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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-074-A-10

22-074-A-10

Séquelles des traumatismes de la face


G Payement
AR Paranque
JB Seigneuric
Résumé. – Les séquelles des traumatismes de la face sont multiformes, tant sur le plan fonctionnel,
morphologique que psychologique. Elles intéressent tous les spécialistes de l’extrémité céphalique en raison
du polymorphisme de leurs expressions, des moyens thérapeutiques à mettre en œuvre pour les traiter, sans
oublier leurs incidences médicolégales.
Les traumatismes des maxillaires sont à l’origine de lésions osseuses dont l’expression clinique se situe
fréquemment au niveau de la denture, elle-même souvent atteinte par des lésions directes (luxations,
fractures) ou indirectes (dévitalisations). Dans ce cadre, les atteintes de l’articulation temporomandibulaire
représentent une entité particulière, en raison des conséquences fonctionnelles sur la mastication, mais aussi
chez l’enfant par leurs retentissements sur la croissance.
Les séquelles des traumatismes des tiers moyen et supérieur de la face sont par nature le lieu de convergence
des spécialistes de l’extrémité céphalique. Il en est ainsi des fractures de la pyramide nasale simple ou
complexe avec extension vers l’étage antérieur de la base du crâne, de la région orbitaire et des confins
craniofaciaux qui nécessitent le plus souvent une prise en charge multidisciplinaire tant au stade du
traitement primaire, pour en améliorer le pronostic initial, qu’au stade des séquelles.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : traumatismes face, séquelles osseuses, séquelles fonctionnelles, séquelles morphologiques,


séquelles psychologiques, chirurgie réparatrice.

Introduction logiste, neurochirurgien), que sur le plan thérapeutique, où une


stratégie de réhabilitation bien définie permet d’offrir au patient les
meilleures chances de récupération. Enfin, les conséquences
Nous entendons par séquelles l’ensemble des suites pathologiques médicolégales sont au total sur le devant de la scène dans le cadre
tardives consécutives à des lésions fixées qui résultent des de la réparation juridique du dommage corporel en raison des
traumatismes maxillofaciaux au sens large. Ces séquelles peuvent incidences sociales qu’elles génèrent. Nous exclurons cependant de
être fonctionnelles, c’est-à-dire se rapportant à l’une des trois notre étude les séquelles cicatricielles, conséquences d’une atteinte
grandes fonctions motrice, sensitive ou sensorielle de la face, mais superficielle des téguments faciaux, dans la mesure où elles
aussi morphologiques par atteinte osseuse ou tégumentaire, enfin n’incluent pas de lésions vasculonerveuses ou canalaires.
psychologiques par l’effet du traumatisme lui-même ou des
désordres qu’il induit.
L’intérêt de leur étude est basé sur des arguments de fréquence en Rappels
raison de l’augmentation de la violence des traumatismes dans le
cadre des accidents de la voie publique et de l’amélioration des Quelques rappels anatomiques, étiologiques et anatomo-
moyens de réanimation et de ramassage de ces blessés, même si les pathologiques peuvent servir de base à une classification de ces
séquelles sont en diminution grâce à une meilleure prise en charge séquelles.
au stade du traitement primaire. Le pronostic est souvent
défavorable dans le cadre des séquelles sensorielles ou motrices
ANATOMIQUES
d’origine neurologique, mais plus favorable sur le plan des séquelles
fonctionnelles ou morphologiques, grâce aux progrès de la chirurgie Le squelette craniofacial est composé de 16 pièces osseuses allant du
réparatrice et orthomorphique. La prise en charge doit être sphénoïde au maxillaire, auquel nous ajoutons la voûte crânienne
multidisciplinaire le plus souvent, tant sur le plan de l’évaluation qui coiffe cet ensemble et la mandibule qui en constitue l’étage
des déficits, faisant appel selon les cas aux différentes spécialités de inférieur. Il s’agit d’un ensemble cohérent, pneumatisé par des
l’extrémité céphalique (oto-rhino-laryngologiste [ORL], ophtalmo- cavités, abritant les antennes périphériques de tous les systèmes
sensoriels nécessaires à la vie de relation et l’origine des voies
aérodigestives supérieures.
Armand Régis Paranque : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, service de chirurgie plastique, chirurgie
La face répond à la partie antérieure de l’extrémité céphalique
maxillofaciale et stomatologie, HIA Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. comprise entre le « couvre-chef et la cravate » (Ginestet). « Passeport
Guy Payement : Professeur agrégé du Val-de-Grâce. social » de l’individu, elle est drapée par des téguments variables en
Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des Hôpitaux des Armées.
Service de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, HIA Percy, 101, avenue Henri- épaisseur, texture, modelé, pilosité, mise en tension selon des lignes
Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. décrites par Langer, animée par les muscles peauciers sous la

Toute référence à cet article doit porter la mention : Payement G, Paranque AR et Seigneuric JB. Séquelles des traumatismes de la face. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Stomatologie, 22-074-A-10, 2001, 18 p.
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

dépendance des branches terminales du nerf facial. Les téguments complication classique des fractures de la région symphysaire de la
de la face déterminent ainsi diverses régions, résumées dans les mandibule, en particulier lorsqu’elles intéressent les apophyses géni.
unités esthétiques de Gonzales-Ulloa, précisées par Burgett au Il peut évoluer vers un véritable torus mandibulaire, ou plus
niveau des régions nasales et labiales qui sont un guide rarement sous la forme d’un ostéome du plancher buccal antérieur.
incontournable pour le chirurgien réparateur. Enfin, dans l’épaisseur Le port d’une prothèse adjointe peut alors devenir impossible en
de ces téguments, cheminent des éléments vasculonerveux, des l’absence d’ostéoplastie modelante. Il est rarement responsable d’un
conduits salivaires et les voies lacrymales. trouble morphologique, sauf lorsque le processus affecte les contours
basilaires de la mandibule, conséquence le plus souvent d’une
ÉTIOLOGIQUES réduction imparfaite d’un troisième fragment à ce niveau. La
Les étiologies sont connues et classiques. Les accidents de la voie résorption spontanée étant la règle, un geste chirurgical ne sera
publique en sont les plus grands pourvoyeurs en temps de paix éventuellement réalisé qu’après plusieurs mois d’évolution.
malgré les mesures de prévention actives et passives, plus rarement
les rixes, les accidents sportifs par l’avènement des sports de combat
CALS VICIEUX DES MAXILLAIRES
et des sports à haute vélocité, les accidents de travail ou
domestiques. Les tentatives d’autolyse par armes à feu font le lien Les cals vicieux se définissent comme la consolidation en
avec la pathologie des temps de conflits armés où les traumatismes malposition d’un foyer de fracture.
balistiques représentent un phénomène épidémique, alors que les
écrasements sont communs avec la médecine de catastrophe. ¶ Physiopathologie
Relativement rares, les circonstances de survenue sont assez
ANATOMOPATHOLOGIQUES
stéréotypées. Il s’agit d’un retard à la mise en œuvre du traitement
Ces rappels expliquent les lésions anatomopathologiques maxillofacial du fait d’un coma prolongé ou d’un polytraumatisme,
rencontrées. de la méconnaissance d’une malocclusion préexistante corrigée de
Lésions osseuses à type de désunion, fracture franche ou dislocation manière abusive, d’une fracture négligée – en particulier de la région
avec déplacement, comminution, voire disparition des segments condylienne –, d’un défaut de réduction dans les suites d’une
osseux. Ces deux dernières, représentant des circonstances ostéosynthèse rigide (fig 1). Ces dernières imposent en effet une
aggravantes à l’origine d’un taux de séquelles plus important, sont réduction parfaite obtenue par l’usage simultané d’un blocage
à la base de toutes tentatives de catégorisation des lésions maxillomandibulaire peropératoire, parfois oublié ou négligé,
traumatiques. prolongé si besoin de quelques jours, mais aussi d’un contrôle de
Les lésions des parties molles vont de la simple plaie au vaste l’occlusion peropératoire après ostéosynthèse et déblocage. Ceci
délabrement avec ou sans perte de substance, qui conditionne par souligne l’intérêt, malgré son caractère archaïque, du fil d’acier
ailleurs la réparation osseuse et sa couverture. lorsque la réduction n’est pas optimale, laissant de plus grandes
Enfin des lésions des organes nobles peuvent être décrites : les atteintes possibilités d’adaptation pendant la période de blocage
du globe oculaire, à type de contusion ouverte ou fermée, les nerfs postopératoire.
par atteinte anatomique ou sidération physiologique et les lésions A contrario, le cal vicieux peut être le fruit d’un défaut de
canalaires par section ou compression. contention, en particulier lors d’une ostéosynthèse au fil d’acier, qui
Nous étudierons successivement les séquelles à composante impose toujours un blocage maxillomandibulaire concomitant
occlusale au cours des traumatismes des maxillaires, les fractures régulièrement contrôlé et resserré pendant la période de
centrofaciales – en particulier les atteintes de la pyramide nasale –, consolidation. Citons aussi la reprise trop précoce d’une
les fractures latérofaciales avec atteinte de l’orbite, enfin les fractures alimentation inadaptée ou la mobilisation d’une fracture
craniofaciales. condylienne mal engrenée. Enfin, il peut être la conséquence d’une
luxation méniscale méconnue ou d’une malposition du condyle
Traumatismes de la mandibule mandibulaire, rejoignant ainsi l’un des écueils classiques de la
chirurgie orthognathique mandibulaire. L’anomalie se traduit alors
et des maxillaires classiquement par l’apparition d’une déviation de l’arcade au
déblocage.
ÉDENTEMENTS
Les traumatismes des maxillaires peuvent entraîner des édentements ¶ Formes cliniques
soit par atteinte directe des organes dentaires à type de luxations ou
de fractures, soit indirectement par lésions de l’os alvéolaire ou Les expressions du cal vicieux peuvent être occlusales et/ou
dévitalisation, source potentielle de complications infectieuses morphologiques. Les troubles occlusaux mineurs vont de la simple
imposant parfois une avulsion secondaire. Chez l’adulte, selon les interférence cuspidienne précisée au papier à articulé, aux troubles
lésions, les édentations post-traumatiques peuvent bénéficier de majeurs associant contacts prématurés, béance étendue et
l’ensemble des procédés de restauration : prothèse conjointe, latérodéviation. Les troubles morphologiques se présentent sous la
adjointe ou implantoportée en sachant que cette dernière peut être forme d’une asymétrie faciale, dès lors qu’ils déforment ou dévient
rendue difficile par les remaniements ou les pertes osseuses l’arcade ou qu’ils touchent les contours osseux. Très
contemporaines du traumatisme et/ou aggravées par l’édentement. schématiquement comme pour les fractures de la mandibule,
Chez l’enfant, il est possible d’observer des troubles de la croissance l’arcade dentaire est déformée lorsque le cal l’interrompt et il se
ou des dysharmonies dentoalvéolaires par lésions des germes traduit par une malposition globale lorsqu’il se situe en position
dentaires impliquées dans les traits de fractures. De même, l’emploi rétrodentée à la mandibule ou lorsqu’il complique une fracture type
inapproprié des procédés d’ostéosynthèse est susceptible de troubler Le Fort au maxillaire.
l’évolution des dents définitives. Les pertes dentaires posent des À la mandibule, différentes formes cliniques sont susceptibles d’être
problèmes particuliers en raison de la difficulté d’une réhabilitation rencontrées. Un raccourcissement du ramus mandibulaire est source
prothétique en denture lactéale. Il convient cependant de prévenir de contact molaire prématuré avec latérodéviation homolatérale du
les déplacements dentaires par l’emploi de mainteneurs d’espace point interincisif inférieur médian et béance controlatérale. En
afin de permettre une évolution normale de la denture définitive. fonction des séries, il existe entre 1,4 [1] et 13 % [41] de malocclusions
après traitement fonctionnel d’une fracture du condyle
CAL HYPERTROPHIQUE mandibulaire, ce qui justifie pour certains les évolutions récentes
Il s’agit d’une consolidation osseuse évoluant sur un mode concernant le traitement chirurgical par ostéosynthèse des condyles
exophytique. Il n’existe, par définition, aucun retentissement mandibulaires. Le cal vicieux peut aussi toucher, de façon
occlusal, ce qui le distingue du cal vicieux. Il apparaît comme une symétrique ou non, les deux régions condyliennes (fig 2), entraînant

2
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

*
A

*
D

*
B *
E
1 Séquelles d’une fracture de la branche horizontale droite
prise en charge de manière inadaptée.
A. Ostéosynthèse rigide avec défaut de réduction.
B. Téléradiographie de profil objectivant la classe III sque-
lettique.
C. Bout à bout incisif.
D. Montage des modèles d’étude sur articulateur.
E. Panoramique dentaire après OSBM (ostéotomie sagit-
tale bilatérale mandibulaire) de recul mandibulaire indi-
qué sur l’étude des modèles, de l’analyse céphalométrique,
mais aussi des données cliniques (V3 droit conservé).
F. Occlusion postopératoire avant traitement de l’édente-
ment prémolaire inférieur droit.
*
C *
F

un contact molaire prématuré bilatéral, un recul global de l’arcade des fractures comminutives des piliers maxillaires et des condyles
mandibulaire et une béance antérieure. Au niveau de la région mandibulaires, à l’origine d’une perte complète des références
symphysaire, une réduction de la corticale externe en compression anatomiques. L’usage non raisonné des suspensions maxillaires
peut créer une béance corticale interne. Elle a pour conséquence la consacre et aggrave alors la perte de dimension verticale et parfois
formation d’un cal vicieux à l’origine d’une valgisation des régions le recul du plateau maxillopalatin. Au-delà de cette approche
goniaques, avec vestibuloclusie molaire inférieure. Cette situation clinique schématique, il convient de souligner que les cals vicieux
est particulièrement rencontrée dans les fractures trifocales de la sont le plus souvent à l’origine de troubles occlusaux asymétriques
mandibule, ce qui justifie pour l’équipe nantaise la mise en place et atypiques, en particulier dans le cadre de séquelles de fractures
d’un rappel transversal au niveau des régions goniaques [12]. multifocales qui représentent par exemple 53,4 % [31] des fractures
Au maxillaire, une fracture de type Le Fort mal réduite est source mandibulaires selon une étude menée à l’hôpital de la
d’un contact molaire prématuré avec béance antérieure et classe III Pitié-Salpêtrière.
squelettique par rétromaxillie positionnelle, avec ou sans
latérodéviation du point interincisif supérieur. Cette anomalie est ¶ Bilan paraclinique
fréquemment à l’origine d’un excès vertical du tiers inférieur de la
face. Au maximum, on aboutit à une déformation faciale globale Ces lésions doivent être parfaitement documentées pour assurer des
avec excès vertical antérieur et rétrusion de l’étage moyen de la face choix thérapeutiques individuellement adaptés. Il comprend
avec rétromaxillie de type dish-face des auteurs anglo-saxons. Un cal essentiellement la réalisation des modèles d’étude, montés sur
vicieux pérennisant une disjonction intermaxillaire laisse persister articulateur pour les cas complexes (asymétrie, anomalies verticales),
un diastème interincisif médian ou latéral, avec un trouble de des radiographies d’incidences adaptées et des téléradiographies,
l’articulé transversal uni- ou bilatéral, parfois et à l’extrême une avec analyse céphalométrique sur le profil (analyse architecturale de
fistule bucconasale ou buccosinusienne. Citons enfin les formes Delaire), des coupes tomodensitométriques avec reconstruction
complexes ayant pour conséquence une réduction de la dimension tridimensionnelle, qui permettent la réalisation de modèles
verticale de la face consécutive à un traumatisme ayant occasionné stéréolithographiques utilisés par certaines équipes.

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22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

*
B

2 Séquelles d’une fracture bi-


condylienne prise en charge de
manière inadaptée.
A. Téléradiographie de pro-
fil.
B. Panoramique dentaire.
C. Occlusion : béance anté-
rieure.

*
C

*
A

L’ensemble de ces données a pour but de préciser le diagnostic et occlusodontiques ne constituent plus que de simples adjuvants à la
les indications thérapeutiques et d’offrir au chirurgien des moyens chirurgie. De nombreuses attitudes sont valides, mais de façon très
de contention personnalisés (arcs préformés), des guides à la schématique lorsque le cal vicieux déforme l’arcade dentaire, c’est le
réduction peropératoire (plaque d’intercuspidation), des modes traitement direct qui s’impose sous la forme d’une ostéotomie
d’ostéosynthèse optimisés (plaques préformées au vu des modèles intrafocale, éventuellement segmentaire si le cal complique une
stéréolithographiques…). fracture alvéolodentaire. Dans le cas du déplacement ou de la
déviation globale d’une arcade dentaire, il est licite de privilégier les
¶ Traitement tracés classiques employés en chirurgie orthognathique. Lorsque
seul existe un retentissement morphologique, à l’exclusion de tout
Il a pour but la restitution ad integrum de la fonction manducatrice
trouble occlusal, les ostéotomies modelantes, les ostectomies et les
et de la morphologie. Les moyens [43] sont occlusodontiques avec les
greffons osseux d’apposition sont d’indications larges.
meulages sélectifs guidés par le papier à articulé, la prothèse
adjointe ou conjointe, ou orthodontiques, le plus souvent par Quelques situations méritent une analyse particulière. Les cals
technique multiattaches. Les moyens chirurgicaux sont soit directs, vicieux secondaires à une fracture bicondylienne, avec contact
c’est l’ostéotomie intrafocale du foyer de fracture initial, soit molaire prématuré et béance antérieure posent deux problèmes :
indirects, à distance du (ou des) cal(s) vicieux, selon les tracés celui du délai minimal à respecter entre le traumatisme initial et
classiques des ostéotomies d’usage orthognathique. À la mandibule, l’intervention correctrice et celui du site de l’ostéotomie. Une
les ostéotomies les plus employées sont uni- ou bilatérales, intervention trop précoce pose en effet le double problème d’un
symétriques ou asymétriques et sont représentées par l’ostéotomie condyle de consistance insuffisante, gênant sa reposition précise lors
sagittale des branches montantes selon les tracés d’Obwegeser- de l’ostéosynthèse des valves, à l’origine d’une possible
Dalpont I ou Dalpont II, l’ostéotomie rétrospigienne verticale ou en surcorrection et celui de lésions articulaires non stabilisées exposant
L inversé, les ostéotomies segmentaires typiques (Köhle) ou le patient à la récidive [11]. Becking et al [4] ont montré qu’un délai de
atypiques (parfois interruptrices). Au maxillaire, les ostéotomies sont 9 mois était suffisant à la stabilisation de ces lésions. Concernant le
menées le plus souvent selon les tracés de Le Fort I, mais aussi plus site de l’ostéotomie, le chirurgien peut choisir un geste mandibulaire
rarement Le Fort II, III, intermédiaire type Souyris [45], disjonction ou maxillaire. À la mandibule il semble préférable de privilégier
intermaxillaire et ostéotomies segmentaires typiques (Wassmund, l’ostéotomie sagittale des branches montantes, uni- ou bilatérale,
Schuchardt) ou atypiques. À la mandibule et au maxillaire, les souvent asymétrique, avec rotation antihoraire, à l’ostéotomie
ostectomies, les ostéotomies modelantes (dont la génioplastie), les rétrospigienne (même complétée d’une greffe osseuse) pour des
greffons osseux autologues ou les biomatériaux (type corail) utilisés raisons de stabilité. Au maxillaire, l’ostéotomie de type Le Fort I
en apposition peuvent être un appoint indispensable pour des avec impaction postérieure semble donner des résultats plus stables
corrections morphologiques. que ceux obtenus par un geste mandibulaire en cas de béance
Les indications sont très variables selon les formes cliniques. antérieure importante (béance imposant une rotation mandibulaire
Cependant, quelques règles générales guident les indications. Une antihoraire supérieure à 4°). Ce choix impose cependant un
interférence occlusale est traitée par meulage sélectif, guidé par le traitement orthodontique complémentaire car il entraîne une
papier à articulé ; plus complexe, elle peut faire l’objet d’un modification des axes des incisives supérieures. Un geste
traitement orthodontique. Dans le cadre d’un édentement partiel ou bimaxillaire peut enfin être discuté dans les cas de béance antérieure
total, un cal vicieux peut faire l’objet de compensations ou de importante ; il augmenterait la stabilité postopératoire et autorise
révisions prothétiques, adjointes ou conjointes, éventuellement une meilleure répartition des parties molles.
implantoportées si les volumes osseux le permettent. Lorsque les Lorsque le cal vicieux est secondaire à une béance corticale interne
troubles occlusaux sont plus importants, les traitements en région symphysaire, l’ostéotomie doit être intrafocale et la

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Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

correction de la vestibuloclusie molaire inférieure s’aide volontiers


d’un laçage des deux angles mandibulaires au fil d’acier, permettant
leur rapprochement.
Dans le cadre d’un cal vicieux secondaire aux fractures de type Le
Fort II ou Le Fort III, il peut être licite de préférer parfois, en raison
de la relative simplicité de leur réalisation, une ostéotomie de type
Le Fort I ou de type intermédiaire (Souyris) corrigeant la
malocclusion, associée à des greffes osseuses d’apposition à but
morphologique, aux ostéotomies type Le Fort II ou III, de réalisation
plus lourde.
Soulignons enfin les difficultés considérables rencontrées dans le
cadre du traitement des séquelles des traumatismes comminutifs du
massif facial avec fracture bicondylienne responsable d’un *
A
effondrement de la dimension verticale, où les greffes osseuses sont
largement associées aux ostéotomies. Enfin, dans un contexte
d’ankylose temporomandibulaire, le cal vicieux n’est classiquement
traité qu’après la résection du bloc d’ankylose et la normalisation de
la fonction articulaire ou son amélioration conséquente.

RETARDS DE CONSOLIDATION ET PSEUDARTHROSES


L’absence de consolidation objectivée à la sixième semaine au niveau
de l’étage moyen de la face et au deuxième mois à la mandibule
définit le retard de consolidation. La fréquence est variable selon les
auteurs de 0 à 8 %. Réduit par l’utilisation des ostéosynthèses *
B
rigides, le retard est favorisé le plus souvent par une infection, plus
rarement par une réduction et une contention insuffisante du foyer 3 Pseudarthrose de l’angle mandibulaire droit dans les suites d’un traumatisme
de fracture. En général, la solution de continuité reste mobile et balistique avec dévitalisation secondaire de 48 et 47.
souvent douloureuse, en rapport avec une infection intrafocale A. Traitement primaire : panoramique de contrôle à j45.
chronique. Le bilan radiologique visualise la persistance d’une B. Évolution à 14 mois. Noter l’importance de la perte de substance correspondant
à la nécrose osseuse. Rétablissement de la continuité mandibulaire par transplant
solution de continuité et permet d’en préciser l’étiologie. Parmi les osseux libre revascularisé de crête iliaque après échec d’un greffon osseux iliaque
causes infectieuses, l’origine dentaire (dent dévitalisée lors du non revascularisé.
traumatisme ou antérieurement à celui-ci avec lésion apicale à
proximité du foyer de fracture), sinusienne (sinusite post- étiologies, leurs classifications et leurs prises en charge
traumatique) ou la présence de matériel d’ostéosynthèse parfois thérapeutique font l’objet du chapitre 22-087-E-10 de l’Encyclopédie
exposé sont les plus fréquentes. Médico-Chirurgicale. Nous ne reprenons donc que les points
La pseudarthrose se définit comme l’absence de consolidation au- importants.
delà du sixième mois. Elle est favorisée par l’existence d’une perte ¶ Formes cliniques
de substance osseuse post-traumatique ou infectieuse. Le foyer de
fracture reste mobile mais non douloureux. Le bilan radiologique On différencie les pertes de substance mandibulaires et maxillaires.
met en évidence une décalcification des extrémités osseuses associée Les pertes de substance mandibulaires peuvent être interruptrices
à une ostéocondensation autour du foyer. Le cal fibreux peut être ou non. Non interruptrices, elles posent le problème des pertes
lâche ou serré, septique ou aseptique, correspondant dans les faits à dentaires associées à un déficit osseux alvéolaire, initial ou
une perte de substance osseuse. secondaire, qui peut interdire une réhabilitation prothétique stable.
Les pertes de substance interruptrices peuvent être classées selon
Le traitement des retards de consolidation passe par une reprise différents critères. Nous ne rappelons ici que les classifications
chirurgicale associant le curetage du foyer de fracture, le traitement françaises anatomophysiopathologiques de Péri et al en 1989 (Perte
des foyers infectieux de proximité (dentaire ou sinusien) (fig 3), de substance interruptrice de la mandibule [PSIM] I à PSIM IV) [34]
l’ablation du matériel d’ostéosynthèse et la réalisation d’une et anatomochirurgicales de Cariou en 1991 (type A ab, L ab, T) [7].
nouvelle contention le plus souvent par blocage maxillo- Sur le plan clinique et de manière très schématique, nous
mandibulaire prolongé. L’hygiène buccale doit être contrôlée et une soulignerons que le défaut de soutien des parties molles en région
antibiothérapie par voie générale instituée. Le traitement d’une antérieure aboutit au classique profil Andy gump des auteurs anglo-
pseudarthrose impose une résection des berges osseuses ou du saxons, que les pertes de substance de type L ou T aboutissent à une
séquestre aboutissant à une perte de substance des maxillaires de latérodéviation homolatérale responsable d’une asymétrie faciale.
plus ou moins grande importance. Les pertes de substance du plateau maxillopalatin ont été classées
selon des critères anatomochirurgicaux par Bonan et Devauchelle
PERTES DE SUBSTANCE DES MAXILLAIRES en 1993 (type I à IV) [6] . Sur le plan clinique, aux troubles
morphologiques dus à la perte de soutien des parties molles s’ajoute
¶ Physiopathologie nombre de déficits fonctionnels phonatoires, ventilatoires, parfois
ophtalmologiques et bien sûr masticatoires.
Les pertes de substance des maxillaires ont, selon leur importance et
leur localisation, un retentissement occlusal et morphologique plus ¶ Traitement
ou moins marqué. Elles sont pour l’essentiel le fruit de traumatismes Il a pour but, sur le plan fonctionnel, la restauration des fonctions
violents, illustrés à l’extrême par les délabrements majeurs manducatrices, phonatoires et respiratoires, sur le plan
engendrés par les armes à feu. Elles peuvent aussi être le fruit morphologique le rétablissement du soutien des parties molles, la
d’erreurs thérapeutiques telles que des dépériostages intempestifs prévention et/ou la correction des troubles de croissance chez
ou l’absence de traitement des foyers infectieux dentaires jouxtant l’enfant. Il associe la mise en œuvre de moyens kinésithérapiques,
les solutions de continuité et pouvant évoluer vers des retards de prothétiques (prothèse guide, prothèse obturatrice, prothèse de
consolidation, des pseudarthroses ou les exceptionnelles réhabilitation occlusale adjointe, conjointe ou implantoportée) et
éliminations de séquestres sur ostéite postfracturaire. Leurs chirurgicaux.

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22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

À la mandibule, nous rappelons les possibilités de fixations du nerf alvéolaire inférieur dans son trajet intramandibulaire. Elle
extrafocales qui ne sont de mise, au stade des séquelles, qu’en cas est relativement fréquente au stade initial. La cause peut être
de sepsis patent. Dès lors que leur couverture est assurée de façon traumatique (contusion, plus rarement section du nerf) ou iatrogène
complète par des téguments bien vascularisés, les greffes osseuses lors de l’emploi des procédés d’ostéosynthèse (forage et vissage). Sa
sont une solution de choix. Dans le cas contraire, les greffons osseux récupération est en général lente (6 à 24 mois) pouvant parfois se
assistés et plus encore les transplants libres osseux ou composites faire sur un mode dysesthésique. Le traitement médical initial,
vascularisés, doivent être préférés car ils permettent de reconstruire associant corticothérapie et vitaminothérapie B, est d’une efficacité
« tout en un temps par le même procédé » (Cariou). réduite. Les séquelles algiques sont invalidantes, justifiant la mise
Le clivage sagittal de la mandibule proposé par Peters ou Salins et en œuvre de traitements antidouleurs adaptés (antalgiques majeurs)
Rao [37] est parfois possible lorsque la topographie de la perte de car l’efficacité du traitement chirurgical (neurolyse, décompression,
substance l’autorise. Au stade des séquelles, les difficultés de dénervation...) est souvent incomplète et transitoire.
reconstruction des rétractions tégumentaires associées aux pertes de
substance osseuse ont poussé de nombreux auteurs à appliquer les ¶ Atteintes du nerf infraorbitaire
principes de la distraction osseuse des os longs, développés par
Ilizarov, à la face. Celle-ci permet de traiter l’ensemble des De même au niveau de l’étage moyen de la face, les lésions du nerf
composantes de la perte de substance (osseuse et tégumentaire), infraorbitaire dans son canal infraorbitaire ou à son émergence
supprime l’effet « rustine » des palettes cutanées, crée une muqueuse entraînent hypo- ou anesthésie dans la région génienne. Évolution
adhérente et un vestibule. Cette situation est alors beaucoup plus et traitement sont superposables.
favorable à la mise en œuvre des procédés de réhabilitation
prothétique que sont respectivement l’implantologie ou la prothèse
adjointe. Si le matériel est traditionnellement exobuccal,
actuellement se développent des ancillaires endobuccaux. Le
Traumatismes de l’articulation
traitement orthodontique est l’indispensable complément de toute temporomandibulaire
distraction en présence de séquelles osseuses post-traumatiques
ayant entraîné une bascule du plan d’occlusion ou des
compensations alvéolaires. PHYSIOPATHOLOGIE
Concernant les pertes de substance des maxillaires, nous Les troubles de l’ouverture buccale peuvent aboutir à l’extrême à
soulignerons la primauté des moyens prothétiques obturateurs. Les une constriction permanente des mâchoires, principalement liée aux
indications d’apport osseux sont en principe limités aux cas traumatismes de l’articulation temporomandibulaire (ATM), que
d’amputation alvéolodentaire et/ou tubérositaire, au minimum de ceux-ci soient de nature osseuse ou capsulo-ménisco-ligamentaire.
type II de la classification de Bonan et Devauchelle. Les « lambeaux Les fractures condyliennes représentent une importante proportion
chimériques », basés sur le pédicule infrascapulaire, développés par des fractures de la mandibule (25 à 35 % selon les auteurs) [14] et une
cette même équipe, ont montré tout leur intérêt dans les pertes de entité particulière en raison de la fréquence des séquelles qu’elles
substance complexes de l’étage moyen. induisent. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’elles sont articulaires,
c’est-à-dire capitales, sous-condylienne haute ou basse avec un
important degré de varisation ou de bascule antérieure du fragment
SINUSITES MAXILLAIRES
supérieur [17]. Leur traitement relève d’une grande diversité de
Les sinusites maxillaires post-traumatiques ne sont pas rares. Elles moyens (orthopédiques, chirurgicaux, kinésithérapiques) dont les
peuvent avoir pour origine une ouverture des parois antérolatérales indications et le suivi varient selon les auteurs.
du sinus au niveau de la cavité buccale, une ostéite des petits
D’autres étiologies extra-articulaires, de moindre fréquence, peuvent
fragments osseux papyracés dévascularisés qui composent sa paroi
parfois être en cause ; osseuse, au cours des fractures latérofaciales
antérieure ou un défaut de drainage. Au décours des traumatismes
qui peuvent entraîner un recul de l’os zygomatique et un conflit
de la pyramide nasale, un défaut de ventilation secondaire peut
aussi être responsable. avec le processus coronoïde, ou par réduction du diamètre
transversal de l’anneau zygomatique, par atteinte du processus
La symptomatologie classique, à type d’algies faciales aux zygomatique qui vient limiter le jeu normal du tendon et du muscle
irradiations multiples et de rhinorrhée, impose un bilan radiologique temporal, tégumentaire, en particulier par atteintes des muscles
simple selon l’incidence spécifique de Blondeau à la recherche d’une masticateurs d’origine traumatique ou iatrogène comme les voies
opacité en cadre ou plus rarement d’un niveau liquide. Ce bilan est d’abord temporales ou coronales.
complété par un examen tomodensitométrique précisant l’étendue
des lésions, tandis que la rhinoscopie antérieure, voire l’endoscopie
nasale, visualise la présence de pus au niveau du méat inférieur FORMES CLINIQUES
et/ ou l’état de la cavité sinusienne. Les manifestations
inflammatoires représentent le tiers des atteintes muqueuses (35 %), ¶ Syndrome algodysfonctionnel de l’appareil
devant les polypes (20 %) et les mucocèles (5 %). Les synéchies sont
manducateur (SADAM) et arthrose [16]
habituellement très nombreuses.
Le traitement est essentiellement médical, associant antibiotiques, D’origine articulaire, il convient de différencier les atteintes directes
anti-inflammatoires et soins locaux. En l’absence d’amélioration, une des structures fibreuses et méniscocartilagineuses ou des structures
méatoplastie vise à favoriser la ventilation sinusienne, tandis que le osseuses condyliennes mandibulaire ou temporale responsables de
drainage du sinus maxillaire et son curetage peuvent être réalisés dysfonctionnements précoces de l’appareil manducateur (DAM), des
soit par voie classique de Caldwell-Luc, soit par voie endonasale en atteintes indirectes au cours des malocclusions séquellaires des
association avec l’ablation du matériel d’ostéosynthèse adjacent au traumatismes des maxillaires. La fréquence du SADAM augmente
sinus. en cas de malocclusion préexistante. Enfin, l’emploi de plus en plus
large de procédés d’ostéosynthèse intra- (plaques miniaturisées
vissées [PMV]) ou transfocaux (procédé ECKELT) impose une
TROUBLES NEUROSENSORIELS extrême rigueur dans la qualité de la réduction sous peine
d’apparition précoce de SADAM dans les suites.
¶ Atteintes du nerf alvéolaire inférieur
La symptomatologie associe des manifestations articulaires algiques,
Au niveau de l’étage inférieur de la face, l’anesthésie ou des craquements, des claquements et des manifestations musculaires
l’hypoesthésie dans le territoire labiomentonnier traduit une lésion à type de myalgies avec irradiations, voire de trismus. Ces

6
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

4 Séquelles d’une fracture bicondylienne remontant à


20 ans. Ankylose fibreuse bilatérale.
A. Aspect clinique d’une constriction permanente des
mâchoires.
B. Radiographie en incidence face basse : noter les luxa-
tions internes des deux condyles.
C. Tomodensitométrie (TDM) en coupes frontales et
sagittales de l’articulation temporomandibulaire (ATM)
gauche.
D. TDM en coupes horizontales de l’ATM gauche.
E. TDM en coupes horizontales de l’ATM droite.

*
A *
B

*
C

*
D *
E

manifestations fonctionnelles sont le plus souvent en rapport avec Chez l’adulte, le maître symptôme est l’apparition progressive d’une
des altérations anatomiques et physiologiques de l’articulation et de limitation de l’ouverture buccale. Celle-ci est mesurée au pied à
l’appareil discal, visualisées grâce à l’imagerie par résonance coulisse pour suivre l’évolution de la maladie. Le chemin
magnétique (IRM) statique et dynamique (Pharaboz). d’ouverture résiduel n’est pas linéaire car il existe une déviation du
Dans le cas de fracture unilatérale, la symptomatologie siège le plus point interincisif inférieur vers le côté ankylosé, correspondant à
souvent du côté sain par perte de l’équilibre articulaire (diminution l’absence de glissement discal lors de l’ouverture buccale. Les
de hauteur de la branche montante du côté lésé ou « hypermobilité troubles de l’articulé et les difficultés d’hygiène peuvent entraîner
compensatrice » du côté sain), parfois du côté atteint où sa des anomalies de la denture et des pathologies du parodonte. Enfin,
symptomatologie peut se confondre avec les signes d’une ankylose l’apparition d’un SADAM est fréquente du côté sain. Le bilan
débutante. radiologique constitué de clichés simples (téléradiographies et
orthopantomogramme) est le plus souvent insuffisant. Il faut faire
Ces lésions peuvent être à l’origine d’une arthrose post-traumatique
appel à la tomodensitométrie (TDM) et à l’IRM pour préciser la
d’apparition plus ou moins retardée, pouvant exceptionnellement
taille, la forme, la situation et la nature du cal, l’état de l’articulation
aboutir à une ankylose temporomandibulaire fibreuse, voire osseuse.
et du disque restant et des parties molles. Cette imagerie permet
une classification anatomopathologique des lésions. Celles-ci
¶ Ankylose temporomandibulaire peuvent être uni- ou bilatérales, respecter partiellement l’articulation
L’ankylose temporomandibulaire trouve son origine dans la ou la détruire complètement.
traumatologie dans deux cas sur trois (25 à 98 % selon les auteurs) [21] L’ankylose peut être de nature fibreuse ou osseuse, les deux
avec une prédominance chez le jeune adulte masculin. Elle pathologies étant superposables, la première précédant
correspond à l’apparition d’un tissu cicatriciel fibreux, osseux ou théoriquement l’autre chronologiquement (fig 4). Il existe plusieurs
mixte unissant la branche montante de la mandibule à la base du classifications reposant sur des arguments cliniques et radiologiques.
crâne. L’évolution d’une fracture condylienne intéressant le système Comme le proposait Dufourmentel, on peut distinguer des
articulaire dépend de sa prise en charge initiale : les séquelles ankyloses partielles ou fibreuses et des ankyloses totales. Les
surviennent en cas de méconnaissance, de mauvaise prise en charge ankyloses partielles peuvent être internes (le long du muscle
ou de blocage mandibulomaxillaire inapproprié ou prolongé. ptérygoïdien latéral en direction de l’épine du sphénoïde),

7
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

5 Bloc d’ankylose de type I de la classification de Topazian.


A. Aspect peropératoire du bloc d’ankylose.
B. Aspect tomodensitométrique : reconstruction 3 D.
C. Aspect peropératoire : section du bloc osseux.
D. Aspect peropératoire : interposition d’une plaque de silicone.

*
A *
B

*
C *
D

postérieures (tympanocondyliennes) et latérales (Lachard). Les portion médiale de l’ATM, qu’il convient de reconnaître et de
ankyloses totales sont de véritables synostoses temporocondyliennes préserver lors du traitement chirurgical. Lorsque l’ankylose est
que Topazian décrivait en quatre stades : complète, le bloc osseux soude totalement la branche montante à la
– I : ankylose articulaire (fig 5) ; base du crâne. Son évolution peut être favorisée par la multiplication
des interventions chirurgicales locales. Les difficultés thérapeutiques
– II : bloc dans l’échancrure sigmoïde ; dépendent directement de l’importance et de l’étendue du cal osseux
– III : bloc débordant l’échancrure ; vers l’échancrure sigmoïdienne, à l’origine de la classification de
Topazian mais aussi de la prévention des récidives. En effet, ces
– IV : bloc inclassable.
séquelles exigent une prise en charge secondaire longue, souvent
Au cours de l’ankylose fibreuse, la limitation de l’ouverture buccale
lourde et parfois décevante. La prévention prend donc toute son
est modérée, il n’existe pas d’image radiologique de cal osseux mais
importance avec le développement des moyens iconographiques de
le condyle apparaît augmenté de volume. L’ankylose externe est
diagnostic et des procédures thérapeutiques en constante évolution.
souvent observée dans les suites d’une fracture capitale par
impaction au niveau de la partie externe du condyle temporal. Le Chez l’enfant [51] l’âge de survenue est un élément pronostique
bloc fibreux correspondant à l’ankylose peut être palpable à déterminant. La survenue de fractures condyliennes chez le jeune
l’examen clinique. Il persiste des éléments articulaires dans la enfant, méconnues, négligées ou mal prises en charge, peut entraîner

8
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

6 Aspect céphalométrique de face d’un 7 Squelette céphalique de


enfant présentant une ankylose temporo- profil d’un enfant présen-
mandibulaire droite. a. Latérodéviation tant une ankylose temporo-
du menton ; b. inclinaison du plan d’oc- mandibulaire bilatérale. a.
clusion ; c. troubles de l’articulé dentaire. Bloc de synostose ; b. hyper-
trophie du coroné ; c. enco-
che préangulaire ; d. incur-
vation postérieure de la
branche montante.
a b

a
Trophiques [2, 20, 38, 53]
La revue de la littérature rapporte des cas non rares d’altérations de
la structure même du condyle mandibulaire. Des cas d’ostéomyélite
des conséquences gravissimes au niveau de la croissance faciale, aseptique avec résorption très importante de la tête condylienne sont
d’autant plus importantes qu’elles surviennent précocement avec rapportés avec, pour certains auteurs, une corrélation avec
des retentissements esthétiques et fonctionnels très invalidants. l’utilisation de matériel d’ostéosynthèse dans le traitement de
D’après Couly [26], 30 % des ankyloses observées chez l’enfant sont fractures hautes. Ces troubles ont imposé une résection du tissu
bilatérales et l’étiologie traumatique vient en deuxième position nécrotique et un débridement local.
derrière les causes infectieuses (postsepticémique et postotitique).
Plusieurs auteurs décrivent la formation d’un condyle bifide dans le
En Europe, les étiologies infectieuses [25] cèdent le pas devant la
cadre de fractures sagittales de la tête condylienne. Ces fractures
pathologie traumatique qui, comme chez l’adulte, tend à occuper la
sagittales sont rares et de diagnostic peu aisé, soulignant l’intérêt de
première place. Outre la limitation de l’ouverture buccale, les signes
la TDM. Leur prise en charge repose surtout sur la mécanothérapie.
varient selon la nature de l’ankylose et sont plus ou moins nets en
fonction de la précocité de survenue du traumatisme. Les
Nerveuses [19, 40]
conséquences fonctionnelles se manifestent à différents niveaux. La
fonction ventilatoire peut être altérée, notamment chez le nourrisson Les fractures condyliennes avec luxation importante de la tête
avec hypoxémie, hypercapnie chronique et parfois apparition d’un peuvent entraîner des lésions nerveuses locales des troncs moteurs
syndrome d’apnée du sommeil. L’alimentation est difficile et la ou sensitifs, soit par mécanisme direct (section, élongation), soit par
réduction des apports nutritifs peut retentir sur le développement mécanisme indirect (sidération, compression œdémateuse ou par
général de l’enfant. L’hygiène buccale difficile altère la dentition et hématome). Des atteintes partielles du nerf trijumeau dans ses trois
la denture. Les difficultés de phonation influent de manière territoires ont été rapportées. Elles sont responsables d’hypoesthésies
importante sur les capacités d’apprentissage de l’enfant avec un définitives des territoires du nerf auriculotemporal et du nerf buccal.
retentissement précoce sur le comportement psychologique et social. Un cas d’agueusie complète d’un bord latéral de langue, une
L’ankylose unilatérale est responsable d’un retrait et d’une névralgie dans le territoire du nerf buccal, des syndromes de Frey [10]
latérodéviation du menton, d’une asymétrie faciale, de troubles de (sudation perprandiale avec érythème des zones cutanées innervées
l’occlusion avec attraction verticale du plan d’occlusion vers le côté par le nerf auriculotemporal) ont aussi été décrits. Ces complications
ankylosé (perte de hauteur du maxillaire du côté ankylosé) (fig 6). sont rares et le plus souvent résolutives.
L’ankylose bilatérale aboutit au classique « profil d’oiseau » avec Le nerf facial peut être lésé mais, dans ce cadre, cette complication
une importante rétrognathie mandibulaire pouvant prêter à semble encore plus rare.
confusion avec une maladie de Crouzon (fig 7). Le bilan d’imagerie
simple (téléradiographie, orthopantomogramme) permet d’observer Psychologiques
les modifications de l’architecture osseuse, une diminution de
hauteur et une augmentation de l’épaisseur de la branche montante, Nous avons déjà évoqué les conséquences psychologiques très
une perte de hauteur de l’os maxillaire homolatéral, un trouble de lourdes liées aux ankyloses de l’enfant jeune, responsables de
l’articulé dentaire. L’image de fusion de la branche montante au troubles dysmorphiques. Chez l’adulte, l’altération de la fonction
crâne peut être observée, avec parfois respect d’un pseudo-interligne manducatrice et/ou phonatoire au long cours peut avoir
au niveau de l’articulation. Dans l’ankylose bilatérale, les signes les d’importants retentissements psychologiques chez des patients
plus fréquemment observés sont des images de soudure de la souvent sollicités au niveau thérapeutique et parfois victimes de
mandibule à la base du crâne, une micromandibulie, une encoche récidives. L’intrication avec un SADAM peut entraîner le patient
préangulaire, une incurvation de la branche montante vers l’arrière dans un cercle vicieux où la prise en charge psychologique prend
et une hypertrophie du coroné. La TDM et l’IRM permettent de une place très importante.
préciser l’atteinte de l’ATM, l’étiologie de l’ankylose si celle-ci est
méconnue, l’état des tissus mous de la région et d’orienter le choix TRAITEMENT
thérapeutique.
¶ Préventif
¶ Autres complications.
La prévention passe par un bilan exhaustif et une prise en charge
D’autres séquelles sont décrites, elles peuvent être liées soit à des initiale adaptée. Les moyens actuels d’iconographie doivent
complications immédiates ou tardives non résolutives, soit à la prise permettre d’écarter toute possibilité d’erreur ou d’absence de
en charge thérapeutique. diagnostic. Ainsi, les blocages mandibulomaxillaires prolongés dans

9
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

le cadre de fractures multiples avec fracture condylienne méconnue type de luxations, plus rarement des perforations. Ces anomalies
doivent être définitivement exclus. De même, pour les patients ventilatoires ont des conséquences sur l’aération des sinus
polytraumatisés, l’exploration tomodensitométrique de l’extrémité paranasaux responsables de mucocèles, de sinusites post-
céphalique doit inclure une exploration faciale. traumatiques qui peuvent exposer même à distance à des
Nous ne reviendrons pas sur la prise en charge thérapeutique au complications infectieuses oculo-orbitaires et/ou endocrâniennes.
stade initial qui fait l’objet d’un autre chapitre, elle dépend bien sûr Le diagnostic est clinique : test au miroir de Glatzel, rhinoscopie
du type anatomopathologique de la fracture. Rappelons toutefois antérieure, naso-fibro-sinusoscopie. L’imagerie standard dans les
que d’après Gola, il existe cinq facteurs anatomiques présidant à la trois dimensions de l’espace et surtout l’examen TDM permettent
bonne récupération articulaire, le type de fracture (avec atteinte une analyse de l’ensemble des fosses nasales à la recherche de
articulaire ou pas), le déplacement osseux (luxation de la tête lésions postérieures toujours difficiles à corriger.
condylienne, raccourcissement de la branche montante), l’intégrité La thérapeutique fait appel aux différentes techniques de
de l’appareil discal, la qualité de l’occlusion et la qualité de la septoplasties par voie d’abord endonarinaire ou transcolumellaire
rééducation qui donne une meilleure vision des lésions et facilite les gestes de
décollement et de réparation, en particulier si des greffes en
¶ Curatif apposition paraissent nécessaires.
Le traitement de l’ankylose temporomandibulaire fait l’objet d’un
chapitre très complet dans ce même ouvrage. De manière succincte, SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
il est fonction de l’importance de la lésion, de son type Les séquelles morphologiques sont à analyser dans les trois
anatomopathologique, du type de patient (jeune ou adulte). Nous dimensions de l’espace. Cet examen permet de catégoriser de face et
retiendrons essentiellement que la prise en charge thérapeutique de en incidence verticale des déviations, des asymétries des orifices
l’ankylose pose plusieurs problèmes : la restitution de la fonction narinaires ou des élargissements, de profil des anomalies de l’arête.
manducatrice (équilibre et cinétique), le maintien ou la restitution
de l’occlusion, la correction des troubles de la croissance le cas ¶ Déviations nasales
échéant, enfin et surtout la prévention de la récidive. D’origine osseuse, elles se manifestent par la projection de la
On fait appel à deux types de traitement indissociables : la chirurgie pyramide nasale du côté opposé au traumatisme avec une inégalité
et la rééducation fonctionnelle. de hauteur des os propres du nez. Il peut s’y ajouter des cals
hypertrophiques et un élargissement global du dorsum. La pointe
du nez reste en place et la cloison suit le déplacement de l’auvent
Traumatismes de la pyramide nasale osseux aboutissant à un angle obtus à sommet opposé au
traumatisme. D’origine cartilagineuse, elles sont responsables des
DÉFINITION ET CLASSIFICATION déplacements des deux tiers inférieurs du dorsum et de la pointe
du nez. Généralisées, elles peuvent être simples (rectiligne) ou
Le squelette ostéocartilagineux du nez ne répond pas de manière
complexes en « S » ou en « C », échappant parfois à toute description
uniforme aux forces induites par les traumatismes. Les structures
clinique.
osseuses, os propres du nez, parois latérales et cloison sagittale des
fosses nasales résistent ou se brisent et se déplacent selon la force et Sur le plan thérapeutique toute systématisation est difficile :
la direction des traumatismes. La cloison réagit différemment association d’ostéotomies latérales et médianes avec ou sans
suivant le segment considéré. Ainsi, la lame perpendiculaire se brise résection d’une bosse osseuse, de reposition de la cloison ou de
en cas de fracture des os propres, le vomer résiste en général. Ces septoplastie. Le bilan préopératoire doit préciser l’état des structures
déplacements peuvent par ailleurs être limités à la seule pyramide osseuses et cartilagineuses, le résultat final en dépendant. S’il s’agit
nasale ou s’étendre en arrière vers la région ethmoïdale et/ou l’étage d’un simple déplacement, le résultat peut être satisfaisant alors que
antérieur de la base du crâne. Si le traumatisme atteint le tiers l’existence de solutions de continuité avérées rend le résultat plus
supérieur de la pyramide nasale, la région glabellaire considérée aléatoire.
comme l’un des « pare-chocs » de la face peut jouer le rôle d’un coin ¶ Lésions de l’arête : ensellure
vis-à-vis des structures osseuses papyracées situées en arrière. Les
séquelles peuvent alors être limitées à la seule fonction ventilatoire Les ensellures traumatiques se situent le plus souvent au niveau du
ou s’intégrer au cadre plus vaste des séquelles neurosensorielles des tiers supérieur du dorsum par atteinte des os propres du nez ; plus
traumatismes craniofaciaux. La réaction des cartilages est variable, rarement dans les suites des traumatismes violents, toute l’arête
ceux de la pointe du nez s’effacent devant le traumatisme, ce qui nasale peut avoir disparu. La chirurgie correctrice de ce type de
explique que, sauf en cas de fractures cartilagineuses survenant chez séquelles fait appel le plus souvent aux appositions de greffons
un enfant, ils retrouvent leur forme première une fois libérés. La autologues cartilagineux (fig 8) ou osseux, parfois à des
cloison cartilagineuse est la plus exposée, sa souplesse la protège, biomatériaux comme le corail, exceptionnellement à des greffes
mais elle peut se fracturer et se luxer, entraînant avec elle les car- tissulaires autologues. Plus rarement, la réparation impose, si les os
tilages triangulaires. Elle peut, de plus, s’épaissir par chevauchement propres du nez se sont écartés en s’enfonçant, des ostéotomies
de son cartilage morcelé ou par réaction périchondrale. latérales et médianes pour corriger un élargissement excessif de la
pyramide osseuse.
Si les déformations dépendent surtout des déplacements initiaux des
fragments osseux disjoints par la fracture, il faut aussi tenir compte ¶ Élargissement de la racine du nez et télécanthus
de l’évolution anormale du cal, de la cicatrice fibreuse, rétractile (qui
À l’extrême, cet élargissement de la racine du nez s’intègre dans le
déforme secondairement le cartilage) ou hypertrophique et de la
cadre plus vaste des fractures centrofaciales de type disjonctions
résorption osseuse. Enfin, aux déviations acquises de l’enfance,
orbitonasales avec télécanthus. L’analyse préopératoire est facilitée
s’ajoutent des troubles du développement osseux et cartilagineux
par la TDM avec reconstruction tridimensionnelle. La réparation fait
qui peuvent être à l’origine de troubles de la croissance des
appel à des techniques d’ostéotomies de repositionnement reprenant
maxillaires responsables de troubles dysmorphiques, voire de
les différentes solutions de continuité et de greffes osseuses. La
l’articulé dentaire par défaut de poussée antéropostérieure du
canthopexie transnasale complète la réduction. Cependant, la
complexe septovomérien [48].
spatialisation peropératoire des réductions est difficile, expliquant
les résultats souvent incomplets de ces interventions.
SÉQUELLES FONCTIONNELLES
La fonction respiratoire peut être perturbée par une atteinte de la ¶ Asymétries narinaires
pyramide nasale, génératrice de troubles de la perméabilité Elles peuvent être intrinsèques, conséquences d’une déformation des
narinaire, par sténoses, synéchies muqueuses, atteintes septales à deux tiers supérieurs de la pyramide nasale ou être secondaires à

10
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

8 Séquelle d’un traumatisme de la


pyramide nasale.
A. Aspect préopératoire : face, profil
(A1), incidence verticale (A2). Ensel-
lure et déviation.
B. Aspect peropératoire : greffon car-
tilagineux.
C. Aspect postopératoire : face, profil
(C1), incidence verticale (C2).

"
A2

*
A "
A1

*
B

"
C2

*
C "
C1

une cicatrisation vicieuse qui justifie une chirurgie de libération postérieur du globe, responsables de taies cornéennes cicatricielles,
cartilagineuse ou des plasties cutanées de symétrisation ou de de cataracte post-traumatique, d’aphakie, de troubles du tonus à
résection. Extrinsèques, elles sont en rapport avec des phénomènes type de glaucome ou d’hypotonie pouvant évoluer vers une atrophie
d’attraction des régions voisines. du globe, de décollement rétinien. Elles peuvent en imposer
d’emblée ou secondairement pour une éviscération ou une
énucléation génératrice de séquelles morphologiques que nous
Traumatismes de la région orbitaire reverrons.
La lésion du nerf optique au niveau du canal optique et/ou du
DÉFINITION ET CLASSIFICATION chiasma est responsable d’une baisse de l’acuité visuelle ou d’une
Selon la théorie orbitocentrique développée par Tessier, les fractures amaurose avec mydriase aréactive, abolition du réflexe photomoteur
du squelette de l’orbite sont communes à d’autres régions et à direct et conservation du consensuel, amputation du champ visuel
d’autres organes [52] . Ainsi, les disjonctions craniofaciales, les latéral homonyme ou bitemporal. L’atteinte du nerf optique peut
fractures du frontal, de l’os zygomatique, du maxillaire ou des os être directe par section ou arrachement, mais de manière plus
propres du nez peuvent avoir des retentissements ligamentaires, fréquente indirecte par lésion vasculaire ou compression par un
palpébraux, lacrymaux, musculaires et, par contrecoup, oculo- hématome rétrobulbaire, par une esquille osseuse provenant des
orbitaires. Aussi est-il classique de retrouver ces séquelles aux parois de l’orbite, par des fractures irradiées vers le canal optique
chapitres des fractures fronto-orbitaires, maxillomalaires, naso- ou la fente sphénoïdale. Ces séquelles peuvent être associées à des
ethmoïdo-maxillaires, voire des disjonctions craniofaciales. paralysies oculomotrices responsables de diplopie.
L’intrication est donc importante entre les séquelles fonctionnelles
et morphologiques. Elles sont explorées par des examens spécialisés : ophtalmoscopie,
campimétrie de Goldmann, électrophysiologie (potentiels évoqués
visuels [PEV]) ou imagerie (TDM ou IRM).
SÉQUELLES FONCTIONNELLES
Elles ne peuvent être prévenues ou réduites que par la mise en
Elles sont motrices et sensorielles. œuvre rapide, au stade de l’urgence, des gestes de réparation au
niveau du globe en cas de contusions ouvertes, de réduction en cas
¶ Atteinte de l’acuité et du champ visuel. Cécité
de fractures représentant une menace pour les structures se situant
Elles sont en rapport avec une réduction de l’acuité visuelle partielle au niveau de l’apex orbitaire, de drainage en cas d’hématome
ou totale (amblyopie, cécité) ou une amputation du champ visuel. menaçant [24] . L’association à des traitements médicaux anti-
Les lésions du globe oculaire à type de contusion ouverte ou fermée inflammatoires stéroïdiens et vasodilatateurs permet parfois
peuvent intéresser les structures des segments antérieur et/ou d’obtenir des récupérations partielles.

11
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

¶ Diplopie ¶ Lésions des nerfs infraorbitaire, sus-orbitaire


et supratrochléaire
L’incidence d’une diplopie persistante, résiduelle ou induite par le
traitement au décours d’une fracture de l’orbite varie selon les Elles sont le plus souvent la conséquence d’une lésion du plancher
auteurs de 2 à 15 %. L’invalidité peut être majeure si la diplopie orbitaire, plus rarement d’un coup direct porté au niveau de la
existe dans le regard primaire et à la lecture. margelle infraorbitaire ou des manœuvres de réduction de l’os
Elle peut être de type statique, souvent associée à une énophtalmie zygomatique. Leur évolution est imprévisible tant dans son intensité
que dans son mode évolutif qui peut être dysesthésique, nécessitant
ou une exophtalmie, ou dynamique. Elle répond alors à trois causes.
une prise en charge adaptée [54]. Les tentatives chirurgicales de
Mécaniques pour les deux premières, par lésions osseuses,
décompression ou de neurolyse secondaire sont en général peu
responsables d’une inadaptation du rapport contenant-contenu, au
concluantes. Un traitement symptomatique à visée antalgique au
niveau des parois de l’orbite, en particulier au niveau du
long cours peut alors être nécessaire.
plancher [28], dans sa portion médiale et au niveau de la paroi
attenante, responsable d’une énophtalmie. Des lésions de la
périorbite et des muscles oculomoteurs à type d’incarcération ou SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
d’embrochage, de désinsertion du muscle oblique supérieur au
Elles sont souvent associées aux atteintes fonctionnelles déjà
niveau de la fossette trochléaire qui lui donne insertion. Neurogène
exposées. Elles peuvent être en rapport avec un trouble de la
pour la dernière, par atteinte isolée des IIIe, IVe, ou VIe paires
statique du globe et sont le plus souvent associées à des atteintes de
crâniennes, ou associée dans le cadre d’un syndrome de la fente
la cavité ou du cadre orbitaire. Une asymétrie de la pommette est
sphénoïdale à une ophtalmoplégie complète, une anesthésie fréquente, de même que des lésions palpébrales cicatricielles. La
cornéenne, ou un syndrome de l’apex orbitaire associant au perte de globe représente une situation extrême qui impose des
syndrome précédent, une cécité. Rarement l’étiologie apparaît gestes palliatifs.
comme centrale.
Ces séquelles sont explorées cliniquement par le test de duction ou ¶ Énophtalmies et exophtalmies
un test de Lancaster-Hess, examen indispensable ayant une valeur
médicolégale au stade préopératoire. Le bilan d’imagerie comprend Les énophtalmies, qui se définissent comme un déplacement en
des radiographies standards de l’orbite dans les trois plans de arrière du globe oculaire, sont plus fréquentes que les exophtalmies.
l’espace, et un examen TDM dans les plans sagittal et coronal Elles sont principalement liées à des solutions de continuité
permettant la visualisation des solutions de continuité au niveau des responsables d’une modification de forme et de volume des parois
parois osseuses, la reconstruction tridimensionnelle aidant à préciser osseuses de la cavité orbitaire [49]. Cependant, une involution de la
graisse intraorbitaire, en particulier dans sa topographie
le rapport contenant-contenu. Un examen électromyographique des
rétrobulbaire par hernie ou fibrose secondaire, peut modifier le
muscles oculomoteurs peut préciser le bilan clinique et servir de
rapport contenant-contenu selon un ratio difficile à apprécier au
base à une chirurgie musculaire.
stade du bilan préopératoire [15, 22]. Ces troubles trophiques peuvent
Sur le plan thérapeutique les atteintes neurogènes sont être aggravés par les interventions chirurgicales réalisées au stade
malheureusement peu accessibles à un traitement secondaire et initial. Enfin, le pincement et la rétraction de la périorbite et des
relèvent des procédures à mettre en œuvre dès le stade de l’urgence. muscles oculomoteurs peuvent fixer le globe en position rétruse et
Les atteintes musculaires à type d’incarcération, fracture en limiter les possibilités de la chirurgie réparatrice. Cliniquement,
« clapet » ou trap door fracture, ou les embrochages, doivent elles l’énophtalmie se manifeste par un creusement du sillon palpébral
aussi bénéficier d’un traitement dans le cadre de l’urgence pour ne supérieur, un pseudoptôsis et une disparition des poches graisseuses
pas laisser se développer une fibrose musculaire toujours difficile à au niveau des paupières supérieure et inférieure. Elle pose un
améliorer, même avec une rééducation adaptée. Mais ce sont problème cosmétique au-delà de 2 mm. La projection du globe peut
essentiellement les atteintes de la périorbite et des parois osseuses être évaluée par l’exophtalmomètre de Hertel ou par des moulages
qui bénéficient du traitement chirurgical [27]. Les incarcérations de la de la région orbitopalpébrale. Le bilan TDM 2D et 3D permet le
périorbite, qui sont toujours à redouter, nécessitent une libération calcul comparatif des dimensions de la cavité orbitaire et des
large de celle-ci. Les atteintes osseuses sont traitées par des différents volumes osseux, graisseux, des parties molles et du
appositions d’os autologue ou de biomatériaux au niveau des globe [29].
différentes parois après réintégration du contenu orbitaire, des Le traitement doit s’attacher à traiter le contenant et le contenu
ostéotomies de reposition segmentaires ou totales de l’os orbitaire [18]. Il fait appel à la réduction des déplacements osseux, à
zygomatique, dont on connaît les difficultés de spatialisation. Dans des greffes d’interposition lors de pertes de substance vraies, à des
le plus grand nombre de cas, l’ancienneté des lésions est un facteur appositions osseuses autologues ou par biomatériaux, qui ne doivent
péjoratif à une récupération ad integrum et ceci malgré une jamais être excessifs selon Gola [50], mais en surcorrection pour
restitution anatomique. Une orthoptie bien conduite et longtemps d’autres auteurs, au niveau des différentes parois et en particulier
poursuivie est indispensable. Les séquelles résiduelles peuvent au niveau du plancher et de la paroi médiale. Le positionnement de
bénéficier de la prescription de verres à prismes adaptés. Ces gestes ces greffons est un élément fondamental puisque ceux-ci doivent se
de réparation de l’orbite osseuse précèdent toujours une éventuelle situer en position rétrobulbaire selon Pearl [32]. Ce geste princeps
chirurgie oculomotrice qui met en œuvre les techniques de la peut être associé aux manœuvres de désincarcération et de
chirurgie strabologique. Elle est cependant difficile, imposant parfois réintégration des éléments graisseux, musculaires, à des gestes de
des gestes itératifs et bilatéraux. plastie selon Stricker [47] sur la périorbite, enfin à la restauration de
la sangle tarsotendineuse par canthopexie interne transnasale ou
externe transosseuse. L’injection intraconique de graisse autologue
¶ Atteintes des annexes oculaires
reste du domaine expérimental. Au total, de traitement difficile,
Une lésion des voies lacrymales par sténose partielle ou totale, par l’énophtalmie est au mieux prévenue par une prise en charge
section, peut être responsable d’épiphora, de dacryocystite chirurgicale initiale adaptée.
chronique ou de simple mucocèle. L’exploration clinique est réalisée Les exophtalmies d’origine osseuse peuvent bénéficier d’un
par cathétérisme avec instillation de sérum physiologique complétée agrandissement de la cavité orbitaire par une ostéotomie de
par une dacryocystographie qui permet la visualisation du niveau reposition en varisation de l’os zygomatique qui permet, dans le
des lésions, préalable à un geste réparateur. Celui-ci consiste en la même temps, de rétablir une projection satisfaisante de la pommette.
mise en place d’un tube de Jones par intubation transconjonctivale Les résultats possibles sont difficiles à évaluer en peropératoire en
ou une dacryo-cysto-rhinostomie [56]. raison des conséquences du traumatisme sur la graisse intraorbitaire.

12
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

9 Séquelles d’un traumatisme du tiers


moyen et supérieur latéral droit de la face. Énu-
cléation.
A. Aspect préopératoire face (A), profil
(A1), incidence verticale (A2) : syndrome
mineur de l’énucléé et malposition de la
pommette.
B. Aspect peropératoire : ostéotomie de l’os
zygomatique, reconstruction du plancher
orbitaire par greffon calvarial, comblement
par lambeau de fascia superficialis tempo-
ralis.
C. Tomodensitométrie (TDM) : recons-
truction 3D préopératoire.
"
A2 D. TDM ; reconstruction 3D postopéra-
toire.
E. Aspect postopératoire face (E), profil
(E1), incidence verticale (E2).

*
A "
A1

*
C *
D

*
B

"
E2

*
E "
E1

¶ Éviscération et/ou énucléation si possible mobile, légère, adaptée au contenu orbitaire, respectant
l’harmonie des fentes palpébrales, des dépressions sus- et sous-
Les éviscérations et/ou énucléations représentent un cas particulier palpébrales grâce aux courbes et aux volumes de sa face antérieure.
en raison du retentissement psychosocial induit par la défiguration. Dans ce but, le traitement initial doit être conservateur, privilégiant
On distingue ainsi des syndromes de l’énucléé mineur et majeur. Le l’éviscération à l’énucléation, mettant en place rapidement un
syndrome mineur se traduit par une énophtalmie avec enfoncement implant le plus proche possible de la taille du globe (20 mL en
prothétique, creux supratarsal et ptôsis. On retrouve parfois un moyenne). Au stade des séquelles, le traitement doit rechercher une
entropion par atteinte du muscle droit inférieur, un ectropion par adaptation contenu-contenant au niveau de la cavité orbitaire, du
migration inférieure de l’implant et de la prothèse avec comblement sac conjonctif par expansion, greffe ou lambeau d’interposition et
du cul-de-sac conjonctival et un pseudoptôsis par défaut de réflexion un renforcement de la sangle orbitopalpébrale (fig 9).
du muscle releveur et du droit supérieur sur le volume orbitaire. Le
syndrome majeur se traduit par une rétraction, voire une atrésie du ¶ Dystopies du cadre orbitaire
sac conjonctival et une rétraction palpébrale sagittale et transversale
par attraction vers l’apex orbitaire aboutissant à une incompétence Les ectopies des fragments osseux appartenant au cadre orbitaire
prothétique. La réhabilitation d’une cavité orbitaire éviscérée ou sont responsables de séquelles morphologiques qui peuvent
énucléée doit redonner une harmonie biocinétique entre l’orbite nécessiter une restauration chirurgicale par ostéotomie, ostectomie
pathologique et l’orbite saine par mise en place d’une prothèse fine, ou apposition osseuse [44] . Le rebord infraorbitaire qui donne

13
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

10 Correction d’une asymétrie de l’étage moyen de la face


par implant madréporaire type Biocoralt. Aspects tomodensi-
tométrique.
A. Coupe horizontale.
B. Reconstruction 3D.

*
A *
B

insertion au septum inférieur et le rebord orbitaire supérieur doivent Traumatismes craniofaciaux


retrouver une intégrité anatomique susceptible d’assurer le
fonctionnement des muscles releveurs et rétracteurs des paupières.
Les dystopies canthales doivent faire l’objet d’un chapitre particulier DÉFINITION ET CLASSIFICATION
en raison de leur incidence sur la fonction palpébrale. Dans le cadre
Les traumatismes craniofaciaux sont générateurs de séquelles en
des fractures naso-ethmoïdo-maxillaires, la dystopie canthale
rapport avec des lésions osseuses localisées à la base du crâne ou à
médiale peut être associée à un télécanthus et entraîner un
la voûte frontale et/ou des lésions parenchymateuses.
pseudoptôsis mécanique par abaissement du canthus, plus souvent
par déplacement de la zone d’insertion que par rupture ou
arrachement du tendon palpébral médial avec rétrécissement de la SÉQUELLES FONCTIONNELLES
fente palpébrale responsable d’un blépharophimosis. De même, les
lésions de l’apophyse fronto-orbitaire sont responsables de la ¶ En rapport avec des lésions osseuses
dystopie canthale latérale.
Sur le plan thérapeutique, la restauration du cadre orbitaire au Lésions de la base du crâne
niveau fronto-orbitaire par ostéosynthèse et au niveau du canthus Les séquelles des solutions de continuité atteignant la base du crâne
médial par une canthopexie transnasale doit redonner une statique sont dominées par les fistules ostéodurales diagnostiquées dès le
palpébrale satisfaisante et précéder toute intervention sur les stade initial ou passées inaperçues [30]. Elles représentent pour les
paupières et les muscles oculomoteurs. patients une véritable épée de Damoclès en raison de la possible
survenue d’une méningite bactérienne spontanée ou susceptible
¶ Lésions du rideau palpébral d’être réactivée en cas d’intervention au niveau de la région fronto-
Le rideau palpébral doit bénéficier d’une réparation des plaies et orbitaire. Toute méningite à pneumocoque, en particulier si celle-ci
des pertes de substance, surtout en cas d’atteinte de la paupière est récidivante, doit faire soupçonner une brèche ostéodurale non
supérieure, et ceci dès le stade initial en raison du risque de kératite documentée.
d’exposition. Mais l’évolution cicatricielle peut être responsable
d’autres lésions que sont l’épicanthus, l’ectropion, l’entropion, la Lésions frontales
lagophtalmie qui peut aussi être en rapport avec une atteinte de la Les conséquences sinusiennes tardives des traumatismes du sinus
VIIe ou IIIe paire crânienne. frontal ne sont pas rares, 10 % de sinusites post-traumatiques
Les cicatrices de type épicanthus par lésion traumatique ou voie récidivantes au cours de la première année [23]. Elles sont favorisées
d’abord canthale médiale peuvent bénéficier de plasties en « Z » ou par l’importance des dégâts muqueux, l’obturation du canal
en « trident ». Les brides cicatricielles palpébrales peuvent bénéficier nasofrontal ou l’ouverture à la peau d’une lésion de la paroi
de l’ensemble des procédés de réparation, plasties, greffes, lambeaux antérieure du sinus frontal (60 %). Leurs fréquences sont réduites
locaux ou régionaux hétéropalpébraux. par la réalisation d’un parage initial de qualité [ 3 3 ] . La
symptomatologie évoque une sinusite infectieuse chronique post-
Un ptôsis peut persister par atteinte directe du muscle releveur de
traumatique responsable d’algies faciales. Elles peuvent être le point
la paupière par embrochage, incarcération ou par désinsertion,
de départ de méningites. Un simple défaut de ventilation par
déhiscence ou élongation de son aponévrose. Il impose la mise en
sténose ou obturation chirurgicale des canaux nasofrontaux peut être
œuvre d’une thérapeutique spécifique.
à l’origine d’une mucocèle post-traumatique dont le développement
Enfin, le lymphœdème peut être secondaire au traumatisme par se fait à travers des parois osseuses fragilisées par le traumatisme.
interruption du courant lymphatique ou lié à un abord chirurgical En avant, elle se traduit par l’apparition progressive d’une masse
trop étendu latéralement. rénitente dans la région fronto-orbitaire, en bas vers la cavité
orbitaire par une exophtalmie ou en arrière vers les cavités
¶ Effacement de la pommette intracrâniennes par un syndrome compressif. Dans ces cas,
l’infection du kyste mucoïde peut évoluer vers un abcès orbitaire ou
Nous associons à ce chapitre les asymétries faciales dues aux
crânien. Le diagnostic et l’appréciation de l’extension sont du ressort
fractures maxillozygomatiques, que celles-ci soient d’origine osseuse
de l’examen TDM et de l’IRM, tandis qu’un épisode aigu avec une
pure ou associées à des lésions fibreuses des parties molles en
lésion purulente peut être objectivé par une endoscopie nasale en
regard [46]. Leurs réparations font appel, en cas de lésions osseuses,
direction du méat supérieur.
aux mêmes techniques d’ostéotomie-reposition de l’os zygomatique.
Peuvent y être associées des techniques de comblement par des
Lésions ethmoïdales
lambeaux vascularisés provenant de la région temporale tels que le
fascia superficialis temporalis ou d’apposition par de l’os autologue L’anosmie peut être la conséquence du cisaillement des filets
ou des biomatériaux (fig 10), voire par injection graisseuse selon la olfactifs par effet cinétique lors du traumatisme ou par trait de
technique de lipostructure préconisée par Coleman [8]. fracture irradié. Il s’agit d’une séquelle extrêmement lourde de

14
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

conséquences, le plus souvent associée à une agueusie. Elle peut Le cholestéatome post-traumatique par inclusion épidermique dans
être de deux types : quantitative partielle ou totale, qualitative à type un trait de fracture est rare et se traduit par une otorrhée peu
d’hallucinations olfactives, de parosmie ou plus récemment de abondante et fétide.
cacosmie. Elle peut se compliquer de troubles généraux, en
particulier de la vie sexuelle à type d’impuissance, d’aménorrhée et ¶ En rapport avec des lésions parenchymateuses
de troubles de l’humeur.
Les troubles psychiques en rapport avec des lésions frontales
Le diagnostic repose sur l’olfactométrie, précisé par l’anamnèse, des surviennent en cas de traumatisme craniofacial violent entraînant
examens d’imagerie (TDM, résonance magnétique nucléaire) ou le des lésions suspectées ou avérées de type œdème ou contusion des
compte rendu opératoire dans le cadre de l’exploration de l’étage régions encéphaliques frontales. Ces lésions génèrent des troubles
antérieur extra- ou sous-durale bilatérale dont elle est souvent une multiformes moteurs, sensitifs, sensoriels, mais surtout psychiques
des séquelles obligées. Elle est le plus souvent définitive. avec désorientation temporospatiale, agitation, troubles du
comportement pouvant aller jusqu’à la démence post-traumatique.
Lésions du rocher Le suivi TDM de ces lésions peut mettre en évidence une atrophie
corticale qui pose le problème de l’état antérieur et nécessite de
Elles peuvent générer des séquelles otologiques soit par une fracture
confronter les résultats avec les habitus antérieurs au traumatisme.
du rocher atteignant l’oreille moyenne ou interne, soit par une onde
La thérapeutique fait appel aux différents procédés de la rééducation
de choc induite par le traumatisme sans fracture. L’ensemble des
neurosensorielle encadrée de thérapeutiques anxiolytiques et
structures membraneuses, nerveuses cochléovestibulaires, le nerf
neuroleptiques.
facial et le système tympano-ossiculaire peuvent être atteints.
Dans le cadre de l’épilepsie post-traumatique, l’imputabilité du
Les séquelles otologiques altèrent l’audition et l’équilibre. L’atteinte traumatisme craniofacial est difficile à prouver, d’autant que la
des fonctions auditives peut être partielle ou totale, responsable survenue des manifestations peut être tardive en cas de lésions
d’hypoacousie ou de surdité isolée ou associée à des acouphènes, frontales. Le diagnostic des crises localisées ou généralisées est
plus rarement des hyperacousies douloureuses. Il convient de essentiellement clinique, confirmé par un électroencéphalogramme.
distinguer à l’aide de l’examen clinique, otoscopique, acoumétrique, Le pronostic est modérément favorable, une guérison pouvant être
audiométrique des surdités de transmission, les plus fréquentes, par obtenue dans 50 % des cas environ dans un délai de 4 à 5 ans. Le
sténose du conduit auditif externe, lésions tympaniques ou atteinte syndrome subjectif postcommotionnel des traumatismes crâniens est
de l’oreille moyenne, des surdités de perception, plus rares, par fréquent. Il est rencontré dans 50 à 60 % des traumatismes crâniens.
atteinte labyrinthique ou nerveuse (nerf cochléaire ou auditif) et des Décrit par Pierre Marie, il s’atténue, voire disparaît habituellement
surdités de type mixte, rare en traumatologie. Les vertiges rotatoires dans un délai de 18 mois à 2 ans. Il est le plus souvent de diagnostic
et les troubles de l’équilibre sont fréquents puisque 80 % des patients difficile car à différencier d’une sinistrose décrite par Brissaud ou
ayant subi un traumatisme crânien ont, ou ont eu, des vertiges. Ils d’une simulation et dont la description princeps remonte à la
peuvent être isolés ou associés à des séquelles auditives et entrer Première Guerre mondiale par Mairet et Pieron. Initialement, il s’agit
dans le cadre d’un syndrome vestibulaire périphérique plus souvent d’un syndrome mineur associant une impression de déséquilibre
que radiculaire ou central lorsqu’il s’agit de séquelles traumatiques. accompagnée de signes végétatifs, d’acouphènes, de céphalées
Ils sont la conséquence d’une atteinte labyrinthique au niveau des diffuses résistantes aux antalgiques usuels, d’une asthénie physique
canaux semi-circulaires, du nerf vestibulaire ou du nerf auditif. Sur et psychique et d’une baisse de la libido. Les troubles mnésiques, de
le plan clinique, ils se caractérisent par des vertiges intenses, l’attention, du caractère et du sommeil complètent un tableau qui
rotatoires, accompagnés de nausées, voire de vomissements, d’un régresse habituellement en 1 à 2 mois dans plus d’un cas sur
déséquilibre mis en évidence par l’épreuve de Romberg, la marche deux [42]. La persistance de la symptomatologie au-delà de cette date
aveugle de Babinski-Weill, la déviation des index, l’existence d’un doit faire rechercher des facteurs aggravants [9] tels que l’importance
nystagmus spontané ou induit par le head shaking. Des examens de l’accident initial, l’âge, une atteinte vestibulaire, des douleurs
complémentaires, épreuve calorique, électronystagmographie, le chroniques, l’existence de crises épileptiques ou de problèmes
plus souvent associés à l’exploration de la fonction auditive, psychiatriques. Mais le facteur psychosocial est essentiel, pouvant
s’imposent pour confirmer le diagnostic et préciser la topographie faire évoluer le patient vers une névrose constituée.
des lésions. Le bilan TDM est réalisé dans un plan horizontal de D’autres syndromes ont été rapportés. Parmi ceux-ci, nous insistons
manière millimétrique pour permettre des reconstructions sur les classiques hydrocéphalies post-traumatiques, séquelles
tridimensionnelles. Ils permettent de distinguer les fractures d’hémorragies méningées avec ou sans hypertension intracrânienne
labyrinthiques et extralabyrinthiques ou une ossification et les syndromes parkinsoniens dont la cause traumatique est parfois
labyrinthique post-traumatique dans le bilan d’une cophose. Seule évoquée.
l’IRM permet de découvrir une fibrose post-traumatique et
d’analyser des atteintes parenchymateuses.
SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
La paralysie faciale, dont la fréquence est évaluée entre 20 et 40 %
des fractures du rocher, est une séquelle importante des
¶ Au niveau du bandeau frontal
traumatismes craniofaciaux [55] . Elle doit être dépistée le plus
précocement possible et son évolution suivie par l’examen clinique, Les déformations de l’os frontal sont particulièrement visibles dans
le testing musculaire de Freyss et l’électromyographie. Si une cette région antérieure et exposée au regard, toute anomalie de la
récupération spontanée est possible, elle peut également évoluer convexité « accrochant » la lumière et majorant ainsi l’importance
vers un hémispasme facial postparalysie. Le traitement fait appel, des séquelles. Le mode d’implantation des cheveux est
lorsque les effecteurs musculaires sont fonctionnels, à des procédés éventuellement un facteur aggravant.
de chirurgie réparatrice (anastomose directe, transfaciale, V-VII, Le plus souvent il s’agit d’un enfoncement, plus rarement d’une
XII-VII, spinofaciale), lorsqu’ils sont absents à des procédés de saillie. Dans la région médiofaciale, elle correspond à une atteinte
chirurgie palliative. L’hémispasme facial peut bénéficier de l’emploi de la paroi antérieure du sinus frontal plus ou moins étendue au
de toxine botulique. toit de l’orbite. Plus rarement, il s’agit de vastes pertes de substance
Les douleurs chroniques localisées à type d’otalgies ou diffuses et osseuse, le plus souvent par ostéite d’un volet frontal
pulsatives, pouvant évoquer des accès migraineux, peuvent survenir neurochirurgical qui nécessite une réparation secondaire.
par traumatismes du conduit, de la mastoïde, dans le cadre d’un Latéralement, les anomalies morphologiques entrent dans le cadre
dysfonctionnement de l’ATM ou d’une névralgie du nerf d’Arnold. des dystopies segmentaires ou totales de l’orbite.
À l’extrême, elles peuvent être à l’origine d’angoisse, de troubles du Le bilan TDM précise les limites des solutions de continuité osseuse
sommeil ou d’une dépression réactionnelle. et les rapports avec les téguments de couverture et les éléments

15
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

*
A

11 Séquelle d’un traumatisme du ban-


deau frontal.
A. Aspect préopératoire en incidence
verticale.
*
C
B. Tomodensitométrie : coupes hori-
zontales.
C. Aspect postopératoire après appo-
sition osseuse d’origine calvariale. *
B

12 Séquelle d’un traumatisme craniofacial grave. Perte du volet osseux


temporal.
A. Aspect clinique préopératoire.
B. Aspect clinique postopératoire à 1 mois
C. Implant madréporaire Biocoralt sur mesure.
D. Tomodensitométrie (TDM) de contrôle à 1 an ; coupe horizontale.
E. TDM de contrôle à 1 an : reconstruction 3D.

*
A *
B

*
C
*
D *
E

dure-mériens sous-jacents. Tous les procédés de cranioplastie A contrario, la présence des cheveux peut masquer certaines
peuvent être proposés : ostectomie, apposition osseuse autologue irrégularités des reliefs. Les plus fréquentes de celles-ci sont
d’os calvarial (fig 11) le plus souvent ou de biomatériaux rigide représentées par les trous de trépan qui peuvent bénéficier d’un
(Biocoralt) ou malléable (Bone Sourcet), ostéoclasie des traits de comblement secondaire. Plus rarement, il peut s’agir de la perte d’un
fracture et réduction en bonne position, voire reconstruction d’un volet temporal d’origine infectieuse. Enfin, il est important de
segment osseux manquant par greffon autologue d’origine rappeler que le prélèvement calvarial, même monocortical, utilisé
calvariale, iliaque, costale ou par biomatériaux de type métallique dans le cadre de la chirurgie des séquelles est lui-même générateur
(titane) ou corail [5] . La stéréolithographie peut être une aide de séquelles morphologiques, surtout s’il est étendu et peut être
précieuse à la réalisation de modèles préfabriqués. Contrairement à atténué par l’emploi de biomatériaux (fig 12).
la région temporale où un simple comblement peut être suffisant, la
région frontale doit bénéficier d’une reconstruction rigide.
Conséquences médicolégales
¶ Au niveau de la voûte
Les voies d’abord cutanées craniofaciales de type Cainrs- Les séquelles post-traumatiques évoquées dans ce chapitre sont par
Unterberger peuvent être à l’origine de séquelles cicatricielles chez définition peu susceptibles d’évolution. Elles peuvent donc faire
le sujet chauve ou porteur de cheveux courts. Le respect des zones l’objet d’une évaluation médicolégale visant à proposer un taux
et du mode d’implantation doit permettre de les limiter. Les d’incapacité fonctionnelle permanente partielle (IPP) susceptible de
séquelles dysesthésiques peuvent parfois être invalidantes. bénéficier d’une indemnisation. Nous évoquerons les taux proposés

16
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10

SÉQUELLES DES TRAUMATISMES CRANIOFACIAUX


par le barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit
commun [3]. Au-delà du préjudice fonctionnel réel mais parfois Il faut distinguer sur le plan fonctionnel les séquelles otologiques et
limité, il convient de prendre en compte les préjudices esthétiques les séquelles neurologiques. Dans les deux cas, l’évaluation des
et les souffrances endurées par ces patients [36] qui sont sur le devant séquelles sensorielles est difficile à apprécier et le recours à des
de la scène. Ainsi, deux lésions de la face sur trois sont à l’origine sapiteurs (ORL, neurologue, psychiatre) apparaît comme
d’un préjudice esthétique. indispensable.
¶ Séquelles otologiques
SÉQUELLES MAXILLOMANDIBULAIRES
Surdité
Nous entendons par là les atteintes de la fonction masticatoire. Les
édentements post-traumatiques font l’objet d’une évaluation Une cophose unilatérale est estimée à 15 % et une cophose bilatérale
distincte : 0,5 % pour la perte de vitalité pulpaire d’une dent, 1 % à 60 %. La possibilité d’un appareillage est évaluée en réduction de
pour la perte d’une incisive, 1,25 % pour une prémolaire et 1,5 % ce taux.
pour une canine et une molaire avec un maximum de 30 % en cas
Acouphènes
d’édentation totale inappareillable.
Les troubles de l’articulé dentaire et de l’ouverture buccale sont La persistance d’acouphènes entraîne une IPP supplémentaire de
évalués en fonction de leur retentissement sur la fonction 2 à 5 % en fonction de leur intensité.
masticatoire et sur les phénomènes algiques associés. La fourchette Vertiges
des taux se répartit de 2 à 35 % en cas de constriction permanente
des mâchoires avec écart interdentaire inférieur à 10 mm. Beaucoup L’existence de vertiges fait bénéficier le patient d’une IPP de 5 à
plus difficile à évaluer sur le plan de l’imputabilité, le SADAM post- 25 % selon l’intensité des troubles objectivés par l’examen
traumatique mérite une analyse particulière. Les lésions directes de vestibulaire clinique ou instrumental.
l’ATM ne posent que peu de problèmes, au contraire des lésions
¶ Séquelles neuropsychiatriques
controlatérales et à distance, comme un trouble occlusal séquellaire.
Le raisonnement médicolégal doit insister sur la relation Syndrome postcommotionnel
physiopathologique entre les différents signes cliniques aboutissant
Pour un syndrome mineur persistant au-delà de 1 an, l’IPP est
à la notion d’unité de fonction [39]. De même, la fréquence des
toujours inférieure à 5 % tandis qu’un syndrome modéré est évalué
SADAM en rapport avec des malocclusions mineures ou majeures,
entre 5 et 10 %. Pour les atteintes sévères, l’association à d’autres
des dysharmonies dentomaxillaires, des interférences occlusales
syndromes neurologiques ou psychiatriques doit être prise en
parfois iatrogènes, pose le problème de l’état antérieur et ceci que
compte et bénéficier du taux d’indemnisation appliqué à chacun
les manifestations soient patentes ou latentes.
d’eux, ce qui peut aboutir, pour des formes majeures, à des IPP de
Les pseudarthroses mandibulaires, les pertes de substance osseuse, 60 %.
les communications bucconasales et buccosinusiennes sont aussi
évaluées en fonction de leur retentissement sur la mastication et la Épilepsie post-traumatique
phonation. Elle se révèle habituellement dans les 3 ans qui suivent le
traumatisme, sous la forme de crises localisées ou généralisées, le
SÉQUELLES DES TRAUMATISMES taux d’indemnisation variant alors selon le retentissement
DE LA RÉGION ETHMOÏDONASALE
fonctionnel et/ou social de 5 à 50 %.
Les troubles de la respiration nasale ne justifient que des taux faibles
de 0 à 5 % tandis que la gêne esthétique le plus souvent associée Paralysie faciale
n’entraîne pas d’incapacité permanente. Les hyposmies ou anosmies Le taux d’incapacité lié à une paralysie faciale varie de 5 à 20 %
de diagnostic parfois difficile, dont le retentissement psychologique selon l’importance de l’atteinte (partielle ou totale), en faisant la part
voire psychiatrique n’est pas négligeable, ne correspondent qu’à des de l’atteinte fonctionnelle et de l’atteinte esthétique.
taux variant de 2 à 5 %. Le préjudice esthétique dans ce domaine est
souvent le plus important et doit tenir compte des possibilités de
réparation secondaire.
Conclusion
L’objectif d’un traitement initial bien conduit est la restauration des fonctions
SÉQUELLES DES TRAUMATISMES au même titre qu’une anatomie normale si possible selon la règle des quatre T,
DE LA RÉGION ORBITOMALAIRE
« tout, tôt, totalement et en un temps », chère à l’école du Val-de-Grâce en
Lorsqu’il a pour conséquence une altération de la fonction visuelle, sachant que certaines séquelles sont inévitables [13] . Les séquelles se
le taux d’incapacité est fixé par l’ophtalmologiste [35]. Pour mémoire, présentant sous la forme de troubles neurologiques résiduels durables
nous rappellons que la perte de la vision d’un œil correspond à un ne peuvent pas être améliorées et sont directement liées au
taux de 25 % mais qu’en cas d’énucléation ou d’atteintes traumatisme. Il en est ainsi de la cécité, de l’anosmie traumatique, des
cosmétiques associées le préjudice esthétique doit être évalué. Une dévitalisations dentaires, etc. Cependant, un grand nombre d’autres
diplopie peut correspondre à un taux de 3 à 20 % selon la sont susceptibles d’être prévenues ou réduites par une prise en charge
localisation du champ visuel altéré. Une atteinte des annexes de l’œil adaptée. A contrario, d’autres facteurs classiques favorisent l’apparition
à type de lagophtalmie, larmoiement, ectropion ou entropion peut de ces séquelles : nous citerons ainsi les retards à la prise en charge
correspondre à un taux de 0 à 5 % selon la gêne fonctionnelle initiale, la méconnaissance des lésions ou la sous-estimation de leur
provoquée, auquel il faut ajouter l’évaluation du préjudice gravité, l’insuffisance d’un traitement privilégiant le galbe par rapport
esthétique. En revanche, les fractures de l’os zygomatique sans à l’occlusion ou l’inverse. Enfin, la complexité de la région faciale, siège
retentissement sur les fonctions visuelles ou masticatoires ne de nombreux organes sensoriels, impose une prise en charge
correspondent à aucun taux d’invalidité. multidisciplinaire pas toujours disponible dans le cadre de l’urgence.

Références ➤

17
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie

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18
¶ 22-070-A13

Traitement des fractures


de la mandibule
F. Denhez, O. Giraud

Le traitement des fractures de la mandibule bénéficie des progrès de l’imagerie médicale dont les
données, associées à l’examen clinique initial, permettent d’affiner le diagnostic lésionnel. L’avènement
des matériels d’ostéosynthèse, au premier rang desquels se placent les plaques métalliques miniaturisées,
privilégie dans de nombreux cas les procédés chirurgicaux. Une fois les urgences vitales contrôlées, le
traitement des fractures de la mandibule concerne en premier lieu les lésions osseuses. Selon les cas, les
dents et le parodonte, les téguments cutanés et muqueux sont également intéressés par les procédés de
correction ou de restauration. Sont associés à cette prise en charge thérapeutique réparatrice le
traitement médical proprement dit, les mesures d’hygiène buccodentaire et diététiques ainsi que la
rééducation. Enfin, ce type de fracture est susceptible d’entraîner des séquelles diverses nécessitant un
traitement adapté à chacune d’entre elles.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fracture de la mandibule ; Osthéosynthèse de la mandibule ; Orthopédie de la mandibule

Plan • recul de la partie antérieure de la mandibule par action des


muscles abaisseurs à la suite d’une fracture bilatérale de la
¶ Urgences vitales 1 région symphysaire ;
Troubles respiratoires 1 • hématome ou œdème expansif de la langue ou du plancher
Troubles circulatoires 2 buccal dans le cadre des associations lésionnelles locales ;
• associations lésionnelles régionales :
¶ Traitement des lésions osseuses 2
C atteinte centrale ou neurologique par lésion des centres
Buts du traitement 2
Principes du traitement 2 respiratoires bulbaires, déficit du contrôle respiratoire
Moyens de traitement 2 cortical ;
Indications 4 C atteinte périphérique : lésion laryngée (écrasement, fracas),
¶ Traitement dentaire 7
lésion thoracopulmonaire de la paroi thoracique avec volet
costal et incompétence respiratoire douloureuse, lésion
¶ Traitement médical 7
thoracopulmonaire du parenchyme pleuropulmonaire avec
¶ Diététique et hygiène buccodentaire 7 épanchement compressif (pneumothorax, hémothorax ou
¶ Rééducation 8 association des deux), l’importance de ces phénomènes
¶ Traitement des séquelles 8 pouvant amener à la suffocation.
L’obstruction des voies aériennes supérieures constitue une
urgence absolue pouvant induire un syndrome de détresse
respiratoire aiguë et devant être traitée immédiatement, même
■ Urgences vitales par des gestes de secourisme en attendant l’arrivée des moyens
médicalisés.
Elles sont représentées par les troubles respiratoires et Il faut ainsi retirer au doigt tous les débris qui peuvent gêner
circulatoires schématisés chez les auteurs anglo-saxons par le le passage de l’air et placer la victime en position latérale de
sigle A B C (A = airway ; B = breathing ; C = circulation). sécurité en veillant à maintenir l’axe cervical en cas de suspi-
cion d’atteinte rachidienne (douleur spontanée ou provoquée,
Troubles respiratoires déformation au niveau du rachis cervical).
Ils peuvent être gravissimes en mettant en jeu de façon quasi- Le personnel des services médicaux d’urgence (SMUR, pom-
immédiate le pronostic vital par obstruction de la filière piers) complétera l’exploration des voies aériennes supérieures à
aérienne supérieure. l’aide d’une aspiration. Il procédera ensuite à une intubation
Plusieurs mécanismes peuvent en être la cause : permettant une ventilation mécanique ou réalisera, en cas
• obstruction de la cavité buccale et de l’oropharynx par des d’impossibilité (fracas du larynx, fracture du rachis cervical),
débris telluriques, des caillots sanguins, des fragments une trachéotomie dite « à la volée » qui constitue alors un geste
dentaires ou prothétiques ou tout autre corps étranger ; de sauvetage.
• rupture des attaches antérieures de la langue avec glossoptose, Une fois le patient arrivé à l’hôpital, les voies respiratoires
en particulier par fracture des apophyses geni situées dans la sont à nouveau contrôlées et l’intubation peut être remplacée
concavité de l’arc mandibulaire et sur lesquelles s’insèrent par une trachéotomie réglée si la ventilation mécanique doit
plusieurs muscles linguaux. être prolongée.

Stomatologie 1
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule

Troubles circulatoires Traitement orthopédique


Ils peuvent être liés à un saignement en jet d’origine artérielle Il fait appel à une solidarisation des dents qui sont utilisées
comme peut en provoquer par exemple une plaie de l’artère comme de véritables fiches d’un fixateur endobuccal. Selon
linguale ou de l’artère ranine. On peut également observer des l’importance des lésions fracturaires, on a recours à une
hémorragies en nappe mettant en jeu le système veineux. contention monomandibulaire n’intéressant que l’arcade
Les pertes sanguines entraînent des troubles de l’hématocrite dentaire inférieure ou bien à un blocage bimaxillaire associant
qui, outre un syndrome anémique avec chute de l’hémoglobi- les deux arcades.
némie, peuvent être à l’origine d’un choc hypovolémique et de Contention monomaxillaire
perturbations cardiaques allant des troubles du rythme jusqu’à
Elle utilise des gouttières, des arcs métalliques modelables
l’arrêt permanent.
maintenus par des ligatures péridentaires au fil d’acier, des arcs
Le traitement consiste en un remplissage par solutés macro-
collés sur des brackets ou renforcés par une attelle en résine. La
moléculaires administrés par l’intermédiaire d’une ou de
mobilité mandibulaire est maintenue mais une alimentation
plusieurs voies veineuses centrales ou périphériques. Le contrôle
adaptée analogue à celle du traitement fonctionnel est nécessaire.
des saignements doit y être également associé, le plus vite
possible. Sur les lieux de l’accident, on sera parfois amené à Blocage bimaxillaire
réaliser des sutures vasculaires, poser des pinces hémostatiques
Il relie classiquement les deux arcades dentaires au moyen
ou effectuer un tamponnement ou des compressions de façon
d’arcs métalliques modelables maintenus par des ligatures
à mettre le patient en condition d’évacuation.
péridentaires et associés entre eux par des fils métalliques ou des
À l’hôpital, un bilan clinique et biologique sera pratiqué et
élastiques. Pour des blocages de durée réduite, on peut égale-
un geste d’hémostase complémentaire pourra s’avérer nécessaire.
ment solidariser des ligatures péridentaires de type Ivy au
niveau du groupe prémolaire ou des vis intraosseuses au niveau
de la corticale externe à travers la muqueuse vestibulaire.
■ Traitement des lésions osseuses La mise en bon articulé au préalable permet la réduction des
Les modalités du traitement des lésions osseuses varient selon déplacements, la contention étant assurée par le blocage
leurs types et leur localisation. On distingue le traitement intermaxillaire qui immobilise la mandibule.
fonctionnel, le traitement orthopédique et le traitement Traitement chirurgical
chirurgical. Pour certains, ce dernier serait à l’origine d’un taux
de complications plus important que le traitement orthopédique Il existe plusieurs méthodes selon les techniques d’abord des
pour les mêmes lésions initiales, en particulier pour les fractures lésions et le type de matériel utilisé. L’abord n’est pas toujours
de l’angle. [1] direct en raison de l’accessibilité difficile voire impossible de
certaines fractures.
Buts du traitement Méthodes intrafocales
Le but essentiel du traitement est de rétablir les fonctions Elles consistent en un abord du foyer de fracture « à ciel
liées aux différents mouvements de la mandibule (ouverture et ouvert », le plus souvent par voie muqueuse endobuccale
fermeture buccale, propulsion, rétropulsion et diduction) vestibulaire inférieure, parfois par voie externe cutanée. Cet
permettant la mastication. abord permet de contrôler de visu la qualité de la réduction des
En cas de déplacement ou de perte osseuse, l’objectif du déplacements et de réaliser une synthèse des segments fracturés
traitement est également de restaurer l’intégrité anatomique en permettant leur contention. Cette ostéosynthèse peut être
particulier dans la portion dentée de la mandibule ce qui a, par réalisée par du fil d’acier, des vis monocorticales ou bicorticales
conséquent, une incidence fonctionnelle mais aussi esthétique et des plaques métalliques vissées. Des antibiotiques sont
par rétablissement de l’articulé dentaire et de la continuité généralement associés en raison de la mise en place de matériel
osseuse. étranger sur le site fracturaire, considéré comme ouvert lorsque
les lésions intéressent la portion dentée.
Voies d’abord. Les voies chirurgicales classiques sont vestibu-
Principes du traitement laires inférieures et doivent être réalisées à distance de la
Outre les urgences vitales, les principes du traitement sont gencive attachée afin de pouvoir assurer une suture sans
constitués par la réduction du déplacement des éléments osseux tension. Au niveau de la région parasymphysaire et de la
fracturés et par la contention de ces derniers. branche horizontale, l’émergence du nerf mentonnier en regard
En ce qui concerne les fractures occlusales, on fait appel au de la zone prémolaire doit être repérée et ménagée par une
respect de l’occlusion antérieure ce qui, dans la pratique, n’est dissection prudente et un écartement non traumatique des
pas toujours facile à évaluer, en particulier en cas de pertes ou berges de la plaie opératoire.
de fractures dentaires associées ou d’atteintes prothétiques. Les voies cutanées sont parfois nécessaires lorsque l’abord
La réduction est basée sur le respect des rapports interdentai- endobuccal ne permet pas un accès suffisant au foyer de
res. Elle peut être réalisée de façon manuelle, par traction fracture, notamment au niveau condylien ou angulaire. Le
élastique au niveau des arcades dentaires, ou par voie rameau mentonnier et la branche temporofaciale du nerf facial
chirurgicale. constituent des dangers tandis que l’abord cutané en général
La contention fait appel aux ligatures simples jusqu’au représente un inconvénient sur le plan esthétique en laissant
blocage intermaxillaire ou bien à des procédés chirurgicaux une rançon cicatricielle qu’il faudra limiter au maximum.
d’ostéosynthèse par fil métallique, vis ou plaques vissées. Enfin, les plaies cutanées ou muqueuses peuvent également être
utilisées en tant que voie d’abord et être au besoin agrandies. Elles
ne doivent cependant pas être trop délabrées ou souillées ; la
Moyens de traitement nécrose d’un lambeau muqueux par ischémie pourrait survenir
entraînant la découverte du matériel d’ostéosynthèse sous-jacent
Traitement fonctionnel
avec un risque septique nécessitant son retrait.
Il consiste en la prise d’une alimentation d’abord liquide puis Techniques.
semi liquide ce qui permet de solliciter les pièces osseuses de Ostéosynthèse au fil d’acier. Cette technique, ancienne et
façon modérée lors des mouvements mandibulaires en dimi- économique, n’est plus guère d’actualité dans le traitement des
nuant l’action des forces masticatoires. Cette mise au repos fractures classiques qui faisait appel à des ligatures bicorticales,
mandibulaire, associée à une mise en charge progressive par ou unicorticales, simples, en U ou en X. Ces dernières évitaient
épaississement croissant des aliments, favorisent ainsi la l’effet de cisaillement (Fig. 1).
consolidation. Un contrôle clinique et radiologique régulier et Ces ligatures peuvent toutefois servir pour la stabilisation de
fréquent est indispensable. petits fragments avant la mise en place de miniplaques ; un

2 Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13

Figure 1. Ligature au fil métallique (en X).

forage préalable est nécessaire et il faut veiller à limiter un


dépériostage excessif, surtout en cas de fragments multiples ce
qui pourrait compromettre leur vitalité.
Le matériel peut être laissé en place ou retiré ultérieurement
Figure 2. Maxiplaque métallique et greffon osseux.
sous anesthésie locale le plus souvent.
Ostéosynthèse par vis. Les vis sont placées dans la corticale
externe ou les deux corticales, externe et interne, selon le type
de fracture et les rapports avec le canal dentaire. Elles ont un
effet de compression qui rapproche les fragments osseux
fracturés. Elles peuvent être utilisées de façon isolée lorsque la
topographie et l’orientation des fractures empêchent la mise en
place de plaques (fracture en biseau). Il existe cependant un
risque de déplacement supplémentaire du foyer de fracture lors
du vissage.
Ostéosynthèse par plaques. Il existe différents types de plaques
fixées dans l’os au moyen de vis et l’on distingue les maxipla-
ques et les miniplaques. À côté de ce matériel métallique sont
apparues récemment des plaques résorbables ; elles ne sont pas
encore d’utilisation courante, surtout à la mandibule, et font
l’objet d’études. [2] Le délai de résorption couvre la période de
consolidation et elles ne semblent pas induire de toxicité ou de
phénomènes inflammatoires. [3] Au niveau de la mandibule, ce
sont les miniplaques qui sont le plus employées. L’avènement
de ces plaques permet a priori de lever le blocage intermaxillaire
dès que l’ostéosynthèse est réalisée ce qui permet de conserver
la liberté de mouvements de la mandibule. Le blocage reste
cependant un préalable indispensable pour permettre la réduc-
tion des déplacements en restaurant l’articulé dentaire. L’abla-
tion des plaques est conseillée, sans être obligatoire, après la Figure 3. Miniplaques métalliques.
consolidation. Dans certains cas, elle peut être réalisée sous
anesthésie locale.
• Maxiplaques : elles ont été les premières à être utilisées pour • le cerclage simple ;
les ostéosynthèses, d’abord par voie exobuccale puis par voie • le cerclage sur gouttière ou sur prothèse.
endobuccale. Rigides, elles sont réservées actuellement aux Là encore, ces méthodes ne sont plus guère d’actualité depuis
pertes de substance étendues ou aux fractures comminutives l’utilisation courante des plaques d’ostéosynthèse.
où elles sont placées en pont en étant fixées par des vis le
plus souvent monocorticales. Elles permettent de conserver la Méthodes transfocales
forme générale de la mandibule avant la mise en place Il s’agit d’un embrochage à travers le foyer de fracture à l’aide
éventuelle d’un greffon osseux (Fig. 2). de broches de type Kirschner placées horizontalement (Fig. 4)
• Miniplaques : il s’agit de plaques miniaturisées qui chevau- ou en croix (Fig. 5) au niveau du corpus. Les fractures commi-
chent le foyer de fracture et sont maintenues en place par des nutives de la région symphysaire peuvent bénéficier de ce
vis monocorticales après avoir été modelées à la forme de l’os. traitement nécessitant un abord percutané.
Ces plaques et ces vis sont généralement en titane et sont
bien tolérées. Des études ont montré la persistance de Méthodes parafocales
particules de titane dans les tissus adjacents sans que leur Elles sont assurées par l’utilisation d’un fixateur externe
caractère nocif soit démontré. [4] Les miniplaques sont placées (Fig. 6) ou de broches de type Kirschner reliées entre elles par
de façon à respecter les lignes de Champy décrites en fonc- un pont en résine (Fig. 7). Ce matériel est donc mis en place à
tion des contraintes exercées sur les foyers de fracture du distance du foyer de fracture.
corps de la mandibule (Fig. 3). Il en existe de diverses formes, Ces techniques sont employées préférentiellement en cas de
le plus souvent droites avec un nombre variable de trous. Des fracture comminutive ou de perte de substance au niveau du
plaques tridimensionnelles (3D), rectangulaires ou carrées, corpus, en particulier dans les délabrements liés aux armes à
sont également disponibles. feu.
Méthodes périfocales Autres méthodes chirurgicales
On distingue : L’avènement et les progrès de la chirurgie réparatrice permet-
• les ligatures périosseuses ; tent l’utilisation au niveau de la mandibule non seulement de

Stomatologie 3
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule

Figure 4. Méthodes transfocales : broches de Kirschner horizontales.

Figure 6. Méthodes parafocales : fixateur externe.

Figure 5. Méthodes transfocales : broches de Kirschner en croix.

greffons osseux mais aussi de lambeaux composites qui peuvent Figure 7. Méthodes parafocales : broches de Kirschner reliées par un
être prélevés à distance et revascularisés sur le site receveur. pont en résine.
Les greffons osseux ou ostéochondraux peuvent être iliaques,
costaux ou péroniers pour la plupart. Les lambeaux composites
comportent une composante osseuse associée selon les cas à des
tissus cutanés, aponévrotiques, musculaires. La connaissance de Indications (Fig. 8)
leur microvascularisation permet l’utilisation de ces lambeaux
composites qui sont ensuite branchés sur les vaisseaux artériels
et veineux dépendant du système facial. Les greffons osseux
Traitement fonctionnel
sont ostéosynthésés sur le site receveur au moyen de Il est utilisé en l’absence de déplacement ou de déplacement
miniplaques. minime avec une orientation du trait de fracture favorable par
Le type en est le lambeau de péroné (ou fibulaire) [5, 6] dont rapport à l’action des forces musculaires. Il peut aussi être
la composante osseuse présente des analogies anatomiques avec proposé chez l’enfant en cas de fracture en bois vert ou chez
l’arcade mandibulaire. l’adulte où une fracture peu déplacée sans troubles de l’occlu-
sion est découverte tardivement. Il suppose l’entière coopération
Traitements mixtes éclairée du patient et reste la base du traitement des fractures
L’association de plusieurs types de traitement peut être condyliennes en complément des thérapeutiques orthopédiques
réalisée dans les fractures de la mandibule selon leurs types : ou chirurgicales. [7]
• suture au fil d’acier et blocage intermaxillaire ;
• ostéosynthèse par miniplaque et blocage intermaxillaire ; Traitement orthopédique
• cerclage d’une prothèse dentaire ;
• suture au fil d’acier et contention monomaxillaire ; Il est utilisé seul d’emblée ou en cas de contre-indication au
• blocage intermaxillaire et fixateur externe. traitement chirurgical ou bien comme temps préalable à celui-ci.

4 Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13

Pertes de substances étendues Portion non dentée

Fixateur externe Fracture non déplacée :


mainteneurs d'espace - surveillance Fracture déplacée
puis greffes plus ou moins lambeaux composites - mobilisation prudente

Ramus : Coroné :
Condyle
- abstention ou BIM BIM courte durée

Fracture sous-condylienne basse : Fracture sous-condylienne haute : Fracture capitale :


- BIM 8 à 15 jours ou - BIM inférieur à 8 jours ou - mobilisation précoce
- ostéosynthèse ou vissage axial - ostéosynthèse ou vissage axial plus ou moins blocage court

Portion non dentée Association portion dentée et non dentée

Fracture non déplacée :


traitement fonctionnel Fracture déplacée :
BIM
plus ou moins blocage simple (Ivy) BIM et/ou
plus ostéosynthèse
ou contention monomaxillaire ostéosynthèse

Figure 8. Arbre décisionnel. Thérapeutique. BIM : blocage intermaxillaire.

Traitement chirurgical Au niveau de la région condylienne, l’abstention thérapeuti-


que est associée à une mobilisation prudente avec contrôles
C’est le traitement le plus utilisé actuellement en raison de réguliers de l’ouverture buccale.
son confort autorisant une reprise rapide de l’alimentation par
Fractures déplacées, unilatérales.
le patient ainsi que ses activités professionnelles.
Fractures de la portion dentée (corpus).
Applications • Fractures de la symphyse et de la région parasymphysaire : le
traitement est orthopédique par blocage intermaxillaire ou
Fractures partielles : fractures du rebord alvéolaire chirurgical par ostéosynthèse par plaques miniaturisées vissées
(fractures alvéolodentaires) ou bien il associe les deux méthodes. L’importance des
Après réduction des déplacements dentaires éventuels, une contraintes exercées sur le foyer de fracture nécessite à ce
contention est réalisée par des ligatures dont il existe plusieurs niveau la mise en place de deux plaques superposées pour
types (en berceau, en échelle, etc.) ou une attelle en résine une meilleure stabilité. En cas de difficultés de mise en place,
autopolymérisable qui peut être renforcée par un fil métallique une contention monomaxillaire peut remplacer la plaque
ou encore par un blocage intermaxillaire plus stable. supérieure dans la région apicale.
• Fracture de la branche horizontale : le traitement se fait par
Fractures complètes blocage intermaxillaire ou par ostéosynthèse au fil d’acier ou
Fractures non déplacées. Au niveau de la symphyse, de la par une seule miniplaque, en arrière du trou mentonnier, ou
branche horizontale et de l’angle, le traitement fonctionnel par association des deux procédés.
suffit en règle générale. Il peut être remplacé au début par un • Fractures de la région angulaire : le traitement consiste en une
blocage simple avec des ligatures d’Ivy ou par une contention ostéosynthèse par plaque miniaturisée vissée mise en place :
monomaxillaire par arc métallique et ligatures péridentaires. C au niveau de la ligne oblique externe après un abord
Au niveau de la branche montante et du coroné, une sur- endobuccal au fond du vestibule ;
veillance clinique et radiologique simple est souvent indiquée. C si le trait de fracture est très postérieur ou si la réduction est

Stomatologie 5
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule

instable, à la face latérale de la région pour éviter un écarte- • Fracture de l’angle bilatérale : il s’agit d’une fracture particulière-
ment du foyer. L’abord est alors percutané faisant appel à une ment instable. Traitement orthopédique par blocage intermaxil-
instrumentation particulière transjugale. Un abord transcutané laire ou ostéosynthèse par deux miniplaques sont possibles.
sous-angulaire est parfois nécessaire lorsque la fracture reste • Fracture condylienne bilatérale : le traitement primaire est
instable, certains utilisant alors une maxiplaque. orthopédique (blocage sur cale postérieure) ou chirurgical par
En cas de contre-indication au traitement chirurgical, un ostéosynthèse par miniplaque. Il doit être rapidement com-
blocage intermaxillaire est nécessaire. plété par un traitement fonctionnel passif puis actif particu-
Fractures de la portion non dentée. lièrement important ici pour éviter une béance antérieure et
les répercussions néfastes de ce type de fracture sur la
• Fractures de la branche montante (ramus) : l’action des masses
cinétique articulaire.
musculaires massétérine et ptérygoïdienne aboutit à une
Fractures asymétriques. On peut citer les lésions suivantes :
autocontention qui autorise souvent une abstention théra-
• fracture de la région symphysaire et fracture de la branche
peutique. En cas de déplacement persistant, le traitement
horizontale controlatérale ;
chirurgical est délicat quelle que soit la méthode car le foyer
• fracture de la région symphysaire ou de la branche horizon-
de fracture est difficile à aborder. Le traitement est en règle
tale et fracture de l’angle controlatéral ;
orthopédique par blocage intermaxillaire.
• fracture de la région symphysaire ou de la branche horizon-
• Fractures de la région condylienne : les partisans du traitement
tale et fracture condylienne controlatérale.
chirurgical s’affrontent avec ceux du traitement fonction-
Ces associations nécessitent le plus souvent l’ostéosynthèse
nel [8] qui ne permet pas une réduction anatomique parfaite
d’au moins l’un des foyers de fracture avec un blocage inter-
mais préserve la fonction avec un remodelage du condyle, en
maxillaire prolongé en raison de leur instabilité habituelle.
particulier dans les fractures hautes. Le choix du traitement
Fractures plurifocales. Le type en est l’association d’une
dépend de l’expérience de chacun mais aussi du niveau de
fracture de la région symphysaire ou de la branche horizontale
fracture et de l’importance et de la direction du déplacement
avec une fracture condylienne bilatérale : le traitement est
du segment fracturé. [9]
orthopédique et chirurgical. Une ostéosynthèse de la région
C Fractures sous-condyliennes basses : un blocage intermaxillaire symphysaire par plaques miniaturisées vissées est effectuée après
de 8 à 15 jours est réalisé avec des tractions élastiques sur mise en bon articulé et blocage intermaxillaire. Elle permet la
cale molaire pour réduire progressivement le déplacement. levée précoce de ce blocage intermaxillaire réalisé sur cales
Il est suivi d’une mobilisation précoce de la mandibule en molaires et élastiques pour aider à réduire les déplacements
ouverture-fermeture et en propulsion. Le traitement chirur- condyliens et la mise en route rapide de la rééducation.
gical fait appel à un abord rétromandibulaire ou prétragien Fracas et fractures comminutives. Le nombre et la taille souvent
avec mise en place d’une miniplaque d’ostéosynthèse. Une réduite des fragments osseux rendent une ostéosynthèse traumati-
autre technique consiste en un abord indirect sous-angulo- sante avec un risque pour la vitalité des éléments fracturés. Le
mandibulaire, un forage de la branche montante, une traitement orthopédique est, quant à lui, peu compatible avec le
réduction du déplacement et une contention par vissage en manque de stabilité osseuse et l’atteinte fréquente des dents. On
compression selon la méthode d’Eckelt. [10] Cette techni- peut alors avoir recours à un fixateur externe qui permet, après
que, aux difficultés propres, nécessite une expérience réduction, de réaliser une contention à distance.
certaine des opérateurs. [11, 12] Fractures ouvertes, pertes de substance étendues. Les
lésions osseuses, mais aussi cutanées, muqueuses et musculaires,
C Fractures sous-condyliennes hautes : pour certains un blocage
sont particulièrement étendues et peuvent être associées à
intermaxillaire de courte durée, n’excédant pas 8 jours, est
l’atteinte d’éléments nobles vasculaires, neurologiques et
effectué de la même façon que précédemment. Pour
salivaires. La mise en œuvre rapide d’une thérapeutique de
d’autres, le blocage est contre-indiqué en raison des risques sauvetage des fonctions respiratoire et circulatoire est souvent la
d’ankylose précoce. Une intervention chirurgicale peut être règle. Elle est suivie par un bilan des lésions puis par leur
réalisée : elle comporte un abord direct prétragien, une traitement. Deux modalités sont proposées ; elles dépendent des
réduction sanglante et une contention par ostéosynthèse habitudes du chirurgien, des dégâts et du terrain sur lequel ils
par miniplaque vissée. Une autre technique consiste en un se sont produits :
abord indirect sous-angulomandibulaire, un forage de la • maintenir les pièces osseuses restantes en position anatomique au
branche montante, une réduction du déplacement et une moyen d’un dispositif extrafocal représenté par un fixateur
contention au moyen d’une vis d’Eckelt. Dans tous les cas, externe ou des broches de Kirschner (Fig. 9). Consacrer les
une rééducation précoce des mouvements mandibulaires pertes de substance tégumentaires en suturant les plaies
doit être effectuée pour éviter ou diminuer leur limitation. cutanées et muqueuses entre elles. Réaliser rapidement la
C Fractures capitales : certains préconisent une mobilisation réparation de l’ensemble des pertes de substance en apportant
précoce avec ou sans blocage de courte durée par élastiques du tissu prélevé dans la région ou à distance et revascularisé
sur cale molaire. D’autres auteurs sont partisans d’une in situ sur les vaisseaux faciaux. Le greffon osseux, conformé
à la perte de substance, est le plus souvent ostéosynthésé ;
intervention chirurgicale avec abord direct du condyle,
• effectuer la réparation de l’ensemble des pertes de substance
résection de la tête et remplacement de celle-ci par un
de façon immédiate selon les mêmes modalités de prélève-
greffon osseux ou ostéochondral ou par une prothèse. Là
ment et de mise en place. La qualité des tissus prélevés et la
encore, la rééducation précoce est de règle. richesse vasculaire de la face autorisent de plus en plus ce
• Fractures de l’apophyse coronoïde : le traitement chirurgical est type de traitement.
rarement indiqué et un blocage de courte durée peut être Dans les deux cas, des « retouches » chirurgicales multiples
utilisé à titre antalgique. La rééducation doit permettre de sont nécessaires pour affiner l’épaisseur des tissus apportés et
juguler une limitation de l’ouverture buccale par atteinte du améliorer le résultat final, esthétique et fonctionnel.
muscle temporal (hématome, rétraction). Fractures régionales associées. L’association de fractures du
Fractures déplacées, bilatérales. massif facial voire du crâne complique d’autant le traitement
Fractures symétriques. qu’elles résultent pour la plupart d’un traumatisme très violent
• Fracture parasymphysaire bilatérale : le traitement est de préfé- entraînant des lésions multiples ; on peut se retrouver face à un
rence chirurgical avec ostéosynthèse par plaques miniaturisées véritable puzzle osseux.
vissées en raison du risque d’instabilité du segment osseux La stratégie thérapeutique commande alors de traiter d’abord
intermédiaire. On peut également réaliser un blocage intermaxil- la mandibule par des moyens chirurgicaux, si possible par
laire ou associer les deux procédés. Quelle que soit la technique ostéosynthèse, sinon par fixation externe. L’arcade mandibulaire
utilisée, la réduction du déplacement constitue une urgence en va ainsi constituer un point de repère fixe permettant de
raison du risque asphyxique lié à la glossoptose. stabiliser le massif facial par blocage intermaxillaire. Une fois

6 Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13

Les dents incluses non lésées (canine, dent de sagesse), situées


dans le foyer de fracture, peuvent en règle générale être laissées
en place si la réduction peut se faire librement. La contention
est alors souvent réalisée par blocage bimaxillaire mais l’ostéo-
synthèse par miniplaques reste cependant possible. [13]
La conduite à tenir vis-à-vis des dents fracturées varie selon
la topographie des lésions osseuses et le niveau d’atteinte de la
dent.

■ Traitement médical
Le traitement médical encadre le traitement orthopédique ou
chirurgical des fractures de la mandibule. Outre les mesures de
réanimation évoquées au début de cet exposé, il comporte la
prescription :
• d’antalgiques voire d’analgésiques majeurs dont l’action sera
aidée par l’immobilisation initiale de la mandibule au moyen
d’une fronde, en particulier lors de l’évacuation du blessé ;
• d’antiœdémateux au premier rang desquels se trouvent les
Figure 9. Perte de substance interruptrice : dispositif extrafocal de corticoïdes. L’application de vessie de glace contribue large-
maintien des pièces osseuses. ment à diminuer l’œdème périfracturaire ;
• d’antibiotiques en particulier dans les fractures de la portion
dentée de la mandibule considérées comme des fractures ouvertes
cette stabilisation acquise, le traitement des étages supérieurs de
à la peau ou à la muqueuse. Cet usage n’est cependant pas
la face et du crâne pourra être entrepris.
systématique pour certains qui le réservent aux fractures compor-
Cas particuliers tant des plaies délabrées, opérées tardivement ou associées à une
Chez l’enfant. Le traitement orthopédique classique des fractures hygiène buccodentaire douteuse. L’association de l’amoxycilline
de la portion dentée est rendu difficile par l’anatomie particulière et de l’acide clavulanique est classiquement utilisée de façon
des dents lactéales. Une contention monomaxillaire ou un blocage isolée ou accompagnée du métronidazole ; elle est remplacée en
intermaxillaire peuvent néanmoins être réalisés au moyen de cas d’allergie à la pénicilline par des macrolides également
brackets collés qui remplacent les ligatures péridentaires. associés au métronidazole.
Le traitement chirurgical doit prendre en compte la présence La prophylaxie antitétanique est contrôlée et éventuellement
des germes des dents définitives et la contention doit être mise à jour. Les plaies cutanées et buccales sont désinfectées à
réalisée au plus près du bord basilaire. la Bétadine® ou au benzalkomium en cas d’allergie à l’iode.
Les fractures de la région condylienne répondent aux mêmes Enfin, l’aspect psychologique ne doit pas être négligé face à
types de traitement que pour l’adulte mais la surveillance doit ces blessés qui ne voient pas directement leurs blessures, qui
être renforcée en raison du risque majeur d’ankylose et de peuvent s’inquiéter d’un écoulement sanguin ou d’une ferme-
dysmorphose secondaire dans ce contexte. ture buccale incomplète ou douloureuse et qui ont pu être
Chez le vieillard. L’état général, l’existence de tares médicales choqués par les circonstances de survenue du traumatisme. Les
peuvent entraîner une contre-indication au traitement chirurgical. rassurer quant à l’état de leurs lésions et expliquer les choix
Le traitement orthopédique alors mis en œuvre suppose le thérapeutiques revient au praticien. Dans certains cas, la
contrôle d’une nutrition suffisante pour éviter l’affaiblissement
prescription d’anxiolytiques peut s’avérer nécessaire.
d’un patient handicapé par la contrainte d’un blocage inter-
maxillaire prolongé.
Chez l’édenté. L’absence des repères de réduction et des
moyens de contention que constituent les dents peut nécessiter ■ Diététique et hygiène
le recours à un traitement chirurgical.
Chez l’édenté total appareillé, les prothèses constituent des buccodentaire
repères des déplacements osseux et permettent une contention
par blocage intermaxillaire. Elles sont solidarisées à l’os au Face à une fracture de la mandibule, l’impossibilité de
moyen de ligatures périosseuses ou transosseuses après avoir été s’alimenter de façon habituelle est évidente. L’alimentation
munies de crochets permettant de réaliser le blocage ce qui liquide initiale devient une nécessité parce qu’elle fait partie du
constitue une méthode mixte orthopédique et chirurgicale. traitement dans les prises en charge fonctionnelles mais aussi en
Chez l’édenté partiel, on peut fixer des cales en résine sur cas de blocage intermaxillaire et même d’ostéosynthèse par
l’arc pour ne pas perdre de hauteur lors du blocage en particu- mini-plaque où les sollicitations osseuses postopératoires
lier dans le secteur molaire. immédiates doivent être minimes.
Selon le traitement, les aliments seront épaissis plus ou moins
rapidement. Il faut expliquer au patient la nécessité de ce type
■ Traitement dentaire d’alimentation, le rassurer quant aux possibilités de se nourrir
Les dents luxées ou impactées doivent être remises dans leur malgré un blocage intermaxillaire et le prévenir d’une perte de
position initiale sur l’arcade avant tout traitement osseux afin de poids habituelle de quelques kilogrammes qui sera quotidienne-
pouvoir au mieux reconstituer l’articulé dentaire qui sert de ment surveillée. Les prises alimentaires sont fractionnées dans la
référence. Leur vitalité doit être surveillée ; un traitement endoca- journée, les repas étant dans la mesure du possible préparés
nalaire est nécessaire en cas de mortification immédiate ou devant le patient afin de faciliter son appétence. La ration
secondaire. calorique doit être contrôlée et éventuellement complétée par
Les dents trop délabrées constituent un facteur de contamination des préparations du commerce.
et sont donc avulsées de même que celles qui gênent la réduction L’hygiène buccodentaire doit être la plus rigoureuse possible,
des déplacements, en particulier au niveau de l’angle où la dent de en particulier en cas de blocage intermaxillaire, et là aussi être
sagesse peut constituer un obstacle irréductible. Il faut cependant bien expliquée au patient. Le brossage régulier des dents associé
être économe de l’os à ce niveau pour ne pas compromettre la aux bains de bouche et aux pulvérisations endobuccales sont
stabilité du foyer de fracture et la consolidation. indispensables, en particulier après chaque prise alimentaire.

Stomatologie 7
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule

■ Rééducation • Les rétrusions séquellaires des fractures bicondyliennes peuvent


bénéficier des techniques récentes de distraction osseuse.
Les fractures de la mandibule peuvent entraîner une atteinte • Les ostéites sont traitées par immobilisation et antibiothérapie
de la mobilité de l’os, en particulier en cas de blocage inter- prolongées après ablation des corps étrangers en cause
maxillaire prolongé ou d’atteinte des régions condyliennes (matériel d’ostéosynthèse, dents infectées).
surtout dans leur partie articulaire. La rééducation constitue • Les douleurs post-traumatiques localisées au niveau du foyer de
alors le complément indispensable du traitement initial sous fracture sont traitées par des antalgiques. Les algies entrant
peine de voir s’installer une constriction des mâchoires qui, dans le cadre d’un dysfonctionnement temporomandibulaire
devenant permanente, peut aboutir à une véritable ankylose des peuvent nécessiter une équilibration après bilan occlusal.
articulations craniomandibulaires. • Les dysesthésies et les paresthésies du nerf alvéolaire inférieur
Les méthodes de rééducation sont actives ou passives et peuvent entraîner la dépose de matériel ou la résection d’un cal
peuvent être associées entre elles. Elles nécessitent la participa- exophytique susceptibles de comprimer le nerf. Un traitement
tion du laboratoire de prothèse. En l’absence de kinésithéra- corticoïde à visée anti-inflammatoire ainsi qu’une vitaminothé-
peute, il revient au praticien maxillofacial de bien les expliquer rapie sont également institués. L’intensité de la symptomatolo-
au patient et de suivre régulièrement son évolution. gie peut entraîner la recherche d’un névrome et son exérèse.
Le but est de restaurer et de maintenir l’amplitude des .

mouvements mandibulaires en mobilisant les masses musculai-


res de la manducation. ■ Références
Les méthodes passives, manuelles ou par l’intermédiaire
d’appareils, forcent l’ouverture buccale. La mécanothérapie [1] Van Hove A, Lolom P, Sapanet M, Descrozailles JM. Les fractures
passive aide et guide les mouvements mandibulaires au moyen mandibulaires. Étude rétrospective de l’activité du service de Chirurgie
de mobilisateurs fixes ou amovibles qui agissent en permanence Maxillo-faciale et Stomatologie du CHU de Poitiers de 1978 à 1997.
ou de façon intermittente. Ils permettent, le plus souvent par Rev Stomatol Chir Maxillofac 2000;101:309-18.
un système de traction élastique, de guider ou de positionner la [2] Dolanmaz D, Uckan S, Isik K, Saglam H. Comparison of stability of
absorbable and titanium plate and screw fixation for sagittal split ramus
mandibule en particulier lors des exercices qu’effectue le
osteotomy. Br J Oral Maxillofac Surg 2004;42:127-32.
patient. Ceux-ci consistent en des étirements mettant en jeu les
[3] Edwards RC, Kiely KD, Eppley BL. Fixation of bimaxillary
éléments de l’articulation craniomandibulaire et les muscles de osteotomies with absorbable plates and screws: experience in 20
la manducation ainsi qu’une mobilisation passive de la mandi- consecutive cases. J Oral Maxillofac Surg 2001;59:271-6.
bule par le patient lui-même qui la saisit dans sa main. [4] Langford RJ, Frame JW. Tissue changes adjacent to titanium plates in
La kinésithérapie proprement dite permet une mobilisation patients. J Craniomaxillofac Surg 2002;30:103-7.
active, aidée, pure puis contre-résistance. [14] Lors de la mobilisation [5] Cariou JL, Bellavoir A. Les lambeaux libres composites avec péroné et
aidée, le patient effectue des mouvements en accompagnant leur adaptation à la chirurgie reconstructrice mandibulaire. À propos de
manuellement sa mandibule. Progressivement, cette aide manuelle 9 cas. Ann Chir Plast Esthet 1992;37:269-84.
est abandonnée pour aboutir à une mobilisation pure sans assis- [6] Laure B, Van Hove A, Aboumoussa J, Gendre C, Goga D. Le lambeau
tance. Dans la mobilisation contrariée, troisième et dernière étape libre de péroné. Anatomie. Technique de prélèvement. Rev Stomatol
de cette rééducation, les mouvements sont effectués contre- Chir Maxillofac 2000;101:147-53.
résistance afin de renforcer les forces musculaires. [7] Crivello O. Évaluation des mouvements mandibulaires après fracture
du condyle. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2002;103:22-5.
[8] Mercier J, Huet P, Perrin JP. Le traitement fonctionnel des fractures du
■ Traitement des séquelles condyle mandibulaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2000;101:203-6.
[9] Villarreal PM, Monje F, Junquera LM, Mateo J, Morillo AJ,
• Le traitement des troubles de l’articulé dentaire va des meulages Gonzalez C. Mandibular condyle fractures: determinants of treatment
successifs à une ostéotomie interruptrice ou non avec réaligne- and outcome. J Oral Maxillofac Surg 2004;62:155-63.
ment des segments osseux dans les trois dimensions de l’espace. [10] Eckelt U, Rasse M. Contrôle clinique radiographique et axiographique
• Les troubles de la cinétique mandibulaire avec limitation de après ostéosynthèse par vis de traction des fractures de la région
l’ouverture buccale ou latérodéviation mandibulaire peuvent condylienne de la mandibule. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1995;96:
faire l’objet d’infiltrations périarticulaires d’anesthésiques 158-65.
locaux pour lever le spasme musculaire. Certains auteurs [11] Méningaud JP, Maladière E, Bado F, Bertrand JC, Guilbert F. Techni-
procèdent à des injections intra-articulaires de corticoïdes que d’Eckelt : évaluation de la voie d’abord utilisée à la Salpêtrière. Rev
Stomatol Chir Maxillofac 1999;100:107-10.
mais cette technique présente un risque septique. En cas de
[12] Maladière E, Chikhani L, Méningaud JP, Favre E, Bertrand JC,
constriction permanente des mâchoires, une intervention
Guilbert F. Ostéosynthèse des fractures sous-condyliennes par vissage
chirurgicale suivie de mécanothérapie est indiquée. en compression selon la technique d’Eckelt. Expérience et difficultés
• Les retards de consolidation entraînent une immobilisation de la technique sur 5 ans. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999;100:
prolongée. On peut être amené à pratiquer un curetage du 75-81.
foyer de fracture, à retirer le matériel de synthèse situé au [13] Baykul T, Erdem E, Dolanmaz D, Alkan A. Impacted tooth in
niveau du foyer et à traiter ou avulser les dents mortifiées mandibular fracture line: treatment with closed reduction. J Oral
présentes, à réaliser une nouvelle contention (traitement Maxillofac Surg 2004;62:289-91.
orthopédique ou procédé extrafocal). [14] Lemière E, Sicre A, Vereecke F, Brygo A, Nicola J, Ferri J. Notre prise
• Les pseudarthroses peuvent nécessiter une greffe osseuse ou en charge kinésithérapique des fractures condyliennes articulaires. Rev
une endoprothèse selon le secteur intéressé. Stomatol Chir Maxillofac 2003;104:104-6.

F. Denhez, Chirurgien dentiste (franck.denhez@wanadoo.fr).


O. Giraud, Chirurgien maxillo-facial, chef de service adjoint.
Hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F., Giraud O. Traitement des fractures de la mandibule. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie,
22-070-A13, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-073-A-10 (2004)

22-073-A-10

Traumatismes craniofaciaux
O. Giraud
F. de Soultrait
O. Goasguen
Résumé. – Les traumatismes craniofaciaux intéressent de manière concomitante la face et le crâne, en
G. Thiery
particulier au niveau de la partie antérieure de la base de celui-ci. Leur gravité tient tout d’abord dans leur
D. Cantaloube
risque létal, en raison de la possible atteinte de l’encéphale et d’effraction de la dure-mère. Ils ont aussi un
retentissement majeur d’ordre fonctionnel, visuel, olfactif, voire masticatoire et également d’ordre esthétique.
Les mécanismes en cause sont variés et les nombreuses classifications proposées rendent compte de leur
complexité. Différents tissus et éléments importants de la face et du crâne peuvent être concernés. L’atteinte
craniofaciale peut être centrale, latérale ou combinée, résultant dans ce cas de traumatismes très violents,
souvent associés à des lésions multiples, viscérales et orthopédiques aggravant le pronostic. La prise en
charge des blessés craniofaciaux doit être immédiate, dès les lieux de l’accident. Le diagnostic lésionnel repose
sur l’examen clinique, neurologique et maxillofacial, et sur les moyens modernes de l’imagerie médicale, au
premier rang desquels se trouve la tomodensitométrie. Les risques de complications conditionnent la prise en
charge des traumatismes craniofaciaux. Ils sont essentiellement représentés par l’existence, la persistance ou
la récidive d’un écoulement de liquide cérébrospinal par brèche ostéoméningée avec risque de méningite.
Néanmoins, ces rhinorrhées sont de mieux en mieux diagnostiquées et prises en charge, en particulier grâce
aux techniques d’exploration et de réparation endoscopiques transnarinaires. Le traitement chirurgical
comprend selon les cas, et après réduction des fractures, des procédés de réparation osseuse tels que
l’ostéosynthèse par plaques métalliques et l’utilisation de greffons osseux en cas de fractures comminutives ou
de pertes de substance étendues. Les lésions de la dure-mère doivent également être réparées lorsqu’elles
donnent lieu à une rhinorrhée abondante ou ne se tarissant pas spontanément. Le devenir du sinus frontal, en
première ligne dans ces traumatismes, dépend de l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure, de son
plancher et du canal nasofrontal. Ce type de traumatismes montre la nécessité d’une collaboration étroite
entre chirurgiens maxillofaciaux, neurochirurgiens et oto-rhino-laryngologistes pour conduire un traitement
primaire définitif en un temps, auquel sont associés les ophtalmologistes et les anesthésistes-réanimateurs.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Traumatismes craniofaciaux ; Sinus frontal ; Sinus ethmoïdal ; Rhinorrhée post-traumatique ;


Fistule carotidocaverneuse ; Méningite à pneumocoque ; Endoscopie

Introduction des parties molles ainsi que des éléments nobles qu’elles renferment,
tout particulièrement la dure-mère qui enveloppe et protège
Les traumatismes craniofaciaux (TCF) associent des lésions l’encéphale. Ils deviennent ainsi susceptibles de mettre en jeu le
traumatiques ouvertes ou fermées intéressant à la fois la face et la pronostic vital dans des délais et selon des modalités variables
boîte crânienne, principalement la partie antérieure de celle-ci, ainsi suivant le type d’atteinte.
que les éléments qu’elles abritent. Sur le plan anatomique, la région craniofaciale présente un
Ils concernent une zone frontière particulière fréquemment désignée agencement rendu particulièrement complexe par ses nombreux
sous le vocable de confins craniofaciaux ; il s’agit là d’un véritable éléments étroitement liés les uns aux autres, alternativement
carrefour anatomique qui comporte de nombreux éléments dont résistants ou vulnérables aux chocs du fait de caractéristiques
l’importance vitale, fonctionnelle et esthétique fait toute la gravité structurelles et biomécaniques variables.
des atteintes de cette région. Le traitement des lésions des différentes structures craniofaciales
Souvent liés à des chocs violents, ces traumatismes peuvent n’est donc pas univoque. Il doit s’attacher à restaurer la morphologie
entraîner des lésions importantes des diverses structures osseuses et de cette entité en préservant les fonctions et les rapports avec la
voûte et la base du crâne en haut et en arrière et avec la mandibule
en bas, afin de reconstituer un ensemble céphalique cohérent.
O. Giraud (Chirurgien maxillofacial des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint)
Dans la grande majorité des cas, ce sont les lésions intracrâniennes
Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, qui conditionnent le pronostic vital initial, les lésions de la face
avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. tolérant quant à elles plus couramment une prise en charge
F. de Soultrait (Neurochirurgien des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint)
Adresse e-mail: ncpercy@club-internet.fr légèrement différée.
O. Goasguen (Assistant des Hôpitaux des Armées)
Service de neurochirurgie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse. BP 406,
Le traitement doit être idéalement rapide et complet, suivant ainsi
92141 Clamart cedex, France. la règle des quatre T édictée par Jean Pons : traiter Tout, Tôt,
G. Thiery (Assistant des Hôpitaux des Armées)
Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’Instruction des Armées Laveran, 4, boulevard
Totalement, en un Temps.
A.-Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France. Il est réalisé au mieux par une équipe multidisciplinaire associant
D. Cantaloube (Professeur agrégé du Val de Grâce, chef de service)
Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101,
neurochirurgiens, chirurgiens maxillofaciaux, ophtalmologistes et
avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. réanimateurs.
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

Épidémiologie
1 Figure 2 Vue de face de
la région orbitomalaire :
Les traumatismes craniofaciaux représentent des atteintes fréquentes portion postérieure de l’or-
de la face et du crâne. Ils sont provoqués par des chocs, le plus 2 bite. 1. Trou optique ; 2.
souvent très violents dans leur intensité et leur vélocité, liés gouttière lacrymale ; 3. fis-
essentiellement aux accidents de la voie publique. La vitesse 4 sure orbitaire inférieure ; 4.
excessive diminue voire annule la protection conférée par les zones fissure orbitaire supérieure.
d’absorption des chocs, qui ont été largement développées ces
dernières années dans la conception des véhicules automobiles. La
ceinture et les coussins gonflables de sécurité ainsi que les casques
3
des motocyclistes n’offrent quant à eux qu’une protection limitée à
grande vitesse.
Plus rarement, on retrouve de tels traumatismes à la suite
d’accidents du travail (chute d’échafaudage, éclatement de roue
d’engin de chantier par exemple), d’accidents de sport (montagne)
ou d’agressions avec des objets contondants, mais aussi de tentatives
ÉTAGE SUPÉRIEUR DE LA FACE
de suicide par armes à feu.
Les traumatismes craniofaciaux sont rarement isolés et sont Appendu à la base du crâne, il s’articule avec la région frontale de
habituellement associés à des lésions endocrâniennes et la voûte crânienne au niveau de la suture frontonasale au centre, et
ophtalmologiques mais aussi du reste du massif facial et de la des deux sutures frontomalaires latéralement.
mandibule, ceci en raison même de l’importance des forces Le tiers médian est composé des os propres du nez et de la partie
appliquées à l’extrémité céphalique naturellement peu protégée. Ils médiale des orbites, tandis que les tiers latéraux sont constitués par
entrent également souvent dans le cadre d’un polytraumatisme, la partie latérale des orbites (située en dehors de la fissure
majorant alors la mise en jeu du pronostic vital par l’altération des supraorbitaire) et le pilier frontal de l’os zygomatique.
fonctions respiratoires, cardiocirculatoires ou neurologiques. La paroi latérale des orbites est très épaisse ; elle constitue un pilier
Les lésions liées à ces traumatismes particulièrement vulnérants de résistance aux chocs dans sa partie antérieure et est en rapport
peuvent être d’une telle gravité qu’elles échappent à toute direct avec la voûte crânienne en rejoignant la paroi latérale de
description classique, comportant un nombre important de fractures celle-ci.
comminutives et de pertes de substance de localisation et L’orbite constitue une autre entité anatomique intéressée dans ces
d’importance variables. traumatismes, qu’ils soient médians ou latéraux. Sa partie antérieure
Par ailleurs, l’amélioration constante des moyens d’évacuation et des est constituée par un rebord ou margelle et par quatre parois qui
techniques de réanimation utilisés dans ce type de traumatismes a maintiennent le globe oculaire qui est mobilisé par les muscles
pour conséquence de voir augmenter le nombre de traumatisés moteurs oculaires. Sa partie postérieure (Fig. 2) comporte à l’apex le
craniofaciaux admis dans les centres de traitement des grandes trou optique, orifice antérieur du canal optique où cheminent le nerf
villes. optique et l’artère ophtalmique. La fissure orbitaire supérieure est
également située au fond du cône orbitaire, à l’angle supéroexterne
Rappel anatomique de l’apex orbitaire (Fig. 3). Elle est le lieu de passage d’autres
éléments nobles : veines ophtalmiques, nerfs moteurs oculaires
Les traumatismes craniofaciaux concernent une région particulière commun (III) et externe (VI), nerf pathétique (IV), branches
où s’unissent de façon intime le « crâne facial » et le « crâne lacrymale, nasale et frontale du nerf ophtalmique (V1), première
cérébral » des anatomistes (Fig. 1). Il s’agit de la réunion entre, d’une branche du nerf trijumeau (V).
part, l’étage supérieur de la face, et d’autre part, l’étage antérieur de La partie médiale de l’orbite est en relation étroite avec le complexe
la base du crâne et la partie frontale de la voûte crânienne qui la ethmoïdal. Par ailleurs, elle est en rapport, d’une part avec le
coiffe et dont l’épaisseur varie selon les individus et la localisation. ligament palpébral interne et ses deux tendons et d’autre part, avec
L’os frontal constitue la clé de voûte d’un ensemble anatomique les voies lacrymales dont la gouttière lacrymale et le canal
particulièrement complexe, formé également du côté crânien par le lacrymonasal qui lui fait suite puis s’ouvre au niveau du méat
sphénoïde et l’ethmoïde, qui relient le squelette du massif facial à la inférieur de la cavité nasale. La paroi médiale, particulièrement
base du crâne. mince, constitue un élément de fragilité. L’angle supéro-interne

Figure 1 Vues de face


(A) et de profil (B) du crâne
et de la face.

A B

2
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

1
12 2
11
1
10
11
9 3

8 4
7 2 5
10
6
6 3

5 7
4 9
8
Figure 3 Coupe frontale de la fissure orbitaire supérieure et du trou optique avec
leurs éléments de passage. 1. Nerf optique (II) ; 2. artère ophtalmique ; 3. nerf nasal
(V1) ; 4. veine ophtalmique inférieure ; 5. branche inférieure du nerf oculomoteur (III) ;
Figure 5 Coupe frontale passant par le milieu de l’orbite montrant les rapports en-
6. veine ophtalmique supérieure ; 7. nerf abducens (VI) ; 8. branche supérieure du nerf
tre le sinus frontal, les cellules ethmoïdales et les fosses nasales. 1. Crista galli ; 2. lame
oculomoteur (III) ; 9. nerf trochléaire (IV) ; 10. nerf frontal (V1) ; 11. nerf lacrymal
criblée de l’ethmoïde ; 3. cornet supérieur ; 4. lame perpendiculaire de l’ethmoïde ; 5. or-
(V1).
bite ; 6. fosses nasales ; 7. sinus maxillaire ; 8. vomer ; 9. cornet inférieur ; 10. cornet
moyen ; 11. cellules ethmoïdales ; 12. sinus frontal.

Résultat de la colonisation de l’os frontal par une cellule ethmoïdale,


il s’agit donc plutôt d’un sinus ethmoïdofrontal. Cavité aérienne
parfois absente en cas d’agénésie, de taille très variable, le plus
souvent paire et asymétrique, elle constitue une zone de faiblesse au
milieu du front et au-dessus des orbites, mais aussi dans une
1
certaine mesure une zone d’absorption des chocs. Elle comporte une
paroi antérieure directement exposée aux traumatismes et siège de
l’abord chirurgical, et une paroi postérieure très mince siège des
canaux de Bresche [30] permettant la communication des réseaux
veineux intrasinusiens et extraduraux. [46] La dure-mère de la fosse
crânienne antérieure adhère fortement à cette paroi postérieure. La
paroi inférieure ou plancher comporte une portion médiale,
ethmoïdonasale, et une portion latérale, orbitaire, constituant le toit
2 de l’orbite.
La cavité sinusienne est tapissée d’une muqueuse de type
respiratoire avec un épithélium cylindrique cilié et des formations
glandulaires. Elle recouvre également ces pertuis vasculaires ; son
atteinte peut entraîner des complications infectieuses à type de
sinusites ou tumorales à type de mucocèles.
Le sinus frontal comporte un seul système de drainage constitué
3 par le canal nasofrontal situé en arrière et en dedans du plancher ; il
le fait communiquer avec la fosse nasale correspondante, le plus
souvent au niveau du méat moyen. L’atteinte de ce canal est
importante à reconnaître car elle peut elle aussi être cause de
complications en cas d’obstruction, le drainage du sinus frontal ne
Figure 4 Vue supérieure des trois étages de la base du crâne. 1. Fosse crânienne an- pouvant plus être effectué.
térieure ; 2. fosse crânienne moyenne ; 3. fosse crânienne postérieure. L’ethmoïde prolonge en arrière la pyramide nasale, entre la partie
horizontale de l’os frontal et la partie antérieure de la base du crâne ;
comporte les orifices orbitaires des deux canaux ethmoïdaux
il est donc souvent concerné par les traumatismes de la région.
antérieur et postérieur qui livrent passage à des éléments
vasculonerveux. Le sinus ou labyrinthe ethmoïdal, constitué d’une partie antérieure
et d’une partie postérieure, représente un élément de fragilité,
BASE DU CRÂNE surtout en arrière où il est en rapport direct avec la dure-mère qui
adhère fortement au toit ethmoïdal. Il est également en relation en
Elle comporte trois étages : antérieur, moyen et postérieur (Fig. 4).
arrière avec le sinus sphénoïdal.
¶ Fosse crânienne antérieure Dans sa partie endocrânienne, l’ethmoïde accueille les bulbes
Appelée également étage facial ou étage ethmoïdofrontal de la base olfactifs dans les gouttières olfactives. Ces lames très fragiles, situées
du crâne, elle est constituée de trois os imbriqués entre eux : le de part et d’autre de l’apophyse crista galli, sont considérées comme
frontal, l’ethmoïde et le sphénoïde qui entretiennent des rapports le point faible de l’étage antérieur de la base du crâne.
étroits avec les os de la face : Communiquant avec les fosses nasales (Fig. 5), l’ethmoïde expose
ainsi à de sévères complications infectieuses méningées lorsqu’il est
– le maxillaire s’encastre littéralement sous l’ethmoïde et le frontal ; traumatisé. La cavité nasale est également en relation avec le sinus
– la lame criblée de l’ethmoïde forme la voûte des fosses nasales ; sphénoïdal dont l’orifice se situe au niveau du segment postérieur
– la face inférieure du frontal constitue le toit des orbites et du de la voûte des fosses nasales (Fig. 6).
complexe ethmoïdal.
¶ Fosse crânienne moyenne
L’os frontal est par ailleurs le siège du sinus frontal situé entre la
table externe et la table interne de la voûte du crâne et à la jonction En arrière et de chaque côté, le sphénoïde désigne par sa petite aile
de celle-ci avec la base. la frontière entre la fosse crânienne antérieure en avant et la fosse

3
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

1
Éléments de biomécanique
7 Les études classiques décrivent, tant au niveau du massif facial que
6 2 du crâne, des zones de forte résistance aux traumatismes et des
zones plus fragiles.
Les premières sont celles où vont s’épuiser les forces traumatiques
6 3 jusqu’au point de rupture où se produit la fracture ; les zones plus
5
fragiles se rompent pour des forces de moindre importance mais
4 permettent l’absorption d’une partie de l’énergie de l’impact, ce qui
5
épargne les structures avoisinantes.
8 Au niveau du massif facial, [7] les zones de résistance sont constituées
9 2
par des piliers : ce sont des coulées d’os compact destinées à
absorber l’énergie des forces appliquées au massif facial, en
particulier celles de la mastication qui sont de direction verticale. Il
est décrit trois piliers superficiels (antérieur, latéral et postérieur) et
un pilier profond qui s’étend du palatin au corps du sphénoïde.
Cette disposition ne protège guère des traumatismes de direction
horizontale. L’os spongieux est organisé en travées entre ces piliers,
tandis qu’on trouve un os particulièrement fin, papyracé, au niveau
Figure 6 Coupe sagittale des fosses nasales montrant la paroi latérale. Communi- de l’ethmoïde et du plancher orbitaire. Cet os permet d’alléger le
cation avec les sinus paranasaux. 1. Dure-mère ; 2. sinus frontal ; 3. cornet moyen ; 4. squelette mais n’offre aucun caractère protecteur.
cornet inférieur ; 5. sinus sphénoïdal ; 6. cellules ethmoïdales postérieures ; 7. bulbe et Au niveau de la base et de la voûte du crâne, est décrit un système
nerfs olfactifs ; 8. sinus maxillaire ; 9. cellules ethmoïdales antérieures.
d’arcs-boutants et d’entre-boutants (toit des orbites). Les entre-
boutants constituent des zones de faiblesse. Les arcs-boutants,
crânienne moyenne en arrière. À sa partie postérieure médiane, il
éléments de solidité, présentent eux aussi cependant des points de
forme la selle turcique qui abrite la glande hypophyse, bordée par
fragilité (lame criblée de l’ethmoïde, canal optique, fissure orbitaire
deux gros lacs veineux aux parois constituées de dure-mère : les
supérieure).
sinus caverneux. Ceux-ci sont traversés par les artères carotides
internes à leur entrée dans la boîte crânienne. Si l’os de la voûte crânienne est épais, sauf au niveau du sinus
frontal, celui de la base du crâne est fin et fragile.
¶ La dure-mère Des études plus récentes [45] font référence à un concept d’unités
anatomiques regroupant des éléments osseux, en distinguant au
Elle tapisse la face interne de la boîte crânienne. C’est-à-dire, pour la
niveau de la sphère craniofaciale des zones superficielles et
partie qui nous intéresse, dans le plan vertical, la face endocrânienne
profondes, d’une part, et une région centrale et deux régions
de l’os frontal en avant et latéralement, mais également, dans le plan
latérales, d’autre part :
horizontal, la face supérieure de la fosse crânienne antérieure,
représentée de chaque côté par le toit des orbites et les gouttières – au niveau de la région centrale :
olfactives. Elle forme une enveloppe fibreuse et résistante, constituée
de deux feuillets : – en surface, l’os frontal forme une unité mécanique avec les os
centraux de la face, et l’on peut décrire un pilier superficiel
– d’une part, le périoste, couche externe adhérente à l’os constitué par la zone glabellaire, la partie médiale des bords
endocrânien, richement innervé et vascularisé ; supraorbitaires, l’épine nasale du frontal, la partie supérieure des
– d’autre part, la dure-mère proprement dite, représentant la couche os nasaux et le processus frontal du maxillaire ;
interne. – en profondeur, on distingue deux structures : une structure de
Par endroits, ces deux feuillets se séparent pour former de larges disposition horizontale formée par la partie orbitaire du frontal (qui
sinus veineux, comme les sinus caverneux déjà cités, ou le sinus constitue la partie horizontale du plancher de la fosse crânienne
sagittal supérieur, dont le diamètre augmente depuis l’apophyse antérieure) et par les petites et grandes ailes du sphénoïde; une
crista galli en avant jusque vers l’arrière de la voûte crânienne. structure de disposition verticale formée par le processus médian
Appendue au sinus sagittal supérieur et suivant le même axe, la du frontal qui se poursuit par l’apophyse crista galli, la lame
faux du cerveau forme une cloison de dure-mère interhémisphérique perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer, l’ensemble formant un
sagittale, participant au soutien des deux hémisphères cérébraux. pilier vertical ;
L’adhérence de la dure-mère à l’os est plus ou moins importante, – au niveau des régions latérales :
alternant des zones décollables (convexité frontale, jugum
sphénoïdal, toit de l’orbite) et des points d’ancrage plus solides – en surface, on décrit un pilier tridimensionnel formé par le
(apophyse crista galli, gouttières olfactives, bord libre de la petite processus zygomatique de l’os frontal, le processus orbitaire de
aile du sphénoïde). Cette disposition facilite les déchirures et les l’os zygomatique, le processus pyramidal du maxillaire, l’arcade
décollements traumatiques dans les zones plus fragiles, entraînant zygomatique et le bord infraorbitaire ;
des brèches ostéoméningées. – en profondeur, l’association de l’os frontal à la grande aile du
sphénoïde forme un seul pilier vertical de forte résistance
¶ Lobes frontaux et organe de l’odorat mécanique, décrit par Couly comme un pilier
Protégés par la dure-mère, les lobes frontaux sont posés sur le relief ptérygo-sphéno-frontal.
osseux de la fosse crânienne antérieure. Les pôles antérieurs de ces Au total sont décrites :
deux lobes sont situés directement au contact de la paroi postérieure
– une plate-forme supérieure crânienne (frontosphénoïdale) formée par
du sinus frontal. Cette situation explique les contusions frontales et
la partie horizontale de l’os frontal et par les grandes et les petites
les séquelles neurologiques présentées par certains patients.
ailes du sphénoïde ;
Les filets olfactifs remontent depuis la muqueuse des fosses nasales
au travers de la lame criblée de l’ethmoïde pour rejoindre les bulbes – une plate-forme inférieure faciale (palatine) formée par les os
olfactifs posés dans les gouttières, prolongés en arrière par les nerfs palatins.
olfactifs. Toutes ces structures de l’odorat sont très exposées dans Ces deux plates-formes sont reliées par sept piliers verticaux, trois
les traumatismes craniofaciaux. médiaux et quatre latéraux :

4
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

– les trois piliers médiaux comprennent deux éléments fronto-naso-


maxillaires superficiels et symétriques et un élément fronto- Figure 8 Fractures laté-
rales.
ethmoïdo-vomérien profond ;
– les quatre piliers latéraux comprennent deux éléments fronto-
zygomatico-maxillaires superficiels et deux éléments
frontosphénoïdaux profonds.
Ces descriptions restent néanmoins théoriques. Plus récemment, en
s’inspirant de techniques liées à l’aéronautique et en rappelant que
l’os est une structure composite, les données biomécaniques de la
face et du crâne ont été modernisées en les comparant à un système
aréolaire organisé en plusieurs caissons qui ont un rôle d’allègement
des structures. [1]
Les caissons sont agencés en un système triple : cavités nasales au
centre, cavités orbitaires et sinus maxillaires latéralement.
Ce système est renforcé par un ensemble de cadres qui en assure la
rigidité.

Pathogénie

TRAUMATISMES LOCALISÉS
Ils peuvent être médians ou latéraux.

¶ Traumatismes médians L’existence d’un sinus frontal bien pneumatisé permet l’absorption
Ils occasionnent des fractures centrales (Fig. 7) au niveau de la au moins partielle de la force du traumatisme, au prix souvent d’une
région nasofrontale et atteignent le CNEMFO ou complexe naso- fracture de sa paroi antérieure, préservant ainsi la paroi postérieure
ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire soit de façon directe, soit par qui est en rapport direct avec la base du crâne. Lorsque le sinus
propagation de l’énergie traumatique appliquée initialement sur la frontal est de petite taille, il existe un risque accru d’atteinte de la
voûte crânienne. Cet ensemble anatomique et biomécanique dure-mère par l’intermédiaire du toit de l’orbite ou de la paroi
comporte une partie antérieure et une partie postérieure. postérieure du sinus. [6, 18] On s’expose ainsi à une fuite de liquide
cérébrospinal (LCS) par brèche ostéoméningée.
Partie antérieure
Partie postérieure
Dense et résistante, elle est constituée, d’une part, par le bandeau
frontal, fragilisé cependant par la présence d’une cavité aérienne, le Grêle et fragile, elle est constituée par des éléments appartenant à
sinus frontal, de taille variable, et, d’autre part, par l’épine nasale l’ethmoïde : masses latérales, apophyse crista galli, lame
du frontal qui, elle, constitue un véritable noyau de résistance. perpendiculaire et lames criblées. Cet ensemble est sous la protection
de la partie antérieure précédemment décrite, jusqu’à un certain
Lors du contact avec les forces traumatiques, les os propres du nez
point de rupture lié à l’intensité du traumatisme. Dans ce cas, l’épine
et le processus frontal du maxillaire sont repoussés en arrière tout
nasale du frontal, qui avait jusque–là un rôle protecteur, devient
en s’écartant latéralement, ce qui provoque une véritable impaction
alors vulnérante pour les structures qui lui sont postérieures. Plus
de la pyramide nasale. Le bord infraorbitaire peut être interrompu
en arrière, la selle turcique peut elle-même être atteinte.
et la paroi orbitaire médiale être le siège d’une fracture comminutive
en raison notamment de sa minceur particulière. ¶ Traumatismes latéraux
Figure 7 Fractures cen- Appliqués au complexe fronto-zygomato-malaire, ils entraînent des
trales (CNEMFO). fractures latérales (Fig. 8) de la face et du crâne. En traversant le
pilier fronto-zygomatico-maxillaire, les traits de fracture peuvent
s’étendre parfois à la grande aile du sphénoïde et la région du
ptérion, juste en arrière du pilier orbitaire. Ce point repère
correspond à la convergence des sutures coronale, pariéto-
sphénoïdale et frontosphénoïdale. En dedans du ptérion se trouve
l’extrémité postérolatérale de la grande aile du sphénoïde ; en
arrière, à la face latérale de la fosse crânienne moyenne, au niveau
temporal, se situe la zone décollable de Gérard Marchant, lieu
classique de décollement de la dure-mère à l’origine de saignements
extraduraux.
L’atteinte de l’os frontal se produit au niveau du bord supraorbitaire
et de son processus zygomatique ainsi que, parfois, du toit orbitaire.
Ces éléments sont alors déplacés en dehors. Le déplacement externe
de la paroi latérale et du plancher de l’orbite se traduit par une
dystopie canthale et une énophtalmie.
Superficiellement, l’atteinte de la région zygomatique peut se traduire
par un élargissement de cette zone située au niveau de la pommette
tandis qu’en cas de fracture comminutive de sa paroi latérale,
l’orbite peut se trouver en communication avec la fosse temporale
où peut parfois migrer de la graisse périorbitaire. [18]
En profondeur, les traits de fracture peuvent s’étendre à l’os pariétal,
à l’os temporal et à la grande aile du sphénoïde [6] qui peut être

5
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

Figure 9 Fractures Figure 10 Fractures


étendues centrales et latéra- panfaciales.
les.

déplacée, entraînant alors une exophtalmie par diminution du


diamètre de l’orbite. L’atteinte du sphénoïde peut également Figure 11 Sectorisa-
tion traumatotopographi-
intéresser la fissure orbitaire supérieure, lésant alors les éléments que (d’après J. Pons). 1.
nobles vasculonerveux qui la traversent. Étage supérieur ; 2. étage
moyen ; 3. étage inférieur ;
¶ Traumatismes violents localisés 4. tiers latéral gauche ; 5.
tiers médian ; 6. tiers latéral
Des traumatismes très violents mais restant localisés peuvent droit.
atteindre à la fois les éléments centraux et latéraux décrits
1
précédemment (Fig. 9), entraînant des lésions comminutives et
particulièrement instables ; il existe une véritable dislocation de la
face au niveau de sa liaison avec la base du crâne et un risque accru
d’atteinte endocrânienne au niveau de la fosse antérieure mais aussi
de la fosse moyenne.

2
TRAUMATISMES ÉTENDUS
Les traumatismes étendus atteignent l’ensemble craniofacial d’une
façon plus globale.

¶ Au niveau de la face
Peuvent être touchés les étages supérieur et moyen (avec des lésions 3
de type disjonctions craniofaciales Le Fort II et III homo-, contro-,
ou bilatérales associées à des dislocations orbitonasales). Les forces
traumatiques appliquées au massif facial peuvent diffuser par 6 5 4
l’intermédiaire du CNEMFO, zone de fragilité, jusqu’à l’encé-
phale. [22] Inversement, un traumatisme appliqué sur la voûte dans le plan horizontal et dans le plan vertical (Fig. 11), et proposer
crânienne peut atteindre la base du crâne et la face. la localisation des lésions de la façon suivante :
L’étage mandibulaire peut être concerné dans les grands
traumatismes dans le cadre des associations lésionnelles régionales. – dans le plan horizontal : localisation au tiers supérieur et à la
Celles-ci, appelées également fractures panfaciales, transforment la partie haute du tiers moyen ;
région en un véritable puzzle traumatique dont la reconstitution est – dans le plan vertical : localisation au tiers médian frontonasal et
particulièrement ardue (Fig. 10). aux deux tiers latéraux fronto-orbito-ptérioniques.

¶ Au niveau du crâne
Peuvent être atteints la voûte crânienne, la fosse crânienne moyenne Anatomopathologie
voire postérieure, la région de la selle turcique, le parenchyme
cérébral. Outre les fractures à l’origine de lésions des éléments Les lésions varient en fonction de l’intensité, de la localisation et de
nobles par esquilles osseuses, ces traumatismes génèrent des lésions la direction des forces traumatiques appliquées à l’ensemble
de l’encéphale par coups et contre-coups, mettant en jeu le pronostic craniofacial.
vital et neurologique. Le revêtement cutané peut être le siège de plaies, uniques ou
Pour plus de clarté concernant les lésions craniofaciales proprement multiples, franches, linéaires ou contuses, dilacérées, avec ou sans
dites, on peut s’aider, sur le plan traumatotopographique, d’un perte de substance. On peut également observer des signes de
schéma qui comporte un quadrillage divisant la face en trois tiers contusion (ecchymose, hématome) sans véritable plaie ; ceci ne

6
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

La dure-mère peut présenter des lésions aux aspects différents selon


leur localisation et la force du traumatisme : plaie punctiforme en
relation avec un embrochage osseux mais aussi déchirure par
cisaillement. Dans ce cas, la cicatrisation spontanée est fortement
compromise et les risques d’écoulement de liquide cérébrospinal
sont majeurs, provoquant une rhinorrhée ou une otorrhée.
La carotide intracrânienne peut être blessée dans le canal carotidien
qui traverse la base du crâne ou dans le sinus caverneux. Si la lésion
n’entraîne pas un saignement intarissable rapidement létal, elle peut
être à l’origine d’un pseudoanévrisme ou d’une fistule
carotidocaverneuse. Cette dernière survient à la suite d’une plaie de
la carotide ou d’une de ses branches collatérales dans leur trajet
intracaverneux. Elle est favorisée par les fractures irradiées à la base
du crâne. L’effraction de la paroi artérielle dans ce lac veineux est à
l’origine d’une fistule à haut débit correspondant le plus souvent à
un type A selon la classification de Barrow. [5, 10, 28] Ce reflux de sang
artérialisé dans le réseau de drainage veineux de la base du crâne
(veines ophtalmiques, sinus sphénopariétal, sinus pétreux) rend
compte de la symptomatologie clinique exposée plus loin. Le reflux,
Figure 12 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : fractures qui peut aller jusqu’aux veines corticales, représente alors un risque
déplacées de la paroi latérale de l’orbite et de l’apex orbitaire droits avec fragment au hémorragique non négligeable.
contact du nerf optique.
L’encéphale et les espaces méningés peuvent présenter des lésions en
tous points de la boîte crânienne du fait des mécanismes de coups
et de contre-coups qu’ils subissent. Par ordre de fréquence dans les
traumatismes craniofaciaux, il peut s’agir :
– de contusions parenchymateuses frontales directement en arrière
du bandeau frontal, faites de pétéchies et d’œdème cérébral, voire
d’hématomes intraparenchymateux dont la localisation frontobasale
menace l’olfaction. Leur volume, avec l’effet de masse généré sur
l’encéphale, peut être à l’origine d’un engagement cérébral létal ;
– des épanchements aériques intracrâniens, ou pneumocéphalies,
alimentés par les brèches ostéoméningées et pouvant devenir
compressifs pour l’encéphale ;
– des hémorragies méningées post-traumatiques qui n’ont pas le
caractère de gravité des hémorragies par rupture anévrismale, sauf
lorsqu’elles entraînent une inondation ventriculaire avec
l’hydrocéphalie menaçante qui en découle par trouble de la
circulation du liquide cérébrospinal (LCS) ;
Figure 13 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction frontale en fenêtre osseuse :
coupe frontale passant par l’apex orbitaire, dislocation orbitaire droite. Réduction du – des hématomes intracrâniens, tels les hématomes extraduraux
diamètre du cône orbitaire droit. (Fig. 14), dont l’effet de masse menace rapidement le pronostic vital.
Les hématomes sous-duraux aigus sont souvent liés à d’importantes
préjuge pas de la gravité des éventuelles lésions sous-jacentes, dont contusions parenchymateuses œdématohémorragiques extrêmement
une possible atteinte des cavités sinusiennes frontales ou graves ;
ethmoïdales, le traumatisme étant alors considéré comme ouvert. Le – des lésions axonales diffuses, liées à un effet d’accélération et de
scalp, très vascularisé, peut être à l’origine de pertes sanguines décélération, atteignant surtout le corps calleux et compromettant le
importantes. réveil et la rééducation neurologique des patients. Elles sont
L’atteinte osseuse peut se traduire par une embarrure au niveau de la accusées d’être responsables des comas d’emblée ;
voûte frontale, par des traits simples localisés ou irradiés, isolés ou
– enfin, des plaies craniocérébrales avec extériorisation à la peau de
multiples, par une comminution avec présence de nombreux
matière cérébrale. Leur risque septique est majoré quand il s’agit
fragments, par une véritable dislocation voire par des disparitions ;
d’une lésion d’origine balistique avec pénétration intracrânienne de
on parle alors de fracas craniofacial. Les traits de fracture sont ici
l’agent vulnérant.
souvent complexes et échappent à toute systématisation.
Certains éléments nobles peuvent être intéressés par les dégâts
osseux : Classification des lésions
– le globe oculaire et ses annexes peuvent être directement touchés
par l’impact, responsable de lésions variées pouvant aller jusqu’à la Divers auteurs ont proposé depuis plusieurs années différentes
perforation voire l’éclatement ; classifications des TCF. Ceci rend bien compte de la difficulté de
schématiser ces atteintes qui peuvent toucher un nombre variable
– dans le cône orbitaire, une fracture déplacée, un hématome, d’éléments anatomiques avec des répercussions vitales,
peuvent provoquer une atteinte du nerf optique par compression, fonctionnelles et esthétiques distinctes.
notamment au niveau de l’apex (Fig. 12, 13) ;
– au niveau de l’ethmoïde, ce sont les filets du nerf olfactif qui
CLASSIFICATION DE FAIN ET PÉRI
peuvent être arrachés ;
Elle reste d’actualité, mais son intérêt pratique n’est pas toujours
– dans la partie inféromédiale de l’orbite, le canal lacrymonasal peut facile à déterminer ; elle comprend cinq types associant de façon
être lésé ; variable, d’une part, la face au niveau de ses étages supérieur et
– au niveau du plancher du sinus frontal, dans sa partie médiale, moyen et, d’autre part, la base du crâne au niveau de la fosse
c’est le canal nasofrontal qui peut être fracturé ou occlus. crânienne antérieure :

7
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

Comme toute classification, celle-ci reste schématique, mais semble


plus pratique pour élaborer une stratégie thérapeutique et poser les
indications opératoires. C’est celle que nous préconisons.

Conduite à tenir et bilan lésionnel


La conduite à tenir débute sur le lieu de l’accident par le sauvetage
du blessé et la mise en œuvre des mesures de réanimation qui seront
poursuivies lors de la prise en charge à l’hôpital, l’évaluation de
l’état neurologique, des fonctions cardiocirculatoires et respiratoires
pouvant imposer une ventilation assistée par intubation
orotrachéale, voire trachéotomie. Cette dernière est préconisée
lorsque la ventilation artificielle doit être prolongée, compte tenu
des risques infectieux de l’intubation orotrachéale au long cours, la
mise en place des voies veineuses se faisant de manière
concomitante. Une antibiothérapie de principe est préconisée, elle
doit être réévaluée secondairement.
Un premier bilan lésionnel initial doit être rapidement fait pour
évaluer les modalités de la prise en charge prévisible. D’abord
global, il sera complété à l’hôpital, après contrôle ou stabilisation
des grandes fonctions, par un examen clinique méticuleux et par les
données de l’imagerie médicale.

Figure 14 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : hématome extradural tem- BILAN CLINIQUE
poral gauche (lentille biconvexe typique) avec effet de masse modéré.
Selon les conditions du traumatisme et l’état du blessé, priorité doit
être donnée à la recherche de lésions susceptibles d’engager le
– type I : fracture de la paroi antérieure du sinus frontal ; il peut pronostic vital. Un examen complet est donc souvent nécessaire,
exister de façon exceptionnelle des fractures de la paroi postérieure ; faisant appel à différents spécialistes, au premier plan desquels se
– type II : enfoncement médiofacial ; c’est la dislocation naso-orbito- trouvent les neurochirurgiens, les chirurgiens viscéralistes et les
ethmoïdo-frontale ou DONEF de la classification de Paul Tessier. chirurgiens orthopédistes. Tout traumatisé crânien ou craniofacial
Une disjonction craniofaciale de type II ou III peut y être associée ; est, jusqu’à preuve du contraire, un traumatisé du rachis cervical.
Ainsi, le maintien d’une minerve jusqu’à l’élimination d’une lésion
– type III : fractures de la voûte irradiées à la base avec trait simple
ostéo-disco-ligamentaire cervicale est impératif, a fortiori si le patient
ou embarrure ; en cas d’embarrure, les lésions de la base sont plus
est comateux. Le chirurgien maxillofacial peut également être
fréquentes de même que les atteintes de la dure-mère ;
sollicité en cas de détresse respiratoire ou d’hémorragie faciale
– type IV : association des types II et III ; particulièrement abondante.
– type V : lésions exceptionnelles isolées de l’étage antérieur. Les urgences étant maîtrisées, le bilan général des lésions effectué,
l’examen clinique du traumatisé craniofacial peut être complété.
[45]
Il débute par l’interrogatoire du patient si son état le permet, ou par
CLASSIFICATION DE STURLA
celui de son entourage ou d’éventuels témoins. Il s’attache à
Elle est basée sur une étude expérimentale réalisée à partir de têtes reconstituer les circonstances de l’accident, la nature du vecteur du
de sujets anatomiques : traumatisme, l’existence d’une perte de connaissance initiale, le
terrain médical et chirurgical du patient.
– fractures centrales : atteinte du pilier superficiel et de l’ethmoïde.
Atteinte isolée ou associée avec une fracture transversale de type Le L’obtention de photographies antérieures à l’accident élimine une
Fort et/ou avec une fracture du crâne. Il existe une communication éventuelle déformation préexistante et aidera à établir le schéma
entre le toit des cavités nasales et la fosse cérébrale antérieure ; thérapeutique.
– fractures latérales : atteinte du pilier latéral superficiel et de la ¶ Examen neurologique
grande aile du sphénoïde. Atteinte isolée ou associée avec une
fracture transversale de type Le Fort et/ou une fracture du crâne. Score de Glasgow et déficits moteurs
Il existe une communication entre l’orbite et la fosse cérébrale L’examen neurologique évalue d’emblée l’état de conscience par le
antérieure et/ou moyenne. score de Glasgow. Celui-ci cote trois fonctions d’intérêt majeur,
notant la meilleure réponse possible à la stimulation pour chacune
d’elles, la meilleure note obtenue étant 15 sur 15.
CLASSIFICATION PROPOSÉE AU XXXII E CONGRÈS
DE STOMATOLOGIE ET CHIRURGIE MAXILLOFACIALE [1] Ces trois fonctions sont :
Plus récente, elle se rapporte à la biomécanique du traumatisme : – l’ouverture des yeux, cotée de 1 à 4 ;
– fractures médiobasicrâniennes : – la réponse verbale, cotée de 1 à 5 ;
– la réponse motrice, cotée de 1 à 6.
– fractures du sinus frontal ;
Il faut tenir compte de l’état du patient lors de sa relève sur le terrain
– fractures du CNEMFO ; et de son arrivée à l’hôpital. Certains patients ont pu être intubés et
– fractures latérobasicrâniennes : sédatés du fait d’une agitation, d’une confusion ou de délabrements
de la face rendant difficile leur prise en charge. Cette sédation gêne
– fractures fronto-orbitaires latérales ; alors toute cotation fiable selon le score de Glasgow. Il est donc
– fractures fronto-sphéno-temporales ; important de savoir si des troubles de conscience ou un déficit
touchant les membres existaient auparavant, pour pouvoir suspecter
– fractures irradiées de la voûte à la base ; à bon escient un hématome intracrânien menaçant ou un
– fractures par contrecoup. traumatisme vertébromédullaire.

8
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

Outre la réalisation du testing musculaire et sensitif, même de façon


sommaire, il est important de rechercher un syndrome pyramidal
qui est caractérisé par des réflexes ostéotendineux vifs, diffusés,
polycinétiques et associés à un signe de Babinski homolatéral. Ce
syndrome pyramidal témoigne de la souffrance des voies chargées
de la motilité volontaire, notamment au niveau cérébral.

Analyse des nerfs crâniens et des pupilles


Face à un patient comateux, si l’œdème palpébral et le chémosis le
permettent, on s’attache à retrouver une mydriase qui, dans un
contexte traumatique, peut avoir plusieurs significations. Le plus
souvent, elle est due à une souffrance du nerf moteur oculaire
commun (III) par engagement du lobe temporal homolatéral venant
menacer le tronc cérébral. Elle résulte d’un processus expansif
hémorragique ou œdémateux qui se produit en général du même
côté.
Le réflexe photomoteur, recherché à l’aide d’un faisceau lumineux
dirigé sur la pupille, entraîne normalement un myosis. Le réflexe Figure 15 Hématome en lunettes typique d’une fracture de l’étage antérieur de la
base du crâne.
consensuel, caractérisé par l’apparition d’un myosis controlatéral,
témoigne de la bonne transmission du message lumineux par le nerf postérieure du sinus frontal. Elle s’écoule alors par le canal
optique de l’œil étudié. nasofrontal. Son risque principal est représenté par la survenue
Une mydriase qui ne diminue plus à l’illumination est dite aréactive. d’une méningite à pneumocoque, diversement estimée selon les
Elle indique un accroissement de la souffrance du III avec des études. Globalement, entre 7 et 30 % de tous les patients présentant
risques majeurs de lésions cérébrales gravissimes et irréversibles une rhinorrhée post-traumatique constitueront une méningite. [12]
mettant en jeu le pronostic vital. Lorsque la mydriase devient La rhinorrhée peut être variable dans son expression. Elle est difficile
bilatérale, on doit suspecter un engagement cérébral central signant à mettre en évidence chez un patient intubé ; elle peut être déglutie
une souffrance généralisée de l’encéphale ; la mortalité est alors très sans que le patient ne le signale. Il faut penser à la rechercher le
élevée (85 % de décès si la mydriase dure plus d’une demi-heure). matin sous la forme d’une tache claire sur l’oreiller.
Lorsque le réflexe consensuel est absent face à une mydriase, on Dans sa forme typique, de diagnostic aisé, elle est décrite comme un
doit évoquer une lésion du nerf optique de l’œil examiné. écoulement par le nez de liquide clair, intermittent, souvent favorisé
Enfin, l’analyse des autres nerfs crâniens ne peut être réalisée de par la position tête penchée en avant. La recherche de glucose dans
manière fiable chez les patients comateux ou sédatés. Dans ce cet écoulement par bandelette est définitivement obsolète, du fait de
contexte, la moindre anomalie clinique impose la réalisation d’un la présence de celui-ci dans les sécrétions nasales.
examen tomodensitométrique cérébral en urgence. Lorsque le recueil de l’écoulement est possible, c’est le dosage de la
Face à un déficit hémicorporel, on recherche une paralysie faciale b2-transferrine, protéine hautement spécifique du LCS, absente des
dont on détermine le caractère central (déficit moteur de la partie autres fluides de l’organisme, qui confirme la rhinorrhée. Il faut
inférieure de la face) ou périphérique (déficit moteur de l’ensemble prendre soin de réaliser une électrophorèse des protéines sanguines
de la face). Pour cela, on réalise la manœuvre de Pierre Marie et pour éliminer la présence de b2-transferrine pathologique dans
Foix, qui consiste à agripper par l’arrière les branches montantes de l’organisme (cirrhose hépatique…). [48] Lorsque l’écoulement est trop
la mandibule, ce qui déclenche une grimace du côté sain mais pas intermittent ou trop modeste, et que le dosage ne peut être réalisé,
du côté atteint. c’est le bilan endoscopique et d’imagerie qui aide à en déterminer
Si l’état du patient le permet, on recherche l’atteinte d’autres nerfs l’origine par la localisation de la brèche.
crâniens :
¶ Examen maxillofacial
– des troubles de l’odorat doivent faire suspecter une lésion des
nerfs olfactifs (I), en sachant que des réactions inflammatoires post- Sur le plan maxillofacial, l’examen doit être débuté au plus tôt,
traumatiques peuvent altérer fortement l’odorat sans que ses l’extension rapide des œdèmes et des hématomes au niveau des
récepteurs ne soient atteints ; tissus mous masquant une partie des signes. Ceci peut avoir une
répercussion néfaste sur la conduite du traitement. Il faudrait alors
– les nerfs III, IV et VI sont étudiés plus loin ;
attendre la résorption de ceux-ci pour réaliser un examen fiable, ce
– le nerf trijumeau (V) est testé par l’analyse de la sensibilité de la qui n’est pas compatible avec les modalités modernes de prise en
face dans les trois territoires correspondant à ses trois branches charge thérapeutique.
sensitives, sa branche motrice innervant quant à elle les muscles de L’inspection, réalisée de face et de profil, sous bon éclairage, menée
la manducation ; de façon bilatérale et symétrique, peut retrouver une atteinte des
– le nerf facial, qui peut être lésé en cas d’atteinte du rocher, est téguments sous la forme de plaies plus ou moins hémorragiques et
évalué par l’examen de la motricité de la face ; dilacérées, avec ou sans pertes de substance, laissant parfois
entrevoir le plan osseux sous-jacent avec des traits de fracture.
– l’ensemble cochléovestibulaire (VIII) est sommairement testé par
le contrôle de l’audition et l’absence de syndrome vestibulaire La présence d’ecchymoses ou d’hématomes périorbitaires, dits « en
(nystagmus, troubles de la marche et de la statique) ; lunettes » (Fig. 15), peut suggérer une atteinte de la base du crâne
même si ce signe n’est pas formellement pathognomonique d’une
– le nerf glossopharyngien (IX), exceptionnellement atteint, est telle lésion.
évalué par l’analyse de la déglutition, du réflexe nauséeux et de la
L’existence d’une épistaxis est notée de même que son caractère uni-
motricité du pharynx.
ou bilatéral et son abondance qui peut nécessiter un tamponnement
nasal.
Recherche d’une rhinorrhée cérébrospinale, à la phase clinique
L’état du système lacrymal doit être également évalué, surtout en
À la suite d’un traumatisme craniofacial, la recherche d’une cas d’atteinte de la partie inférieure et médiale de l’orbite.
rhinorrhée cérébrospinale doit être systématique lors de la phase
Des déformations peuvent apparaître :
aiguë et des visites de contrôle. Elle est due le plus souvent à une
brèche ostéoméningée provoquée par une fracture de la paroi – rétrusion ou déviation de la pyramide nasale ;

9
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

– recul du massif facial ;


– élargissement de la distance intercanthale réalisant un télécanthus
traumatique qui doit être mesuré ;
– énophtalmie par élargissement du contenant orbitaire dû aux
fractures des parois ;
– exophtalmie par fistule carotidocaverneuse ou mouvement de la
grande aile du sphénoïde pouvant par ailleurs être associée à une
fracture en « blow-in » du toit orbitaire, piégeant les éléments sous-
jacents à celui-ci (tendons des muscles droit et oblique supérieurs,
graisse orbitaire) ;
– aplatissement de la zone orbitozygomatique qui forme le relief de
la pommette ;
– enfoncement du bandeau frontal, notamment dans sa portion
centrale.
La palpation doit être douce, méthodique, pratiquée de manière aussi
aseptique que possible. Elle peut retrouver une crépitation
« neigeuse » de la peau (témoignant de la présence anormale d’air
au niveau du tissu sous-cutané), des points douloureux électifs, des
déformations osseuses à type d’enfoncement ou de déviation, une
mobilité anormale de segments osseux évocatrice d’une disjonction
craniofaciale fréquemment associée.
L’examen doit comporter l’exploration non seulement des zones
médianes et latérales de la région craniofaciale, mais aussi
l’ensemble de la voûte crânienne, les différents étages de la face y
compris l’étage mandibulaire et la région rétroauriculaire. La
présence à ce niveau d’un hématome peut révéler une fracture du
rocher.
Figure 16 Radiographie de profil de la face ; fracture déplacée de la paroi antérieure
¶ Examen ophtalmologique du sinus frontal.

Il fait appel de manière systématique à un ophtalmologiste. Il est – un souffle systolodiastolique perçu par le patient et par
souvent gêné par l’œdème post-traumatique, qui rend parfois très l’auscultation des régions temporales et périorbitaires.
difficile l’analyse de l’œil sous-jacent. Il évalue l’acuité visuelle et L’exophtalmie peut très vite occasionner des lésions cornéennes qu’il
explore le globe oculaire qui peut être le siège d’une plaie, d’une faut s’attacher à prévenir d’emblée. De même, une altération de
hémorragie ou d’un hématome. Il teste sa mobilité intrinsèque et l’acuité visuelle constitue une urgence thérapeutique. À ce stade,
extrinsèque, cette dernière au besoin par une épreuve de duction devant toute suspicion de FCC, un examen doppler des vaisseaux
forcée à la recherche d’une incarcération musculaire, et recherche un du cou, réalisé au lit du patient, confirme l’accélération et
éventuel ptosis. l’augmentation du débit sanguin de la carotide primitive. Elles se
Ainsi pourront être retrouvés : traduisent par une baisse de l’index de résistance due à la fuite par
la fistule.
– un syndrome de la fissure orbitaire supérieure comportant l’atteinte
motrice des III e , IV e et VI e nerfs crâniens constituant une
ophtalmoplégie avec ptosis. L’atteinte concomitante de la 1 re BILAN PARACLINIQUE
branche du nerf trijumeau se traduit par une altération de la
Il repose actuellement sur les données de l’imagerie médicale,
sensibilité du front, des paupières et du nez ainsi que de la cornée.
majoritairement représentée ici par la tomodensitométrie.
Cette symptomatologie résulte d’un trait de fracture irradié à la
fissure orbitaire supérieure ;
¶ Radiographies standards
– un syndrome de l’apex orbitaire associant à cette ophtalmoplégie
une atteinte du nerf optique avec amblyopie sévère, voire cécité du Les radiographies standards ne sont plus d’actualité dans le bilan
côté atteint. lésionnel initial. Elles peuvent cependant se révéler utiles dans des
centres non équipés d’appareils de tomodensitométrie, en
La recherche d’une fistule carotidocaverneuse (FCC) doit être permettant un diagnostic de qualité moindre (Fig. 16). Elles seront
systématique et répétée durant les jours qui suivent le traumatisme par ailleurs réservées éventuellement au suivi opératoire de certains
craniofacial. En effet, si seulement 0,2 % des traumatisés crâniens patients pour des problèmes ponctuels au niveau facial.
développent une FCC, [15] l’apparition de ses signes spécifiques n’est
pas toujours brutale et peut se faire de manière différée, avec les Les clichés standards classiques sont les suivants :
risques de cécité que cela implique. Les patients conscients se – le crâne de face et de profil ;
plaignent d’une diplopie avec exophtalmie pulsatile et douloureuse
– l’incidence de Blondeau ;
du fait de la distension veineuse périoculaire.
Malgré un chémosis bien banal chez un traumatisé craniofacial, on – si l’état du rachis cervical du patient le permet : l’incidence nez-
recherche : front-plaque et l’incidence de Hirtz.

– une dilatation des vaisseaux conjonctivaux et scléraux ; ¶ Examen tomodensitométrique craniofacial


– une paralysie oculomotrice touchant, de façon globale ou isolée, Il est réalisé de façon systématique, les patients étant habituellement
les IIIe, IVe ou VIe nerfs crâniens ; évacués dans des centres de traumatologie qui disposent de ce
– une atteinte de l’acuité visuelle pouvant être d’origine multiple et moyen d’investigation moderne.
notamment traumatique au niveau du globe oculaire ou du nerf Les appareils tomodensitométriques de dernière génération, dits
optique ; multibarettes, permettent en quelques secondes l’acquisition de

10
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

Figure 17 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction sagittale ; hémosinus fron-


tal et ethmoïdal avec fracture non déplacée des deux parois du sinus frontal respectant
le canal nasofrontal.

nombreuses coupes dans un plan axial. Dans l’exploration du


complexe craniofacial, on peut ainsi réaliser plus de 200 coupes,
d’une épaisseur de 1,25 mm et espacées par un intervalle de 0,7 mm. Figure 18 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : traumatisme craniofacial
Ces coupes natives, qui se chevauchent, permettent d’obtenir des majeur ; embarrure frontotemporale avec contusion œdématohémorragique droite en-
traînant une déviation de la ligne médiane, contusion hémorragique frontale gauche et
reconstructions bidimensionnelles selon, le plus souvent, un plan
inondation hémorragique ventriculaire bilatérale.
coronal ou sagittal mais aussi selon tout autre plan désiré (axe du
cône orbitaire par exemple). Les reconstructions tridimensionnelles,
obtenues également à partir des coupes natives, permettent de
disposer d’une reconstitution des parties molles (dont le plan
cutané) et des plans osseux avec des images globales. Si elles restent
accessoires, ces reconstructions permettent néanmoins d’avoir une
vue générale des lésions tant faciales que crâniennes, et apportent
une aide à la stratégie opératoire. [6] Elles peuvent aussi fournir des
renseignements sur le canal nasofrontal et ses rapports avec les traits
de fracture [30] (Fig. 17). Par soustraction numérique, on peut
également aboutir à la représentation tridimensionnelle des
différents plans anatomiques.
Ainsi la tomodensitométrie craniofaciale, incluse dans un examen
« corps entier », présente de multiples intérêts :
– elle facilite un diagnostic précis des fractures et de leurs
déplacements ;
– elle permet d’obtenir en une seule séance des images nettes à la
fois du crâne et de la face ;
– elle détecte des lésions qui peuvent rester méconnues lors de
l’examen clinique ;
– elle diminue fortement l’irradiation liée à la réalisation de
radiographies multiples.
Les fenêtres osseuses permettent de distinguer les fractures et les
déformations osseuses, notamment les embarrures, tandis que les
fenêtres « parties molles » analysent l’état de l’encéphale et des Figure 19 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : pneu-
mocéphalie en rapport avec une fracture de la paroi postérieure du sinus frontal gau-
annexes de l’œil. Ainsi, on visualise un hématome intracrânien che.
(Fig. 14, 18), une contusion hémorragique, une pneumocéphalie
(Fig. 19, 20), éléments menaçants, relevant au besoin d’un geste de et les veines de drainage, imposant la réalisation d’une angiographie
décompression encéphalique en urgence. carotidienne pour préciser les lésions et éventuellement traiter la
Si le sinus frontal est parfaitement analysable quant à l’atteinte de fistule.
ses parois antérieure et postérieure, les éventuelles lésions du canal
nasofrontal restent malgré tout difficilement identifiables. ¶ Place de l’imagerie par résonance magnétique
Au niveau de la face, un tel examen permet une exploration L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas d’intérêt en
particulièrement fiable des orbites et de leur contenu : rebords urgence dans l’exploration de ce type de traumatisme, d’autant plus
orbitaires, parois latérales et médiales, plancher, toit, apex orbitaire que les appareils de TDM de dernière génération visualisent très
et nerf optique. Celui-ci peut être lésé par une esquille osseuse bien les parties molles. En revanche, elle est d’un grand intérêt dans
(Fig. 12, 13) ou par un hématome compressif qui sera identifié par la la prise en charge de la rhinorrhée et de la localisation des brèches
tomodensitométrie (TDM). ostéoméningées.
Face à une suspicion de fistule carotidocaverneuse, devant une
¶ Angiographie cérébrale
exophtalmie pulsatile, l’examen TDM montre l’œdème des muscles
orbitaires et la dilatation des veines ophtalmiques. L’injection de L’angiographie cérébrale est demandée de manière exceptionnelle
produit de contraste, dans ce cas, visualise le shunt artérioveineux dans deux situations :

11
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

– faciale ensuite, lors d’une seconde intervention réalisée plusieurs


Figure 20 Tomodensi- jours après.
tométrie du crâne, coupe
axiale : pneumocéphalie En l’absence de lésions neurochirurgicales urgentes, le principe était
majeure par plaie craniocé- de traiter les atteintes faciales après stabilisation médicale de l’état
rébrale envahissant les ven- neurologique avec diminution de l’œdème cérébral fréquemment
tricules latéraux. présent. Les pertes de substance osseuse étaient réparées de façon
secondaire voire même tertiaire.
Actuellement, la plupart des auteurs [6, 14, 18, 19, 20, 38, 39] recommande un
traitement précoce, en un seul temps opératoire, même si cela nécessite
une prolongation de la durée initiale de l’anesthésie. Cette stratégie
thérapeutique moderne, aidée par l’imagerie médicale, présente
plusieurs avantages :
– traitement de l’ensemble des lésions, qu’elles soient craniofaciales,
maxillofaciales ou ophtalmologiques, dans le même temps que
l’exploration neurochirurgicale ;
– diminution des interventions itératives et donc des épisodes
d’hospitalisation et d’anesthésie ;
– réduction du nombre de séquelles fonctionnelles et cosmétiques
parfois liées à un traitement trop tardif et particulièrement difficiles
à corriger (par exemple rétraction des parties molles).
– devant un déficit hémicorporel où l’examen doppler des vaisseaux Selon la prépondérance des dégâts d’une région par rapport à une
du cou fait redouter une dissection post-traumatique de la carotide autre, priorité sera donnée à la face ou au crâne :
interne ;
– lorsque l’atteinte crânienne est minime et le traumatisme facial
– lorsqu’une fistule carotidocaverneuse est suspectée par la clinique
important, le squelette facial est reconstruit sur le crâne qui constitue
ou l’examen TDM ; elle permet de confirmer le shunt artérioveineux
la zone d’appui ;
et d’analyser le drainage vers les veines habituellement affluentes
du sinus caverneux. L’opacification des veines du cortex cérébral – lorsque les lésions osseuses crâniennes sont importantes, la face
par le shunt témoigne d’un risque hémorragique majoré du fait de est d’abord traitée de façon « isolée » puis solidarisée aux éléments
l’artérialisation de ces veines. Dans le même temps, l’angiographie restés stables du crâne. Ce dernier est ensuite reconstruit, le massif
doit permettre un traitement endovasculaire en urgence par facial constituant alors la zone d’appui.
ballonnet largable respectant le flux carotidien et occluant la
fistule. [8, 21]
MOYENS DE RÉPARATION

CERTIFICAT MÉDICAL ¶ Voies d’abord [19, 20, 35, 37, 38, 47]

Ce bilan lésionnel permet la rédaction précise d’un certificat Pour les lésions craniofaciales proprement dites :
descriptif, éventuellement associé à des photographies des lésions, à
des fins médicolégales. – voie coronale (Fig. 21A) linéaire stricte ou suivant la ligne
sinusoïdale d’implantation des cheveux (Fig. 21B) : elle donne accès
à la partie supérieure des orbites, au front, au complexe
nasoethmoïdal au centre, au complexe zygomatomalaire
Traitement latéralement. Elle permet d’aborder, par l’intermédiaire d’un volet
osseux, le sinus frontal et la fosse crânienne antérieure (Fig. 22) ;
Après stabilisation des fonctions vitales, le traitement des lésions
traumatiques peut être effectué. En dehors du cadre de l’urgence, il – voie transethmoïdale classique : l’abord endonasal se fait par
est préférable de temporiser quelques heures voire quelques jours endoscopie ; il est limité à la lame criblée et au toit de l’ethmoïde
selon les cas, afin d’affiner le bilan lésionnel et de s’accorder avec les ainsi qu’à la région de la selle turcique. Elle est insuffisante en cas
autres spécialistes concernés sur la stratégie thérapeutique à adopter. de lésions étendues de la base du crâne et d’atteintes multiples de la
dure-mère.
– voie transethmoïdale élargie par association avec une voie
OBJECTIFS DU TRAITEMENT sourcilière : [37, 38] elle donne accès à la fosse crânienne antérieure
Les objectifs du traitement sont multiples : dont la région de la selle turcique, en évitant l’atteinte des filets
olfactifs et la rétraction des lobes frontaux ;
– protéger l’encéphale sur les plans mécanique et infectieux ;
– voie sourcilière (Fig. 21C) : elle permet un abord du sinus frontal
– restaurer les différentes fonctions ;
uni- ou bilatéral en se réunissant au niveau de la racine du nez. Elle
– reconstituer l’anatomie initiale et son corollaire esthétique avec, expose au risque d’anesthésie cutanée frontale par atteinte du nerf
en particulier dans cette région, le retour à la projection, la supraorbitaire et de séquelles esthétiques cicatricielles.
dimension verticale et la dimension transversale [19] telles qu’elles Pour les lésions associées :
étaient avant le traumatisme.
– voies transconjonctivale, sous-ciliaire ou palpébrale inférieure
(Fig. 21D) : elles permettent l’accès au plancher orbitaire ;
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
– voie vestibulaire (Fig. 21E) : elle est indiquée pour l’étage moyen
Auparavant, il était d’usage de traiter ce type de traumatisme en du massif facial et en particulier l’os zygomatique ; elle peut être
deux étapes : complétée par un décollement de la muqueuse au niveau de l’épine
– neurochirurgicale d’abord, dans l’urgence, pour réparer les lésions nasale et des orifices piriformes si nécessaire ;
endocrâniennes (atteintes du parenchyme cérébral, lésions de la – voie canthale interne (Fig. 21F) : elle permet l’accès à la paroi
dure-mère) et ophtalmologiques (atteinte du globe oculaire ou du médiale de l’orbite. La paroi latérale peut être abordée par une voie
nerf optique) ; prolongeant la queue du sourcil.

12
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

Figure 21 Voies d’abord


de la face et du crâne dans les
traumatismes craniofaciaux.
A. Voie coronale linéaire ; B.
voie coronale sinusoïdale ;
C. voie sourcilière bilatérale
et voie intercanthale ; D.
voie sous-ciliaire et voie pal-
pébrale inférieure ; E. voie
vestibulaire ; F. voie canthale
interne et voies sourcilières.

A B C

D E F

¶ Matériels d’ostéosynthèse
Figure 22 Volet frontal
médian. Toute fracture déplacée doit faire l’objet d’une réduction puis d’une
contention par ostéosynthèse au fil d’acier en présence de petits
fragments, et par plaques miniaturisées vissées (miniplaques et
microplaques) (Fig. 23, 24) en présence de fragments plus
importants. Cette ostéosynthèse par plaques métalliques en titane,
utilisée également pour les greffons osseux, permet une fixation
rigide et stable des éléments fracturés. Il est important de
reconstituer ou de renforcer les piliers [19, 20] qui maintiennent les
rapports du massif facial avec la base du crâne et la mandibule. Il
s’agit des piliers nasomaxillaires et zygomaticomaxillaires qui sont
des structures antérieures. Le maintien ou le retour à l’occlusion
précédant le traumatisme constitue également un élément essentiel.
Parfois, pour de grosses pertes de substance, on peut faire appel à
des plaques en titane multiperforé adaptable au galbe crânien
(Fig. 25, 26).

¶ Greffons et plasties
En présence de lésions comminutives ou de pertes de substance
étendues, [20] comme c’est le cas des traumatismes par arme à feu,
on a recours à l’utilisation de greffons osseux autologues (Fig. 27)
d’origines diverses pouvant être associés à différents lambeaux
reconstituant les parties molles. Ils sont prélevés dans le même
temps opératoire, avant le développement des œdèmes et la
rétraction des tissus mous.
Les greffons calvariaux, [ 9 , 1 4 , 4 7 ] d’origine membraneuse et
Par ailleurs, selon leur emplacement et leur importance, les plaies essentiellement corticaux, ont l’avantage de résister au phénomène
cutanées peuvent être utilisées pour l’exploration voire le traitement de résorption et de se trouver sur le même site opératoire (Fig. 28).
des fractures. Selon les auteurs, ces greffons peuvent être utilisés de pleine

13
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

Figure 23 Ostéosyn-
thèses par plaques métalli-
ques miniaturisées vissées.

Figure 26 Radiographie du crâne de face : cranioplastie frontale par plaque de ti-


tane multiperforée.

Figure 27 Greffes os-


seuses crâniennes et facia-
les.

Figure 24 Radiographie du crâne de face : reconstruction du bandeau frontal par


miniplaques. épaisseur, le site donneur faisant alors l’objet d’une autre greffe
calvariale, dont le prélèvement est monocortical et controlatéral, ou
bien on a recours à la table externe ou à la table interne. [34] Dans ce
dernier cas, les deux tables sont clivées l’une de l’autre, puis la table
externe est remise en place sur le site de prélèvement et
ostéosynthésée.
Les autres sites donneurs sont variables : côtes, crêtes iliaques
antérieure et/ou postérieure. [14] Malgré une résorption plus
importante, ils peuvent compléter les greffons calvariaux en cas de
pertes de substance étendues.
L’os iliaque apporte une grande quantité de tissu spongieux
pouvant servir à un comblement.
Les côtes permettent de disposer de greffons osseux et/ou
cartilagineux utiles dans la réparation des traumatismes du nez. [14,
16, 17]

En cas de communication entre les cavités crâniennes et nasales,


celles-ci sont séparées par des lambeaux de fascia temporopariétal
ou d’épicrâne qui apportent un tissu mou vascularisé fiable.

PRISE EN CHARGE ET INDICATIONS


THÉRAPEUTIQUES [37, 38]

Figure 25 Cranioplastie frontale par plaque de titane multiperforée.


La prise en charge hospitalière initiale des lésions maxillofaciales
des traumatisés craniofaciaux est idéalement réalisée après les

14
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

Traumatismes craniofaciaux de type I


Figure 28 Site de prise
de greffe sur la calvaria. 1. Ils sont à dominante neurochirurgicale, qu’il y ait ou non un coma
Os frontal ; 2. site de prélè- associé. Ils ont un caractère de gravité certain du fait de la menace
vement du greffon pariétal ; neurologique qu’ils génèrent. Ceci impose toujours un geste
3. écaille occipitale ; 4. chirurgical dont le délai de réalisation et les indications varient :
1 écaille temporale ; 5. projec-
5 tion du sinus sagittal supé- – les lésions expansives intracrâniennes, principalement les
rieur. hématomes menaçants décrits précédemment, mais aussi parfois les
pneumocéphalies expansives, nécessitent d’intervenir en urgence
4
voire en extrême urgence du fait de la mise en jeu du pronostic
vital ;
– les traumatismes craniofaciaux ouverts, en raison de leur risque
infectieux, nécessitent d’être opérés dans l’urgence quel que soit le
type de lésion sous-jacente. L’existence d’une brèche ostéoméningée
(BOM) et a fortiori d’une plaie craniocérébrale (PCC) est alors ici un
facteur aggravant ;
– la dominante neurochirurgicale peut se limiter aux stigmates
patents d’une brèche ostéoméningée (rhinorrhée abondante,
pneumocéphalie importante, embarrure apparaissant
2
neuroagressive). L’intervention chirurgicale revêt alors un caractère
moins urgent et peut être réalisée de manière légèrement différée de
2 à 8 jours en fonction de l’état clinique du patient et de la sévérité
3
des lésions associées.
Traumatismes craniofaciaux de type II
premiers jours d’œdème mais avant l’engluement des fractures en À dominante maxillofaciale, ils n’ont pas de lésions neurologiques
position vicieuse. Cette phase estimée en moyenne à 8 jours imposant un geste chirurgical en urgence. Les fractures de la voûte
conditionne en partie les algorithmes suivants. crânienne ne sont pas déplacées et l’on n’observe pas de lésion
expansive intracrânienne. Le patient peut être comateux et la
rhinorrhée, si elle existe, est modérée.
¶ Dans les huit premiers jours L’intervention chirurgicale, indiquée par le déplacement des lésions
maxillofaciales, est réalisée dans les 8 jours en fonction notamment
de l’état neurologique.
Les indications thérapeutiques initiales face à un traumatisme
craniofacial sont résumées dans la Figure 29. On peut décrire cinq Traumatismes craniofaciaux de type III
situations, que nous avons schématiquement regroupées en trois Nous les appelons traumatismes « légers » ; ils présentent des
types selon la prédominance de l’atteinte neurologique ou fractures craniofaciales non déplacées ne nécessitant pas de
maxillofaciale. réduction sanglante. S’il s’y associe une discrète pneumocéphalie

Figure 29 Algorithme
no 1. Prise en charge des
traumatismes craniofaciaux
(TCF) dans les 8 premiers
jours.

15
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

Figure 30 Algorithme no 2. Prise en charge d’une


rhinorrhée post-traumatique au-delà du huitième jour.
TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance
magnétique ; DLE : dérivation lombaire externe ; DLP : dé-
rivation lombopéritonéale.

(inférieure à 5 mm) ou une rhinorrhée modeste ou douteuse, nous


privilégions la surveillance armée et nous complétons le bilan
étiologique si la symptomatologie persiste plus de 8 jours.

¶ Au-delà du huitième jour


Une fois passée la phase aiguë, outre les séquelles maxillofaciales,
qu’une intervention chirurgicale ait eu lieu ou non, se pose le
problème d’une rhinorrhée persistante ou d’apparition secondaire.
Sa prise en charge est résumée dans la Figure 30.

Exploration d’une rhinorrhée


À ce stade, dans les cas les plus sévères, le patient peut encore se
trouver sous la dépendance d’un système de ventilation du fait de
ses lésions neurologiques. La rhinorrhée passe alors facilement
inaperçue et peut être à l’origine d’une méningite. Cette
complication impose la réalisation d’une ponction lombaire
systématique au moindre doute.
Lorsque le patient n’est pas comateux, la rhinorrhée est plus
facilement dépistée. Lorsqu’elle est abondante et de diagnostic
clinique aisé, la recherche de son origine est le plus souvent
fructueuse. En revanche, lorsqu’elle est douteuse, intermittente et
peu abondante, son faible débit est souvent lié à une fistule de très
Figure 31 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction frontale en fenêtre osseuse :
petit calibre parfois bien difficile à mettre en évidence. mise en évidence d’une perte de substance ethmoïdale (flèche) jouxtant l’apophyse
Quel que soit son type, la prise en charge d’une rhinorrhée ne doit crista galli authentifiant une brèche ostéoméningée. (Avec l’aimable autorisation du
pas être précipitée. En effet, entre 53 et 95 % d’entre elles se tarissent professeur Y.S. Cordoliani ; service de radiologie de l’HIA du Val-de-Grâce, Paris).
spontanément dans les semaines qui suivent le traumatisme. [12, 24]
Cette évolution est d’autant plus fréquente que les fractures sont les lieux potentiels de fistule de LCS. Lorsque la rhinorrhée se
peu déplacées. Ceci n’élimine pas pour autant le risque de récidive confirme ou perdure, des coupes fines millimétriques centrées sur la
d’écoulement de LCS ni de méningite. [43] Le dosage de la protéine base du crâne permettent de visualiser les solutions de continuité
b2-transferrine dans le liquide recueilli confirme son origine osseuses (Fig. 31) et d’orienter la recherche en IRM.
cérébrospinale. La brèche ostéoméningée, lieu de la fistule, doit être
– Imagerie par résonance magnétique.
localisée précisément. Plusieurs méthodes d’imagerie sont utilisables
Elle n’a pas la finesse de la tomodensitométrie pour objectiver les
en fonction des habitudes et possibilités de chaque centre. Il est licite
lésions osseuses. C’est surtout le signal d’un écoulement qui est
de débuter cette recherche par les examens les moins invasifs pour
recherché. Elle est réalisée suivant les séquences habituelles,
le patient.
complétées par des séquences appelées « CISS » (constructive
– Tomodensitométrie crânienne. interference in steady state ; Siemenst) ou « Fiesta » (General
Les coupes tomodensitométriques du crâne avec reconstructions Electrict). Il s’agit de séquences d’écho de gradient très pondérées
coronale et sagittale permettent dès l’accueil du patient de suspecter en T2 avec saturation de la graisse, permettant des coupes

16
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

– Cisternographie par résonance magnétique.


Plusieurs équipes préconisent la réalisation d’une cisternographie
par résonance magnétique après injection intrathécale lombaire de
gadolinium. Actuellement, l’autorisation de mise sur le marché pour
ce type de produit et dans cette indication n’est pas encore obtenue.
Cette technique paraît prometteuse pour affiner le dépistage des
fistules de LCS lorsque les autres méthodes sont en échec ou contre-
indiquées (allergie aux produits de contraste iodés) en diminuant
les faux positifs de l’IRM.
À ce stade, dans la majorité des cas la fistule est localisée. Elle se
situe principalement à trois niveaux, qui sont, d’avant en arrière, la
paroi postérieure du sinus frontal, les gouttières olfactives et le sinus
sphénoïdal. L’extériorisation de l’écoulement se fait alors
respectivement : par le canal nasofrontal, la lame criblée et la partie
supérieure des fosses nasales, enfin par leur paroi postérieure. Toute
rhinorrhée post-traumatique qui ne fait pas sa preuve au niveau de
l’étage antérieur de la base du crâne doit inciter à rechercher son
origine au niveau d’une fracture du rocher.

Évaluation du risque de méningite


C’est le spectre de la méningite qui conditionne l’attitude
thérapeutique face à la fistule de LCS. Pour certains, il semble que
le risque soit relativement faible, compris entre 1 et 2 % dans l’année
Figure 32 Imagerie en résonance magnétique encéphalique, en séquence fortement qui suit le traumatisme. [36] Pour d’autres, ce sont entre 7 et 30 % des
pondérée en T2 (CISS ou FIESTA) et épaisseur de coupe submillimétrique : la mise en
évidence de liquide dans les cellules ethmoïdales sous-jacentes affirme la fuite de liquide
patients présentant une fistule de LCS post-traumatique qui feront
cérébrospinal par la brèche (flèche). (Avec l’aimable autorisation du professeur Y.S. un jour une méningite. [3, 12] Les germes responsables sont ceux des
Cordoliani ; service de radiologie de l’HIA du Val-de-Grâce, Paris). voies aériennes supérieures, pneumocoque en tête avec 50 % des
cas. [36] La méningite à pneumocoque, ayant mauvaise réputation du
fait de son taux de mortalité, a probablement conditionné dans les
inframillimétriques jointives avec possibilité de reconstruction années 1980 les nombreuses indications opératoires de principe face
multiplanaire. Elles ont une grande sensibilité pour la mise en aux fractures de l’étage antérieur. Néanmoins, l’importance de ces
évidence de la brèche ostéoméningée. [23, 25] Le LCS apparaît très infections était relativisée [40] sur le constat de méningites précoces
blanc au niveau des citernes de la base du crâne et la communication et fréquentes ne récidivant pas, opposées aux méningites tardives
avec les cavités sinusiennes en est rendue d’autant plus évidente exceptionnelles mais récidivant fréquemment. La vaccination
(Fig. 32). antipneumococcique serait alors justifiée pour en limiter la survenue
– Cisternographie tomodensitométrique ou cisternoscanner. et les conséquences.
Elle permet de localiser la fistule après injection lombaire
intrathécale d’un produit iodé qui, après mise en procubitus et Traitement des fistules de LCS
position de Trendelenburg du patient, diffuse vers les citernes de la Deux grands types de techniques dominent la prise en charge
base du crâne. Cette technique est plus agressive que les chirurgicale des fistules de LCS post-traumatiques avec des
précédentes, mais elle a fait la preuve de sa sensibilité et de sa indications différentes :.
spécificité dans les périodes d’écoulement actif. Les coupes coronales Ils peuvent avantageusement être aidés par les systèmes de
objectivent à la fois la lésion osseuse et l’issue de LCS des espaces navigation intracrânienne et faciale, notamment couplés à un
sous-arachnoïdiens vers les cavités nasales. Parfois, cependant, endoscope (exemple : Digipointeurt de Collin orl-cmf, France).
lorsqu’il existe plusieurs fuites concomitantes, la localisation précise
de chacune d’entre elles devient difficile. [32] – Abords chirurgicaux transcrâniens.
Ils sont indiqués devant une rhinorrhée persistante dans :
– Endoscopie nasale couplée à l’injection intrathécale de
fluorescéine. – les gros fracas de la base du crâne avec pertes de substance
L’injection intrathécale de fluorescéine était controversée il y a osseuse ou atteinte de la paroi postérieure du sinus frontal ;
quelques années du fait de crises comitiales ou d’accidents – les lésions non accessibles par endoscopie ;
allergiques, tous régressifs, survenus pour des doses élevées de ce
produit fluorescent. [26, 32] Actuellement, elle n’a pas d’autorisation – les fistules non localisées au terme du bilan d’imagerie ;
de mise sur le marché pour cette indication intrathécale, mais semble – certaines fractures multiples passant par les gouttières olfactives
bénéficier d’un regain d’intérêt avec le développement des ayant récidivé après un premier colmatage. [11, 33]
techniques de réparation endoscopique. [4, 31, 32] Elle est très appréciée
Ils ont un taux d’anosmie non négligeable et un taux de récidive de
par certaines équipes. [2, 44, 50] Wolf [50] décrit seulement trois crises
la rhinorrhée variant de 10 à 40 %. [4]
convulsives survenues pour 925 examens réalisés entre 1970 et 1995.
Le patient, sous anesthésie générale, est placé en position de
Voies neurochirurgicales classiques
Trendelenburg après une injection intrathécale de fluorescéine en
région lombaire. La solution diffuse vers les citernes de la base et Sur un patient en décubitus dorsal, elles commencent par une
facilite la recherche de la fuite par l’endoscopie nasale réalisée dans incision coronale (ou bitragale) allant d’un tragus à l’autre, passant
la demi-heure qui suit. Lorsque le point de fuite est localisé par en arrière de la ligne capillaire, et réalisant le décollement d’un
l’apparition de la fluorescéine, et si les lésions sont accessibles, le lambeau de scalp vers l’avant, associé à la découverte des muscles
traitement de la brèche peut être réalisé dans le même temps temporaux jusqu’aux piliers orbitaires externes. Il faut prendre garde
opératoire. Certains auteurs [26] proposent comme alternative à à ne pas dénuder ces muscles trop bas pour ne pas léser la branche
l’utilisation intrathécale de fluorescéine son application sur la frontale du nerf facial. Une fois le bandeau frontal découvert
muqueuse nasale lors d’un examen endoscopique. La fuite est alors jusqu’aux arcades orbitaires, il faut dégager les nerfs supraorbitaires,
suspectée par l’apparition d’un écoulement eau de roche décolorant ainsi que la racine du nez. À ce stade, il y a trois manières d’accéder
la zone fluorescente. aux lésions de la base, notamment en fonction de leur étendue : [1]

17
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

– par voie transfrontale, au dessus des sinus : un volet uni- ou


bilatéral, adapté à l’étendue des lésions et situé au-dessus des sinus
frontaux, donne accès à la base du crâne en limitant les risques
d’anosmie. Cette voie est d’autant plus indiquée que les sinus sont 5
de petite taille ou inexistants, en permettant un abord plus tangentiel
de la base. En revanche, elle ne donne pas un excellent jour pour les
lésions de la base étendues vers le jugum. Elle peut au besoin être
facilitée par les techniques de navigation intracrânienne visualisant
les limites des sinus et permettant de les respecter tout en évitant 7
les volets trop haut situés ;
– par voie trans-sinusienne : beaucoup plus fréquente, elle réalise
un volet au ras des arcades sourcilières traversant les sinus (Fig. 22). 1
Elle permet un accès plus tangentiel vers la base du crâne et ses 2
lésions, en imposant un écartement moindre au cerveau pour 3
accéder au jugum. Ceci limite l’œdème cérébral. L’anosmie est 4
quasiment inéluctable si l’abord est bilatéral ; 6

– par voie transfracturaire : elle représente souvent un accès associé


à l’un des deux précédents. En effet, les TCF touchent rarement
l’étage antérieur de la base du crâne sans léser le bandeau frontal.
Outre d’éviter parfois la réalisation d’un volet osseux, elle permet
l’inventaire des lésions sous-jacentes à la fracture ;
– exploration et réparation : quelle que soit la voie d’abord, un Figure 33 Cranialisation du sinus frontal et mise en place d’un lambeau pédiculé
temps d’exploration est alors indispensable. Il peut se limiter à d’épicrâne en position sous-frontale. 1. Lobe frontal gauche protégé par la dure-mère ;
un décollement de la dure-mère très antérieur si les lésions 2. poudre d’os comblant les canaux nasofrontaux ; 3. sinus sagittal supérieur ; 4. su-
intéressent la face postérieure du sinus frontal, épargnant ainsi ture coronale ; 5. zone de dissection de l’épicrâne pédiculé par sa base, puis glissé en des-
l’odorat. Si elle s’étendent en arrière, l’exploration doit pouvoir sous de la dure mère frontale réparée, créant ainsi un plan de séparation entre la cra-
aller jusqu’au jugum sphénoïdal et au tubercule de la selle nialisation et la dure mère ; 6. clips hémostatiques du scalp ; 7. fils tracteurs sur la face
turcique. L’exérèse à la pince de l’apophyse crista galli permet interne du scalp.
d’aplanir l’espace interhémisphérique antérieur après décollement
des adhérences dure-mériennes. À ce niveau, si une exploration
intradurale, sous-frontale est décidée, la ligature du sinus sagittal
supérieur juste en arrière du trou borgne et la section de la partie
antérieure de la faux du cerveau sont nécessaires. Ceci facilite la
recherche des lésions durales, même si elle impose l’écartement
doux et progressif des lobes frontaux. Si cette voie intradurale est
unilatérale, l’épargne olfactive devient possible mais avec le
risque d’ignorer une fistule proche des filets olfactifs moins bien
explorés. Il vaut mieux sacrifier l’odorat du côté atteint et en
assurer l’étanchéité. L’abord intradural permet l’accès aux lésions
cérébrales éventuelles, mais c’est la voie extradurale qui est la
mieux adaptée pour la suture des lésions de la dure-mère. Cette
suture se fait par points simples ou surjet passé de fil non
résorbable 4/0. Pour en garantir l’étanchéité, une doublure doit
être assurée par lambeau libre ou pédiculé d’épicrâne garni de
colle biologique (Fig. 33). Il faut proscrire les plasties synthétiques
dans cette région a priori contaminée. La réparation du plan
osseux de la base se fait ensuite ou préalablement en fonction de
l’étendue des dégâts et de leur accessibilité à l’aide des techniques
déjà citées. La cranialisation des sinus (Fig. 34) est la règle après
effraction traumatique ou chirurgicale classique de leurs deux Figure 34 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : craniali-
parois (voir cas particuliers). Le bandeau frontal est reconstitué sation du sinus frontal après reconstruction de la paroi antérieure par miniplaques.
après exérèse des esquilles non viables car trop petites ou
souillées. Le positionnement des miniplaques à cheval sur les ces filets. Néanmoins, ce décollement permet de retrouver les
emplacements des trous de trépan assure un meilleur résultat brèches existantes et les fractures en cause. Elles sont suturées au fil
esthétique (Fig. 24). à dure-mère non résorbable. Une ethmoïdectomie associée à
l’ouverture de la paroi antérieure du sinus sphénoïdal donne une
Voie nasofrontale [33, 37, 38]
large exposition de la région ethmoïdosphénoïdale et permet l’accès
Elle peut être proposée pour la prise en charge de gros délabrements aux lésions de cette région. La résection de la muqueuse est
postérieurs ou lors de récidives de fuites de LCS après un premier obligatoire. Une pièce d’épicrâne prélevée en arrière de l’incision
traitement endoscopique ou transcrânien infructueux. À partir d’une bitragale peut être apposée en extradural pour la renforcer ou
incision bitragale, elle réalise un décollement sous-périosté du scalp remplacer une perte de substance. Enfin, l’épicrâne du lambeau de
vers l’avant puis un écartement de la périorbite de la paroi supéro- scalp antérieur est découpé et glissé sous la dure-mère basale
interne des deux orbites isolant la racine du nez, en prenant garde antérieure et suturé à celle-ci. Il faut y associer l’application de colle
aux nerfs supraorbitaires de chaque côté (au besoin libérés de leur biologique et de gaze hémostatique résorbable type Surgicelt. Il est
arcade). Ceci permet de sculpter un volet frontal bilatéral emportant recommandé de combler par des paquets de graisse abdominale la
avec lui une pièce fronto-naso-orbitaire. Puis, par une dissection cavité créée sous ce plan tendu entre le toit des deux orbites. Pour
extradurale, notamment médiane, refoulant la masse cérébrale en finir, le bandeau frontal est reconstruit à l’aide de miniplaques.
arrière, on coagule les filets olfactifs au contact des gouttières L’inconvénient majeur de cette technique est l’anosmie complète et
olfactives. Ceci favorise les fistules de LCS au travers des orifices de définitive.

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Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

Figure 35 Algorithme
no 3. Prise en charge des
fractures du sinus frontal.
LCS : liquide cérébrospinal.

– Voies extracrâniennes transfaciales. – la vaccination antipneumococcique systématique a été proposée


Elles ont été décrites mais, outre la cicatrice qu’elles imposent et pourrait réduire la gravité des méningites secondaires. [49] Nous
parfois, elles n’offrent pas un jour suffisant pour la visualisation et y avons recours systématiquement ;
la cure des brèches. – enfin, de petits moyens visant à diminuer la pression
– Abord endoscopique endonasal. [4, 13, 29, 31, 32] intracrânienne sur la fistule peuvent se révéler d’une grande aide,
L’abord par voie basse transnarinaire endoscopique permet de notamment l’interdiction des efforts à glotte fermée pendant 1 à
visualiser l’écoulement du LCS au niveau de l’orifice muqueux, soit 2 mois : mouchage, éternuement retenu, mais aussi en limitant la
après localisation de la fistule par les examens d’imagerie, soit toux et en administrant des laxatifs contre la constipation. Le
lorsque ceux-ci ne la retrouvent pas (cf. supra). Dans le même temps patient doit dormir pendant une quinzaine de jours la tête
opératoire, elle permet de colmater la brèche au niveau de surélevée, voire en position demi-assise, en évitant le décubitus
l’écoulement muqueux en utilisant différents types de lambeaux. Il strict ;
s’agit essentiellement de fragments de muqueuse du cornet moyen – les dérivations du LCS, mises en place par voie lombaire,
ou inférieur et parfois de fascia lata, de muscle ou d’aponévrose permettent une vidange partielle et contrôlée des espaces sous-
temporale, voire de graisse abdominale. Ces lambeaux peuvent être arachnoïdiens. Elles sont placées pour quelques jours sous forme
associés entre eux et idéalement fixés par une colle biologique d’une dérivation lombaire externe (100 à 200 cm3/24 h), ou à
associée à du Surgicelt. La muqueuse adjacente de la fistule est demeure, en dérivation lombopéritonéale. Elles représentent un
nettoyée du tissu fibreux cicatriciel pour permettre un meilleur complément de la cure locale de la brèche en diminuant la
contact entre l’os et le greffon choisi. Le nez est ensuite méché à pression intracrânienne sur la fistule, permettant ainsi aux plasties
l’aide d’une gaze grasse type Tulle-grast. L’ablation des mèches se et colmatages de cicatriser.
fait entre quelques jours et 3 semaines plus tard. [31] Au préalable,
une ethmoïdectomie permet de visualiser l’ensemble de l’étage [6, 18]
antérieur de la base du crâne. Si nécessaire, une ouverture du sinus CAS PARTICULIERS
sphénoïdal est également pratiquée. L’abord par voie endonasale
¶ Fractures du sinus frontal (Fig. 35)
d’une fistule située au niveau du sinus frontal est très difficile. Les
résultats de ces techniques endoscopiques sont très bons, entre 80 et Le traitement dépend du type de fracture, de sa localisation, de
100 % de succès. [4, 13, 31] De plus, elles sont grevées d’une moindre l’existence d’un déplacement, de la présence d’une rhinorrhée.
morbidité, ne donnant qu’exceptionnellement une anosmie, et ne Les fractures simples de la paroi antérieure, fermées, non déplacées,
laissent aucune cicatrice. Ces qualités incitent à retenir le traitement sans atteinte concomitante de la région du canal nasofrontal ne sont
endoscopique en première intention pour le colmatage des brèches pas opérées mais restent surveillées (Fig. 36A).
ostéoméningées qui réunissent les caractéristiques suivantes : Les fractures complexes de la paroi antérieure (Fig. 36B), ouvertes
– accessibles à l’endoscopie ; ou déplacées (Fig. 37) font l’objet d’une exploration chirurgicale,
avec exérèse méticuleuse de la muqueuse lésée et des éléments
– sur des fractures peu ou pas déplacées ; étrangers éventuels, puis traitement des lésions osseuses par
– lorsque l’abord neurochirurgical n’a pas été nécessaire par ostéosynthèse avec ou sans greffe osseuse reconstituant le bandeau
ailleurs. frontal.
– Moyens adjuvants. Lorsque la fracture intéresse la partie inférieure du sinus frontal,
Face à une fistule de LCS avérée et active, la prise en charge l’atteinte du canal nasofrontal peut se compliquer d’obstruction, de
thérapeutique peut être aidée par différents moyens adjuvants : mucocèle ou de sinusite. Son exploration chirurgicale s’impose
lorsque les images tomodensitométriques montrent une lésion à ce
– l’antibioprophylaxie initiale contre le pneumocoque est très niveau nécessitant son oblitération. Cette exclusion du sinus frontal
controversée. Elle peut être proposée pendant la première semaine (Fig. 36C) est obtenue par le comblement de la cavité sinusienne
sur les critères du grand nombre de tarissements spontanés de proprement dite et du canal nasofrontal, de préférence à l’aide de
brèches ; [36] greffons spongieux ou corticospongieux.

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22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

A B C D

E F G
Figure 36 Techniques de prise en charge des fractures du sinus frontal.
A. Fractures simples de la paroi antérieure. E. Reconstruction d’une fracture complexe de la paroi antérieure et abstention chirur-
B. Fractures complexes de la paroi antérieure. gicale sur une fracture simple de la paroi postérieure.
C. Exclusion du sinus et reconstruction de la paroi antérieure. F. Fracture complexe de la paroi antérieure et de la paroi postérieure.
D. Fracture complexe de la paroi antérieure associée à une fracture simple de la pa- G. Cranialisation du sinus et reconstruction de la paroi antérieure.
roi postérieure.

¶ Fractures de l’orbite

Leur réduction nécessite une bonne exposition dans les trois


dimensions de l’espace pour éviter la survenue de déformations
secondaires difficiles à redresser.
Les lésions de la paroi orbitaire médiale exposent au risque
d’atteinte du sinus ethmoïdal avec agrandissement du contenant
orbitaire se traduisant par une énophtalmie. La correction
chirurgicale fait souvent appel à une greffe osseuse (calvaria) pour
reconstituer cette paroi orbitaire.
Les fractures du toit de l’orbite [34] sont rares et souvent associées à
une atteinte du bord supraorbitaire. Elles sont soupçonnées par la
présence d’une ecchymose de la paupière supérieure et d’une
hémorragie sous-conjonctivale. Elles peuvent entraîner une diplopie
par œdème ou hématome intraorbitaire ou par incarcération des
muscles droit supérieur et oblique supérieur et un ptosis par lésion
Figure 37 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : fracture
du muscle releveur de la paupière supérieure. Par ailleurs,
déplacée des parois antérieures et non déplacées des parois postérieures des sinus fron-
taux. l’exophtalmie est ici plus fréquente que l’énophtalmie. Par le trait
de fracture du toit orbitaire, on peut réaliser la désincarcération d’un
muscle ou de la périorbite.
En cas de fracture associée de la paroi postérieure, si celle-ci est à
Enfin, l’exploration des voies optiques est très controversée du fait
trait simple sans déplacement ou avec un déplacement minime
des taux d’échec importants. [27, 42]
inférieur à son épaisseur (Fig. 36D), on s’abstient de tout traitement
particulier en reconstruisant uniquement la paroi antérieure en Elle n’est éventuellement indiquée qu’en présence d’une cécité post-
l’absence de rhinorrhée (Fig. 36E). traumatique avérée, avec image de compression du tractus optique
d’origine osseuse (Fig. 12, 13) ou par hématome. Elle se fait surtout
Lorsque la paroi postérieure est le siège d’une fracture plus par voie transethmoïdosphénoïdale médiane ou pour certains par
importante, voire d’une comminution (Fig. 36F), il y a un risque voie endoscopique. [41]
d’atteinte de la dure-mère par brèche ostéoméningée. Si cette atteinte
est effective et persistante sous la forme d’une rhinorrhée, le
traitement consiste alors en l’exérèse de cette paroi postérieure. Seule ¶ Fractures du complexe fronto-naso-ethmoïdal
la paroi antérieure est reconstruite. On réalise alors une
« crânialisation » du sinus frontal (Fig. 34, 36G), en associant un L’atteinte concomitante des os propres du nez et du septum
curetage complet de toute la muqueuse sinusienne à l’exérèse de sa nasal entraîne des déformations et une instabilité
paroi postérieure. On en complète l’étanchéité en obstruant le canal particulièrement délicates à corriger en première intention. Il
nasofrontal à l’aide de poudre d’os récupérée lors de la trépanation faut s’attacher à reproduire la projection de la pyramide nasale,
mélangée à de la colle biologique, puis en séparant les cavités après réduction des déplacements, à l’aide de greffons osseux
nasales, contaminées, de la cavité crânienne, par l’interposition d’un ou cartilagineux. Si la projection reste insuffisante, la présence
lambeau pédiculé d’épicrâne. Celui-ci, glissé sous la face du greffon sert cependant à limiter la rétraction des parties
endocrânienne de la dure-mère (Fig. 33), vient idéalement renforcer molles, réduisant ainsi les difficultés d’une reconstruction
la suture d’une brèche durale. secondaire.

20
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10

telles que l’anosmie ou être difficilement corrigeables comme la


diplopie. Enfin, les séquelles esthétiques peuvent nécessiter une
correction ardue exigeant plusieurs étapes.

¶ Séquelles fonctionnelles
Elles peuvent être :
– l’anosmie : séquelle souvent définitive ou de récupération très
partielle pouvant se révéler très invalidante, elle peut être liée aux
lésions initiales quand elles atteignent le complexe frontoethmoïdal
ou aux explorations et traitements d’une rhinorrhée. Dans sa forme
bilatérale, elle peut s’accompagner d’une dysgueusie aggravant ainsi
l’atteinte sensorielle ;
– la cécité, la baisse de l’acuité visuelle, l’amputation du champ
visuel : séquelles également définitives par atteinte directe ou
indirecte du nerf optique, se manifestant de façon uni- ou bilatérale,
symétrique ou non ;
Figure 38 Radiographie du crâne de face : ostéolyse d’un fragment osseux du ban- – la diplopie : pouvant se manifester dans les différents secteurs du
deau frontal après reconstruction par miniplaques. champ visuel mais plus fréquemment dans le regard vers le haut,
elle est souvent difficile à corriger à distance du traumatisme, les
COMPLICATIONS lésions causales (atteinte de muscles moteurs oculaires ou de leurs
tendons, fibrose) étant alors fixées ;
Au-delà de la mise en jeu du pronostic vital engendrée par les
lésions neurologiques, elles sont essentiellement infectieuses et – l’atteinte des voies lacrymales par malposition, compression ou
peuvent se manifester de façon précoce ou tardive : section, pouvant se traduire par une épiphora ou une dacryocystite ;
selon les cas, une dacryocystorhinostomie peut être pratiquée ;
– complications précoces :
– des anomalies de l’occlusion dentaire avec parfois syndrome de
– sinusites frontales ou ethmoïdales favorisées par les lésions dysfonctionnement craniofacial en cas de réduction insuffisante
muqueuses, par la présence d’un hématome, d’un œdème, par la d’une fracture horizontale du massif facial.
proximité des fosses nasales. Elles peuvent se compliquer d’une
méningite ; ¶ Séquelles morphologiques
– méningite par plaie craniocérébrale évidente, par brèche dure- Elles se traduisent par des déformations variées :
mérienne insidieuse parfois à distance des foyers de fracture ; – asymétrie de la face ;
– abcès orbitaire ; – enfoncement du bandeau frontal ;
– ostéite, ostéomyélite au niveau des éléments fracturés ou d’os – énophtalmie par agrandissement de l’orbite en relation avec les
en contact avec des foyers infectieux. Elles peuvent se traduire différentes fractures des parois, ou dans les fractures déplacées du
par des douleurs localisées accompagnées ou non de céphalées, complexe orbitozygomatique ;
avec une tuméfaction, une hyperthermie, une fistule cutanée et
– exophtalmie par rétrécissement de l’orbite ;
une image radio-claire de lyse osseuse (Fig. 38) ;
– télécanthus par déplacement latéral de la paroi orbitaire médiale
– abcès du cerveau et empyème péricérébral : ils restent peu avec élargissement de l’arête nasale, et par défaut de
fréquents ; repositionnement du ligament canthal médial ;
– complications tardives : – insuffisance de projection de la pyramide nasale dans les atteintes
– mucocèle et mucopyocèle ; du complexe naso-ethmoïdo-orbitaire ;
– sinusite frontale pouvant se développer à bas bruit et se – élargissement ou enfoncement de la pommette dans les atteintes
transformer en pan-sinusite par atteinte des cavités sinusiennes latérales au niveau de l’ensemble zygomatomalaire ;
de l’ethmoïde, du sphénoïde et du maxillaire ; – rétrusion de la face dans le cadre d’une disjonction craniofaciale
– réapparition d’une rhinorrhée avec ou sans méningite. avec recul de l’étage supérieur.
Elles sont souvent difficiles à corriger, en raison de la rétraction
Autres complications :
habituelle des parties molles sus-jacentes ou de la disparition de
– pneumocéphalie se traduisant par la présence d’air dans la boîte certains éléments osseux. La fixation spontanée, en mauvaise
crânienne par communication avec le milieu extérieur signant ainsi position, des pièces osseuses fracturées, ayant ou non conservé leur
une brèche dure-mérienne pouvant nécessiter une intervention ; forme anatomique initiale, impose leur reconstitution.
– atteinte oculaire concernant le globe par traumatisme direct ou le La correction [19, 20] fait appel aux techniques d’ostéotomies, associées
nerf optique intéressé par un trait de fracture ou par un œdème ou ou non aux greffes osseuses et s’inspirant des techniques mises au
un hématome compressif. Cette atteinte peut parfois nécessiter point pour les malformations craniofaciales par Paul Tessier. Chaque
l’exentération du contenu orbitaire. cas est particulier et demande une adaptation aux différentes
situations rencontrées.

SÉQUELLES ¶ Séquelles neuropsychologiques des traumatisés


Elles résultent [19, 20] d’une erreur de diagnostic, d’un bilan lésionnel crâniens
incorrect, d’un traitement primaire mal adapté ou insuffisant ou Il s’agit notamment du syndrome subjectif des traumatisés crâniens,
d’une complication du traitement initial et parfois de lésions graves des altérations des fonctions supérieures du syndrome frontal
et complexes. Les séquelles fonctionnelles peuvent être définitives causées par les contusions frontopolaires.

21
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie

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22
¶ 22-075-B-10

Traumatismes de la face par arme à feu


en pratique civile
J. Nicolas, E. Soubeyrand, D. Labbé, J.-F. Compère, H. Benateau

Les traumatismes balistiques de la face par arme à feu sont source de lésions maxillofaciales très variées,
plus ou moins complexes, dont l’inventaire précis conditionne les modalités thérapeutiques. La prise en
charge initiale répond à des critères bien codifiés en fonction de la hiérarchisation des urgences. La prise
en charge secondaire, temps de la réhabilitation dento-maxillo-faciale, fait appel à des procédés
chirurgicaux ou prothétiques classiques et aux nouvelles techniques de lambeaux libres, de distraction
ostéogénique, d’expansion cutanée et d’épithèses implantoportées.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maxillofacial ; Balistique ; Lésion ; Reconstruction

Plan La population, principalement masculine, se situe dans une


large fourchette de 10 à 85 ans, avec deux pics à 18-30 ans et à
40-55 ans, qui correspondent aux périodes dites « charnières »
¶ Introduction 1
de la vie et qui représentent deux tiers des patients [2, 3]. L’arme
¶ Épidémiologie 1 utilisée est le fusil de chasse en milieu rural et plutôt l’arme de
Tentative de suicide 1 poing en zone urbaine [4, 5]. Les dégâts occasionnés dépendent
Tentative d’homicide 1 de la nature de l’arme employée. Le fusil de chasse, le plus
Accidents 1 souvent utilisé canon appliqué sous le menton, entraîne de
¶ Bilan lésionnel 1 graves dégâts à l’étage mandibulaire et peut épargner plus ou
Recherche de lésions pouvant compromettre le pronostic vital 2 moins l’étage moyen de la face et le crâne. Il n’en est pas de
Bilan lésionnel craniofacial 2 même si son canon est introduit en bouche ou si le désespéré
¶ Prise en charge primaire 4 applique une arme de poing en bouche ou sur la tempe : les
Prise en charge des urgences vitales 4 lésions faciales hautes délabrantes et cranioencéphaliques
Prise en charge primaire 5 gravissimes prédominent dans ces cas [6]. Les modalités et la
motivation du geste suicidaire sont parfois difficiles à établir. Il
¶ Prise en charge secondaire : réhabilitation maxillofaciale
est habituel de ne retrouver aucun antécédent psychiatrique [7,
et prise en charge des séquelles 6 8]. Les récidives sont exceptionnelles quand la prise en charge
Prothèses dento-maxillo-faciales 6
est globale, à la fois somatique par le chirurgien et psychologi-
Lambeaux libres ou pédiculés 7
que par le psychiatre.
Distraction ostéogénique 8
Expansion cutanée 9
Greffes 9 Tentative d’homicide
L’arme de poing est le plus souvent utilisée. L’orifice de
pénétration est surtout temporal. Le tir s’effectuant à bout
■ Introduction portant et non à bout touchant, les dégâts constatés sont moins
délabrants que dans les suicides [9, 10].
Les traumatismes balistiques restent l’urgence maxillofaciale
la plus redoutée. Ils entraînent de nombreuses séquelles sur les
plans tant physique que psychologique.
Accidents
Leur prise en charge en urgence reste stéréotypée et la prise Qu’ils surviennent à la chasse, au cours de loisirs (ball-trap,
en charge secondaire (prise en charge des séquelles) requiert tir, etc.) ou bien à l’occasion de l’entretien de l’arme, d’une rixe
l’ensemble des techniques de reconstruction maxillofaciale afin ou d’un maintien de l’ordre public, ils ne concernent qu’assez
d’obtenir les meilleurs résultats fonctionnels et esthétiques peu souvent la face [11-14].
possibles.

■ Épidémiologie ■ Bilan lésionnel


La grande diversité des traumatismes et des agents vulnérants
Tentative de suicide explique le polymorphisme des lésions. Mais qu’il s’agisse du
Les suicides par arme à feu constituent la première cause de traumatisme bénin guérissant sous seule surveillance ou de la
traumatismes balistiques de la face [1]. pulvérisation dramatique compromettant le pronostic vital, tous
Avec 24 % de suicidés par arme à feu [1], notre pays occupe ces blessés doivent faire l’objet d’une prise en charge rigoureuse,
le second rang mondial après les États-Unis où le taux atteint hiérarchisée selon la nature de leurs blessures et leur degré de
47 %. gravité.

Stomatologie 1
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile

Figure 1. Traumatisme balistique classé M1.


Radiographie de profil et panoramique : frac-
ture comminutive de la symphyse mandibulaire
avec présence de plombs multiples.

Recherche de lésions pouvant


compromettre le pronostic vital
Dans un premier temps, le pronostic de tout traumatisé
balistique dépend du risque vital. Il faut donc évaluer tous les
éléments pouvant compromettre en urgence le pronostic vital :
• détresse respiratoire ;
• choc hypovolémique avec collapsus hémodynamique ;
• lésions cranioencéphaliques.
Le premier élément de la prise en charge primaire comprend
donc, en collaboration avec les réanimateurs, la prise en charge
de ces trois éléments afin de passer le cap de l’urgence vitale.
Une fois l’état hémodynamique du patient stabilisé, le bilan
craniofacial du patient est établi.

Bilan lésionnel craniofacial


Il s’appuie sur :
• la nature et le trajet du projectile qui permettent d’évoquer
les lésions supposées ;
• la région faciale atteinte ;
• l’existence ou non et la nature des pertes de substance ; Figure 2. Traumatisme balistique classé G1 G2 G3. Scanner du massif
• l’altération des structures squelettiques ; facial avec reconstruction 3 D : fracture comminutive de la branche
• les possibilités de couverture et de fermeture muqueuses et horizontale, de l’angle mandibulaire gauche, de l’os zygomatique gauche
cutanées ; et de l’orbite gauche.
• les déficits fonctionnels éventuels.
Difficiles à établir d’emblée en dehors des traumatismes
balistiques de moindre gravité, l’importance et la nature des
lésions faciales s’apprécient au cours de l’exploration
chirurgicale.

Bilan radiologique
Si l’état hémodynamique du patient le permet, il est réalisé
avant la prise en charge chirurgicale. En objectivant le projectile D3 M3 G3
Niveau 3 =
et les lésions osseuses, l’imagerie, outre sa valeur médicolégale, orbitonasal
contribue à l’inventaire lésionnel. Dans le cas contraire, il est
réalisé après le bloc opératoire. Ce bilan comprend :
• radiographies standards (Fig. 1) ; D2 G2
• scanner du massif facial (Fig. 2). M2 Niveau 2 =
maxillopalatin
L’imagerie par résonance magnétique est souvent contre-
indiquée en fonction du type de projectile [15].

Bilan clinique Niveau 1 =


D1 G1 mandibulaire
[16]
Classification (Fig. 3) M1
De nombreuses classifications sont proposées. Nous utilisons
dans le service une synthèse de deux classifications prenant en
compte les régions atteintes, ainsi que les orifices d’entrée et de Bande D Bande M Bande G
sortie du projectile. = droite = médiane = gauche
Dans cette classification, le massif facial est séparé en trois Figure 3. Classification utilisée pour décrire les différents traumatismes
niveaux et trois bandes verticales : balistiques.
• niveau 1 : mandibulaire (étage inférieur) ;
• niveau 2 : maxillaire (étage moyen) ; Ainsi sont isolées neuf régions : D1, D2, D3, M1, M2, M3, G1,
• niveau 3 : orbitonasal (étage supérieur) ; G2, G3. La lésion est décrite en énonçant les régions touchées
• bande D : droite ; .
par le traumatisme dans l’ordre correspondant au trajet du
• bande M : médiane ; projectile, depuis l’orifice d’entrée jusqu’à l’orifice de sortie
• bande G : gauche. (Fig. 4).

2 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10

Figure 4. Différents exemples de traumatismes


balistiques.
A. Patient classé M1.
B. Patient classé M2 M3 G3.
C. Patient classé M1 M2 M3 G1 G2.
D. Patient classé M1 M2 M3.

Bilan lésionnel Os zygomatique. Selon la trajectoire et la nature du projectile,


Il débute avant la prise en charge chirurgicale et se poursuit il est tantôt soufflé et valgisé (les deux os zygomatiques peuvent
lors de l’exploration chirurgicale. Les lésions osseuses, les lésions être concernés), tantôt pulvérisé en de nombreux fragments
des tissus de couverture, les lésions organiques et fonctionnelles lorsque le corps du malaire est traversé par le projectile [18].
sont consignées sur un schéma. Ce bilan clinique doit s’accom- Parois orbitaires. Du fait de leurs structures lamellaires
pagner de documents photographiques, complément utile sur le (fragiles) et de l’effet de souffle, ce sont le plancher, la paroi
plan médicolégal, et qui permettent de suivre l’évolution du interne et le toit qui sont le plus souvent fracturés.
patient. Structures osseuses latérofaciales (arcade zygomatique, coroné,
Lésions osseuses. Elles sont explorées en partant de l’orifice condyle mandibulaire). Leur atteinte est à l’origine de constric-
d’entrée du projectile en suivant son trajet. tions permanentes des mâchoires, de traitement difficile.
Mandibule. En cas de suicide, la symphyse mandibulaire et la Confins craniofaciaux. Lorsqu’ils sont concernés (toit d’orbite,
branche horizontale gauche (du fait de la prédominance de lame criblée, sphénoïde), ils exposent aux complications
droitiers) sont majoritairement atteintes. Il arrive que le souffle neuroencéphaliques et engagent souvent le pronostic vital.
fracture l’angle mandibulaire controlatéral au traumatisme. La
Lésions des tissus de couverture (peau et muqueuse).
perte de substance osseuse, quand elle existe, est variable,
Parfois, il ne s’agit que d’un orifice de pénétration à bords plus
parfois majeure pouvant emporter toute la portion dentée d’un
ou moins nets, entouré de ses collerettes concentriques :
angle à l’autre.
érosives provoquées par un échauffement tissulaire au passage
Maxillaire. Il peut n’être « que » traversé par une balle réalisant
une communication buccosinusienne. Si la balle se fiche dans les du projectile, circonscrites par une collerette d’essuyage moins
fosses nasales, elle peut s’évacuer par les voies naturelles. D’autres étendue que la précédente, et éventuellement par une troisième
fois, surtout quand le trajet du projectile est très antérieur, le collerette périphérique tatouée par les débris de poudre et la
maxillaire et le prémaxillaire explosent en d’innombrables fumée de combustion. Une ecchymose d’importance et d’éten-
fragments porteurs ou non de reliquats dentaires. due variables cerne ces collerettes (Fig. 5).
Os propres du nez et apophyses montantes du maxillaire. D’autres fois, les lésions sont plus délabrantes. L’orifice de
Lorsqu’ils sont situés sur la trajectoire du projectile, ils sont pénétration est beaucoup plus large, à bords déchiquetés,
souvent soufflés et présentent des fractures comminutives, avec dilacérés, avec attrition des tissus.
élargissement de la pyramide nasale avec télécanthus. Au Le tatouage par la poudre est constant lors des traumatismes
maximum, la déflagration emporte les parties molles et le à bout touchant et la présence de corps étrangers est habituelle :
squelette osseux médiofacial [17]. bourre, plombs, débris dentaires et prothétiques, mais il n’est

Stomatologie 3
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile

Les paupières, les ligaments palpébraux parfois arrachés, les


voies lacrymales dilacérées ou comprimées, sont méthodique-
ment étudiées.
Glandes salivaires. Elles sont exposées dans les traumatismes
latéraux. Leur blessure ou celle de leurs canaux évacuateurs,
peut être à l’origine de kystes ou de lacs salivaires responsables
de retard de cicatrisation cutanée, d’infections, de fistulisation
à la peau.
Atteintes nerveuses [20]. Outre celle du nerf optique, elles sont
dominées par les lésions du nerf facial dont l’atteinte est
souvent incomplète, ne concernant que certaines branches.
L’étude de la mimique est délicate précocement, d’autant plus
qu’existent des plaies musculaires ; prudence et réserves doivent
s’imposer dans les conclusions précoces.
Concernant le nerf trijumeau, l’atteinte de la troisième
branche est fréquente (fracture de mandibule ou arrachement
du nerf à sa sortie de la mandibule au trou mentonnier). La
deuxième branche est difficile à tester dans les traumatismes très
délabrants où la réponse à l’étude de la sensibilité cutanée,
Figure 5. Orifice d’entrée du projectile.
muqueuse ou dentaire est difficile d’appréciation.
Lésions vasculaires. Elles peuvent constituer à elles seules une
urgence vitale [21, 22] , tant sous la forme d’une hémorragie
abondante et diffuse (hémorragies artérielles maxillaires internes
ou faciales, voire linguales) dont l’hémostase ne peut être
aisément réalisée, que sous celle d’hématome volumineux
asphyxique, ou de saignements diffus en « nappe » d’autant
plus difficiles à maîtriser que le blessé est sous anticoagulants ou
présente une maladie de la crase sanguine.
Fistules carotidocaverneuses. Elles peuvent se constituer rapide-
ment. Elles se suspectent devant un œdème, une ecchymose,
une exophtalmie pulsatile, une circulation veineuse collatérale
palpébrale supérieure et un souffle intracrânien, tableau qui doit
amener à pratiquer en préopératoire une artériographie sélective
à visées diagnostique et thérapeutique [23-27].
Atteintes neuro-basi-crâniennes. L’atteinte cérébrale est celle qui
affecte le plus le pronostic vital puisqu’elle entraîne selon les
séries de 35 à 80 % de mortalité. Il peut y avoir extrusion de
matière cérébrale par éclatement de la boîte crânienne sans
entraîner forcément le décès du patient [28]. Les lésions intracé-
rébrales sont surtout frontales lorsqu’il s’agit d’autolyse. Des
Figure 6. Radiographie pulmonaire. Présence d’une dent inhalée dans plombs peuvent rester dans les lobes frontaux sans pour autant
la bronche souche droite après traumatisme balistique. compromettre la guérison. La pénétration intracrânienne d’un
projectile induit nécessairement une brèche dure-mérienne, avec
ses risques infectieux méningés et cérébraux. L’installation, dès
pas rare aussi de retrouver des débris telluriques et végétaux si les premiers jours, d’un diabète insipide traduit une lésion de la
le blessé a chuté à terre et que la plaie est béante. selle turcique et de la posthypophyse.
Les formes les plus graves sont représentées par les amputa-
tions cutanéomuqueuses, associées à des pertes de substance
osseuse, mutilant sévèrement les orifices naturels de la face. ■ Prise en charge primaire
Leurs séquelles fonctionnelles sont redoutables (Fig. 4C).
Elle est hiérarchisée suivant la gravité des lésions :
Lésions organiques et fonctionnelles.
• risque vital immédiat : l’urgence est à la réanimation, au
Dents. Solidaires des maxillaires, elles partagent leur sort. Des
déchocage, au conditionnement du blessé (trachéotomie,
fractures alvéolodentaires souvent plurifragmentaires et des
hémostase), avant d’envisager le traitement chirurgical
pertes dentaires sont fréquemment retrouvées.
primaire des blessures maxillofaciales ;
Dents, amalgames, couronnes et débris prothétiques peuvent • gravité moyenne : si la prise en charge chirurgicale primaire
constituer autant de corps étrangers projetés et impactés dans n’est pas possible en urgence, elle peut être différée après
les parties molles, voire inhalés ou, moindre mal, avalés (Fig. 6). transfert du blessé dans un centre spécialisé ;
La présence de fragments osseux dentés est un élément • gravité moindre, ne nécessitant pas de temps chirurgical de
précieux pour positionner correctement les pièces squelettiques. première intention. L’hospitalisation est cependant systéma-
Les sacrifices dentaires parfois nécessaires doivent être parci- tique, notamment du fait des risques hémorragiques et
monieux. septiques secondaires. Cette hospitalisation permet égale-
Globe oculaire et ses annexes. Ils sont particulièrement vulné- ment, en cas d’étiologie suicidaire, de débuter une prise en
rables. Urgence fonctionnelle prioritaire, le syndrome de section charge psychologique ou psychiatrique.
physiologique du nerf optique (chute de l’acuité visuelle d’un
œil dont la pupille est en mydriase avec réflexe photomoteur Prise en charge des urgences vitales
direct aboli et réflexe photomoteur consensuel conservé) traduit
la compression ou l’étirement du nerf optique dans son canal Elle se mène conjointement avec les anesthésistes réanima-
par l’œdème, un hématome ou une esquille osseuse. teurs. La part revenant aux chirurgiens se résume à quelques
L’examen ophtalmologique précoce s’enquiert d’une plaie du gestes techniques.
globe oculaire, voire de son éclatement. Une vélocité de
100 m/s est suffisante à un projectile pour pénétrer un œil :
En cas de difficultés respiratoires
c’est le cas des plombs de chasse jusqu’à une distance de tir On doit veiller à la libération des voies aériennes supérieures :
variant selon l’arme de 50 à 90 m [19]. • ablation des éventuels corps étrangers (dents, fragments
Ces plaies sont souvent de pronostic très réservé. osseux ou de prothèse dentaire) ;

4 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10

• aspiration pharyngée ; ventions chirurgicales itératives sous anesthésie générale. Ils


• mise en place d’une canule de Guédel ou de Mayo qui est contribuent au confort, à la fois du chirurgien et du blessé, ainsi
souvent mal supportée et remplacée par une intubation qu’à sa sécurité.
orotrachéale et une oxygénothérapie. La trachéotomie constitue souvent le premier acte chirurgical.
Dans les fracas ou les amputations de la symphyse mandibu- Elle est effectuée au mieux en salle d’opération chez un patient
laire à l’origine d’une glossoptose, un fil tracteur transfixiant la préalablement intubé.
langue permet une libération simple, rapide et efficace des voies Une gastrostomie d’alimentation est habituellement néces-
respiratoires. Ces différents temps ne doivent pas retarder saire dans les grands délabrements faciaux. Celle-ci peut être
l’intubation qui est si possible orotrachéale, sinon par trachéo- réalisée par voie endoscopique ou par voie chirurgicale.
tomie laquelle peut être maintenue, dans la mesure où l’on Un site veineux implantable peut également être mis en place
prévoit de nombreux temps opératoires dans les semaines et en cas de difficulté de l’abord veineux.
mois à venir [29].
Inventaire et traitement chirurgical initial
En cas d’hémorragie ou de choc hypovolémique des lésions maxillofaciales
La prévention ou le traitement du choc hémorragique com- Après hémostase, parage, détersion des plaies, élimination de
prend : tous corps étrangers (dents, prothèses, débris telluriques...) ainsi
• la compensation des pertes sanguines et la réalisation que des projectiles facilement accessibles (conservés dans un but
d’hémostases locales : sauf nécessité impérieuse, aux clampa- médicolégal), sans aggraver les délabrements, est entrepris
ges à la volée sont préférés les compressions, en attendant de l’inventaire des lésions.
pouvoir effectuer correctement une hémostase chirurgicale
dans le cadre du traitement primaire ; Inventaire et traitement des lésions squelettiques
• la recherche et le traitement d’un trouble de la crase san- Le but est de réduire et de contenir les fragments osseux
guine ; résiduels en position anatomique pour éviter leur conjonction
• en cas de saignement incontrôlable, une embolisation toujours difficile à corriger secondairement [33]. Pour cela, trois
artérielle. préceptes doivent être respectés :
• procéder méthodiquement du haut vers le bas, le crâne
En cas de lésions cérébrales servant de référence spatiale pour retrouver l’architecture
Un avis doit être pris en urgence et une prise en charge faciale sous-jacente ;
effectuée par une équipe neurochirurgicale. • conserver le maximum de tissu osseux et respecter autant que
possible le périoste ; seuls les petits fragments libres de toute
insertion musculaire ou périostée sont sacrifiés ;
Prise en charge primaire • contenir les fragments par des moyens orthopédiques ou
Traitement médical chirurgicaux : il n’y a pas de méthodes standards, chaque cas
étant différent, chaque école ayant ses préférences. Les
Il est à visée : méthodes de fixation parafocale (broche de Kirschner de
• antalgique : le recours à une analgésie lourde est rare, les diamètre 12 ou 14, fixateur externe...) sont recommandées
grands délabrements maxillofaciaux étant paradoxalement par la majorité des auteurs du fait de leurs simplicité et
peu douloureux ; rapidité de mise en œuvre, de leur efficacité et de la sécurité
• anxiolytique et neurosédative, indiquée chaque fois que le qu’elles offrent sur ce terrain septique [34].
blessé est angoissé ou agité ; L’ablation de ces contentions parafocales se fait au plus tôt à
• prophylactique infectieuse [30] : l’antibiothérapie systématique la sixième semaine, habituellement sans anesthésie. La conten-
doit être massive, aussi précoce que possible, administrée tion par plaques vissées (même miniaturisées) [35] expose parfois
dans un premier temps par voie parentérale. Elle fait appel de à des échecs du fait du dépériostage requis pour ce type
première intention à une céphalosporine de première généra- d’ostéosynthèse et des conditions locales parfois très difficiles.
tion associée ou non à la gentamicine en cas de pertes de S’il faut souvent faire preuve d’imagination, il faut avant tout
substances cutanées, pendant au minimum 48 heures, par rester humble en se rappelant la phrase de Franchebois « faire
voie intraveineuse. Secondairement, elle est adaptée en comme l’on peut, en fonction de ce qui reste » et privilégier
fonction des résultats d’éventuels prélèvements bactériologi- bien souvent les procédés chirurgicaux simples, d’une efficacité
ques. Les causes locales de contamination bactérienne sont sûre et reconnue.
nombreuses : plaies ouvertes, perforantes, pénétrant divers
tissus avec des zones nécrotiques qui, associées à l’hématome Inventaire et traitements des lésions dentaires
périlésionnel, fournissent un milieu de culture idéal pour le Le but est de conserver le capital dentaire, avec comme
développement bactérien. Par ailleurs, au moment de la préoccupation de préserver une fonction occlusale la meilleure
formation de la cavité temporaire se produit un phénomène possible, de respecter ou de restaurer une dimension verticale
de succion qui attire vers l’intérieur, depuis les orifices d’occlusion, de minimiser les risques infectieux en ne conservant
d’entrée et de sortie, des germes cutanés et/ou de la flore pas abusivement des dents intrafocales en mauvais état. Les cas
buccale, ainsi que des débris et des particules en suspension. d’ostéite ou de pseudarthrose sont majoritairement reconnus dans
Enfin, et contrairement à une idée préconçue, la chaleur la littérature comme étant d’origine dentaire [1, 7, 31].
produite par les gaz explosifs, par la friction du projectile Lors de fracture alvéolodentaire, les dents mobiles sont
contre les parois du canon et par la résistance aérienne qu’il contenues au moyen d’arcs, de ligatures péridentaires au fil
rencontre est incapable de stériliser l’agent vulnérant [31]. Les d’acier et de ligatures en berceaux. Préserver le maximum du
germes les plus fréquents sont Staphylococcus aureus, Proteus capital dentaire accroît les chances de retrouver des rapports
aeruginosa et les entérobactéries. Les gestes locaux contribuent maxillomandibulaires normaux, rapports autour desquels
à la lutte anti-infectieuse par le parage, la mise à plat, s’édifieront les différentes étapes de la reconstruction osseuse et
l’irrigation, le lavage peropératoire des plaies et surfaces des tissus de couverture.
cruentées, par l’immobilisation des fragments osseux, par le
drainage et l’oxygénothérapie éventuelle du lit opératoire [32] ; Inventaire et traitement des lésions des tissus
• prophylactique antitétanique : au moindre doute sur l’état de recouvrement
vaccinal du blessé, un sérum antitétanique est administré et Le but est d’apprécier l’existence et l’étendue véritable d’une
une vaccination mise en œuvre [30]. perte de substance cutanée ou muqueuse, et d’évaluer les
possibilités de fermeture et les moyens de recouvrement des
Gestes chirurgicaux d’accompagnement moignons osseux en cas d’amputation.
Ils sont fonction de la gravité des lésions faciales, des Sans manque tissulaire ou avec une perte très modeste et
difficultés éventuelles d’alimentation et de la nécessité d’inter- selon la localisation, une fermeture de première intention est

Stomatologie 5
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile

envisagée, en gardant présents à l’esprit les risques particuliers gras pour protéger les blessures cruentées de la dessiccation. Le
de rétraction cicatricielle dès lors qu’un orifice naturel est rythme des pansements peut être initialement biquotidien.
concerné, et si cette fermeture est réalisable sans tension. En cas Les soins de trachéotomie et de gastrostomie d’alimentation,
de perte tissulaire importante, la règle est de ne pas fermer à classiques, sont, s’ils doivent durer, progressivement délégués au
tout prix mais au contraire de consacrer la perte de substance patient. L’hygiène buccodentaire, l’usage d’un aérosol ou d’un
par une suture muqueuse à peau recouvrant soigneusement les humidificateur, le maniement d’une aspiration, l’entretien d’un
moignons osseux préalablement réduits et maintenus en conformateur lui sont enseignés jusqu’à obtenir son autonomie
position anatomique. Cette attitude évite au mieux les rétrac- complète et pouvoir envisager, si possible, son retour au
tions cicatricielles, diminue les risques septiques et, loin domicile.
d’entraver la reconstruction chirurgicale ultérieure, permet de la La surveillance s’applique :
mener dans les meilleures conditions. • à la cicatrisation : contrôle de la qualité, de l’absence de
Si certains auteurs [36] ont préconisé de première intention le tension ou de désunion des sutures cutanées et muqueuses,
recours à divers types de lambeaux ou de plasties, il semble du risque d’exposition osseuse ;
admis aujourd’hui de réserver ces procédés aux temps de • à l’état cutané : détection précoce d’une souffrance, d’une
reconstruction [37]. collection salivaire, d’une inflammation, ou d’une suppura-
Les plaies cutanéo-musculo-muqueuses sont généralement tion d’origine dentaire, osseuse ou sinusienne ;
suffisantes pour permettre l’abord des lésions osseuses, en • au matériel de contention des fractures en s’assurant de sa
respectant les zones cutanées faciales indemnes. De la même bonne tolérance, de sa stabilité et de son efficacité. Ces
premiers pansements permettent de compléter ou de modifier
manière, la recherche « acharnée » d’un projectile difficilement
les ostéosynthèses réalisées en urgence et souvent sans bilan
accessible risque d’aggraver les dégâts et de prolonger inutile-
radiologique.
ment l’acte opératoire. Les plaies et délabrements orificiels
(bouche, narines, méat auditif...) sont calibrés au moyen de
Prise en charge psychiatrique [39]
conformateurs qui ainsi s’opposent à la rétraction cicatricielle.
Indispensable et précoce, surtout en cas de suicide, elle
Inventaire et traitement des lésions organiques cherche à expliciter le geste suicidaire. Seul le psychiatre est apte
Plaies du nerf facial. Elles sont difficiles à traiter de première à mesurer le risque de récidive et à mettre en place, si besoin,
intention, surtout dans les délabrements majeurs avec dilacéra- une psychothérapie ou un traitement psychotrope. Il permet
tion. Il semble sage de se contenter d’un simple repérage si une triangulation de la relation chirurgien-malade parfois
possible des extrémités nerveuses rétractées en vue d’une tendue, notamment dans le cas fréquent de patients intransi-
réparation différée. geants sur les délais entre les différents temps chirurgicaux.
Plaies des glandes salivaires. La tranche parenchymateuse
est suturée à la muqueuse pour lui permettre de se drainer
directement et largement dans la cavité buccale. En cas de plaie ■ Prise en charge secondaire :
canalaire et si les extrémités distale et proximale sont retrou-
vées, elles sont suturées sur tuteur. Bien souvent, un simple
réhabilitation maxillofaciale
déroutement en bouche de la portion proximale du canal de et prise en charge des séquelles
Sténon, guidé sur cathéter, est réalisé.
Plaies oculaires. Si le globe ne peut être sauvegardé dans une Débutée, selon les auteurs, entre la deuxième semaine et le
orbite indemne, il convient de l’éviscérer et de mettre en place deuxième mois, la réhabilitation est possible sitôt obtenus une
un conformateur oculaire en prévision d’une prothèse ulté- cicatrisation et un lit trophique de qualité, et avant l’installation
rieure. Même si cette éviscération n’empêche pas toujours une des rétractions tissulaires.
ophtalmoplégie sympathique, elle évite, par rapport à l’énucléa- Les techniques doivent permettre une reconstruction des
tion, l’impression inesthétique d’orbite hypophtalme [38]. différents tissus lésés. Les objectifs de cette reconstruction sont
multiples [40, 41], esthétiques et fonctionnels :
Surveillance et soins postopératoires • restauration d’une compétence et d’une fonction palatine
satisfaisante (séparer les cavités orale et nasosinusienne) ;
Surveillance générale • couverture d’un déficit musculaire et cutané ;
En unité de réanimation chirurgicale, en cas de traumatisme • restauration des contours faciaux ;
majeur, elle s’assure du maintien des fonctions vitales, prévient • réhabilitation dentaire afin d’obtenir une compétence labiale
les complications respiratoires (pneumopathie de déglutition), la (fonction masticatrice).
décompensation d’états pathologiques antérieurs (diabète, Tous les procédés de chirurgie reconstructrice ont été préco-
insuffisances organiques, delirium tremens, syndrome de nisés et utilisés, leur choix étant affaire de cas particuliers et
manque, troubles de la coagulation...), les complications du d’école.
décubitus (escarre, thrombophlébite...), l’apparition d’un ulcère La prothèse maxillofaciale conserve des indications alternati-
gastrique de stress... L’installation d’un diabète insipide, la ves ou complémentaires à la chirurgie. La réhabilitation ne
survenue de complications infectieuses (septicémie, ménin- saurait s’intéresser au seul aspect esthétique sans se préoccuper
de prévenir les séquelles fonctionnelles (phonation, manduca-
goencéphalite, abcès du cerveau), vasculaires (ischémie artérielle,
tion, incontinence labiale, vision...) qui bien souvent consti-
anévrisme, fistule carotidocaverneuse produite plus par effet de
tuent un handicap familial et social lourd et difficile à assumer,
souffle que par le projectile) sont liées à la nature même du
et un obstacle rédhibitoire à la reprise d’une vie professionnelle.
traumatisme.
C’est dans ces cas que prennent éventuellement toute leur place
En cas de besoin, douleurs, agitation et agressivité sont
la rééducation orthophonique, la kinésithérapie, l’apprentissage
soulagées. Une alimentation hypercalorique et hyperprotidique,
du braille, le soutien psychologique.
dont les modalités d’administration (gastrostomie, sonde
Toutes les techniques de réhabilitation maxillofaciale peuvent
nasogastrique, per os) dépendent de l’état du patient, favorise la
être utilisées seules ou associées en fonction du type de defects
cicatrisation. Le schéma classique consiste en un apport frac-
et des zones à reconstruire.
tionné en cinq repas quotidiens.
Surveillance et soins locaux Prothèses dento-maxillo-faciales
Les premiers pansements, parfois réalisés sous anesthésie
générale, sont faits par le chirurgien. Ils consistent en lavage,
Épithèses maxillofaciales (Fig. 7) [42, 43]
nouveau parage économique des tissus à la vitalité douteuse, Ce procédé simple, d’un moindre coût, mis en œuvre
débridement, mise à plat d’abcès profonds, application de conjointement par un chirurgien et un épithésiste, offre avec
pommade antiseptique en couche épaisse sur des pansements l’utilisation d’élastomères souples de silicone des résultats

6 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10

Figure 7.
A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion
classée G2 G3. Selon le souhait du patient, la
réhabilitation est obtenue au moyen d’une épi-
thèse fronto-orbito-palpébro-nasale implantopor-
tée clipsée sur une barre tenue par deux implants
vissés dans la colonne orbitaire externe, après com-
blement de la cavité d’exentération gauche par un
lambeau pédiculé de muscle temporal greffé.
B. Épithèse.
C. Avec épithèse, sans lunettes.
D. Avec épithèse et lunettes.

remarquables sur les plans plastique et tinctorial. Les colles Lambeaux libres ou pédiculés
actuelles permettent une bonne adhérence de l’épithèse à la
peau.
Lambeaux libres
Celle-ci laisse cependant un aspect de visage figé, surtout
quand elle concerne une région étendue et animée, et sa durée Grâce à l’amélioration des techniques de microchirurgie et du
de vie reste limitée, bien que les pigments actuellement utilisés suivi postopératoire, la reconstruction par lambeaux microanas-
soient plus stables. tomosés est actuellement la technique de reconstruction la plus
L’épithèse peut n’être qu’une étape dans un plan de réhabi- employée pour les vastes pertes de substance pluritissulaires
litation long et complexe permettant une vie relationnelle (osseuses, musculaires et cutanées).
satisfaisante, ou bien constituer l’aboutissement de la réparation Longtemps, la prudence recommandait de ne pas utiliser ces
faciale. Dans ce cadre-là, les épithèses nasale, orbitopalpébrale et lambeaux à moins de 1 mois du traumatisme balistique, du fait
du pavillon de l’oreille sont les meilleures indications et seront des lésions vasculaires intimales et des microthrombus induits
implantoportées [43]. par le souffle [45]. Ce dogme est actuellement bousculé par
quelques équipes [46-49] qui utilisent ces lambeaux dès le
Réhabilitation dentaire [44] traitement primaire, arguant d’une vascularisation périostée et
Elle intervient en dernier lieu après cicatrisation stable des endostée tôt restituée permettant à l’os de se comporter comme
parties molles. La prothèse adjointe ou conjointe, outre son rôle un os vivant, capable de consolider et de se défendre contre
fonctionnel, contribue aussi au soutien des lèvres et des joues. l’infection [50].
Les implants, quand ils sont possibles, permettent d’obtenir la Le choix du lambeau est déterminé par l’étendue des pertes
meilleure stabilité prothétique. À la mandibule, les palettes osseuses, sa localisation sur l’arc mandibulaire, les possibilités
cutanées des lambeaux musculocutanés (pédiculés ou libres) locales de couverture muqueuse et cutanée, et l’étendue des
utilisés pour la reconstruction pelvibuccale, et même celles des pertes musculaires et cutanées. Interviennent aussi dans la
transferts osseux libres, sont épaisses et manquent d’adhérence décision la nature des lésions associées, l’état du site donneur et
sur l’os, ce qui compromet une solution implantaire de qualité l’état général du patient.
et durable.
Différents lambeaux
Cet obstacle semble levé avec la distraction ostéogénique (cf.
infra), grâce à une reconstruction pluritissulaire, comprenant de Lambeaux ostéo-fascio-cutanés. Le lambeau de fibula est le
la muqueuse attachée, ce qui facilite la mise en place des plus utilisé pour traiter les pertes de substance osseuses. Il est
implants et de la prothèse. particulièrement indiqué pour les reconstructions
Au maxillaire, la prothèse dentaire, au mieux sur implants, mandibulaires [51].
permet également d’obturer une communication buccosinu- Le lambeau scapulaire est utilisé par certains, mais pour des
sienne ou bucconasale. pertes de substance osseuses limitées [1, 46, 49].

Stomatologie 7
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile

Figure 8.
A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion
classée G1 G2 G3.
Patient après la prise en charge initiale (parage et
suture des plaies sans reconstruction des pertes
de substances et contention par un embrochage
cruciforme par broches de Kirschner).
B. Patient en cours de distraction ostéogénique à
l’étage moyen de la face par distraction ostéogé-
nique avec distracteur externe sur mesure.
C. Patient à la fin de la prise en charge secondaire
au repos et au sourire. La reconstruction des
étages moyen et inférieur de la face a été faite par
une distraction ostéogénique.

Le lambeau de crête iliaque a la même indication que les Le lambeau ostéomusculaire temporal ou temporopariétal,
lambeaux scapulaires. préconisé par McCarthy et Zide en 1984 [54], est utilisé dans les
Lambeaux musculocutanés ou fasciocutanés. Ils sont reconstructions du maxillaire comme alternative de la prothèse
utilisés pour des pertes de substances musculocutanées ou obturatrice.
cutanée pures :
• le lambeau de latissimus dorsi ; Lambeaux locorégionaux
• le lambeau de serratus antérieur ;
• le lambeau antébrachial (lambeau fasciocutané). En dehors des lambeaux libres ou des lambeaux pédiculés, il
Ces lambeaux peuvent être associés entre eux (soit deux est possible d’avoir recours à de multiples « petits » lambeaux
lambeaux de fibula [52] ou deux antébrachiaux [53]), ou associés locaux.
à des greffes osseuses. Ils sont essentiellement indiqués pour les rhinopoïèses,
Ces lambeaux libres permettent de traiter les pertes de qu’elles soient totales ou partielles. Les deux lambeaux les plus
substance pluritissulaires (osseuse, musculaire et cutanée). Leurs utilisés sont :
inconvénients sont : • le lambeau de Converse [55] ;
• au plan cutané, les différences de couleur entre le lambeau et • le lambeau frontal.
la peau faciale, responsables d’un aspect de patchwork, et Associés en général à des greffes osseuses ou ostéocartilagi-
l’absence de sensibilité de la palette cutanée ; neuses, ils permettent d’améliorer la projection nasale ou de
• au plan musculaire, la perte de l’innervation et de la contrac- recréer la maquette cartilagineuse.
tion, responsable d’une fonte musculaire du lambeau ; le Les fermetures de communications bucco-naso-sinusiennes
patient n’a donc plus de mimique faciale au niveau de la font appel, quand elles restent de dimension modérée, aux
zone reconstruite.
lambeaux locaux (palatin ou lingual) et à l’interposition du
Enfin, ces techniques de microchirurgie nécessitent des
corps adipeux de la bouche (« boule de Bichat »).
équipes entraînées et des séjours en réanimation, avec un coût
élevé.
Malgré leurs inconvénients, ces lambeaux restent la méthode Distraction ostéogénique (Fig. 8, 9)
de reconstruction osseuse la plus utilisée. Depuis 1976 et les premières études de Snyder et al. [56]
montrant la possibilité de distracter la mandibule des chiens, la
Lambeaux pédiculés distraction ostéogénique est devenu une arme thérapeutique de
Les lambeaux musculocutanés pédiculés de grand pectoral ou choix pour la reconstruction maxillofaciale.
de grand dorsal sont sûrs et apportent des tissus de couverture Dans le traitement des séquelles de traumatisme balistique, la
amples et de qualité. Cependant, souvent trop épais, ils indui- distraction ostéogénique est essentiellement utilisée pour la
sent des temps ultérieurs de désépaississement et créent surtout reconstruction mandibulaire.
des plages cutanées dyschromiques. De nombreux types de distracteurs ont été développés.

8 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10

Figure 9.
A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion classée M1 M2. Prise en charge initiale : parage et suture des différentes plaies, pertes de substances et
contention des fragments osseux restants par un embrochage cruciforme par broches de Kirschner.
B. De face après la prise en charge secondaire : reconstruction par distraction ostéogénique et réhabilitation dentaire par prothèse implantoportée.
C. De profil après la prise en charge secondaire.
D. Panoramique dentaire : après distraction ostéogénique mandibulaire consolidée par attelle vissée et réhabilitation dentaire prothétique implantoportée.
E. Réhabilitation dentaire par prothèse implantoportée.

L’élongation peut être mono-, bi- ou trifocale [7, 57, 58]. gain de parties molles (muqueuse attachée, muscle, tissu sous-
Seules les pertes osseuses très limitées relèvent de l’élongation cutané et peau) induit par la distraction.
monofocale et beaucoup, dans ces cas et d’autant plus que la
localisation est symphysaire, restent fidèles à la greffe osseuse. Expansion cutanée
L’élongation bi- ou trifocale est indiquée pour les grandes
amputations. Si les avantages de cette technique sont inesti- Elle est particulièrement bien adaptée aux reconstructions
faciales, car elle permet de respecter les spécificités propres à
mables, ils ne doivent pas en occulter les inconvénients :
chaque unité morphologique du visage (texture, coloration,
longueur de la phase active du traitement (de 2 à 3 mois) ;
épaisseur de la peau, pilosité). La peau expansée conserve des
lourdeur du procédé ; complexité et fragilité du matériel ;
qualités mécaniques identiques à celles de la peau saine, ainsi
nécessité de consolider le gain osseux par des attelles vissées qu’une structure semblable tant sur le plan macroscopique
de contention mises en place à la dépose du matériel de qu’histologique [62]. Les annexes, glandes sébacées et follicules
distraction. pileux, présentes sur le lambeau expansé restent fonctionnelles.
Le principal intérêt de la distraction ostéogénique est la L’expansion cutanée n’est généralement utilisée qu’en
création simultanée des tissus mous de la face [59]. En effet, deuxième intention, en association et en complément d’autres
l’élongation osseuse par distraction ostéogénique permet un procédés chirurgicaux [63, 64] pour remplacer une palette cutanée
apport cutané important dont le principal avantage est rapportée dyschromique (lambeau composite pédiculé ou libre
l’absence de l’effet patchwork observé avec les palettes cutanées dit « à palette cutanée provisoire ») ou pour supprimer une zone
des lambeaux libres et pédiculés. L’élongation tissulaire déclen- cicatricielle cutanée particulièrement inesthétique ou fonction-
che une hyperactivité angiogénique et neurogénique expliquant nellement gênante.
l’absence de déficits sensitifs sur le revêtement cutané et
permettant l’apport d’un tissu musculaire conservant une Greffes
fonction motrice.
La distraction ostéogénique recrée aussi la muqueuse gingi- Osseuses
vale attachée ainsi que la fibromuqueuse palatine [60], permet-
Les greffes osseuses iliaques ou calvariales sont utilisées en
tant de refermer les communications buccosinusiennes et donc apposition pour redonner une structure et du volume à une
de restaurer une fonction palatine. pommette, à un cadre orbitaire, ou pour les pertes osseuses
L’os distracté est vascularisé et autorise une réhabilitation mandibulaires très limitées. Si l’os spongieux est plus ostéogé-
dentaire par prothèses implantoportées [61]. nique que l’os cortical, en revanche sa résorption est plus
En cas de défaut de projection osseuse après distraction importante ce qui justifie l’engouement pour les prélèvements
ostéogénique, des greffes osseuses en onlay peuvent être corticaux d’origine calvariale.
proposées avec une diminution des risques d’exposition car les La greffe chondrocostale conserve un intérêt pour remplacer
difficultés de couverture des greffons sont éliminées grâce au un condyle mandibulaire.

Stomatologie 9
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile

Cutanées [17] Pons J, Courbil LJ. Ces balles à haut transfert d’énergie. Med Armees
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Les greffes de peau mince sont indiquées pour les approfon- rhino-laryngologie, 20-860-B-10: 6p).
dissements de vestibule inférieur dans la perspective d’une [19] Varr WF, Cook RA. Shotgun eye injuries. Ocular risk and eye protec-
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J. Nicolas, Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.


E. Soubeyrand, Praticien hospitalier.
D. Labbé, Praticien hospitalier.
J.-F. Compère, Professeur des Universités, praticien hospitalier (compere-jf@chu-caen.fr).
H. Benateau, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.
Service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique, Centre hospitalier universitaire de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Nicolas J., Soubeyrand E., Labbé D., Compère J.-F., Benateau H. Traumatismes de la face par arme à feu en
pratique civile. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-075-B-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Stomatologie 11
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-067-A-05 (2004)

22-067-A-05

Traumatismes dentaires et alvéolaires


A. Tardif
J. Misino
J.-M. Péron
Résumé. – Touchant enfants comme adultes avec des évolutions et des implications différentes, les
traumatismes dentaires et/ou alvéolaires sont des lésions fréquentes motivant la consultation d’un praticien,
souvent en urgence, puis la collaboration entre stomatologues ou chirurgiens maxillofaciaux et dentistes. La
difficulté réside en la nécessité d’un diagnostic et d’une prise en charge précoces (parfois impossibles à obtenir
en cas de polytraumatisme ou éloignement d’un spécialiste), mais est également liée à la nature du terrain :
enfants, détresse vitale associée, état buccodentaire médiocre… Quoi qu’il en soit, l’évolution de ces lésions
est imprévisible et une grande retenue devra être faite, même en cas de succès apparent, auprès du patient ou
de sa famille. Compte tenu des implications fonctionnelles, cosmétiques et financières en cas d’échec du
traitement, la rédaction rigoureuse du certificat médical initial est d’une importance capitale. Une
surveillance attentive est indispensable : hebdomadaire en début de traitement, elle s’étendra ensuite sur
plusieurs années.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Fractures dentaires ; Luxations dentaires ; Traumatismes osseux ; Lésions des parties molles ;
Vitalité pulpaire ; Surveillance ; Certificat médical

Généralités Enfin, il est habituel d’avoir à faire le diagnostic rétrospectif de


traumatisme dentaire devant un tableau de cellulite circonscrite que
n’explique aucune lésion carieuse ou parodontale : bien souvent le
CONTEXTE CLINIQUE traumatisme dentaire est méconnu, notamment chez l’enfant qui ne
Les traumatismes dentaires et alvéolaires sont des motifs fréquents le signale pas…, ou considéré comme bénin et négligé par le blessé
de consultation en urgence. [1] Sollicitant souvent les médecins des ou l’entourage.
services d’accueil, ils sont idéalement gérés lorsque le recours à un
spécialiste de la cavité buccale est possible, celui-ci possédant les PHYSIOPATHOLOGIE
compétences requises et le matériel adéquat.
Les enfants représentent une population à risque pour les
L’examen systématique d’un blessé devrait toujours comporter au traumatismes dentaires et alvéolaires, [24] mais les maturations
moins une inspection de la cavité buccale et notamment des organes osseuse et dentaire évoluent tout au long de la croissance et, selon le
dentaires. Il n’en est pas toujours ainsi, surtout en cas de lésion vitale stade de leur évolution, ces deux structures offrent des résistances
prédominante où la priorité est donnée au traumatisme crânien ou différentes aux agents vulnérants.
thoracoabdominal. Le diagnostic est alors porté tardivement,
compromettant grandement les chances de succès du traitement. ¶ En denture temporaire
La situation est légèrement différente lorsque le polytraumatisme
englobe des lésions de la région maxillofaciale, car l’intervention Entre 6 mois et 3 ans, il existe une forte croissance des maxillaires, et
précoce du spécialiste fait rapidement bénéficier le patient d’un le remodelage osseux important aboutit à la formation d’un os
examen complet de la cavité buccale. [33] alvéolaire peu dense et peu minéralisé, donc malléable, favorisant
les luxations des organes dentaires plutôt que les fractures. Par
De même, le diagnostic de fractures alvéolodentaires est parfois posé ailleurs, le retard de croissance de la mandibule par rapport au
fortuitement à la lecture de clichés radiographiques de la face ou du maxillaire génère une proalvéolie supérieure relative qui expose
crâne demandés de manière systématique chez un traumatisé préférentiellement les incisives supérieures. C’est également durant
inconscient. cette période, vers l’âge de 3 ans, que les rapports entre apex de la
Les patients présentant un traumatisme dentaire isolé représentent dent lactéale et germe de la dent définitive sont les plus étroits,
un groupe à part, dans la mesure où ils font eux-mêmes le diagnostic menaçant de blessure ce dernier, ou provoquant simplement
de leurs lésions et consultent spontanément. Les chances maximales l’ouverture de son sac, en cas d’ingression de la dent temporaire. [36]
de succès sont pourtant inégales et varient en fonction du délai avec Entre 3 et 6 ans, l’enfant acquiert la vitesse de déplacement, et les
lequel ils rencontrent le praticien qui débutera le traitement ou bien risques ne font que s’accroître lorsque il est scolarisé. Les chocs
selon les conditions de conservation de l’organe traumatisé. peuvent être directement transmis à la dent, mais il est fréquent de
voir des traumatismes occasionnés par une chute alors que l’enfant
portait un objet dans la bouche, entraînant dans le même temps des
atteintes muqueuses et osseuses, notamment au niveau du palais. À
A. Tardif (Chef de clinique-assistant)
Adresse e-mail: ChirurgieMaxillo-Faciale@chu-rouen.fr cet âge, l’os alvéolaire reste malléable et les attaches parodontales
J. Misino (Ancien chef de clinique-assistant) lâches, la racine est raccourcie par la rhizalyse physiologique : tous
J.-M. Péron (Professeur de chirurgie maxillofaciale et stomatologie)
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, CHU de Rouen, hôpital Charles Nicolle, 1, rue de
ces facteurs privilégient toujours les luxations dentaires par rapport
Germont, 76031 Rouen cedex, France. aux fractures. Les ingressions dentaires restent fréquentes, tout
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

comme les versions palatines ou vestibulaires. Avec la résorption Jeux de ballons, sports de combat, équitation et cyclisme sont les
progressive de la racine, on voit diminuer le risque de complications activités les plus citées. Récemment, VTT, patins en ligne, skate-
pour l’os alvéolaire et le germe de la dent définitive. board et trottinette ont corrigé à la hausse des chiffres que la
diminution des accidents de circulation avait contribué à faire
¶ En denture mixte baisser.
Pendant cette période qui s’étale en moyenne entre 6 et 12 ans, les Il existe une écrasante prédominance masculine, même si le sex-
incisives centrales supérieures sont les premières à apparaître et ratio est variable selon les circonstances de survenue, variant de
restent les plus touchées par les traumatismes. Mais durant les 1/1 pour les accidents domestiques chez l’enfant à 1/10 pour les
premières années, l’édification radiculaire en cours confère quelques accidents du travail (1/2 pour les traumatismes sportifs et 1/8 pour
spécificités : la racine courte permet les luxations, même si l’os les agressions).
alvéolaire devient plus compact et plus résistant aux déplacements
latéraux et axiaux ; le canal radiculaire est large et protège le paquet
vasculonerveux des forces de cisaillement et de la strangulation par PRÉVENTION
l’œdème post-traumatique ce qui évite le plus souvent la Elle est applicable à plusieurs niveaux et nécessiterait un effort
mortification pulpaire. Les lésions fracturaires des organes dentaires collectif.
apparaissent avec l’allongement des racines et la densification
osseuse. ¶ Concernant le patient
¶ En denture permanente Elle se limite à la pratique des sports. Beaucoup d’entre eux ne
À partir de l’adolescence, la denture définitive est édifiée et les requièrent pas de protection dentaire, même en compétition : c’est le
conséquences d’un traumatisme alvéolodentaire sont plus lourdes. cas du cyclisme, du patinage ou de l’équitation où le casque ne
Ce sont les activités sportives qui semblent générer le plus protège que le crâne et pas la face. Dans les sports de ballon ou de
d’accidents chez les sujets jeunes. combat, le port de protège-dents est préconisé voire obligatoire, et
les différentes études mettent en évidence la nette supériorité des
À tout âge, rixes et agressions sont des causes fréquentes de
protections personnalisées réalisées par des odontologistes sur les
fractures et luxations dentaires.
protections thermoformées du commerce. [31] Il importe de réaliser
L’adulte partage également tous ces facteurs de risque, auxquels il un fenêtrage qui permet une respiration buccale tout en gardant les
faut ajouter le vieillissement physiologique de la denture, des tissus mâchoires serrées : cette zone de faiblesse est palliée par l’inclusion
de soutien et parfois le mauvais état buccodentaire. Il existe alors d’une armature rigide ; de même, pour la plongée, il faudrait
quelques causes iatrogènes telles que l’intubation endotrachéale adapter l’embout respiratoire à la cavité buccale du plongeur.
anesthésique (où la luxation des incisives centrales supérieures est
possible surtout en cas de parodontolyse associée), ainsi que les Enfin, le traitement des dysmorphies faciales peut être considéré
avulsions dentaires si les instruments sont utilisés de manière comme un moyen indirect de prévention des traumatismes dentaires
inappropriée. et alvéolaires.
Il est classique de dire que la proalvéolie supérieure favorise la
¶ Concernant l’entourage
survenue de tels accidents, les incisives étant alors particulièrement
exposées aux agents vulnérants du fait de leur vestibuloversion. Les Il s’agit plutôt d’une prévention des complications, c’est-à-dire d’une
traitements orthodontiques plus largement développés tendent à prévention secondaire alors que le traumatisme est survenu.
réduire actuellement ce risque. En revanche, le port d’appareillage Le but est donc de former les catégories de population susceptibles
modifie l’histoire naturelle des traumatismes dentaires, tantôt en d’être confrontées aux traumatismes dentaires. En premier lieu, les
assurant une contention solide qui limite dans une certaine mesure professeurs des écoles : certains d’entre eux connaissent la conduite
les dégâts, tantôt, au contraire, en mobilisant en bloc un groupe à tenir en urgence, la majorité des autres est demandeuse de
dentaire à distance du point d’impact. formation. [4] Il en est de même des moniteurs sportifs qui reçoivent
Après 12 ans, les lésions des tissus de soutien et des organes les informations nécessaires au cours de leur tronc commun. [18]
dentaires s’équilibrent donc et sont déterminées par les Enseigner aux parents serait l’idéal mais paraît illusoire devant le
caractéristiques des agents vulnérants : Les projectiles de faible trop grand nombre. Enfin, le personnel des professions para-
masse percutant des dents nues à vitesse rapide aboutiront aux médicales et tous les médecins devraient connaître les principes de
fractures coronaires radiculaires ou mixtes. Le processus carieux traitement d’urgence.
majore ce risque. Les agents contondants, lourds et à déplacement
lent, surtout s’ils percutent des dents protégées par des tissus mous
tels que les lèvres, engendreront des luxations.
Avec l’âge, le vieillissement des tissus parodontaux favorise le retour
Examen du sujet
des luxations quelle que soit la nature du traumatisme.
Comme pour toute pathologie ou traumatisme, il se doit d’être
méthodique et systématisé. Après avoir installé confortablement et
ÉPIDÉMIOLOGIE
rassuré la victime, cet examen débute par un interrogatoire qui est
Il est évident qu’il existe une sous-estimation de l’incidence et de la un temps capital dans la démarche diagnostique. Inspection et
prévalence des traumatismes dentaires parce que, d’une part les palpation sont suivies de clichés radiographiques, souvent multiples.
patients ne viennent pas tous consulter, et d’autre part, les lésions C’est à ce terme qu’a lieu la rédaction du certificat médical initial.
ne sont pas toutes diagnostiquées.
Ce sont néanmoins des affections fréquentes : pour Gineste, [20] un
individu sur dix a été victime d’un traumatisme dentaire ou ANAMNÈSE
alvéolodentaire à l’âge de l’adolescence, et pour Delattre, [10] cela La première partie de l’interrogatoire concerne l’accident à
concerne 13,6 % des enfants de 6 à 15 ans. La fréquence de ces proprement parler : le praticien s’enquiert alors des date, heure et
traumatismes diminue d’ailleurs avec le vieillissement des sujets : lieu de survenue, perte de connaissance initiale. Il se renseigne
50 % avant 10 ans pour 30 % entre 10 et 30 ans. [17] également sur l’agent vulnérant, car ses différentes caractéristiques
Pour Gassne, [17] les traumatismes dentaires accompagnent 48,25 % (consistance, direction, point d’impact, cinétique…) peuvent orienter
des traumatismes craniofaciaux et se répartissent essentiellement en vers tel ou tel type de lésions. Les conditions de survenue, accident
accidents de circulation (10 à 54 % selon les séries), agressions (13 à de la vie privée ou causé par un tiers, de loisir ou de sport de
48 %) et sports (6 à 33 %), les accidents domestiques et du travail compétition, du travail, agression, ont un rôle déterminant sur les
représentant une part négligeable. conséquences juridiques et l’indemnisation du préjudice.

2
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05

Les questions sont ensuite orientées vers le sujet et ses antécédents mouvements de la couronne (signe de fracture coronoradiculaire)
médicochirurgicaux : interventions chirurgicales antérieures, des mouvements de la dent dans son ensemble (qui traduisent une
pathologies connues, troubles de l’hémostase, allergies luxation incomplète).
médicamenteuses, traitements en cours, statut vaccinal notamment
Enfin, l’examen se termine par les tests de vitalité pulpaire des dents
contre le tétanos. La notion de traitements buccodentaires en cours
suspectées traumatisées et des dents attenantes. Parmi les différentes
ou passés est importante à recueillir pour déterminer un « état
antérieur » à l’actuel traumatisme. possibilités (électricité, température…), c’est le test au froid qui
semble être le plus utilisé. Les réponses sont inscrites sur un schéma
Enfin, le recueil des signes fonctionnels est une bonne étape de
qui doit absolument être daté ; en fait, ce n’est pas la réponse
transition entre interrogatoire et examen clinique : existence de
actuelle qui importe le plus mais son évolution avec le temps :
douleurs et conditions d’apparition (chaud, froid, alimentation,
position), paresthésies ou anesthésie dans un territoire précis, certaines dents initialement insensibles peuvent retrouver une
plaintes associées concernant d’autres organes. vitalité normale (phénomène de sidération nerveuse), le contraire
est également possible, et comme la mortification pulpaire entraîne
Impossible chez le polytraumatisé ou le sujet souffrant de troubles
un cortège de complications, il faut savoir la dépister précocement.
neurologiques, cette étape du diagnostic est également délicate chez
l’enfant, surtout si celui-ci n’est pas accompagné de proches parents
munis du carnet de santé. Effectivement, le traumatisme récent a EXAMEN RADIOGRAPHIQUE
tendance à rendre les enfants mutiques ou au contraire très agités,
donc peu coopérants pour l’interrogatoire comme pour l’examen C’est lui qui permet le plus souvent d’affirmer le diagnostic, mais il
physique. Chez eux, il est indispensable de commencer par rassurer n’est pas toujours réalisable de manière aussi complète que le
la mère, ce qui a pour effet de calmer l’enfant. praticien le voudrait. Le très jeune enfant, agité car anxieux, ne se
soumet pas toujours à ces examens qui nécessitent une immobilité
parfaite. Le polytraumatisé ne peut pas bénéficier de l’apport du
EXAMEN CLINIQUE cliché panoramique dentaire réalisé en orthostatisme ou
Celui-ci est idéalement réalisé par un spécialiste de la cavité buccale éventuellement chez un patient assis.
parce qu’il requiert un matériel adéquat : le fauteuil inclinable et le Néanmoins, dans la majorité des cas, l’accès à une séquence
scialytique permettent une excellente inspection de l’ensemble de la
d’examens est possible et nous décrirons ici les clichés idéaux et
bouche, plus difficile pour l’arcade dentaire supérieure. Ce matériel
leurs alternatives.
est rarement disponible dans les services d’accueil et d’urgences, où
l’alternative consiste à examiner un patient en décubitus à la lumière Le cliché « panoramique des maxillaires » possède l’avantage de
d’un miroir frontal. montrer sur un seul film radiologique l’ensemble des deux arcades
Il convient d’avoir à portée de main, outre des gants d’examen, une dentaires, leurs bases osseuses alvéolaires et basilaires, les branches
aspiration douce, car les gingivo- ou stomatorragies sont fréquentes. montantes mandibulaires et les articulations temporomandibulaires.
Le praticien utilise un miroir dentaire, une sonde, une pince Il représente un excellent cliché de débrouillage en permettant de
« précelle », du coton et une bombe réfrigérante pour tester la vitalité recenser les dents manquantes ou de dépister les fractures
pulpaire, des compresses. Du matériel pour réaliser une anesthésie mandibulaires associées. La qualité des images est meilleure à la
locale est nécessaire, même s’il n’est utilisé le plus souvent qu’au mandibule qu’au maxillaire en raison d’artefacts provoqués par les
moment du traitement des lésions. cavités aériennes sus-jacentes.
Sur un patient préalablement rassuré et calmé, surtout s’il s’agit d’un Les clichés rétroalvéolaires qui viennent au besoin compléter l’examen
enfant, et chez lequel la douleur a été atténuée par une prise précédent apportent des renseignements plus précis. En cas de
médicamenteuse, on débute par une inspection globale de la cavité doute, il est important de multiplier ces clichés sous diverses
buccale et de ses annexes (versant cutané puis muqueux des lèvres). incidences afin de mettre en évidence un trait de fracture suspecté
Toutes les lésions doivent être soigneusement analysées puis par le seul examen clinique. Ils permettent de visualiser plus
consignées sur le certificat médical initial, comme celles des tissus
précisément la structure de l’organe dentaire, l’état de la chambre
mous (lèvres, gencives, langue) qui sont trop souvent oubliées.
pulpaire et le degré d’édification radiculaire, ainsi que l’os alvéolaire
L’inspection globale des organes dentaires apprécie l’ampleur des et l’espace ligamentaire. De ces clichés, on peut rapprocher les clichés
dégâts et notamment l’absence de couronnes, pour laquelle il faudra endobuccaux occlusaux ou « mordus » qui sont également utiles pour
définir s’il s’agit de luxation totale ou de fracture radiculaire avec le dépistage notamment de fractures incomplètes des structures
racine restante. L’observation des dents en place analyse leur
osseuses, qui n’apparaissent pas toujours sur la radiographie
coloration (normale, grisâtre pour une mortification ancienne, rosée
panoramique.
pour une fracture récente), leur position ou variation d’axe
traduisant un déplacement dont le caractère ancien ou récent peut En cas d’impossibilité de réaliser ces radiographies, il convient de
être reconnu par l’étude des facettes d’usure. L’examen des demander des images en « maxillaires défilés » (incidences obliques
couronnes recherche une fêlure ou fracture et toute amputation, qui dégagent en deux clichés les hémimandibules droite et gauche),
même minime, est notée. une « face basse » qui visualise tout l’arc mandibulaire ou une
La palpation est un temps de l’examen plus délicat à réaliser, car le incidence de Blondeau pour mettre en évidence la région centrale
patient craint que le praticien ne réveille une douleur qui s’était de l’arcade maxillaire.
spontanément atténuée. Comme pour l’inspection, il est important
de ne pas oublier les structures annexes : on recherche un éventuel
corps étranger, dentaire ou non, au sein des plaies des lèvres, dont Classification
on apprécie également la sensibilité au toucher. Les bases osseuses
sont examinées à la recherche d’une fracture associée, par exemple
en palpant le bord basilaire mandibulaire ou la cinétique des La classification la plus utilisée, celle de l’Organisation mondiale de
condyles dans les deux régions prétragiennes. la santé (OMS) (Tableau 1), a le mérite de la simplicité. Elle décrit
La mobilité des dents est testée manuellement ou à l’aide de la avec précision les lésions des tissus de soutien : procès alvéolaires et
précelle, et l’amplitude des mouvements possibles dans les divers gencive. En revanche, elle ne mentionne pas la topographie des
plans de l’espace est cotée. Chaque dent est examinée fractures radiculaires qui, selon la hauteur, ont des implications
indépendamment et le déplacement d’un groupe dentaire en thérapeutiques différentes. Elle ne fait pas état non plus de la
monobloc fait suspecter une fracture de l’os alvéolaire. En revanche, possibilité de fêlure de l’émail, atteinte qui passe trop souvent
en cas de mobilité d’une seule dent, il faut différencier les inaperçue.

3
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

Tableau 1. – Classification de l’Organisation mondiale de la santé Tableau 3. – Gestes initiaux à réaliser en fonction des situations
(OMS) et ses références. rencontrées.
Fractures Simple surveillance de la vitalité pulpaire Contusion isolée
Coronaires -Éclats de l’émail : N 873.60 Fêlure de l’émail
-Simples : N 873.61 Ingression d’une dent lactéale
-Expositions pulpaires : N 873.62 Subluxation réduite et stable
Coronoradiculaires -Simples : N 873.64 Restauration coronaire d’emblée Éclat de l’émail
-Expositions pulpaires : N 873.64 Fracture sans exposition pulpaire
Radiculaires N 873.64 Traitement endodontique immédiat Exposition pulpaire douloureuse
Luxations Avulsion avec long délai extraoral ( cf.
Contusions N 873.66 tableau 4)
Subluxations -Intrusions/extrusions : N 873.67 Dépulpation à distance Constatation d’une mortification secon-
-Luxations latérales : N 873.66 daire
Avulsions Avulsions Avulsion en urgence Luxation dans un contexte de parodon-
Fractures des procès alvéolaires Mandibulaires : N 802.20 tose dépassée
Maxillaires : N 802.40 Dents porteuses de lésions irréversibles
Dilacérations gingivales N 873.69 Luxation instable d’une dent lactéale chez
le tout jeune enfant

C’est pourquoi, nous lui préférons une classification descriptive plus


complète (Tableau 2) qui distingue les atteintes ligamentaires, phénomènes inflammatoires qui en découlent sont responsables
dentaires, osseuses et des tissus mous périphériques : c’est cette d’un œdème d’autant plus néfaste qu’il se produit en vase clos dans
classification qui sert de trame à notre étude anatomoclinique. Enfin, l’espace inextensible de l’alvéole, entraînant des phénomènes
il faut rappeler que le traumatisme dentaire ou dentoalvéolaire ne d’ischémie du desmodonte et, par répercussion, de la pulpe
prend de valeur que replacé dans son contexte : état parodontal dentaire.
correct ou défectueux, denture définitive, lactéale ou mixte, Si ces phénomènes sont réversibles, on assiste dans un premier
traumatisme isolé ou associé à d’autres lésions, surtout si elles temps à une diminution ou une disparition de la vitalité pulpaire,
engagent le pronostic vital du patient. Il nous a donc paru nécessaire qui se normalise progressivement dans les jours ou les semaines qui
de parfois regrouper des lésions anatomiquement différentes mais suivent : on parle alors de sidération pulpaire.
débouchant sur une même conduite à tenir : simple surveillance de
la vitalité, restauration anatomique a minima, geste endodontique Plus grave est la compression prolongée du paquet vasculonerveux
nécessaire, avulsion obligatoire, et ainsi de proposer une aboutissant à la mortification pulpaire, responsable à distance
classification originale selon l’attitude thérapeutique adoptée d’accidents infectieux.
initialement : celle-ci est donnée (Tableau 3) dans le chapitre réservé Cliniquement, cet accident de compression des fibres ligamentaires
au traitement. se traduit par des douleurs d’intensité modérée spontanément, mais
qui s’intensifient lors des mouvements et manœuvres axiales
(occlusion ou percussion) pour rappeler les signes cliniques de la
Anatomie descriptive desmodontite, classique « dent trop longue ». Il n’existe pas de
mobilité dentaire et les tests de vitalité pulpaire ne sont pas fiables
initialement. Le cliché rétroalvéolaire peut montrer un élargissement
LÉSIONS DES TISSUS DE SOUTIEN de l’espace desmodontal.
En cas de traumatisme isolé, il convient de surveiller pendant
¶ Contusions 6 semaines au minimum la vitalité pulpaire ; l’évolution confirmant
Souvent décrites avec les luxations, les contusions en représentent la non-réponse aux tests à distance de l’épisode, il importe de
en fait le premier stade, à ce détail près que leur diagnostic n’est pas réaliser une trépanation de la dent avec pulpectomie et obturation
évident à la simple inspection, du fait de l’absence de déplacement canalaire pour éviter la survenue d’épisodes infectieux.
de la dent dans son alvéole. Elles correspondent à un traumatisme, Chez l’enfant, la contusion dentaire ne présente que peu de
le plus souvent par compression ou écrasement, des fibres spécificité : elle reste rare pour des dents à racines non édifiées,
ligamentaires qui unissent la dent à son os alvéolaire. Les laissant la place, dans ce cas, à la luxation ou subluxation. De plus,

Tableau 2. – Classification plus complète utilisée pour la description anatomique des lésions.
Atteintes des tissus de soutien Contusions
Subluxations Intrusions
Extrusions
Déplacements latéraux
Avulsions
Atteintes de l’organe dentaire Fêlures
Éclats de l’émail
Fractures sans exposition pulpaire Transversales ou obliques de la couronne
Longitudinales coronoradiculaires
Fractures avec exposition pulpaire Transversales ou obliques de la couronne
Coronoradiculaires
Radiculaires du tiers cervical
Radiculaires du tiers moyen
Radiculaires du tiers apical
Lésions osseuses Alvéolaires périradiculaires
Alvéolaires sus-apexiennes
Fractures d’os basilaire
Fractures de l’épine nasale antérieure
Lésions des tissus mous Dilacérations gingivales
Plaies de la langue
Plaies des lèvres
Lésions des muqueuses jugales

4
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05

Figure 1 Rapports entre les germes des dents


définitives et les apex des dents temporaires chez
l’enfant. A1, A2 : de 1 à 3 ans ; B1, B2 : à partir de
la 4e année. [3]

A2 B2

A1 B1

revanche, elle s’accompagne toujours de dégâts alvéolaires par


Figure 2 Dysplasie dentaire survenue
« éclatement », perceptibles à la palpation vestibulaire sous forme
sur des incisives centrales supérieures à
l’état de germes et blessées par l’ingression d’une voussure osseuse irrégulière, et confirmés par le cliché
des apex des dents temporaires. rétroalvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont souvent perturbés
et leur surveillance doit être prolongée jusqu’au repositionnement
de la dent sur l’arcade (au minimum 6 semaines).

¶ Égressions dentaires
Cette forme de traumatisme correspond bien à la notion de luxation
puisqu’il existe effectivement une perte des rapports normaux
alvéolodentaires, ainsi qu’une lésion plus ou moins sévère du
ligament qui les unit (les luxations totales sont traitées à part).
Parmi les cas d’égression partielle, il faut différencier les simples
dans un canal radiculaire large, l’œdème est responsable d’une
étirements du ligament des déchirures dont le pronostic est
ischémie moins sévère de la pulpe et entraîne probablement moins
probablement plus sévère. Dans les cas les plus limités, a priori plus
souvent une mortification.
favorables, l’hématome qui remplit l’espace alvéolodentaire fait
place à un tissu de granulation réparateur « favorable » à une
¶ Ingressions dentaires cicatrisation ligamentaire ; le faible déplacement de la dent
Cette forme de luxation axiale semble être l’apanage des incisives n’engendre qu’un étirement du pédicule vasculonerveux, avec de
supérieures lactéales chez des enfants âgés de 1 à 3 ans car l’os moindres conséquences à long terme sur la vitalité pulpaire.
alvéolaire fragile et la présence du germe définitif favorisent la L’inspection retrouve une dent sortie de son alvéole, mobile, associée
pénétration de la dent dans le maxillaire. à une hémorragie au collet gingival. Le cliché radiographique
Si la pénétration est complète, l’absence de dent sur l’arcade peut montre un élargissement, parfois asymétrique, de l’espace
faire croire à une luxation totale, et c’est le cliché radiographique alvéolodentaire ; il doit éliminer une fracture radiculaire et/ou de
qui fait le diagnostic de l’ingression. Il tente alors de préciser les l’os alvéolaire.
rapports entre la dent ingressée et le germe de la dent définitive Les tests de vitalité pulpaire sont fréquemment perturbés, mais bien
dont l’embrochage peut avoir de fâcheuses conséquences sur son souvent il ne s’agit que d’une simple sidération nerveuse, et tout
évolution. revient dans l’ordre dans un délai de quelques jours à quelques
En fait, la situation est plus complexe puisque, selon l’âge de semaines. Parfois, lorsque le déplacement a été plus important, la
survenue du traumatisme, les rapports entre dent temporaire et subluxation aboutit à la mortification pulpaire et un traitement
germe varient (Fig. 1) et les lésions attendues sont différentes. C’est endodontique devient nécessaire.
entre 1 et 3 ans que les rapports entre ces deux organes sont les plus La difficulté de cette catégorie de traumatismes réside en la présence
étroits (le sac qui contient le germe est à l’aplomb de l’apex dentaire) du caillot ligamentaire qui fait obstacle à la réimpaction dentaire
et les lésions les plus préoccupantes : il n’est pas rare que le tentée par le praticien avant fixation de la dent.
télescopage des deux structures entraîne une modification de l’axe
radiculaire de la dent définitive qui aboutit à l’éruption d’une dent ¶ Déplacements latéraux
mal positionnée, ou bien une blessure du germe qui se traduit par Beaucoup plus fréquents dans le sens antéropostérieur que dans le
l’éruption d’une dent hypoplasique (Fig. 2). sens mésiodistal, ils représentent la variété la plus fréquente de
Avant 1 an, l’apex de la racine de la dent lactéale est plus luxations incomplètes. Les subluxations de dents lactéales sont
vestibulaire que le germe et les lésions de celui-ci sont rares. À partir fréquentes car favorisées par la rhizalyse et l’approche de la chute
de 4 ans, la rhizalyse est suffisamment avancée pour que les lésions physiologique. Chez l’adulte, c’est la parodontolyse avec résorption
induites par la pénétration de la dent temporaire soient plus de l’os alvéolaire qui est pourvoyeuse de déplacements dentaires.
importantes sur celle-ci que sur le germe de la dent définitive. À l’examen, c’est la malposition de la dent qui fait porter le
Quoi qu’il en soit, la surveillance est de mise et la migration de la diagnostic ainsi que la mobilité de la couronne. La version peut être
dent impactée permet le plus souvent son retour sur l’arcade en palatine ou vestibulaire. Il existe également une hémorragie au collet
quelques semaines à quelques mois. Il convient d’émettre les plus gingival. Les manœuvres de mobilisation sont inutiles et
grandes réserves quant à l’avenir de la dent permanente, dont douloureuses, et c’est le cliché rétroalvéolaire ou le cliché occlusal
l’éruption est guettée en analysant sa position, sa forme et sa antérieur qui confirme le diagnostic, en montrant l’intégrité de la
coloration, ainsi que sa vitalité : ceci doit être parfaitement compris racine et un élargissement asymétrique de l’espace desmodontal.
par les parents. L’état de l’os alvéolaire est tout aussi important à préciser.
L’impaction des dents définitives est plus rare et volontiers Une fois encore les tests de vitalité pulpaire ne sont que peu
incomplète, ce qui rend le diagnostic clinique plus facile. En contributifs le jour du traumatisme, car leur négativité peut

5
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

correspondre à un phénomène de sidération nerveuse et l’évolution


peut se faire spontanément vers leur normalisation. À l’opposé, leur Figure 3 Rhizalyse débutante à 1 an
de la réimplantation de la 11 avulsée.
positivité initiale n’est que faussement rassurante et ne doit pas
dispenser du suivi habituel en raison de la possibilité de
mortification secondaire de la pulpe.

¶ Luxations totales
Elles correspondent au stade ultime des luxations, et le diagnostic
est d’autant plus facile que le patient ou sa famille se présente avec
la dent expulsée de son alvéole. Dans le cas inverse, le diagnostic
différentiel d’ingression dentaire reste à poser, et c’est à nouveau le
cliché radiographique qui confirme l’hypothèse d’avulsion en
montrant un alvéole déshabité. [34]
Lorsque la dent n’a pas été retrouvée, il importe de s’assurer qu’elle
n’a pas été inhalée par le patient : l’interrogatoire recherche les
signes (toux suffocante, dyspnée avec tirage, cyanose, agitation…)
faisant craindre un « syndrome de pénétration » des voies aériennes
et, en cas de doute, une radiographie thoracique de face doit être
prescrite, à la recherche de cet éventuel corps étranger qui
favoriserait les pneumopathies. La déglutition de la dent ne
comporte aucun risque majeur, et le cliché abdominal ne présente
pas d’autre intérêt que de faire cesser les recherches si la dent est
visualisée en projection de l’aire gastrique. Figure 4 Même dent que Figure 3 à
2 ans du traumatisme : disparition quasi
La réimplantation d’une dent lactéale n’est généralement pas tentée totale de la racine.
car le geste est lourd et le risque infectieux secondaire grand pour le
peu de bénéfice attendu.
La question se pose, bien sûr, lorsqu’il s’agit d’une dent permanente,
mais selon les nombreuses études réalisées le pronostic est différent
selon le contexte : les chances de réussite (obtention à 2 mois d’une
dent stable et vivante) sont maximales en cas de réimplantation
rapide (inférieure à 1 heure pour certains) d’une dent dont l’apex
n’est pas complètement édifié, chez un individu au bon état
buccodentaire et présentant des dents avoisinantes saines ce qui
permet un ancrage efficace pour la contention.
L’intégrité de l’os alvéolaire est également un facteur de réussite,
tout comme la nature du milieu de conservation pendant le délai
extraoral.
Il existe des contre-indications relatives à la remise en place de la
dent (comme la parodontolyse) ou absolues telles que les
cardiopathies valvulaires, en raison du risque de mortification
pulpaire et de formation d’une lésion infectieuse apicale.
Lorsque cette réimplantation est tentée, il importe de ne pas léser Figure 5 Traumatisme
a priori bénin de la 21 avec
les structures ligamentaires, en évitant un curetage trop appuyé dans éclat de l’émail du bord oc-
l’alvéole et un brossage de la racine dentaire. clusal.
Dans les cas les plus favorables, il existe une cicatrisation
ligamentaire qui passe par l’édification d’un tissu de granulation
alvéolaire et la réinnervation est parfois constatée pour des dents à
apex ouvert : dans ce cas, la vitalité pulpaire réapparaît à distance
du geste.
Une autre forme de consolidation est représentée par l’ankylose : le
ligament détruit cède la place à un tissu inflammatoire ostéoïde
néfaste, et l’espace alvéolodentaire est alors comblé par un os
spongieux qui favorise l’interpénétration de la dentine et des
ostéoblastes. La stabilité de la dent ainsi « ankylosée » n’est que
provisoire ; elle risque d’être fortement compromise par une
rhizalyse secondaire plus ou moins rapide (Fig. 3, 4 ). dentaire dont le passage sur la face vestibulaire « accroche »,
éventuellement en reproduisant une douleur si celle-ci n’était pas
spontanée. Une fois de plus, c’est le test de vitalité pulpaire qui
FRACTURES DENTAIRES détermine la gravité de l’atteinte : le plus souvent, la dent est vivante
et le traitement peut consister en un simple polissage. Si les tests de
¶ Fêlures vitalité sont négatifs initialement, il faut rassurer le patient ou sa
Elles peuvent être considérées comme le premier stade des fractures famille, car il ne s’agit le plus souvent que d’une simple sidération
coronaires. Le diagnostic en est d’autant plus difficile que l’aspect de la pulpe, et la normalisation se fait spontanément en quelques
macroscopique de la couronne semble normal. La radiographie ne jours à quelques semaines.
montre aucune image suspecte et c’est l’examen clinique en lumière Quand l’atteinte est plus profonde, la lésion peut se prolonger à
tangentielle, ou mieux par transillumination (Fig. 5, 6 ), qui permet travers la dentine jusqu’à la pulpe et on se rapproche alors des
de mettre en évidence cette atteinte isolée de l’émail. fractures de la couronne, même s’il n’existe pas de mobilité de celle-
Comme à l’habitude, ce sont les incisives supérieures qui sont les ci. Le patient présente alors des douleurs spontanées à type de
plus fréquemment touchées. L’examinateur utilise alors une sonde pulpite et la fissure peut être visible à l’œil nu. Dans ce cas, la

6
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05

Figure 6 Même dent Figure 7 Fractures co-


que Figure 5 vue par tran- ronaires avec exposition
sillumination qui permet de pulpaire de 11 et 21.
dépister des fêlures profon-
des associées.

préférable d’éviter les tests de vitalité pulpaire qui déclenchent des


douleurs intenses, et l’examen s’oriente d’emblée vers la réalisation
mortification pulpaire est plus fréquente et il est important de du cliché rétroalvéolaire qui apprécie l’épaisseur de tissu dur restant
surveiller l’évolution de la vitalité de la dent pendant plusieurs et recherche une éventuelle fracture radiculaire associée. Dans ce cas,
semaines avant de prendre une décision thérapeutique. la communication avec l’espace desmodontal transforme cette lésion
en fracture ouverte, de mauvais pronostic car générant des risques
¶ Éclats de l’émail infectieux notables, mais aussi parce que l’interposition de tissus
épithéliaux dans le foyer de fracture constitue un obstacle à la
Ce sont de véritables fractures de la couronne et, à la différence des
formation du cal. La suppression du petit fragment peut être
fêlures, l’observation à l’œil nu met en évidence une amputation
recommandée, mais crée des difficultés quant à la restauration
partielle de celle-ci, ne touchant que l’émail et respectant la dentine
prothétique.
(Fig. 5). Ces variétés de traumatismes se rencontrent fréquemment
au niveau des incisives et se limitent le plus souvent à un angle du Plusieurs situations semblent favoriser ces fractures
bord libre de la dent. Il est possible également de rencontrer des amélodentinaires : la mortification secondaire à un traumatisme
éclats de l’émail dans les régions prémolaires et molaires, antérieur et la dévitalisation d’une dent cariée avec mise en place
supérieures comme inférieures, lors d’un choc de l’arcade d’un amalgame rendent plus fragiles les tissus durs de la dent
mandibulaire contre l’arcade maxillaire (choc sur le menton bouche (notamment si « émail non soutenu »). Il en est de même de certaines
ouverte par exemple), ou au cours de l’alimentation lorsque le sujet maladies de système [ 3 0 ] telles que l’hyperparathyroïdie,
cherche à broyer un élément dur. l’hypothyroïdie ou le diabète, et on en rapproche les variations
Le risque de mortification pulpaire étant quasiment nul compte tenu hormonales au cours de la grossesse. Enfin, les malpositions
de la nature du traumatisme, le traitement consiste en la simple dentaires sont également des facteurs décrits.
restauration prothétique de la couronne, voire un polissage du bord
libre. ¶ Fractures avec exposition pulpaire
Quelle que soit la localisation du trait de fracture, coronaire,
¶ Fractures amélodentinaires sans exposition pulpaire radiculaire ou mixte, il existe dans cette catégorie de traumatismes
Elles représentent une variété fréquente de traumatismes et posent une ouverture de la chambre pulpaire qui fait communiquer celle-ci
des problèmes différents selon le terrain. La conduite thérapeutique avec le milieu septique de la cavité buccale. L’irritation des éléments
n’est pas la même en présence d’une lésion de dent lactéale ou nerveux entraîne des douleurs intenses à type de pulpite, au
définitive et, chez l’adulte, les signes cliniques et les implications moindre contact, ou si le fragment proximal coronaire ou
sont différents s’il s’agit d’une dent vivante ou, à l’opposé, mortifiée coronoradiculaire est mobile. Selon la hauteur du trait, les
suite à un accident ancien. possibilités thérapeutiques sont différentes, mais le praticien a
toujours à l’esprit l’éventuelle conservation intégrale ou partielle de
Enfin, l’irradiation du trait de fracture vers la racine, synonyme de
la pulpe, afin de tenter de préserver la vitalité de l’organe dentaire.
fracture ouverte, est de plus mauvais pronostic que l’atteinte
Quand ce geste est possible initialement, une surveillance à long
coronaire isolée.
terme est de rigueur.
Quoi qu’il en soit, devant toute fracture de la couronne, la première
préoccupation du praticien est d’éliminer une exposition pulpaire, On distingue alors : les fractures coronaires exclusives, les fractures
et c’est ce cas que nous traitons ici. coronoradiculaires et les fractures radiculaires pures.
Les fractures amélodentinaires coronaires des dents lactéales sont
¶ Fractures coronaires exclusives
rares et surtout rencontrées entre 2 et 4 ans car, après cet âge, la
rhizalyse et la structure fragile de l’os alvéolaire favorisent de loin la Elles sont fréquentes dans le secteur antérieur, le trait est oblique ou
survenue des luxations aux dépens des fractures. Néanmoins, bien horizontal et alors situé le plus souvent au collet de la dent. Le
lorsqu’ils surviennent, ces traumatismes n’entraînent que peu de diagnostic est évident dès le début de l’examen, que le fragment
conséquences à moyen et long termes, notamment sur l’éruption de proximal soit resté en place ou non. Dans les lésions récentes avec
la dent définitive. L’essentiel est de surveiller la vitalité pulpaire et, amputation du petit fragment, l’examinateur aperçoit la pulpe
ici encore, la survenue éventuelle d’une mortification peut engendrer centrale et de coloration rosée, parfois hémorragique (Fig. 7). Les
des accidents infectieux avant la chute de la dent traumatisée. tests de vitalité sont bien sûr contre-indiqués, et le cliché
Les fractures coronoradiculaires de dents lactéales sont également rétroalvéolaire recherche une atteinte associée de la racine. Lorsque
rares et exposent fréquemment la pulpe : ce cas sera donc traité plus le praticien tente de conserver la pulpe radiculaire, il protège cette
loin. dernière par un « pansement-bouchon » à l’hydroxyde de calcium
Les fractures de dents définitives se rencontrent couramment et ou à l’eugénol-oxyde de zinc, en effectuant ce geste dans des
répondent aux mêmes mécanismes que les éclats de l’émail. En conditions d’asepsie rigoureuses et sous couverture antibiotique de
revanche, la diminution d’épaisseur de la dentine amène à constater 8 jours environ. La restauration prothétique est envisagée dans un
des signes cliniques sensiblement différents, puisque la couche de deuxième temps.
tissu isolant est plus fine. Le patient présente des douleurs au chaud La surveillance consiste à apprécier la vitalité pulpaire et comprend
et au froid, réveillées par la palpation à la sonde dentaire qui des clichés radiographiques centrés qui éliminent une rhizalyse
recherche une communication vers une corne pulpaire. Il est souvent secondaire.

7
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

Figure 8 Fracture du
tiers moyen de la racine de
la 21.

1 2 3 4
Figure 10 Les quatre évolutions possibles des fractures radiculaires selon Bouys-
sou. [6] 1. Type I ; 2. type II ; 3. type III ; 4. pseudarthrose.
Figure 9 Même dent que Figure 8
après évolution favorable : consolidation et
persistance de la vitalité pulpaire.
– le cal de type II remplit l’espace fracturaire en isolant deux demi-
pulpes, la partie apicale pouvant rester vivante ;
– le cal de type III entoure la chambre pulpaire qu’il laisse en
monobloc ;
– dans le quatrième cas, l’absence de cal conduit à la pseudarthrose
et le maintien de la dent sur l’arcade n’est possible que si le trait de
fracture est proche de l’apex.
Lorsque couronne et partie proximale de la racine ont disparu suite
au traumatisme, le diagnostic de luxation dentaire complète peut
être porté à tort, et c’est la radiographie qui rétablit la vérité. Le
traitement est alors guidé par l’état buccodentaire du patient, les
lésions associées de l’os alvéolaire et la longueur de racine restante.

LÉSIONS OSSEUSES ASSOCIÉES


Lorsque la conservation pulpaire n’est pas envisageable, la L’os alvéolaire serait lésé six fois sur dix d’après Pasturel, [30]
pulpectomie doit être réalisée précocement et être suivie d’une l’atteinte de l’os basilaire est en revanche beaucoup moins fréquente.
obturation canalaire qui permet la pose d’une prothèse Il n’y a que peu d’éléments communs à ces deux entités dont les
ultérieurement. mécanismes lésionnels et les signes cliniques révélateurs sont très
différents.
Fractures coronoradiculaires
¶ Fractures alvéolaires périradiculaires
Elles se rencontrent dans des conditions traumatiques particulières :
dans les secteurs postérieurs, elles peuvent être secondaires à un Elles semblent être les plus fréquentes et sont essentiellement le fait
choc contre une dent de l’arcade opposée, mais il est également des luxations incomplètes des organes dentaires lorsque ceux-ci
classique de les induire par des manœuvres endodontiques. Les pivotent autour d’un point fixe, généralement situé à la hauteur des
fractures de la portion dentée de la mandibule se compliquent tiers moyen et cervical de la racine. Il s’agit le plus souvent d’une
fréquemment de fractures coronoradiculaires, et il se pose alors la fracture-tassement d’un des deux murs alvéolaires avec
question de leur maintien sur l’arcade lors du traitement chirurgical prédominance sur le versant vestibulaire lorsque la luxation est une
ou orthopédique. L’obliquité du trait de fracture et l’ouverture vers version palatine ou linguale.
le desmodonte rendent la conservation pulpaire difficile, et on lui L’inspection retrouve une tuméfaction et des ecchymoses de la
préfère la dévitalisation avant restauration anatomique. muqueuse gingivale et, à un stade plus avancé, l’adhérence de
celle-ci à l’os alvéolaire conduit à sa déchirure si le déplacement est
Fractures radiculaires pures important. La mobilisation douce retrouve une mobilité associée de
Horizontales, elles se traitent différemment selon la hauteur de la la (ou des) dent(s) et de l’os alvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire
lésion, cervicale, du tiers moyen ou apicale. Elles sont souvent sont le plus souvent perturbés. C’est le cliché rétroalvéolaire qui fait
associées à des fractures de l’os alvéolaire, surtout si la lésion le diagnostic de la fracture osseuse tout en appréciant l’intégrité ou
radiculaire est proche de l’apex. non de la racine dentaire.
Lorsque la dent persiste sur l’arcade, la composante douloureuse est Dans ces cas fréquents mais souvent méconnus de fracture osseuse
extrêmement variable car elle est directement liée à la mobilité du limitée, il convient de repositionner au mieux les petits fragments
fragment proximal, d’autant plus importante que la lésion est proche avant d’assurer la contention de la dent traumatisée. Ce geste est le
du collet. Les tests de vitalité sont presque toujours négatifs plus souvent réalisable sous anesthésie locale lorsque le traumatisme
initialement en raison d’une sidération nerveuse, mais leur évolution est peu important, et on en profite pour réaliser la suture de la
peut se faire favorablement en quelques semaines. C’est le cliché muqueuse gingivale si celle-ci est nécessaire.
rétroalvéolaire qui fait le diagnostic topographique de la fracture et Une couverture antibiotique de 8 à 10 jours est généralement
recherche en outre une lésion osseuse associée. Il est parfois instaurée, associée à la prescription de bains de bouche.
nécessaire de réaliser plusieurs incidences avec des angles différents Grâce à toutes ces précautions, les accidents infectieux immédiats
afin de mettre en évidence le trait (Fig. 8, 9 ). sont rares et les complications à distance restent le fait de
La consolidation n’est pas toujours acquise et Bouyssou [6] a décrit mortifications dentaires passées inaperçues.
quatre modalités d’évolution (Fig. 10) :
¶ Fractures alvéolaires sus-apicales
– le cal de type I comble l’espace interfragmentaire et la chambre
pulpaire puis aboutit à une ankylose entre l’alvéole et la dent (ce Elles sont la conséquence d’un traumatisme plus important et dont
tissu mortifié possédant une solidité quasi définitive) ; l’agent vulnérant s’est réparti sur un groupe de dents. De ce fait, les

8
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05

Figure 11 Trauma-
tisme alvéolaire avec luxa-
tion en bloc du secteur inci-
sif maxillaire chez un
homme jeune déjà partielle-
ment édenté.

organes dentaires sont restés solidaires de l’alvéole et c’est une


véritable ostéotomie qui s’est réalisée. Le diagnostic est
fréquemment posé devant la mobilité de plusieurs dents en Figure 12 Importants dégâts d’os alvéolaire et basilaire suite à la luxation des qua-
monobloc, associée à une dilacération des tissus muqueux en regard tre incisives supérieures chez une jeune femme victime d’un accident de la voie publi-
(Fig. 11). Il n’est pas rare d’assister à une épistaxis par atteinte de la que. Noter la comminution osseuse périradiculaire.
muqueuse des fosses nasales quand cet arrachement global touche
le bloc incisif supérieur. Les tests de vitalité sont presque
constamment perturbés et le bilan exact des lésions osseuses et
dentaires est radiographique.

¶ Traumatismes de l’os basilaire


Ils répondent à des mécanismes lésionnels différents et plutôt à des
chocs directs. Leur traitement fait appel à des techniques
orthopédiques ou sanglantes dont il n’est pas question ici, mais se
pose parfois le problème de la luxation ou de la fracture radiculaire
de la dent à cheval sur les deux fragments mandibulaires. Il est
traditionnel de dire que le maintien sur l’arcade de cette dent permet
une meilleure coaptation des deux berges du foyer, d’autant plus
que son avulsion, relativement difficile, peut aggraver le
déplacement des fragments et occasionner des lésions du pédicule
dentaire inférieur. En revanche, l’éventuelle mortification de cette
dent peut entraîner des complications infectieuses, retardant ou
empêchant la consolidation osseuse, lorsqu’on décide de laisser la Figure 13 Même patiente que Figure 12 : le traumatisme concerne également
dent en place. Devant l’existence d’avantages et d’inconvénients à l’épine nasale antérieure et est responsable d’une luxation du pied de la cloison cartila-
ces deux attitudes, il paraît une fois de plus nécessaire gineuse.
d’entreprendre une surveillance régulière.
Dierks [12] propose cinq indications à l’avulsion immédiate de la dent repositionnement du pied de la cloison et d’un tamponnement
dans le foyer fracturaire : antérieur des fosses nasales sous couvert d’une antibiothérapie.
– importante mobilité de la dent sans mobilité osseuse ;
– lésion apicale préexistante ; LÉSIONS DES TISSUS MOUS

– fracture radiculaire ; Ce sont des atteintes fréquentes lors des traumatismes du tiers
inférieur de la face, [29] mais elles passent trop souvent au second
– lésions carieuses non restaurables par les techniques usuelles ; plan derrière les traumatismes alvéolodentaires, tant sur le plan
– gêne à la réduction du foyer. thérapeutique que dans leur description dans le certificat médical
Quoi qu’il en soit, dans les fracas osseux importants, la conservation initial. [28]
des multiples fragments semble la règle admise, à condition de
recouvrir ceux-ci d’une unité gingivopériostée qui assure la ¶ Plaies gingivales
persistance de leur vitalité. Elles sont fréquentes lorsqu’il existe une atteinte de l’os sous-jacent
ou une fracture déplacée des bases osseuses. Elles sont dues à
¶ Fractures associées du vestibule nasal l’adhérence de la fibromuqueuse sur la corticale osseuse. Leur
Lors des dégâts étendus du bloc incisif supérieur, il est possible de diagnostic est fait dès l’inspection, et c’est la présence de ces
constater un traumatisme associé du plancher des fosses nasales, dilacérations qui doit faire rechercher l’atteinte osseuse en
des orifices piriformes et de l’épine nasale antérieure (Fig. 12, 13). profondeur.
La dislocation de ces différents fragments entraîne une déchirure de Trop souvent, leur suture est difficile voire impossible du fait de la
la muqueuse nasale, responsable d’épistaxis dont le tarissement n’est contusion des tissus ou des pertes de substance. Dans ce cas, un
pas toujours spontané, ainsi qu’une luxation du pied de la cloison bourgeonnement par cicatrisation spontanée reste la seule évolution
nasale, qui se trouve déviée latéralement. Dans les cas les plus possible sous couverture antibiotique associée à une antisepsie
sévères, il peut apparaître de véritables fractures du cartilage de la buccale.
cloison ou hématomes, dont le diagnostic doit être posé rapidement Lorsque les plaies sont nettes et que les berges sont vivantes, une
sous peine d’évoluer vers l’infection puis la nécrose du cartilage. [14] suture est réalisée sous anesthésie locale, à l’aide de fil résorbable
Le traitement du traumatisme dentaire doit impérativement être monté sur une aiguille à pointe ronde qui respecte mieux ces tissus
accompagné du drainage d’une éventuelle collection, du fragiles.

9
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

¶ Plaies de la langue
Elles sont induites par l’interposition de celle-ci entre les deux
arcades dentaires lors de l’accident. Leur exploration doit être
systématique. On y retrouve parfois des fragments dentaires de
couronnes lésées de manière concomitante.
Devant une plaie superficielle, il n’est pas impératif de suturer. Il
n’en est pas de même lorsque la lésion touche le muscle en
profondeur ou lorsque la plaie est transfixiante. Il faut d’abord
rassurer le patient et son entourage devant une hémorragie qui
semble abondante.
Chez l’enfant, le recours à l’anesthésie générale pour l’exploration
des plaies et leur traitement chirurgical est presque toujours Figure 15 Dysharmonie dentodentaire survenue après l’avulsion de la 11 chez un
nécessaire. sujet en « bout-à-bout incisif ». Une prothèse provisoire pour maintenir l’espace aurait
pu éviter le déplacement mésial de la 12.
¶ Plaies des lèvres
– le déplacement, souvent latéral, des dents bordant l’espace édenté
Elles peuvent être causées par l’impaction directe des dents
et pour lequel la prévention consiste à placer une prothèse provisoire
opposées ou bien par l’agent vulnérant lui-même, et il s’agit alors
qui vise à maintenir l’espace en attendant la réhabilitation définitive.
plutôt de traumatismes par éclatement occasionnés par
Lorsque la dysharmonie est avérée (Fig. 15), il importe
l’interposition de la lèvre entre l’objet contondant et le plan dur que
d’entreprendre un traitement orthodontique de réalignement ;
représentent les dents et l’os en arrière. La réparation est
indispensable. – la résorption d’os alvéolaire en secteur édenté impose de réaliser
Si la plaie est transfixiante, on commence par assurer la suture du une greffe osseuse avant réhabilitation prothétique, surtout si on a
plan musculaire, et la deuxième préoccupation est d’aligner la ligne recours à l’implantologie ;
de jonction entre la lèvre blanche et le vermillon. – la mortification d’une dent est la séquelle la plus fréquente : elle
Le choix de l’anesthésie, locale ou générale, est guidé par l’âge du nécessite la pulpectomie avec obturation canalaire pour éviter la
patient et les dégâts alvéolodentaires associés. survenue des complications infectieuses.
Elles peuvent également concerner la dent définitive traumatisée à
¶ Lésions des joues l’état de germe par l’apex ingressé de la dent lactéale :
Elles sont rares et correspondent à des morsures dans les régions – dyschromie coronaire avec éventuelle hypoplasie de l’émail ;
molaires lorsque le traumatisme survient bouche ouverte. On y – dilacérations coronaires ;
rencontre essentiellement des contusions ou ecchymoses, plus
fréquentes que les plaies véritables. – anomalies radiculaires à type d’angulation ou arrêt de la
maturation ;
– anomalies de l’éruption : absence, retard ou ectopie.
Séquelles
On entend par « séquelle » une forme d’évolution défavorable Principes du traitement et cas
survenant à distance du traumatisme, le plus souvent prévisible, et
correspondant à un état de stabilisation des lésions que seule
particuliers
l’intervention du praticien peut modifier. Il faut les distinguer des
« complications » qui surviennent dans un délai variable et de GÉNÉRALITÉS
manière inopinée, et qui sont parfois révélatrices du traumatisme Ce n’est qu’après avoir établi un diagnostic précis et exhaustif des
ancien passé inaperçu : c’est le cas de l’épisode infectieux (cellulite lésions, directement lié à la qualité de l’examen clinique et des
ou fistule) par réchauffement d’une lésion apicale secondaire à la radiographies, que l’on peut prétendre dispenser un traitement
mortification à bas bruit d’une dent lésée (Fig. 14). approprié. Le résultat est d’autant meilleur que le traitement est
Elles sont à la fois fonctionnelles et esthétiques. Citons : débuté rapidement. La mise en place dans l’alvéole d’une dent luxée
– la perte d’une dent définitive par absence de consolidation sur les lieux mêmes de l’accident en est probablement le meilleur
ligamentaire, qui pose le problème de son remplacement, tant sur le exemple. De même, lorsque plusieurs dents sont traumatisées ou
plan technique que pécuniaire ; lorsqu’il existe des lésions associées, il est nécessaire d’entreprendre
les différents traitements simultanément.
Seules quelques lésions échappent à la notion d’urgence
thérapeutique mais ne dispensent pas, malgré tout, de l’avis d’un
spécialiste : il s’agit entre autres de l’éclat de l’émail dont
l’égalisation ou la réparation peut se faire à distance ; l’ingression
d’une incisive maxillaire lactéale nécessite une surveillance qu’il faut
assurer jusqu’à l’éruption de la dent permanente.
En pratique, plusieurs cas de figures se présentent. La contusion
simple, qui associe une dent stable, non déplacée et sans exposition
de la pulpe, est probablement le cas le plus favorable puisqu’il ne
requiert pas de soins d’urgence même si la vitalité pulpaire est
douteuse ou nulle, car nous avons vu que seule la persistance du
déficit sensitif pendant plusieurs semaines devait conduire à la
pulpectomie avec obturation canalaire.
Toutes les autres situations nécessitent de réaliser un geste
d’emblée :
– le déplacement d’une dent doit faire poser l’indication de sa
Figure 14 Kyste symphysaire (révélé par une complication infectieuse) secondaire réduction dans les meilleurs délais suivie de la pose d’une
à la mortification d’incisives inférieures. Le traumatisme initial était passé inaperçu. contention efficace ;

10
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05

– l’ouverture pulpaire fait discuter la pulpectomie immédiate ou la


conservation partielle avec coiffage ; Figure 16 Fracture du tiers radicu-
laire apical d’une incisive centrale. La
– enfin, la luxation complète d’une dent définitive peut être contention est assurée par une ligature en
considérée comme une urgence fonctionnelle : pour la majorité des berceau sur arc de Dautrey en raison de la
praticiens, la réimplantation doit être tentée quel que soit le délai mobilité importante du fragment corono-
radiculaire.
qui sépare le traumatisme de la possibilité thérapeutique. [7]
L’attitude quant à la conservation pulpaire est sujette à variations
selon le temps écoulé et l’intégrité desmodontale.
Cinq types de gestes peuvent être proposés, à réaliser le jour du
traumatisme ou à distance (Tableau 3).

TRAITEMENT DES FRACTURES SELON LEUR SIÈGE

¶ Atteinte isolée de l’émail


Les lésions superficielles qui ne touchent que l’émail des couronnes,
fêlures et éclats, ne nécessitent que des gestes simples et sans
urgence. Après s’être assuré de la persistance de la vitalité pulpaire,
le praticien effectue un simple polissage ou égalisation du bord
occlusal, ou bien fait l’adjonction d’un petit fragment de composite
pour restaurer l’anatomie coronaire.
Figure 17 Même dent que Figure 16
après traitement endodontique et résection
¶ Mise à nu de la dentine sans exposition pulpaire du fragment apical. La contention par arc
a cédé la place à des boîtiers d’orthodontie
La préoccupation est la protection de la dentine des agressions
collés.
bactériologiques et chimiques, car elle y est beaucoup plus sensible
que l’émail. L’application d’hydroxyde de calcium est indispensable
pour obturer les tubuli dentinaires avant d’envisager toute
réparation prothétique définitive. Bien entendu, une surveillance
prolongée de la vitalité de la dent est une fois de plus nécessaire.

¶ Exposition pulpaire des fractures coronaires


L’irritation pulpaire est constante lorsque le fragment proximal de
la couronne persiste et qu’il est mobile : la solution consiste en la
suppression de celui-ci associée à une pulpectomie partielle si
possible, sinon totale.
Le coiffage pulpaire direct est réservé aux lésions pulpaires limitées
et prises en charge dans des délais ne dépassant pas 6 heures, quel
la dent sur l’arcade. La sanction la plus fréquente est donc
que soit le degré de maturation dentaire. On lui préfère la
représentée par l’avulsion de la dent traumatisée, surtout si la
pulpotomie cervicale en cas de nécrose pulpaire superficielle. La
fracture concerne plus de 3 à 4 mm de racine. [5]
pulpotomie partielle, ou technique de Cvek, [8] est indiquée pour les
dents immatures ou matures jeunes, prises en charge tardivement
(15 à 18 heures), suivie d’un coiffage à l’hydroxyde de zinc ou au TRAITEMENT DES LUXATIONS
Mineral Trioxide Aggregate (MTA). [8]
Le déplacement dentaire, partiel ou complet, définit le principe de
Certains auteurs préconisent une pulpectomie d’emblée en cas de la luxation et se traduit par la lésion plus ou moins étendue des
dent mature. tissus desmodontaux. Le traitement obéit à la séquence
« réduction-contention-surveillance ».
¶ Fractures radiculaires
Un cas particulier est celui de l’avulsion dentaire : le temps écoulé
L’atteinte pulpaire est évidente mais le traitement est différent selon hors alvéole et le milieu de conservation de la dent pendant le délai
la hauteur du trait lésionnel : extraoral sont des facteurs influençant la réussite thérapeutique. [7,
25]
– au tiers cervical, la mobilité de la couronne rend la consolidation
difficile, mais la racine restante est suffisamment longue pour ¶ Réduction du déplacement
supporter une reconstruction fixe, après traitement endocanalaire ;
Ce geste doit être réalisé le plus précocement possible, et il faut
– devant les fractures du tiers moyen, on tente un maintien sur
privilégier l’anesthésie locale chez un patient adulte calme ; il est
l’arcade du fragment proximal à l’aide d’une contention rigide
important de contrôler la qualité de la réduction, ainsi que l’état de
maintenue en place pendant 3 à 6 mois, et le traitement
l’os alvéolaire après le geste, par un cliché radiographique centré.
endodontique est réalisé à distance si la pulpe s’est mortifiée dans
Les autres situations nécessitent le recours à l’anesthésie générale,
l’intervalle de temps ;
surtout si la bascule est fixée.
– enfin, dans les fractures du tiers apical, l’absence de mobilité incite Il est également nécessaire de rétablir l’articulé dentaire préexistant
souvent à laisser la dent sur l’arcade et à réaliser une résection et non un « articulé idéal ».
apicale du petit fragment, après pulpectomie et obturation canalaire
Le mouvement de réduction est réalisé prudemment entre pouce et
du fragment cervical (Fig. 16, 17).
index, pour contrôler l’amplitude du geste et éviter l’avulsion
dentaire, et non à l’aide de daviers.
¶ Fractures coronoradiculaires
La réinsertion dans son alvéole d’une dent avulsée répond à des
Elles associent les inconvénients des lésions coronaires et critères stricts, surtout si on veut tenter de retrouver une vitalité ou
radiculaires, et le trait vertical ne permet pas souvent le maintien de à défaut une stabilité par ankylose aux dépens de la régénération

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22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

Tableau 4. – Conduite à tenir avant réimplantation d’une dent permanente luxée selon son degré de maturation et le délai passé hors cavité
buccale (d’après Nivet [27]).

Délai extraoral Dent immature Dent mature

Moins de 15 minutes Doxycycline 5 minutes Rinçage Hanks


Moins de 2 heures à sec Hanks 30 minutes Hanks 30 minutes
Moins de 6 heures dans lait ou sérum Doxycycline 5 minutes
Moins de 24 heures dans le milieu de Hanks Doxycycline 5 minutes Néant
Plus de 2 heures à sec Curetage ligamentaire + traitement canalaire
Acide citrique 3 minutes + dérivé fluoré 15 minutes
Doxycycline 5 minutes

Fil 4/10 Résine

1 2

Résine Fil 4/10


Figure 18 Ligature en échelle (d’après Benoist [2]) : les fils des montants sont d’un
diamètre supérieur à celui des fils des barreaux. Les dents absentes sont remplacées par
des « boulettes » de résine autopolymérisable pour éviter le déplacement secondaire des
dents bordant les espaces.

du ligament desmodontal. De nombreuses études récentes ont


démontré l’importance du délai extraoral le plus bref possible, [15, 16] Résine
de l’utilisation de milieux de conservation et topiques locaux avant
réimplantation, ainsi que le lien entre l’évolution et le degré de 3 4
maturation dentaire. [11] La conduite à tenir que nous proposons
(Tableau 4) est inspirée de Nivet. [27] La revascularisation pulpaire B Fil 5/10
Figure 19 Les ligatu-
est favorisée par la largeur du canal radiculaire des dents immatures res de De Wilde (A) et de
Stout (B), dérivées de la li-
à apex ouvert, [8, 12] surtout si on prend le soin d’immerger celles-ci gature en échelle, restent
au préalable dans une solution antibiotique pour éviter la nécrose les plus utilisées.
pulpaire d’origine septique (la pénicilline jadis utilisée est
maintenant remplacée par les tétracyclines auxquelles on peut
associer des dérivés fluorés dans le but de diminuer les phénomènes
de rhizalyse). [9, 23, 32] En attendant la mise en place dans l’alvéole, la 1 Tube
conservation en milieu liquide doit débuter le plus précocement plastique
possible : les milieux « usuels » disponibles à domicile tels que lait
ou sérum physiologique (pour la désinfection nasale des enfants)
semblent donner de moins bons résultats que les milieux de
conservation ou de culture cellulaire utilisés en activité hospitalière
(milieu de Hanks utilisé par les anatomopathologistes et milieu de 2
Viaspan pour les transplantations d’organes). [21, 35] Enfin Duggal [13]
et Matson [26] trouvent en l’acide citrique, qui décape la dentine
radiculaire, une indication de stimuler l’ankylose des dents
réimplantées tardivement.

¶ Contention 3

Devant le large éventail de techniques d’immobilisation, le praticien


se pose la question du choix de la plus adaptée au cas particulier à
prendre en charge.

Ligatures exclusives sans pose d’arc métallique 4

Elles dérivent toutes de la classique ligature en échelle (Fig. 18). Elles


ont l’avantage d’être rapidement réalisées et ne nécessitent que peu polymérisable à la face palatine ou linguale des dents, la ligature de
de matériel. On utilise des fils d’acier 3/10 et 4/10. Ces techniques Stout (Fig. 19B) dont les boucles vestibulaires permettent également
semblent un peu délaissées en raison de leurs multiples d’assurer un blocage maxillo-mandibulaire associé et la ligature en
inconvénients : desserrage spontané, lésions iatrogènes de la gencive échelle (Schéma 3) qui permet de choisir exactement la longueur
et tendance à l’égression des dents réimplantées. On peut citer la totale de la contention mais trouve ses limites en cas d’édentement
ligature de Wilde (Fig. 19A) qui nécessite l’adjonction d’une résine partiel.

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Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05

Figure 20 Contention de 11 et 21 avulsées par des ligatures en berceau sur arc de Figure 21 Contention par des boîtiers d’orthodontie collés et ligature en « huit de
Dautrey (la denture mixte et l’absence de 12 rendant difficile le collage de boîtiers). chiffre ».

Ligatures sur arc métallique technique de contention semi-rigide respecte la mobilité


physiologique des dents et semble diminuer le risque d’ankylose.
Celui-ci peut être lisse ou muni de porte-manteaux ou crochets et
fixé autour du collet de chaque dent saine par une ligature. Ainsi Procédés d’ancrage endodontique
stabilisé, l’arc réalise un point fixe qui sert d’attelle à la dent Ils sont bien utiles dans les cas d’édentation en bordure de la région
traumatisée, elle-même fixée par une ligature métallique qui assure traumatisée. Ils représentent des moyens solides de stabilisation à la
une excellente contention y compris dans le sens vertical. Citons la face postérieure des dents, au moyen de fils de métal précieux
ligature en berceau (Fig. 20) et la ligature en sautoir qui sont les plus insérés dans les tissus durs de la dent (inlay) ou fixés par de la résine
utilisées. (attelle de Berliner).
Gouttières de contention
SURVEILLANCE
Elles sont les moyens les moins agressifs pour le patient, aux dépens
À l’issue du premier geste, une surveillance rapprochée doit être
d’un léger préjudice esthétique pendant leur port.
instaurée. Le rythme peut varier selon les praticiens et la nature des
La prise d’empreintes qu’elles nécessitent représente un traumatisme traumatismes. Il est important de ne prendre aucune décision quant
supplémentaire pour la dent fracturée ou luxée qui vient d’être à la vitalité pulpaire avant la 6e semaine, voire plus. Après réduction
repositionnée. d’une luxation, qu’elle soit totale ou non, la contention est
La gouttière de Grazide en résine autopolymérisable et de réalisation maintenue 6 semaines minimum, parfois 8 semaines en cas de
simple a progressivement cédé la place à la gouttière en résine molle mobilité résiduelle. Passé ce délai, il ne semble pas exister de
ou à la gouttière thermoformée rigide, plus esthétiques car bénéfice à laisser le matériel en place. En cas de fracture radiculaire,
transparentes. ce traitement peut s’étendre sur 4, voire 6 mois. [3]
Ces gouttières doivent être portées, comme les ligatures et les arcs, Lorsque le traitement dure environ 2 mois, le patient consulte
6 à 8 semaines pour les luxations dentaires, et de manière plus chaque semaine au début, puis toutes les 2 semaines, jusqu’à
prolongée encore pour certains cas de fractures. L’immobilisation l’ablation du système de contention. La réhabilitation prothétique
moins stricte qu’elles assurent devrait les faire réserver à certaines peut alors être envisagée sur une dent solide. Dans tous les cas, un
formes de luxations où la stabilité dentaire est obtenue sitôt la contrôle de la vitalité pulpaire à moyen puis à long terme est
réduction effectuée. recommandé, en revoyant le patient tous les 6 mois.
Au début du traitement et à chaque consultation, le praticien vérifie
Immobilisation par boîtiers d’orthodontie la solidité du montage et la stabilité des dents traumatisées. Des
Le principe, récemment rappelé par Gigon, [19] représente une clichés centrés sur les dents sont réalisés à chaque consultation et
technique peu invasive pour le patient : après un mordançage de classés dans l’ordre chronologique, afin de dépister une complication
l’émail, on fixe les boîtiers à la face vestibulaire des couronnes par osseuse ou une rhizalyse à distance. Enfin, l’évolution de la vitalité
un mélange de colle et d’activateur. La solution de facilité consiste pulpaire est notée.
ensuite à les réunir par une ligature métallique en « huit de chiffre » Il est également important de profiter de ces consultations pour
(Fig. 21) serrée à l’une des extrémités. Lorsque plusieurs dents prodiguer les conseils hygiénodiététiques au patient ou à sa famille,
doivent être immobilisées, le serrage de la ligature a tendance à en rappelant l’importance de l’alimentation molle initialement, puis
entraîner une version postérieure des dents, et on lui préfère alors de la remise en charge progressive des dents, ou en précisant la date
une fixation par arc métallique dans la rainure des boîtiers. Cette de reprise du brossage.

Références ➤

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22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie

Références
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14
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-068-A-10

22-068-A-10

Traumatologie maxillofaciale :
modalités thérapeutiques
O Giraud
P Duhamel
JB Seigneuric
Résumé. – La traumatologie maxillofaciale reste d’actualité malgré les différentes mesures modernes de
D Cantaloube
protection de la face. En raison de leur diversité, qui constitue l’une de leurs caractéristiques, les lésions
traumatiques de la face, qu’elles soient osseuses, tégumentaires ou dentaires, doivent faire l’objet d’une
thérapeutique bien codifiée qui doit rester adaptée à chaque cas.
En s’appuyant sur les données de l’examen clinique et des explorations radiologiques, les modalités
thérapeutiques comportent différentes étapes qui sont précisées ici.
Le contrôle des urgences, en particulier vitales, constitue le premier stade. Il précède le traitement primaire de
l’ensemble des lésions, réalisé plan par plan en commençant par l’architecture osseuse. La qualité de la
réalisation de ce premier traitement permet de limiter la survenue de séquelles. Ces dernières peuvent
néanmoins subsister et bénéficieront d’un traitement secondaire à distance du traumatisme initial.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : traumatisme facial, architecture osseuse, lésions tégumentaires, lésions faciales.

Introduction – dans leur topographie : ces lésions peuvent intéresser l’ensemble de


la face ou bien se limiter seulement à une partie plus ou moins
Situé à la partie antérieure de l’extrémité céphalique dans sa importante de celle-ci à la mandibule ou au massif facial ;
définition sociale selon Ginestet, entre le couvre-chef et la cravate – dans leur type anatomoclinique : sur le plan osseux, par exemple,
ou, d’une façon plus anatomique, entre la base du crâne et l’os on peut rencontrer des fractures simples à un trait ou des fractures
hyoïde, habituellement dépourvu de toute protection, le complexe plurifocales pouvant aller jusqu’à la comminution ; on peut
maxillofacial est particulièrement exposé aux traumatismes les plus également assister à des dislocations, voire à la disparition de
divers, faute d’une protection efficace. segments osseux.
Siège de la vie relationnelle par le jeu de la mimique et par les
Ainsi, la traumatologie maxillofaciale doit faire appel à des
organes responsables de la vision, de l’olfaction, de l’audition et de
modalités thérapeutiques pertinentes et adaptées à chaque cas tout
la gustation, origine des voies respiratoires et digestives, d’une
en répondant à un schéma classique de prise en charge qui doit être
importance psychologique majeure au plan esthétique, ce complexe
connu de tout praticien de la spécialité.
peut être atteint par différentes lésions. Celles-ci sont caractérisées
par leur extrême diversité, que ce soit dans leurs circonstances de Bien entendu, ces modalités varient selon le type de lésion, qui peut
survenue, leur topographie ou leur type anatomoclinique : aller de la plaie isolée de la face jusqu’au grand fracas par arme à
feu avec associations lésionnelles régionales ou générales, faisant
– dans leurs circonstances de survenue [16] : il peut s’agir d’accidents ainsi appel, selon les circonstances, au chirurgien maxillofacial seul
du trafic, toujours d’actualité malgré les multiples mesures de ou associé à d’autres spécialistes.
sécurité routière au premier rang desquelles figurent le port de la
ceinture de sécurité et la généralisation des coussins gonflables ; ces À chaque étape de la prise en charge doit correspondre une réponse
accidents peuvent être responsables de traumatismes considérables, thérapeutique adéquate :
de même que certains accidents du travail ; à un moindre degré de – lors de la relève du blessé sur le terrain, immédiatement après
gravité, on peut citer, avec une proportion qui augmente en l’accident, par une équipe du Service d’aide médicale urgente ou
fréquence et en intensité, les rixes et les accidents de loisirs et de des pompiers ;
sport, en particulier avec la pratique d’activités à haute vélocité telles
que le skate-board ou le vélo tout terrain ; les atteintes par armes à – pendant son transport vers une structure hospitalière ;
feu, enfin, occupent une position à part, selon l’étendue des lésions – à son arrivée dans celle-ci, suivie du traitement primaire qui est
qu’elles provoquent ; le contexte psychologique, voire psychiatrique, primordial ;
doit être pris en compte en raison de leurs circonstances bien
particulières : tentative d’autolyse ou agression par un tiers ; – enfin, dans le cadre de séquelles éventuelles, par un possible
traitement secondaire.
Cette prise en charge doit répondre à un schéma clair, que les
circonstances d’intervention se placent elles-mêmes dans un contexte
Olivier Giraud : Spécialiste des hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service.
Patrick Duhamel : Assistant des hôpitaux des Armées. simple de rixe ou d’accident sportif ou dans un cadre plus
Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des hôpitaux des Armées. dramatique d’accident du trafic ou de pathologie de masse comme
Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et
maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex,
peuvent en engendrer les catastrophes naturelles ou industrielles,
France. ainsi que les actes de terrorisme et les guerres.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Giraud O, Duhamel P, Seigneuric JB et Cantaloube D. Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-068-A-10, 2002, 14 p.
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

Relève du blessé sur le terrain 1 Transfixion de la langue par broche trans-


jugale.
Les gestes immédiats dépendent des lésions rencontrées mais aussi
de la formation des sauveteurs, qui peuvent effectuer des actes de
secourisme jusqu’à des soins véritablement médicalisés.
Il convient alors :
– de rechercher et de traiter les urgences susceptibles de mettre en
jeu le pronostic vital ;
– de réaliser un bilan lésionnel initial local et régional, mais aussi
général, aussi précis que possible ;
– de mettre en œuvre un traitement temporaire, d’attente, en
fonction de l’éloignement du centre hospitalier, des délais et de la 2 Glossopexie latérale.
durée prévisibles de l’évacuation.

[16, 17]
URGENCES
Rarement rencontrée dans les traumatismes habituels, l’extrême
urgence est représentée par l’atteinte de deux grandes fonctions,
respiratoire et circulatoire. Elle doit être systématiquement
recherchée et éliminée dans les polytraumatismes et dans les grands
traumatismes cranio- et maxillofaciaux. À ces deux entités et à un
degré de gravité moindre, on associe parfois l’existence d’un choc,
bien qu’elle reste rare, et le risque infectieux. Il faut par ailleurs
rechercher une possible lésion du rachis, en particulier cervical,
révélée par un point douloureux précis spontané ou provoqué par
la palpation ou bien par la découverte d’une déformation dans cette ou par atteinte du parenchyme pleuropulmonaire avec épanchement
zone. Une telle atteinte est à suspecter par principe dans les gazeux ou hématique compressif, voire suffocant.
accidents du trafic souvent responsables de chocs de haute énergie Par ailleurs, l’association à une hémorragie aggrave le pronostic.
cinétique. Il convient alors de rendre perméables au plus vite les voies
aériennes en levant l’obstacle ou en le contournant sur les lieux
¶ Asphyxie mêmes de l’accident.
L’asphyxie constitue l’urgence des urgences, mettant Après avoir installé le patient en décubitus latéral, lésions contre le
immédiatement en jeu le pronostic vital. plan de repos (le rachis cervical étant maintenu en rectitude et en
extension en cas de doute sur son intégrité) et ce, afin de faciliter le
Ses causes sont multiples : locales directes ou par associations
drainage des voies respiratoires par gravité, on effectue les
lésionnelles de mécanismes indirects.
manœuvres suivantes :
Ses conséquences peuvent très schématiquement se résumer par une
hypoxie qui peut rapidement aboutir au décès. – retirer les débris qui obstruent la filière aérienne supérieure au
doigt ou à l’aide d’une compresse montée sur une pince ;
Les causes locales qui peuvent provoquer l’obstruction des voies
aériennes supérieures sont les suivantes : – faire tousser le blessé ;

– obstruction de l’oropharynx par accumulation de sang ou de – aspirer les sécrétions et le sang ;


sécrétions, par des débris divers (telluriques, dentaires, prothétiques) – au besoin, pratiquer la manœuvre de Heimlich en cas de suspicion
ou par chute d’un corps étranger dans les voies aériennes de corps étranger intrabronchique ;
supérieures ;
– assurer une hémostase sommaire par compression, par
– recul du segment antérieur de la mandibule par action des tamponnements, rarement par forcipressure ou ligatures ;
muscles insérés sur les apophyses geni, en cas de fracture
parasymphysaire bilatérale ; – tracter la langue en avant à l’aide d’une pince ou d’un fil
traversant sa pointe ; on peut également transfixier la langue placée
– glossoptose par le même mécanisme dans les traumatismes en position de repos à l’aide d’une broche de type Kirschner passée
balistiques ; à travers les joues (fig 1) ou réaliser une glossopexie latérale à l’aide
– dislocation de la pyramide nasale entraînant une obstruction de de fils transjugaux noués sur des bourdonnets (fig 2) ; selon Pons [16],
la filière nasopharyngée ; ces deux procédés ont l’avantage de laisser la langue en position
habituelle et de permettre une déglutition normale ;
– hématome expansif du plancher buccal, de la langue, du palais
mou ; – mettre en place une canule de Mayo ou de Guedel ;

– atteinte de l’os hyoïde et des muscles qui y sont insérés et perte – ventiler au masque.
de contrôle du complexe musculaire glossohyoïdien ; Les gestes complémentaires éventuels sont la stabilisation d’un volet
costal ou l’évacuation d’un épanchement thoracique.
– fracas du larynx.
Si ces procédés se révèlent inefficaces ou insuffisants, il faut alors
Les associations lésionnelles, quant à elles, aggravent l’insuffisance
assurer la ventilation par des manœuvres invasives, autorisant une
respiratoire par une action centrale et/ou périphérique :
oxygénothérapie adaptée :
– l’action centrale est représentée par l’atteinte des centres
– intubation, en particulier en cas d’hypoventilation liée à un état
respiratoires bulbaires ou du contrôle cortical ;
comateux ; elle est de préférence nasotrachéale en l’absence de
– l’action périphérique est laryngée ou bien thoracique par atteinte suspicion d’atteinte de la base du crâne et donc de risque de brèche
pariétale avec volet costal et incompétence respiratoire douloureuse cérébroméningée ;

2
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10

– ponction transtrachéale avec un cathéter, reposant sur les


conséquences de l’effet Venturi, les gaz injectés sous pression se
3 Tamponnement nasal antérieur par mè-
che.
détendant brusquement et créant un appel d’air dans les voies
aériennes supérieures ;
– coniotomie à l’aide de kits adaptés permettant un abord inter-
cricothyroïdien d’extrême urgence avec cependant des risques de
sténose trachéale secondaire ; elle est, dès que possible, remplacée
par une trachéotomie ;
– trachéotomie, par exemple en cas d’afflux massif de blessés ou de
délais d’évacuation importants ou face à un écrasement du larynx
ou de la trachée ; sur le terrain, elle est qualifiée d’« expéditive ».

¶ Hémorragies
4 Tamponnement jugal par bourdon-
Les hémorragies, abondantes à la face en raison de la richesse de sa nets.
vascularisation, se manifestent de façon externe, interne ou mixte,
en nappe ou en jet. Isolées, elles sont cependant rarement
responsables d’un choc hypovolémique. Les circonstances de
survenue varient de la plaie vasculaire simple au vaste délabrement
facial avec atteinte de multiples vaisseaux.
Il convient alors d’arrêter l’hémorragie et de compenser les pertes,
pour prévenir ou corriger un choc éventuel, par la mise en place de
voies veineuses de bon calibre, périphériques de préférence,
permettant la perfusion de solutés macromoléculaires avec
correction de la volémie et équilibration hydroélectrolytique.
Les hémorragies sont, rappelons-le, temporairement jugulées par
compression digitale jusqu’à ce qu’un contrôle permanent puisse 5 Tamponnement pelvibuccal par bour-
être réalisé. donnets.
En jet, elles font l’objet de clampages, de ligatures intrafocales ou au
point d’élection. Le clampage ne doit pas être fait à l’aveugle mais
rester sélectif, sous bon éclairage, afin d’éviter de léser des éléments
nobles vasculaires ou nerveux, nombreux dans cette région. En
nappe, elles sont traitées par compression : méchage nasal antérieur
(fig 3) ; tamponnement buccal, jugal (fig 4) ou pelvibuccal (fig 5) par
des points en U noués sur des bourdonnets.

¶ Plaies du scalp
Les plaies du scalp, particulièrement hémorragiques, sont
rapidement suturées par un surjet simple avec un fil de bon calibre BILAN LÉSIONNEL INITIAL
en affrontant les berges dans toute leur épaisseur. Il doit être rapide afin de ne pas retarder l’évacuation du patient
tout en permettant de lui apporter des premiers soins adaptés. Sur
¶ Survenue d’un choc le terrain, il ne peut qu’être clinique et repose d’abord sur
l’interrogatoire du blessé, de son entourage ou des témoins qui
La survenue d’un choc, lié aux hémorragies associées à un certain relatent les circonstances de l’accident. Les signes fonctionnels tels
degré d’hypoxie, est surveillée par le contrôle régulier de l’état de que la douleur ou la limitation de l’ouverture buccale sont notés.
conscience, du rythme cardiaque et de la pression artérielle, et Inspection et palpation succinctes précisent les lésions suspectées,
prévenue par le remplissage vasculaire et l’immobilisation provisoire les déformations, les amputations qui sont rapportées sur une fiche.
des fractures à titre antalgique par une fronde ou par des ligatures Non seulement local, et donc facial, ce bilan comporte également un
de type Ivy. Ce choc est plus fréquent dans les polytraumatismes et temps général, à la recherche de lésions associées dont le traitement
les atteintes particulièrement délabrantes dues aux armes à feu que doit parfois se révéler prioritaire. Les observations et les conclusions
devant un traumatisme maxillofacial isolé. de ce bilan sont notées sur une fiche d’évacuation. Quelles que
soient les lésions identifiées, le bilan est complété lors de l’admission
¶ Risque infectieux à l’hôpital.

Le risque infectieux est à craindre dans les grands traumatismes et


MISE EN CONDITION D’ÉVACUATION
dans les fractures de la portion dentée de la mandibule en raison de
la présence des cavités buccale et nasales et de leur flore Elle suppose le recours à un traitement temporaire et à des moyens
commensale mais aussi de la large communication avec le milieu de surveillance permettant d’optimiser le transport du patient pour
extérieur en cas d’atteinte cutanée associée avec des plaies souillées lui-même comme pour le personnel soignant, c’est-à-dire :
comme c’est le cas des fractures ouvertes. C’est pourquoi il convient – sur le plan maxillofacial, un nettoyage des plaies, une contention
de mettre en œuvre une antibiothérapie précoce, suffisante et maxillomandibulaire (fig 6) et un pansement de protection ; selon
adaptée telle que des b-lactamines ou des macrolides associés au son état, le patient est évacué en décubitus latéral ou ventral ou en
métronidazole. On considère par ailleurs les blessures par armes de position semi-assise mais jamais en décubitus dorsal ; en cas de
guerre comme étant toujours potentiellement infectées et donc blocage intermaxillaire, un système de déblocage instantané doit être
devant bénéficier d’une antibioprophylaxie systématique. En outre, prévu en raison du risque potentiel d’inondation bronchique en cas
le statut antitétanique est contrôlé et, si besoin, mis à jour. de vomissements ;

3
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

6 Contention maxillomandibulaire par bandages. 8 Plaie de la face.

*
A *
B – urgences hémorragiques :

7 A. Tamponnement nasopharyngé mixte par mèche et tampon. – électrocoagulation, tamponnement local complémentaire ;
B. Tamponnement nasopharyngé par sonde à ballonnet. – en ce qui concerne les épistaxis, tamponnement nasopharyngé
antérieur, postérieur ou mixte (fig 7A), ou sonde urinaire à simple
– sur le plan général, les moyens de surveillance des constantes ou double ballonnet de type Foley (fig 7B) ;
vitales respiratoires, circulatoires et neurologiques sans omettre ceux – en cas d’échec persistant des méthodes précédentes, traitement
des éventuelles lésions associées : protection thermique, minerve en endovasculaire sous contrôle angiographique par embolisation
cas de suspicion de lésions rachidiennes, matelas-coquille ; sélective du territoire intéressé ;
– un traitement médicamenteux comportant des antalgiques, des – ligature de la carotide externe ou de ses branches,
antibiotiques systématiquement, des antiémétiques par voie exceptionnelle mais parfois nécessaire pour assurer un contrôle
parentérale éventuellement. régional de l’hémorragie malgré le rôle joué par les nombreuses
anastomoses.
Le traitement est précédé par la poursuite du bilan lésionnel
Transport maxillofacial qui comporte examen clinique et imagerie médicale.

Médicalisé, par voie routière ou aérienne, il se fait de préférence


vers une structure spécialisée où se trouvent anesthésistes- Examen clinique
réanimateurs et chirurgiens de toutes les disciplines. Outre les
moyens précédemment cités, un contrôle des voies d’abord
périphériques, des canules de trachéotomie, des sondes INTERROGATOIRE
nasogastriques est assuré. Par ailleurs, la nutrition est adaptée aux Il précise les circonstances de l’accident, la position du blessé au
conditions et à la durée de l’évacuation et le patient est constamment moment de celui-ci, ses antécédents personnels et familiaux, son âge,
surveillé dans l’éventualité de la survenue d’une aggravation de son son état général, les traitements éventuels en cours. Les signes
état. Enfin, des sutures temporaires peuvent être réalisées pour fonctionnels sont recherchés : douleur localisée, gêne à l’ouverture
faciliter le transport et réduire le risque hémorragique ou infectieux buccale, troubles de la vision, atteinte nerveuse sensitive ou motrice.
en cas de fracture ouverte ou de large lambeau tégumentaire décollé.

EXAMEN LOCAL
Arrivée à l’hôpital Réalisé sous bon éclairage, il est bilatéral et comparatif, et comporte
inspection puis palpation, exo- puis endobuccales. L’examen
Selon son état et l’étendue des lésions, le patient est reçu par exobuccal est réalisé le plus rapidement possible avant la survenue
l’anesthésiste-réanimateur ou le chirurgien maxillofacial, celui-ci d’œdèmes parfois massifs qui vont empêcher l’appréciation correcte
étant seul ou accompagné d’autres spécialistes dans le cadre d’une des déformations.
équipe pluridisciplinaire : radiologue, neurochirurgien, oto-rhino- L’inspection exobuccale permet de caractériser les plaies quand elles
laryngologiste, ophtalmologiste, voire chirurgien orthopédiste ou existent : linéaire simple par arme blanche par exemple, contuse
viscéraliste. Cette prise en charge pluridisciplinaire permet, le cas (fig 8) par agent contondant comme un fragment de pare-brise, avec
échéant, de réaliser un traitement primaire en un temps opératoire perte de substance parfois telle qu’elle empêchera toute suture
avec une seule anesthésie générale. directe sans tension. Selon la topographie de l’atteinte, des éléments
Le contrôle des urgences vitales est vérifié et au besoin ajusté ou anatomiques dits « nobles » peuvent être impliqués :
adapté par des gestes propres au milieu hospitalier, complétant ou – le canal salivaire de Sténon ;
remplaçant les techniques utilisées lors de la relève du blessé :
– le nerf facial ou ses branches et rameaux de division dans la joue,
– urgences respiratoires : trachéotomie réglée, préférable à une en particulier sur une ligne joignant le tragus à la commissure
intubation en cas d’assistance ventilatoire prolongée ; labiale, avec atteinte variable de la mimique ;

4
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10

9 Hématome périorbi- 10 Atteinte dentaire et


taire. parodontale.

La palpation endobuccale, prudente, peut déclencher une douleur


vive, élective et retrouver un déplacement ou une mobilité des reliefs
osseux.
Autres examens : initiés par le chirurgien maxillofacial s’il est seul,
ils sont complétés par les différents spécialistes concernés.
– Examen ophtalmologique : l’acuité visuelle et le champ visuel sont
évalués de même que les réflexes photomoteurs direct et consensuel.
L’examen apprécie également l’état des globes oculaires et leur
position au niveau de l’orbite, à la recherche d’une exophtalmie ou
– la glande submandibulaire et son canal excréteur, le rameau d’une énophtalmie, la présence de sang sous forme d’hyphéma ou
mentonnier du nerf facial dans la région submandibulaire ; d’hémorragie sous-conjonctivale. Les voies lacrymales sont
– les voies lacrymales dans la région canthale interne et paranasale ; contrôlées et au besoin cathétérisées. Au moindre doute sur
l’existence d’une diplopie associée ou non à une limitation des
– le tarse et le muscle releveur de la paupière supérieure.
mouvements de l’œil dans une ou plusieurs directions, un test de
L’inspection détecte également une contusion, une tuméfaction, une Hess-Lancaster est effectué si l’état du patient l’autorise ; il apporte
ecchymose ou un hématome (fig 9), une asymétrie de la face ou une un diagnostic topographique et permet de quantifier l’atteinte de la
augmentation de sa dimension verticale. Une attitude bouche motilité oculaire et de contrôler ultérieurement son évolution en
entrouverte, laissant parfois s’écouler un peu de salive objectivant le type de diplopie sur un schéma. On note également
sanguinolante, peut suggérer l’existence d’une fracture de la l’existence d’une dystopie canthale par atteinte du ligament
mandibule. Elle peut cependant également résulter d’une lésion du palpébral externe ou celle d’un télécanthus par élargissement de la
massif facial, mais aussi d’atteintes dentaires par réflexe antalgique racine du nez. L’existence d’un syndrome de la fissure orbitaire
ou de la formation d’un hématome dans la région postérieure de la supérieure constitue une urgence en signant une atteinte grave de la
mandibule. région orbitaire. Aux différents signes de ce syndrome peut
La palpation note la présence d’un point douloureux exquis, s’associer une cécité unilatérale par lésion du nerf optique, directe
l’existence de zones d’hyperesthésie, d’anesthésie ou d’hypoesthésie par section ou indirecte par compression, réalisant ainsi le syndrome
dans les différents territoires d’innervation, une modification des de l’apex orbitaire.
reliefs telle qu’un enfoncement de la pommette ou la perception – Examen rhinoscopique antérieur : il est réalisé à l’aide d’un
d’une marche d’escalier ou d’un décalage, la mobilité anormale de spéculum et d’une aspiration. Il permet d’objectiver un hématome
segments osseux ou de l’arcade dentaire, la présence d’une de cloison, une plaie muqueuse, une déviation du septum et de
crépitation sous-cutanée signant la présence d’air. La palpation des contrôler une épistaxis persistante ou récidivante.
repères osseux que représentent les pare-chocs naturels de la face
constitue un élément d’orientation diagnostique particulièrement – La présence d’une otorragie amène à pratiquer un examen
important. otoscopique permettant de contrôler l’état du tympan et du conduit
auditif externe. Une telle hémorragie peut faire évoquer l’existence
L’ouverture buccale est évaluée dans son amplitude, son trajet, son
d’une fracture de l’os tympanal fréquemment associée à une fracture
caractère algique ou non. Elle peut être impossible, diminuée et/ou
du condyle mandibulaire (fracture de Monteggia).
déviée ou présenter une course sinusoïdale. Les autres mouvements,
propulsion et diduction, sont également étudiés. – Un écoulement de liquide clair par le nez (rhinorrhée) ou par
l’oreille (otorrhée) correspondant à une fuite de liquide cérébrospinal
Lèvres écartées, on examine l’occlusion dentaire dont les anomalies
signe une brèche ostéoméningée à l’étage antérieur de la base du
peuvent se traduire par un défaut d’alignement (fig 10), une béance
crâne. On effectue alors un test au Clinistixt, le patient étant penché
antérieure, un contact prématuré au niveau de la région molaire, un
en avant, à la recherche de glucose après un contrôle
diastasis interdentaire évoquant une fracture sagittale. L’existence
tomodensitométrique.
de troubles antérieurs de l’occlusion peut gêner l’évaluation des
anomalies liées au traumatisme. Les lésions liées à l’utilisation des armes à feu, et en particulier les
fusils de chasse, avec leurs cartouches à plombs, et les armes de
L’inspection endobuccale peut noter :
guerre actuelles, avec leurs balles de petit calibre de haute vélocité,
– une plaie de la muqueuse jugale, linguale, palatine ou labiale, qui constituent une entité à part en raison :
peut prolonger une atteinte cutanée ; – de la multiplicité des atteintes, intéressant d’emblée les différents
– l’existence d’un hématome ; plans de couverture et l’architecture osseuse ;
– une atteinte parodontale avec déchirure de la muqueuse attachée, – de leur gravité, liée à leur étendue d’une part, avec des
la présence de sang au collet et une mobilité dentaire signant une disparitions tissulaires, et à leur évolutivité d’autre part, par un
atteinte alvéolodentaire (fig 10). phénomène d’attrition et de dévascularisation secondaire, rendant
L’état dentaire proprement dit est évalué à la recherche d’atteintes le bilan lésionnel clinique initial particulièrement difficile et toute
diverses : contusion, fracture, subluxation ou luxation, en prenant systématisation impossible ;
soin de préciser, si possible, l’état antérieur. – de leur potentiel particulièrement septique.

5
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

13 Incidence de Blon-
deau.

11 Incidence panoramique des maxillaires.

12 Incidence face basse.


14 Incidence de Hirtz.

15 Tomodensitométrie :
coupe coronale du maxil-
laire.

Le repérage des orifices d’entrée et de sortie permet de reconstituer


le trajet projectilaire et donc d’approcher les lésions anatomiques.
Cependant, les munitions de chasse ont tendance à s’éparpiller dans
l’épaisseur des tissus sans orifice de sortie. Dans les deux cas,
l’examen radiologique est indispensable.

Examen radiologique
montante. Ce cliché est plus particulièrement demandé en cas
Guidé par l’examen clinique, il permet de préciser la topographie d’impossibilité de réalisation de l’incidence panoramique (il peut
des lésions osseuses et leur déplacement. Le bilan fait appel à des être effectué au lit du malade).
incidences particulières en fonction de la localisation des atteintes Pour le massif facial : l’incidence de Waters ou de Blondeau (fig 13)
des différentes régions de la face. retrouve les fractures du maxillaire, du malaire et de la région
orbitofrontale. La lecture des lignes de Campbell facilite la recherche
[15]
de déplacements osseux éventuels. L’incidence de Hirtz (fig 14)
RADIOGRAPHIES SIMPLES
montre la projection de l’os malaire et une atteinte de l’arcade
Les incidences diffèrent selon l’étage facial à étudier ; des clichés zygomatique.
orthogonaux permettent de visualiser les fractures et leurs Pour les organes dentaires et l’ensemble alvéolodentaire, l’incidence
déplacements dans les trois plans de l’espace. panoramique des maxillaires offre une vision globale de la denture,
Pour l’étage inférieur de la face : l’incidence panoramique des mais les clichés rétroalvéolaires fournissent des images ciblées de
maxillaires (fig 11) permet de contrôler la mandibule dans son précision et de meilleure qualité, en particulier pour l’arcade
ensemble. Chez l’enfant, la position des germes dentaires est dentaire supérieure.
également précisée [19]. Mais cet examen nécessite une installation
particulière et une certaine autonomie du patient. Une incidence face
basse (fig 12), bouche ouverte, précise l’atteinte de la branche TOMODENSITOMÉTRIE
horizontale, de l’angle et des condyles. Ceux-ci sont également Elle permet d’obtenir en un temps très court et sans manipulation
visualisés par l’incidence transorbitaire de Zimmer. L’incidence excessive du patient des images précises dans les plans coronal
maxillaire défilé étudie la portion dentée de la mandibule à droite (fig 15) et axial (fig 16) en acquisition directe, et dans un troisième
ou à gauche, et plus précisément la région de l’angle et la branche plan par reconstruction (fig 17). Ce procédé permet aussi d’acquérir

6
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10

18 Tomodensitométrie
maxillaire : reconstruction
tridimensionnelle.

*
A

19 Tomodensitométrie
mandibulaire : reconstruc-
tion tridimensionnelle.

particulièrement utile dans l’exploration des orbites [8] , des


articulations craniomandibulaires [19], ainsi que de l’étage antérieur
de la base du crâne.

IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE


Elle n’a pas d’intérêt dans la prise en charge primaire mais peut être
utile au stade des séquelles ou en cas de lésion cérébrale associée.

ARTÉRIOGRAPHIE
*
B
Elle trouve son utilité en cas d’hémorragie abondante persistante
16 A. Tomodensitométrie : coupe axiale du maxillaire. malgré les diverses tentatives d’hémostase précédemment décrites.
B. Tomodensitométrie : coupe axiale de la mandibule. Elle permet alors de localiser le ou les vaisseaux en cause afin de
faciliter leur contrôle in situ ou de recourir à une embolisation
sélective dans le cadre de la radiologie interventionnelle.
17 Tomodensitométrie :
coupe sagittale du maxil- Au terme de ce bilan lésionnel, un certificat médical initial descriptif
laire. est rédigé de façon précise, notamment à des fins médico-légales ; il
sert en outre de référence lors du suivi du patient.

Traitement primaire
Nous verrons successivement quels en sont les buts, les moyens et
les indications. Il intéresse le plan osseux, mais aussi les structures
de recouvrement, les fractures étant traitées en premier avant la
réparation des parties molles et les sutures muqueuses puis
cutanées. La prise en charge thérapeutique initiale est essentielle
pour prévenir et limiter au maximum les éventuelles séquelles.

OBJECTIFS
Il s’agit, autant que possible, de rétablir la continuité osseuse en
des images tridimensionnelles (fig 18, 19) reconstituant assez
respectant l’anatomie afin de sauvegarder la fonction tout en
fidèlement les traits de fracture et les déplacements [14], bien qu’il
préservant l’esthétique, particulièrement importante à la face. Dans
existe des artefacts parfois trompeurs. certains cas cependant, la conjonction de moyens thérapeutiques
Le bilan tomodensitométrique maxillofacial, réalisé conjointement complémentaires autorise une restauration anatomique imparfaite
au bilan craniocérébral, rachidien ou corps entier selon les cas, comme dans le cas de certaines fractures condyliennes où le respect
permet de gagner du temps dans l’élaboration du bilan lésionnel de la fonction est privilégié.
mais affine aussi ce dernier grâce à ses images de meilleure Globalement, les objectifs majeurs du traitement sont donc le respect
qualité que celles des radiographies standards. Il est ou la restitution conjoints de :

7
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

– l’anatomie ;
20 Ligature d’Ivy.
– la fonction ;
– l’esthétique.

MOYENS
Ils font appel à des procédés fonctionnels, orthopédiques,
chirurgicaux utilisés de façon isolée ou en association. Le rôle de ces
différents procédés est la réduction d’un éventuel déplacement, la
contention en bonne position et l’immobilisation jusqu’à ce que la
consolidation soit acquise. de véritables fiches d’un fixateur endobuccal grâce à la solidité de
l’ancrage dentaire sur les arcades osseuses maxillaires. Ils nécessitent
l’existence d’organes dentaires de bonne qualité et la possibilité de
TRAITEMENTS MÉDICAUX
retrouver l’articulé dentaire de convenance tel qu’il existait avant le
Ils encadrent de façon variable les thérapeutiques précédentes et traumatisme, c’est-à-dire du retour à l’engrènement habituel entre
comportent : les dents maxillaires et les dents mandibulaires. Ils s’adressent donc
– des antibiotiques ; aux fractures de la portion dentée des maxillaires. L’immobilisation
– des antalgiques ; des maxillaires est nécessaire pour un rétablissement précis de
l’occlusion. Elle facilite par ailleurs la consolidation et limite le
– des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou corticoïdes ; risque d’infection tout en prévenant une déformation secondaire.
– une vaccination antitétanique ; Plusieurs procédés sont utilisables, seuls ou en association. La
– des antiémétiques. réduction peut être manuelle ou instrumentale.
On y associe : On fait appel [17] à des ligatures (Leblanc, Ivy, Dautrey, Duclos)
(fig 20), des arcs, malléables de préférence, voire préformés (arc
– une hygiène buccodentaire par brossage doux et régulier des
simple, de Ginestet, de Duclos, de Peri, de Champy, de Pons)
dents et pulvérisations endobuccales après chaque repas ;
solidarisés aux dents par des fils circonférentiels péridentaires et des
– une alimentation adaptée, liquide ou hachée. gouttières réalisées par le prothésiste.
Ces procédés permettent, selon les cas, une réduction puis une
RÉPARATION OSSEUSE contention par immobilisation des foyers fracturaires, mono- ou
bimaxillaires, par l’intermédiaire d’élastiques ou de fils d’acier
¶ Procédés fonctionnels (fig 21). Dans ce dernier cas, qui fait appel à la solidarisation du
Ils concernent la mandibule et sont basés sur la prise d’une maxillaire et de la mandibule, on doit toujours disposer d’un moyen
alimentation semi-liquide les premiers jours, puis mixée pendant de déblocage rapide en cas d’urgence et en particulier lors de la
quelques semaines, et sur la mobilisation prudente de l’arcade survenue de vomissements susceptibles d’être inhalés. Ainsi, une
inférieure avec surveillance clinique et radiologique régulière de paire de ciseaux de type Beebee, ou à défaut une pince permettant
l’absence de déplacement du foyer de fracture, laquelle doit rester de couper le métal, doivent être immédiatement disponibles. Pons a
stable avec un trait favorable par rapport à l’action des forces par ailleurs décrit des moyens de déblocage instantanés permettant
musculaires. de déchirer les élastiques ou de libérer un blocage par fils d’acier.
Quant à la mécanothérapie, elle permet de mobiliser la mandibule à Dans certains cas, on réalise une contention monomaxillaire par
l’aide d’un mécanisme autorisant les mouvements d’abaissement et ligatures en échelle ou par gouttières qui nécessitent la prise
de propulsion dans des conditions aussi physiologiques que préalable d’empreintes.
possible. Il s’agit là d’un traitement complémentaire pour éviter
l’apparition d’une constriction permanente des mâchoires ou pour Lorsque le blocage intermaxillaire est temporaire, comme cela peut
conserver une amplitude suffisante d’ouverture buccale en cas être le cas d’une réduction en bon articulé avant ostéosynthèse d’une
d’atteinte des zones articulaires condyliennes. fracture, deux types de matériels peuvent aussi être utilisés :
– le système IMFy ou Quick Fixy, avec quatre vis dont la tête est
¶ Procédés orthopédiques
percée ; elles sont placées dans l’espace interradiculaire entre canine
Ils reposent sur la présence du système dentaire qui sert à la fois de et première prémolaire en prenant garde aux apex dentaires et sont
repère anatomique pour contrôler l’efficacité de la réduction et aussi reliées deux par deux par un fil métallique (fig 22) ;

21 Blocage intermaxillaire par fils d’acier.


A. Schéma.
B. Photo.

*
B

*
A

8
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10

24 Ostéosynthèses par plaques métalli-


ques vissées.

22 Système de blocage intermaxillaire temporaire.

23 Ostéosynthèses au fil d’acier.

25 Ostéosynthèse mandibulaire par miniplaques.

26 Ostéosynthèse des
– l’emploi de quatre fils d’acier dont une extrémité est reliée à une margelles infra-orbitaires
sphère de plomb ; les fils sont passés entre les prémolaires, la sphère par microplaques.
de plomb restant sur le versant palatin ou lingual des dents, puis
reliés entre eux directement [15].
Il existe d’autres moyens, exobuccaux : il s’agit des frondes, des
appuis péricrâniens plâtrés, de l’appui craniofacial de Darcissac. Ils
ne sont plus d’actualité.
Par ailleurs, les crochets de type Ginestet introduits par voie
percutanée sont utilisés pour la réduction des fractures du malaire,
de même que la pince de Claude Martin pour les fractures du nez.

¶ Procédés chirurgicaux
Ils permettent la réduction des déplacements osseux des portions
dentées et non dentées de la face, ainsi que leur contention et leur
immobilisation. – ostéosynthèse par plaques métalliques, en général en titane, de
forme et de taille diverses (fig 24), relativement malléables et
Procédés intrafocaux adaptables aux reliefs anatomiques, vissées dans la corticale externe ;
Ils sous-entendent l’abord des foyers de fracture par des voies on utilise actuellement, là encore selon les cas, des miniplaques
diverses, cutanées et/ou muqueuses selon leur topographie, et (fig 25) ou des microplaques (fig 26), en fonction de l’épaisseur
parfois par la plaie elle-même si sa taille est suffisante et sa osseuse rencontrée ; les maxiplaques sont plutôt employées pour
localisation adaptée. La réduction est effectuée à « ciel ouvert » au ponter les pertes de substance osseuse (fig 27) ; il est important de
moyen d’instruments divers. bien conformer les plaques au relief rencontré afin qu’elles soient
La contention fait appel à la technique de l’ostéosynthèse dont les totalement inertes lors de leur mise en place ;
variantes peuvent être utilisées séparément ou en association selon – ostéosynthèse par vis bicorticale avec compression ; elle s’adresse
les circonstances et les types de fractures : à la mandibule et reste peu utilisée.
– ostéosynthèse par fil d’acier souple transfixiant bicortical ou L’utilisation de matériels d’ostéosynthèse résorbables est de plus en
cortical externe uniquement (fig 23), après avoir créé une voie de plus répandue. Ces matériels sont constitués d’un polymère d’acide
passage au moyen d’un foret de part et d’autre du foyer ; le fil est lactique et perdent progressivement leur résistance mécanique en
perpendiculaire au trait de fracture ou en X ; plusieurs semaines.

9
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

29 Embrochage transmandibulaire.

27 Maxiplaque (perte de substance de l’angle mandibulaire).


30 Suspensions au fil d’acier.
28 Embrochage maloma-
laire.
A. Schéma.
B. Photo.

*
A

rejoindre (voie sous-angulomaxillaire pour une fracture sous-


condylienne basse) ou l’inverse comme dans l’embrochage
malomalaire (fig 28) où le malaire fracturé est le premier embroché
avant d’être solidarisé au malaire sain.

Procédés extrafocaux
Le matériel utilisé reste à distance du foyer de fracture. On fait appel
à des broches du même type que précédemment ou à un fixateur
externe.
Les broches sont mises en place transversalement ou selon un
montage en X (fig 29).
Le fixateur externe, déjà utilisé par Ginestet, présente un modèle de
petites dimensions adaptable à la face et en particulier à la
mandibule. Il est constitué de fiches ancrées dans l’os et de barres
d’union avec un système de solidarisation entre ces deux éléments.
En regard de la forme particulière de la mandibule dans sa portion
dentée en fer à cheval, ce système rigide peut être remplacé par de
la résine autopolymérisable dont la forme épouse plus étroitement
celle du corpus.
*
B
Procédés parafocaux
Ce sont les suspensions type Adams en position frontolatérale ou
médiofrontale (fig 30) qui solidarisent l’arcade dentaire supérieure à
Procédés transfocaux
la base du crâne par un point fixe. Ils permettent, dans certains cas,
Il s’agit de l’embrochage à l’aide d’une broche métallique de type d’éviter le blocage intermaxillaire et donc de permettre la
Kirschner introduite à distance du foyer de fracture avant de le mobilisation de la mandibule.

10
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10

31 Ligatures en berceau 34 Contention dentaire


de dents subluxées. par résine polymérisable.

visant à éliminer les corps étrangers en assurant une hémostase pas


à pas et un parage a minima, éliminant les tissus nécrosés. Les
différents tissus doivent être manipulés avec précaution de façon à
ne pas aggraver une ischémie possible et l’exploration des lésions
doit être minutieuse.
32 Ligature en berceau d’une incisive centrale supérieure. Le plan muqueux est suturé selon les cas par des points séparés ou
un surjet de fil résorbable, l’intérêt des points séparés étant de
limiter le risque de constitution d’un hématome profond ou d’un
abcès, celui du surjet étant d’assurer une suture étanche protégeant
un matériel d’ostéosynthèse sous-jacent.
Le plan musculaire est suturé par des points séparés de fil résorbable.
Ce plan est important à restaurer pour éviter des dépressions sous-
cutanées inesthétiques, des élargissements cicatriciels et pour assurer
33 Ligature en berceau d’une canine supérieure. la pérennité de la motilité musculaire qui est, par exemple,
Procédés périfocaux particulièrement importante aux lèvres.
C’est l’exemple des cerclages périfracturaires par fil d’acier, utilisés Le plan cutané est lui aussi suturé par des points séparés ou par un
essentiellement sur une prothèse ou sur une gouttière chez l’édenté. surjet avec du matériel non résorbable avec un affrontement parfait,
sans tension, en respectant les lignes de tension, les plis naturels et
ASSOCIATIONS
les unités esthétiques. Il faut particulièrement veiller au respect des
Outre la nécessaire réduction en bon articulé avec blocage points de repère que sont la ligne d’implantation des cheveux, les
intermaxillaire temporaire avant la mise en œuvre d’une sourcils, les paupières, les lèvres et la commissure labiale, ainsi que
ostéosynthèse, il existe des exemples d’une véritable association des
les ailes et les orifices narinaires. En cas de plaie défavorable sur le
procédés thérapeutiques chirurgicaux et orthopédiques laissés en
plan esthétique, on diminue les tensions en les répartissant dans le
place jusqu’à la consolidation osseuse. C’est le cas de l’ancrage d’un
plan sous-cutané. En cas de perte de substance, on peut avoir
système de contention maxillaire (arc ou gouttière) à un point fixe
recours à un lambeau local ou de voisinage pour respecter les sous-
par l’intermédiaire de fils d’acier, par le procédé des suspensions, ce
unités esthétiques et éviter les tractions excessives. Cette attitude
point fixe pouvant être maxillaire (orifice piriforme, rebord orbitaire
contraste avec la consécration temporaire des larges pertes de
inférieur) ou crânien (apophyse orbitaire externe de l’os frontal,
substance par réunion des berges cutanées et muqueuses, technique
arcade zygomatomalaire, paroi crânienne).
que l’on utilise en chirurgie de guerre, en pathologie de masse ou
Un autre exemple est celui des atteintes de la voûte palatine où face à une vaste destruction nécessitant une réparation secondaire
l’embrochage de l’os supra-alvéolaire renforce la stabilisation par un lambeau prélevé à distance.
réalisée par une ligature en échelle.
L’atteinte du nerf facial ou de ses branches, identifiée lors de l’examen
PROBLÈMES DENTAIRES clinique ou de l’exploration chirurgicale, doit être traitée le plus
Les dents situées dans les foyers de fracture, a fortiori si elles sont précocement possible avec un matériel microchirurgical adapté. La
elles-mêmes fracturées ou empêchent une réduction en bonne suture du tronc est systématique. En avant d’une ligne passant par
position, les dents délabrées favorisant la survenue d’un processus le bord antérieur du masséter, cette attitude est plus nuancée.
infectieux et les dents présentant un trait de fracture défavorable
Pour les glandes salivaires, l’atteinte du parenchyme parotidien
sur les racines sont avulsées. On garde au contraire les dents
n’entraîne que rarement une fistule à la peau. Un tarissement
solidement implantées, même si elles sont endommagées, car elles
spontané ou sous pansement compressif est fréquent. Il en va tout
servent d’ancrage pour l’immobilisation des fractures. Les dents
autrement lorsqu’il s’agit d’une lésion du canal excréteur de Sténon
exposées dont la conservation est possible font l’objet d’un
où la fistulisation est quasi constante. La plaie canalaire est repérée
traitement endodontique et d’une surveillance clinique régulière. Les
dents luxées sont réintégrées dans leur alvéole et contenues par des à l’aide d’un produit coloré (bleu de méthylène ou dérivé iodé).
ligatures en berceau (fig 31, 32, 33) ou par une résine polymérisable – Si la suture primaire est impossible, les portions proximale et
(fig 34). distale du canal sont cathétérisées puis le cathéter est suturé à la
Par ailleurs, l’hygiène buccodentaire doit être évaluée de façon muqueuse jugale, avec tunnellisation pour éviter son arrachement,
précise et les foyers infectieux que sont les caries, les kystes et les et maintenu environ 7 jours.
poches parodontales sont éradiqués. Un détartrage est utile dans
– En l’absence de portion proximale individualisable, le cathéter est
tous les cas au décours du traitement.
introduit dans la portion distale du canal et placé dans la profondeur
RÉPARATION DES PARTIES MOLLES de la plaie avant la suture des plans muqueux et cutané.
Elle est réalisée à la suite de la réparation osseuse, en commençant – Si le segment distal du canal n’est pas retrouvé, le cathéter doit
par le plan le plus profond et en progressant plan par plan vers la être placé en bouche à travers la suture muqueuse pour prévenir ou
superficie. Elle débute par un nettoyage soigneux avec brossage diminuer les risques de survenue d’une fistule cutanée salivaire. Un

11
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

tel procédé est plus difficile à réaliser pour la glande sous- – Traitement chirurgical :
mandibulaire en partie en raison de sa position et de ses rapports – embrochage du foyer de fracture par voie d’abord sous-
avec le plancher buccal. En général, l’atteinte de la glande sous- angulomaxillaire avec une broche de type Kirschner selon la
mandibulaire entraîne son exérèse. technique de Stevenson ou un clou-vis type Eckelt [11, 12] ;
Les voies lacrymales sont suturées sur un cathéter laissé en place
pendant 6 mois, le risque de telles lésions, lorsqu’elles sont – abord direct du foyer de fracture [2], réduction et contention par
négligées, étant celui d’un larmoiement persistant par défaut microplaque vissée selon la technique de Cadenat ;
d’amorçage de la pompe lacrymale. – exceptionnellement, condylectomie partielle ou totale en cas de
L’atteinte du pavillon de l’oreille expose aux risques d’othématome, à pulvérisation de la tête condylienne, suivie de la mise en place d’une
évacuer par drainage et à comprimer par bourdonnets, et de prothèse capitale ou d’un greffon chondrocostal.
chondrite, à prévenir par recouvrement précoce du cartilage par un – En cas de fractures multiples : les indications chirurgicales sont plus
lambeau cutané. fréquentes, de même que les associations thérapeutiques. C’est le
cas des fractures bifocales ou trifocales impliquant la symphyse
d’une part et un ou deux condyles d’autre part. Le blocage
RÉÉDUCATION
intermaxillaire initial permet la réduction des déplacements ; la mise
Elle complète bien souvent les traitements précédents en luttant en place de plaques d’ostéosynthèse à la symphyse autorise une
contre la rétraction des parties molles ou en sauvegardant la fonction levée précoce du blocage pour une mobilisation rapide de la
temporomandibulaire par le jeu musculaire. Les atteintes partielles mandibule afin de préserver la fonction articulaire.
dans le territoire du nerf facial peuvent aussi être en partie
compensées par la rééducation musculaire [4]. ¶ Au massif facial [7]

En présence d’un trouble de l’articulé dentaire


INDICATIONS
Elles varient selon la localisation et l’étendue des lésions. • Fractures transversales
¶ À la mandibule [7] Les fractures transversales de type Le Fort sont traitées selon le
schéma suivant :
À la symphyse et à la branche horizontale – la réduction est assurée par traction :
– En l’absence de déplacement : traitement fonctionnel avec – par un instrument, type davier de Rowe et Kiley ;
alimentation liquide et surveillance clinique et radiologique
– sur des arcs métalliques solidarisés aux dents ;
hebdomadaire ou contention monomaxillaire par ligature en échelle
ou arc vestibulaire s’il existe un risque de déplacement secondaire. – rarement, par deux sondes de type Foley passées par les orifices
narinaires et ressorties par la bouche (procédé de Dufourmentel
– Réduction en bon articulé par blocage intermaxillaire ; abord
pouvant entraîner des lésions du voile du palais) ;
endobuccal et contention par fil d’acier associé à un blocage
intermaxillaire ou par plaques d’ostéosynthèse avec levée du blocage – la contention est réalisée par un blocage intermaxillaire en bon
intermaxillaire en fin d’intervention, ce qui permet un retour à la articulé, remplacé par des suspensions en cas de mobilité
fonction plus rapide. On met en place deux plaques à la symphyse persistante ; on peut aussi avoir recours à une ostéosynthèse par fils
et une seule dans la région latérale en raison du jeu musculaire d’acier ou plaques miniaturisées vissées.
défavorable à la symphyse.
• Fractures verticales
À l’angle Les fractures verticales [1] sont réduites et contenues fréquemment
– Réduction et contention orthopédiques par blocage par procédé orthopédique. Elles peuvent également faire l’objet
intermaxillaire. d’une ostéosynthèse par fil d’acier ou plaque miniaturisée vissée.
– Réduction par blocage intermaxillaire ; abord endobuccal, suture En l’absence de troubles de l’articulé dentaire
au fil d’acier sur la corticale externe, poursuite du blocage ou
ostéosynthèse par plaque vissée sur la ligne oblique externe et levée On distingue les fractures du tiers médian des fractures des tiers
du blocage immédiatement ou rapidement, quelques jours après latéraux.
l’intervention.
• Fractures des tiers latéraux
– Réduction chirurgicale par voie endobuccale et contention par
plaque d’ostéosynthèse par voie transjugale à l’aide d’une Les fractures de l’os malaire sont de gravité et donc de traitement
instrumentation adaptée à cette voie d’abord. variables :
– une fracture simple du corps du malaire est réduite par
À la branche montante instrument (crochet de Ginestet, de Duclos, de Freidel) lorsqu’elle
Immobilisation par blocage intermaxillaire pendant quelques jours, est déplacée ; si la réduction est insuffisante et/ou instable, on a
le jeu musculaire étant ici favorable à la réduction des déplacements. recours à des procédés chirurgicaux par des voies d’abord cutanées
et muqueuses qui permettent une correction de la réduction et une
Aux condyles [9] contention par ostéosynthèse ou par ballonnet de Franchebois
introduit dans le sinus maxillaire puis gonflé ; ce ballonnet maintient
– Traitement fonctionnel [13] avec mobilisation en propulsion associée en place le malaire et contribue à soutenir le plancher orbitaire
à des tractions élastiques après une courte immobilisation par lorsqu’il est affaissé ;
blocage intermaxillaire sur cale molaire du côté atteint pour
compenser le déplacement. Dans les fractures extra-articulaires, le – une fracture complexe, associée à des lésions autres de l’orbite
blocage est plus long que dans les fractures intra-articulaires (plancher, paroi médiale, paroi supérieure), nécessite une réduction
(capitales et sous-condyliennes hautes) où il est inutile pour certains et une contention chirurgicales.
ou doit être de très courte durée pour d’autres. C’est la mobilisation Les fractures de l’arcade zygomatique sont également réduites par
précoce, associée ou non à un appareillage dans le cadre de la méthode instrumentale (crochet par voie percutanée, davier par voie
mécanothérapie, qui permet de retrouver une fonction articulaire endobuccale ou temporale de Gillies) et contenues, en cas
physiologique. d’instabilité, par ostéosynthèse par voie temporale.

12
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10

• Fractures du tiers médian ¶ Chez l’enfant


Les fractures de la pyramide nasale sont réduites à l’aide d’un L’utilisation de procédés orthopédiques ne s’accorde pas toujours
instrument (pince de Claude Martin, de Asch) et contenues par avec l’anatomie dentaire et la pusillanimité potentielle du jeune
attelle plâtrée et méchage endonasal. patient. On peut cependant tenter de recourir aux boîtiers collés
Les fractures nasoethmoïdales sont traitées par méthode chirurgicale pour assurer un blocage intermaxillaire. L’utilisation de techniques
en double équipe neurochirurgicale et maxillofaciale, en raison de chirurgicales doit préserver, quant à elle, les germes dentaires. Aux
l’atteinte de la base du crâne. condyles, la surveillance de l’évolution est renforcée en raison du
risque d’ankylose de l’articulation [20] et de troubles de la croissance
Les fractures du sinus frontal [16, 17] sont également opérées en double par atteinte des centres condyliens.
équipe en cas d’atteinte de la paroi postérieure. Si la paroi antérieure
est seule intéressée, son abord chirurgical permet la réduction des ¶ Fractures multiples et comminutives
déplacements et une contention par ostéosynthèse ou une
reconstruction par greffon osseux. En cas de lésion de la paroi Selon les opérateurs, elles sont traitées par des techniques de
postérieure, on réalise une crânialisation en la réséquant réduction fermée ou par la mise en place d’un fixateur externe.
complètement. On pratique de même pour la muqueuse sinusienne
tandis que la cavité ainsi créée et le canal nasofrontal sont obstrués ¶ Soins postopératoires
avec de l’os autologue [17]. – Mise en place d’un pansement légèrement compressif pendant
quelques jours, là où c’est possible, pour limiter les hématomes.
¶ En cas de dislocation faciale – Lubrification des lèvres et des narines pour prévenir fissurations
Mandibule et massif facial sont intéressés. Il s’agit le plus souvent et ulcérations par produit gras ou compresse humide.
d’accidents du trafic ou du travail. On associe les procédés – Protection de la muqueuse labiale, en cas de blocage
orthopédiques et chirurgicaux en se basant sur les éléments les plus intermaxillaire, par morceaux de cire sur les sutures métalliques.
stables pour servir de points d’appui aux structures les plus fragiles.
– Alimentation fractionnée, fréquente, suffisante et adaptée, avec
On débute le schéma de traitement par les réductions et les surveillance du poids :
contentions les plus aisées avant d’aborder les déplacements les plus
complexes. – en l’absence de blocage : alimentation molle et liquide
nécessitant peu de mastication ;
¶ En cas de perte de substance osseuse – en cas de blocage : alimentation liquide fine, équilibrée et
suffisamment calorique avec éventuellement des compléments
Le fixateur externe permet de maintenir les segments osseux en diététiques.
bonne position en attendant un geste de réparation par greffon
osseux ou lambeau composite. De même, la mise en place de – Hygiène buccodentaire chez les patients porteurs d’un blocage
broches de type Kirschner stabilise les foyers, tant à la mandibule intermaxillaire :
qu’à l’étage moyen comme le précise Compère dans le traitement – bains de bouche avec produits à visée antiseptique ;
initial des traumatismes par armes à feu [5].
– brosse à dents souple ;
La reconstruction ultérieure fait appel à des greffons osseux taillés
aux dimensions des pertes de substance, la tomodensitométrie – hydropulseur à faible pression plusieurs fois par jour.
tridimensionnelle participant à l’étude préopératoire. – Surveillance de la vitalité des dents traumatisées ou proches des
foyers fracturaires pendant plusieurs semaines devant le risque de
¶ Chez l’édenté nécrose pulpaire secondaire.

On se sert des prothèses comme moyen d’ancrage. Celles-ci sont


solidarisées aux éléments osseux par des ligatures au fil métallique. Prise en charge des séquelles
Une réduction imparfaite est compensée par la réalisation d’une
prothèse adaptée aux nouvelles conditions anatomiques. Elle se fait à distance du traitement initial et mobilise selon les cas
En l’absence de prothèses, on a recours à une réduction sanglante et les ressources de la chirurgie et de la prothèse maxillofaciale. Là
à une contention par plaque(s) d’ostéosynthèse. encore, les situations sont très variables.

35 Reconstruction d’une margelle infraorbitaire par greffon osseux


pariétal.

13
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie

– Ostéotomie correctrice [ 8 , 1 8 ] en cas de cal vicieux ou de


consolidation en mauvaise position. 36 Reconstruction par substitut osseux
(exemple : corail) : pommette, plancher or-
– Apposition d’un greffon osseux (fig 35) ou d’un substitut osseux bitaire.
(fig 36) [8] en cas de déformation persistante ou de perte de substance
osseuse. Les pertes de substance pluritissulaires peuvent bénéficier
de lambeaux composites apportant os, muscle, tissu cutané avec leur
vascularisation propre [3, 10].
– Orthodontie pour réaligner un secteur, corriger un défaut localisé,
maintenir des espaces avant greffe osseuse ou implantation dentaire.
– Chirurgie correctrice de cicatrices inesthétiques ou de brides
rétractiles gênant la fonction.
– Chirurgie nerveuse ou traitement palliatif d’une paralysie faciale
définitive [16].
– Obturateur dans le cadre de la prothèse maxillofaciale surtout
utilisée dans les vastes délabrements du massif facial et permettant
une certaine réhabilitation esthétique et fonctionnelle en association
avec la chirurgie [6].
– Rééducation par massokinésithérapie associée, selon les cas, à une
mécanothérapie par appareil mobilisateur de l’articulation – Cures thermales avec douches filiformes par projections d’eau à
temporomandibulaire [17]. des pressions et des distances variables.

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