Professional Documents
Culture Documents
Pour These 2
Pour These 2
22-074-A-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Payement G, Paranque AR et Seigneuric JB. Séquelles des traumatismes de la face. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Stomatologie, 22-074-A-10, 2001, 18 p.
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
dépendance des branches terminales du nerf facial. Les téguments complication classique des fractures de la région symphysaire de la
de la face déterminent ainsi diverses régions, résumées dans les mandibule, en particulier lorsqu’elles intéressent les apophyses géni.
unités esthétiques de Gonzales-Ulloa, précisées par Burgett au Il peut évoluer vers un véritable torus mandibulaire, ou plus
niveau des régions nasales et labiales qui sont un guide rarement sous la forme d’un ostéome du plancher buccal antérieur.
incontournable pour le chirurgien réparateur. Enfin, dans l’épaisseur Le port d’une prothèse adjointe peut alors devenir impossible en
de ces téguments, cheminent des éléments vasculonerveux, des l’absence d’ostéoplastie modelante. Il est rarement responsable d’un
conduits salivaires et les voies lacrymales. trouble morphologique, sauf lorsque le processus affecte les contours
basilaires de la mandibule, conséquence le plus souvent d’une
ÉTIOLOGIQUES réduction imparfaite d’un troisième fragment à ce niveau. La
Les étiologies sont connues et classiques. Les accidents de la voie résorption spontanée étant la règle, un geste chirurgical ne sera
publique en sont les plus grands pourvoyeurs en temps de paix éventuellement réalisé qu’après plusieurs mois d’évolution.
malgré les mesures de prévention actives et passives, plus rarement
les rixes, les accidents sportifs par l’avènement des sports de combat
CALS VICIEUX DES MAXILLAIRES
et des sports à haute vélocité, les accidents de travail ou
domestiques. Les tentatives d’autolyse par armes à feu font le lien Les cals vicieux se définissent comme la consolidation en
avec la pathologie des temps de conflits armés où les traumatismes malposition d’un foyer de fracture.
balistiques représentent un phénomène épidémique, alors que les
écrasements sont communs avec la médecine de catastrophe. ¶ Physiopathologie
Relativement rares, les circonstances de survenue sont assez
ANATOMOPATHOLOGIQUES
stéréotypées. Il s’agit d’un retard à la mise en œuvre du traitement
Ces rappels expliquent les lésions anatomopathologiques maxillofacial du fait d’un coma prolongé ou d’un polytraumatisme,
rencontrées. de la méconnaissance d’une malocclusion préexistante corrigée de
Lésions osseuses à type de désunion, fracture franche ou dislocation manière abusive, d’une fracture négligée – en particulier de la région
avec déplacement, comminution, voire disparition des segments condylienne –, d’un défaut de réduction dans les suites d’une
osseux. Ces deux dernières, représentant des circonstances ostéosynthèse rigide (fig 1). Ces dernières imposent en effet une
aggravantes à l’origine d’un taux de séquelles plus important, sont réduction parfaite obtenue par l’usage simultané d’un blocage
à la base de toutes tentatives de catégorisation des lésions maxillomandibulaire peropératoire, parfois oublié ou négligé,
traumatiques. prolongé si besoin de quelques jours, mais aussi d’un contrôle de
Les lésions des parties molles vont de la simple plaie au vaste l’occlusion peropératoire après ostéosynthèse et déblocage. Ceci
délabrement avec ou sans perte de substance, qui conditionne par souligne l’intérêt, malgré son caractère archaïque, du fil d’acier
ailleurs la réparation osseuse et sa couverture. lorsque la réduction n’est pas optimale, laissant de plus grandes
Enfin des lésions des organes nobles peuvent être décrites : les atteintes possibilités d’adaptation pendant la période de blocage
du globe oculaire, à type de contusion ouverte ou fermée, les nerfs postopératoire.
par atteinte anatomique ou sidération physiologique et les lésions A contrario, le cal vicieux peut être le fruit d’un défaut de
canalaires par section ou compression. contention, en particulier lors d’une ostéosynthèse au fil d’acier, qui
Nous étudierons successivement les séquelles à composante impose toujours un blocage maxillomandibulaire concomitant
occlusale au cours des traumatismes des maxillaires, les fractures régulièrement contrôlé et resserré pendant la période de
centrofaciales – en particulier les atteintes de la pyramide nasale –, consolidation. Citons aussi la reprise trop précoce d’une
les fractures latérofaciales avec atteinte de l’orbite, enfin les fractures alimentation inadaptée ou la mobilisation d’une fracture
craniofaciales. condylienne mal engrenée. Enfin, il peut être la conséquence d’une
luxation méniscale méconnue ou d’une malposition du condyle
Traumatismes de la mandibule mandibulaire, rejoignant ainsi l’un des écueils classiques de la
chirurgie orthognathique mandibulaire. L’anomalie se traduit alors
et des maxillaires classiquement par l’apparition d’une déviation de l’arcade au
déblocage.
ÉDENTEMENTS
Les traumatismes des maxillaires peuvent entraîner des édentements ¶ Formes cliniques
soit par atteinte directe des organes dentaires à type de luxations ou
de fractures, soit indirectement par lésions de l’os alvéolaire ou Les expressions du cal vicieux peuvent être occlusales et/ou
dévitalisation, source potentielle de complications infectieuses morphologiques. Les troubles occlusaux mineurs vont de la simple
imposant parfois une avulsion secondaire. Chez l’adulte, selon les interférence cuspidienne précisée au papier à articulé, aux troubles
lésions, les édentations post-traumatiques peuvent bénéficier de majeurs associant contacts prématurés, béance étendue et
l’ensemble des procédés de restauration : prothèse conjointe, latérodéviation. Les troubles morphologiques se présentent sous la
adjointe ou implantoportée en sachant que cette dernière peut être forme d’une asymétrie faciale, dès lors qu’ils déforment ou dévient
rendue difficile par les remaniements ou les pertes osseuses l’arcade ou qu’ils touchent les contours osseux. Très
contemporaines du traumatisme et/ou aggravées par l’édentement. schématiquement comme pour les fractures de la mandibule,
Chez l’enfant, il est possible d’observer des troubles de la croissance l’arcade dentaire est déformée lorsque le cal l’interrompt et il se
ou des dysharmonies dentoalvéolaires par lésions des germes traduit par une malposition globale lorsqu’il se situe en position
dentaires impliquées dans les traits de fractures. De même, l’emploi rétrodentée à la mandibule ou lorsqu’il complique une fracture type
inapproprié des procédés d’ostéosynthèse est susceptible de troubler Le Fort au maxillaire.
l’évolution des dents définitives. Les pertes dentaires posent des À la mandibule, différentes formes cliniques sont susceptibles d’être
problèmes particuliers en raison de la difficulté d’une réhabilitation rencontrées. Un raccourcissement du ramus mandibulaire est source
prothétique en denture lactéale. Il convient cependant de prévenir de contact molaire prématuré avec latérodéviation homolatérale du
les déplacements dentaires par l’emploi de mainteneurs d’espace point interincisif inférieur médian et béance controlatérale. En
afin de permettre une évolution normale de la denture définitive. fonction des séries, il existe entre 1,4 [1] et 13 % [41] de malocclusions
après traitement fonctionnel d’une fracture du condyle
CAL HYPERTROPHIQUE mandibulaire, ce qui justifie pour certains les évolutions récentes
Il s’agit d’une consolidation osseuse évoluant sur un mode concernant le traitement chirurgical par ostéosynthèse des condyles
exophytique. Il n’existe, par définition, aucun retentissement mandibulaires. Le cal vicieux peut aussi toucher, de façon
occlusal, ce qui le distingue du cal vicieux. Il apparaît comme une symétrique ou non, les deux régions condyliennes (fig 2), entraînant
2
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
*
A
*
D
*
B *
E
1 Séquelles d’une fracture de la branche horizontale droite
prise en charge de manière inadaptée.
A. Ostéosynthèse rigide avec défaut de réduction.
B. Téléradiographie de profil objectivant la classe III sque-
lettique.
C. Bout à bout incisif.
D. Montage des modèles d’étude sur articulateur.
E. Panoramique dentaire après OSBM (ostéotomie sagit-
tale bilatérale mandibulaire) de recul mandibulaire indi-
qué sur l’étude des modèles, de l’analyse céphalométrique,
mais aussi des données cliniques (V3 droit conservé).
F. Occlusion postopératoire avant traitement de l’édente-
ment prémolaire inférieur droit.
*
C *
F
un contact molaire prématuré bilatéral, un recul global de l’arcade des fractures comminutives des piliers maxillaires et des condyles
mandibulaire et une béance antérieure. Au niveau de la région mandibulaires, à l’origine d’une perte complète des références
symphysaire, une réduction de la corticale externe en compression anatomiques. L’usage non raisonné des suspensions maxillaires
peut créer une béance corticale interne. Elle a pour conséquence la consacre et aggrave alors la perte de dimension verticale et parfois
formation d’un cal vicieux à l’origine d’une valgisation des régions le recul du plateau maxillopalatin. Au-delà de cette approche
goniaques, avec vestibuloclusie molaire inférieure. Cette situation clinique schématique, il convient de souligner que les cals vicieux
est particulièrement rencontrée dans les fractures trifocales de la sont le plus souvent à l’origine de troubles occlusaux asymétriques
mandibule, ce qui justifie pour l’équipe nantaise la mise en place et atypiques, en particulier dans le cadre de séquelles de fractures
d’un rappel transversal au niveau des régions goniaques [12]. multifocales qui représentent par exemple 53,4 % [31] des fractures
Au maxillaire, une fracture de type Le Fort mal réduite est source mandibulaires selon une étude menée à l’hôpital de la
d’un contact molaire prématuré avec béance antérieure et classe III Pitié-Salpêtrière.
squelettique par rétromaxillie positionnelle, avec ou sans
latérodéviation du point interincisif supérieur. Cette anomalie est ¶ Bilan paraclinique
fréquemment à l’origine d’un excès vertical du tiers inférieur de la
face. Au maximum, on aboutit à une déformation faciale globale Ces lésions doivent être parfaitement documentées pour assurer des
avec excès vertical antérieur et rétrusion de l’étage moyen de la face choix thérapeutiques individuellement adaptés. Il comprend
avec rétromaxillie de type dish-face des auteurs anglo-saxons. Un cal essentiellement la réalisation des modèles d’étude, montés sur
vicieux pérennisant une disjonction intermaxillaire laisse persister articulateur pour les cas complexes (asymétrie, anomalies verticales),
un diastème interincisif médian ou latéral, avec un trouble de des radiographies d’incidences adaptées et des téléradiographies,
l’articulé transversal uni- ou bilatéral, parfois et à l’extrême une avec analyse céphalométrique sur le profil (analyse architecturale de
fistule bucconasale ou buccosinusienne. Citons enfin les formes Delaire), des coupes tomodensitométriques avec reconstruction
complexes ayant pour conséquence une réduction de la dimension tridimensionnelle, qui permettent la réalisation de modèles
verticale de la face consécutive à un traumatisme ayant occasionné stéréolithographiques utilisés par certaines équipes.
3
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
*
B
*
C
*
A
L’ensemble de ces données a pour but de préciser le diagnostic et occlusodontiques ne constituent plus que de simples adjuvants à la
les indications thérapeutiques et d’offrir au chirurgien des moyens chirurgie. De nombreuses attitudes sont valides, mais de façon très
de contention personnalisés (arcs préformés), des guides à la schématique lorsque le cal vicieux déforme l’arcade dentaire, c’est le
réduction peropératoire (plaque d’intercuspidation), des modes traitement direct qui s’impose sous la forme d’une ostéotomie
d’ostéosynthèse optimisés (plaques préformées au vu des modèles intrafocale, éventuellement segmentaire si le cal complique une
stéréolithographiques…). fracture alvéolodentaire. Dans le cas du déplacement ou de la
déviation globale d’une arcade dentaire, il est licite de privilégier les
¶ Traitement tracés classiques employés en chirurgie orthognathique. Lorsque
seul existe un retentissement morphologique, à l’exclusion de tout
Il a pour but la restitution ad integrum de la fonction manducatrice
trouble occlusal, les ostéotomies modelantes, les ostectomies et les
et de la morphologie. Les moyens [43] sont occlusodontiques avec les
greffons osseux d’apposition sont d’indications larges.
meulages sélectifs guidés par le papier à articulé, la prothèse
adjointe ou conjointe, ou orthodontiques, le plus souvent par Quelques situations méritent une analyse particulière. Les cals
technique multiattaches. Les moyens chirurgicaux sont soit directs, vicieux secondaires à une fracture bicondylienne, avec contact
c’est l’ostéotomie intrafocale du foyer de fracture initial, soit molaire prématuré et béance antérieure posent deux problèmes :
indirects, à distance du (ou des) cal(s) vicieux, selon les tracés celui du délai minimal à respecter entre le traumatisme initial et
classiques des ostéotomies d’usage orthognathique. À la mandibule, l’intervention correctrice et celui du site de l’ostéotomie. Une
les ostéotomies les plus employées sont uni- ou bilatérales, intervention trop précoce pose en effet le double problème d’un
symétriques ou asymétriques et sont représentées par l’ostéotomie condyle de consistance insuffisante, gênant sa reposition précise lors
sagittale des branches montantes selon les tracés d’Obwegeser- de l’ostéosynthèse des valves, à l’origine d’une possible
Dalpont I ou Dalpont II, l’ostéotomie rétrospigienne verticale ou en surcorrection et celui de lésions articulaires non stabilisées exposant
L inversé, les ostéotomies segmentaires typiques (Köhle) ou le patient à la récidive [11]. Becking et al [4] ont montré qu’un délai de
atypiques (parfois interruptrices). Au maxillaire, les ostéotomies sont 9 mois était suffisant à la stabilisation de ces lésions. Concernant le
menées le plus souvent selon les tracés de Le Fort I, mais aussi plus site de l’ostéotomie, le chirurgien peut choisir un geste mandibulaire
rarement Le Fort II, III, intermédiaire type Souyris [45], disjonction ou maxillaire. À la mandibule il semble préférable de privilégier
intermaxillaire et ostéotomies segmentaires typiques (Wassmund, l’ostéotomie sagittale des branches montantes, uni- ou bilatérale,
Schuchardt) ou atypiques. À la mandibule et au maxillaire, les souvent asymétrique, avec rotation antihoraire, à l’ostéotomie
ostectomies, les ostéotomies modelantes (dont la génioplastie), les rétrospigienne (même complétée d’une greffe osseuse) pour des
greffons osseux autologues ou les biomatériaux (type corail) utilisés raisons de stabilité. Au maxillaire, l’ostéotomie de type Le Fort I
en apposition peuvent être un appoint indispensable pour des avec impaction postérieure semble donner des résultats plus stables
corrections morphologiques. que ceux obtenus par un geste mandibulaire en cas de béance
Les indications sont très variables selon les formes cliniques. antérieure importante (béance imposant une rotation mandibulaire
Cependant, quelques règles générales guident les indications. Une antihoraire supérieure à 4°). Ce choix impose cependant un
interférence occlusale est traitée par meulage sélectif, guidé par le traitement orthodontique complémentaire car il entraîne une
papier à articulé ; plus complexe, elle peut faire l’objet d’un modification des axes des incisives supérieures. Un geste
traitement orthodontique. Dans le cadre d’un édentement partiel ou bimaxillaire peut enfin être discuté dans les cas de béance antérieure
total, un cal vicieux peut faire l’objet de compensations ou de importante ; il augmenterait la stabilité postopératoire et autorise
révisions prothétiques, adjointes ou conjointes, éventuellement une meilleure répartition des parties molles.
implantoportées si les volumes osseux le permettent. Lorsque les Lorsque le cal vicieux est secondaire à une béance corticale interne
troubles occlusaux sont plus importants, les traitements en région symphysaire, l’ostéotomie doit être intrafocale et la
4
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
5
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
À la mandibule, nous rappelons les possibilités de fixations du nerf alvéolaire inférieur dans son trajet intramandibulaire. Elle
extrafocales qui ne sont de mise, au stade des séquelles, qu’en cas est relativement fréquente au stade initial. La cause peut être
de sepsis patent. Dès lors que leur couverture est assurée de façon traumatique (contusion, plus rarement section du nerf) ou iatrogène
complète par des téguments bien vascularisés, les greffes osseuses lors de l’emploi des procédés d’ostéosynthèse (forage et vissage). Sa
sont une solution de choix. Dans le cas contraire, les greffons osseux récupération est en général lente (6 à 24 mois) pouvant parfois se
assistés et plus encore les transplants libres osseux ou composites faire sur un mode dysesthésique. Le traitement médical initial,
vascularisés, doivent être préférés car ils permettent de reconstruire associant corticothérapie et vitaminothérapie B, est d’une efficacité
« tout en un temps par le même procédé » (Cariou). réduite. Les séquelles algiques sont invalidantes, justifiant la mise
Le clivage sagittal de la mandibule proposé par Peters ou Salins et en œuvre de traitements antidouleurs adaptés (antalgiques majeurs)
Rao [37] est parfois possible lorsque la topographie de la perte de car l’efficacité du traitement chirurgical (neurolyse, décompression,
substance l’autorise. Au stade des séquelles, les difficultés de dénervation...) est souvent incomplète et transitoire.
reconstruction des rétractions tégumentaires associées aux pertes de
substance osseuse ont poussé de nombreux auteurs à appliquer les ¶ Atteintes du nerf infraorbitaire
principes de la distraction osseuse des os longs, développés par
Ilizarov, à la face. Celle-ci permet de traiter l’ensemble des De même au niveau de l’étage moyen de la face, les lésions du nerf
composantes de la perte de substance (osseuse et tégumentaire), infraorbitaire dans son canal infraorbitaire ou à son émergence
supprime l’effet « rustine » des palettes cutanées, crée une muqueuse entraînent hypo- ou anesthésie dans la région génienne. Évolution
adhérente et un vestibule. Cette situation est alors beaucoup plus et traitement sont superposables.
favorable à la mise en œuvre des procédés de réhabilitation
prothétique que sont respectivement l’implantologie ou la prothèse
adjointe. Si le matériel est traditionnellement exobuccal,
actuellement se développent des ancillaires endobuccaux. Le
Traumatismes de l’articulation
traitement orthodontique est l’indispensable complément de toute temporomandibulaire
distraction en présence de séquelles osseuses post-traumatiques
ayant entraîné une bascule du plan d’occlusion ou des
compensations alvéolaires. PHYSIOPATHOLOGIE
Concernant les pertes de substance des maxillaires, nous Les troubles de l’ouverture buccale peuvent aboutir à l’extrême à
soulignerons la primauté des moyens prothétiques obturateurs. Les une constriction permanente des mâchoires, principalement liée aux
indications d’apport osseux sont en principe limités aux cas traumatismes de l’articulation temporomandibulaire (ATM), que
d’amputation alvéolodentaire et/ou tubérositaire, au minimum de ceux-ci soient de nature osseuse ou capsulo-ménisco-ligamentaire.
type II de la classification de Bonan et Devauchelle. Les « lambeaux Les fractures condyliennes représentent une importante proportion
chimériques », basés sur le pédicule infrascapulaire, développés par des fractures de la mandibule (25 à 35 % selon les auteurs) [14] et une
cette même équipe, ont montré tout leur intérêt dans les pertes de entité particulière en raison de la fréquence des séquelles qu’elles
substance complexes de l’étage moyen. induisent. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’elles sont articulaires,
c’est-à-dire capitales, sous-condylienne haute ou basse avec un
important degré de varisation ou de bascule antérieure du fragment
SINUSITES MAXILLAIRES
supérieur [17]. Leur traitement relève d’une grande diversité de
Les sinusites maxillaires post-traumatiques ne sont pas rares. Elles moyens (orthopédiques, chirurgicaux, kinésithérapiques) dont les
peuvent avoir pour origine une ouverture des parois antérolatérales indications et le suivi varient selon les auteurs.
du sinus au niveau de la cavité buccale, une ostéite des petits
D’autres étiologies extra-articulaires, de moindre fréquence, peuvent
fragments osseux papyracés dévascularisés qui composent sa paroi
parfois être en cause ; osseuse, au cours des fractures latérofaciales
antérieure ou un défaut de drainage. Au décours des traumatismes
qui peuvent entraîner un recul de l’os zygomatique et un conflit
de la pyramide nasale, un défaut de ventilation secondaire peut
aussi être responsable. avec le processus coronoïde, ou par réduction du diamètre
transversal de l’anneau zygomatique, par atteinte du processus
La symptomatologie classique, à type d’algies faciales aux zygomatique qui vient limiter le jeu normal du tendon et du muscle
irradiations multiples et de rhinorrhée, impose un bilan radiologique temporal, tégumentaire, en particulier par atteintes des muscles
simple selon l’incidence spécifique de Blondeau à la recherche d’une masticateurs d’origine traumatique ou iatrogène comme les voies
opacité en cadre ou plus rarement d’un niveau liquide. Ce bilan est d’abord temporales ou coronales.
complété par un examen tomodensitométrique précisant l’étendue
des lésions, tandis que la rhinoscopie antérieure, voire l’endoscopie
nasale, visualise la présence de pus au niveau du méat inférieur FORMES CLINIQUES
et/ ou l’état de la cavité sinusienne. Les manifestations
inflammatoires représentent le tiers des atteintes muqueuses (35 %), ¶ Syndrome algodysfonctionnel de l’appareil
devant les polypes (20 %) et les mucocèles (5 %). Les synéchies sont
manducateur (SADAM) et arthrose [16]
habituellement très nombreuses.
Le traitement est essentiellement médical, associant antibiotiques, D’origine articulaire, il convient de différencier les atteintes directes
anti-inflammatoires et soins locaux. En l’absence d’amélioration, une des structures fibreuses et méniscocartilagineuses ou des structures
méatoplastie vise à favoriser la ventilation sinusienne, tandis que le osseuses condyliennes mandibulaire ou temporale responsables de
drainage du sinus maxillaire et son curetage peuvent être réalisés dysfonctionnements précoces de l’appareil manducateur (DAM), des
soit par voie classique de Caldwell-Luc, soit par voie endonasale en atteintes indirectes au cours des malocclusions séquellaires des
association avec l’ablation du matériel d’ostéosynthèse adjacent au traumatismes des maxillaires. La fréquence du SADAM augmente
sinus. en cas de malocclusion préexistante. Enfin, l’emploi de plus en plus
large de procédés d’ostéosynthèse intra- (plaques miniaturisées
vissées [PMV]) ou transfocaux (procédé ECKELT) impose une
TROUBLES NEUROSENSORIELS extrême rigueur dans la qualité de la réduction sous peine
d’apparition précoce de SADAM dans les suites.
¶ Atteintes du nerf alvéolaire inférieur
La symptomatologie associe des manifestations articulaires algiques,
Au niveau de l’étage inférieur de la face, l’anesthésie ou des craquements, des claquements et des manifestations musculaires
l’hypoesthésie dans le territoire labiomentonnier traduit une lésion à type de myalgies avec irradiations, voire de trismus. Ces
6
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
*
A *
B
*
C
*
D *
E
manifestations fonctionnelles sont le plus souvent en rapport avec Chez l’adulte, le maître symptôme est l’apparition progressive d’une
des altérations anatomiques et physiologiques de l’articulation et de limitation de l’ouverture buccale. Celle-ci est mesurée au pied à
l’appareil discal, visualisées grâce à l’imagerie par résonance coulisse pour suivre l’évolution de la maladie. Le chemin
magnétique (IRM) statique et dynamique (Pharaboz). d’ouverture résiduel n’est pas linéaire car il existe une déviation du
Dans le cas de fracture unilatérale, la symptomatologie siège le plus point interincisif inférieur vers le côté ankylosé, correspondant à
souvent du côté sain par perte de l’équilibre articulaire (diminution l’absence de glissement discal lors de l’ouverture buccale. Les
de hauteur de la branche montante du côté lésé ou « hypermobilité troubles de l’articulé et les difficultés d’hygiène peuvent entraîner
compensatrice » du côté sain), parfois du côté atteint où sa des anomalies de la denture et des pathologies du parodonte. Enfin,
symptomatologie peut se confondre avec les signes d’une ankylose l’apparition d’un SADAM est fréquente du côté sain. Le bilan
débutante. radiologique constitué de clichés simples (téléradiographies et
orthopantomogramme) est le plus souvent insuffisant. Il faut faire
Ces lésions peuvent être à l’origine d’une arthrose post-traumatique
appel à la tomodensitométrie (TDM) et à l’IRM pour préciser la
d’apparition plus ou moins retardée, pouvant exceptionnellement
taille, la forme, la situation et la nature du cal, l’état de l’articulation
aboutir à une ankylose temporomandibulaire fibreuse, voire osseuse.
et du disque restant et des parties molles. Cette imagerie permet
une classification anatomopathologique des lésions. Celles-ci
¶ Ankylose temporomandibulaire peuvent être uni- ou bilatérales, respecter partiellement l’articulation
L’ankylose temporomandibulaire trouve son origine dans la ou la détruire complètement.
traumatologie dans deux cas sur trois (25 à 98 % selon les auteurs) [21] L’ankylose peut être de nature fibreuse ou osseuse, les deux
avec une prédominance chez le jeune adulte masculin. Elle pathologies étant superposables, la première précédant
correspond à l’apparition d’un tissu cicatriciel fibreux, osseux ou théoriquement l’autre chronologiquement (fig 4). Il existe plusieurs
mixte unissant la branche montante de la mandibule à la base du classifications reposant sur des arguments cliniques et radiologiques.
crâne. L’évolution d’une fracture condylienne intéressant le système Comme le proposait Dufourmentel, on peut distinguer des
articulaire dépend de sa prise en charge initiale : les séquelles ankyloses partielles ou fibreuses et des ankyloses totales. Les
surviennent en cas de méconnaissance, de mauvaise prise en charge ankyloses partielles peuvent être internes (le long du muscle
ou de blocage mandibulomaxillaire inapproprié ou prolongé. ptérygoïdien latéral en direction de l’épine du sphénoïde),
7
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
*
A *
B
*
C *
D
postérieures (tympanocondyliennes) et latérales (Lachard). Les portion médiale de l’ATM, qu’il convient de reconnaître et de
ankyloses totales sont de véritables synostoses temporocondyliennes préserver lors du traitement chirurgical. Lorsque l’ankylose est
que Topazian décrivait en quatre stades : complète, le bloc osseux soude totalement la branche montante à la
– I : ankylose articulaire (fig 5) ; base du crâne. Son évolution peut être favorisée par la multiplication
des interventions chirurgicales locales. Les difficultés thérapeutiques
– II : bloc dans l’échancrure sigmoïde ; dépendent directement de l’importance et de l’étendue du cal osseux
– III : bloc débordant l’échancrure ; vers l’échancrure sigmoïdienne, à l’origine de la classification de
Topazian mais aussi de la prévention des récidives. En effet, ces
– IV : bloc inclassable.
séquelles exigent une prise en charge secondaire longue, souvent
Au cours de l’ankylose fibreuse, la limitation de l’ouverture buccale
lourde et parfois décevante. La prévention prend donc toute son
est modérée, il n’existe pas d’image radiologique de cal osseux mais
importance avec le développement des moyens iconographiques de
le condyle apparaît augmenté de volume. L’ankylose externe est
diagnostic et des procédures thérapeutiques en constante évolution.
souvent observée dans les suites d’une fracture capitale par
impaction au niveau de la partie externe du condyle temporal. Le Chez l’enfant [51] l’âge de survenue est un élément pronostique
bloc fibreux correspondant à l’ankylose peut être palpable à déterminant. La survenue de fractures condyliennes chez le jeune
l’examen clinique. Il persiste des éléments articulaires dans la enfant, méconnues, négligées ou mal prises en charge, peut entraîner
8
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
a
Trophiques [2, 20, 38, 53]
La revue de la littérature rapporte des cas non rares d’altérations de
la structure même du condyle mandibulaire. Des cas d’ostéomyélite
des conséquences gravissimes au niveau de la croissance faciale, aseptique avec résorption très importante de la tête condylienne sont
d’autant plus importantes qu’elles surviennent précocement avec rapportés avec, pour certains auteurs, une corrélation avec
des retentissements esthétiques et fonctionnels très invalidants. l’utilisation de matériel d’ostéosynthèse dans le traitement de
D’après Couly [26], 30 % des ankyloses observées chez l’enfant sont fractures hautes. Ces troubles ont imposé une résection du tissu
bilatérales et l’étiologie traumatique vient en deuxième position nécrotique et un débridement local.
derrière les causes infectieuses (postsepticémique et postotitique).
Plusieurs auteurs décrivent la formation d’un condyle bifide dans le
En Europe, les étiologies infectieuses [25] cèdent le pas devant la
cadre de fractures sagittales de la tête condylienne. Ces fractures
pathologie traumatique qui, comme chez l’adulte, tend à occuper la
sagittales sont rares et de diagnostic peu aisé, soulignant l’intérêt de
première place. Outre la limitation de l’ouverture buccale, les signes
la TDM. Leur prise en charge repose surtout sur la mécanothérapie.
varient selon la nature de l’ankylose et sont plus ou moins nets en
fonction de la précocité de survenue du traumatisme. Les
Nerveuses [19, 40]
conséquences fonctionnelles se manifestent à différents niveaux. La
fonction ventilatoire peut être altérée, notamment chez le nourrisson Les fractures condyliennes avec luxation importante de la tête
avec hypoxémie, hypercapnie chronique et parfois apparition d’un peuvent entraîner des lésions nerveuses locales des troncs moteurs
syndrome d’apnée du sommeil. L’alimentation est difficile et la ou sensitifs, soit par mécanisme direct (section, élongation), soit par
réduction des apports nutritifs peut retentir sur le développement mécanisme indirect (sidération, compression œdémateuse ou par
général de l’enfant. L’hygiène buccale difficile altère la dentition et hématome). Des atteintes partielles du nerf trijumeau dans ses trois
la denture. Les difficultés de phonation influent de manière territoires ont été rapportées. Elles sont responsables d’hypoesthésies
importante sur les capacités d’apprentissage de l’enfant avec un définitives des territoires du nerf auriculotemporal et du nerf buccal.
retentissement précoce sur le comportement psychologique et social. Un cas d’agueusie complète d’un bord latéral de langue, une
L’ankylose unilatérale est responsable d’un retrait et d’une névralgie dans le territoire du nerf buccal, des syndromes de Frey [10]
latérodéviation du menton, d’une asymétrie faciale, de troubles de (sudation perprandiale avec érythème des zones cutanées innervées
l’occlusion avec attraction verticale du plan d’occlusion vers le côté par le nerf auriculotemporal) ont aussi été décrits. Ces complications
ankylosé (perte de hauteur du maxillaire du côté ankylosé) (fig 6). sont rares et le plus souvent résolutives.
L’ankylose bilatérale aboutit au classique « profil d’oiseau » avec Le nerf facial peut être lésé mais, dans ce cadre, cette complication
une importante rétrognathie mandibulaire pouvant prêter à semble encore plus rare.
confusion avec une maladie de Crouzon (fig 7). Le bilan d’imagerie
simple (téléradiographie, orthopantomogramme) permet d’observer Psychologiques
les modifications de l’architecture osseuse, une diminution de
hauteur et une augmentation de l’épaisseur de la branche montante, Nous avons déjà évoqué les conséquences psychologiques très
une perte de hauteur de l’os maxillaire homolatéral, un trouble de lourdes liées aux ankyloses de l’enfant jeune, responsables de
l’articulé dentaire. L’image de fusion de la branche montante au troubles dysmorphiques. Chez l’adulte, l’altération de la fonction
crâne peut être observée, avec parfois respect d’un pseudo-interligne manducatrice et/ou phonatoire au long cours peut avoir
au niveau de l’articulation. Dans l’ankylose bilatérale, les signes les d’importants retentissements psychologiques chez des patients
plus fréquemment observés sont des images de soudure de la souvent sollicités au niveau thérapeutique et parfois victimes de
mandibule à la base du crâne, une micromandibulie, une encoche récidives. L’intrication avec un SADAM peut entraîner le patient
préangulaire, une incurvation de la branche montante vers l’arrière dans un cercle vicieux où la prise en charge psychologique prend
et une hypertrophie du coroné. La TDM et l’IRM permettent de une place très importante.
préciser l’atteinte de l’ATM, l’étiologie de l’ankylose si celle-ci est
méconnue, l’état des tissus mous de la région et d’orienter le choix TRAITEMENT
thérapeutique.
¶ Préventif
¶ Autres complications.
La prévention passe par un bilan exhaustif et une prise en charge
D’autres séquelles sont décrites, elles peuvent être liées soit à des initiale adaptée. Les moyens actuels d’iconographie doivent
complications immédiates ou tardives non résolutives, soit à la prise permettre d’écarter toute possibilité d’erreur ou d’absence de
en charge thérapeutique. diagnostic. Ainsi, les blocages mandibulomaxillaires prolongés dans
9
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
le cadre de fractures multiples avec fracture condylienne méconnue type de luxations, plus rarement des perforations. Ces anomalies
doivent être définitivement exclus. De même, pour les patients ventilatoires ont des conséquences sur l’aération des sinus
polytraumatisés, l’exploration tomodensitométrique de l’extrémité paranasaux responsables de mucocèles, de sinusites post-
céphalique doit inclure une exploration faciale. traumatiques qui peuvent exposer même à distance à des
Nous ne reviendrons pas sur la prise en charge thérapeutique au complications infectieuses oculo-orbitaires et/ou endocrâniennes.
stade initial qui fait l’objet d’un autre chapitre, elle dépend bien sûr Le diagnostic est clinique : test au miroir de Glatzel, rhinoscopie
du type anatomopathologique de la fracture. Rappelons toutefois antérieure, naso-fibro-sinusoscopie. L’imagerie standard dans les
que d’après Gola, il existe cinq facteurs anatomiques présidant à la trois dimensions de l’espace et surtout l’examen TDM permettent
bonne récupération articulaire, le type de fracture (avec atteinte une analyse de l’ensemble des fosses nasales à la recherche de
articulaire ou pas), le déplacement osseux (luxation de la tête lésions postérieures toujours difficiles à corriger.
condylienne, raccourcissement de la branche montante), l’intégrité La thérapeutique fait appel aux différentes techniques de
de l’appareil discal, la qualité de l’occlusion et la qualité de la septoplasties par voie d’abord endonarinaire ou transcolumellaire
rééducation qui donne une meilleure vision des lésions et facilite les gestes de
décollement et de réparation, en particulier si des greffes en
¶ Curatif apposition paraissent nécessaires.
Le traitement de l’ankylose temporomandibulaire fait l’objet d’un
chapitre très complet dans ce même ouvrage. De manière succincte, SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
il est fonction de l’importance de la lésion, de son type Les séquelles morphologiques sont à analyser dans les trois
anatomopathologique, du type de patient (jeune ou adulte). Nous dimensions de l’espace. Cet examen permet de catégoriser de face et
retiendrons essentiellement que la prise en charge thérapeutique de en incidence verticale des déviations, des asymétries des orifices
l’ankylose pose plusieurs problèmes : la restitution de la fonction narinaires ou des élargissements, de profil des anomalies de l’arête.
manducatrice (équilibre et cinétique), le maintien ou la restitution
de l’occlusion, la correction des troubles de la croissance le cas ¶ Déviations nasales
échéant, enfin et surtout la prévention de la récidive. D’origine osseuse, elles se manifestent par la projection de la
On fait appel à deux types de traitement indissociables : la chirurgie pyramide nasale du côté opposé au traumatisme avec une inégalité
et la rééducation fonctionnelle. de hauteur des os propres du nez. Il peut s’y ajouter des cals
hypertrophiques et un élargissement global du dorsum. La pointe
du nez reste en place et la cloison suit le déplacement de l’auvent
Traumatismes de la pyramide nasale osseux aboutissant à un angle obtus à sommet opposé au
traumatisme. D’origine cartilagineuse, elles sont responsables des
DÉFINITION ET CLASSIFICATION déplacements des deux tiers inférieurs du dorsum et de la pointe
du nez. Généralisées, elles peuvent être simples (rectiligne) ou
Le squelette ostéocartilagineux du nez ne répond pas de manière
complexes en « S » ou en « C », échappant parfois à toute description
uniforme aux forces induites par les traumatismes. Les structures
clinique.
osseuses, os propres du nez, parois latérales et cloison sagittale des
fosses nasales résistent ou se brisent et se déplacent selon la force et Sur le plan thérapeutique toute systématisation est difficile :
la direction des traumatismes. La cloison réagit différemment association d’ostéotomies latérales et médianes avec ou sans
suivant le segment considéré. Ainsi, la lame perpendiculaire se brise résection d’une bosse osseuse, de reposition de la cloison ou de
en cas de fracture des os propres, le vomer résiste en général. Ces septoplastie. Le bilan préopératoire doit préciser l’état des structures
déplacements peuvent par ailleurs être limités à la seule pyramide osseuses et cartilagineuses, le résultat final en dépendant. S’il s’agit
nasale ou s’étendre en arrière vers la région ethmoïdale et/ou l’étage d’un simple déplacement, le résultat peut être satisfaisant alors que
antérieur de la base du crâne. Si le traumatisme atteint le tiers l’existence de solutions de continuité avérées rend le résultat plus
supérieur de la pyramide nasale, la région glabellaire considérée aléatoire.
comme l’un des « pare-chocs » de la face peut jouer le rôle d’un coin ¶ Lésions de l’arête : ensellure
vis-à-vis des structures osseuses papyracées situées en arrière. Les
séquelles peuvent alors être limitées à la seule fonction ventilatoire Les ensellures traumatiques se situent le plus souvent au niveau du
ou s’intégrer au cadre plus vaste des séquelles neurosensorielles des tiers supérieur du dorsum par atteinte des os propres du nez ; plus
traumatismes craniofaciaux. La réaction des cartilages est variable, rarement dans les suites des traumatismes violents, toute l’arête
ceux de la pointe du nez s’effacent devant le traumatisme, ce qui nasale peut avoir disparu. La chirurgie correctrice de ce type de
explique que, sauf en cas de fractures cartilagineuses survenant chez séquelles fait appel le plus souvent aux appositions de greffons
un enfant, ils retrouvent leur forme première une fois libérés. La autologues cartilagineux (fig 8) ou osseux, parfois à des
cloison cartilagineuse est la plus exposée, sa souplesse la protège, biomatériaux comme le corail, exceptionnellement à des greffes
mais elle peut se fracturer et se luxer, entraînant avec elle les car- tissulaires autologues. Plus rarement, la réparation impose, si les os
tilages triangulaires. Elle peut, de plus, s’épaissir par chevauchement propres du nez se sont écartés en s’enfonçant, des ostéotomies
de son cartilage morcelé ou par réaction périchondrale. latérales et médianes pour corriger un élargissement excessif de la
pyramide osseuse.
Si les déformations dépendent surtout des déplacements initiaux des
fragments osseux disjoints par la fracture, il faut aussi tenir compte ¶ Élargissement de la racine du nez et télécanthus
de l’évolution anormale du cal, de la cicatrice fibreuse, rétractile (qui
À l’extrême, cet élargissement de la racine du nez s’intègre dans le
déforme secondairement le cartilage) ou hypertrophique et de la
cadre plus vaste des fractures centrofaciales de type disjonctions
résorption osseuse. Enfin, aux déviations acquises de l’enfance,
orbitonasales avec télécanthus. L’analyse préopératoire est facilitée
s’ajoutent des troubles du développement osseux et cartilagineux
par la TDM avec reconstruction tridimensionnelle. La réparation fait
qui peuvent être à l’origine de troubles de la croissance des
appel à des techniques d’ostéotomies de repositionnement reprenant
maxillaires responsables de troubles dysmorphiques, voire de
les différentes solutions de continuité et de greffes osseuses. La
l’articulé dentaire par défaut de poussée antéropostérieure du
canthopexie transnasale complète la réduction. Cependant, la
complexe septovomérien [48].
spatialisation peropératoire des réductions est difficile, expliquant
les résultats souvent incomplets de ces interventions.
SÉQUELLES FONCTIONNELLES
La fonction respiratoire peut être perturbée par une atteinte de la ¶ Asymétries narinaires
pyramide nasale, génératrice de troubles de la perméabilité Elles peuvent être intrinsèques, conséquences d’une déformation des
narinaire, par sténoses, synéchies muqueuses, atteintes septales à deux tiers supérieurs de la pyramide nasale ou être secondaires à
10
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
"
A2
*
A "
A1
*
B
"
C2
*
C "
C1
une cicatrisation vicieuse qui justifie une chirurgie de libération postérieur du globe, responsables de taies cornéennes cicatricielles,
cartilagineuse ou des plasties cutanées de symétrisation ou de de cataracte post-traumatique, d’aphakie, de troubles du tonus à
résection. Extrinsèques, elles sont en rapport avec des phénomènes type de glaucome ou d’hypotonie pouvant évoluer vers une atrophie
d’attraction des régions voisines. du globe, de décollement rétinien. Elles peuvent en imposer
d’emblée ou secondairement pour une éviscération ou une
énucléation génératrice de séquelles morphologiques que nous
Traumatismes de la région orbitaire reverrons.
La lésion du nerf optique au niveau du canal optique et/ou du
DÉFINITION ET CLASSIFICATION chiasma est responsable d’une baisse de l’acuité visuelle ou d’une
Selon la théorie orbitocentrique développée par Tessier, les fractures amaurose avec mydriase aréactive, abolition du réflexe photomoteur
du squelette de l’orbite sont communes à d’autres régions et à direct et conservation du consensuel, amputation du champ visuel
d’autres organes [52] . Ainsi, les disjonctions craniofaciales, les latéral homonyme ou bitemporal. L’atteinte du nerf optique peut
fractures du frontal, de l’os zygomatique, du maxillaire ou des os être directe par section ou arrachement, mais de manière plus
propres du nez peuvent avoir des retentissements ligamentaires, fréquente indirecte par lésion vasculaire ou compression par un
palpébraux, lacrymaux, musculaires et, par contrecoup, oculo- hématome rétrobulbaire, par une esquille osseuse provenant des
orbitaires. Aussi est-il classique de retrouver ces séquelles aux parois de l’orbite, par des fractures irradiées vers le canal optique
chapitres des fractures fronto-orbitaires, maxillomalaires, naso- ou la fente sphénoïdale. Ces séquelles peuvent être associées à des
ethmoïdo-maxillaires, voire des disjonctions craniofaciales. paralysies oculomotrices responsables de diplopie.
L’intrication est donc importante entre les séquelles fonctionnelles
et morphologiques. Elles sont explorées par des examens spécialisés : ophtalmoscopie,
campimétrie de Goldmann, électrophysiologie (potentiels évoqués
visuels [PEV]) ou imagerie (TDM ou IRM).
SÉQUELLES FONCTIONNELLES
Elles ne peuvent être prévenues ou réduites que par la mise en
Elles sont motrices et sensorielles. œuvre rapide, au stade de l’urgence, des gestes de réparation au
niveau du globe en cas de contusions ouvertes, de réduction en cas
¶ Atteinte de l’acuité et du champ visuel. Cécité
de fractures représentant une menace pour les structures se situant
Elles sont en rapport avec une réduction de l’acuité visuelle partielle au niveau de l’apex orbitaire, de drainage en cas d’hématome
ou totale (amblyopie, cécité) ou une amputation du champ visuel. menaçant [24] . L’association à des traitements médicaux anti-
Les lésions du globe oculaire à type de contusion ouverte ou fermée inflammatoires stéroïdiens et vasodilatateurs permet parfois
peuvent intéresser les structures des segments antérieur et/ou d’obtenir des récupérations partielles.
11
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
12
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
*
A "
A1
*
C *
D
*
B
"
E2
*
E "
E1
¶ Éviscération et/ou énucléation si possible mobile, légère, adaptée au contenu orbitaire, respectant
l’harmonie des fentes palpébrales, des dépressions sus- et sous-
Les éviscérations et/ou énucléations représentent un cas particulier palpébrales grâce aux courbes et aux volumes de sa face antérieure.
en raison du retentissement psychosocial induit par la défiguration. Dans ce but, le traitement initial doit être conservateur, privilégiant
On distingue ainsi des syndromes de l’énucléé mineur et majeur. Le l’éviscération à l’énucléation, mettant en place rapidement un
syndrome mineur se traduit par une énophtalmie avec enfoncement implant le plus proche possible de la taille du globe (20 mL en
prothétique, creux supratarsal et ptôsis. On retrouve parfois un moyenne). Au stade des séquelles, le traitement doit rechercher une
entropion par atteinte du muscle droit inférieur, un ectropion par adaptation contenu-contenant au niveau de la cavité orbitaire, du
migration inférieure de l’implant et de la prothèse avec comblement sac conjonctif par expansion, greffe ou lambeau d’interposition et
du cul-de-sac conjonctival et un pseudoptôsis par défaut de réflexion un renforcement de la sangle orbitopalpébrale (fig 9).
du muscle releveur et du droit supérieur sur le volume orbitaire. Le
syndrome majeur se traduit par une rétraction, voire une atrésie du ¶ Dystopies du cadre orbitaire
sac conjonctival et une rétraction palpébrale sagittale et transversale
par attraction vers l’apex orbitaire aboutissant à une incompétence Les ectopies des fragments osseux appartenant au cadre orbitaire
prothétique. La réhabilitation d’une cavité orbitaire éviscérée ou sont responsables de séquelles morphologiques qui peuvent
énucléée doit redonner une harmonie biocinétique entre l’orbite nécessiter une restauration chirurgicale par ostéotomie, ostectomie
pathologique et l’orbite saine par mise en place d’une prothèse fine, ou apposition osseuse [44] . Le rebord infraorbitaire qui donne
13
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
*
A *
B
14
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
conséquences, le plus souvent associée à une agueusie. Elle peut Le cholestéatome post-traumatique par inclusion épidermique dans
être de deux types : quantitative partielle ou totale, qualitative à type un trait de fracture est rare et se traduit par une otorrhée peu
d’hallucinations olfactives, de parosmie ou plus récemment de abondante et fétide.
cacosmie. Elle peut se compliquer de troubles généraux, en
particulier de la vie sexuelle à type d’impuissance, d’aménorrhée et ¶ En rapport avec des lésions parenchymateuses
de troubles de l’humeur.
Les troubles psychiques en rapport avec des lésions frontales
Le diagnostic repose sur l’olfactométrie, précisé par l’anamnèse, des surviennent en cas de traumatisme craniofacial violent entraînant
examens d’imagerie (TDM, résonance magnétique nucléaire) ou le des lésions suspectées ou avérées de type œdème ou contusion des
compte rendu opératoire dans le cadre de l’exploration de l’étage régions encéphaliques frontales. Ces lésions génèrent des troubles
antérieur extra- ou sous-durale bilatérale dont elle est souvent une multiformes moteurs, sensitifs, sensoriels, mais surtout psychiques
des séquelles obligées. Elle est le plus souvent définitive. avec désorientation temporospatiale, agitation, troubles du
comportement pouvant aller jusqu’à la démence post-traumatique.
Lésions du rocher Le suivi TDM de ces lésions peut mettre en évidence une atrophie
corticale qui pose le problème de l’état antérieur et nécessite de
Elles peuvent générer des séquelles otologiques soit par une fracture
confronter les résultats avec les habitus antérieurs au traumatisme.
du rocher atteignant l’oreille moyenne ou interne, soit par une onde
La thérapeutique fait appel aux différents procédés de la rééducation
de choc induite par le traumatisme sans fracture. L’ensemble des
neurosensorielle encadrée de thérapeutiques anxiolytiques et
structures membraneuses, nerveuses cochléovestibulaires, le nerf
neuroleptiques.
facial et le système tympano-ossiculaire peuvent être atteints.
Dans le cadre de l’épilepsie post-traumatique, l’imputabilité du
Les séquelles otologiques altèrent l’audition et l’équilibre. L’atteinte traumatisme craniofacial est difficile à prouver, d’autant que la
des fonctions auditives peut être partielle ou totale, responsable survenue des manifestations peut être tardive en cas de lésions
d’hypoacousie ou de surdité isolée ou associée à des acouphènes, frontales. Le diagnostic des crises localisées ou généralisées est
plus rarement des hyperacousies douloureuses. Il convient de essentiellement clinique, confirmé par un électroencéphalogramme.
distinguer à l’aide de l’examen clinique, otoscopique, acoumétrique, Le pronostic est modérément favorable, une guérison pouvant être
audiométrique des surdités de transmission, les plus fréquentes, par obtenue dans 50 % des cas environ dans un délai de 4 à 5 ans. Le
sténose du conduit auditif externe, lésions tympaniques ou atteinte syndrome subjectif postcommotionnel des traumatismes crâniens est
de l’oreille moyenne, des surdités de perception, plus rares, par fréquent. Il est rencontré dans 50 à 60 % des traumatismes crâniens.
atteinte labyrinthique ou nerveuse (nerf cochléaire ou auditif) et des Décrit par Pierre Marie, il s’atténue, voire disparaît habituellement
surdités de type mixte, rare en traumatologie. Les vertiges rotatoires dans un délai de 18 mois à 2 ans. Il est le plus souvent de diagnostic
et les troubles de l’équilibre sont fréquents puisque 80 % des patients difficile car à différencier d’une sinistrose décrite par Brissaud ou
ayant subi un traumatisme crânien ont, ou ont eu, des vertiges. Ils d’une simulation et dont la description princeps remonte à la
peuvent être isolés ou associés à des séquelles auditives et entrer Première Guerre mondiale par Mairet et Pieron. Initialement, il s’agit
dans le cadre d’un syndrome vestibulaire périphérique plus souvent d’un syndrome mineur associant une impression de déséquilibre
que radiculaire ou central lorsqu’il s’agit de séquelles traumatiques. accompagnée de signes végétatifs, d’acouphènes, de céphalées
Ils sont la conséquence d’une atteinte labyrinthique au niveau des diffuses résistantes aux antalgiques usuels, d’une asthénie physique
canaux semi-circulaires, du nerf vestibulaire ou du nerf auditif. Sur et psychique et d’une baisse de la libido. Les troubles mnésiques, de
le plan clinique, ils se caractérisent par des vertiges intenses, l’attention, du caractère et du sommeil complètent un tableau qui
rotatoires, accompagnés de nausées, voire de vomissements, d’un régresse habituellement en 1 à 2 mois dans plus d’un cas sur
déséquilibre mis en évidence par l’épreuve de Romberg, la marche deux [42]. La persistance de la symptomatologie au-delà de cette date
aveugle de Babinski-Weill, la déviation des index, l’existence d’un doit faire rechercher des facteurs aggravants [9] tels que l’importance
nystagmus spontané ou induit par le head shaking. Des examens de l’accident initial, l’âge, une atteinte vestibulaire, des douleurs
complémentaires, épreuve calorique, électronystagmographie, le chroniques, l’existence de crises épileptiques ou de problèmes
plus souvent associés à l’exploration de la fonction auditive, psychiatriques. Mais le facteur psychosocial est essentiel, pouvant
s’imposent pour confirmer le diagnostic et préciser la topographie faire évoluer le patient vers une névrose constituée.
des lésions. Le bilan TDM est réalisé dans un plan horizontal de D’autres syndromes ont été rapportés. Parmi ceux-ci, nous insistons
manière millimétrique pour permettre des reconstructions sur les classiques hydrocéphalies post-traumatiques, séquelles
tridimensionnelles. Ils permettent de distinguer les fractures d’hémorragies méningées avec ou sans hypertension intracrânienne
labyrinthiques et extralabyrinthiques ou une ossification et les syndromes parkinsoniens dont la cause traumatique est parfois
labyrinthique post-traumatique dans le bilan d’une cophose. Seule évoquée.
l’IRM permet de découvrir une fibrose post-traumatique et
d’analyser des atteintes parenchymateuses.
SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
La paralysie faciale, dont la fréquence est évaluée entre 20 et 40 %
des fractures du rocher, est une séquelle importante des
¶ Au niveau du bandeau frontal
traumatismes craniofaciaux [55] . Elle doit être dépistée le plus
précocement possible et son évolution suivie par l’examen clinique, Les déformations de l’os frontal sont particulièrement visibles dans
le testing musculaire de Freyss et l’électromyographie. Si une cette région antérieure et exposée au regard, toute anomalie de la
récupération spontanée est possible, elle peut également évoluer convexité « accrochant » la lumière et majorant ainsi l’importance
vers un hémispasme facial postparalysie. Le traitement fait appel, des séquelles. Le mode d’implantation des cheveux est
lorsque les effecteurs musculaires sont fonctionnels, à des procédés éventuellement un facteur aggravant.
de chirurgie réparatrice (anastomose directe, transfaciale, V-VII, Le plus souvent il s’agit d’un enfoncement, plus rarement d’une
XII-VII, spinofaciale), lorsqu’ils sont absents à des procédés de saillie. Dans la région médiofaciale, elle correspond à une atteinte
chirurgie palliative. L’hémispasme facial peut bénéficier de l’emploi de la paroi antérieure du sinus frontal plus ou moins étendue au
de toxine botulique. toit de l’orbite. Plus rarement, il s’agit de vastes pertes de substance
Les douleurs chroniques localisées à type d’otalgies ou diffuses et osseuse, le plus souvent par ostéite d’un volet frontal
pulsatives, pouvant évoquer des accès migraineux, peuvent survenir neurochirurgical qui nécessite une réparation secondaire.
par traumatismes du conduit, de la mastoïde, dans le cadre d’un Latéralement, les anomalies morphologiques entrent dans le cadre
dysfonctionnement de l’ATM ou d’une névralgie du nerf d’Arnold. des dystopies segmentaires ou totales de l’orbite.
À l’extrême, elles peuvent être à l’origine d’angoisse, de troubles du Le bilan TDM précise les limites des solutions de continuité osseuse
sommeil ou d’une dépression réactionnelle. et les rapports avec les téguments de couverture et les éléments
15
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
*
A
*
A *
B
*
C
*
D *
E
dure-mériens sous-jacents. Tous les procédés de cranioplastie A contrario, la présence des cheveux peut masquer certaines
peuvent être proposés : ostectomie, apposition osseuse autologue irrégularités des reliefs. Les plus fréquentes de celles-ci sont
d’os calvarial (fig 11) le plus souvent ou de biomatériaux rigide représentées par les trous de trépan qui peuvent bénéficier d’un
(Biocoralt) ou malléable (Bone Sourcet), ostéoclasie des traits de comblement secondaire. Plus rarement, il peut s’agir de la perte d’un
fracture et réduction en bonne position, voire reconstruction d’un volet temporal d’origine infectieuse. Enfin, il est important de
segment osseux manquant par greffon autologue d’origine rappeler que le prélèvement calvarial, même monocortical, utilisé
calvariale, iliaque, costale ou par biomatériaux de type métallique dans le cadre de la chirurgie des séquelles est lui-même générateur
(titane) ou corail [5] . La stéréolithographie peut être une aide de séquelles morphologiques, surtout s’il est étendu et peut être
précieuse à la réalisation de modèles préfabriqués. Contrairement à atténué par l’emploi de biomatériaux (fig 12).
la région temporale où un simple comblement peut être suffisant, la
région frontale doit bénéficier d’une reconstruction rigide.
Conséquences médicolégales
¶ Au niveau de la voûte
Les voies d’abord cutanées craniofaciales de type Cainrs- Les séquelles post-traumatiques évoquées dans ce chapitre sont par
Unterberger peuvent être à l’origine de séquelles cicatricielles chez définition peu susceptibles d’évolution. Elles peuvent donc faire
le sujet chauve ou porteur de cheveux courts. Le respect des zones l’objet d’une évaluation médicolégale visant à proposer un taux
et du mode d’implantation doit permettre de les limiter. Les d’incapacité fonctionnelle permanente partielle (IPP) susceptible de
séquelles dysesthésiques peuvent parfois être invalidantes. bénéficier d’une indemnisation. Nous évoquerons les taux proposés
16
Stomatologie Séquelles des traumatismes de la face 22-074-A-10
Références ➤
17
22-074-A-10 Séquelles des traumatismes de la face Stomatologie
Références
[1] Amaratunga NA. Mouth opening after release of maxillo- [22] Lahbabi M, Lockhart R, Fleuridas G, Chikhani L, Bertrand [40] Schmidseder R, Scheunemann H. Nerve injury in fractures
mandibular fixation in fracture patients. J Oral Maxillofac JC, Guilbert F. Énophtalmies post-traumatiques. Considé- of the condylar neck. J Maxillofac Surg 1977 ; 5 : 186-190
Surg 1987 ; 45 : 383 rations physiopathologiques et thérapeutiques actuelles.
Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999 ; 100 : 165-174 [41] Silvennoinen U, Iizuka T, Oikarinen K, Lindqvist C. Analysis
[2] Antoniades K, Karakasis D, Elephteriades J. Bifid mandibu- of possible factors leading to problems after non-surgical
lar condyle resulting from a sagittal fracture of the condylar [23] Le Clech G, Bourdinière J, Rivron A, Demoulin PY, Iniges JP, treatment of condylar fractures. J Oral Maxillofac Surg
head. Br J Oral Maxillofac 1994 ; 95 : 157-160 Maréchal V. Infections post-traumatiques du sinus frontal. 1994 ; 52 : 793-799
[3] Barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit Rev Laryngol 1990 ; 111 : 103-105
[42] Société de médecine légale et de criminologie de France.
commun. Concours Méd 1982 ; (n° 25) [24] Li KK, Meara JG, Joseph MP. Reversal of blindness after facial Les séquelles traumatiques. Évaluation médicolégale des
[4] Becking AG, Zijderveld SA, Tuinzing DB. Management of fracture repair by prompt optic nerve decompression. incapacités permanentes en droit commun. Lacassagne,
postraumatic malocclusion caused by condylar process J Oral Maxillofac Surg 1997 ; 55 : 648-650 Lyon, 1991
fractures. J Oral Maxillofac Surg 1998 ; 56 : 1370
[25] Madjidi A, Briat B, Couly G. Ankylose temporo- [43] Souchere B, Braye F, Breton P, Cros P, Freidel M. Cals vicieux
[5] Beziat JL, Freidel M, Dumas P. La réparation du galbe frontal mandibulaire de l’enfant : à propos de 30 observations. Rev de la mandibule : correction fonctionnelle et esthétique.
en traumatologie. Ann Chir Plast 1980 ; 25 : 329-332 Stomatol Chir Maxillofac 1994 ; 95 : 157-160 Rev Stomatol Chir Maxillofac 1992 ; 93 : 190-191
[6] Bonan C. La reconstruction microchirurgicale du plateau
maxillo-palatin. [thèse], Amiens, 1993 [26] Madjidi A, Couly G. Ankyloses temporo-mandibulaires du [44] Souyris F, Caravel JB, Pincemin D. Cal vicieux de malaire et
nourrisson et du jeune enfant. Encycl Méd Chir (Éditions diplopie. Diagnostic différentiel du blow-out. Rev Stomatol
[7] Cariou JL, Payement G, Rochebilière A, Bellavoir A. Le choix Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatolo- Chir Maxillofac 1973 ; 74 : 637-641
du transplant libre composé avec os dans la reconstruction gie, 22-051-C-10, 1995 : 1-5
des pertes de substance interruptrices de la mandibule. [45] Souyris F, Caravel JB, Reynaud JP. Ostéotomies intermédiai-
Ann Chir Plast Esthét 1994 ; 39 : 449-455 [27] Mathog RM, Millstrom RP, Nesi FA. Surgical correction of res de l’étage moyen de la face. Ann Chir Plast 1973 ; 18 :
enophtalmos and diplopia. Arch Otolaryngol Head Neck 149
[8] Coleman SR. Facial recontouring with lipostructure. Clin
Surg 1989 ; 115 : 169-178
Plast Surg 1997 ; 24 : 347-367 [46] Souyris F, Klersy FJ, Jammet P, Payrot C. Malar bone frac-
[9] Collard M. Les vertiges post-traumatiques d’origine cen- [28] Meyer CH, Groos N, Sabatier H, Wilk A. Séquelles à long tures and their sequelae. A statistical study of 1 393 cases
trale. In : Vertiges. Paris : Arnette, 1993 terme des fractures du plancher de l’orbite opérées. À covering a period of 20 years. J Craniomaxillofac Surg 1989 ;
propos d’une série de 242 patients. Rev Stomatol Chir 17 : 64-68
[10] Dhaif G, Kuriakose S, Sleeman D, Brady F. Frey’s syndrome Maxillofac 1998 ; 99 : 149-154
after fracture of the mandibular condyle. Oral Surg Oral [47] Stricker M. L’énophtalmie. In : Chirurgie plastique et répa-
Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1995 ; 80 : 2 [29] Millman AL, Lubkin V, Gerstar M. Three dimensional re- ratrice des paupières et de leurs annexes. Paris : Masson,
[11] Ellis E3rd.. Management of post-traumatic malocclusion construction of the orbit from CT scans and volumetric 1990 : 193
caused by condylar process fractures: discussion. J Oral analysis of orbital fractures. Its role in the evaluation of
enophtalmos. Adv Ophtalmol Plast Reconstr Surg 1987 ; 6 : [48] Stricker M, Raphael B. La croissance pathologique. In :
Maxillofac Surg 1998; 56 : 1374 Croissance craniofaciale normale et pathologique. Reims :
265
[12] Ferri J, Bedhet N, Gordeeff A, Mercier J. Les ouvertures Morfos, 1993
traumatiques de l’arche mandibulaire. Une technique de [30] Motamedi MA, Sadidi A. Delayed cerebrospinal fluid
réparation. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1989 ; 90 : 247-252 leakage after head and facial trauma resulting in meningi- [49] Talbi M, Chiras J, Lalo J, Goudot P, Slama M, Vaillant JM.
tis: a case report. J Oral Maxillofac Surg 1998 ; 56 : 365-367 Énophtalmies post-traumatiques. Rev Stomatol Chir
[13] Freidel M, Gola R. Fractures complexes de l’étage moyen Maxillofac 1990 ; 91 (suppl 1) : 54-56
de la face et de l’étage antérieur de la base du crâne. Résul- [31] Paranque AR. 5 ans de fractures mandibulaires à la Salpê-
tats et séquelles. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1991 ; 92 : trière. Étude rétrospective de 479 dossiers. [mémoire], Uni- [50] Waller PY, Aldegheri A, Tsakoniatis N, Gola R. Énopthalmie
351-353 versité Pierre et Marie Curie, Paris VI, 1998 post-traumatique. Approches pathogénique, diagnosti-
[14] Goga D, Marti G, Ballon G, Laffont J, Gervoson X, Rouma- que et thérapeutique. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1992 ;
[32] Pearl RM. Treatment of enophtalmos. Clin Plast Surg 1992 ; 93 : 298-309
gnou P. Fracture condylienne et atteinte du nerf trijumeau. 19 : 99-111
Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ; 91 : 447-451 [51] Wiltfang J, Halling F, Merten HA, Luhr HG. Gelenkfortsatz-
[15] Gola R, Carreau JP, Faissal A. Le tissu graisseux de l’orbite. [33] Pellerin PH. Les lésions traumatiques cranio-faciales. frakturen des unterkiefers im Kindesalter: Auswirkung auf
Rev Stomatol Chir Maxillofac 1995 ; 96 : 123-136 [thèse], Lille, 1977 Wachstum und Funktion. Dtsch Zahnarztl Z 1991 ; 46 :
[16] Gola R, Chossegros C, Orthlieb JD. Syndrome algo- [34] Péri G, Blanc JL, Mondie JM, Cheynet F, Lepoutre F. La 54-56
dysfonctionnel de l’appareil manducateur. Paris : Masson, reconstruction des pertes de substance interruptrices de la [52] Wolf SA. The influence of Paul Tessier on our current treat-
1995 mandibule. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1989 ; 90 : ment of facial trauma, both in primary care and in the
143-229 management of late sequelae. Clin Plast Surg 1997 ; 24 :
[17] Gola R, Chossegros C, Waller PY, Delmar H, Cheynet F.
Fractures de la région condylienne. Rev Stomatol Chir [35] Rocca A, Ferra M. Les séquelles des fractures du plancher de 515-518
Maxillofac 1992 ; 93 : 70-75 l’orbite. Évaluation du dommage corporel. Rev Stomatol [53] Wu XG, Hong M, Sun KH. Severe osteoarthrosis after frac-
[18] Grant MP, Iliff NT, Manson PN. Strategies for the treatment Chir Maxillofac 1992 ; 93 : 80-84 ture of the mandibular condyle: a clinical and histologic
of enophtalmos. Clin Plast Surg 1997 ; 24 : 539-550 [36] Rogier A. Les préjudices annexes des traumatisés de la face. study of seven patients. J Oral Maxillofac Surg 1994 ; 52 :
[19] Griffiths H, Townend J. Anesthesia of the inferior alveolar Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ; 91 : 473-476 138-142
and lingual nerves as a complication of a fractured condylar [54] Zachariades N, Papavassiliou D, Papademetriou I. The
[37] Salins PC, Rao CB. Immediate reconstruction of the man-
process. J Oral Maxillofac Surg 1999 ; 57 : 77-79 alterations in sensitivity of the infraorbital nerve following
dible after resection by sliding osteotomy: a new tech-
[20] Iisuka T, Lindqvist C, Hallikainen D, Mikkonen P, Paukku P. nique. Br J Oral Maxillofac Surg 1997 ; 35 : 116 fractures of the zygomatico-maxillary complex. J Cranio-
Severe bone resorption and osteoarthrosis after miniplate maxillofac Surg 1990 ; 18 : 315-318
fixation high condylar fractures. A clinical and radiologic [38] Sanders B, McKelvy B, Adams D. Aseptic osteomyelitis and
study of thirteen patients. Oral Surg Oral Med Oral Pathol necrosis of the mandibular condylar head after intracapsu- [55] Zachariades N, Pavassiliou D, Konsolaki E, Dori P, Papade-
1991 ; 72 : 400-407 lar fracture. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1977 ; 43 : metriou J. Post traumatic and postoperative peripheral
665-670 paralysis of the facial nerve. Ann Dent 1993 ; 52 : 9-11
[21] Lachard J, Zattara H, Blanc JL, Cheynet F, Le Retraite G.
Ankyloses temporo-mandibulaires. Encycl Méd Chir (Édi- [39] Sapanet M, Robin D. Réflexions sur le SADAM post- [56] Zapala J, Bartkowski AM, Bartkowski SB. Lacrymal drainage
tions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stoma- traumatique et les problèmes soulevés par son imputabi- system obstruction: management and results obtained in
tologie, 22-056-S-15, 1993 : 1-11 lité. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997 : 98 : 159-163 70 patients. J Craniomaxillofac Surg 1992 ; 20 : 178-183
18
¶ 22-070-A13
Le traitement des fractures de la mandibule bénéficie des progrès de l’imagerie médicale dont les
données, associées à l’examen clinique initial, permettent d’affiner le diagnostic lésionnel. L’avènement
des matériels d’ostéosynthèse, au premier rang desquels se placent les plaques métalliques miniaturisées,
privilégie dans de nombreux cas les procédés chirurgicaux. Une fois les urgences vitales contrôlées, le
traitement des fractures de la mandibule concerne en premier lieu les lésions osseuses. Selon les cas, les
dents et le parodonte, les téguments cutanés et muqueux sont également intéressés par les procédés de
correction ou de restauration. Sont associés à cette prise en charge thérapeutique réparatrice le
traitement médical proprement dit, les mesures d’hygiène buccodentaire et diététiques ainsi que la
rééducation. Enfin, ce type de fracture est susceptible d’entraîner des séquelles diverses nécessitant un
traitement adapté à chacune d’entre elles.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Stomatologie 1
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
2 Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13
Stomatologie 3
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
greffons osseux mais aussi de lambeaux composites qui peuvent Figure 7. Méthodes parafocales : broches de Kirschner reliées par un
être prélevés à distance et revascularisés sur le site receveur. pont en résine.
Les greffons osseux ou ostéochondraux peuvent être iliaques,
costaux ou péroniers pour la plupart. Les lambeaux composites
comportent une composante osseuse associée selon les cas à des
tissus cutanés, aponévrotiques, musculaires. La connaissance de Indications (Fig. 8)
leur microvascularisation permet l’utilisation de ces lambeaux
composites qui sont ensuite branchés sur les vaisseaux artériels
et veineux dépendant du système facial. Les greffons osseux
Traitement fonctionnel
sont ostéosynthésés sur le site receveur au moyen de Il est utilisé en l’absence de déplacement ou de déplacement
miniplaques. minime avec une orientation du trait de fracture favorable par
Le type en est le lambeau de péroné (ou fibulaire) [5, 6] dont rapport à l’action des forces musculaires. Il peut aussi être
la composante osseuse présente des analogies anatomiques avec proposé chez l’enfant en cas de fracture en bois vert ou chez
l’arcade mandibulaire. l’adulte où une fracture peu déplacée sans troubles de l’occlu-
sion est découverte tardivement. Il suppose l’entière coopération
Traitements mixtes éclairée du patient et reste la base du traitement des fractures
L’association de plusieurs types de traitement peut être condyliennes en complément des thérapeutiques orthopédiques
réalisée dans les fractures de la mandibule selon leurs types : ou chirurgicales. [7]
• suture au fil d’acier et blocage intermaxillaire ;
• ostéosynthèse par miniplaque et blocage intermaxillaire ; Traitement orthopédique
• cerclage d’une prothèse dentaire ;
• suture au fil d’acier et contention monomaxillaire ; Il est utilisé seul d’emblée ou en cas de contre-indication au
• blocage intermaxillaire et fixateur externe. traitement chirurgical ou bien comme temps préalable à celui-ci.
4 Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13
Ramus : Coroné :
Condyle
- abstention ou BIM BIM courte durée
Stomatologie 5
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
instable, à la face latérale de la région pour éviter un écarte- • Fracture de l’angle bilatérale : il s’agit d’une fracture particulière-
ment du foyer. L’abord est alors percutané faisant appel à une ment instable. Traitement orthopédique par blocage intermaxil-
instrumentation particulière transjugale. Un abord transcutané laire ou ostéosynthèse par deux miniplaques sont possibles.
sous-angulaire est parfois nécessaire lorsque la fracture reste • Fracture condylienne bilatérale : le traitement primaire est
instable, certains utilisant alors une maxiplaque. orthopédique (blocage sur cale postérieure) ou chirurgical par
En cas de contre-indication au traitement chirurgical, un ostéosynthèse par miniplaque. Il doit être rapidement com-
blocage intermaxillaire est nécessaire. plété par un traitement fonctionnel passif puis actif particu-
Fractures de la portion non dentée. lièrement important ici pour éviter une béance antérieure et
les répercussions néfastes de ce type de fracture sur la
• Fractures de la branche montante (ramus) : l’action des masses
cinétique articulaire.
musculaires massétérine et ptérygoïdienne aboutit à une
Fractures asymétriques. On peut citer les lésions suivantes :
autocontention qui autorise souvent une abstention théra-
• fracture de la région symphysaire et fracture de la branche
peutique. En cas de déplacement persistant, le traitement
horizontale controlatérale ;
chirurgical est délicat quelle que soit la méthode car le foyer
• fracture de la région symphysaire ou de la branche horizon-
de fracture est difficile à aborder. Le traitement est en règle
tale et fracture de l’angle controlatéral ;
orthopédique par blocage intermaxillaire.
• fracture de la région symphysaire ou de la branche horizon-
• Fractures de la région condylienne : les partisans du traitement
tale et fracture condylienne controlatérale.
chirurgical s’affrontent avec ceux du traitement fonction-
Ces associations nécessitent le plus souvent l’ostéosynthèse
nel [8] qui ne permet pas une réduction anatomique parfaite
d’au moins l’un des foyers de fracture avec un blocage inter-
mais préserve la fonction avec un remodelage du condyle, en
maxillaire prolongé en raison de leur instabilité habituelle.
particulier dans les fractures hautes. Le choix du traitement
Fractures plurifocales. Le type en est l’association d’une
dépend de l’expérience de chacun mais aussi du niveau de
fracture de la région symphysaire ou de la branche horizontale
fracture et de l’importance et de la direction du déplacement
avec une fracture condylienne bilatérale : le traitement est
du segment fracturé. [9]
orthopédique et chirurgical. Une ostéosynthèse de la région
C Fractures sous-condyliennes basses : un blocage intermaxillaire symphysaire par plaques miniaturisées vissées est effectuée après
de 8 à 15 jours est réalisé avec des tractions élastiques sur mise en bon articulé et blocage intermaxillaire. Elle permet la
cale molaire pour réduire progressivement le déplacement. levée précoce de ce blocage intermaxillaire réalisé sur cales
Il est suivi d’une mobilisation précoce de la mandibule en molaires et élastiques pour aider à réduire les déplacements
ouverture-fermeture et en propulsion. Le traitement chirur- condyliens et la mise en route rapide de la rééducation.
gical fait appel à un abord rétromandibulaire ou prétragien Fracas et fractures comminutives. Le nombre et la taille souvent
avec mise en place d’une miniplaque d’ostéosynthèse. Une réduite des fragments osseux rendent une ostéosynthèse traumati-
autre technique consiste en un abord indirect sous-angulo- sante avec un risque pour la vitalité des éléments fracturés. Le
mandibulaire, un forage de la branche montante, une traitement orthopédique est, quant à lui, peu compatible avec le
réduction du déplacement et une contention par vissage en manque de stabilité osseuse et l’atteinte fréquente des dents. On
compression selon la méthode d’Eckelt. [10] Cette techni- peut alors avoir recours à un fixateur externe qui permet, après
que, aux difficultés propres, nécessite une expérience réduction, de réaliser une contention à distance.
certaine des opérateurs. [11, 12] Fractures ouvertes, pertes de substance étendues. Les
lésions osseuses, mais aussi cutanées, muqueuses et musculaires,
C Fractures sous-condyliennes hautes : pour certains un blocage
sont particulièrement étendues et peuvent être associées à
intermaxillaire de courte durée, n’excédant pas 8 jours, est
l’atteinte d’éléments nobles vasculaires, neurologiques et
effectué de la même façon que précédemment. Pour
salivaires. La mise en œuvre rapide d’une thérapeutique de
d’autres, le blocage est contre-indiqué en raison des risques sauvetage des fonctions respiratoire et circulatoire est souvent la
d’ankylose précoce. Une intervention chirurgicale peut être règle. Elle est suivie par un bilan des lésions puis par leur
réalisée : elle comporte un abord direct prétragien, une traitement. Deux modalités sont proposées ; elles dépendent des
réduction sanglante et une contention par ostéosynthèse habitudes du chirurgien, des dégâts et du terrain sur lequel ils
par miniplaque vissée. Une autre technique consiste en un se sont produits :
abord indirect sous-angulomandibulaire, un forage de la • maintenir les pièces osseuses restantes en position anatomique au
branche montante, une réduction du déplacement et une moyen d’un dispositif extrafocal représenté par un fixateur
contention au moyen d’une vis d’Eckelt. Dans tous les cas, externe ou des broches de Kirschner (Fig. 9). Consacrer les
une rééducation précoce des mouvements mandibulaires pertes de substance tégumentaires en suturant les plaies
doit être effectuée pour éviter ou diminuer leur limitation. cutanées et muqueuses entre elles. Réaliser rapidement la
C Fractures capitales : certains préconisent une mobilisation réparation de l’ensemble des pertes de substance en apportant
précoce avec ou sans blocage de courte durée par élastiques du tissu prélevé dans la région ou à distance et revascularisé
sur cale molaire. D’autres auteurs sont partisans d’une in situ sur les vaisseaux faciaux. Le greffon osseux, conformé
à la perte de substance, est le plus souvent ostéosynthésé ;
intervention chirurgicale avec abord direct du condyle,
• effectuer la réparation de l’ensemble des pertes de substance
résection de la tête et remplacement de celle-ci par un
de façon immédiate selon les mêmes modalités de prélève-
greffon osseux ou ostéochondral ou par une prothèse. Là
ment et de mise en place. La qualité des tissus prélevés et la
encore, la rééducation précoce est de règle. richesse vasculaire de la face autorisent de plus en plus ce
• Fractures de l’apophyse coronoïde : le traitement chirurgical est type de traitement.
rarement indiqué et un blocage de courte durée peut être Dans les deux cas, des « retouches » chirurgicales multiples
utilisé à titre antalgique. La rééducation doit permettre de sont nécessaires pour affiner l’épaisseur des tissus apportés et
juguler une limitation de l’ouverture buccale par atteinte du améliorer le résultat final, esthétique et fonctionnel.
muscle temporal (hématome, rétraction). Fractures régionales associées. L’association de fractures du
Fractures déplacées, bilatérales. massif facial voire du crâne complique d’autant le traitement
Fractures symétriques. qu’elles résultent pour la plupart d’un traumatisme très violent
• Fracture parasymphysaire bilatérale : le traitement est de préfé- entraînant des lésions multiples ; on peut se retrouver face à un
rence chirurgical avec ostéosynthèse par plaques miniaturisées véritable puzzle osseux.
vissées en raison du risque d’instabilité du segment osseux La stratégie thérapeutique commande alors de traiter d’abord
intermédiaire. On peut également réaliser un blocage intermaxil- la mandibule par des moyens chirurgicaux, si possible par
laire ou associer les deux procédés. Quelle que soit la technique ostéosynthèse, sinon par fixation externe. L’arcade mandibulaire
utilisée, la réduction du déplacement constitue une urgence en va ainsi constituer un point de repère fixe permettant de
raison du risque asphyxique lié à la glossoptose. stabiliser le massif facial par blocage intermaxillaire. Une fois
6 Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13
■ Traitement médical
Le traitement médical encadre le traitement orthopédique ou
chirurgical des fractures de la mandibule. Outre les mesures de
réanimation évoquées au début de cet exposé, il comporte la
prescription :
• d’antalgiques voire d’analgésiques majeurs dont l’action sera
aidée par l’immobilisation initiale de la mandibule au moyen
d’une fronde, en particulier lors de l’évacuation du blessé ;
• d’antiœdémateux au premier rang desquels se trouvent les
Figure 9. Perte de substance interruptrice : dispositif extrafocal de corticoïdes. L’application de vessie de glace contribue large-
maintien des pièces osseuses. ment à diminuer l’œdème périfracturaire ;
• d’antibiotiques en particulier dans les fractures de la portion
dentée de la mandibule considérées comme des fractures ouvertes
cette stabilisation acquise, le traitement des étages supérieurs de
à la peau ou à la muqueuse. Cet usage n’est cependant pas
la face et du crâne pourra être entrepris.
systématique pour certains qui le réservent aux fractures compor-
Cas particuliers tant des plaies délabrées, opérées tardivement ou associées à une
Chez l’enfant. Le traitement orthopédique classique des fractures hygiène buccodentaire douteuse. L’association de l’amoxycilline
de la portion dentée est rendu difficile par l’anatomie particulière et de l’acide clavulanique est classiquement utilisée de façon
des dents lactéales. Une contention monomaxillaire ou un blocage isolée ou accompagnée du métronidazole ; elle est remplacée en
intermaxillaire peuvent néanmoins être réalisés au moyen de cas d’allergie à la pénicilline par des macrolides également
brackets collés qui remplacent les ligatures péridentaires. associés au métronidazole.
Le traitement chirurgical doit prendre en compte la présence La prophylaxie antitétanique est contrôlée et éventuellement
des germes des dents définitives et la contention doit être mise à jour. Les plaies cutanées et buccales sont désinfectées à
réalisée au plus près du bord basilaire. la Bétadine® ou au benzalkomium en cas d’allergie à l’iode.
Les fractures de la région condylienne répondent aux mêmes Enfin, l’aspect psychologique ne doit pas être négligé face à
types de traitement que pour l’adulte mais la surveillance doit ces blessés qui ne voient pas directement leurs blessures, qui
être renforcée en raison du risque majeur d’ankylose et de peuvent s’inquiéter d’un écoulement sanguin ou d’une ferme-
dysmorphose secondaire dans ce contexte. ture buccale incomplète ou douloureuse et qui ont pu être
Chez le vieillard. L’état général, l’existence de tares médicales choqués par les circonstances de survenue du traumatisme. Les
peuvent entraîner une contre-indication au traitement chirurgical. rassurer quant à l’état de leurs lésions et expliquer les choix
Le traitement orthopédique alors mis en œuvre suppose le thérapeutiques revient au praticien. Dans certains cas, la
contrôle d’une nutrition suffisante pour éviter l’affaiblissement
prescription d’anxiolytiques peut s’avérer nécessaire.
d’un patient handicapé par la contrainte d’un blocage inter-
maxillaire prolongé.
Chez l’édenté. L’absence des repères de réduction et des
moyens de contention que constituent les dents peut nécessiter ■ Diététique et hygiène
le recours à un traitement chirurgical.
Chez l’édenté total appareillé, les prothèses constituent des buccodentaire
repères des déplacements osseux et permettent une contention
par blocage intermaxillaire. Elles sont solidarisées à l’os au Face à une fracture de la mandibule, l’impossibilité de
moyen de ligatures périosseuses ou transosseuses après avoir été s’alimenter de façon habituelle est évidente. L’alimentation
munies de crochets permettant de réaliser le blocage ce qui liquide initiale devient une nécessité parce qu’elle fait partie du
constitue une méthode mixte orthopédique et chirurgicale. traitement dans les prises en charge fonctionnelles mais aussi en
Chez l’édenté partiel, on peut fixer des cales en résine sur cas de blocage intermaxillaire et même d’ostéosynthèse par
l’arc pour ne pas perdre de hauteur lors du blocage en particu- mini-plaque où les sollicitations osseuses postopératoires
lier dans le secteur molaire. immédiates doivent être minimes.
Selon le traitement, les aliments seront épaissis plus ou moins
rapidement. Il faut expliquer au patient la nécessité de ce type
■ Traitement dentaire d’alimentation, le rassurer quant aux possibilités de se nourrir
Les dents luxées ou impactées doivent être remises dans leur malgré un blocage intermaxillaire et le prévenir d’une perte de
position initiale sur l’arcade avant tout traitement osseux afin de poids habituelle de quelques kilogrammes qui sera quotidienne-
pouvoir au mieux reconstituer l’articulé dentaire qui sert de ment surveillée. Les prises alimentaires sont fractionnées dans la
référence. Leur vitalité doit être surveillée ; un traitement endoca- journée, les repas étant dans la mesure du possible préparés
nalaire est nécessaire en cas de mortification immédiate ou devant le patient afin de faciliter son appétence. La ration
secondaire. calorique doit être contrôlée et éventuellement complétée par
Les dents trop délabrées constituent un facteur de contamination des préparations du commerce.
et sont donc avulsées de même que celles qui gênent la réduction L’hygiène buccodentaire doit être la plus rigoureuse possible,
des déplacements, en particulier au niveau de l’angle où la dent de en particulier en cas de blocage intermaxillaire, et là aussi être
sagesse peut constituer un obstacle irréductible. Il faut cependant bien expliquée au patient. Le brossage régulier des dents associé
être économe de l’os à ce niveau pour ne pas compromettre la aux bains de bouche et aux pulvérisations endobuccales sont
stabilité du foyer de fracture et la consolidation. indispensables, en particulier après chaque prise alimentaire.
Stomatologie 7
22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F., Giraud O. Traitement des fractures de la mandibule. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie,
22-070-A13, 2005.
8 Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-073-A-10 (2004)
22-073-A-10
Traumatismes craniofaciaux
O. Giraud
F. de Soultrait
O. Goasguen
Résumé. – Les traumatismes craniofaciaux intéressent de manière concomitante la face et le crâne, en
G. Thiery
particulier au niveau de la partie antérieure de la base de celui-ci. Leur gravité tient tout d’abord dans leur
D. Cantaloube
risque létal, en raison de la possible atteinte de l’encéphale et d’effraction de la dure-mère. Ils ont aussi un
retentissement majeur d’ordre fonctionnel, visuel, olfactif, voire masticatoire et également d’ordre esthétique.
Les mécanismes en cause sont variés et les nombreuses classifications proposées rendent compte de leur
complexité. Différents tissus et éléments importants de la face et du crâne peuvent être concernés. L’atteinte
craniofaciale peut être centrale, latérale ou combinée, résultant dans ce cas de traumatismes très violents,
souvent associés à des lésions multiples, viscérales et orthopédiques aggravant le pronostic. La prise en
charge des blessés craniofaciaux doit être immédiate, dès les lieux de l’accident. Le diagnostic lésionnel repose
sur l’examen clinique, neurologique et maxillofacial, et sur les moyens modernes de l’imagerie médicale, au
premier rang desquels se trouve la tomodensitométrie. Les risques de complications conditionnent la prise en
charge des traumatismes craniofaciaux. Ils sont essentiellement représentés par l’existence, la persistance ou
la récidive d’un écoulement de liquide cérébrospinal par brèche ostéoméningée avec risque de méningite.
Néanmoins, ces rhinorrhées sont de mieux en mieux diagnostiquées et prises en charge, en particulier grâce
aux techniques d’exploration et de réparation endoscopiques transnarinaires. Le traitement chirurgical
comprend selon les cas, et après réduction des fractures, des procédés de réparation osseuse tels que
l’ostéosynthèse par plaques métalliques et l’utilisation de greffons osseux en cas de fractures comminutives ou
de pertes de substance étendues. Les lésions de la dure-mère doivent également être réparées lorsqu’elles
donnent lieu à une rhinorrhée abondante ou ne se tarissant pas spontanément. Le devenir du sinus frontal, en
première ligne dans ces traumatismes, dépend de l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure, de son
plancher et du canal nasofrontal. Ce type de traumatismes montre la nécessité d’une collaboration étroite
entre chirurgiens maxillofaciaux, neurochirurgiens et oto-rhino-laryngologistes pour conduire un traitement
primaire définitif en un temps, auquel sont associés les ophtalmologistes et les anesthésistes-réanimateurs.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction des parties molles ainsi que des éléments nobles qu’elles renferment,
tout particulièrement la dure-mère qui enveloppe et protège
Les traumatismes craniofaciaux (TCF) associent des lésions l’encéphale. Ils deviennent ainsi susceptibles de mettre en jeu le
traumatiques ouvertes ou fermées intéressant à la fois la face et la pronostic vital dans des délais et selon des modalités variables
boîte crânienne, principalement la partie antérieure de celle-ci, ainsi suivant le type d’atteinte.
que les éléments qu’elles abritent. Sur le plan anatomique, la région craniofaciale présente un
Ils concernent une zone frontière particulière fréquemment désignée agencement rendu particulièrement complexe par ses nombreux
sous le vocable de confins craniofaciaux ; il s’agit là d’un véritable éléments étroitement liés les uns aux autres, alternativement
carrefour anatomique qui comporte de nombreux éléments dont résistants ou vulnérables aux chocs du fait de caractéristiques
l’importance vitale, fonctionnelle et esthétique fait toute la gravité structurelles et biomécaniques variables.
des atteintes de cette région. Le traitement des lésions des différentes structures craniofaciales
Souvent liés à des chocs violents, ces traumatismes peuvent n’est donc pas univoque. Il doit s’attacher à restaurer la morphologie
entraîner des lésions importantes des diverses structures osseuses et de cette entité en préservant les fonctions et les rapports avec la
voûte et la base du crâne en haut et en arrière et avec la mandibule
en bas, afin de reconstituer un ensemble céphalique cohérent.
O. Giraud (Chirurgien maxillofacial des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint)
Dans la grande majorité des cas, ce sont les lésions intracrâniennes
Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, qui conditionnent le pronostic vital initial, les lésions de la face
avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. tolérant quant à elles plus couramment une prise en charge
F. de Soultrait (Neurochirurgien des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint)
Adresse e-mail: ncpercy@club-internet.fr légèrement différée.
O. Goasguen (Assistant des Hôpitaux des Armées)
Service de neurochirurgie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse. BP 406,
Le traitement doit être idéalement rapide et complet, suivant ainsi
92141 Clamart cedex, France. la règle des quatre T édictée par Jean Pons : traiter Tout, Tôt,
G. Thiery (Assistant des Hôpitaux des Armées)
Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’Instruction des Armées Laveran, 4, boulevard
Totalement, en un Temps.
A.-Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France. Il est réalisé au mieux par une équipe multidisciplinaire associant
D. Cantaloube (Professeur agrégé du Val de Grâce, chef de service)
Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101,
neurochirurgiens, chirurgiens maxillofaciaux, ophtalmologistes et
avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. réanimateurs.
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
Épidémiologie
1 Figure 2 Vue de face de
la région orbitomalaire :
Les traumatismes craniofaciaux représentent des atteintes fréquentes portion postérieure de l’or-
de la face et du crâne. Ils sont provoqués par des chocs, le plus 2 bite. 1. Trou optique ; 2.
souvent très violents dans leur intensité et leur vélocité, liés gouttière lacrymale ; 3. fis-
essentiellement aux accidents de la voie publique. La vitesse 4 sure orbitaire inférieure ; 4.
excessive diminue voire annule la protection conférée par les zones fissure orbitaire supérieure.
d’absorption des chocs, qui ont été largement développées ces
dernières années dans la conception des véhicules automobiles. La
ceinture et les coussins gonflables de sécurité ainsi que les casques
3
des motocyclistes n’offrent quant à eux qu’une protection limitée à
grande vitesse.
Plus rarement, on retrouve de tels traumatismes à la suite
d’accidents du travail (chute d’échafaudage, éclatement de roue
d’engin de chantier par exemple), d’accidents de sport (montagne)
ou d’agressions avec des objets contondants, mais aussi de tentatives
ÉTAGE SUPÉRIEUR DE LA FACE
de suicide par armes à feu.
Les traumatismes craniofaciaux sont rarement isolés et sont Appendu à la base du crâne, il s’articule avec la région frontale de
habituellement associés à des lésions endocrâniennes et la voûte crânienne au niveau de la suture frontonasale au centre, et
ophtalmologiques mais aussi du reste du massif facial et de la des deux sutures frontomalaires latéralement.
mandibule, ceci en raison même de l’importance des forces Le tiers médian est composé des os propres du nez et de la partie
appliquées à l’extrémité céphalique naturellement peu protégée. Ils médiale des orbites, tandis que les tiers latéraux sont constitués par
entrent également souvent dans le cadre d’un polytraumatisme, la partie latérale des orbites (située en dehors de la fissure
majorant alors la mise en jeu du pronostic vital par l’altération des supraorbitaire) et le pilier frontal de l’os zygomatique.
fonctions respiratoires, cardiocirculatoires ou neurologiques. La paroi latérale des orbites est très épaisse ; elle constitue un pilier
Les lésions liées à ces traumatismes particulièrement vulnérants de résistance aux chocs dans sa partie antérieure et est en rapport
peuvent être d’une telle gravité qu’elles échappent à toute direct avec la voûte crânienne en rejoignant la paroi latérale de
description classique, comportant un nombre important de fractures celle-ci.
comminutives et de pertes de substance de localisation et L’orbite constitue une autre entité anatomique intéressée dans ces
d’importance variables. traumatismes, qu’ils soient médians ou latéraux. Sa partie antérieure
Par ailleurs, l’amélioration constante des moyens d’évacuation et des est constituée par un rebord ou margelle et par quatre parois qui
techniques de réanimation utilisés dans ce type de traumatismes a maintiennent le globe oculaire qui est mobilisé par les muscles
pour conséquence de voir augmenter le nombre de traumatisés moteurs oculaires. Sa partie postérieure (Fig. 2) comporte à l’apex le
craniofaciaux admis dans les centres de traitement des grandes trou optique, orifice antérieur du canal optique où cheminent le nerf
villes. optique et l’artère ophtalmique. La fissure orbitaire supérieure est
également située au fond du cône orbitaire, à l’angle supéroexterne
Rappel anatomique de l’apex orbitaire (Fig. 3). Elle est le lieu de passage d’autres
éléments nobles : veines ophtalmiques, nerfs moteurs oculaires
Les traumatismes craniofaciaux concernent une région particulière commun (III) et externe (VI), nerf pathétique (IV), branches
où s’unissent de façon intime le « crâne facial » et le « crâne lacrymale, nasale et frontale du nerf ophtalmique (V1), première
cérébral » des anatomistes (Fig. 1). Il s’agit de la réunion entre, d’une branche du nerf trijumeau (V).
part, l’étage supérieur de la face, et d’autre part, l’étage antérieur de La partie médiale de l’orbite est en relation étroite avec le complexe
la base du crâne et la partie frontale de la voûte crânienne qui la ethmoïdal. Par ailleurs, elle est en rapport, d’une part avec le
coiffe et dont l’épaisseur varie selon les individus et la localisation. ligament palpébral interne et ses deux tendons et d’autre part, avec
L’os frontal constitue la clé de voûte d’un ensemble anatomique les voies lacrymales dont la gouttière lacrymale et le canal
particulièrement complexe, formé également du côté crânien par le lacrymonasal qui lui fait suite puis s’ouvre au niveau du méat
sphénoïde et l’ethmoïde, qui relient le squelette du massif facial à la inférieur de la cavité nasale. La paroi médiale, particulièrement
base du crâne. mince, constitue un élément de fragilité. L’angle supéro-interne
A B
2
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
1
12 2
11
1
10
11
9 3
8 4
7 2 5
10
6
6 3
5 7
4 9
8
Figure 3 Coupe frontale de la fissure orbitaire supérieure et du trou optique avec
leurs éléments de passage. 1. Nerf optique (II) ; 2. artère ophtalmique ; 3. nerf nasal
(V1) ; 4. veine ophtalmique inférieure ; 5. branche inférieure du nerf oculomoteur (III) ;
Figure 5 Coupe frontale passant par le milieu de l’orbite montrant les rapports en-
6. veine ophtalmique supérieure ; 7. nerf abducens (VI) ; 8. branche supérieure du nerf
tre le sinus frontal, les cellules ethmoïdales et les fosses nasales. 1. Crista galli ; 2. lame
oculomoteur (III) ; 9. nerf trochléaire (IV) ; 10. nerf frontal (V1) ; 11. nerf lacrymal
criblée de l’ethmoïde ; 3. cornet supérieur ; 4. lame perpendiculaire de l’ethmoïde ; 5. or-
(V1).
bite ; 6. fosses nasales ; 7. sinus maxillaire ; 8. vomer ; 9. cornet inférieur ; 10. cornet
moyen ; 11. cellules ethmoïdales ; 12. sinus frontal.
3
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
1
Éléments de biomécanique
7 Les études classiques décrivent, tant au niveau du massif facial que
6 2 du crâne, des zones de forte résistance aux traumatismes et des
zones plus fragiles.
Les premières sont celles où vont s’épuiser les forces traumatiques
6 3 jusqu’au point de rupture où se produit la fracture ; les zones plus
5
fragiles se rompent pour des forces de moindre importance mais
4 permettent l’absorption d’une partie de l’énergie de l’impact, ce qui
5
épargne les structures avoisinantes.
8 Au niveau du massif facial, [7] les zones de résistance sont constituées
9 2
par des piliers : ce sont des coulées d’os compact destinées à
absorber l’énergie des forces appliquées au massif facial, en
particulier celles de la mastication qui sont de direction verticale. Il
est décrit trois piliers superficiels (antérieur, latéral et postérieur) et
un pilier profond qui s’étend du palatin au corps du sphénoïde.
Cette disposition ne protège guère des traumatismes de direction
horizontale. L’os spongieux est organisé en travées entre ces piliers,
tandis qu’on trouve un os particulièrement fin, papyracé, au niveau
Figure 6 Coupe sagittale des fosses nasales montrant la paroi latérale. Communi- de l’ethmoïde et du plancher orbitaire. Cet os permet d’alléger le
cation avec les sinus paranasaux. 1. Dure-mère ; 2. sinus frontal ; 3. cornet moyen ; 4. squelette mais n’offre aucun caractère protecteur.
cornet inférieur ; 5. sinus sphénoïdal ; 6. cellules ethmoïdales postérieures ; 7. bulbe et Au niveau de la base et de la voûte du crâne, est décrit un système
nerfs olfactifs ; 8. sinus maxillaire ; 9. cellules ethmoïdales antérieures.
d’arcs-boutants et d’entre-boutants (toit des orbites). Les entre-
boutants constituent des zones de faiblesse. Les arcs-boutants,
crânienne moyenne en arrière. À sa partie postérieure médiane, il
éléments de solidité, présentent eux aussi cependant des points de
forme la selle turcique qui abrite la glande hypophyse, bordée par
fragilité (lame criblée de l’ethmoïde, canal optique, fissure orbitaire
deux gros lacs veineux aux parois constituées de dure-mère : les
supérieure).
sinus caverneux. Ceux-ci sont traversés par les artères carotides
internes à leur entrée dans la boîte crânienne. Si l’os de la voûte crânienne est épais, sauf au niveau du sinus
frontal, celui de la base du crâne est fin et fragile.
¶ La dure-mère Des études plus récentes [45] font référence à un concept d’unités
anatomiques regroupant des éléments osseux, en distinguant au
Elle tapisse la face interne de la boîte crânienne. C’est-à-dire, pour la
niveau de la sphère craniofaciale des zones superficielles et
partie qui nous intéresse, dans le plan vertical, la face endocrânienne
profondes, d’une part, et une région centrale et deux régions
de l’os frontal en avant et latéralement, mais également, dans le plan
latérales, d’autre part :
horizontal, la face supérieure de la fosse crânienne antérieure,
représentée de chaque côté par le toit des orbites et les gouttières – au niveau de la région centrale :
olfactives. Elle forme une enveloppe fibreuse et résistante, constituée
de deux feuillets : – en surface, l’os frontal forme une unité mécanique avec les os
centraux de la face, et l’on peut décrire un pilier superficiel
– d’une part, le périoste, couche externe adhérente à l’os constitué par la zone glabellaire, la partie médiale des bords
endocrânien, richement innervé et vascularisé ; supraorbitaires, l’épine nasale du frontal, la partie supérieure des
– d’autre part, la dure-mère proprement dite, représentant la couche os nasaux et le processus frontal du maxillaire ;
interne. – en profondeur, on distingue deux structures : une structure de
Par endroits, ces deux feuillets se séparent pour former de larges disposition horizontale formée par la partie orbitaire du frontal (qui
sinus veineux, comme les sinus caverneux déjà cités, ou le sinus constitue la partie horizontale du plancher de la fosse crânienne
sagittal supérieur, dont le diamètre augmente depuis l’apophyse antérieure) et par les petites et grandes ailes du sphénoïde; une
crista galli en avant jusque vers l’arrière de la voûte crânienne. structure de disposition verticale formée par le processus médian
Appendue au sinus sagittal supérieur et suivant le même axe, la du frontal qui se poursuit par l’apophyse crista galli, la lame
faux du cerveau forme une cloison de dure-mère interhémisphérique perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer, l’ensemble formant un
sagittale, participant au soutien des deux hémisphères cérébraux. pilier vertical ;
L’adhérence de la dure-mère à l’os est plus ou moins importante, – au niveau des régions latérales :
alternant des zones décollables (convexité frontale, jugum
sphénoïdal, toit de l’orbite) et des points d’ancrage plus solides – en surface, on décrit un pilier tridimensionnel formé par le
(apophyse crista galli, gouttières olfactives, bord libre de la petite processus zygomatique de l’os frontal, le processus orbitaire de
aile du sphénoïde). Cette disposition facilite les déchirures et les l’os zygomatique, le processus pyramidal du maxillaire, l’arcade
décollements traumatiques dans les zones plus fragiles, entraînant zygomatique et le bord infraorbitaire ;
des brèches ostéoméningées. – en profondeur, l’association de l’os frontal à la grande aile du
sphénoïde forme un seul pilier vertical de forte résistance
¶ Lobes frontaux et organe de l’odorat mécanique, décrit par Couly comme un pilier
Protégés par la dure-mère, les lobes frontaux sont posés sur le relief ptérygo-sphéno-frontal.
osseux de la fosse crânienne antérieure. Les pôles antérieurs de ces Au total sont décrites :
deux lobes sont situés directement au contact de la paroi postérieure
– une plate-forme supérieure crânienne (frontosphénoïdale) formée par
du sinus frontal. Cette situation explique les contusions frontales et
la partie horizontale de l’os frontal et par les grandes et les petites
les séquelles neurologiques présentées par certains patients.
ailes du sphénoïde ;
Les filets olfactifs remontent depuis la muqueuse des fosses nasales
au travers de la lame criblée de l’ethmoïde pour rejoindre les bulbes – une plate-forme inférieure faciale (palatine) formée par les os
olfactifs posés dans les gouttières, prolongés en arrière par les nerfs palatins.
olfactifs. Toutes ces structures de l’odorat sont très exposées dans Ces deux plates-formes sont reliées par sept piliers verticaux, trois
les traumatismes craniofaciaux. médiaux et quatre latéraux :
4
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
Pathogénie
TRAUMATISMES LOCALISÉS
Ils peuvent être médians ou latéraux.
¶ Traumatismes médians L’existence d’un sinus frontal bien pneumatisé permet l’absorption
Ils occasionnent des fractures centrales (Fig. 7) au niveau de la au moins partielle de la force du traumatisme, au prix souvent d’une
région nasofrontale et atteignent le CNEMFO ou complexe naso- fracture de sa paroi antérieure, préservant ainsi la paroi postérieure
ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire soit de façon directe, soit par qui est en rapport direct avec la base du crâne. Lorsque le sinus
propagation de l’énergie traumatique appliquée initialement sur la frontal est de petite taille, il existe un risque accru d’atteinte de la
voûte crânienne. Cet ensemble anatomique et biomécanique dure-mère par l’intermédiaire du toit de l’orbite ou de la paroi
comporte une partie antérieure et une partie postérieure. postérieure du sinus. [6, 18] On s’expose ainsi à une fuite de liquide
cérébrospinal (LCS) par brèche ostéoméningée.
Partie antérieure
Partie postérieure
Dense et résistante, elle est constituée, d’une part, par le bandeau
frontal, fragilisé cependant par la présence d’une cavité aérienne, le Grêle et fragile, elle est constituée par des éléments appartenant à
sinus frontal, de taille variable, et, d’autre part, par l’épine nasale l’ethmoïde : masses latérales, apophyse crista galli, lame
du frontal qui, elle, constitue un véritable noyau de résistance. perpendiculaire et lames criblées. Cet ensemble est sous la protection
de la partie antérieure précédemment décrite, jusqu’à un certain
Lors du contact avec les forces traumatiques, les os propres du nez
point de rupture lié à l’intensité du traumatisme. Dans ce cas, l’épine
et le processus frontal du maxillaire sont repoussés en arrière tout
nasale du frontal, qui avait jusque–là un rôle protecteur, devient
en s’écartant latéralement, ce qui provoque une véritable impaction
alors vulnérante pour les structures qui lui sont postérieures. Plus
de la pyramide nasale. Le bord infraorbitaire peut être interrompu
en arrière, la selle turcique peut elle-même être atteinte.
et la paroi orbitaire médiale être le siège d’une fracture comminutive
en raison notamment de sa minceur particulière. ¶ Traumatismes latéraux
Figure 7 Fractures cen- Appliqués au complexe fronto-zygomato-malaire, ils entraînent des
trales (CNEMFO). fractures latérales (Fig. 8) de la face et du crâne. En traversant le
pilier fronto-zygomatico-maxillaire, les traits de fracture peuvent
s’étendre parfois à la grande aile du sphénoïde et la région du
ptérion, juste en arrière du pilier orbitaire. Ce point repère
correspond à la convergence des sutures coronale, pariéto-
sphénoïdale et frontosphénoïdale. En dedans du ptérion se trouve
l’extrémité postérolatérale de la grande aile du sphénoïde ; en
arrière, à la face latérale de la fosse crânienne moyenne, au niveau
temporal, se situe la zone décollable de Gérard Marchant, lieu
classique de décollement de la dure-mère à l’origine de saignements
extraduraux.
L’atteinte de l’os frontal se produit au niveau du bord supraorbitaire
et de son processus zygomatique ainsi que, parfois, du toit orbitaire.
Ces éléments sont alors déplacés en dehors. Le déplacement externe
de la paroi latérale et du plancher de l’orbite se traduit par une
dystopie canthale et une énophtalmie.
Superficiellement, l’atteinte de la région zygomatique peut se traduire
par un élargissement de cette zone située au niveau de la pommette
tandis qu’en cas de fracture comminutive de sa paroi latérale,
l’orbite peut se trouver en communication avec la fosse temporale
où peut parfois migrer de la graisse périorbitaire. [18]
En profondeur, les traits de fracture peuvent s’étendre à l’os pariétal,
à l’os temporal et à la grande aile du sphénoïde [6] qui peut être
5
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
2
TRAUMATISMES ÉTENDUS
Les traumatismes étendus atteignent l’ensemble craniofacial d’une
façon plus globale.
¶ Au niveau de la face
Peuvent être touchés les étages supérieur et moyen (avec des lésions 3
de type disjonctions craniofaciales Le Fort II et III homo-, contro-,
ou bilatérales associées à des dislocations orbitonasales). Les forces
traumatiques appliquées au massif facial peuvent diffuser par 6 5 4
l’intermédiaire du CNEMFO, zone de fragilité, jusqu’à l’encé-
phale. [22] Inversement, un traumatisme appliqué sur la voûte dans le plan horizontal et dans le plan vertical (Fig. 11), et proposer
crânienne peut atteindre la base du crâne et la face. la localisation des lésions de la façon suivante :
L’étage mandibulaire peut être concerné dans les grands
traumatismes dans le cadre des associations lésionnelles régionales. – dans le plan horizontal : localisation au tiers supérieur et à la
Celles-ci, appelées également fractures panfaciales, transforment la partie haute du tiers moyen ;
région en un véritable puzzle traumatique dont la reconstitution est – dans le plan vertical : localisation au tiers médian frontonasal et
particulièrement ardue (Fig. 10). aux deux tiers latéraux fronto-orbito-ptérioniques.
¶ Au niveau du crâne
Peuvent être atteints la voûte crânienne, la fosse crânienne moyenne Anatomopathologie
voire postérieure, la région de la selle turcique, le parenchyme
cérébral. Outre les fractures à l’origine de lésions des éléments Les lésions varient en fonction de l’intensité, de la localisation et de
nobles par esquilles osseuses, ces traumatismes génèrent des lésions la direction des forces traumatiques appliquées à l’ensemble
de l’encéphale par coups et contre-coups, mettant en jeu le pronostic craniofacial.
vital et neurologique. Le revêtement cutané peut être le siège de plaies, uniques ou
Pour plus de clarté concernant les lésions craniofaciales proprement multiples, franches, linéaires ou contuses, dilacérées, avec ou sans
dites, on peut s’aider, sur le plan traumatotopographique, d’un perte de substance. On peut également observer des signes de
schéma qui comporte un quadrillage divisant la face en trois tiers contusion (ecchymose, hématome) sans véritable plaie ; ceci ne
6
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
7
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
Figure 14 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : hématome extradural tem- BILAN CLINIQUE
poral gauche (lentille biconvexe typique) avec effet de masse modéré.
Selon les conditions du traumatisme et l’état du blessé, priorité doit
être donnée à la recherche de lésions susceptibles d’engager le
– type I : fracture de la paroi antérieure du sinus frontal ; il peut pronostic vital. Un examen complet est donc souvent nécessaire,
exister de façon exceptionnelle des fractures de la paroi postérieure ; faisant appel à différents spécialistes, au premier plan desquels se
– type II : enfoncement médiofacial ; c’est la dislocation naso-orbito- trouvent les neurochirurgiens, les chirurgiens viscéralistes et les
ethmoïdo-frontale ou DONEF de la classification de Paul Tessier. chirurgiens orthopédistes. Tout traumatisé crânien ou craniofacial
Une disjonction craniofaciale de type II ou III peut y être associée ; est, jusqu’à preuve du contraire, un traumatisé du rachis cervical.
Ainsi, le maintien d’une minerve jusqu’à l’élimination d’une lésion
– type III : fractures de la voûte irradiées à la base avec trait simple
ostéo-disco-ligamentaire cervicale est impératif, a fortiori si le patient
ou embarrure ; en cas d’embarrure, les lésions de la base sont plus
est comateux. Le chirurgien maxillofacial peut également être
fréquentes de même que les atteintes de la dure-mère ;
sollicité en cas de détresse respiratoire ou d’hémorragie faciale
– type IV : association des types II et III ; particulièrement abondante.
– type V : lésions exceptionnelles isolées de l’étage antérieur. Les urgences étant maîtrisées, le bilan général des lésions effectué,
l’examen clinique du traumatisé craniofacial peut être complété.
[45]
Il débute par l’interrogatoire du patient si son état le permet, ou par
CLASSIFICATION DE STURLA
celui de son entourage ou d’éventuels témoins. Il s’attache à
Elle est basée sur une étude expérimentale réalisée à partir de têtes reconstituer les circonstances de l’accident, la nature du vecteur du
de sujets anatomiques : traumatisme, l’existence d’une perte de connaissance initiale, le
terrain médical et chirurgical du patient.
– fractures centrales : atteinte du pilier superficiel et de l’ethmoïde.
Atteinte isolée ou associée avec une fracture transversale de type Le L’obtention de photographies antérieures à l’accident élimine une
Fort et/ou avec une fracture du crâne. Il existe une communication éventuelle déformation préexistante et aidera à établir le schéma
entre le toit des cavités nasales et la fosse cérébrale antérieure ; thérapeutique.
– fractures latérales : atteinte du pilier latéral superficiel et de la ¶ Examen neurologique
grande aile du sphénoïde. Atteinte isolée ou associée avec une
fracture transversale de type Le Fort et/ou une fracture du crâne. Score de Glasgow et déficits moteurs
Il existe une communication entre l’orbite et la fosse cérébrale L’examen neurologique évalue d’emblée l’état de conscience par le
antérieure et/ou moyenne. score de Glasgow. Celui-ci cote trois fonctions d’intérêt majeur,
notant la meilleure réponse possible à la stimulation pour chacune
d’elles, la meilleure note obtenue étant 15 sur 15.
CLASSIFICATION PROPOSÉE AU XXXII E CONGRÈS
DE STOMATOLOGIE ET CHIRURGIE MAXILLOFACIALE [1] Ces trois fonctions sont :
Plus récente, elle se rapporte à la biomécanique du traumatisme : – l’ouverture des yeux, cotée de 1 à 4 ;
– fractures médiobasicrâniennes : – la réponse verbale, cotée de 1 à 5 ;
– la réponse motrice, cotée de 1 à 6.
– fractures du sinus frontal ;
Il faut tenir compte de l’état du patient lors de sa relève sur le terrain
– fractures du CNEMFO ; et de son arrivée à l’hôpital. Certains patients ont pu être intubés et
– fractures latérobasicrâniennes : sédatés du fait d’une agitation, d’une confusion ou de délabrements
de la face rendant difficile leur prise en charge. Cette sédation gêne
– fractures fronto-orbitaires latérales ; alors toute cotation fiable selon le score de Glasgow. Il est donc
– fractures fronto-sphéno-temporales ; important de savoir si des troubles de conscience ou un déficit
touchant les membres existaient auparavant, pour pouvoir suspecter
– fractures irradiées de la voûte à la base ; à bon escient un hématome intracrânien menaçant ou un
– fractures par contrecoup. traumatisme vertébromédullaire.
8
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
9
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
Il fait appel de manière systématique à un ophtalmologiste. Il est – un souffle systolodiastolique perçu par le patient et par
souvent gêné par l’œdème post-traumatique, qui rend parfois très l’auscultation des régions temporales et périorbitaires.
difficile l’analyse de l’œil sous-jacent. Il évalue l’acuité visuelle et L’exophtalmie peut très vite occasionner des lésions cornéennes qu’il
explore le globe oculaire qui peut être le siège d’une plaie, d’une faut s’attacher à prévenir d’emblée. De même, une altération de
hémorragie ou d’un hématome. Il teste sa mobilité intrinsèque et l’acuité visuelle constitue une urgence thérapeutique. À ce stade,
extrinsèque, cette dernière au besoin par une épreuve de duction devant toute suspicion de FCC, un examen doppler des vaisseaux
forcée à la recherche d’une incarcération musculaire, et recherche un du cou, réalisé au lit du patient, confirme l’accélération et
éventuel ptosis. l’augmentation du débit sanguin de la carotide primitive. Elles se
Ainsi pourront être retrouvés : traduisent par une baisse de l’index de résistance due à la fuite par
la fistule.
– un syndrome de la fissure orbitaire supérieure comportant l’atteinte
motrice des III e , IV e et VI e nerfs crâniens constituant une
ophtalmoplégie avec ptosis. L’atteinte concomitante de la 1 re BILAN PARACLINIQUE
branche du nerf trijumeau se traduit par une altération de la
Il repose actuellement sur les données de l’imagerie médicale,
sensibilité du front, des paupières et du nez ainsi que de la cornée.
majoritairement représentée ici par la tomodensitométrie.
Cette symptomatologie résulte d’un trait de fracture irradié à la
fissure orbitaire supérieure ;
¶ Radiographies standards
– un syndrome de l’apex orbitaire associant à cette ophtalmoplégie
une atteinte du nerf optique avec amblyopie sévère, voire cécité du Les radiographies standards ne sont plus d’actualité dans le bilan
côté atteint. lésionnel initial. Elles peuvent cependant se révéler utiles dans des
centres non équipés d’appareils de tomodensitométrie, en
La recherche d’une fistule carotidocaverneuse (FCC) doit être permettant un diagnostic de qualité moindre (Fig. 16). Elles seront
systématique et répétée durant les jours qui suivent le traumatisme par ailleurs réservées éventuellement au suivi opératoire de certains
craniofacial. En effet, si seulement 0,2 % des traumatisés crâniens patients pour des problèmes ponctuels au niveau facial.
développent une FCC, [15] l’apparition de ses signes spécifiques n’est
pas toujours brutale et peut se faire de manière différée, avec les Les clichés standards classiques sont les suivants :
risques de cécité que cela implique. Les patients conscients se – le crâne de face et de profil ;
plaignent d’une diplopie avec exophtalmie pulsatile et douloureuse
– l’incidence de Blondeau ;
du fait de la distension veineuse périoculaire.
Malgré un chémosis bien banal chez un traumatisé craniofacial, on – si l’état du rachis cervical du patient le permet : l’incidence nez-
recherche : front-plaque et l’incidence de Hirtz.
10
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
11
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
CERTIFICAT MÉDICAL ¶ Voies d’abord [19, 20, 35, 37, 38, 47]
Ce bilan lésionnel permet la rédaction précise d’un certificat Pour les lésions craniofaciales proprement dites :
descriptif, éventuellement associé à des photographies des lésions, à
des fins médicolégales. – voie coronale (Fig. 21A) linéaire stricte ou suivant la ligne
sinusoïdale d’implantation des cheveux (Fig. 21B) : elle donne accès
à la partie supérieure des orbites, au front, au complexe
nasoethmoïdal au centre, au complexe zygomatomalaire
Traitement latéralement. Elle permet d’aborder, par l’intermédiaire d’un volet
osseux, le sinus frontal et la fosse crânienne antérieure (Fig. 22) ;
Après stabilisation des fonctions vitales, le traitement des lésions
traumatiques peut être effectué. En dehors du cadre de l’urgence, il – voie transethmoïdale classique : l’abord endonasal se fait par
est préférable de temporiser quelques heures voire quelques jours endoscopie ; il est limité à la lame criblée et au toit de l’ethmoïde
selon les cas, afin d’affiner le bilan lésionnel et de s’accorder avec les ainsi qu’à la région de la selle turcique. Elle est insuffisante en cas
autres spécialistes concernés sur la stratégie thérapeutique à adopter. de lésions étendues de la base du crâne et d’atteintes multiples de la
dure-mère.
– voie transethmoïdale élargie par association avec une voie
OBJECTIFS DU TRAITEMENT sourcilière : [37, 38] elle donne accès à la fosse crânienne antérieure
Les objectifs du traitement sont multiples : dont la région de la selle turcique, en évitant l’atteinte des filets
olfactifs et la rétraction des lobes frontaux ;
– protéger l’encéphale sur les plans mécanique et infectieux ;
– voie sourcilière (Fig. 21C) : elle permet un abord du sinus frontal
– restaurer les différentes fonctions ;
uni- ou bilatéral en se réunissant au niveau de la racine du nez. Elle
– reconstituer l’anatomie initiale et son corollaire esthétique avec, expose au risque d’anesthésie cutanée frontale par atteinte du nerf
en particulier dans cette région, le retour à la projection, la supraorbitaire et de séquelles esthétiques cicatricielles.
dimension verticale et la dimension transversale [19] telles qu’elles Pour les lésions associées :
étaient avant le traumatisme.
– voies transconjonctivale, sous-ciliaire ou palpébrale inférieure
(Fig. 21D) : elles permettent l’accès au plancher orbitaire ;
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
– voie vestibulaire (Fig. 21E) : elle est indiquée pour l’étage moyen
Auparavant, il était d’usage de traiter ce type de traumatisme en du massif facial et en particulier l’os zygomatique ; elle peut être
deux étapes : complétée par un décollement de la muqueuse au niveau de l’épine
– neurochirurgicale d’abord, dans l’urgence, pour réparer les lésions nasale et des orifices piriformes si nécessaire ;
endocrâniennes (atteintes du parenchyme cérébral, lésions de la – voie canthale interne (Fig. 21F) : elle permet l’accès à la paroi
dure-mère) et ophtalmologiques (atteinte du globe oculaire ou du médiale de l’orbite. La paroi latérale peut être abordée par une voie
nerf optique) ; prolongeant la queue du sourcil.
12
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
A B C
D E F
¶ Matériels d’ostéosynthèse
Figure 22 Volet frontal
médian. Toute fracture déplacée doit faire l’objet d’une réduction puis d’une
contention par ostéosynthèse au fil d’acier en présence de petits
fragments, et par plaques miniaturisées vissées (miniplaques et
microplaques) (Fig. 23, 24) en présence de fragments plus
importants. Cette ostéosynthèse par plaques métalliques en titane,
utilisée également pour les greffons osseux, permet une fixation
rigide et stable des éléments fracturés. Il est important de
reconstituer ou de renforcer les piliers [19, 20] qui maintiennent les
rapports du massif facial avec la base du crâne et la mandibule. Il
s’agit des piliers nasomaxillaires et zygomaticomaxillaires qui sont
des structures antérieures. Le maintien ou le retour à l’occlusion
précédant le traumatisme constitue également un élément essentiel.
Parfois, pour de grosses pertes de substance, on peut faire appel à
des plaques en titane multiperforé adaptable au galbe crânien
(Fig. 25, 26).
¶ Greffons et plasties
En présence de lésions comminutives ou de pertes de substance
étendues, [20] comme c’est le cas des traumatismes par arme à feu,
on a recours à l’utilisation de greffons osseux autologues (Fig. 27)
d’origines diverses pouvant être associés à différents lambeaux
reconstituant les parties molles. Ils sont prélevés dans le même
temps opératoire, avant le développement des œdèmes et la
rétraction des tissus mous.
Les greffons calvariaux, [ 9 , 1 4 , 4 7 ] d’origine membraneuse et
Par ailleurs, selon leur emplacement et leur importance, les plaies essentiellement corticaux, ont l’avantage de résister au phénomène
cutanées peuvent être utilisées pour l’exploration voire le traitement de résorption et de se trouver sur le même site opératoire (Fig. 28).
des fractures. Selon les auteurs, ces greffons peuvent être utilisés de pleine
13
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
Figure 23 Ostéosyn-
thèses par plaques métalli-
ques miniaturisées vissées.
14
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
Figure 29 Algorithme
no 1. Prise en charge des
traumatismes craniofaciaux
(TCF) dans les 8 premiers
jours.
15
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
16
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
17
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
18
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
Figure 35 Algorithme
no 3. Prise en charge des
fractures du sinus frontal.
LCS : liquide cérébrospinal.
19
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
A B C D
E F G
Figure 36 Techniques de prise en charge des fractures du sinus frontal.
A. Fractures simples de la paroi antérieure. E. Reconstruction d’une fracture complexe de la paroi antérieure et abstention chirur-
B. Fractures complexes de la paroi antérieure. gicale sur une fracture simple de la paroi postérieure.
C. Exclusion du sinus et reconstruction de la paroi antérieure. F. Fracture complexe de la paroi antérieure et de la paroi postérieure.
D. Fracture complexe de la paroi antérieure associée à une fracture simple de la pa- G. Cranialisation du sinus et reconstruction de la paroi antérieure.
roi postérieure.
¶ Fractures de l’orbite
20
Stomatologie Traumatismes craniofaciaux 22-073-A-10
¶ Séquelles fonctionnelles
Elles peuvent être :
– l’anosmie : séquelle souvent définitive ou de récupération très
partielle pouvant se révéler très invalidante, elle peut être liée aux
lésions initiales quand elles atteignent le complexe frontoethmoïdal
ou aux explorations et traitements d’une rhinorrhée. Dans sa forme
bilatérale, elle peut s’accompagner d’une dysgueusie aggravant ainsi
l’atteinte sensorielle ;
– la cécité, la baisse de l’acuité visuelle, l’amputation du champ
visuel : séquelles également définitives par atteinte directe ou
indirecte du nerf optique, se manifestant de façon uni- ou bilatérale,
symétrique ou non ;
Figure 38 Radiographie du crâne de face : ostéolyse d’un fragment osseux du ban- – la diplopie : pouvant se manifester dans les différents secteurs du
deau frontal après reconstruction par miniplaques. champ visuel mais plus fréquemment dans le regard vers le haut,
elle est souvent difficile à corriger à distance du traumatisme, les
COMPLICATIONS lésions causales (atteinte de muscles moteurs oculaires ou de leurs
tendons, fibrose) étant alors fixées ;
Au-delà de la mise en jeu du pronostic vital engendrée par les
lésions neurologiques, elles sont essentiellement infectieuses et – l’atteinte des voies lacrymales par malposition, compression ou
peuvent se manifester de façon précoce ou tardive : section, pouvant se traduire par une épiphora ou une dacryocystite ;
selon les cas, une dacryocystorhinostomie peut être pratiquée ;
– complications précoces :
– des anomalies de l’occlusion dentaire avec parfois syndrome de
– sinusites frontales ou ethmoïdales favorisées par les lésions dysfonctionnement craniofacial en cas de réduction insuffisante
muqueuses, par la présence d’un hématome, d’un œdème, par la d’une fracture horizontale du massif facial.
proximité des fosses nasales. Elles peuvent se compliquer d’une
méningite ; ¶ Séquelles morphologiques
– méningite par plaie craniocérébrale évidente, par brèche dure- Elles se traduisent par des déformations variées :
mérienne insidieuse parfois à distance des foyers de fracture ; – asymétrie de la face ;
– abcès orbitaire ; – enfoncement du bandeau frontal ;
– ostéite, ostéomyélite au niveau des éléments fracturés ou d’os – énophtalmie par agrandissement de l’orbite en relation avec les
en contact avec des foyers infectieux. Elles peuvent se traduire différentes fractures des parois, ou dans les fractures déplacées du
par des douleurs localisées accompagnées ou non de céphalées, complexe orbitozygomatique ;
avec une tuméfaction, une hyperthermie, une fistule cutanée et
– exophtalmie par rétrécissement de l’orbite ;
une image radio-claire de lyse osseuse (Fig. 38) ;
– télécanthus par déplacement latéral de la paroi orbitaire médiale
– abcès du cerveau et empyème péricérébral : ils restent peu avec élargissement de l’arête nasale, et par défaut de
fréquents ; repositionnement du ligament canthal médial ;
– complications tardives : – insuffisance de projection de la pyramide nasale dans les atteintes
– mucocèle et mucopyocèle ; du complexe naso-ethmoïdo-orbitaire ;
– sinusite frontale pouvant se développer à bas bruit et se – élargissement ou enfoncement de la pommette dans les atteintes
transformer en pan-sinusite par atteinte des cavités sinusiennes latérales au niveau de l’ensemble zygomatomalaire ;
de l’ethmoïde, du sphénoïde et du maxillaire ; – rétrusion de la face dans le cadre d’une disjonction craniofaciale
– réapparition d’une rhinorrhée avec ou sans méningite. avec recul de l’étage supérieur.
Elles sont souvent difficiles à corriger, en raison de la rétraction
Autres complications :
habituelle des parties molles sus-jacentes ou de la disparition de
– pneumocéphalie se traduisant par la présence d’air dans la boîte certains éléments osseux. La fixation spontanée, en mauvaise
crânienne par communication avec le milieu extérieur signant ainsi position, des pièces osseuses fracturées, ayant ou non conservé leur
une brèche dure-mérienne pouvant nécessiter une intervention ; forme anatomique initiale, impose leur reconstitution.
– atteinte oculaire concernant le globe par traumatisme direct ou le La correction [19, 20] fait appel aux techniques d’ostéotomies, associées
nerf optique intéressé par un trait de fracture ou par un œdème ou ou non aux greffes osseuses et s’inspirant des techniques mises au
un hématome compressif. Cette atteinte peut parfois nécessiter point pour les malformations craniofaciales par Paul Tessier. Chaque
l’exentération du contenu orbitaire. cas est particulier et demande une adaptation aux différentes
situations rencontrées.
21
22-073-A-10 Traumatismes craniofaciaux Stomatologie
Références
[1] Alliez B, Gola R, Waller PY, Cheynet F. Fractures de l’étage [19] Gruss JS. Advances in craniofacial fracture repair. Scand J [35] Pons J, Dupuis A, Bellavoir A. Traumatismes de la face.
antérieur de la base du crâne. Actualisation du diagnostic Plast Reconstr Surg Hand Surg [suppl] 1995; 27: 67-81 Réparations chirurgicales. Paris: MEDSI/McGraw-Hill,
et du traitement. Encycl Méd Chir.(Elsevier SAS, Paris) 1994; [20] Gruss JS. Craniofacial osteotomies and rigid fixation in the 1989
Stomatologie-Odontologie, 22-075-A-10 17p correction of post-traumatic craniofacial deformities. [36] Pottecher T, Balabaud-Pichon V. Nosocomial meningitis in
[2] Bateman N, Mason J, Jones NS. Use of fluorescein for detec- Scand J Plast Reconstr Surg Hand Surg [suppl] 1995; 27: the adult. Ann Fr Anesth Réanim 1999; 18: 558-566
ting cerebrospinal fluid rhinorrhoea: A safe technique for 83-95
[37] Raveh J, Vuillemin T. The surgical one-stage management
intrathecal injection. ORL J Otorhinolaryngol Relat Spec [21] Higashida RT, Halbach VV, Tsai FY, Norman D, Pribram HF, of combined cranio-maxillo-facial and frontobasal fractu-
1999; 61: 131-132 Mehringer CM et al. Interventional neurovascular treat- res. Advantages of the subcranial approach in 374 cases. J
[3] Brodie HA. Prophylactic antibiotics for posttraumatic cere- ment of traumatic carotid and vertebral artery lesions: Craniomaxillofac Surg 1988; 16: 160-172
brospinal fluid fistulae. A meta-analysis. Arch Otolaryngol results in 234 cases. AJR Am J Roentgenol 1989; 153:
Head Neck Surg 1997; 123: 749-752 577-582 [38] Raveh J, Vuillemin T, Sutter F. Subcranial management of
395 combined frontobasal-midface fractures. Arch Otola-
[4] Castillo L, Jaklis A, Paquis P, Haddad A, Santini J. Nasal [22] Hoffmann JF. Naso-orbital-ethmoid complex fracture ryngol Head Neck Surg 1988; 114: 1114-1122
endoscopic repair of cerebrospinal fluid rhinorrhea. Rhino- management. Facial Plast Surg 1998; 14: 67-76
logy 1999; 37: 33-36 [39] Robotti E, Forcht Dagi T, Ravegnani M, Bocchiotti G. A new
[23] Iffenecker C, Benoudiba F, Parker F, Fuerxer F, David P, prospect on the approach to open, complex, craniofacial
[5] Coskun O, Hamon M, Catroux G, Gosme L, Courtheoux P, Tadie M et al. The place of MRI in the study of cerebrospinal trauma. J Neurosurg Sci 1992; 36: 89-99
Theron J. Carotid-cavernous fistulas: diagnosis with spiral fluid fistulas. J Radiol 1999; 80: 37-43
CT angiography. AJNR Am J Neuroradiol 2000; 21: 712-716 [40] Rousseaux P, Scherpereel B, Bernard MH, Boyer P, Graf-
[24] Jinkins JR, Rudwan M, Krumina G, Tali ET. Intrathecal tieaux JP, Guyot JF. Management of anterior fossa fractu-
[6] David DJ, Moore MH. Fractures of the forehead and ante- gadolinium-enhanced MR cisternography in the evalua- res. About a series of 1 254 cases from 11 200 head injuries
rior cranial base. Facial Plast Surg 1990; 7: 152-158 tion of clinically suspected cerebrospinal fluid rhinorrhea in (author’s transl). Neurochirurgie 1981; 27: 15-19
[7] Deboise A, Comoy J, Compere JF, Bertrand JC, Doyon D. humans: early experience. Radiology 2002; 222: 555-559
Traumatismes cranio-faciaux. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, [41] Samii M, Tatagiba M. Skull base trauma: diagnosis and
[25] Johnson DB, Brennan P, Toland J, O’dwyer AJ. Magnetic management. Neurol Res 2002; 24: 147-156
Paris) 1985; Stomatologie, 22-075-A-10 16p resonance imaging in the evaluation of cerebrospinal fluid
[8] Debrun GM, Vinuela F, Fox AJ, Davis KR, Ahn HS. Indica- fistulae. Clin Radiol 1996; 51: 837-841 [42] Soudant J, Lamas G, Girard B, Fougeront B, Guenon P. Post-
tions for treatment and classification of 132 carotid- traumatic decompression of the optic nerve. Ophthalmo-
[26] Jones ME, Reino T, Gnoy A, Guillory S, Wackym P, Lawson logic and x-ray computed tomographic evaluation. Results
cavernous fistulas. Neurosurgery 1988; 22: 285-289 W. Identification of intranasal cerebrospinal fluid leaks by in a series of 23 cases. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1990;
[9] Ellis E3rd. Sequencing treatment for naso-orbito-ethmoid topical application with fluorescein dye. Am J Rhinol 2000; 107: 299-303
fractures. J Oral Maxillofac Surg 1993; 51: 543-558 14: 93-96
[43] Stafford Johnson DB, Brennan P. Magnetic resonance
[10] Fattahi TT, Brandt MT, Jenkins WS, Steinberg B. Traumatic [27] Kallela I, Hyrkas T, Paukku P, Iizuka T, Lindqvist C. Blindness
imaing in the evaluation of cerebrospinal fluid fitulae. Clin
carotid-cavernous fistula: pathophysiology and treatment. after maxillofacial blunt trauma. Evaluation of candidates
Radiol 1996; 51: 837-841
J Craniofac Surg 2003; 14: 240-246 for optic nerve decompression surgery. J Craniomaxillofac
[11] Fliss DM, Zucker G, Cohen JT, Gatot A. The subcranial Surg 1994; 22: 220-225 [44] Stammberger H, Greistorfer K, Wolf G, Luxenberger W.
approach for the treatment of cerebrospinal fluid rhinor- [28] Komiyama M, Nakajima H, Nishikawa M, Kan M. Trauma- Surgical occlusion of cerebrospinal fistulas of the anterior
rhea: a report of 10 cases. J Oral Maxillofac Surg 2001; 59: tic carotid cavernous sinus fistula: serial angiographic skull base using intrathecal sodium fluorescein. Laryngo-
1171-1175 studies from the day of trauma. AJNR Am J Neuroradiol rhinootologie 1997; 76: 595-607
[12] Friedman JA, Ebersold MJ, Quast LM. Post-traumatic cere- 1998; 19: 1641-1644 [45] Sturla F, Abnsi D, Buquet J. Anatomical and mechanical
brospinal fluid leakage. World J Surg 2001; 25: 1062-1066 [29] Marshall AH, Jones NS, Robertson IJ. An algorithm for the considerations of craniofacial fractures: an experimental
management of CSF rhinorrhoea illustrated by 36 cases. study. Plast Reconstr Surg 1980; 66: 815-820
[13] Gassner HG, Ponikau JU, Sherris DA, Kern EB. CSF rhinor-
rhea: 95 consecutive surgical cases with long term Rhinology 1999; 37: 182-185 [46] Subileau C, Bourguet J, Bourdiniere J. Fractures of the face.
follow-up at the Mayo Clinic. Am J Rhinol 1999; 13: 439-447 [30] McGraw-Wall B. Frontal sinus fractures. Facial Plast Surg Fronto-ethmoidal injuries. J Fr Otorhinolaryngol Audiopho-
1998; 14: 59-66 nol Chir Maxillofac 1977; 26: 269-295
[14] Giuliani G, Anile C, Massarelli M, Maira G. Management of
complex craniofacial traumas. Rev Stomatol Chir Maxillofac [31] Nachtigal D, Frenkiel S, Yoskovitch A, Mohr G. Endoscopic [47] Tatum SA, Kellman RM. Cranial bone grafting in maxillofa-
1997; 98 suppl1: 100-102 repair of cerebrospinal fluid rhinorrhea: is it the treatment cial trauma and reconstruction. Facial Plast Surg 1998; 14:
[15] Greenberg MS. Handbook of neurosurgery. New York: of choice?. J Otolaryngol 1999; 28: 129-133 117-129
Greenberg Graphics-Thieme Medical Publishers, 2001 [32] Nallet E, Decq P, Bezzo A, Le Lievre G, Peynegre R, Coste A. [48] Vaneecloo FM, Jomin M, Pollet T. Rhinorrhée cérébrospi-
[16] Gruss JS. Naso-ethmoid-orbital fractures: classification and Endonasal endoscopic surgery in the treatment of sponta- nale. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris) 1991; 8Oto-rhino-
role of primary bone grafting. Plast Reconstr Surg 1985; 75: neous or post- traumatic cerebrospinal fluid (csf) leaks. Ann laryngologie, 20-365-A-10
303-317 Otolaryngol Chir Cervicofac 1998; 115: 222-227 [49] Veber F, Gehanno P, Perrin A. Purulent meningitis after
[17] Gruss JS, Mackinnon SE, Kassel EE, Cooper PW. The role of [33] Nohra G, Jabbour P, Haddad A, Abouhamad W, Abilahoud minor nasosinus surgery. Apropos of 10 cases. Ann Otola-
primary bone grafting in complex craniomaxillofacial G, Okais N. Subcranial subfrontal approach for the treat- ryngol Chir Cervicofac 1985; 102: 163-167
trauma. Plast Reconstr Surg 1985; 75: 17-24 ment of extensive cerebrospinal fluid leaks. Neurochirurgie [50] Wolf G, Greistorfer K, Stammberger H. Endoscopic detec-
[18] Gruss JS, Bubak PJ, Egbert MA. Craniofacial fractures. An 2002; 48: 87-91 tion of cerebrospinal fluid fistulas with a fluorescence tech-
algorithm to optimize results. Clin Plast Surg 1992; 19: [34] Penfold CN, Lang D, Evans BT. The management of orbital nique. Report of experiences with over 925 cases. Laryngo-
195-206 roof fractures. Br J Oral Maxillofac Surg 1992; 30: 97-103 rhinootologie 1997; 76: 588-594
22
¶ 22-075-B-10
Les traumatismes balistiques de la face par arme à feu sont source de lésions maxillofaciales très variées,
plus ou moins complexes, dont l’inventaire précis conditionne les modalités thérapeutiques. La prise en
charge initiale répond à des critères bien codifiés en fonction de la hiérarchisation des urgences. La prise
en charge secondaire, temps de la réhabilitation dento-maxillo-faciale, fait appel à des procédés
chirurgicaux ou prothétiques classiques et aux nouvelles techniques de lambeaux libres, de distraction
ostéogénique, d’expansion cutanée et d’épithèses implantoportées.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Stomatologie 1
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile
Bilan radiologique
Si l’état hémodynamique du patient le permet, il est réalisé
avant la prise en charge chirurgicale. En objectivant le projectile D3 M3 G3
Niveau 3 =
et les lésions osseuses, l’imagerie, outre sa valeur médicolégale, orbitonasal
contribue à l’inventaire lésionnel. Dans le cas contraire, il est
réalisé après le bloc opératoire. Ce bilan comprend :
• radiographies standards (Fig. 1) ; D2 G2
• scanner du massif facial (Fig. 2). M2 Niveau 2 =
maxillopalatin
L’imagerie par résonance magnétique est souvent contre-
indiquée en fonction du type de projectile [15].
2 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10
Stomatologie 3
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile
4 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10
Stomatologie 5
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile
envisagée, en gardant présents à l’esprit les risques particuliers gras pour protéger les blessures cruentées de la dessiccation. Le
de rétraction cicatricielle dès lors qu’un orifice naturel est rythme des pansements peut être initialement biquotidien.
concerné, et si cette fermeture est réalisable sans tension. En cas Les soins de trachéotomie et de gastrostomie d’alimentation,
de perte tissulaire importante, la règle est de ne pas fermer à classiques, sont, s’ils doivent durer, progressivement délégués au
tout prix mais au contraire de consacrer la perte de substance patient. L’hygiène buccodentaire, l’usage d’un aérosol ou d’un
par une suture muqueuse à peau recouvrant soigneusement les humidificateur, le maniement d’une aspiration, l’entretien d’un
moignons osseux préalablement réduits et maintenus en conformateur lui sont enseignés jusqu’à obtenir son autonomie
position anatomique. Cette attitude évite au mieux les rétrac- complète et pouvoir envisager, si possible, son retour au
tions cicatricielles, diminue les risques septiques et, loin domicile.
d’entraver la reconstruction chirurgicale ultérieure, permet de la La surveillance s’applique :
mener dans les meilleures conditions. • à la cicatrisation : contrôle de la qualité, de l’absence de
Si certains auteurs [36] ont préconisé de première intention le tension ou de désunion des sutures cutanées et muqueuses,
recours à divers types de lambeaux ou de plasties, il semble du risque d’exposition osseuse ;
admis aujourd’hui de réserver ces procédés aux temps de • à l’état cutané : détection précoce d’une souffrance, d’une
reconstruction [37]. collection salivaire, d’une inflammation, ou d’une suppura-
Les plaies cutanéo-musculo-muqueuses sont généralement tion d’origine dentaire, osseuse ou sinusienne ;
suffisantes pour permettre l’abord des lésions osseuses, en • au matériel de contention des fractures en s’assurant de sa
respectant les zones cutanées faciales indemnes. De la même bonne tolérance, de sa stabilité et de son efficacité. Ces
premiers pansements permettent de compléter ou de modifier
manière, la recherche « acharnée » d’un projectile difficilement
les ostéosynthèses réalisées en urgence et souvent sans bilan
accessible risque d’aggraver les dégâts et de prolonger inutile-
radiologique.
ment l’acte opératoire. Les plaies et délabrements orificiels
(bouche, narines, méat auditif...) sont calibrés au moyen de
Prise en charge psychiatrique [39]
conformateurs qui ainsi s’opposent à la rétraction cicatricielle.
Indispensable et précoce, surtout en cas de suicide, elle
Inventaire et traitement des lésions organiques cherche à expliciter le geste suicidaire. Seul le psychiatre est apte
Plaies du nerf facial. Elles sont difficiles à traiter de première à mesurer le risque de récidive et à mettre en place, si besoin,
intention, surtout dans les délabrements majeurs avec dilacéra- une psychothérapie ou un traitement psychotrope. Il permet
tion. Il semble sage de se contenter d’un simple repérage si une triangulation de la relation chirurgien-malade parfois
possible des extrémités nerveuses rétractées en vue d’une tendue, notamment dans le cas fréquent de patients intransi-
réparation différée. geants sur les délais entre les différents temps chirurgicaux.
Plaies des glandes salivaires. La tranche parenchymateuse
est suturée à la muqueuse pour lui permettre de se drainer
directement et largement dans la cavité buccale. En cas de plaie ■ Prise en charge secondaire :
canalaire et si les extrémités distale et proximale sont retrou-
vées, elles sont suturées sur tuteur. Bien souvent, un simple
réhabilitation maxillofaciale
déroutement en bouche de la portion proximale du canal de et prise en charge des séquelles
Sténon, guidé sur cathéter, est réalisé.
Plaies oculaires. Si le globe ne peut être sauvegardé dans une Débutée, selon les auteurs, entre la deuxième semaine et le
orbite indemne, il convient de l’éviscérer et de mettre en place deuxième mois, la réhabilitation est possible sitôt obtenus une
un conformateur oculaire en prévision d’une prothèse ulté- cicatrisation et un lit trophique de qualité, et avant l’installation
rieure. Même si cette éviscération n’empêche pas toujours une des rétractions tissulaires.
ophtalmoplégie sympathique, elle évite, par rapport à l’énucléa- Les techniques doivent permettre une reconstruction des
tion, l’impression inesthétique d’orbite hypophtalme [38]. différents tissus lésés. Les objectifs de cette reconstruction sont
multiples [40, 41], esthétiques et fonctionnels :
Surveillance et soins postopératoires • restauration d’une compétence et d’une fonction palatine
satisfaisante (séparer les cavités orale et nasosinusienne) ;
Surveillance générale • couverture d’un déficit musculaire et cutané ;
En unité de réanimation chirurgicale, en cas de traumatisme • restauration des contours faciaux ;
majeur, elle s’assure du maintien des fonctions vitales, prévient • réhabilitation dentaire afin d’obtenir une compétence labiale
les complications respiratoires (pneumopathie de déglutition), la (fonction masticatrice).
décompensation d’états pathologiques antérieurs (diabète, Tous les procédés de chirurgie reconstructrice ont été préco-
insuffisances organiques, delirium tremens, syndrome de nisés et utilisés, leur choix étant affaire de cas particuliers et
manque, troubles de la coagulation...), les complications du d’école.
décubitus (escarre, thrombophlébite...), l’apparition d’un ulcère La prothèse maxillofaciale conserve des indications alternati-
gastrique de stress... L’installation d’un diabète insipide, la ves ou complémentaires à la chirurgie. La réhabilitation ne
survenue de complications infectieuses (septicémie, ménin- saurait s’intéresser au seul aspect esthétique sans se préoccuper
de prévenir les séquelles fonctionnelles (phonation, manduca-
goencéphalite, abcès du cerveau), vasculaires (ischémie artérielle,
tion, incontinence labiale, vision...) qui bien souvent consti-
anévrisme, fistule carotidocaverneuse produite plus par effet de
tuent un handicap familial et social lourd et difficile à assumer,
souffle que par le projectile) sont liées à la nature même du
et un obstacle rédhibitoire à la reprise d’une vie professionnelle.
traumatisme.
C’est dans ces cas que prennent éventuellement toute leur place
En cas de besoin, douleurs, agitation et agressivité sont
la rééducation orthophonique, la kinésithérapie, l’apprentissage
soulagées. Une alimentation hypercalorique et hyperprotidique,
du braille, le soutien psychologique.
dont les modalités d’administration (gastrostomie, sonde
Toutes les techniques de réhabilitation maxillofaciale peuvent
nasogastrique, per os) dépendent de l’état du patient, favorise la
être utilisées seules ou associées en fonction du type de defects
cicatrisation. Le schéma classique consiste en un apport frac-
et des zones à reconstruire.
tionné en cinq repas quotidiens.
Surveillance et soins locaux Prothèses dento-maxillo-faciales
Les premiers pansements, parfois réalisés sous anesthésie
générale, sont faits par le chirurgien. Ils consistent en lavage,
Épithèses maxillofaciales (Fig. 7) [42, 43]
nouveau parage économique des tissus à la vitalité douteuse, Ce procédé simple, d’un moindre coût, mis en œuvre
débridement, mise à plat d’abcès profonds, application de conjointement par un chirurgien et un épithésiste, offre avec
pommade antiseptique en couche épaisse sur des pansements l’utilisation d’élastomères souples de silicone des résultats
6 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10
Figure 7.
A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion
classée G2 G3. Selon le souhait du patient, la
réhabilitation est obtenue au moyen d’une épi-
thèse fronto-orbito-palpébro-nasale implantopor-
tée clipsée sur une barre tenue par deux implants
vissés dans la colonne orbitaire externe, après com-
blement de la cavité d’exentération gauche par un
lambeau pédiculé de muscle temporal greffé.
B. Épithèse.
C. Avec épithèse, sans lunettes.
D. Avec épithèse et lunettes.
remarquables sur les plans plastique et tinctorial. Les colles Lambeaux libres ou pédiculés
actuelles permettent une bonne adhérence de l’épithèse à la
peau.
Lambeaux libres
Celle-ci laisse cependant un aspect de visage figé, surtout
quand elle concerne une région étendue et animée, et sa durée Grâce à l’amélioration des techniques de microchirurgie et du
de vie reste limitée, bien que les pigments actuellement utilisés suivi postopératoire, la reconstruction par lambeaux microanas-
soient plus stables. tomosés est actuellement la technique de reconstruction la plus
L’épithèse peut n’être qu’une étape dans un plan de réhabi- employée pour les vastes pertes de substance pluritissulaires
litation long et complexe permettant une vie relationnelle (osseuses, musculaires et cutanées).
satisfaisante, ou bien constituer l’aboutissement de la réparation Longtemps, la prudence recommandait de ne pas utiliser ces
faciale. Dans ce cadre-là, les épithèses nasale, orbitopalpébrale et lambeaux à moins de 1 mois du traumatisme balistique, du fait
du pavillon de l’oreille sont les meilleures indications et seront des lésions vasculaires intimales et des microthrombus induits
implantoportées [43]. par le souffle [45]. Ce dogme est actuellement bousculé par
quelques équipes [46-49] qui utilisent ces lambeaux dès le
Réhabilitation dentaire [44] traitement primaire, arguant d’une vascularisation périostée et
Elle intervient en dernier lieu après cicatrisation stable des endostée tôt restituée permettant à l’os de se comporter comme
parties molles. La prothèse adjointe ou conjointe, outre son rôle un os vivant, capable de consolider et de se défendre contre
fonctionnel, contribue aussi au soutien des lèvres et des joues. l’infection [50].
Les implants, quand ils sont possibles, permettent d’obtenir la Le choix du lambeau est déterminé par l’étendue des pertes
meilleure stabilité prothétique. À la mandibule, les palettes osseuses, sa localisation sur l’arc mandibulaire, les possibilités
cutanées des lambeaux musculocutanés (pédiculés ou libres) locales de couverture muqueuse et cutanée, et l’étendue des
utilisés pour la reconstruction pelvibuccale, et même celles des pertes musculaires et cutanées. Interviennent aussi dans la
transferts osseux libres, sont épaisses et manquent d’adhérence décision la nature des lésions associées, l’état du site donneur et
sur l’os, ce qui compromet une solution implantaire de qualité l’état général du patient.
et durable.
Différents lambeaux
Cet obstacle semble levé avec la distraction ostéogénique (cf.
infra), grâce à une reconstruction pluritissulaire, comprenant de Lambeaux ostéo-fascio-cutanés. Le lambeau de fibula est le
la muqueuse attachée, ce qui facilite la mise en place des plus utilisé pour traiter les pertes de substance osseuses. Il est
implants et de la prothèse. particulièrement indiqué pour les reconstructions
Au maxillaire, la prothèse dentaire, au mieux sur implants, mandibulaires [51].
permet également d’obturer une communication buccosinu- Le lambeau scapulaire est utilisé par certains, mais pour des
sienne ou bucconasale. pertes de substance osseuses limitées [1, 46, 49].
Stomatologie 7
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile
Figure 8.
A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion
classée G1 G2 G3.
Patient après la prise en charge initiale (parage et
suture des plaies sans reconstruction des pertes
de substances et contention par un embrochage
cruciforme par broches de Kirschner).
B. Patient en cours de distraction ostéogénique à
l’étage moyen de la face par distraction ostéogé-
nique avec distracteur externe sur mesure.
C. Patient à la fin de la prise en charge secondaire
au repos et au sourire. La reconstruction des
étages moyen et inférieur de la face a été faite par
une distraction ostéogénique.
Le lambeau de crête iliaque a la même indication que les Le lambeau ostéomusculaire temporal ou temporopariétal,
lambeaux scapulaires. préconisé par McCarthy et Zide en 1984 [54], est utilisé dans les
Lambeaux musculocutanés ou fasciocutanés. Ils sont reconstructions du maxillaire comme alternative de la prothèse
utilisés pour des pertes de substances musculocutanées ou obturatrice.
cutanée pures :
• le lambeau de latissimus dorsi ; Lambeaux locorégionaux
• le lambeau de serratus antérieur ;
• le lambeau antébrachial (lambeau fasciocutané). En dehors des lambeaux libres ou des lambeaux pédiculés, il
Ces lambeaux peuvent être associés entre eux (soit deux est possible d’avoir recours à de multiples « petits » lambeaux
lambeaux de fibula [52] ou deux antébrachiaux [53]), ou associés locaux.
à des greffes osseuses. Ils sont essentiellement indiqués pour les rhinopoïèses,
Ces lambeaux libres permettent de traiter les pertes de qu’elles soient totales ou partielles. Les deux lambeaux les plus
substance pluritissulaires (osseuse, musculaire et cutanée). Leurs utilisés sont :
inconvénients sont : • le lambeau de Converse [55] ;
• au plan cutané, les différences de couleur entre le lambeau et • le lambeau frontal.
la peau faciale, responsables d’un aspect de patchwork, et Associés en général à des greffes osseuses ou ostéocartilagi-
l’absence de sensibilité de la palette cutanée ; neuses, ils permettent d’améliorer la projection nasale ou de
• au plan musculaire, la perte de l’innervation et de la contrac- recréer la maquette cartilagineuse.
tion, responsable d’une fonte musculaire du lambeau ; le Les fermetures de communications bucco-naso-sinusiennes
patient n’a donc plus de mimique faciale au niveau de la font appel, quand elles restent de dimension modérée, aux
zone reconstruite.
lambeaux locaux (palatin ou lingual) et à l’interposition du
Enfin, ces techniques de microchirurgie nécessitent des
corps adipeux de la bouche (« boule de Bichat »).
équipes entraînées et des séjours en réanimation, avec un coût
élevé.
Malgré leurs inconvénients, ces lambeaux restent la méthode Distraction ostéogénique (Fig. 8, 9)
de reconstruction osseuse la plus utilisée. Depuis 1976 et les premières études de Snyder et al. [56]
montrant la possibilité de distracter la mandibule des chiens, la
Lambeaux pédiculés distraction ostéogénique est devenu une arme thérapeutique de
Les lambeaux musculocutanés pédiculés de grand pectoral ou choix pour la reconstruction maxillofaciale.
de grand dorsal sont sûrs et apportent des tissus de couverture Dans le traitement des séquelles de traumatisme balistique, la
amples et de qualité. Cependant, souvent trop épais, ils indui- distraction ostéogénique est essentiellement utilisée pour la
sent des temps ultérieurs de désépaississement et créent surtout reconstruction mandibulaire.
des plages cutanées dyschromiques. De nombreux types de distracteurs ont été développés.
8 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10
Figure 9.
A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion classée M1 M2. Prise en charge initiale : parage et suture des différentes plaies, pertes de substances et
contention des fragments osseux restants par un embrochage cruciforme par broches de Kirschner.
B. De face après la prise en charge secondaire : reconstruction par distraction ostéogénique et réhabilitation dentaire par prothèse implantoportée.
C. De profil après la prise en charge secondaire.
D. Panoramique dentaire : après distraction ostéogénique mandibulaire consolidée par attelle vissée et réhabilitation dentaire prothétique implantoportée.
E. Réhabilitation dentaire par prothèse implantoportée.
L’élongation peut être mono-, bi- ou trifocale [7, 57, 58]. gain de parties molles (muqueuse attachée, muscle, tissu sous-
Seules les pertes osseuses très limitées relèvent de l’élongation cutané et peau) induit par la distraction.
monofocale et beaucoup, dans ces cas et d’autant plus que la
localisation est symphysaire, restent fidèles à la greffe osseuse. Expansion cutanée
L’élongation bi- ou trifocale est indiquée pour les grandes
amputations. Si les avantages de cette technique sont inesti- Elle est particulièrement bien adaptée aux reconstructions
faciales, car elle permet de respecter les spécificités propres à
mables, ils ne doivent pas en occulter les inconvénients :
chaque unité morphologique du visage (texture, coloration,
longueur de la phase active du traitement (de 2 à 3 mois) ;
épaisseur de la peau, pilosité). La peau expansée conserve des
lourdeur du procédé ; complexité et fragilité du matériel ;
qualités mécaniques identiques à celles de la peau saine, ainsi
nécessité de consolider le gain osseux par des attelles vissées qu’une structure semblable tant sur le plan macroscopique
de contention mises en place à la dépose du matériel de qu’histologique [62]. Les annexes, glandes sébacées et follicules
distraction. pileux, présentes sur le lambeau expansé restent fonctionnelles.
Le principal intérêt de la distraction ostéogénique est la L’expansion cutanée n’est généralement utilisée qu’en
création simultanée des tissus mous de la face [59]. En effet, deuxième intention, en association et en complément d’autres
l’élongation osseuse par distraction ostéogénique permet un procédés chirurgicaux [63, 64] pour remplacer une palette cutanée
apport cutané important dont le principal avantage est rapportée dyschromique (lambeau composite pédiculé ou libre
l’absence de l’effet patchwork observé avec les palettes cutanées dit « à palette cutanée provisoire ») ou pour supprimer une zone
des lambeaux libres et pédiculés. L’élongation tissulaire déclen- cicatricielle cutanée particulièrement inesthétique ou fonction-
che une hyperactivité angiogénique et neurogénique expliquant nellement gênante.
l’absence de déficits sensitifs sur le revêtement cutané et
permettant l’apport d’un tissu musculaire conservant une Greffes
fonction motrice.
La distraction ostéogénique recrée aussi la muqueuse gingi- Osseuses
vale attachée ainsi que la fibromuqueuse palatine [60], permet-
Les greffes osseuses iliaques ou calvariales sont utilisées en
tant de refermer les communications buccosinusiennes et donc apposition pour redonner une structure et du volume à une
de restaurer une fonction palatine. pommette, à un cadre orbitaire, ou pour les pertes osseuses
L’os distracté est vascularisé et autorise une réhabilitation mandibulaires très limitées. Si l’os spongieux est plus ostéogé-
dentaire par prothèses implantoportées [61]. nique que l’os cortical, en revanche sa résorption est plus
En cas de défaut de projection osseuse après distraction importante ce qui justifie l’engouement pour les prélèvements
ostéogénique, des greffes osseuses en onlay peuvent être corticaux d’origine calvariale.
proposées avec une diminution des risques d’exposition car les La greffe chondrocostale conserve un intérêt pour remplacer
difficultés de couverture des greffons sont éliminées grâce au un condyle mandibulaire.
Stomatologie 9
22-075-B-10 ¶ Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile
Cutanées [17] Pons J, Courbil LJ. Ces balles à haut transfert d’énergie. Med Armees
1985;13:517-26.
Les greffes de peau totale s’appliquent aux pertes de sub- [18] Buffe P, Cudennec YF, Poncet JL, Soubeyrand L. Les plaies cervico-
stance cutanées limitées. faciales par projectiles. Paris: EMC (Elsevier Masson SAS; 1989 (Oto-
Les greffes de peau mince sont indiquées pour les approfon- rhino-laryngologie, 20-860-B-10: 6p).
dissements de vestibule inférieur dans la perspective d’une [19] Varr WF, Cook RA. Shotgun eye injuries. Ocular risk and eye protec-
réhabilitation dentaire par prothèses adjointes ou implantopor- tion efficacy. Ophthalmology 1992;99:867-72.
tées, ou pour traiter des brides endobuccales. [20] Bento RF, de Brito RV. Gunshot wounds of the facial nerve. Otol
Neurootol 2004;25:1009-13.
Lipofilling [65] [21] Jones BV, Tomsick TA. Shotgun pellet embolus to the basilar artery.
Appliquée selon la technique de Coleman [65], elle permet de AJR Am J Roentgenol 1995;165:744-5.
[22] Yoshioka H, Seibel RW, Pillai K, Luchette FA. Shotgun wounds and
combler de petites dépressions cutanées et d’assouplir les
pellet emboli: case reports and review of the literature. J Trauma 1995;
cicatrices.
39:569-601.
Elle est surtout utilisée en complément des autres techniques.
[23] Cogbill TH, Sullivan HG. Carotid artery pseudo aneurysm and pellet
embolism to the middle cerebral artery following a shotgun wound of
the neck. J Trauma 1995;39:763-7.
[24] Compère JF, Labbé D, Sautreuil B, Langeard M, Courtheoux P,
10 Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10
[45] Tan YH, Zhou S, Liu Y, Liu B, Li Z. Small-vessel pathology and [55] Converse JM. Clinical applications of the scalping flap in reconstruc-
anastomosis following maxillofacial firearm wounds: an experimental tion of the nose. Plast Reconstr Surg 1969;43:247-59.
study. J Oral Maxillofac Surg 1991;49:348-52. [56] Snyder CC, Levine GA, Swanson HM, Browne EZ. Mandibular
[46] Bonan C, Taha F, Testelin S, Devauchelle B. Microchirurgie et lengthening by gradual distraction. Plast Reconstr Surg 1976;51:506-8.
traumatologie balistique faciale. Ann Chir Plast Esthet 1998;43: [57] Labbé D, Badie Modiri B, Kaluzinski E, Compère JF. Reconstruction
149-61. mandibulaire par distraction osseuse progressive chez les traumatisés
[47] Gruss JS, Antonyshyn EO, Phillips JH. Early definitive bone and soft- par arme de chasse. Ann Chir Plast Esthet 1998;43:141-8.
tissue reconstruction of major gunshot of the face. Plast Reconstr Surg [58] Shvyrkov MB, Sumarokow DD, Shamsudinov AH. Osteoplasty
1991;87:436-50. of the mandible by local tissues. J Craniomaxillofac Surg 1995;23:
[48] Olding M, Winsky FV, Aulisi E. Emergency free flap reconstruction of 377-81.
facial gunshot wound. Ann Plast Surg 1993;31:82-6. [59] Molina F, Ortiz Monasterio F. Mandibular elongation and remodeling
[49] Vitkus K, Vitkus M. Microsurgical reconstruction of shotgun-blast by distraction: a farewell to major osteotomies. Plast Reconstr Surg
wounds to the face. J Reconstr Microsurg 1990;6:279-86. 1995;96:825-40.
[50] Becelli R, DePonte FS, Sassano PP, Rinna C. Firearm injuries in
[60] Kaluzinski E, Benateau H, Labbé D, Mundreuil M. Reconstruction du
maxillofacial region. Reconstructive surgery. J Craniofac Surg 1995;
prémaxillaire par distraction ostéogénique : à propos de trois cas. Ann
6:473-6.
Chir Plast Esthet 2001;46:293-303.
[51] Anthony JP, Foster RD, Sharma AB, Kearns GJ, Hoffman WY,
Pogrel MA. Reconstruction of a complex midfacial defect with the [61] Labbe D, Nicolas J, Kaluzinski E, Soubeyrand E, Sabin P, Compère JF,
folded fibular free flap and osseointegrated implants. Ann Plast Surg et al. Gunshot wounds: reconstruction of the lower face by osteogenic
1996;37:204-10. distraction. Plast Reconstr Surg 2005;116:1596-603.
[52] Nisani M, Turegun M, Er E, Sengezer M. Reconstruction of the middle [62] Magalon G, Aubert JP, Bardot J, Paulhe PH. Techniques d’expansion
and lower face with three simultaneous free flaps: combined use of cutanée. Paris: EMC (Elsevier Masson SAS; 1993 (Techniques chirur-
bilateral fibular flaps for maxillomandibular reconstruction. Ann Plast gicales - Chirurgie plastique, 45-100 : 26p).
Surg 2003;51:301-7. [63] Antonyshyn OM, Paletz JL, Wilson KL. Reconstruction of composite
[53] Duffy FJ, Gan BS, Israeli D, Tantillo MB, Yaremchuk MJ. Use of facial defects: the combined application of multiple reconstructive
bilateral folded radial forearm free flaps for reconstruction of a midface modalities. Can J Surg 1993;36:441-52.
gunshot wound. J Reconstr Microsurg 1998;14:89-96. [64] Ozun G, Labbé D. Les lambeaux expansés de la tête et du cou. Ann Chir
[54] McCarthy JG, Zide BM. The spectrum of calvarial bone grafting: intro- Plast Esthet 1996;41:445-65.
duction of the vascularized calvarial bone flap. Plast Reconstr Surg [65] Coleman SR. Facial recontouring with lipostructure. Clin Plast Surg
1984;74:10-8. 1997;24:347-67.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Nicolas J., Soubeyrand E., Labbé D., Compère J.-F., Benateau H. Traumatismes de la face par arme à feu en
pratique civile. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-075-B-10, 2007.
Stomatologie 11
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-067-A-05 (2004)
22-067-A-05
Mots-clés : Fractures dentaires ; Luxations dentaires ; Traumatismes osseux ; Lésions des parties molles ;
Vitalité pulpaire ; Surveillance ; Certificat médical
comme les versions palatines ou vestibulaires. Avec la résorption Jeux de ballons, sports de combat, équitation et cyclisme sont les
progressive de la racine, on voit diminuer le risque de complications activités les plus citées. Récemment, VTT, patins en ligne, skate-
pour l’os alvéolaire et le germe de la dent définitive. board et trottinette ont corrigé à la hausse des chiffres que la
diminution des accidents de circulation avait contribué à faire
¶ En denture mixte baisser.
Pendant cette période qui s’étale en moyenne entre 6 et 12 ans, les Il existe une écrasante prédominance masculine, même si le sex-
incisives centrales supérieures sont les premières à apparaître et ratio est variable selon les circonstances de survenue, variant de
restent les plus touchées par les traumatismes. Mais durant les 1/1 pour les accidents domestiques chez l’enfant à 1/10 pour les
premières années, l’édification radiculaire en cours confère quelques accidents du travail (1/2 pour les traumatismes sportifs et 1/8 pour
spécificités : la racine courte permet les luxations, même si l’os les agressions).
alvéolaire devient plus compact et plus résistant aux déplacements
latéraux et axiaux ; le canal radiculaire est large et protège le paquet
vasculonerveux des forces de cisaillement et de la strangulation par PRÉVENTION
l’œdème post-traumatique ce qui évite le plus souvent la Elle est applicable à plusieurs niveaux et nécessiterait un effort
mortification pulpaire. Les lésions fracturaires des organes dentaires collectif.
apparaissent avec l’allongement des racines et la densification
osseuse. ¶ Concernant le patient
¶ En denture permanente Elle se limite à la pratique des sports. Beaucoup d’entre eux ne
À partir de l’adolescence, la denture définitive est édifiée et les requièrent pas de protection dentaire, même en compétition : c’est le
conséquences d’un traumatisme alvéolodentaire sont plus lourdes. cas du cyclisme, du patinage ou de l’équitation où le casque ne
Ce sont les activités sportives qui semblent générer le plus protège que le crâne et pas la face. Dans les sports de ballon ou de
d’accidents chez les sujets jeunes. combat, le port de protège-dents est préconisé voire obligatoire, et
les différentes études mettent en évidence la nette supériorité des
À tout âge, rixes et agressions sont des causes fréquentes de
protections personnalisées réalisées par des odontologistes sur les
fractures et luxations dentaires.
protections thermoformées du commerce. [31] Il importe de réaliser
L’adulte partage également tous ces facteurs de risque, auxquels il un fenêtrage qui permet une respiration buccale tout en gardant les
faut ajouter le vieillissement physiologique de la denture, des tissus mâchoires serrées : cette zone de faiblesse est palliée par l’inclusion
de soutien et parfois le mauvais état buccodentaire. Il existe alors d’une armature rigide ; de même, pour la plongée, il faudrait
quelques causes iatrogènes telles que l’intubation endotrachéale adapter l’embout respiratoire à la cavité buccale du plongeur.
anesthésique (où la luxation des incisives centrales supérieures est
possible surtout en cas de parodontolyse associée), ainsi que les Enfin, le traitement des dysmorphies faciales peut être considéré
avulsions dentaires si les instruments sont utilisés de manière comme un moyen indirect de prévention des traumatismes dentaires
inappropriée. et alvéolaires.
Il est classique de dire que la proalvéolie supérieure favorise la
¶ Concernant l’entourage
survenue de tels accidents, les incisives étant alors particulièrement
exposées aux agents vulnérants du fait de leur vestibuloversion. Les Il s’agit plutôt d’une prévention des complications, c’est-à-dire d’une
traitements orthodontiques plus largement développés tendent à prévention secondaire alors que le traumatisme est survenu.
réduire actuellement ce risque. En revanche, le port d’appareillage Le but est donc de former les catégories de population susceptibles
modifie l’histoire naturelle des traumatismes dentaires, tantôt en d’être confrontées aux traumatismes dentaires. En premier lieu, les
assurant une contention solide qui limite dans une certaine mesure professeurs des écoles : certains d’entre eux connaissent la conduite
les dégâts, tantôt, au contraire, en mobilisant en bloc un groupe à tenir en urgence, la majorité des autres est demandeuse de
dentaire à distance du point d’impact. formation. [4] Il en est de même des moniteurs sportifs qui reçoivent
Après 12 ans, les lésions des tissus de soutien et des organes les informations nécessaires au cours de leur tronc commun. [18]
dentaires s’équilibrent donc et sont déterminées par les Enseigner aux parents serait l’idéal mais paraît illusoire devant le
caractéristiques des agents vulnérants : Les projectiles de faible trop grand nombre. Enfin, le personnel des professions para-
masse percutant des dents nues à vitesse rapide aboutiront aux médicales et tous les médecins devraient connaître les principes de
fractures coronaires radiculaires ou mixtes. Le processus carieux traitement d’urgence.
majore ce risque. Les agents contondants, lourds et à déplacement
lent, surtout s’ils percutent des dents protégées par des tissus mous
tels que les lèvres, engendreront des luxations.
Avec l’âge, le vieillissement des tissus parodontaux favorise le retour
Examen du sujet
des luxations quelle que soit la nature du traumatisme.
Comme pour toute pathologie ou traumatisme, il se doit d’être
méthodique et systématisé. Après avoir installé confortablement et
ÉPIDÉMIOLOGIE
rassuré la victime, cet examen débute par un interrogatoire qui est
Il est évident qu’il existe une sous-estimation de l’incidence et de la un temps capital dans la démarche diagnostique. Inspection et
prévalence des traumatismes dentaires parce que, d’une part les palpation sont suivies de clichés radiographiques, souvent multiples.
patients ne viennent pas tous consulter, et d’autre part, les lésions C’est à ce terme qu’a lieu la rédaction du certificat médical initial.
ne sont pas toutes diagnostiquées.
Ce sont néanmoins des affections fréquentes : pour Gineste, [20] un
individu sur dix a été victime d’un traumatisme dentaire ou ANAMNÈSE
alvéolodentaire à l’âge de l’adolescence, et pour Delattre, [10] cela La première partie de l’interrogatoire concerne l’accident à
concerne 13,6 % des enfants de 6 à 15 ans. La fréquence de ces proprement parler : le praticien s’enquiert alors des date, heure et
traumatismes diminue d’ailleurs avec le vieillissement des sujets : lieu de survenue, perte de connaissance initiale. Il se renseigne
50 % avant 10 ans pour 30 % entre 10 et 30 ans. [17] également sur l’agent vulnérant, car ses différentes caractéristiques
Pour Gassne, [17] les traumatismes dentaires accompagnent 48,25 % (consistance, direction, point d’impact, cinétique…) peuvent orienter
des traumatismes craniofaciaux et se répartissent essentiellement en vers tel ou tel type de lésions. Les conditions de survenue, accident
accidents de circulation (10 à 54 % selon les séries), agressions (13 à de la vie privée ou causé par un tiers, de loisir ou de sport de
48 %) et sports (6 à 33 %), les accidents domestiques et du travail compétition, du travail, agression, ont un rôle déterminant sur les
représentant une part négligeable. conséquences juridiques et l’indemnisation du préjudice.
2
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05
Les questions sont ensuite orientées vers le sujet et ses antécédents mouvements de la couronne (signe de fracture coronoradiculaire)
médicochirurgicaux : interventions chirurgicales antérieures, des mouvements de la dent dans son ensemble (qui traduisent une
pathologies connues, troubles de l’hémostase, allergies luxation incomplète).
médicamenteuses, traitements en cours, statut vaccinal notamment
Enfin, l’examen se termine par les tests de vitalité pulpaire des dents
contre le tétanos. La notion de traitements buccodentaires en cours
suspectées traumatisées et des dents attenantes. Parmi les différentes
ou passés est importante à recueillir pour déterminer un « état
antérieur » à l’actuel traumatisme. possibilités (électricité, température…), c’est le test au froid qui
semble être le plus utilisé. Les réponses sont inscrites sur un schéma
Enfin, le recueil des signes fonctionnels est une bonne étape de
qui doit absolument être daté ; en fait, ce n’est pas la réponse
transition entre interrogatoire et examen clinique : existence de
actuelle qui importe le plus mais son évolution avec le temps :
douleurs et conditions d’apparition (chaud, froid, alimentation,
position), paresthésies ou anesthésie dans un territoire précis, certaines dents initialement insensibles peuvent retrouver une
plaintes associées concernant d’autres organes. vitalité normale (phénomène de sidération nerveuse), le contraire
est également possible, et comme la mortification pulpaire entraîne
Impossible chez le polytraumatisé ou le sujet souffrant de troubles
un cortège de complications, il faut savoir la dépister précocement.
neurologiques, cette étape du diagnostic est également délicate chez
l’enfant, surtout si celui-ci n’est pas accompagné de proches parents
munis du carnet de santé. Effectivement, le traumatisme récent a EXAMEN RADIOGRAPHIQUE
tendance à rendre les enfants mutiques ou au contraire très agités,
donc peu coopérants pour l’interrogatoire comme pour l’examen C’est lui qui permet le plus souvent d’affirmer le diagnostic, mais il
physique. Chez eux, il est indispensable de commencer par rassurer n’est pas toujours réalisable de manière aussi complète que le
la mère, ce qui a pour effet de calmer l’enfant. praticien le voudrait. Le très jeune enfant, agité car anxieux, ne se
soumet pas toujours à ces examens qui nécessitent une immobilité
parfaite. Le polytraumatisé ne peut pas bénéficier de l’apport du
EXAMEN CLINIQUE cliché panoramique dentaire réalisé en orthostatisme ou
Celui-ci est idéalement réalisé par un spécialiste de la cavité buccale éventuellement chez un patient assis.
parce qu’il requiert un matériel adéquat : le fauteuil inclinable et le Néanmoins, dans la majorité des cas, l’accès à une séquence
scialytique permettent une excellente inspection de l’ensemble de la
d’examens est possible et nous décrirons ici les clichés idéaux et
bouche, plus difficile pour l’arcade dentaire supérieure. Ce matériel
leurs alternatives.
est rarement disponible dans les services d’accueil et d’urgences, où
l’alternative consiste à examiner un patient en décubitus à la lumière Le cliché « panoramique des maxillaires » possède l’avantage de
d’un miroir frontal. montrer sur un seul film radiologique l’ensemble des deux arcades
Il convient d’avoir à portée de main, outre des gants d’examen, une dentaires, leurs bases osseuses alvéolaires et basilaires, les branches
aspiration douce, car les gingivo- ou stomatorragies sont fréquentes. montantes mandibulaires et les articulations temporomandibulaires.
Le praticien utilise un miroir dentaire, une sonde, une pince Il représente un excellent cliché de débrouillage en permettant de
« précelle », du coton et une bombe réfrigérante pour tester la vitalité recenser les dents manquantes ou de dépister les fractures
pulpaire, des compresses. Du matériel pour réaliser une anesthésie mandibulaires associées. La qualité des images est meilleure à la
locale est nécessaire, même s’il n’est utilisé le plus souvent qu’au mandibule qu’au maxillaire en raison d’artefacts provoqués par les
moment du traitement des lésions. cavités aériennes sus-jacentes.
Sur un patient préalablement rassuré et calmé, surtout s’il s’agit d’un Les clichés rétroalvéolaires qui viennent au besoin compléter l’examen
enfant, et chez lequel la douleur a été atténuée par une prise précédent apportent des renseignements plus précis. En cas de
médicamenteuse, on débute par une inspection globale de la cavité doute, il est important de multiplier ces clichés sous diverses
buccale et de ses annexes (versant cutané puis muqueux des lèvres). incidences afin de mettre en évidence un trait de fracture suspecté
Toutes les lésions doivent être soigneusement analysées puis par le seul examen clinique. Ils permettent de visualiser plus
consignées sur le certificat médical initial, comme celles des tissus
précisément la structure de l’organe dentaire, l’état de la chambre
mous (lèvres, gencives, langue) qui sont trop souvent oubliées.
pulpaire et le degré d’édification radiculaire, ainsi que l’os alvéolaire
L’inspection globale des organes dentaires apprécie l’ampleur des et l’espace ligamentaire. De ces clichés, on peut rapprocher les clichés
dégâts et notamment l’absence de couronnes, pour laquelle il faudra endobuccaux occlusaux ou « mordus » qui sont également utiles pour
définir s’il s’agit de luxation totale ou de fracture radiculaire avec le dépistage notamment de fractures incomplètes des structures
racine restante. L’observation des dents en place analyse leur
osseuses, qui n’apparaissent pas toujours sur la radiographie
coloration (normale, grisâtre pour une mortification ancienne, rosée
panoramique.
pour une fracture récente), leur position ou variation d’axe
traduisant un déplacement dont le caractère ancien ou récent peut En cas d’impossibilité de réaliser ces radiographies, il convient de
être reconnu par l’étude des facettes d’usure. L’examen des demander des images en « maxillaires défilés » (incidences obliques
couronnes recherche une fêlure ou fracture et toute amputation, qui dégagent en deux clichés les hémimandibules droite et gauche),
même minime, est notée. une « face basse » qui visualise tout l’arc mandibulaire ou une
La palpation est un temps de l’examen plus délicat à réaliser, car le incidence de Blondeau pour mettre en évidence la région centrale
patient craint que le praticien ne réveille une douleur qui s’était de l’arcade maxillaire.
spontanément atténuée. Comme pour l’inspection, il est important
de ne pas oublier les structures annexes : on recherche un éventuel
corps étranger, dentaire ou non, au sein des plaies des lèvres, dont Classification
on apprécie également la sensibilité au toucher. Les bases osseuses
sont examinées à la recherche d’une fracture associée, par exemple
en palpant le bord basilaire mandibulaire ou la cinétique des La classification la plus utilisée, celle de l’Organisation mondiale de
condyles dans les deux régions prétragiennes. la santé (OMS) (Tableau 1), a le mérite de la simplicité. Elle décrit
La mobilité des dents est testée manuellement ou à l’aide de la avec précision les lésions des tissus de soutien : procès alvéolaires et
précelle, et l’amplitude des mouvements possibles dans les divers gencive. En revanche, elle ne mentionne pas la topographie des
plans de l’espace est cotée. Chaque dent est examinée fractures radiculaires qui, selon la hauteur, ont des implications
indépendamment et le déplacement d’un groupe dentaire en thérapeutiques différentes. Elle ne fait pas état non plus de la
monobloc fait suspecter une fracture de l’os alvéolaire. En revanche, possibilité de fêlure de l’émail, atteinte qui passe trop souvent
en cas de mobilité d’une seule dent, il faut différencier les inaperçue.
3
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie
Tableau 1. – Classification de l’Organisation mondiale de la santé Tableau 3. – Gestes initiaux à réaliser en fonction des situations
(OMS) et ses références. rencontrées.
Fractures Simple surveillance de la vitalité pulpaire Contusion isolée
Coronaires -Éclats de l’émail : N 873.60 Fêlure de l’émail
-Simples : N 873.61 Ingression d’une dent lactéale
-Expositions pulpaires : N 873.62 Subluxation réduite et stable
Coronoradiculaires -Simples : N 873.64 Restauration coronaire d’emblée Éclat de l’émail
-Expositions pulpaires : N 873.64 Fracture sans exposition pulpaire
Radiculaires N 873.64 Traitement endodontique immédiat Exposition pulpaire douloureuse
Luxations Avulsion avec long délai extraoral ( cf.
Contusions N 873.66 tableau 4)
Subluxations -Intrusions/extrusions : N 873.67 Dépulpation à distance Constatation d’une mortification secon-
-Luxations latérales : N 873.66 daire
Avulsions Avulsions Avulsion en urgence Luxation dans un contexte de parodon-
Fractures des procès alvéolaires Mandibulaires : N 802.20 tose dépassée
Maxillaires : N 802.40 Dents porteuses de lésions irréversibles
Dilacérations gingivales N 873.69 Luxation instable d’une dent lactéale chez
le tout jeune enfant
Tableau 2. – Classification plus complète utilisée pour la description anatomique des lésions.
Atteintes des tissus de soutien Contusions
Subluxations Intrusions
Extrusions
Déplacements latéraux
Avulsions
Atteintes de l’organe dentaire Fêlures
Éclats de l’émail
Fractures sans exposition pulpaire Transversales ou obliques de la couronne
Longitudinales coronoradiculaires
Fractures avec exposition pulpaire Transversales ou obliques de la couronne
Coronoradiculaires
Radiculaires du tiers cervical
Radiculaires du tiers moyen
Radiculaires du tiers apical
Lésions osseuses Alvéolaires périradiculaires
Alvéolaires sus-apexiennes
Fractures d’os basilaire
Fractures de l’épine nasale antérieure
Lésions des tissus mous Dilacérations gingivales
Plaies de la langue
Plaies des lèvres
Lésions des muqueuses jugales
4
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05
A2 B2
A1 B1
¶ Égressions dentaires
Cette forme de traumatisme correspond bien à la notion de luxation
puisqu’il existe effectivement une perte des rapports normaux
alvéolodentaires, ainsi qu’une lésion plus ou moins sévère du
ligament qui les unit (les luxations totales sont traitées à part).
Parmi les cas d’égression partielle, il faut différencier les simples
dans un canal radiculaire large, l’œdème est responsable d’une
étirements du ligament des déchirures dont le pronostic est
ischémie moins sévère de la pulpe et entraîne probablement moins
probablement plus sévère. Dans les cas les plus limités, a priori plus
souvent une mortification.
favorables, l’hématome qui remplit l’espace alvéolodentaire fait
place à un tissu de granulation réparateur « favorable » à une
¶ Ingressions dentaires cicatrisation ligamentaire ; le faible déplacement de la dent
Cette forme de luxation axiale semble être l’apanage des incisives n’engendre qu’un étirement du pédicule vasculonerveux, avec de
supérieures lactéales chez des enfants âgés de 1 à 3 ans car l’os moindres conséquences à long terme sur la vitalité pulpaire.
alvéolaire fragile et la présence du germe définitif favorisent la L’inspection retrouve une dent sortie de son alvéole, mobile, associée
pénétration de la dent dans le maxillaire. à une hémorragie au collet gingival. Le cliché radiographique
Si la pénétration est complète, l’absence de dent sur l’arcade peut montre un élargissement, parfois asymétrique, de l’espace
faire croire à une luxation totale, et c’est le cliché radiographique alvéolodentaire ; il doit éliminer une fracture radiculaire et/ou de
qui fait le diagnostic de l’ingression. Il tente alors de préciser les l’os alvéolaire.
rapports entre la dent ingressée et le germe de la dent définitive Les tests de vitalité pulpaire sont fréquemment perturbés, mais bien
dont l’embrochage peut avoir de fâcheuses conséquences sur son souvent il ne s’agit que d’une simple sidération nerveuse, et tout
évolution. revient dans l’ordre dans un délai de quelques jours à quelques
En fait, la situation est plus complexe puisque, selon l’âge de semaines. Parfois, lorsque le déplacement a été plus important, la
survenue du traumatisme, les rapports entre dent temporaire et subluxation aboutit à la mortification pulpaire et un traitement
germe varient (Fig. 1) et les lésions attendues sont différentes. C’est endodontique devient nécessaire.
entre 1 et 3 ans que les rapports entre ces deux organes sont les plus La difficulté de cette catégorie de traumatismes réside en la présence
étroits (le sac qui contient le germe est à l’aplomb de l’apex dentaire) du caillot ligamentaire qui fait obstacle à la réimpaction dentaire
et les lésions les plus préoccupantes : il n’est pas rare que le tentée par le praticien avant fixation de la dent.
télescopage des deux structures entraîne une modification de l’axe
radiculaire de la dent définitive qui aboutit à l’éruption d’une dent ¶ Déplacements latéraux
mal positionnée, ou bien une blessure du germe qui se traduit par Beaucoup plus fréquents dans le sens antéropostérieur que dans le
l’éruption d’une dent hypoplasique (Fig. 2). sens mésiodistal, ils représentent la variété la plus fréquente de
Avant 1 an, l’apex de la racine de la dent lactéale est plus luxations incomplètes. Les subluxations de dents lactéales sont
vestibulaire que le germe et les lésions de celui-ci sont rares. À partir fréquentes car favorisées par la rhizalyse et l’approche de la chute
de 4 ans, la rhizalyse est suffisamment avancée pour que les lésions physiologique. Chez l’adulte, c’est la parodontolyse avec résorption
induites par la pénétration de la dent temporaire soient plus de l’os alvéolaire qui est pourvoyeuse de déplacements dentaires.
importantes sur celle-ci que sur le germe de la dent définitive. À l’examen, c’est la malposition de la dent qui fait porter le
Quoi qu’il en soit, la surveillance est de mise et la migration de la diagnostic ainsi que la mobilité de la couronne. La version peut être
dent impactée permet le plus souvent son retour sur l’arcade en palatine ou vestibulaire. Il existe également une hémorragie au collet
quelques semaines à quelques mois. Il convient d’émettre les plus gingival. Les manœuvres de mobilisation sont inutiles et
grandes réserves quant à l’avenir de la dent permanente, dont douloureuses, et c’est le cliché rétroalvéolaire ou le cliché occlusal
l’éruption est guettée en analysant sa position, sa forme et sa antérieur qui confirme le diagnostic, en montrant l’intégrité de la
coloration, ainsi que sa vitalité : ceci doit être parfaitement compris racine et un élargissement asymétrique de l’espace desmodontal.
par les parents. L’état de l’os alvéolaire est tout aussi important à préciser.
L’impaction des dents définitives est plus rare et volontiers Une fois encore les tests de vitalité pulpaire ne sont que peu
incomplète, ce qui rend le diagnostic clinique plus facile. En contributifs le jour du traumatisme, car leur négativité peut
5
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie
¶ Luxations totales
Elles correspondent au stade ultime des luxations, et le diagnostic
est d’autant plus facile que le patient ou sa famille se présente avec
la dent expulsée de son alvéole. Dans le cas inverse, le diagnostic
différentiel d’ingression dentaire reste à poser, et c’est à nouveau le
cliché radiographique qui confirme l’hypothèse d’avulsion en
montrant un alvéole déshabité. [34]
Lorsque la dent n’a pas été retrouvée, il importe de s’assurer qu’elle
n’a pas été inhalée par le patient : l’interrogatoire recherche les
signes (toux suffocante, dyspnée avec tirage, cyanose, agitation…)
faisant craindre un « syndrome de pénétration » des voies aériennes
et, en cas de doute, une radiographie thoracique de face doit être
prescrite, à la recherche de cet éventuel corps étranger qui
favoriserait les pneumopathies. La déglutition de la dent ne
comporte aucun risque majeur, et le cliché abdominal ne présente
pas d’autre intérêt que de faire cesser les recherches si la dent est
visualisée en projection de l’aire gastrique. Figure 4 Même dent que Figure 3 à
2 ans du traumatisme : disparition quasi
La réimplantation d’une dent lactéale n’est généralement pas tentée totale de la racine.
car le geste est lourd et le risque infectieux secondaire grand pour le
peu de bénéfice attendu.
La question se pose, bien sûr, lorsqu’il s’agit d’une dent permanente,
mais selon les nombreuses études réalisées le pronostic est différent
selon le contexte : les chances de réussite (obtention à 2 mois d’une
dent stable et vivante) sont maximales en cas de réimplantation
rapide (inférieure à 1 heure pour certains) d’une dent dont l’apex
n’est pas complètement édifié, chez un individu au bon état
buccodentaire et présentant des dents avoisinantes saines ce qui
permet un ancrage efficace pour la contention.
L’intégrité de l’os alvéolaire est également un facteur de réussite,
tout comme la nature du milieu de conservation pendant le délai
extraoral.
Il existe des contre-indications relatives à la remise en place de la
dent (comme la parodontolyse) ou absolues telles que les
cardiopathies valvulaires, en raison du risque de mortification
pulpaire et de formation d’une lésion infectieuse apicale.
Lorsque cette réimplantation est tentée, il importe de ne pas léser Figure 5 Traumatisme
a priori bénin de la 21 avec
les structures ligamentaires, en évitant un curetage trop appuyé dans éclat de l’émail du bord oc-
l’alvéole et un brossage de la racine dentaire. clusal.
Dans les cas les plus favorables, il existe une cicatrisation
ligamentaire qui passe par l’édification d’un tissu de granulation
alvéolaire et la réinnervation est parfois constatée pour des dents à
apex ouvert : dans ce cas, la vitalité pulpaire réapparaît à distance
du geste.
Une autre forme de consolidation est représentée par l’ankylose : le
ligament détruit cède la place à un tissu inflammatoire ostéoïde
néfaste, et l’espace alvéolodentaire est alors comblé par un os
spongieux qui favorise l’interpénétration de la dentine et des
ostéoblastes. La stabilité de la dent ainsi « ankylosée » n’est que
provisoire ; elle risque d’être fortement compromise par une
rhizalyse secondaire plus ou moins rapide (Fig. 3, 4 ). dentaire dont le passage sur la face vestibulaire « accroche »,
éventuellement en reproduisant une douleur si celle-ci n’était pas
spontanée. Une fois de plus, c’est le test de vitalité pulpaire qui
FRACTURES DENTAIRES détermine la gravité de l’atteinte : le plus souvent, la dent est vivante
et le traitement peut consister en un simple polissage. Si les tests de
¶ Fêlures vitalité sont négatifs initialement, il faut rassurer le patient ou sa
Elles peuvent être considérées comme le premier stade des fractures famille, car il ne s’agit le plus souvent que d’une simple sidération
coronaires. Le diagnostic en est d’autant plus difficile que l’aspect de la pulpe, et la normalisation se fait spontanément en quelques
macroscopique de la couronne semble normal. La radiographie ne jours à quelques semaines.
montre aucune image suspecte et c’est l’examen clinique en lumière Quand l’atteinte est plus profonde, la lésion peut se prolonger à
tangentielle, ou mieux par transillumination (Fig. 5, 6 ), qui permet travers la dentine jusqu’à la pulpe et on se rapproche alors des
de mettre en évidence cette atteinte isolée de l’émail. fractures de la couronne, même s’il n’existe pas de mobilité de celle-
Comme à l’habitude, ce sont les incisives supérieures qui sont les ci. Le patient présente alors des douleurs spontanées à type de
plus fréquemment touchées. L’examinateur utilise alors une sonde pulpite et la fissure peut être visible à l’œil nu. Dans ce cas, la
6
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05
7
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie
Figure 8 Fracture du
tiers moyen de la racine de
la 21.
1 2 3 4
Figure 10 Les quatre évolutions possibles des fractures radiculaires selon Bouys-
sou. [6] 1. Type I ; 2. type II ; 3. type III ; 4. pseudarthrose.
Figure 9 Même dent que Figure 8
après évolution favorable : consolidation et
persistance de la vitalité pulpaire.
– le cal de type II remplit l’espace fracturaire en isolant deux demi-
pulpes, la partie apicale pouvant rester vivante ;
– le cal de type III entoure la chambre pulpaire qu’il laisse en
monobloc ;
– dans le quatrième cas, l’absence de cal conduit à la pseudarthrose
et le maintien de la dent sur l’arcade n’est possible que si le trait de
fracture est proche de l’apex.
Lorsque couronne et partie proximale de la racine ont disparu suite
au traumatisme, le diagnostic de luxation dentaire complète peut
être porté à tort, et c’est la radiographie qui rétablit la vérité. Le
traitement est alors guidé par l’état buccodentaire du patient, les
lésions associées de l’os alvéolaire et la longueur de racine restante.
8
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05
Figure 11 Trauma-
tisme alvéolaire avec luxa-
tion en bloc du secteur inci-
sif maxillaire chez un
homme jeune déjà partielle-
ment édenté.
– fracture radiculaire ; Ce sont des atteintes fréquentes lors des traumatismes du tiers
inférieur de la face, [29] mais elles passent trop souvent au second
– lésions carieuses non restaurables par les techniques usuelles ; plan derrière les traumatismes alvéolodentaires, tant sur le plan
– gêne à la réduction du foyer. thérapeutique que dans leur description dans le certificat médical
Quoi qu’il en soit, dans les fracas osseux importants, la conservation initial. [28]
des multiples fragments semble la règle admise, à condition de
recouvrir ceux-ci d’une unité gingivopériostée qui assure la ¶ Plaies gingivales
persistance de leur vitalité. Elles sont fréquentes lorsqu’il existe une atteinte de l’os sous-jacent
ou une fracture déplacée des bases osseuses. Elles sont dues à
¶ Fractures associées du vestibule nasal l’adhérence de la fibromuqueuse sur la corticale osseuse. Leur
Lors des dégâts étendus du bloc incisif supérieur, il est possible de diagnostic est fait dès l’inspection, et c’est la présence de ces
constater un traumatisme associé du plancher des fosses nasales, dilacérations qui doit faire rechercher l’atteinte osseuse en
des orifices piriformes et de l’épine nasale antérieure (Fig. 12, 13). profondeur.
La dislocation de ces différents fragments entraîne une déchirure de Trop souvent, leur suture est difficile voire impossible du fait de la
la muqueuse nasale, responsable d’épistaxis dont le tarissement n’est contusion des tissus ou des pertes de substance. Dans ce cas, un
pas toujours spontané, ainsi qu’une luxation du pied de la cloison bourgeonnement par cicatrisation spontanée reste la seule évolution
nasale, qui se trouve déviée latéralement. Dans les cas les plus possible sous couverture antibiotique associée à une antisepsie
sévères, il peut apparaître de véritables fractures du cartilage de la buccale.
cloison ou hématomes, dont le diagnostic doit être posé rapidement Lorsque les plaies sont nettes et que les berges sont vivantes, une
sous peine d’évoluer vers l’infection puis la nécrose du cartilage. [14] suture est réalisée sous anesthésie locale, à l’aide de fil résorbable
Le traitement du traumatisme dentaire doit impérativement être monté sur une aiguille à pointe ronde qui respecte mieux ces tissus
accompagné du drainage d’une éventuelle collection, du fragiles.
9
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie
¶ Plaies de la langue
Elles sont induites par l’interposition de celle-ci entre les deux
arcades dentaires lors de l’accident. Leur exploration doit être
systématique. On y retrouve parfois des fragments dentaires de
couronnes lésées de manière concomitante.
Devant une plaie superficielle, il n’est pas impératif de suturer. Il
n’en est pas de même lorsque la lésion touche le muscle en
profondeur ou lorsque la plaie est transfixiante. Il faut d’abord
rassurer le patient et son entourage devant une hémorragie qui
semble abondante.
Chez l’enfant, le recours à l’anesthésie générale pour l’exploration
des plaies et leur traitement chirurgical est presque toujours Figure 15 Dysharmonie dentodentaire survenue après l’avulsion de la 11 chez un
nécessaire. sujet en « bout-à-bout incisif ». Une prothèse provisoire pour maintenir l’espace aurait
pu éviter le déplacement mésial de la 12.
¶ Plaies des lèvres
– le déplacement, souvent latéral, des dents bordant l’espace édenté
Elles peuvent être causées par l’impaction directe des dents
et pour lequel la prévention consiste à placer une prothèse provisoire
opposées ou bien par l’agent vulnérant lui-même, et il s’agit alors
qui vise à maintenir l’espace en attendant la réhabilitation définitive.
plutôt de traumatismes par éclatement occasionnés par
Lorsque la dysharmonie est avérée (Fig. 15), il importe
l’interposition de la lèvre entre l’objet contondant et le plan dur que
d’entreprendre un traitement orthodontique de réalignement ;
représentent les dents et l’os en arrière. La réparation est
indispensable. – la résorption d’os alvéolaire en secteur édenté impose de réaliser
Si la plaie est transfixiante, on commence par assurer la suture du une greffe osseuse avant réhabilitation prothétique, surtout si on a
plan musculaire, et la deuxième préoccupation est d’aligner la ligne recours à l’implantologie ;
de jonction entre la lèvre blanche et le vermillon. – la mortification d’une dent est la séquelle la plus fréquente : elle
Le choix de l’anesthésie, locale ou générale, est guidé par l’âge du nécessite la pulpectomie avec obturation canalaire pour éviter la
patient et les dégâts alvéolodentaires associés. survenue des complications infectieuses.
Elles peuvent également concerner la dent définitive traumatisée à
¶ Lésions des joues l’état de germe par l’apex ingressé de la dent lactéale :
Elles sont rares et correspondent à des morsures dans les régions – dyschromie coronaire avec éventuelle hypoplasie de l’émail ;
molaires lorsque le traumatisme survient bouche ouverte. On y – dilacérations coronaires ;
rencontre essentiellement des contusions ou ecchymoses, plus
fréquentes que les plaies véritables. – anomalies radiculaires à type d’angulation ou arrêt de la
maturation ;
– anomalies de l’éruption : absence, retard ou ectopie.
Séquelles
On entend par « séquelle » une forme d’évolution défavorable Principes du traitement et cas
survenant à distance du traumatisme, le plus souvent prévisible, et
correspondant à un état de stabilisation des lésions que seule
particuliers
l’intervention du praticien peut modifier. Il faut les distinguer des
« complications » qui surviennent dans un délai variable et de GÉNÉRALITÉS
manière inopinée, et qui sont parfois révélatrices du traumatisme Ce n’est qu’après avoir établi un diagnostic précis et exhaustif des
ancien passé inaperçu : c’est le cas de l’épisode infectieux (cellulite lésions, directement lié à la qualité de l’examen clinique et des
ou fistule) par réchauffement d’une lésion apicale secondaire à la radiographies, que l’on peut prétendre dispenser un traitement
mortification à bas bruit d’une dent lésée (Fig. 14). approprié. Le résultat est d’autant meilleur que le traitement est
Elles sont à la fois fonctionnelles et esthétiques. Citons : débuté rapidement. La mise en place dans l’alvéole d’une dent luxée
– la perte d’une dent définitive par absence de consolidation sur les lieux mêmes de l’accident en est probablement le meilleur
ligamentaire, qui pose le problème de son remplacement, tant sur le exemple. De même, lorsque plusieurs dents sont traumatisées ou
plan technique que pécuniaire ; lorsqu’il existe des lésions associées, il est nécessaire d’entreprendre
les différents traitements simultanément.
Seules quelques lésions échappent à la notion d’urgence
thérapeutique mais ne dispensent pas, malgré tout, de l’avis d’un
spécialiste : il s’agit entre autres de l’éclat de l’émail dont
l’égalisation ou la réparation peut se faire à distance ; l’ingression
d’une incisive maxillaire lactéale nécessite une surveillance qu’il faut
assurer jusqu’à l’éruption de la dent permanente.
En pratique, plusieurs cas de figures se présentent. La contusion
simple, qui associe une dent stable, non déplacée et sans exposition
de la pulpe, est probablement le cas le plus favorable puisqu’il ne
requiert pas de soins d’urgence même si la vitalité pulpaire est
douteuse ou nulle, car nous avons vu que seule la persistance du
déficit sensitif pendant plusieurs semaines devait conduire à la
pulpectomie avec obturation canalaire.
Toutes les autres situations nécessitent de réaliser un geste
d’emblée :
– le déplacement d’une dent doit faire poser l’indication de sa
Figure 14 Kyste symphysaire (révélé par une complication infectieuse) secondaire réduction dans les meilleurs délais suivie de la pose d’une
à la mortification d’incisives inférieures. Le traumatisme initial était passé inaperçu. contention efficace ;
10
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05
11
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie
Tableau 4. – Conduite à tenir avant réimplantation d’une dent permanente luxée selon son degré de maturation et le délai passé hors cavité
buccale (d’après Nivet [27]).
1 2
¶ Contention 3
12
Stomatologie Traumatismes dentaires et alvéolaires 22-067-A-05
Figure 20 Contention de 11 et 21 avulsées par des ligatures en berceau sur arc de Figure 21 Contention par des boîtiers d’orthodontie collés et ligature en « huit de
Dautrey (la denture mixte et l’absence de 12 rendant difficile le collage de boîtiers). chiffre ».
Références ➤
13
22-067-A-05 Traumatismes dentaires et alvéolaires Stomatologie
Références
[1] Andreasen JO, Andreasen FM. Essentials of traumatic inju- [12] Dierks EJ. Management of associated dental injuries in [25] Layug ML, Barrett EJ, Kenny DJ. Interim storage of avulsed
ries of the teeth. Copenhagen: Munksgaard International maxillofacial trauma. Otolaryngol Clin North Am 1991; 24: permanent teeth. J Can Dent Assoc 1998; 64: 357-369
Publishers, 1990 165-179
[26] Matson L. Ankylosis of experimentally re-implanted teeth
[2] Benoist M. Réhabilitation et prothèse maxillo-faciales. [13] Duggal MS. Replantation of avulsed permanent teeth with related to extra-alveolar period and storage environne-
Paris: Julien Prélat, 1978 avital peridontal ligaments: case report. Endod Dent Trau- ment. Pediatr Dent 1982; 4: 327-329
[3] Bertrand JC, Menard P. Traumatismes dentaires et alvéolai- matol 1994; 10: 282-285
[27] Nivet V, Braticevic A, Gigon S, Delcampe P, Peron JM. Prise
res. Encycl Méd Chir 1991; 11p(Elsevier SAS, Paris), Stoma- [14] Escada P, Penha RS. Fracture of the anterior nasal spine. en charge thérapeutique des expulsions traumatiques des
tologie, 22-067-A-05 Rhinology 1999; 37: 40-42 dents définitives. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1998; 99:
[4] Blakytny C, Surbuts C, Thomas A, Hunter ML. Avulsed per- [15] Fortier JP. Les traumatismes des incisives permanentes de 63-69
manent incisors: Knowledge and attitudes of primary l’enfant et de l’adolescent : les traitements d’urgence. Chir
Dent Fr 1991; 61: 27-38 [28] Nossintchouk RM. Manuel d’odontologie médico-légale.
school teachers with regard to emergency management. Paris: Masson, 1991; 203-207
Int J Paediatr Dent 2001; 11: 327-332 [16] Ganigal A, Boyer R. Intérêt du traitement précoce des frac-
[5] Bourgeois A. Données récentes sur les traumatismes den- tures et luxation des incisives permanentes chez l’enfant. [29] Parant M. Petite chirurgie de la bouche. Paris: Expansion
taires des dents permanentes : du diagnostic au traitement. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1976; 77: 384-385 Scientifique Française, 1991; 240-244
1999; [thèse pour le doctorat en chirurgie dentaire], Lille n° [17] Gassner R, Bösch R, Tuli T, Emshoff R. Prevalence of dental [30] Pasturel A. Traumatismes accidentels alvéolo-dentaires.
99 LIL2 D050 trauma in 6000 patients with facial injuries: implications Encycl Méd Chir 1980; 16p(Elsevier SAS, Paris), Stomatolo-
[6] Bouyssou M. Les cals de fractures dentaires comparés aux for prevention. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol gie, 22-067-A-05
cals de fractures osseuses. Rev Fr Odontostomatol 1970; 17: Endod 1999; 87: 27-33
[31] Sametzky S, Allard Y, Hager PE, Girardier J, Bois D. Odon-
1293-1316 [18] Gere E, Bardel P, Guittard J. Conduite à tenir devant un trau- tologie du sport. Encycl Méd Chir 1999; 9p(Elsevier SAS,
[7] Cho SY, Cheng AC. Replantation of an avulsed incisor after matisme alvéolo-dentaire chez un sportif. Rev Laryngol Otol Paris), Odontologie, 23-394-A-10
prolonged dry storage: a case report. J Can Dent Assoc Rhinol 1997; 118: 331-333
[32] Selvig KA. Effect of stannous fluorid and tetracycline on
2002; 68: 297-300 [19] Gigon S, Peron JM. Contention semi-rigide par boîtiers des periodontal repair after delayed tooth replantation in dogs.
[8] Cvek M. Pulp revascularization in reimplanted immature luxations dentaires traumatiques. Rev Stomatol Chir Scand J Dent Rest 1992; 100: 200-203
monkey incisors: predictability and the effect of antibiotic Maxillofac 2000; 101: 272-275
systemic prophylaxis. Endod Dent Traumatol 1990; 6: [20] Gineste P. Les traumatismes dentaires de l’enfant. Gaz Méd [33] Sowray JH. Localised injuries of the teeth and alveolar
157-169 Fr 1980; 87: 2397-2410 process. Maxillofacial injuries Edinburgh: Churchill Livings-
tone, 2000; 214-231
[9] Cvek M. Principal effects of topical application of doxycy- [21] Hiltz J. Vitality of human lip fibroblasts in milk, Hanks balan-
cline on pulp revascularization and periodontal healing in ced salt solution and Viaspan storage media. Endod Dent [34] Trope M. Avulsion and replantation. Refuat Hapeh Vehashi-
reimplanted monkey. Endod Dent Traumatol 1990; 6: Traumatol 1991; 7: 69-72 nayim 2002; 19: 6-15
170-176 [22] Kling M. Rate and predictability of pulp revascularization in [35] Trope M. Periodontal healing of replanted dog teeth stored
[10] Delattre JP, Resmond-Richard F, Allanche C, Perrin M, therapeutically reimplanted permanent incisors. Endod in Viaspan, milk, Hanks balanced salt solution. Endod Dent
Michel JF, Leberre A. Dental injuries among schoolchildren Dent Traumatol 1986; 2: 83-89 Traumatol 1992; 8: 183-188
aged from 6 to 15, in Rennes (France). Endod Dent Trauma- [23] Krasner P. New philosophy for the treatment of avulsed [36] Yam AA, Diop F, Faye M, Tamba-Ba A, Ba I. Les complica-
tol 1995; 11: 186-188 teeth. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod tions des traumatismes des dents temporaires : évaluations
[11] Demars-Fremault C, Michel A. Traumatologie de l’incisive 1995; 79: 616-623 clinique et radiographique. Perspectives de prise en charge
permanente immature. Rev Odontolstomatol 1997; 26: [24] Laudenbach P, Deboise A. Traumatismes dentaires de et de prévention : à propos de 4 cas. Odont Stomatol Trop
235-244 l’enfant. Rev Prat 1986; 36: 1933-1938 2000; 89: 5-9
14
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-068-A-10
22-068-A-10
Traumatologie maxillofaciale :
modalités thérapeutiques
O Giraud
P Duhamel
JB Seigneuric
Résumé. – La traumatologie maxillofaciale reste d’actualité malgré les différentes mesures modernes de
D Cantaloube
protection de la face. En raison de leur diversité, qui constitue l’une de leurs caractéristiques, les lésions
traumatiques de la face, qu’elles soient osseuses, tégumentaires ou dentaires, doivent faire l’objet d’une
thérapeutique bien codifiée qui doit rester adaptée à chaque cas.
En s’appuyant sur les données de l’examen clinique et des explorations radiologiques, les modalités
thérapeutiques comportent différentes étapes qui sont précisées ici.
Le contrôle des urgences, en particulier vitales, constitue le premier stade. Il précède le traitement primaire de
l’ensemble des lésions, réalisé plan par plan en commençant par l’architecture osseuse. La qualité de la
réalisation de ce premier traitement permet de limiter la survenue de séquelles. Ces dernières peuvent
néanmoins subsister et bénéficieront d’un traitement secondaire à distance du traumatisme initial.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Giraud O, Duhamel P, Seigneuric JB et Cantaloube D. Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-068-A-10, 2002, 14 p.
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
[16, 17]
URGENCES
Rarement rencontrée dans les traumatismes habituels, l’extrême
urgence est représentée par l’atteinte de deux grandes fonctions,
respiratoire et circulatoire. Elle doit être systématiquement
recherchée et éliminée dans les polytraumatismes et dans les grands
traumatismes cranio- et maxillofaciaux. À ces deux entités et à un
degré de gravité moindre, on associe parfois l’existence d’un choc,
bien qu’elle reste rare, et le risque infectieux. Il faut par ailleurs
rechercher une possible lésion du rachis, en particulier cervical,
révélée par un point douloureux précis spontané ou provoqué par
la palpation ou bien par la découverte d’une déformation dans cette ou par atteinte du parenchyme pleuropulmonaire avec épanchement
zone. Une telle atteinte est à suspecter par principe dans les gazeux ou hématique compressif, voire suffocant.
accidents du trafic souvent responsables de chocs de haute énergie Par ailleurs, l’association à une hémorragie aggrave le pronostic.
cinétique. Il convient alors de rendre perméables au plus vite les voies
aériennes en levant l’obstacle ou en le contournant sur les lieux
¶ Asphyxie mêmes de l’accident.
L’asphyxie constitue l’urgence des urgences, mettant Après avoir installé le patient en décubitus latéral, lésions contre le
immédiatement en jeu le pronostic vital. plan de repos (le rachis cervical étant maintenu en rectitude et en
extension en cas de doute sur son intégrité) et ce, afin de faciliter le
Ses causes sont multiples : locales directes ou par associations
drainage des voies respiratoires par gravité, on effectue les
lésionnelles de mécanismes indirects.
manœuvres suivantes :
Ses conséquences peuvent très schématiquement se résumer par une
hypoxie qui peut rapidement aboutir au décès. – retirer les débris qui obstruent la filière aérienne supérieure au
doigt ou à l’aide d’une compresse montée sur une pince ;
Les causes locales qui peuvent provoquer l’obstruction des voies
aériennes supérieures sont les suivantes : – faire tousser le blessé ;
– atteinte de l’os hyoïde et des muscles qui y sont insérés et perte – ventiler au masque.
de contrôle du complexe musculaire glossohyoïdien ; Les gestes complémentaires éventuels sont la stabilisation d’un volet
costal ou l’évacuation d’un épanchement thoracique.
– fracas du larynx.
Si ces procédés se révèlent inefficaces ou insuffisants, il faut alors
Les associations lésionnelles, quant à elles, aggravent l’insuffisance
assurer la ventilation par des manœuvres invasives, autorisant une
respiratoire par une action centrale et/ou périphérique :
oxygénothérapie adaptée :
– l’action centrale est représentée par l’atteinte des centres
– intubation, en particulier en cas d’hypoventilation liée à un état
respiratoires bulbaires ou du contrôle cortical ;
comateux ; elle est de préférence nasotrachéale en l’absence de
– l’action périphérique est laryngée ou bien thoracique par atteinte suspicion d’atteinte de la base du crâne et donc de risque de brèche
pariétale avec volet costal et incompétence respiratoire douloureuse cérébroméningée ;
2
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10
¶ Hémorragies
4 Tamponnement jugal par bourdon-
Les hémorragies, abondantes à la face en raison de la richesse de sa nets.
vascularisation, se manifestent de façon externe, interne ou mixte,
en nappe ou en jet. Isolées, elles sont cependant rarement
responsables d’un choc hypovolémique. Les circonstances de
survenue varient de la plaie vasculaire simple au vaste délabrement
facial avec atteinte de multiples vaisseaux.
Il convient alors d’arrêter l’hémorragie et de compenser les pertes,
pour prévenir ou corriger un choc éventuel, par la mise en place de
voies veineuses de bon calibre, périphériques de préférence,
permettant la perfusion de solutés macromoléculaires avec
correction de la volémie et équilibration hydroélectrolytique.
Les hémorragies sont, rappelons-le, temporairement jugulées par
compression digitale jusqu’à ce qu’un contrôle permanent puisse 5 Tamponnement pelvibuccal par bour-
être réalisé. donnets.
En jet, elles font l’objet de clampages, de ligatures intrafocales ou au
point d’élection. Le clampage ne doit pas être fait à l’aveugle mais
rester sélectif, sous bon éclairage, afin d’éviter de léser des éléments
nobles vasculaires ou nerveux, nombreux dans cette région. En
nappe, elles sont traitées par compression : méchage nasal antérieur
(fig 3) ; tamponnement buccal, jugal (fig 4) ou pelvibuccal (fig 5) par
des points en U noués sur des bourdonnets.
¶ Plaies du scalp
Les plaies du scalp, particulièrement hémorragiques, sont
rapidement suturées par un surjet simple avec un fil de bon calibre BILAN LÉSIONNEL INITIAL
en affrontant les berges dans toute leur épaisseur. Il doit être rapide afin de ne pas retarder l’évacuation du patient
tout en permettant de lui apporter des premiers soins adaptés. Sur
¶ Survenue d’un choc le terrain, il ne peut qu’être clinique et repose d’abord sur
l’interrogatoire du blessé, de son entourage ou des témoins qui
La survenue d’un choc, lié aux hémorragies associées à un certain relatent les circonstances de l’accident. Les signes fonctionnels tels
degré d’hypoxie, est surveillée par le contrôle régulier de l’état de que la douleur ou la limitation de l’ouverture buccale sont notés.
conscience, du rythme cardiaque et de la pression artérielle, et Inspection et palpation succinctes précisent les lésions suspectées,
prévenue par le remplissage vasculaire et l’immobilisation provisoire les déformations, les amputations qui sont rapportées sur une fiche.
des fractures à titre antalgique par une fronde ou par des ligatures Non seulement local, et donc facial, ce bilan comporte également un
de type Ivy. Ce choc est plus fréquent dans les polytraumatismes et temps général, à la recherche de lésions associées dont le traitement
les atteintes particulièrement délabrantes dues aux armes à feu que doit parfois se révéler prioritaire. Les observations et les conclusions
devant un traumatisme maxillofacial isolé. de ce bilan sont notées sur une fiche d’évacuation. Quelles que
soient les lésions identifiées, le bilan est complété lors de l’admission
¶ Risque infectieux à l’hôpital.
3
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
*
A *
B – urgences hémorragiques :
7 A. Tamponnement nasopharyngé mixte par mèche et tampon. – électrocoagulation, tamponnement local complémentaire ;
B. Tamponnement nasopharyngé par sonde à ballonnet. – en ce qui concerne les épistaxis, tamponnement nasopharyngé
antérieur, postérieur ou mixte (fig 7A), ou sonde urinaire à simple
– sur le plan général, les moyens de surveillance des constantes ou double ballonnet de type Foley (fig 7B) ;
vitales respiratoires, circulatoires et neurologiques sans omettre ceux – en cas d’échec persistant des méthodes précédentes, traitement
des éventuelles lésions associées : protection thermique, minerve en endovasculaire sous contrôle angiographique par embolisation
cas de suspicion de lésions rachidiennes, matelas-coquille ; sélective du territoire intéressé ;
– un traitement médicamenteux comportant des antalgiques, des – ligature de la carotide externe ou de ses branches,
antibiotiques systématiquement, des antiémétiques par voie exceptionnelle mais parfois nécessaire pour assurer un contrôle
parentérale éventuellement. régional de l’hémorragie malgré le rôle joué par les nombreuses
anastomoses.
Le traitement est précédé par la poursuite du bilan lésionnel
Transport maxillofacial qui comporte examen clinique et imagerie médicale.
EXAMEN LOCAL
Arrivée à l’hôpital Réalisé sous bon éclairage, il est bilatéral et comparatif, et comporte
inspection puis palpation, exo- puis endobuccales. L’examen
Selon son état et l’étendue des lésions, le patient est reçu par exobuccal est réalisé le plus rapidement possible avant la survenue
l’anesthésiste-réanimateur ou le chirurgien maxillofacial, celui-ci d’œdèmes parfois massifs qui vont empêcher l’appréciation correcte
étant seul ou accompagné d’autres spécialistes dans le cadre d’une des déformations.
équipe pluridisciplinaire : radiologue, neurochirurgien, oto-rhino- L’inspection exobuccale permet de caractériser les plaies quand elles
laryngologiste, ophtalmologiste, voire chirurgien orthopédiste ou existent : linéaire simple par arme blanche par exemple, contuse
viscéraliste. Cette prise en charge pluridisciplinaire permet, le cas (fig 8) par agent contondant comme un fragment de pare-brise, avec
échéant, de réaliser un traitement primaire en un temps opératoire perte de substance parfois telle qu’elle empêchera toute suture
avec une seule anesthésie générale. directe sans tension. Selon la topographie de l’atteinte, des éléments
Le contrôle des urgences vitales est vérifié et au besoin ajusté ou anatomiques dits « nobles » peuvent être impliqués :
adapté par des gestes propres au milieu hospitalier, complétant ou – le canal salivaire de Sténon ;
remplaçant les techniques utilisées lors de la relève du blessé :
– le nerf facial ou ses branches et rameaux de division dans la joue,
– urgences respiratoires : trachéotomie réglée, préférable à une en particulier sur une ligne joignant le tragus à la commissure
intubation en cas d’assistance ventilatoire prolongée ; labiale, avec atteinte variable de la mimique ;
4
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10
5
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
13 Incidence de Blon-
deau.
15 Tomodensitométrie :
coupe coronale du maxil-
laire.
Examen radiologique
montante. Ce cliché est plus particulièrement demandé en cas
Guidé par l’examen clinique, il permet de préciser la topographie d’impossibilité de réalisation de l’incidence panoramique (il peut
des lésions osseuses et leur déplacement. Le bilan fait appel à des être effectué au lit du malade).
incidences particulières en fonction de la localisation des atteintes Pour le massif facial : l’incidence de Waters ou de Blondeau (fig 13)
des différentes régions de la face. retrouve les fractures du maxillaire, du malaire et de la région
orbitofrontale. La lecture des lignes de Campbell facilite la recherche
[15]
de déplacements osseux éventuels. L’incidence de Hirtz (fig 14)
RADIOGRAPHIES SIMPLES
montre la projection de l’os malaire et une atteinte de l’arcade
Les incidences diffèrent selon l’étage facial à étudier ; des clichés zygomatique.
orthogonaux permettent de visualiser les fractures et leurs Pour les organes dentaires et l’ensemble alvéolodentaire, l’incidence
déplacements dans les trois plans de l’espace. panoramique des maxillaires offre une vision globale de la denture,
Pour l’étage inférieur de la face : l’incidence panoramique des mais les clichés rétroalvéolaires fournissent des images ciblées de
maxillaires (fig 11) permet de contrôler la mandibule dans son précision et de meilleure qualité, en particulier pour l’arcade
ensemble. Chez l’enfant, la position des germes dentaires est dentaire supérieure.
également précisée [19]. Mais cet examen nécessite une installation
particulière et une certaine autonomie du patient. Une incidence face
basse (fig 12), bouche ouverte, précise l’atteinte de la branche TOMODENSITOMÉTRIE
horizontale, de l’angle et des condyles. Ceux-ci sont également Elle permet d’obtenir en un temps très court et sans manipulation
visualisés par l’incidence transorbitaire de Zimmer. L’incidence excessive du patient des images précises dans les plans coronal
maxillaire défilé étudie la portion dentée de la mandibule à droite (fig 15) et axial (fig 16) en acquisition directe, et dans un troisième
ou à gauche, et plus précisément la région de l’angle et la branche plan par reconstruction (fig 17). Ce procédé permet aussi d’acquérir
6
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10
18 Tomodensitométrie
maxillaire : reconstruction
tridimensionnelle.
*
A
19 Tomodensitométrie
mandibulaire : reconstruc-
tion tridimensionnelle.
ARTÉRIOGRAPHIE
*
B
Elle trouve son utilité en cas d’hémorragie abondante persistante
16 A. Tomodensitométrie : coupe axiale du maxillaire. malgré les diverses tentatives d’hémostase précédemment décrites.
B. Tomodensitométrie : coupe axiale de la mandibule. Elle permet alors de localiser le ou les vaisseaux en cause afin de
faciliter leur contrôle in situ ou de recourir à une embolisation
sélective dans le cadre de la radiologie interventionnelle.
17 Tomodensitométrie :
coupe sagittale du maxil- Au terme de ce bilan lésionnel, un certificat médical initial descriptif
laire. est rédigé de façon précise, notamment à des fins médico-légales ; il
sert en outre de référence lors du suivi du patient.
Traitement primaire
Nous verrons successivement quels en sont les buts, les moyens et
les indications. Il intéresse le plan osseux, mais aussi les structures
de recouvrement, les fractures étant traitées en premier avant la
réparation des parties molles et les sutures muqueuses puis
cutanées. La prise en charge thérapeutique initiale est essentielle
pour prévenir et limiter au maximum les éventuelles séquelles.
OBJECTIFS
Il s’agit, autant que possible, de rétablir la continuité osseuse en
des images tridimensionnelles (fig 18, 19) reconstituant assez
respectant l’anatomie afin de sauvegarder la fonction tout en
fidèlement les traits de fracture et les déplacements [14], bien qu’il
préservant l’esthétique, particulièrement importante à la face. Dans
existe des artefacts parfois trompeurs. certains cas cependant, la conjonction de moyens thérapeutiques
Le bilan tomodensitométrique maxillofacial, réalisé conjointement complémentaires autorise une restauration anatomique imparfaite
au bilan craniocérébral, rachidien ou corps entier selon les cas, comme dans le cas de certaines fractures condyliennes où le respect
permet de gagner du temps dans l’élaboration du bilan lésionnel de la fonction est privilégié.
mais affine aussi ce dernier grâce à ses images de meilleure Globalement, les objectifs majeurs du traitement sont donc le respect
qualité que celles des radiographies standards. Il est ou la restitution conjoints de :
7
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
– l’anatomie ;
20 Ligature d’Ivy.
– la fonction ;
– l’esthétique.
MOYENS
Ils font appel à des procédés fonctionnels, orthopédiques,
chirurgicaux utilisés de façon isolée ou en association. Le rôle de ces
différents procédés est la réduction d’un éventuel déplacement, la
contention en bonne position et l’immobilisation jusqu’à ce que la
consolidation soit acquise. de véritables fiches d’un fixateur endobuccal grâce à la solidité de
l’ancrage dentaire sur les arcades osseuses maxillaires. Ils nécessitent
l’existence d’organes dentaires de bonne qualité et la possibilité de
TRAITEMENTS MÉDICAUX
retrouver l’articulé dentaire de convenance tel qu’il existait avant le
Ils encadrent de façon variable les thérapeutiques précédentes et traumatisme, c’est-à-dire du retour à l’engrènement habituel entre
comportent : les dents maxillaires et les dents mandibulaires. Ils s’adressent donc
– des antibiotiques ; aux fractures de la portion dentée des maxillaires. L’immobilisation
– des antalgiques ; des maxillaires est nécessaire pour un rétablissement précis de
l’occlusion. Elle facilite par ailleurs la consolidation et limite le
– des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou corticoïdes ; risque d’infection tout en prévenant une déformation secondaire.
– une vaccination antitétanique ; Plusieurs procédés sont utilisables, seuls ou en association. La
– des antiémétiques. réduction peut être manuelle ou instrumentale.
On y associe : On fait appel [17] à des ligatures (Leblanc, Ivy, Dautrey, Duclos)
(fig 20), des arcs, malléables de préférence, voire préformés (arc
– une hygiène buccodentaire par brossage doux et régulier des
simple, de Ginestet, de Duclos, de Peri, de Champy, de Pons)
dents et pulvérisations endobuccales après chaque repas ;
solidarisés aux dents par des fils circonférentiels péridentaires et des
– une alimentation adaptée, liquide ou hachée. gouttières réalisées par le prothésiste.
Ces procédés permettent, selon les cas, une réduction puis une
RÉPARATION OSSEUSE contention par immobilisation des foyers fracturaires, mono- ou
bimaxillaires, par l’intermédiaire d’élastiques ou de fils d’acier
¶ Procédés fonctionnels (fig 21). Dans ce dernier cas, qui fait appel à la solidarisation du
Ils concernent la mandibule et sont basés sur la prise d’une maxillaire et de la mandibule, on doit toujours disposer d’un moyen
alimentation semi-liquide les premiers jours, puis mixée pendant de déblocage rapide en cas d’urgence et en particulier lors de la
quelques semaines, et sur la mobilisation prudente de l’arcade survenue de vomissements susceptibles d’être inhalés. Ainsi, une
inférieure avec surveillance clinique et radiologique régulière de paire de ciseaux de type Beebee, ou à défaut une pince permettant
l’absence de déplacement du foyer de fracture, laquelle doit rester de couper le métal, doivent être immédiatement disponibles. Pons a
stable avec un trait favorable par rapport à l’action des forces par ailleurs décrit des moyens de déblocage instantanés permettant
musculaires. de déchirer les élastiques ou de libérer un blocage par fils d’acier.
Quant à la mécanothérapie, elle permet de mobiliser la mandibule à Dans certains cas, on réalise une contention monomaxillaire par
l’aide d’un mécanisme autorisant les mouvements d’abaissement et ligatures en échelle ou par gouttières qui nécessitent la prise
de propulsion dans des conditions aussi physiologiques que préalable d’empreintes.
possible. Il s’agit là d’un traitement complémentaire pour éviter
l’apparition d’une constriction permanente des mâchoires ou pour Lorsque le blocage intermaxillaire est temporaire, comme cela peut
conserver une amplitude suffisante d’ouverture buccale en cas être le cas d’une réduction en bon articulé avant ostéosynthèse d’une
d’atteinte des zones articulaires condyliennes. fracture, deux types de matériels peuvent aussi être utilisés :
– le système IMFy ou Quick Fixy, avec quatre vis dont la tête est
¶ Procédés orthopédiques
percée ; elles sont placées dans l’espace interradiculaire entre canine
Ils reposent sur la présence du système dentaire qui sert à la fois de et première prémolaire en prenant garde aux apex dentaires et sont
repère anatomique pour contrôler l’efficacité de la réduction et aussi reliées deux par deux par un fil métallique (fig 22) ;
*
B
*
A
8
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10
26 Ostéosynthèse des
– l’emploi de quatre fils d’acier dont une extrémité est reliée à une margelles infra-orbitaires
sphère de plomb ; les fils sont passés entre les prémolaires, la sphère par microplaques.
de plomb restant sur le versant palatin ou lingual des dents, puis
reliés entre eux directement [15].
Il existe d’autres moyens, exobuccaux : il s’agit des frondes, des
appuis péricrâniens plâtrés, de l’appui craniofacial de Darcissac. Ils
ne sont plus d’actualité.
Par ailleurs, les crochets de type Ginestet introduits par voie
percutanée sont utilisés pour la réduction des fractures du malaire,
de même que la pince de Claude Martin pour les fractures du nez.
¶ Procédés chirurgicaux
Ils permettent la réduction des déplacements osseux des portions
dentées et non dentées de la face, ainsi que leur contention et leur
immobilisation. – ostéosynthèse par plaques métalliques, en général en titane, de
forme et de taille diverses (fig 24), relativement malléables et
Procédés intrafocaux adaptables aux reliefs anatomiques, vissées dans la corticale externe ;
Ils sous-entendent l’abord des foyers de fracture par des voies on utilise actuellement, là encore selon les cas, des miniplaques
diverses, cutanées et/ou muqueuses selon leur topographie, et (fig 25) ou des microplaques (fig 26), en fonction de l’épaisseur
parfois par la plaie elle-même si sa taille est suffisante et sa osseuse rencontrée ; les maxiplaques sont plutôt employées pour
localisation adaptée. La réduction est effectuée à « ciel ouvert » au ponter les pertes de substance osseuse (fig 27) ; il est important de
moyen d’instruments divers. bien conformer les plaques au relief rencontré afin qu’elles soient
La contention fait appel à la technique de l’ostéosynthèse dont les totalement inertes lors de leur mise en place ;
variantes peuvent être utilisées séparément ou en association selon – ostéosynthèse par vis bicorticale avec compression ; elle s’adresse
les circonstances et les types de fractures : à la mandibule et reste peu utilisée.
– ostéosynthèse par fil d’acier souple transfixiant bicortical ou L’utilisation de matériels d’ostéosynthèse résorbables est de plus en
cortical externe uniquement (fig 23), après avoir créé une voie de plus répandue. Ces matériels sont constitués d’un polymère d’acide
passage au moyen d’un foret de part et d’autre du foyer ; le fil est lactique et perdent progressivement leur résistance mécanique en
perpendiculaire au trait de fracture ou en X ; plusieurs semaines.
9
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
29 Embrochage transmandibulaire.
*
A
Procédés extrafocaux
Le matériel utilisé reste à distance du foyer de fracture. On fait appel
à des broches du même type que précédemment ou à un fixateur
externe.
Les broches sont mises en place transversalement ou selon un
montage en X (fig 29).
Le fixateur externe, déjà utilisé par Ginestet, présente un modèle de
petites dimensions adaptable à la face et en particulier à la
mandibule. Il est constitué de fiches ancrées dans l’os et de barres
d’union avec un système de solidarisation entre ces deux éléments.
En regard de la forme particulière de la mandibule dans sa portion
dentée en fer à cheval, ce système rigide peut être remplacé par de
la résine autopolymérisable dont la forme épouse plus étroitement
celle du corpus.
*
B
Procédés parafocaux
Ce sont les suspensions type Adams en position frontolatérale ou
médiofrontale (fig 30) qui solidarisent l’arcade dentaire supérieure à
Procédés transfocaux
la base du crâne par un point fixe. Ils permettent, dans certains cas,
Il s’agit de l’embrochage à l’aide d’une broche métallique de type d’éviter le blocage intermaxillaire et donc de permettre la
Kirschner introduite à distance du foyer de fracture avant de le mobilisation de la mandibule.
10
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10
11
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
tel procédé est plus difficile à réaliser pour la glande sous- – Traitement chirurgical :
mandibulaire en partie en raison de sa position et de ses rapports – embrochage du foyer de fracture par voie d’abord sous-
avec le plancher buccal. En général, l’atteinte de la glande sous- angulomaxillaire avec une broche de type Kirschner selon la
mandibulaire entraîne son exérèse. technique de Stevenson ou un clou-vis type Eckelt [11, 12] ;
Les voies lacrymales sont suturées sur un cathéter laissé en place
pendant 6 mois, le risque de telles lésions, lorsqu’elles sont – abord direct du foyer de fracture [2], réduction et contention par
négligées, étant celui d’un larmoiement persistant par défaut microplaque vissée selon la technique de Cadenat ;
d’amorçage de la pompe lacrymale. – exceptionnellement, condylectomie partielle ou totale en cas de
L’atteinte du pavillon de l’oreille expose aux risques d’othématome, à pulvérisation de la tête condylienne, suivie de la mise en place d’une
évacuer par drainage et à comprimer par bourdonnets, et de prothèse capitale ou d’un greffon chondrocostal.
chondrite, à prévenir par recouvrement précoce du cartilage par un – En cas de fractures multiples : les indications chirurgicales sont plus
lambeau cutané. fréquentes, de même que les associations thérapeutiques. C’est le
cas des fractures bifocales ou trifocales impliquant la symphyse
d’une part et un ou deux condyles d’autre part. Le blocage
RÉÉDUCATION
intermaxillaire initial permet la réduction des déplacements ; la mise
Elle complète bien souvent les traitements précédents en luttant en place de plaques d’ostéosynthèse à la symphyse autorise une
contre la rétraction des parties molles ou en sauvegardant la fonction levée précoce du blocage pour une mobilisation rapide de la
temporomandibulaire par le jeu musculaire. Les atteintes partielles mandibule afin de préserver la fonction articulaire.
dans le territoire du nerf facial peuvent aussi être en partie
compensées par la rééducation musculaire [4]. ¶ Au massif facial [7]
12
Stomatologie Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques 22-068-A-10
13
22-068-A-10 Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques Stomatologie
Références
[1] Achard JL. Révision accélérée en odonto-stomatologie. [8] Lahbabi M, Lockhart R, Fleuridas G, Chikhani L, Bertrand [14] Meyer C, Wilk A, Rosenstiel M, Rodier-Bruant C, Mucko V,
Paris : Maloine, 1988 JC, Guilbert F. Énophtalmies post-traumatiques. Considé- Klinkert A et al. Intérêt de la tomodensitométrie tridimen-
[2] Anastassov GE, Rodriguez ED, Schwimmer AM, Adamo AK. rations physiopathologiques et thérapeutiques actuelles. sionnelle dans le bilan préopératoire des fractures du
Facial rhytidectomy approach for treatment of posterior Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999 ; 100 : 165-174 condyle mandibulaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1995 ;
mandibular fractures. J Craniomaxillofac Surg 1997 ; 25 : 96 : 304-309
[9] Lambert S, Reychler H, Micheli B, Pecheur A. Le traitement
9-14 des fractures du condyle mandibulaire. Rev Stomatol Chir [15] Paoli JR, Lauwers F, Boutault F. Technique rapide de fixa-
[3] Cariou JL, Bellavoir A. Les lambeaux composites avec Maxillofac 1995 ; 96 : 96-104 tion intermaxillaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1996 ; 97 :
péroné et leur adaptation à la chirurgie reconstructrice 89-91
[10] Laure B, Van Hove A, Aboumoussa J, Gendre C, Goga D. Le
mandibulaire. À propos de 9 cas. Ann Chir Plast Esthét [16] Pons J, Bellavoir A. Traumatologie faciale. Paris : Expansion
lambeau libre de péroné. Anatomie. Technique de prélè-
1992 ; 37 : 269-284 Scientifique Française1988
vement. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2000 ; 101 : 147-153
[4] Chevalier AM. Rééducation des paralysies faciales centrales
[11] Maladière E, Chikhani L, Méningaud JP, Favre E, Bertrand [17] Pons J, Dupuis A, Bellavoir A. Traumatismes de la face. Paris :
et périphériques. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et
JC, Guilbert F. Ostéosynthèse des fractures sous- Medsi/McGraw-Hill, 1989
Médicales Elsevier SAS, Paris), Kinésithérapie 1990 :
26-463-B-10, 1-16 condyliennes par vissage en compression selon la techni- [18] Psaume-Vandebeek D, Benoist M. Principes et applications
que d’Eckelt. Expérience et difficultés de la technique sur de la kinésithérapie maxillofaciale. Encycl Méd Chir (Éditions
[5] Compère JF, Labbé D, Goguel S. Utilisation des broches de 5 ans. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999 ; 100 : 75-81
Kirschner en traumatologie faciale. Ann Chir Plast Esthét Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Kinésithéra-
1983 ; 28 : 48-52 [12] Méningaud JP, Maladière E, Bado F, Bertrand JC, Guilbert F. pie 1990 : 26-430-A-10, 1-20
[6] Cros P, Franc C, Dumont-Massardier A, Breton P, Freidel M. Technique d’Eckelt : évaluation de la voie d’abord utilisée à [19] Spitzer WJ, Vanderborght G, Dumbach J. Surgical manage-
Fractures maxillofaciales. Épisodes chirurgicaux et prothé- la Salpêtrière. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1999 ; 100 : ment of mandibular malposition after malunited condylar
tiques. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1998 ; 99 (suppl 1) : 107-110 fractures in adults. J Craniomaxillofac Surg 1997 ; 25 : 91-96
122-125 [13] Mercier J, Huet P, Perrin JP. Le traitement fonctionnel des [20] Zazurca F, Seigneuric JB, Buis J, Soupre V, Diner PA, Vazquez
[7] Grellet M, Laudenbach P. Thérapeutique stomatologique fractures du condyle mandibulaire. Rev Stomatol Chir MP. Fractures de la face chez l’enfant : aspects cliniques et
et maxillofaciale. Paris : Masson, 1984 Maxillofac 2000 ; 101 : 203-206 pièges diagnostiques. Réal Pédiatr 2001 ; 57 : 19-24
14