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VIE DE SAINT ANTOINE PAR SAINT ATHANASE ‘TRADUITE EN FRANCAIS PAR A. FL. MAUNOURY Beofessour au pe'it séminaire de Séez Edition classique PARIS DEZOBRY, E. MAGDELEINE ET Cs, LIB.-EDIT. RUE DES ECOLES, 78 Pros de Vhdtel Chay et de Ia Sorbonne. 1838 PREFACE Saint Antoine est un des hommes les plus admirables que le christianisme ait produits. Destiné par la Provi- dence & créer la vie monastique, if l'a tout d'un coup éleyée par ses conseils el par ses exemples 4 une hauteur qu'elle n’a point dépassée dans les Ages suivants. Il se retire au fond d’un désert, et les peuples l'y suivent, attirés par sa sainteté, Des villes se fondenf autour de sa cellule. On s’ontretient de lui, non-seulement dans toute Egypte, sa patrie, mais dans I'Asie, 4 Constantinople, & Rome, en Espagne et dans les Gaules, Ce meine sans let- tres fait ’étonnement d’un siécle fécond en grands hom- mes. Les docteurs invoquent son autorité sur les plus hautes questions de la théologie; les paiens le yénérent; Jes hérétiques le redoutent. Saint Athanase l'appelle pour confondre les Ariens, dont l'obstination triomphait de son éloquence. Le vieillard descend de sa montagne, fermo Ja bouche aux ariens, et, dans un pelit nombre de jours, convertit plus d’infidéles que tout le clergé d’Alexandrie n’aurait fait dans une année, En entendant raconter la vie de ce picux solitaire, Augusiin fond en larmes et s'arra~ che 4 ses passions. Lo grand Constantin, maitre du monde, Tui enyoie des ambassadeurs, recoit ses conseils avec respect, et la lettre que lui écrit cet ignorant, illa compte parmi ses plus beaux tilres de gloire. Ainsi Dieu accom 6 PREFACE, plissait la promesse qu'il avail faite 4 son servitour de rendre s bre par toute la terre, La vie, les combats et les miracles de saint Antoine nous onl ld racontés par un temoin quia longtemps véon avec lui, par un des plus fermes génies dont!’ Eglise s‘ho- nore, par saint Athanase, On peut done croire des faits qui nous sont atlestés par un historien si véridique et si bien informe '. Si nous avons abréwé Peeuvre de saint Athanase, co nest pas afin de retrancher des choses qui nous paral- traient inadmissibles. A Dieu ne plaise que nous rongis- sions des paroles de ce grand docteur, comme onffait certains critiques : il éevivail pour des religicux, et nous avons édilé son livre pour des enfants. Le désir do ne rien présenter que d'intéressant 4 co jeuno Age nous a déterminé & faire des suppressions. Ainsi réduile, la Vie de saint Antoine nous paratt Youvrage le plus attrayant ct Ie plus profitable que Pon puisse offrir A des jounes gens qui ont dejd surmonté les premires difficultés de la grammaire. 1, Saint Athanase affirme dans sa préface qu’en écrivant la Vie de saint Antoine il recherche avaut tout l'exactitude et In vérité : Krrep aibzes se qwobonw (widddaas yap adsby iyaxa), wai & wabeiy Woritey nap! adres, daeuhions abrip ypciev che Odiyev nal enryfay Dap xuark yeigas abrod, yoda rf ebaakela bpiv donciDnoa, naveaged vie dandelas gacvticas, VIE' DE SAINT ANTOIN Enfance et éducation de saint Antoine. 4, Antoine était Egyptien de naissanec. Ses pa- rents étaient nobles et possédaient une fortune con- sidérable, Comme ils étaient chrétiens, ils ’éloverent chrétiennement. Pendant toute son enfance, il de- meura auprés de ses parents, ne connaissant qu’eux et leur maison. Pourquoi il n’apprend pas les lettres profancs. 2. Lorsque avancant en age il fut devenu adoles- cent, il refusa d’apprendre les belles-lettres, parce qu'il voulait rester éloigné de la société des jeunes gens. Tout son désir était, selon qu’il est écrit de Jacob, d’habiter dans sa maison avec la pure sim- plicité de son naturel. 1, En gree, Bios xai medzeix, vie et conduite, vita et conver- satio, seu vite institutum, En frangais, le mot vie, surtout lors- qu'il s'agit d'un saint, reuferme ces deux idées. 8 VIE DE SAINT ANTOINF, Il s’applique A l'étude des saintes Keritures, 3. Ivenait, avec ses parents, se réunir aux fi- déles dans le temple du Seigneur, On ne vit point en lui la négligence du jeune Age, et il ne devint point méprisant et orgueilleux en grandissant: mais il se montrait soumis A ses parents, s’appliquait a Ja lecture des livres saints, et conservait dans son coeur les utiles legons qu’il y trouvait. Sobri¢té de saint Antoine, 4. Quoiqu’il fit élevé dans une maison opulente, il n’importunait point ses parents pour obtenir d’eux une nourriture variée et somptueuse; il ne recher- chait point les plaisirs de la table, mais il se conten- tait des aliments qu’on lui présentait et il n’en dési- Fait jamais d’autres. Il perd ses parents. 5. Aprés la mort de ses parents, il resta seul avec une sceur en bas 4ge; pour lui, il avait alors dix- buit ou vingt ans. Il se chargea lui-méme du soin de gouverner sa maison et d’élever sa scour. Pensée que Dieu lui envoie pendant qu’il se rend a Véglise. 6. Six mois ne s’étaient pas encore écoulés depuis la mort de ses parents, lorsqu’un jour, se rendant & Yéglise suivant sa coutume, il méditait le long du chemin, et repassait dans son esprit comment les VIE DE SAINT ANTOINF, 9 Apdtres avaient tout abandonné pour suivre le Sau- veur ; comment les fidéles, dont il est parlé dans le livre des Actes, vendaient ce qu'ils possédaient pour en domer le prix aux Apdtres, ct déposaient cet argent & leurs pieds pour le distribuer & ceux quien avaient besoin; et il meditait sur la magni- fique récompense qui attend dans les cieux ceux qui font de elles actions. Saint Antoine entend lire I'Kvangile. 7. En faisant ces réflexions, il entra dans Péglise. I arriva qn’en ce moment on lisait ’évangile. Dans cette lecture, il entendit le Scigneur qui disait au riche: « Si tu veux étre parfait, va-t’en , vends tout « ce que tu posstdes et donne-le aux pauvres; alors « viens, suis-moi, et tu auras un trésor dans les @ cieux. » Saint Antoine renonee 4 ses biens. 8. I lui sembla que c’était Dieu lui-méme qui avait rappelé & son esprit Je souvenir des saints; et, comme si la lecture avait été faite précis¢ment pour lui seul, il sortit du temple a instant; et toute la fortune que ses ancétres lui avaient laissée (elle con- sistait en trois cents arpents d’un terrain fertile et situé dans un pays charmant), il la donna généreu- sement aux habitants de son village, afin que sa sceur et lui fussent débarrassés de toute espace de soins. Quant au mobilier, il le vendit et en retira unc somme considérable, qu'il distribua aux pauvres. 2 40 VIE DE SAINT ANTOINE. Ti eonfic sa scour A dea vierges et il s’applique 4 Ia perfection. - 9. Eavait réservé quelque peu de ses biens a cause de sa scour, Mais, entrant de nouveau dans le temple, il entendit le Seigneur qui disait dans T'é- vangile : « Ne vous inquidtez point du lendemain.» Ine put y rester plus longtemps, il sortit et dis- tribua ce qu’il avail encore 4 des gens peu aisés. I! confia sa socur 4 des vierges d’une vertu solide et connues pour" leur piété, afin qu’elles Pélevassent dans leur chaste demeure. Pour lui, il se retira dans un licu proche de sa maison, et s'adonna aux exer- cices de la vie chrétienne, veillant sur lui-méme et se traitant avec rigueur. A cette époque, il n’y avait point encore en Egypte de monastéres composes de cellules réunies, et méme les solitaires ne connais- saient pas encore le désert lointain: mais ceux qui youlaient travailler a leur perfection s’y exergaient a part, en se retirant & quelque distance de leur vil- lage. . : Un solitaire lui sert de modéle. 40. Il y avait alors dans le village voisin un vieil- tard qui avait embrassé la vie solitaire dés sa jeu- nesse. Antoine, étant allé le voir, devint son rival dans la vertu. fl se fixa d’abord Iui-méme dans un endroit qui était en face de son village, et hi, sil venait & entendre parler de quelque homme ver- tueux, tel qu’une industrieuse abeille, il se mettait VIE DE SAINT ANTOINE, re dQ sa recherche; il ne revenait point chez ui sans Vavoiv vu, et il ne te quintait qwapres avoir requ de lui, pour ainsi dire, un secours de voyage pour cheminer dans la vertu. Saint Antoine joint le travail des mains ala priére et a ta lecture, 41. Tout son desir, toute son ardeur, tendait & accomplir parfaitement ses excreices spirituels. Hy joignait le travail des mains, se souvenant de cette parole de PApétre : Que celui qui ne veut point ra~ vailler ne mange point. Ce qu'il gagnait, il Vemployait & ses besoins ct au soulagement des pauvres. I priait continuellement, ear il avait appris qu’on doit prier en particulier sans intermission (I ‘Thess., 8, 17). I s'appliquait tellement a Ja lecture des » livres saints, qu’il n’en laissait rien tomber par terre; il retenait tout ce qu'il lisait, au point que dans fa suite sa mémoire lui tenait lieu de livre. Comment saint Antoine profitait des bons exemples. 42, Telle était la vie que menait saint Antoine, et elle le faisait chérir de tout le monde. I se soumet- tait sans réserve aux hommes pieux chez lesquels i se rendait. Il observait secr’tement en quoi excellait chacun d’eux par son dle et sa piété. Dans Tun, il remarquait Vaflubilité; dans Vautre , Yassiduité a la priere; celui-ci Védifiait par sa douceur, celui-la par sa charité, un autre par scs veilles, un autre par son application a la lecture. it admirait celui-ci pour sa 42 VIE DE SAINT ANTOIN, patience, celui-la pour ses jetines ou parce qu’il couchait sur la dure, L'nn le touchait par sa mian- suétude, autre par sa longanimité, Enfin il remar- quait dans tous sans exception leur pidté envers Jésus-Christ ct leur charité mutuelle. Aprés s’étre ainsi rempli de tons ces beaux exemples, il retour- nait au lieu de ses exercices. Il tachait alors de ras- sembler cn lui-méme Jes vertus qui. avait étudiées dans chacun, et il s’efforcait de reproduire dans son coeur les perfections de tous les autres. Tous ceux qui le connnissaient le chérissaient, 43. Il ne disputait point avec ceux qui étaient de son Age; il rivalisait avec eux en un seul point, ¢’é- tait de ne pas leur rester inférieur en vertu; et cela méine il le faisait de maniare & ne mécontenier per- sonne, ct a se faire aimer de ceux qu'il surpassait, Aussi toutes les personnes vertueuses de son village qui ayaient des rapports avec lui, le voyant si parfait, Vappelaient I'coni de Diew, et tous le chérissaient les uns comme un fils, les autres comme un pére. Saint Antoine est tenté par le démon. 44, Mais la haine du démon, jaloux de tout bien, ne put voir sans dépit une si noble résolution dans ce jeune homme, et il employa contre lui ses ruses ordinaires, D’abord il essaya de le détourner des pratiques de la piété, en lui rappelant le souvenir de ses richesses , le soin qu’il devait prendre de sa seur, et les liens qui l'unissaient & sa famille ; il lui

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