne de Unterberger, hémicoronale de Stricker


VOIES D’ABORDS (fig 12) pour l’abord des parois supérieures et latérales de l’orbite, avec
Elles peuvent être cutanées, muqueuses ou mixtes, ou emprunter éventuellement un abord intracrânien (Cairns) pour le traitement
les plaies existantes. des lésions à distance associées (fractures du toit de l’orbite, brèche
ostéodurale).
– Cutanées : canthale externe (« patte-d’oie » ou « S » de Champy)
– Muqueuses : vestibulaire supérieure. Il s’agit d’une incision en
pour l’abord du pilier orbitaire externe.
muqueuse libre au fond du vestibule de 17 à 27. Elle permet la
– Sous-ciliaire, médiopalpébrale, palpébrojugale : pour l’abord du meilleure exposition des lésions du maxillaire supérieur d’un os
plancher orbitaire. zygomatique à l’autre.

8
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

"
A1
"
A2

B1

"
A3
13 A. Davier de Rowe-Killey : mobilisation.
B. Traction par sonde nasale ou urinaire.

B2

– Conjonctivale (Tessier) pour des lésions localisées de la margelle Ce moyen, particulièrement fiable, doit être accompagné d’une
infra-orbitaire ou de la partie médiane du plancher. instruction particulière du patient (hygiène buccale, port permanent
de ciseaux de Bebee).
Le BIM est dans la plupart des cas avec déplacements, le préalable
RÉDUCTION
indispensable avant l’ostéosynthèse.
Elle peut être orthopédique à distance, ou directe à ciel ouvert,
manuelle ou instrumentale (crochet de Ginestet, spatule de Gillies, • Moyens chirurgicaux
ballonnet de Franchebois, sondes urinaires) (fig 13). Ils sont actuellement dominés par les plaques miniaturisées vissées.
– Méthodes parafocales : les suspensions internes d’Adams dont le
CONTENTION but est d’immobiliser les fragments mobiles à des structures
osseuses fixes, plus haut situées (fig 15). Ce système est très peu
Moyens utilisé aujourd’hui en raison de trois inconvénients majeurs :
– un recul du maxillaire supérieur (par sa traction en haut et en
• Orthopédique arrière) ;
Elle repose sur la mise en place d’arcs mandibulaire et maxillaire – une réduction de hauteur de la face ;
solidarisés aux arcades par des ligatures péridentaires en fil d’acier
– une stabilité pas toujours parfaite.
ou la pose de ligatures de type Ivy.
La réduction permet d’obtenir un articulé dentaire en – Méthodes intrafocales :
intercuspidation maximale et les deux arcs ou les ligatures d’Ivy sont – le fil d’acier : cette méthode est davantage un moyen de
unis par des fils d’acier verticaux (fig 14). coaptation que de contention osseuse. Le fil d’acier procure une

9
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

– les plaques miniaturisées vissées (PMV) (micro- et


miniplaques) [20] sont les plus utilisées aujourd’hui. Elles
permettent une excellente stabilité tridimensionnelle.
L’emploi de longues PMV est le mode de contention idéal des
grands fracas comminutifs dès lors que la plaque peut être fixée de
chaque côté sur des segments osseux stables et que chaque fragment
comminutif peut être accroché à la plaque à l’aide de vis.
Le maxillaire supérieur, fortement pneumatisé, porteur de dents, se
*
A
prête malgré tout, parfaitement à l’ostéosynthèse.
Les zones électives sont :
– le pilier canin ;
– le cintre maxillomalaire ;
– le rebord infraorbitaire.
L’ostéosynthèse de la paroi antérieure du sinus maxillaire est tout à
fait réalisable sous forme de microplaques.
Le forage et le vissage doivent respecter les organes dentaires et
l’ostéosynthèse peut être impossible si le trait de fracture est trop
B1 B2 proche des apex.

• Greffe osseuse [5, 13, 14, 19, 29]


Elle est indiquée devant :
– toute perte de pilier ;
C1
– toute comminution incontrôlable ;
C2 – tout défaut de projection osseuse.
Elle est immédiate chaque fois que possible ; ses résultats sont
constamment meilleurs que les greffes secondaires.
La greffe osseuse n’est retardée qu’en présence d’une blessure très
souillée ou infectée.
Le site de prélèvement peut être local, régional ou à distance.
C3 – local : la symphyse mentonnière en mono- ou bicortical, mais ne
fournit qu’un volume limité ;
– régional : la calvaria au niveau du pariétal, en unicortical, se
caractérise par sa très faible résorption, mais le greffon est difficile à
D1 modeler et en quantité limitée ;
– à distance : os iliaque. Il autorise des prélèvements de grande taille
avec une grande quantité de spongieux, et facile à modeler.
Quel que soit le greffon, une contention correcte est essentielle pour
prévenir infection et résorption. Celle-ci est réalisée au mieux par
mini- ou microplaques.

[5, 10, 11, 19, 25, 28, 30]


INDICATIONS
D2
¶ Principes généraux
Pour la plupart des auteurs français, l’exposition des foyers fracturés
doit se limiter aux zones d’ostéosynthèse, sans dépériostage excessif.
Le traitement chirurgical est conduit selon les principes généraux de
*
E
chirurgie craniofaciale :
14 Moyens de fixation orthopédique.
A. Différents types d’arcs. a : arc plat souple, à portemanteaux – reconstruction de la périphérie vers le centre, de haut en bas ou
de Ginestet-Servais ; b : arc plat souple, à portemanteau de Erich ; c : arc demi- de bas en haut (selon les possibilités de rétablissement occlusal) :
jonc, souple ou rigide, à portemanteau de Jacquet ; d : arc à goupilles qui peuvent – reconstruction de proche en proche, des régions intactes aux
se retirer rapidement en cas de déblocage urgent (Dupuis).
B. Ligature de Ivy. B1 : préparation de la ligature (1 : ne faire que deux ou trois
régions fracturées ;
torons au fil d’acier 3,5 ou 4/10) ; 2 : ligatures réalisées sur un groupe de deux – en tenant compte de la septicité des zones cavitaires centrofaciales
dents (prémolaire et/ou molaire), le fil vestibulaire passe entre les brins et non et en réalisant l’ostéosynthèse de la région centrale en dernier.
dans la boucle. B2. Les boucles sont solidarisées au fil 3 ou 3,5/10.
C. Différents types de ligatures dentaires. C1 : Ligature dentaire sur un arc ; C2 :
ligature de Duclos-Farouz ; C3 : ligature de Dingman.
¶ Fracture de Le Fort I
D. Ligature en « berceau ». D1 : Sur une incisive, vue vestibulaire et palatine ; Dans le meilleur des cas, si toutes les dents sont présentes et si la
D2 : sur une canine, vue vestibulaire. mandibule est indemne de lésions, le BIM avec serrage sur fils
E. Blocage intermaxillaire : ligatures simples et en « X » ou « U » chez un sujet
normalement denté.
d’acier ou élastiques, en position d’intercuspidation maximale,
permet la réduction et la contention.
stabilité bidimensionnelle et, pour éviter tout déplacement, Les ostéosynthèses par PMV permettent la reconstruction
l’utilisation de trois points de fixation est nécessaire ; anatomique des piliers antérieurs, le repositionnement précis du

10
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

15 Suspensions faciales.
A. a : à l’épine nasale du frontal fixée sur plaques ou vis ;
b. à l’apophyse frontale, elle passe derrière l’arcade zygo-
matique ; c : à l’épine nasale ; d : à l’orifice piriforme,
mise en place par voie vestibulaire ; e : périzygomatique ;
f : sur le rebord orbitaire inférieur par une voie d’abord
et un trou de foret.
B. Mise en place de suspensions à l’apophyse orbitaire
du frontal par une voie d’abord canthale externe.

*
A
*
B

maxillaire par rapport à la base du crâne, la reconstruction de la ¶ Fracture panfaciale


dimension verticale et de la projection horizontale du maxillaire.
Le traitement comporte successivement la reconstruction de la
Tout pilier instable est réparé à l’aide de PMV, et un pilier détruit mandibule et du complexe dento-alvéolo-palatin, la reconstruction
doit être remplacé par une greffe osseuse immédiate. Si le montage frontale, puis l’étage moyen.
osseux est solide, le BIM peut être levé, sinon le patient le gardera
entre 4 et 30 jours. Chez ces polytraumatisés associant fractures complexes de la face et
lésions neurochirurgicales l’ostéosynthèse par plaque miniaturisée
L’édentation ôte toute précision à l’appréciation des déplacements vissée représente le traitement idéal.
et gêne la réduction.
Elle assure une stabilisation immédiate du squelette, élimine le
Les ostéosynthèses par PMV, en permettant une reprise alimentaire risque d’asphyxie qui accompagne le BIM, facilite l’accès au
rapide ont remplacé les méthodes de réduction utilisant les carrefour aérodigestif supérieur et permet une intubation trachéale
prothèses fixées au maxillaire (méthode de Paoli) et à la mandibule en cas d’urgence.
(méthode de Black-Ivy).
Les suspensions internes d’Adams peuvent aussi être utilisées dans ¶ Fractures combinées
ces cas-là.
Elles compliquent le traitement en raison de l’existence de fragments
Il est toujours possible de compenser une insuffisance de réduction
intermédiaires difficiles à contenir. Elles comprennent les fractures
par l’adaptation de nouvelles prothèses.
de Le Fort combinées entre elles, qui mettent en œuvre les
traitements précédemment décrits, mais aussi les formes cliniques
¶ Fracture de Le Fort II
qui associent des traits de fracture à direction verticale ou oblique
Le rétablissement de l’occlusion est obtenu par : dont le traitement plus difficile doit s’efforcer de retrouver une
occlusion stable, équilibrée et une restructuration tridimensionnelle.
– la mise en place des moyens de contention orthopédique ;
– réduction de la rétrusion faciale par traction sur l’arc supérieur, ¶ Fractures associées
en traction à l’aide du davier de Rowe-Killey ;
Elles sont traitées dans des chapitres particuliers de l’Encyclopédie
– contention par BIM. Médico-Chirurgicale.
Le traitement de la partie centrofaciale nécessite le plus souvent des Il s’agit :
ostéosynthèses infraorbitaires, maxillozygomatiques, et la
restauration des planchers orbitaires. – des fracas centrofaciaux ;
– des atteintes fracturaires mandibulaires ;
¶ Fracture de Le Fort III – des fractures dentaires et alvéolodentaires.
La réduction et la stabilisation occlusale sont identiques à la Dans tous les cas, un rétablissement fonctionnel satisfaisant doit
précédente, souvent complétées par des ostéosynthèses présider au traitement primaire sans pour autant négliger l’aspect
frontozygomatiques. cosmétique.

¶ Disjonction intermaxillaire ¶ Formes cliniques particulières


La restauration de l’arcade dentaire supérieure se fait par BIM, soit Le sujet édenté et le jeune enfant en denture mixte amènent à des
par ostéosynthèse au-dessus des apex des incisives. particularités thérapeutiques :

¶ Fracture maxillaire et fracture mandibulaire – chez le sujet édenté total, si les prothèses complètes sont retrouvées
et utilisables, la pose de merlons noyés dans de la résine permet
La mandibule sert de guide au maxillaire pour rétablir l’occlusion ; d’effectuer un BIM sur fils d’aciers entre prothèses, ou entre arcade
il faut reconstruire l’arc mandibulaire en premier. Pour cela, un BIM dentée et prothèse après avoir immobilisé chaque type de prothèse
est toujours nécessaire ; ensuite, les ostéosynthèses mandibulaires complète par suspension et/ou par cerclage périmandibulaire
sont réalisées. (fig 16) [8] ;

11
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

"
A1 "
A2
"
A3 "
A4

16 A. Cerclage périmandibulaire.
A1 : le passe-fil charge le fil 4 ou 5/10 du côté lingual.
A2 : le fil passé sous la mandibule, est ramené en avant
en gardant le contact osseux. A3 : la gouttière est perfo-
rée au foret, le fil passé dans le trou et la gouttière ou la
prothèse ligaturée.
B. Blocage sur prothèse. B1 : fixée à la mandibule. B2 :
fixée au maxillaire et à la mandibule.

B1 B2

– chez l’édenté partiel, lorsque l’occlusion entre les dents restantes L’hygiène buccale repose sur un brossage dentaire soigneux et des
s’avère impossible ou instable l’emploi de prothèse(s) selon le même bains de bouche après chaque prise alimentaire.
schéma est utile quand il est possible, sinon le rétablissement de
Le déblocage et la dépose des arcs réalisés après contrôle
l’occlusion sera un rétablissement prothétique de convenance après
radioclinique de la consolidation osseuse, se font avec ou sans
consolidation fracturaire ;
anesthésie locale. S’impose alors une rééducation des ATM.
– chez l’enfant en denture mixte, l’immobilisation fracturaire osseuse
par BIM sur arcs n’est pas toujours possible mais reste Dès que l’ouverture buccale est suffisante, un détartrage est réalisé
contraignante. On peut s’aider de moyens orthodontiques (brackets et les soins dentaires nécessaires entrepris.
associés à des arcs rigides munis de crochets). Des microplaques Les cicatrices faciales sont l’objet de massages.
vissées trouvent aussi leur utilité à condition de ne pas
compromettre l’évolution des germes dentaires en devenir ;
À DISTANCE DU TRAITEMENT PRIMAIRE
– en ce qui concerne les lésions dentaires (luxation et fracture
alvéolodentaire) associées aux fractures maxillaires, l’utilisation de Même bien conduit, les séquelles sont fréquentes et de traitement
composites auto- ou photopolymérisables renforcés par l’association secondaire difficile, renforçant l’idée de bien traiter d’emblée toutes
de treillis métalliques, voire de fils d’acier, rend de grands services les lésions à retentissement tant fonctionnel que morphologique ou
(cf chapitre particulier de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale). cosmétique. Objets de chapitres particuliers dans l’Encyclopédie
Médic-Chirurgicale, nous ne les détaillons pas mais les évoquons en
soulignant ici les principaux.
Suites opératoires
Dans les suites opératoires immédiates : selon les écoles, l’extubation RETARDS DE CONSOLIDATION
se fait dès la reprise de la ventilation spontanée ou de manière
différée à la reprise de conscience du patient. Au-delà de 6 semaines, ils doivent faire rechercher une infection
De même, l’emploi d’une sonde nasogastrique est fréquent mais pas sous-jacente (sinusite, ostéite) et déposer le matériel d’ostéosynthèse.
systématique. La stabilité des fragments englués mais non consolidés est assurée
par un BIM aidé parfois de suspensions. Une antibiothérapie
En revanche, la plupart des auteurs prônent :
adaptée après prélèvement in situ s’impose.
– un traitement antibiotique et anti-inflammatoire pendant 8 jours ;
Les pseudarthroses vraies sont exceptionnelles au même titre que les
– des instillations nasales ; nécroses maxillaires, dues en général à un dépériostage excessif ou
– quand le BIM est réalisé, ce dernier est maintenu par fils d’aciers : maladroit lors de délabrements déjà importants. Leur traitement
10 à 15 jours si les ostéosynthèses sont solides ; 30 à 45 jours si le s’avère long, difficile et délicat.
montage est fragile, complété éventuellement par la pose
d’élastiques pour retrouver un articulé de convenance.
SÉQUELLES OCCLUSALES
Des ciseaux de Bebee ou une pince coupante sont toujours à portée
de main pour lever le blocage en cas de nausées et vomissements, à Elles traduisent une consolidation en position vicieuse associant des
moins de disposer d’un système d’arcs à déblocage rapide. troubles fonctionnels masticatoires et des troubles morphologiques

12
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

réalisant au pire une déformation faciale globale avec un excès Les communications buccosinusiennes ou bucco-sinuso-nasales
vertical antérieur et une rétrusion de l’étage moyen de la face restent en général séquellaires d’une DIM.
(dish-face).

SÉQUELLES NASALES
SÉQUELLES SINUSIENNES À l’origine de troubles morphofonctionnels, elles peuvent associer :
À type de sinusites post-traumatiques, elles sont associées élargissement de la racine du nez, télécanthus, ensellure nasale,
fréquemment à une ostéite des parois minces du sinus. déviation du dorsum et de la cloison.

Références
[1] Altemir FH. The submental route for endotracheal intuba- [13] Gruss JS, MacKinnon SE, Kassel ME, Cooper PW. The role of [23] Monteil JP, Esnault O, Brette MD, Lahbabi M. Chirurgie des
tion. J Maxillofac Surg 1986 ; 14 : 64-65 primary bone grafting in complex craniomaxillofacial traumastismes faciaux. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifi-
[2] Arons MS. Bead and wire intermaxillary fixation. Ann Plast trauma. Plast Reconstr Surg 1985 ; 75 : 17-23 ques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgi-
Surg 1997 ; 39 : 668 cales - Chirurgie plastique, 45-505, 1998 : 1-26
[14] Gruss JS, MacKinnon SE, Kassel ME, Cooper PW. Complex
[3] Bourjat P, Veillon F. Imagerie radiologique tête et cou. maxillary fractures: role of buttress reconstruction and [24] Nahum AM. The biomecanics of maxillo-facial trauma. Clin
Paris : Vigot, 1995 immediate bone grafts. Plast Reconstr Surg 1986 ; 78 : 9-22 Plast Surg 1975 ; 2 : 59-64
[4] Combelles R, Fabert G, Boyer E, Berranger A, De Saint-
Martin R. Étude durimétrique des os de la face. Ann Chir [15] Laplace E, Aubert S, Giraud D, Labeyrie JL, Dandrau JP. [25] Dantini JJ. Atlas d’ostéologie du crâne. Paris : Masson, 1979
Plast 1980 ; 25 : 305-310 Intubation par voie sous-mentale. Ann Fr Anesth Réanim
[5] Congrès (32e) de la société de stomatologie, chirurgie 1999 ; 18 : 913-915 [26] Schultz RC. Naso-tracheal intubation in the presence of
maxillofaciale et plastique de la face, Strasbourg, 1997. Rev facial fractures. Plast Reconstr Surg 1990 ; 86 : 1046
Stomatol Chir Maxillofac 1991 ; 92 (n° 5) [16] Le Fort R. Étude expérimentale sur les fractures de la
mâchoire supérieure. Parts I, II et III. Rev Chir 1901 ; 23 : [27] Seguin P, Breton P, Freidel M. Fractures occluso-faciales.
[6] Cooter RD. The influence of maxillary dentures on mid 207-227, 360-379, 497-507 Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
facial fractures pattern. Br J Plast Surg 1996 ; 49 : 379 SAS, Paris), Stomatologie, 22-074-A-10, 1994 : 1-16
[7] Couly G. La statique osseuse de la face : les piliers osseux [17] Legent F, Perlemuter L, Vandenbrouck C. Cahiers d’anato-
ptérygo-sphénofrontaux équivalents biomécaniques de la mie ORL. Fosses nasales, pharynx. Paris : Masson, 1990 [28] Souyris F, Caravez JB. Ostéosynthèses par plaques vissées
mandibule. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1975 ; 76 : en chirurgie maxillo-faciale et cranio-faciale. Ann Chir Plast
607-619 [18] Manson PN. Some thoughts on the classification and treat- 1974 ; 19 : 131-137
ment of lefort fractures. Ann Plast Surg 1986 ; 17 : 356
[8] Crawley WA. The edentulous Lefort fractures. J Craniofac [29] Stanley RB Jr. Reconstruction of the midfacial vertical
Surg 1997 ; 8 : 298-307 [19] Manson PN, Crawley WA, Yaremchuk MJ, Rochman GM, dimension following Lefort fractures. Arch Otolaryngol
[9] Decrozailles JM, Fontanel JP, Tomescu D. Examen d’un Hoopes JE, French JH. midfacial fractures: advantages of 1984 ; 11 : 571-576
traumatisme facial. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques extended open reduction and immediate bove grefting.
et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-068-A- Plast Reconstr Surg 1985 ; 76 : 1-12 [30] Sweringen JJ. Tolerances of human face to crash impact.
05, 1983 : 1-22 Reprint n° AM 65-20 of federal aviation agency. Oklahoma
[10] Eppley BL. Use of a resorbable fixation technique for maxil- [20] Manson PN, Shack RB, Leonard LG, Su CT, Hoopes JE. Sa- city, 1965
lary fractures. J Craniofac Surg 1998 ; 9 : 317-321 gittal fractures of the maxilla and palate. Plast Reconstr Surg
1983 ; 72 : 484-489 [31] Tessier P. Autogenous bone grafts taken from the calva-
[11] Fain J, Peri G. Reconstruction primaire des fracas osseux de rium for facial and cranial applications. Clin Plast Surg
la face. Ann Chir Plast 1976 ; 21 : 185-197 [21] Martin-Duverneuil N, Chiras J. Imagerie maxillofaciale. 1982 ; 9 : 531-538
[12] Gary-Bobo A, Merlier C, Rey P, Benezech J, Fuentes JM. Paris : Médecine-sciences Flammarion, 1997
Fractures du tiers latéral de la face. Proposition d’une tacti- [32] Vaillant JM, Peri G. Fractures du massif facial supérieur.
que thérapeutique. Ann Chir Plast Esthét 1984 ; 29 : [22] Monoghan AM. An unusual Lefort II fracture. Br J Oral Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
247-253 Maxillofac Surg 1991 ; 29 : 256 SAS, Paris), Stomatologie, 22-074-A-10, 1971

13
Stomatologie
[22-067-B-10]

Plaies de la face et de la cavité buccale

Jean-Paul Meningaud : Chef de clinique-assistant, service de stomatologie et de prothèse


maxillofaciale du professeur Bertrand
Éric Maladière : Chef de clinique-assistant
Fabrice Bado : Chef de clinique-assistant
Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale du professeur Guilbert. Groupe hospitalier Pitié-
Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13 France

Résumé

Les plaies de la face sont un défi lancé au chirurgien maxillofacial. Le patient veut que lui
soient garantis non seulement un résultat fonctionnel satisfaisant mais aussi le meilleur
résultat esthétique possible. Le bon traitement n'est pas celui qui consiste en une
cicatrisation correcte des parties molles mais celui qui restitue aussi les contours,
l'élasticité et la plasticité de la peau. La première démarche consiste à s'assurer qu'il n'y a
pas de fracture sous la plaie. Le parage est le plus économique possible. Le recours à des
lambeaux locaux ou libres est parfois nécessaire tel le cas de l'avulsion d'une paupière ou
d'une perte de substance totale des lèvres. Les incisions réalisées suivent au mieux les plis
naturels de la face. Les techniques courantes pour la réparation des pertes de substance
sont rappelées région par région : joue, lèvre, nez, scalp... La prise en charge de certaines
catégories de plaies telles les morsures ou les brûlures est expliquée. Une classification
des traumatismes balistiques est proposée. Cependant, au-delà des techniques
expliquées, l'expérience chirurgicale reste irremplaçable.

© 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Haut de page

INTRODUCTION

La plaie est une solution de continuité concernant un tissu. La cicatrice est la marque
laissée par cette plaie, que ce soit le résultat d'une suture chirurgicale ou d'une
cicatrisation dirigée. Le visage identifie : il exprime l'altérité qui procède de l'organisation
sexuée de l'espèce humaine. Le visage est communicant : dans ses relations à autrui,
l'humain se fait précéder de son visage : sourire, colère, étonnement...Le visage expose la
vulnérabilité de la personne. Le temps et la vie y laissent leurs empreintes ; or, la peau du
visage est celle qui reste la plus nue. Aristote, fournissant déjà les bases concrètes de
l'esthétique, insistait sur la précision, la symétrie et les proportions. À ces trois critères,
Charles-Auguste Baud [3] rajoutait la fonction comme condition intrinsèque du beau. La
plaie du visage, d'un seul trait, peut affecter les canons de la beauté. Elle a cela de
singulier que la blessure narcissique qu'elle provoque dépasse bien souvent ses
répercussions fonctionnelles. Le visage est ontologique ; celui de la mère comme miroir du
sien propre participe à la genèse tardive du " je ". Emmanuel Levinas [21], le grand
penseur de l'éthique, va encore plus loin, et voit dans le visage que nous regardons, une
épiphanie qui nous confère d'emblée une responsabilité totale vis-à-vis de l'autre sans que
la réciprocité ne soit jamais requise. Si le visage est paré de tant de vertus, le traitement
de ses plaies ne peut être que l'affaire du spécialiste.

Haut de page

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le port de la ceinture de sécurité et le casque intégral ont déjà bien contribué à faire
baisser le nombre de plaies liées aux accidents de la circulation. L'Air Bag® (ABSR) et les
pare-brises en Triplex® ont accentué cette tendance. En milieu urbain, les étiologies les
plus fréquentes concernent les chutes et les agressions. Les traumatismes sportifs
représentent une étiologie en progression du fait de l'augmentation de la pratique sportive
et surtout de l'essor de nouveaux sports (patins en ligne, vélo tout terrain, surf des neiges)
pratiqués hors fédération.

Haut de page

STRUCTURES MOLLES DE LA FACE

La peau faciale est constituée de trois couches : épiderme, derme et hypoderme. Un


certain nombre de qualités lui confèrent une spécificité propre.

[33]
Sa coloration est due à la densité capillaire extrême de la région , et à l'exposition aux
agents physiques : air et ultraviolets.

La variabilité de son épaisseur est minimale en ce qui concerne les paupières, moyenne au
front, importante au menton. Le tissu sous-dermique est faible en ce qui concerne le
pavillon de l'oreille et important à la joue.

La variabilité de ces caractéristiques est fonction de l'âge. Chez l'enfant, elle est fine et
élastique ; elle repose sur un tissu sous-cutané important ; les cicatrices sont volontiers
hypertrophiques. Chez l'adulte, elle est épaisse, plus ou moins grasse. Chez le sujet âgé,
elle est fine et a perdu son élasticité ; en revanche, elle offre plus de réserve cutanée du
fait de sa distension et les cicatrices sont discrètes.

La présence de rides d'expression ou de vieillesse : les plaies perpendiculaires à ces rides


sont plus visibles et peuvent nécessiter secondairement des techniques de chirurgie
plastique pour être camouflées.

Sa pilosité : cils, sourcils, barbe, ligne capillaire constituent autant de repères esthétiques.

Les parties molles de la face sont également caractérisées par l'importance des structures
nobles (nerfs sensitifs et moteurs, canaux salivaires et lacrymaux) qui les traversent. Leur
systématisation sera rappelée plus loin, avec chaque type de plaie.

[25]
Le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) est une structure
anatomochirurgicale strictement superficielle dérivée du platysma primitif [20]. Il ne
présente aucune insertion osseuse. Anatomiquement, il regroupe les différents muscles
peauciers de la face, agencés de façon à réaliser des sphincters périorificiels [14]. Le
muscle platysma en fait partie. Son importance est considérable, puisque cette lame porte-
vaisseaux est responsable de la mimique faciale.

Les structures molles sont indissociables des structures osseuses et dentaires sous-
jacentes. Ces dernières peuvent constituer des agents vulnérants directs et indirects :

directs : les dents et particulièrement les incisives peuvent couper de dedans en


dehors les lèvres ;
indirects : les parties molles peuvent être prises en étau entre les contours osseux
et l'agent vulnérant : arcade sourcilière, malaire...

Haut de page

EXAMEN CLINIQUE

Comme pour tout blessé, l'examen initial consiste à vérifier la liberté des voies aériennes,
à contrôler une hémorragie, à traiter un état de choc, puis à diagnostiquer et traiter les
dommages associés ; les lésions neurochirurgicales et ophtalmologiques sont prioritaires
(les paupières sont systématiquement ouvertes à la recherche d'une plaie oculaire). Les
lésions faciales sont traitées en dernier. L'anamnèse précise les circonstances, la date et
l'heure du traumatisme. La vaccination antitétanique est systématiquement vérifiée.
L'éventualité de corps étrangers au sein des plaies est évoquée.

L'examen distingue trois types de plaies :

les plaies franches : elles sont provoquées par le verre ou l'arme blanche. Elles
sont superficielles ou profondes pouvant atteindre des structures nobles (nerf facial,
canal de Sténon, etc) ;
les plaies contuses : elles sont souvent tangentielles et renferment des corps
étrangers pouvant tatouer la cicatrice ;
les plaies avec perte de substance : les dimensions, le trajet et la topographie des
plaies sont décrites avec précision. Une lésion des organes dentaires, une fracture
associée ou une atteinte à distance est recherchée. Dans le cas d'une plaie isolée et en
dehors des exceptions qui sont discutées plus loin, aucun examen complémentaire n'est
sollicité. Tous les renseignements sont consignés dans le dossier du malade. Un bilan
photographique est une bonne pratique. Le certificat médical initial est rédigé par le
chirurgien qui explore et traite la plaie.

Haut de page

PLAIES SIMPLES

Ce sont toutes les plaies ne risquant pas de léser une structure noble (nerf facial, canal de
Sténon, voies lacrymales...) et sans perte de substance. La plupart des plaies de l'arcade
sourcilière, du cuir chevelu ou du menton en font partie. Elles peuvent être prises en
charge par un chirurgien généraliste, dans une salle d'urgence au calme, sous anesthésie
locale ou locorégionale (sous-orbitaire, sus-orbitaire, mentonnier). Une prémédication est
parfois nécessaire chez les jeunes enfants. Les nourrissons sont enveloppés dans un drap
et portés par une infirmière. Un bon éclairage, quelques instruments fins et une large
palette de fils suffisent.
Traitement général

Prise en charge dans les premières heures.


Lavage, désinfection, exploration, parage économique.
Le plan profond est suturé à l'aide d'un fil résorbable.
Suture cutanée réalisée par points séparés à l'aide d'un fil Nylon® fin, sans tension.
Les points sont posés en rapprochant et en éversant les berges.
Un pansement compressif de 24 heures est parfois nécessaire, la plaie est laissée à
l'air dès que possible.
Ablation des fils entre j5 et j7.
Application de vaseline afin d'éliminer les croûtes.
Absence d'exposition solaire de la cicatrice (écran total) pendant 6 mois.
Certaines plaies simples sont remarquables par leur fréquence.

Arcade sourcilière

Mécanisme

L'arcade sourcilière constitue l'un des pare-chocs protégeant l'oeil. Le mécanisme le plus
fréquent est réalisé par les chocs directs. Un coup de poing par exemple, fait glisser la
peau sur l'arcade d'avant en arrière jusqu'à la limite de son élasticité ; une plaie se
produit. L'hémorragie peut être abondante contrastant avec une plaie généralement peu
profonde mesurant 2 à 3 cm de longueur et située dans la " queue " du sourcil.

Traitement

L'attitude immédiate consiste à réaliser une compression appuyée à l'aide de compresses


stériles pendant 15 minutes. Le blessé consulte dans un centre chirurgical dans les 6
heures, le plus tôt étant le mieux. Le résultat esthétique est décevant au-delà de la 24e
heure. Le médecin désinfecte la plaie, réalise la suture en prenant garde à ne pas créer de
décalage, la cicatrice est laissée à l'air et les fils sont retirés au septième jour. Le blessé
est informé qu'une ecchymose de la paupière supérieure apparaît fréquemment le
lendemain et évolue favorablement en 3 à 4 jours.

Séquelles

Les séquelles sont traitées par le spécialiste. Une suture décalée est traitée par une plastie
en Z. Une perte de substance justifie un lambeau volant ou des greffes pileuses.

Plaies du cuir chevelu

Traitement

Elles peuvent être très hémorragiques. Les cheveux sont rasés le long des berges de façon
à faciliter la suture. Elles sont suturées en deux plans : un plan profond sur la galéa à
l'aide d'un fil résorbable et un plan superficiel avec un fil Monobrin non résorbable 3/0, des
agrafes ou un fil à résorption rapide. S'il existe un espace de décollement, un pansement
compressif est réalisé. Les fils ou agrafes sont retirés vers le huitième jour.

Séquelles
l'absence de plan profond ou lorsque le parage n'a pas tenu compte de la direction de
l'implantation capillaire.

Plaies des muqueuses

Plaies de langue

Mécanisme

Les plaies de langue sont relativement fréquentes. Leur mécanisme le plus courant
s'explique par automorsure. La langue est interposée entre les arcades dentaires au
moment d'une chute ou d'un choc.

Traitement

Ces plaies peuvent être impressionnantes par l'hémorragie qui peut les accompagner.
Après quelques minutes de compression à l'aide d'une compresse, une hémostase se
réalise. La grande majorité ne nécessite pas de suture et cicatrise très bien sous
antibiotiques et bains de bouche. Il peut arriver qu'une plaie détache un lambeau dont le
parage et la suture sont à faire. Les plaies transfixiantes ou avec saignement actif
persistant sont en principe les seules qui nécessitent une suture (fil résorbable).

Plaies du voile et du palais

Par son mécanisme, une chute avec un objet dans la bouche (un crayon par exemple), ce
type de plaie est plus fréquent chez l'enfant. Elle détache un petit lambeau en V (fig 1).
L'hémorragie cède le plus souvent spontanément. Un traitement symptomatique par bains
de bouche suffit généralement. Dans le cas contraire, la fermeture musculaire et
muqueuse est assurée par quelques points séparés avec du fil résorbable.

Plaies de la muqueuse jugale

Elle est le plus souvent consécutive à un choc sur la joue, mâchoires ouvertes. La suture
est réalisée au fil résorbable.

Plaies de la gencive attachée et de la muqueuse palatine

La plaie accompagne généralement une fracture sous-jacente et est traitée avec cette
dernière.

Plaies de la gencive libre et des culs-de-sac vestibulaires

Dans la région du foramen mentonnier, elles peuvent sectionner le rameau terminal du


nerf mandibulaire provoquant l'anesthésie d'une hémilèvre inférieure. Lors de la suture, la
profondeur des culs-de-sac est respectée afin de ne pas gêner le port ultérieur d'une
prothèse. Les plaies du frein de la lèvre sont fréquentes chez l'enfant, la suture est
rarement nécessaire.

Plaies des lèvres


Rappel anatomique

Constitution

La lèvre supérieure déborde la lèvre inférieure en avant. Les deux lèvres sont jointives au
repos (stomion) et réunies latéralement par les commissures, idéalement situées au repos
à l'aplomb de la pupille de l'oeil correspondant.

Chaque lèvre comprend une partie cutanée (lèvre blanche) et une partie muqueuse (lèvre
rouge). Le limbe définit la ligne qui les sépare. La lèvre blanche supérieure comprend une
dépression médiane : le philtrum, bordé par les crêtes philtrales. Le limbe qui limite le
philtrum en bas porte le nom d'arc de Cupidon. La lèvre rouge est elle-même divisée en
deux portions : une partie semi-muqueuse (vermillon) et une portion humide muqueuse.
Le vermillon de la lèvre supérieure présente en regard de l'arc de Cupidon un tubercule
médian. La lèvre inférieure répond à ces deux éléments par une incurvation inverse et une
légère dépression. La portion humide s'étend jusqu'au fond des vestibules buccaux et
présente sur la ligne médiane de chaque lèvre un repli ou frein. Elle vient s'attacher à l'os
pour former la gencive qui s'unit au collet des dents. La muqueuse de cette portion humide
est séparée du plan musculaire par un tissu conjonctif lâche, riche en glandes salivaires
accessoires.

Musculature

La musculature labiale comprend deux ensembles :

le muscle orbiculaire assurant la fermeture buccale et la continence salivaire ;


les muscles dilatateurs, qui naissent à distance des lèvres et convergent vers la
commissure labiale en constituant le modiolus [4].

[31]
Vascularisation

Les lèvres sont vascularisées par les artères coronaires supérieure et inférieure,
branches de l'artère faciale. Nées près de la commissure, elles traversent le plan
musculaire et cheminent de dehors en dedans, à la face profonde du plan
musculaire, pour s'anastomoser sur la ligne médiane. Très sinueuses (réserve de
longueur physiologique), elles sont situées à 7 ou 8 mm du bord libre des lèvres,
à peu près au niveau de la jonction entre lèvre rouge humide et sèche. Les veines
suivent le trajet des artères et gagnent la veine faciale.

Innervation (fig 2)

La sensibilité de la lèvre supérieure est issue du nerf sous-orbitaire, rameau


terminal du nerf maxillaire. La sensibilité de la lèvre inférieure provient de
rameaux issus du nerf mentonnier, branche terminale du nerf mandibulaire.

Mécanisme

Les plaies sont essentiellement provoquées par deux mécanismes : soit un choc
direct sur la lèvre qui est prise dans un étau contre le secteur incisivocanin, soit
par automorsure de la lèvre inférieure au cours d'une chute. L'examen de la
cavité buccale recherche une plaie vestibulaire, voire transfixiante. Un bilan
dentaire est systématique. En cas de luxation, la dent peut se retrouver dans
l'épaisseur de la lèvre.
Traitement

Les contusions simples sont traitées par application de glace puis de pommade
anti-inflammatoire.

Les plaies cutanées simples de la lèvre blanche sont suturées avec un fil fin non
résorbable Monobrin (5 ou 6/0) par points séparés. La cicatrice est souvent
hypertrophique.

Les plaies de la lèvre rouge sont suturées à l'aide de points séparés avec un fil
résorbable. Le résultat est toujours excellent.

Les plaies mixtes, c'est-à-dire " à cheval " sur la ligne cutanéomuqueuse, posent
le problème du réalignement de ce repère. Un point de suture est placé au-dessus
de la ligne, l'autre au-dessous (fig 3).

Les plaies cutanéomusculaires sont les plus fréquentes. Le muscle orbiculaire est
repéré et suturé à l'aide d'un fil résorbable.

Les plaies transfixiantes avec perte de substance ou délabrantes requièrent un


avis spécialisé.

Haut de page

PLAIES NÉCESSITANT UNE PRISE EN CHARGE SPÉCIALISÉE

Ce sont les plaies qui, par leur topographie ou leurs caractéristiques, peuvent
être à l'origine de séquelles importantes. Elles nécessitent une bonne
compétence et de l'expérience. Comme il se trouve que bon nombre de plaies de
la face sont associées à un traumatisme osseux facial ou craniofacial, le recours à
un chirurgien spécialisé est habituel. Les collaborations entre spécialités voisines
étant courantes, il est à l'aise au contact des structures profondes de la face. Sa
formation chirurgicale lui permet de reconnaître une urgence extrafaciale.

L'intervention est réalisée au bloc opératoire. L'instrumentation est spécifique et


adaptée aux divers besoins pour la réparation de chaque lésion osseuse ou
dentaire associée. Une source de lumière froide est parfois utile tout comme un
microscope opératoire. L'intervention est le plus souvent réalisée sous
anesthésie générale. Le médecin anesthésiste en chirurgie maxillofaciale est
rompu aux techniques d'intubation difficile.

Les plaies du globe oculaire doivent être systématiquement recherchées et


traitées en urgence par un ophtalmologiste. Leur traitement est prioritaire par
rapport aux traumatismes maxillofaciaux.

Plaies selon leur topographie

Plaies palpébrales

[16]
Constitution

Chaque paupière comporte d'avant en arrière :

la peau ;
une couche de tissu cellulaire lâche ;
le muscle orbiculaire (avec le releveur de la paupière supérieure) ;
une deuxième couche de tissu cellulaire lâche ;
le muscle tarsal ;
la conjonctive.

Traitement

Ces plaies nécessitent le contrôle de l'intégrité du globe oculaire (absence de


plaie cornéenne, d'hypotonie, acuité visuelle conservée...) et des voies
lacrymales (fig 4, 5 et 6).

Plaies cutanéomusculaires

Elles sont suturées à l'aide de points séparés avec un fil de Nylon® 6/0, le
résultat est généralement excellent.

Plaies transfixiantes (fig 7)

Elles sont suturées plan par plan. La conjonctive est suturée à l'aide de points
inversants (afin d'éviter une kératite) avec un fil résorbable de 7/0. Le tarse est
également suturé. Le muscle peut bénéficier de quelques points de
rapprochement, une suture trop ample à ce niveau est source d'ectropion
(particulièrement au niveau de la paupière inférieure). Une suspension de la
paupière inférieure ou une blépharorraphie de 24 à 48 heures limite ce risque. À
la paupière supérieure, l'atteinte du releveur doit être réparée afin d'éviter un
ptosis secondaire. Le pansement ophtalmologique occlusif est retiré le soir même
de l'intervention afin de faciliter la surveillance. Des soins des yeux sont réalisés
à l'aide de collyre antiseptique ou de sérum physiologique.

Plaies avec perte de substance

Inférieures au quart de la longueur du bord libre : elles sont traitées par suture
directe comme les plaies transfixiantes. La suture doit être d'autant plus parfaite
que les risques d'ectropion et d'entropion (source d'ulcère cornéen) ou
d'éversion du punctum lacrymal (source de larmoiement) sont plus importants.

Supérieures au quart du bord libre : la réparation fait appel à des procédés de


chirurgie plastique (lambeaux locorégionaux et greffes). À la paupière inférieure,
une greffe chondromuqueuse nasale (alaire ou septale) associée à un lambeau
cutané hétéropalpébral ou temporojugal avec canthotomie (Mustardé) peut être
proposée. À la paupière supérieure, le traitement est urgent afin de limiter le
risque d'ulcération cornéenne. Un lambeau hétéropalpébral avec réparation de la
zone donneuse par greffe chondromuqueuse et lambeau temporojugal de
Mustardé est une solution.

Plaies des voies lacrymales

[32]
Canalicules lacrymaux

Ils sont issus des puncta inférieur et supérieur situés à l'angle interne de l'oeil.
Par un trajet intrapalpébral, ils rejoignent le sac lacrymal et sont drainés vers la
cavité nasale par le conduit lacrymonasal. Le canalicule inférieur draine 80 % des
larmes. L'interruption du canalicule supérieur peut être négligée. En revanche,
l'interruption du canalicule inférieur se complique d'un larmoiement et peut être
source de dacryocystite.

Diagnostic
L'atteinte des voies lacrymales est suspectée devant toute plaie du tiers interne
de l'oeil. Le diagnostic se fait par cathétérisme des voies lacrymales.

Traitement

La réparation primaire est réalisée à l'aide d'une sonde bicanaliculaire dont les
extrémités sont laissées dans la fosse nasale et fixées à l'orifice narinaire ou
d'une prothèse monocanaliculaire. La difficulté réside dans la découverte du
fragment distal. Des soins des yeux par collyre sont prescrits. Le traitement dure
4 à 6 mois afin de limiter les sténoses secondaires. En cas d'échec une
dacryocystorhinostomie est réalisée secondairement.

Plaies avec paralysie faciale

Nerf facial (fig 8)

Il innerve tous les muscles de la face à l'exception du releveur de la paupière


supérieure qui reçoit son innervation du nerf moteur oculaire commun. Le VII
émerge dans la face par le trou stylomastoïdien pour pénétrer la glande parotide
où il se divise en ses branches principales.

Branche temporofaciale

Elle s'épanouit en rameaux temporaux, zygomatiques et buccaux supérieurs.

Classiquement, le trajet de la branche temporale du nerf facial est représenté par


une droite passant juste sous le tragus et un point situé à 1,5 cm en dehors de la
" queue " du sourcil. Hinderer et al [16] précisent que le lieu où la branche
temporale croise l'arcade zygomatique coïncide avec le milieu d'une droite
passant par la racine de l'hélix et le canthus externe. Trinei et al [36] mesurent le
croisement de l'arcade par la branche temporale du nerf facial à 24 mm en
moyenne (19 à 27 mm) du bord antérieur du conduit auditif externe. Ils
décrivent une branche accessoire située entre 18 et 30 mm du même repère. Les
rameaux temporaux se distribuent au muscle frontal. Les rameaux zygomatiques
innervent les muscles de la fente palpébrale, les rameaux buccaux supérieurs, les
muscles de la lèvre supérieure et du nez.

Branche cervicofaciale

Elle se divise devant l'angle de la mandibule et s'épanouit en rameaux buccaux


inférieurs (buccinateur, risorius, orbiculaire buccal), en un rameau marginal et un
rameau du cou (platysma). Le rameau marginal décrit une anse à concavité
supérieure, suit de façon variable le bord inférieur de la mandibule, croise le
pédicule vasculaire facial, et se distribue aux muscles de la lèvre inférieure [12].

Diagnostic

L'atteinte du VII est suspectée devant toute plaie latérofaciale (fig 9) et repose
sur l'étude de la mimique faciale. Par exemple, l'atteinte du rameau marginal se
traduit par une chute de la commissure labiale et par la perte de la continence
labiale. L'atteinte de la branche temporofaciale se manifeste par le signe de
Charles Bell : fermeture de l'oeil impossible avec globe oculaire se portant vers le
haut.
Traitement

Si la plaie siège au-delà d'une ligne verticale passant par le canthus externe, un
bon affrontement musculaire permet la récupération motrice. La réparation
directe des filets nerveux serait illusoire compte tenu de leur nombre et de leur
taille. Si la plaie concerne le tronc ou les premières branches de division, une
suture microchirurgicale épipérineurale est réalisée. L'extrémité proximale est
recherchée par voie de parotidectomie. L'extrémité distale est recherchée à l'aide
d'un neurostimulateur. La perte de substance nerveuse pose l'indication d'une
greffe nerveuse prélevée aux dépens du plexus cervical superficiel ou du nerf
saphène externe. La surveillance de la récupération est réalisée à l'aide
d'électromyogrammes répétés. Une vitaminothérapie B est prescrite. En cas
d'atteinte du rameau temporal, une tarsorraphie protège l'oeil, le temps de la
récupération. La localisation proximale de la section, la nécessité d'une greffe
nerveuse et l'âge du patient sont les facteurs qui allongent le temps de
récupération.

Plaies sur le trajet du canal de Sténon

[6]
Canal de Sténon

Le canal excréteur de la parotide se projette sur une droite passant par le tragus
et la lèvre supérieure, 15 mm sous l'arcade zygomatique (fig 10). D'abord
superficiel entre peau et masséter, il se glisse ensuite par un trajet en baïonnette
en dedans du buccinateur. Son ostium se situe en regard de la deuxième molaire
supérieure.

Diagnostic

L'atteinte du canal est suspectée devant toute plaie coupant la ligne tragus-lèvre
supérieure accompagnée d'un écoulement salivaire à travers la plaie ou de la
présence de sang à l'ostium. Le diagnostic de certitude peut se faire à l'aide d'un
test au bleu de méthylène ou au sérum bétadiné : issue par la plaie du colorant
injecté dans l'ostium. Dans les cas difficiles (plaies suturées non explorées et
examinées avec un délai de plusieurs jours) la sialographie fait le diagnostic (fig
11).

Traitement

L'extrémité distale est cathétérisée à partir de l'ostium de Sténon. La tranche de


section proximale est repérée en comprimant la glande. La suture se fait sur
cathéter à l'aide de lunettes grossissantes ou d'un microscope et de fil Nylon® 8
ou 9/0. Le cathéter est laissé en place pendant 1 mois afin d'éviter les sténoses
secondaires. Il est fixé à la muqueuse à l'aide d'un fil et mieux après
tunnellisation. Lorsque l'extrémité distale n'est pas retrouvée ou lorsque la
suture est impossible, l'alternative est de dérouter le canal en abouchant
l'extrémité proximale à la face interne de joue. Si aucune extrémité n'est
retrouvée, une fistulisation intrabuccale est réalisée à l'aide d'une lame en
silicone. Si le canal de Sténon est perméable, une subséquente fistule salivaire se
tarira spontanément en quelques semaines.

Plaies labiales

Transfixiantes
la lèvre. Elles nécessitent une suture en trois plans (muqueux, musculaire et
cutané) avec respect de la ligne cutanéomuqueuse. La profondeur du cul-de-sac
vestibulaire est respectée. Le port d'une prothèse dentaire en sera facilité (fig
12 et 13).

Plaies labiales avec perte de substance (fig 14)

Les pertes de substance inférieures au tiers de la longueur labiale sont fermées


par suture directe plan par plan. La laxité des tissus permet un bon résultat
fonctionnel et esthétique. Au-delà du tiers de la lèvre, ce type de réparation
provoquerait une microstomie. Différents types de lambeaux sont alors proposés.

Lèvre supérieure

Perte de substance entre un et deux tiers de la lèvre : lambeaux hétérolabiaux


(Abbe ou Estlander) : ils transfèrent un fragment transfixiant (peau, muqueuse,
muscle) de la lèvre opposée, vascularisé par l'artère coronaire et un pont de lèvre
rouge pour le retour veineux. Le sevrage du pédicule se fait au cours de la
troisième semaine.

Au-delà [34] : lambeaux d'avancement transfixiants de joue de Webster associé à


un lambeau d'Abbe médian pour reconstruire le philtrum, lambeaux nasogéniens
de transposition à pédicule inférieur, deux lambeaux hétérolabiaux d'Estlander et
commissuroplastie secondaire, lambeau de scalp de Dufourmentel pédiculé sur
l'artère temporale superficielle.

Lèvre inférieure

Perte de substance entre la moitié et les trois quarts de la lèvre : lambeaux


hétérolabiaux d'Abbe ou d'Estlander.

Au-delà : lambeaux de rotation péribuccaux de Karapandzic, méthode en marches


d'escalier de Johanson, lambeaux d'avancement de joue de Camille Bernard,
lambeaux nasogéniens de transposition à pédicule inférieur.

Perte de substance totale des deux lèvres

Lambeau de grand pectoral [1, 27], de grand dorsal [22], temporopariétal bilatéral,
sous-mental [9, 22], lambeau libre antébrachial [15] ou parascapulaire [5, 26].

Plaies narinaires

[13]
Nez

La peau du nez est mince et mobile dans ses deux tiers supérieurs, avec un tissu
sous-cutané épais dans le tiers supérieur et très mince dans le tiers moyen. La
peau du tiers inférieur (pointe et ailes) est épaisse, sébacée et très adhérente
aux cartilages alaires. Le nez est particulièrement vascularisé : les artères
proviennent de la faciale, de la maxillaire interne et de l'ophtalmique. Les veines
sont satellites des artères. L'anatomie de la charpente ostéocartilagineuse sur
laquelle reposent ces structures ne sera pas rappelée ici, il importe cependant de
bien la connaître.

[30]
Traitement
maintien prolongé d'un conformateur, afin de prévenir le risque de sténose (fig
15 et 16). Lorsque la plaie affecte l'orifice narinaire, un soin particulier est
apporté afin d'éviter tout décalage. Les plaies de la columelle font courir le risque
d'une rétraction secondaire avec chute de la pointe du nez. Ce risque est limité
par un parage le plus économique possible et la réalisation d'une suture
minutieuse.

Les plaies du nez avec perte de substance sont réparées en fonction de leur
importance par cicatrisation dirigée, greffe ou lambeaux locorégionaux. Chaque
localisation a ses lambeaux de prédilection mais les indications sont à discuter au
cas par cas :

dorsum : lambeau frontal médian en deux temps (fig 17) ;


glabelle : lambeau de rotation glabellaire (fig 18) ;
face latérale : lambeau nasogénien d'avancement à pédicule sous-cutané
ou lambeau d'avancement de joue ;
aile du nez : lambeau nasogénien de transposition à pédicule supérieur ou
greffe composée prélevée sur le pavillon de l'oreille ;
pointe du nez : lambeau de Rieger ou de Marchac ;
columelle : lambeau nasogénien bilatéral à pédicule sous-cutané ;
moitié verticale du nez : lambeau frontal oblique ;
totale : lambeau scalpant de Converse armé par un greffon pariétal.

Plaies de l'oreille externe

Constitution

Elle comprend le pavillon et le conduit auditif externe. Le pavillon est constitué


d'une lame cartilagineuse et d'un revêtement cutané adhérent. La face latérale
présente différents reliefs séparés par des excavations (fig 19).

Plaies cutanées simples

Elles posent peu de difficultés. Une attention particulière est apportée en ce qui
concerne l'hélix afin d'éviter une encoche inesthétique.

Plaies transfixiantes

Lorsqu'elles réalisent un lambeau pédiculé vascularisé, elles sont suturées après


décontamination, parage cutané le plus économique possible et sacrifice de 1 mm
de cartilage le long des berges afin d'éviter toute tension. La richesse vasculaire
faciale compense bien souvent l'étroitesse des pédicules. Un traitement
vasodilatateur veineux, des pansements gras quotidiens non compressifs, et une
antibiothérapie afin de limiter les risques de chondrite augmentent les chances
de succès.

Amputations du pavillon de l'oreille

Elles constituent un défi à la chirurgie réparatrice. Dans les meilleurs cas, une
réimplantation microchirurgicale est tentée. Les difficultés sont multiples : le
diamètre artériel est réduit (souvent moins de 1 mm), le pédicule est court et
nécessite souvent la réalisation d'un pontage veineux, le pédicule est souvent
strippé, entraînant des lésions intimales sur tout le trajet artériel, et pourtant la
difficulté majeure provient du drainage veineux. Les chances de succès peuvent
être augmentées par les vasodilatateurs veineux, un traitement antiagrégant
plaquettaire à faible dose, une anticoagulation, la réalisation de scarifications ou
un plan de décollement rétroauriculaire. Cette poche lui assure une nutrition par
imbibition. À défaut de revêtement cutané rétroauriculaire de qualité, un
lambeau de fascia temporal est utilisé. Trois semaines sont nécessaires à
l'autonomisation de l'oreille. La réépithélialisation se fait parallèlement. Le
résultat final est celui d'une oreille dyschromique mais dont la morphologie est
respectée. Si le pavillon ne peut être récupéré, la reconstruction fait appel à des
greffes de cartilage costal [10].

Avulsion du scalp

Mécanisme

La médecine du travail a largement contribué à diminuer leur incidence. La


plupart des cas actuels procèdent du non-respect des règles de sécurité. Le cas
typique reste celui d'une femme jeune dont les cheveux attachés en " queue de
cheval " se prennent dans une machine agricole ou une hélice de bateau. La ligne
de rupture est occipitale en postérieur, au niveau des sourcils en antérieur et au-
dessus des pavillons latéralement. Le tableau est très hémorragique (fig 20).

Traitement

Le premier geste sur place est la réalisation d'un pansement compressif. Une
transfusion sanguine est le plus souvent nécessaire. Le scalp est récupéré et
conservé sur de la glace (et non dans la glace qui risquerait de le congeler). La
réimplantation du scalp est extrêmement difficile en raison du mécanisme qui
strippe les vaisseaux. C'est néanmoins la seule possibilité qui permette à la
patiente de retrouver une chevelure naturelle.

Plaies selon leur mécanisme

Morsures

Épidémiologie

Les morsures animales représentent un réel problème de santé publique. En


France, 58 % des foyers ont un animal domestique et, chaque année, 50 000
morsures sont déclarées. Un tiers concerne la face. Les jeunes enfants sont les
plus touchés en ce qui concerne le visage [28]. les enfants passent beaucoup de
temps avec les animaux, aiment les taquiner et présentent un rapport de taille
qui expose plus leur visage. De plus, il existe des phénomènes de jalousie des
animaux par rapport à l'affection du maître et dans les situations de surprise
(enfant qui tire la queue du chien alors que ce dernier est en train de dormir, par
exemple) certaines races de chien ont du mal à identifier l'odeur du jeune enfant
comme étant d'origine humaine. Les morsures humaines représentent 10 % des
cas, les lésions sont moins importantes mais le risque infectieux est plus
important.

Contamination bactérienne

Les morsures sont de gravité variable, allant de l'érosion cutanée à l'amputation


totale du nez, des lèvres, de la joue et des paupières.

Le pronostic est naturellement lié au traumatisme direct mais aussi à la


contamination bactérienne. Les plaies par morsure sont le plus fréquemment
contaminées par Pasteurella (P) (67 %) dont la souche la plus fréquente est : P
multocida multocida, sinon P dagmatis, P canis, P multocida septica... D'autres
espèces bactériennes sont en cause tels Staphylococcus aureus (7 %) et
streptocoques pyogènes (8 %) entre autres fort nombreux.

Traitement chirurgical (fig 21)

Il doit être le plus précoce possible. L'exploration chirurgicale est réalisée au bloc
opératoire sous anesthésie générale, car bon nombre de plaies cutanées
punctiformes sont associées à des décollements et des délabrements profonds
importants. L'objectif est double : décontaminer les lésions par le parage et le
lavage, puis les réparer [8].

Le déroulement de l'intervention est le suivant :

prélèvements bactériologiques de principe ;


exploration des plaies ;
parage minutieux des lésions superficielles et profondes excisant tous les
tissus dévitalisés ou suspects ;
lavage au sérum bétadiné ;
réparation des structures nobles : lésions nerveuses, Sténon, etc.

Si le patient est pris en charge au cours des 6 premières heures, il est licite de
pratiquer une suture plan par plan avec points séparés au niveau cutané. Sinon,
une cicatrisation dirigée sous couvert de soins locaux quotidiens donne de
meilleurs résultats. Cette limite des 6 premières heures n'est pas rigide et est à
moduler en fonction des cas.

Lorsqu'il existe une perte de substance, il est préférable de réaliser la réparation


après une phase de cicatrisation dirigée.

Antibiothérapie

L'antibiothérapie antipasteurelles de référence est représentée par les


tétracyclines avec comme contre-indications : l'enfant de moins de 8 ans, la
femme enceinte et l'allaitement. La doxycycline (Vibramycine®) est prescrite à la
dose de 200 mg/j. La durée du traitement préconisée est de 10 jours. Le patient
est prévenu du risque de photosensibilisation.

En cas de contre-indication, l'alternative repose sur les bêtalactamines ou les


macrolides : parmi les bêtalactamines, l'amoxicilline peut être proposée, bien que
les résistances ne soient pas exceptionnelles. Les macrolides offrent l'avantage
d'avoir un excellent tropisme qui peut compenser une activité in vitro moindre.
Les fluoroquinolones constituent une classe de choix mais à réserver aux
infections systémiques des sujets immunodéprimés afin d'éviter la diffusion de
résistances.

Animal mordeur

Il est de principe placé sous surveillance vétérinaire. En fonction du


comportement de l'animal et du contexte dans lequel s'est produite la morsure, le
vétérinaire conseille ou non l'abattage, 10 % des animaux mordeurs sont
récidivistes et difficiles à contrôler, même après un dressage bien conduit. Cela
est à nuancer par le fait que dans 80 % des cas, le maître est responsable de
l'agressivité de l'animal.

Risque rabique

La rage humaine cliniquement déclarée étant actuellement constamment


mortelle, le traitement ne peut être que préventif. Suite à une morsure, quatre
cas de figure peuvent se présenter :
le chien est correctement vacciné : l'idéal est de pouvoir joindre au
dossier la photocopie du certificat de vaccination de l'animal mordeur ;
le chien n'est pas vacciné ou son statut vaccinal n'est pas connu : c'est
une situation qui est loin d'être rare, surtout dans les grandes villes qui
drainent beaucoup de personnes sans domicile fixe n'ayant pas les moyens de
vacciner leurs chiens. L'animal est placé sous surveillance vétérinaire, trois
certificats vétérinaires sont produits à j1, j7, et j14 :
l'animal est vivant et sain au premier examen. Le traitement
vaccinal n'est entrepris que si l'animal présente des symptômes ;
l'animal est vivant et suspect au premier examen. Le traitement
vaccinal est entrepris. Seuls les centres antirabiques sont habilités à
conduire ces vaccinations. Le schéma allégé (deux injections en deux sites
différents à j0, une à j7 et une à j21), aussi efficace, est de plus en plus
utilisé en France. Il sera interrompu si l'animal s'avère sain ;
l'animal est mort spontanément ou abattu après la morsure : la tête de
l'animal est rapidement adressée (généralement par l'intermédiaire de la
direction départementale des services vétérinaires), dans de la glace, à
l'institut Pasteur, service de la rage, où sont effectués trois types de recherche
: une étude histologique à la recherche de corps de Négri, une technique
d'immunofluorescence mettant en évidence des particules virales dans les
coupes de cerveau et l'inoculation de broyats du cerveau suspect sur des
cultures de cellules ;
l'animal n'est pas retrouvé ou son cadavre est détruit : traitement vaccinal
complet.

Traumatismes balistiques

Épidémiologie

En pratique civile, environ deux tiers sont dus à des tentatives d'autolyse, un
tiers à des agressions (actuellement en progression), moins de 5 % à des
accidents. La moyenne d'âge est de 40 ans, elle est plus jeune en ce qui concerne
les traumatismes balistiques par agression. Ce type de plaies est nettement plus
fréquent chez l'homme que chez la femme.

[11]
Cinq types de projectiles peuvent être grossièrement distingués :

groupe 1 : les munitions de chasse conventionnelles de calibre 12 ou 16 à


projectiles multiples ou uniques du type balle à ailettes (30 % environ) (fig
22) ;
groupe 2 : les munitions de calibre 22, le plus souvent 22 LR à projectile
unique en plomb, balle non chemisée (30 % environ) (fig 23) ;
groupe 3 : les armes dites d'autodéfense avec les pistolets et revolvers à
grenailles et, par assimilation, les cartouches de 9 mm à plombs et les armes
tirant des projectiles en caoutchouc (30 % environ) (fig 24) ;
groupe 4 : les armes à air comprimé tirant un projectile unique, de 4,5 mm
de diamètre le plus souvent (5 % environ) (fig 25) ;
groupe 5 : groupe hétérogène comprenant différentes munitions à
projectile unique, chemisé ou non, tirées par une arme de poing ou d'épaule,
généralement à canon rayé (5 % environ).

Les groupes 1 et 2 sont plus impliqués au cours des autolyses ; le groupe 3 et 5,


au cours d'agressions ; le groupe 4, au cours d'accidents. Le groupe 1 est le plus
délétère, que ce soit en termes d'extension des lésions, de durée
d'hospitalisation, du nombre d'interventions nécessaires à la reconstruction, et
de séquelles.

Clinique

La diversité des lésions liées aux armes à feu est extrême et donc difficile à
systématiser. Trois variétés peuvent néanmoins être distinguées :

les lésions minimes : le patient présente des lésions cutanées


tangentielles ou perforantes, telles une perforation de la joue ou du plancher
buccal sans lésion osseuse. Le pronostic fonctionnel et esthétique est bon ;
les lésions de gravité moyenne : les plaies cutanées et muqueuses sont
plus importantes mais sans perte de substance. Les fractures osseuses
traitées par ostéosynthèses ne nécessitent pas d'apport osseux ;
les lésions majeures : elles réalisent des pertes de substance ostéo-
musculo-cutanées. Un apport tissulaire devient indispensable. Le traitement
justifiera plusieurs interventions avant d'aboutir à un résultat esthétique et
fonctionnel.

[35]
Traitement

La liberté des voies aériennes est vérifiée. Une intubation ou une trachéotomie
peut être nécessaire en urgence. L'hémorragie et l'état de choc éventuels sont
contrôlés. L'intervention sous anesthésie générale réalise le parage et l'exérèse
des corps étrangers (fig 26, 27, 28 et 29). En cas de perte de substance
mandibulaire, un fixateur externe est posé (fig 30 et 31). Le compte rendu
opératoire et le certificat médical initial décrivent les lésions, les points d'impact,
le trajet des projectiles, les éventuelles traces de poudre (tir à bout portant),
traces de brûlure (tir à bout touchant)... Les projectiles extraits sont conservés à
disposition des autorités. Le suivi psychiatrique fait partie intégrante du
traitement.

La reconstruction secondaire peut être réalisée par une greffe osseuse (perte
osseuse inférieure à 5 cm avec tissus receveurs sains) ou un transplant libre
ostéo-musculo-cutané (péroné, crête, scapulaire...) (fig 32). Une technique
récente et pleine de promesses repose sur la distraction ostéogénique [18] ; elle
réalise un apport local en os et en parties molles sensibles sans rançon
cicatricielle supplémentaire. La prise en charge psychiatrique fait partie
intégrante du traitement.

Brûlures

Mécanisme

Trois étiologies sont distinguées :

les brûlures thermiques : flammes, projections de liquides bouillants ou


inflammables (fig 33), explosions, radiations (solaires, atomiques) ;
les brûlures électriques ;
les brûlures chimiques : acide, soude.

Traitement

Sur place, le premier geste consiste à réfrigérer immédiatement les lésions par
irrigation à l'eau froide de façon à limiter leur importance. En cas d'atteinte de
l'oeil, celui-ci doit être lavé abondamment. La face représente 5 % de la surface
corporelle augmentée à 8 % s'il existe une brûlure de l'orifice buccal. Si la
surface corporelle brûlée est supérieure à 10 % ou si la muqueuse des voies
aériennes supérieures est atteinte, le patient est dirigé en centre de réanimation
spécialisé. Les brûlures superficielles sont traitées par des soins locaux à l'aide
d'antiseptiques et de pansements gras. Les brûlures du deuxième et du troisième
degré sont traitées suivant les équipes par excisiongreffe précoce ou par
détersion enzymatique progressive puis greffe de peau semi-épaisse. Lorsque la
brûlure atteint les paupières, la protection du globe est assurée suivant la
gravité, par des collyres protecteurs, une tarsorraphie, voire une blépharorraphie
temporaire.

La pressothérapie, la corticothérapie locale, la mécanothérapie et les douches


filiformes en cures thermales permettent d'améliorer considérablement les
cicatrices.
Séquelles

Les séquelles de brûlures profondes sont dans leur grande majorité cutanées.
Leur correction est essentiellement un problème de remplacement de la peau
cicatricielle par une peau de bonne qualité. L'expansion cutanée a révolutionné la
prise en charge de ces séquelles (fig 34). Elle permet de réaliser des autoplasties
ambitieuses, des lambeaux locaux préexpansés ou d'importants sites donneurs
pour la réalisation de greffes de peau totale.

Les séquelles fonctionnelles sont principalement liées à :

la microstomie, les commissuroplasties uni- ou bilatérales ainsi qu'une


mécanothérapie permettent de les corriger ;
les rétractions palpébrales : la reconstruction palpébrale se fait par greffe
de peau semi-épaisse ou lambeau hétéropalpébral lorsque c'est possible [17] ;
les brides rétractiles, en particulier cervicales, pour lesquelles des plasties
en Z peuvent être proposées.

La reconstruction des sourcils peut se faire par greffes de cheveux orientés


associées éventuellement aux techniques de tatouage.

Traumatisme par pare-brise

Lors de l'impact, les fragments de pare-brise criblent la face de plaies de petite


taille. En fonction de leur cinétique, les fragments pénètrent dans le tissu sous-
cutané, les muscles, ou s'impactent dans l'os. Ils peuvent se situer à plusieurs
centimètres du point d'entrée. La présence de plomb dans la composition du
verre le rend radio-opaque. Les radiographies de face et de profil permettent de
compter et localiser grossièrement les fragments. Lors de l'intervention, une
pince est introduite par les points d'entrée, le crissement produit par le contact
du verre finit de localiser le fragment. Les plaies sont ensuite lavées au sérum
bétadiné, parées et suturées. Lorsque les fragments ne sont pas retirés,
l'évolution se fait par poussées inflammatoires et les fragments finissent par
s'expulser spontanément au fur et à mesure des mois et des années.

Plaies par abrasion

Mécanisme

Elles sont provoquées par un mouvement de glissade sur le sol. À l'effet abrasif
se surajoute un effet thermique qui provoque une brûlure (fig 35).

Traitement

Un brossage de la plaie est pratiqué sous anesthésie générale de façon à éliminer


toutes les particules susceptibles de provoquer un tatouage. En cas de perte de
substance, une extension continue sur élastiques peut permettre de la réduire
(fig 36). Une cicatrisation dirigée est entreprise en parallèle. En fonction des
conditions locales, elle alterne des pansements antiseptiques (Tulle gras
bétadiné®), des pansements gras et des corticoïdes (Corticotulle®).

Plaies infectées
était l'un des plus savoureux aphorismes de Raymond Vilain. L'infection d'une
plaie faciale est rare, elle procède d'un déséquilibre dans cet écosystème au
profit de germes pathogènes. Les infections à pyocyaniques sont fréquentes. Il
s'agit le plus souvent de plaies négligées. Le traitement consiste à recréer, par
une détersion mécanique et une désinfection, les conditions idéales d'une
cicatrisation dirigée. Une antibiothérapie est associée.

Haut de page

ÉVOLUTION DES PLAIES TRAITÉES

Les fils sont retirés vers le cinquième jour. L'application de vaseline permet
d'éliminer les croûtes résiduelles. À ce stade et en l'absence de phénomènes
infectieux, la cicatrice est fine. Puis commence une réaction inflammatoire qui
augmente jusque vers la fin du deuxième mois. Elle rétrocède ensuite
progressivement pendant 6 mois. La chéloïde correspond à une cicatrisation
pathologique (fig 37).

Genèse du lymphoedème sus-cicatriciel : dans les suites immédiates de la suture,


le bourgeon charnu qui s'interpose entre les deux faces de la plaie assure le
drainage lymphatique ; son remplacement par du tissu cicatriciel interrompt les
voies lymphatiques (fig 38). La disparition du lymphoedème sus-cicatriciel se fait
lentement avec la création de voies de dérivation.

Le résultant définitif d'une cicatrice ne peut être apprécié qu'à 1 an. Sauf
indication contraire (ablation de corps étrangers, cicatrice périorificielle
rétractile, atteinte d'une structure noble non réparée lors de la suture), il est
préférable de ne pas reprendre la cicatrice avant ce terme. Dans l'intervalle,
plusieurs techniques peuvent permettre d'améliorer les cicatrices :

la protection solaire est toujours recommandée : chapeau, lunettes, écran


total... ;
la corticothérapie locale sous forme de crème ou d'injection en cas
d'évolution sur un mode hypertrophique : elle peut être commencée à partir
de 3 semaines de cicatrisation sous surveillance médicale ;
la kinéplastie : elle consiste à pratiquer un massage-pétrissage quotidien
des cicatrices. La kinéplastie est commencée à la fin du premier mois de
cicatrisation ;
la pressothérapie : elle trouve ses meilleures indications chez les patients
brûlés ou à risque de cicatrices hypertrophiques. La compression est réalisée
pendant le plus grand nombre d'heures, sur la journée et la nuit, pendant
plusieurs mois. Elle est réalisée à l'aide de vêtements compressifs
spécialement adaptés. Leur facture épouse de manière uniforme l'anatomie de
la région traitée. Les coutures sont externes. Dans chaque cas un compromis
est à trouver entre le confort (dont le corollaire est l'observance du
traitement) et la pression exercée ;
les moyens physiques : l'électrothérapie, les ultrasons et l'hydrothérapie.
Ces techniques sont réalisées par un kinésithérapeute sous formes de séances
discontinues ou de manière intensive en cure thermale. À l'amélioration réelle
des cicatrices se rajoute un bénéfice psychologique encore plus flagrant.

Haut de page

ASPECT MÉDICO-LÉGAL

L'évaluation du dommage corporel d'un traumatisé relève de l'expertise et


comporte :
un aspect médical par son objet, le corps humain ;
un aspect juridique par le régime d'indemnisation et son évaluation
économique.

Parmi les pièces du dossier médical nécessaires à l'expertise médicale, le


certificat médical initial (CMI) est l'élément capital. Pouvant rapporter les
circonstances du traumatisme (agressions, accidents sur la voie publique [AVP],
sport,...), le CMI décrit le plus précisément possible les lésions. Ce certificat reste
unique et est remis au patient en main propre (daté et signé). Les clichés
photographiques sont d'un grand apport pour juger de l'état initial d'un blessé.
L'évaluation des préjudices (incapacité permanente partielle, pretium doloris,
préjudice esthétique) est assurée par un expert désigné par l'autorité judiciaire
compétente. Sa mission s'articule autour de deux pôles : la preuve de la réalité
du dommage corporel et l'imputabilité de celui-ci à l'accident. À partir de ces
éléments, le magistrat en charge du dossier décidera l'indemnisation de la
victime.

Haut de page

PRÉVENTION

Elle s'exprime essentiellement à travers la lutte contre les accidents du travail et


les traumatismes sportifs [24]. En fonction des activités, elle passe par des
protections extraorales ou intraorales adaptées, l'amélioration des postes de
travail ou des installations sportives [7], la lutte contre l'alcoolisme et le dopage
et surtout la formation du travailleur ou du sportif.

Protections extraorales

Casques, masques, écrans : ils peuvent être au maximum intégraux et protègent


alors le crâne et la face. Ils ne doivent pas trop diminuer le champ visuel et
l'audition et doivent permettre une bonne élimination de la transpiration. Le
poids ne doit pas rendre le port pénible.

Lunettes : d'importantes innovations ont permis de limiter les bris de verre,


d'améliorer le confort, le désembuage et la protection aux ultraviolets.

Protections intraorales

Les protections dentomaxillaires sont un bon moyen de prévention chez les


pratiquants de sports de combat, à condition de répondre aux critères définis par
Sametsky :

isoler les lèvres des dents ;


protéger les dents maxillaires contre les chocs directs ;
amortir les contacts occlusaux ;
solidariser les deux arcades ;
permettre la respiration buccale même mâchoires serrées ;
ne pas entraver la phonation et la déglutition.

Le meilleur modèle est celui mis au point par Sametsky [2]. Il répond à tous ces
critères. Il est réalisé à partir d'empreintes des arcades dentaires et d'une
occlusion contrôlée. La prise d'occlusion se fait avec une béance de 1 mm afin de
permettre la respiration buccale d'effort.

Pour les porteurs d'appareils orthodontiques [19], des protège-muqueuses


peuvent être confectionnés afin d'éviter les lésions des muqueuses jugales et
labiales ainsi que le décollement des attaches de l'appareil. Sur les appareils de
traction extraorale, des dispositifs de sécurité sont maintenant imposés afin
d'éviter les plaies accidentelles oculaires.

Références

[1] Ariyan S The pectoralis major myocutaneous flap : a versatile flap for reconstruction in head
and neck. Plast Reconstr Surg 1979 ; 63 : 73-81
[2] Barrault D, Brondani JC, Rousseau D. Médecine du Judo. Paris : Masson, 1991 : 102-108
[3] Baud JA. Harmonie du visage : étude scientifique de la beauté appliquée en chirurgie
esthétique. Paris : Maloine, 1978 : 25-28
[4] Bellavoir A. Anatomie des lèvres : configuration extérieure et dispositif musculaire. In :
Levignac J ed. Chirurgie des lèvres. Paris : Masson, 1990 : 3-11
[5] Berish S, Han-Liang Y. Head and Neck. In : Berish S, Han-Liang Y eds. Atlas of microvascular
surgery. New York : Thieme Medical, 1993 : 526-537
[6] Bouchet A, Cuilleret J. Anatomie topographique descriptive et fonctionnelle. Tome 1. Paris :
Simep, 1991 : 460-461
[7] Cantu RC Head and spine injuries in youth sports. Clin Sports Med 1995 ; 14 : 517-532
[8] Donkor P, Bankas DO A study of primary closure of human bite injuries to the face. J Oral
Maxillofac Surg 1997 ; 55 : 479-482
[9] Faltaous A, Yetman R The submental artery flap : an anatomic study. Plast Reconstr
Surg 1996 ; 97 : 56-60
[10] Firmin F Reconstruction secondaire de l'oreille externe détruite par brûlure : indications et
techniques. À propos de 30 cas. Ann Chir Plast Esthet 1995 ; 40 : 252-263
[11] Fleuridas G, Meningaud JP, Bertrand JCH, Guilbert F. Données récentes sur les traumatismes
de la face par armes à feu en pratique civile (à travers une série rétrospective de 50 cas). In
: Souyris F, Atlan G. XXXVe Congrès français de stomatologie et chirurgie maxillofaciale
(Montpellier 1997). Montpellier : édition du congrès, 1997 : 73
[12] Fontaine C. Le nerf facial. In : Chevrel JP, Fontaine C eds. Tête et cou, anatomie clinique.
Paris : Springer Verlag, 1996 : 65-74
[13] Fontaine C, Deplus S, Gillot C. Vascularisation des plans superficiels de la tête et du cou. In :
Chevrel JP, Fontaine C eds. Tête et cou, anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 :
75-85
[14] Fontaine C, Laude M. Le système musculoaponévrotique superficiel de la face et du cou. In :
Chevrel JP, Fontaine C eds. Tête et cou, anatomie clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 :
57-63
[15] Freedman AM, Hidalgo DA Full-thickness cheek and lip reconstruction with the radial forearm
free flap. Ann Plast Surg 1990 ; 25 : 287-294
[16] Hinderer UT, Urriolagoitia F, Vildósola R The blepharoperiorbitoplasty : anatomical basis. Ann
Plast Surg 1987 ; 18 : 437-453
[17] Köhnlein HE Limitations of rehabilitation possibilities in lye burns of the face. Zentralbl
Chir 1990 ; 115 : 1363-1367
[18] Labbe D, Badie Modiri B, Kaluzinski E, Compère JF Reconstruction mandibulaire par
distraction osseuse progressive chez les traumatisés par arme de chasse : à propos de cinq
cas. Ann Chir Plast 1998 ; 43 : 141-148
[19] Lamendin H. Odontologie et stomatologie du sportif. Paris : Masson, 1983
[20] Larsen WJ. Embryologie humaine. Bruxelles : De Boeck, 1996 : 311-341
[21] Levinas E. Éthique et infini. Paris : BBE, 1984
[22] Martin D, Pascal JF, Baudet J The submental island flap : a new donor site. Anatomy and
clinical applications as a free or pedicled flap. Plast Reconstr Surg 1993 ; 35 : 872-878
[23] Masquelet AC, Romana MC, Gilbert A. Les lambeaux musculaires et cutanés. Paris : Springer
Verlag, 1993 : 74-84
[24] McGregor JC Soft tissue facial injuries in sport (excluding eye). J R Coll Surg Edinb 1994
; 39 : 76-82
[25] Mitz V, Peironie M The superficial musculo-aponevrotic system. Plast Reconstr Surg 1976
; 58 : 80-88
[26] Nassif TM, Vidal L, Bovet JL, Baudet J The parascapular flap : a new cutaneous microsugical
free flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 69 : 591-596
[27] Ohana J. Les lambeaux musculocutanés de grand pectoral. [thèse]. Paris : faculté de
médecine de Paris, 1981 : 1-200
[28] Pinsolle J, Phan E, Coustal B, Manciet P, Courtois I Morsure de chien de la face : à propos de
200 cas. Ann Chir Plast Esthet 1993 ; 38 : 452-456
[29] Pribaz JJ, Crespo LD, Orgill DP, Pousti TJ, Barlett RA Ear replantation without
microsurgery. Plast Reconstr Surg 1997 ; 99 : 1868-1872
[30] Revol M, Servant JM. Manuel de chirurgie plastique reconstructrice et réparatrice. Paris :
Pradel, 1993 : 380-403
[31] Ricbourg B. Vascularisation des lèvres. In : Levignac J ed. Chirurgie des lèvres. Paris :
Masson, 1990 : 19-26
[32] Rouvière H, Delmas A. Anatomie Humaine, tête et cou (12e éd). Paris : Masson, 1985 : 375-
381
[33] Salmon M. Artères de la peau. Paris : Masson, 1936
[34] Servant JM. Vastes pertes de substance des lèvres. In : Levignac J ed. Chirurgie des lèvres.
Paris : Masson, 1990 : 193-199
[35] Thorne CH Gunshot wounds to the face. Current concepts. Clin Plast Surg 1992 ; 19 : 233-
244
[36] Trinei FA, Januszkiewicz J, Nahai F The sentinel vein : an important reference point for
surgery in the temporal region. Plast Reconstr Surg 1998 ; 101 : 27-31

© 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 :

Plaie du voile du palais.

Fig 2 :
Fig 2 :

Sensibilité de la face. 1. Nerf ophtalmique ; 2. nerf maxillaire ; 3. nerf mandibulaire.

Fig 3 :
Fig 3 :

Séquelle de plaie cutanéomuqueuse incorrectement traitée.

Fig 4 :
Fig 4 :

Drainage d'un hématome orbitaire provoqué par une plaie par arme blanche.

Fig 5 :

Fig 5 :
Tomodensitométrie montrant l'hématome orbitaire le long de la paroi externe de l'orbite.

Fig 6 :

Fig 6 :

Imagerie par résonance magnétique du même patient.

Fig 7 :
Fig 7 :

Plaies palpébrales complexes.

Fig 8 :

Fig 8 :
Rameaux du nerf facial.

Fig 9 :

Fig 9 :

Plaie dans la région du nerf facial.

Fig 10 :
Fig 10 :

Canal de Sténon. Projection sur les parties molles.

Fig 11 :

Fig 11 :

Sialographie chez un patient ayant consulté tardivement pour une plaie dans la région du canal
de Sténon.
Fig 12 :

Fig 12 :

Plaies transfixiantes des lèvres par verre.

Fig 13 :

Fig 13 :

Même patient après réparation.

Fig 14 :
Fig 14 :

Perte de substance de la lèvre supérieure négligée qui aurait dû bénéficier d'un lambeau
locorégional.

Fig 15 :

Fig 15 :

Plaie du nez transfixiante par verre, traitée par une suture plan par plan.

Fig 16 :

Fig 16 :
Résultat à 15 jours de face et de profil : contrairement aux apparences, il n'y a pas de perte de
substance.

Fig 17 :

Fig 17 :

Lambeau frontal afin de reconstruire une perte de substance du dorsum nasal.

Fig 18 :
Fig 18 :

Lambeau de rotation glabellaire.

Fig 19 :
Fig 19 :

Auricule gauche. 1. Fosse triangulaire ; 2. racine de l'hélix ; 3. pore acoustique externe ; 4.


tragus ; 5. incisure intrargique ; 6. hélix ; 7. anthélix ; 8. conque de l'auricule ; 9. antitragus ;
10. lobule de l'auricule.

Fig 20 :
Fig 20 :

Scalp : vascularisation et ligne de rupture. 1. Branche pariétale de l'artère superficielle


temporale ; 2. artère temporale superficielle ; 3. artère auriculaire postérieure ; 4. artère
occipitale ; 5. artère carotide externe ; 6. artère supratrochléaire ; 7. artère supraorbitaire ; 8.
branche frontale de l'artère temporale superficielle ; 9. artère temporale profonde ; 10. artère
maxillaire externe ; en bleu : ligne de rupture.

Fig 21 :

Fig 21 :

Morsure de chien chez une enfant de 6 ans.

Fig 22 :
Fig 22 :

Munitions : groupe 1.

Fig 23 :

Fig 23 :

Munitions : groupe 2.
Fig 24 :

Fig 24 :

Munitions : groupe 3.

Fig 25 :

Fig 25 :

Plaie de l'orbite par carabine à air comprimé ayant justifié une décompression du nerf optique
par voie canthale interne.

Fig 26 :
Fig 26 :

Plaie par arme à feu à bout portant (traces de poudre).

Fig 27 :

Fig 27 :

Radiographie panoramique du patient précédent.

Fig 28 :
Fig 28 :

Brossage sous anesthésie générale.

Fig 29 :

Fig 29 :

Corps étrangers retirés. Notez la bourre (radiotransparente).

Fig 30 :
Fig 30 :

Traumatisme par arme à feu : fixateur externe.

Fig 31 :

Fig 31 :

Radiographie panoramique du même patient.

Fig 32 :
Fig 32 :

Lambeau de péroné. La flèche indique les anastomoses microchirurgicales.

Fig 33 :
Fig 33 :

Brûlure après projection de liquide inflammable.

Fig 34 :

Fig 34 :
Séquelle de brûlure cervicale : expansion cutanée.

Fig 35 :

Fig 35 :

Plaie par abrasion.

Fig 36 :

Fig 36 :

Extension cutanée.

Fig 37 :
Fig 37 :

Cicatrice chéloïde rétroauriculaire.

Fig 38 :

Fig 38 :
Lymphatiques de la face (d'après Küttner). 1. Ganglion parotidien ; 2. ganglion de la chaîne
jugulaire externe ; 3. ganglion de la chaîne jugulaire interne ; 4. ganglion facial ; 5. ganglion
sous-maxillaire.

You might also like