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Explication linéaire – texte1 – COLETTE, Sido.

Introduction :

Parler de soi , des autres , des membres de sa famille, en respectant les critères de vérité et de
sincérité , tels semblent être les objectifs visés par tout auteur qui s’attache à livrer une partie de ses
souvenirs. Colette s’y attelle lorsqu’elle décide de rendre hommage à sa mère à travers le recueil de
textes, Sido.(1930).il s’agit pour l’écrivain de donner une représentation la plus conforme possible de
la personne que fut sa mère , avec pour but ou risque d’en faire un personnage littéraire. L’extrait
situe le personnage de la mère dans ces allers -retours incessants entre Paris et la Province : COLETTE
goûte à l’exercice, s’empare de la matière et offre un portrait haut en couleurs de Sido. L’extrait se
décompose en trois moments , correspondant chacun à un paragraphe ; le premier paragraphe est
une tentative de définition de ce que peut être l’amour de la Province légué par Sido à sa fille ; le
deuxième paragraphe est une description des loisirs parisiens dont était friande Sido ; le troisième et
dernier paragraphe est une description de la mère retrouvant ses enfants après son escapade
parisienne. En quoi cet extrait, fondé sur l’opposition Paris/Province est-il une défense de l’affection
maternelle manifestée par Sido ? Nous analyserons tout d’abord les thèmes qui fondent cet amour
de la Province ; nous parcourrons ensuite les attraits de Paris pour mieux comprendre les escapades
maternelles ; nous évaluerons ensuite l’intensité de l’affection maternelle.

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Mouvement1 :

Une formule soigneusement rédigée pour mieux introduire ce qui fonde la séduction provinciale ,
pour tenter de cerner l’amour de la province : COLETTE , par cette négative , à l’irréel du passé , fait
entrer le lecteur dans un lointain passé , celui des premiers moments de partage entre Sido et ses
enfants , celui où l’adulte transmet à l’enfant ce qui lui permettra de gagner en indépendance , au
cours de sa vie = la liberté , semble-t-il , pour preuve celle prise par COLETTE en personne , lorsqu’elle
inverse l’ordre des formes verbales , et que nous restituons dans l’ordre = « je crois qu’elle m’eût
donné » … « l’amour de la province ». la chose paraît simple et pourtant : COLETTE va se livrer au fil
des lignes de ce paragraphe à une définition de cet amour. La construction binaire majeure , sur
laquelle repose cette présentation trahit la difficulté à dire en toute simplicité cet amour : la
rhétorique fonctionne , à défaut de laisser éclater une définition claire et précise. La série
d’oppositions permet à l’écrivain de laisser libre cours à toute une palette de substantifs, de faire
résonner toutes les possibilités de définition : et le lecteur se plaît à jouer avec COLETTE : est-ce un
« lieu, une région éloignés de la capitale » ? est-ce un esprit de caste, une pureté obligatoire des
mœurs, l’orgueil d’habiter une demeure ancienne …. » d’entrée de jeu le lecteur perçoit la volonté
d’opposer la Province à Paris pour mieux faire résonner l’amour de la province ; dans un second
temps la caractérisation des lieux , la version idéalisée que livre COLETTE semble enfermer l’espace
de la Province dans une vision topique ; à trop vouloir décrire la province le risque est grand de
l’enfermer dans une vision faussée , trop littéraire , voire désuète. La correction dont elle fait preuve
en écrivant cette vision risque de retenir l’avènement de la vérité : une trop belle vision littéraire
fausse la sincérité du passage= une construction en opposition, ouvrant sur les régimes d’expansion,
fidèlement organisés chacun, derrière leur nom, « greniers aérés, fenil empli, maîtres façonnés, à
l’usage et à la dignité de leur maison » offre une vision distanciée qui risque de priver la scène de
toute possibilité d’effusion. Pourtant le paragraphe avait bien commencé, se déployant, telle une
rêverie, sur les lieux du souvenir maternel ,guidé par l’assonance en [é] « pureté/honorée/aéré/
façonnés/dignité » = guider le lecteur , à travers la pureté de la restitution des souvenirs , grâce à une
écriture façonnée telle une célébration du souvenir , dans le but évident d’honorer le souvenir de
Sido.

Mouvement2 :

Et ce n’est pas Sido qui dira le contraire ! en effet dès le début de ce mouvement Sido prend les
armes : pour mieux défendre la province , elle décide , à périodes régulières, de se rendre à Paris !
rien de plus logique ! COLETTE justifie ce besoin de respirer l’air parisien par la nécessité de donner
une nouvelle secousse d’énergie à la torpeur qui s’emparerait aisément de tout provincial qui se
risquerait à ne jamais quitter sa province : la distance regénère le lien entre l’individu et son milieu !
raison pour laquelle le lecteur semble distinguer une opposition entre les apposés et le groupe
sujet/groupe verbal complet « vraie provinciale , charmant mère » (comme si les deux apposés
allaient de pair) s’opposent parfaitement aux « yeux de l’âme rivés sur Paris ». les artifices parisiens
ne semblent pas effrayer Sido : « théâtres, fêtes , modes » , elle semble se conduire , telle une vraie
Parisienne ! pourtant , la relation qu’elle entretient avec ces passe-temps éphémères , est étrange :
elle manifeste à leur égard , une « passion un peu agressive « : l’euphémisme est habile : que
dissimule-t-il en vérité ? la Provinciale n’est pas loin : elle ne semble pas savoir adopter le bon ton ,
dès lors se livre-t-elle à des « coquetteries , des bouderies » qui font office d’ »approches
stratégiques et danses de guerre » = la scène paraît comique : le lecteur imagine aisément cette
Provinciale qui débarque à Paris et qui pour masquer son ignorance du ton à adopter se montre plus
agressive que nature. l’hyperbole a le mérite de nous donner à imaginer une scène cocasse , à
défaut de nous aider à mieux analyser les mœurs parisiennes. Le séjour à Paris introduit la
métaphore de la nourriture , de toutes sortes : « chocolat en barre, denrées exotiques, étoffes en
coupons , programmes de spectacles , essence à violette »le caractère hétéroclite de ces provisions
se justifie par la distance qui sépare Paris de la Province ; l’exotisme des produits rapportés , leur
étrangeté est relative : beaucoup de ces produits ne sont exotiques qu’aux yeux de la Provinciale et
manifeste une méconnaissance des pratiques du moment ; l’habileté de COLETTE est de les placer au
même rang que les produits spécifiquement « exotiques ».en ce sens la scène devient dramatique. Le
sentiment que développe Sido est à la mesure de cette étrangeté que l’on ressent face aux produits
dont on manque chaque jour : les produits deviennent attrayants , tels des produits rares ou de luxe.

Mouvement3 :

Le séjour parisien est riche en sollicitations de tous genres : l’énumération suggère l’étendue des
découvertes proposées à tout Provincial ou étranger, et fournit de surcroît la liste des dernières
tendances à la mode : « la momie » (inévitablement) « exhumée », le musée (forcément) « agrandi »,
le « nouveau magasin » (pourquoi aller dans un magasin ouvert depuis longtemps), le « ténor » (du
moment suppose-t-on ?), « la conférence sur La Musique Birmane (de bien entendu).la variété des
produits féminins rapportés est du même registre , il n’y a rien à comprendre : s’entremêlent « un
manteau modeste, des bas d’usage, des gants très chers ». la liste a le mérite de faire sourire , le
lecteur se dit que tels sont bien les usages des Provinciaux ! mais l’essentiel n’est pas là ; COLETTE
réserve le moment le plus important pour la fin. La métaphore de la mère-oiseau qui regagne son nid
est riche d’enseignements : Sido est de retour après un séjour qui n’a pas duré longtemps mais, telle
une mère-oiseau, elle regagne son nid « ailes battantes, inquiète de tout ce qui, privé d’elle, perdait
la chaleur et le goût de vivre ». c’est à une célébration de l’amour maternel , à laquelle se livre
COLETTE en cet instant , derrière ce « regard gris voltigeant, » , ce « teint vermeil que la fatigue
rougissait » .COLETTE , si bavarde , est sur le point de se taire , elle ne sait plus quoi dire : elle nous
livre cette dernière phrase comme une trace ultime de l’amour qu’elle professait , en retour ,à sa
mère: le passé composé solennise le moment et le sentiment : le moment est grave , la petite fille ne
sait comment réagir , aucun mot ne peut traduire ce qu’elle ressent , aucun sentiment n’est assez
fort pour rendre compte de l’instant… « l’odeur de sa pelisse (…) m’ôtait la parole et jusqu’à
l’effusion ». tout est dit.

Conclusion :

COLETTE se livre à travers ce passage à un vibrant hommage à sa mère : elle mêle style comique
(dans la narration des faits parisiens) et gravité (dans l’expression des sentiments). En ce sens elle
parvient à livrer un portrait vibrant et sincère de Sido.

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