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Africa Unite - Une Histoire Du Panafricanisme - AMZA BOUKARI-YABARA
Africa Unite - Une Histoire Du Panafricanisme - AMZA BOUKARI-YABARA
Amzat Boukari-Yabara
Africa Unite !
Une histoire du panafricanisme
Cet ouvrage a été précédemment publié en 2014 aux Éditions La Découverte
dans la collection « Cahiers libres ».
ISBN 978-2-7071-9640-8
a Toutes les notes de référence sont classées par chapitre à la fin de l’ouvrage,
p. 339.
6 Africa Unite !
L’empreinte de l’esclavage
La pratique de l’esclavage n’est pas « née » en Afrique,
elle n’est pas inhérente à la « nature » des Africains dont la
couleur de peau noire (« nègre », de l’espagnol negro) est deve-
nue synonyme d’esclave. Le terme « esclavage » vient ainsi des
populations slaves qui furent réduites en servitude par les Byzan-
tins puis par les Germains. Entre le milieu du XVe et le début
du XVIe siècle, les Portugais et les Espagnols sont les premiers
Européens à pratiquer de manière spécifique la déportation des
Africains en direction des îles de l’Atlantique (Açores, Canaries,
Cap-Vert, Madère), puis vers les Amériques après 1492.
À cette époque, l’Espagne catholique construit les images
figées du Juif et de l’Arabe en Europe, ainsi que de l’Indien et
de l’Africain dans les Amériques10. En utilisant la « découverte »
des Amériques pour couper les relations multilatérales qu’entre-
tenait entre elles chacune des parties du globe, et les unir à son
expérience historique, le protocapitalisme européen agglomère
des modes de production impliquant l’esclavage, le féodalisme,
le travail salarié et la production de biens de commodité au
profit d’une classe marchande et bourgeoise embryonnaire11.
La division internationale du travail, en organisant la péri-
phérie africaine et américaine selon des structures autoritaires
et coercitives impliquant l’importation de la main-d’œuvre la
plus « disponible », est au cœur du processus d’accumulation
capitaliste.
Alors que le travailleur européen possède un contrat limité
qui n’engage que sa force de travail sur un temps défini, l’Afri-
cain devenu « esclave » dans les Amériques transmet son statut
de manière héréditaire. Cette aliénation héréditaire par l’ori-
gine ethnique est également inscrite dans les carnets de bord
et les polices d’assurance considérant les Noirs comme des
« biens meubles » ou du « bois d’ébène ». Par l’intermédiaire du
droit canonique et du droit international européen, l’Église et
les monarchies d’Europe figent cet état de servitude dans un
solide arsenal juridique, législatif et répressif12. En ce sens, la
traite transatlantique européenne fut une entreprise organisée
Introduction 9
a « Retour en Afrique ! »
1
De la déportation aux Amériques
aux expériences de retour en Afrique
La traite transatlantique
Dans la première moitié du XVIe siècle, la violence
du colonialisme européen entraîne la disparition massive des
populations amérindiennes2. Pour compenser la chute brutale
de la main-d’œuvre forcée amérindienne, une première politique
d’engagement de travailleurs blancs pour des durées limitées
de trois ans avec la possibilité de retourner en Europe est mise
en place, mais elle se révèle vite insuffisante. Progressivement,
avec la découverte de l’étendue des richesses présentes dans les
Amériques et la nécessité de passer d’une colonisation de pré-
De la déportation aux Amériques aux expériences de retour en Afrique 19
La guerre de Sécession
et la thèse du compromis
Entre l’expédition africaine de Delany et Campbell
(1859-1860) et la mission de Blyden et Crummell au Royaume-Uni
et aux États-Unis (1861), la situation évolue dans les Amériques.
À cette période, les partisans de l’émigration dominent le débat
qui les oppose aux militants de l’intégration. Haïti, où s’est rendu
James T. Holly à la suite du premier congrès de Cleveland, paraît
particulièrement réceptif aux projets émigrationnistes. Comme
l’atteste l’« Appel à l’émigration » lancé en août 1859 par le
ministre haïtien de la Justice, les plus hautes autorités multi-
plient les démarches en ce sens. Douglass lui-même, pourtant
opposé au projet émigrationniste, accepte une invitation du
gouvernement haïtien.
Mais la guerre de Sécession, qui éclate en avril 1861, bouleverse
la donne. Annulant son voyage prévu en Haïti, Douglass revient
à ses projets initiaux. Pressant les Noirs de ne plus émigrer en
Haïti – où les conditions de vie sont si difficiles que l’émigration
afro-américaine vers ce pays a de toute façon presque cessé –,
il les invite en revanche à participer à l’effort de guerre sur le
sol américain en rejoignant les troupes de l’Union contre les
onze États sécessionnistes et esclavagistes du Sud. De leur côté,
Crummell et Blyden campent sur leurs positions. De retour aux
États-Unis à l’été 1862, ils tentent à nouveau de convaincre les
36 « Back to Africa ! »
a Ce système est une forme de servitude temporaire : les colons font travailler
les indigènes, sans les rémunérer, mais en échange d’avantages matériels
à la fin du « contrat ».
58 « Back to Africa ! »
avec les milieux blancs conduisent les militants noirs plus radi-
caux à se tourner vers d’autres mouvements comme celui de Mar-
cus Garvey (voir chapitre 5). Du Bois, qui semblait inamovible à
la direction de la revue de la NAACP, The Crisis, fera lui-même les
frais de l’évolution de l’organisation qu’il avait contribué à fonder.
En 1910, Booker T. Washington entreprend une tournée en
Europe pour défendre sa vision des relations raciales. Un an plus
tard, en juillet 1911, Du Bois décide de contre-attaquer en parti-
cipant au Congrès universel des races organisé à Londres par des
intellectuels occidentaux pour débattre des moyens d’améliorer
les relations entre les peuples « blancs » et de « couleur »21. Ce
congrès, qui rassemble plusieurs centaines de délégués venus
d’Europe, d’Asie, d’Afrique et des Amériques, a pour objectif de
mener une étude comparative des relations raciales à l’échelle
internationale. Secrétaire lors de ce congrès, Du Bois centre son
intervention sur la lutte et les souffrances de la « race nègre
aux États-Unis », et sur la nécessité de promouvoir le commerce
international afin de lever les barrières raciales. Durant toutes ces
interventions, Du Bois n’utilise plus les mots « panafricain » ou
« panafricanisme », préférant s’arrêter, lorsqu’il parle de l’Afrique
et des Noirs, sur les concepts d’autonomie et d’indépendance.
De son côté, Booker T. Washington organise à l’Institut Tus-
kegee, du 17 au 19 avril 1912, une conférence internationale
sur la situation des Noirs. Cette petite conférence panafricaine
réunit une centaine de délégués, majoritairement membres de
corps missionnaires américains mixtes. Seuls une douzaine de
délégués sont africains22. Cette assemblée discute des méthodes
pour recruter des délégués francophones en Afrique, et pour
mener des actions de formation politique des Noirs sans attirer
l’hostilité des colons blancs sud-africains. La conférence pose
les bases d’une entreprise panafricaine transatlantique, l’Africa
Union Company, pour coordonner la solidarité raciale avec le
progrès technique et le développement de l’Afrique. La Première
Guerre mondiale met un terme au projet.
La conférence panafricaine de Londres, 1900 61
Répression, éthiopianisme
et « Afrique aux Africains »
Le succès de Garvey inquiète autant les autorités
américaines que son principal rival, Du Bois. Ce dernier, qui
avait décliné l’invitation à la convention de 1920, serait tout
de même venu assister incognito au sacre de Garvey13. Dès 1921,
l’hostilité devient publique entre les deux hommes qui espèrent
rallier à leur cause la quinzaine de millions de Noirs vivant
aux États-Unis et, par la suite, les 400 millions de Noirs vivant
dans la Caraïbe et en Afrique. De son côté, le Bureau fédéral
d’investigation (FBI) suit chacun des mouvements de Garvey et
tente d’établir une liste de ses contacts et des lecteurs du Negro
World. L’objectif est de compromettre la réputation de Garvey
et la crédibilité de l’UNIA. En passant au crible les opérations
financières de la Black Star Line, les services fiscaux concluent
à des fraudes dans les comptes de l’entreprise.
84 « Back to Africa ! »
L’UNIA au Liberia :
l’impossible retour en Afrique ?
En 1918, Garvey lance une pétition destinée à la future
Société des Nations (SDN) pour réserver les colonies perdues par
l’Allemagne à la création d’un État indépendant accueillant les
Noirs de la diaspora. La pétition est rejetée, et les puissances
impérialistes se partagent les restes de l’empire allemand sous
couvert de mandats de la SDN. L’absence d’un gouvernement
représentatif de la diaspora africaine est un obstacle juridique
à l’exécution du projet. Tout comme Du Bois était passé par
Blaise Diagne pour organiser le Congrès panafricain de 1919 à
Paris, Garvey contacte directement le gouvernement du Liberia
pour créer un partenariat2.
En 1920, le Liberia compte un peu plus de 500 000 habitants
dont plus de 15 000 Américano-Libériens revenus entre 1822
et 1900, et quelques centaines d’Antillais. Dans un système de
type féodal, les terres appartiennent à une vingtaine de familles
américano-libériennes, qui détiennent les leviers du pouvoir.
Le gouvernement libérien dispose d’une force armée (Liberian
Frontier Force) qui lui permet de dominer les zones autochtones.
Jusqu’à un tiers du budget de l’État libérien provient de la taxe
des travailleurs africains, dont l’élite elle-même ne s’acquitte pas.
Cette situation injuste entraîne les soulèvements de plusieurs
peuples africains qui sont réprimés par les troupes américano-
libériennes. Par ailleurs, les incidents libériens débordent sur
le territoire britannique de la Sierra Leone et sur les colonies
françaises voisines (Guinée, Côte d’Ivoire). La Grande-Bretagne
et la France ont donc intérêt au maintien de l’ordre au Liberia.
Dès lors, les missions de l’UNIA sont évaluées par Monrovia en
« Je n’abandonnerai pas un continent pour une île ! »… 93
collecte des fonds pour ouvrir des écoles de filles dans la colonie.
Plutôt bien organisée, la section garveyiste sierra-léonaise par-
vient à envoyer un délégué à la convention de l’UNIA de 1920.
Les colonies françaises sont également touchées par le mou-
vement garveyiste. En mai 1922, le Sierra-Léonais John Karamah
établit une section de l’UNIA à Dakar (Sénégal). Karamah visite
ensuite des groupes de compatriotes à Rufisque où il ouvre une
seconde branche. La section sénégalaise fonctionne davantage
comme un service d’entraide pour trouver du travail, obtenir
des prêts, trouver des groupes et des musiciens pour animer
les événements sociaux. La présence de ce petit groupe de gar-
veyistes sierra-léonais au Sénégal alarme cependant les autorités
françaises qui perquisitionnent le local de Rufisque, ainsi que
le domicile des membres de la section qui seront expulsés vers
Freetown8.
En 1922, alors que l’arrestation de Garvey aux États-Unis
marque un coup d’arrêt à la section de l’UNIA à Lagos, les
autorités françaises, qui s’inquiètent de l’influence du mouve-
ment dans la région, demandent au gouverneur britannique
du Nigeria, Hugh Clifford, un rapport d’activité sur la branche
garveyiste. L’enquête souligne que la branche de Lagos compte
au maximum 300 membres, dont seulement 28 sont à jour de
leur cotisation. À l’évidence la section nigériane de l’UNIA est
en perte de vitesse à cette période. Alors que Clifford réforme les
institutions politiques dans la colonie pour contrer les revendica-
tions nationalistes naissantes (voir chapitre 7), les antigarveyistes
nigérians donnent de la voix. Ce qui n’est pas pour déplaire aux
autorités britanniques : The Negro World est interdit au Nige-
ria en juin 1922. Mais le garveyisme, qui continue à faire des
émules dans toutes les colonies britanniques, reste sous haute
surveillance.
L’influence du garveyisme inquiète également les autorités
belges, qui, lors de la session bruxelloise du congrès panafri-
cain de 1921, redoutaient d’être face à un mouvement sous
obédience communiste. Au Congo, territoire de missions chré-
tiennes et terrain de jeu du capitalisme colonial, elles croient
aussi déceler dans l’épopée du prédicateur Simon Kimbangu,
98 « Back to Africa ! »
« Américaniser l’Afrique »
ou « africaniser l’Amérique » ?
Curieusement, jusqu’à la marche vers le pouvoir et
l’indépendance empruntée par Nkrumah à partir de 1951 (voir
chapitre 10), la Gold Coast est restée plutôt critique vis-à-vis des
projets de Garvey. La presse n’encense pas les projets de retour,
et l’élite politique garde ses distances avec le garveyisme. C’est
« Je n’abandonnerai pas un continent pour une île ! »… 99
Réforme constitutionnelle
et fractionnements territoriaux
Aidé par l’African Progress Union (APU), le « Comité
de Londres », mis sur pied par le NCBWA au lendemain de sa
conférence fondatrice de mars 1920, tente de faire pression sur
les autorités britanniques. Winston Churchill, secrétaire d’État
aux Colonies, refuse cependant de recevoir le comité sous le
prétexte, paradoxal étant donné les revendications du NCBWA,
qu’il n’est pas représentatif de la population ouest-africaine.
Organiser le panafricanisme depuis l’Afrique… 109
croissantes des populations qui, plus que des postes dans les
assemblées, réclament plus de justice sociale. Mais elles sont
mal armées pour répondre à de telles demandes. Constitué pour
défendre les intérêts de la petite bourgeoisie libérale, le NCBWA
n’est pas en mesure de proposer un programme de politique
économique alternatif. Les élites économiques et commerciales
africaines manquant d’unité, d’initiative et, surtout, de capital,
les tentatives pour créer des structures économiques interterri-
toriales (banques, coopératives agricoles) ou territoriales (fédé-
rations paysannes, organisations syndicales) échouent.
Un conflit latent s’installe progressivement, dans les années
1920 et 1930, entre l’élite du NCBWA, qui ne se bat que pour
avoir une part du gâteau, et les travailleurs et les sans-emploi
sur le dos desquels le gâteau est partagé. Appartenant à une
génération née dans le dernier quart du XIXe siècle, les membres
du NCBWA sont tout sauf révolutionnaires. Et se voient de plus
en plus fermement contestés par la génération suivante qui
n’entend plus composer avec un système colonial inégalitaire
par nature.
8
« Prends garde, Europe :
les Noirs sont en train de se réveiller ! »
Les Africains francophones
se saisissent du panafricanisme
De l’identité « nègre »…
En 1921, le prix littéraire Goncourt revient à l’écri-
vain guyanais René Maran pour Batouala, véritable roman nègre,
premier pamphlet francophone sur la colonisation écrit par
un non-Blanc. Maran, qui a été administrateur colonial en
Oubangui-Chari, relance la littérature anticoloniale et anti-
exotique. Six ans plus tard, André Gide, de retour d’un voyage
en Afrique-Équatoriale française, publie Voyage au Congo qui
décrit le fonctionnement inhumain des compagnies commer-
ciales coloniales et concessionnaires. La critique des pratiques
coloniales en Afrique s’accompagne d’une dénonciation du
racisme en France. L’exotisme de la danseuse afro-américaine
Joséphine Baker, la culture populaire et l’art colonial renforcent
les stéréotypes racistes3 à l’heure où l’Exposition coloniale de
Vincennes en 1931 entend souligner les grandes réalisations de
la métropole et l’« apothéose de la plus grande France4 ».
« Prends garde, Europe : les Noirs sont en train de se réveiller ! »… 115
… au garveyisme
Dans les années 1920, la Ligue universelle pour la
défense de la race noire (LUDRN) de Prince Kojo Tovalou Houé-
nou, le Comité de la défense de la race nègre (CDRN) du Séné-
galais Lamine Senghor et enfin la Ligue de défense de la race
nègre (LDRN) des Soudanais (Maliens) Garan Kouyaté et Abdou
Koite forment une généalogie de partis d’influence garveyiste
et communiste10.
Tovalou Houénou fait partie de ces Africains qui embrassent
la vocation de « défenseur de la race nègre ». Né au Dahomey
(Bénin) en 1887, issu d’une grande famille de commerçants et de
notables proche du pouvoir royal, le jeune Tovalou accompagne
son père en France pour faire ses études. Adolescent, il est inscrit
au collège catholique Saint-Genès de Bordeaux où il obtient
« Prends garde, Europe : les Noirs sont en train de se réveiller ! »… 117
La guerre italo-éthiopienne
Dans la décennie 1935-1945, un petit groupe d’Afri-
cains et d’Antillais réunis en Angleterre constitue donc le noyau
d’une nouvelle forme de panafricanisme, plus influencée que
la génération précédente par le marxisme : George Padmore,
C.L.R. James, I.T.A. Wallace-Johnson, Ras Makonnen, Peter Mil-
liard et Jomo Kenyatta. Il est impossible de faire l’histoire de
ce réseau sans évoquer l’impact de l’agression de l’Éthiopie par
l’Italie8. L’Éthiopie des cercles afro-descendants est d’abord celle
de la rédemption annoncée dans le psaume 68:31 : « Des grands
viendront d’Égypte ; l’Éthiopie tendra les mains vers Dieu. »
Ensuite, l’Éthiopie est un symbole de l’indépendance africaine,
du nationalisme noir et de la résistance au colonialisme en dépit
des convoitises occidentales, et ce depuis la victoire contre les
Italiens à Adoua en 1896.
Sous la régence de Ras Tafari (le futur Hailé Sélassié), l’Éthiopie
se modernise et entre – avec réserve – à la Société des Nations
gration dans l’Union française. Quant aux Antillais qui ont joué
un rôle fondamental pour semer la graine du panafricanisme à
Londres comme à Paris, ils se sentent de plus en plus étrangers
dans des organisations dirigées par des Africains qui semblent
restreindre la situation coloniale au continent.
Au début de l’année 1947, le président ghanéen de la WASU,
Joe Appiah, part en mission à Paris pour le compte du WANS.
Il rencontre à nouveau les députés africains Senghor, Apithy et
son assistant Émile Derlin Zinsou, ainsi que des responsables
des partis tunisien du Néo-Destour et marocain de l’Istiqlal, tous
deux créés en 1934. Appiah est relativement rassuré de voir que
les francophones sont également mobilisés. En septembre 1947,
Nkrumah revient en France pour s’entretenir avec Raymond
Barbé du Comité central du PCF et les dirigeants du Rassemble-
ment démocratique africain (RDA), le parti créé quelques mois
plus tôt à Bamako par les députés africains. Cependant, les divi-
sions sociales et idéologiques, ainsi que l’hostilité manifeste de la
France à tout projet indépendantiste et panafricain, conduisent
Nkrumah à prendre ses distances avec les mouvements politiques
africains francophones.
La décolonisation,
ou la politique du compromis
Exercer le pouvoir est aussi difficile que d’y accéder,
surtout quand on doit composer avec les autorités coloniales
et avec des groupes sociaux aux intérêts divergents. Nkrumah
et son gouvernement s’imposent donc un délai de six ans
pour maîtriser les rouages de la souveraineté : la diplomatie, la
défense, le budget et le pouvoir de nomination dans la fonction
publique. Ce délai peut paraître contradictoire avec le slogan
d’« indépendance immédiate » mais il se révèle nécessaire : les
Africains, en arrivant au pouvoir, n’ont aucune connaissance des
affaires en cours puisque les colons, depuis la première heure, se
sont efforcés de les en écarter. Par conséquent, leur travail est
particulièrement ardu : prendre connaissance de dossiers tech-
niques, découvrir les rouages de l’administration, faire des erreurs
pour apprendre… Tout cela prend du temps, sous le regard mi-
condescendant mi-bienveillant des conseillers britanniques.
Pire, des résistances à l’indépendance voient le jour parmi
des groupes d’Africains aliénés au pouvoir colonial. Le système
de l’administration indirecte place notamment les chefs locaux
qui avaient pactisé avec le colonisateur en porte-à-faux : ils
craignent que l’indépendance ne remette en cause leur légiti-
mité. Aux côtés des chefs traditionnels, la vieille classe politique
150 « Africa for the Africans ! »
1
E n 1960, l’adoption, au Ghana, du régime prési-
dentiel et républicain marque le début d’une fuite
en avant . Confronté à l’embourgeoisement de ses camarades
du CPP, Nkrumah décide de s’en débarrasser sans effusion de
sang, en les contraignant à la démission ou à l’exil. Il fait appel
à des hommes nouveaux pour mener une politique qui se veut
révolutionnaire2. Un Institut idéologique est fondé à Winneba,
une petite ville côtière à l’ouest d’Accra, dans le but de former
des militants et des candidats socialistes. En décembre 1962, le
journal The Spark (« l’étincelle », en référence à l’Iskra du révolu-
tionnaire Lénine) est lancé, et le militant communiste nigérian
en exil, Samuel G. Ikoku, apporte son analyse critique3.
En réalité, pris dans des intrigues et des conflits d’intérêts, des
attitudes bureaucratiques et stériles, le CPP n’est plus en mesure
de produire les dirigeants prêts à mener la révolution jusqu’au
bout. Incapable de mettre un terme au culte dont il fait l’objet
afin de recadrer l’effort révolutionnaire, président omniprésent et
hyperexposé, victime de plusieurs tentatives d’assassinat, Nkru-
mah remporte largement (près de 93 % des 280 000 suffrages
exprimés) le référendum de janvier 1964 qui institutionnalise
le CPP en parti unique. De son côté, le peuple, tenu à l’écart
des batailles d’appareil, ne se sent plus concerné. Délaissant
quelque peu la scène politique nationale, Nkrumah est de plus
en plus accaparé par la politique internationale. Tel est en effet
le paradoxe : alors que le CPP ne parvient pas à créer l’unité
de son pays, le leader ghanéen se démène pour forger l’unité
du continent africain.
158 « Africa for the Africans ! »
1962 puis les différents partis qu’il anime dans son pays (Bloc
des masses sénégalaises, Front national sénégalais et Rassemble-
ment national démocratique) sont régulièrement interdits par les
autorités sénégalaises16. En revanche, jusqu’à son décès survenu
en 1986, et alors qu’il est privé du droit d’enseigner dans son
propre pays en raison de ses opinions politiques, Diop poursuit
une carrière d’auteur et de scientifique engagé qui lui vaut d’être
reconnu, en particulier dans les milieux militants africains et
afro-américains. Pour autant, alors que son aura d’intellectuel
pleinement engagé en faveur de la production des savoirs et
de la connaissance au service de l’action continue à stimuler
un public conscient des enjeux de la renaissance de l’Afrique,
ses travaux ne sont toujours pas enseignés dans les universités
francophones. Y compris dans celle de Dakar, qui porte pourtant
son nom (depuis 1987).
13
Une nouvelle Afrique,
autour de l’année 1960
Balkanisation
Plusieurs raisons expliquent l’échec des constructions
fédérales en Afrique. La première tient sans doute à la volonté
des puissances mondiales, à commencer par les anciennes métro-
poles, d’éviter d’avoir à traiter avec des États à la fois indépen-
dants et unis, et donc capables de leur résister plus facilement (en
s’alliant par exemple à l’ONU pour faire barrage aux décisions
des puissances dominantes). La politique française en la matière
est un cas d’école. Privilégiant les relations bilatérales avec ses
anciennes colonies africaines, la Communauté française entre
rapidement en déliquescence et mute au début des années 1960
en un réseau centralisé reliant de façon très personnalisée le
192 « Africa for the Africans ! »
«
N ous demandons un État Nègre unique, regrou-
pant l’ensemble de l’Afrique noire et de la
Caraïbe, et dans cet État nous ferons de la question raciale ce
qu’elle a été : un objet de diversité, d’approbation mutuelle, et de
compétition amicale, et non pas une excuse pour des antipathies
amères. Les Nord-Africains, aussi, s’ils le veulent, peuvent avoir
accès à cet État1… » Cette déclaration des rédacteurs du premier
numéro de La Race Nègre montre que, dès les années 1920, les
militants noirs incluent l’Afrique du Nord dans leur conception
d’un État panafricain. Reste que la place et le rôle de la partie
septentrionale du continent dans la dynamique panafricaine
demeurent incertains.
Le parcours de Frantz Fanon est une façon intéressante de
poursuivre la réflexion sur la nature du « panafricanisme », sur
son extension géographique et sur ses objectifs au tournant des
années 1960. Martiniquais, descendant d’esclaves, auteur dès
1952 d’un ouvrage retentissant, Peau noire, masques blancs, Fanon
s’installe en Algérie en tant que psychiatre en 1953. Vivant au
plus près des Algériens, il prend fait et cause pour l’insurrection
nationaliste lancée en novembre 1954 par le FLN. Bientôt exilé
en Tunisie, il voyage ensuite au sud du Sahara, notamment au
Ghana, où il représente officiellement le FLN. Brillant analyste
des relations raciales, militant de la révolution algérienne et
théoricien de la révolution africaine, Fanon se situe, en somme,
aux carrefours des « Afriques ».
Frantz Fanon, au carrefour des Afriques 195
Panarabisme, panafricanisme
Kwame Nkrumah n’est pas le seul dirigeant afri-
cain, ni même le premier, à mener une politique résolument
panafricaine. Avant lui, Gamal Abdel Nasser, arrivé au pouvoir
en Égypte en 1952, s’était illustré dans ce domaine. Partisan du
non-alignement sur les superpuissances, figure centrale de la
conférence de Bandung en 1955, vainqueur des puissances colo-
niales coalisées contre lui (Grande-Bretagne, France, Israël) lors
de la crise de Suez en 1956 et champion de l’indépendance totale
– à la fois politique et économique – des territoires colonisés,
Nasser apparaît aux yeux de nombre de militants nationalistes
comme un héros. Au milieu des années 1950, les peuples arabes
et africains regardent le régime nassérien comme un exemple
et un modèle.
Déterminé à aider les mouvements de libération à sortir des
griffes coloniales, Nasser accueille leurs militants et les soutient
financièrement, politiquement et militairement. Le Caire devient
ainsi une base arrière pour les combattants du FLN algériens qui
mènent une lutte acharnée contre l’armée française. C’est là que
les responsables de l’UPC, expulsés du Cameroun, trouvent égale-
ment refuge. Nasser mène ainsi une politique panafricaine indé-
pendante2. Un Haut comité pour les affaires africaines est créé
au Caire en 1956. L’Égypte donne des bourses aux étudiants afri-
cains, accorde l’asile aux nationalistes africains et à leurs proches.
Avec des programmes en haoussa, swahili et amharique, Radio
Le Caire, dont les puissantes ondes touchent une bonne partie
de l’Afrique, devient une antenne de propagande anticolonialiste.
Nasser finance également des conférences diplomatiques et cultu-
relles, et héberge la conférence afro-asiatique de 1957.
Mais Nasser n’est pas seulement panafricain. Il milite aussi, et
surtout, pour l’union des peuples arabes. Renonçant à un projet
d’Union des États du Nil avec le Soudan, voire avec l’Ouganda,
il se tourne vers la Syrie pour fonder avec elle, en février 1958,
la République arabe unie (RAU), conçue comme la première
étape d’un grand État panarabe. Au moment où s’organise la
Conférence des peuples africains, en décembre 1958, les che-
196 « Africa for the Africans ! »
Lumumba à Accra
D’origine tetela, un petit groupe installé dans la pro-
vince du Kasaï, au centre du Congo, Lumumba est éduqué dans
les missions chrétiennes, catholiques et protestantes. Après avoir
occupé des fonctions subalternes dans une société minière, il
trouve un poste d’employé de bureau à Léopoldville (Kinshasa).
En 1956, revenant d’un court séjour en Belgique, il est arrêté,
jugé et condamné à douze mois de prison pour détournement
de fonds dans une affaire liée à son travail à l’Office des chèques
postaux. C’est au cours de sa détention qu’il rédige son ouvrage
Le Congo, terre d’avenir, qui espère-t-il, aidera Belges et Congolais
à réaliser « une entente fraternelle afin d’aboutir, par voie de
conséquence, à une union définitive 1 ».
En 1957, Lumumba prend en charge la direction commerciale
d’une grande brasserie. Il fréquente alors les bars de la capi-
tale, animés par des groupes de musique panafricains comme
l’orchestre African Jazz de Joseph Kabasellé. De l’autre côté du
fleuve Congo, à Brazzaville, l’indépendance vis-à-vis de la France
est déjà discutée. Le jeune homme, qui préside ou participe à
plusieurs cercles de débats, décide de fonder en octobre 1958
le Mouvement national congolais (MNC). Encore modéré et
réformiste, le MNC cherche néanmoins à combattre résolument
toutes les formes de division à l’intérieur du Congo. Convaincu
qu’il est important d’implanter le mouvement dans toutes les
régions du pays, Lumumba se distingue de la classe politique de
l’époque, qui s’inscrit plus volontiers dans un cadre « ethnique ».
Son séjour à Accra, en décembre 1958, va définitivement faire
basculer Lumumba dans l’anticolonialisme et le panafricanisme.
Se rendant à la conférence panafricaine d’Accra, les délégués du
Mouvement panafricain de libération d’Afrique centrale et orien-
206 « Africa for the Africans ! »
ler d’une seule voix, les États africains indépendants ont enté-
riné une décision lourde de conséquences en laissant l’ONU
intervenir et s’installer au Congo. En effet, à partir du moment
où les puissances dominantes peuvent intervenir en Afrique
sous couvert de l’ONU, quelle marge de manœuvre reste-t-il
aux Africains ?
Paradoxalement limité par son indépendance juridique, qui
lie son destin aux aléas de l’armée congolaise embryonnaire,
Lumumba ne disposait pas de la même marge de manœuvre que
ses agresseurs. Alors que Tshombé a usé de son « indépendance »
pour recruter des mercenaires blancs, belges et sud-africains, afin
de renverser le gouvernement central, Lumumba, chef d’un gou-
vernement indépendant et respectueux du droit international,
s’est tourné vers la seule instance légitime pour régler la crise
politique et sécuritaire. Alors que les mercenaires obéissaient à
Tshombé, ou en tout cas à celui qui les payait, l’ONU est inter-
venue en avançant sa neutralité, et donc en refusant d’obéir à
Lumumba et de reconnaître implicitement sa légitimité. Dépen-
dants de New York et non de Léopoldville, les « casques bleus »
envoyés au Congo n’étaient par conséquent pas « neutres » et
favorisaient, en pratique, les adversaires de Lumumba. « Le tort
de Lumumba, explique Frantz Fanon en février 1961, a été […]
de croire en l’impartialité amicale de l’ONU. Il oubliait singuliè-
rement que l’ONU, dans l’état actuel, n’est qu’une assemblée de
réserve, mise sur pied par les grands, pour continuer entre deux
conflits armés la “lutte pacifique” pour le partage du monde10. »
Si les nationalistes africains se déchaînent, à juste titre, contre
l’impérialisme des puissances occidentales et l’impuissance cou-
pable de l’ONU, certains d’entre eux ont conscience que la crise
congolaise illustre l’échec d’un « panafricanisme » purement
incantatoire. Fanon, comme Nkrumah après lui reconnaissent
que les pays africains n’auraient jamais dû laisser l’ONU interve-
nir au Congo, ni envoyer leurs troupes sous couvert de l’ONU,
mais créer leur propre force d’intervention dans la lignée des
engagements pris à Accra en 1958, et réitérés à la conférence des
peuples africains à Tunis en janvier 1960 : constituer une légion
africaine indépendante chargée d’appuyer les peuples africains
Le crime fondateur de l’impérialisme au Congo 213
Le panafricanisme orphelin :
la chute de Nkrumah
Personnellement marqué par la guerre italo-
éthiopienne de 1935 et par la crise du Congo de 1961 qui
démontrent comment la « communauté internationale », pilotée
par les puissances dominantes, refuse de se mobiliser efficace-
ment pour l’Afrique en suivant les ordres ou les demandes des
Africains, Nkrumah comprend très tôt la menace néocoloniale
que représentent les alliances militaires qui lient les grandes
puissances, de l’Ouest ou de l’Est, avec les régimes africains
théoriquement indépendants (à l’instar des accords secrets de
défense que Paris a fait signer à ses anciennes colonies africaines
au moment des indépendances)1.
Pourtant, alors que l’écrivain Richard Wright, par exemple, lui
avait conseillé de purger son armée des éléments britanniques et
des officiers africains formés par l’ancienne puissance coloniale2,
Nkrumah décide au moment de l’indépendance de maintenir
toute la structure britannique de l’armée ghanéenne3. D’une part,
il a besoin d’une armée organisée pour peser sur la politique
continentale et, d’autre part, il estime que les officiers britan-
niques ne peuvent le trahir. Mais le doute s’installe dans son
esprit lorsqu’il envoie les troupes ghanéennes au Congo, à l’été
1960. Ces dernières, commandées par un général britannique,
Henry Templer Alexander, et un colonel ghanéen, Joseph Arthur
Ankrah, ne sont pas en mesure de défendre Lumumba4. Les
deux hommes constatent de leur côté que l’armée ghanéenne,
jusqu’alors équipée par Londres, s’approvisionne en armes auprès
de Moscou et que Nkrumah, rompant avec la tradition qui vou-
lait que les officiers ghanéens soient formés dans les académies
militaires britanniques, souhaite envoyer des hommes en for-
mation en URSS. Redoutant le virage socialiste de Nkrumah,
les officiers britanniques expliquent qu’une armée ghanéenne
hybride, disposant à la fois du matériel soviétique et britannique,
formée à Londres et à Moscou, ne peut fonctionner. Quant
aux États-Unis, qui savent en outre que Nkrumah a lancé la
construction d’une piste d’atterrissage dans le nord du Ghana
228 « Africa for the Africans ! »
De l’indépendance à la self-reliance :
l’échec d’un « développement » alternatif
Alors que tous les pays anglophones avaient refusé
l’idée d’une armée commune du Commonwealth britan-
nique, le Kenya, voisin de la Tanzanie, signe à l’indépendance
(décembre 1963) des accords militaires bilatéraux avec Londres.
La décision du Kenya d’accueillir sur son sol des armées occiden-
tales, et de servir ainsi de base militaire en mesure de soutenir des
opérations de déstabilisation dans la région, contraint Nyerere à
convoquer un sommet spécial de l’OUA9 et l’incite à rompre avec
ses alliances militaires antérieures. Constatant que des mutineries
éclatent en juin 1965 à la veille d’une tournée dans la région
du chef de la diplomatie chinoise Zhou Enlai, Nyerere décide
de renforcer ses relations avec la Chine et d’expulser les troupes
britanniques, et obtient de l’OUA l’envoi d’un contingent de
soldats nigérians le temps de fonder une armée nationale. Triom-
phalement réélu, Nyerere décide en décembre 1965 de rompre
ses relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne à la suite
du refus de Londres de condamner la déclaration d’indépen-
dance unilatérale du pouvoir blanc en Rhodésie. Immédiate-
ment, Londres gèle une aide financière promise à la Tanzaniea.
S’éloignant progressivement des puissances occidentales,
Nyerere décide d’approfondir sa politique progressiste et origi-
nale inspirée du socialisme et des valeurs de solidarité africaines
(Ujamaa). En février 1967, Nyerere rompt explicitement avec
le modèle néocolonial en prononçant la déclaration d’Arusha,
un programme qui entend faire de la Tanzanie un État socia-
liste, non aligné et autosuffisant, militairement engagé auprès
des mouvements de libération africains. Le concept clé du pro-
gramme de Nyerere est celui de self-reliance (« autonomie »), qui
vise à rompre avec les modèles de développement extraverti
a Par ailleurs, en 1965, Bonn rappelle son ambassadeur pour protester contre
l’ouverture d’une ambassade de République démocratique allemande (RDA)
à Dar es Salaam. Des négociations conduisent la RDA à se contenter d’un
consulat mais la République fédérale allemande (RFA) retire néanmoins son
aide militaire à la Tanzanie.
De Nkrumah à Nyerere : la relève panafricaine ? 233
e
L e Portugal est la première puissance européenne
à s’être installée sur le continent africain, dès le
XV siècle, et le dernier empire colonial classique à s’effondrer,
au mitan des années 1970, au terme de plusieurs luttes armées
qui affectent à des degrés variables l’ensemble des territoires
placés sous sa dépendance : Mozambique, Angola, Guinée-Bissau,
Cap-Vert, São Tomé et Principe.
Lorsque António de Oliveira Salazar prend le pouvoir à Lis-
bonne en 1926, il renforce le contrôle sur les colonies. La culture
coloniale portugaise est si forte que le Portugal reste convaincu,
à la fin des années 1940, que ses territoires coloniaux ne seront
pas touchés par les mouvements nationalistes et indépendan-
tistes qui émergent un peu partout en Afrique. Cette conviction
repose en particulier sur l’idée que le Portugal apporte la « civi-
lisation » aux colonisés, ce qui justifie la mise en place dans les
années 1920 et 1930 d’un système racial séparant les Africains
« assimilés » (assimilados), qui ont reçu les bases d’une éducation
leur permettant d’avoir plus de droits et d’occuper parfois des
positions dans l’administration coloniale, des autres indigènes
(indígenas), privés de tous droits et soumis au travail forcé (qui
ne sera aboli qu’en 1962).
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Portu-
gais sont pourtant très en retard dans le calendrier de ce qu’ils
considèrent comme leur « mission civilisatrice ». À São Tomé et
Principe, ils n’ont encore ouvert aucun lycée. En Angola et au
Mozambique, les seules institutions ouvertes en annexes à l’uni-
versité de Coimbra sont destinées aux fils de colons. Par consé-
« A luta continua ! » S’unir pour expulser… 239
Unidade e libertação !
En même temps qu’ils s’engagent tour à tour dans la
lutte armée, les différents mouvements nationalistes d’« Afrique
portugaise » poursuivent leur rapprochement. À la conférence
panafricaine des peuples de Tunis, en janvier 1960, le Mouve-
ment anticolonialiste (Movimento anti-colonialista, MAC), qui
réunit le PAIGC et le MPLA, devient le Front révolutionnaire
africain pour l’indépendance nationale des colonies portugaises
(FRAIN) qui se transforme, après l’adhésion en 1962 du FRELIMO
mozambicain, en Conférence des organisations nationalistes des
colonies portugaises (Conferência das Organizações Nacionalistas
das Colónias Portuguesas, CONCP). Cette évolution permet de
restructurer politiquement des mouvements de libération qui,
en plus de leur ennemi commun, le Portugal, contestent les
structures néocoloniales et impériales américaines, britanniques,
françaises et sud-africaines qui tirent des bénéfices du colonia-
lisme portugais.
Bénéficiant du recul qui a manqué aux nationalistes qui
les ont précédés sur le continent, les mouvements révolution-
naires d’Afrique portugaise savent en effet que le colonialisme
peut se perpétuer malgré les « indépendances » politiques. Ils le
constatent notamment pendant la crise du Congo, lorsque Sala-
zar, confronté dès 1961 à la rébellion des nationalistes angolais,
encourage la sécession du Katanga pour contrer le soutien décisif
que Lumumba avait promis aux combattants anticolonialistes
d’Angola (avec lequel le Congo partage 2 500 km de frontière).
Par le jeu des alliances ethniques et du mercenariat, des Katan-
gais s’engagent, aux côtés des Portugais, dans le combat contre
les nationalistes angolais. Alors que Salazar tente d’écraser les
nationalistes angolais au plus vite (dès avril 1961, il envoie des
troupes supplémentaires, avec le soutien logistique de l’OTAN),
ces derniers, instruits par la longue lutte des Algériens, qui
s’achève victorieusement en 1962, et confiant dans leur alliance
avec leurs homologues lusophones, qui s’apprêtent à déclencher
leur propre insurrection dans leurs territoires respectifs, savent
qu’ils doivent installer le conflit dans la durée.
« A luta continua ! » S’unir pour expulser… 243
Angola et Mozambique :
de la guerre de libération au chaos ?
Le cas de l’Angola et du Mozambique est plus com-
plexe en raison de la présence d’un nombre important de colons
portugais. En Angola, sur un peu moins de 5 millions d’habitants
en 1960, on dénombre un peu plus de 170 000 Portugais. Au
Mozambique, ils sont 97 000 sur une population totale dépassant
les 6 millions. Et, surtout, cette minorité détient le pouvoir éco-
nomique et politique, impose son agenda culturel en se fondant
sur le racisme, et exploite sans honte les populations africaines.
Le MPLA, qui entend construire la nation et réunir tous les
Angolais sans distinction ethnique, est concurrencé par l’Union
des populations du nord de l’Angola (União das populações do
norte de Angola, UPNA), fondée en 1957 dans le pays bakongo,
à cheval sur les territoires coloniaux français, belge et portugais.
Très rapidement, l’UPNA élargit sa base pour devenir en 1962,
le Front national de libération de l’Angola (Frente nacional de
libertação de Angola, FNLA). Entre-temps, le leader du FNLA,
Holden Roberto, obtient le soutien des États-Unis pour prendre
la tête d’un Gouvernement de la République d’Angola en exil
(GRAE) installé à Léopoldville, tandis que les Portugais cherchent
le soutien du régime de Pretoria. L’Angola devient la courroie
de transmission de l’impérialisme entre le Congo et l’Afrique
du Sud6.
Cet enjeu devient manifeste lorsqu’en 1966 Jonas Savimbi
quitte le FNLA pour fonder l’Union nationale pour l’indépen-
dance totale de l’Angola (União nacional para a independência
total de Angola, UNITA). Développant un discours révolution-
naire maoïste avec des relents de tribalisme, l’UNITA profite de la
propagande raciste des Portugais pour recruter des combattants,
au détriment du MPLA ou du FNLA. Traversés par des questions
relevant de l’ethnie, de l’origine sociale et de la couleur de peau,
« A luta continua ! » S’unir pour expulser… 245
Malcolm X et l’internationalisation
de la question noire
L’influence de Malcolm X sur la scène afro-américaine
et panafricaine est souvent présentée en opposition à celle de
Martin Luther King. Elles sont en réalité plus complémentaires
qu’on ne le pense généralement. Rosa Parks, dont l’acte de
désobéissance civique l’inscrit dans le courant non-violent de
King, a toujours soutenu être plus proche de l’esprit de résis-
tance incarné par Malcolm X6. Reste que la pensée de ce der-
nier a beaucoup évolué avec le temps, passant du séparatisme
à l’internationalisme.
Fils d’un militant garveyiste assassiné par le Ku Klux Klan7,
Malcolm Little connaît une jeunesse difficile puis un séjour de
six années en prison, qu’il met à profit pour se former en auto-
didacte, parcourant de nombreux livres d’histoire. En 1952, en
sortant de prison, il adopte l’initiale « X » pour effacer son nom
de famille hérité de l’esclavage, et il rejoint Nation of Islam
(NOI) dont il devient rapidement le porte-parole. Organisation
séparatiste créée en 1930 à Detroit, NOI, qui est alors dirigée
par Elijah Muhammad, le fils du fondateur, recrute et forme
des milliers de jeunes Noirs grâce à un programme d’action et
de réinsertion économique et sociale, une discipline paramili-
taire et une doctrine politico-religieuse. L’organisation soutient
notamment que l’année 1955 marque la fin de quatre siècles
d’esclavage des Noirs en Amérique, et le moment de reprendre
le contrôle de leur destinée. Prônant la mise en place, sur le
sol américain, de territoires indépendants peuplés et dirigés par
les Noirs, le discours ambigu de Muhammad semble valider un
système de ségrégation contre lequel la grande majorité des
mouvements noirs se battent à l’époque. En outre, en refusant
tout contact avec les Blancs, Nation of Islam demeure dans une
position apolitique qui la rend finalement moins radicale que
la non-violence de King.
256 « Don’t agonize, organize ! »
La Jamaïque et le tournant
des « émeutes Rodney » (1968)
L’autre île qui semble en mesure de suivre la révolu-
tion cubaine est la colonie britannique de la Jamaïque, peuplée
à plus de 90 % de Noirs, mais dominée par une élite blanche
et mulâtre. Ayant rejeté, à l’occasion d’un référendum organisé
en septembre 1961, le projet d’une Fédération regroupant les
dix territoires antillais britanniques, la Jamaïque prend son indé-
pendance un an plus tard. Inféodé aux États-Unis, entretenant
un climat de violence politique et sociale, le régime jamaïcain
se désintéresse de l’Afrique et persécute les disciples de Garvey,
le groupe social des Rastafaris et tous les militants qui se reven-
diquent du Black Power1.
Après avoir enseigné et vécu dans la Tanzanie de Nyerere,
l’historien guyanien Walter Rodney retourne en Jamaïque en
janvier 1968 pour enseigner à la University of the West Indies
(UWI), où il avait été étudiant au début des années 19602. Sous
son impulsion académique et militante, une grande partie de la
jeunesse de la classe moyenne jamaïcaine découvre ses affinités
avec l’histoire culturelle de l’Afrique et avec l’esprit d’insou-
mission et de critique anticonsumériste des Rastafaris. Dans les
amphithéâtres comme dans les rues des quartiers défavorisés
de Kingston, des centaines de personnes de toute classe sociale
assistent aux conférences de Rodney sur le Black Power et la
révolution africaine dans le contexte de la Caraïbe3. Rodney
bénéficie du soutien critique des doyens du mouvement rastafari,
qui avaient montré leur popularité en assurant la médiation
entre la foule et les autorités débordées lors de la visite d’Hailé
Sélassié à Kingston le 21 avril 19664.
Le 14 octobre 1968, alors que Rodney est à Montréal pour
participer à la Conférence des écrivains noirs, aux côtés de
C.L.R. James et de Stokely Carmichael, son titre de séjour est
annulé par les autorités jamaïcaines5. Depuis le Québec, il pro-
nonce un discours acerbe à l’encontre du gouvernement et de
la bourgeoisie néocoloniale jamaïcains. Deux jours plus tard, les
étudiants et amis de Rodney organisent à Kingston une marche
La Caraïbe et l’Amérique du Sud… 269
Le quilombisme et la critique
des relations Afrique-Brésil
Au moment de son intervention, Abdias do Nasci-
mento a déjà plus de trente ans de militantisme derrière lui.
Lorsqu’en 1944 il fonde à Rio le Théâtre expérimental du Noir
(Teatro experimental do Negro, TEN), do Nascimento veut faire
de ce « laboratoire d’expression culturelle et artistique » un outil
pour combattre les stéréotypes racistes, former des Noirs illettrés
et dégager des revenus pour financer de manière indépendante
des conférences et d’autres activités. Cette recherche de l’auto-
nomie le place dans la tradition des quilombos, ces « commu-
nautés de survie » dans lesquelles se retrouvaient les Africains
en fuite, du temps de l’esclavage, pour reconstruire leur liberté
de manière collective et indépendante15. Progressivement, le
quilombisme est devenu l’expression d’un mouvement socio-
274 « Don’t agonize, organize ! »
Vers un afro-bolivarisme ?
Au Mexique et en Amérique centrale, notamment au
Panama et au Belize, la présence africaine est encore très visible
dans le phénotype. Dans les pays andins, où ils représentent
jusqu’à 15 % de la population, au Venezuela et en Colombie, où
30 % à 40 % des habitants ont des origines africaines, les Noirs
fondent plusieurs organisations sociales et culturelles. Mais, à
l’exception de quelques percées liées à la diffusion des écrits de
Garvey, ils sont globalement restés en dehors de la dynamique
panafricaine, pour des raisons géographiques ou linguistiques.
Dans les années 2000, alors qu’une vague de régimes socialistes
arrive au pouvoir, les populations noires de Colombie, du Vene-
zuela, d’Équateur, du Pérou, d’Uruguay et d’Amérique centrale
bénéficient d’une renaissance culturelle et sociale importante.
a Cette demande, qui avait été proposée une première fois au congrès panafri-
cain de 1974, n’est acceptée par l’Union africaine qu’en janvier 2013.
La Caraïbe et l’Amérique du Sud… 277
Festivals culturels
et organisations scientifiques panafricains
Du 1er au 21 avril 1966, sous l’égide du président
sénégalais Senghor, des écrivains, des artistes, des troupes de
danse, de théâtre, de musique d’Afrique, des Amériques et de la
Caraïbe se retrouvent à Dakar à l’occasion du Festival mondial
des arts nègres (FESMAN). L’intitulé thématique du FESMAN
est : « Fonction et importance de l’art nègre et africain pour les
peuples et dans la vie des peuples ». Dans la lignée des travaux
posés par la SAC, le FESMAN est l’occasion de dresser un vaste
panorama des formes de créativité de l’Afrique et de la diaspora,
et de plaider pour une coopération culturelle et scientifique.
Néanmoins, la rencontre ne fait pas l’unanimité, et une diver-
gence de fond apparaît entre Senghor et Césaire. Dès le discours
d’ouverture, Senghor rappelle qu’il a voulu organiser ce festi-
val « pour la défense et l’illustration de la négritude3 ». Aimé
Césaire lui répond dans son allocution que le mot « négritude »
est une « notion de divisions » quand il n’est pas remis dans le
contexte historique des années 1930 et 1940. Pour Césaire, avant
de demander aux artistes de « travailler à sauver l’art africain »,
les politiques doivent d’abord faire de la « bonne politique afri-
caine », pour « une Afrique où il y a encore des raisons d’espérer,
des moyens de s’accomplir, des raisons d’être fiers […]4 ». Dénon-
çant la dérive bureaucratique et l’endoctrinement idéologique
qui gangrène les politiques culturelles en Afrique, Césaire se fait
le porte-parole de tous ceux qui réclament une certaine liberté
politique et matérielle pour que l’Afrique puisse développer sa
propre expertise en matière artistique.
À ces réserves, il convient d’ajouter les critiques adressées à
Senghor par une opposition sénégalaise communiste persécutée,
le boycott de pays essentiels comme Cuba, ainsi que la Guinée-
Conakry qui dénonce un « Festival des sales nègres ». D’autres
Festivals culturels et chants de libération 281
trouvons que cette crise est tout à fait normale. Elle arrive
peut-être même avec un peu de retard12.
a Avec le Nigeria, qui fournit le gros du contingent, tous les États membres
et non belligérants de la CEDEAO apportent des soldats, et deux pays hors
zone, l’Ouganda et la Tanzanie, déjà engagés dans des opérations de stabi-
lisation en Afrique centrale, se joignent à l’ECOMOG.
23
De la Conscience noire de Steve Biko
à la Renaissance africaine
de Nelson Mandela
La Conscience noire
et la révolte des townships (1976)
Au début des années 1960, des parents sud-africains
noirs inquiets de voir les résultats scolaires catastrophiques de
leurs enfants s’organisent contre la discrimination dans l’accès
à l’éducation. Ils constatent notamment que l’éducation donnée
à leurs enfants les maintient dans un complexe d’infériorité qui
empêche leur développement intellectuel et social. Devenus des
étudiants, les lycéens de cette génération se désolidarisent de
l’Union nationale des étudiants sud-africains (National Union of
South African Students, NUSAS), jugée trop libérale et conciliante
dans son credo multiracial.
Certes, les délégués chargés des relations internationales de
la NUSAS soulignent l’apport positif du panafricanisme dans la
lutte contre l’apartheid. Mais, selon leur définition, le panafri-
canisme réunit toutes les personnes qui, ressortissantes d’un
État africain, désirent se battre pour l’autonomie politique,
l’indépendance économique et l’utilisation des ressources dans
l’intérêt des populations6. En pleine période de nationalisme
noir, cette définition, qui évite à la NUSAS de faire allusion à la
question raciale pour ne pas froisser le courant étudiant blanc
et libéral qui la domine, irrite particulièrement les étudiants et
militants noirs du PAC, qui décident donc de fonder, en 1969,
l’Organisation des étudiants sud-africains (South African Stu-
dents’ Organisation, SASO)7. Dirigée par Steve Biko, un étudiant
contestataire renvoyé de l’école de médecine de l’université du
Natal, la SASO fait alliance avec un autre regroupement d’asso-
312 « Don’t agonize, organize ! »
De la mobilisation internationale
à la création de la ligne de front (1977-1984)
Le 12 septembre 1977, le décès de Steve Biko, à la suite
de tortures infligées en détention, et l’interdiction de la SASO
et de la BPC constituent, note Nelson Mandela, « le premier
clou dans le cercueil de l’apartheid11 ». Dans la clandestinité,
les militants noirs sud-africains mettent sur pied le groupe para-
militaire de l’Organisation du peuple azanien (Azanian People’s
Organisation, AZAPO). Confronté à cette nouvelle organisation,
bien plus radicale que l’ANC, et à la pression internationale, de
plus en plus forte, le gouvernement de John Vorster réplique
en déclarant l’indépendance des bantoustans afin de couper les
mouvements de libération de leur base populaire. Pour cela, le
régime flatte les autorités tribales qui dirigent cette constellation
de proto-États inféodés à l’Afrique du Sud. L’un de ces chefs
particulièrement puissant, Mangosuthu Buthelezi, est partisan
d’une Alliance noire sud-africaine (South African Black Alliance,
SABA) qui s’oppose au front multiracial de l’ANC. Buthelezi
s’appuie sur l’Inkatha, une ancienne organisation culturelle, qu’il
transforme en un parti politique nationaliste et tribaliste, chargé
de diviser les Noirs.
Dans les pays occidentaux, de nombreux militants sud-
africains animent des campagnes de boycott du régime d’apar-
theid. Puisque les puissances occidentales se montrent en
314 « Don’t agonize, organize ! »
a Cette campagne a été lancée depuis Montréal par Aziz Salmone Fall,
chercheur-militant et membre fondateur du Groupe de recherche et d’ini-
tiative pour la libération de l’Afrique (GRILA).
Mbeki, Kadhafi, Obama… L’Afrique prise au piège 333
Negro History, vol. 57, n° 1, jan- 2 Marvis C. CAMPBELL, The Mar-
vier 1972, p. 17. roons of Jamaica, 1655-1796, Ber-
3 Manning MARABLE, W.E.B. Du gin and Garvey, Grancy, 1988.
Bois, Black Radical Democrat, 3 Hazzell BENNETT et Philip SHER-
op. cit., p. 108. LOCK, op. cit., p. 93, p. 126-133.
4 Benjamin G. BRAWLEY, Africa and 4 Colin GRANT, op. cit., p. 197-198.
the War, Duffield & Co., New 5 Ibid., p. 46.
York, 1918. 6 Hakim ADI et Marika SHERWOOD,
5 Clarence G. CONTEE, loc. cit., op. cit., p. 1-6.
p. 18. 7 Thomas SOWELL, L’Amérique des
6 Joachim GOMA-THETHET, op. cit., ethnies, L’Âge d’Homme, Lau-
p. 58-61. sanne, 1983, p. 198-200.
7 Clarence G. CONTEE, loc. cit., 8 Carter G. WOODSON, The Mis-
p. 20. Education of the Negro, AMS
8 Ibid., p. 28. press, New York, 1977.
9 Joachim GOMA-THETHET, op. cit., 9 Sur « les sources et les contours
p. 61-65. de l’éthiopianisme », voir Giulia
10 W.E.B. DU BOIS, The World and BONACCI, Exodus ! L’histoire du
Africa, op. cit., p. 236-240. retour des Rastafariens en Éthio-
11 Didier MUMENGI, Panda Farnana, pie, Scali, Paris, 2007, p. 95-151.
premier universitaire congolais 10 Colin GRANT, op. cit., p. 53.
(1888-1930), L’Harmattan, Paris, 11 OIF, Le Mouvement panafrica-
2005. niste…, op. cit., p. 99-107.
12 Rayford W. LOGAN, « The histo- 12 Robert HILL, The Marcus Garvey
rical aspects of pan-Africanism. and UNIA Papers, University of
A personal chronicle », African California Press, Berkeley-Los
Forum, n° 1, 1965, p. 95. Angeles, 1983.
13 Joachim GOMA-THETHET, op. cit., 13 Colin GRANT, op. cit., p. 244 et
p. 65. suiv.
14 W.E.B. DU BOIS, The World and 14 Ibid., p. 390-393.
Africa, op. cit., p. 242-243. 15 Ibid., p. 410-412.
15 Sur l’internationalisme noir 16 George S HEPPERSON , « Pan-
et le féminisme, voir Brent Africanism and “Pan-
H. EDWARDS, The Practice of Dias- Africanism” : Some historical
pora. Literature, Translation and notes », Phylon, vol. 23, n° 4,
the Rise of Black Internationalism, 1962, p. 346-358.
Harvard University Press, Cam- 17 Colin LEGUM, op. cit., p. 24.
bridge, 2003, p. 119-186. 18 J. Ayodele LANGLEY, op. cit.,
16 Joachim GOMA-THETHET, op. cit., p. 369.
p. 65-66. 19 Ali MAZRUI, Towards a Pax Afri-
cana : A Study of Ideology and
Ambition, Weidenfeld & Nicol-
Notes du chapitre 5
son, Londres, 1967, p. 62.
(pages 77 à 90)
20 Colin LEGUM, op. cit., p. 34-36.
1 Hazzell BENNETT et Philip SHER- 21 Maboula SOUMAHORO, « La cou-
LOCK , The Story of Jamaican leur de Dieu ? Regards croisés
People, Ian Randle, Kingston, sur la Nation d’Islam et le Ras-
1998. tafarisme, 1930-1950 », thèse de
344 Africa Unite !
RANDOLPH, Asa P., 81, 129, 132, 163 SENGHOR, Léopold S., 115, 119, 146,
RANGER, Terence, 235 147, 173, 176, 178, 179, 184, 185,
RAWLINGS, Jerry, 299 189, 198, 216, 217, 220, 224, 241,
RAY, John, 164 272, 280, 289, 310, 347
REAGAN, Ronald, 315 SHACKLEFORD, Amos, 96
RIBEIRO, A.F., 55 SHARP, Granville, 20, 21
RIST, Gilbert, 233, 350, 353 SHARPE, Sam, 77
ROBERTO, Holden, 244 SHEPPARD, William, 69
ROBERTS, Isaac J., 110 SHEPPERSON, George, 85, 343
ROBESON, Paul, 126, 144, 176, 281 SHIVJI, Issa, 237, 321, 354
ROBOROKO, Peter, 308 SIMONE, Nina, 293
RODNEY, Walter, 234, 236, 237, 268- SISULU, Walter, 308
270, 272, 295, 340, 350-352 SMITH, Ian, 228, 315
ROGOSIN, Lionel, 288 SMITH, Tommie, 314
ROOSEVELT, Franklin D., 132, 134, SOBUKWE, Robert, 308
136 SOGLO, Nicéphore, 305
ROUSSEF, Dilma, 276 SOLANKE, Ladipo, 169, 170
RUBUSANA, Walter, 61 SOMERSET, James, 20-22
RUSSWURM, John B., 27, 106 SOMOZA, Anastasio, 270
STALINE, Joseph, 127, 134
STANLEY, Henry M., 48
S STOKES, Phelps, 143
SUKARNO, Ahmed, 266
SADAUKAI, Owusu, 264 SUTHERLAND, Bill, 253, 350
SAJOUS, Léo, 115 SYLVAIN, Bénito, 41, 42, 53-56, 58,
SALAZAR, António, 238, 242 124, 341
SAM, Chief, 91 SYLVESTER-WILLIAMS, Henry, 52-55, 58,
SANKARA, Thomas, 294-306, 325, 351, 59, 61, 124
353
SARTRE, Jean-Paul, 115, 200, 348
SAVAGE, R. Akiwande, 55, 106 T
SAVIMBI, Jonas, 244, 302
SCHOLES, Theophilus E.S., 52, 342 TAMBO, Oliver, 308
SCHOMBURG, Arthur, 69, 113, 114 TAYLOR, Ian, 324, 354
SCOTT, Dred, 29 TEMPELS, Placide, 179
SEAGA, Edward, 285 TÉTÉ, Étienne, 119
SEALE, Bobby, 260 TITO, Josip, 266
SÉKOU TOURÉ, Ahmed, 160, 187-189, TOUSSAINT LOUVERTURE, 25, 341
192, 199, 210, 218, 224, 228, 261, TOWA, Marcien, 282
290, 310, 349 TRAORÉ, Moussa, 300
SEKYI, Kobina, 89, 99, 100, 109, 135 TROTSKI, Léon, 127
SÉLASSIÉ, Hailé, 84, 128, 129, 218, TSHOMBÉ, Moïse, 207, 209, 210, 212
267, 268, 283, 284, 289, 309 TSIRANANA, Philibert, 220
SEME, Pixley I., 46 TUBMAN, Harriett, 29
SENGHOR, Lamine, 116, 121, 122 TUBMAN, William, 162, 189, 216, 310
362 Africa Unite !
Introduction. Le panafricanisme,
une histoire vagabonde 5
Penser l’« Afrique » 6
L’empreinte de l’esclavage 8
Du pan-négrisme à l’unité africaine :
une histoire des panafricanismes 10
I. « Back to Africa ! »
Du pan-négrisme au panafricanisme
(de la fin du XVIII e siècle aux années 1930)
2. Intégration ou émigration ?
Le dilemme des Noirs du « Nouveau Monde » 29
Douglass et Delany : quel avenir
pour les Noirs aux États-Unis ? 30
Commerce, éducation : favoriser l’émigration 32
Blyden, l’émancipation par la colonisation ? 33
366 Africa Unite !
6. « Je n’abandonnerai pas
un continent pour une île ! »
Le mouvement garveyiste en Afrique 91
L’UNIA au Liberia :
l’impossible retour en Afrique ? 92
Influences et répression du garveyisme
en Afrique 96
« Américaniser l’Afrique »
ou « africaniser l’Amérique » ? 98
7. Organiser le panafricanisme
depuis l’Afrique.
Le Congrès national de l’Afrique
de l’Ouest britannique (NCBWA) 101
Joseph Ephraim Casely-Hayford 103
Le parti d’une intelligentsia ouest-africaine 105
Réforme constitutionnelle
et fractionnements territoriaux 108
Une élite dépassée par la crise économique
et les inégalités sociales 110
9. Du soutien à l’Éthiopie
au congrès de Manchester 124
Entre communisme et anticolonialisme :
George Padmore et C.L.R. James 124
La guerre italo-éthiopienne 127
La Seconde Guerre mondiale
et la question coloniale 131
Le tournant du congrès panafricain
de Manchester (1945) 134
Une nouvelle génération 137
368 Africa Unite !