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DOCUMENT DE M.

SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS


UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/2 06 G 01 A 01
Durée : 4 heures
OFFICE DU BACCALAUREAT Série : L2 – Coef. 5
Téléfax (221) 825.24.58 - Tél. : 824.95.92 – 824.65.81 Séries : L1a-L1b-L’1 – Coef. 6

Epreuve du 1er groupe

FRANÇAIS
(Un sujet au choix du candidat)

SUJET I : RESUME SUIVI DE DISCUSSION.

Bien des gens ne lisent que pour éloigner l’ennui, comme ils écoutent la radio, regardent la « télé », les images,
ou feuillettent les journaux. L’imprimé pullule, et on pourrait dire après tout, que les gens n’ont jamais tant lu.
Mais il y a lire et lire. La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir,
mais pour se trouver. Il y a un jour où tout inconsciemment on passe de l’un à l’autre.
Ce peut n’être pas volontaire, mais l’effet du plaisir même, d’une sorte d’envoûtement dont un livre, qu’on tient
dans ses mains et qu’on ne peut plus quitter est la cause. Ce n’est pas non plus encore lire que de lire pour
apprendre, pour savoir, pour s’informer, et pour des raisons professionnelles. Joubert* disait que « notre sort est
d’admirer et non pas de savoir ». La vraie lecture est la chose la plus intime et la plus désintéressée, encore qu’il
ne s’y agisse que de nous-mêmes.
C’est un temps qu’on se donne pour ne plus vivre par influence, par contagion, mais pour reconnaître, choisir
son propre chemin et devenir soi-même. Un livre est un outil de liberté. C’est un objet devant soi, quelque chose
sur quoi on peut réfléchir, à quoi on peut revenir, qu’on peut corriger, contredire, discuter, quelque chose qu’on
juge. Les images, les sons passent aussi vite que les moments successifs de la vie. Un écrit, un livre reste. Il faut
devant lui dire oui ou non. Un livre est une conversation et tout ensemble cependant un exercice de solitude. Je
veux ici écarter l’anecdote toute personnelle, mais je repense souvent à ces nuits de mon adolescence, durant
lesquelles je me battais avec le destin et découvrais dans les livres ce que pouvait être une vie libre par
opposition à celle que je subissais. Lit-on un grand roman? On s’identifie à son héros. On y vit par procuration.
Et cela devient plus conscient, et vient le moment où on ne lit plus pour aucun intérêt, pour aucun profit, rien
que « admirer », en toute gratuité dans une joie indéfinissable, au-delà de soi-même.
Mais un vrai livre est devenu la chose la plus précieuse. Un homme vous parle et il vous semble qu’il dise
précisément ce que vous attendiez, ce que vous vouliez dire mais n’auriez jamais su dire. C’est tout simple et
merveilleusement étrange. Ces mots, qui sont aussi vos mots, comme par l’effet d’un charme, sont doués
soudain d’un nouveau pouvoir et vous êtes curieusement débarrassé de vous-même et devenu un autre, plus fin,
plus délicat, plus profond que vous-même. Vous êtes dans le monde où vous aimeriez vivre, mais vous n’aviez
jamais imaginé qu’il pût être si beau.

Jean GUEHENNO, Carnets du vieil écrivain, Editions Grasset, 1971.

* Joubert : moraliste français (1754-1824).

Vous résumerez ce texte de 454 mots au quart de sa longueur (avec une tolérance de plus ou moins
10%).

DISCUSSION :
Pensez-vous, comme Jean Guéhenno, que « la vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se
distraire et se fuir, mais pour se trouver » ?
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FRANÇAIS 2/2 06 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 1er groupe

SUJET II : COMMENTAIRE COMPOSE OU SUIVI

(Pour khalam)
Tu as gardé longtemps, longtemps entre tes mains le visage noir du guerrier
Comme si l’éclairait déjà quelque crépuscule fatal.
De la colline, j’ai vu le soleil se coucher dans les baies tes yeux.
Quand reverrai-je mon pays, l’horizon pur de ton visage ?
Quand m’assiérai-je de nouveau à la table de ton sein sombre ?

Et c’est dans la pénombre le nid des doux propos.

Je verrai d’autres cieux et d’autres yeux


Je boirai à la source d’autres bouches plus fraîches que citrons
Je dormirai sous le toit d’autres chevelures à l’abri des orages.
Mais chaque année, quand le rhum du printemps fait flamber la mémoire
Je regretterai le pays natal et la pluie de tes yeux sur la soif des savanes.

Léopold Sédar SENGHOR, Nocturnes, Paris, Ed. du Seuil, 1961

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé. Dans le cas du commentaire composé, vous vous
attacherez à montrer comment le talent du poète réussit à suggérer la douleur de la séparation, la nostalgie de la
femme aimée et le regret du pays natal.

SUJET III : DISSERTATION

Dans son texte Dieu et Mammon, François MAURIAC affirme : « Ecrire, c’est se livrer (…), c’est précisément
l’écrivain lui-même que les lecteurs cherchent dans son œuvre.»
Vous apprécierez ces propos en fondant votre argumentation sur des exemples tirés de vos lectures.
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CORRIGES
SUJET I : RESUME ET DISCUSSION

RESUME :
Nombreux sont ceux qui lisent pour chasser les ennuis, tout comme ils utilisent les autres moyens
d’information. La lecture connait un développement fulgurant, à travers deux types : la lecture-
divertissement et la lecture pour se retrouver. Sous l’emprise du livre, on passe inconsciemment de l’un à
l’autre. N’est pas vraie lecture celle qui est utile mais celle qui est fortuite.
C’est aussi un moyen de rester soi-même et de garder libre son esprit critique. C’est un moment de dialogue
mais aussi de solitude, l’expression d’un bonheur intense. Le vrai livre est une conversation avec son auteur.
Comme un effet d’enchantement, elle vous désindividualise et vous plonge dans le monde de vos rêves.
(123 mots)

DISCUSSION :
Introduction :
On considère traditionnellement la lecture comme un passe-temps, un loisir. Pourtant Jean Guéhenno ne
semble pas lui accorder cette primauté dans cette affirmation où il reconnait, certes, la fonction ludique de
la lecture, mais il n’en pense pas moins que la vraie lecture réside ailleurs lorsqu’il écrit : « La vraie lecture
commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver ». En d’autres
termes, la lecture est considérée à la fois comme une distraction, un divertissement qui permet de se
détourner de soi, et un moyen par lequel on se découvre, on se connait. Il dresse donc un modèle unique et
idéal de lecture que tous les lecteurs peuvent/doivent suivre. Mais, l’expression « la vraie lecture » peut
naturellement nous conduire à nous poser les questions suivantes : y a-t-il une vraie lecture, sérieuse,
véritable, et une fausse lecture, pas sérieuse, pour se distraire ? La lecture doit-elle forcément être utile,
doit-elle être sérieuse pour être véritable ? Voilà autant de questions soulevées dans la problématique et
dont l’étude peut conduire aux axes de réflexion suivants : nous verrons d’abord comment la lecture peut
permettre de se découvrir ; nous nous poserons ensuite la question de savoir si elle conduit forcément à la
découverte de soi, si on lit uniquement pour se découvrir, si on ne lit pas un livre pour simplement se
distraire.
Développement :
Il est vrai qu’à travers la lecture, nous trouvons souvent quelque chose de nous-mêmes dans ce que nous
lisons.
En effet, qui ne s’identifie pas parfois au héros ou à l’auteur d’un ouvrage dont on épouse les aventures, les
sentiments. Victor Hugo n’avertissait-il pas dans la préface de son recueil Les contemplations le lecteur
en ces termes : « Ceux qui s'y pencheront retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste,
qui s'est lentement amassée là, au fond d'une âme. » Plus loin, dans la même préface, il ajoutera : « C'est
l'existence humaine… Est-ce donc la vie d'un homme? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous
n'a l'honneur d'avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je
vis; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains
qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas! Quand je vous parle de moi, je vous parle de
vous. Comment ne le sentez-vous pas? Ah! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi! » Le protocole de
lecture de cette œuvre tourne donc autour de l’injonction faite aux lecteurs de trouver dans la vie du poète
un reflet, un miroir de leurs propres vies.
C’est ici le moment de rappeler le célèbre mot de Proust: « En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le
propre lecteur de soi-même. L’ouvrage d’un écrivain n’est qu’une espèce d’instrument optique qu’il offre au
lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans le livre il n’eût peut-être pas vu en soi-même. » Ainsi
que l’observe Proust, le propre des livres est de « nous donner des désirs ». En d’autres termes, la lecture
incite celui qui la pratique à se voir en autrui dans la mesure où le lecteur cesse un instant d’exister par soi-
même pour se voir en celui ou celle qui occupe le devant de la scène dans le monde imaginaire où cette
lecture l’a plongé. Qui ne se retrouve pas parfois dans les valeurs morales liées au travail que défendent les
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aventuriers de Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry ?
Cet idéal que nous recherchons et que nous nous désolons de ne pouvoir retrouver nulle part, les livres en
restaurent en nous l’idée à cause de leur beauté même. N’est-il pas vrai que l’on attend toujours plus ou
moins d’eux qu’ils viennent nous livrer la clef de la vie ou tout au moins qu’ils nous en rendent le goût. En
lisant un roman par exemple, on s'identifie souvent un peu à l'un des personnages, ou du moins on retrouve
un trait de son caractère chez l'un ou l'autre. Et cette identification permet de connaître les motivations
profondes de nos actes, par analogie avec celle du personnage en question. Un écrivain a dit : « Un des
résultats de la littérature, c'est de nous guérir de la maladie originelle qui consiste à croire que nous
sommes seuls dans notre cas ». Mais l’effet contraire peut aussi être constaté pour le cas d’Emma Bovary
dans le roman de Gustave Flaubert, elle qui s’est « trouvée » dans le monde romantique de ses lectures et
qui finira par se suicider pour n’avoir pas pu être la Emma imaginaire qu’elle a trouvée dans le monde des
lectures.
D’ailleurs, si nous restons dans le cadre du roman, nous nous rendons compte que le romancier nous fait
parfois connaître la psychologie de ses personnages, et par là même, met en lumière des choses, des idées,
des sentiments qui sont en nous, que nous ressentons confusément, mais que nous n'arrivons pas à
formuler clairement. Dans ce cas, le roman semble avoir une fonction de « miroir » c'est-à-dire qu'il nous
renvoie une image de nous, mais plus précise et plus approfondie que celle que nous avons en nous-
mêmes. Par exemple Françoise Sagan, dans son roman Aimez-vous Brahms ?, nous présente une femme
d'âge mûr avec ses soucis, ses angoisses, sa peur de la vieillesse et de la solitude. Bien des femmes
peuvent se retrouver dans ce personnage et le fait que l'auteur évoque avec précision les sentiments, le
caractère, les angoisses de son héroïsme, peut amener à les faire réfléchir sur elles-mêmes ou découvrir
une partie de leur être qui était juste là restée dans l'ombre.
La lecture peut donc permettre de se découvrir et de se connaître par l'expression de nos pensées et de nos
émotions et on peut conclure cette partie avec Romain Rolland qui définit ainsi ce lien entre la lecture et la
connaissance de soi lorsqu’il a écrit : « On ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres, soit pour se
découvrir, soit pour se contrôler. » Pour autant, peut-on soutenir que la seule vraie lecture résiderait dans
ces propos et que toutes ses autres finalités sont « fausses » ?

Guehenno devrait plutôt nuancer cette position quand on sait que la lecture offre de nombreuses autres
opportunités en fonction de ce que les lecteurs recherchent.
Lorsqu’il écrit que « la vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire », on peut
se poser des questions quant à la pertinence de cette réflexion. En effet, on ouvre souvent un livre pour
s'évader, suspendre le temps pour quitter quelques moments le monde réel en se laissant emporter dans un
tourbillon de mots et d'idées. C’est généralement l’univers dans lequel nous plongent les romans d’aventures
dans lesquels l’auteur garde le dessein de nous arracher à la vie quotidienne, de nous introduire dans un
monde où le héros court à chaque instant des risques et d’abord le risque de mourir. Qui ne se divertit pas
des aventures de Wangrin dans le roman d’Amadou Hampaté Ba (L’étrange destin de Wangrin),
particulièrement des petits tours qu’il joue aux « seigneurs de la brousse », les Blancs de l’administration
coloniale ?
On peut ajouter à cela qu’on parle souvent de la magie de la lecture. Cette magie, nous la connaissons
tous : elle tient à cette capacité étrange que possèdent les livres de nous transporter, comme sur un tapis
volant ou une machine à visiter le temps, dans un autre espace et un autre temps. La lecture met en
mouvement notre imagination, nous fait oublier où nous sommes, qui nous sommes, en quel temps nous
vivons et quels sont nos soucis. Une des fonctions du roman a justement été, en nous captivant, de nous
empêcher de penser à nous-mêmes, de nous poser des questions vaines, de vaincre nos soucis quotidiens.
Lire un roman est souvent considéré par les adeptes du genre comme une distraction, un passe-temps qui
nous délasse un moment de nos soucis quotidiens, de notre travail. Il nous détourne de nous-mêmes et
plus profondément nous empêche de prendre conscience du néant de notre vie. Les romans de Jules Vernes
en sont une parfaite illustration, eux qui, à l’image de Vingt lieues sous les mers, sont une véritable
invitation à voyager dans un monde d’aventures extraordinaires.
En outre, nous savons tous que la culture passe énormément au travers des livres du fait qu’on s'instruit, on
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apprend, on enrichit son vocabulaire par le biais de la lecture... et tout cela peut permettre plus d'aisance
dans un dialogue et ainsi imposer une certaine classe. Beaucoup de gens lisent des encyclopédies, des
ouvrages didactiques dans le but de se documenter ou de développer leur culture générale. Qu’est-ce que la
grande Encyclopédie des Montesquieu, Diderot, Rousseau et autres ne nous apprend-il pas sur les mœurs
sociopolitiques du XVIIIème siècle et même avant ? Il est vrai que pour cette catégorie de lecteurs, la
« vraie » lecture se trouve ailleurs.
D'un autre côté, il existe d'autres personnes pour qui la lecture est un passe-temps favori, un plaisir, un
divertissement. Elles prennent le temps de lire, de s'arrêter pour admirer la beauté des mots, relisent les
passages intéressants, se perdent dans leur rêverie. Un cinéaste contemporain, le docteur Aziz Mohamed,
faisait récemment ce plaidoyer pour les livres : «Tout grand livre, quel qu'il soit, aide toujours au bonheur.
Même un livre qui parle de la mort, s'il en parle admirablement, rend un tout petit peu plus heureux ». C’est
dire que tout livre, quel que soit son contenu, procure du plaisir. C’est toujours avec un réel plaisir qu’on lit
Les contemplations de Victor Hugo par son style sobre et la beauté de ses textes.
Toujours dans sa logique de défendre l’idée selon laquelle la vraie lecture est celle qu’il définit dans le sujet,
Guehenno n’a pas hésité à écrire ceci : « Ce n’est pas non plus encore lire que de lire pour apprendre, pour
savoir, pour s’informer, et pour des raisons professionnelles. Joubert disait que « notre sort est d’admirer et
non pas de savoir ». La vraie lecture est la chose la plus intime et la plus désintéressée... » La vraie lecture
serait donc gratuite ? Il y a de quoi se poser cette question quand Bossuet (XVIIème siècle), réfléchissant
sur l'utilité de la lecture, écrivait dans ses notes personnelles qu'elle « éclaire, éveille, fait chercher ». Trois à
quatre siècles plus tard (aux XXème et XXIème siècles), les lectures que nous faisons pour nous informer
occupent beaucoup de notre temps. Comme le monde évolue très vite aujourd'hui, l'homme du XXe siècle
doit quotidiennement se tenir au courant de ce qui s'y passe. Il ressent vivement le besoin de s'informer.
Les revues spécialisées se multiplient et fournissent des informations nécessaires et précieuses au médecin,
à l'enseignant, à l'architecte, à l'informaticien, à l'économiste, à l'hôtelier, à la cuisinière etc. Peut-on alors
toujours soutenir que la « vraie » lecture est toujours celle que définit Guehenno ?
Voilà donc autant de raisons qui nous poussent à remettre en question sa position. En effet, « la vraie
lecture », comme il l’appelle, dépend plutôt de ce que le lecteur cherche dans un livre. Les goûts diffèrent et
varient selon les individus.
Conclusion :
Il ne saurait donc être de déterminer de façon absolue quel type de lecture est vrai et quel autre faux. S’il
est vrai que certains, en lisant, se cherchent et se trouvent dans certains cas, il n’en demeure pas moins
que la lecture est considérée par beaucoup de lecteurs comme un moyen de connaissance mais aussi et
surtout un jeu, un divertissement où le lecteur se fuit en rencontrant des héros, des modèles. Mais dresser
des personnages fictifs en héros, c'est se définir implicitement, en nous avouant que ce nous ne sommes
pas.

SUJET I : COMMENTAIRE
Introduction :
Léopold Sédar Senghor fait partie de ce groupe de poètes (avec le martiniquais Aimé Césaire et le guyanais
Léon Gontran Damas) qui, autour des années 1930, a fondé le mouvement de la négritude pour défendre et
illustrer les valeurs noires. C’est dans cette perspective qu’il a publié beaucoup de recueils de poèmes, parmi
lesquels Nocturnes, en 1961, dont le texte qui nous est soumis à la réflexion est un extrait. Le poète y
évoque avec tendresse le souvenir de la terre natale qui se confond avec le souvenir de la femme aimée.
Cette image de la femme assimilée au pays natal, de même que le regret de ce dernier constitueront nos
centres de réflexion.
Commentaire détaillé :
L’occurrence de la femme est, dans l’énonciation, exprimée par la deuxième personne du singulier « tu » ou
les adjectifs possessifs « tes », « ton » de la même personne la désignant aux vers 1, 3, 4, 5 et 11 ;
L’apostrophe exprime le caractère intime des propos par le jeu des pronoms « Tu/je », idée connotée
également par le vers 6. Par le biais de la personnification, le poète assimile le pays à la femme à travers les
expressions « tes mains » « tes yeux », « ton sein », « ton visage ». L’association de ces organes et des
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éléments de la nature forme un chapelet de métaphores : « baies de tes yeux », « horizon pur de ton
visage », « pluie de tes yeux » ; avec une autre métaphore, celle de la « table [du] sein sombre »,
l’évocation de la femme prend une tournure très poétique et très sensuelle si on se réfère au vers. Ce sont
des moments de bonheur évoqués par ces vers qui contrastent néanmoins avec la métaphore du vers 3,
« j’ai vu le soleil se coucher dans les baies tes yeux. » qui exprime une profonde tristesse, visible de loin
dans la mise en relief hyperbolique du complément de lieu «De la colline» traduisant l’intensité de l’état
d’âme. Ce sentiment était déjà annoncé par le vers précédent car le poète est conscient qu’il va se séparer
pour longtemps de la femme, un sentiment connoté par la comparaison du début de vers (« Comme si ») et
l’antithèse « éclairait/crépuscule », séparation assimilée même à celle que procure la mort avec la
métaphore du « crépuscule fatal » ; le parallélisme entre les deux vers est d’ailleurs établi :
« soleil/éclairait », « se coucher/crépuscule ». La profondeur de l’affection entre les deux êtres s’exprimait
dans un premier temps au vers 1 où la répétition de « longtemps » justifie la durée de l’étreinte (« gardé
longtemps, longtemps »), une idée bien restituée aussi par le rythme et la longueur du vers, la synecdoque
du « visage noir » magnifiant une fois de plus la race par l’adjectif.
L’image de la femme assimilée au pays est ainsi évoquée par Senghor dans une profonde émotion. C’est
parce que le poète s’apprête à s’exiler et le regret du pays natal commence à l’envahir.

Ce regret est d’abord perceptible par l’accumulation d’interrogations aux vers 4 et 5 dans lesquels
l’anaphore de la conjonction de subordination « Quand » exprime l’angoisse du poète au moment de quitter
la terre natale, une idée sous jacente dans l’emploi du futur qui connote le doute dans ces deux vers. Mais
aux vers 7, 8 et 9, ce futur traduit la certitude du départ, de la séparation et de la découverte de nouvelles
valeurs (répétition de « d’autres »), d’autres hommes désignés par des synecdoques : « yeux »,
« bouches », « chevelures », et dont la comparaison à connotation antithétique « plus fraîches que citrons »
au vers 8 préfigure déjà le caractère ambivalent. Mais cette ouverture n’est pas synonyme de déracinement,
d’oubli ; l’emploi de la conjonction de coordination « mais » au verset 10 et celui de l’expression temporelle
« chaque année » montrent que le souvenir restera vivace chez le poète, comme l’action du « rhum » sur
l’esprit. En effet, cette métaphore du « rhum du printemps qui fait flamber la mémoire » fait allusion à la
capacité de cette boisson à « faire briller [l’esprit] d’un éclat soudain » ; le « rhum » et le « printemps »
rappellent aussi le séjour en occident. Et c’est le dernier vers qui précise le regret : « la pluie » et « la soif
de la savane », une connotation très positive de ce que la pluie représente chez lui et dans les pays à
longue saison sèche en général ; elle fait revivre la « savane », elle est donc synonyme d’espoir, de vie.
Le regret du pays natal reste ainsi vivace chez le poète, en dépit l’exil et de l’éloignement. La découverte
d’autres valeurs ne lui fera pas perdre ses repères.
Conclusion :
Ce court passage de Nocturnes est très illustratif de thèmes récurrents dans la poésie de Senghor, celui de
la femme, celui du pays natal, celui du regret de ce dernier. En effet, le poète est perpétuellement écartelé
entre ces trois composantes de son existence en tant que noir ayant grandi à l’ombre de la femme et du
pays, mais contraint à l’exil en tant qu’ambassadeur de sa race. Une situation évoquée par d’autres textes
du même recueil, comme la plupart des poèmes de Chants d’ombre (1945).

SUJET I : DISSERTATION
Introduction
Ecrire, pour certains auteurs, c'est aussi une façon pour eux de s'abandonner, de dire les choses qui restent
coincées en travers de leur gorge, et qui ne veulent pas sortir autrement que sous la plume d'un stylo ou
sous le clavier d'un ordinateur. Ecrire, c'est donc pour eux se livrer, donner, exprimer ce qu’ils sont
vraiment, derrière les apparences. C’est ce qui a fait écrire à François Mauriac dans son texte Dieu et
Mammon : « Ecrire, c’est se livrer (…), c’est précisément l’écrivain lui-même que les lecteurs cherchent
dans son œuvre. » Ces propos laissent sous-entendre que l’écrivain ne peut en aucun cas s’effacer de son
œuvre. Que dire alors de ceux qui ont développé le culte de l’impersonnalité dans leurs productions ? S’il est
vrai qu’en écrivant, on s’affirme souvent, ne serait-ce qu’en tant qu’artiste qui laisse libre cours à son moi, il
reste qu’une certaine frange de la littérature s’est donné comme ambition d’être particulièrement objective.
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Développement :
L’écriture a donc souvent été un moyen pour les auteurs de se dévoiler et de porter leur moi à la
connaissance du public.
Il faut d’abord souligner que l’écrivain est, comme tout être humain, quelqu’un qui a parfois besoin de
raconter sa vie et de l’exposer aux yeux du lecteur. C’est aussi un moyen pour lui de se confesser et de se
faire juger. Pour exemples, on peut citer les Essais (1580) de Michel de Montaigne dont l’auteur s’adresse
ainsi au lecteur dès la préface : « C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dés l'entrée, que je ne
m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de
ma gloire », ou encore Les Confessions (1765-1770) de Jean Jacques Rousseau dont le début est une
véritable profession de foi : « Ma naissance fut le premier de mes malheurs » ; « Je naquis infirme et
malade » ; « J'étais né presque mourant » ; « J'apportais le germe d'une incommodité que les ans ont
renforcée ».
L’écrivain peut aussi être l’objet de son propre texte lorsqu’il s’agit d’exprimer un état d’âme lié à une
quelconque situation qui a abouti à un besoin d’en parler pour se soulager. L’écriture devient ainsi un
exutoire par lequel l’auteur de guérir de ses peines et de ses souffrances. Dans ce sens, rien n’est plus
illustratif que le genre poétique qui a souvent été une opportunité pour des poètes de se libérer par le
verbe. En effet, ils ont considéré le genre comme un moyen pour crier un état d’âme, une sorte de « cri du
cœur » lié à des expériences humaines durement vécues. On peut citer Aimé Césaire qui a eu à écrire, dans
un « Liminaire » à (Nouvelle somme de poésie du monde noir, 1966): « Victime du traumatisme
colonial et à la recherche d’un nouvel équilibre, le nègre n’en a pas fini de se libérer. (…) et quand cela sort
et que cela s’exprime et que cela gicle, charriant indistinctement l’individuel et le collectif, le conscient et
l’inconscient, le vécu et le pathétique, cela s’appelle la poésie.» Et à propos de son Cahier d’un retour au
pays natal (1939), il eu à affirmer qu’il avait à dire ce qu’il avait dans son cœur.
En outre, la littérature a eu à prendre une forme lyrique lorsqu’il s’est agi pour l’auteur d’exprimer des
sentiments intimes en vue de les faire partager au lecteur. Cela a été un moyen pour lui de faire de ce
dernier un confident de ses plaintes mélancoliques. Les romantiques sont les exemples du genre car
presque exclusivement tournés vers leur moi dans leurs écrits, se décrivant comme des êtres
particulièrement tourmentés. A propos de ses Méditations poétiques (1820), Alphonse de Lamartine a
par exemple eu à écrire : « Je n’imitais plus personne, je m’exprimais moi-même. Ce n’était pas un art,
c’était un soulagement de mon propre cœur qui se berçait de ses propres sanglots ». Du « Lac » de
Lamartine à « La Maison du berger » de Vigny en passant par les « Nuits » de Musset, Les
contemplations (1856) de Victor Hugo, ce « cœur » devient tout à la fois le lieu et l’enjeu de l’écriture.
L’écrivain a donc souvent eu l’ambition de se révéler dans ses écrits lorsqu’il sent le besoin de se dévoiler ou
de se confier. Toutefois, il y a le point de vue de ceux qui pensent qu’il doit, au contraire, faire de son écrit
un « procès verbal ».

En effet, l’idée selon laquelle l’écrivain doit se livrer dans ses écrits n’a pas fait l’unanimité quand on sait que
beaucoup d’auteurs ont mis en avant une conception de l’écriture qui veuille que l’auteur s’efface de son
œuvre.
D’abord la littérature s’est voulue témoignage de son époque du fait que certains écrivains ont eu pour
ambition d’aider le lecteur à mieux comprendre les réalités de son temps en les décrivant dans un style qui
se veut objectif, neutre, sans parti pris ni jugement. On pense naturellement aux réalistes et aux
naturalistes du XIXème siècle pour qui le véritable art doit être « scientifique et impersonnel » pour
reprendre les termes d’un d’entre eux, Gustave Flaubert, qui sera conforté dans cette position par Emile
Zola qui écrit dans son ouvrage Les romanciers naturalistes : « […] le romancier affecte de disparaître
complètement derrière l’action qu’il raconte. Il est le metteur en scène cachée du drame…Il se tient à
l’écart…pour laisser à son œuvre son caractère de procès-verbal écrit à jamais sur du marbre ». Dans des
romans comme Madame Bovary (du premier) et Germinal (du second), les formes de narration adoptées
par ces deux auteurs laissent voir leur volonté de s’affranchir complètement de leurs textes.
Dans cette même logique, l’idée selon laquelle la littérature, l’art, se doit d’être une imitation de la nature a
été défendue par certains écrivains pour qui seul le vrai ou le vraisemblable doit compter dans la création
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littéraire. Dans ce cadre, rien n’est plus illustratif que la littérature classique pour qui la raison commandait à
l’art d’imiter la nature, de plaire en faisant vrai. Par conséquent, la littérature doit être impersonnelle car elle
doit se tourner vers le réel pour en montrer les tares, les défauts en vue de les corriger comme le font la
comédie et la tragédie, l’hypocrisie dans le Tartuffe (1664) de Molière, la passion amoureuse dans Phèdre
(1677) de Jean Racine, par exemple.
Il y a, en outre, le point de vue de ceux pour qui la seule finalité de l’œuvre d’art est l’art lui-même. En
d’autres termes, et si on ramène cette idée à la conception littéraire, la seule et unique vocation de l’œuvre
littéraire est la recherche esthétique. La définition même de la littérature les réconforte dans cette position :
« ensemble des œuvres écrites ou orales auxquelles on reconnait une finalité esthétique ». Ils ne peuvent
donc concevoir une littérature tournée vers les préoccupations de son auteur. On pense naturellement aux
parnassiens qui ont reproché aux romantiques leur littérature personnelle et Théophile Gautier dira que
dans leurs principes, l’art doit être autonome (dans la préface de son roman Mademoiselle de Maupin,
1834). Dans un de ses sonnets, Leconte de Lisle proclame son mépris pour ceux qui promènent « leur cœur
ensanglanté ». Ainsi donc, au lyrisme personnel, les Parnassiens opposent un souci d’impersonnalité.
On peut, enfin, signaler le cas spécifique d’un genre comme le théâtre qui ne permet souvent pas à son
auteur de se confesser, du moins directement, compte tenu de sa particularité même car, plus que le poète
ou le romancier, il est dépossédé de son œuvre. En effet, le texte dramatique n’a pas le caractère achevé et
définitif d’un roman ou d’un poème: il est un élément du jeu théâtral, un élément pris en charge par un
metteur en scène, des acteurs et des techniciens.
Eventuelle synthèse : L’écrivain peut-il totalement être absent de son œuvre ?
Rien que par le style, l’écriture révèle l’écrivain ; c’est à ce niveau que se manifestent le plus souvent son
tempérament et ses particularités. Les réalistes ou encore les parnassiens auront bon se vouloir
impersonnels dans leurs écrits, ils y seront néanmoins présents ne serait-ce par leur style. Le style d’un
Théophile Gautier n’est pas et ne peut être celui d’un Leconte de Lisle. Emile Zola l’a dit : « Il y a, selon moi,
deux éléments dans une œuvre : l’élément réel, qui est la nature et l’élément individuel, qui est l’homme.
[…] L’élément individuel, au contraire, l’homme, est variable à l’infini ; autant d’œuvres et autant d’esprits
différents ; si le tempérament n’existait pas, tous les tableaux devraient être forcément de simples
photographies ». Les théoriciens les plus exigeants du réalisme, comme Champfleury et Duranty, ont, eux-
mêmes, repris cette idée en prenant grand soin de distinguer entre la réalité et l'œuvre d'art. « La
reproduction de la nature par l'homme ne sera jamais une reproduction, une imitation, ce sera toujours une
interprétation » (Champfleury, Le Réalisme, 1857). Balzac, qui se disait « secrétaire de la réalité », finira
par écrire : « L’art n’est pas la réalité ; quoi qu’on fasse, on est obligé de choisir entre les éléments qu’elle
fournit ». Enfin, dans la préface de son roman Pierre et Jean (1888), Maupassant écrit à propos du
romancier que « […] C’est [sa] vision personnelle du monde qu’il cherche à nous communiquer en la
reproduisant dans un livre.»
Même dans les genres réputés « impersonnels » comme le théâtre, l’écrivain s’y dévoile par son idéologie
ou sa philosophie. Chez Jean Racine par exemple, le pessimisme janséniste qu’il a reçu dans sa formation
est perceptible dans ses pièces tragiques où les personnages n’ont aucun moyen d’échapper à leur destin
fatal. En outre, Albouri n’est-il pas le porte-parole de Cheik Aliou Ndao dans L’exil d’Albouri par les idées
qu’il développe sur la nécessité pour les africains de s’unir pour faire face aux puissances étrangères ?
Conclusion :
Les écrivains se sont souvent révélés dans leurs productions, l’écriture étant considérée comme un acte
pour se libérer, se livrer soi-même, confier ses états d’âme, ses convictions. Toutefois, l’histoire littéraire
nous a aussi montré que des écrivains ont tenté de développer le culte de l’impersonnalité en prônant une
littérature neutre dans laquelle l’auteur doit complètement s’effacer. Force est cependant de reconnaitre
qu’il serait difficile à l’artiste qu’est l’écrivain de s’éclipser totalement de son œuvre car, rien qu’en écrivant,
on se révèle, ne serait-ce que par le style. En effet, outre l’intrigue, le style transforme l’observation des
faits. En définitive, cette réflexion nous conduit à l’éternelle question des sources d’inspiration de l’écrivain
qui, en tant qu’artiste, est libre dans la conception de son œuvre. Serait-il alors raisonnable de tenir à
chaque fois un discours dogmatique quant à l’orientation qu’il doit donner à sa production ?
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/2 07 G 01 A 01
Durée : 4 heures
OFFICE DU BACCALAUREAT Série : L2 – Coef. 5
Téléfax (221) 825.24.58 - Tél. : 824.95.92 – 824.65.81 Séries : L1a-L1b-L’1 – Coef. 6

Epreuve du 1er groupe

FRANÇAIS
(Un sujet au choix du candidat)

SUJET I : RESUME SUIVI DE DISCUSSION.

Nous avons vu comment, dans le domaine de la littérature africaine, il y eut avant et tout de
suite après la décolonisation, cette sorte d’impératif auquel il était difficile aux écrivains d’échapper, et
qui exigeait un engagement. Le fameux engagement en faveur de l’indépendance et contre
l’impérialisme. La cause était sûrement juste. C’est même en raison de cette justesse évidente qu’elle
fut pratiquement érigée en contrainte. Et en son nom, certains critiques s’autorisèrent à condamner
les écrivains comme Camara Laye qui ont aimé et défendu l’Afrique autrement que par la
dénonciation anti-coloniale et anti-impérialiste.
Mais c’est aussi un peu cela l’air du temps. Car, ailleurs, à la même période et sous prétexte
de défense des valeurs prolétariennes, des artistes ont dû se démettre de leur liberté et soumettre
leurs inspirations à un patron unique, rectificateur et réducteur, le réalisme socialiste qui voilait le
regard des peintres et encastrait l’imagination dans les casiers et les calculs des idéologies.
Les sociétés africaines, on le sait, se déplacent dans l’histoire selon des trajectoires
extrêmement chaotiques. Elles passent presque sans transition de l’état dit traditionnel à celui réputé
moderne. Sur le plan politique, depuis quelque temps, elles doivent, sur la pressante sollicitude des
puissances du Nord, passer du monopartisme prétendument unificateur et fondateur de la Nation, à
un pluralisme qui caricature souvent la démocratie sans en réaliser l’essence.
L’intérêt de cette situation qui est celle que vivent présentement bien des pays africains, c’est
la nécessité qu’elle impose d’avoir des guetteurs, des hommes d’une sensibilité hors du commun qui
perçoivent souvent avec une cruelle lucidité, les ruptures à venir avant que les prémices n’en soient
évidentes pour les autres. Ces hommes-là, ce sont les artistes. Leur noblesse n’est pas seulement de
sonner l’alerte pour réveiller des consciences engourdies. Leur grandeur, c’est aussi d’avoir pour
mission de maintenir intactes en ce monde les marques de l’humanité qui ne sont jamais aussi nettes
et étincelantes qu’à travers l’art et la culture. Ils ont commencé cette tâche depuis bien longtemps,
lorsqu’ils traçaient des traits déjà d’une étonnante habileté sur les parois des cavernes.
L’opposition qu’il voue en permanence à la barbarie et aux ténèbres place l’artiste, très
souvent, face à face avec le tyran, celui qui exige obéissance et soumission.

Mame Less CAMARA


(Actes de la 2ème Biennale des Arts et des Lettres)
Dak’ art «92»
…/… 2
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
FRANÇAIS 2/2 07 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 1er groupe

1 / RESUME : Vous résumerez ce texte de 372 mots au quart de sa longueur soit environ 93 mots
(avec une marge de plus ou moins 10%).

2/ DISCUSSION : Vous discuterez ensuite l’opinion de l’auteur qui considère les artistes « comme
des guetteurs, des hommes de sensibilité hors du commun qui perçoivent, souvent avec une cruelle
lucidité, les ruptures à venir avant que les prémices n’en soient évidentes pour les autres. »

Sujet II : COMMENTAIRE DE TEXTE


C’était Maheu qui souffrait le plus. En haut, la température montait jusqu’à trente-cinq degrés, l’air ne
circulait pas, l’étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un
clou, près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang. Mais son
supplice s’aggravait surtout de l’humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son
visage ruisselait d’eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme
entêté, toujours à la même place. Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa
face, s’écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d’un quart d’heure, il était trempé, couvert de
sueur lui-même, fumant d’une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s’acharnant dans
son œil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage 1, il donnait de grands coups, qui le
secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu’un puceron pris entre deux feuillets d’un livre,
sous la menace d’un aplatissement complet.

EMILE ZOLA
GERMINAL, Edition Folio pp 86 1ere partie chap. 4.

(1) havage : abattage de la roche dans une mine.

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé. Si vous choisissez le commentaire


composé, vous montrerez par exemple comment, par la précision de la description, l’auteur exprime
les tourments imposés à l’ouvrier et transforme le travail dans la mine en séance de torture raffinée.

SUJET III : DISSERTATION

Le but de la littérature est de faire oublier les soucis de la vie, de faire rêver.
Commenter et discutez cette opinion en vous appuyant sur des exemples littéraires précis.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS

CORRIGES
SUJET I : RESUME ET DISCUSSION

RESUME :
La littérature africaine pré et post coloniale fut particulièrement vouée à un anticolonialisme tel que ceux qui
s’en écartaient étaient critiqués. Ailleurs également, le militantisme a poussé certains artistes à se séparer
de leur autonomie. L’anarchie caractérise les mutations sociales africaines. Politiquement, l’Occident impose
aux africains un modèle démocratique de façade. Ce fait est bénéfique car obligeant à recourir à des mages
qui préviennent les dangers et entretiennent l’humanisme, les artistes, tâche qui remonte à la nuit des
temps. La lutte perpétuelle de l’artiste contre oppression et obscurantisme l’a souvent poussé à combattre le
dictateur. (102 mots)

DISCUSSION :
Introduction :
Les artistes ont parfois été vus comme des prophètes, annonciateurs de l’avenir, qui ne sauraient se
soustraire à leur fonction d’espérance, ni la trahir. Ils sont ainsi vus, par l’élévation de leur pensée, au-
dessus de la mêlée. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’opinion de l’auteur qui les considère « comme
des guetteurs, des hommes de sensibilité hors du commun qui perçoivent, souvent avec une cruelle lucidité,
les ruptures à venir avant que les prémices n’en soient évidentes pour les autres. » En d’autres termes, par
leur capacité à prévenir les dangers, les déviations qui menacent la cohésion sociale, ils seraient les garants
d’une société stable et harmonieuse. Il serait néanmoins intéressant de se poser la question de savoir si les
artistes ont toujours été ces guetteurs de la société qui avertissent des « ruptures à venir avant que les
prémices n’en soient évidentes pour les autres ». L’artiste n’a-t-il pas souvent réduit la fonction de son
œuvre à une simple création artistique ? N’a-t-il pas, dans certains cas, plutôt préféré « fuir » les
soubresauts de sa société et se réfugier dans des « ailleurs » plus apaisants ? S’il est vrai que, comme le
soutient l’auteur, la tentation de l’artiste de jouer le rôle de « guetteur hors du commun », capable de
prédire les troubles qui menacent sa communauté, est avérée, il n’en demeure pas moins que c’est une
position discutable dans la mesure où l’histoire de l’art nous a révélé des artistes soucieux de donner
d’autres valeurs à leurs productions. Il serait ainsi hasardeux de vouloir enfermer la fonction de l’art dans
une sorte de cul de sac.
Développement :
L’artiste est un individu qui crée des œuvres d’art, mais la création de ses œuvres procède d’une faculté
perceptive qui le distingue souvent des autres hommes. C’est dans ce sens que l’auteur le perçoit comme
quelqu’un qui est capable de prévenir les dangers qui menacent la stabilité sociale.
Il est vrai que la vie, le monde, sont insaisissables dans leur ensemble car constitués de beaucoup
d’évènements foisonnants, complexes et souvent imprévisibles. Or, toute société a besoin de voir un ordre,
une cohérence dans les choses pour sa marche en avant. C’est là qu’intervient l'artiste qui propose non pas
des vérités, mais des possibilités, des systèmes de classement grâce auxquels les acteurs de la vie sociale
pourraient imaginer progresser dans le désordre ambiant. L’écrivain Ben Okri fait justement partie de ceux
qui nous font comprendre que tout est possible avec une grande clairvoyance, presque mystique lorsqu’il
écrit : « Ce que nous ne voyions pas. […] / Nous ne voyions pas ces sept montagnes. Nous ne prenions pas
conscience de l'existence des révoltes à venir, soulèvements, qui étaient déjà latents, attendant simplement
d'éclater. / Nous ne percevions pas l'extension du chaos et quand les premiers flots nous submergèrent,
nous fumes surpris par les récits fiévreux de ses manifestations sauvages. […]. » L’ivoirien Charles Nokan
illustre bien ces propos, lui qui, dans son recueil La Voix grave d’Ophimoi, prédisait les troubles qui
allaient déchirer son pays au lendemain de son indépendance : « Mon pays vient /D’accoucher d’une
certaine indépendance /Est-ce le crépuscule des colons et leurs collaborateurs? Est-ce une aube nouvelle?
/N’y a-t-il pas des nuages dans le ciel clair de la liberté? » Et on comprend aisément pour peu qu’on ait
quelque aperçu sur la situation actuelle de son pays.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
Par ailleurs, dans la conception occidentale de l’art, l’artiste s’est souvent considéré lui-même comme un
voyant dans le sens romantique du terme. En effet, et comme le stipule Andrzej Wajda, « L'artiste
romantique doit se transcender. Il lui faut être plus qu'un créateur. Il lui faut être la conscience de la nation,
un prophète, une institution sociale. » Cette vision romantique de l’artiste est celle que Victor Hugo attribue
au poète visionnaire, un rôle quasi mystique, celui du guide qui éclaire le chemin. Il s’écrie ainsi dans son
célèbre poème « Fonction du poète » (Les Rayons et les ombres) : « Peuples! écoutez le poète ! Ecoutez
le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé ». Cet extrait donne une idée
sur la fonction du poète qui serait différent des autres êtres, qu’il serait l'homme des utopies, l'homme de
l'avenir.
On voit donc que l’artiste a bien tenté de jouer cette mission que lui donne l’auteur du sujet et qui consiste
à jouer le rôle d’avant-garde face aux dangers qui peuvent nuire à l’équilibre social. Toutefois, l’unanimité
autour de cette conception de la fonction de l’artiste ne nous semble pas vérifiée en ce sens que l’œuvre
d’art se particularise par les multiples orientations qu’elle peut avoir.

Il faut d’abord reconnaitre que la première fonction de l'art est évidemment de produire de la beauté,
puisque c'est sa définition. Et la beauté, étant une finalité sans fin, n'a pas d'autre but qu'elle-même. Elle
est pure gratuité et infinie liberté. Elle ne doit rien à personne et ne demande rien d'autre qu'elle-même.
Elle se suffit à elle-même, sans finalité utilitaire immédiate. L'art est ainsi un jeu désintéressé qui se justifie
par sa seule beauté. Il est un luxe totalement inutile, mais dont l'homme ne saurait se passer pour
continuer à devenir ce qu'il est.
Par ailleurs, au moment où l’auteur parle de « guetteurs…qui perçoivent…les ruptures à venir avant que les
prémices n’en soient évidentes… », Guillaume Apollinaire, lors d’une conférence intitulée « L'Esprit Nouveau
et les Poètes », écrit ceci : « C'est par la surprise, par la place importante qu'il fait à la surprise, que l'esprit
nouveau se distingue de tous les mouvements artistiques et littéraires qui l'ont précédé. » C’est dire que la
création artistique repose quelquefois sur une activité spontanée qui ne mise pas sur des « calculs » et
autres procédés de préméditation par lesquels l’auteur joue sur des artifices pour donner forme et contenu
à son œuvre. L’art surréaliste pour qui le seul hasard prédestine la raison d’être de la création d’une œuvre
d’art est une parfaite illustration de ces dires.
Que dire, en outre, de ceux qui pensent que l’œuvre d’art est un moyen pour eux de fuir les tribulations de
ce monde ce monde-ci et de se réfugier dans des univers plus « apaisants » ? Ceux-là, c’est évident, ne se
préoccupe alors guère des soubresauts qui déstabilisent leur société, encore moins de se muer en
« guetteurs » chargés de prévenir les dangers qui la menacent. C’est cette conception de l’art que les
symbolistes ont donnée à leurs créations, eux pour qui la poésie est également un domaine qui leur permet
d’exprimer les « mystérieuses correspondances de l’autre l’univers », autre voie par laquelle ils pénètrent
dans ces mondes de l’imaginaire. Et Charles Baudelaire, dans son texte « L’invitation au voyage » (Les
fleurs du mal) de promettre au lecteur un voyage épanouissant le rêve.
Enfin, il est certes vrai que le poète annonce parfois un avenir de lumière en se voulant « l'homme des
utopies » dont « Les pieds [sont] ici [et] les yeux ailleurs » pour reprendre la formule d’Hugo; mais il faut
reconnaitre que la tâche est difficile car, s’il peut avoir le don de voyance au sens rimbaldien du terme (« Je
dis qu’il faut être voyant; le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les
sens »), il lui est nécessaire de scruter « les ombres des choses qui seront un jour », « des temps futurs
perçant les ombres » et cela n’est pas donné à n’importe qui. Ce qui revient à dire que le terme de
« voyant », dans le sens que lui donne l’auteur, comporte une ambiguïté constitutive de la définition de
l’artiste.
L’artiste se définirait ainsi bien plus par la vision qui lui est propre et qu’on pourrait appeler son style que
par son acuité dans une perception du futur qui ferait de lui « un homme hors du commun ».
Conclusion :
Ainsi donc, l’artiste serait un individu qui aurait une perception plus précise et plus en profondeur par
rapport aux gens ordinaires de la réalité elle-même par sa capacité à transcender cette dernière et à
anticiper les évènements à venir. C’est vrai qu’il a parfois eu la tentation de remplir cette mission
prophétique, mais s’il se définit lui-même comme voyant, on pourrait lui objecter qu’il ne détient pas le
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monopole du champ optique puisque la grande majorité des hommes jouissent de cette capacité de voir. Il
semble donc que ce critère soit insuffisant pour définir la spécificité de l’artiste par rapport aux autres
hommes. On peut également ajouter à cela que les vocations de l’œuvre d’art ont été multiples et il ne
saurait donc être de leur fixer des bornes.

SUJET I : COMMENTAIRE
Introduction :
Germinal (1885) est un ouvrage dans lequel l’auteur, Emile Zola, naturaliste du XIXème siècle, met en
relief la situation très précaire des mineurs dans ce siècle de la révolution industrielle. Le texte que nous
allons étudier se trouve au début du chapitre 4 de la 1ère partie, consacrée à l'exposition des personnages
et de leur situation. Par le biais d’un des personnages principaux de l’ouvrage, Maheu, li décrit les
conditions de travail des mineurs. Le lieu est vécu comme un monde infernal, d’où le "supplice " du mineur
du fait des éléments de la chaleur et de l’eau. La souffrance de Maheu est, tout au long du texte, mise en
exergue sous l’effet conjugué des éléments de ces deux facteurs dans une perspective très réaliste.
Commentaire détaillé :
Le texte, narratif, est à l'imparfait ; il évoque en effet les actions du mineur dans la mine, mais aussi celles
qu’il subit de la part de nature, le tout étant au service de la relation de ses souffrances extrêmes.
Certainement, le personnage n’était pas le seul à souffrir dans la mine, mais son cas particulier est mis en
relief par le présentatif « C'était…qui » et le superlatif « le plus », un supplice également mis à jour par
d’autres procédés d’écriture, notamment la phrase négative « l’air ne circulait pas », le rythme ternaire des
deuxième et troisième phrases, « En haut, la température montait jusqu’à trente-cinq degrés, l’air ne
circulait pas, l’étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou,
près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang.», qui martèlent la
souffrance du personnage, les hyperboles dans les phrases « cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait
de lui brûler le sang. Mais son supplice s’aggravait… », une phrase dans laquelle la conjonction de
coordination « mais », conjuguée au verbe « aggravait », traduit l'exagération et indique un nouveau
supplice : « l'humidité », des œuvres de « la roche », sujet de la phrase. En effet, Maheu n'est plus le sujet
de l’action, il la subit, le « supplice » devrions-nous dire, sous les effets martyrisants de l’eau dont
l’occurrence est exprimée par le champ lexical formé des mots ou expressions « ruisselait d'eau »,
« gouttes », « trempé », « chaude buée de lessive », « grosses gouttes », et dont l’acharnement est
exprimé par un autre champ lexical, « continues », « tombant », « rythme entêté », « toujours », « sans
relâches » et l’action néfaste traduite par un troisième champ lexical formé des verbes « battaient »,
« écrasaient » et « claquaient », qui donne l’impression d’une personnification des « gouttes » car
adversaires de Maheu et sujet d'énonciation de la phrase, donc faisant l’action. Ajoutons à cela les phrases
rythmées par les sons durs (allitérations) en [g], [t], [r], [k] et l’impuissance de Maheu à y faire face, idée
connotée par des expressions comme « Il avait beau », « tordre le coup, renverser la nuque » (qui
témoignent de la situation physique difficile, très inconfortable, du personnage). Cette idée est renforcée
par l’opposition « goutte/s'acharnant » entre la faiblesse de la goutte et la dureté du participe pour montrer
que tous les éléments ont un effet sur Maheu. Et quand on pense qu’il a suffit d’un court moment pour qu’il
soit exténué (« Au bout d’un quart d’heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d’une
chaude buée de lessive. »), on a une idée sur la situation terrible des mineurs dans leur lieu de travail.
Pourtant, cela ne l’empêche pas de continuer son œuvre : « Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait
de grands coups… », phrase illustrative de la résistance de l'homme, de la motivation du travail malgré la
menace de la mort exprimée par l’adjectif « mortel » et le mot « étouffement », et connotée par la
comparaison hyperbolique « ainsi qu’un puceron pris entre deux feuillets d’un livre, sous la menace d’un
aplatissement complet » qui exprime une souffrance omniprésente dans le texte, comme l’atteste le champ
lexical formé des mots ou expressions « souffrait », « trente-cinq degrés », « l’air ne circulait pas »,
« l’étouffement », « mortel », « chauffait son crâne », « lui brûler le Sang », « son supplice s’aggravait »,
« Il avait beau tordre le cou », « renverser la nuque », « elles battaient sa face, s’écrasaient, claquaient
sans relâche », « il était trempé, couvert de sueur lui-même », « fumant d’une chaude buée de lessive »,
« s’acharnant dans son œil », « le faisait jurer », « secouaient violemment entre les deux roches »,
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« menace d’un aplatissement complet.» Elle rythme donc tout le texte dans un style très réaliste.

Le réalisme se manifeste par des indications pointilleuses, sur la température par exemple : « trente-cinq
degrés », « l’air ne circulait pas », « étouffement », des indications très réalistes de la chaleur qui donnent
l’impression que Zola est présentement dans la mine et qu’il vit lui-même le supplice de Maheu. Une autre
indication réaliste, géographique cette fois-ci, peut être relevée à travers l’expression «En haut ». Les
moindre détails ne sont pas négligés, comme le « clou, près de sa tête » malgré l’environnement très
sombre de la mine, les « gouttes » d’eau qui tombent « toujours à la même place » ou encore celle-là qui
« s’acharne dans son œil ». Même le rythme est précisé : « continues et rapides », ce qui témoigne d’une
observation minutieuse, d’une description très détaillée, le souci étant de faire vrai. Cette idée est
également connotée par le mot « havage », vocabulaire technique de la mine qui témoigne que l’auteur
s’est bien informé avant d’écrire son roman.
On peut ainsi le caractère très réaliste de l’évocation de la scène par ces éléments qui concourent à
renforcer l’air de vérité que l’auteur veut lui donner.
Conclusion :
Ce texte est illustratif des conditions de travail dramatiques des mineurs par l’entremise du havage d’un
personnage emblématique du roman, Maheu, dont l’évocation de la souffrance est omniprésente tout au
long du texte, thème dominant donc même si le réalisme parfois exacerbé de Zola n’échappe pas au lecteur
averti, son souci, en tant que naturaliste, étant aussi de « faire vrai ». N’est-ce pas d’ailleurs cette
préoccupation d’évoquer les dures conditions de travail et d’existence qui parcourt le roman en entier,
poussant le romancier à une documentation très poussée sur l’environnement des mineurs avant d’entamer
la rédaction du roman.

SUJET I : DISSERTATION
Introduction :
Pour certains, l’écrivain est, comme tout être humain, le produit de son époque. Il vit dans un contexte
historique, social et idéologique : il partage avec ses contemporains les problèmes politiques, sociaux,
éthiques et religieux de son époque. Dans ses œuvres, il traduit souvent les préoccupations de ses
contemporains. Pourtant il semblerait qu’on ne lui reconnait pas cette fonction lorsqu’on affirme que son but
est « de faire oublier les soucis de la vie, de faire rêver. » En d’autres termes, le seul objectif que ces
propos reconnaissent à la littérature est de pouvoir distraire le lecteur. Mais, comme précédemment signalé,
l’œuvre littéraire n’a-t-elle pas aussi obéi à d’autres orientations ? S’il est indéniable que la littérature, en
tant qu’art et moyen de procurer des sensations, a une fonction évasive et dilettante, il n’en demeure pas
moins que son histoire nous a permis de retenir qu’elle a souvent suivi d’autres voies en fonction des
différentes fonctions que les écrivains lui ont données.
Développement :
La littérature est d’abord un art ; l’un de ses objectifs est donc de divertir.
C’est dans ce cadre que les écrivains ont souvent essayé de nous soustraire de nos réalités quotidiennes
faites de souffrances, de malheurs pour nous introduire dans un univers susceptible de nous procurer du
plaisir, de nous évader et, par conséquent, de nous faire oublier nos déconvenues. Comme illustration, nous
pouvons citer des genres comme le conte qui est une invitation à voyager dans un univers différent, où
intervient le merveilleux et dont la première fonction est de divertir. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire
Les contes d’Amadou Koumba (1947) de Birago Diop où encore aux fables de Jean de la Fontaine au
XVIIème siècle, des textes où tout est souvent mis au service du ludique.
En outre, des écrivains ont souvent eu pour dessein de nous inviter à un exil avec eux dans un univers
onirique qu’ils créent dans leurs œuvres pour échapper eux-mêmes à une réalité faite de déceptions et de
désillusions, nous poussant ainsi à vagabonder avec eux dans l’imaginaire. Tel est la conception que les
symbolistes ont par exemple de la littérature, eux qui, ayant vécu le « mal du siècle », se sont transformés
en « voyants » d’un autre « ailleurs » plus apaisant. C’est le sens qu’il faut donner à beaucoup de leurs
poèmes qui sont un instant de bonheur, une expérience de la beauté arrachée loin de la triste réalité, par
exemple « Invitation au voyage » (Les Fleurs du mal, 1857) de Charles Baudelaire car, pour ce dernier, la
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vie ordinaire n'est pas belle ; elle est grise et étouffante.
En plus, l’écrivain se présente aussi comme un manipulateur qui dispose les éléments de son récit pour
obtenir certains effets d’ordre dramatique, esthétique ou philosophique ; il relie les épisodes entre eux,
anime les personnages en vue de susciter l’intérêt du lecteur. En effet, sachant que ce dernier est avide
d’histoires palpitantes capables de lui procurer du plaisir, il « … transforme la vérité constante, brutale et
déplaisante, pour en tirer une aventure exceptionnelle et séduisante, […] manipule les évènements à son
gré, les prépare et les arrange pour plaire au lecteur... » écrit Guy de Maupassant dans la préface de son
roman Pierre et Jean. Au XIXe siècle par exemple, le roman historique visait aussi à divertir les lecteurs en
les soustrayant aux pesanteurs d'un quotidien désenchanté. Les romans d’aventures d’Alexandre Dumas
peuvent être cités comme exemples concrets : Le tour du monde en 80 jours nous raconte les péripéties
d’un homme qui effectue ce parcours fait de rebondissements et d’aventures périlleuses.
Il est donc permis de penser que la littérature a effectivement eu comme souci de faire évader et de faire
rêver le lecteur. Mais il n’en demeure pas moins que sa vocation a été au-delà de cette simple fonction de
divertissement

En effet, il serait difficile voire impossible de réduire la fonction littéraire à son simple aspect ludique.
D’abord, si Maupassant écrit, toujours dans la préface du même ouvrage, que « Le but du roman n’est pas
de nous raconter une histoire, de nous amuser et de nous attendrir, mais de nous forcer à penser, à
comprendre le sens profond et caché des événements », on peut étendre cette réflexion à l’œuvre littéraire
en général et soutenir par conséquent que la littérature a souvent eu comme pilotis le réel qu’elle s’efforce
de faire comprendre. Mariama Ba lui donne raison un siècle plus tard avec la publication de son roman Une
si longue lettre qui permet de mieux comprendre les dessous de la vie polygame au Sénégal.
En outre, la littérature s’est voulu une thérapie dans ses rapports avec la société, du fait que des écrivains
ont voulu, par le biais de leurs écrits, guérir les hommes des maux dont ils souffrent quotidiennement en
étalant et en stigmatisant leurs vices et défauts. C’est le sens qu’il faut donner par exemple à la fonction du
théâtre classique, la comédie en particulier qui visait à « corriger les mœurs en faisant rire » selon les
termes même de Molière dont la pièce L’avare s’en prend à ce vice de l’homme qu’est l’avarice. Monsieur
Thogo-gnini de l’ivoirien Bernard Dadie peut être logée dans la même enseigne car cette pièce tourne en
ridicule les bourgeois africains arrivistes qui veulent exercer leur toute nouvelle puissance sur les faibles.
Par ailleurs, Aimé Césaire a écrit dans Cahier d’un retour au pays natal: « Ma bouche sera la bouche
des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui s’affaissent aux cachots du
désespoir ». Cette affirmation nous pousse à penser que des écrivains se sont donné comme mission de
parler pour ceux qui souffrent et ne peuvent exprimer leur désarroi. Telle est la signification qu’il faut
donner à la publication d’une œuvre comme Les misérables de Victor Hugo, dans laquelle l’auteur parle
pour les pauvres opprimés et marginalisés de son époque.
On peut enfin relever le cas de la littérature qui se veut un dévoilement de la réalité quotidienne des
hommes du fait que des écrivains se sont penchés sur le réel afin, disent-ils, de le « photographier », de la
reproduire tel. C’est dans ce sens que Stendhal écrivait au XIXème siècle que « le roman est un miroir que
l’on promène le long d’un chemin ». C’est ce que la plupart des romanciers réalistes et naturalistes ont tenté
de faire dans leurs œuvres, à l’image d’un Honoré de Balzac qui n’hésite pas à écrire dans la préface de son
roman Le Père Goriot : « All is true » pour donner un air de vérité à ce son récit.
L’œuvre littéraire a donc obéi à différentes orientations, en fonction des objectifs que les écrivains ont
poursuivis dans leurs carrières et selon leurs sensibilités littéraires.
Conclusion :
La fonction dilettante, évasive de la littérature a, sans nul doute, permis à cet art de connaitre une grande
audience auprès du public car permettant souvent au lecteur de se divertir et de s’échapper de son lot
quotidien d’angoisses, de mésaventures, l’écrivain étant un artiste dont le rôle consiste également à aider
les lecteurs à se soustraire de leurs pesanteurs intellectuelles en les distrayant. Mais il faut aussi reconnaitre
qu’elle n’a pas été exclusivement au service du ludique car l’écrivain appartient à une communauté dont il a
souvent traduit les préoccupations et la face cachée. Par conséquent, il serait aléatoire de lui dresser des
œillères dans son cheminement.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/2 08 G 01 A 01
Durée : 4 heures
OFFICE DU BACCALAUREAT Série : L2 – Coef. 5
Téléfax (221) 825.24.58 - Tél. : 824.95.92 – 824.65.81 Séries : L1a-L1b-L’1 – Coef. 6

Epreuve du 1er groupe

FRANÇAIS
(Un sujet au choix du candidat)

SUJET I : RESUME SUIVI DE DISCUSSION.

Si la télévision se révèle trop souvent un distributeur aveugle ou trop généreux d’informations un peu
floues, elle est aussi parfois un remarquable éveilleur d’intérêt, quand, en plus d’un embryon de connaissances,
elle donne le goût de le développer. Il en est ainsi par exemple de la lecture, dont elle est la plupart du temps
un incomparable promoteur.
Contrairement à trop d’idées reçues, la concurrence est très rare entre le petit écran et le livre, ne
serait-ce que parce que leurs clientèles respectives sont différentes. Ceux qui aiment lire ne sacrifient pas ce
vice impuni à l’uniformité des habituels spectacles télévisés. Au contraire, après chaque émission littéraire ou à
la suite de la mise au programme d’une œuvre tirée d’un texte imprimé, la vente des livres évoqués ou ayant
inspiré le spectacle comble toujours d’aise leurs éditeurs. Le sachant, aucun écrivain ne refuse, quoi qu’il ait pu
écrire auparavant sur les méfaits de la télévision, d’être interviewé sur sa dernière œuvre et les responsables
des émissions de présentation de livres ou d’auteurs sont l’objet de toutes les sollicitations des attachés de
presse des maisons d’édition. Il en va de même pour les émissions historiques, les reportages à thème et la
plupart des débats scientifiques ou sociopolitiques, dont la retransmission entraîne toujours une
extraordinaire diffusion des ouvrages imprimés consacrés aux sujets traités.
Parce qu’elle donne le goût de connaître et surtout d’en savoir davantage, la télévision réussit donc,
dans beaucoup de domaines de la connaissance, mieux que l’enseignement purement scolaire qui si souvent
cherche à instruire sans avoir cherché à développer au préalable l’appétit de savoir. Elle instruit même d’autant
plus facilement que, comme l’a souligné Jean Cazeneuve, elle instruit des spectateurs en situation de détente,
de loisir : ils n’ont pas les réflexes de défense ou de tension qui sont souvent ceux des individus à qui est
imposé un « savoir dirigé ». Apprendre sans avoir l’impression d’apprendre est un processus fécond surtout
quand ceux qui s’y abandonnent ont depuis leur séjour à l’école trop tendance à confondre instruction et
contrainte.
Les jeunes sont en général les premiers à vouloir ainsi approfondir leur découverte d’horizons
nouveaux, surgis presque au hasard d’un changement de chaîne ou de la lecture d’un programme. […] La
télévision peut donc se révéler un incomparable « ouvreur d’appétit de savoir » chez ceux que l’âge ou les
habitudes intellectuelles protègent de la satiété.

Jean Rousselet, La jeunesse malade du savoir, 1980

1. Résumé : Vous résumerez ce texte de 409 mots au quart de sa longueur, soit environ 103 mots (une
marge de 10% en plus ou en moins est autorisée).
2. Discussion : « la télévision réussit […], dans beaucoup de domaines de la connaissance, mieux que
l’enseignement purement scolaire qui si souvent cherche à instruire sans avoir cherché à développer au
préalable l’appétit de savoir ». Discutez cette affirmation.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
FRANÇAIS 2/2 08 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 1er groupe

Sujet II : COMMENTAIRE DE TEXTE


[…] la plaidoirie du procureur m’a très vite lassé. Ce sont seulement des fragments, des gestes ou des
tirades entières, mais détachées de l’ensemble, qui m’ont frappé ou ont éveillé mon intérêt.

Le fond de sa pensée, si j’ai bien compris, c’est que j’avais prémédité mon crime. Du moins, il a tenté
de le démontrer. Comme il le disait lui-même : « J’en ferai la preuve, messieurs, et je le ferai doublement. Sous
l’aveuglante clarté des faits d’abord et ensuite dans l’éclairage sombre que me fournira la psychologie de cette
âme criminelle ». Il a résumé les faits à partir de la mort de maman. Il a rappelé mon insensibilité, l’ignorance
où j’étais de l’âge de maman, mon bain du lendemain, avec une femme, le cinéma, Fernandel et enfin la rentrée
avec Marie. Ensuite, il est venu à l’histoire de Raymond. J’ai trouvé que sa façon de voir les évènements ne
manquait pas de clarté. Ce qu’il disait était plausible. J’avais écrit la lettre d’accord avec Raymond pour attirer
sa maîtresse et la livrer aux mauvais traitements d’un homme « de moralité douteuse ». J’avais provoqué sur la
plage les adversaires de Raymond. Celui-ci avait été blessé. Je lui avais demandé son révolver. J’étais revenu
seul pour m’en servir. J’avais abattu l’arabe comme je le projetais. J’avais attendu. Et « pour être sûr que la
besogne était bien faite », j’avais encore tiré quatre balles, posément, à coup sûr, d’une façon réfléchie en
quelque sorte.

« Et voilà, messieurs, a dit l’avocat général. J’ai retracé devant vous le fil des évènements qui a conduit
cet homme à tuer en pleine connaissance de cause ».

Albert Camus, L’Etranger, Gallimard, 1942

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé. Dans le cadre d’un commentaire composé, vous
pourrez montrer par exemple que derrière l’attitude détachée de l’accusé se cache en réalité un greffier peu
scrupuleux, qui « connaît la valeur des mots » et qui n’est pas « étranger » à son procès.

SUJET III : DISSERTATION

SEMBENE OUSMANE a écrit:


« Le roman n’est pas seulement pour moi témoignage, description, mais action, une action au service de l’homme, une
contribution à la marche en avant de l’humanité. »
Vous expliquerez puis discuterez cette conception du roman, que vous étendrez à l’œuvre littéraire en général,
en vous appuyant sur des exemples précis tirés de vos lectures.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS

CORRIGES
SUJET I : RESUME ET DISCUSSION

RESUME :
La télévision véhicule des nouvelles imprécises ; mais, comme la lecture, elle peut attirer l’attention sur un
sujet. Pourtant leur prétendue compétition est exceptionnelle, leurs publics étant différents. La télévision
promeut le livre en lui consacrant des émissions et les auteurs s’en rapprochent malgré la vision négative
qu’ils en ont. Vu qu’elle développe le goût et la soif du savoir, la télévision fait mieux que l’éducation
scolaire en instruisant plaisamment, même les opposants au savoir imposé sans donner l’impression de le
faire. Aussi la jeunesse augmente ses connaissances nouvelles. Favorisant le sommeil chez les adultes et les
incultes, elle suscite la soif de savoir chez les esprits neufs. (113 mots)

DISCUSSION :
Introduction :
Avec l’avancée technologique qu’a connue le monde ces dernières années, il n’y aucun doute que les
réseaux de télévision couvrent aujourd’hui toute la planète. Par les types de programmes instructifs qu’ils
offrent au public, ils attirent de plus en plus ce dernier et tendent à supplanter l’école. C’est peut-être cette
raison qui pousse l’auteur du texte à affirmer : « La télévision réussit donc, dans beaucoup de domaines de
la connaissance, mieux que l’enseignement purement scolaire qui si souvent cherche à instruire sans avoir
cherché à développer au préalable l’appétit de savoir. » En d’autres termes, l’école, en matière d’instruction
et d’éducation, fait moins bien que l’enseignement scolaire. Mais il y a lieu de se poser des questions quand
on sait qu’avec la télévision, l’apprenant a devant lui une machine, alors qu’à l’école, c’est un enseignant qui
lui dispense de la formation dont il a besoin. La machine fait-elle mieux que l’homme ? L’école ne fournit-
elle pas certaines formations à l’apprenant que la télévision est incapable d’accomplir ? Il serait ainsi
opportun de voir dans un premier comment cet outil médiatique arrive à réussir dans beaucoup de
domaines de la connaissance avant de nous pencher sur les raisons qui poussent à croire qu’il est quand
même un peu exagéré de d’affirmer qu’elle forme mieux que l’école.
Développement :
Il est impossible de nier le rôle instructif majeur de la télévision dans la société. En effet, si elle permet de
se divertir, elle a en même temps une fin éducative. Et c’est souvent la combinaison de ces deux éléments
qui fait qu’elle attire plus le public des apprenants.
Il faut d’abord noter que la télévision offre un spectacle visuel de plus en plus agréable à regarder et
attractif pour les jeunes grâce aux progrès technologiques que sont l’écran géant, le numérique, entre
autres. Ces éléments sont indispensables dans la mise en place de commodités qui permettent à l’apprenant
de se détendre et d’être à l’aise dans la réception des images.
En outre, la télévision offre des facilités d’accès contrairement à d’autres moyens d’information dans la
mesure où presque tous les foyers disposent maintenant de cet outil qui leur permet d’être informés sur
tout ce qui se passe dans le monde entier. On n’a pas besoin de sortir de chez soi, il suffit de s’installer dans
son fauteuil et d’appuyer sur un bouton pour s’informer à travers la panoplie de ses programmes, journal,
magazine, reportages, documentaires… autant de programmes favorables à la culture de l’esprit, c'est-à-
dire l’ensemble des connaissances acquises qui permettent à l’apprenant de développer son sens critique et
son jugement.
Par ailleurs, la télé regorge de beaucoup d’émissions didactiques à caractère ludique. En effet, tout en
éduquant les téléspectateurs, ces programmes les distraient en même temps. On peut penser à des
émissions comme « Citizen match » de la télévision sénégalaise ou encore « Questions pour un champion »
de TV5, des émissions qui revêtissent une forme dilettante et instruisent en même temps le public.
On peut enfin retenir le fait que les chaînes programment des émissions susceptibles de plaire aux jeunes,
comme les émissions de téléréalité où ils s’identifient aux héros qu’ils regardent évoluer en direct et qui ont
les mêmes préoccupations, les mêmes goûts, ce qui les rassure dans la période difficile de l’adolescence où
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
ils se cherchent et se construisent une identité.
La télévision est donc devenue un moyen incontournable d’éducation et de formation. Mais est-ce à dire
qu’elle fait mieux que l’enseignement purement scolaire ? Ne comporte-t-elle des limites dans ce domaine
que l’école, elle, franchit aisément ?

Il y a, effectivement, beaucoup de types de connaissances auxquelles nous pouvons accéder uniquement


par le biais de l’école, que la télévision peut donc difficilement satisfaire.
L’école nous fait d’abord sentir que l'on fait partie intégrante d'un groupe ou que l'on a une niche sociale et
cela constitue un besoin inné chez l'enfant comme chez l'adulte. Elle est donc aussi bien une institution
d'enseignement qu’un milieu où il fait bon vivre, là où la télévision favorise plutôt la solitude et le repli sur
soi.
Dans ce même cadre, l’école développe le sentiment d'appartenance à un milieu qui est intimement lié au
développement de la socialisation. En effet, tout individu est d'abord et avant tout un être social. Appartenir
à un groupe, en faire partie intégrante est parfois perçu comme une nécessité. Ce sentiment
d'appartenance se développe à l’école grâce à plusieurs relations d'attachement et de complicité qui
s'établissent entre camarades de classe et qui constituent le réseau relationnel dans lequel l'enfant
s'implique davantage. Le gang devient l'antidote au sentiment de solitude sociale. Cette mission de l'école
est aussi importante que celle qui consiste à transmettre des connaissances. C’est une formation et une
éducation que la télévision ne peut pas offrir.
En outre, là où la télévision impose souvent le savoir imposé, l’école est un milieu qui favorise, chez l'élève,
le développement de l'activité intellectuelle. En effet, elle éveille chez lui la curiosité intellectuelle et l'habitue
à s'interroger et à confronter ses idées avec celles de ses camarades de classe ou de ses enseignants ou
enseignantes. Elle met ainsi en avant une pédagogie de la découverte et de la production plutôt qu'une
pédagogie qui mise sur la consommation des connaissances.
Il y a aussi le fait que l’instruction que dispense la télévision est d’ordre plus théorique, alors que l’école est
le lieu d’un enseignement plus pratique dans la mesure où on est directement en contact avec ce qui est
enseigné, ce qui favorise une meilleure compréhension. Prenons par exemple le cas des sciences ; elles
constituent l'une des manifestations les plus significatives des productions culturelles humaines. Les élèves
devront donc être initiés aux démarches de l'esprit propres à la science : le questionnement, l'observation
méthodique, le tâtonnement, la vérification expérimentale, l'élaboration de modèles. Pour être plus précis, si
nous nous prenons le cas d’une discipline comme les sciences de la vie et de la terre, les élèves et leurs
enseignants ont parfois besoin d’être en contact direct avec la nature pour y observer ses différentes
composantes dans le cadre d’un cours sur la biologie, d’où les fréquentes sorties pédagogiques organisées
dans ce sens. Un autre exemple est celui des mathématiques : sans elles, des pans entiers de l'univers
deviennent inaccessibles et incompréhensibles. Il faut donc connaître et savoir pratiquer ces modes de
calcul, puisque c'est tout l'environnement journalier qui requiert l'utilisation du langage mathématique.
Calculer, mesurer, estimer, résoudre des problèmes sont des opérations de la vie quotidienne. Certains
savoirs mathématiques sont des savoirs élémentaires au même titre que la lecture et l'écriture. Pour
comprendre un graphique ou des statistiques, il est essentiel de savoir lire et interpréter les données
quantitatives sous toutes leurs formes. Ce type de formation ne peut pas être assuré par la télévision ; il
faut forcément aller dans une école.
On peut enfin relever le fait que l'école poursuit également l'acquisition de compétences et, dans certains
cas, d'attitudes qui ne relèvent pas du domaine exclusif de l'enseignement des disciplines et qui doivent
donc être présentes dans l'ensemble des activités éducatives organisées par l'école : ce sont les
compétences transversales. On peut, dans ce cadre, citer les compétences intellectuelles qui préparent les
élèves au travail intellectuel ; par exemple, exercer la mémoire, entreprendre un projet et le mener à terme,
développer le sens critique, apprendre à communiquer.
On voit ainsi que l’enseignement purement scolaire éduque dans beaucoup de domaines que la télévision ne
peut pas satisfaire.
Conclusion :
En tant qu’instrument d’informations et de communication, la télévision est un outil dont les capacités et les
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vertus aident incontestablement à développer le savoir et par là l’épanouissement de l’homme. Par les types
de programmes qu’elle offre et les moyens qu’elle met en œuvre, elle développe le goût du savoir et s’attire
de plus en plus les faveurs du public. Il est vrai que l’enseignement purement scolaire n’use pas des mêmes
moyens, mais de là à dire que cet outil de communication fait mieux que l’école en matière de
connaissances ne nous semble pas faire l’unanimité car, comme on s’en est rendu compte, cette dernière
forme l’individu dans des domaines que la formation à partir de télévision ne peut fournir. La raison est
simple : à l’école, l’apprenant côtoie des humains qui le forment et lui servent de compagnie, ce qu’une
machine ne peut lui offrir.

SUJET I : COMMENTAIRE

Introduction :
Les œuvres d’Albert Camus sont imprégnées du sentiment de l’absurde. L’expérience particulière de
Meursault dans L’Etranger (1942) en fournit un exemple. Parce qu’il ne se conforme plus aux valeurs
sentimentales et morales de la société, il se retrouve au banc des accusés. Il est jugé pour le meurtre d’un
arabe, mais à sa grande surprise, la justice cherche une préméditation, des mobiles, à ce meurtre
parfaitement gratuit. Il entend ses juges détourner au profit de l’accusation les menus évènements de son
passé qui, parce qu’ils échappent à la norme, l’accusent. Ce passage est justement extrait du réquisitoire de
l’avocat général, dont Meursault enregistre en simple spectateur les différentes interventions. Dans sa
plaidoirie, on sent toute la détermination du procureur dont l’objectif est de le rendre coupable aux yeux des
jurés et ainsi de le faire condamner.
Commentaire détaillé :
Dès le début, on note l’extranéité du personnage qui suit le procès dans une totale indifférence. On insiste
notamment sur l'ennui de Meursault envers son procès (« La plaidoirie du procureur m’a très vite lassé. »).
Il ne s'y retrouve pas du fait que ce n'est plus le Meursault, meurtrier de l'Arabe, qui est jugé, mais le
Meursault « insensible » selon les termes du procureur. Ce sont des remarques de ce genre qui le ramènent
à son procès : « Ce sont seulement des fragments… ont éveillé mon intérêt. » car ne collant pas avec la
raison pour laquelle il est actuellement jugé. Ainsi se transforme-t-il en secrétaire de son propre procès,
commentateur, rapporteur, comme le connotent des expressions du genre « Le fond de sa pensée », « il a
essayé de le démontrer », « comme il le disait lui-même », « Il a résumé les faits », « Il a rappelé », « Il en
est venu », « sa façon de voir les évènements », « Ce qu’il disait » qui signifient aussi qu’il rapporte
indirectement les propos du procureur en train de reconstituer les évènements selon son seul point de vue
et sa seule détermination à faire condamner Meursault. Pour ce dernier par exemple, il reconstitue toute la
première partie du roman en tentant de démontrer qu’il a prémédité ce crime et qu'il a tué en pleine
connaissance de cause. Mais dans son intervention, c’est l’attitude de Meursault envers sa mère qui prend le
pas sur le crime lui-même : « Il a résumé les faits à partir de la mort de maman ». La phrase qui suit est
alors une succession d’ellipses, une accélération du rappel des évènements au lendemain de la mort de sa
mère ; de simples mots, expressions ou noms qui résument à eux-seuls des épisodes de l’histoire (« une
femme » - le caractère péjoratif du mot fait penser à une partie de plaisir -, « le cinéma », « Fernandel »,
« la rentrée avec Marie », « l’histoire de Raymond »). Plutôt que le meurtre, le procureur lui reproche
d'avoir paru insensible à l'enterrement de sa mère (« Il a rappelé mon insensibilité »), puis de s'être baigné
et d'être allé au cinéma le lendemain : tous ces incidents sans lien sont interprétés comme la preuve qu'il
n'a rien d'humain, de sensible et qu’il a une « âme criminelle ». C’est que le magistrat relie entre eux les
faits que la première partie avait présentés disjoints, il articule, il met en récit et met en opposition les
événements à la lumière accusatrice de l’imparfait : « Comme je le projetais ». Cette démarche nous
rappelle qu’il s’agit bel et bien de réquisitoire dans le texte, un discours dans lequel on accumule des chefs
d'accusation. Ainsi les phrases courtes et très suggestives, une série d’asyndètes constituant un rapide défilé
des évènements successifs vécus par Meursault au lendemain de la mort de sa mère, se suivent-elles à un
rythme scandé par le plus que parfait « J’avais… » suivi de participes qui en disent long sur les actions de
Meursault faisant de son crime un acte prémédité : « écrit », « provoqué », « demandé », « revenu »,
« abattu », « attendu », « faite » (à noter l’utilisation de l’adverbe « bien » qui l’accompagne et qui entre
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dans le degré de certitude), « tiré », idée renforcée par les infinitifs « attirer », « livrer », « servir ». Il
faudra bien sûr retrouver à ce niveau les formes du discours direct (l'avocat général parle, non Meursault !
et il s'adresse aux jurés). L’utilisation de la 1ère personne, qui se perçoit aux occurrences du pronom
personnel sujet (« je ») ou objet (« me »), ainsi qu’à l’adjectif possessif (« mon ») nous montre que celui
qui raconte (Meursault) rapporte les éléments d’un procès dont il est l’accusé, et le raconte de manière
unilatérale : ce qu’il entend, ce qu’il pense. Mais une autre première personne du singulier est également
présente dans le texte, celle du procureur dans les discours directs car le réquisitoire est aussi bâti sur
l'attaque ; le vocabulaire est par conséquent péjoratif (« âme criminelle », « insensibilité », « moralité
douteuse », « tuer »).
Les sentiments que trahissent ces propos du procureur sont celles de la colère et de l'indignation. Cela est à
mettre en rapport avec leurs destinataires qu’il désigne par le terme « messieurs » ; il s’agit d’une
implication de l'auditoire à convaincre de la culpabilité de Meursault. Ainsi joue-t-il sur des procédés
oratoires car le genre judiciaire, auquel appartient le réquisitoire, met en œuvre par exemple une
modalisation de la certitude observée dans les différents procédés oratoires par lesquels se manifeste ce
pouvoir de conviction : « J’en ferai la preuve », « Je la ferai doublement », « sous l’aveuglante clarté des
faits », « l’éclairage sombre que me fournira la psychologie de cette âme criminelle », « j’ai retracé devant
le fil des évènements », « en parfaite connaissance de cause », le jeu de langage sur les oxymores faisant
même partie de sa stratégie communicative. Même Meursault était en mesure d’approuver la forme de
l’argumentation du procureur : « J’ai trouvé que sa façon de voir les évènements ne manquait pas de clarté.
Ce qu’il disait était plausible ». Sa conclusion en fin de texte, exprimée par « Et voilà » en dit assez sur
l’objectif qu’il cherchait à atteindre : faire croire à la culpabilité par crime prémédité (« J’ai retracé devant
vous le fil d’évènements qui a conduit cet homme à tuer en toute connaissance de cause ») et, par
conséquent, faire condamner Meursault.
Conclusion :
On peut retenir de cet extrait que c’est un texte central dans l’économie de l’œuvre, triplement déterminant.
D’abord c’est le réquisitoire du procureur qui conduit à la condamnation du héros. Ensuite le procès qui est
le lieu où Meursault découvre, avec l’absurdité d’un monde dont le sens lui échappe toujours, sa propre
indifférence et son innocence. Enfin, le style est révélateur de celui qui détermine tout le texte, marqué par
la sobriété et la simplicité, traduisant ainsi le cours ordinaire et absurde de l’existence.

SUJET I : DISSERTATION
Introduction :
Les écrivains se sont parfois arrogé la mission d’être des guides, des acteurs qui se mettent au service d’une
cause et qui, par conséquent, abandonnent le pittoresque, le beau ou la simple description de faits. C’est
aussi la conviction d’un Sembène Ousmane pour qui le rôle éminent et ultime du roman « n’est pas
seulement […] témoignage, description, mais action, une action au service de l’homme, une contribution à
la marche en avant de l’humanité. » Mais la mission du romancier en particulier, de l’écrivain en général se
limiterait-elle uniquement à un militantisme qui risquerait parfois de sacrifier l’art ? Pour répondre à cette
question, il serait d’abord opportun de confirmer que les artistes se sont souvent acquittés de cette mission
engagée avant de voir que la littérature est un art qui, de par sa nature, a eu à suivre d’autres voies dans
son orientation. On pourra enfin se poser la question de savoir si une littérature trop militante ne porte pas
parfois préjudice à l’esthétique de l’œuvre ou si une littérature trop désintéressée ne risque pas de tuer son
contenu.
Développement :
Pour beaucoup d’écrivains et de critiques, la littérature se doit d’être, dans un contexte historique précis, un
outil au service d’une cause.
L’écrivain a ainsi un devoir de subversion ; éduquer, éveiller les consciences devront, pour les tenants de
cette idée, être ses leitmotive. C’est dans ce cadre que Victor a voulu que le poète fût le guide et le porte-
parole des opprimés : « Peuples ! écoutez le poète ! / Écoutez le rêveur sacré ! / Dans votre nuit, sans lui
complète, / Lui seul a le front éclairé ! », écrit-il dans Les rayons et les ombres. Pour Hugo la mission de
l'art est bien de « réveiller le peuple », de l’éduquer et la publication des Châtiments sera la
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matérialisation de cette idée, œuvre qui lui a permis de combattre la tyrannie de Napoléon III. Mais il faut
remonter au XVIe siècle pour trouver cette fonction éminemment engagée de la littérature. En effet, les
troubles qui secouent l’époque, notamment la guerre des Religions, conduisent les écrivains et les poètes à
prendre position à travers leurs œuvres. Les titres mêmes sont révélateurs : Discours sur les misères de
ce temps (1562) de Ronsard, Les Tragiques (1617) d’Agrippa d’Aubigné, des ouvrages dans lesquels il
s’agit de dénoncer les horreurs de la guerre civile, d’inciter au calme, de déplorer l’état de la France ou
même d’exciter l’esprit de vengeance.
En outre, dans ce même sillage, la littérature s’est également voulu la défense des causes des opprimés.
C’est justement le sens qu’il faut souvent donner à la poésie africaine, celle d’un Aimé Césaire, par exemple,
qui a eu à soutenir, dans un « Liminaire » à Nouvelle somme de poésie du monde noir (1966):
« Victime du traumatisme colonial et à la recherche d’un nouvel équilibre, le nègre n’en a pas fini de se
libérer. (…) et quand cela sort et que cela s’exprime et que cela gicle, charriant indistinctement l’individuel
et le collectif, le conscient et l’inconscient, le vécu et le pathétique, cela s’appelle la poésie. » Déjà au
XIXème siècle, Victor Hugo affirmait son engagement politique. Pour lui, romantique, la dénonciation de la
tyrannie est un ardent devoir supérieur au lyrisme quotidien et sentimental. Pour lui, la mission de l’art est
bien de « réveiller le peuple », c’est-à-dire de le sortir de la torpeur où le maintiennent le mensonge, la
propagande, la peur, la lâcheté, la compromission, la facilité, l’art officiel. Ces principes seront repris dans
les années 1940 par le texte fondateur de Sartre Qu’est-ce que la littérature ? (1948). Pour lui, l’écrivain
s’adresse à un public bien défini qui se confond à un peuple bien déterminé. Pour qui écrit-on ? Pour le
peuple. Dans « Orphée noir », préface de la Nouvelle anthologie de la poésie nègre et malgache de
Léopold Sédar Senghor, publiée en 1948, il prend position pour les plus démunis, les faibles, les opprimés,
ici les noirs. En ce sens, il a fait de l’écriture un acte politique, et de la littérature un geste politique.
Par ailleurs, la stigmatisation des vices et défauts de la société a fait l’objet de beaucoup de publications car
la littérature doit avoir pour mission, selon certains penseurs, de moraliser la société. C’est sous veine qu’il
faut, par exemple, classer le théâtre classique ; un dramaturge comme Molière a utilisé la scène comme lieu
de contestation et de critique : « Castigat ridendo mores » écrivait-il dans la préface de sa pièce Tartuffe
(1664) qui témoigne de son combat contre les faux dévots, alors qu’une autre de ses pièces, Dom Juan
(1665), dénonce les libertins matérialistes. Ces choix illustrent une volonté de faire du théâtre un lieu de
réflexion et de contre-pouvoir. Telle est aussi la caractéristique principale du théâtre africain, profondément
marqué par la situation politique de l’Afrique. Il est un produit du colonialisme ; aussi n’est-il pas surprenant
qu’il se définisse par son engagement. Lylian Kesteloot a pu en dire : « Il s’est révélé dans le double cri de
la souffrance et de la révolte, et il s’est engagé dans la lutte pour la liberté. » C’est ce qui fera dire à Cheikh
Aliou Ndao, à propos de sa pièce L’exil d’Alboury (1969) : « Une pièce historique n’est pas une thèse
d’histoire. Mon but est d’aider à la création de mythes qui galvanisent le peuple et portent en avant. Dussé-
je y parvenir en rendant l’histoire plus historique. »
Ainsi l’écrivain est souvent perçu comme un artiste qui doit s’engager dans les grands conflits, combats, ou
débats d’opinion qui agitent les sociétés. Il oriente ensuite une société parce qu’il en est l’éclaireur. Mais il
serait opportun de se demander si une telle conception de la littérature est recevable pour tous car nous
savons bien que l'art a pu emprunter d'autres voies et que l'engagement politique est plutôt une exception.

Nombreuses sont, il est vrai, les autres vocations qu’on a données à l’œuvre littéraire.
Rien n’est plus illustratif, dans ce sens, que cette affirmation de Charles Baudelaire : « L’art est-il utile ? Oui.
Pourquoi ? Parce qu’il est l’art » note-t-il dans Les drames et les romans honnêtes, 1857). En d’autres
termes, l’œuvre se suffit à elle-même. En effet, des écrivains ont souvent défendu l’inutilité de la littérature,
même si cette position a été parfois de circonstance pour certains, à l’image de Léopold Sédar Senghor qui,
à la suite de la cabale contre l’écrivain guinéen Camara Laye lors de la publication de son roman L’enfant
noir (1953), pour le supposé non-engagement de l’œuvre, a eu à affirmer ceci : « Le but et les moyens de
l’art ne sont pas ceux de la politique […] Lui reprocher (à Camara Laye) de n’avoir pas fait le procès le
procès du Colonialisme, c’est lui reprocher de n’avoir pas fait un roman à thèse, ce qui est le contraire du
romanesque, c’est lui reprocher d’être resté fidèle à as race, à sa mission d’écrivain. » (« Laye Camara et
Lamine Diakhaté ou l’art n’est pas d’un parti », Liberté I, 1964). « Ou bien l’art n’est rien ; et, dans ce cas,
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peinture, littérature, sculpture, musique, pourront être enrôlées au service de la cause révolutionnaire ; ce
ne seront plus que des instruments, comparables aux armes motorisées, aux machines-outils, aux tracteurs
agricoles, seule comptera leur efficacité directe et immédiate. Ou bien l’art continuera d’exister en tant
qu’art ; et, dans ce cas, pour l’artiste au moins, il restera la chose la plus importante au monde. Vis-à-vis de
l’action politique, il paraîtra toujours, alors, comme en retrait, inutile, voire franchement réactionnaire. »,
dira Alain Robbe-Grillet. Cette tendance littéraire remontait déjà au XIXe siècle avec les tenants du Parnasse
pour qui la seule règle est la gratuité de l’art car, pour eux, « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut
servir à rien : tout ce qui est utile est laid », selon l’expression même du principal théoricien, Théophile
Gautier. Au plus fort de l’agitation sociale des années 1848-1851, il exprimera superbement cette
indifférence : « Comme Goethe sur son divan/ A Weimar s’isolait des choses/Et d’Hafiz effeuillait les roses,/
Sans prendre garde à l’ouragan/Qui fouettait mes vitres fermées,/Moi, j’ai fait Emaux et Camées. » (Préface
d’Emaux et Camées, 1852). C’est refuser l’engagement du poète dans les luttes sociales de son temps et
rêver d’une utilité plus haute qui ne doive rien aux besoins immédiats.
Il faut aussi noter que la littérature a été un moyen par lequel des écrivains ont développé un lyrisme qui
leur a permis de faire partager des sentiments au lecteur. En effet, ayant vécu des déceptions liées à des
expériences humaines comme l’amour ou la mort, ces écrivains ont préféré se réfugier dans leurs textes et
se morfondre dans des complaintes mélancoliques. C’est notamment le cas de l’écrivain romantique qui,
même s’il a été plusieurs fois impliqué dans les problèmes qui ont secoué son époque, s’est aussi illustré par
un lyrisme exacerbé dans lequel il s’est plutôt réfugié dans son « moi », fuyant la société et ses drames.
Alfred de Musset affirmera : « Je n’ai jamais chanté ni la paix ni la guerre. /Si mon siècle se trompe, il ne
m’importe guère. /Tant mieux s’il a raison, tant pis s’il a tort ! » L’amour et la douleur sont l’expérience
ordinaire des vers de ce poète romantique qui a eu à déclarer : « La souffrance est ma sœur ». Mais de
cette douleur, il tire une œuvre : « Faire une perle d’une larme », telle est sa poétique. Ainsi, de Musset, on
a surtout retenu l’image du poète de « Tristesse » (Poésies posthumes) : « Dieu parle, il faut qu’on lui
réponde. / Le seul bien qui me reste au monde/ Est d’avoir quelquefois pleuré. »
En plus de cela, des écrivains ont eu la conviction que la littérature doit avoir pour mission de représenter le
réel, rien que le réel, dans un style objectif, sans parti pris ni jugement car ils se considèrent comme de
simples témoins de leur temps. Cette littérature impersonnelle sera le cheval de bataille des réalistes et
naturalistes du XIXème siècle qui se proposent une peinture minutieuse de la réalité et des personnages
dans un style impersonnel et objectif, sans parti pris ni jugement. Ce qui fera dire à Gustave Flaubert que le
grand art est scientifique et impersonnel. Le Père Goriot d’Honoré de Balzac est par exemple un simple
récit de la vie de mœurs sous le Second Empire français.
Il apparaît ainsi clairement la littérature a obéi à d’autres objectifs purement littéraires, en dehors de toute
considération politique, sociale, religieuse. Il serait néanmoins opportun de se demander si s’éloigner des
préoccupations humaines ou s’orienter de façon exclusive vers la production d’œuvres à thèse ne comporte
pas de risques.

En effet, l’histoire de la littérature nous a souvent montré que certains mouvements littéraires n’ont pas
longtemps attiré l’attention du public lecteur du fait même de leur orientation.
Dans la mesure où le lecteur ne se retrouve souvent pas dans ce qu’il lit, il y a de fortes chances qu’il se
désintéresse de l’œuvre. Si nous prenons le cas d’un courant comme le Parnasse, à force de vouloir éviter
les préoccupations d’ordre politique, social, culturel, religieux, bref, les expériences humaines, les tenants se
sont souvent réfugiés dans des histoires jugées « serviles » par le commun des lecteurs, particulièrement
les élèves. Leur parler de sculpture, de bijoux, d’orfèvrerie, d’histoires lointaines du XVIe siècle, etc.
consacre le désintérêt qu’ils manifestent par rapport à ces orientations dans la mesure où ils ne retrouvent
pas ces histoires palpitantes, faites d’actions, de rebondissements…, leurs propres expériences (heureuses
ou malheureuses) qui construisent le plaisir qu’on tire de la lecture. Que peut bien leur apporter la lecture
d’une œuvre comme Emaux et Camées de Théophile Gautier dans laquelle l’auteur développe un art
délicat et difficile, ciselant ses vers comme s’il travaillait des objets d’orfèvrerie (les émaux) ou des bijoux en
pierre fine (les camées), ou encore Les Trophées (1893) de José Maria de Heredia, qui évoque la Grèce et
la Sicile, Rome et les Barbares, le Moyen-âge et la Renaissance, l’Orient et les Tropiques, la Nature et le
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Rêve, bref, des histoires lointaines ?
Sur un autre registre, une littérature très puriste sur la forme et le langage, devenant parfois hermétique, a
de fortes chances d’éloigner le lectorat non initié de la lecture, parce que cette littérature devient finalement
élitiste. Comment un lecteur profane pourrait-il être en mesure de s’intéresser de près à des œuvres aussi
difficiles que Hérodiade (1871) ou encore L’Après-midi d’un faune (1876) qui marquent l’évolution d’un
Stéphane Mallarmé vers l’hermétisme, des œuvres dans lesquelles les constructions des phrases sont
difficiles jusqu’à rompre complètement avec la syntaxe normale, le vocabulaire est recherché, souvent
obscur et même mystérieux, les symboles sont toujours nombreux et sont susceptibles d’interprétations très
diverses.
Le désintérêt que des écrivains ont manifesté par rapport à la société les a aussi poussés à produire ces
textes hermétiques, dépourvus parfois de sens quand ils vont jusqu’à ignorer la raison, l’intellect, facteurs
déterminants dans la faculté d’analyser et de comprendre de l’être humain, à l’image des surréalistes
comme Paul Eluard : «…Le dérèglement de la logique jusqu’à l’absurde, l’usage de l’absurde jusqu’à
l’indomptable raison, c’est cela, et non l’assemblage plus ou moins savant, plus ou moins heureux…des
consonnes, des syllabes, des mots qui contribue à l’harmonie d’un poème… », écrit-il. Et André Gide de
conclure que « L’artiste risque de dégrader son art à le vouloir édifiant. »
Mais s’il s’avère aussi qu’une littérature non-engagée, trop formelle comporte des risques certains, il n’en
demeure pas moins qu’une œuvre trop engagée puisse courir le risque de voir la création parfois sacrifiée.
Les tenants d’une littérature désintéressée pensent souvent que faire œuvre utile ne rime pas avec beauté
et que « Tout ce qui est utile est laid » selon l’expression de Théophile Gautier. C’est certainement ce qui
fera dire à Stéphane Mallarmé : « Que les poètes lisent la morale, mais de grâce, ne leur donnez pas notre
poésie à gâter. » En outre, les écrivains du nouveau roman refusent de faire de l’écriture le moyen de
défendre des idées, fussent-elles progressistes. Pour eux, l’œuvre est sa propre fin et n’a pas à être
engagée. Alain Robbe-Grillet écrira dans ce sens: « Ou bien l’art n’est rien ; et, dans ce cas, peinture,
littérature, sculpture, musique, pourront être enrôlées au service de la cause révolutionnaire ; ce ne seront
plus que des instruments, comparables aux armes motorisées, aux machines-outils, aux tracteurs agricoles,
seule comptera leur efficacité directe et immédiate. Ou bien l’art continuera d’exister en tant qu’art ; et,
dans ce cas, pour l’artiste au moins, il restera la chose la plus importante au monde. »
On est tenté de leur donner raison si nous visitons certaines productions de la nouvelle génération des
poètes négro-africains. En effet, la veine militante y a été si profondément représentée que, souvent, la
qualité de l’écriture a été sacrifiée, au nom de l’idéologie, de la révolte. Ce qui fait dire à Pius Ngandu
Nkashama, dans Comprendre la littérature africaine (1985) : « Du fait de leur attachement à la
négritude, la plupart de ces poètes négligent la fonction poétique en elle-même. Leurs vers n’obéissent à
aucune métrique, à aucune rythmique, les métaphores se font au gré des impressions recueillies (parfois
mal accordées au thème). »
On retiendra en définitive la formule de Victor Hugo qui concilierait les deux vocations de la littérature ainsi
étudiées : la fonction utilitaire et la fonction purement artistique : « Ah, esprits ! Soyez utiles ! Servez à
quelque chose. Ne faites pas les dégoûtés quand il s’agit d’être efficaces et bons. L’art pour l’art peut être
beau, mais l’art pour le progrès est beaucoup plus beau encore. », écrit-il.
Conclusion :
Les romanciers, et les écrivains d’une manière générale, ont pu apparaître comme des guides, des porte-
parole qui savent donner forme aux préoccupations, aux soucis et aux espoirs de leurs contemporains.
Notamment lorsque l'histoire se fait tragique, à l'heure des convulsions politiques, les écrivains ont mis leur
art au service de leur indignation ou de leur pitié. C'était pour eux une exigence morale, fruit de leurs
tourments intimes. Témoigner, réunir, dénoncer les poussent hors d'eux-mêmes. Cependant, la voie de la
littérature désintéressée a été le credo de beaucoup d’écrivains qui se sont en particulier préoccupés de la
création artistique, l’œuvre se réduisant à sa vocation première, celle de faire plaisir en tant qu’art, en
même temps qu’elle est un outil d’évasion. Le danger pour les deux orientations a été de voir le public se
désintéresser d’une littérature trop formelle ou d’assister à la dégradation de l’œuvre littéraire à le vouloir
trop édifiante.
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UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/2 09 G 01 A 01
Durée : 4 heures
OFFICE DU BACCALAUREAT Série : L2 – Coef. 5
Téléfax (221) 825.24.58 - Tél. : 824.95.92 – 824.65.81 Séries : L1a-L1b-L’1 – Coef. 6

Epreuve du 1er groupe

FRANÇAIS
(Un sujet au choix du candidat)

SUJET I / RESUME SUIVI DE DISCUSSION.

Il est douloureux de le dire : dans la situation actuelle, il y a une esclave.


La loi a des euphémismes ; ce que j'appelle une esclave, elle l'appelle une mineure, cette mineure selon la loi,
cette esclave selon la réalité, c'est la femme. L’homme a chargé inégalement les deux plateaux du code, dont
l'équilibre importe à la conscience humaine ; l'homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les
devoirs du côté de la femme.
De là un trouble profond. De là la servitude de la femme. Dans notre législation telle qu'elle est, la femme ne
possède pas, elle n’este pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n'est pas. Il y a des citoyens,
il n'y a pas de citoyennes. C’est là un état violent : il faut qu'il cesse. [...]

Dans la question de l’éducation, comme dans la question de la répression, dans la question de


l'irrévocable qu'il faut ôter du mariage et de l'irréparable qu'il faut ôter de la pénalité, dans la question de
l’enseignement obligatoire, gratuit et laïque, dans la question de la femme, dans la question de l'enfant, il est
temps que les gouvernants avisent. Il est urgent que les législateurs prennent conseil des penseurs, que les
hommes d'Etat, trop souvent superficiels, tiennent compte du profond travail des écrivains, et que ceux qui font
les lois obéissent à ceux qui font les mœurs. La paix sociale est à ce prix.

Nous philosophes, nous contemplateurs de l'idéal social, ne nous lassons pas. Continuons notre
œuvre. Étudions sous toutes ses faces, et avec une bonne volonté croissante, ce pathétique problème de la
femme dont la solution résoudrait presque la question sociale tout entière. Apportons dans l'étude de ce
problème plus même que la justice ; apportons-y de la vénération ; apportons-y de la compassion.
Quoi ! il y a un être, un être sacré, qui nous a formés de sa chair, vivifiés de son sang, nourris de son lait,
remplis de son cœur, illuminés de son âme et cet être souffre, et cet être saigne, pleure, languit, tremble.
Ah ! Dévouons-nous, servons-le, défendons-le, secourons-le, protégeons-le ! [...]

Redoublons de persévérance et d'efforts. On en viendra, espérons-le, à comprendre qu'une société est


mal faite quand l'enfant est laissé sans lumière, quand la femme est maintenue sans initiative, quand la
servitude se déguise sous le nom de tutelle, quand la charge est d'autant plus lourde que l'épaule est plus
faible ; et l'on reconnaîtra que, même au point de vue de notre égoïsme, il est difficile de composer le bonheur
de l’homme avec la souffrance de la femme.

Victor Hugo, Actes et paroles III

RESUME
Vous résumerez ce texte de 439 mots au quart (1/4) de sa longueur soit environ 110 mots (avec une marge de
tolérance de plus ou moins 10%).

DISCUSSION
Pensez-vous, comme Victor HUGO, que «l’homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs
du côté de la femme.» ? …/…2
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
FRANÇAIS 2/2 09 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 1er groupe

SUJET-II / COMMENTAIRE DE TEXTE

(Nous sommes à la fin de la pièce. Aliin Sitooye livre ses dernières réflexions à Benjamin Jaata. Soudain la
pluie se met à tomber.)

Aliin
Il pleut !... J'aime cet instant où le temps semble avoir lié ses ailes et se reposer. Le silence est presque
parfait. Rien que le froufrou frais des feuillages sous les doigts folâtres du vent ! Ah ! L’écho des gouttes d'eau
en moi !... C'est toujours ainsi ! Je ne sais quel est cet étrange plaisir qui se love en moi, chaque fois que la
pluie tombe ! Comme une fillette, je ne me retiens plus de joie, je veux sautiller et applaudir, je veux crier mais
ma gorge se noue. Alors les larmes coulent, roulent silencieuses, sur mes joues, sans que je m'en aperçoive...
C'est toujours ainsi. Je couve, il est certain, un grand poème d'alizé pour ce monde aride qui saigne de toutes
ses plaies !... Benjamin, cet instant est de paix. Qu'il dure et s'enracine dans toutes les âmes et s'étende à
toute la terre. [...]
Adieu !
(Exit Benjamin. Lourd silence. Chant de la pluie ...)
Il pleut !
La forêt, vieillie par l'âpre saison, en tresses lasses, étale sa poudreuse chevelure qui tombe à ses pieds
multiformes ! Fromagers, palétuviers, palmiers et caïlcédrats debout sous la pluie sont lavés jusqu'aux racines.
Homme, étale ton âme salie ! C'est la main sans gant de la haine qui attise le Feu dont la langue ardente lèche
le monde. Pluie, lave-nous l'esprit afin que nous reniions tout progrès qui transfigure, détruit ou décime. Lave-
nous le cœur afin que nous priions avec le pauvre sans pain ni toit, avec le faible sous le joug, avec le tirailleur
qui s'en va prêter sa vie à la neige et au froid profond des tranchées ! Il pleut ! Homme, étale ton âme salie !
Chaque pluie qui tombe rebaptise le monde.
Fin de la pièce.

Marouba, Aliin Sitooye Jaata ou la Dame de Kabrus,


Rétrospective 14, Néas, pp. 136 -139.

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé. Dans le cadre du commentaire composé, vous
pourrez montrer par exemple comment l'évocation de la pluie se transforme en une prière de paix pour le salut
du monde.

SUJET - III / DISSERTATION

Dans la préface de Pierre et Jean, Maupassant disait : « Le but du roman n’est pas de nous raconter
une histoire, de nous amuser et de nous attendrir mais de nous forcer à penser, à comprendre le sens profond
et caché des événements.» Partagez-vous cette opinion ?

Vous donnerez votre réponse en vous appuyant sur des exemples littéraires précis.
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CORRIGES
SUJET I : RESUME ET DISCUSSION

RESUME :

La loi minimise la condition féminine que j’appelle assujettissement. Et l’homme est à la base de cette
situation. Cette loi est faite de sorte que la femme soit inexistante en matière de droit. Cela doit prendre fin.
Dans toutes les situations de déséquilibre social ou juridique, il urge que les décideurs et législateurs
écoutent les intellectuels pour un équilibre social. Que nous, intellectuels, dépensions toute l’énergie dont
nous disposons pour trouver un remède à la situation douloureuse de cet être martyrisé qui nous a donné
en vie. Nous en arriverons à la conscience que les discriminations sont synonymes de déséquilibre social et
que l’homme ne peut s’épanouir dans la douleur de la femme (118 mots)

DISCUSSION :

Introduction :
« Dans notre législation telle qu'elle est, la femme ne possède pas, elle n’este pas en justice, elle ne vote
pas, elle ne compte pas, elle n'est pas. Il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes » écrit Hugo dans le
texte. Il est vrai que dans le contexte du XIXème siècle, le statut juridique de la femme était des plus
déplorables compte tenu du fait qu’elle ne jouissait presque d’aucun droit. En effet, et comme l’a souligné
l’auteur, « L’homme a chargé inégalement les deux plateaux du code ; il a fait verser tous les droits de son
côté et tous les devoirs du côté de la femme. » En somme, la femme est considérée comme une citoyenne
de seconde zone. Cependant, cette situation que décrit l’auteur ne peut-elle pas aujourd’hui être considérée
comme circonstancielle quand on sait que la condition féminine a fortement évolué depuis lors ? Il serait
ainsi opportun de voir que même si cette situation a prévalu et prévaut encore dans certaines régions du
monde, il n’en demeure pas moins que les femmes jouissent de plus en plus de droits qui les ramènent
parfois au niveau de l’homme.

Développement :
« Jusqu’à présent, la femme n’a compté pour rien dans les sociétés humaines. L’Eglise dit que la femme est
le péché, le législateur qu’elle n’est rien, qu’elle n’a aucun droit ; le savant qu’elle n’a pas d’intelligence.
Voilà, depuis que le monde existe, comment les sages ont traité les femmes » écrivait, en 1844, Flora
Tristan dans son livre Union ouvrière. Ces propos nous montrent combien la situation de la femme fut, en
effet, précaire au XIXème siècle.
En effet, la femme n’existait pratiquement pas sur le plan juridique dans la mesure où les législateurs ne lui
reconnaissaient le moindre droit. On peut se référer au Code civil en vigueur à l’époque en France, un code
dans lequel certains articles sont assez illustratifs quant au statut de la femme dans la société. L’article
1 124 stipule par exemple que « La femme passe de l’autorité de son père à celle de son mari. Elle est une
éternelle mineure qu’il faut protéger ». Quant à l’article 213, il dit ceci : « Le mari doit protection à sa
femme, la femme doit obéissance à son mari », alors que pour le 1 421 « Le mari s’occupe seul des biens
de la famille. Il peut les vendre et les donner sans l’accord de sa femme ». On se rend ainsi compte que
c’est la loi elle-même qui refusait toute possibilité « d’ester en justice » comme le soutient Hugo dans le
texte.
En plus de cela, la situation de la femme n’est guère plus enviable en dehors de son statut juridique. En
effet, elle est l’objet de ségrégation dans de nombreux domaines de la vie. Elle n’avait pas droit à
l’éducation par exemple, et le ministre de l’Instruction publique de l’époque (1882), Jules Simon, a même eu
à avancer ces propos : « Je soutiens qu’il est parfaitement inutile d’enseigner les sciences aux filles. Elles ne
manqueront pas à un moment donné, et c’est grotesque, de crier sur la nourrice de leur enfant en
demandant : « Avez-vous donné à mon fils son potage à la saccharine ? » Bref, au 19me siècle, on ne
pensait pas que les femmes puissent être intelligentes ni même inventer… Entre Balzac, Emile Zola ou Guy
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de Maupassant, les portraits peints des femmes dans la littérature de cette époque sont, soit des pochardes,
soit des folles peu instruites travaillant dans les mines, soit des courtisanes ou des « filles ingrates » du Père
Goriot… Autant dire des portraits peu reluisants ! En outre, les femmes n’avaient aucun bien qui leur
appartenait au propre et même à la fin du siècle, pour celles qui travaillaient en usine, le salaire était perçu
par le mari qui avait tout le loisir de faire ce qu’il en voulait puisque la femme n’était propriétaire de rien.
Un siècle plus tard, au XXème, la même ségrégation a prévalu, malgré quelques améliorations. La femme
continue, en effet, de faire l’objet de discriminations à tous les niveaux de la vie. Le cas spécifique de
l’Afrique est assez illustratif pour être évoqué. Les sociétés traditionnelles, fondées sur le patriarcat ne leur a
jamais accordé le moindre droit, sinon celui de rester derrière l’homme, de procréer et de s’occuper des
tâches ménagères du foyer. En guise d’exemple, nous pouvons tout simplement nous référer au nouveau
code malien de la famille, adopté le 2 décembre 2011 par l’Assemblée nationale. L’homme y est toujours
consacré comme unique chef de famille, alors que pour les questions relatives à la succession et au divorce,
c’est le chef de famille qui règle la question de manière coutumière ou par le droit civique en établissant un
testament. Autre règle qui consacre la toute puissance de l’homme : la femme doit obéissance à son époux.
Ces dispositions trouvent leurs sources dans les sociétés traditionnelles où la femme n’avait pas de statut
officiel, même si à l’intérieur des foyers elle jouait un rôle non négligeable. Officiellement, elle était plutôt
objet que sujet de droit, elle était reléguée au second rang de personne à protéger. Les hommes ont
toujours justifié cette attitude par le fait qu’en ces temps d’insécurité et de dangers, il fallait leur toute
puissance pour assurer la stabilité et la pérennité de la famille. Ainsi, la femme était considérée au même
titre que les biens mobiliers et les animaux.
Par ailleurs, dans certains cas, des femmes vivent de véritables drames quand des situations « juridiques »
ne les préservent même pas de la mort. En effet, dans certains pays, les femmes sont tout simplement
mises à mort par des membres de leurs propres familles pour des fautes commises, parfois sous le regard
complice des législateurs. Prenons le cas des crimes d’honneur que Human Rights Watch définit ainsi : «
…actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d'une famille à
l'encontre de ses membres féminins, lorsqu'ils sont perçus comme cause de déshonneur pour la famille tout
entière. Une femme peut être la cible d'individus au sein de sa propre famille pour des motifs divers,
comprenant : le refus de participer à un mariage arrangé, le refus des faveurs sexuelles, la tentative de
divorce — que ce soit dans le cadre de la violence conjugale exercée par son mari ou dans un contexte
avéré d'adultère. La simple interprétation selon laquelle son comportement a « déshonoré » sa famille est
suffisante pour enclencher des représailles. » Le meurtre pour l’honneur est une pratique courante dans
certains pays du Moyen-Orient, notamment au Pakistan, en Égypte, en Jordanie ou encore en Turquie.
Selon la Commission des droits de l'homme du Pakistan (HRCP), 636 femmes sont mortes d'un crime
d'honneur en 2007. Au moins 288 femmes ont péri en Turquie entre 2001 et 2008 victimes de crimes
d’honneur, selon une étude universitaire. Dans ce système, l'homme dont la femme, la sœur ou la fille est
accusée passe pour la victime. La communauté attend donc qu'il fasse justice. Ne pas le faire serait un
déshonneur encore plus grand. Un « crime d'honneur » n'est donc pas considéré comme un crime au sens
pénal, mais comme un châtiment approprié.
On voit ainsi que du point de la législation et dans d’autres domaines de la vie, la situation de la femme n’a
guère été reluisante au XIXème siècle et elle a continué, au siècle suivant, à poser problème dans certaines
régions du monde. Il convient toutefois de noter qu’elle s’est considérablement améliorée aujourd’hui.

En effet, la condition féminine n’a jamais été si favorable de nos jours, notamment depuis que le terme
« parité » a vu le jour.
D’abord, la domination masculine sur le féminin se traduisait, entre autres, par l’exclusion des femmes de la
fonction de délibération au nom d’autrui et pour les autres, donc de la politique et de la représentation de
l’universel. La notion de parité rompt avec ce déni de droit. Dorénavant, pour gérer la cité, hommes et
femmes agissent de manière équivalente et communément. Déjà en 1946, la Constitution française le
stipulait dans son préambule : la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux
de l’homme. Ce principe de parité sera acquis en 1999 par la révision des articles 3 et 4 de la dite
Constitution. Une autre Constitution, celle du Sénégal, proclame, quant à elle, « l’égalité de tous les citoyens
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devant la loi » ; ainsi, la femme a la pleine capacité juridique et peut aller en justice au même titre que
l’homme. Elle a donc le devoir de se défendre, s’il le faut devant les juridictions pour les injustices qu’on lui
ferait subir. Mais pour mettre en œuvre ce principe proclamé par la Constitution, il fallait adapter les textes
qui ont vocation à régir la vie de la femme, à travers notamment le Code de la famille.
Les acquis féminins en termes de représentation politique suivent de près ceux réalisés au sein de la
population active : des tendances très positives sont notées dans certains pays et un exemple du succès de
ces mesures est celui du Rwanda, où les femmes détiennent 49 % des sièges de la Chambre basse du
parlement, ce qui représente le record mondial.
Par ailleurs, on remarque de plus en plus l’élimination de la discrimination sous toutes ses formes (juridique,
sociale ou culturelle) et au renforcement des droits des femmes et des opportunités qui leur sont offertes.
Le code sénégalais de la famille peut être cité en exemple, un code qui met en avant le droit pour la femme
mariée de travailler sans le consentement du mari, la protection sociale de la femme travailleuse enceinte
(droit à des congés avant et après l’accouchement) ou encore son droit de bénéficier de l’allocation de
réversion dès le décès du mari. En retour, ces améliorations leur permettront de renforcer leurs
contributions au développement économique et social.
En outre, la femme étant le noyau dur de la cellule de base de la société qu’est la famille, il est donc
unanimement admis que le degré d’évolution d’une société humaine s’apprécie en grande partie par rapport
à la situation que cette société réserve à la femme. C’est fort de cette conviction que de plus en plus des
organismes nationaux et internationaux de droits humains se battent pour que soient préservés les droits
des femmes car gages d’une stabilité et d’une évolution sociales synonymes de développement. Aussi
mènent-ils souvent un lobbying pour se constituer partie civile en cas de violation des droits de la femme.
Dans ce même cadre, un autre lobbying est mené par des organisations de protection des droits des
femmes pour la ratification et la mise en œuvre du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples relatif aux droits de la femme africaine.
Dans ce même ordre d’idées, on peut souligner la promotion de la condition des femmes qui fut inscrite à
l’ordre du jour de bien des gouvernements au cours des dix dernières années et qui figurait au cœur même
du plan d’action de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes, organisée à Beijing en 1995. La
collecte de renseignements sur les femmes, en particulier sur leur état de santé, leur éducation et leur
situation politique et économique, constitue un indicateur critique de la mesure des progrès accomplis vers
les objectifs de Beijing et d’autres conférences internationales.
Toutefois, les données recueillies sont sources à la fois d’optimisme et d’inquiétude, si l’on en croit l’édition
2005 des Femmes de notre monde du Population Reference Bureau. Au plan positif, la situation des femmes
a enregistré des améliorations régulières dans un certain nombre de domaines au cours des dix dernières
années. Pour les inquiétudes, on met au premier plan la non effectivité des droits des femmes dont les
causes sont multiples : méconnaissance et non-information des femmes de leurs droits, manque de volonté
politique de certains Etats, pesanteurs sociales, économiques (pression de la société, faibles revenus,
promiscuité des famille, pauvreté, etc.), collaboration encore timide de certains acteurs judiciaires et
extrajudiciaires (médecins, policiers, chefs religieux, magistrats et avocats), lenteur des procédures
judiciaires dans le règlement des conflits, méconnaissance et complexité des procédures, coût onéreux de la
justice, peur du prétoire…

Conclusion :
Il est vrai que la femme fut pendant longtemps assujettie à des lois qui l’ont pratiquement réduite à une
citoyenne de seconde zone, à un être inférieur à l’homme. Des efforts considérables ont néanmoins été faits
pour la ramener au premier plan de la législation de beaucoup de pays où elle jouit de droits qui font même
d’elle l’égale de l’homme dans certaines régions. Cependant, malgré plusieurs efforts allant dans le sens de
la promotion et de la reconnaissance des droits de la femme, le problème se pose encore de nos jours de
savoir si la femme, malgré une prolifération de lois prises en faveur de sa protection, est devenue moins
dépendante de l’homme et libre d’organiser sa vie comme elle l’entend. Ces textes ont-ils contribué à un
mieux être de la femme sénégalaise ? Est-ce que cette dernière sait se servir de ces textes de lois pour sa
propre défense et protection ?
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
SUJET I : COMMENTAIRE

Introduction :
Beaucoup de dramaturges africains ont produit des pièces historiques dont la fonction est de revaloriser une
histoire dénigrée et de restaurer dans leur dignité des sociétés et des personnages du passé précolonial.
Mais dans la plupart de ces pièces, on voit que le dramaturge est inspiré moins par le souci de la fidélité
historique que par celui de réagir à une vision péjorative de l’Afrique qui a maquillé en roitelets ridicules et
sanguinaires les héros du continent. Egalement, les dramaturges africains modernes font parfois de l’histoire
un prétexte en essayant d’analyser des problèmes politiques, économiques, sociaux…. C’est l’interprétation
qu’il faut en partie faire de la pièce de Marouba Fall Aliin Sitooye Jaata ou la Dame de Kabrus, publié
en 1996, et particulièrement de cet extrait de la Rétrospective 14, une tirade dans laquelle le personnage,
Aliin, évoque un intense moment de bonheur occasionné par la pluie, qu’elle transforme rapidement en
prière pour la paix. Cette évocation poétique de la pluie, en rapport avec les états d’âme du personnage, de
même que la prière qui la suit, en solidarité avec tous ceux qui souffrent, constitueront les axes d’étude de
ce texte.

Commentaire détaillé :
L’évocation poétique de la pluie est d’abord exprimée par des métaphores, comme celle de l’oiseau dans la
phrase « le temps semble avoir lié ses ailes et se reposer», celle de la paix dans l’expression « Je couve, il
est certain, un grand poème d'alizé… ». Elle est ensuite bien restituée par le rythme de la tirade scandé
dans un premier temps par les sonorités : les allitérations en [s] et [f] dans la phrase « J'aime cet instant où
le temps semble avoir lié ses ailes et se reposer. Le silence est presque parfait. Rien que le froufrou frais
des feuillages sous les doigts folâtres du vent !» sont en rapport avec le silence (les expressions «presque
parfait, rien que… » renforcent cette idée de silence total, de même que la didascalie « Lourd silence » qui
met l’accent sur sa profondeur), la fraîcheur et le vent (personnifié); alors que celle en [o] permet de
percevoir le son de l’écho dans l’exclamation « Ah ! L’écho des gouttes d'eau en moi !... ». Le texte est
ensuite bien rythmé par les nombreuses pauses et attentes, par les exclamations suivies de points de
suspension: « Il pleut !... », « Ah ! L’écho des gouttes d'eau en moi !... » ; « Alors les larmes coulent,
roulent silencieuses, sur mes joues, sans que je m'en aperçoive... »; « Je couve, il est certain, un grand
poème d'alizé pour ce monde aride qui saigne de toutes ses plaies !... ». Ces expressions connotent une
forte émotion, l’instant de méditation dans lequel est plongé le personnage ; ce qui laisse penser qu’en
réalité tout le texte a été d’une certaine façon un monologue car, même dans cette première partie de la
tirade, l’impression est que Aliin, plongée dans cette profonde méditation, ne s’adresse point à Benjamin,
malgré la présence du personnage. D’ailleurs elle l’apostrophe brusquement à la fin comme si elle sortait
tout d’un coup de ce monologue et lui demander de la laisser seule afin qu’elle puisse mieux prier et se
recueillir dans la sèche exclamation « Adieu ! » qui donne l’impression d’une injonction. La seconde partie
de la tirade voit alors la disparition des points de suspension car la méditation laisse place au recueillement,
à la prière.
Cette évocation ne pouvait d’ailleurs qu’être poétique dans la mesure où le personnage évoque aussi des
moments de bonheur intense à chaque fois occasionnée en elle par la pluie (« C’est toujours ainsi »). Des
expressions du genre « Je ne sais quel est cet étrange plaisir qui se love en moi, chaque fois que la pluie
tombe ! » témoigne de ce plaisir intense, insondable quand il pleut, une idée confirmée par la comparaison
« Comme une fillette, je ne me retiens plus… » et le champ lexical formé de mots ou expressions comme
« J’aime », « Ah ! L’écho des gouttes d'eau en moi !... », « plaisir », « joie », « sautiller », « applaudir »,
« crier ». La phrase elle-même, du point de vue rythmique, sautille par la suite de courtes propositions qui
en disent long sur son état d’âme.
La tirade trahit donc ces moments d’extase de la Dame de Kabrus dans son évocation très poétique de la
pluie. Mais au fond d’elle, un fort sentiment d’angoisse demeure.
En effet, la conjonction de coordination « mais », qui brise l’euphorie suscitée par la pluie dans la phrase qui
vient d’être citée, traduit une rupture, un changement d’état d’âme : le plaisir se mue en profonde
tristesse : « ma gorge se noue ». La conséquence est introduite par l’adverbe alors dans la phrase qui suit :
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« Alors les larmes coulent…je m’en aperçoive » ; du point de vue de la construction et du rythme de cette
phrase, elle coule comme les larmes sur les joues par la succession des propositions. La reine pense, en
effet, à tous ceux qui souffrent et compatit à leur douleur: « Je couve, il est certain, un grand poème d'alizé
pour ce monde aride qui saigne de toutes ses plaies !... », « … afin que nous priions avec le pauvre sans
pain ni toit, avec le faible sous le joug, avec le tirailleur qui s'en va prêter sa vie à la neige et au froid
profond des tranchées ! ». une idée renforcée par les verbes « durer » et « s’enraciner », mais aussi la
prière « Qu'il dure et s'enracine dans toutes les âmes et s'étende à toute la terre.».
La didascalie, qui indique la sortie de Benjamin, mais aussi une profonde angoisse par l’adjectif « Lourd »,
montre qu’elle est maintenant seule, dans la prière proprement dite cette fois-ci, en compagnie de la
chanson de la pluie bien exprimée par les nasales dans l’allitération en « an » de la didascalie. Cette pluie,
qui doit purifier, est omniprésente par la répétition de l’expression « Il pleut ! » qui scande le rythme de
toute la seconde partie de la tirade. Et c’est d’abord la nature, représentée ici par la forêt qui, en premier, a
besoin d’être purifiée, régénérée : « Fromagers, palétuviers, palmiers et caïlcédrats debout sous la pluie
sont lavés jusqu'aux racines. » ; en effet sa personnification connote l’état de vieillesse, de décrépitude dans
lequel elle est par le champ lexical formé des mots « vieillie », « lasses », « poudreuse », « multiformes ».
Cette purification de la nature faite, la Dame se tourne maintenant vers l’homme qu’elle apostrophe tout
d’un coup par une injonction lui intimant l’ordre de se faire purifier par cette pluie dans l’exclamation
répétée « Homme, étale ton âme salie ! » (à noter la valeur injonctive de l’impératif), car étant à l’origine du
mal que la reine, par le biais de la « main sans gant de la haine », de la majuscule de « Feu » et du mot
« langue », personnifie en mettant en avant son œuvre destructrice, idée renforcée par la gradation
« transfigure, détruit ou décime ». Ces souffrances nous venant souvent des défauts de nos mentalités et
du manque d’humanisme qui gagne de plus en plus les sociétés humaines, qui font que nous ne savons plus
partager, plus tolérer, la reine, dans sa prière, n’oublie pas de demander à la pluie de purifier le siège de
ces maux chez l’homme : « Pluie, lave-nous l'esprit…», « Lave-nous le cœur… » (à noter ici la valeur de
prière de l’impératif).
La pluie est donc un moment de bonheur, certes, chez le personnage, mais son symbolisme est plus grand
car étant considéré comme un facteur fondamental de paix par sa capacité à purifier les âmes souillées par
le mal.

Conclusion :
Aliin Sitooye, dans cette tirade, a su donc très bien évoqué la pluie en empruntant à la poésie des procédés
qui lui ont donné un cachet particulier. Il ne pouvait en être autrement par les forts sentiments de bonheur
mis en exergue et qu’éveille la pluie en elle, mais un état d’âme remis en question par l’angoisse qui couve
en elle du fait qu’elle pense à tous ceux qui souffrent dans le monde. L’évocation de la pluie se transforme
alors en prière pour conjurer le mal. Mais toute la richesse du texte réside dans sa densité poétique tant
l’évocation de la pluie et des états d’âme de la Dame de Kbrus nous rappellent, sur le plan stylistique,
beaucoup de particularités de ce genre.

SUJET I : DISSERTATION

Introduction :
Selon la critique Marthe Robert, « De la littérature, le roman fait rigoureusement ce qu’il veut : rien ne
l’empêche d’utiliser à ses propres fins la description, la narration, le drame… ni d’être à son gré, tour à tour
ou simultanément, fable, histoire…, idylle, conte, épopée. » (Roman des origines et Origines du
roman, 1972). C’est donc reconnaître le pouvoir de ce genre littéraire à nous arracher de la vie quotidienne
pour nous plonger dans un univers imaginaire destiné à éveiller des sentiments, des sensations. Pourtant,
pour le réaliste qu’est Maupassant, dans la préface de son roman Pierre et Jean (1888), « Le but du
roman n’est pas de nous raconter une histoire, de nous amuser et de nous attendrir, mais de nous forcer à
penser, à comprendre le sens profond et caché des événements. » Sa vocation est ainsi, selon ce réaliste,
de nous aider à mieux voir et à mieux saisir le réel. Mais le roman ne se définit-il pas par son caractère fictif
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justement ? S’il est vrai que l’intention du romancier a parfois été de nous mettre en rapport avec le réel
pour mieux le faire comprendre, il reste que certains ont conçu le genre comme une évasion et le romancier
comme un manipulateur, un créateur qui cherche des effets sur le lecteur, ce qui laisse penser que le genre
revêt un caractère ambivalent.

Développement :
Ces propos de Maupassant peuvent se comprendre dans la mesure où le roman est souvent considéré
comme une représentation artistique du réel, réorganisée esthétiquement pour qu’il prenne une signification
qui nous permettra de mieux comprendre certaines réalités.
Sous cet angle, l’ambition de certains romanciers a été de porter à la connaissance du public la face cachée
de certaines réalités sociales car l’écrivain, voit, selon eux, mieux que les autres membres de la
communauté. Cette volonté de faire du roman une œuvre qui force à comprendre le réel date du XVIIème
siècle. En effet, dans un souci de vraisemblance, Le Roman bourgeois (1666) de Furetière, par exemple,
prend pour personnages des bourgeois. L’observation, le portrait, la description des gens et des lieux
illustrent une volonté de témoigner, d’expliquer et ainsi de mieux faire saisir les réalités de ce milieu social.
Le souci du témoignage et du respect de la vraisemblance conduit même les romanciers à vouloir faire de
leurs œuvres des études scientifiques car, selon les partisans de cette tendance, le romancier doit « faire
vrai » et pour cela rien ne vaut la documentation et l’observation. On peut dans ce cadre faire allusion à
Emile Zola qui a eu à écrire dans son ouvrage Le roman expérimental (1880) : « Nous cessons d’être
dans les grâces littéraires d’une description en beau style ; nous sommes dans l’étude exacte du milieu,
dans la constatation des états du monde extérieur qui correspondent aux intérieurs des personnages. »
Avant de rédiger son roman Germinal, il a eu à séjourner chez les mineurs au nord de la France et à
mener des enquêtes minutieuses, histoire de mieux faire connaitre ce monde du travail.
Par ailleurs, certaines productions romanesques sont presque exclusivement tournées vers la volonté de
faire comprendre les drames historiques, politiques, sociaux, économiques afin de s’élever contre ces
injustices et provoquer une prise de conscience. Pour cela, le romancier a parfois senti la nécessité de
décrire les réalités des faits évoqués afin de mieux les faire saisir et de pouvoir ainsi les combattre. C’est
dans ce cadre Victor Hugo, dans sa croisade contre la peine de mort, a eu à évoquer le drame
psychologique d’un condamné à la peine capitale qui vit ses derniers instants dans Le dernier jour d’un
condamné. Dans ce même cadre, les romanciers africains de l’époque coloniale se sont attaqués aux
réalités dévastatrices du système colonial qu’ils ont étalées aux yeux du monde afin de mieux le combattre.
Nous pouvons citer, entre autres, Ville cruelle (1954) d’Eza Boto qui permet au public de mieux
comprendre le système d’exploitation économique de la colonisation.
Cette fonction du roman à explorer les faces cachées le réel afin de mieux le faire comprendre se vérifie
dans la mesure où dans l’acception même du genre, cette vocation occupe une bonne place. Toutefois, il
serait difficile d’occulter le fait que le romancier se détache parfois complètement du réel et il demeure aussi
un manipulateur qui cherche des effets sur le lecteur.

En effet, comme c’est dit dans le sujet, « raconter une histoire, amuser, attendrir » implique souvent une
transformation de la vérité, quelle qu’elle soit, en vue de cet objectif.
D’abord le roman, en tenant compte de sa définition même, donne accès à un monde imaginaire. En effet,
de par sa nature et les moyens mis en œuvre, le roman est un genre qui donne accès à un univers fictif fait
de mots et de phrases. C’est notamment le cas du roman d’anticipation, fait d’aventures fantastiques
placées dans un avenir imaginé d’après les découvertes ou les hypothèses scientifiques les plus récentes
(certains parlent aussi de roman de science-fiction) comme les romans de Jules Verne, Voyage au centre
de la terre (1864) ou encore De la terre à la lune (1865), dont l’objectif premier est de distraire.
En outre, le roman, comme tout art, a une fonction dilettante : il est d'abord là pour divertir, c'est-à-dire
nous distraire en nous éloignant du réel, en nous permettant d'échapper à notre quotidien. En effet, c’est un
genre qui se caractérise par son contenu fictionnel car il s'agit souvent pour le romancier de raconter une
histoire inventée, parfois dans le seul but de d’égayer un public. Tel est le sens qu’il faut donner au roman
policier dans lequel des policiers, des espions, des criminels et des agents doubles cohabitent et luttent sans
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merci. Tous les ingrédients sont réunis dans un roman comme Ballet noir à Château-Rouge (2001)
d’Achille Ngoye pour détendre les lecteurs.
En dehors de cela, le roman peut nous projeter dans des aventures merveilleuses avec l’aide d’éléments
surnaturels, de créatures fantastiques. En effet, la réalité dans laquelle nous vivons, comme nous le savons,
a souvent été transformée par les romanciers, nous invitant ainsi dans un monde qui se transforme à partir
de notre imagination et ne cesse de nous éloigner de la réalité. Champion du genre au XIXe siècle, Jules
Verne affirmait : « Mon but a été de peindre la Terre, et pas seulement la Terre mais l'univers, car j'ai
quelquefois transporté mes lecteurs loin de la Terre dans mes romans ». Par exemple, chez un auteur
comme Sony Labou Tansi, c’est la dimension fantastique qui caractérise les récits dans La Vie et demie
(1979) car il nous transporte dans l’univers du conte et de la fable où ce qui est raconté, ce qui est décrit se
situe au-delà de la réalité des humains. La guerre entre la Katamalanasie et le Darmélia est digne des plus
grands films de science-fiction. Déjà au XVIème siècle, l’œuvre romanesque de Rabelais, par exemple
Pantagruel, (1532) ou Gargantua (1534) mettait en scène des personnages symbolisés par le gigantisme
de héros à l’appétit démesuré.
Il faut aussi ajouter à cela que le dessein du romancier est aussi de nous divertir en narrant les péripéties
d’un héros lancé dans une dynamique d’actions palpitantes. C’est le cas du roman d’aventures dont l’intérêt
est soutenu par la multiplicité des épisodes et les rebondissements d’une action qui entraîne les
personnages dans des péripéties parfois fantastiques et dans lequel l’auteur garde le dessein de nous
arracher à la vie quotidienne, de nous introduire dans un monde où le héros court à chaque instant des
risques et d’abord le risque de mourir, Les trois Mousquetaires (1844) d’Alexandre Dumas, par exemple.
Le roman a ainsi eu la capacité de stimuler notre imagination en nous éloigne ainsi du réel et en nous
permettant de nous évader dans un monde idéal, nouveau, voire radicalement opposé au nôtre.

Conclusion :
Nous pouvons tout simplement retenir de cette réflexion que le roman peut être considéré comme une
façon d’explorer à la fois l’homme et ses multiples facettes, ainsi que le monde. Il nous a permis de mieux
saisir le réel et de mieux le comprendre dans certain cas. Toutefois, c’est aussi un genre qui met à
contribution toutes les ressources de l’imaginaire et de la création pour rechercher un effet ludique, évasif.
Il serait de ce fait hasardeux de vouloir le cantonner dans l’une ou l’autre fonction. Mais ce « scénario » ne
suffit pas à appréhender un genre qui, comme l’explique Marthe Robert, est lui-même sans cesse en
expansion et à la recherche de nouvelles aventures.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/2 10 G 01 A 01
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Téléfax (221) 825.24.58 - Tél. : 824.95.92 – 824.65.81 Séries : L1a-L1b-L’1 – Coef. 6

Epreuve du 1er groupe

FRANÇAIS
(Un sujet au choix du candidat)

SUJET I : RESUME – DISCUSSION.


L’art de lire
La lecture est-elle un travail ? Valéry Larbaud la nomme un « vice impuni », et Descartes au contraire
« une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés ». Tous deux ont raison.
La lecture-vice est propre aux êtres qui trouvent en elle une sorte d’opium et s’affranchissent du
monde réel en plongeant dans un monde imaginaire. Ceux-là ne peuvent rester une minute sans lire ;
tout leur est bon ; ils ouvriront au hasard une encyclopédie et y liront un article sur la technique de
l’aquarelle avec la même voracité qu’un texte sur les machines à feu. Laissés seuls dans une
chambre, ils iront droit à la table où se trouvent des revues, des journaux et attaqueront une colonne
quelconque, en son milieu, plutôt que de se livrer un instant à leurs propres pensées. Ils ne cherchent
dans la lecture ni des idées ni des faits, mais ce défilé continu de mots qui leur masque le monde et
leur âme. De ce qu’ils ont lu, ils retiennent peu de substantifique moelle ; entre les sources
d’information, ils n’établissent aucune hiérarchie de valeurs. La lecture pratiquée par eux est toute
passive : ils subissent les textes ; ils ne les interprètent pas ; ils ne leur font pas place dans leur esprit
; ils ne les assimilent pas.
La lecture-plaisir est déjà plus active. Lit pour son plaisir l’amateur de romans qui cherche dans les
livres, soit des impressions de beauté, soit un réveil et une exaltation de ses propres sentiments, soit
des aventures que lui refuse la vie. Lit pour son plaisir celui qui aime à retrouver dans les moralistes
et les poètes, plus parfaitement exprimées, les observations qu’il a faites lui-même, ou les sensations
qu’il a éprouvées. Lit pour son plaisir enfin celui qui, sans étudier telle période définie de l’histoire, se
plaît à constater l’identité, au cours des siècles, des tourments humains. Cette lecture-plaisir est
saine.
Enfin la lecture-travail est celle de l’homme qui, dans un livre, cherche telles connaissances définies,
matériaux dont il a besoin pour étayer ou achever dans son esprit une construction dont il entrevoit
les grandes lignes. La lecture-travail doit se faire, à moins que le lecteur ne possède une étonnante
mémoire, plume ou crayon en main. Il est vain de lire si l’on se condamne à relire chaque fois que
l’on souhaitera revenir au sujet. S’il m’est permis de citer mon exemple, lorsque je lis un livre
d’histoire ou un livre sérieux quelconque, j’écris toujours à la première ou à la dernière page quelques
mots qui indiquent les sujets essentiels traités, puis en dessous de chacun de ces mots, les chiffres
des pages qui renvoient aux passages que je désire pouvoir consulter, en cas de besoin, sans avoir
à relire le livre entier.

André Maurois, Un Art de vivre, Editions Plon, 1939.


I. RESUME
Résumez ce texte de 462 mots au quart de sa longueur, soit environ 115 mots (une marge de 10 %
en plus ou en moins est autorisée).
II. DISCUSSION :
Partagez-vous la définition prêtée à Descartes et selon laquelle la lecture est « une conversation
avec les plus honnêtes gens des siècles passés » ?
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
FRANÇAIS 2/2 10 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 1er groupe

SUJET II : COMMENTAIRE SUIVI OU COMPOSE.

La Mort des pauvres

C’est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;


C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir
Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir ;

A travers la tempête, et la neige, et le givre,


C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir ;

C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques


Le sommeil et le don des rêves extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ;

C’est la gloire des Dieux, c’est le grenier mystique,


C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C’est le portique ouvert sur les Cieux inconnus !

Baudelaire, Les fleurs du mal, 1857.

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé. Dans le cadre d’un commentaire composé,
vous pourrez montrer par exemple comment le poète, par delà la simplicité apparente de l’écriture,
transforme progressivement la vision ordinaire de la mort en une promesse de félicité.

SUJET III : DISSERTATION

Gilles Vigneault, poète et chansonnier québécois affirmait dans un entretien avec un journaliste :
«Tous les poètes sont engagés ; ils doivent être des révolutionnaires, non pas en maniant des
bombes, mais par leur désir de changer le monde, de l’améliorer.»
En vous appuyant sur des exemples précis, vous expliquerez puis discuterez cette affirmation.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS

CORRIGES
SUJET I : RESUME ET DISCUSSION

RESUME :

Dans la lecture-évasion, le lecteur cherche une sorte d’ivresse. Il s’affranchit du monde réel et avide de
lecture, il lit tout ce qui lui tombe entre les mains. Il ne choisit pas ses lectures, ne cherche pas les
connaissances et ne tire aucun profit de ce qu’il a lu.
Dans la lecture-divertissement sain, le lecteur cherche des sensations, des ressentiments ou des
évènements que la vie réelle ne peut lui offrir. Il lit pour trouver des leçons d’éthique. Il compare son mode
de vie et de pensée à celui des siècles passés
Il y a enfin la lecture-instruction pour lequel le lecteur confirme et approfondit ses idées. Son objectif est de
se former et de s’informer (124 mots)

DISCUSSION :

Introduction :
Une des fonctions du livre a souvent été de permettre au lecteur de se distraire par le biais d’histoires qui le
sortent le plus souvent du cadre du réel. Mais pour René Descartes, la finalité de la lecture est tout autre
lorsqu’il pense que c’est une activité qui nous permet d’entretenir une conversation avec les plus honnêtes
gens des siècles passés. Toutefois, il y a de quoi se poser des questions quant à la pertinence de cette
réflexion quand on sait que les objectifs que cherchent les lecteurs dans un livre sont tout à fait différents.
C’est vrai que la lecture est un moyen par lequel on est en contact direct avec l’auteur et en mesure de
« dialoguer » avec lui, mais il est impossible de nier que beaucoup de lecteurs cherchent autre chose dans
un livre.

Développement :
La lecture est donc une activité qui met parfois le lecteur en contact avec les auteurs qui ne sont plus avec
nous et de dialoguer ainsi avec eux.
C’est bien là, en effet, l’un des premiers miracles opérés par le livre : c’est de nous permettre de converser
avec ceux que Descartes nomme « les honnêtes hommes du passé » dans la mesure où certains écrivains
se confessaient souvent dans leurs œuvres, s’adressant ainsi à leurs futurs lecteurs à qui ils confient leurs
états d’âme. La lecture de ces textes permet évidemment à celui qui les a entre les mains de dialoguer ainsi
avec leurs auteurs. Lire un Jean Jacques Rousseau des Confessions, un Gustave Flaubert de la
Correspondance ou un André Malraux des Antimémoires, en dépit de leur disparition, c’est entendre
leurs voix et c’est notre propre réflexion qui discute avec la leur, comme s’ils étaient présents.
Par ailleurs, l’écrivain est une sorte d’hôte invisible qui nous ouvre sa porte, nous invite à nous asseoir,
nous parle de sa vie propre et nous aide à mieux comprendre la nôtre lorsqu’il nous fait part d’une
expérience, heureuse ou malheureuse, qu’il a vécue et qui pourrait également nous arriver, nous lecteurs.
« Hypocrite lecteur, mon semblable », écrit Charles Baudelaire, alors que Victor Hugo est on ne peut plus
clair dans la préface des Contemplations : « Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que
je vis; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. […] Quand je vous parle de moi, je
vous parle de vous… » Cette adresse directe au lecteur est un véritable dialogue qu’il établit avec lui. Les
Confessions de Jean Jacques Rousseau, véritables confidences, s'adressent souvent au lecteur comme à
un ami. A plusieurs reprises, on y trouve l'emploi de l'impératif (« Ecoutez ») mais aussi les questions
impersonnelles (« Qui pourrait croire que... ») ou encore l'emploi de l'apostrophe: « Lecteur pitoyable !
Partagez mon affliction ! ». Il s'établit ainsi une conversation imaginaire entre Rousseau et son lecteur.
La lecture permet donc au livre de ne pas être un tombeau de connaissances mais le point de départ d’une
nouvelle connaissance. Il s’inscrit dans notre mémoire et c’est dans ce sens qu’Alberto Manguel a écrit :
« La lecture est une conversation. Des fous se lancent dans des dialogues imaginaires, dont ils entendent
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l’écho quelque part dans leur tête ; les lecteurs se lancent dans un dialogue similaire, provoqué par les mots
sur une page… Il arrive aussi qu’un lecteur éprouve le besoin de prendre un crayon et de répondre dans les
marges d’un texte. Ce commentaire…qui accompagne parfois nos livres préférés transpose le texte en un
autre temps et une autre expérience ; il prête de la réalité à l’illusion qu’un livre nous parle... ». Toutefois, il
n’est pas dit que dans toute lecture on cherche une conversation avec l’auteur de l’ouvrage; on pourrait
également se poser des questions quant à la capacité du livre à se substituer à la vie spirituelle de l’individu.

Nous sommes d’accord que la lecture est un moyen par lequel nous accédons à la vie spirituelle car nous
permettant de réfléchir et de nous poser des questions sur notre environnement et notre vécu. Mais de là à
considérer qu’elle la remplace, il y a un pas qu’on ne pourrait franchir. N’est-ce pas Marcel Proust qui avait
écrit dans son texte Sur la littérature : « La lecture est au seuil de la vie spirituelle; elle peut nous y
introduire: elle ne la constitue pas. » ? Il sera plus explicite dans ces propos du même ouvrage : « Tant que
la lecture est pour nous l'initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte
des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux
au contraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l'esprit, la lecture tend à se substituer à
elle, quand la vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès
intime de notre pensée et par l'effort de notre cœur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les
feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres et que nous n'avons qu'à prendre la peine
d'atteindre sur les rayons des bibliothèques et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de
corps et d'esprit. » En d’autres termes, l’objet ne peut se substituer à l’être humain.
Par ailleurs, une conversation suppose la présence physique d’au moins deux personnes, qui se font face et
qui se parlent. C’est donc en même un moyen par lequel on peut vaincre la solitude. Or, pour le cas de la
lecture, seul le lecteur est présent physiquement ; elle ne permet donc pas, quoique le livre lui tienne
compagnie, de combler un autre vide. « J'ai essayé de montrer [...] que la lecture ne saurait être ainsi
assimilée à une conversation, fût-ce avec le plus sage des hommes; que ce qui diffère essentiellement entre
un livre et un ami, ce n'est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la manière dont on communique
avec eux, la lecture, au rebours de la conversation, consistant pour chacun de nous à recevoir
communication d'une autre pensée, mais tout en restant seul, c'est-à-dire en continuant à jouir de la
puissance intellectuelle qu'on a dans la solitude et que la conversation dissipe immédiatement...» fait
remarquer le même Marcel Proust.
En outre, la lecture revêt également d’autres fonctions. Lire est, en effet, un moyen par lequel le lecteur
cherche des sensations, des savoirs.
Il est tout d’abord légitime d’aimer lire pour se documenter. Certains ouvrages nous permettent ainsi de
découvrir des horizons qui nous demeurent inconnus ; ils nous dépaysent et satisfont notre curiosité en
nous présentant des contrées ou des époques qui ne correspondent pas à ce que nous vivons. La lecture
peut être ainsi documentaire et sera perçue comme un gage d’ouverture culturelle, d’ouverture à l’autre, à
l’inconnu. C’est une dimension que l’on retrouve dans nombre de romans d’aventures : en dehors du
divertissement qu’il suscite, ce type de roman nous permet de connaître des époques, des mœurs et de
découvrir des paysages exotiques.
On peut ajouter à cela que la lecture d’ouvrages qui nous éloignent de ce qui nous entoure nourrira
naturellement notre propension au rêve, à l’évasion. Elle suspendra un moment notre appartenance au réel
pour nous projeter dans des univers autres, et c’est tout notre quotidien qui s’effrite peu à peu et finit par
disparaître, le temps de parcourir quelques pages. Un texte court peut suffire à nous faire évader : le
poème « Le Bateau ivre » de Rimbaud nous fera ainsi voguer au grès des courants, sur une mer imaginaire,
à la fois grandiose et dangereuse. C’est bien notre monde que l’on a laissé derrière nous pour parcourir
l’imaginaire, celui du poète étant en l’occurrence bien plus riche que le monde réel. A plus grande échelle, le
roman peut nous plonger dans un temps autre, dans un univers étranger
On ne peut nier aussi le fait que la lecture est un moyen de connaissance dans la mesure où lire peut
également nous aider à mieux comprendre la société qui nous entoure. L’auteur, souvent, a réfléchi sur le
monde et l’ouvrage qu’il écrit est le fruit de ce travail d’interrogation de la société qu’il ne cesse de mener.
Par exemple Emile Zola en son temps, Michel Houellebecq de nos jours nous donnent un aperçu sur
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certaines réalités sociales. Le premier nous fait saisir les réalités du monde ouvrier dans son roman
Germinal, alors que le second nous permet de cerner une société individualiste, où chacun cherche
cyniquement à trouver du plaisir, même si la morale et la considération d’autrui sont mises entre
parenthèses. C’est ce que l’auteur développe par exemple dans son ouvrage Plateformes, un ouvrage sur
le tourisme sexuel en Asie. Lire leurs écrits, c’est donc profiter de leur regard sur le monde et tenter de
cerner les mécanismes qui nous entourent, que l’on adhère ou non à la vision du monde de ces auteurs.
Lire est ainsi un moyen par lequel nous faisons des découvertes, nous éprouvons des sensations. Il ne
saurait alors être question d’une quelconque conversation avec son auteur.

Conclusion :
On peut donc retenir que la lecture peut, dans certains cas, être une conversation avec l'auteur dans la
mesure où de tout temps, l'écriture a également servi à la communication, aux échanges. La lecture est
donc une relation de l’auteur avec des lecteurs inconnus. Mais le livre ne pourra en aucun cas ni combler le
vide que cause la solitude ni remplacer la vie spirituelle et il existe aussi une catégorie de lectures dont les
principales fonctions reposent sur une recherche permanente d’émotions, de sensations, une évasion
toujours recherchée. Par conséquent, il serait plus convenable de ne pas chercher à circonscrire les
fonctions de la lecture.

SUJET I : COMMENTAIRE

Introduction :
Chez Charles Baudelaire, la vie s’est ramenée à un éternel combat entre le spleen, ce sentiment d’angoisse
et de mélancolie, état d’âme caractéristique de la vie de la plupart des écrivains de l’époque, et l’idéal, un
moment de bonheur auquel il aspire à vivre. Cette lutte se traduit le plus souvent dans les poèmes des
Fleurs du mal (1857) par la victoire du premier sur le second ; d’où le récurrent thème la mort dans ces
texte. Mais a mort, dans cet extrait du recueil, « La mort des pauvres », n’est plus le symbole de la terrible
punition que Dieu va nous infliger ; elle devient une consolation comparée aux très nombreux maux de ce
bas monde. Ce texte, situé dans la sixième partie de l’œuvre (intitulée « La Mort ») synthétise cette
nouvelle connotation de la « Faucheuse ». Il serait intéressant d’étudier comment la mort symbolise l’espoir
d’un monde meilleur et que, contrairement à l’idée préconçue, elle est un paradis artificiel.

Commentaire détaillé :
La mort n’est plus vue comme le grand malheur qui frappe l’homme ; elle est, en effet, plutôt présentée
comme une sorte de félicité.
Ce sentiment est d’abord connoté par la thématique de la religion (« Ange », « Dieux », « Cieux ») qui
donne une dimension quasi salvatrice à la mort, une dimension accentuée par l’anaphore « C’est » aux deux
premiers vers. La mort, personnifiée au premier vers - ce qui lui donne un caractère positif – est aussi
symbolisée par l’image de l’ange au vers 9 qui renvoie, en effet, à la résurrection et possède donc un lien
étroit avec la mort. Il en est de même pour le « sommeil », qui est en fait une métaphore biblique liée à la
mort, alors que « Les rêves extatiques » représentent en fait les songes avant-coureurs de la félicité
éternelle. Mais comme on l’a déjà souligné, cette mort est plutôt de bonheur dans l’au-delà et cette idée est
connotée par les images des vers 8 et 11 : les personnes ayant vécu dans la misère et la pauvreté se
verront récompensées dans l’au-delà, une idée notée dans le champ lexical des verbes « manger »,
« dormir » et « s’asseoir », où la répétition de la conjonction « et » est en rapport avec l’idée de profusion
des éléments du bonheur. La mort joue ainsi un rôle positif. En outre, du fait des nombreuses allusions à la
religion qu’on vient de relever, on peut penser que le verbe « consoler » a une connotation religieuse du fait
que « consolator » ne signifie rien d’autre que le Saint Esprit. Il n’est alors pas surprenant que le poète use
de l’exclamation « hélas » pour exprimer son amertume ; cela montre bien qu’il recherche le réconfort au
sein de la mort sans pour autant s’enthousiasmer à cette idée. La mort serait donc synonyme d’espoir et
résoudrait tous les problèmes liés au « Mal de vivre », comme une potion qui guérit et là, on pense à
l’emploi du mot « élixir » au vers 3, jadis une boisson fortement alcoolisée ou bien un breuvage ayant des
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effets magiques, comme l’atteste l’effet d’accumulation de sensations exprimé par la répétition de la
conjonction « et » aux vers 3 et 4. Cette allusion renvoie à une interprétation bien précise : la mort nous
aide à surmonter les épreuves sur cette terre remplie de désespoir et de tristesse. Elle est une drogue qui
facilite notre séjour sur terre. Elle devient le « but de la vie » et le « seul espoir » au vers 2 dont la
structure rythmique, un alexandrin binaire très classique, est en parfaite harmonie avec cet équilibre qu’elle
fait naitre chez la personne. Même si le champ lexical des substantifs « tempête », « neige », « givre » et «
horizon noir » plongent le lecteur dans une atmosphère lugubre et misérable de plus en plus dramatique –
ce que dénotent la gradation et un autre effet d’accumulation qu’on constate aux vers avec, une fois
encore, la répétition de la conjonction « et » -, il n’en demeure pas moins que l’espoir avec l’antithèse notée
au vers 6 par l’emploi de l’expression « clarté vibrante » qui entretient la félicité dont un autre symbole est
cette « auberge fameuse inscrite sur le livre », peut-être une référence à l'auberge présente dans la
parabole évangélique du « Bon Samaritain », qui a recueilli un blessé sur la route et qui l’a soigné devant
une auberge. Une autre métaphore biblique peut être relevée au vers 12 étant donné que le « grenier
mystique » est associé au paradis, un endroit capable d’apaiser toutes les faims. Tous les dieux jouissent de
cette « exclusivité » car nul autre être humain ne peut influencer cet endroit magique qui devient ainsi la
récompense tant attendue du pauvre qui est tout comme le poète un exilé (13e vers). Rien de surprenant
alors que l’euphorie soit au rendez-vous à la découverte de ce paradis, ce qu’atteste du reste l’exclamation
et l’anaphore « C’est » du dernier tercet dont la structure rythmique des trois vers, trois alexandrins
binaires, est en parfaite adéquation avec la félicité retrouvée. Le dernier alexandrin souligne finalement
l’existence d’un monde meilleur mais dont personne ne connaît les composantes. La mort est donc le portail
ultime vers l’au-delà.

Conclusion :
Les vers de « La mort des Pauvres » soulignent bien les sentiments de désespoir et de mélancolie liés au
fameux spleen. Mais le poème, dans son effort de définition de la mort, en avoue le caractère énigmatique.
Ce caractère énigmatique est lié à l'association paradoxale faite ici entre la mort et le sens, la plénitude, le
réconfort. On retiendra ainsi que pour le poète, la mort est ce sommeil éternel qui est notre seul espoir et la
lumière dans ce monde sinistre qui nous entoure. Ce poème, riche sur le plan stylistique, consacre donc la
mort justice qui sera rendue aux plus démunis de cette terre.

SUJET I : DISSERTATION

Introduction :
Plusieurs écrivains, philosophes et poètes se sont interrogés sur « la conscience de la poésie », sur son
archétype culturel. Voltaire, au XVIIIe, siècle, se posait la question sur la véritable place qu'elle occupe dans
la société quand il écrivait dans son Dictionnaire philosophique : « On se demande comment la poésie, étant
si peu nécessaire au monde, occupe un si haut rang parmi les beaux-arts ». Un siècle plus tard, Charles
Baudelaire, dans cette même lancée, a eu à écrire : « La poésie ne peut sous peine de mort ou de
déchéance s’assimiler à la science ou à la morale.» C’est dire que la poésie a souvent été conçue comme un
genre qui doit se suffire à lui-même ; en d’autres termes, elle est uniquement mue par des considérations
esthétiques et langagières. Cette conception est loin de celle que lui donne Gilles Vignault lorsqu’il écrit :
« Tous les poètes sont engagés ; ils doivent être des révolutionnaires, non pas en maniant des bombes,
mais par leur désir de changer le monde, de l’améliorer. » Pour le chansonnier québécois, le poète doit donc
toujours mettre son art au service d’une cause. Cependant, vu le caractère un peu dogmatique de
l’affirmation, ne faudrait-il pas plutôt la nuancer et essayer de voir si la poésie n’a pas obéi à d’autres
orientations ? Il est vrai que des poètes se sont arrogés la mission d’être des guides éclairés pour les
peuples opprimés et souffrants, amis il reste aussi que si l’on tient compte de sa nature et de son
étymologie, nous verrons que la poésie a suivi plusieurs autres voies dans sa vocation.

Développement :
La poésie a donc eu une vocation engagée ; elle a, dans ce cas, été vue comme un outil qui permet au
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poète d'exprimer ses opinions politiques et d'inciter le lecteur à l'action, afin de changer la société.
Le poète est quelqu’un qui a le sentiment d’appartenir à une société dont il doit participer à la marche en
avant en fustigeant les souffrances et les injustices qui frappent ses membres. Cette fonction remontait déjà
au XVIème siècle quand Pierre Ronsard et Agrippa d’Aubigné s’en prenaient à la guerre des Religions dans
leurs recueils respectifs Discours sur les misères de ce temps et Les Tragiques. Trois siècles plus tard,
Alphonse de Lamartine, dans une préface des Méditations au titre très illustratif, « La mission sociale de la
poésie au XIX° siècle » écrit ceci : « Elle ne sera plus lyrique dans le sens où nous prenons ce moi […] La
poésie sera la raison chantée, voilà sa destinée pour longtemps, elle sera philosophique, religieuse, politique
sociale, comme les époques que le genre humain va accomplir […] Elle va se faire peuple, et devenir
populaire comme la religion, la raison et la philosophie. », écrit-il, et pour Victor Hugo, le poète est un
mage, un prophète inspiré dont le rôle est de guider les hommes vers la liberté, la sagesse et le bonheur. Il
matérialise cette réflexion en publiant les Châtiments, un recueil qui attaque sans indulgence la dictature
sanguinaire de Napoléon III.
En outre, le poète a également eu le dessein d’éveiller la conscience de ses contemporains car il agit pour
transformer une société qui le révolte. Ce type de poésie invite souvent le lecteur à la réflexion ou à l'action
en faveur de celle-ci. Elle sous-tend donc une idéologie, par exemple celle du refus que développe « Le
Déserteur » (1953) de Boris Vian. Ce texte, publié dans le douloureux contexte de la guerre d'Algérie,
constitue d'abord un authentique chant de protestation. Elle est aussi le symbole de la liberté d'expression
en butte à la censure et aux carcans de l'ordre établi. Ce cri de révolte est également celui de la poésie de
la négritude dont les auteurs avaient la conscience d'une existence réfutée par la civilisation occidentale et
qui entendent obtenir sa reconnaissance tout en éveillant leurs frères à la prise de conscience. C’est dans ce
cadre qu’Aimé Césaire publie son Cahier d’un retour au pays natal dans lequel il attaque sans
complaisance tous les méfaits du colonialisme.
Il faut ajouter le fait que la poésie a également combattu sur le front social car les poètes se sont souvent
élevés contre toute forme d’exploitation, d’inégalité, de misère… On ne peut, dans ce cadre, ne pas faire
allusion à Victor Hugo dont la plupart des textes sont très engagés contre certaines injustices sociales, par
exemple le travail des enfants qu’il dénonce dans son poème « Mélancholia » (Les contemplations,
1856). Un siècle plus tard, la burkinabé Bernadette Sanou, dans Parturition (1988) lui emboite le pas en
parlant toujours des enfants, mais sur un autre plan, notamment les enfants africains qui vivent dans une
misère socioéconomique dramatique : « Faire mien le gamin tout nu/Au ventre bombé par la
malnutrition/Mien le gamin en haillons » écrit-elle dans ce recueil où elle évoque en même temps la douleur
des femmes mais aussi celle de toute une société dont le quotidien constitue une lutte permanente pour
survivre. C’est la même misère socioéconomique qu’évoque Marouba Fall dans Pépites de terre (2004),
son deuxième recueil qui se présente également comme un long poème contre l’émigration de la jeunesse
et de l’intelligentsia africaines.
La poésie a donc eu une fonction militante car, devant les soubresauts de l’histoire de l’humanité, le poète a
souvent été au premier rang des combats contre oppression et injustice de quelque nature que ce soit. Mais
bien qu'elle puisse exprimer des opinions politiques et idéologiques, il n’en demeure pas moins que la poésie
à obéi à de nombreuses autres vocations du fait des orientations que les poètes ont prises.

La poésie a, en effet, été un genre dont les fonctions véritables n'ont jamais l'unanimité chez les poètes à
toute époque car ses vocations se sont constamment renouvelé au cours des siècles avec des orientations
différentes selon les époques et les individus.
D’abord, pour certains, la poésie reste avant tout une création artistique. En effet, pour les adeptes de l’art
pur, la poésie doit être une fin en soi et posséder ainsi une fonction purement esthétique. Le poète peut,
dans certains cas, rechercher une harmonie sonore, rythmique et visuelle, par exemple avec l'utilisation de
calligrammes comme Apollinaire dans Calligrammes. Quant à Paul Verlaine, il nous dit dans « Jadis et
Naguère » (L'Art Poétique), privilégier la recherche du beau, de l'effet rythmique ou sonore sur la
construction du sens : la poésie est alors plus à ressentir qu'à comprendre, elle se fait beauté et harmonie
pures, c'est un art au même titre que la peinture et la musique.
Par ailleurs, la poésie aussi été considérée comme un outil qui peut être une clé de compréhension du
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monde. Elle a ainsi eu pour fonction de rénover notre regard sur notre environnement. Le poète est donc
presque un être supérieur, privilégié, doté du pouvoir de changer la vision des gens sur le monde. Rimbaud,
dans sa « Lettre à Paul Demeny », le disait : « Le Poète se fait voyant ». De même, dans Les Rayons et
les Ombres, Victor Hugo assimile la poésie à un intermédiaire entre les hommes et Dieu : « Car la poésie
est l'étoile/Qui mène à Dieu rois et pasteurs! ». Le poète tel que Baudelaire, dans son célèbre poème
« Correspondances » (Les fleurs du mal), définit la nature comme un espace où de multiples relations
entre les êtres et les objets sont perturbées. Il évoque des « forêts de symboles », qui doivent être
restaurées par le poète afin que le monde retrouve son sens.
Il faut aussi noter que la poésie a servi l'expression d'un « moi » intérieur en ce sens que c’est un moyen
pour le poète d'extérioriser ses sentiments, notamment par le biais du registre lyrique qui permet à l'auteur
de faire part des émotions intenses, des sentiments, de l'affectivité qui caractérisent l'être humain. Pour
Alfred de Musset, l'inspiration poétique proviendrait même de cette souffrance : « Les plus désespérés sont
les chants les plus beaux », dit-il. Mais le poète, à travers ce « je » auquel chacun peut s'identifier, incarne
la condition humaine : « Hélas ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-
vous pas ? Ah ! Insensé qui crois que je ne suis pas toi » avertit Victor Hugo dans la préface des
Contemplations, un recueil qui exprime sa profonde déchirure suite à la mort de sa fille.
Par ailleurs, le poète est souvent un être malheureux, mais l'amour ou la mort n'est pas la seule cause de
son désarroi. Il s'agit parfois d'un mal plus abstrait, plus profond : le spleen. C'est un état d'insatisfaction
générale de l'âme, une sensation de vide, d'inachèvement. Au XIXème siècle, de nombreux poètes ressentent
un manque essentiel, un besoin d'idéal ou d'ailleurs qu'ils ne peuvent exprimer qu'à travers la poésie.
Baudelaire évoque ainsi dans « Spleen » (Les fleurs du mal) les « longs ennuis » et « l'Angoisse atroce »,
qui qualifient son mal-être, son mal de vivre. En plus de ce dégoût du monde, le poète recherche parfois un
idéal, un monde meilleur. Le même Baudelaire, dans le poème « Elévation », exprime ainsi son désir
d'ascension vers un idéal qu'il ne peut trouver sur Terre. Stéphane Mallarmé, dans Poésies, ressent des
tourments si profonds que seule la mort lui paraît libératrice : « J'ôterai la pierre et me pendrai ». La poésie
se fait alors plainte élégiaque.
C’est dans cette logique que le poète fait de son art un outil qui peut lui permettre de s'explorer, de se
rechercher, lorsqu’il se pose des questions sur son identité et sa personnalité. C’est ce qui avait poussé
Arthur Rimbaud à affirmer que « je est un autre ». Cette quête identitaire ou initiatique s'affirme comme le
leitmotiv de Labyrinthe de Tanelle Boni, un recueil qui évoque le douloureux parcours initiatique mêlé de
tristesse, de solitude et de souffrance. Exil, errance, nostalgie de l’enfance et enracinement sont les thèmes
récurrents autour desquels se construit l’œuvre poétique d’Alain Mabanckou (Congo Brazzaville) depuis le
premier recueil, Au jour le jour (1993) jusqu’au plus récent, Tant que les arbres s’enracineront
(2003).
La poésie permet donc ainsi au poète d'exprimer ses sentiments, que ce soit dans l'amour, le spleen ou la
quête de soi-même.

Conclusion :
La poésie a donc souvent été de circonstance car des poètes, de tout temps, ont décidé de prendre
position, à l'instar des historiens, pour témoigner au nom d'un idéal d'humanité, soit des injustices exercées
autour d'eux, soit de la misère et de la perfidie du monde les entourant, passant ainsi du rêve poétique à
l'action politique. Mais compte tenu de sa nature même et de son origine, c’est un genre qui ne pouvait se
cantonner à cette vocation car, non seulement c’est une création artistique souvent appréciée pour sa
beauté mais aussi et surtout c’est un moyen par lequel les poètes ont manifesté diverses sensations. Autant
donc se poser des questions sur les raisons qui poussent certains à limiter la vocation de ce genre littéraire
à une fonction réductrice.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/2 11 G 01 A 01
Durée : 4 heures
OFFICE DU BACCALAUREAT Série : L2 – Coef. 5
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Epreuve du 1er groupe

FRANÇAIS
(Un sujet au choix du candidat)
SUJET I RESUME – DISCUSSION.
Le moment artistique
Pour le public - et je ne prends pas ici ce mot en mauvaise part - pour le public, une œuvre d’art, un
tableau, est une suave chose qui émeut le cœur d’une façon douce et terrible ; c’est un massacre,
lorsque les victimes pantelantes gémissent et se traînent sous les fusils qui les menacent ; ou c’est
encore une délicieuse jeune fille, toute de neige, qui rêve au clair de lune, appuyée sur un fût de
colonne. Je veux dire que la foule voit dans une toile un sujet qui la saisit à la gorge ou au cœur, et
qu’elle ne demande pas autre chose à l’artiste qu’une larme ou qu’un sourire.
Pour moi - pour beaucoup de gens, je veux l’espérer - une œuvre d’art est, au contraire, une
personnalité, une individualité.
Ce que je demande à l’artiste ce n’est pas de me donner de tendres visions ou des cauchemars
effroyables ; c’est de se livrer lui-même, cœur et chair, c’est d’affirmer hautement un esprit puissant
et particulier, une nature qui saisisse largement la nature en sa main et la plante tout debout devant
nous, telle qu’il la voit. En un mot, j’ai le plus profond dédain pour les petites habiletés, pour les
flatteries intéressées, pour ce que l’étude a pu apprendre et ce qu’un travail acharné a rendu familier,
pour tous les coups de théâtre historiques de ce monsieur et pour toutes les rêveries parfumées de
cet autre monsieur. Mais j’ai la plus profonde admiration pour les œuvres individuelles, pour celles
qui sortent d’un jet d’une main vigoureuse et unique.
Il ne s’agit donc plus ici de plaire ou de ne pas plaire, il s’agit d’être soi, de montrer son cœur à nu, de
formuler énergiquement une individualité. (…)
Il y a, selon moi, deux éléments dans une œuvre : l’élément réel, qui est la nature et l’élément
individuel, qui est l’homme.
L’élément réel, la nature, est fixe, toujours le même ; il demeure égal pour tout le monde ; je dirais
qu’il peut servir de commune mesure pour toutes les œuvres produites, si j’admettais qu’il puisse y
avoir une commune mesure.
L’élément individuel, au contraire, l’homme, est variable à l’infini ; autant d’œuvres et autant d’esprits
différents ; si le tempérament n’existait pas, tous les tableaux devraient être forcément de simples
photographies.
Donc une œuvre d’art n’est jamais que la combinaison d’un homme, élément variable, et de la
nature, élément fixe. Le mot « réaliste » ne signifie rien pour moi, qui déclare subordonner le réel au
tempérament.

Emile Zola, Ecrits sur l’art, L’Evènement, 4 mai 1886.


DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
FRANÇAIS 2/2 11 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 1er groupe

Résumé :
Résumez ce texte d’environ 417 mots au quart de sa longueur, soit environ 105 mots (avec une
tolérance de plus ou moins 10 %)

Discussion :
Discutez cette affirmation de Zola : « Pour moi - pour beaucoup de gens, je veux l’espérer - une
œuvre d’art est, au contraire, une personnalité, une individualité »

SUJET II : COMMENTAIRE SUIVI OU COMPOSE

J’ai trouvé le régisseur de prison en train d’ « apprendre à vivre » à deux nègres soupçonnés d’avoir
volé chez M. Janopoulos. En présence du patron du Cercle européen, M. Moreau, aidé d’un garde,
fouettait mes compatriotes. Ils étaient nus jusqu’à la ceinture. Ils portaient des menottes et une corde
enroulée autour de leur cou et attachée sur le poteau de la « Place de la bastonnade » les empêchait
de tourner la tête du côté d’où leur venaient les coups.
C’était terrible. Le nerf d’hippopotame labourait leur chair et chaque « han ! » me tenaillait les
entrailles. M. Moreau, échevelé, les manches de chemise retroussées, s’acharnait sur mes
compatriotes avec une telle violence que je demandais avec angoisse s’ils sortiraient vivants de cette
bastonnade. Mâchonnant son cigare, le gros Janopoulos lançait son chien contre les suppliciés.
L’animal mordillait leurs mollets et s’amusait à déchirer leur fond de pantalon.
- Avouez donc, bandits ! criait M. Moreau.[...]
On ne peut avoir vu ce que j’ai vu sans trembler. C’était terrible. Je pense à tous ces prêtres, ces
pasteurs, tous ces blancs qui veulent sauver nos âmes et qui nous prêchent l’amour du prochain. Le
prochain du blanc n’est-il que son congénère ? Je me demande, devant de pareilles atrocités, qui
peut être assez sot pour croire à tous les boniments qu’on nous débite à l’Eglise et au Temple…
Comme d’habitude, les suspects de M. Moreau seront envoyés à la « Crève des Nègres » où ils
auront un ou deux jours d’agonie avant d’être enterrés tout nus au « Cimetière des prisonniers ».
Puis le prêtre dira le dimanche : « Mes chers enfants, priez pour tous ces prisonniers qui meurent
sans avoir fait la paix avec Dieu ».

Ferdinand OYONO, Une Vie de Boy, Pocket, 1956.

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé. Dans le cas du commentaire composé,
vous pourrez montrer par exemple en quoi ce passage est une épreuve pour Toundi et une étape
importante de sa prise de conscience des méfaits du système colonial.

SUJET III : DISSERTATION


L'écriture est considérée comme une thérapie contre la souffrance humaine. Pensez-vous que cela
soit la seule vocation de la littérature ?
Vous donnerez votre avis en vous appuyant sur des exemples littéraires précis.
DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS

CORRIGES
SUJET I : RESUME ET DISCUSSION

RESUME :

L’œuvre d’art fait naître deux sentiments chez le public : le bonheur et la souffrance. Pour moi, elle doit se
départir de l’imaginaire au profit de la personnalité de l’artiste et représenter exactement la nature. Bref,
j’abhorre les artifices et je suis pour l’œuvre basée sur le travail personnel.
Pour moi, l’art repose sur le réel, immuable et commun à tous les artistes, et l’individuel, qui définit autant
de particularités que d’artistes et qui préservent l’œuvre de la monotonie. L’œuvre repose ainsi sur cette
union des deux éléments qui fait du terme « réaliste » un mot sans signification pour moi. (109 mots)

DISCUSSION :

Introduction :
Pour Johann Wolfgang von Goethe, « L’individualité d’expression est le début et la fin de tout l’art ». C’est
donc dire que dans l’étape de création d’une œuvre d’art, seule l’individualité de l’artiste existe. Ce point de
vue semble être partagé par Emile Zola lorsqu’il écrit : « Pour moi…une œuvre d’art est…une personnalité,
une individualité ». Autrement, le génie ne serait rien d’autre que le pouvoir d’exprimer une individualité
nouvelle. Mais l’art ne peut-il pas aussi être une reproduction de la nature quand on sait que les artistes ont
voulu faire la « photographie » de cette dernière dans leurs productions ? Il serait donc important de voir
comment l’art a parfois eu la tentation d’être une simple reproduction de la nature avant de montrer qu’il a
aussi été admis que l’œuvre d’art est un travail d’esthétisation du réel par un choix, un style que s’impose
l’auteur mais aussi et surtout par la reconstruction d’un univers personnel.
Développement :
La mission de l’œuvre d’art a effectivement été, pour certains artistes, de copier la nature.
La production artistique a d’abord été assimilée à un travail de reportage qui se veut aussi objectif que
possible. Elle exige de l’artiste qu’il fasse un travail quasi scientifique. C’est dans ce sens qu’il faut par
exemple comprendre la littérature réaliste du XIXème siècle pour qui le grand art est « scientifique et
impersonnel » selon les termes de Gustave Flaubert qui pense que le romancier doit s’inspirer des principes
et de la méthode des sciences biologiques.
Il est vrai que cette théorie sur l’œuvre qui imiterait le réel fut tellement répandue qu’un penseur, Hegel, n’a
pu s’empêcher d’écrire : « L'opinion la plus courante qu'on se fait de la fin que se propose l'art, c'est qu'elle
consiste à imiter la nature. Dans cette perspective, l'imitation, c'est-à-dire l'habileté à reproduire avec une
parfaite fidélité les objets naturels, tels qu'ils s'offrent à nous, constituerait le but essentiel de l'art, et quand
cette reproduction fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction. Cette définition
n'assigne à l'art que le but tout formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce
qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. » Cette conception n’assigne donc à
l’œuvre d’art qu’une fonction mimétique. Pour sa part, Baudelaire affirmait en 1859 : « Je crois que l’Art est
et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ». En d’autres termes, art égale réalité.
C’est dans ce même contexte qu’il a été soutenu que l’œuvre d’art est loin de s’opposer à la vie car, pour les
tenants de cette conviction, les deux sont tellement liés que sans l’un, l’autre ne pourrait exister. Et c’est
conviction qui a fait dire à Charles du Bos : « Si la littérature doit à la vie son contenu, la vie doit à la
littérature sa survie, lui doit cette immortalité qui ne s’arrête qu’au seuil de l’éternel. »
Ainsi, l’œuvre d’art, en tant que représentation objective du réel, est un crédo souvent défendu par des
artistes pour qui elle serait une simple imitation de la nature. Toutefois la création artistique ne repose-t-
elle pas sur un travail d’esthétisation qui suppose des choix, un style et un tempérament ? Il est presque
évident que la réponse ne peut être négative.

En effet, un artiste est artiste singulièrement. Il convient d'entendre par là le fait que l'œuvre d'un artiste
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est une œuvre portant la marque d'une originalité indéfinissable. La difficulté pour l’artiste ici, soit dit en
passant, c'est de s'arracher à soi, à ses petites préférences personnelles. Un critique de la Revue des Deux
Mondes n’avait-il pas déclaré que « L’Art est dans le choix, dans l’interprétation des éléments qui lui sont
offerts, nullement dans la copie littérale de tel ou tel détail indifférent ou repoussant » ?
Selon les mots du naturaliste Emile Zola, « une œuvre d’art est un coin de la création vu à travers un
tempérament ». À la limite, le réalisme est lui-même un non-sens artistique puisque toute œuvre est
expression, linguistique par exemple, pour la littérature. Les théoriciens les plus exigeants du réalisme,
comme Champfleury et Duranty, ont, eux-mêmes, pris grand soin de distinguer entre la réalité et l'œuvre
d'art. « La reproduction de la nature par l'homme ne sera jamais une reproduction, une imitation, ce sera
toujours une interprétation » (Champfleury, Le Réalisme, 1857).
En outre, si l’art est une copie, alors la plus belle œuvre est la photographie. Certes il existe une beauté
naturelle incontestable : beauté des paysages, des visages, des fleurs. Mais à supposer que l’artiste se
borne à reproduire ce qu’il voit, il peut mutiler la réalité en ne reprenant qu’une partie seulement de ce qu’il
contemple. Il peut aussi fausser la nature en l’embellissant ou en la caricaturant à son insu. En fait la beauté
intrinsèque d’un spectacle naturel n’est pas suffisante : un bel objet ne garantit pas la réussite d’un tableau.
Inversement la laideur a pu constituer un sujet artistique. Charles Baudelaire clôt d’ailleurs Les fleurs du
mal par ce vers : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » où l'activité poétique se voit donner
comme objet la matière la plus vile, charge au poète de la métamorphoser en la plus noble, la plus belle et
la plus précieuse. Prenons pour exemples certaines scènes atroces de Salammbô de Flaubert, comme
l’extermination des mercenaires dans « Le défilé de la Hache », ou Germinal de Zola, comme la révolte des
femmes de mineurs qui brandissent les horribles restes de l’épicier qu’elles viennent d’émasculer par
vengeance et en signe de libération.
Dans ce même cadre, le réel est souvent absurde et sans beauté. L’art lui donne un sens, le reconstruit. La
stylisation de l’artiste rend donc le réel plus beau et plus vrai. Il s’agit bien alors d’invention, de génie, c’est-
à-dire de recomposition, de nouvelle synthèse. Charles Baudelaire, dans son texte « Une charogne » (Les
fleurs du mal) pressent qu’au fond de la laideur peut germer l’ébauche de la beauté d’un monde gracié.
Nous pouvons ajouter à cela que l’art ne peut être un simple choix parmi des éléments réels. Il doit être
invention de formes nouvelles si nécessaire. En effet, l’art par sa magie, l’homme par son initiative créatrice
fait venir au monde des objets qui n’existent pas dans la réalité. C’est un monde artificiel, humain qui vient
se surajouter à la nature. Baudelaire, nous l’avons déjà dit, affirmait que le monde réel n’est apparence ; il
faut aller au-delà : « C’est cet admirable, cet immortel instinct du Beau qui nous fait considérer la Terre et
ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du Ciel. La Soif insatiable de tout ce qui est
au-delà, et que révèle la vie, est la preuve la plus vivante de notre immortalité. C’est à la fois par la poésie
et à travers la poésie, par et à travers la musique, que l’âme entrevoit les splendeurs situées derrière le
tombeau… » (L’Art romantique)
Bref, nous reconnaissons toute la beauté du monde qui nous entoure, sa valeur éducative, le ravissement
qui nous saisit lors de sa contemplation, sans doute parce qu’il est déjà l’œuvre d’un créateur intelligent qui
nous parle, au travers de sa création. Chateaubriand l’avait senti dans le Génie du Christianisme où le
chant des oiseaux devient un hymne à l’Éternel, où l’âme se plaît à s’enfoncer dans un océan de forêts, à
planer sur le gouffre des cataractes, à méditer aux bords des lacs et des fleuves et, pour ainsi dire, à se
trouver seule devant Dieu. Mais nous préférerons retrouver dans l’art cette intelligence humaine, ces belles
constructions de l’esprit, de l’imagination et du génie. L’art témoigne alors avec éclat de la dignité de
l’homme et ne saurait donc être une simple photographie de la réalité. « Le soleil, disait le peintre Paul
Cézanne, cela se représente, mais ne se reproduit pas. » La représentation du réel ne peut être qu’une
reconstruction ou une transposition. En effet l’artiste utilise des équivalences : mots pour la littérature,
gestes pour la danse, notes pour la musique. Il doit les façonner par une technique. Emmanuel Kant le
disait : « Une beauté naturelle est une chose belle, la beauté artistique est une belle représentation d’une
chose ». L’art ne saurait être qu’une transposition, une équivalence plastique du monde sensible.
Conclusion :
L’œuvre a donc été vue comme un reflet de la réalité, une simple copie à travers laquelle l’artiste ne serait
rien d’autre qu’un imitateur. Mais si l’art n’est le plus souvent qu’une recomposition d’éléments pris dans la
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nature, on comprend que chaque écrivain voit la réalité au travers de sa personnalité. Il n'est alors pas
exagéré de dire qu'une œuvre est nécessairement la création unique d'un artiste irremplaçable, et qu'au
fond celui-ci s'y reflète comme dans un miroir. En d'autres termes, il existe plus qu'une parenté entre
l'œuvre et l'artiste, à savoir, une identité, une entité indissociable. Marcel Proust n'a-t-il pas consacré sa vie
tout entière à la littérature ?

SUJET II : COMMENTAIRE
Introduction :
C’est dans le contexte de la dénonciation des abus, exactions et violences du système colonial qu’Une vie
de boy de Ferdinand Oyono a vu le jour en 1956. Le romancier camerounais y met en exergue un symbole
de la faiblesse et de l’innocence, un enfant, Toundi Joseph, qui va périr sous les coups de la violence des
colonisateurs. Mais ce jeune garçon est aujourd’hui témoin d’une scène de bastonnade qui concerne deux
noirs soupçonnés de vol et qui sont entre les mains de leurs accusateurs Blancs. Le texte fait état des
terribles moments qu’ils sont en train de passer, sous l’œil de Toundi qui finira par ouvrir les yeux sur
l’hypocrisie et la violence des toubabs. Le texte peut ainsi être divisé en deux parties :
Commentaire détaillé :
C’est une véritable scène de torture que nous peint le récit du narrateur.
On peut le remarquer dans l’acharnement des Blancs. M. Moreau et Janopoulos apparaissent durs, violents,
sans pitié : la détermination du premier se lit sur ses « manches retroussées », mais aussi par le verbe
« s’acharnait » et des expressions du genre « une telle violence », « criait M. Moreau », « M. Moreau
s’essoufflait ». Sa violence, c’est également le fait de demander au garde de donner les coups au niveau des
reins et non de la tête pour faire plus mal. Le second manifeste son cynisme par le « cigare » à la bouche et
son chien qui participe à cette « épisode de la flagellation ». Face à tant de violence, sa réaction témoigne
de son cruauté : « Janopoulos riait ». Il y a ensuite leur auxiliaire, Ndjangoula : la courte phrase qui le
décrit (« Le grand Sara ») est très évocatrice de ses traits de caractère : fort physiquement et apparemment
violent. A l’image de la plupart des auxiliaires Noirs des colonisateurs, il servait ses « maîtres » avec zèle : il
« accourut » quand il a été interpellé et manifestait une violence inouïe à l’endroit de ses frères Noirs ; ainsi
dès que le régisseur de prison lui en intime l’ordre, il « présenta son arme et asséna un coup de crosse sur
les suspects » et « …sur les reins ». La violence du geste peut se lire à travers le verbe « asséna » le « coup
de cross ». Dans les procédés d’écriture, le narrateur met en relief le supplice que vivent les deux noirs par
le champ lexical de la violence formé des expressions « fouettait », « menottes », « corde », « coups »,
« s’acharnait », « violence », « bastonnade », « suppliciés », « mordillait », « asséna », « coup de crosse »,
« coup plus violent », celui de la mort par les termes « agonie », « crève », « cimetière », mais aussi par la
litote « apprendre à vivre » comme si les Noirs étaient des sauvages qu’il faut civiliser par le fouet, et,
enfin, une personnification : « Les nerfs d’hippopotame labouraient leur chair » qui exprime bien la
souffrance des deux « suppliciés ». On peut aussi noter l’emploi des périphrases qui désignent de façon
tragique les lieux où les noirs sont torturés ou enterrés : « place de bastonnade », « crève des Nègres »,
« cimetière des prisonniers »; on remarque l’équation « prisonniers = nègres ». Et pour faire mal, les Blancs
savaient vraiment s’y prendre ; en témoigne la situation dans laquelle ils avaient mis les deux suppliciés :
« Ils étaient nus jusqu’à la ceinture », « ils portaient des menottes » ; ils avaient « une corde enroulée
autour de leur cou » ; ils étaient « attaché[s] sur le poteau de la place de bastonnade ». Ils étaient donc
dans l’impossibilité de voir les coups venir : « …les empêchait de tourner la tête du côté d’où leur venaient
les coups ». Ils ne pouvaient donc ni parer aux coups ni se préparer psychologiquement à les recevoir en les
regardant venir.
Face à tant de violence, les noirs ne pouvaient que rompre : « Les nègres s’affaissaient et se relevaient pour
s’affaisser sous un autre coup plus violent que le premier ». Le rythme de la phrase, bien martelé par les
verbes « s’affaissaient », « se relevaient », « s’affaisser » et la comparaison « sous un coup plus violent que
le premier », est à l’image du supplice dont la fin, uniquement due à l’évanouissement des deux nègres, est
exprimée par la courte et très suggestive proposition « Les nègres avaient perdu connaissance ». Et ce qui
donne à cette violence plus d’inhumanité, c’est le décalage qu’il y a entre elle et le motif ; en effet, les deux
suppliciés ne sont que des accusés, pas des coupables : ils sont « soupçonnés d’avoir volé » ; plus loin,
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l’expression « les suspects » sera employée deux fois par le narrateur pour les désigner. Les noirs ne
bénéficiaient donc guère de la présomption d’innocence.
On se rend ainsi compte c’est à une véritable scène de flagellation que nous assistons ; ce qui, tout
naturellement, suscite l’indignation et la colère du narrateur.

En effet, à travers des expressions parfois hyperboliques, Toundi traduit tout son amertume, sa stupeur et
sa compassion face à ce que les deux suppliciés, qu’il appelle affectueusement « mes compatriotes »
(l’expression est deux fois employées et la dernière est accompagnée de l’adjectif pathétique « pauvres »,
qui témoigne de sa compassion), sont en train de subir: « C’était terrible » (l’expression revient deux fois),
« chaque « han » me tenaillait les entrailles », « Les nerfs d’hippopotame labouraient leur chair », « On ne
peut avoir vu ce que j’ai vu sans trembler ». Le texte se clôt d’ailleurs par l’ellipse pathétique « Pauvre de
nous… ». Mais avant, on aura remarqué la prise de conscience du jeune garçon qui s’en prend à l’hypocrisie
et à la complicité de l’église qui cautionne ce drame. Pour l’institution religieuse, les « prisonniers » sont
même responsables de cette situation : « Puis le prêtre dira le dimanche : « Mes chers enfants, priez pour
tous ces prisonniers qui meurent sans avoir fait leur paix avec Dieu ». Le jeune garçon qui avait fui le
domicile paternel pour se réfugier chez les missionnaires, le jeune croyant qu’il fut auprès du défunt père
Gilbert, remet aujourd’hui en question sa foi en l’église face à tant de violences dont elle est complice, par
cette question : « Qui peut être assez sot pour croire encore à tous les boniments qu’on nous débite à
l’église et au temple ? ». Cela est d’autant plus scandaleux que c’est le responsable même de cette violence,
M. Moreau, qui ramasse les aumônes dans l’église. Le narrateur en profite pour dénoncer la spoliation dont
sont responsables les missionnaires qui participent au vol et à l’exploitation du système colonial : « Les
Blancs ramasseront l’argent. On a l’impression qu’ils multiplient tous les moyens de récupérer le peu
d’argent qu’ils nous paient ». Cette dénonciation devient ironique quand le narrateur dit qu’ils le font « pour
le dernier commandement de l’église ».
Conclusion :
Toute la violence du système colonial peut se mesurer à la lecture de ce texte où il s’agit d’une véritable
scène de supplice corporel à laquelle les populations indigènes étaient malheureusement habituées. A
travers un ensemble de procédés stylistiques mis au service de la démonstration de la violence des
colonisateurs, le narrateur a pu montrer qu’elle dépasse tout entendement humain. Elle va d’ailleurs finir par
ébranler sa foi et remettre en question tout ce que les missionnaires avaient pu forger en lui car complices à
ses yeux.

SUJET I : DISSERTATION
Introduction :
Le terme « littérature » invite à considérer les œuvres écrites ou orales tant du point de vue de leur forme
esthétique que du point de vue de leur fond idéologique et culturel. Allier plaisir de la lecture et
information : voilà qui devrait permettre de considérer sa lecture comme fondamentale, d’autant plus que
dans le sujet, on considère l'écriture comme une thérapie contre la souffrance humaine. En d’autres termes,
l’écriture, la littérature est vue comme un remède contre les maux dont souffrent les hommes. Il convient
toutefois de se poser la question de savoir si elle n’obéit pas également à d’autres vocations. Pour le
déterminer, il faudra tout d’abord voir en quoi elle remplit cette mission thérapeutique qui lui est assignée
avant de nous pencher sur les autres fonctions que l’écrivain donne à son œuvre.
Développement :
« La mission de la littérature doit être d'orner et de récréer l'esprit en élevant l'intelligence et en épurant les
mœurs plus encore que d'imprimer le dégoût du vice en offrant le tableau des désordres qui peuvent exister
dans la société » pouvait-on lire dans le jugement rendu lors du procès Gustave Flaubert. En effet, la
littérature s’est souvent donné comme mission d’être une cure pour les souffrances humaines.
D’abord, l’écriture littéraire a tenu à jouer sa partition dans la marche en avant de l’humanité car l’écrivain à
conscience d’appartenir à une société dont il ne peut taire les vices qui la détournent de la voie du progrès.
On peut retrouver cette fonction littéraire si on remonte l’histoire de la littérature jusqu’au XVIIème siècle
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quand Molière lançait sa célèbre formule « Castigat ridendo mores » (« corriger les mœurs en faisant rire »
dans son premier placet sur Tartuffe pour définir le but de la comédie : « Les plus beaux traits d'une
sérieuse morale sont moins puissants, le plus souvent, que ceux de la satire; et rien ne reprend mieux la
plupart des hommes que la peinture de leurs défauts. C'est une grande atteinte aux vices que de les
exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des répréhensions; mais on ne souffre point la
raillerie. » (préface de Tartuffe). Ainsi tente-t-il de guérir le public de maux qui pour noms avarice ou
encore hypocrisie, respectivement dans L’avare et Tartuffe justement. Trois siècles plus tard, en parlant
du public du théâtre sénégalais, Marouba Fall a eu à écrire que « Ce dernier, en fait, ne vient pas au
théâtre pour se voir exalté, horrifié ou terrifié mais pour se purifier de ses peines, de ses haines, des
multiples soucis de la vie quotidienne par le divertissement momentané et le rire qui exorcise et revigore. »
La finalité du théâtre demeure donc la même : purger le public de ses tares.
Par ailleurs, la littérature est, dans certains cas, une compagnie. Elle peut ainsi être vue comme un moyen
de vaincre la solitude et l’oisiveté car le livre vient inscrire une présence : il apporte avec lui un monde, des
paysages, des personnages, des voix, des affections et des pensées. Il remplit un vide et fait oublier
l’isolement. On peut, dans ce cadre, citer les romans d’aventures dont la fonction première est de divertir le
lecteur en le mettant en face d’histoires extraordinaires qui peuvent lui permettre de surmonter la maladie
de la solitude par le divertissement, par exemple les aventures d’un homme qui fait le tour du monde en 80
jours dans le roman de Jules Verne.
Le volet ludique de la littérature peut aussi revêtir une autre fonction thérapeutique quand on sait qu’elle
permet à l’écrivain lui-même de pénétrer dans un univers onirique qui lui donne l’occasion de fuir la vie
réelle laide et faite de déceptions. En effet, l’écriture est un moyen pour lui de se plonger dans cette « vraie
vie » dont parle Marcel Proust, « la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement
vécue » qui n'est autre que celle qui existe dans la littérature. La poésie, les romans…, deviennent alors le
moyen de pénétrer dans un monde imaginaire où le bonheur n’a pas de limites. Certains écrivains invitent le
lecteur à effectuer ce voyage, pour reprendre ici le titre du poème de Baudelaire, « L’Invitation au voyage »
(Les fleurs du mal), un texte dans lequel le poète recherche d'un art de vivre dans un idéal qui lui
permettra de venir à bout du spleen : « Mon enfant, ma sœur,/Songe à la douceur/D'aller là-bas/Vivre
ensemble!/Aimer à loisir,/Aimer et mourir ».
En outre, cette utilité de la littérature s’est également mesurée par des enseignements qui font la promotion
des responsabilités sociales car elle s’est aussi donné comme mission de mettre à la portée de ses lecteurs
des valeurs morales capables de les maintenir dans le droit chemin. Pour cela, il était nécessaire de
débarrasser la société de ce qui porte atteinte à sa stabilité et à sa cohésion. C’est la principale mission que
se sont donnée les écrivains africains, eux dont l’objectif premier est de sortir l’Afrique des multiples drames
qui la meurtrissent. C’est dans ce sens que le camerounais Pabe Mongo synthétise ainsi le contexte
d’écriture des romanciers africains contemporains : « …je dirais que nous sommes les écrivains des sept
plaies de l’Afrique : la faim, la sécheresse, l’endettement, la détérioration des termes de l’échange, la
maladie, la « poubellisation », les dictatures, le néocolonialisme…». Voilà les principaux maux dont souffre
l’Afrique au détour des années 80 et que les écrivains vont tenter de guérir dans leurs productions.
Concrètement, on peut citer un roman comme Trop de soleil tue l’amour (1999) de Mongo Beti, un
ouvrage dans lequel on retrouve la volonté de l’auteur de faire prendre conscience aux africains de toutes
ces déviations qui les plongent dans le chaos.
Enfin, on peut noter que l’écriture est aussi un moyen de se libérer de ses angoisses ou d’un mal qui ronge.
En effet, elle a souvent servi d’exutoire aux écrivains qui, en livrant les méandres de leurs états d’âme, se
départissent en même temps de la douleur qui les rongeait. Tel est par exemple la lecture qu’on peut faire
en partie de Les contemplations de Victor Hugo, un recueil qui a permis à son auteur, entre autres,
d’enterrer le deuil de sa fille morte. Il le dit lui-même dans la préface : « On ne s'étonnera donc pas de voir,
nuance à nuance, ces deux volumes [de l’ouvrage] s'assombrir pour arriver, cependant, à l'azur d'une vie
meilleure. »
La littérature a donc eu comme vocation d’être une thérapie qui viendrait à bout des maux qui gangrènent
les hommes et la société dans laquelle ils vivent. Toutefois, on ne saurait nier qu’elle a également eu
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d’autres objectifs en fonction des buts et des sensibilités des écrivains.
Multiples, il est vrai, ont été les autres vocations de l’œuvre littéraire quand on sait que dans son histoire,
les rôles qui ont été assignés à la littérature ont divergé en fonction des mouvements et des sensibilités.
Il y a d’abord ceux qui ont défendu la pure gratuité de l’œuvre d’art qui ne doit son existence qu’à son
inutilité : « Quant à nos principes, ils sont suffisamment connus : nous croyons à l’autonomie de l’art ; l’art
pour nous n’est pas le moyen, mais le but. Tout artiste qui se propose autre chose que le beau n’est pas un
artiste à nos yeux… » écrivait Théophile Gautier au XIXème siècle. Comme en écho, Alain Robbe-Grillet
s’exclamera ainsi un siècle plus tard : « L’œuvre doit s’imposer comme nécessaire, mais nécessaire pour
rien ; son architecture est sans emploi ; sa force est une force inutile ». Ce type d’écriture se défend de
toute ambition qui ne serait pas purement littéraire et formelle. Tel est le sens qu’il faut donner à la
publication de Les trophées de Jose Maria de Heredia en 1893, un recueil dont ces propos extraits de la
dédicace sont une illustration de la dimension purement esthétique : « Un à un, vous les avez vus naître,
ces poèmes…avec les règles et les subtils secrets de notre art, l'amour de la poésie pure et du pur langage
français. »
Il faut, en plus de cela, noter que la littérature a été vue somme un simple jeu qui met en avant les talents
de créateurs de ses pratiquants. En effet, l’écriture a été utilisée comme un « exercice de style » qui repose
sur des prouesses techniques qui consistent en l'invention et l'expérimentation de contraintes littéraires
nouvelles. On peut, dans ce cadre, faire allusion aux écrivains de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentiel)
un groupe international de littéraires et de mathématiciens fondé en 1960 et se définissant comme des «
rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ». On peut précisément citer
Exercices de style (1947) d’un de ses principaux fondateurs, Raymond Queneau ; c’est un brillant
exemple d'une contrainte littéraire : écrire 99 fois la même histoire et chaque version de l'histoire doit
illustrer un genre stylistique bien particulier.
Parmi les autres vocations de l’œuvre littéraire, nous pouvons retenir le fait que l’écrivain s’est aussi donné
comme tâche de faire de la littérature un moyen d’explorer des terres inconnues. En effet, s’élevant contre
les conformismes rationalistes et esthétiques, certains écrivains vont même faire de leur « littérature » le
« contraire de la littérature » pour reprendre la belle formule des surréalistes. Cette définition qu’André
Breton donne au terme « surréalisme » est on ne peut plus clair : « Automatisme psychique pur par lequel
on se propose d’exprimer…par écrit…le fonctionnement réel de la pensée en l’absence de tout contrôle
exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». Ces écrivains pénètrent non
pas dans un monde transcendant mais dans le royaume des instincts où nous invite le poème « Les gorges
froides » de Robert Desnos où les barrières sont supprimées entre le rêve débarrassé de la gangue du
sommeil et l’enregistrement instantané de la dictée magique de la pensée par un rêveur éveillé.
Enfin, il ne faut pas oublier que la littérature se définit d’abord et avant tout par son aspect esthétique. C’est
dans ce sens que certains « puristes » veulent la ramener et la réduire à cette fonction en défendant sa
dimension purement langagière du fait que c’est par le langage et les mots que cette esthétisation se
révèle. « Donner un sens plus pur aux mots de la tribu », s’écriait justement un Stéphane Mallarmé dont les
œuvres comme Hérodiade (1871) conduisent même à l’hermétisme à force de rechercher un vocabulaire
et un style rares.
En fin de compte, la littérature remplit plusieurs fonctions aussi importantes les unes que les autres. Elles
tiennent compte des aspirations des écrivains et des sensibilités littéraires.
Conclusion :
On peut donc parler d’une fonction essentielle de la littérature qui a été de susciter un effet chez le lecteur
afin de le conscientiser et de le soustraire des maux qui l’empêchent de s’épanouir en lui délivrant un
message qu’il ne pensait peut-être pas trouver en lisant tel ou tel ouvrage, dont l’impact tient à ce même
pouvoir de transformation de l’œuvre littéraire. Mais force est également de reconnaître qu’il ne saurait être
question de réduire la fonction de cette dernière à une simple vocation thérapeutique car son aspect ludique
et esthétique participent à sa définition même. Autant donc méditer sur cette réflexion d’Horace dans son
Art poétique : « Il obtient tous les suffrages celui qui unit l'utile à l'agréable, et plaît et instruit en même
temps. »
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Epreuve du 2ème groupe

FRANÇAIS

Le pays des Diallobé n’était pas le seul qu’une grande clameur eût réveillé un matin. Tout le
continent noir avait eu son matin de clameur.
Etrange aube ! Le matin de l’Occident en Afrique noire fut constellé de sourires, de coups de
canon et de verroteries brillantes. Ceux qui n’avaient point d’histoire rencontraient ceux qui
portaient le monde sur leurs épaules.
Ce fut un matin de gésine. Le monde connu s’enrichissait d’une naissance qui se fit dans la
boue et dans le sang.

Cheikh Hamidou KANE,


L’aventure ambiguë, Editions Julliard, 1961, p 64.
QUESTIONS

1 - Donnez le sens des mots suivants : constellé - gésine.


Donnez ensuite un mot de la même famille pour chacun de ces mots. (03 points)
2 - Etrange aube !
Identifiez ce type de phrase. (02 points)
3 - Identifiez le champ lexical dominant de ce texte et relevez les termes qui le constituent.
(04 points)
4 - Quelle est la phrase du texte qui résume le mieux l’action coloniale ?
Justifiez votre réponse. (03 points)
5 - Identifiez la figure de style et justifiez son emploi :
« Ceux qui portaient le monde sur leurs épaules ». (03 points)

6 – Analyse : Donnez la fonction de :


- sourires (constellé de) (01,5 points)
- ceux qui n’avaient point d’histoire (01,5 points)

7 « Le pays des Diallobés n’était pas le seul qu’une grande clameur eût réveillé un matin.»
Indiquez le temps et le mode du verbe souligné. Justifiez leur emploi. (02 points)
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CORRIGE
1 - Donnez le sens des mots suivants : constellé - gésine.
Donnez ensuite un mot de la même famille pour chacun de ces mots.
Constellé : couvert
Mot de la même famille : constellation
Gésine : accouchement d’une femme (le mot peut alors faire penser à une grande douleur)
Mot de la même famille : gésir

2 - Etrange aube !
Identifiez ce type de phrase.
C’est une phrase nominale. On peut aussi accepter la phrase exclamative

3 - Identifiez le champ lexical dominant de ce texte et relevez les termes qui le constituent.
C’est le chant lexical de la souffrance formé des expressions « coups de canon », « gésine », « boue »,
« sang »

4 - Quelle est la phrase du texte qui résume le mieux l’action coloniale ? Justifiez votre
réponse.
C’est la phrase « Le matin de l’Occident en Afrique noire fut constellé de sourires, de coups de canon et de
verroteries brillantes ». En effet, l’action coloniale a d’abord été les cadeaux, ces fameuses « pacotilles »
qu’on offrait aux populations autochtones pour les tromper ; ce fut ensuite la violence avec les armes de la
conquête.

5 - Identifiez la figure de style et justifiez son emploi :


« Ceux qui portaient le monde sur leurs épaules ».
La figure de style employée dans cette phrase est l’hyperbole ; elle traduit la puissance des colonisateurs
qui ont réussi à conquérir le monde entier.

6 – Analyse : Donnez la fonction de :


- sourires (constellé de)
- ceux qui n’avaient point d’histoire
sourires : complément de l’adjectif « constellé ».
ceux qui n’avaient point d’histoire : sujet du verbe « rencontrer ».

7 - « Le pays des Diallobés n’était pas le seul qu’une grande clameur eût réveillé un matin.»
Indiquez le temps et le mode du verbe souligné. Justifiez leur emploi.
eût réveillé : plus-que-parfait du subjonctif
Son emploi est justifié par la concordance des temps : le verbe de la proposition principale est à l’imparfait
de l’indicatif.
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Epreuve du 2ème groupe

FRANÇAIS

Au fil des semaines, la chambre s’était remplie d’ouvrages aux titres parfois énigmatiques, pour ne
pas dire inquiétants. Khadidja prétendait faire des recherches sur la tradition orale, sur les techniques
du conte africain et sur toutes ces choses qui normalement n’intéressent que les érudits. Elle dévorait
aussi les livres sur les légendes et les mythes de peuples presque oubliés d’Europe et des
Amériques. Cela m’avait ainsi frappé d’apprendre que, dans certaines circonstances rigoureusement
codifiées, telle tribu amazonienne procédait à la mise à mort du conteur dès la fin de son histoire.
C’était un peu pour la victime une apothéose tragique, le couronnement d’une carrière de narrateur
bien remplie.
Seuls ceux qui avaient la passion authentique de leur art osaient raconter certaine histoire fameuse
dont la fin serait, inévitablement, leur propre destruction. On arrachait au supplicié son coeur,
considéré par les gens de cette tribu comme le siège de l’imaginaire, et l’offrait, encore vif et
palpitant, au brave qui accepterait de prendre la relève. A présent, ajoutait Khadidja sur un ton
désabusé, les traditions se perdaient et les jeunes d’Amazonie avaient tendance, comme partout
ailleurs, à se détourner de ce fatal métier de conteur.

Boubacar Boris DIOP,


Le cavalier et son ombre, NEI, Abidjan, 1999, pp 63-64.

QUESTIONS

1. Quelles sont les exigences du projet de recherches de Khadidja ? Justifiez votre réponse. (02 pts)

2. Indiquez les sentiments du narrateur vis-à-vis de Khadidja. (03 pts)

3. « Elle dévorait des livres. » Identifiez la figure de style employée. (02 pts)

4. Proposez un homonyme de «tribu ». Employez le mot trouvé dans une phrase. (03 pts)

5. Donnez un antonyme de « érudit » et de « passion ». (02 pts)

6. Faites l’analyse logique de la quatrième phrase : (03 pts)


« Cela m’avait ainsi frappé d’apprendre ---- histoire »

7. Donnez la fonction des mots : inquiétants – au brave – Khadidja (ajoutait Khadidja). (03 pts)

8. Identifiez le style employé dans la dernière phrase du texte. (02 pts)


DOCUMENT DE M. SIDIBE – PROFESSEUR DE FRANCAIS – PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS

CORRIGE
1. Quelles sont les exigences du projet de recherches de Khadidja ? Justifiez votre réponse.
Khadija doit se documenter et pour cela elle doit beaucoup lire. Ainsi, comme le souligne le narrateur, les
livres s’accumulaient dans leur chambre et elle passait tout son temps à lire : « Au fil des semaines, la
chambre s’était remplie d’ouvrages », « Elle dévorait aussi les livres…. »

2. Indiquez les sentiments du narrateur vis-à-vis de Khadidja.


Le narrateur est inquiet face à cette attitude de Khadija ; ce qui l’inquiète, ce sont aussi les lectures et le
projet de recherche de la fille : « ouvrages…aux titres parfois énigmatiques, pour ne pas dire inquiétants.
Khadidja prétendait faire des recherches sur la tradition orale, sur les techniques du conte africain et sur
toutes ces choses qui normalement n’intéressent que les érudits ».

3. « Elle dévorait des livres. » Identifiez la figure de style employée.


La figure de style employée ici est l’exagération ou hyperbole.

4. Proposez un homonyme de « tribu ». Employez le mot trouvé dans une phrase.


Homonyme du mot : tribut
« Dans le passé, les royaumes vassaux payaient des tributs aux empires dont ils dépendaient. »

5. Donnez un antonyme de « érudit » et de « passion ».


Antonymes de « érudit » : ignare, illettré, inculte, aversion…
Antonyme de « passion » : haine, indifférence…

6. Faites l’analyse logique de la quatrième phrase :


« Cela m’avait ainsi frappé d’apprendre que, dans certaines circonstances rigoureusement codifiées, telle
tribu amazonienne procédait à la mise à mort du conteur dès la fin de son histoire. »
Cela m’avait ainsi frappé d’apprendre : proposition principale
que, dans certaines circonstances rigoureusement codifiées, telle tribu amazonienne procédait à la mise à
mort du conteur dès la fin de son histoire : Proposition subordonnée complétive – introduite par la
conjonction de subordination « que » - complément d’objet direct du verbe « apprendre ».

7. Donnez la fonction des mots : inquiétants – au brave – Khadidja (ajoutait Khadidja).


Inquiétants : épithète détachée
Au brave : complément d’objet indirect
Khadidja : sujet du verbe « ajouter »

8. Identifiez le style employé dans la dernière phrase du texte.


C’est le style indirect qui est employé dans la dernière phrase.
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UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR 1/1 09 G 01 A 01
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OFFICE DU BACCALAUREAT Série : L2 – Coef. 5
Téléfax (221) 825.24.58 - Tél. : 824.95.92 – 824.65.81 Séries : L1a-L1b-L’1 – Coef. 6

Epreuve du 2ème groupe

FRANÇAIS
Le ciel est, par-dessus le toit

Le ciel est, par-dessus le toit,


Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

5 La cloche, dans le ciel qu’on voit,


Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu ! la vie est là,


10 Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

Qu’as-tu fait, O toi que voilà,


Pleurant sans cesse,
15 Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

Paul Verlaine, Sagesse (1880).


QUESTIONS

1. Où se trouve le poète ? Justifiez votre réponse par des indices précis tirés du texte. (04 points)

2. Quels sont les sentiments qui animent le poète ? Justifiez votre réponse. (04 points)

3. Relevez les sonorités dominantes dans les deux premières strophes.


En quoi participent-elles à l’expression des sentiments du poète ? (04 points)

4. Indiquez le nombre de syllabes dans les vers 1 et 2.


Quel effet de versification avez-vous entre les vers 5 et 6 ? (04 points)

5. Donnez la fonction de : (04 points)


- bleu (vers 2) ;
- qu’on voit (vers 5).
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CORRIGE
1. Où se trouve le poète ? Justifiez votre réponse par des indices précis tirés du texte.
Il faut d’abord préciser que l’auteur, Paul Verlaine, a été condamné à deux ans de prison. Le voici en cellule
qui médite dans la solitude à Bruxelles avant son transfert à Mons.
Le regard du narrateur bute constamment sur des obstacles, le toit, l'arbre même s'il s'efforce de les
contourner en levant les yeux ou en faisant appel à son interprétation (« cette rumeur vient de la ville »).
L'horizon figé suppose donc un immobilisme forcé du poète. C'est une vision restrictive qui procède par
plans successifs et s'accroche aux détails, le toit et non les maisons, la palme et non la branche.
L'alternance des articles définis et indéfinis le ciel, un arbre, la cloche, un oiseau reproduit le va et vient d'un
regard qui passe du concret à l'abstrait (« le ciel », « la cloche », « la rumeur ») d'un plan éloigné à un plan
rapproché (« l'arbre »). Le poète n'a pas d'autres repères que ces trois éléments, le ciel, le toit, l'arbre.

2. Quels sont les sentiments qui animent le poète ? Justifiez votre réponse.
Le poète est dans un état d’âme qui exprime son malaise et sa détresse que les larmes traduisent.
Le malaise qui se cachait derrière le ciel si bleu et si calme (trop bleu, trop calme), la « plainte de l'oiseau »
et l'immobilisme anormal du paysage trouve son dénouement dans les deux dernières strophes à travers
trois thèmes liés, l'exclusion, le remords et les larmes. Ce poème est donc le regard lucide d'un homme
conscient de sa faiblesse et qui confesse sans indulgence son état d’âme.
Les larmes excluent toute idée de révolte et d'action au profit d'une passivité complaisante.

3. Relevez les sonorités dominantes dans les deux premières strophes.


En quoi participent-elles à l’expression des sentiments du poète ?

Dans les deux premières strophes, le décor est réduit à quelques découpes symboliques ; la palme et le
mouvement berceur qui s'y rattache font figures d'emblèmes. Des sonorités sont à l'image du balancement
de cette feuille ; le mouvement d'amorti est par exemple accentué par l'effet de sourdine inhérent au [e]
muet (calme, palme, tinte, plainte). Le rythme fluide est modulé par les allitérations en [s] qu’on peut
mettre en rapport avec l’idée exprimée par le verbe « bercer » (la douceur) : « ciel », « si bleu », « si
calme », « par-dessus », « berce ») et l'écho assourdi des sonorités nasales « an », « on », « in »
(« qu'on », « doucement », « tinte », « chante », « plainte ») qui expriment la mélancolie et la tristesse.

4. Indiquez le nombre de syllabes dans les vers 1 et 2.


Quel effet de versification avez-vous entre les vers 5 et 6 ?
Le vers 1 est composé de 8 syllabes :
Le/ciel/est,/par/-des/sus/le/toit/
Le vers 2 en compte 4 :
Si/bleu,/si/calme !/

Effet de versification entre ces deux vers :


« Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte. »
Nous avons un enjambement entre ces deux vers.

5. Donnez la fonction de :
- bleu (vers 2) ;
- qu’on voit (vers 5).
bleu : attribut
qu’on voit : complément de l’antécédent « ciel »
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Epreuve du 2ème groupe

FRANÇAIS
(Les gardes sont sortis, précédés par le petit page. Créon et Antigone sont seuls l’un en face de
l’autre.)
Créon
Avais-tu parlé de ton projet à quelqu’un ?
Antigone
Non.
Créon
As-tu rencontré quelqu’un sur ta route ?
Antigone
Non, personne.
Créon
Tu en es bien sûre ?
Antigone
Oui.
Créon
Alors, écoute : tu vas rentrer chez toi, dire que tu es malade, que tu n’es pas sortie depuis hier.
Ta nourrice dira comme toi. Je ferai disparaître ces trois hommes.
Antigone
Pourquoi? Puisque vous savez bien que je recommencerai.
(Un silence. Ils se regardent.)
Créon
Pourquoi as-tu tenté d’enterrer ton frère ?
Antigone
Je le devais.
Créon
Je l’avais interdit.
Antigone, doucement
Je le devais tout de même. Ceux qu’on n’enterre pas errent éternellement sans jamais trouver de
repos. Si mon frère vivant était rentré harassé d’une longue chasse, je lui aurais enlevé ses
chaussures, je lui aurais fait à manger, je lui aurais préparé son lit… Polynice aujourd’hui a
achevé sa chasse. Il rentre à la maison où mon père et ma mère, et Etéocle aussi, l’attendent. Il a
droit au repos.

Jean Anouilh, Antigone, La Table ronde, 1946.


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FRANÇAIS 2/2 11 G 01 A 01
Séries : L

Epreuve du 2ème groupe

QUESTIONS

1) A quel genre appartient ce texte ? Justifiez votre réponse à l’aide d’indices précis tirés du
texte. (03 points)

2) A travers l’analyse des différentes interventions, faites ressortir les traits de caractère des
deux personnages en présence dans cette scène. (04 points)

3) Qu’est-ce qui donne à cette scène son caractère tragique ? (04 points)

4) Identifiez les figures de style utilisées dans les phrases suivantes :


« Polynice aujourd’hui a achevé sa chasse » ; « Je ferai disparaître ces trois hommes ».
(03 points)
6) Trouvez un synonyme à chacun des mots suivants : harassé, enterrer. (02 points)

7) Faites l’analyse logique de la phrase suivante :


« Vous savez bien que je recommencerai. » (04 points)
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CORRIGE
1) A quel genre appartient ce texte ? Justifiez votre réponse à l’aide d’indices précis tirés du
texte.
Ce texte appartient au genre théâtral. Il y a les didascalies : « Les gardes sont sortis, précédés par le petit
page. Créon et Antigone sont seuls l’un en face de l’autre », « Un silence. Ils se regardent »,
« doucement ».
Il y a aussi le dialogue et les répliques précédées par les noms des personnages, Créon et Antigone

2) A travers l’analyse des différentes interventions, faites ressortir les traits de caractère des
deux personnages en présence dans cette scène.
Créon apparait comme un homme autoritaire (« Je l’avais interdit ») mais aussi comme un tyran sanguinaire
(« Je ferai disparaître ces trois hommes »). Quant à Antigone, elle semble décidée et têtue ; malgré
l’interdiction du roi d’enterrer Polynice sous peine de mort, elle a tenu à braver cette interdiction :
« Pourquoi ? Puisque vous savez bien que je recommencerai », « Je le devais », « Je le devais tout de
même ».

3) Qu’est-ce qui donne à cette scène son caractère tragique ?


L’allusion à la mort donne à cette scène un caractère tragique. Il faut aussi noter l’attitude de Créon au
début du texte : ses questions incessantes témoignent de son inquiétude et montrent qu’il veut étouffer
l’affaire, ce qui témoigne donc de la gravité de la situation.

4) Identifiez les figures de style utilisées dans les phrases suivantes :


« Polynice aujourd’hui a achevé sa chasse » ; « Je ferai disparaître ces trois hommes ».
Polynice aujourd’hui a achevé sa chasse : on peut penser à la métaphore ou à la litote
Je ferai disparaître ces trois hommes : euphémisme ou litote.

6) Trouvez un synonyme à chacun des mots suivants : « harassé », « enterrer ».


Harassé : exténué
Enterrer : inhumer

7) Faites l’analyse logique de la phrase suivante : « Vous savez bien que je recommencerai. »
Vous savez bien : proposition principale
Que je recommencerai : proposition subordonnée complétive – introduite par la conjonction de
subordination « que » - complément d’objet direct de la principale

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