Alain Boureau
Limage comme piége & énoncés
La leon de Kantorowiez
Lhistorien des menialités, dans sa quéte désespérée des phénoménes collectits,
documentés par des sources singulléres et hélérogenes, doit avoir recours aux ruses
6tranges de la polilique italienne des années 70, caractérisée par la “convergence
des paraliéles", les séries paralléles de textes, dimages, de sites, avec leur
logique et leur vitesse propres, doivent converger pour se nouer en des phéno-
ménes globaux et articulés.
En comparant ici le traitement hislorien des textes et des images, je voudrals
esquisser, avec la médiation de Koniorowicz et de Foucault, ia postulation d'un
paraliéisme contélé par la notion, commune ou texle ef @ limage, d’énonce:
ainsi, on feta peut-étte I'Sconomie des convergences brutalement causales aui
tordent el agratent les séries. Cetle convergence causale, que tout hisorien
pratique spontanément (et Kantorowicz sy attache difficilemen!), en bonne
géométiie plane, ne peut respecter le poralléisme des sources; elle maniteste lo
suprématie dy modale lextuel: limage et le texte offrent un témoignage exoressif
un méme réfétent idéologique (verbal) se projette sur deux axes distincis, avec des
differences de régime, qui fondent les questions classiques et insolubles de la
concurrence et de Ia hiérarchie des deux lypes de sources. Le lravall de I'historien,
4 force de courber les paralléies, se trouve pris dans le cercle herméneutique, dans
la citcularilé du sens désigné ef désignateur a la fois, sans alteindte la référence
historique.
Jllstrerai cetle aporie par une breve allégorie. Quelle est la bonne source, aux
XE" ef XIVE sicles, sur la ralité de la crucifixion? Comment sovolr, en
parliculier, sion clove les pieds du Christ avec un seul ou deux cious? Pour certains
fidaies, 12 texte de la tradition narrative et exégétique ("Palrum traditio" )
Temporte; or elle mentionne quatre clous (deux pour les mains, deux pour les
leds). Innocent il, dans un sermon’ a glosé le sens spirituel des qualre clous
Limage doit se limiter & ilustrer cetle vérilé texluelie: toute divergence procéde de
a déformation ignare ou maligne; Luc de Tuy, au milieu du Xi! sigcle, volt dans
la figuration des trois clous un montage calhare (comme {a représeniation de Io
Vierge monoculaire, ou de la croix & trois branches) destiné @ pervert la foi par le
regard, Ce severe mililant de la source fextuelle se rapporle aussi au "vécu", alo
sémonence actuelle du passé: la forme des sligmates sur les pieds de saint Frangois
attesie la réalilé des deux clous sur les pieds*
Droultes fidales se fient & inspiration iconique gut, @ partir de 1230 environ, fixe
les deux pieds un sur autre, avec un seul clou, Mais le référent passé
(événement de 33) demeure inaccessible. Sa trace se disperse dans les séries
divergenies de limage et du texte. La convergence se rétabit par Vherméneutique,
figuiée, dans nolte contexte allégorioue, por la vision de scinte Brigitte de Suede,
au milieu du xIV™ sidcle, la sainte voil que les deux séries sont compatibles: on308
lous les pieds I'un opiés 'aulre, mols en recouviant le premier per le second et en
masquan! cinsi le qualrigme clou au regard. Auitement dit, le texle dif te viol;
Timoge peut sy conformer par le biais nécesscire cle heiméneute-visionnaire.”
Les jésviles de a fin du XVI" siecle, comme le pere Jacques Gretzer,*
reconsidéron! le probleme, se gaidérenl de froncher et posérent clairement
Vimpossibiité essentielle d'atteindre le 16téren! originel. Ils juxtaposérent les discours
opposés ef poinlérent, comme rétéren! pertinent, Ia fol ef son discours. Dons mon
exemplum, ls feptésentent 'émergence novvelle d'un rétérent de substitution,
formulé par les anolystes contemporains de la crucitixion: image (ou le texte) est
son propre téférenly du rudimeniolte a 'élaboré, le clou unique, vers 1230,
sexplique pot la diminution de lorgeur du bois de Ia croix (decteur thoby)*s mals,
dons l'ntinie régression philoiconclogiave, i! tout expliauer cette diminution & son
jour, ou bien pat une nouvelle spiritualilé (cu Christ iriomphont au Chris souttrant) ~
Daniel Russo’ -, ou encore par un siyle novveau, “gothique”, qui impose une
torsion conttaciée du corps souttrani, obtenve pat le croisement des pieds ~ Chiara
Frugoni”
Uhistolte de ort conlernporaine, depuis Panotsky et Shapiro, 0 réussi & se
consliver ce réfétent historique novveay, foil de styles d'appréhension ef de
Teprésentation du monde et, & bien des égards, cet effort rejoin! celui de I histoire
des mentalités, quand elle saisit des fagons de sentir et ce dite Ie mor, Ia sexvalité,
le pouvoir, ete.
Mois lo question du parallélisme et du document demeure: onc & faire a Io
structure @ Ia fois hypertextuelle ef hypericonique du document, l'histoire des
mentalités reconsliiue un hypertoxie fait didées, diidéologies, de sensibiliiés,
univers mentoux. Cel hypertexle peut élre pris comme une hypeticone, en ce qui
conslitve les mentalités en grande Image, en representation 'un rétéren! inacces-
sible, celvi du vécu empirique, singuliet et loiniain, mais toujours postulé.
Loeuwe d'éinst Kanlorowicz suggdte pouttan! une altetnalive qui permet de
trailer les images et les textes (et les rites) en monuments et non plus en documents,
en processus aclifs e! non plus en témoignoges passits.
Pour repéret le travail de Kantorowicz, jamais explicite, rétif @ la théorisation, il
mmo pary nécessclie de moniter son échec avanl de retléchir sur sa réussit.
Considérons dabord le chapitie des Deux Corps du Ro) consocré @ Ia
souverainelé fondée sur le Christ, oui soppule sur une analyse parciléle d'une
image et d'un texte. Uhypertexte qui se lit dans ces documents, pour Keniorowicz,!
es! celui de la “Christomimesis", de limitotion du Christ par le souverain, aux x"
et XI" siécles. Uempereur se légitimerail en metiant en scéne une double ncture
(céleste ef terestie) qui en feral un anclogue du Chris. le phénornene de
menialité observé ici se nemmerait socialisation chiétienne du souverain \aicy
analyse herménevliue décéle les traces de cette mise en scéne. Mois elle bule
sur le probléme insoluble de la ctoyance: les empereuis, les sulets croycient-lls en
existence de cette double nature? Le rétéren historique (1éférent 1) visé, situé dans
les consciences, patait irrévocablement inaccessible. Unistorien ne peut qvaccu-
muler une somme indétinie de signes textvels el iconiques. |! alfeint non un collectit,
mois un plutlel sans cesse menacé par lirruplion du singulier.
Cet hypertexte regoi! une ilustiction (qui, circulciremen! devient, apres coup,
une preuve) dans le tameux frontispice de évangélicire de Reichenau (fin x'*
siécle) offer! & Cthen II (2) el conservé é la calhédrale c'Aix-ic-Chapelle.be
CTP TER
HUST
Figue te Figure 10
Lanalyse de Kanlorowicz se fonde entiérement sur Ia verlicalté iconique (haut/
bas), signalée par des sSparations horizontales neties, qui franscrit une hiérarchie
divine et tertestte. La zone supérieure, divine, inclut, dans une auréole, une main de
Dieu qui couronne lempereury plus bas une zone célesle rassemible les quatre sym-
boles des évangélisies ef le haut du corps impérial, jusqua mi-tore. lo
participation quasi christique d'Othon au royaume célesle est indiquée par la
mandorle od Il ne et qui coupe, en son sommet, auréole divine. Une banderole
fenue part le boeut ef fe lion, traversant la mandate et le lorse impérial, manifesle
la double nature de I'empereur: la téle, receptacle de la couronne, les épaules, oD
se donne onction, le coeur 00 siége ame, appartiennent a la sphére céleste. Le
bas du corps impérial partage avec deux personages couronnés (des princes?) la
zone terresite, elle-méme higrarchiséey une figure allégorique (Ia Terre), ployant
s0us I'efforl, soutient le plan horizontal od se trouve le lrOne de lempereur. Tout en.
bas, deux groupes (deux soldals ou barons el deux. préials) se font face.
Un texte plus tordit (fin X°"* sidcle), le traité violamment anti-pontifical de
Anonyme d'York confirme I'hypertexte et son illustration en célébrant longuement
Vonotogie entre !Empereur et le Christ Le retard du texte sur limage niempéche
nullement celle-cl de garder son rie illusratif: apres avoir cité un extrait de
"Anonyme d'York, Kantorowicz revient au frontispice en disant: "Telles sont les idées
mémes que la miniature fait voir” ("These are the very ideos which the miniature
displays” ). Le décalage temporel en faveur de image {ui assure méme une sorte
Siinnocence, de candeur implicitement garante d’authenticité.
Mais, depuis la parution des Dour Corps, l'interprétation de Kantorowicz (pour
ce seul chapilre) a 618 gravement remise en cause, fant du cdté de limage que du
texte. En 1959, Wilhelm Messerer a donné un sens nouveau @ la Sanderole tenue pat
les Evangélistes (voile de la voile céleste pour Kanlorowicz); Messerer a considéréno
lo page qui toil face au trenlispice: dons un losange, un moine tient un livie & lo
main et porte ses regards vers lo page du frontispice. Quatre lignes de texte, ov
dessus ef au dessous de image fournissen! une légendie: “Hoc Augusle libro tibi cor
Dorninus induat Otto quem de Liviharo te suscepisse memento” (“Avec ce livie,
empereur Othon, puisse le Seigneur vétir fon coeur, el souviens-foi que 1v en as fait
commande a tivthar” )?
lo bondetole, suivant ia designation de Liuthar, représente done I'évangile Iui-
méme, déroulé en volumen. Lo disposition cu volumen contre Ia poitine de 'emps
teur comtespond execlement & Timage verbale de Livthar: le texte sacié revel le
coeur d'Othon, La literalité perlinente du texte de Livthar transtorme linterpréiation
de Kanlorowicz en une métaphote don! Ia légende tormerail le sers propre. Mais
‘lors qui ferait fonclionner le sens figuié? Dans la communication réduite @ Uuthar
et Othon, quelie fonction prendirait la mélaphore?
Cutieusement, ic critique contemporaine o foll subir la méme 1éduction au texte
de Anonyme dork: Texamen serté des manuscrits a permis une attribution
possible & 'évéque notmand Gulliaume de Bonne Ame et surtout elle a établi que
Ce texte conslilvcil probablerent un exercice d'école, desliné @ lenitainement 6 Ia
Gialectique. Certes, Guillaume, connu pout ses positions hostiles & la papoulé, n'a
‘pas choisi son sujet d'exercice au hasaid, mals hyperbole laudalive et viluperatrice
correspond au souci de pousser un raisonnement a ses extremes limites.
Lanalyse de Kanlorowicz et celle de ses critiques réilérent les termes de notre
exempium du clou: Konlorowicz vise un rétérent réel et inaccessible (ce que
ctoycient les gens des x°"* - x?"* siécles en matiére de socralité chistique de
Yempereur), la 16évaluation du texle el de image renvoie au referent second,
immédiat dans les documents (les propos singuliers cle Livthor et de Guillaume de
Bonne Ame), mals elle o l'intérét de signaler Ia nécessité de integration des
‘documents dans un sysiéme discunsit, cu plus prés de la surface signitianie.
Si Thislorien des menteliiés mainiient son ambition de viser le collectif ~ ce qui le
Géfinit ~ il dolt tenter de déposser cele juxloposition du plutiel et du singulier. Four
ma part, ai ten! éailleurs" de montier quil était possible de passer de Ie notion
passive é piurielle dunivers mental @ [a nolion active clunivers de croyance, en
‘empruntani ce terme lo logique et a Ia linguislique (On appellera univers de
croyance d'un locuteur donné application au moment de la parole, de rensemble
des voleuis de verité").” Le collect, dans celle perspective, se désignerail par
Fintersection des univers de croyance, formée de propositions communes (un savoir
explicite, enseigné, Imposé, pariagé), soit par tangence, La proposition tangent,
dont j'ai analysé un exemple au XI siécle, avec “Quod omnes tani”,
oppartient & ensemble des univers (clindividus cv de groupes) fou! en poraissant
telever en propre de chaque univers; de telles propositions inchangées, prennent
un sens parliculier dans ensemble des propositions, des univers dislincls. le meme
‘Qued omnes fangit” prend une signification pentificale, royale, corporative sans
transformation ni ex6g@se. Les propositions tangenles consiitven! la partie a plus
‘active, Ic plus historique des univets de croyance; elles monitent le portege actit
d'un savoir
Ces propositions tangeniles, 1ares el puissantes, me parcissent se rapprocher de
la notion d'énoncé chez Michel Foucoull (Archéologie du savoir)" ou, chez
Kontorowiez, de ces 6lémenis verbaux quil place av cenite de son onalyse ef quill
‘appelie des "fictions", ov des “chitttes” (cu bien, dans le cadre de son proposm
des “théologismes"), ou encore des "Ihames”. En dehors du chapitre sur lo
christomimesis", lonolyse, dans les Deux Corps, porte exclusivement sur
Varchéolagie de ces énoncés, 8 partir des métaphores singuliéres, des élaborations
plurielles de notions insiitutionnelles. Kantorowicz se garde bien de donner une leon
finale & son analyse, il ne prétend pas avoir dévoilé la consiruction occidentale de
Etat moderne, encore moins une phase de socialisation royale. Son livre montre
la formation de lénoncé majeur “la dignilé ne meurl pas" ("Dignitas non
moritur"), proposition fangente qui fonde aussi bien I'#at, que la monarchie
absolve Ou lo démocrotie. Diauires énoncés participent a celte construction:
“Christus/Fiscus", “Phoenix”, etc... Ces énoneés ont un réle structurant, tout en
niétant pas forcément visiblés ou ditectemen! repérables. lls soffren! dans leurs
variations concratas et diverses, el, en ce sens, il foul comprendee le theme au sens
musical
ta force de Kanlorowicz consiste précisément & saisir noneé au milieu du
discours el @ sa surface, sans présupposer de référent (dans les deux sens donnés
plus haut): la séparation de fa personne el de Ia dignité ne provient pas d'un parti-
pris préalable ni d'une pensée singuliére. On ne la repare quou gé dune
archéologie algatoite. Par exemple, “Christus-Fiscus” consllue un énoncé @ partic
du momant 0d, du paralile (entre les biens de lEglise et ceux du royaume-tiat),
fon passe & Une celiule mélaphorique qui donne verbalement Tidée d'une
personnalité propre de ce qui sera Etat et ne peul sexorimer de fagon explicile ov
consensuelie.
0%, pour repérer celle Emergence, Kanlorowicz port d'une formulation tardive
(Xv ‘sidcle), {ile en guise de ploisanterie par le juge Paston. De Ia, il remonte,
au XIV" sidcie, & Philippe de Leyde. Dans une premiare esquisse de ce passage
des Deux Corps dl roi, publiée en article,” Kantorowicz établissait une généalogic
conceptvelle: la distinction des droits inaliénables, du droll romain a Bracton. Mals
le version finale propose une archéologie discursive poradoxale, qui fait 'conomie
de ce 1816renl conceptuel: [a forme verbale de l'énoncé se dif, sans rappor! avec
Finalignabilité, dons une autre plaisonietie du pseudo-Auguslin, 6cho d'une phrase
d'Augustin, qui, dans la labilité de l'analogie symbolique fait glisser verbalement les,
cotégories profanes sur io personne du Christ. 'noncé se présente comme un dio~
phragme qui focalise une dispersion discursive (verbale, notionnelle), et en assure,
ensuite, la diffraction.
Pour Michel Foueaull, !'énoncé parait indépendant o'un véhicule particulier: un
graphique peut conslituer un énoneé. Ceci nous incite 6 chercner des formes iconi-
ques d’énoncé.
Un bel arlicle de Kantorowicz, sur lo "“Quinité de Winchester," publié en 1947,
me semble fournir un exemple assez remarquable c'énoneé iconique, méme si,
Une fois encore, Kantorowicz refuse toute thorisation, Kanlorowicz commente le
dessin qui illusie loffice de la Tinllé dans un livie des Offices dy Nouveau
Manastere de Winchester, copié vers 1012-1020. Ce dessin présente une étrangelé
Slonnante: la Tinité y apparolt sous forme de cing personnages (une “Quinité
sur Ia voole céleste, sont assises deux figures identiques, avec io méme barbe, |e
méme nimbe cruciforme, le méme livie dans la main gauche. La seule differénce
rovient de la figure de gauche, qui pisline un diable. Assez clalrement, ce groupe
teprésente le Pate et le Fils, selon la lecture chrélienne du psaume 109 ("Dixit
Dominus Domino meo sede a dexiris meis Donec ponom inimicos tues scabellum2
pedum tuoum" (“le Seigneur dil &
mon Seigneur: ‘Siage 6 mo dioile que je
{asse de tes ennomis lescabeau de tes
pieds'"), Mais 6 gauche du fils, oppo:
rail une Vierge & enfant, avec Ia colon
be du Scini-fspilt sur sa coutonne. to
deutieme personne de Ia Tinilé figuie
done deux fois dons celle “inite~
euinite”
Kaniorowiez propose deux types dex
plication, 'une orientée vers 1a singulo-
fé du “dessinateu, avite vers une
Elaboration collective longue, cristalisée
au moment de to Quinilé en une
figuration “ nuclécire”
le dessinateur, pour présenter ta Tir
nite auieit disposé dun modéle bincite,
represente par les illustrations du psautier
@Unectt, en face du texte du psav-
me 109, Mais dans ceite figuration, les
eux Seigneurs correspondent aux deux
natures du Christ, comme une glose marginale latteste. Ayan! 6 figuier Io Tinie,
Fattiste tencontiai une dificulté: la similiude des deux premigres personnes,
Inéologiavernent nécessaire, oblitérait la difference chiistique (Vincamation); i
fallait done adjeindre une représentation du Chrisl-homme seus la forme de IEnfont
porlé por sa mere.
‘Comme {igure gémellaire de la souversineté divine, 1a binilé de Winchester
cutive cu terme d'une tradition iconogiophique qui associe deux empeteuis
parlageont le meme tréne couronnés par une vicioire, ov bien un empereut el un
dieu dans la méme position, ou encore Piette et Paul couronnés por le Christ, On
trouve mame le tedoublement du Christ dons un rédailion od Elienne el le Chit
son coutennés pat le Chisl-Enfant. Ce long schérna figural absorbail des sens
bien distinc: la dyaichie politique, Vessociation de empereur el de son fils, to
piécication de Poul ef lo magistrature de Piette, la présence du Chilst parti ses
martyis souttionts, la double noture chvistique
'A partir du moment od, dans le manuscill de Winchester, la figure se dissocie
Gun contexte ustalit (le psaume 109, par exemple) el atieint une espece
Cavlonomie inexplicable et insislanle, epércble au succes de ce theme gémeliaite
ux XF"* ot xIP™ sidcles, elle devien!, comme binité, un énoncé iconiqve, structure
forle aui impose une adaption (10 Quinilé) et devien! done un élément actif de
signification. énoneé ne peul se dita verbalement - ef Xaniorowicz note
maiicieusement que tc tionsctiption théologique relévercil dune espece de
nestotlanisme; il ext le schémo de deux figures divines analogues communiquent
par le regard et la poiole.
On pouttait mesuier fo puissance générotrice de 'énoncé binllalie en remeron!
les voriotions que le terme perrnet aux xP" el XIN siécles: on pourreit ropprocher
la binité des intetrogetions cTAnseime sur la Tinilé," lorsqu'll se demande, avec une
libeté extraoidinaire, ce qui se passerail si le Pete, ef non le Fils stoi! inecine, I
Figure 23
conslate que Ihypoinase rendrait 1s compliquée lo situation familicle de la Tinités
Wo tejetle donc, mals apres avoir pu lo formuler. Cinquanls ans plus tard, Aelted
de Rievaulx consacre un pelil{railé au moment ob Jésus eul douze ans:" 4 douze
‘ans, Jésus est, d'un 06t8, le petit gorcon dont lo mare sinquiate lorsauil disparall ~
et Aelred relaie Ia mere en se demandant qui le vat at le soigna, mals Jésus est
‘uss cetul qui, loin de la mere, enseigne las doctours et rettouve son Pere, avant de
fejoindte la fomille. La siructure déciite par le tailé d'Aelted es! quinitaire, o pair
de la cellule bnilare. Dans le domaine du cre, la redécouverie du droit romain av
XII" side inclut le relour actif de la formule grammaticalement aberrante "Heres
wus" (Vhéiitier de soi-méme), récemment cnalysée par Yan Thomas,” ov de
pater ef filus ecdem" (le pére at le fs son! la m&me chose); le travail de cette
idlenilé binioire, ou cours du XiI** siecle, aboull @ fodage fomeux: “Le mort
soisil le vil". E> termes politiques, énoncé biniaite se tanscrirait dans une
proposition non dite, repéroble dans le rte et linsitution (le couronnement de
Théritiar du trone du vivant du roi chez les premiers capéliens): “le jeune souverain
‘est déja pleinement souverain”. La réaité structurante de 'énoncé tendrail donc 2
rétuler fa thase contestable d'Andrew Lewis” sur absence de spécifcité dynastique
des Capétiens por rapport aux lignages arstocrotiques.
‘On mrobjectere sans doute quiavec cette notion d'énoneé, je remplace une
hypothase idéologique par une aulte, mais 'énoncé, élément discursf de surface,
garde un aspect tragmentaire non lotalisant qui lui permet c'échapper oux
Immobilisations herméneutiques ef de garder so voleur stucturante, & cOl® des
onalyses de singularité et de siyle.
Quels peuvent are, enfin, les enjeux et les profs de ta notion d’énoncé,
commune ou texte et 6 Vimage?
\l Sogit de soll du modale expressit st cicculaire (‘elation hypertexte-textes,
images), vationle de la sémiologie stérle du code et dotteindre un modele
diseursit et inuplionnel. On ne procéde pas ains! @ une soctalsation théorique du
discours, mais @ humble constat que Ihistore Impose de definir les phénomanes
collects et que le collect limite étroitement son acces: au milieu, @ ta surface des
discours et des pratiques,
Notes
41. Innaecantil, Sermo de uno martyre, dans Potrologie late, leme 217, col. 613.
We de Tuy! De allara vic fideique coniroversis adversus Albigenses errores, ive I. Ce
texte de Kil sidcle, dont on qe connat! pos de manuscit conserve 0 66 écile (et
femanis) parle péie Mariana en 1612 a ingolstod.
3. Sainte Sigile de Suede: ovolatnes, I, 10; M70; Vi, 15.
Jocaues Gtelzet, sj,:. De Cluce, dans Cpeta omnia, Ratisbonne, 1734-1741, tome |,
‘cap. 20, 30 tag. Dans celle édlion tare, le De Cruce occupe les fois ‘premies
volumes,
Paul Thoby: Le crucifix, des origines au concile de Tene. luce iconographique, Nantes,
1959 et 1963.
Daniel Russo: Sarit Frangois, les francloains e! [es representations a Cis ur ler cro en
‘Ombrie ou 4°" sidcla, Recherches su fo fermation dune image ef sur une sensible
‘etihaique du Moyen ge, Mélonges de Tcole francaie ve Rome (Moyen Age Temps
mocieines), 96, 1984, 2, 647-717,m4
7 Chiara Frugoni: Le Mitiche, te vison! @ Ficonopratia: ‘apport! ed infusi, dans Att cel
Convegno sv "ta misica feria det tecenio", Too!, 1982, 5-48.
18 Eins! Kantorowles! (as dour comps dy (Ol Esa Sur 1a"ihealagie poafique dy Moyen Age:
Tad, trong. JP. Genet ot N. Genet, Pais 1989 (lesle de 1987), 81-79.
9 Wihelm Messerer: Zurn Faweroid des Aachener Cioncodes, int Nachichian ler
‘Alademe dev Wisenschatien in GStingen, | Ploiogische-Hisorische Kasse, 1959, 2,
27-36
40. Voir H. Schettintky: Uniorsuchungen 2u dem sagenannfen Anonymus von York, Worebutg
1946 €! W. Bett Sivalen zum sogenannien Anonymus von York, Dissertation, Minchen
1966,
11 Alain Bovieau: Quccd omnes fongik de fa lungence des univers de