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Fouzia Brahimi
Aix-Marseille Université
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Prévenir l’obsolescence des compétences grâce à l’outil de la formation professionnelle continue dans les entreprises, les institutions er les établissements algér View
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Fouzia BRAHIMI
Docteur en Sciences de Gestion
Laboratoire de management des entreprises
Faculté des sciences économiques, commerciales et des sciences de gestion
Université Djillali LIABES de Sidi Bel Abbès- Algérie
Fouzia13f2000@yahoo.fr
Résumé :
Cette recherche s’intéresse à la problématique de l’inégalité d’accès à la Formation
Professionnelle Continue des salariés (cadres vs professions intermédiaires) dans les grandes
entreprises privées en Algérie. Le secteur d’activité qui nous intéresse ici est le Bâtiment et
les Travaux Publics, secteur qui fait souvent appel aux entreprises étrangères pour réaliser ses
projets de construction d’envergure du fait d’un « manque de compétences des locaux » selon
les dires des décisionnels.
La Formation Professionnelle Continue est rarement abordée du point de vue du salarié. C’est
cette approche que nous allons étudier afin d’observer la perception et l’attitude des salariés
(cadres vs professions intermédiaires) face à cette activité.
Mots clés : Formation Professionnelle Continue, grandes entreprises privées, salariés (cadres
vs professions intermédiaires), difficultés liées à la FPC.
1
INTRODUCTION
Nous vivons une époque qui requiert une capacité d’apprentissage considérable, notamment
pour poursuivre des études et des formations, toujours plus exigeantes, longues et multiples,
ainsi que pour s’adapter durant notre vie professionnelle. « Les changements économiques et
sociaux des dernières décennies impliquent que la majorité des individus procèdent à des
transitions professionnelles ou des changements de carrière de plus en plus nombreux »
(Berger, 2015, p. 22). De nouvelles compétences professionnelles devront être acquises bien
au-delà de la formation initiale (Berton et al, 1991 ; Paradas, 1993 ; Barbier et al, 1996). La
formation initiale à elle seule n’est en effet pas ou plus capable de fournir les aptitudes
nécessaires à maitriser un métier évoluant avec une grande rapidité (Bonaïti et al, 2006).
Même sans véritable réorientation de carrière, d'amples capacités d’apprentissage sont
nécessaires et dans ce contexte, la formation continue s’avère de plus en plus utile, voire
essentielle. Par ailleurs, les avancées technologiques contraignent les individus à continuer
d’apprendre tout au long de leur vie (Brochier, 20015). Les qualifications professionnelles
requises deviennent alors de plus en plus exigeantes et une capacité d’apprendre élevée
s’avère indispensable actuellement (Conjard et Devin, 2004 ; Crochard, 2007, Peretti, 2007 ;
Meignant, 2009).
La Formation Professionnelle Continue trouve place dans la vie des entreprises publiques ou
privées. Et parmi ces dernières, l’importance des entreprises privées en Algérie est reconnue
par l’ensemble des acteurs (Melbouci, 2005). Leur rôle s’inscrit par leur dynamisme et leur
contribution à la croissance économique du pays (Moussaoui, 2011). Or, si l’importance des
entreprises privées en Algérie est admise, leur manque de capacités à évoluer face aux
mutations économiques et technologiques est souvent mis en exergue, on pourrait alors parler
ici d’un constat d’échec (El Akermi, 2000). Ces entreprises privées savent que leur
performance ne peut s’envisager que par une connaissance de leur environnement externe,
mais aussi interne. Et une connaissance de cet environnement interne signifie qu’elles doivent
avoir une réelle maîtrise de leurs ressources, qu’elles soient financières, technologiques ou
humaines. Et dans ce trio de ressources, une attention toute particulière doit être portée sur le
facteur humain, au centre des échanges et donc de la performance entrepreneuriale (Campoy
et al, 2008).
En cela, la montée des compétences des ouvriers et artisans du bâtiment représente un enjeu
de taille pour l’Algérie, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. En effet, les engagements
pris par l’Algérie pour la reconstruction du pays après une décennie d’instabilité (1990-2000)
impliquent à la fois de former en masse mais aussi de fixer des objectifs de qualité ambitieux
pour les formations dans le secteur du bâtiment. L’Algérie doit donc mener une opération de
formation de masse sans précédent pour améliorer sa situation et devenir autonome dans la
réalisation de ces grands projets de construction. Malheureusement, la dynamique actuelle de
formation dans le secteur du BTP est encore loin d’être à la hauteur (Moussaoui, 2011).
Dans ce contexte, le manque considérable de compétences a incité l’Algérie à faire appel aux
compétences étrangères. Car si, depuis l’indépendance en 1962, l’Algérie forme des
universitaires en différentes disciplines telles que génie civil, architecture, ou ingénierie, et ce
sur des formations à grande échelle, l’Algérie souffre malgré tout d’un grand manque de
compétences pour reconstruire le pays.
Parmi les facteurs qui expliquent la défaillance de la FPC en Algérie, un des principaux, cités,
reste le manque de moyens et de compétences dans les hautes technologies. Il est clair que le
2
saut technologique de ces dernières années ne peut s’effectuer sans une main-d’œuvre
compétente et ouverte à une remise à niveau quotidienne. C’est cette compétence qui
contribuera à une plus grande autonomie nationale, dans la mesure où elle sera bien adaptée
aux différents aspects de la nouvelle technologie. La Formation Professionnelle Continue joue
donc un rôle crucial dans toute économie qui aspire à l’évolution et au développement
(Guerid, 2007 ; Melbouci, 2006 ; Moussaoui, 2011, Hasnaoui, 2015).
Nous devons comprendre la perception de la FPC1 par les salariés (cadres vs professions
intermédiaires). Des questions de recherche sont indispensables pour connaître la perception
de la FPC par les salariés ainsi que les difficultés qu’ils doivent affronter pour participer à une
FPC.
1. Comment les salariés algériens perçoivent-ils la FPC au sein des entreprises ?
2. La FPC est-elle importante pour eux et pour leur évolution professionnelle ?
3. Quelles sont les difficultés qu’appréhendent les salariés algériens et qu’ils considèrent
comme un obstacle à leur FPC ?
Notre objectif est de répondre à ces questions et pour cela nous allons effectuer une étude
qualitative exploratoire afin de déterminer l’importance de la FPC pour les salariés (cadres vs
professions intermédiaires) et les difficultés à affronter pour y participer.
Cet article est structuré en trois parties. Tout d’abord, nous nous intéressons à la notion de la
FPC. Ensuite, nous présentons la méthodologie de notre étude. Enfin, les résultats sont
énumérés pour souligner quelques pistes d’amélioration dans les pratiques.
1
FPC : Formation Professionnelle Continue
3
1. REVUE DE LA LITTERATURE
- AFNOR (1996) définit la FPC comme l’« ensemble (objectif, programme, moyens
pédagogiques et d’encadrement, suivi de l’exécution et appréciation des résultats) mis
en œuvre, dans un temps déterminé ou non, nécessaire pour permettre à des personnes
sorties du système scolaire d’atteindre un niveau de connaissances ou de savoir-faire
constituant l’objectif de formation. L’action de formation peut avoir pour objet :
l’adaptation, la promotion, la prévention, l’acquisition, l’entretien ou le
perfectionnement des connaissances. Au sens légal, les actions de formation financées
par les employeurs se déroulent conformément à un programme qui, établi en fonction
d’objectifs préalablement déterminés, précise les moyens pédagogiques et
d’encadrement mis en œuvre et définit un dispositif permettant de suivre l’exécution
de ce programme et d’en apprécier les résultats. » ;
- Enfin, selon l’INSEE, la FPC rappelle qu’elle est une obligation légale depuis 1971.
Ainsi, l’article L6111.1 du code du travail dans sa version en vigueur au 1er janvier
2015 stipule que la formation professionnelle est obligatoire tout au long de la vie et
qu’« elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut,
d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son
4
évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de
qualification au cours de sa vie professionnelle. »2.
Outil de modification du - Transformation du contenu des House (1967) ; Pire (1961) ; Caspar
comportement pensées (1970) ; Jardiller (1970) ; Rolland
- Former c’est transformer le (1978).
comportement
- Modification du système cognitif en
vue d’un changement de
comportement
- Modification des attitudes
Un moyen d’insertion et - Permet le maintien du salarié dans Schultz (1961) ; Becker (1964) ;
de réinsertion des salariés son poste de travail Jarousse (1991) ; Dubar (2004) ;
- Facilite l’insertion des jeunes Morana et al (2015).
recrues
Un outil de développement - Protection de l’emploi face aux Pigeyre (1994) ; Dubar (2004) ;
économique plans sociaux Peretti (2007).
- Facilite l’évolution vers une
mutation postindustrielle
- Transformation en termes de
qualification
Pour résumer, et bien que ces définitions soient plus générales que spécifiques, elles nous
semblent liées à l’orientation d’intégration et d’adaptation de l’individu dans n’importe quel
contexte. En conséquence, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de
2
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=84A05D724F9C95BA7A26BD293590C40C.tp
dila11v_1?idArticle=LEGIARTI000028697726&cidTexte=LEGITEXT000006072050&categorieLien=id&date
Texte=20150319
5
développement, les objectifs de la FPC sont les mêmes et peuvent contribuer à l’amélioration
des compétences des salariés et à l’évolution de l’entreprise.
On note aussi que la FPC doit également s’inscrire dans une politique bien précise pour être
efficace dans une entreprise. Cependant, le taux d’accès à la formation professionnelle
continue des moins qualifiés est près de trois à quatre fois moindre que celui des plus
qualifiés. Ces écarts perdurent depuis le début des années 1970 et ils ont pris des dimensions
importantes à partir des années 1990 (Bonaïti et al, 2006). Les facteurs explicatifs du faible
accès des moins qualifiés à la formation sont assez nombreux et sont inhérents d’un côté à
l’organisation et de l’autre au salarié lui-même. Nous allons dans la section suivante essayer
de comprendre ces difficultés à la FPC, et en particulier pour les moins qualifiés, dans une
brève revue de littérature.
Tableau 2 : Difficultés liées à la participation des salariés dans un processus de FPC
La revue de littérature nous a fourni un aperçu sur les difficultés à la FPC dans les pays
industrialisés que nous avons résumées dans le tableau 2. Pour connaître les difficultés à la
6
formation en Algérie, nous allons effectuer une étude exploratoire qualitative au sein de deux
grandes entreprises, dans le secteur du BTP.
La revue de littérature nous a permis d’établir le modèle et les propositions de recherche
nécessaire à notre première étude qualitative (Cf. Figue 3).
- Absence d’aménagement du
temps de travail et sa - Surcharge de travail
conciliation avec le temps de la - Problèmes familiaux
FPC - Faible niveau de la formation
- Absence d’information sur la initiale
FPC
3
Le droit de travail en Algérie stipule que le statut dépend du niveau de diplôme (ingénieurs ou diplôme équivalent) et/ou la
délégation d’autorité de la part de l’employeur. L’appréciation du statut cadre dépend donc largement de la convention
collective de l’entreprise, mais la règle générale l’attribue à tout employé disposant d’un pouvoir de commandement et
d’initiative, dans une relative indépendance. Toutefois, un cadre qui participe à la direction de l’entreprise peut prétendre au
7
nombreuses difficultés à leur formation. Ces différentes difficultés que rencontrent les salariés
et qui reviennent le plus souvent dans cette littérature sont :
1. les difficultés individuelles : le faible niveau de la formation initiale, la surcharge de
travail et la contrainte familiale ;
2. les difficultés organisationnelles : l’absence de l’information sur la FPC et l’absence
d’aménagement du temps de travail.
Nous allons utiliser les résultats de cette revue de littérature pour émettre les propositions de
recherches pour pouvoir déterminer les difficultés que rencontrent les salariés algériens dans
les entreprises privées en Algérie.
statut de cadre supérieur, également connu sous la dénomination de cadre dirigeant. Parmi les prérogatives du cadre supérieur
nous citons :
- Indépendance et flexibilité dans l’organisation de l’emploi du temps ;
- Prise de décision dans une relative autonomie
- Rémunération globale parmi les plus élevées de l’entreprise
- Appartenance effective à un organe de direction : conseil de surveillance, comité de direction.
4
L'appellation "professions intermédiaires" est une création de la nouvelle nomenclature des professions et catégories
socioprofessionnelles. Deux tiers des membres du groupe occupe effectivement une position intermédiaire entre les cadres et
les agents d'exécution, ouvriers ou employés.
8
3. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
5
BTPH : Bâtiment, Travaux Publics et Hydrauliques.
9
- les entretiens avec les salariés (professions intermédiaires) ont été effectués dans le
PHARE, (structure de formation des salariés) dans l’entreprise HASNAOUI, les
conditions d’entretien n’étaient pas optimales. En effet, le bureau n’était pas isolé, il y
avait de nombreux va-et-vient. Pour les cadres supérieurs et l’encadrement, les entretiens
ont cependant été effectués dans des bureaux et le déroulement de ces entretiens a donc
été plus « confortable » et plus approfondi.
Les salariés qui ont participé à notre recherche ont pour la plupart entre 26 et 35 ans et ils ont
une faible expérience professionnelle dans les entreprises étudiées. Le niveau d’études est
élevé (Bac+4 et Bac+5) pour 12 des 20 salariés interviewés. Le plus âgé des salariés « agent
6
BEM : Brevet d’Enseignement Moyen (niveau collège).
10
de maîtrise » a 66 ans, c’est une exception puisqu’il a dépassé l’âge de la retraite. Ce salarié
est un retraité d’une entreprise publique, il explique qu’il a été recruté par l’entreprise
HASNAOUI pour ses capacités et ses compétences dans le métier du BTPH.
Ces entretiens ont été réalisés de façon à comprendre la perception de la FPC par les salariés
(cadres et professions intermédiaires) dans les entreprises privées en Algérie. Des questions
ont été posées sur les métiers des salariés, leurs formations, les difficultés rencontrées pendant
leur travail, leur perception de la FPC et leur capacité à effectuer une FPC. Ces entretiens ont
fait l’objet d’une analyse thématique (Bardin, 1977) selon une approche verticale afin de
mettre en exergue les mots-clés et les idées récurrentes, et une approche horizontale, de
manière à détecter les thèmes communs ou divergents entre les acteurs rencontrés (Gavard-
Perret et al., 2008).
L’analyse de contenu peut nous aider à comprendre la perception de la FPC par les salariés
algériens. L’identification des portraits des salariés est détaillée en fonction des thèmes de la :
1. Perception de la FPC par les salariés (intérêt de la FPC, l’importance de la FPC,
l’évolution des salariés).
2. Perception des difficultés à effectuer une FPC.
Nous nous proposons de classer les réponses en nous appuyant sur les propositions issues de
la littérature.
3.2.1. La perception de la FPC par les salariés (Cadres vs professions intermédiaires)
11
- « Pour moi ce n’est plus possible les études, je suis très vieux. Je laisse ces formations
pour les jeunes générations et encore, il y a toujours des obstacles à tous les niveaux. »
(Agent de maitrise, 66 ans, niveau BEM, entreprise HASNAOUI).
- « Je n’ai aucune confiance en nos formations, c’est de la perte de temps. Nos universités
ne sont pas capables de former des cadres compétents comment voulez-vous qu’une
formation de quelques jours ou quelques semaines puisse donner un bon résultat. Pour
moi c’est non, pourtant je suis cadre et malgré ça je n’ai aucune envie de faire une
formation. J’ai assez de travail ici dans l’entreprise. » (Commercial, 26 ans, Bac+5,
entreprise CHIALI).
- « Je ne peux pas m’engager dans une FPC, il faut d’abord commencer par revoir le
système des formations et on en parlera après. » (Technicien menuiser aluminium, 35 ans,
terminale, entreprise HASNAOUI).
- « Je suis comptable et le changement qui nécessiterait une FPC n’existe pas, alors pas de
formation pour moi. Je connais bien mon travail et je le fais bien. Pas la peine de
s’engager. » (Comptable, 26 ans, Bac+4, entreprise CHIALI).
- « Je souhaite effectuer des formations en rapport avec mon métier, je m’en fous que ça
prenne de mon temps de famille ou de mes loisirs. Pour moi apprendre c’est comme
manger et boire, c’est vital. On ne peut pas vivre sans apprendre tous les jours. Je
consacre beaucoup de mon temps hors travail à éduquer mon fils qui est au collège, de lui
apprendre qu’être premier en classe est une fierté, pareil pour moi apprendre c’est du
berceau à la tombe, il n’y a rien à dire notre prophète l’a préconisé. » (Ingénieur
électronique, 44 ans, Bac+5, entreprise HASNAOUI).
- « Notre pays a besoin de bons travailleurs qui sont capables d’effectuer leur activité avec
perfection. Pour arriver à cet objectif il faut que nous effectuions des formations pour
faire bien notre travail. Au niveau de notre entreprise, il y a toujours du nouveau, à
chaque fois nous avons une nouvelle machine ou un nouveau logiciel. Notre entreprise,
nous forme tout le temps quand il y a du nouveau et j’en suis content »(Contrôleur de
gestion 1, 28 ans, Bac+4).
- « Au début quand j’ai fini mes études d’ingénieur informatique, j’étais complètement
perdu. Il y avait une différence entre ce que j’ai appris à l’université et ce que je fais à
l’entreprise, j’ai compris qu’il fallait apprendre. Heureusement qu’il y avait des collègues
qui sont bien et qui m’ont aidé à m’en sortir(Ingénieur informatique, 30 ans, Bac+5,
entreprise HASNAOUI).
En résumé, nous constatons que les cadres sont très dynamiques et ne se lassent pas au travail.
Ils ont de fortes aspirations et comptent sur l’apprentissage pour les réaliser. Ils demandent de
l’aide à ceux qui possèdent plus d’expérience qu’eux pour se maintenir dans le poste et
améliorer leurs compétences. Les salariés les plus anciens aident les plus jeunes à se
confirmer dans l’entreprise. Ils sont leurs modèles même s’ils ont un niveau d’étude plus bas.
L’ingénieur informatique a expliqué que c’est un technicien en informatique qui l’a aidé dans
son métier, il lui a montré toutes les astuces du métier d’informaticien qui ne sont pas
enseignées à l’université.
Quelle que soit leur relation avec le travail (autonomie, pressions au travail, relation avec le
dirigeant), rien n’empêche ces salariés de s’engager dans ce processus important. Leur
perception de la FPC est positive et leurs motifs pour y participer sont très nombreux :
12
- évolution dans leur métier ;
- satisfaction personnelle ;
- se sentir à l’aise au travail ;
- ambitions personnelles pour accéder aux plus hautes sphères de la fonction ;
- efficacité personnelle et organisationnelle ;
- s’affirmer comme étant un élément compétent dans l’entreprise.
La relation de ces salariés au travail et leur volonté de s’engager dans un processus
contraignant de FPC sont très fortes et très importantes.
3.2.2. Perception de l’importance de la FPC
Proposition 2 : Les cadres et les salariés (professions intermédiaires) accordent une grande
importance à la FPC.
Cette proposition n’est vérifiée que partiellement puisqu’on constate que les salariés
(professions intermédiaires) dans les entreprises privées étudiées ne sont pas intéressés par la
FPC. La plupart des salariés (professions intermédiaires) ne souhaitent pas se former, ils
estiment qu’ils ont assez de travail pour s’occuper d’une activité qui n’a aucune importance
pour eux. Les cadres, en revanche, estiment que la FPC est importante et pour certains d’entre
eux c’est une priorité comme nous allons le constater dans ces extraits d’entretiens. Ils sont en
majorité favorables à une FPC et ils estiment qu’elle est prioritaire pour leur évolution
personnelle et professionnelle.
A la question « la FPC, est-elle importante pour vous ? », nous avons constaté que certains
salariés reconnaissent que la FPC est indispensable mais qu’ils sont incapables de prendre la
décision de se former. Et d’autres salariés estiment que la FPC ne présente aucune importance
pour eux.
- « Je sais que la formation est importante dans la vie mais à quoi bon faire une formation
alors que les choses dans l’entreprise n’ont pas changé depuis des années. Je fais ce
travail depuis 22 ans et rien n’a changé. Je ne vois aucun intérêt à faire une formation. »
(Architecte, 48 ans, niveau Bac+5, entreprise HASNAOUI).
- « La FPC n’a aucune importance pour moi, je travaille pour gagner ma vie et je ne vois
pas pourquoi j’irais faire une formation. Je connais très bien mon métier. Je ne suis pas
fait pour les études, je suis sorti de l’école à l’âge 18 ans, je ne me vois pas apprendre.
J’ai bien appris mon métier et ça me suffit. Je suis heureux de trouver du travail, je ne
cherche pas plus, c’est rare de trouver un travail maintenant. » (Technicien menuisier
aluminium, 35 ans, niveau terminale, entreprise HASNAOUI).
- « Tout ce qui intéresse tout le monde ici c’est le gain et la forte production, la formation
arrive au dernier rang. Je ne dis pas que ce n’est pas important d’apprendre, mais dans
notre contexte l’apprentissage ne joue pas un grand rôle. Même s’il existe des formations
elles sont réservées surtout aux cadres, je ne trouve pas qu’elles représentent un intérêt
pour nous. » (Secrétaire, 50 ans, niveau terminale, entreprise HASNAOUI).
- « La FPC est importante, je peux me former si l’occasion m’est offerte. Seulement avec la
charge de travail que nous avons actuellement dans l’entreprise je n’ai pas le temps de
me former. Il faut que je me concentre sur mon travail, il est très délicat, il faut que je sois
très vigilant. » (Technicien en froid et climatisation, 43 ans, terminale).
13
- « Pour moi la FPC est une priorité, elle contribue à mon évolution personnelle. C’est
surtout aussi pour être performant dans mon travail et n’avoir besoin de personne pour
travailler. Maintenant je ne suis pas très performant, mes collègues plus anciens m’aident
pour me perfectionner. Mon supérieur direct m’a proposé une formation de trois jours, ce
n’est pas suffisant mais j’aurais sûrement d’autres formations. » (Ingénieur informatique
2, 25 ans, entreprise HASNAOUI).
En bref, contrairement à certains salariés aux faibles qualifications, pour les cadres, la FPC
suscite un très grand intérêt et revêt une grande importance. Ils aspirent à une autonomie dans
leur travail et ceci ne sera possible qu’en améliorant leurs compétences. Leur niveau à leur
sortie de l’université étant jugé trop faible, ils ont décidé de combler les lacunes en effectuant
des formations et en puisant dans les connaissances de leurs prédécesseurs plus expérimentés.
cependant, les résultats que nous avons obtenus de ces entretiens avec certains salariés
(professions intermédiaires) ayant un faible niveau d’étude et de qualification sur les thèmes
concernant l’intérêt, l’importance et l’évolution de la FPC sont édifiants et montrent une
résignation et un refus d’effectuer une FPC.
L’évolution de carrière dans les entreprises en Algérie avait auparavant pour seul critère
l’ancienneté, mais avec l’avènement des nouvelles technologies, celle-ci ne suffit plus pour
évoluer. Pour suivre ces grandes transformations complexes et évolutives, une FPC devient
primordiale. Les salariés des entreprises sont conscients de cette réalité comme nous pouvons
le constater dans les extraits suivants :
3.23. Perception de la contribution de la FPC à l’évolution des salariés
Proposition 3 : Les cadres et les professions intermédiaires reconnaissent que la FPC
contribue à leur évolution professionnelle.
Cette proposition est aussi vérifiée partiellement. Les cadres, en majorité sont unanimes sur la
contribution de la FPC à l’évolution du salarié. Certain employés (professions intermédiaires)
reconnaissent aussi que la FPC contribue à l’évolution mais la plupart d’entre eux ne
reconnaissent aucune conséquence positive de la FPC. Ces salariés sont sceptiques, pour eux,
la formation n’a aucune incidence sur leur évolution professionnelle.
A la question « considérez-vous que la FPC contribue à l’évolution des salariés dans leur
métier ? » Les salariés ont répondu de manière différente selon leur statut
socioprofessionnelle et leur niveau d’étude. Les extraits suivants nous montrent ces
divergences.
- « Je n’attends rien avec ou sans formation. D’ailleurs je n’ai pas un niveau supérieur
pour accéder à un poste plus élevé donc pour moi, le travail est mon seul objectif jusqu’à
la retraite. Cela ne veut pas dire que je ne ferai pas correctement mon travail. Seulement
je n’ai pas d’autres ambitions. » (Technicien menuisier aluminium, 35 ans, niveau
terminale, entreprise HASNAOUI).
- « Les entreprises en Algérie n’accordent pas une grande importance à la FPC, pour ces
entreprises la FPC est une perte de temps. Dans notre entreprise, les salariés comme
l’encadrement et les dirigeants considèrent la formation comme une priorité. Je souhaite
que toutes les entreprises aient cette façon de voir. On gagne en autonomie quand on
connait son métier et on atteint ce degré d’autonomie grâce aux FPC quelle que soit son
origine. Pour évoluer dans l’entreprise, toutes les connaissances sont bonnes à prendre,
soit d’une manière formelle ou informelle. Je ne le savais pas mais la formation
informelle participe à la création des compétences. Les anciens sont là pour nous
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montrer les ficelles du métier. Je peux même affirmer que j’ai appris beaucoup plus de
mes collègues qu’à l’université. »(Ingénieur génie civil, 26 ans, Bac+5, entreprise
HASNAOUI).
- « Je travaille depuis longtemps dans cette entreprise, au début je ne prenais aucune
décision sans revenir au responsable direct. Je ne voulais pas prendre d’initiatives
puisque les conséquences pourraient être très graves si ma décision nuit à l’entreprise.
Pour être sûr de mon travail, j’ai dû effectuer plusieurs formations à l’intérieur et à
l’extérieur de l’entreprise. Je suis même allé au Canada pour une formation en
électricité. La formation est vitale pour une entreprise. Les enjeux sont très grands, une
seule faute et tout est fini. L’évolution du salarié nécessite une grande compétence au
sein de l’entreprise. Dès qu’on est compétent et qu’on peut prendre nos responsabilités
suite à l’acquisition de ces compétences nous pouvons évoluer rapidement. » (Ingénieur
en électronique, 44 ans, Bac+5, entreprise HASNAOUI).
- « Parmi les premiers objectifs de la FPC c’est l’adaptation des salariés à leurs postes de
travail suite aux évolutions technologiques, c’est ce qu’on nous a dit au cours du dernier
séminaire. Je constate qu’on n’est plus là, le rôle de la FPC est beaucoup plus subtil. Je
crois que le rôle de la FPC maintenant c’est maintenir les salariés à leur poste. Il y a eu
tellement de changements au cours de ces dix dernières années que je ne sais pas
comment font ceux qui ne mettent pas à jour leurs connaissances. L’entreprise
HASNAOUI depuis 1974 jusqu’à l’an 2000 a évolué à un rythme normal. Maintenant le
rythme est très accéléré, on ne suit plus. Les FPC doivent être accélérées aussi »
(Directeur du service qualité, 36 ans, Bac+4, entreprise HASNAOUI).
En résumé, voici ce que l’on peut retirer de ces extraits issus des entretiens semi-directifs avec
les salariés : l’évolution de carrière constitue l’objectif numéro un des cadres supérieurs ; les
salariés sont très motivés et aspirent à de grandes carrières et pour atteindre cet objectif ils
sont prêts à fournir l’effort nécessaire ; ils sont conscients qu’en ces temps de grandes
évolutions technologiques, la FPC n’est plus seulement un outil pour l’adaptation des salariés
à leurs postes de travail, mais vise un objectif encore plus important : sans formation, les
salariés ne seront pas capables de gérer ces nouveaux métiers et risquent de perdre leur
emploi.
3.2.4. Perception des difficultés à la participation dans un processus de FPC
15
- « Je n’ai aucun temps à consacrer à la FPC. Quand on travaille 40h/semaine, on est
exténués la fin de la semaine pour avoir envie de se lancer dans des activités nouvelles
ou pour vivre pleinement ses passions. J’aime faire beaucoup de choses, rendre visite à
ma mère que je ne vois pas souvent, faire ma prière le vendredi, jouer du foot avec les
amis au stade. Je ne fais rien de ça. Ma vie s’arrête au travail et une formation en plus
non. » (Commercial, 26 ans, Bac+4, entreprise CHIALI).
- « Je suis quelqu’un qui est de nature anxieuse, mais avant j’arrivais à gérer mon stress,
alors que maintenant tout me parait insurmontable. Je travaille beaucoup, notre
supérieur nous donne trop de travail. Ils ont des centaines de projets et ils ne recrutent
pas assez. Nous avons besoin de main-d’œuvre pour faire marcher l’entreprise mais rien
à faire. Le supérieur nous dit toujours qu’on est assez nombreux pour faire ce travail,
mais il a tort. La charge de travail est épuisante. Je ne vois pas la vie passer. C’est
comme si je suis né pour travailler. Trop c’est trop, je n’arrive plus à suivre. Impossible
d’effectuer une formation dans ces conditions. En plus, une formation pourquoi faire ? »
(Technicien Menuisier bois, 34 ans, niveau terminale, entreprise HASNAOUI).
- « Mon travail est laborieux, à chaque nouveau projet, je réalise une étude de faisabilité
du terrain. Je prends en considération les contraintes réglementaires et les exigences de
l’entreprise. Je dessine les plans et ça prend beaucoup de temps. Je rédige un document
détaillant toutes les activités nécessaires au projet (maçonnerie, électricité,
menuiserie…etc.). Je rédige aussi un plan détaillant les caractéristiques des matériaux
utilisés. Je remets le plan au PDG de l’entreprise pour qu’il donne l’ordre de commencer
les travaux. C’est très pénible. Le plus dur c’est la responsabilité de la construction. Il
faut que tout fonctionne à la lettre et cette exigence est très contraignante. Ces
contraintes jouent sur le moral. Je suis tellement stressé que j’ai eu toutes les maladies
liées au stress. » (Architecte, 48 ans, Bac+5, entreprise HASNAOUI).
- « Parmi les plus grands obstacles qui m’ont empêchée de participer aux formations
organisées par l’entreprise, je peux vous citer la charge de travail. La FPC est une
activité très astreignante qui demande beaucoup d’efforts. Je ne suis plus apte à suivre
des cours. Je me sens saturée et fatiguée. » (Secrétaire, 50 ans, Terminale, entreprise
HASNAOUI).
- « Pour nous la FPC n’est pas facilitée, nous n’avons aucune information de la part de
l’entreprise sur tout ce qui concerne les formations. Avec les cadres, le responsable
prend son temps pour leur expliquer les bienfaits de la FPC dans des réunions
mensuelles, comme si ces FPC ne nous concernaient pas. Nous avons aussi des besoins
en FPC. En tant que dessinateur de bâtiment j’ai besoin de me former et connaitre les
possibilités de FPC à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise. » (Dessinateur du
bâtiment, 28 ans, terminale, entreprise Hasnaoui).
16
- « Je ne savais même pas qu’il existait des FPC dans l’entreprise. Seuls les cadres sont
informés des FPC. Je dis que l’entreprise fonctionne avec tout le monde, si le technicien
est mal formé son travail sera négligé. Il faut que les dirigeants s’occupent de nous aussi,
nous avons aussi des besoins surtout que nous sommes devancés par tout le monde dans
tous les domaines de la vie. Je travaille dans le domaine informatique et il est urgent
qu’ils nous tiennent au courant des dernières acquisitions qu’ils ont obtenues concernant
les nouvelles technologies. Heureusement que j’ai des collègues ingénieurs et techniciens
anciens qui nous donnent des informations. » (Technicien informatique, 28 ans, Bac+2,
entreprise Hasnaoui).
- « J’ai du mal à m’adapter aux nouvelles technologies, on est dans un temps très rapide.
A chaque fois j’apprends quelque chose de nouveau, je suis trop content de moi, six mois
après je suis obligé de me former pour appliquer une autre procédure. C’est très
contraignant, il faut tout changer de nouveau. Notre patron est très moderne à chaque
fois, il y a une nouvelle machine à installer et il faut tout apprendre de nouveau »
(Technicien en froid et climatisation, 43 ans, niveau terminale, entreprise Hasnaoui).
- « Le patron nous fait travailler à des heures impossibles, la fin de semaine, la nuit et il
nous demande d’être efficace et d’apprendre pour encore mieux travailler. Il y a un
problème, il nous faut du temps pour apprendre et être efficaces. Il n’a qu’à faire comme
en France, nous donner un congé payé pour apprendre, là je serai d’accord, mais dans
ces conditions c’est très difficile. Une bonne organisation du travail nous permettra de
travailler et apprendre, mais travailler comme on le fait maintenant, c’est impossible. »
(Dessinateur du Bâtiment, 28 ans, entreprise Hasnaoui).
- « Pour se former il faut des sacrifices, on ne peut pas tout avoir. Les difficultés que
j’appréhende sont le manque de temps. Nous avons beaucoup de travail au bureau et
dans le chantier mais avec une bonne gestion du temps nous pourrons concilier le temps
de travail et le temps de formation. L’absence d’information sur la formation peut être
considérée comme un problème. Les responsables nous préviennent à la dernière minute
qu’il y a une FPC. Je ne peux pas me préparer si on me prévient à la dernière minute.
Parfois les formations ne sont pas adaptées à notre métier. Je suis ingénieur civil et nous
avons suivi une FPC sur les normes de qualité. Notre niveau d’étude universitaire est
faible, il fallait organiser des formations sur notre spécialité. » (Ingénieur génie civil, 26
ans, Bac+5).
En résumé, les difficultés soulevées par les salariés sont très nombreuses et nous allons les
classer par ordre de fréquence d’apparition :
1. la surcharge de travail : 90% des salariés qu’ils soient cadres ou salariés (professions
intermédiaires) citent la surcharge de travail comme la principale difficulté à leur
formation.
2. l’absence d’informations sur la FPC est la deuxième difficulté citée par 70% des salariés.
3. le faible niveau de la formation initiale est cité par 65% des salariés comme une difficulté
à leur participation à la FPC.
4. la contrainte familiale est aussi citée par 65% des salariés interviewés comme une source
de difficultés et qui constituerait un obstacle à la FPC.
5. l’absence d’aménagement du temps de travail est citée par 55% des salariés.
6. l’âge est considéré comme un obstacle à la FPC par 50% des salariés.
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7. l’absence d’évolution dans le métier est un obstacle dissuasif, il est cité par 40% des
salariés.
8. l’absence du soutien de l’encadrement et du dirigeant est citée par 40% des salariés.
Il apparaît clairement que les salariés ont beaucoup plus de difficultés à se former s’ils ont un
niveau de formation initiale faible. De même, la participation à la FPC se réduit avec l’âge. La
formation est plutôt concentrée sur les catégories socioprofessionnelles supérieures puisque
celles-ci bénéficient plus que les autres catégories de l’information sur les formations ainsi
que d’un fort soutien de l’encadrement. Les salariés les moins qualifiés sont moins souvent
formés. Le manque de temps disponible pour bénéficier de formation, la résistance des
salariés à suivre une formation, l’offre de formation inadaptée au regard de l’expérience
professionnelle des salariés sont des difficultés inhérentes à l’organisation et à l’individu et
elles sont considérées comme des obstacles à la FPC des salariés.
Le rapport à la formation professionnelle continue est lié à l’histoire personnelle de chaque
dirigeant et salarié, à sa relation à la formation initiale et à la projection future de son propre
parcours professionnel (Lambert et al, 2006). Dans la section suivante nous allons discuter les
résultats obtenus au cours de la première étude qualitative sur la perception de la FPC par les
salariés (cadres vs professions intermédiaires) dans deux groupes d’entreprises privées à Sidi-
Bel-Abbès en Algérie.
3.3. DISCUSSION
Plusieurs éléments ressortent de ce travail. L’apport principal touche aux propositions citées
dans la littérature. Ainsi, les difficultés que rencontrent les salariés (cadres et professions
intermédiaires) sont similaires. Mais leur perception diffère selon le niveau d’étude, l’âge et la
catégorie socioprofessionnelle. Cependant, les inégalités d’accès à la FPC persistent dans les
entreprises privées en Algérie. Les cadres sont prioritaires quand il s’agit de FPC ce qui crée
des tensions au sein des deux entreprises.
Si la FPC est obligatoire dans les grandes entreprises en Algérie, elle fait œuvre de peu
d’actes concrets pour les salariés (professions intermédiaires). C’est ce que nous avons
constaté au cours des entretiens semi-directifs avec les salariés des deux catégories
socioprofessionnelles.
1. Concernant la perception de la FPC, lorsqu’on demande aux salariés pourquoi la FPC ne
les intéresse pas, ils évoquent de nombreux problèmes liés à leur situation professionnelle,
l’âge, la surcharge de travail, la fatigue, la discrimination au sein de l’entreprise. Ce sont
surtout les salariés les moins qualifiés qui se sentent lésés par la politique de l’entreprise.
Les cadres aussi, ne sont pas unanimes à vouloir se former. Ils ont cité d’autres problèmes
comme l’inefficacité des formations effectuées au sein des entreprises et la courte durée
de ces processus de formation.
2. À la question « la FPC est une priorité pour vous », les salariés les moins qualifiés
répondent que la FPC n’est pas une priorité. Leur seule priorité est leur travail. L’inégalité
d’accès à la FPC constitue une raison de plus pour ne plus penser à se former. Dans le
contexte actuel où le chômage frappe de plein fouet le pays, le salarié s’estime heureux
d’avoir décroché un travail. Le salarié fait référence au chômage qui est considéré comme
un vrai fléau.
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3. La FPC est considérée par les chercheurs et les responsables d’entreprises comme un
tremplin pour accéder aux plus hautes fonctions de l’entreprise. L’évolution des salariés
est dépendante de leur formation initiale et continue. Néanmoins, les salariés ne sont pas
tous de cet avis. Nous avons rencontré des salariés qui aspirent à l’évolution mais n’ont
pas les moyens d’y arriver et d’autres qui sont résignés et n’aspirent à aucune évolution,
leur seul objectif est de faire correctement leur travail, ils sont fatalistes et n’ont aucune
prétention salariale. Pour d’autres, la routine l’a emportée sur leurs projets d’évolution via
la FPC. Leur seule chance d’évoluer dans le métier est d’attendre que les années passent
pour espérer prendre des échelons.
De plus, il ressort de ces entretiens que les aspirations aux promotions et aux évolutions de
carrière ont disparu chez ces salariés (professions intermédiaires) pour plusieurs raisons :
- une résignation des salariés, ils ne cherchent plus à avancer. Le seul objectif est de faire
correctement le travail.
- le sentiment d’injustice provoque un sentiment de lassitude et de résignation chez le
salarié, qui le conduit à une incapacité d’affronter les obstacles et surtout à arrêter de
réfléchir à son avenir.
- une routine qui l’emporte sur les projets d’avenir et/ou s’occuper de la famille qui reste
l’objectif principal.
- une formation qui est perçue comme un superflu qui n’a aucune incidence sur l’avenir des
individus.
Les difficultés citées par les salariés des deux entreprises privées en Algérie seront regroupées
en difficultés individuelles et organisationnelles.
- la surcharge de travail ;
- l’âge du salarié ;
- le faible niveau de la formation initiale ;
- la contrainte familiale.
Le tableau 4 représente les différentes difficultés rencontrées par les salariés à l’issue de notre
entretien semi-directif dans les deux entreprises privées.
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Tableau 4 : Les principales difficultés à la FPC des salariés
Nombre 18 10 13 13 14 8 8 11
de salariés
20
CONCLUSION
Cette recherche qualitative exploratoire menée auprès des salariés de deux grandes entreprises
de BTP situées à Sidi-Bel-Abbès nous a permis d’avoir une idée sur la situation de la
Formation Professionnelle Continue dans ce secteur. Elle a mis en évidence les obstacles liés
à la participation des salariés dans un processus de FPC dans les grandes entreprises privées
en Algérie. La charge de travail est mentionnée par les salariés les plus qualifiés comme le
premier obstacle à la FPC. Les cadres comme les salariés (professions intermédiaires) sont
confrontés à cette difficulté inhérente aux contraintes de livraison des commandes dans les
délais.
D’après les réponses des salariés travaillant dans ces deux entreprises, on constate un net
déficit dans les compétences techniques des salariés concernant leur métier. Pour les cadres, la
déficience dans les connaissances et les compétences requises pour effectuer les tâches qui
leurs sont assignées prend sa source dans le faible niveau de leur formation initiale. Tous les
salariés sans exception pointent du doigt la formation universitaire qui serait responsable de
cette défaillance. Notre étude thématique a confirmé que l’essentiel de l’effort des entreprises
algériennes dans le domaine de la Formation Professionnelle Continue consiste en des FPC de
courtes durées pour pallier les insuffisances constatées par les supérieurs hiérarchiques et
l’encadrement, en attendant l’organisation de formations professionnelles formelles de
longues durées qui pourraient satisfaire les cadres et les dirigeants.
La formation des salariés (professions intermédiaires), pour combler les insuffisances de
compétences, se traduit par une formation sur le tas et des tutorats. C’est au contremaître et
aux salariés plus expérimentés qu’incombe cette mission stratégique, de former les salariés
jeunes et sans expérience.
De plus, nous pouvons fortement envisager que les entreprises algériennes sont avant tout peu
soucieuses de l’amélioration des compétences de leurs salariés les moins qualifiés. Enfin, les
résultats obtenus dans ces deux entreprises privées confirment les résultats de travaux de
plusieurs auteurs (Dubar, 2004 ; Peretti, 2007 ; Dubois et Fournier, 2008 ; Lambert et al,
2014) qui précisent que les « handicaps » des entreprises en matière de formation tiennent
principalement à l’absence d’aménagement du temps de travail et l’absence de soutien de
l’encadrement aux salariés les moins qualifiés, ce qui induit la réticence et le refus des salariés
à se former. Un autre problème de taille que doivent affronter les salariés des deux entreprises
en Algérie est la faiblesse des possibilités d’évolution et de promotion interne qui
n’encouragent pas les salariés à penser la FPC comme une stratégie de carrière.
La littérature effectuée pour ce travail de recherche désigne deux difficultés organisationnelles
à la FPC (absence d’information à la FPC et l’absence d’aménagement du temps de travail)
(Bonaïti, 2005). Dans notre étude qualitative exploratoire deux autres difficultés ont été citées
par les salariés des entreprises privées en Algérie (l’absence d’évolution dans le métier et
l’absence du soutien des responsables et dirigeants d’entreprise). Ces quatre difficultés
organisationnelles sont la cause du refus de la plupart des salariés (professions intermédiaires)
de se former.
Dans les pays industrialisés, les professions intermédiaires sont en évolution constante, leur
expansion reflète la transformation progressive de la structure des catégories
socioprofessionnelles aux dépens des catégories d’employés et surtout d’ouvriers (Bourgeois,
1998). Une telle redistribution peut tenir à divers facteurs que des investigations en entreprise
permettront d’identifier : la complexification des activités de travail, l’arrivée de générations
21
plus diplômées et les nouvelles normes conventionnelles (Dubar, 2004). Dans les entreprises
privées en Algérie, le manque d’intérêt de la FPC de cette catégorie socioprofessionnelle
prend ses sources dans l’inégalité d’accès à la FPC entre cadres et professions intermédiaires,
l’absence d’évolution personnelle et professionnelle des salariés (professions intermédiaires),
l’absence de soutien de la hiérarchie et les dirigeants à cette catégorie socioprofessionnelle,
etc. Nous pouvons citer d’autres facteurs qui font que cette catégorie socioprofessionnelle
(professions intermédiaires) soit réticente à la FPC. Les professions intermédiaires sont
occupées par des salariés non diplômés et les CAP dont le niveau d’étude est faible.
Actuellement avec la crise économique que traverse l’Algérie, la part des diplômes dans cette
catégorie est en croissance continue.
Enfin, les résultats obtenus dans ces deux grandes entreprises confirment les remarques de
Géhin (1986) qui précise que les « handicaps » des entreprises en matière de formation
tiennent principalement à la faiblesse des possibilités de carrière et de promotion interne
qu’elles offrent. Ce faisant, un élément atténue ces dires. En effet, la variable « statut du
salarié » modifie la prise en compte et l’influence de la FPC. Ainsi, plus un salarié a un poste
élevé, plus il est susceptible de prétendre à une FPC.
Cependant, plusieurs limites sont à souligner dans cette étude, dont la principale est la taille
de l’échantillon. Aussi, nous envisageons dans les recherches ultérieures d’augmenter la taille
de l’échantillon, par un recueil de données auprès de plusieurs autres entreprises de ce secteur
d’activité.
22
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BONAÏTI, C., FLEURET, A., POMMIER, P. et ZAMORA, P. (2006), « Pourquoi les moins
qualifiés se forment-ils le moins, document d’étude », DARES (Direction de l’Animation de
la Recherche, des Etudes et des Statistiques), n°116.
CAMPOY, E., MACLOUF, F., MAZOULI, K. et NEVEU, V. (2008), « Gestion des ressources
humaines », Collection Synthex éco-gestion, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, Paris.
CONJARD, P. et DEVIN, B. (2004), « Formation-organisation : une démarche pour construire
une organisation apprenante », Collection Etudes et Documents, Editions de l’ANACT.
23
HASNAOUI, B. (2015), « GSH News », Revue du groupe des sociétés HASNAOUI, n°20,
Sidi-Bel-Abbès.
MELBOUCI, L. (2005), « Les PME algériennes : un essai d’analyse par les ressources », Revue
des Sciences, Université Mohammed Khider Humaines, n°8, Biskra (Algérie).
http://www.webreview.dz/IMG/pdf/Melbouci3.pdf
MELBOUCI, L. (2006), « L’Algérie face aux politiques économiques et environnementales »,
Colloque international de l’Université de Tlemcen,29 et 30 novembre, Algérie.
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