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University of Toronto

http://www.archive.org/details/tudesurlesgest03dufo
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^/e^ARV
ETUDE
SUR LES

GESTA MARTYRUM
ROMAINS
III
DU MEMIi AUTKUIl

Etude sur les Gesta Martyrum Romains (0 volumes).


I. Vue générale. Le Mouvement lèçiendaire ostrogotfiique. Paris, Fontemoing,
in-S, 1900. Couronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,

1901. Prix Bordin.


II. Le mouvement légendaire lérinien. Paris. Fontemoing, 1907. in-8.
III. Le mouvement légendaire grégorien. Paris. Fontemoing, 1907. in-8.
IV. La Légende romaine et la Légende manichéenne (sous presse). Paris.
Fontemoing, 1907. in-8.
V. La Légende romaine et la Légende grecque (sous presse). Paris. Fonte-
moing, 1907. in-8.

VI. Les collections (paraîtra en 1908). Paris. Fontemoing. in-8.


La Ghristianisation des Foules. Paris, Bloud, 3*^ édit., 1907.
Le Passionnaire occidental au VIT siècle. Mélanges d'archéolo-
gie et d'iiistoire publiés par l'Ecole française de Rome. — Rome 1906.
Saint Irénée. (Collection La Pensée chrétienne). Paris. Bloud, 3^ édit.,
1907.
Saint Irénée. (Collection Les Saints). Paris. Lecoffre, 2^ édit. 1905.
L'Avenir du Christianisme. Première partie Le Passé : chrétien.
Vie et Pensée. 3® édition revue et augmentée d'une bibliographie
(4 volumes). Paris. Bloud, 1907.
I. — Vépoque orientale. Histoire comparée des religions païennes et de la
religion juive (jusqu'à Alexandre).
II. — Vépoque syncrétiste. Histoire des origines chrétiennes (depuis
Alexandre jusqu'au m® siècle).

i^Al^l-AMA^D (CHKR). IMPIUMEKIE BUSSlEKli


ÉTUDE
SUR LES

GESTA MARTTRUM
ROMAINS
TOME TROISIÈME
LE MOUVEMENT LÉ&ENDÂIRE GRÉGORIEN

PAR

Albert DUFOURCQ
PROFESSEDR -ADJOINT A l'umIVERSITÉ DE BORDEAUX
DOCTEUR ES- LETTRES

PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE THORIN ET FILS
ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
Libraire des Jîlcoles françaises d'Atliènes et de Home,
de l'Institut français d'Archéologie orientale du Caire
du Collège de France et de l'Ecole Normale supérieur©

4, RUE LE GOFF, 4

1907
241 7 8
PRÉFACE

DïL
PRÉFACE

Le mouvement légendaire qui s'exprime dans les


Gesta mariyrum romains de Tépoque ostrogolhique,
comme il continue le mouvement lérinien, se prolonge
au temps de Texarchat de Ravenne conquête
et de la

lombarde. On le voit se propager lentement dans les


pays qui entourent Rome; la date tardive des textes
mouvement.
rappelle l'origine étrangère du
La physionomie de Grégoire le Grand (+ 604) appa-
raît dès lors dans un jour plus clair saint Grégoire :

n'estque l'émule illustre de cent écrivains obscurs;


son attitude montre quel chemin, depuis Damase, a
parcouru l'église romaine. En le rapprochant de ses
contemporains et de ses devanciers, on s'explique
aisément l'origine, on apprécie plus précisément la
portée de son œuvre hagiographique.
Et c'est ainsi que l'analyse du « mouvement grégo-
rien » nous met à même de mesurer plus exactement les
conséquences du « mouvement ostrogothique », comme
l'étude du « mouvement lérinien » nous a permis d'en
apercevoir plus distinctement les causes (1).

fl)Chercher en tête du tome II l'explication des principale abréviations.


J'ajoute =
ici la mention de C. Diehl Etudes sur V admininistration byzantine
dans Vexnrohat de Ravenne (568-751) Paris, Thorin, 1888.
CHAPITRE PREMIER

TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE,


LES SAINTS ALEXANDRE, HEDESTUS, AGAPET

La Légende romaine s'est épanouie à l'époque ostrogothique,


à la fin du v^ et au début du vi^ siècle tous les indices qu'on :

a relevés nous ramènent à cette date ^ Mais, passé cette date,


qu'est devenu le mouvement littéraire que nous avons décrit?
Venu du dehors à Rome, est-ce à Rome qu'il s'est arrêté et
qu'il est mort? Ou bien de Rome, son nouveau centre, s'est-il
propagé peu à peu dans les régions voisines ?
Justement, après l'expulsion des Goths^ certains pays se
groupent autour delà Ville. C'est le temps où se forme l'orga-
nisme qui s'appellera longtemps l'état pontifical on le nomme :

alors le duché de Rome. Qui sait si l'étude des légendes qui y


fleurissent ne montrera pas qu'elles sont solidaires des gestes
romains et qu'elles en prolongent l'œuvre curieuse ? Aujour-
d'hui comme autrefois, faisons rapidement le tour de Rome,
non plus en visitant ses églises ^, non plus en descendant
dans ses cimetières ^, mais en parcourant l'exarchat.

* G. M. R., 1, 287-321.
2 G. M. R., 1, 101-172, chapitre ii de la deuxième partie.
3 G. M. R., I, 173-264, chapitres m et iv de la deuxième partie.

III 1
TRADITIONS im LA CAMPAGNE ROMAINE

Les légendes des deux ports do Home et du petit bour^^ qui


dotmo son nom à la voie Nornentane sont (Hroitement soli-
daires, on l'a vu \ des légendes romaines. En nst-il
de mAme
de ces autres légendes dont on rencontre le point d'attache à
la même distance environ de la Ville? Les gestes de Haccano,
de Laurente et de Préneste présentent-ils le môme caractère
que les gestes de Nomentum, de Porto et d'Ostie ?

Les gestes Autemps d'Antonin, le bienheureux évêque Alexandre,


^dre^fde' ^^^P^^ ^^ ^^
grâce de Dieu, combat les idoles et travaille à
Baccaao 2) ramener les âmes dans le chemin de la vie. Comme on porte
Luceius^ qui vient de mourir^ il dit aux parents : « Croyez au
Père^ au Fils et à V Esprit-Saint, et votre fils ressuscitera ».
Les parents se laissent persuader, V évêque implore Celui qui
a ressuscité Lazare^ et V enfant ressuscite. Et le ressuscité
s^ écrie: « Deux Egyptiens ^ pleins décolère et de fureur m'en-

traînaient au désert: ils allaient me précipiter dans un puits


scellé de sept sceaux *, lorsqu'un homme jeune, à V aspect
éclatant, cria d'une voix forte : « Lâchez cet enfant, qu ap-
pelle le serviteur de Dieu Alexandre » ; et les Egyptiens me
ramenèrent dans mon corps. » Et l'enfant ajoutait :

« Alexandre mon seigneur, baptise-moi au nom de Notre


y

Seigneur Jésus-Christ, pour que je ne revoie plus ce puits que


j^ai vu c''est là qu^on envoie ceux qui ne sont pas baptisés,
:

ceux qui nont pas confessé le Christ ! » Et tous, sans hésiter,


se firent chrétiens : et, comme on était au début du mois de
mars, ils furent baptisés le saint jour de Pâques, Ils étaient

^ G M. R., I, 237-243 (Porto), 244-250 (Ostie), 212-213 (Nomentum).


a B. H. L., 273. 21 septembre 230. Cf. Tillemout, ii, 319.629; AUard, ii, 169.
Neumann : i, 306-308.
3 Le narrateur veut dire des diables, noirs comme des Egyptiens.
* Souvenir des 7 sceaux de l'Apocalypse.
ALEXANDRE DE BACCANO 6

Antonin apprit ces merveilles et ordonna au premier palatin


(primus palatinus) Cornelianus de lui amener Alexandre. Cor-
nelianus nous trouva dans réglise, le jour du Seigneur,
comme nous instruisions le peuple ; car les messes [missae]
n avaient pas encore été célébrées. Effrayé par cette nombreuse
assistance il nous explique avec respect la raison de sa venue,
,

a Je la connais^ lui dit Alexandre; mais allons. Et il re-


ï>

fuse de fuir, il empêche le peuple de lapider le palatin^ le


bénit après avoir fini la messe et nous renvoie ; mais comme
il m'avait ordonné prêtre, je V accompagnai à Rome avec ma

femme — sa propre sœur — , avec Boniface et avec Vitalion.


Or, Antonin était en Tuscie : il se faisait bâtir un mausolée
sur la voie Claudia, au 18^ mille. Cornelianus arrive rapide-
ment au Clivus Parralis, au priEtorium Fusci, où il comparaît
devant le tyran : je r avais suivi jusque-là, mêlé aux soldats,
curieux de connaître les gestes du martyr, Alexandre confesse
le Christ, descendu du ciel pour nous délivrer de la mort; il
brave lestourments du chevalet, et est reconduit en prison,
Vange Michel vient délier ses chaînes ; puis il m'avertit de
quitter l'arbre sous lequel je m'étais endormi, afin de 7i*être
pas maltraité, et je suis la route comme un mendiant. Quatre
jours après, dans /<?praedium des Nœviani, Antonin fait dresser
son tribunal et préparer les jeux ; mais Alexandre fait lé signe
de croix, repousse les avances de F empereur et méprise les
supplices [chevalet, lames ardentes, ongles de fer), Lors qu! An-
tonin jure par Jupiter, par le Soleil Invaincu et par Apollon
le grand de le traiter comme un frère s* il sacrifie, il feint de

se laisser fléchir ; mais, arrivé au temple d'Apollon, il fait le


signe de la croix, et sa prière jette à terre ridole et le tiers du
temple. Et les ours et les lions lui lèchent les pieds.
Cependant le peuple proteste ; Antonin ordonne à son offi-
cium qu'on prépare une fournaise. Ce qui est fait, par les
soins des ministri, au bourg de Baccano, où il y avait des
thermes publics. Or, à la prière d' Alexandre qui raille et in-
sulte le tyran, la fournaise s'éteint ; pas un de ses cheveux n'a
été brûlé. « Décapitons-le », conseille Cornelianus. C'est à ce
moment qu'un des membres de /'officium, Herculanus, s'avoue
chrétien ; il a reçu la grâce du Christ ; il est condamné On ar-
.

rive à la fontaine qui est à 130 pieds du bourg, à deux pieds


hors du chemin, et là, le saint se lave les mains et la figure.
Plus loin, au 20^ mille de la voie Claudia, là où se dresse
4 TKADITIONS DE LA CAMPAONF^ ROMAINE

sur de grandes pierres rinscriplion de marbre, à sept pieds


de la route, au couchant, à 70 pieds de la borne milliaire,
Alexandre aie sa tu)ii(/ne [de dessus {planète ou daltnatiquei],
et, vêtu de sa timique de lin, après s'être bandé les yeux de

V viole, orarium, f[uil a empruntée à une veuve reneontrée sur


le chemin, il fait le signe de la croix, et il est décapité. La terre
tremble ; les thermes et les maisons du bourg s'écroulent. —
La nuit venue, enlève le corps et Boniface va se procurer des
f
aromates. Sur l'ordre d' Alexandre qui rn apparaît^ moi Cres-
centianus, je V ensevelis, non dans la petite crypte que j'avais
creusée avec mes compagnons et qu'il me réservait, mais à
l'endroit oit il avait été mis dans la fournaise ; et. sur son
ordre encore, je serrai soigneusement sa passion, afin qu'An^
tonin ne piit la brûler. Et je gravai cette inscription dans le
mai'bre :

vénérable martyr Alexandre, Evêque.


Ici repose le saint et
On célèbre sa déposition le il des kalendes tC octobre,
tandis que règne Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui honneur
et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

Le texte qui est ici résumé se lit dans le Codex Vindobo-


nensis 357 : je l'appelle le texte A.
un peu plus longs. L'un,
JNous en connaissons deux autres,
B, est les Bollandistes et commence par les
imprimé par
mots In diebus illis il compte 14.1^^2 baptisés, non
^
; 125 ;

place au dix-septième mille le mausolée d'Antonin, omet


de cette veuve qui donne au saint son étole, trans-
l'histoire
forme le nom Luceius en in locello et ajoute l'épilogue sui-
vant.
Quatre jours après le martyre d'Alexandre, sur Vordre
d'Antonin, Herculanus est jeté à minuit au milieu du lac ;
mais la pierre se détache de son cou, il sort des eaux, prie
Dieu d'avoir pitié de lui \jans doute parce quil n'a pas reçu
le baptême], et encouragé par une voix du ciel, il rend l'âme.
— Les soldats, qui ont tout vu, racontent tout à Cornelianus.
Comme celui-ci veut briser l'inscription, sa main se dessèche,
et c'est au tombeau qu'il est guéri. Et en informe Prota- il

sius, et c'est sous sa dictée ciue Protasius écrit cette histoire.


Un homme juste et craignant Dieu, à la suite d'une vision,
i B. H. L., 273, 2i septembre 230.
TROIS VERSIONS D ALEXANDRE 5

ensevelit Herculanus dans son cimetière, le 6 des kalendes


d'octobre. Après la mort d^Antonin, Cornelianus donne à Pro'
tasius, qui a élevé sa filles le prsetorium Fusci Protasius y
;

relève les thermes deBaccano ; il y construit, sur ma demande,

une église au tombeau du martyr, en même temps qu^un ci^


meiière de 800 pieds de circuit. La dédicace de l'église est
fêtée le 10 des kalendes d'avril [23 mars], Constantin et
Crispus césar étant {consuls) pour la deuxième fois [321\

L'autre — que j'appelle le texte C — nous est accessible dans


les longs résumés qu'en ont faits Adon et Flodoard *. Voici
les traits qui le caractérisent \ Les convertis sont au nombre
: .

de 125 2. L'ange qui apparaît à Crescentianus n'est pas


;

nommé 3. La construction de la crypte est attribuée, 72on à


;

Crescentianus^ mais au pape Damase ; 4. amas e fixe la fête D


du saint au 2H novembre, date d'une translation du martyr ;

5. L'enfant ressuscité porte le nom du Luceius.


Vocabatur is Luceius.^ cum quo baptizati sunt alii centum
viginti quinque [404J... Cuipapa Damasus postmodum cryp-
tam condignam faciens, illic eum sexto Kalendas decembris
transposuit quando et festiuitatem ei dicauit. Orarium porro
illud sibi prœstitum unde sibi martyr oculos texerat, mox ut
decollatus est mulieri per quendam puerulum, quem ange-
lum non est dubium, reformatum est. Quod illa non
fuisse
sine grandi stupore recepit etvere martyrem confessa Alexan-
drum Christo credidit [405].

On étudiera tour à tour la légende commune aux trois


textes, puis les particularités de chacun d'eux.
Une domine la première partie de cette légende^ l'idée
idée
que le baptême est nécessaire pour être sauvé ^. N'est-ce pas
un indice que la légende a pris forme au v® ou au vi* siècle,
alors que s'opérait lentement la christianisation des foules ?
Je remarque, d'autre part, le soin qu'apporte l'auteur anonyme
à mettre en relief la sainteté d'Alexandre, et son crédit sur
Jésus ^ Ce trait convient à merveille à cette époque où
s'exalte le culte des martyrs. La langue politique, l'allure gé-

t p.Z., 123.403 et 135.645. —


Cf. le Codex Ambrosianus, H. 224.
2 Pateum... ubi mittuntur non baptizati aut quicumque noa fuerint
M
Cbristum confessi. Unde iadubitatum est omnibus ut fièrent Christiani. Et...
die sancti Paschae omnes sunt baptizati », § 2.
3 « Remittite puerum quia vocatur a famulo dei Alexandro. »
fi TRADITFONS DE LA CAMPAGNE ROMAINK

néralo ol les (l(UaiIs du (l('volop[)(!nieiit '


ra[)[)(;II(;nl précis/imrînt
l(îs gestes romains iU) l'époque ostro;4ol}iif|ue.
Très netlenieut, enlin, deux df^tails nous dénoncent cette
mAme époque, parce qu'ils rcflèlnnt l(!S controverses qui p;i^-
sionnent alors l(;s esprits je songe h. ce souci frauthentifirr '
:

qui pousse le pseudo-Crescentianus à feindre d'Atre un compa-


gnon du saint et un témoin oculaire des faits ; et je vise aussi
les passages où le saint refuse, de s enfuir où le narrateur
^,

sV.squive prudemment. Si j'ajoute que la mention de l'archange


saint Michel nous rappelle le culte dont les Romains l'entou-
raient, au moins dès le v° siècle *, on comprendra que nous
rattachions cette légende aux v® et vi" siècles, et, plus particu-
lièrement, à l'époque ostrogothique.
L'auteur avait quelques lectures s'il n'est pas étonnant
:

qu'à la mort d'Alexandre il imagine un tremhlement de terre,


réplique évidente des miracles qui signalent la mort du Christ
[Mt. XXVII. 51], je remarque qu'il se souvient de l'Apoca-
lypse ^ et fait baptiser les nouveaux convertis, une fois au
moins, au nom de Jésus seul ce qui semble bien venir des
:

Actes des Apôt.res « [II, 38 VIII, 12 ; X, 47 XIX, 5].


; ;

Le récit de la mort d'Alexandre est modelé sur le récit du


martyre de saint Cyprien '.
La résurrection de l'enfant mort rappelle les résurrections

1 Officium ; la conversion conçue comme un marché le signe de la croix,;

signe magique; « les lapides muti... »; Alexandre vient d'Orient.


2 G. M. R., I, 289-290, et 62, 65. Cf. Potentienyie-Praxède, qui est précisé-

ment datée du temps d'Antonin, comme Félicité.


3 G. M. R., 1, 331-336.
* Le Sacramentaire Léonien atteste une fête romaine de saint Michel, à la

date du 30 septembre, célébrée sur la Via Salaria, au 6^ mille. Et le Liber


Po7itificalis atteste l'existence d'une seconde église consacrée à l'archange, à
l'intérieur de la ville : Symmaque l'a embellie [Cf. Kellner trad. Mercati : :

L'anno ecclesiastico... (1906), 281-282; et Grisar Geschichte Royn^, i, 154,


:

note 5 et 181].
Saint Michel devint plus tard le saint protecteur des Lombards [Gotthein :

Die Culturentwickelung Sud-Italiens. Breslau, 1886, 41-111, ne donne rien de


précis].
s supra, p. 2, note 4.
Cf.
6 M. R., 1, 361-362.
G. —
La môme formule baptismale est attestée aussi
dans les gestes de Torpes [cf. infra\. Peut-être est-ce là que notre rédacteur
l'a prise. —
Sur cette question, cf. Turmel Histoire de la théologie positive,
:

1904, p. 126, 249, 299, 419.


Acta proconsulnria, 5 [Ruinart, éd. 1859, p. 263] : « et, cura se dalmatica

exspoliasset,... in linea stetit,... manu sua oculos sibi texit,... » Cf. 21 sept.,
§13 des gestes « et explicavit se tunica, et in linea stetit, et de orario suo
:

sibi oculos texit. » Noter que les actes de Félicité et Perpétue mettent en
scène un jEgyptitts. Cf. infra.
LE THEME CENTRAL 7

que racontent les gestes d'Alexandre pape *


ou l'histoire de
Thècle.
du peuple qui voudrait lapider le palatin nous
L'attitude
fait souvenir de Pierre et Marcellin dans cette légende, le :

peuple arrête les offlciales ' survenus au milieu de la messe,


missœ.
L'ange qui délie les chaînes d'Alexandre semble une ré-
plique de celui qui délie les chaînes de Pierre l'exorciste.
L'apparition d'Alexandre à Crescentianus rappelle l'appari-
tion de Calliste à Calépode.
La feinte du saint qui laisse croire à sa prochaine apostasie
est sans doute inspirée de l'épisode analogue qu'on lit dans
Euplus B. ^

L'histoire de la veuve qui donne à Alexandre son étole est


une évidente imitation de l'épisode Plautilla-Perpetua dans
les gestes de Pierre et de Paul *.
Les gestes de Sérapie et Sabine présentent, avec notre lé-
gende, quelques points de contact qui, peut-être, ne sont pas
fortuits ^.

N'est-ce pas à des légendes grecques qu'elle emprunte l'idée


d'une trinité païenne % et l'épisode du martyr qui, au moment
de sa mort, demande à se laver les mains ? '

Le personnage de Protasius semble un souvenir des gestes


de Gervais et Protais ; d'autant que le rôle qu'il joue, et aussi

G. M. R., I. 220.
1

G. M. R., I, 327. « luniores de populo Dei tenuerunt (officiales)... quous-


2

que missas faceret g. M. ». Un épisode analogue se lit aussi dans Clément


[Sisinnius arrive au milieu de la messe, missse]. Comme Alexandre, Clément
mentionne encore que les baptêmes sont conférés à Pâques.
' G. M. R., II, 179.

* « Gommoda mihi pannum quo caput tegis... ; ligabo enim mihi ocuios vice

sudarii et... amoris mei... pignus relinquam » \Passio Pauli ps-Linus, §14.
Cf. Lipsius : Acta Pétri, Acta Pauli... Lipsiae, 1891, p. 39; et mes G. M. —
R., 1, 327] et tSwv aùxrjv ô IlaùXoç xXafoucrav, Xi-^zi auxT). Soc fJtot to topàptôv
;

ffou xac uTToarpicptu, SiûWfi.? doi auxo. 'H Se XaSoôja to topàpiov Trpo0'j(jLW(;

eStoxev [Acta Pétri et Pnuli. Cod. Reggiensis, § 80. Cf. Lipsius : op. cit.,
p. 213-314; et mes G. M. R., i, 326]. Ici et là, la femme recouvre son
mouchoir.
5 Dans l'un et l'autre texte se lit le mot prœtorium signifiant maison de
campagne, propriété à la campagne dans Tun et l'autre on saisit comme un
;

reflet des légendes qui courent sur VEgypte (ici, ce sont les diables auxquels
on donne la physionomie des Egyptiens là ce sont les débauchés qui doivent
;

violer les deux saintes) l'un et l'autre appuient sur les seiitimenta de respect
;

(« prœses reveritus illam Gorneliauus cum reverentia cœpit dicere


: »).
6 {Euplus, etc.. Cf. G. M. R.. ii, 178), et G. M. R. V.
">
{Alexandre de Bergame, Florian) et G. M. R. V.
8 THy\I)ITIONS DF': r,A CAMPArîNR FiOMAINK

l'histoire de Cornolianiis, rappollonl fort Philippe et Cerelius,


dans cotte même légenchî *.
Les « l'i^^^ypliens » qui entraînent jeune I^u- aux. enfers h;
ceius ra[)pc'llent <les deux,
histoires anah)^^ues. .f'f*n citerai
(jrégoire le (irand conte ^ l'aventure d'un enfant de cinq ans,
auquel son [)ère apprend à hlasphémer Dieu l'enfant est ;

bientôt atteint d'une maladie mortelle; il voit venir à lui,


trementibiis oculis..., mallgnos spirilus ; il prie son père de les
écarter « ohsta pater, ohsta palcr^^
: Qui damans dpcliuahat .

faciem ut se ab cis in suiu patris absconderet, Quain ciim ille


Irenientem requireret quid iiidercty puer adjunxit dicens :

« Mauri homines venerunt qui me tôlier e uolunt » Ce sont .

ici des Maures c'étaient là des Egyptiens


; ces légères va- ;

riantes dissimulent mal l'identité du trait.


On peut indiquer avec quelque vraisemblance le texte où
notre rédacteur a pris ses « Egyptiens ». La légende de
sainte Afra rapporte la conversion d'une courtisane, chez la-
quelle s'est réfugié l'évèque Narcisse, sans savoir où il allait :

il fuyait les agents de Dioctétien. Lorsque l'hôtesse lui a dit


son métier et qu'il a commencé de la convertir, et qu'il prie
le Seigneur afin que la grâce surabonde où abondait l'ini-
quité, factum est. ..y ciim aidassent (episcopus et diaconus),
appariât Aigyptius ^ quidam nigrior corvo, nudus et vul-
neribus elefantiœ toto corpore plenus et dare cœpit mugitum
et dicere : o sancte Narcisse episcope, quid tibi cum casa
mea ? Quid tibi cum ancillis meis ?...
Voici enfin deux passages de saint Grégoire qui éclairent
l'origine du thème. Un moine
espagnol, Pierre *, meurt dans
le désert d'Evasa, puis ressuscite aussitôt il raconte ce qu'il ;

a vu aux enfers, les puissants brûlés dans les flammes où il va

1 G. M. R. Il, 37-39. —
Noter encore, G. M. R. ii, 67, que, dans Nazaire C>
Celse 7nort a vu Nazaire causer avec Dieu, et Isazaire ressuscite Celse ; et
comparer avec le palatinus primus Cornelianus le miles primus Dentus
[G. M. R., II, 64].
2 Bialofji, IV, 18, P. i., 77, 349.
3 Conversio et pa^sio A/rœ, § 6. [M. G. S. R. M., —
(1895). Passiones m
vitœque sanctorum œvi merovingici, edidit Bruno Krusch, p. 58]. Rap- —
procher ce fait de ceux que nous avons notés au tome II, et qui prouvent
que les gestes des martyrs du Danube étaient connus à Rome [cbap. x et xi].
Se représenter les démons comme de noirs Africains, Ethiopiens ou Egyp-
tiens, c'est donc un trait commun à l'hagiographie chrétienne. Cf. Rufin His~ :

toriaMonachorum, 29 [P. L., 21, 454] Geroutius Vita Melaniœ junioris [Ram-
; :

poUa, 30, 1. 25] ; et les légendes apostoliques.


^ Diaiogi., iv, 36 [P. L., 77, 381].
TEXTES DE SAINT GREGOIRE ^

être précipité, lorsqu'il est sauvé par un ange, corusci hahi-


tus ; ses membres se réchauffent, il se réveille et, de :

peur, il vit saintement.


Quidam llliricianus monachus qui in hac iirbe in monastt-
rio mecum vivebat mihi narrare consuevèrat quia cûm
adhuc in eremo moraretur, agnoverit quod Petrus quidam
monachus ex regione or tus Iheriœ, qui in loco vastœ soli-
tudinis cui Evasa nomen est inhœrebat, sicut ipso narrante
didicerat, priusquam eremum peteret^... defunctus est proti- :

nus corpori restitutus inferni supplicia atque innumera loca


flammarum se vidisse testahatur. Qui etiam quosdam hujus
sœculi po tentes in eisdem fiammis suspensos se uidisse narra-
bat. Qui cum iam ductus esset ut in illas et ipse mergeretur,
subito angelum corusci habitus apparuisse fatebatur^ qui eum
in igné merg i prohiber et Cui etiam dixit: Egredere, et qualiter
.

tibi posthac vivendum sit cautissime attende. Post quam vocem


paulatim recalescentibus membris, ab œternœ mortis somno
evigilans^ cuncta quœ circa illum fuerant gesta narravit.
De même, un ami de un court voyage
saint Grégoire fait
aux enfers, au cours d'une mort momentanée, et raconte qu'il
a été renvoyé sur terre par le la Mort s'était trompée.
Juge ^
:

lllustris vir Stephanus... de semetipso mihi narrare con^


sueverat quia,,, in constantinopolitana urbe.., defunctus
est...Qui ductus ad inferni loca^ vidit multa quœ prius au-
dita non credidit. Sed cum prœsidenti illic iudici prœsentatus
esset ab eo receptus non est, ita ut diceret : Non hune deduci,
y

sed Stephanum ferrarium jussi. Qui statim reductus in cor-


pore est et Stephanus ferrarius,.. eadem hora defunctus est.
Est-ce à dire que les gestes dépendent de saint Grégoire et
qu'il en faille abaisser la date jusqu'au début du vu* siècle?
— Je Grégoire et l'auteur des gestes dé-
n'en crois rien.
pendent également des mêmes légendes qui^ depuis long-
temps \ couraient sur la nature et sur la vie de l'âme. Ce
thème est une réplique chrétienne du mythe de Minos et
d'Orphée.

Mais, le plus souvent, c'est aux traditions locales que puise


l'auteur anonyme. Les détails très précis, et sans doute très

1 Dialogi., iv, 36 [P. L., 77. 384].


2 Rohde Psyché, £« Autlage, ii, 363.
: Cité par Delehaye : Légendes hagio
graphiques, 210-211, note 2.
10 TnADlTKJNS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

exacts, qu'il donno sur la topop^ra[)}iie loc.ilo l'indiquent avoc


(évidence. Do de la tradi-
I{ossi a relrouvf^ le point d'attache
tion :c'est la villa de I^accano qui appai tenait à Fescennius
Niger, le compétiteur de Sévère ', et qui, lors de la victoire
de celui-ci, passa dans ses mains. Saint Alexandre est un
martyr inconnu - qui était vénéré tout au[)rès on conçoit ;

qu'il ait été rattaché au temps des Sévère ', s'il n'est pas
réellement mort au début du m* siècle *.
La proximité de Haccano et de Rome explique la parenté
des j^estes de notre maityr avec les gestes romains. Mais
celte parenté peut s'expliquer encore par un fait précis :

l'église romaine de Saint-Marc, fondé(î vers ^^36 par le pape qui


porte ce nom, avait reçu de Constantin la propriété d'un
fundiis Antonianus sur la voie Claudia ^. C'est peut-être un
clerc romain de cette église qui a rédigé les gestes d'Alexandre
de Baccano.
L'hypothèse aurait l'avantage de résoudre une question
embarrassante. Selon le texte bollandiste, la dédicace de
Féglise a été faite sous le second consulat de Constantin et de
Crispus. Or, il se trouve que, en l'année 321, les consuls ont
été Flavius Julius Crispus Constantini Nob. Caes. IIAug. f.

et Flavius Claudius Constantinus Junior Constantini Aug. f.


Nob. Caes. IL Une église a peut-être été réellement cons-
truite à Baccano en 321 l'événement aurait été commémoré
:

par une inscription, datée des consuls de 321 notre anonyme ;

l'aurait lue. Le fundus Antonianus était situé à Baccano,

1 D'où le nom de la propriété dans Ja légende, prœtorium Fusci : le père


de PescenDius Niger s'appelait Anniiis Fuscus \BuUet. Arch. Christ. 1875,
150, et 18S8, 115]. Le nom devait être gravé sur une inscription. L'inscrip- —
tion funéraire rapportée dans la légende n'était certainement pas de Damase
[Ihm Damasi epigrammata. Lippiae, 1895, n. 100, p. 100].
: —
Baccano est,
près Népi, an 21» mille de la Via Cassia [Itin. Afitonini, 486, 4, 5, Wesseling] :

notre texte écrit par erreur, Via Claudia [Neumann, i, 306].


2 Le férial hiéronymien l'ignore.

3 Septime Sévère et Caracalla portaient le surnom d'Antonin. Cf. Tille- —


mont, II, 319. 629; Allard, ii, 169; Neumann, i, 306-308.
* Septime Sévère le premier persécuta systématiquement les chrétiens.

6 L. P., I, 202. —
11 est même vraisemblable que le mot Baccanas, à la
ligne suivante, se rapporte au fundus Antonianus [Duchesne, L. P., i, 203*0] ;

une erreur du même genre a égaré le fundus Orrea sur la voie Ardéatiue,
tandis qu'il faut lire Voie Latine [P. L., i, 202-2031 1. — Jaffé : Reg. Greg. u,
2227], Le terme fundus Antonianus est peut-être en rapport avec la tradition
locale qui rattache le martyre d'Alexandre à un empereur Antonin.
RAPPORT DES TROIS VERSIONS 11

proche l'église; comment le clerc d'une basilique propriétaire


de celui-là n'aurait-il pas connu celle-ci ?

Quel est le rapport des trois versions qui nous sont par-
venues?
Le texte de Vienne semble être un fragment de celui qu'a
résumé Adon. Ici et là, le ressuscité est nommé ici et là, les ;

baptisés sont au nombre de 125, non de 14.132. Si Adon ne


nomme pas Michel, que mentionne le manuscrit de Vienne,
le fait s'explique sans doute parce qu'Adon résume un texte
développé. Adon et le Vindobonensis, enfin, mentionnent tous
deux l'épisode de la veuve. Il est certain que A et G forment
groupe contre B. —
Néanmoins, on ne doit pas dire que A et
G sont une seule et même version : ils se contredisent formel-
lement sur un point précis. D'après A, Alexandre n'a jamais
été enterré in crypta modica; il a été enseveli d'abord,
comme il le voulait, in loco fornacis. D'après G, il a été en-
seveli d'abord in loco fornacis, ensuite in crypta modica
(grâce à Damase *).

Il est sûr que la version boUandiste, B, s'oppose à la fois au


texte de Vienne, A, et au texte d'Adon, G, : elle ignore l'épi-
sode de la veuve, elle ajoute l'épilogue de Protasius, à l'inverse
du texte de Vienne elle ignore Damase à l'inverse d'Adon elle
; ;

substitue surtout une fête de dédicace d'église, le 23 mars, à


un anniversaire de translation, le 26 novembre. Elle a peut-
être emprunté aux Quarante Martyrs l'histoire d'Herculanus
jeté à l'eau, à Agathe ou à Lucie la guérison de Gornelianus
au tombeau d'Alexandre.
La fête de la dédicace [B] s'appuie sur une date consulaire
dont on constate l'exactitude le rédacteur l'a lue sur une ins-
;

cription de Baccano peut-être l'église date-t-elle vraiment de


;

321. La translation attribuée à Damase par Adon s'appuie


peut-être sur l'inscription, qui n'a rien de damasien *. —
Mais la difficulté n'est pas résolue. Alexandre étant mort le
21 septembre, d'où vient cette seconde fête qu'on date, ici du
23 mars, là du 26 novembre ?
La fête du 26 novembre est mentionnée, d'après G sans doute,

1 Noter ce que dit C de ce puerulus, quem angelum fuisse non est du-
bium. Cela rappelle fort ce qu'oa lit dans Agathe, G. M. R., n, 195.
* Ihm, n® 100, p. 100, « iudcriplio uaui damasiano non conuenit ».
12 THAniTIONS DK LA CAMPAfiNK ROMAINE

par lo calendrier po[)ulaire, — ce qui en alteële l'existence,


selon toutes les probabilil/;s*, au vu" siècle. — On y lit', en
effet :

VI. K. decrm. El hcaii alexandri opiscopi et marlyris,


passi XI. K. oct, a papa damaso VI /i. dec, translali, quando
festivitatem ci dicauit.

Le fcrial hiéronymien l'ignore, comme — il ignore, du


reste, les fêtes du 23 mars et du 26 septembre. — De ce côt(^,

on se beurte à l'inconnu.
JMais je remarque que la translation dans la crypte que la
version adonienne attribue à Damascest sans doute en rap[)ort
avec ce passage de A où l'on voit que Crescentianus a creusé
une crypte pour y ensevelir Alexandre; seulement, le martyr
veut être enterré ailleurs, à l'endroit où il a souffert, dans la
fournaise il donne la crypte à Crescentianus et à sa femme.
;

Fecimus criptulam modicam in qua ponerem corpus, Se-


quenti aiitem nocte apparuit mihi Alcxander martyr per ui-
siim et dixit mihi : Crescentiane locus iste tibi debetur...; cor-
pus autem meum in loco fornacis ubi oravi dominum et non
me tetigit ignis, ibi reconde. Tibi autem dominiis in loco isto
gratiam donat [Vindob 357, f* 198^]. .

La version bollandiste, B, et le texte de Vienne, A, ne disent


rien là-contre. La version adonienne, au contraire, détruit
aussitôt, si l'on peut ainsi dire, ce qui vient d'être avancé, et
fait ensevelir Alexandre par Damase_, dans la crypte.
Cui papa Damasus postmodum cryptam condignam fa-
ciens illic eum sexto Kalendas Decembris transposuit ^
Ainsi, les deux versions A-B et G nous parlent de deux tom-
beaux, Tun in crypta^ l'autre in loco fornacis. Mais, tandis que,
d'après la version adonienne G, Alexandre a reposé successive-
ment dans les deux, —
d'après les versions bollandiste et vien-
noise, il n'a jamais reposé dans le premier.
Y eut-il vraiment translation?
Je suppose quil y avait deux tombeaux portant le même
nom d Alexandre dans la catacombe de Baccano : l'un était
dans une crypte toute petite, cryptulam modicam, où l'on
voyait aussi le tombeau d'un Crescentianus ; l'autre était près

1 G. M. R., I, 372-375.
2 P. L., 123, 175-176.
3 P. L., 123, 405.
DATE ET ORIGINE DES TROIS TEXTES 13

d'un four. On disputait pour savoir lequel des deux tombeaux


d'Alexandre était celui du martyr la dualité des versions re-
;

flète la dualité des avis. De là, l'apparition du martyr, et la pré-


cision avec laquelle il spécifie l'emplacement de son tombeau.

Mais, dira-t-on, Tinscription ne marquait-elle pas l'empla-


cement exact de ce tombeau? 11 ne pouvait pas y avoir con-
troverse. Le texte porte (corpus) posuimus ubi mihi ab eo
:

fuerat reuelatum et scrlpsi marmore et posui super eum hoc


ordine continente... Le corps était certainement in loco for-
nacis.
D'où vient alors le récit d'Adon? Et si Damase a transporté
le corps, n'a-t-il pas aussi pu transporter l'inscription? L'ins-
cription ne signifie rien.
Remarquons-en, du reste, la teneur.

HIC REQVIESGIT SANGTVS ET VENERABILIS MARTYR


L'évêque de sanctus et de venerabilis l'ins-
est qualifié :

cription ne datedonc certainement pas du temps des persécu-


tions elle remonte à une époque où le culte des martyrs s'est
;

épanoui, elle provient sans doute d'une restauration entre-


prise, soit au temps de Léon, soit même au temps de Vigile.
Elle aura été placée au moment où l'on réparait le cimetière,
où Ton rédigeait les gestes. L'auteur de l'inscription ne voulait
pas —
non plus que l'auteur des versions A et B que le —
tombeau d'Alexandre fût le tombeau de la petite crypte il agit :

en conséquence. —
L'autre groupe, qui tenait pour la crypte,
prit sa revanche quelques années après ne pouvant pas dé-;

truire le marbre, désormais connu, il imagina une translation :

du tombeau du four, Damase aurait porté les reliques au tom-


beau de la crypte de là le texte G. Et, sans doute aussi, on
;

transporta sur le tombeau de la crypte, le marbre où était


gravée l'inscription. Gomment admettre que les auteurs de la
version adonienne enterrent saint Alexandre dans la crypte,
alors qu'une inscription toute voisine atteste qu'il est enterré
près du four ?
On peut donc admettre que la version bollandiste, B, est an-
térieure à la version adonienne, G, qu'elle date du temps de
Vigile [d37-ooo], et qu'elle a pour auteur un clerc de la basi-
^

* Mais peut-être faut-il garder quelques leçons de A C, [luceius au lieu de


in lucello ?]
^^ TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

Saint-Marc à Home très vor.s(^. dans la litt/^raturo ha^no-


liqiie

f^rapliiquo
; son œuvre n'est qu'un centon. La version'' de
Vienne, A, prt'icéda de peu, j'imagine, la version hollandiste
:

Protasius fait doubl(î emploi avec Crescentianus qui, déjà,


aulhcnliquc suFfisamment le rr^cit il a été rajouté. On
nous ;

apprend que Dieu punit qui veut briser Tinscripiion à :

bon entendeur salut. JMus encore que A, H veut montrer


qu'Alexandre repose in loco fornacis. Peut-être même la ver-
sion primitive de A
insistait-elle à ce sujet moins que la ver-
sion du Vindobonensis. Quant à la réalité de la translation,
elle est extrêmement suspecte peut-être a-t-elle été ima^nnée
:

afin de justifier un remaniement du cimetière et une revision


du calendrier elle est, plus vraisemblablement, fictive, ainsi
^
;

que la fête du 26 novembre. L'origine de la fête du 23 mars


est telle, peut-être, que dit B.

Il

Gestes Entemps-là V empereur Néron allait à Laurente sacrifier


ce

tus
2^ <2W^ démons : ses prêtres le lui avaient ordonné afin d'avoir

Nous connaissons, dans l'Italie du vi® siècle, des païatini : Grégoire le


Grand nous parle d'un Joannes vir clarissimus palatinus [Epist. X, 26. —
P. Z., 77, 1084] et d'un Muximus vir clarissimus palatinus privntaruni
Epist., X, 9. — P. Z., 77, 1072]. Les païatini priuatarum [cf. cornes priva'
iarum, Epist. XIII, 22, — P. X,, 77, 1276] administrent, sous l'autorité du
préfet au temps de l'exarchat, le trésor privé [Diehl
d'Italie, p. 159]; ce :

sont d'aàsez gros personnages, puisqu'ils portent le titre de clarissimus.


Mais je ne crois pas que le terme palatinus primus se lise ailleurs que dans
notre texte peut-êt^e a-t-il été suggéré par le titre donné aux consiliarii,
:

comités primi ordinia [Code Theodos, 6, 15; Cassiodore Var. éd. Mommsen, :

144, 168, 247, 255. —


Uiehl. 162]. Cf. aussi les expressions primus miles, :

dans Nazaire; primus seyiator, dans V Anonyme de Valois^ 41 senatus prior ;

dans Cassiodore, i, 12 [Neues Archiv., xiv, 489, n. 6].


^ Rapprocher cette seconde festivitas d'Alexandre de Baccano qui ne —
coïncide pas avec l'anniversaire de sa mort [P. L., 123, 175-176] de la — ,

seconde festivitas de Sabinus de Spolète [P. Z., 123, 177-178], laquelle ne


coïncide pas davantage avec l'anniversaire de la mort du martyr.
Noter aussi l'apparition du nom de Boniface dans le personnel de nos
légendes.
2 B. H. L., 3765 [A. SS. auctarium ad tomum VI octobris (1853), 10-11, ou
3« éd. auct ad tomel, V, VI oct. 112* et 113*].
HEDESTUS DE LAU RENTE ,
15

des victimes. Mais le peuple (gens) se souleva contre lui, ce


qui l'obligea à rester longtemps dans la ville. Il venait, dans
les courses qu'il faisait fréquemment, à Vautel de Diane quon
trouve au point où jaillissent les eaux de trois nymphées ; il

chassait, il se promenait avec ses soldats (milites), avec ses


grands (^Toceres). L'u7i d'entre eux^ Hedestus (famatissimus
armiger), qui était romaiii de naissance, et dont la beauté
était remarquable^ avait toute sa faveur ; pourtant, il avait
été baptisé par saint Pierre et était secrètement chrétien. Au
moment à Laureiiie, Hedestus apprend qicun saint
où, ils soîit

prêtre Timothée *... {offre en secret des sacrifices à Dieu) ; il le


cherche et, ne le trouvant pas, prie Dieu afin quil le rencontre
et [entende) la messe quon adresse au Seigneur Jésus-Christ
(missa D. J. C. celebraretur). Un jour que Néron allait à
Vautel de Diane avec quelques tribuns et des prêtres, Hedestus,
ciui cherche toujours, rencontre une jeune fille et une servante
filant de la laine. Il devine la beauté de son cœur ; il lui de-
mande chastement quelle est sa nation (qua natione) et voici
qiCelle lui répond, intrépide « je suis fille de Priscus, prêtre
:

chrétien et de Thermantia je m^ appelle Christes [et celle-ci


;

Victuria ». —
« Appelle ton père », répond-il..,) A ces mots.,

Christes et Victuria vont prévenir Priscus et Thermantia :

« Poussé par le désir du Christ, un noble (?) (electus) ^ veut


te voir : cest un beau cavalier, brillamment monté. » Hedestus

tombe aux pieds de Priscus, remerciant le Christ et Priscus ;

l'embrasse quand il apprend qui Va baptisé ; et tous vivent en


commun, dans un arénaire, près Vautel de Diane, Hedestus
les faisant vivre et Priscus offrant secrètement [à Dieu) les

messes et les hymnes. Hedestus a vu en songe saint Pierre c/ui


lui a dit : c( Reste avec Priscus, tu seras couronné avec lui ».
Cependant Hedestus devient maigre et pâle, <( Soigne-toi »,
lui dit Néron. —
J'ai un bo7i médecin, répond Vautre : il
c<

n'use pas de médicaments il me soigne avec sa parole\yeûio\. »


;

— Garde-le donc », repartit V empereur. Mais, comme il


((

monte souvent le cheval du roi pour aller à Varénaire assister


aux messes et aux sacrifices que Priscus offre au Seigneur

* Lacunes comblées par le Codex Paris, 11753 (du xiie) [Cat. Paris., m, 55,
no 71].
2 Electus signifie peut-être, d'une manière plus générale, un homme dis-
tingué. Mais, comme cette distinction vise surtout, sans doute, la distinction
de naissance, je traduis electus par noble.
10 IHADIIIONS l)K I.A r;AMI'Af;Ni: FU)MAINK

Jêsiis-Chrisi —
Vichiria et Clirisles se de (juis aient afin de sur-
veiller et ddnnoncer sa venue —
un de ses esclaves remarque
'
,

survenu dans sa rie', il veille^ il prie,


le vJiniujeinent ([ui est
il dit hymnes^ bien que César n'ait donné aucun ordre.
les
a Ou vas'tu donc, lui dit un soir l'esclave Florus comme il
saute à cheval : tu nas pas ton esclave ni tes armes ni tes m-
signes [sine arniis mililiae Iuor] ». —
« Je vais oii Ion sauve
mon âme. » —
« El la mienne {ne sera-t-ellc donc pas

sauvée) ? » —
« Le Seigneur Jésus-Christ est puissant ; et il a
pris la forme d'?m esclave ». Au nom de Jésus-Christ, Florus
maudit son maître « Tu veux donc être torturé avec les chris-
:

ticoles ! » Mais Iledestus s'éloigne, remerciant Dieu comme il


a coutume ; il reçoit des mains de Priscus le corps et le sang
du Christ, et revient chez Néron.
Néron fait construire des thermes à Laurente, et il ahan-
donne à Hedestus la direction complète des philosophes qui
s occupent de la construction ^. Or, voici qu'en creusant l'are-
naire, on arrive à la cachette de P?iscus Hedestus interdit à ;

tous d'g mettre le pied, et tous se taisent, ouvriers et philo-


sophes : ils ont peur. Et Hedestus nen continue pas moiyis d'y
aller la nuit. Mais Florus le suit une fois ; il le voit parler à
la vierge du Christ, et le lendemain, à table^ il lui dit : « De-
puis dix ans que je te sers^ jamais je ne t'ai trahi. Pourquoi
ne m
aS'tu rien dit de cette jeune fille qui reposait sur ta poi-
trine ?» —
a Cette jeune fille, c est ma foi, répond Hedestus
en larmes ; elle me pousse à la chasteté et non au plaisir ; elle
aime mon Seigneur Jésus-Christ. » —
« Elle est belle ; pour-
quoi n obéit-elle pas à ton désir ? y) —
« Tais-toi ; ou je te fais
tuer à coups de bâton. » Alors, un soir, Florus suit Hedestus ;
il le voit entrer da7is Varénaire ; il surprend les mystères de
notre foi et raconte ce qu'il a vu au prêtre des démons. Libère.
Néron, que Libère a averti, ordonne qu Hedestus soit enterré
vivant dans Varénaire et que toute sa fortune soit donnée au
traître. Et, comme Hedestus retourne chez Priscus, et que
Florus l'aperçoit et le dénonce encore, et que Libère en réfère à
Néron, celui-ci donne l'ordre d'enterrer Hedestus vivant ou
qu'on le trouve. On obéit. Victuria, qui s'enfuit, est arrêtée
sur la lisière de la forêt, à côté de l'autel de Diane, et égorgée.

^ (Priscus) « subornabat Christim et Victuriam. »


2 « Philosophi qui dictabant fabricam thermarum ». — Cf. Gesta IV Coro'
natorum. G. M. R., ii, 287.
HISTOIRE DE LAURENTE 17

Priscus, Thermantiay Chris tes, Hedestus meurent dans Varè-


naire, à côté de la route de Laurentè^ le IV des ides d'octobre,
Néron étant consul pour la quatrième fois avec Cornélius,
tandis que règne Notre Seigneur Jésus-Christ^ à qui gloire
dans les siècles des siècles. Amen,

Cette légende charmante célèbre un martyr Hedestus, dont


la fête est attestée, à la date même que disent les gestes, par le

férial hiéronymien :

E. (IllI id oct). rom nt hedisti *.


Certains manuscrits (B et W) le rattachent à Ravenne et ;

Adon % Usuard % Notker * reproduisent cette indication. Je ne


sais pas trop d'où vient Terreur; mais il n'y a pas doute que
ce soit une erreur.
Entre la voie d'Ostie Lauren-
et la voie Ardéatine, la voie
tine reliait Rome au vieux pays qui bordait la côte de ses fo-
rêts giboyeuses elle se terminait au 16° mille, à la ville de
:

Lavinium (aujourd'hui Prattica). Ce pays semble avoir eu une


grande importance à l'époque héroïque on racontait que :

Lauréate, sa capitale, était antérieure à Enée. Mais, à


l'époque historique, il était déchu de son ancienne splen-
deur : si les consuls, et les préteurs, et les dictateurs allaient
à Lavinium, lorsqu'ils entraient en charge, sacrifier à Vesta,
Laurente tombait en ruines ; on l'avait réuni à Lavinium les ;

inscriptions en font foi ^


Il semble qu'il y eut une renaissance à l'époque impériale :

les forêts, la chasse, la proximité de la mer, la proximité de


Rome, tout cela explique la construction des villas assez nom-
breuses qu'on aperçoit ici au premier et au second siècle.

i P.
131. Voici le texte de B : INRAUENNA uialaiirenlina sciEdisti. Les —
inscriptions attestent le nom d'Hedistus à Rome [vi, 19172, sq.], à Pouzzoles
[x, 3006.17371 [et en Espagne, ii, 4551].
2 P. L., 123, 377, 12 octobre. « Apud Ravennam, uia laurentina, natalis sci

Edistii ». — Adon n'a fait sans doute que copier le calendrier populaire :

Ravennœ Hedistii [P. L., 123, 171-172], ou le Bernensis.


» P. L., 124, 565-566.
^ P. X., 131, 115S.
^ Strabon, v, 3, 2. —
Denys, i, 16. —
Mommsen Die iiniergangenen Orts»
:

chaften in Latium [Hermès, ivn, 1882, 42], et les travaux de Dessau au


tome XIV du Corpus, ainsi que la carte. —
Cf. aussi Duchesne Sedi episco- :

pali dell* antico ducato... [Arch. xv, 1892] et ïommasetti Bull. Comm.,lS9b, :

132 ; et luug passim.


:

III 2
18 TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

Pline nous en parle lui-môme en possédait une de ce côté


;
^


;

et chose qui, pour nous, est fort intéressante, Com- —


mode, au dire d'H(^rodien 2, en possédait une autre à Lau-
rente. On voit, enfin^ qu'un nouveau bourg se forme, le vi-
CHS Laurentum vico Auguslano passé le 111° siècle, ce vicus ^
;

s'appelle Laurentum, tout court c'est ce simple nom qu'on :

trouve dans la table de Peutinger et dans l'itinéraire


d'Antonin *. Au iv°, au v®, et au début du vi« siècle, en effet,
le pays n'était pas aussi désert qu'autrefois ni qu'aujourd'hui ;

il s'était un peu repeuplé. Constantin donne à la basilique


constantinienne la massa aiirianay ierrilurio LaurenlinOy
prdsst. sol D^
donne à la basilique sessorienne, sub ciuitate
','\\

Laurentum possessio Patras prœst, sol. CXX ^ le pape ;

Gélasc [492-49G] construit une église consacrée à sainte Marie


in via Laurentina, in fundiim Crispinis A partir de "'
, —
Gélase, il semble que Laurente disparaisse peut-être a-t-elle :

été ruinée au temps de la guerre gothique, au vi^ siècle ^


Je remarque que les gestes font de Laurentum une ciuitas ^
tout comme le Liber Pontificalis. Ce fait pose un problème
fort délicat la ciuitas Laurentum désigne-t-elle, au vi* siècle,
:

la ciuitas Laurentium Lauiiiatium ou le vicus Laurentum


uico Augustano ? Il est à noter que le Liber Pontificalis
écrit une fois in territurio Laitrentino, une fois sub ciuitate
Laurentum est-ce à dire que la première formule désigne
:

Laurentum vico Augustano^ et la seconde Laurentum Laui-


natium^ —
laquelle est attestée pour la dernière fois au

1 Epist. II, 17. Lettre à Gallus. « Miraris cur me Laurentinum uel si ita
mavis Laureos meum tanto opère delectet [éd. Millier, 47j... et §26, p, 51.
Suggérant adfatim ligna proximae siluae ceteras copias Ostiensis colonia mi- ;

nistrat... »
2 Herodien, i, 12, 2 [éd. Bekker, 12]. Une épidémie ravage Rome.
ToTE ô KofJLiJLOOOç au|JiSouX£'jaàvTwv auTcû TivILv taxptôv é; ttjv AaupEvxov
àvE/^tôpr^asv £Ù'j^D)^£ax£pov yàp b'v to ^topiov xat ^LZ^^i^zoïci...

Peut-être ces événements se rapportent-ils à l'année 187 [Cf. Tilleraont :

Empereurs , ii, 488].


3 C. I. L., XIV, p. 183.
* D'après le Corpus^ xiv, p. 187, n^ 1.
B L. P , I, 174.
6 L. p., 1, 180.
T L. P., I, 255.
8 Je n'ai trouvéaucun texte postérieur au Liber Pontificalis mentionnant
Laurente. Ni Diehl, ni v. Hartmann n'en disent rien.
9 § 1. « In diebus illis pergente Nerone imperatore ad Laurentum ciuitatem

ut sacrificaret dsemoniis... »
UNE VILLA IMPÉRIALE 19

IV® sièclepar Symmaque et par le Code Théodosien ^ ?


*
Il —
serait sans doute téméraire de l'affirmer. Des fouilles systé-
matiques n'ont pas été entreprises de ce côté les inscriptions ;

ne nous sont d'aucun secours. Il faut se résoudre à ignorer.


Et peut-être, au temps où l'on rédigeait le Liber Pontifîcalis^
aux environs de Tan 515, les deux Laurente n'étaient-elles
plus distinguées l'une de l'autre : n'étaient-elles pas voisines,
et ne portaient-elles pas en partie le môme nom ?
La villa impériale, dont parle Hérodien^ est-elle la racine
locale de la légende? Le fait est vraisemblable. Cette villa
semble avoir été fort importante on a conservé l'inscrip- :

tion funéraire d'un procurator Laurento ad elephantos ^ ce ;

qui parait indiquer qu'il n'y avait pas seulement ici un simple
rendez-vous de chasse. Qui sait même si les terres données
par Constantin aux deux basiliques romaines n'ont pas été
prises sur ces domaines? Quoi qu'il en soit de ce dernier
point, le séjour de Néron à Laurente que suppose le rédacteur
anonyme s'explique sans difficulté, si l'on admet qu'il connaît
la villa où Commode alla passer les chaleurs et de même, ce ;

qu'on nous dit de l'autel de Diane et des thermes s'entend fort


bien, si l'on se souvient du frais domaine dont parle l'historien
grec.
Si telle est l'attache locale de la légende, à quelle époque
convient-il de placer le texte? —
Dès le vi® siècle, Laurente
semble disparaître. Je remarque, d'autre part, que le terme
civitas Laurentum est commun au Liber Pontificalis et aux
gestes c'est peut-être que ceux-ci sont à peu près contem-
:

porains de celui-là. —
Ils racontent, encore, qu'une révolte

populaire oblige Néron à demeurer à Laurente ce détail n'a :

pu être imaginé qu'à une époque assez tardive et la dispari- ;

* I, 71, 65. Il recommande un certain a Ceecilianum... defensorem Lauren


tium Lavinatium uirum booestum ».
2 Loi de 385, viii, 5, 46... « aut ad societatem consortiumque Lau-
rentium... »
2 C. L L., VI, 8583.

D. M.
TI.GLAVDIO. SPEGLATORI
AVG. LIB. PROCVRATOU
FORMIS. FVNDIS. GAIETE
PROGVRATOR. LAVRENTO. AD
ELEPHANTOS
CORNELIA. BELLIGA. GONIVGI
B. M.
20 TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

tion probable de Laurente au vi° siècle ne permet pas de recu-


ler après ce temps une légende qui en célèbre le saint local. —
« De quelle nation es-tu », demande lledestus à Ghristes : le

terme (qua natione) semble dénoncer une époque où des Ro-


mains et des Barbares vivent côte à côte. Les détails tou- —
chant la virgo Christi^ la rnissa et les musx s'expliquent sans
peine si l'on admet la date que nous proposons.
Je remarque, enfin, que les gestes d'iledestus rappellent
parfois les gestes d'Alexandre de Baccano. L'une et Tautre lé-
gendes sont attachées à un grand domaine impérial, qui semble
voisin d'une terre possédée par une basilique romaine. L'une —
raconte une révolte populaire qui retient l'empereur à Lau-
rente l'autre montre que le peuple de Baccano est sur le point
;

de se révolter* contre l'envoyé de l'empereur qui veut arrêter


l'évêque. —
Au rebours de ce que l'on voit dans la grande masse
des traditions romaines, qui prêchent violemment l'ascétisme,
les gestes nous présentent deux prêtres mariés, ici Priscus,
l'époux de Thermantia, là Crescentianus, dont la femme est la
propre sœur du martyr Alexandre. —
L'une et l'autre légendes
présentent une date consulaire exacte on a parlé plus haut de
:

celle qu'on lit dans les gestes d'Alexandre et voici que les;

gestes d'Hedestus, après avoir donné l'anniversaire de sa


mort suh die IV id. oct., ajoutent Nerone quartum consule et
Cornelio, Or, en l'an 60, pendant les six premiers mois, les
consuls sont Nero Claudiiis divi Claudi f. Cœsar Augustus
germanicus IV et Cossus Cornélius Cossi f. Lentulus, Cette
date n'est certainement pas la date de la mort d'Hedestus.
Qui sait si ce n'est pas celle de la dédicace d'un édifice quel-
conque de la villa impériale, qui aurait été encore debout aux
environs de l'an 500 ? Les villas fameuses d'Anzio et de Su-
biaco remontent, elles aussi, peut-être, à Néron.
Il est donc permis de penser, jusqu'à plus ample informé,

que le rédacteur du texte doit être cherché dans le clergé


d'une de ces églises romaines qui possédait des terres sur la
voie Laurentine plutôt que par une influence proprement
:

littéraire, les points de contact qu'on a notés entre Alexandre


et lledestus s'expliquent sans doute par l'identité de milieu.
On peut, sans difficulté, reculer jusqu'au temps de Vigile la
rédaction de notre texte. — Et l'on s'explique, de cette ma-
* Cf. Pierre MarceUin, supra, p.. 7 Comme dans Clément, un païen (ici

B'iorus, là Sisianius) surprend ici les mystères chrétiens.


AGAPET DE PRENESTE ^^^ 21

nière, qu'il s*y rencontre un terme (philosophï) et un person-


nage (Thimotheus presbyter) qu'on retrouve dans les gestes
des Quatre Couronnés et dans les gestes de Secundianus *.
*

Et Ton s'explique, enfin, l'originalité de la légende ni par :

le style, ni par les idées, la légende d'Hedestus ne rappelle


exactement la plupart des gestes romains il semble qu'un :

peu de mystère l'enveloppe, et qu'avec le mystère un peu de


poésie la pénètre.

III

Sous Aniiochus le paierie il y avait un enfant nommé,


Agapet, craignant Dieu. Il renonce à tous ses biens, il étudie
infatigablement la doctrine du Christ^ il s'offre en holocauste
à Dieu, et dit à l'homme de Dieu Porphyrius « Par ta cou- :

ronne (de sainteté), je fen supplie^ laissons voir ce que nous


sommes, des soldats du Christ offrons-nous spontanément et
;

reprochons au roi païen de rechercher, pour les maltraiter, les


d'sciples du Christ. » Conduit devant le 7'oi qui lui rappelle
ironiquement son imprudent bavardage, il ne se laisse ni
effrayer ni séduire ; il se déclare chrétien et noble ; il ajoute
qu'il a étudié le droit au forum, puis que ses parents Vont
donné, dans un monastère, oii il a appris la vérité. Et il re-
fuse de sacrifier à Jupiter invaincu, et il montre au roi que
cest le diable qu'il a pour père. — La sagesse de cet enfant,
qui Via pas quinze ans, étonne le roi, et aussi son courage
dans les supplices. Lorsqu'on le ramène en prison, il résiste

au corniculaire Attale, un apostat, qui essaye de le fléchir ; il


raille les idoles muettes et sourdes. Il déploie la même fermeté

* G. M. R.,
1, 158. Comparer encore comment on cherche, ici un prêtre, là

un évêque comment on invoque, ici et là, afin d'obtenir communication d'un


;

secret, les longues années de service, ou d'amitié [Simplicius et Glaudius]. Les


prêtres mariés sont inspirés peut-être par Irénée. Cf. G. M. R. ii, 241-243.
> Cf. infra.
' B. H. L., 125. a Sub rege Antiocho pagano... » [Mombritius, i, 14].
22 TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

devant le praeses, bieti que des charbons ardents soient placés


sur sa tète et quon le suspende ensuite, la tète en bas, dans
une épaisse fumée. Le corniculaire Anastase qui va le voir le
quatrième jour le trouve vivant : le saint se promène sur les
nuages de la fumée, et chante « Je ne mourrai pas, m.ais je
:

vivrai. » J'Jclairé par ce prodige, Anastase confesse devant le


praeses qiiil n'y a pas d'autre Dieu que le Dieji d'Agapet et ;

le martyr, joyeux, lève au ciel les yeux et les mains et re-


mercie Dieu Sauveur, Fils Unique, Dieu de Dieu, Dévoré de
rage, le prseses déchire ses vêtements et interpelle les dieux trop
patients. Mais Agapet continue de lui dire la grandeur de
Celui que servent les anges et les archanges ; lorsqu'on le rem-
plit d^eau boiiillante, il en admire la fraîcheur et raille ses
bourreaux : « Pour patron, dit'il, j'ai Dieu, qui me conforte. »
Comme le prseses veut voir ce Dieu, et donc tente Dieu, il
tombe de son siège et meurt, après avoir confessé le protecteur
d' Agapet. L
empereur, auquel les ministri apportent la nou-
velle, ordonne que le saint soit livré aux lions. On le conduit
à Frénésie, on prépare V amphithéâtre ; mais les lions le sa-
luent avec respect tandis quil continue d"* exhorter le peuple à
croire au Père, au Fils, à f Esprit-Saint. Alors il est mené
aux deux colonnes, contra ciuitaiem il s'agenouille et est ;

décapité, le XV
des kalendes de septembre. Son corps est en-
terré, la nuit, par des chrétiens, à un mille de la cité, dans
un sarcophage neuf: « Dieu, disent-ils, a élu ce martyr pour
faire bénir son nom (au pays) où florissait la religion des
païens » [En effet), beaucoup d'entre eux croient en Dieu par
.

le serviteur de Dieu Agapet, et par le Christ Noire-Seigneur


qui vit et règne avec Dieu le Père et avec l Esprii-Sahit dans
les siècles des siècles. Amen,

Saint Agapet, protecteur de Préneste, est attesté par des


documents très sûrs. Le férial hiéronymien place sa fête,
de même que les gestes, au 15 des kalendes de septembre
(18 août) \ Une inscription du iv° ou du v^ siècle, trouvée
près de Palestrina, aile Quadrelle, témoigne du culte qui lui
était alors rendu, et de l'existence d'une église à lui consa-

1 F. H., p. 107. E : xv.K., sep in penestre nt agapiti, —B : XU KL. SEPT.


IN CIUIT. FINIS trina miliario xxxiii Agapiti.
CINQ VERSIONS DE LA LEGENDE 23

crée Le Liber Pontificalis, enfin, raconte que Félix III [483-


*.

492] lui éleva une basilique, à Rome, tout près de saint Lau-
rent 2.

C'est de ce saint de Prénesteque les gestes prétendent ra-


conter riiistoire. Ils ont été souvent remaniés et modifiés.
Le texte [Aj, qui a été résumé plus haut, est celui que pré-
sentent le Codex Vindobonensis et Mombriiius.
Un manuscrit du Mont-Cassin supprime Anastase et ajoute
à ce que nous savons un voyage en Ligurie du roi Antiochus
qui confie le martyr au préfet Amas; Attale se convertit,
c'était un ancien apostat ^ Agapet est ramené et tué à Pré-
;

neste [B|.
Une troisième version B, mais fait d'Antiochus un
suit
préfet subordonné à l'empereur Aurélien après avoir tor- :

' C. I. L., XIV, 3415 [p. 348). —


Mafucchi [Guida archeologica delVantica
Prenesta (1885), p. 150] a proposé ces restitutions.

(Hœc domus Placid) lANNORVM. NVNGVPABIïVR


(Martyris introitus eccle) SI^QVE ATRIA. SANGTI
(luslitise sedes, fidei domus) AVLA PVDORIS (Cf. Gruter, 1163, 6)
RESSVS. LETABÏLI. TVMVLO. METAS
(Hiac ven) IMVS. INTERIORI. DEFESSI. PARENTES
(Et clerus). SANCTVS. EPISGOPVSQ. IVGVNDVS
(Et cuncta (pi) EPS. OBEVNTIA. FVNEBRI. PERAGTA
(Rogat ac luce) AT. INSONTI. LVX ALMA. QYJE. CELSA
(Quera tradimus) RE SI NOS ATQVE INTIMA. TVTVM
(Dulci per fratr) EM. PLACIDVM COMPONITVR GVR^
(Huoc accep) TVM HABEAS. AGAPITË SANGTE. ROGAMVS
(Sic pu) ERVM PLAGIDIANVM MERENTER. VERSIBVS. DIXI.

' L. P., 1, 252. —


Cf. Itin. Salzbourg : « Postea ascendes ad ecclesiam s.
Agapiti martyris Epitome « Juxta viam tiburtinam ecclesia est s. Agapiti
; :

inultum honorabilis martyrum corporibus Notitia « Iq altéra parte viec


; :

illius est ecclesia Agapiti martyris [de Rossi R. S., i, 178-179.


: L. P., i, —
253 6]. Il y avait encore un monastère consacré à Agapet, à Rome il est at- ;

testé vers 800 [L. P., ii, 12]. —


Sur Agapef, cf., indépendamment de l'article
de Delehaye cité plus bas, Tillemont, iv, 350, Baillet, ii, 18 août, p. xvi et 18
mai, p. XIX, Allard, m, 25, et Delebaye {'Hagiographie de Salone [Analecia,
:

XXIII, 1904, 6, sq.].


' 18 août, 532. —
Delehaye S. Anastase martyr de Salo7ie [AnalectOy xvi,
:

1897, 490]. Un prologue montre que, comme l'Italie est à la tête des pro-
vinces, ainsi les saints d'Italie sont à la tête des saints. On rappelle que Pré-
neste Valerix interiacet provinciœ. Agapet veut se livrer. Antiochus... tyran-
nico more nomen sibi regium usurpahat\^?>\. On met l'accent sur les richesses
d'Agapet. Le paragraphe 12 est un curieux écho des controverpes qui ont
donné naissance à la Ciiè de Dieu et au De gubernatione Dei Trogue Pom- :

pée y est nommé; on démontre que le Christianisme favorise la prospérité


des états. Au § 16, on trouve des traita augustiniens [(De us) ante constitutionem
mundi elegit discipulûs] et une profeasion explicite de la procession ab
utroque.
24 TRADITIONS DE LA. CAMPAGNK ROMAINK

turé Agapct, Antiochus tombe de son tribunal et meurt *


[C].
Une (juatrièinc version, qui a éUi utilisée par Adon -, con-
serve Aurolien et Antiochus, mais remplace Attale par Anas-
tase (de Saloni)) [l)J.
une cinquième version de ces mc^mes f^^esles que
C'est enfin
présente la légende de saint Venant de Camerino le seul '
:

changement notable que l'on constate, c'est que, ici, Agapet


s'appelle Venant et l^réneste Camerino. J'ajoute qu'Anastase
est juxtaposé à Attale, celui-ci étant prœconiarius, celui-là
demeurant cornicularius se convertissant et devenant à son
^

tour martyr [E].


// est évident que A, D, E^ sont parents entre eux parce
qu'ils s'intéressent tous à Anastase et qu'ils s'y intéressent
seuls. Nos cinq versions se répartissent donc en deux classes.

[1 vraisembable que les trois textes de la seconde


est très
famille [A, D, E] ne sont pas sans rapport avec le fait qui a
popularisé en Italie Anastase de Salone *. Le pape Jean IV
[640-642], qui était dalmate, voulut sauver des invasions les
reliques les plus vénérées de son pays il les fit transporter à ;

Rome ^ et les déposa dans une petite chapelle, près du bap-


tistère du Latran les principales mosaïques dont il orna la
;

chapelle existent encore. Or, parmi les saints dalmates ir»r3or-


tés à Rome, je relève un saint Venant et un saint Anastase -,

et je remarque encore que le père du pape Jean IV s'appelle


Venant. —
Je suppose que cette translation mémorable
attira l'attention des milieux romains sur Venant, sur Anas-

18 août, 537.
1

2 20 et 21 août, P. i., 123, 333-334. Plus un mot précis sur la sponta-


18,
néité du martyre d'Agapet. —
Flodoard [vi, 3, P. L,, 135, 691] paraît dépendre
d'Adon.
3 18 mai, 138. —
Le rôle de l'ange est plus développé. Le § 5 mentionne
une Via Lata « quae ducit ad civitatem conlra Orientem ». La fin de la lé-
gende semble originale Venant convertit les ministri qui s'épuisent à le tor-
;

turer et, dirigés par Leontius et Euprepius, ceux-ci chassent Antiochus de


;

son trône, se font ordonner par le pape Jean, proscrivent le Paganisme et


organisent des églises.
Sur Anastase le foulon, martyr de Salone, avec lequel il faut identifier
'*

Anastase le corniculaire, cf. Delehaye S. Anastase martyr de Salone \Ana-


:

lecta, XVI (1897), 488].


6 L. P., I, 330. « loannes, natione dalmata, ex pâtre Venantio... Eodem
tempore, fecit ecclesiam beatls martyribus Venantio, Anastasio, Mauro et alio-
rum multorum... Cf. de Rossi Inscr. Chr. Urbis. Uomx^ u, 148.
:
LE PAPE JEAN IV 25

tase et sur leurs compagnons cour du


: un des clercs de la
pape, afin de se concilier la bienveillance du maître, imagina
sans doute de conter l'histoire du patron de son père. Sans
se mettre en frais d'invention, il choisit au hasard une lé-
gende, celle d'Agapet de Préneste, comme il aurait choisi telle
ou telle autre, et il la démarqua consciencieusement \ Les
deux légendes ainsi mises en contact, les saints dalmates ainsi
mis en rapport avec le saint de Préneste, on s'explique aisé-
ment qu'Anastase ait fait irruption dans les gestes d'Aga-
pet —
au cas où un hasard inconnu ne l'y aurait pas déjà
,

conduit avant ce temps ^


Peut-être aussi le martyre et la translation à Rome d'Anas-
tase le Perse, martyrisé le 22 janvier 628 et transporté ad
aquas Salvias vers 642 ' ont-ils contribué à attirer l'attention
sur ce nom de saint.
Dès lors, comment concevoir le rapport des trois textes
A, D, E, Tun avec l'autre? Il est certain que D est postérieur
à A et à E : l'introduction de l'empereur Aurélien qui le carac-
térise estmotivée par le désir de supprimer cet Antiochus roi
de Rome, dont nul n'entendit jamais parler. La suppression
d'Attale atteste des préoccupations du même genre, l'auteur
de D a voulu corriger la légende, la simplifier, la rendre plus
homogène et moins absurde.
Quant à E et A, j'imagine que A est antérieur à E et lui a
servi de modèle. —
Mais comment expliquer la localisation
de Venantius à Camerino qui caractérise le texte E? Le
plus simple est d'admettre qu'on vénérait à Camerino un saint
local qui s'appelaitVenantius et dont l'histoire était ignorée :

dans les milieux italiens et romains l'oubli des origines dal-


mates de la nouvelle légende sera promptement survenu.
Peut-être aussi l'introduction du culte de Venantius à Ca-
merino est-elle elle-même liée à la célèbre translation. Je re-
marque que c'est au lendemain des victoires de Rothari

* La mention d'Agapet dans le Sacramentaire gélasien [Wilsou, p. 194"| at-


teste sa popularité persistante au vu® siècle.
2 Le calendrier populaire donne au 21 août Salonse^ Ânastasii martyris
:

[P. £,., 123, 167-168]. Et le nom de Venant est fréquent en Italie au vie siècle:
tout le monde connaît, par exemple, l'ami de saint Grégoire. L'évêque et —
martyr de Salone, Venant, a succédé à Domnio avant 312 c'est tout ce que :

l'on sait sur lui.


3 22 janvier, 426 ou 39. — P. L., 123, 147-148. — Cf. de Rossi : R. S., i,
144-145.
26 TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

[()3()-G521 quo
paix a été rétablie dans l'Italie centrale et
la
que les diocèses y ont été réorganisés en 041), nous voyons ;

au concile de llome un évoque de Cainerino, ainsi que les


évéques de Spolète, Assise cl Kieli ^ Je me demande si le
culte de Venant n'a pas été instauré à Carnerino à ce moment
où l'église se réorganisait; on l'y aurait bientôt considéré
comme un saint indigène (à supposer toujours qu'il n'y ail
pas trouvé un bomonyme local). Il est très remarquable que
la légende, dans sa seconde partie, se présente comme l'bis-
toire de l'établissement du Cbristianisme à Carnerino d'après :

nos gestes [§§ 15-21], l'église de Camerino a été organisée


par les anciens ministri convertis par Venantius, notamment
par Leontius et par Euprepius que le pape Jean consacre
comme archevêque et comme archidiacre. Dans ce mystérieux
pape Jean, j'incline à voir un double ingénieux du pape
Jean IV, fils du scholastique Venantius.
Si l'on admet que A date de 630-650, on pourra dater D et
E, la correction et l'adaptation, de la fin du vn° siècle.

Il est très vraisemblable que les deux textes de la première


famille, B et C, sont antérieurs à 630-650. Mais à quelle date
faut-il les rapporter?
Trois m'invitent à penser à la fin du v* ou au début du
faits
vi° siècle, à l'époque ostrogothique en un mot.
présentent tous deux, bien qu'inégalement marqués, des
Ils
traits qui se rapportent aux polémiques touchant la spon-
tanéité du martyre -.
A la fin du v® siècle et durant la première moitié du vi®, on
devine que le culte d'Agapet s'épanouit avec force la cons- :

truction que Félix IV [483-4921 dirige à Rome en est une ^

preuve décisive, et la vogue du nom d'Agapet à ce moment


n'en est pas un indice moins clair. Au début du vi®, je trouvée
Rome grands personnages qui portent le nom d'Agapet
trois :

l'un, consul en 517^ accompagne à Constantinople le pape

* Hartmann : Geschichte Italiens im Mittelalter, ii, 2, 269.


2 [18 août, 532, 1.]
Cf. B. il aspire à la vie éternelle ita ut desideraret ma-
:

gis pro Christo mori... et plus loin, § 2 : Porphyre veut retenir eum ultro ad
martyrii certamen accingere velle. —
Cf. aussi C, [18 août, 537, ij : totum se
OBTULiT JDeo holocaustuni. Il dit à Porphyre ne nous cachons point du tyran,
:

sed magis ultroneos o/feramus nos. Cf. § 5 : Attale dit lubentissime cupio
:

subir e sentenliam martyrii.


3 Sur l'église construite par Félix en l'honneur d'Agapet, cf. supra^ p. 23.
LE PAPE AGAPKT
'

27

Jean 1 [523-52G] lors de sa fameuse ambassade * l'autre est ;

un patrice qui fait partie de cette môme ambassade ^ le troi- ;

sième est le fils du


mort en défendant
saint prêtre Gordien,
Symmaque il devient pape en 535 et meurt en 53G ^
:

laissant un renom de sainteté et entrant aussitôt dans la lé-


gende *.

Enfin, les gestes d'Agapet, B, rappellent par beaucoup de


côtés les gestes romains. Le prologue insiste sur la valeur édi-
fiante des gestes de martyrs —
Agapet est un enfant martyr,
;

comme Pancrace et V^itus; —


le patrimoine d'Agapet semble

aussi considérable que le patrimoine de Pancrace il est as- ; —


socié, comme Donat, à un homme de Dieu dont la ferveur est
pourtant moins grande que la sienne [comparer Porphyrius
et Hilarianus] ;

il invoque, comme Cécile et d'une manière

tout à fait analogue, la protection de Dieu '\ On peut croire


que la légende a été formée dans les mêmes milieux augusti-
niens que celle de Cécile, de Vitus, de Potitus ou de Pancrace.
Quel est le rapport de B à C? C est caractérisé par Tin- —
troduction d'Aurélien ; comme tout à l'heure D — qui, sans
doute, en est issu — C'est donc un texte corrigé.
Mais il ne s'ensuit pas que B soit le texte primitif le :

voyage en Ligurie, le préfet Amas ne se rencontrent dans au-


cune des versions postérieures. Le fait est très surprenant, si l'on
admet que ces deux détails appartiennent à la première ver-
sion. Il ne serait pas impossible que B représentât un remanie-
ment postérieur, datant peut-être de la première moitié du
11® siècle, alors que s'élaborait la légende de Faustin et Jovitc.

1 Goyau : Chronologie de l'empire romain (1891), p. 632 et L. P., i, 275.


C. I. L. X, 4495, Il a été prœfecius Urbi [Var. i, 6, 23, 27].
2 L. P., I, 275. Il meurt ea Orient. Eanodius l'a coqdu.
* L. P., I, 287, sq. Oq connaît encore, à ce moment, un sophiste alexan-
drin et un diacre constaotinopolilain de ce nom celui-ci adresse à Justi-
:

nien, son ancien élève peut-être, 72 thèses sur les devoirs du prince chré-
tien ; Elusa [d'après Pauly-Wissowa].
celui-là s'établit à
* On
raconte qu'il a guéri à Consiantinople, je veux dire in Grœciarum par-
tibus, un muet et un boiteux [Grégoire le Grand Dialogues, m, 3. P.L.,
: —
77, 224]. —
Le R. P. Delehaye [loco cHato\ rattache nos gestes à des gestes
inconnus de Venant le Dalmate, dont rien .n'atteste J'existence. Je ne vois
pas qu'ils soient nécessaires.
5 « Agapitus dixit tôt tormenta quee sunt in terris in me compleantur,
:

quia magnum babeo patronum deum qui me confortai »... [Vindob., 357,
fo, I687]. — Dans Basilide^ qui est parent de Vitus, je retrouve, comme dans
Agapet C, l'empereur Aurélien.
Cf. aussi l'expression unum e duobus elige [B.,§ 6J.
28 TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE

On peut donc croire que li et C reposent sur une version X


datant du début du vi* siècle^ dont B nous donnerait, ré-
serve faite d'Amas et de la Ligurie, l'image la plus fidèle \

* Cf. supra, p. 23, n. 3.— Peut-être aussi B est-il un remaniement fait dans
Teutourage de Gésaire ou de Fulgence :on s'expliquerait mieux dans ce
cas la mention de la Ligurie, les traits augustiniens qu'il présente. Le § 12 at-
teste les mêmes préoccupations [cf. supra, p. 23, note 3| que certains pas-
sages de Sébastien [cf. G. M. R. ii, 100]. Notre auteur devait conuaitre ce
texte.
Sur l'oblation des enfants aux monastères, cf. Fustel de Coulange : Ori-
gines du régime féodnly Bénéfice et Patroyiat, 408.
Le calendrier populaire mentionne au xiii des Kalendes de septembre
[P. L,, 123, 167-168]. Porphyrius homo Dei.
CHAPITRE II

TRADITIONS D'OMBRIE
LES SAINTS VALENTIN, CONGORDIUS, CONSTANTIUS, ANTHIME

Il pas de pays qui soit en rapports plus fréquents avec


n est
Rome que l'Ombrie c'est la route vers le nord. Il est naturel,
:

lorsqu'on quitte les environs immédiats de Rome, de cher-


cher en Ombrie ^ les légendes sœurs des gestes romains.

La voie Flaminia unissait rapidement et commodément


l'Ombrie à Rome; et Terni, la patrie de Tacite,
communiquait
par un court chemin avec la voie Flaminia.
I
^tes de £g prophète dit à Dieu : a Tu as multiplié les fils des
desseins).
irïrD?2 hommes conformément à la profondeur [de tes j>

de
»
Sur de l'Ombrie ancienne, consulter la bibliographie
la fféoffraphie
Narni 608. Terni p. 636, Ame-
Jung, et surtout G. I. L., x,, 2, p. 601, ; p. ;

p. 698, Spolète p. 731, Bevagna p. 7d3,


ria; p. 664, Garsulœ p. 675, Todi ; ;

Foligno et
;

Flaminii p. 782, Assise.


Forum ;
;

— Malheureusement, les indices

du tome XI n'ont pas encore paru (1906).


2 B. H. L., 8460-8461, 14 février 756 ou 757. — y a eu une autre
Il version
30 TRADITIONS d'oMHRIP:

Mais ceux'là sont plus spécialement ses enfants r/ui lui ont
voué leur vie. Tel Valentin de Ternie dont les miracles di-
saient les vertus et répandaient la renommée Des nobles, —
athéniens^ dans les lettres des Grecs (scliolaslici
très versés
viri apud Grœcos), Proculus, Ephebus et Apollonius étaient
venus à Rome étudier le latin : ils logeaient chez leur conci-
toyen Craton, orateur également habile dans les deux langues.
Son fils unique Chœremon avait, depuis trois ans, la tête
entre les genoux, tous les membres tordus et noués ; Une pou-
vait plus dire une parole: les médecins de Home avouaient
leur impuissance. C'est alors quhin certain Fonteius Tribuni-
tius raconta à Craton que son frère, atteint des mêmes souf-
frances, avait été guéri par un certain éveque Valentin citoyen ,

de Terni, Craton fait venir Valentin, il lui offre la moitié de


sa fortune (substantiae meso) s'il guérit Chœremon. « Fais-toi
chrétien, répond V éveque, et ton fils sera sauvé; cjuant à ton
argent (census), donne-le aux pauvres afin ciu ils prient pour
ion fils, )) —
« Je connais mal votre religion^ dit Craton ;

je croyais que chacun était sauvé par sa foi, non par la


foi d'un autre. » —
a II y a des circonstances, répond Va-
lentin, oii nul ne peut faire à un autre ni bien ni mal ; il y a
des cas contraires : le père peut obtenir la santé de son fils^ et
r Ancien et le Nouveau Testament (nova et vetera sacra volu-
mina) montrent que la foi de Vun peut secourir Vautre, Uinfi-
délité de Vun nuire aux autres voyez V histoire de PJiaraon,
:

de Moïse, de Jésu Navé. » Craton se dit convaincu ; aux pa-


roles il promet d'ajouter les actes, et de recevoir Veau baptis-
male qui, par Vinvocation de la Tînnité, a mystérieusement
en elle V Esprit-Saint, si son fils est guéri : étaient présents à
cette scène Proculus, Ephebus et Apollonius qui connaissaient
le grec à fond, qui étudiaient le latiii et que nous avons
connus ^ {?), Valentin —
qui a raconté V histoire du Christ —
commande alors un jour et une mât de silence ; il ferme la
porte ; il étend sur le cilice, sur lequel il a coutume de prier,
Chœremon à dêmi-mori et il entre en prière. Au milieu de la
nuit une vive lumière resplendit ; une heure après, V enfant
guéri loue à haute voix le Seigneur; Valentin continue néan-

de la légende de Valentin, plug complète. Nous Tatteigaons dans Adon [14 et


15 février, P. L., 123, 228-229J. Elle achève l'histoire de Craton, que notre
texte laisse en suspens non midtis post diehus martyrio est conmmmatus.
:

* ( Quoa cognovimus in grœco perfectos ad latina studiapervenisse.


VALENTIN DE TERNI 31

moins ses prières et ses hymnes jiisqicà ce quHl les ait ache~
vées. Craton se convertit ; Proculus^ Ephebus et Apollonius
renoncent aux études de V humaine sagesse pour se consacrer
aux études divines et attirent au Christ une foule de jeunes
gens qui cultivent les lettres, entre autres Abundius, fils du
préfet de la ville Placidus, Les sénateurs s^indignent ; Va-
lentin dénoncé, flagellé, refuse de sacrifier et est mis à mort.
ProculuSy Ephebus et Apollonius portent son corps à son
église^ à Terni, pendant la nuity et V enterrent dans la ban-
lieue, tout auprès ; livrés au consulaire Lucentius (ou Léon-
tins), ils sont décapités au milieu de la nuit. Leontius dispa-
raît on ne sait oiif tandis que Abundius enterre les trois amis
auprès de Valentin, louant Notre-Seigneur Jésus-Christ qui
vit et règne avec Dieu.,, dans les siècles des siècles. Amen.

Ces gestes prétendent, évidemment, raconter l'histoire du


saint local de Terni, Valentin, dont le férial hiéronymien
mentionne l'anniversaire et dont ne parle aucun autre docu-
ment authentique *. On peut affirmer néanmoins qu'une
double parenté, littéraire et légendaire, les unissent à d'autres
textes et à d'autres légendes.
Les gestes de Valentin rappellent les gestes d'Alexandre de
Baccano tous deux content soit une résurrection, soit une
:

guérison miraculeuse d'un mourant —


tous deux prêchent
;

une idée religieuse, là la nécessité du baptême, ici le dogme


de la communion des saints et la légitimité des intercessions
mutuelles- ;
— tous deux laissent entendre que
peuple est
le

favorable aux chrétiens ^ ; — tous deux font une évidente

1 Le cimetière de Valentin a été retrouvé et étudié par M. Marucchi [Rom.

Quartalschrift, i\, 1890, 151 ; et // cimitevo e la hasilica di s. Valentino e


guida archeologica délia via Flaminia. Roma, 1890]. M. Ihm a publié trois
débris d'inscription dont les caractères rappellent les philocaliens, mais qu'il
n'ose pas rapporter à Damase [Damasi epigrammata^ 50, p. 53-54]. Voici—
le texte du F. H. p. 20.
E. XVI Kal mar Inter aune via flammin nt valentini,
B. IN TUSGIA... INteramnes via Flaminia miliaro ab urbe Romœ LXIII
Natl 8ci vincenti {lire Valentini).
Le calendrier populaire mentionne le même anniversaire au même lieu [P.
Z., 123, 149-150]. —
Sur Valentin, cf. Tillemont, vi, 679 ; Allard, m, 241.
'^
Même préoccupation dans Clément: «Theodorœ. apparuit... uir... uene-
.

randus et dixit ei per te saluus erit sisinnius ut irapleatur quod dixit frater
:

meus paulus apostolus sanctificabitur uir infîdelis per mulierem lidelem ».


:

[Codex Parisinus, 5299, f. 98«-].


" « Qui lucentius agnoscens quod proculum et esybus atquse apolloaius po-
32 TRADITIONS D OMBRIE

allusion à une relique vénérée qu'on montrait aux pèlerins


(là, rorarlum ici, le ciiiciurn)
; tous deux témoignent que
;

le rédacteur est familier avec les actes apocryphes des Apô-
tres il
: leur emprunte, là l'idée de déguiser les diables en
Egyptiens, ici le personnage de Graton; tous deux enfin —
se présentent comme le récit d'un témoin oculaire. Et l'on
s'explique ces rapports : la voie Cassia qui menait à J3accano
et la voie Flaminia qui conduisait à Terni se confondent lors-
qu'elles touchent le Tibre pour entrer dans Rome. Les tradi-
tions qui suivaient l'une et l'autre route devaient nécessaire-
ment entrer en contact.
Valcntin est encore apparenté à Getiiliiis et je note que —
l'attache topographique de GetuUus n'est pas à Rome, mais
aux environs de Rome, à Gabies de Sabine (Torri) Getu- *
— :

lius est aussi versé que Valentin dans la connaissance des


lettres divines et son historien s'intéresse à la Grèce autant
;

que le rédacteur de Valentin.


La légende de Terni est étroitement apparentée, comme
il est naturel_, aux légendes romaines qui ont leur point d'at-

tache sur la voie Flaminia les légendes d'Abundius et de


:

Maris. Il est très vraisemblable, en effet, que l'Abundius, fils


du préfet de la ville, qui est converti par Proculus et ses amis,
a été suggéré par le prêtre Abundius qui est torturé au qua-
torzième mille, enseveli au vingt-huitième mille de la voie
Flaminia ^ ; et sans doute notre narrateur a-t-il voulu faire

pulos multos quo8 cognoverant amatores haberenl, timens ne violenter ei a


populo toUerentur, noctis medio suis eos iussit tribunalibus praeseatari... »
\Valentin. Cod. Vindob. 357, P 124'"]. —
« Gornelianus iavenit nos in secclesia
die dominica populum dei docentes... Cumque ingressi fuissent qui esset
alexander inquirere nolers, et uidens multitudinem populorum cepit timere
et cum reverentia cepit dicere pro qua causa uenisset... Multiiudo populi
lapidibus interfici (ère eos) cogitabant, cumque coguouisset cogitatum eorum
dixit ad eos filii et fratres,
: quod cogitalis inpedit mihi... > [Alexandre. Cod.
Vindob. 357, f«, 194^1.
1 G. M. R., I, 227-228. —
Valentin a été utilisé par l'auteur de Léopard :

[30 septembre, 416] Léeopard est présenté comme un élève de l'évêque de


:

Terni; encouragé par celui-ci, qui le baptise dans les thermes de Dioclétien
ad fontem... palatinutn, il refuse d'adorer Julien l'Apostat, ac si Deus esset \ et

c'estValentin qui l'enterre à Otricoli. Léopard uq souffle mot de Pigmenius ni


du titulus Pasioris il insiste sur les septeni artes libérales: il mentionne une
;

translation du corps à Aix-la-Chapelle, uhi hodie usque eius intercessio quseri-


tur. Le texte date vraisemblablement de l'époque carolingienne.
^ G. M. R., 1, 220. —
16 septembre 300. —
Sur les rapports de Valentin avec
Abundius, Carpoforus, cf. infra.
TEXTES APPARENTÉS 33

croire que c'était le même personnage dont il racontait ici la

conversion, et là la iin glorieuse.

Faut-il identilier de même


Valentin de Terni et le véné-
rable prêtre Yalentin qui, mêlé à
l'histoire des Persans Maris
et Mariha S convertit le princeps Astérius, est condamné par
l'empereur Claude et décapité sur la voie Flaminia le 16 des
kalendes de mars? Tillemont l'a pensé ^ môme nom, même :

anniversaire, même route, autant de faits qui semblent lui


donner raison. Mais il est certain qu'il y a un cimetière de
saint Valentin à Rome ^ et un second cimetière à Terni * il ;

est donc possible qu'il y ait eu deux Valentin, comme il y


avait sans doute deux corps, que leurs traditions se soient mê-
lées et que l'anniversaire le plus fameux ait supplanté celui
qui était le moins célèbre ^
11 est curieux de constater que de Valentin rap- les gestes
pellent les gestes de Césaire c'est à Terracine que Césaire est
;

vénéré, de l'autre côté de Rome. Dans les uns et les autres se


rencontre un consiilaris Leontius les uns et les autres témoi- ;

gnent que leurs auteurs et leurs auditeurs —
s'intéressaient —
à Byzance et à la langue grecque. Et l'on en vient naturelle-
ment à penser que les gestes de Valentin ont été rédigés lors
de la restauration impériale en Italie, à la veille ou au lende-
main des grandes victoires de Bélisaire ®.

< G. M. R., I, 231-232.


2 IV, 679-680. — Marucchi : op. cit., 35.
s Itiner. Deinde intrabis per urbem ad aquiloneai donec per-
Salzbourg. «

venies ad portam flamioeam ubi S. Valentinus martyr quiescit via flaminea


in basilicâ mapaa, quam Honorius reparavit... » fde Rossi: Roma Sotteranea, i,
176. — Cf. Epitome, ibid. ; et Notitia, i, 177].
* La Terni semble attestée directement par les
localisation d'un Valentin à
prestes eux-mêmes. Le cimetière renfermait beaucoup d'inscriptious du v^ et
du vie siècle [de Rossi Bull., 1871, 85
: 1864]. ;

^ De Magistris Acta Martyrum ad


: ostia tiberina, p. 40-41, et G. M. R., i,
233. Sur les rapports de l'Ombrie avec Rome au vi« siècle, cf. G. M. R., i,
353 et 164-165. —
Les gestes de'Félicien de Foligno [24 janvier 582| dépendent
certainemeul de Valentin mais ils présentent un autre caractère,
: cf. in-
fra. p. 82.
Je relève, au S 6, l'attestation de la triple virginité de la Marie « virginein :

concepisse, virginem peperisse, virginem post partum permansisse. »


6 Sur Césaire et ses attaches à l'époque byzantine, cf. G. M. R., i, 92, 140,
257-258 et 306-307.
Rien ne s'oppose à ce que notre texte date du milieu du vi^ siècle ni la :

langue [« substantia ; census »] ni l'affirmation de la perpétuelle virgi-


;

nité de Marie [§ 6], ni le souci de la régularité disciplinaire [§ 8, Valentin


achève soigneusement statutum orationis numerum et hytnnorum]. Au temps
de l'exarcbal, le scholasticus ^désigne un véritable conseiller juridique du

m 3
34 TRADITIONS DOMBRIE

Mais comment expliquer que le rédacteur de Terni ait eu


l'idée de puiser aux gestes de Terracine?
Le fait est moins surprenant qu'il peut paraître d'abord. Los
traditions de Terracine sont liées aux traditions de Home,
comme aux traditions de Rome les traditions de Terni les :

gestes de Nérée, de Césaire et de Montanus l'attestent *


;

l'existence de la voie Appia


D'autre part, les
l'explique.
gestes de Nérée unissent à des traditions de Terracine des
traditions picénates touchant Victorinus d'Amiterne et Maro
de Septempeda et les gestes de Valentin de Terracine prou-
:

vent que, à Terracine, on s'intéresse au Valentin de Terni.

Gestes de Valentin de Terraeine succedey malgré lui, comme evéque


Vaientiu ^^ Terraciue à Avitus et est sacré par saint Silvestre rèfuqié
de lerra- _ , , /-,
, > -,

i •

cine'^ au mont Soracte lors de la persécution de Constantin : il a


été instruit par ses parents Clarus et Flavia dans les arts li-
béraux et est très]versé dans les Saintes Ecritures ; son frère
Sabricius administre les biens paternels. Lorsque l'apostat
Julien^ r ancien sous-diacre de l'église romaine^ l'ancien élève
du prêtre Pigmenius, persécute les chrétiens^ et envoie en
Campanie le préfet Aufidianus, Valentin et son disciple le
diacre Damien, fils de la veuve Prœla, sont dénoncés par Ur-
sace et Irénée : ils lui résistent et sont torturés. Mais un ange
délivre les athlètes de Dieu, les conduit dans le comté Val-
vensis, à Corfinium, puis au Pont de Marbre sur la Pescara,
puis à Interpromium, puis à Zappina ; ils guérissent d'un
signe de croix beaucoup de malades, dont les médecins —
mangent la fortune, sans guérir les affections, ressuscitent —
le fils de Demetrius, procomul de Zappina ; ils détruisent les

gouverneur [Diehl. 153] mais le même terme s'emploie couramment pour


;

dire un homme instruit, un lettré cf. Grégoire le Graud Epist., ix, 12, P.
; :

L. n, 957 precem quarn scholasticus composuerat. — Et je remarque que le


:

nom de Valentin stimble jouir d'une certaine vogue au vi^ siècle : témoins le
Valentin, évêque de Rufine et Seconde [L. P., notaire de Vigile
i, 297], le
[L. P., I, 303), l'abbé Valentin des Dialogues (I, 4.— P. L., 77, 176], le dé-
feosor de Milan \DiaL, iv, 53. —
L. P., 77, 416], l'abbé et le prêtre connus
par les lettres de 'saint Grégoire fiv, 42; ix, 37].
C'est peut-être un des deux Valentin qu'on aperçoit dans l'entourage à —
demi-t^rec —
de Vigile, qui a rédigé nos gestes. L'idée centrale semble avoir
été empruntée à Lucie [G. M. R. ii, 193], la sainte de Syracuse, qu'à son
passage à Catane alla sans doute vénérer Vigile l'attaque contre les méde-
;

cins s'y retrouve [Rien de semblable, au contraire, dans Alexandre ;pape.\


1 G. M. R., I, 251-261 et 12 mai, 3.
ï B. H. L., 8457, 16 mars, 423.
VALENTIN DE TERRAGINE 35

temples, incendient les bois sacrés, construisent des églises,


ordonnent prêtres, diacres et autres ministres de VEglise, Fu-
rieux, les pontifes des temples les conduisait dans la grande
forêt de Zappina et les décapitent auprès d'une énorme pierre
oii leurs bienfaits se multiplient jus qu^ à ce jour. Ils ont souf-

fert le 16 des kalendes de mars, au temps de V empereur Ju-


lien^ tandis que chez nous régnait Notre-Seigneur Jésus-Christ
à qui sont honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen^,

Le saint de Terracine-Corfinium et le saint de |Terni ont


même nom et même anniversaire. Leurs légendes s'intéresent
également à la science, profane et surtout sacrée, de leurs héros.
Elles présentent toutes deux des points de contact avec les
d'Alexandre de Baccano et les gestes de Donat on a dit ce :

gestes qui touchait Valentin de Terni Valentiîi de Terracine


;

ressuscite un mort et fait s'écrouler un temple d'Apollon aussi


bien qu'Alexandre de Baccano il connaît, comme Donat, le
;

prêtre Pigmenius et l'ancien sous-diacre devenu persécuteur^.


Valentin de Terracine utilise aussi, du reste, les gestes de Sil-
vestre, de même que Valentin de Terni puise aux gestes
d'Abundius, de Maris et de Martha. Gomme les dévots de
Valentin de Terracine s'intéressaient à Valentin de Terni et
aux saints du même cycle, ainsi les pieux amis de Valentin
de Terni se sont intéressés à l'homonyme de la côte tyrrhé-
nienne et aux autres légendes de ces parages.
C'est dans les mêmes milieux, peut-être à la môme époque,
qu'ont été rédigés les gestes des deux Valentin de Terracine et
de Terni.

Le rapport de Valentin à Come-Damien confirme ce qu'on


entrevoit de son origine : la science médicale et le désintéres-

i
Un episcopus valvefisis eat attesté dès le temps de GMase Jaffé : Regesta,
1,86,648-649]. — Sur la géographie, cf. Jung: Géographie von Italien [3.
Mûller : Géographie und politische Geschichte des Kl. Alterthums, 1889, p.
489 1, et M. Besnier
: De regione Pxlignorum [1902, Parisiis] 95-96. Corameat
s'explique le voyage de Valentin de Terni chez les Péligniens ? Par un saint
local qui se serait appelé Valentin ? Cf. la double attache de Vitus.
2 Les gestes de Valentin de Terracine empruntent aux gestes de Donat :

i. L'époque de Julien ; 2. Le personnage de Pigmenius ;3. La consécration par


l'évêque de Rome de l'évêque local 4. Le refus du futur évèque, qui se pré-
;

tend indigne ; 5. Cette satire des médecins qui mangent la fortune des gens
qu'ils ne savent pas guérir. Cf. Lucie.
Sur les rapports de Donat et à' Alexandre de Baccano, cf. infra.
3G TRADITIONS D OM URIE

sèment des uns et des autres est tout pareil les trois compa- ;

gnons de Valenlin, Kphebus, Proculus et Apollonius, rap-


pellent fort les trois frères des anargyres, Anlhime, Leontios
et lvu[)repios. —
Or, la version G de Come-/)amien que nous
visons ici semble dater de 520-550, et émaner d'un groupe où
l'on connaissait à la fois les légendes grecques et les légendes
latines ^ je songe à l'entourage du pape Vigile. C'est à ce
:

groupe et à cette date que je rapporterais volontiers Valentin.

II

Gestes de Derrière Terni, Spolète.


dius2je ^1^ temps de l empereur Ajîtonm, il y avait a Rome une
'^^^^^^^^^^"^ grande persécution contre les chrétiens^ au point que nul ne
pouvait acheter ou vendre sans avoir d'abord sacrifié. Il y
avait alors à Rome un prêtre Concordius, de noble famillcy
dont le père était Gordien^ le très saint prêtre du tilulus Pas-
toris. Gordien élevait son fils dans la science des Ecritures;
après r avoir fait sacrer sous-diacre par Pie, évêque de RomCy
il s' adonnait avec lui aux jeûnes, aux oraisons, aux aumônes,

demandant à Dieu la grâce d' échapper à la rage des persécu-


teurs, Or^ Concordius lui dit : « Mon seigneur, laisse-moi
aller auprès de saint Eutyches, et permets-moi de rester au-
près de lui jusquà ce qu^ait cessé la rage d'Antonin. » —
G. M. R., V.
< —
Cf. supra, p. 34, n.
B. H. L., 1906, 1er janvier, 9.
2 —
[Cf. Adoa, P. L., 123, 208-209; et Flo-
doard, P. L., 135, 649]. —
Je reproduis le curieux passage qui touche à la
question de la licéité de la fuite «... die noctuque et elemosinis pauperum
:

insistens, petebant a domino ut rabiem imperatorum potuisseat fugere. Tudc


concordius dixit patri suo domine meus si uis dimitte me ut uadam ad
:

sanctum euticem et babitem cum eo paacis diebus donec cesset rabiem ini-
mici autoûini imperatoris. Dicit ei pater suus: fili, magis hic habitemus ut
possimuscoronari. Dicit ei beatus coocordius: Uadam si iubes, quia ibi coro-
nabor ubi me christus iusserit coronari. Tune dimisit patrem suum et abiit *

ad beatum euticen liabitum suum qui tuQc morabatur in prfediolo suo uia
salaria iuxta ciuitatem tribulem... [Codex Vindob. 357, f», 202'".]
1 L'Âugiensis XXXII donue : « dimisit eum pater suus ».
'

CONCORDIUS DE SPOLÈTE 37

« Au contraire^ répond Gordien, restons plutôt de


ici afin
pouvoir recueillir la couronne, » — « Je ferai ce que tu or-

donneras : je serai couronné où le Christ aura voulu que je


sois couronné. » Mais son père le renvoie.
Alors Concordius va auprès d'Eutyches^ son aïeul ma-
^

ternel qui demeurait à ce moment dans une petite propriété,


,

sur la voie Salaria, à côté de la cité Tribulus ; Eutyches le


reçoit avec joie\ ils habitent^ prient et jeûnent ensemblcy et
ils guérissent les malades au nom de Jésus-Christ. Le —
bruit en arrive à TorquatuSy comte de Tuscie, qui habitait la
cité de Spolète. Concordius s^ avoue chrétien, refuse de sa-

crifier, de devenir Vami du comte et même prêtre des dieux ;


conduit à la prison publique., il est visité par Eutyches et par
Vévèque Anthime : celui-ci, ami de Torquatus, a obtenu un
délai de quelques jours, il va habiter avec Concordius, et,
quand le moment en est venu (tempore opportune), il le con-
sacre prêtre. Mandé une seconde fois par Torquatus, Concor-
dius est torturé sur le chevalet ; mais il ne cesse de glorifier
Dieu et un ange vient le réconforter la nuit. Deux gardes que
le comte lui envoie trois jours après, au milieu de la nuit,
avec une statuette de Jupiter sur laquelle il crache, le déca-
pitent à la fin. Il est enseveli par deux clercs et des religieux,
non loin de Spolète, à V endroit oîi jaillissent des eaux abon-
dantes : son anniversaire est le jour des kalendes de janvier,
son tombeau est le théâtre de nombreuses guériso7îs, obtenues
par ses prières, grâce à Notre Seigneur Jésus-Christ qui vit
et règne avec le Père et le Saint-Esprit dans tous les siècles

des siècles. Amen.

Le saint local de Spolète, Concordius, nous est attesté au


début du vn^ siècle par le calendrier populaire *.
La civitas Tribulus est sans doute Trebula Mutuesca qui
reparaît dans Anato lie- Victoire.
Il est certain que les gestes sont parents du groupe Jean-Paul,
Vibbiane — Donat — Alexandre — Valentin, etc. ^... C'est un
Concordius —
le nôtre évidemment —
qui, d'après les gestes
,

de Vibbiane, enterre le prêtre Jean, iuxta concilium martijrum


(via Salara), le Vlll des kalendes de janvier ^ L'auteur des —
* M. R. P. « apud Spoletum, sci'Concordii martyris ». P. X., 123, 145-146.
* Cf. supra, et G. M. R.. i, 285.
» G. M. R., I, 124.
'^8 TRADITIONS D*OMBRIK

gestes de Concordius, comme l'auteur des gestes de Donat,


s'irit(5resse au iitulus Pastorisy aux. sous-diacres, à l'observa-
tion des insterstices, aux droits de l'évéque de Rome. Il —
place son histoire au temps d'Anloniri, comme font les gestes
d'Alexandre de J5accano. —
Si je n'y relève aucun trait qui
rappelle les gestes de Valentin *, j'y remarque un détail qui dé-
nonce, chez l'auteur, la lecture des gestes de Jean et Paul la :

mise à mort en secret au milieu de la nuit pour avoir refusé


d'adorer la statuette de Jupiter. Et l'on sait que l'auteur de
Vibhiane a relouché Jean et Paul 2.
11 est certain que le Gordien, père de Concordius, est iden-

tique au héros des Gesia Gordiani^ dont on plaçait la mort


sous Julien ^ et dont certains textes, aujourd'hui perdus, fai-
saient sans doute un prêtre du titulus Pastoris, Notre lé-
gende est parente des légendes juliennes.
J'attire l'attention sur ce curieux passage, oii le saint de-
mande à fuir auprès d'Eutyches afm d'éviter les persécuteurs,
où il montre que la volonté de Dieu saura partout l'atteindre,
si elle veut réellement qu'il succombe. Cela rappelle les textes

où les rédacteurs mettent en scène des pios homines qui


latitabant est-ce une discrète apologie de la fuite, est-ce une
;

retouche manichéenne ? Baronius a connu d'autres versions *


de notre légende mais, comme elles n'ont pas été retrouvées^
;

on ne saurait rien en dire. —


Ce qui paraît assuré, c'est que
notre texte date de la première moitié du vi^ siècle l'hypothèse :

rend compte et du fait qu'il imite Jean et Paul, et de sa parenté


avec le groupe Vibbiane-Donat etc., et de l'intérêt qu'il té- ,

moigne à la question de la spontanéité du martyre ^


Voici trois points obscurs ^ L'Eutyches de nos gestes, l'aïeul

1 II semble, que Valentin soit chronologiquement postérieur à Vibbiane.


3 G. M. R., I, 146, note 1.
3 G. M. R , 1, 194-195.
^ Tillemont,627 « Les manuscrits qu'il en avait vus estant plus amples
11, :

que imprimés ».
les
3 Je remarque encore que sa chronologie s'accorde avec celle du Liber Pon-

tificalis ici comme là, Pie I est placé au temps d'Antonin [L. P., i, 132]. Mais
:

nos gestes ne marquent pas qu'il s'agit d'Antouinus P2i**, comme le fait le L.
P,, il ne font pas, comme
; le L. P., de Pastor un frère de Pie. Il semble
donc qu'il n'y ait pas ici rapport de dépendance littéraire entre les textes.
D'autant q\i'Alexandre de Baccano explique la chronologie de Concordius. —
Je corrige ici ce que j'ai dit G. M. R., i, 371. Le Concordius dont on a trouvé
le corps dans l'église de Sainte-Martine, le 25 octobre 1634, n'a laissé aucune
tràce, et pour cause, dans la légende de cette sainte.
* Je ne crois pas devoir insister sur les premiers mots du paragraphe 3,
CONCORDIUS ET NÉRÉE 39

maternel deConcordius, n'est-il pas à identifier avec l'Eutyches


des gestes de Nérée, le conseiller de Domilille, le martyr qui
a sa basilique au seizième mille de la Voie Nomentane ^ ? Dans
ce cas, comment expliquer que Nérèe le fasse mourir sous
Nerva, tandis que Concordius le fait vivre sous Antonin que ;

Nérèe le localise voie Nomentane, Concordius voie Salaria ?


Où est le tombeau? —
Le férial hiéronymien mentionne voie
Nomentane un cymiterhtm Eutijchii H le texte de Nérée doit
donc ôtre pris en considération. Une inscription de Damase
atteste un autre Eutychius voie Appia ^ au cimetière de
Saint-Sébastien. Malgré la faible distance qui sépare la Voie
Salaria de la Voie Nomentane,
donc possible que ce ne
il est
soit pas le même martyr qui ait été mêlé tour à tour à la lé-
gende de Concordius et à la légende de Nérée. Le contraire
est aussi possible, je dirais môme probable pour un narra-
:

teur qui se place à Spolète,près de la Voie Flaminia, c'est une


même région que desservent la voie Salaria et la voie Nomen-
tane. Au vi^ siècle, les légendes locales sont encore en pleine
croissance plusieurs pensaient accaparer le même personnage
:

et donc le placer à diverses époques. On semble dire, enfin,


que le séjour d'Eutyches sur la voie Salaria était passager.
Le Concordius qui est le héros de nos gestes doit-il être

qui placent Spolète sous la jaridiction du comte de ïuscie. D'abord, l'anonyme


ne dit pas que Spolète était en Tuscie il dit que le comte de Tuscie habitait,
;

alors Spolète. En oQtre. dès le m® siècle, la Tuscie a été unie à l'Ombrie, et,
dès le cinquième, le vocable Tuscie semble chasser le mot Ombrie cf. notam- :

ment le Férial hiéro7iymien^ le Liber Pontificalis, Proscope et saint Grégoire


le Grand, la thèse de Diehl et l'ouvrage de von Hartmann. Je n'ai pas trouvé un
texte attestant la survie au v«, vie et vn^ siècles d'une province d'Ombrie, dis-
tincte de la Tuscie et du Picenum. Mommsen la retrouve dans la Provincia
Caitellorum [« Uber die ravennat. Cosmogr. —
Berichte der K. sâchsichen Ge-
sellschaft der Wissenschaften, 1851.80] mais je crois, avec Diehl, que cette
;

expression désigne le Picenum annonaire tout hérissé de châteaux-forts. —


Cf. Crivellucci Chiesa e Impero al tempo di Pelagio II e di Gregorio /...
:

[Studi Storici, i (1892), p. 224, note 2].


1 G. M. R., I, 209. —
Cf. 228, et Hans Achelis p. 46.:
'

2 rom euticetis... in capua rufina; euticee.


E. VIII, K. sep...
W. uni KAL. SEPTE (M) B... In capua civit campania nat sc*orum rufînee
euticœ eu sociis eorumincimit eiusdem via numentana miliario XVIII Arelato
nat scorum genesi mar...
B. Ullll, KL. SEP... IN CAPUA CIU, campanie Scorum Rufinae. Euticae. IN
CIMITERIO euisdê mil XVIII, ROM^ nath sci Genesi... [Rossi-Duchesne,
p. 110].
3 Ihm, 27, p. 32.
Eutychius martyr crudelia iussa tyranni. ,

.^qj,jj|.
40 TRADITIONS d'oMBRIE

identifié avec celui qui est mêlé à do (^onslantius ?


rhistoir(;
— L'évêque Aiilhime, que nos gestes font apparaître à Spo-
lète, est-il distinct du héros des gesla Anlkimi'î

Dans les deux cas j'incline à croire qu'il y a identité de per-


sonnage et que les désaccords que l'on surprend parfois
;

entre les textes reflètent seulement la diversité des traditions


martyrologiques à une époque où elles sont vivantes *.

III

Gestes de
CoDstan- Le Créateur a eu pitié du genre humain^ il s'est incarne, il
^'^^^ anéanti lui-même pour revêtir la forme de V esclave ;
Pérouse et
Foiigno comme Adam nous avait livrés au mal, ainsi la Vierge et
son Fils unique nous ont rendu ce que nous avions perdu.
Après sa naissance, il a choisi douze Apôtres, grâce auxquels
— comme grâce à Dieu, —
le bienheureux Constantius, de
Pérouse, servit le Seigneur. Il jeûnait il nourrissait les ;

pauvres de ses richesses ; il guérissait l'aveugle Astasia en in-


voquant sur elle le Dieu d' Abraham, le Dieu d'Isaac et le
Dieu de Jacob. Lorsque vient l'implorer Crescentius, qui ne
peut marcher, il prie Jésus-Christ ; une lumière éclatante ap-
paraît qui, durant une demi-heure, séjourne sur le malade,
et le malade est guéri. Cent vingt païens se convertissent.
Mais la nouvelle en arrive à Charisius, primus civitatis. C'est
le temps où l'impie empereur Antonin persécute les chrétiens :
il a envogé à Pérouse Lucius de magnis consulibus Roma-

norum. Les speculatores arrêtent les chrétiens qui sont dans


la maison de Crescentius ; ceux-ci refusent d'adorer Jupiter,
Mercure et Saturne, les autres dieux, surtout le Soleil et la
Ijune. Tandis que Lucius et Charisius font battre Constantius,
Constantius chante ; jeté avec ses compagnons dans les

* G. M. R., I, 369.
2 B. H. L., 1938, 29 janvier 925 ou 540. Je l'appelle le texte A; il débute
ainsi : Conditor et formator omnium rerum omnipotens Deuit...
CONSTANTIUS DE PEROUSE
'

41

thermes qui se trouvent devant le palais de Maximien^ il fait


comme eux le signe de la croix: et aussitôt les bains res-
plendissent de lumière, comme eji plein jour et les soldats se ^

convertissent, avec leurs fils, leurs femmes et leurs filles et ;

ils s'en vont avec les confesseurs du côté de la forêt qui s'ap-

pelle la Colline, à r endroit quon nomme Monticellus \ et ils


y demeurent auprès d^ Anastase, serviteur de Dieu. Mais Lu-
cius apprend leur départ et ses soldats, guidés par un païen,
accourent les arrêter de nouveau, les raillant d'adorer un cru-
cifié qui 71 a pas pu se sauver, lui-même. Et les martyrs pro-
testent : cest de son plein gré que Jésus a été à la mort. Cons-
tantius, Anastase, Carpophore et les autres ne se laissent pas
fléchir ; Constantius marche pieds nus sur les charbons ar-
dents, il guérit tous lesmalades que lui apportent ses geôliers
et, entraîné par trois d'entre eux qui se sont convertis, il prend

la route qui mène en Campanie, passe le Tibre, et chemine


sur la voie Salaria. « Ou vas-tu », lui demandent des émis-
saires de l'empereur lancés à la recherche des chrétiens. —
« répond Constantius, pour voir mes
J'ai quitté Pérouse,
frères Concordius et Pontien et m'entretenir avec eux des
choses du ciel. » —
« Tu es donc chrétien. » « Oui. » — —
Constantius, conduit à la maison de Duritius, puis au fleuve
Clasius, proteste quil ri est pas un mage ; il est finalement
décapité au carrefour de Foligno, non loin de la ville, après
avoir été réconforté par un ange. Prévenu par un songe, Le-
vianus ensevelit le corps, dont la vertu merveilleuse guérit
quatre aveugles, au lieu quon appelle Areola : ses bienfaits
s y multiplient jusqu à ce jour pour l'honneur de Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, à qui honneur et gloire dans les siècles
des siècles. Amen.

Trois faits sont certains. 11 est sûr, d'abord, que ce texte


porte la trace des polémiques relatives à la licéité de la fuite
et à la spontanéité du martyre. Les deux fuites de Constantius
— toujours présentées comme d'ordinaires [départs — Taffir-
mation que le supplice de Jésus a été volontaire sont à cet
égard très caractéristiques et rappellent certains passages
des gestes de saint Pierre * et des gestes romains ^ Cela

* Près Tivoli. Connu dans l'histoire des barons romains.


' G. M. R., i, 332. Cf. Processus Martinianus.
^ Noter encore qne le terme mdge appliqué à un martyr se lit dans Ale^
42 TRADITIONS DOMBRIE

nous souvonir des polémiques catholico-manichéennes.


fait

Il est à peu près certain que le Concordius et le Pontien

dont il est ici question sont, Tun le héros des ^^^estcs dont on
a parlé tout à l'heure, l'autre le martyr de Spolète dont il sera
question bientôt ce sont tous des martyrs de la terre d'Om-
:

bric *. Et je remarque que les gestes de Fontien présentent


trois points de contact avec ceux de Constantius 1. L'époque :

d'Antonin; 2. Le supplice des charbons ardents 3. L'impor- ;

tance attachée au signe de la croix. Pareils traits, sauf le


second, se retrouvent dans les gestes d'Alexandre de jjaccano
où le terme ministri se lit sans cesse^ où apparaît aussi une
Trinité païenne, où les martyrs sont également condamnés à
griller dans thermes, où une lumière surnaturelle brille
les
sur un malade qu'elle guérit, où le peuple manifeste égale-
ment des sentiments très favorables aux chrétiens, où l'on
rapporte textuellement, sinon la sentence du juge, au moins
l'épitaphc du martyr. Et je remarque que ces gestes
d'Alexandre ont été influencés par les polémiques relatives à la
fuite. Les légendes de Concordius, de Pontien et d'Alexandre
sont parentes les unes des autres.
Il est enfin très vraisemblable que les gestes de Constantius

sont encore parents des gestes d'Anthime. On va voir que


le rédacteur de ceux-ci semble avoir lu saint Paul, dont il redit
les touchants conseils à l'ami malade qui ne voulait pas boire
de vin et l'on a pu se rendre compte que le début des gestes de
;

Concordius a une saveur paulinienne parfaitement nette on y :

trouve jusqu'àla fameuse expression chère à Fulgence Ferrand %


exinanivit semet ipsum formam servi accipiens. Dans les deux
légendes se présente ce même trait que le malade est guéri par
une lumière céleste, laquelle demeure une demi-heure au-
dessus de lui. Enfin, les gestes de Constantius nous conduisent
sur la voie Salaria, centre de la légende d'Anthime. Ils datent
sans doute, comme Alexandre et Pontien^ du milieu du
vi^ siècle.

Mais, avant d'en venir à Anthime, il faut comparer avec


notre texte de Constantius une autre version qui en est fort

xandre pape. — La rencontre de Constantius par les officiales rappelle


l'épisode analogue qu'on lit dans Florian, texte romanisé [G. M. R. ii, 230 sq]
1 Pareillement, il est sûr que le Grescentius est le martyr de Pérouae que

nous connaissons par ailleurs [14 septembre 352. — Cf. infra.]



» Elle se lit aussi dans Hedestus, cf. supra^ p. 16. Cf. G.M= R. II, 204.
LA VERSION DU MONT-CASSIN 43

différente et qui prétend néanmoins conter, comme lui, l'histoire


du martjT de Foligno et de Pérouse : je l'appelle la version B.

% qui nous a été conservée par un manuscrit du


Cette version
Mont-Cassin, de la fin du x* ou du début du xi® siècle [Codex
117], commence par les mots cîim esset igitur temporihus
:

antonini imperaloris, devulgata est iussio eius. Elle présente


les points de contact suivants avec le texte A : 1. Il s'agit
toujours d'un Constantius^ vivant à Pérouse, et martyrisé au
carrefour de Foligno; 2. au temps de l'empereur Antonin;
3. alors que Concordius et Pontien sont eux-mêmes arrêtés ; 4.
son cadavre guérit des aveugles 5. il est enterré par Levianus.
;

Mais B supprime \q?> passages suivants de A 1. le pro- :

logue conditor et formatai^', 2. la guérison d'Astasia; 3. la


formule Deus Abraham, Isaac et Jacob 4. la guérison de ;

Crescentius 5. la persécution dirigée par Charisius et Lu-


;

cius 6. la première fuite, à Monticelli


; 7. le personnage ;

d'Anastase 8. la seconde arrestation et la seconde fuite sur


;

la route de Campanie; 9. le supplice des charbons ardents;


10. la maison de Duritius où le martyr est conduit après sa
troisième arrestation.
En ajoute à ce que conte A
revanche, B 1. Constantius a :

trente ans, et les événements sont datés de la troisième année


du règne d' Antonin (ou du séjour du martyr à Pérouse) [? in
tertio anno magniis in aspectu {?? Dei ?) erat... ; perfectus fac-
tus estper D. J. C, {qui) uocaiiit eum in congregatione iiis-

torum~\\ 2. le saint va à Assise, in civitate asesinatim, parce


que la persécution y sévit ; 3. les émissaires païens le ren-
contrent au lieu appelé Danabus^ l'arrêtent et le rouent de
coups ; 4. un ange vient le réconforter et guérir ses plaies, à
la stupéfaction de ses bourreaux mais Constantius se méfie,
; 5.
il craint que le diable se soit déguisé en ange, il ne se confie

en lui qu'après l'avoir vu faire le signe de la croix 6. Cons- ;

tantius est conduit, en compagnie de Concordius et de Pon-


tien, ad civitate metropolitana quœ appellatur spellum;
7. Constantius demande au Seigneur quel était l'ange guéris-
seur, et l'ange lui répond ego sum custos anime tue et ego
:

tollam spiritum tuum et deducam in paradiso Dei; 8. lorsque


Levianus arrive enterrer le cadavre de Constantius, il trouve
in tribio angelum Domini custodientem eum ; anima vero

1 Bibliotheca Casinensis, m, flor. 54. — C'est le texte B. H. L., 1937.


44 TRADITIONS T)*OMBRIE

eius ante se tenehat\ 0. deux païens qui le rencontrent et


raillent la foi du martyr perdent instantanément la vue 10. ce ;

sont deux aveugles |A dit quatre] qui sont guéris en retour '.
De cette version encore, je dirai trois faits sont certains.
:

La mention de l'ange gardien, l'insistance que met le rédac-


teur à spécifier sa nature et son rôle nous font souvenir de
Vitus: il connaissait sûrement ce texte, ou un texte analogue.
La méfiance du martyr qui soupçonne, sous les traits de
l'ange, le démon caché, nous rappelle les épisodes parallèles
de Julienne ou de Cyprien- Justine : ici, les soupçons du mar-
tyr sont déplacés mais on sait que Julienne et Justine avaient
;

raison d'avoir peur*. —


J'ajoute que l'attitude prudente et
réservée du saint est assez semblable à celle que tient Agathe,
(dont on sait comme les gestes sont parents de ceux de Vitus) :

elle refuse de se faire soigner par cette apparition suspecte,


où se cache le bon saint Pierre ^
Enfin, j'attire l'attention sur cette civitas metropolitana quœ
appellatur spellum. On n'ouit jamais parler d'une métropole
ni môme d'un évèché de Spello. D'autre part, on verra que
l'évêque de Spolète, au cours du vu'' siècle, et, sans doute,
dès le début, a tâché de se faire attribuer la dignité métro-
politaine or, au point de vue paléographique, la con-
;

fusion de Spoletum-Spellum est explicable. Je crois donc


qu'il faut lire Spoletum au lieu de Spellum et qu'on doit ;

rattacher la version B aux autres textes qui soutiennent les


droits métropolitains de Spolète. —
C'est dire que B date sans
'\
doute de la première moitié du vue siècle

* Nous connaissoQs une autre forme de la version B c'est le texte B. H.


:

L., 1939, que j'appelle B2 il commence par les


: mots Beatissimi Constantii,
fratres^ cuius hodie natalicia celebramus audiet dilectio vestra^ et se lit 29 jan-
vier 929 ou 543. C'est un sermon, qui suit fidèlement B voici ses caracté- ;

téristiques : Gonstantius est évêque de Pérouse 2. A l'épisode de Levianus


1. ;

sont mêlés 24 aveugles 4, Le corps a été porté ad destmatum locum Perusinss


;

civitatis. —C'est un remaniement de B, qui veut soutenir les prétentions de


Pérouse à la possession des reliques (de Constaotius.
2 G. M. R., V.

3 G. M. R., II, 195.

Cf. tn/r«, chapitre


<- p. 77. m —
Je me demande après coup, pensant à
Félix de Spello [p. 103], à Félicien de Foligno et à Juvénal de Narni [p. 81J,
s'il ne faut pas conserver la leçon Spellum, et expliquer ce texte comme
Juvénal et Félicien cf. infra p. 83. note 2].
s Mais peut-être a-t-il retenu certains traits —
ceux qui rappellent Agathe
— qui se lisaient dans la version primitive, aujourd'hui perdue, et qu'on ne
trouve plus dans A. La légende a sans doute pris forme dans les cercles au-
gustiniens, où se remaniaient Euplus, Vitus, Agathe, etc. A n'est pas, sang
doute, pur de toute retouche.
.

LE TEXTE PRIMITIF PERDU 45

Et que peut-on dire de la légende, commune à la fois à A et


B quelle en est la genèse ?
;

A B
supposent le culte d'un saint Constantius à Foligno ou
et
à Pérouse. N'est-ce pas celui qui est attesté par le férial hié-
ronymien :

E et L. IV Kal. feb. m Tnscia Constantini *.


Comme nous lisons ailleurs Gonstantia pour
Constantina *,
il est vraisemblable qu'il faut reconnaître notre Constantius

dans ce Constantinus. D'autant que B ensevelit le martyr


tertio KaL februariarum peu près la date du férial
; c'est à ;

l'écart s'explique sans peine, paléographiquement ^ Nous te-


nons le culte, racine de la légende *.

dans les deux versions, les saints Concordius et


Elle vise,
Pontien ainsi que l'époque d'Antonin. L'époque d'Antonin
nous rappelle Alexandre de Baccano, lequel date du milieu
du vi' siècle Concordius et Pontien semblent avoir été rédigés
;

à peu près vers le même temps. On est conduit à penser que


notre légende de Constantius a également cette date.
Mais a-t-elle eu une existence antérieure, où elle se serait
exprimée dans d'autres textes, différents des nôtres ? La chose
n'est pas impossible. L'auteur de A ne paraît plus guère com-
prendre la portée des deux fuites de Constantius pourtant il

:

les mentionne. N'est-ce pas qu'il était guidé par un texte?


D'autre part, A nous reporte à un moment où la tradition de
Constantius tend à s'agréger à celles de Concordius et de
Pontien, d'Anastase et de Carpofore, sans néanmoins que
Constantius perde sa place principale, sans qu'il soit subor-
donné à Tun ou l'autre de ses deux émules. N'est-ce pas que

^ De Ros3i-Duche8ûe,
p. 14. —
Le calendrier populaire et Adon ignorent
Constantius. Le Bemensis donne constanti.
2 Geates de Jean-Paul. Cf. Aldhelme de laude uirg., 40. [P. L., 89, 274].
:

Cf. G. M. R,, I, 148. Uéoéque de Narni, au temps de saint Grégoire, est appelé
tantôt Constantius, tantôt Constantinus [P, L., 77, 1334, 1338, 1007. Ep., ix, —
72].
^ Le texte B2 donne IV Kal februarii [§ 29]
*^
Les œuvres de saint Grégoire attestent la diffusion du de Constan- nom
tius à la fin du vi® siècle, et, particulièrement,en Ombrie. semble-t-il,
Cf. Epist., XII, 24 [P. L 77, 1233] les moines de feu l'abbé Glaudius veulent
, :

élire pour abbé le moine Constantius Dialogi., i, 9 [col. 189]


; Tévôque de ;

Ferentum. Boniface, a un neveu (Constantius, dont nous savons et la cupidité
et l'ambition Epist., ix, 72 [col. 1007
; cf. 1334 1338] enfin, l'évêque de
; ;

Narni, au temps de saint Grégoire, s'appelle Conatautius.
46 TRADITIONS d'oMFîRIE

son autonomie, si jo puis ainsi diro, est sauvegardée par un


texte, h l'heure où le cycle s'enchaîne *
?

IV

d^An-^
A^Ser^m^ Terentianiis^ homme
lavitlepour
illustre, préfet de
thime 2 [a seconde fois, épousa Protina, petite-fille de Gallien Au-
guste, fille de sa fille Gallia, qui lui donna trois enfants,
Claudius, Pompeianus et Lucina, Lucina épousa Faltonianus
Pinianus, envoyé en Asie comme proconsul par Dioctétien et
Maximien augustes : Chœremon, conseiller sacrilège de Pi-
nianus, persécutait les chrétiens ; mais il tomba de son char,
et mourut, tourmenté par le diable^ invoquant ces saints quil
avait poursuivis. Pinianus fut si fort effrayé de cette mort
quil tomba malade. Lucine, sa femme, sachant bien que
c'était le démon qui le souillait^ se fit amener les confesseurs
du Christ qui étaient en prison, Anthime prêtre, Sisinnius
diacre, et d^ autres hommes religieux, Maximus, Bassus, Fa-
bius, Diocletianus et Florentins, a Guérissez m.on mari, leur
dit~elle, et vous serez libres d'aller ou vous voudrez. » —
« Exhorte-le à se faire chrétien, répond Anthime, et aussitôt il
sera guéri. » Lucine est remplie de joie : tous les médecins
(medici^ archiatri et diasophistœ) ont été impuissants à le

1 Je néglige le Ses Constantius Perusinus cîvis simul


texte B. H. L., 1940 :

et episcopus... [29 janvier 547]. C'est un développement


très verbeux de B- —
on pourrait l'appeler B^ —
outre sa verbosité, ce qui le caractérise est la
;

mention d'une nobilissima Barciorum familia à laquelle est rattachée l'évêque


Constantius on en aperçoit par là même l'origine.
;

J'ajoute un fait plus intéressant certains textes, qui sont vaguemeut si-
:

gnalés par Galesinius et par les BoUandistes [29 janvier, 924, § 2] parlent d'un
Constantius tué par les Goths sous Justinien en même temps que six pèlerins
allant de Germanie à Rome. Peut-être aurions-nous ici un cas analogue à
ceux que présente la légende des XII Syriaques la fusion d'une tradition:

martyrologique avec le souvenir d'une ascète du vie siècle, tel que Jean ou
Herculanus [cf. infra] ; le texte deGalesiuius fait précisément de Constantius
un disciple d'Herculanus et un évêque de Pérouse.
2 B. H. L., 561-565, 11 mai 616 ou 614.
ANTHIME 47

guérir ; et voici des hommes qui ne demandent rien et ré-


pondent de tout, ce Faltonianus Pi-
// est bien sot, conclut
nianus, celui qui ne croit pas au Dieu qui sauve un déses-
péré. » —Entrés dans la chambre où Pinianus est étendu, à
demi-mort^ Anthime et Sisinnius constatent quil est tout prêt
à croire ; ils lui disent que croire le Dieu unique, créateur ;
:

les trois Personnes ; la chute de V homme et r incarnation du


Verbe., les miracles, la résurrection et l'ascension de Jésus ; et

ils lé baptisent au nom de Jésus. Puis, Anthime et Sisinnius


se mettent en prières ; une clarté céleste apparaît qui dure une

demi-heure, et Pinianus se lève, guéri. Il appelle les confes-


seurs prisonniers : après avoir été instruite pendant sept jours,
Lucine est baptisée ainsi que les esclaves de sa maison et sa
descendance.
Depuis ce moment, Piniamis rappelle les chrétiens qui
sont dans les mines, dans les ergastules et dans les prisons ;

il leur lave les pieds, selon la doctrine d' Anthime et de Sisin-


nius, il leur baise les mains,leur fournit des voitures afin
il

qu'ils rentrent chez eux. Puis il va à Rome avec plusieurs


chrétiens; il les répartit dans ses propriétés du Picenum, qui
sont proches d'Osimo ; il donne une terre à Sisinnius, à Dio-
cletianus, à Florentius qui y vivent en paix, avec d'autres,
durant trois années. Mais une idole qui parlait tous les trois
ans ordonne à ses adorateurs de les contraindre à sacrifier :
sinon, elle ne parlera plus. Les saints lefusent, sont lapidés;
et leurs bienfaits durent jusqu à ce jour.

Anthime se cachait sur la voie Salaria, au 33" mille, aux


alentours des propriétés de Pinianus. Un
jour^ comme des
paysans à Silvain, le président de la fête
(rustici) sacrifiaient
(auctor sacrificantium) est saisi par le diable, et massacre tous
ceux qicil rencontre; mais Anthime court à lui, V enchaîne
dans des liens spirituels, le guérit^ le convertit, et brûle le
bois sacré de Silvain. —
Le proconsul Priscus, qui V apprend,
le fait jeter dans le Tibre, une pierre au cou ; et, quand un

ange le retire du fleuve, le ramène à son oratoire sous les yeux


des Gentils (gentilos) qui, émerveillés, se convertissent, le con-
sulaire Priscus le torture trois jours et le fait décapiter. On
Vensevelit à son oratoire y font du bien aux
; ses prières
hommes pour la louange de Notre Seigneur Jésus-Christ, à
qui soient honneur et gloire dans les siècles des siècles.
Maximus, ami inséparable (amicus individuus) d' Anthime^
48 TRADITIONS d'oMBKIE

prend sa place dans le pays ; les ennemis de la foi chrétienne

r annoncent à Priscus qui lui reproche de détourner les pro^


vinciaicx (provinciales) du culte des dieux et le fait décapiter
iwie Salaria^ au fJ(f mille, à rendrait où il avait coutume de
prier. On célèbre son anniversaire le 14- des kalendes de no-
vembre^ Nôtre-Seigneur Jésus-Christ régnant dans les siècles
des siècles. Amen.
Mais Bassus exhorte le peuple à la place de Maximus on ;

se réunit au marché qui est à l'endroit appelé Forum Novum,


où l'on sacrifiait à Liber Pater et à Cérès. Bassus refuse de sa'
crifier, il fait tomberen soufflant sur elles ; on le
les idoles
livre, aux trois ([uarts assommé, au consularis Fabius, qui le

fait décapiter. —
Tous ces martyrs, Anthime, Maximus,
Bassus et Fabius ont été ensevelis où ils priaient, le long de
la voie Salaria qui conduit au Picenum, tandis que Sisin-
nius, Diocletianus et Florentius sont ensevelis au même en-
droit, où ils ont été lapidés, près de la ville d'Osimo qui est
placée sur une hauteur : elle bénéficie de leur intercession et
de leurs mérites *.
Après avoir beaucoup de bien et donné beaucoup de
fait
terres aux églises, Pinianus mourut et sa veuve, Lucina, vécut
en toute sainteté et chasteté. Elle jeûnait trois jours. Mais
saint Sébastien, martyr du Seigneur, lui apparut, lui révéla
Vendrait où son corps avait été placé par des sacrilèges, lui
dit de prendre un peu de vin^ selon le précepte de r Apôtre, et
de se contenter de jeûner un jour. « Comme les prêtres fuient
la persécution et se cachent, et ne peuvent célébrer les offices
(facientibus missas) ni te réconforter par la bénédiction [qui
les termine), accepte au nom du Christ la noix que Rapportera
une coiiieille, et puis, mange comme tu as coutume. y>

ce Pourquoi une noix, demande Lucine? » ((.Parce que^ dit —
saint Sébastien^ (cest du moins ce qu'elle assure), les deux Tes-
taments enveloppait les quatre Evangiles sous une [double)
coque d' amertume (?) —
Bacontons maintenant ce miracle.
Chaque dimanche, chaque anniversaire de martyr, ou chaque
fête, vers la cinquième heure, la corneille apportait une noix
d une grosseur et d^une saveur merveilleuses ; les autres jours,
elle venait à none. C'est à ce moment quune vierge, Béatrice,
la sœur de Simplicius et de Faustinus qui ont été décapités le

1 C'est ici que finit le texte court, A.


LUCINE 49

^ des kalendes d^août, à Sexie de Philippe^ sur la voie de


Porto, se rendit auprès de Lucine après avoir enterré ses frères,
et demeura sept mois auprès d'elle : deux corneilles apportaient

aux saintes deux noix. Mais un certain Lucretius qui désirait


une terre qu'elle avait en commun avec ses frères^ la fît ar-
rêter et étouffer de nuit par ses esclaves : Lucine V enterra à
côté de ses frères, à Sexte de Philippe; et, comme Lucretius
banquetait avec ses amis dans la propriété volée, son enfant —
quon allaitait —
lui dit : « Ecoute, tu es livré à rennemi » ;
et Lucretius pâlit, frémit ; Satan le tue en trois heures. Tous
se convertissent, tremblants.
Cependant Lucine s'enfuit, effrayée par la cruauté des sup-
plices (asperitate passionis territa) ; mais Béatrice lui ap-
parut : Ne V éloigne pas, dit-elle :
c< ce mois même, la paix
sera donnée aux églises. » Ce qui arriva. La fille de Dioclé^
tien, Artemia, fut délivrée du démon par le diacre Cyriaque,
qui reçut de l empereur la maison contiguë aux thermes de
Dioclétien : les chrétiens s'y réunissaient. Le peuple criait :
« A bas Cyriaque » ; Dioclétien le contint, et lui reprocha
d'être insatiable [de sang^. Revenu de la Perse oit il avait été
guérir la fille de Sapor, dans le corps de laquelle était entré
le démon chassé d' Artemia, Cijriaque fut accueilli par Lu-
cine il ramenait les eunuques convertis Largus et Smaragdus
:

et leurs maîtresses Memmia et Juliana. Comme celles-ci ne


voulurent ni sacrifier, ni épouser leurs fiancés Tarpeius et
Persius, elles furent tuées sur leurs terres, voie d'Ostie; Cy-
riaque, surpris au lieu oii elles priaient, est de même massacré
par eux, et Lucine Vensevelit auprès de Largus^ Smaragdus,
Memmia et Juliana, Elle meurt enfin, à 05 ans, après une
vie d'aumônes, de prières, d'Jiymnes, de chasteté et de foi, et
elle va à Dieu, à qui honneur et gloire dans les siècles des
siècles. Amen.

On étudiera tour à tour la genèse de la légende, et les di-


verses versions qui l'expriment.
Il que ces gestes sont un texte cyclique où Fau-
est certain
teur a cousu bout à bout diverses traditions dont quelques-unes
nous sont parvenues, par ailleurs, sous forme isolée tels, les :

gestes de Marcel \ et les gestes de Simplicius et Viatrix ~,

1 16 janvier, 5 ou 369. G. M. R., i, 132, 211, 311, 341.


2 29 juillet, 36 ou 47. G. M. R., i, 243.

III 4
50 TRADITIONS I) OMIIIUE

Il que les héros de l'Iiistoire sont ccux-l«^i


est ccrlaÎQ
mômes que meuiionne le férial hiéronyinifTi ', et qu'on ne
connaît pas, du reste, autrement le saint Antliime du 2:^'^ mille :

de la voie Salaria v. id. maii|, les saints h'iorentius et Dio-


|

cletianus d'Osimo dans le Picenum |xvii. kal. iunii|.


Il est certain que les personnages de notre légende, Lucina

et Pinianus Faltonianus, sont des personnages historiques ah-


sorbéSy si je puis ainsi dire, par les personnalités à demi-lé-
gendaires de Mélanie la Jeune de son mari Pinianus. On a et
trouvé, à Sainte-Agnès et au cimetière Ostrien, le sceau d'une
Turrania Lucina imprimé sur le mortier de deux tombes ^ et ;

les inscriptions attestent que, au iv° siècle, il y avait des rap-


ports de parenté ou d'alliance entre les Turranii^ les Faltonii et
les Anicii or^ Notker appelle Lucina, Anicia \ C'est cette
-^
;

mystérieuse Turrania Lucina qui se cache sans doute derrière


notre Lucine. Nous ne savons pas qui était son mari ;
peut-être
était-ce un Faltonius.
On sait, d'autre part, l'immense renommée de Mélanie la
Jeune par contre-coup, de son mari Pinianus
[h- 439] '^
et,

[ -f- 435]. Or, il ne semble pas que ce Pinianus ait été un


Faltonius Paulin de Noie assure qu'il appartenait à la gens
:

Valeria ^ Pour que son souvenir se soit confondu avec celui

1 59 et 61. La topographie du texte n'offre aucune


De Rossi-Duchesne, p.
difficulté. Forum Novum est cité par Pline, m, 12 [éd.
Auximum est Osimo ;

Janus, 1870, tome I, p. 144J. M. Stevenson a découvert sur la voie Salaria la


catacombe de saint Anthirae, [Nuovo Bullett. IS96, 161 1. Le Maxiaius, , —
aniicus individuus d'Anthime est peut-être le saint dont le diacre de Ricti Paul
demandait des reliques à saint Grégoire, Cf. Ep., ix, 15 [P. L., 77, 959-60].
Gregorius Ghrysanto episcopo spoletano. Paulus ecclesiBe reatiuœ diaco-
((

nus, petitoria nobis insinuations poposcit ut ad foutes in basilica sanctte


Marias semper uirginis geuilricis Dei et D. N. J. G., quse est intra ciuitatem
reatinam posita, reliquiae bb. mm. Hermetis et Hyacintbi et Maxinii debeant
collocari.
2 De Rossi Bull. arch. crist., 1876, 151.
: — Armellini ; Le cripta di
S. Emerezianay 76; Il cimitem di S. Agnese, p. 175. — AUard, iv, 397-399.
^ Orelli : Inscript., 1131. — Armelliui : // cimitero di S. Agyiese, 175-177.
[Allard, loco citato].
•*
VI, id., mai, P. L., 131, 1081. —
M. Allard a conjecturé que Sergius
Terentianus était une déformation de Turranius, préfet de Rome en 290
[iv, 398, n. 2], le père, peut-être, de Turrania Lucina. Le fait est très vrai-
semblable. Aucun document authentique n'atteste une Lucina Anicia, ni un
Faltonianus Pinianus [Cf. Pauly-Wissowa R. E., articles Anicii, Faltonius, :

et de Vit Onomasticon].
:

^ Je renvoie aux magistrales études de S. E. le Cardinal Rampolla del Tin-

daro Santa Mela7iia Giuniore Senatrice Bomana. Documenti Conlemporanei


:

e Note [Roraa. Tipogratia Vaticana, 1905, in-folio].


6 XXI, 220. —
La Vita Melariise ne nomme pas le père de Pinianus elle ap- ;
LUCINE ET MÉLANIE LA JEUNE 31

qu'aurait laissé Faltonius^, l'époux hypothétique de Turrania


Lucina, il que Mélanie ait absorhé cette Lucine car nous
faut :

ne connaissons personne qui ait été, à la fois, un Pinianus et


un Faltonius. Les grandes richesses que notre rédacteur
attribue à Pinianus et à Lucine, les terres qu'ils donnent aux
églises, ces deux traits paraissent refléter l'histoire de la '

sainte romaine. —
Et ce fait nous permet d'entrevoir l'époque
où se forme la légende elle s'épanouit à un moment où le
:

souvenir de ^lélanie n'était plus assez récent pour ne pas


se déformer, n'était pas assez lointain pour avoir tout à fait
disparu. Si je note encore l'incendie du bois sacré de Sylvain
et Timage que nous donnent les gestes des luttes des mission-
naires contre le paganisme persistant si je relève ces passages
;

qui nous transmettent l'écho des polémiques relatives à la


fuite et à la spontanéité du martyre si je rappelle enfin que
:

Lucine était connue, sans doute, comme une Anicia, et que les
Anicii fournissent des consuls à l'Etat en 464, 483, 510, 523,
526 % on aura nous autorisent à dater de l'époque
les faits qui
ostrogothique la formation du fonds légendaire.
J'attire l'attention sur une page des gestes, qui semble sin-
gulièrement parallèle à une autre page de la vie de Mélanie.
L'auteur à'Anthime conte que saint Sébastien conseille à
sainte Lucine l'usage du vin et le jeune d'un seul jour.
Hœc cum supra vires niteretur et triduana exerceret ieiunia
appariât ei S. Sebastianiis martyr^ et indicavit ei locuni in
quo eius corpus a sacrilegis missum fueral. Quod cum levas-
set et sepelisset, referebat ipsa venerahilis Lucina quod ipse
S, Sehastianus eam monuisset ut et vino uteretur modico, se-
cimdum prœceptum apostoli Pauli, et quotidiano esset con-
tenta ieiunio ^.

Si l'on en croit Gerontius, Mélanie la jeune ne prenait pas

pelleson frère Severus. Valerius Severe et Valerius Pinianus étaient fils de


Valerius Severus, préfet de 382, et neveux de Valerius Pinianus, préfet de 386.
Cf. Rampolla, 122-125.
* Mélanie parle \Analecta, viii,
27J des esclaves qu'elle a « in diversis pro-
vinciis, id est in Hispania, Italia, Apulia, Campania, Sieilia et Africa vel ludia
eeu Britannia aut procul in reliquis regionibus ». —
A vrai dire, le Picenum
n'est pas nommé. Mais on ne peut pas attribuer à cette liste —
qui cite
l'Inde — une valeur très précise. Cf. RampoUe, 180-184.
2 G. M. II., II, 220.

• Anthime, § 12 [11 mai 618]. On connaît les recommandations de saint


Paul à son ami malade.
52 TRADITIONS d'oMBUIK

(le vin, et, de jeune en jeûne, elle en vint à ne manger qu'une


fois la semaine.
Lt ipsa dlcehal hcatissima non passe se vino uti,,. quia sic
educaniur fUiœ senalorum. Nec mullopost tempore cœpit posi
biduiim sumere cibum, et sine oleo necnon et postea post ;

quinque dies et post lotam septimanam semel sahbato et do-


niinico edehat '.

Ne semble-t-il pas que les tenants d'une ascèse rigoureuse


se soient appuyés sur l'exemple de Mélanie, et que, pour ri-
poster, leurs adversaires lui aient opposé l'antithèse de J^u-
cine, forte des conseils de saint Sébastien et de saint l*aul. La
tradition des ascètes d'Egypte^ à laquelle sainte Mélanie se
rattachait -, était discrètement repoussée d'Occident par saint
Ambroise et par saint Jérôme lui-même :

Dispiicent mihi (c'est lui qui parle), in teneris maxime ae-


tatibiis, longa immoderata ieiun?'a, in quibus iunguntur heb'
et
domades et oleum in cibo et poma vetantur ^

Il qu'une autre influence s'est exercée


est certain, encore,
sur Anthime concurremment à celle de Mélanie c'est Sébas- :

tien que je veux dire '^.

Voici les principaux points de contact que j'ai notés entre


Sébastien et AntJiime 1. Débuts analogues [^Sergius Teren-
:

tianus, illustins vii\ secundo Urbis prsefectus... ; Sebastianus


vir christiajiissimus ,^ 2. Les personnages de Lucine et de
. . ;

Béatrice sont communs aux deux textes 3. Dans les deux ;

textes, on raconte que Sébastien apparaît à Lucine et lui ré-


vèle où se trouve son corps 4. On mande les chrétiens pri- ;

sonniers, ici dans la maison de Lucine, là dans la maison de


Nicostrate 5. Pinianus délivre les chrétiens prisonniers, Sé-
;

1 Mélanie, § 24 [Rampolla, 14, 25-26J.


2 « Hebdomadibus protelabant [Cassien
ieiunia » de cœnob. but., v, 5].
:

Le jeune de toute la semaine était, par exemple, pratiqué par l'abbé Elie et
par l'abbé Helpidius [Palladius : Hist, laus., 51 et 106]. Pour plus de détails,
cf. Rampolla, op. laud., 224-229.
3 Ep, 107, ad Lœtam, § 10 —
cf. Ep. 22, ad Eustochium, §§ 17, 37; et
;

Ep. 54, ad Furiam, § 10 [Rampolla, 226]. —


Isioter qu'on ne dit rien des com-
munions de Lucine, « quamquam et consuetudo Romanis sit per singulos
dies communicare. Primitus enim apostolorum beatissimus Petrus episcopa-
tum gerens, deinde beatus Paulus ibidem consummatus banc traditiouem fece-
runt. » [Mélanie, 62. —
Rampolla, 36, 19-21]. [Mélanie fut écrite entre 440
et 491, sans doute avant Chalcédoine].
* G. M. R.. I, 137, 186-189, 301 II. 97— III ;
ANTHIME ET SÉBASTIEN 53

bastien leur fait ôter leurs chaînes ; 6. Ici et là les prêtres chré-
tiens se cachent; 7. La crainte de la persécution pousse à fuir
Lucine (dans Anthimé) et Chrornatius 8. Comme Pinianus a ;

des terres dans le Picenum, Chrornatius a des propriétés en


Campanie 9. Grandes richesses de Lucine et de Sébastien;
;

10. Allusion à la paix de l'Eglise H. Les chrétiens guérissent


;

gratis; 12. Anthime


Chrornatius recueillent les chrétiens
et
pendant la persécution 13. Sisinnius, Florentius et Diocle-
;

tianus sont lapidés aussi bien que Tranquillinus 14. Anthime ;

est jeté au Tibre, comme le cadavre de Tranquillinus ; 15. Rôle


des anges, ici et là; 16. On insiste sur l'unité de la Trinité
[doxologie de Sébastien; discours à'Ant]iime\ ; 17. Exposé de
l'économie de l'Incarnation ; 18. Clarté céleste qui persiste
une demi-heure \AntJii7ne\, une heure \Séhastien\ 19. Haute ;

noblesse de Lucine \^Anthime\ et de Chromatius [Sébastieri],


On sait que les gestes de saint Sébastien datent sans doute
de la seconde moitié du v^ siècle et proviennent du groupe de
Salvien et de ses amis. 11 est vraisemblable que la légende
iX' Anthime, influencée à la fois par Mélanie et par Sébastien,
s'est élaborée à la fin du v^ siècle K

Les gestes d'Anthime nous sont parvenus sous quatre


formes dont il est très malaisé de fixer le rapport derrière :

nos quatre versions il y a d'autres textes qui nous sont in-


connus. Ces quatre versions peuvent être ramenées à deux :

l'une courte % qui se borne à conter l'histoire d'Anthime,


Maximus, Bassus, Fabius, Sisinnius, Diocletianius et Floren-
tius je l'appelle A
;

Fautre longue % qui ajoute au texte pré-
;

cédent l'histoire de Lucine, saint Sébastien, sainte Béatrice et


saint Cyriaque je l'appelle B. Des deux autres que l'on a si-
;

gnalées, l'une [B.H.L, 563] est un abrégé du texte long '\ la

^ Anthime, comme Sébastien, touche à Shnjolicius. Notre texte des gestes


de Simplicius et Viatrix* est assez sec peut-êlre repose-t-il sur les gestes
:

d'Anthime; peut-être est-ce un résumé de queh^ue légende plus ample qui se


sera perdue il ajoute seulement au passage
: parallèle d'Anthime que Béa-
trice a été aidée par Crispus et par Jean.
2 B. H. L., 561 11 mai 616 ou 614. « Sergius Terentianus illustris vir ».

3 B. H. L., 562, 11 mai 618 ou 616.

^ Conservé daus le manuscrit D Philipps 12461 du xii^ siècle \Cat. Bruxelles,

11, 522] et dans le Parisinus 12611, du xii^ 'siècle également [Cat. Paris, m,
154] :c'est la fin de l'appendice, l'histoire de CyriaquC; Artemia, Memmia,
Juliana, Persius et Tarpeius qui est omise. B. H. L., 563.
*
Sur S. Simplicius, cf. G. M. R., i, 243.
54 TRADITIONS l/0MT5RlE

seconde 504] est caractérisée par un prologue.


jlJ.lI.L. On
l'examincîra plus tard *.

Le texte long, B, a-t-il complété le texte court, A? Est-ce


îiu contraire le texte court qui a abrégé le texte long ? — \/d
première hypothèse s'od're d'elle-même à la pensée au texte :

court, histoire des martyrs de la voie Salaria, on a ajouté une


histoire de Lucine tirée des gestes romains ainsi est né le ;

texte long.
Mais ce n'est pas dire que le texte court A soit primitif. 11

présente plusieurs doxologies avant la doxologie finale c'est ;

donc qu'il repose sur des gestes antérieurs A', qu'il a fondus
ensemble. Et peut-être n'est-il pas impossible de se représen-
ter ce qu'étaient ces gestes primitifs, et quelle a été la portée
du premier remaniement. Les gestes primitifs contaient seu-
lement l'histoire des martyrs de la voie Salaria laideur du ;

premier remaniement les aura groupés autour d Anthime et


mis en rapport avec Lucine pour les tirer de leur obscurité ;

quel personnage de l'histoire légendaire plus illustre que cette


sainte ? Associer d'obscurs martyrs à l'histoire de Lucine,
c'était du coup les sauver de l'oubli et comme garantir leur
historicité. Et j'imagine encore qu'une fois ce but atteint,
l'auteur du premier remaniement (notre texte court, A) se
sera désintéressé de Lucine ainsi fait un rédacteur de Censu-
;

rinus '. Et c'est cet oubli qu'aura voulu réparer un second ano-
nyme, l'auteur de B il aura compilé les gestes de Marcel, de
;

Sébastien et de Faustinus Beatrix, afin d'achever la légende.


Ainsi est né notre texte long, B. Anthime et Lucine semblent se
disputer le premier rôle chacun d'eux l'a tour à tour occupé,
;

celui-là, dans le remaniement A, celle-ci dans le remaniement B.


Quelle date assigner, dès lors, à A, à B, à A'?
A et B présentent le même caractère ils sont également ap- :

parentés à des textes de la fin du v^ et à des textes de la pre-


mière moitié du vi® siècle c'est la preuve qu'ils doivent avoir
;

sensiblement môme date et même origine. A rappelle, natu-


rellement, Mélanie et Sébastien ; de même, la précision de sa
doctrine théologique nous fait souvenir de Censurinus %

1 Cf. G. M. R., VI.


2 Cf. G. M. R., H, 118-119.
3 Qu'on en juge par ce passage :

« Prsepara pectus tuum ut credas ea quae dixero tibi et dum credideris sal-
vus eris. Dixit ei Pinianus Ego nisi credidissem toto corde, nou fecissem
:
DATE DE NOS TEXTES 55

comme le sacrifice à Silvain des gestes de


Gervais et Protais.
D'autre part, la répartition des confesseurs à travers l'Italie
centrale, semble modelée sur l'histoire d'Eutychcs, de Victo-
rinus et de 3laro telle que la raconte Nérèe Lucine, comme ;

une neptis Aiigusti. Surtout Anthime est appa-


J)omitille, est
renté à Valentin ici et là un même personnage au nom peu
:

banal, Chœremo'n guérison d'un malade, ici et là, par le


;

moyen d'une lumière céleste qui dure soit une heure, soit une
demi-heure ici et là, l'incident est tourné en satire contre les
;

médecins.
B_, d'autre part, rapporte, comme Lucie, une prédiction tou-
chant la paix de l'Eglise. Les prétendants de Béatrix, de
Memmia et de Juliana rappellent fort celui qui apparaît dans
Agathe. Le rédacteur à^Hedestus attache le môme prix à l'as-
sistance « aux messes » que celui auquel nous devons B et ;

dans B, aussi bien que dans Alexandre de Baccano, il est


question de la bénédiction solennelle qui termine celles-ci.
Tous ces textes ont été rédigés dans la première moitié du
VI® siècle, assez avancée sans doute.
Or, voici que la même version B puise largement à la lé-
gende de Marcel l'auteur de B, seulement, utilise une ver-
:

sion différente de celles qui nous sont parvenues. Un tableau


succinct rendra la chose sensible au lecteur.

vos ingredi ad me. Dixit ei Anthimus Audiergo quod credas. Quem coliraus
:

unus est Deus, qui fecit cœlum et terram, mare et omnia quBB in eis sunt.
Hic Deus Verbum ex ore suo virtutis plénum protulit, quo Verbo firmati sunt
cœlum et Spiritu oris élus omnis virtus eorum
a quo congregatae sunt ve-
:

lut in utre aqua^. maris thesauris abyssi


et positse in Deus autem quem
:

oportet nos credere, cum sit trinus, tamen unus est Pater qui ex corde
:

eructavit Verbum bonum a quo omnia Filius, qui est Sermo quem eructavit
;

Pater per quem facta sunt omnia quae lacta sunt; Sanctus quoque Spiritus
in quo universa animantur quaecumque a Pâtre per Filium creantur. Deus
autem hominem similem sibi fecit cui legem imposuit, quam si servasset vi-
lam consequeretur aeternam. Sed invidus angélus persuasione sua fecit ut le-
gem impositam rumperet unde factum est ut deveniret in mortem. Idcirco
:

Verbum per quod facta sunt omnia, quod est filius Dei, dignatus est hominem
assumere nascendo ex virginali utero ; qui homo factus, habens in se virtutem
integram Patris omnipotentis, omnia tentamenta diaboli exsuperans, pervenit
ad lignum crucis, ut lignum praevaricationis mortiferae ligno passionis suae
excluderet, et vitam quam homo perdiderat moriendo pro peccatoribusrepara-
ret. Hic ergo tertia die resurrexit a mortuis,... discipulis per XL dies se mani-
festans, dédit eis potestatem... ut in eius nomioe expellererit dsemonia,... as-
cendit in cœlum. —
[^n/Ame, il mai, 616, § 3].
50 TRADITIONS D OMBRIE

Gestes de Marcel Gestes d*Anthime

1. Lorsqu'il guérit Arlemia, fille de Après avoir guéri Johia, fille de


Dioclélien, Cyriaque délie le diable Sapor, Cyriaque...
d'entrer dans son corps.
2. Serena joue un rôle et semble Rien sur Sereoa.
Être chrétienne.
3. Rien sur la fureur du peuple. Fureur du peuple lorsque Dioclé-
tien donne à Cyriaque une maison
près des thermes de Dioclélien.
4. Largus et Smaragdus ne sont Largus et Smaragdus sont eu-
pas eunuques. nuques,
5. Rien sur Tarpeius et Persius ;
Turpeius et Persius fiancés à Mem-
Meramia et Juliaua sont seulement mia et Juliana.
mentionnées à propos de leurs tom-
beaux.
6. Lucine exilée par Maximien. Rien sur cet exil.
7. (;iyriaque tué par Carpasius dans Cyriaque tué par Tarpeius et Per-
sa maison. gius au tombeau de Memmia et Ju-
liana.
8. Rien sur la mort de Lucine. Lucine meurt à 95'an8.

semble donc que notre rédacteur des gestes d'Anlhime


Il

[
B, texte long] ait puisé à une version des gestes de Marcel
différente de celle qu'ont imprimée lesBollandistes,et de celle,
aussi, qu'a utilisée le Libe?' Pontificalis : Lucine est mariée,
icià Marcus \ là à Pinianus.
A quelle époque placer tout ce travail littéraire? C'est aux
environs de Tan 500 que s'est épanouie la légende de Marcel.
J'en ai, autrefois, noté un indice - : j'insiste aujourd'hui sur ce
ignorée par le premier et
fait qu'elle est utilisée par le second
éditeur du Liber Pontificalis ^ ; et j'ajoute qu'il en est tout de
même de la légende de Susanne * qui lui est étroitement ap- ,

parentée ^

1 L. P., I, 164, 165'. Cf. page XCIX de l'introduction. La version du L. P.


était assez proche de l'histoire. Comparer les observations de Mgr Duchesne,
loco citato, avec celles de Tillemont, iv, 558.
G. M. R., I, 311.
2

Voir les référence? de la note 1.


^

* L. P., I, p. XCVIIL —
Cf. G. M. R., i, 130-132. Les gestes de Susanne —
racontent que Thrason recueillait et ornait les gestes des martyrs f§ 21J.
s Ici et là, légende d'une église urbaine, où interviennent également Thra-

son, l'impératrice Serena, femme de Dioctétien, Maximien Auguste fils de Dio-


clétien, et le palais de Salluste ; ici et là, on note l'influence de la question
manichéenne Cyriaque est l'antithèse de Mânes [G. INI. R.. i, 341-343], et l'hor-
:

reur dont Susanne fait montre à l'endroit du mariage et des embrasse- —


ments de son cousin —
n'a rien qui ne puisse ravir l'ascétisme exaspéré des
hérétiques. Cf. aussi avec quelle insistance on appuie, ici et là, sur la spon-
tanéité des martyrs. J'ajoute que les descriptions du baptême, ici et là, sont
LES TEXTES PRIMITIFS 57

Le plus simple, je crois, est de dater les deux remaniements


A et B du milieu du vi® siècle, d'en chercher les auteurs dans
le groupe d'où sont issus Lucie B, Valentin, Alexandre, /7e-

destusy et d'expliquer par une influence littéraire les rapports


qu'offre AntJiime avec les textes antérieurs. Je remarque que
Donat —
dont on verra la parenté avec les gestes romains,
avec Valentin et avec Alexandre —
introduit un personnage
qui est dénommé Anthimus et critique, aussi nettement qu'yl?2-
thime^Xdi grande valeur que beaucoup attribuent aux exercices
ascétiques.
Il malaisé d'avancer quelque chose de précis touchant
est
les textes A' que lisaient les rédacteurs de A et de B, et qu'ils
ont utilisés. Certains célébraient les saints d'Ombrie, Maximus,
Bassus, Florentins, etc. Mais n'y en avait-il pas un autre,
célébrant Lucine et les Anicii, et présentant peut-être déjà le
caractère d'une version cyclique ? La rédaction de Cantius B,
semble dater de la fin du v' siècle et s'inspirer des ambitions
de \digens Anicia. Qui sait même si notre texte A n'est pas de
ce temps ses rapports avec Valentin s'expliqueraient par la
:

très analogues : nouveaux convertis sont faits catéchumènes sccundum


les
consueiudinem^ professent qu'ils croient au Père, au Fils, à l'Esprit-Saiot,
ils

et à la résurrection de la chair (trait anti-manichéen) le baptême est suivi


;

de la confirmation {uncti chrismate) et de la communion {participati sunt cor-


pus et sanguinem D. N. J. G).
Il est sûr, néanmoins, que Susanne n'est pas du même auteur que Marcel :

l'auteur de Susanne écrit d'un style très affecté, insiste curieusement sur les
détails de politesse et de protocole, rappelle avec emphase la science et la
noblesse de ses héros, appuie sur la rémission des péchés opérée par le
baptême et sur le pouvoir qu'a Dieu de sauver tous les hommes [§ 5 et 15|.
11 s'inspire peut-être de Cécile [l'ange qui protège la vierge] et de Jean et
Paul [la question du mariage, la mise à mort dans lu maison] il s'inspire
;

certainement des gestes de saint Sébastien [mensonges des martyrs à l'enjpe-


reur; Dioclétien, dupé par Serena comme par Nicostrate ; les prisonniers
chrétiens relâchés ou bien traités; comparer le « Claudius commentariensis »
de Sébastien avec le cousin Claudius de Susanne ;

Marcel ne note pas la
renonciation aux pompes de Satan], mais avec précaution [Susanne ne
souftle mot des parrains ni des marraines] [Susanne seul applique le terme
mediclna au baptême, §§ 9 et 11. On le retrouve à Rome, dans la prière qui
accompagne l'imposition du sel Duchesne, Culte, 286].
;

Sébastien, Susanne, Marcel, Anthime, on voit quels rapports unissent ces


quatre légendes. L'augustioisme de leurs auteurs ne paraît pas aussi strict
que celui que reflète Constantins, — bien que Susanne attribue à Dieu le
pouvoir, non la volonté de sauver tous les hommes, [cf. Cassien : Collât.
XIII. 7]. Les traditions lériniennes combattaient chez eux les traditions au-
gustiniennes. [J'ajoute que l'ensevelissement de Cyriaque voie d'Ostie, que conte
Marcel, dérive sans doute du Cyriaque vénéré ad ostia Tibe^-ina, qu'atteste
la légende deCensurinus.réplique de Sébastien, G. M. R.,i,248-249et II.
113-117J.
r)8 TRADITIONS d'oMBRIE

(l(^.pen(lanco de Valenlin à son ('•f^^inl ; AntJiime \ s'int('rosse


autant que Coinirinus à une thoolo^^if; oxacto, ot il se dosinto-
resse aussi subitement du grand personnage qui a été associé
au martyr \

1 Censurinus est associé à Chrysè, comme Lucine à Anthime. Censnrinus et


Ântfiime ont fortement subi l'influence de Sébastien. Noter la couleur césa-
rienne de la formule dum credideris salviis eris, et combien tout cet exposé
doctrinal rappelle le discours théolof,'ique de sainte Cécile.
CHAPITRE [II

TRADITIONS D'OMBRIE
LES DOUZE SYRIENS

Je Comme Jean sortait de pria le Sei-


la province de Syrie, il
\f' gneur en disant: « Seigneur, Dieu d'Abraham, Dieu disaac.
Dieu de Jacob, Dieu de nos pères, envoie-moi ta lumière, pro-
tège mon voyage et fais que, partout où je donnerai mon
psautier, on me le rende seulement le lendemain (?) (et quon
me retienne, et quon me fasse bon accueil) ^. » Arrivé en
Italie, comme il passait près de la métropole, au cinquième

1B. H. L., 4420 [19 mars 31, ou 32].


-Le texte est obscur, et peut-être troublé. L'édition] bollandisle donne
psalterinm meum rfederoêt ipsa die illiJfd «non)) restituitur, ubi 7ne facias per-
manere. Le Vindobonensis 357, folio 203, v n, supprime non et donne prospe-
:

rut7i...facias iter meum in quo nunc dirigo et hoc mihi signum sit nt ubicum-
que ambiilauero et psallerium meum dedero, ipsa die illum mihi restituerit,
ibi me facias perma7iere. Unde et factum est... On lit plus bas [ancilla Dei)
:

tenuit eutn in illa nocte et m,ansit in eodem loco. Et niemoratus est b'^atus
iohannes orationeni quatn effuderat... et dixit in corde suo : uere hic est
obsecratio mea et hic permanebo. Mane autem facto, recepto psalterio, per-
re.vit inde... — Le Vindobonensis donne la date de sadepositio, sub die XIIII
K. aprelitim. [C'est par erreur que nous avons imprimé, G. M. R., i, 87, vita
s. iohannis penarensis martyris : le moi w.artyris n'existe pas].
g

00 TRADITIONS d'oMBRIE

mille environ^ il trouva^ a la Irrrr du Pclil Champ (in lnn<lo


Agollo) une servante de Dieu telle que, dans sa prière, il la
souhaitait rencontrer : lorsqu'il lui eut donné son psautier,
elle lui dit : « Reste ici aujourd'hui, et ne pars que demain ».
Ils causèrent, et Jean se rappela la prière quil avait adressée
il Dieu ; et il dit dans son cœur : « C'est bien là ce que je de-

mandais à Dieu. » — Le lendemain, il ri alla pas beaucoup


plus loin, à quatre portées de flèche environ; car l'ange du
Seigneur qui le précédait lui avait dit : a Arréte-loi ici cest ;

ici que le Seigneur te commande de rester » et il lavait con-


;

duit sous un arbre en lui disant « Cest ici que tu grouperas


:

une grande foule et que tu trouveras le repos. » Alors le


bienheureux Jean, confesseur du Christ ^ s'assit sous l arbre ii
cet endroit. On était au mois de décembre ; il gelait partout ;
seul, Varbre sous lequel reposait Jean ri en avait cure. Des
chasseurs viennent à passer ; ils prennent le saint pour un ra-
batteur ; ils lui demandent d'où il est venu. Et Jean raconte
comment il est ve72U en Italie ; les autres s'étonnent : jamais
ils nont vu pareil accoutrement. Mais Jean leur dit : « Ne

me faites pas de mal ; c'est pour le service de mon Seigneur


Jésus 'Christ que je suis venu en ce lieu ». Cependant l'arbre
brillait comme un Igs ; les chasseurs comprirent que Dieu
était avec lui ; Vèvèque de Spolète, Jean, auquel ils contèrent
la chose, arriva en hâte, et versa des larmes de joie, et de-
manda au saint tout ce qui est ici raconté. Tous rendirent
grâces à Dieu; le peuple construisit un monastère où^ après
avoir vécu quarante-quatre ans, Jean mourut en paix et fut
enseveli au son des cantiques et des hgmnes. Ses bienfaits s'
multiplient jusqu'à ce jour, les aveugles voient, les démo-
niaques sont délivrés, les lépreux sont guéris grâce à Notre-
Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles. Amen.

Cette histoire exquise est peut-être vraie. Nous connaissons


un Jean, évèque de Spolète, à la fin du v^ et au début du
VI® siècle ^
Et voici une page de saint Grégoire le Grand ^

Sa signature se trouve dans les actes des conciles de Rome, de 499, 501
1

et 502 au temps de Symmaque [Labbe, iv, 1315 ou Mommsen: AA, xii, 400,
434, 439]. Cf. B. H. L. 4437. Ferrarius déclare avoir lu une vie de Jean de
Spolète dans un vieux manuscrit qui a disparu [19 septembre 28].
2 Dialogues, m, 14 [P. L., 11, 244], « Prioribus quoque Gothorum tempo-
JEAN PENARIENSIS 61

((Au temps desGoths, depuis le commencement de leur do-


mination jusqu'à la fin, vivait à Spolète un homme vénérable
qui s'appelait Isaac beaucoup l'ont connu, et surtout la vierge
:

Gregoria, qui habite en ce moment à Rome, à côté de l'église


de Sainte-Marie. Mais c'est le vénérable Eleuthère qui m'en a
principalement parlé il l'avait familièrement connu.
: Isaac —
était venu de Syrie à Spolète. Arrivé dans la ville, il demande
aux gardiens de l'église la permission d'y prier à toute heure ;

il prie un jour, deux jours, trois jours sans interruption. A la

lin, un gardien s'élonne il traite l'inconnu


; d'imposteur, il le
frappe pour le faire sortir. Mais l'esprit (mauvais) le saisit, et

lui fait crier le nom du inconnu jusque-là. La foule


pèlerin,
accourt chacun veut entraîner le saint dans sa demeure, on
;

lui oil're de l'argent pour construire un monastère. Par mal-


heur, il refuse, sort de la ville et c'est un peu plus loin qu'il
;

groupe ses disciples ». '

Je soupçonne que Jean est un digne émule d'Isaac, ou —


que, peut-être, c'est un ermite d'Ombrie auquel on aura attri-
bué une origine syrienne qui l'égalât à Isaac, ou encore, qu'il —
est un double légendaire d'Isaac. —
Le parallélisme des deux

ribus fuit iuxla spoletanamcivitatem vir vilae veuerabilis Isaac nomine...


Milita de eodem viro,narrante venerabili paire Eleutherio, cognovi... Ciim
primum de Syriae parlibus ad spoletanam urbein venisiset, iugressus eccle-
siam a custodibus peliil ut sibi quantum vellet liceutia concederetur orandi
eumque horis secretioribus egredi non urgeret. Qui mox ad orandum sletib
diemque totum peregit in oralione, cui sequeutcm contiuuavit et noctem.
Secundo eliam die, cuin nocte subséquent! indefessus in precibus perstitit,
diem quoque tertium in oratione conjunxit. Gumque hoc unus ex custodibus
superbiiE spirilu inflalus cerneret, unde proficere debuit, inde ad defeclus
damna peruenit. Nam hune simulatorem dicere, et uerbo rustico cœpit im-
postorem clamare qui se tribus diebus et noctibus orare ante oculos homi-
num demonstraret. Qui protinus currens virum Dei alapa percussit, ut quasi
rehgiosae vitse Simulator de ecclesia cuni contumelia exiret. Sed. hune re-
pente ultor spiritus invasit et ad viri Dei vestigia stravit ae per os illius cla-
mare cœpit Isaac me ejecit. Vir quippe peregrinus quo censeretur nomine
:

nesciebatur, sed eius nomen ille spiritus prodidit qui se ab illo posse ejici
clamavit. Mox autem super vexati corpus vir Dei incubuit * et malignus spi-
ritus qui eum invaserat abscessit. In tola urbe tune statim quid in ecclesia
factura fuisset innotuit. Currere viri et feminîB nobiles atque ignobiles pari-
ter cœperunl, certatimque eum in suis rapere domibus conabantur. Alii ad
construendum monasterium praedia, alii pecunias, alii subsidia quaeque pote-
rant otTerre viro Dei suppiiciter uolebant ».
* Au même endroit, S. Grégoire raconte trois miracles opérés par Isaac :

comment les voleurs venus pour piller son champ sont convertis dès qu'ils
y mettent le pied ; comment il devine la ruse des faux mendiants qui veu-
lent se faire habiller par lui comment il devine le larcin d'un enfant.
;

Cf. l'altitude de Valentin de Terni tandis qu'il guérit Ghaeremon.


62 '1
FlADiTlO^S I) OMBIUU

légendes est frappant ici et là, il s'agit de l'origine d'un nno- :

nastère près Spolète, fond(i au temps des Gotlis, par un saint


voyageur, venu des lointains pays de l'Orient, et dont un mi-
racle découvre la sainteté. Les deux liistoires sfjmblent être
contemporaines; au début duvii^ siècle, le culte de Jean l*e-
nariensis est, du reste, attesté par le calendrier populaire '. Jl
est très probable que notre texte date du vi° siècle -.

Gestes de y a 270 ans depuis la naiiviti- jusqiC au consulat de Dio'


II
au pontificat de Gaius, moment où (souflrit) le bien-
clètien et
Jieureux Laurent in finibus Gcniolati, à S milles environ de
SpoU'te —- du consulat susdit au consulat de Dèce le jeune il
; ^

y a 245 ans. —
Vévêque susdit siège onze ans, quatre mois,
huit jours, au temps de Carus etdeCarin, et {il est ordonné ?)
le 15 des kalendes de mai, Dioctétien étant consul pour la

1 XIV. Kal. apr. « la Penareose civitate, B. Joanais, magnae sanclitatis


viri » [M. R. P. —
Ces deruiers mots atteslent, me sem-
P. L., 123, 151-152].
ble-t-il, l'intérêt particulier qui s'attachait alors à Jean Penarlensis. Le ms. de
Vienne donne 28 mars, non le 19. Il y a erreur paléographique, évidemment,
ici ou là.
2 D'où vient le surnom Penariensis ? Est-ce une déformation de Panacen-

sis, adjectif dérivé de Panaca, bourg signalé près Spolàte [19 mars, 31. Com-

mentaire]. Flodoard [xiv, 7.— P. L., 135, 857J résume la légende le texte — ;

d'Adon [19 mars, P. L,. 123, 240] dérive peut-être d'une version plus récente
que la nôtre, et dont la couleur rappelle davantage la physionomie habituelle
de ces récits. —
Sur l'appellatioQ metropolis, attribuée à Spolète, cf. infra ;

c'est peut-être une retouche.


3 Noua publions ici, in-extenso, le texte du Vindobonensis. Il est inédit.

Incp uita sci lauren tii mense Febr. d. iiii A natiuiate dui nri ihu
\ | ,
|

xpi. usq ad coosulem ; dioclitianum annos ce. lxx. temporibus gagii


| |
|

pape suh cuius temporib


; beatus Laurentius infini bus geoio lati miliario
; | |

I
a ciuitate spolitina plus minus, viu. et a consulato suprascripto usque | j

ad con sulem decium iuniorem anni. ce. xlv. Qui uero


|
supra scriptus | |

aeps, sedit annos. xi. et menses un dies. viii, temporibus cari et careni.
| | |

sub die xv kalen darum maiarum diocliti ano sexto consule. et con
| ]
|

stantino. secundo; hic fe cit orationes oms utascen deret ut siquisaeps esse
| |

I
mereretur prius hosti arius de inde lector. exor cistasequens quod inter
| |

I
preetatur acolitus. dein de subdiaconus deinde diaconus. de inde pbr. | |

deinde eps fieri qui prpt hoc fugiens psecutionem dioclitiani impris dies
\ | ;

au 96v-203v depositionis sci laurenti confessoris sub die prid nonarum


1 [ |

februariaru ibi praestantur bénéficia eius usq in hodiernum diem Caeci


| | ; j :

ibiueniunt et sanantur, lepsi mun dantur a daemonio uexati peius hora-


| |

tionem liberantur egri ueniunt et curam sanitatis accipi unt, et multas


| | |

uirtutes p eum dus in eodem loco ostendere dignatus est


|
régnante dfio | ; |

nro ihù xpo cui est honor et gla laus |


et imperium aeterna potestas | |

qui cum pâtre et spu sco uiuit et régnât


|
in seecula sœculorum amen | |

incipituita sci ioh penarensis ..,[Cod Vindob.SbI. f" 96''(203'') 96v (203O/.
\
m \
LAURENT DE SPOLÈTE ^^^^^ 63

sixième fois Constantin pour la seconde. Il a fait des


et

prières et (décidé) que, pour devenir cvêque, il fallait être


d'ahord portier, puis lecteur, exorciste, suivant ce qui se —
dit acolyte —
, sous-diacrc, diacre, prêtre, et.,, évéque. C'est
pourquoi, fuyant la persécution de Dioclétien...
Le jour de la déposition de saint Laurent confesseur est la
veille des nones de février. Ses bienfaits se multiplient jus-
qu'à ce jour (au lieu où a été enseveli) : les aveuy les voient,
il
les lépreux sont guéins ; par
lui le Seigneur daigne opérer
bien des merveilles tandis que vit et règne Notre Seigneur
Jésus-Christ, à qui honneur et gloire, louange, empire et
puissance éternelle, à lui qui vit et règne avec le Père et
C Esprit-Saint dans les siècles des siècles. Amen.

Ce texte étrange où semblent manquer les verbes et abonder


les dates paraît être un résumé d'untexte plus ample
sa struc- :

ture elliptique et dense l'indique une phrase inachevée


le dé-
;

clare ouvertement qui pr opter hoc fugiens persecutionem


:

dioclitiani impcratoris,..
Parmi les dates qui se lisent
au début, je relève celle-ci :

et a consulato suprascripto usque ad consulem decium


mino-
rem anni ce. xlv. C'est évidemment une parenthèse, qui
nous reporte au moment où fut rédigé le texte.
Le'consu-
lat de Decius Junior, en effet, n'est pas un consulat fictif :
en 529,1e consul d'Occident s'appelle Flavius i.
Decius Junior
D'autre part, le premier consulat de Dioclétien
date de 284*;
et 529—245 =
284. Le texte complet que représentent
nos
gestes estdonc explicitement daté de 529.
Que vaut leur chronologie? Ce que vaut la chronologie
de
la notice de Gams, dans le Liber
Pontificalis nos gestes ont :

copié cette notice, dans la première


édition du Liber ^ La
date du texte est confirmée. D'autant que les — gestes de*Te-
' Goyau : 633. - Eq 508. je trouve
aussi un Decius Marius Basilius
Venan-
t.us lumor et, en 534,
dernier des consuls d'Occident est
le
Flavius Decîus
Paul.nus lun.or Venantii. Les termes du
texte, Decius Junior
«expliquer plus aisément s'ils visent le consul semblent
de 529; et puis 529^5-284
date de Tavènement et du premier '
consulat de Dioclétien
^' ;^.^^,*' .* Gains,... Fuit autem temporibus Carini..., usaue in
u "i
Kal. ma.., Dioclet.ano IIII et Constantio II. die X
Ilic constituit u
m ecclesia sic ascenderetur si quis episcopus mereretur,
ord ne omnes
iector, exorcista, sequens,
:

subdiaconus, diaconus, presbit;r et


ut esset ostSs
pus ord.naretur exinde en co'
Hic fugiens persecutionem Diocletiani...
natur. - Peut-être même le texte primitif de Laurent
martyr ocoro
n'avait-il pas
'' ^^^"^- "^ ^'-P^^^I-alt mieux ainsIrhis^'iTé:
Xs
d^am^
i:::Zé:Z:.'''''
()i TRADITIONS d'oMT'.HIK

reiitianus \ dont lo début insiste avec autant de complaisance


sur la chronologie de leur héros, présentent la doxologie in
nnllale Sph'ilus Sancli, et nous ramènent également au pre-
mier tiers du vi*^ siècle. Je remarque enfin que, en 290, les
consuls sont Dioclclianus au«^^ustus VI et Caius Flavius Vale-
rius Constantius (^œsar II ce qui, moyennant une correction
;

très aisée \constanlinus-conslanlius\ s'accorde pleinement avec


les gestes. En 529, on rédigea donc les gestes d'un saint Lau-
rent de Spolète, qu'on croyait évèque et martyr de cette ville,
en copiant la notice de Gains dans le Liber Pontificalis l'au- ;

teur avait les mêmes préoccupations chronologiques que les


vi^AdiCiQxxvs à' Hcdestus, à' Alexandre de Baccano et de Terentia-

nus,\\ s'intéressait à la langue grecque comme l'auteur de Va-


lentin ; il connaissait comme lui les textes lériniens qui visent
Carinus et les Anicii. Laurent nous fait souvenir (ÏAnthime.
Les Spolétains jugèrent évidemment que cette histoire était
un peu maigre ils la remanièrent et rembellirent. Laurent fut
:

associé au Syrien Isaac et à son compagnon légendaire Jean


Penariensis et plus tard, au viii® siècle sans doute, on en lit
;

le fondateur de la célèbre abbaye de Farfa ^ Nous ne nous


arrêterons pas sur le dernier avatar du martyr inconnu mais ;

on nous permettra d'insister sur la deuxième stade de la lé-


gende en voie de développement. Cette étude achèvera d'éclai-
rer ce que l'on peut connaître de Jean et de Laurent de Spolète.

Les Bollandistes ont trouvé, dans un passionnaire de Spo-


lète, un texte dont ils ont publié le début ^ et analysé le reste.

1 1erseptembre 112. Cf. infra.


2 Chronique de Grégoire de Câlina, de 1098; Pierre Damien, lettre IX à
Nicolas II ; Catalogue des abbées de Farfa |Mabillon : Musâsum Italicum, i, 1,
p. 65]. Cf. i^^ juillet, tr. prael. v, p. 25, § 4 et 5 et le récent article de H. Schus-
ter : L'abbaye de Farfa et sa restauration au xi« siècle. [Revue Bénédictine,
1907.17]. — Dans la tradition de Farfa, Laurent a une sœur, Susanne.Ne se-
rait-ce pas un souvenir de sainte Susanne qui est mêlée, comme on sait, à
l'histoire de Caius [L. P.,i, 161, et G. M. R., i, 130].
3 Voici la partie qui a été publiée, i^^ juillet, i, tract, prael. p. 26, ch. v.,

§7].
€ Igitur dominicse Incarnationis anno ccxc, régnante Dioclitiano sacrilego,

consulibus vero Caro et Carioo ', cum preedictus Laurentius, claro génère
partium Syriee orlus, collecta infinita turba suorura affinium, pro Christi
animas ponere per martyrium decreverunt..., et aggressi Italiam, Apostolorum
*
Celte date est fausse : les consuls de 290 sont Dioclélien IV et Maximien III.

C'est en 283 que Carus et Carinus ont été consuls.

I
LES REMANIEMENTS DE LAURENT
6S
L'auteur inconnu connaissait nos
gestes; il les utilise, mais il
y ajoute. Qu'on en juge.

de ^^"'"'"'^ "'^"^ "^^ Si/rie avec


|s
une troupe nombreuse de corn-
nt et
iDt
Sy.
peignons ;
après avoir fait leurs dévotions,
ils se dispersent
s^es dans toute l Italie Lazare et Jean se
cachent à Ferentillo, où
le duc Faroald leur construit
„, un monastère ; Isaac en cons-
truit un a bpolete, où il meurt,
ainsi quEuticius. Jean Pe-
nariensis réunit des moines. Dricius
vit dans le comté (de
Spolele), et y opère les miracles
que les gestes font voir. Lau-
rent choisi parles évêques de
Rome et par le souverain pon-
tife Gaïus, est d abord repoussé
par le peuple de Spolète, dont
il ne veut pas, contra
auctoritatem divinam et sanctorum
Pa-
trum, acheter l'assentiment. Après
avoir gouverné son éqlise
onze ans, quatre mois et huit Jours, il
dépose ordinern pasto-
i^lem et se retire dans le désert, à
8 milles de Spolète, au
heu dit Peniolatim. Un riche chrétien lui
lègue sa fortune il
groupe autour de lui un grand nombre de
moines et, ordinata
ecclesia m ordine canonioo, il meurt
sub die III intrante fe-
bruano. Ses disciples V enterrent avec
honneur au chant des
liymnes et des cantiques.

Ce texte
adapte à Laurent de Spolète une
'
grande légende
ou, de mêmeque Jean Penariensis, on l'avait
introduit de
bonne heure, mais où, au gré de .ses
dévots, il ne tenait sans
doute qu'un trop petit rôle.
Voici cette légende.

limioa devolissime flexis genibus


adoraverunt. Deiode Urbem
paganorum martyrio, pro quo vénérant, eeressi sprinfn
cogente Apostol^o fanZ' P. !
L.nrent,um, primnm illorum, secum
diutissime tenui CeterT ve?o viùm
erem,l,can, el.gentes bini vel ainguli,
pêne totam replevernnt unam
' Le Faroald dont il question est sans dout» non n». „""'" ^
est ici
de l'Italie centrale à la ûo du v,. siècle
[von Hart»aun n 1 ««T""*"?'
ùs de Trasia>ond qu, à ,a fin d„ v„e siècle
preïdTaVn't^fH ?L"no .^'
88J et devient moine. Le conflit q,:i oppose Spolète
temps ou les municipalités italiennes
à son évêquera^lV °
évêques, où le parti grégorien lutte contre
se forment en hniVn^ L^^
toutes s formé, de la^im
rava,lle à restaurer le régime
canonial.-
1

Rapprocher
FPiocuer "Il L "
,

luh \$upra, p. 62, note 3\. femolahm Hde gemo-

III
(i(j TRAUrnONS D'oMBKlIi

II

Gestes
d'AbuQ- Passion
et conversion de saint Anastase et des onze frères

pophorus ^^^^'
partis de Syrie avec lui, sont venus à Rome au temps de
Bricius et Julien, pontife. Julien devient empereur, puis, comme le

^riens i^" ^ ^^n vomissement, il revient au paganisme et persécute


^"^^^^^^

les chrétiens. Anastase s* est rendu à la maison d'un certain


évêque Urbain, avec ses deux fils., Euticius et Bricius, et ses
neveux Carpophore, Abundius, Laurent, Jean, Teudila,
Isaac, Proculus, Herculanus et Barectalis. Urbain ordonne
prêtres Bricius et Carpophore, et fait diacres Laurent et
Abundius ; beaucoup de païens sont convertis par eux. Julie?!,
averti, les fait venir ; ses ministri les battent, les laissent sans
nourriture dans la prison, finalement décapitent Anastase in
eodem loco {?). Ses fils et ses neveux, devant une si cruelle
persécution, s^ enfuient, sortent de Rome par la voie Cornélia,
vont au lieu dit a la Paix des Saints », s'embrassent et se sé-
parent. Euticius va in partes ïiceni, du côté du lac Bolsène
et y mène la vie d' ermite. Bricius va en Valérie, à Spolète ;
Proculus à la colonie de Narai, au-dessous du Castrum Car-
sulanum, ou vit le très saint Volusianus. Proculus, devenu
prêtre, est si particulièrement béni de Dieu que, lorsqu'il
achève les paroles du canon {sdincïv cdinoms verba compleret),
il entend la messe qui se dit au ciel, le Jour de la résurrec-

tion, avant le lever du soleil ; et les hosties quil immole le


nourrissent. Mais le pape Eugène V apprend il ordonne à ;

ses cubiculaiî^es de le lui amener et ceux-ci V abreuvent de


coups et d'outrages, refusent de recevoir de ses mains la com-
munion de la sainte Eucharistie ; pourtant, sur la route
dOstie ^, comme ils meurent de soif, le saint ordonne à une

i B. H. L., 1620 [1er juillet, tr. prael. 9-15 ou 8-13]. Cf. aussi le Codex Pa-
risinus latinus 5323 [du xiii^].
2 Ou d'Orte fcf. B. H. L. 16221.
LES DOUZE SYRIENS 67

biche et à ses deux faons de s'arrêter et de les désaltérer de


son Et voici qu'on aperçoit des coureurs envoyés par
lait.

Eugène; Fange du Seigneur Va flagellé pendant la nuit;


Eugène fait ramener avec de grands honneurs saint Proculus
au castruni Carsulanum.
Bricius, Abundius, Carpophore et les autres vont à Spo-
le te finir leur vie; ils baptisent les païens au nom du Père,
du Fils de r Esprit-Saint, détruisent les temples et les bois
et

sacrés. Mais les proconsuls Turgius, Leontius, Martianus, qui


l'apprennent, les font arrêter dans la maison d'une femme
très chrétienne, Sincleta : ils sont enfermés dans la prison et
condamnés à mourir de faim. Bricius napas été pris : il- va
donc du côté des faubourgs, au lieu dit Apianum et prie Dieu
qiiil lui montre quelle conduite tenir. Alors l'ange du Sei-
gneur lui dit : Viens, je te montrerai l'endroit oii tu seras
c(

sauvé (locain salutis, ubi salus prœstatur). » Et ils vont Bi^i- ;

cius guérit l'aveugle Pisentius et parvient au lieu de son


salut, sur la route du haut, au sommet de la colline (in supe-
rioreni viam in verticem coUis). Eange disparaît alors, et
Bricius comprend qui il était ; il prêche partout, au pied de
la montagne Martulana, confère des baptêmes, construit un
oratoire qu'il appelle Salustianum, parce qu'il y avait ob-
tenu son salut. A leur tour Carpophore et Abundius reçoivent
la visite de l'ange : il les fait sortirconduit
de prison, les
dans une crypte des faubourgs et là, les saints imposent le
signe de la croix sur le front des fidèles, ordonnent des clercs
et des ministres (minislros).
Dioclétien et Maximien reçoivent alors un decretum de
Turgius et Leontius maîtres des soldats, et du proconsul
Martiamis. a II y a eu une sédition de prêtres à cause des
Galiléens ciui vénèrent le signe du Christ. Agissez. » Et les
empereurs décident que, partout où Von trouvera des chré-
tiens (animae christianae), on les punira. Védit est du 23 juil-
let. Carpophore prêtre et Abundius diacre sont arrêtés dans la

crypte; conduits devant les trois consuls ils refusent de sa-


crifier et sont jetés en prison. Leurs compagnons sont chassés
de Spolète et décapités le 25 juillet. Sincleta les enterre au
cimetière Pontien, non loin de la ville, sur le flanc de la
montagne, dans iine caverne et elle les y enferme. Quant à
Abundius et Carpophore, ils comparaissent devant le tribunal
de Martianus, sur le forum, devant le temple de Jupiter;
(18 THADITKJNS I) oMHlUE

tourmentés sur le chevalet^ ils sont conduits sur l'ordre de


Leo7itius, maître des soldats près de Foligno^ et sont là dé-
y

capites, le 4f des ides de décembre. Mais, comme il revient


rendre compte à Martianus consul de ce (pii s'est passé un ,

ours se jette sur Leontius et le dévore ; cependant que la très


chrétienne Eustachia^ avertie par un ange, ensevelit les saints
à un mille de Foligno^ au lieu dit IhanaritanuSy au pied du
Mont Rotonde, dans un sarcopJiage.
Voici enfin que Bricius est repris à son tour : on annonce
à Martianus quil se cache in civitate Marlulana et quil évan-
gèlise toute la montagne. Les ministri l arrêtent à G milles de
Spolète, in territorio Salustiano, sur le chemin du haut, au
so7nmet de la colline, ou est son oratoire. Quand on le torture
sur le chevalet, un tremblement de terre ébranle le palais de
Martianus qui s'écroule, tuant Martianus et 120 païens
(animas paganorum), et qui disparaît dans le sol. Et voici
que Vange du Seigneur et saiiit Pierre apparaissent au seuil
de la prison de Bricius, et lui disent : « La paix soit avec
toi ; tu auras la victoire ! » Bricius se prosterne, embrasse
les pieds de saint Pierre, salue le Seigneur dont il a suivi les
traces depuis r Orient ; et saint Pierre le relève et le consacre
dans l'ordre du pontificat afin qu'il puisse établir dans chaque
cité un évèque. Puis, conduit par Vange, qui lui a été donné
comme gardien jusqu'à son dernier jour et qui lui prédit en-
core quarante-cinq ans de vie, Bricius revient à son oratoire ;
il va, rempli de l'Espr^it-Saint, au lieu dit Marianus, il
y
construit un oratoire au nom de la sainte Vierge Mère de
DieUf il consacre les sources [où l'on baptisera), il baptise, il
instruit les foules de la montagne ci de la plaine à garder les
jours du Seigneur (dies festos Doniini) et à célébrer la Pâques
du Seigîieur ?jubileum Pascha) il ordonne les évêques, il
( ;

consacre Jean évèque de la métropole de Spolète. Et Jean, à


son tour, détruit les temples des dieux, élève une église à
saint Pierre dans la banlieue de la ville, consacre comme
évêques Vincent à Libania [Bevagna), Scipiodote à Victoria,
Herculanus son neveu à Pérouse. Or, le perfide Totila assié-
geait Pérouse, depuis sept années; la ville prise, il ordonna
qu* Herculanus fût écorché, puis décapité sur les murs. Malgré
ses ordres, le corps de l' évèque fut enseveli en secret par les
chrétiens ; et, quand on ouvrit le tombeau une année plus
tard, la tète était recollée au tronc, la peau au dos ; et l'en'

I
HERCULANUS DE PEROUSE 69

jant qiCon ensevelit ce jour à ses côtés fut ressuscité le lende-


main.
Cependant, Bricius creuse sa fosse dans son oratoire, de ses
propres mains. Il chasse les démons et guérit les lépreux.
Comme, un jour [anniversaire) de la Résurrection^ il louait
Dieu, arrive Vange qui lui a été donné comme gardien :
€ Viens lui dit-il, athlète de Dieu; reçois la couronne ». Et,
^

dans un tumulte arrive V armée des anges, avec Piei^re et les


Apôtres, qui chantent Vantiphone : Beati qui persecutionem
patiuntur propter justitiam... et cest au milieu des chants
;

que son âme sainte est délivrée de la chair ; elle s'envole sous
la forme d'une colombe qu'ont vue tous les frères qui assis-
taient à sa mort. Et
malades sont guéris, les démoniaques
les

sont délivrés à son tombeau. Il a reposé en paix le 9" jour du


mois de juillet, et ses bienfaits sont donnés [aux hommes)
jusqu'à ce jour.

Ce texte représente une légende cyclique telle qx^Anthime —


— où diverses traditions ont été plus ou moins heureusement
combinées. On Tétudiera tour à tour au point de vue historique
et au point de vue littéraire.
Des douze saints dont il prétend retracer l'histoire, deux sont
absolument inconnus, Barectalis et Theudila. Mais nous
voyons assez bien d'où viennent les dix autres.
Le cas d'Herculanus est très clair. C'est, ainsi que les gestes
le racontent^ Tévêque de Pérouse que Totila fit tuer en 547,
lorsqu'il fut parvenu à s'emparer enfin de cette ville. *

Saint Grégoire nous fait connaître son histoire il y a avan- ;

tage à comparer son récit avec celui de notre légende.

Texte bollandiste des Gesta Ahundii Texte de S. Grégoire le Grand, Dia-


ier juillet I. tr., prael. p. 13, logues III, 13. [R L., 77, 241\.
§ 18.

Eodem tempore
vero perfidus « Nuper quoque Floridus venerabilis
Tolila septem annis eamdem
Rex vitsB episcopus narravit... diceos :

obsessit civitatem, et famé captivavit Vir sauctissiraus Herculanus nutritor


eam, et quid de Hercalano episcopo meus Perusinae civitatis episcopus
esset facturas cogitabat. Tune jussit fuit ex conversatione monasterii ad
ei corrigiam a capite usque ad cal- sacerdotalis ordinis gratiam deduc-
caneum decoriari, caput eius super tus. Totilae'aulem perfidi régis teœpo-
muros civitatis abscidi, corpusque ribus, eamdem urbem annis septem
eius, ue
tuaaulo traderetur, foras coDtiauis Gothorum exercitus obsedit
projici. Sed occulte Christiaai eum ex qua muiti civium fugeruut qui

> Hartmann, i, 311-320.


70 TRADITIONS DOMRRIE

sepelierunt. Qui, cum post annnrn fairiis [jericulum ferre non poterant.
inlegrnm eiiiH tiuiiiilnm ChriHtiaii» Anuo septiixio noudum fiuito ob-
aperireni,— cuinsdam orbata; mulieris sessam urbem Gothorura exercitua
Klius mortiius fiierat, couti^^it, — ut intravit. Tune comes qui eidem
eum eius tuniulo ponereiit
in qui : exercitui pru^erat ad regem Totilatn
dum de corpore episcopi quod esset nuutios misil... Cui ille pritcepit,
factum conspicerent, videruot cor- diceiis Episcopo prius a verlice us-
:

pus episcopi ac si nulla macula que ad caluaneum corrigiam toile et


ferri abacissiouis in eius corpore tune caput eius amputa omnem;

fuisset, et evulsae corrigiae DuUum vero populum... gladio exstiugue.


vestigium videretur qui humatum ; TuDc idem comes veiierabilem vi-
puerum reliquerunt. Die vero altéra rum Ilerculanum episcopum super
eius parentes lugentes ad sepulcrum urbis murum deductum capite trun-
venerunt, sicut mos est honainis lu- cavit eiusque cutem iam mortui a
gere mortuos suos qui, aspicientes
; vertice usque ad calcaneum incidit...
in tumulum eius, sanum et incoiu- Moxqne corpus illius extra mu-
meai extra sepulcrum puerum inve- rum proiecit. Tune quidam, huma-
nerunt: nec putrescere membra cor- nitatispietate compuisi, abacissum
pusculi pueri iuxta membra potue- caput cervici apponentes, eum uno
runt episcopi pro mortuo quem
; parvulo infante, qui illic exstinctus
extra tumulum vivum projecit, ipsius inventus est iuxta murum, corpus
iuiitatus est virtutem, cuius patibu-
episcopi sepulturae tradiderunt. Cum-
lum in Calvarife loco super feretrum
que post eamdem caedem die xl rex
impositum mortuum suscitavit. Re- Totila iussisset ut cives urbis illius
quievit in Domino septimo idus no- qui quolibet dispersi essent ad eam
vembris.
sine aliqua trepidatione remearent,
hi qui prius famem fugerant, vivendi
licentia accepta reversi sunt. Sed,
cuius vitae eorum episcopus fuerat
memores, ubi sepultum esset corpus
illius qusesierunt, ut hoc iuxta hono-
rem debitum in ecclesia beati Pétri
apostoli humarent. Cumque itum es-
set ad sepulcrum, efiossa terra, in-
venerunt corpus pueri pariter hu-
mati, utpote iam die xl tabe
corruptum et vermibus plénum ;

corpus vero episcopi ae si die eodem


esset sepultum. Et... ita caput eius
unitum fuerat corpori ac si nequa-
quam fuisset abscissum, sic videlicet
ut nulla vestigia sectionis appare-
rent. Cumque hoc et in terga ver-
terent, exquirentes si quod signum
vel de alia monstrari incisione po-
sanum atque intemeratum
tuisset, ita
omne corpus inventum est ac si
nulla hoc incisio ferri tetigisset.

Les deux textes rapportent également que Totila assiège


Pérouse durant sept ans et la prend par la famine; qu'il or-
donne d'écorcher, puis de décapiter Herculanus sur les murs ;

que, lorsqu'on ouvre le tombeau, le cadavre est intact ^ et ne


porte pas trace d'écorchement ni de décapitation.
^ Cf. Rufine — Seconde. Plautilla trouve les corps sine fetorcy sine lesione.
DEUX TEXTES PARALLÈLES 71

L'accord cesse ici. Les gestes d'Abundius et desXïl Syriens


se contentent d'ajouter qu'une année après ces événements, on
ouvre le tombeau provisoire où a été placé Herculanus, et
qu'un enfant qu'on y dépose apparaît le lendemain ressuscité ;

il dit encore qu'Herculanus est mort sur le mont Calvaire, le

7 des ides de novembre. —


Selon saint Grégoire et Floridus,
le comte goth qui commande l'armée de Pérouse désobéit à
Totila qu'il a consulté et fait tuer Herculanus avant de l'écor-
cher la population de Pérouse fuit aux environs Hercula-
; ;

nus est enseveli avec un jeune enfant, aussitôt après son exé-
cution; le tombeau provisoire est ouvert 40 jours après, sitôt
que Totila permet à la population de rentrer dans la ville le ;

cadavre de l'enfant est, seul, en pleine décomposition le tom- ;

beau définitif d'Herculanus se trouve à l'église Saint Pierre, à


Spolète.
Les deux textes sont indépendants l'un de l'autre. Tous deux
relèvent d'une tradition orale qui, dans les Dialogues, appa-
raît plus simple et vraie que dans les gestes. Dans les gestes,
l'épreuve qui manifeste la sainteté d'Herculanus dure un an,
non quarante jours et l'incorruptibilité deTévèque s'est com-
;

muniquée à l'enfant ipsius Imitatus est virtutem enfin on


:
;

fait venir Herculanus des merveilleux pays de l'Orient et on

l'associe à la i^rande léi^ende ombrienne.


Le de Floridus n'est pas tout à fait l'histoire Pérouse
récit :

n'a pas été assiégée sept ans par les Goths. Mais il se tient tout
près de l'histoire aucun autre détail ne semble suspect. Et
:

Floridus connaissait particulièrement Herculanus qui l'avait


élevé.
Les gestes d'Abundius et des Xll Syriens n'ont pas absorbé
la légende d'Herculanus ^ elle a continué de se développer. Le
:

nouveau progrès consiste en ce qu'Herculanus, comme tout à


l'heure Laurent, tend à sortir de son rôle secondaire, à acca-
parer toute la légende, à en devenir le héros principal, le per-
sonnage centraP.

* Le calendrier populaire, au début du vu® siècle, donne; « Apud Perusi-


nam, Herculani episcopi et marlyris » [M. R. P.,^vii, id. dov. — P. L., 123,
173-174]. —
Adon se contente de le reproduire [P. L., 123, 391].
2 Ces développements sont sensibles dans les textes Temporibus Iuliani
apostaUe [B. H. L., 3823. —
ler-mars 51, §§ 18-23] et Ex prima conditione
[B. H.L., 3824. —
Pez : Thesaur., anecd., ii. 3.125 et Anulecta, xvii. 157] et
sans doute dans les autres que semble viser Jacobillus.
Le texte 3823 [Temjporibus Iuliani apostatée...] offre à peu près le même
72 TRADITIONS d'oMKRIK

Saint (In'^goiio nous renscij^^ne oncore sur If!s origines d'un


second personnaj^c do nos gestes l'isaac qu'ils mettent en :

scène est évidemment ce Syrien établi en Ombrie dont nous


entretiennent les Dialogues ^ J'en ai parlé tout à l'heure.
Bricius, Garpophorus et Abundius sont des saints locaux du
pays de Spolèlo auxquels on a attribué avec autant de rai-—
son qu'à llerculanus —
une origine syrienne. Leur histoire
constitue le corps de la légende cyclique elle a fourni à celle-
;

ci les attaches topographiques qui lui ont donné des racines

locales, et les épisodes principaux auxquels on a lié les sou-


venirs épars dans l'imagination chrétienne.
Bricius, Garpophorus et Abundius sont mentionnés dans le
le calendrier populaire ' comme dans les gestes, Bricius y
:

est appelé évêque, il y est rattaché à la civitas Martulana (Ala-


ralana). La date du 8 juillet que donne le calendrier doit être
lue, sans doute, 9 juillet : Adon a lu 9 juillet ; et la mention
de Bricius précède immédiatement, dans le calendrier, les
saints du 9 juillet une erreur de copiste est quasi certaine.
:

Gomme dans les gestes, Garpophore est prêtre dans le calen-


drier, Abundius y est diacre.
D'autre part, Adon
connaît cette histoire elle semble
^
;

identique à celle que content les gestes. Seulement Martianus


y est qualifié de judex
en outre, il ne dit mot d'aucun des
;

autres Syriens d'Herculanus lui-même il ne connaît que le


;

nom des autres, il ne sait rien du tout. Il est à croire que le


;

texte où il puisait, antérieur à la légende cyclique et qui en a été

début que le texte 1622 [cf. infra, p. 78, n.], sur lequel il a sans doute été
modelé: il supprime certains traits du texte iQ22 [locum, Pdcem Sanctorum:
l'épisode d'Eugène; la fuite de Bricius] il ajoute, en revanche... [d'après
;

1620], que Bricius est in partibus Ternii avant d'arriver à Spolète, qu'il est
metropolitmius spoletanœ sedis, qu'il consacre donc Herculanus à Pérouse.
Herculanus, dès lors, est seul en scène on célèbre ses vertus le miracle a
; ;

lieu in monte qui Calvarise dicitur in b. Pétri apostoli ecclesia un évêque ;

Roger transporte le corps à Pérouse, un le"" mars.


Le texte 3824 [Ex prima condltione...], dont le début semble avoir été
modelé sur les gestes de Conslantius, conserve l'épisode d'Eugène, mentionne
l'église de Saint-Pierre au Mont Calvaire et se termine parle récit de plusieurs
miracles.
Je ne saurais dire de quand datent ces textes. Le nom de Roger, qu'on lit

dans H. L., 3823, ne semble pas très répandu en Italie avant le xi^ siècle.
B. —
L'église de Saint-Pierre est attestée par saint Grégoire [DtaZ., m, 29. P. — L.^
77, 285] elle se trouvait en effet sur une hauteur {cominus sita).
:

1 Bial. in, 14. [P. L., 77, 244]. — Cf. supra, p. 61


2 P. L., 123, 163-164. vin, id. iutii et 177-178, iv, id. nov.
3 P. Z., 123, 300 et 412. — Cf. Flodoard, vui, 11 [P. L., 135, 737-738].
BRICIUS, PROGULUS 73

la base, groupait Bricius, Abundius et Carpophore et igno- —


rait les autres. A voir la précision des détails topographiques
que fournissent les textes, on peut juger qu'ils furent les saints
les plus populaires de Spolète.
Le Jean que Bricius consacre comme métropolitain de Spo-
lète est le même évêque, évidemment, qui apparaît dans les
gestes de Jean Penariensis.
Restent trois saints Anastase, Euticius et Proculus dont
*

l'origine est plus obscure, dont nos gestes disent peu de chose
et qu'ils rapprochent curieusement avant de conter l'histoire
de Bricius.
Proculus est un saint de Terni, qu'atteste le férial hiérony-
mien ^ et dont saint Grégoire ^ et les gestes de Valeniin * disent
la notoriété. On ne peut rien avancer touchant la localisation
de Proculus à Narni, au castrum Carsulanum, auprès du pieux
Yolusianus, sinon qu'elle semble dériver des légendes qui
couraient sur le saint de Terni_, et qu'elle expliqué un passage
d'Usuard ^ Mais, sans crainte d'erreur, il est permis de voir
dans l'épisode de Proculus et du pape Eugène la copie d'un
curieux passage de saint Grégoire un abbé de Valérie, Equi- :

tius, qui avait une grande réputation de piété et d'éloquence


fut mandé à Rome parle pape [peut-être Jean 111, 561-574],
sur le désir du clergé romain désireux de juger par lui-même
de sa science. Mais voici qu'une vision reproche au pape son
audace il envoie un nouveau courrier à Equitius pour le prier
;

de ne pas se déranger *.
1 Je fais abstractioQ de Laurent de Spolète dont j'ai parlé plus haut: j'y
reviendrai tout à l'heure.
* Le férial atteste deux Proculus à Terni, dans deux groupes distincts, le
xviu Kal. maii [Rossi-Duchesne, p. 43] et kal. maii [id. p. 53]. Qui dira si
c'est une dittographie, ou s'il y a eu deux saints Proculus à Terni.
3 Dialog., i, 9 [P. L., 77, 192] « beati Proculi m. natalitius appropinqua-
:

bal dies..., » cf. encore plus loin.


* Proculus est, avec Ephebus et Apollonius, un des trois scolastici qui sont

mêlés à l'histoire de Valentin de Terni. —


Cette dernière légende connaît
aussi Abundius elle en fait tantôt un fils du préfet de la ville converti par
:

Proculus, tantôt un propre frère de Valentin [d'après les Gesta Feliciani.


Analecta, ix, 379, sq].
^ 1" décembre : « Proculi presbyteri Narniensis ». [P. L., 124, 755-756].
^ Voici les textes parallèles :

Anastasius Abundius § 3-4 Vita Equitii monachi ex Gregorii


DialogiSy i, 4.

« ...Tantam in eo (Proculo) effudit « Tantus quippe illum fervor ad


Dominus gratiam ut, cum sancti ca- coUigendas... animas accenderat ut...
noais verba compleret, missam in per ecclesias, per castra, per vicos...
74 TRADITIONS D OMBRIE

L'ori^ino d'Euticius est plus malaisée à citablir ; d'autant


qu'on voit mal ce que peuvent si<^ni(icr les mots in parles Ti^
ceiù appliqués au lac Uolsène '. Dans l(;s j^^esles de Sévère,
martyr de la Valérie, je relève un Eulicius qui est guéri par
Sévère'; mais je préfère insister, celte fois encore, sur un
passage des Dialogues \ Saint Grégoire conte qu'un saint
personnage, Euticius, vivait avec un compagnon, Florentius,
dans la province de Nursie, in Nursiie provinciae parti-
bus Florentius mena la vie érémilique, en compagnie d'un
:

cselo die sanctee resurrectionis... au- circumquaque discurreret et corda


divit, et ipse sic Domino hostias im- audientium ad amorem patrise caeles-
molabat et reficiebatur. Quod cum tis excitaret... Huius... opinio pra;-
niinciatum esset Eugenio, sanctae dicationis ad romanae urhis notitiam
sedis apostolicse (praesuli) quod tali- peruenit; clerici... quesli sunt.. ;

ter ageret, jussit cubiculariis suis ut consensum pontifex praebuit ut ad


loris adstrictus et acrioribus verberi- romanam urbem deduci debuisaet...
bus ad se cum summa festivitate de- (Juliano defensori) praecepit ut ma-
ducerelur... Cubicularii venerunt in gno cum honore eum deduceret...
castrum carsulaDura,... apprehende- Ad eius monasterium curcurrit...
runt eum et noluerunt accipere (Julianu6)...,ex ipso habitu (viiissimo
saoctee Eucharistiae communiouem Equitium) despexit, eumque qualiter
ab eo... Igoifera... siti... fatigari deberet alloqui proterva mente prae-
coeperunt ita ut mortis culmine mi- parabat. xMox vero ut servus Dei
nare (n) tur propter typum super- protinus adfuit, Juliani animum in-
biae et quod noluerunt corpus et tolerabilis pavor invasit * atque ad
sanguinem Domini accipere. Respi- insinuandum hoc ipsum quod uene-
ciens autem Proculus ...vidit cervam rat, vix sufficere lingua potuisset... »
cum hinnulis suis., cui dixit : Prae-
cipio tibi... ut des potum sitientibus « In cursu fatigato ad Julianum
his. At illa stetit...; venerandus vir... puer cum epistola peruenit in qua
mulsit eam et dédit potum... In nocte praeceptum est ei ne servum Dei
autem eadera Angélus Domini fla- coatiugere uel movere de monasterio
gellavit Eugenium et perterritus
;
auderet... Nocte eadem in qua ipse
misit velocissimos cursores ut, ubi- exsecutor illuc missus est, per visum
cumque obviarent homini Dei, cum pontifex fuerat vehementer exterri-
magno honore ad castrum Garsula- tus cur ad exhibendum Dei hominem
num reducerent : quia ab angelo mittere praBsumpsisset. »
Domini commonitus audisset omnia
vera esse quae Dei famulus Proculus [P. L., 77, 172-173J.

peregisset. »

[l" juillet, « tractatus praelimina-


ris. 9]

Inutile de rapprocher de notre Proculus le saint de Bologne.


1 Janning propose de lire lacum Fucini in partes Piceni. La route du lac
Fucin ue conduit pas au Picenum. Cf. infra Euticius de Tuscie.
2 Analecta, xi, 241. —
Dans les Gesta Secundi, qui expriment également
des traditions ombriennes [Amena, Toscanella, Pergola, Gubbio ou Spolète],
je trouve encore un Eutychius [1er juia^ 56, § 7]. —
Cf. enfin l'Eutychius du
15 mai [15 mai 457. -
Cf. Dialogi., m, 38, P. L., 11, 316J.
3 Dialog., m, 15, P. L., 11, 249-257].

*
Cf. supra, p. 61, Isaac le Syrien et le sacristain.
ANASTASE 75

ours, et opéra de nombreux miracles, tandis qu'Euticius, qui


avait groupé des moines autour de lui, n'en opéra jamais au-
cun tant et si bien qu'un beau jour, ses moines, furieux,
;

allèrent tuer l'ours de Florentins. —


Qui sait si le dépit de ces
moines n'aurait pas encore forgé des légendes où Euticius était
égalé à Florentins, et vivait comme lui de la vie des solitaires?
Nous en aurions ici un écho \
D'où vient TAnastase de nos gestes? Anastase de Terni est
plus que suspect sa plus ancienne attestation est la seconde
:

édition du martrjrologe romain ', et le plus clair de son his-


toire trahit des préoccupations généalogiques ^ On doit passer
outre. —
D'autre part, aucun trait ne rappelle Anastase de Sa-
lone. —
J'imagine que notre Anastase est un double légendaire
d'Anastase de Monticelli ou d' Anastase de Suppentonia et qu'il
a été bientôt absorbé par Anastase le Perse. Les gestes de Cons-
tantius, version A, parlent d'un Anastase, homme de Dieu,
qui habite Monticelli c'est sans doute notre héros sous une
:

autre forme. Anastase, abbé de Suppentonia, monastère situé


près de Nepi, est connu par saint Grégoire * c'était un ancien:

notaire de l'église romaine qui avait embrassé la vie monas-


tique, qui était très lié avec Nonosus du Mont Socrate et qui
éleva un ami de saint Grégoire, le moine Laurion il était :

mort avant 593 et dut naître entre 520-530. Anastase le Perse


est le fameux martyr mis à mort par Chosrau I le 22 dé-
cembre 627 ^ et dont les reliques furent portées à Rome,
au monastère d'Aquas Salvias, en 642 certains manuscrits
:

des gestes, ceux notamment qu'a suivis Mombritius, portent


qu' Anastase fut tué ad Aquas Salvias ^ et la Conversion
;

d'Anastase, qui est indiquée par le titre de la légende cy-


clique, s'explique par l'histoire du martyr persan, non par
celle du chef des XII Syriens.

<Noter que, d'après Grégoire \Dial., m, 15 P. i., 77, 256], Euticius fait des
miracles sitôt qu'il est mort. Qui sait si l'Equitius de Valérie [Dial. i, 4], n'a
pas eu part à la transformation du personnage? Equitius, Euticius :les
deux formes sont proches l'une de l'autre.
2 17 août 458.
^ Id, et Analecta, xvii, 337-340
* Dialog., I, 7 et 8 [P. L., 77, 181 et 185|.
"^
22 janvier 429. Sur les circonstances de la conversion et du martyre
d'Anastase, cf. Labourt: Le Christianisme et l'empire perse [Paris, 1904,
p. 232 sq.] Cf. p. 25, note 3.
« Mombritius, i, 6 [B. H. L., 1622J. —M. R. P. [P. L., 123, 147-148J et
Adon [P. L., \23, 220].
76 TRADITIONS d'oMRRIE

Si telle est l'origine des traditions locales, que dire de la


mise en œuvre? —
Il semble que le texte cyclique date de la

seconde moitié du vu® siècle, et qu'il représente souvent des


textes du vi®.
lie pape Eugène qui mande Proculus à Rome, et qui en est

puni, semble devoir être identifié avec le pape Eugène 1 [654-


657]. Le Liber Pontificalis^ sans doute, atteste qu'il fut aimé
du clergé romain *. Mais nous savons d'ailleurs qu'il fut élu
après l'enlèvement de Martin T, avec le consentement des By-
zantins ; évidemment il leur était favorable ; il paraissait être
leur liomme. On
devine quels sentiments nourrissait à son
endroit le parti de la résistance dans l'épisode que nous vi-
;

sons n'avons-nous pas un écho de ses antipathies? D'autre —


part, Anastase le Perse a été transporté à Rome en 642 cela :

nous reporte encore vers le milieu du vu® siècle. J'ajoute —


que le terme consules appliqué aux grands personnages en
général et la datation par le quantième du mois sont usuels à
ce moment ^ et ne semblent pas apparaître au vi® siècle dans
les textes italiens.
Voici enfin qui confirme la date proposée pour la rédaction
cyclique et qui en explique l'origine. Je rapproche le chiffre
douze qu'a voulu atteindre, évidemment, le rédacteur, de la
théorie qu'insinuent nos gestes touchant les droits inètropoli-
tains de Spolète ; et je soupçonne que noire auteur tenait à
reprendre et à corroborer cette théorie. C'est saint Pierre lui-
même qui donne à Bricius le droit d'instituer les évêques, et
Bricius établit Jean dans la métropole de Spolète. On sait que
les Lombards ont détruit l'organisation ecclésiastique dans

L. P., I, 341. correspondance de saint Grégoire, noua trouvons


Dau8 la?
deux Eugène [P. 996 et 1250].
L., 77.
* L. P., I, 328 « patricii et consules ».
: —
Les gestes de saint Boniface
datent par le quantième du mois. Consules se trouve dans Constantiusy sans
doute à la suite d'une retouche.
LES PRÉTENTIONS MKTROPOLITAINES DE SPOLÈTE 77

tous les pays qu'ils occupaient *,que Spolète seule a gardé son
évêché ^et que, au cours du vu" siècle, la conversion desLoni-
bards couronnant les efforts de Grégoire le Grand et de Théo-
delinde, l'organisation ecclésiastique a peu à peu reparu en
pays barbare ^ L'évoque de Spolète avait été chargé de l'ad-
ministration des évêchés désorganisés en qualité de visiteur'* ;

n'est-il pas vraisemblable que, dès ce moment, il a voulu


consolider, et, plus tard, consei'ver sa situation privilégiée en
devenant métropolitain. Les Lombards eux-mêmes n'étaient-
ils pas intéressés à la chose ? On s'explique ainsi, et qu'on

nous montre l'évèque de Spolète consacrant l'évêque de Pé-


rouse —qui était resté aux Impériaux, et que saint Pierre —
soit venu en personne conférer à Bricius le droit d'ordonner
les cvêques que pourra donc dire l'évêque de Rome? Le
:

chiffre de douze témoigne qu'on tend à rapprocher les XII


Syriens des Apôtres, à leur attribuer l'évangélisation du pays
et peut-être à les placer à l'époque du Christ la légende est :

en route pour l'apostolicisation. On a vu plus haut que Cons-


tantius de Pérouse est présenté comme un disciple des Douze ;

et l'on verra bientôt que les gestes de Félicien tendent aussi à


accroître les pouvoirs de Tévêché de Foligno.
On peut même indiquer dans quel milieu a été rédigé le
texte cyclique. Le pape Eugène qu'il met en scène, et qui

1 Duchesne : Les évêchés d'Italie et l'invasion lombarde [Mélanges^ xxiu


(1903), 83, sq.]
- Grégoire: Epist., m, 64; ix, 15, 37; xiii. 36. Sur les rapports des évêques
subiirbicaires avec le pape, cf. Duchesne : Origines du culte, 3^ éditioû,
p. 390, note 1.
3 Hartmann, ii, 1.269.
* Grégoire £'p., m, 64 [P. L., 11, 661] « Aîite hoc biennium fraternitati
:

tuée Mevaniensis ecclesiae visitationis deputaveramus officium... Hortamur...


fraternitatem tuam ut si quidem talem potuerit reperire personam quœ digna
ad episcopalis of6cii apicem valeat promoveri, hue eam cum solemnitate de-
creti vestrarumque testimonio lilterarum celerius dirigatis ». Grégoire entend
retenir le droit de consacrer les évêques en pays lombard. Nos gestes veu-
lent priver Rome de ce droit. Il y a conflit, c'est pourquoi je fais remonter
jusqu'au temps de saint Grégoire cette légende des droits métropolitains de
Spolète. Chrysanthe étendait peu à peu sa juridiction sur les églises de terre
lombarde: il créait les faits d'où sortirait le droit.
Faroald avait installé un évêque arien à Spolète un miracle l'empêcha de
;

pénétrer dans l'église saint Pierre [Dialogi. m, 29. —


P. L., 11, 285]. Cf.
aussi Hartmann, ii, 1, 43, 47 48|. —
Une constitution de 362 a été adressée
à Spolète: là-dessus Godefroid conjecture que Spolète est métropole civile k
la fin du iv^ siècle [Code Théodos., xiii, 3, —
éd. Godefr. p. 35. Cf. aussi —
Ammien Marcellin xiv, 6. éd. Gardthausen, i, 22]. Je dois cette indication à
l'amitié de mon ancien collègue M. Jullian.
78 TIIADITIONS d'oMHKIH

semble une réplique du pape Eugène J [05i-G57J, nous remet


en mémoire ce pape Jean, qui apparaît dans Venant- A f/apet
et qui rappelle si curieusement le pape dalmate Jean IV |0iO-
642]. Les maîtres des soldats Turgius et Leontius persécutent
les chrétiens d'après le texte cyclique, tout comme J^^uprepius
etLeontius, d'après Venant- Agapel. Les deux textes veulent
raconter l'origine des églises locales. On peut croire que Ve-
nant-Agapet a inspiré le rédacteur de la version cyclique*,

^ Le raccord n'a pas été toujours adroitement fait par le r/^dacteur cy-
clique de là, les deux papes Urbain et Eugène, les deux empereurs Dioclé-
:

tien et Julien, les deux systèmes de datation, quantièmes et kalendes (le


voyage de Proculus allaut de Narni à Rome par la route d'Ostie est assez
mystérieux); les magistrats de Spolète sont désignés tour à tour, assez con-
fusément, par les termes de prooonsules et de magistri militum.
Après que les traditions locales se sont fondues dans la rédaction cyclique
du milieu du vu® siècle, il est arrivé que les textes anciens où s'exprimaient
ces traditions ont été chassés et supplantés par elle puis, on a trouvé que
;

la légende cyclique était bien longue, certaines âmes pieuses ont voulu s'in-
téresser seulement à tel ou tel saint aiusi sout nés les démembremeuts de la
:

légeode. C'est un texte de ce genre que reproduit Mombritius, I, 4-6 Tem-


:

poribus Juliani ssevissimi apostatœ... [B. H. L., 1622] réserve faite de cer-
;

taines variantes paléographiques [Encleta, pour Sincleta ; Curtius, pour Tur-


gius 3 juillet pour 23 juillet Orta, pour Ostia], et de certains traits qui con-
; ;

servent mieux la physionomie du vi^ siècle [cf. sjipra], ce texte est presque
identique au B, H. L., 1620 qui a été analysé plus haut seulement il s'arrête
;

après l'ensevelissement de Garpophore et d'Abuudius, par les soins d'Eusta-


chia, au lieu dit Thanaritanus, et supprime tout ce qui concerne la fin de
Bricius. [Ce texte est sans doute celui-là que reproduisait le Codex Neapoli-
tanus de Beatillo, l^r juillet, tract prselhn., §13|. Notre texte 1622 a-t-il été
rédigé directement sur le 1620, ou est-il un fragment d'un texte presque iden-
tique à 1620 et sans doute contemporain de 1620, je ne saurais le dire.
Le Codex Parisinus 5323, du xiii« siècle, conserve [f. 97"^| une version des
XII Syriens nn peu différente de celle qui a été étudiée ici. Voir les traits qui
la caractérisent 1. Anastase est décapité extra muros urbis ad locutn qui
:

dicitur ad aquas salvias miliario tercio procul ab urbe...^ in quo loco œdi-
ficata est ecclesia super corpus sanctiim ibique monasteriiini viroruni usque
(hodie) Gonstructuin permanet... Caput eius persévérât theca inclusum ar-
gentea ut venientes illuc fidèles Christi martyris conlemplentur verticem et
agonis eius pahnam imitari festinent: —
2. Volusianus est dit episcopus loci
{Carsulœ) ;

3. Dioclétien et Maximien sout poussés à la persécution par une
sedicio pontificum et sacerdotum deorum on la raconte directement [folio
;

98^, 11], on ne dit mot d'un decretmn de ïurgius ; —


4. On ne donne pas la
date de l'édit ;

5. On ne précise pas la situation du cimetière de Pontien ;

— 5. L'histoire d'Abuudius et de Garpofore est close par une doxologie j)7'<2?5-


tante D. N. J. G. qui cum P. et Sp. S. vivit et régnât cutn Deo Pâtre in
unitate Sp. S. Deus per..., —6. On ne dit pas ouest arrêté Bricius; —
7. On
n'écrit pas an'>'mœ paganorum —
8. Ni consecravit eu7n in ordine pontificatus
;

ut per singulas civitates episcopos ordinaret, mais constitue episcopos per


civitates ;

9. L'oratoire est consacré in honorem Dni Salvatoris et Mariée...;
10. Bricius cnseigue à observer omnent ritum christianitntis, non pas dies
festos Dni —
11. Spolète n'est pas appelée métropole
; ;

12. A propos d'Her-
culanus, on cite expressément le livre III des Dialogues qu'oa utilise en
LES DOUZE SYIUENS ET LES TEXTES PARENTS 79

et qu'il faut chercher celui-ci dans le monde de l'administra-


tion pontificale.

Mais si le texte cyclique a cette origine, s'il date du milieu


du vil*' siècle, on y retrouve des traditions du vi® qui ont gardé
leur physionomie. Les récits qui concernent Herculanus
[-1- 547] et Isaac [+ vers o3o], Euticius [-l-vers 535? jet Anas-
tase [-h avant 593] Tattestent avec force ; et de même les pas-
sages, où Bricius apparaît détruisant les temples et consacrant
les sources. J'insiste particulièrement sur trois textes qui nous
reportent au temps des polémiques catholico-manichéennes et
sur les points de contact de notre légende avec trois légendes
du VI® siècle.
Lorsqu'il est conduit devant Julien, Anastase confesse Dieu
le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,... et Jé-
sus-Christ son fils unique..., et le Saint-Esprit, non in unius
singiilaritate personœ, sed in unius trinitate substantiœ . On
songe aux controverses provoquées par la question du Trisa-
gion *, à Censurinus et à Anlhime.

effet [f. OQ"" cornes venerabilem viram H. ep. super urbis muros deduc-
99' : «
tum cutem iam mortui a uertice usque ad calca-
capite truncauit eiusque
ueuin iaoidit] ; —
13. On ajoute le récit d'une translation d'Abundius, au
temps de Louis et de Lotbaire. —
Ce texte est unremaaieraent qui supprime
les traita caractéristiques de nos gestes {Spolète métropole] ou les émousse
[droit de consacrer les évê |uesj peut-êlre a-t-il été opéré sur une version
;

plus procbe de Sabinus [cf. la sedicio des pontifes des idoles] que celle dont
nous nous sommes servi il date certainement du temps où le monastère
;

des Aquœ Salvix était très important. Telle est aussi, sans doute, sa patrie.
La légende des Douze Syriens semble avoir influencé les gestes de Félicien
de Foligno et de Victorin d'Assise [cf. infra], ainsi que l'histoire de Maurus
et (Je ses compagnons [16 juin 95| celle-ci paraît être toute moderne. Maurus,
:

origiuaire de Césarée de Syrie, abandonne sa femme Euphrosyne et vient en


Italie chercher le martyre avec Félix son fils, Christophe et d'autres compa-
gnons. De Rome, où ils fréquentent les églises, ils se dispersent en Italie :

Maurus, Laurent, Jean et Isaac arrivent à Spolète Maurus et Félix s'éta-


;

blissent dans la vallée du Naris et vivent dans le jeûne et la prière. IVIaurus


tue un dragon de 90 pieds, Félix ressuscite un enfaut puis il meurt, ainsi
;

que sa nourrice, après avoir été averti par un auge et avoir reçu de son père
les sacramenta ecclesix. [Cf. Nérée et Lucie]. Il est enseveli près de Nar on ;

y voit un temple ancien avec des sculptures de marbre qui représentent sa


vie. —Ferrarius connaît cette légende. Pierre Damien parle d'un mystérieux
Maurus de Césène [P. Z,., 144,945], qui est vénéré le 20 janvier.
^ Ce passage n'a été
conservé que dans le texte de Mombritius, B. II. 'L.,
1622, sur lequel cf. infra p. 78, u. Ce texte accentue beaucoup plus vivement
la fuite de Bricius, thnore perterritus^ cherchant locun%.,in quo apersecuto-
ribus...(pos5it) salvus commorari.
80 TRADITIONS d'oMI'JUE

Les conn[)agnons d'Anastase se dispersent après son martyre


et fuient la persécution Bricius se cache et échappe aux
;

ministri qui arrôtont Abundius ot Carpophorc. Ces traits nous


rappellent tous ceux que nous avons notés déjà.
Et le soin que met Bricius à instruire le peuple qu'il doit
observer le dimanche fait songer à cette lettre tombée du ciel
dont la plus ancienne attestation remonte précisément au
VI® siècle et qui s'intéresse à l'observation du dimanche.
'

Il a dùy avoir au vi® siècle des gestes d'Abundius, Bricius et

Carpophore proches parents, peut-être, de Vitus B et de 6V-


cile, etc.. ici et là^ les anges jouent un grand rôle et les
:

âmes qui s'envolent ont la forme des colombes le locus tha- ;

naritanus où sont ensevelis Abundius et Carpophore rappelle


le tanagritanum territorium où aborde Vitus.
Les gestes des Xll Syriens sont apparentés aux gestes d'An-
thime, aux gestes de Constantius et aux gestes d'Alexandre
de Baccano, qui, du reste, on l'a vu, présentent de communs
caractères " et semblent sortir d'un môme groupe de rédac-
teurs. Mais d'abord je note que l'expression animae pagano-
rum... occisse semble avoir été suggérée par l'expression ana-
logue septuaginta et très animœ curatae sunt on la trouve :

dans les récits de l'invention d'Etienne protomartyr, en 415 ',


et dans les gestes de Sébastien.
Voici les points de contact des gestes des Xll Syriens
et des gestes d'Anthime 1. Légende cyclique de structure
:

tout à fait analogue 2.;Fuite devant la persécution 3. Lutte ;

contre le paganisme 4. Punition des persécuteurs 5. Utilisa-


; ;

tion des gestes romains *; 6. Introduction inattendue de la


voie d'Ostie (Orta?) 7. Liens invisibles arrêtant ici un for-
;

cené, là une biche 8. Rôle des anges 9. Traditions de l'Ita-


; ;

lie centrale.
Voici les points de contact des gestes des XII Syriens et des
gestes de Constantius ^ 1. Région Pérouse-Spolète
: 2. Pres- ;

* Licinianus de Garthagèoe à Vincent [P. L., 72, 699]. —


Delehaye Note :

sur la légende de la lettre du Christ tombée du Ciel [Bulletin de l'Académie


royale de Belgique. Classe des lettres... 1899, d. 2, p. 171-213],
2 supra, p. 42.
Cf.
3 P. L., 41,815, 8.

* Le Leontius de nos gestes qui est tué par un ours rappelle de très près
le Léontius des gestes de Césaire et de Valentin. L'intervention de l'ours est
toute naturelle en pays montagneux. Cf. supra l'histoire de Florentius.
•s
Les gestes de Constantius ont sans doute été l'objet de remaniements
LES DOUZE SYRIENS ET LES TEXTES PARENTS 81

tige du nombre apostolique douze 3. Guérison d'aveugles ;

(Astasia Pisentius) 4. Emploi du mol co)isules pour désigner


; ;

les grands 5. Arrestation des chrétiens dans la maison d'un


;

des leurs 6. Fuite devant la persécution


; 7. Un saint per- ;

sonnage nommé Anastase ; 8. Mention deFoligno; 9. Quel-


ques textes rapportent que Constantius a été tué au temps
des Goths*.
Voici les points de contact des gestes des XII Syriens et
des gestes d'Alexandre de Baccano 1. Emploi du mot appli- :

cave 2. Rôle des


: ministri 3. Souci de christianiser le peuplé
;

(nécessité du baptême observation du dimanche) 4. Men-


; ;

tion d'un saint personnage Herculanus 5. Intérêt porté à ;

l'histoire apostolique 6. Citation d'un document (ici une ins-


;

cription, là un édit); 7. Rôle des anges; 8. Edifice qui s'é-


croule temple, là palais); 9. Fuite devant la persécution;
(ici

10. Intérêt porté aux Gesta Martyrum\ 11. Mention d'un lac
(ici Bolsène là, lac où est jeté Herculanus).
;

Les traditions de Spolète ont donc pris forme au cours du


vi« siècle,dans les mêmes milieux peut-être où l'on rédigeait
les gestes de Constantius et à'Antfiime, à'Alexandre de Bac-
cano et de Valentin de Terni ^. —
Les gestes de Laurent et
les gestes de Jean Penariensis, nous permettent de juger de
Tétat de ces textes avant qu'ils eussent été remaniés au vu" siè-
cle et insérés dans la légende cyclique qui date de ce temps.

IV

11 rapprocher de la légende des douze Syriens les


faut
gestes de Félicien de Foligno etceux de Ju vénal de Narni ils :

tendent à insinuer que les évêques de Foligno (ou de Forum

parallèles à ceux des xii Syriens. —


Le cimelière de Pontien est celui sans
doute du héros des Gesla Pontiani.
* [29 janvier 924, § 2] comme Herculanus.
* Noter encore quelques points de contact entre les gestes des XII Syriens

et les {gestes de Valentin de Terracine-Corfinium.


Sur Vincent de Bevagna [p. 68], cf. infra p. 112.
m 6
82 TRADITIONS D^OMimiE

Flaminiense) (»t de Narni peuvent avoir droit à la dignité que


revendique l'évèque de Spolète.

Gestes de fuUicien, (Turœ famille ïMjhle de Forum Flaminiense


ïiè y
Félicien de , t , -,,

est remarquable par sa sagesse. Il se rend a Home pour étu-
i

FoligQo»
dier les lettres^ il sert Dieu dans les églises et les monastères,
et voici quil attire l'attention de l'évèque EleutJtère, lequel
ordonne à son archidiacre Victor de le recevoir parmi ses
scholares. Comme il n'y apas d'èvèque dans la Tuscie et le
Picenumy qui sont encore païens^ ses concitoyens devenus
clercs le nomment évêque et il est ordonné par Victor, qui a
remplacé Eleuthhre. Il évangélise avec succès sa patrie, puis
Foligno^ Spello^ ou V on adorait Vesta et Mercure, Bevagnïa,
Plesteas, Nuceria, la montagne, Nursie, ou le Judaïsme était
vivant et où
ordonne prêtre Pisentius, dans la basilique
il

Argentea; il prêche aussi dans la banlieue et visite souvent


Trevi. Seules lui résistent Assise (Adsentina), où l'on adore
Jupiter Capitolin, Pérouse qui adore Mars, Spolète où le culte
de Diane est vivant. Félicien reçoit alors de Victor le privi-
lège de porter autour du cou le palliuni (? ut extrinsecus lineo
sudario circunidaretur collum eius), et, avec la permission de
Victor, il ordonne évèque le diacre de Terni, Valentin, ainsi
que des prêtres. Bientôt on célèbre le millième anniversaire
de la fondation de Rome. Gordien est tué par Philippe ; Dèce,
homme de Satan, fait venir de Perse Abdon et Sennen et ar-
vête Félicien dans \di basilique palatine, à Forum flaminii, à
cent milles de Rome: il est le premier de tous dans la pro-
vince, de Rome aux Alpes il n'est aucun évêque qui passe
;

avant lui. Enfermé avec Abdon et Sennen, puis arraché à


leur prison, visité par la vierge Messaline, il est conduit à
Rome ety après que ses miracles ont émerveillé la foule, il est
décapité à Monte Rotondo, à 94 ans, dans la 56^ année de son
épiscopat. On vient de partout se faire ensevelir pi^ès de lui,
à Foligno, au-dessus du pont de César, où il a été enterré le
9 des kalendes de février et où se multiplient ses bienfaits
jusqu'à aujourd'hui.

L'auteur semble connaître le Liber Pontificalis, les gestes de


Valentin de Terni, de Pontius de Cimiez, d' Abdon et Sennen,
<

1 B. H. L., 2846 [24 janvier 582].


FELICIEN DE FOLIGNO 83

il rappelle le rédacteur de Terentianus de Todi par la précision


de sa chronologie: Félicien, mort en 250, serait né en 156, et
aurait été sacréévèque en 19 i, par Victor.
Les gestes veulent faire croire, le fait est certain, que Vévêque
de Forum Flaminii a des droits métropolitains sur le Pice-
num et sur la Tuscie, parce que c'est lui qui a évangélisé
toutes ces églises et parce qu'il a reçu le pallium du pape
Victor. J'attire l'attention sur ce dernier fait. Un texte cu-
rieux nous apprend l'importance qu'on attachait aux distinc-
tions de ce genre. C'est une lettre par laquelle saint Grégoire
se rend, malgré ses mensonges, aux instances de l'évêque de
Ravenne et lui accorde, pour quatre jours par an, le droit de
porter le pallium ^ Aucune restriction de ce genre n'est ap-
portée au privilège que Victor confère à Félicien. Félicien
reçoit encore du pape le droit d'ordonner uq évoque -.

C'est-à-dire que, en fait_, il métropoli-


est élevé à la dignité
taine. Et c'est-à-dire, encore, que les gestes de Félicien s^op~
posent aux gestes d'Ahundius les deux légendes se contredi-
;

sent Forum Flaminii' se dresse contre Spolète, dont notre


:

auteur souligne l'attachement persistant au paganisme.

1 Ep., V, Il [P. I., 77, 732-733]. « Grejçorius Joanni episcopo ravenoati. Fra-
terDÏtatem uestram ualde inuenio coQtristatam pro eo quod in litaniis induere
pallium rationis censura prohibetur. Sed per excellentissimum patricium et
per emioentissimum praefectum atque per alios civitatis suae nobiles uiros im-
portuue expetit ut hoc debeat concedi. Nos autem sollicite requirentes ab
Adeodato diacono quondam fraternitatis tuse, cognouimus quia numquam
consuetudo fuerit decessoribus tuis ut in litaniis pallio nisi in sollemnitate
beati Joannis Baplistae, beatri Pétri apostoli, et beati martyris Apollinaris
uterentur. Cui quidem nequaquam credere debuimiis, quia raulti apud civi-
tatem fraternitatis vestrse responsales saepius fuerunt qui se fatentur taie ali-
quid numquam uidisse. Et de bac re multis potius credendum est quam uni
pro sua ecclesia aliquid atlestanti. Sed quia nos fraternitatem uestram con-
tristari nolumus et petitionem filiorura nostrorum apud nos minime frustrari,
usum pallii donec subtilius aliquid cognoscamus in litaniis sollemnibus id est
die natalitio beati Joannis Baptistae, beati Pétri apostoli et beati Apollinaris
martyris atque in ordinationis uestrfB celebratione concedimus. In secretario
uero secundum morem pristinum, susceptis ac dimissis ecclesifE filiis, induere
uestra fraternitas pallium debeat, ad missarum solemnia ita proficisci et
nihil sibi amplius ausu temerarise praesumptionis arrogare, nedum si in exte-
rior habitu inordinate aliquid arripitur, ordinate etiam quae licere poterant
amittantur. Data mense octobri, indictione xiu. [Cf. Ep.^ i, 19 et v, 56. — et
Jean Diacre, iv, 3].
Cf. la lettre 64 du livre IIÏ [P. L., 77-661J, citée p. 77,n. 4. Il est clair que cer-
'^

tains évêques tendaient à profiter du désordre produit par l'invasion lombarde


pour s'arroger des privilèges auxquels ils n'avaient aucun droit. On s'explique
très bien, dans ces circonstances, la tentative de Spolète. Elle était, jusqu'à
ce jour, absolument inconnue.
' Forum Flaminii et Foligno sont attestés tous deux, comme évêchés dis-
81 TRADITIONS d'omijuif-:

Mais qui dira la date du texte? Kaiit-il rabaisser jusqu'à


l'époque lornl)an]e, vu/' ou vin" siècle, aliu (Vitn faire Je eou-
tempoiaiu de la tradition qui soutient Spolète ? Faut-il la
faire remonter jusqu'au milieu du vi" siècle afin de rendre
compte plus aisément du rapport qu'il soutient avec Teren»
iianus et Valentin et Abdon et Sennen. .l'opte pour la
première hypothèse il me parait difficile d'admettre que les
:

deux textes, que les deux théories no se combattent pas,


et donc ne soient pas à peu près contemporaines. J'ajoute
même que les gestes de Félicien ont peut-êlre précédé le texte
cyclique d'Abundius Carpoforus c'est afin de répondre au
:

privilège du pape Victor dont parlent ceux-là que le rédacteur


de celui-ci aura dérangé saint Pierre V

tincts, au concile roraaia'de 680 [Hartmann, ii, 1, 269], —


Forum Flaminii, au-
jourd'hui S. Giovan in Fiamina, est situé sur la voie Flaminienne entre Fo-
ligno et Nocera [Dieiil. 68].
1 Le Pisentius ordonné prêtre par Félicien à Nursie est sans doute iden-
tique à l'aveugle Pisentius rencontré et guéri par Bricius cf. supra, p. 67.
:

On connaît deux autres versions de Félicien. La première jB. H. L., 2847.


— Analecta, ix. 381j est un curieux remaniement des gestes ; elle commence
ainsi :Igitur Felicianus Foris Fluminise , civitatis Umbrise provincia;, oriendus
fuit, scilicettempore Gordiœni [Codex Ambrosianus, F. S., i, 3, du xiv® siècle].
On y introduit un comes Gaudianus (issu peut-être d'une dittographie de Gor-
dianus), on y omet ce qui toucrie à la question métropolitaine, on donne
pour frère à Valentin de Terni ,1e martyr Habundius [le même, sans doute,
qui apparaît dans les gestes des XII Syriens]; on sait que Pérouse a été dé-
truite par Octavien Auguste pour avoir défendu Antoine et reconstruite par
le même césar. Félicien prêche à Gubbio et Nocera ; puis il passe l'Apen-
nin, évangélise le Picenum, Gittà di Penna, Ascoli, Fermo, Osimo, Ancône et
Senegallia qui sont dans la Pentapole. Mais Dèce succède à Philippe et écrase
les Perses à la bataille du mont des Mèdes puis la persécution se déchaîoe,
;

Polycronius de Babylone est martyrisé, les chrétiens se cachent dans les ca-
vernes comme les sept Dormants d'Ephèse. Dèce revient à Rome avec Abdon
et Sennen, que Félicien visite et réconforte à leur passage: il est saisi et mis
à mort. —Peut-être la date de ce texte est-elle celle du manuscrit qui nous l'a
conservé-. (La bataille du mont des Mèdes est empruntée aux gestes de Polo-
cronius de Babylone. Cf. Cod. Parisinus, 5312, 152^].
La seconde version [B. H. L., 2849J. —
Bodemann Zeitschrift, f. K. G.,
:

XII (1891), 78-81, se lit dans un missel de la Bibliothèque de Hanovre [i, 101,
— in-4, — xiv^ s.] et débute par les mots Tempore quo Gordianiis csesar im-
perii romani arcem tenebat. Le thème et les détails sont les mêmes que dans
le texte analysé. Je note : 1. Des périphrases visant à l'élégance [loca sacra
divino cultui mancipaia, § 1 csesar de partibus Eoys. §2] 2. Un contre sens
; ;
:

Spello devient un homme, Spetius |§ 3] 3. Félicien meurt le XIII des Kalendes


;

de novembre, mil. III a civitate Egubio quae appellatur Julia. —


Ce rema-
niement a été, j'imagine, écrit à Metz après la translation du corps à Saint-
Vincent de Metz, au temps de l'évêque Théodoric et d'Ottou, en 969 [24 jan-
vier 589 ou 203, § 3J. Le détail touchant Gubbio atteste peut-êlre que la lé-
gende y avait été transportée telle quelle noter que Gubbio est le point
:

d'attache de Secundus.

I
JUVÉNAL DE NARNI 85

De ces mêmes une


intrigues je trouve encore une trace dans
autre légende ; évidemment parente de Félicien de
elle est
Foligno, et de Valentin de Terni c'est Juvénal de Narni que
;

je veux dire.

'^^ Conformément aux prophéties. Dieu séparait les siens des


1 pécheurs. Rome
maîtresse des nations [domina gentium^ prin-
ceps provinciarum] est confiée à Pierre et à Paul', Jésus leur
donne aussi à évangéliser la Tuscie et la Campanie ; c'est
donc à Rome que se fait sacrer l'évêque Juvénal lorsqu'il a été y

élu par le peuple. Le Sauveur a réparti la terre entre les


siens : Jean-Baptiste est à Sébaste ; à Jérusalem les deux
Jacques, Mathias et Etienne ; A?idré à Pairas, Jean à Ephcse.
Narni seule, l'ancienjie Nequina, restait profondément
païenne, bien que Terentianus, et Félicien et Valentin V eussent
visitée. IJ Africain Juvénal est plus heureux :c est un mé-
decin. Devenu èvéque, il consacre un oratoire à saint Valentin,
Il est soutenu par de grands personnages^ des Anicii et des
membres de la famille impériale, tels que Philadelphia. Il
déjoue la ruse d'un prèlre païen, qui îneurt subitement et ^

baptise 2.000 Narnioles à Pâques^ parmi lesquelles la noble


Venantia. On montre encore le lit ou il couchait dans la tour,
le calice où se multipliaient les espèces (sancta libamina), les

ampoules où est recueillie Veau que son tombeau distille. Il


est mort tranquillement après 7 années d'épiscopat, et a été
enseveli à la Porte Supérieure, sur la Voie Ilaminia, au
5ô" mille de Rome, le 7 des ides d'aoïU: on célèbre pourtant
sa fête le 5 des nones de mai, jour où Judas Cyriaque a
trouvé la Croix du Seigneur. Il a sauvé un navire en danger
de se perdre ; les passagers reconnaissants lui ont fait de
telles offrandes quon a pu bâtir une superbe basilique, au
temps de l'évêque Alaxime, sur l'ordre duquel ces gestes ont
été écrits ^.

1 B. H. L.. 4614 [3 mai 387]


- Dans les gestes se présentent deux digressions fort curieuses. Antiqiiam
gestam enarremus occasionemque perditionis prxdictss urbis nosse cupientibus
non negemus. Narui ayant refusé d'aider Auguste dans la guerre perse fut par
lui donuée aux Carpes qni la détruisirent; mais, à son retour, il en eut pitié,
et la fit restaurer et y construisit un pont superbe où étaient gravés ces
mots: Cxsar augustus de ma m... nnrniens is pntronus •,i\ y édi&n. aussi un aque-
duc dont il moment la hauteur, et les détours, et les tuunels.
faut taire en ce
— ...Delectat hoo miracuiam reserare quarante ans après la ruine de la
et :

ville, les Carpes et les Ligures dévastent le pays, pénètrent dans la vallée Tyria
Sn TRADITIONS d'oMBHIE

Tl est certain qu'il s'agit ici du que le ffîrial


saint de Narni
hiéronymicn mentionne au V des nones de mai \ et dont le
monastère de Horla fonde par Bélisaire ', et les Dialogues

de Grégoire '\ attestent la popularité au cours du


saint
VI® siècle. Noter qu'on n'en fait pas un martyr.
Il est certain que le rédacteur était assez instruit il dispo- ;

sait de documents écrits, une version peut-être perdue du Liber


Poniifîcalis, l'Invention de la Croix, saint.lérôme ( Vila Paului),
d'autres textes inconnus où il s'est documenté sur l'histoire de
Narni, les gestes de Terenlianus, de Valentin, d'Alexandre de
Baccano et, peut-être, de Félicien.
Il est donc probable qu'il écrivait au temps de saint Gré-

goire le Grand, à la fin du vi° ou au début du vii^ siècle. La


popularité du saint à ce moment est établie par les textes cités
plus haut; la mention des Anicii, et d'une Venantia, les trois
allusions aux reliques de Juvénal (lit, calice, ampoules d'eau
miraculeuse) s'expliquent aisément dans l'hypothèse et je re- ;

marque que, en 598^ il y a eu, à Narni, un mouvement catho-


lique notable sur l'ordre de saint Grégoire, l'évêque de Narni
:

Prœjectus profita d'une épidémie pour convertir païens et


ariens \ Ne serait-ce pas à cette occasion que notre texte fut
rédigé ?

Il probable aussi
est très que le rédacteur voulait assurer à
l'évêque de Narni un rang privilégié parmi les évèques du
pays. Contre Spolète, Narni s'appuie sur Rome aussi bien que
Foligno. Juvènal est parent de Félicien ^

suspecta qui sépare Narui de Terni, prenaent Terni et assiègent Narni il


y :

avait cinq ans que Juvénal était évêque. On était au mois quintilis^ qu'on ap-
pelle maintenant juillet. On chante (en procession) autour des murs: Fiat
Domine via illorum tenehrx... [Ps. 34, 6], tandis que Juvénal se met en
prières aussitôt le tonnerre gronde, le Très Haut lance ses flèches, malgré la
:

sécheresse les sources vomissent des torrents d'eau, et 3.000 ennemis sont
noyés près du temple d'Hercule. —
L'auteur, qui semble faire un sermon [§6,
illud, fratres Karissimi, non prsstermiUamus] s'intéresse aux problèmes
étymologiques [§ 2, Nequina... a nequitia duxit nomen] [Naris, qui de 7iaribus
sculpti quasi lituli lapidei egreditur] et connaît sa mythologie aussi bien que
son histoire: § 3, le prêtre païen appelle au secours le vengeur de Briarée
[même §, mention d'un temple Libéri Patris], —
Les Carpes sont ce peuple
batailleur dont Lactance [demorie pers. 9] et les Oracles Sibyllins [XIH, 141,
RzachJ attestent la popularité. Cf. Pauly-Wissowa R. E. :

1 Rossi-Duchesne, p. 5S. Le texte est douteux. E n'a pas Juvénal.


2 L. P., 296, 308.
I,
•^
Dialogi, 12 [P. L., 77, 340J.
iv,
4 EpistoLv, 11, 2 [P. L., 77, 539j.
^ Ri«n ne rappelle l'histoire de Cassius. Dialogi, m, 6 [P. L., 77, 22S]. Sur
07istantius B, cf. supra p. 44. cote 4.
CHAPITRE IV

TRADITIONS D'OMBRIE,
LES SAINTS SABIN, GRÉGOIRE, FÉLIX,PONTIEN ET VINCENT, VICTORIN,
AEMILIANUS.

L'ample légende des douze Syriens n'a pas absorbé toutes


les traditions d'Ombrie^ ni même de Spolète. Les gestes de
Sabin, de Pontien et de Grégoire, de Victorin, de Félix et
dM^milianus l'attestent avec évidence.

^^ le 15 des kalendes de mai


Celait Maximien Auguste bat-
;

î et tait lesBleus dans le Circus Maximus, à la sixième course.


'^
Et la plus grande partie du peuple criait : « A bas les chré-
tiens^ vive la volupté/ Par la tête d'Auguste, qu'il n'y ait

* B. H. L., 7451-7453. — Baluze : Miscellanea, ii [Paris, 1679], p. 47. — J'ap-


pelle ce texte, le texte A.
Je tiens à signaler ici l'étude que M. Lanzoni a publiée en 1903, dans la
Rômische Quartalschrift [p. 1], [sous le titre de La passio s. Sabini o Savini.
M. Lauzoni y a appliqué avec beaucoup d'exactitude et d'intelligence la
méthode dont j'ai voulu donner un exemple dans le premier volume de cet
ouvrage [cf. Lejay R. H. L., U., vin (1903), 597].
:
88 TRADITIONS d'uMUFUE

plua de chrétiens. » El, douze fois il répéta ce Lorsque


cri.
parut le préfet de la ville Ilermogenianus, le peuple cria dix
fois encore: « Toujours pareille victoire à toi, Au (jus te ! De-
mande au pré/et ce que nous avons crie. » A la même époque,
Maximien Auguste convoque le peuple au Capitole pour le 10
des kalendes de mai : « Citoyens^ dit-il, conformément à vos
demandes, il nous paraît bon de fortifier notre religion. Pères
Conscrits, je permets que, partout où vous trouverez des chré-
tiens, vous les fassiez arrêter par le préfet de la ville ou par
ses officiers et que vous les fassiez sacrifier. » Et la foule ré-
pond : « Victoire à toi, Auguste ; à toi le bonheur des dieux ! »
Quelqu'un vient alors annoncer à Hermogenianus quil y a
un évêque qui, chaque jour, organise de petites réuiiions
chrétiennes et y explique les livres. Il en rend compte à Maxi-
mien lequel, tout heureux, envoie Vèdit % daté de la veille des
kalendes de mai, à Venustianus, Augustalis Tusciee. Venus-
tianus cherche, et trouve V évêque Sabinus, homme fort élo-
quent et célèbre par son langage châtié. Il l'arrête à Assise,
en même temps que deux diacres, Marcel et Exsuper antius, et
beaucoup de clercs. —
Le lendemain de l'arrivée de Sisinnius,
Venustia7ius fait dresser son tribunal au >rnlieu du forum.
Sabinus comparaît avec les deux diacres : « Je m'appelle Sa-
binus, dit-il, rempli de la grâce de Notre Seigneur Jésus-
Christ ». Comme Venustianus , vir clarissimus, lui demande
s'il est libre ou esclave, « je suis esclave du Christ, répond-il,

mais libre de la servitude de Satan... Je suis évêque, et ce sont


mes diacres. » — « De deux choses choisis l'une sacrifie, :

ou meurs... ; et, comme ton Dieu, libre à toi de ressusciter. »


— Parfaitement. {Au lieu de railler), si tu connaissais la
c(

vérité, tu t'humilierais devant le Père, et Jésus-Christ son


fils, et l'Esprit-Saint... Est-il juste d'abandonner le Créa-
teur pour des pierres, pour des démons ? » Alors, ce ne — <(

sont pas les dieux, ce sont des démons qui dirigent l'état »? —
c( Oui, ce sont les démons qui détruisent la république »
Et, quand Venustianus fait appointer son dieu, qu'il avait

1 En voici le texte « Victor Maximianus Augustus Triumphator perpetuus


:

Imperator parenli Venustiano augastali Tusciae. Suggestioûem patris uostri


Herraogeniaui praefecti urbis apud nos claruisse cognosce. Quia iiista petilione
letetur ideoqoe commonitus ut ubicumque christiani auditi fuerint vacua su-
perstitione colentes aut sacrificare diis aut certis peois intereant ultionem fa-
cultatibusque nudati fisci uiribus adpiicandis. Uale parens, pridie Kalendarum
maiarum fVindobonensis 357],
SABiNus d'assise 89

toujours dans sa chambre à coucher [c^ètait un Jupiter de


marbre de Coralhis, d'une facture admirable^ avec de beaux
vêtements dores), Sahinus le prend dans ses mains, et, après
avoir fait une prière, il jette l'idole à terre, et la brise. Ve-
niistianus se frappe le front de désespoir, condamne Sabinus
à être décapité, et., d* abord, hii fait couper les deux mains. A
ce spectacle^ Marcel et Exsuperantius tremblent ; mais Sa-
binus maudissent les dieux des démons,
les réconforte, et ils
tandis que Ventistianus ramasse les morceaux de son Jupiter

et les fait mettre dans un coffre d argent. Torturés sur le


chevalet, les diacres tiennent bon, grâce aux encouragements
de Sabinus ; Marcel s'offre en sacrifice à Dieu et le prie de lui
pardonner ses péchés tous deux glorifient le Seigneur et,
;

après avoir eu les côtes déchirées par les ongles de fer, ils
rendent l'âme. Leurs corps, fêtés au fleuve, sont recueillis,
puis ensevelis par im pêcheur et par un prêtre, le long de la
rouie, la veille des kalendes de juin.
Six jours après, Sabinus reçoit dans sa prison la visite de
Serena : c'est une pieuse matrone de Spolète, veuve depuis
trente et un ans, qui vit dans les jeûnes et les prières. Elle
recueille les mains coupées de Sabinus, les embaume et les
met dans un petit baril de verre [doliolum vitreum], et jour
et nuit g tient les yeux attachés. Comme son petit-fils est

aveugle, et que les médecins nont pu le guérir, et qu'elle


l'aime par-dessus tout, elle l'amène à Vévèque, et le supplie
de rendre la vue à l'enfant, Sabinus place ses moignons sur
les yeux de l'aveugle il prie le Seigneur, lumière véritable,
;

de donner la lumière à ceux qui espèrent en lui, et qui lui


demandent selon ce qu'il a dit : « Tout ce que vous deman-
derez en mon nom, vous le recevrez, » Et Priscianus recouvre
la vue ; et tous ceux qui sont dans la prison se convertissent
et reçoivent le baptême : ils étaient onze.

Trente-trois jours après, voici que Venustianus, vir claris-


simus, prœses Tusciae, souffre vivement des yeux : il en perd
l'appétit et le sommeil, et les médecins ne peuvent rien. C'est
alors qu'il apprend le miracle de Sabinus ; il le fait venir avec
de grands honneurs, reconnaît qu'il a péché, jette dans le
fleuve les débris de son idole, déclare qu^il croit de tout son
cœur et demande à être baptisé au nom de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Sabinus s'agenouille, lui demande s'il croit
Au Dieu Père tout-puissant ;
90 TRADITIONS D*OMBRIE

Au Christ Jésus, son fils ;


A r Esprit- Saint ;
A Celui qui a souffert et qui est ressuscité ;

Qui monté aux deux et qui reviendra juger les vivants et


est
les morts et le siècle par le feu ;
Et à sa venue, et à son règne pour la rémission des péchés, et
à la résurrection de la chair.
Venustianus croit tout cela ; alorSy lorsquHl se lève du
bassin, ses yeux s'ouvrent^ les souffrances disparaissent. Et il

prie Sabinus de demander à Dieu pardonne sa bar- qu^il lui


barie d'autrefois ; et Sabinus l'assure que c^ est pour ses péchés
quil a souffert, et ils vivent ensemble. Mais Maximien Au-
guste rapprend, qui envoie aussitôt son tribun Lucius avec
un ordre écrit (scriptionem) ils sont condamnés à avoir la
:

tête tranchée. Venustianus, sa femme et ses fils sont ainsi dé-


capités à Assise ; leurs corps sont ensevelis par les chrétiens^
ils liront pu être retrouvés. Quant à Sabinus il
est conduit à ,

Spolète et battu jusquà


meure. Serena l'eiisevelit au
ce qu'il
deuxième mille environ, le 7 des ides de décembre ; et là se
multiplient les bienfaits de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-
Christ : les aveugles sont illuminés, les malades guéris, pour
la louange et V honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui
toujours donne à ses fidèles la palme de la victoire, A lui em-
pire, honneur et royaume dans les siècles des siècles. Amen,

L'auteur de Sabinus semble avoir quelques lectures. Le co-


raliticus lapis, doat ^il parle, n'apparaît pas souvent dans nos
gestes, ni môme dans les textes littéraires radjectif, dérivé :

sans doute du nom d'un fleuve phrygien, Goralius, exprime la


blancheur d'un ivoire on le retrouve dans un passage de
;

Pline *
et dans un autre d'Isidore -.

Il emprunte la date des ludi ceriales, qu'il donne ^


très
exactement,à un calendrier ancien qui croira que le souvenir :

en ait longtemps survécu, passé leur disparition, ou qu'ils


aient persisté jusqu'au vi^ siècle ? Telle est, on le verra^ la —
date du texte.

1 Pline, 36, 13, 1 .d'après Forcellini Lexicon. :

2 Orig., XVI, 59. —


Le Coralius est mentionné par Pline, 6, 1, 3 [d'après de
Vit: Onomasticon].
^ 17 avril. —
Ils se célébraient du 112 au 19 [Marquardt: Rom Staatsv, m
357.551, d'après Aliard, iv, 358, n. 3].
VALEUR DE LA LEGENDE 91

Je ne crois pas, en revanche, que le début pittoresque par


où il s'ouvre ait été emprunté à un texte antérieur. Les jeux
du cirque, la pratique des acclamations étaient profondément
enracinés dans les traditions romaines ; surtout, au cœur même
du VI® siècle, les jeux continuaient de faire la passion du peuple.
Une très curieuse lettre de Cassiodore l'atteste avec précision.
Théodoric est obligé de rappeler aux Romains que l'amplii-
théàtre n'est pas un champ de foire, que leur joie ne doit pas
dégénérer en tumultueux vacarme ni se manifester par de
grossières injures à l'adresse des sénateurs ^
Pareillement, ce n'est pas à des actes authentiques de Sa-
binus que le rédacteur emprunte sont préfet Hermogenianus :

on ne connaît pas de préfet de la ville qui se soit appelé Her-


mogenianus en 304 —
date à laquelle on serait tenté de rap-
;

porter la scène du cirque —


deux personnages occupent suc-,

cessivement la préfecture urbaine, l'un se nomme Aradius


llufmus, l'autre T. Flavius Postumius Titianus ^. Un texte
écrit en 304 ne parlerait pas davantage d'un aiigustalis Tusciœ :

on lirait corrector Tusciœ et Umbrise ^ Au v^ et au vi® siècle,


on appelle augiistales les assessores togati des juges * Cassio- ;

dore nous fait connaître un primicerius aiigustalium ^ notre ;

1 «Populo romane Theodericus rex (a. 507-511). Spectacula uoluptatum las-


titiam uoluoius esse populorum, nec erigere débet motus iraruin, quod ad re-
missioDem auimi constat inveutum, ideo enim tôt expensarum oaus subimus,
ut conventus vester non sit seditionis strepitus, sed pacis ornatus, mores pe-
regrinos abicite Romana sit vox plebis, quam delectet audiri.... Atque ideo
:

edictali programmate defioimus, ut, si atroces iniurias in querapiam senato-


rum vox iniusta praesumpserit, uoverit se a prsefecto urbis legibus audiendum,
ut pro facli qualitate discussa excipiat promulgatam iure senteuliam. Verum
ut omne semen discordiae funditus amputetur, prœfiaitis locis pautomimos
artes suas exercere praecipimus quod vos poterit iustruere ad prœfectum
:

urbis data prœceptio, tantum est, ut animis compositis peragatis laetitiam ci-
vitatis... Soletis enim œra ipsa mellilluis implere clamoribus et uno souo di-
cere, quod ipsas quoque beluas delectet audire profertis voces organo dul- :

ciores... abicite furores laeti, iram gaudentes excludite ».


[M. G, —
A. A, XII, p. 31-32, éd. Mommsen] Cf.Procope Got/i,i,6 et Code : ;

Théodosien, vi, 9. 2 (avec le commeataire de Godefroidj. — Cf. aussi la sédi-


tion Nika, et l'importance des jeux du cirque, à ce moment, à Gonstantinople.
Noter encore que les procès-verbaux du concile de Rome de 499 donnent le
compte des acclamations decies, ooties [Mommsen M. G.
: A. A. xii, 404]. : —
2 Goyau, 368. —
En 309-310, un préfet^de la ville se nomme Aurelius Her-
mogenes[Goyau, 379].
^ JuUian Transformations politiques de Vltalie... 174.
: AUard iv, 360, — :

D. 3 de Rossi BuU.^ 1871, 81. Sur les autres « difficultés » du texte, cf. ïille-
;

mont, V, 603.
* Marini Giornale dei lelterati di Pisa, iv, 154-155; cf. x, 306; et de Rossi
:
:

Bull., 1871.89.
^ Variar, xi, 30, Mommsen, 348. — Cf. Neues Archiv., xix, 479, note 5. et
92 TRADITIONS I)'oMimiE

anonyme parle, sans y prendre ^^arde, la lan^ruo administra-


tive de son temps.
Et peut-être, en dénommant son préfet, s'est-il souvenu de
l'auteur du Code Ilermofjmieny ou de ces fameux Anicii qui
prennent si souvent ce coi^nome/z '; peut-ôtre s'est-il rappelé
ces deux proconsuls d'Afrique au temps de Julien, qui por-
taient le nom d'Iïermogenianus ^ et qui ont pu être mêlés à la
persécution. J'inclinerais plutôt, cependant, à penser que notre
auteur relève ici des gestes pannoniens d' Hermoyène ^ nous :

savons que les Romains connaissaient les gestes des martyrs


du Danube *, et je trouve, dans le texte que je dis, un ïlermo-
gène et un Venustus nous lisons, dans Sabinus^ Hermoge-
;

nianus et Venustianus.
Le rédacteur anonyme appartient au même groupe que les
auteurs à' Alexandre de Baccano, de Valentin et de Donat.
Voici les points de contact de Sabinus et de Donat 1. Mention :

inattendue d'un augustalis 2. Allusion à une relique 3. Gué-


; ;

rison d'un aveugle 4. Ironique allusion à l'impuissance des


;

médecins. —
Gomme l'auteur de Valentin, VdiUXexxv àe Sabinus
aime à faire valoir les mérites oratoires de ses héros l'un et ;

l'autre visent une relique [les mains coupées, le cilicium] l'un ;

et l'autre introduisent de la même manière l'épisode central de


la légende ici et là, c'est parce que le païen apprend les gué-
:

risons merveilleuses du saint et qu'il a éprouvé l'impuissance


des médecins qu'il recourt au martyr. Nos gestes font écho —
aux polémiques touchant la spontanéité du martyre et rappor-
tent un texte prétendu exact aussi bien que les gestes d'Ale-
xandre. —
L'épisode de la statue de Jupiter brisée par le saint

C.I. L., m, 3, H026. Les emplois inférieurs de l'admiDislration au temps des

Goths nous sont très mal connus, comme le remarque Mommsen Neues Ar- :

chiv.y XIV, 466-467.


1 Pauly-Wissova R. E. article Anicii.
:

2 G. I. L,, VIII, L'un s'appelle Glaudius Hermogenianus Gaesarius,


1860.
l'autre Cl. Olybrius Hermogenianus. —
D'où vient le Sifinnius qui apparaît
dans nos pestes ?.
3 G. M. R., II, 236.

* G. M.
R., II, chapitres x et xi. Cf. aussi p. 20-21 les preuves de l'influence
des IV
Coronati sur Hedestus. Rapprocher encore les expressions lapis co-
raliticus, sermo delimaius, christiani tollaniur \Sabinus\ de celles qui se li-
sent dans la grande légende pannonienne lapis thasus, delimare lapidem,
:

toile magos (et autres acclamations populaires) ici et là, il s'agit do martyrs
;

dont on n'a pas retrouvé les corps, et l'on joue sur l'idée de dieu de lumière
îippliquée au Dieu des chrétiens. L'auteur de Sabinus utilise les gestes de
Pannonie.
.

LE MIRACLE DE CAMERINO 93

rappelle semblable exploit accompli par Concordius. Je —


trouve dans les gestes de Constant'ms une sentence du juge
textuellement reproduite et le même persécuteur Lucius, que
délègue, ici et là, l'empereur. —
Ces rapprochements et je —
ne prétends pas en avoir épuisé la liste ne peuvent pas * —
être fortuits ils attestent une parenté certaine entre notre
:

texte et le groupe Valentin Alexandre Concordius Constantiiis


Si l'on se rappelle l'épisode du cirque, on jugera qu'il a sans
doute été rédigé vers le milieu du vi*' siècle.
Deux confirment l'hypothèse. Le duc lombard Ariulf,
faits

qui succéda à Faroald Y^y envahit l'Italie centrale à la fin du


vi" siècle, et fut vainqueur des Romains à la batailte de Came-
rino, grâce à une apparition de saint Sabinus ce qui le décida :

à se faire catholique. Paul Diacre atteste le fait.


Sequenti anno [600] Ariulf us dux^ qui Farualdo aput Spo-
letium successerat moritur. Hic Ariulf us cum bello contra
Romanos in Camerino gessisset victoriamque patrasset, requi-
rere a suis hominihus cœpit, quis vir ille fuerit^ quem ipse in
quod gesserat tam slrenue pugnantem uidisset, Cui
illo bello
cum sui viri responderent, se ibi nullum aliquem fortius fa-
cientem quant ipsum ducem uidisse, ille ail : « Certe multum
et per omnia me meliorem ibi alium vidi, qui, quotiens me

aduersœ partis aliquis percutere uoluit, ille vir strenuus me


sempersuo clypeo proiexit, » Cumque dux ipse prope Spole-
tium, ubi basilica beati martyris Savini episcopi sita est, in qua
eiusdem venerabile corpus quiescit, advenisset, interrogavit,
cuius hœc tam ampla domus esset. Responsum est ei a viris
fidelibus, Savinum ibi martyrem requiescere, quem christiania
quotiens in bellum contra hostes irenty solitum haberent in
suum auxilium invocare. Ariulfus verOj cum adhuc esset gen-
1 Cf. dans Lanzoni, la parenté de Sabinus avec Jean de Spolète^ Torpes, Per-

gentinus, Herculanus^ Grégoire, Laurent, Etienne, Restitutiis, Marins, Serapie,


Processus, Susanne, etc.. c'est-à-dire avec les gestes de l'époque ostrogothique.
— J'ajoute que le rédacteur connaissait saus doute des textes lériniens il :

écrit animœ, si cognosceres, et il insiste sur la nécessité de briser les idoles


{Sébastien) et sur l'action de Dieu dans l'histoire « Yenustianus ergononsuut
: :

dii gubernatores rei publicae. Sabinus... dixit Non suntdii sed sunt daemones
:

qui destruuût rem publicana ueslram. » J'ajoute encore que Sabinus a été mo-
delé sur Terentianus A [ou a même auteur que lui cf. in/ra\ et sur Alexandre
;

pape: Quiriuus a les mains coupés comme Sabinus [cf. G. JVl. R., ii, 20G,
note 3] la boia d'Alexandre et les chaînes de saint Pierre semblent des re-
;

liques aussi vénérables que les maies coupées de Sabinus ; comparer les deux
citations érudites, sardamocus, lapis coraliticus ; comparer la conversioQ
d'Uermes avec la couversiou de Veuustiaaus, etc..
94 TRADITIONS d'oMBBIE

tilis, lia rrspondil. « Rt potast fivri, ni korno morluus allfiuot


vivcnll nuxilium pr,Tstet ? Qui ciimkoc dixissrl, equo dissl-
f>

lùms eamdc/ni basiUcam conspcctnrus intravil. Tune aliis


oranti/jiiSj ipse picturas eiusdem basilicie mirari cœpit. Qui
cum figuram beati martyris Sauini depictam conspexisset, mox
cum iuramcnlo affirmamt dicens, talem omnino eurn uirum
qui se in bello protexerat formam habilumque habuisse. Tune
intellectum est, beatum marlyrem Sduinum eidem in prœlio
adiutorium contulisse ^
Il n'y a rien, dans noire texte, qui rappelle de près ou de
loin cette histoire il est donc antérieur à l'époque oii elle
:

naquit ^
Le culte de Sabinus paraît assez florissant dès les environs
de l'an 600 le calendrier populaire le mentionne et la corres-
; ;

pondance de saint Grégoire le Grand nous a transmis le sou-


venir de deux dédicaces, l'une d'un monastère, l'autre d'une
église, en l'honneur de saint Sabinus (593-604) ^ Dans

1 IV, 16 IPethmaun et Waitz. — M. G. — [S. R. L. 121|. Cf. Hartmann :

Geschiohtn Italiens in Mittelalter, ii, 1 (1900), 101-104, 107-112. Je ne crois —


pas qu'il puisse être ici question de Sabinus de Plaisance [P. L.,n, 236] ni de
Sabinus de Canusium [P. £,., 77, 235].
2 II ne faut pas trop presser ce texte le témoignage de Paul Diacre est
:

tardif, sans doute à demi légendaire il date d'une époque où 'tout souvenir
:

a disparu de l'arianisme lombard. N'est-ce pas le miracle de Camerino qui


a donné à Sabinus la physionomie d'un saint militaire [christiani, quotiens
in bellum irent...]'!
' Gregorius Passivo episcopo Firmano. « Valerianus, notarius ecclesiae frater-

nitatis tuse,... nobis suggessit... iuxta muros civitatis Firmanae oratorium se...
fundasse, quod in honore beati martyris Savini desiderat cousecrari [Ep., ix,
70. — P. L.,11, 1007. Cf. Ep.f IX, 71]. —
« Gregorius Passivo... Proculus, diaco-
nus ecclesife asculanae... nobis... suggessit in fundo Gressiano juris sui monas-
terium se... fundasse quod in honorem sancti Savini martyris desiderat cou-
secrari... [Ep.,xiii, 16. —
P. L., 77,1271].— Peut-être ces fondations sont-elles
en rapport avec la victoire d'Ariulf et le miracle la victoire d'Ariulf date en-
:

viron de ce temps.
J'attire l'attention sur la forme du credo que présente le texte. Les trois
Personnes sont groupées ensemble, puis on revient au Fils. L'expression —
par le feu est, je crois, extrêmement rare: elle est sans doute en rapport avec
les idées eschatologiques sous-jaceutes à iMathieu, m, 11 et Luc, IIL 16. Cf.
S. Reinach Cultes, Mythes et Religions. II (1906) p. 133. Où notre auteur l'a-t-
:

il prise 1

Il est à peine besoin de faire remarquer que ce credo se rapproche du


texte ancien plus que du textus receptus ?
M. Lanzoni a relevé des points de contact entre Sabinus, le sacramentaire
pseudo-gélasien et l'ordo i^onanus primus. Y o'ici quelques exemples 1. « Qui :

pedibus super mare ambulavit » [Muratori, 536], qui pedibus mare ambulauit
[S. 4]; —
2. Qui nato caeco oculos aperuit [536], qui nato caeco oculos aperuit
[S. 9]; —3. credo in D. p. o. ? credo. Et in Xo. I. filio eius ? credo. Et in

S. S credo [S.llj. Gredis in D. p. o. ? credo, credis et in J.-G. filium eius


'^

I
UNE SECONDE VERSION DE SABINUS 95

l'hypothèse proposée \ ces faits s'expliquent sans peine.

11 a existé certainement une version de Sabinus différente


de celle que nous lisons.
Le calendrier populaire écrit, à la date du 30 décembre :

III. Kal. [ian), Apud Spoletum, Sabini episcopi, Exsupe-

rantii et Marcelli et Venustiani cum uxore et ftliis qui passi :

Vil idus decembris^ festivitatem sepulturx habent lll Kal.


ianuarii -,

Notre version contredit le calendrier 1. Elle fait mourir les


:

deux diacres, Exsuperantius et Marcellus, à Assise, non à Spo-


lète; 2. La veille des kalendes de juin, non le VII des ides
de décembre 3. Elle fait mourir Venustianus, sa femme et
;

ses lîls à Assise, non à Spolète (quelque quarante jours après


les diacres, et non le Vil des ides de décembre) 4. Elle en- ;

terre Sabinus, non pas apud Spoletu7n, mais au 2^ mille de


Spolète 5. Elle ignore complètement l'anniversaire du III des
;

kalendes de janvier 6. L'anniversaire du VIT des ides de dé-


;

cembre commémore l'ensevelissement du seul Sabinus par


Serena.
Le résumé d'Adon diffère aussi du texte que nous lisons ^ :

1. Il conte que les diacres, après avoir été déchirés par les

ongles de fer, souffrent le supplice du feu, « ignern supponi » :

notre texte n'en dit mot 2. Les diacres sont enterrés pridie
;

kalendas ianuarias 3. Bien que Sabinus ait été enseveli


;

sub die septimo idus decembris^ festivitas...eius et supranomi'


natorum martyrum tertio kalendas januarii agitur *.
Enfm, il semble que Hermogenianus ait reçu parfois le
prénom d'Eugenius ° on le cherche vainement dans notre
:

texte.
II est possible que la divergence Assise-Spolète ne tire pas
à conséquence par rapport à Assise, Spolète est une capi-
:

tale ; on a dû y transporter le culte des martyrs qu'on véné-


rait auprès.

D. N. Datum etpassum? credo, credis et in S. S., sec: ecclesiam, remissionem


peccatorum, caroia resurectionem ? credo [570].
* Noter encore que la formule sub die, employée par les gestes, est très
fréquente après 500. [G. M. R., i, 301].
» P. L., 123, 177-178.

' P. L., 123, 205-206.

* Flodoard suit Adon, comme de coutume [P. L., 135, 739-740].

^ Baronius l'assure.
90 TRADITIONS n'oMi'.niE

L.a (lilïércnce des anniversaires : /// Kal. ian. — pridie


Kal. iun. s'explique encore;, je crois, [)ar une erreur paléo-
f^ra[)hiquc. On a lu ian à la place de iuriy 11 à la place
de III. .l'imagine (jue l'anniversaire apo- du 'M) décembre est
cryphe et que les deux dates authentiques sont le SI mai^
;

(veille des kalendes de juin) mort des diacres et le 7 dé- — — ,

cembre (Vil. id. dec.) —


mort de l'évoque. Noter que la scène
du cirque se passe le 17 avril |xv. Kal. maii], que la réunion
du Capitole a lieu le 22 avril [x. Kal. maias] et que la lettre
de Maximien à Venuslianus est datée du 30 avril [prid. Kal.
maias] la chronologie de l'histoire est parfaitement cohérente \
:

Restent à expliquer quelques faits 1. Le supplice du feu :

qu*ont subiles diacres 2. Leprénom que reçoit llerraogenianus.


;

Le plus simple est d'admettre une seconde version des


gestes, assez voisine, du reste, delà première. Je crois la re- —
trouver dans le Codex Viîidohonensis 357, folio 198^. Le pré-
fet y reçoit le prénom d'Eugenianus et les diacres y souffrent ;

le supplice du feu :

Venuslianus uir consularis dixit : maceralê fuslibus amho


in conspeclu Sabini.,.; et iussit ut unguibus raderentur et la-
tera eorum, et ignem subponi, qui dum diu ignem ad latera
eorum posuerunt, subito spiraverunt [f° 200''].
On a brûlé le flanc des martyrs après l'avoir déchiré. La —
version du Vindobonensis présente quelques autres particula-
rités 1. Venustianus est appelé vir consularisy en même
:

temps q\i' au g us ta lis tusciœ 2. Sisinnius n'est pas nommé ; ;

3. Huit jours après avoir fait emprisonner à Assise Sabinus


et ses diacres, Venustianus se rend à Spolète, puis il revient à
Assise 4. Les diacres sont ensevelis iuxta viam sub die pridie
;

kalendarum ianuariarum 5. Les formules du baptême dif- ;

fèrent ici et là :

A B

« Baptizavit eos dicens : Credis in « Baptizauit eos dicens : Gredis in


Deum Patrem omnipotentem Res- ? Deum Patrem omnipotentem et iu
pondit Venustianus Credo. Et in : J. X. filium eius et in S. S... Ule res-
Chrislo Jesu filio eius? Respondit: pondit credo. Et ille dixit Et ego
: :

Credo. Et in Spiritu Sancto? Respon- te baptizo in nomine Patris et Filii et


dit Venustianus Credo. Et in eum
: Spiritus Sancti, qui te inluminet in
qui passus est et resurrexit? Respon- uitam œternam et per ipsum qui

* Dans les gestes de Laurent, on retrouve des détails chronologiques du


même genre. Notre auteur s'en souvient évidemment.
RAPPORT DES DEUX VERSIONS 97

dit Veuustianus Credo. Et in eum qui


: ventiirus est iudicare vivos et uior-
asceûdit lu c(p1o3 et itenim ueuturus tiios PfECulum per igoem in rc-
et
esl jiidicare vivos et inorluos et se- raissiouem peccatorum carnis resur-
culum per ignem ? Dixit Credo. Et : rectionem.UeDustianiis nir coosularis
lu adreulu eius et regourn eins iu respoudit Credo Cliristum Deum
:

remissioneiu peccatorum et carnis Dei filium qui me iuliimiuet. Eadem


resurrectionem ? Venustiauus respou- hora de pelve... » [Vindob., 357,
dit : Credo ia Chris',;um Dei filium . 20lv].
qui me illuminet. Eadem hora vero
levains a pelve,... [Slephani Balnzii
Miscellaneorum liber secuodus... Pa-
risiis, 1679, 54. —§ llj.

Bien qu'il n'écrive pas vir consularis ni Eugenianns Her-


mogenianus, c'est de cette seconde version A, qu'Adon dé-
pend les mots ignem supponi l'indiquent, l'anniversaire prid,
:

kaL ian le prouve.


Quel est le rapport de x\ à B ? A ignoi*e Tanniversaire apo- —
cryphe du 30 décembre, que mentionne B il lui est donc an- :

térieur. Les détails que donne B, semblent présenter le carac-


tère d'additions pseudo-précises : tels^ les iTïoi^ vir consula-
ris^ le prénom Eugenianus. La suppression de Sisinnius est
une évidente correction que vient faire ici ce mystérieux :

personnage? Les formules du baptême sont plus originales


dans A que dans B. Mais je soupçonne que B a parfois—
mieux retenu que A la version primitive le trait ignem :

supponi devait se trouver dans l'original le supplice infligé ;

aux martyrs est, dans cette hypothèse, plus conforme au


« canon » des rédacteurs ^

*Les BoUandistes ont rencontré une autre version de Sabinus dans le


Codex Xa))iurcens:s 15 (qui date du début du xiiie siècle) elle reproduit le :

texte de Baluze, mais avec beaucoup de variantes [Analecla, i, 501. B, H.


L., 7454. Maximiano rcgbnine iniperiali]. Ils ne l'ont pas fait plus préci-
sément connaître. —
Cf. aussi Cat. Bruxelles, i, 121, n. 68; Octavius a San
Francisco : Assisiensis ecclesiœ prima IV luminaria [Fulginei, 1715], 64, et
Azevedo : Vêtus missale romanurn monasiicmn Lateranense [Romse, 1754],
467.
Une seconde légende de Sabinus s'est développée plus tard Sabinus, né :

à Sulmona, va à Faenza, il mène la vie des solitaires à Silva Liba, près du


château de Fusignano. Mais un ange lui apporte l'ordre d^évangéliser
Assise. Il en devient l'évêque, ensevelit la martyre Serena à la Silva Liba,
avec l'aide de sa sœur la vierge Mondina [B. Sabini... Vita, par Flarainio,
écrite vers 1526-1534 ; Vita... Sabini d'Azzarini, 1610 Antiphonarium ;

inaius Eccl. S, Pétri Faventini, à VArchivio Capitolare de Faenza] [d'après


Laozoni : article cité).

III
98 TRADITIONS n'oMUiut:

11

Gestes de ^^
lemps de Dioclétien et de Maximien empereurs u)ie ,

de Spo- fureur sacrilège appuie le règne de r idolâtrie à travers toute


lèle<

r Italie et fait persécuter les chrétiens. V


impie hlaccus^ en-
va gé par Maximien à Spolète, fait dresser son tribunal au
milieu du forum mais apprend de Tgrcanus que tout le
^

monde adore les idoles^ et Jupiter^ Minerve et Asclepius : il


congédie donc le peuple avec joie. Seulement le même Tgrca-
nus lui annonce bientôt que le bienheureux Grégoire est à
SpolètCy qu'il g guérit les malades et convertit les âmes.
Arrêté par trente soldats^ Grégoire confesse Dieu qui a fait
Chomme à son image, refuse de sacrifier à Jupiter, Minerve
et Asclepius^ puisque ce sont des démons ; il aime mieux
perdre son corps que son âme il ne désire pas V amitié des
;

empereurs. Lorsque les ministres de Satayi le battent sur le


visage^ sur le dos, puis sur le ventre, il lève les geux au
ciel et implore le Dieu d'Israël; mis sur le gril, il invoque
le dieu d* Abraham, le Dieu d'isaac et le Dieu de Jacob, le
Dieu de nos Pères ; « si le persécuteur tue son corps, Dieu
vivifie son âme [si totum corpus meum mortifetis, domiaus
animam meam viviQcatl. j
» Et aussitôt un tremblement de
terre jette à bas la région de la cité {[ui s'appelle Sumentem
et fait périr trente-cinq païens (animae paganomm). Flaccus
frémit comme un lion et fuit prudemment ; Tgrcanus fait
enchaîner Grégoire et le renvoie à la prison ou le visite un
ange du Seigneur où resplendit une clarté céleste. Mais^ le
,

surlendemain, Grégoire comparait de nouveau devant Flaccus,


au milieu du forum', malgré les tortures qu'on lui inflige, il
refuse de sacrifier, maudit les idoles et est décapité au milieu
de r amphithéâtre, tandis qiiun ange lui parle, par le spa-

1 B. H. L., 3677.— Surias, éd. 1575, vi, 951 éd. 18S0, xii, 394 (collatioaaé
;

avec l'Augieosis xxx[i et le Viadoboaeasis 357;.

I
GRÉGOIRE DE SPOLÈTE 99

taire Aquilon. Les bêtes que lâche Tijrcanus adorent le ca-


davre; le peuple confesse la vérité et la grandeur du Dieu
des chrétiens^ tandis que Flaccus, frappé par ran(je, ce même
jour, vomit ses entrailles, et meurt. Cependant une chré-
tienne^ Abundantia, achète le corps à Tyrcanus pour 35 aurei;
elle l'embaume avec du baume, du nard et des aromates et
l'ensevelit à côté du pont de pierre et du ruisseau le Sangui-
naire, près des murs de la ville, le X
des /calendes de janvier,
au chant des hymnes et des cantiques, confessant que Dieu
est admirable dans ses saints. A lui honneur et gloire,
louange et empire dans les siècles des siècles. Amen.

Les mêmes gestes nous sont connus dans deux autres ver-
sions presqu'absolument identiques à celle-ci Tune est ca-
:
^

ractérisée par ce fait que la région qui s'abîme dans le trem-


blement de terre n'est pas nommée et que le spataire est ap-
pelé Aquilinus l'anniversaire est marqué non au dix, mais
;

au neuf des calendes on donne d'autres chiffres [40 soldats


;

arrêtent le saint 450 païens sont tués]


; ;

la seconde version^,
qui nous est accessible dans Adon ^, insinue qu'Abundantia a
tenté d'obtenir le corps sans payer.
Réserve faite de ces insigniliants détails, reste un texte qui
semble dater de la seconde moitié du vi® siècle le terme :

spatarius se lit dans saint Grégoire '\ et c'est au début du


vu" siècle^ dans le calendrier populaire *, qu'apparaît la pre-
mière attestation liturgique du culte de notre saint.
La scène du gril nous fait souvenir de saint Vincent.
La mention d'une trinité païenne, l'incident du tremble-
ment de terre, l'emploi du terme ministri rapprochent notre
texte ^Alexandre de Baccano,
L'invocation Deus Abraham, Deus Isaac, Deus Jacob,
Deus patrum nostrorum rappelle les gestes de Gonstantius et
ceux de Jean Penariensis qui reproduisent la même formule ;

* Mss. dont s'est servi Surius. Les variantes de cette version ont peut-être
une origine purement paléographique.
- P. L., 123, 203. « Quia non potuit obtinere aliter, datis 35 aureis... »—
Flodoard [P. Z,., 135, 737-740] suit Adon. — Baronius a connu une version
qui contait un miracle survenu en 1037 [ïillemont, v, 133].
^ Dialogi, m, 6 [P. L.,11, 228] : « malignus spiritus... spatharium invasit
eumque vexare crudeiiter cœpit ».
* « Apud Spoletum, Gregorii presbyteri et martyris » \P. —
Z,., 123, 177-178].
Les lettres de saint Grégoire attestent la vogue de ce nom à ce moment.
100 TRAUl'IlONS d'oMBRIE

la punition du persécuteur Flaccus ot la curieuse expression


animc-ff paf/a}îorum (= par/ani) raip])e\\ent aniin les f^estes do
liricius, d'Abundius et de Garpophorc qui sont entrés dans la
rédaction cyclique du vu" siècle Leontius est aussi juste- :

ment frappé que Flaccus, et le palais de Martianus, en s'écrou-


lant, tue 120 « âmes de païens ». Il est vraisemblable que le
rédacteur de notre texte connaissait les gestes de liricius
et les gestes de Jean. La Trinité païenne peut avoir été em-
pruntée à Constantius aussi bien qu'à Alexandre.
11 est vraisemblable que le pons lapideus et le rivus Sangui-

narius de nos gestes se rapportent au pont qui, dans les


gestes de Pontien, est appelé pons sanguinarius le nom :

d'un ruisseau est aisément appliqué au pont qui le traverse.


Certains traits et certains termes rappellent encore cette
même légende 1. Princlpum contemptor 2. Après un mi-
: ;

racle [P. douceur des lions; S. tremblement de terre], le mar-


tyr est reconduit en prison 3. L'ange du Seigneur vient l'y
;

réconforter; 4. Nouvelle comparution suivie de la mort;


5. Les bêtes adorent le martyr, vivant dans Pontien, mort
dans Grégoire K

ÏII

Gestes do Comme Pontien, Félix, et F/nce/2/ sont parents de Grégoire,

Au temps de V empereur Antonin on persécute les chrétien»

afin de les faire sacrifier aux idoles les infidèles dressaient :

des embûches aux fidèles. Sur un ordre [ex imperio] de Uem-


pereur Antonin^ le juge Fabianus arrive donc dans la cité de
Spolète ; il siège au tribunal, il convoque le peuple, il an-
1 Cf. Vincent de Saragosse et le corbeau. —
Cf. encore Lucie Geminien :
ici et là, comme dans Pontien^ je relève l'expression fremuit ut leo [Pala-
tinus 846. — f. 127 v. i]. — Le Codex Casinensis cxvii (du x® et xi^) reproduit
[folio 694. — Cf. Bibl. Casin., iir, 58] un miracle inédit de Grégoire. Est-ce le
texte visé par Baroniua?
2 B. H. L., 6891 [14 janvier 933 ou 216].
^

PONTIEN DE SPOLÈTE 101

nonce sa mission^. Et beaucoup consentent à sacrifier ; heau^


coup aussi restent fermes dans la foi et, supportant les tribu-
lations, consacrent leîirs âmes au Seigneur ; Fabianus, furieux^
frémissait comme un y aimit alors un homme établi
lion. Il
dans la crainte de Dieu : c était Pontianus. Arrêté par les mi-
nistri il dit son nom^ sa foi. —
« Tu es bien né^ et ton Dieu a
été chassé par la persécution de ville en ville cest un cru- ;

cifié qui ne peut f arracher à mes mains ! » « Tes idoles —


sont sourdes et muettes. » On le dépouille de ses vêtements
on on le fait marcher pieds nus sur des charbons ar-
le bat,
dents : Pontianus s^cst signé au front avant de marcher ainsi.
Le chevalet les dents de fer ne brisent pas son courage ; ce
y

sont les ministri {brisés de fatigue ?) qui défaillent et les


crocs de fer qui se rompent. Enfermé au fond de la prison, il
reçoit la visite d'hommes religieux qui le confortent afin quil
ne faiblisse pas. Lorsqu'il est conduit à V amphithéâtre, les
lions l'adorent après quHl a imploré le Christ; et le peuple
acclame son Dieu et réclame sa délivrance. Devant cette sédi-
tion [uidens... seditionem in populo fieri], Fabianus le fait
reconduire en prison pour quil y meure de faim mais fange ;

du Seigneur lui apparaît au milieu de la nuit et le nourrit


de mets célestes et les ministri qui viennent chercher son corps
;

le douzième jour sont stupéfaits de le trouver chantant

(psallentem). Le plomb fondu qu'on lui verse sur le dos glisse


sur lui comme l'eau sur le marbre. Alors le Juge déclare:
« Le contempteur des dieux, Pontianus, qui a refusé de sa^

crifier, sera livré au spiculator et décapité *. » Le saint s* age-


nouille et remercie Dieu qui lui a permis, dans son combat,
de confondre le diable. Il est mort le 19 des kalendes de fé-
vrier. Les chrétiens enlèvent le corps au Pont Sanguinaire et
l'ensevelissent en paix non loin du mur de la cité, in fundo
qui appellatur Lucianus, le 15 des kalendes de février ; et
tous glorifient Dieu qui écrase ses ennemis et couronne ses
saints. A lui honneur et gloire dans les siècles des siècles.
Amen.

* Voici son petit discours : « piissimus imperator antooinus direxit me in


hanc civitatem ut si quis preceptum hoc non observaverit, pu-
capitali
nialur senteotia ».
2 Voici le texte : «contemptor deorum pontianus qui diis sacrificare noluit,

spiculator! tradatur et caput eius ab eo abscidatur ».


J02 TRADITIONS D'OMlilUE

Le calendrier populaire ^
donne :

XIV kal. feh, El Spoleti, sanctl J*ontiam marlyris drcimo


710710 kal. passij decimo quinto sejjîilli, décima se.rlo (f(uarto) in

sepulckro mulali^ quando œlebrior dies eius afjitur.


Adon -^
écrit pareillement, d'après le calendrier sans
doute :

Consummauil.,, 'niarlyrium suum XIX Kal. /ehruarii. El


suhlatum corpus eius a chrislianis sepullum esl XV kal. Ce-
lehris uero dies ipsius agilur XVI (XIV) Kal. februariiy
quando ilej'um sacrum corpus eius mutalum esl.
Ainsi le calendrier et Adon racontent qu'il y a eu une
translation du corps de Pontien et que. c'est désormais ;

l'anniversaire de la translation qui est devenu la fête du


saint.
Les gestes de Pontien ignorent cette translation.
Ce fait rappelle deux autres faits du même genre nous les :

avons notés ^ à propos de Sabin de Spolèle et d'Alexandre de


Baccano, C'est un nouvel indice qu'il y eut, peut-être, après
la guerre gothique, tandis que s'organisait l'exarchat, revision
du calendrier et réorganisation des cimetières. Et c'est la preuve
que nos gestes, antérieurs à ce travail, dont ils ne disent mot,
ne peuvent guère être postérieurs au début de l'exarchat de
Ravenne.
Nos gestes, d'autre part, rappellent la légende d'Alexandre
de Baccano même époque (Antonin), même attitude du
:

peuple qui est favorable aux chrétiens [ij 5]. Les gestes de
Pontien datent sans doute du milieu du vi^ siècle et font partie
du môme cycle qu'Alexandre *.
Ils sont également apparentés, semhle-t-il, à Constantius et

à Grégoire de Spolèle : on a vu que Conslanlius nomme ex-


pressément Pontien, et que Grégoire connaît également sa
légende. Enfin, la scène de la prison et des ministri fatigués
rappelle Vincenl de Saragosse,

^ 19 janvier. P. L., 123, 147-148.11 faut, évidemment, lire ^warfo pour s^^fo.
2 19 janvier. P. L., 123, 217-218. —
Je remarque que le Codex AugieyiHs
xxxii écrit quinto decimo Kal. septembris [ce qu'on corrige xiv... februarii].
:

Je ne saurais dire d'où vient cette fêle du mois d'août.


3 Cf. supra, p. 96 et 12-14..

* Cf. ïillemont, ii, 628. Certains détails rappellent aussi Agapet.


FÉLIX DE SPELLO 103

Ail temps de Dioclétien de Maximien sévissait une per-


et

sécution cruelle : tous les fidèles de la sainte religion cJfré-


tienne qu'on pouvait trouver étaient punis d'atroces tour-
ments. Maximien envoie un certain 1 arquinius qui doit les
contraindre à sacrifier. Tarquinius trouve à Spello l'évéque
Félix qui ne cesse de louer Dieu et de prêcher avec éloquence
r unité de la Trinité ^. « Qui fa donné ce pouvoir, lui dit-il ;

pourquoi séduis-tu le peuple et lui fais-tu adorer un Dieu


que le sénat n a pas établi et que n adorent pas les empe-
reurs. » —
« f adore le Christ^ fils du Dieu vivant^ né de la

Vierge Marie par le Saint-Esprit : pour nous arracher aux


idoles il a daigné revêtir notre chair mortelle. » Et Tarqui-
nius a beau le tenter Félix refuse d'abandonner le Créateur
;

pour des idoles muettes une voix céleste le réconforte. Ra-


;

mené un autre jour, il refuse encore d'adorer Apollon et


Hercule et de devenir grand pontife. Tarquinius, alors, con-
voque les majores civitatis, déclare que Félix est un mage,
et, après que celui-ci a été réconforté par un ange et a re-

mercié Dieu qui protège les croyants fidèles, il le condamne


à périr sur le gril. Comme les ministri l'y étendent, le ton-
nerre retentit et tue nombre de païens. Félix est alors con^
duit au forum, décapité par le spiculator Sevibus et recueilli
par deux chœurs d'anges. Les chrétiens ensevelissent son
corps à la louange de Notre Seigneur Jésus-Christ qui vit et
règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-'il,

Félix de Spello, qui nous est attesté par Usuard % n'eut ja-
mais aucune vogue nous n'avons plus, semble-t-il, un seul
:

manuscrit de ses gestes. L'obscure légende est datée des envi-


rons de l'an GOO par les points de contact qu'elle présente avec
Grégoire de Spolète [le gril], et surtout avec Sabinus d'As-
sise. D'Assise à Spello la route n'est pas longue; on a placé

les deux saints à la même époque, tous deux confessent qu'ils


sont esclaves du Christ, tous deux s'entendent demander de
quel droit ils prêchent, et c'est au milieu du forum qu'ils sont
tous deux interrogés. Le texte rappelle également l'autre lé-
gende d'Assise Victorin, on le verra, prie le Dieu trine et un
:

« B. H. L., 2886, 18 mai 299.


- « Laudare Deum unitatem Triaitatis prsedicare. »
et
'
XV. Kal. « iunii. S. Felicis epi qui apucl Spellatensem urbem sub Maximo
imperatore palmam martyrii adeptus est » \P. Z., 124, 65-66|.
104 TRADITIONS d'oMIUUE

que prôclio Kolix. VA, lorsqu'il parle de l'unité de la Trinité,


luULr nous remet encore en mémoire Tcrniiiamis I) et toute
une famille de ^^estes romains '.
Il ne rappelle nullement, en revanche, l'histoire de Dom-
nius de Salone. Certains savants l'ont prétendu, qui s'ap-
puient sur un mot de Pierre des Noels dans le résumé de :

celui-ci, Spalalensis remplace Spellatensis. Ils font encorde


valoir qu'il y a eu à Salone un martyr appelé Félix lu petite :

chronique l'atteste. Ils insistent sur ce fait que les deux saints
sont fêtés le 18 mai. —
Nul ne p'eut montrer que la fête salo-
nitaine du 18 mai soit d'origine ancienne. Le texte de Pierre
des Noels ne prouve pas, puis qu'il a la date que chacun sait
et que, du reste, il donne, non Salonitanus, mais Spalatensis.
Surtout on voit très clairement que Félix est parent de Fîc-
/r;rm et de Sahiniis: ses attaches ombriennes sont très so-
lides -.

La légende de Bevagnaest également apparentée à »S«ôm2^5 ;

mais de Vincent de Saragosse elle devait


elle s'inspire surtout ;

inspirer un jour... saint François d'Assise ^

v'i'ifceGt de
Comme les ordres des empereurs déchaînaient la persécu-
uevagua* tion, et qitc les proconsuls, les consulaires et les préteurs de
Tuscie, de Valérie et du Picenum recherchaient les chrétiens,
lepréteur de Tuscie Capitolinus envoya de Pérouse le comte
Mavortius rassembler les évêques voisins Vincent, évêque de :

Bevagna, et son frère, le diacre Bénigne^ se trouvent parmi


eux. Quand ils arrivent, enchaînés, les prêtres des temples
les insultent : ils n^ adorent pas Jupiter, Hercule, Mercure,
Saturne^ Neptune, Cyron, Minerve, Vénus, Jiinon, Apollon,
Esculape, Mars, Bérécynthie, ni Diane ; et leur Christ a été
tué par les Juifs. —
II est ressuscité, réplique Vincent ; il
ce

1 Le même terme, fidèles est employé de la même manière, à peu prè?, ici

et dans Pontien.
2 Pour plus de détails, cf. Zeiller : Les origines chrétiennes... de Dal-
matîe, Paris, 1906, 22-23. On sait l'origine de ces efforts Patriotisme de
:

clocher.
3 L'épisode des oiseaux de Bevagna s'explique certainement par notre
texte. La scène du démon chassé de l'idole a, pareillement, souvent inspiré
les peintres.
* B. H. L., 8676, 6 juin 613. « Cum iussu principum impiissimorum perse-
cutio... »
VINCENT DE BEVAGNA 105

viendra juger le monde par le feu (judicare... saeculum per


i'>-neni)... Vos dieux ne peuvent même pas parler » Le consu- ,

laris Valerius trouve cette remarque fort juste, et, de même,


les juges et les pontifes. On entre dans le temple où les idoles

étaient dressées dans de nombreuses chapelles (ubi plures


fedicula^. cum simulacris erant et maxime Martis) mais un ;

tremblement de terre les renverse, 000 païens so7it tués, les


chaînes des èvêques tombent et le diable sort de l'idole de
Mars en criant a le Christ remporte. » Mavortius se convertit ;
:

mais Capitolinus fait massacrer les cvêques^ sauf Vincent,


Eustasius ensevelit Bénigne à Bevagna, près du port {^oviwXo),
le jour des kalendes de mai. —
« Sacrifie au Soleil et à la
Lune », dit Capitolinus à Vincent. —
« Ils ne sont pas dieux,

dit r évêque. Lis les psaumes (8 15 (16) \.i^)et T Heptateuque au


; ;

chapitre premier de la Genèse. » Humilié, moqué, Capitolinus


fait infliger à Vincent le supplice complet de la question [ad
legitimam qusestionem] il ne veut pas être vaincu. Mais le
;

martgr reste souria7ït. On l'isole, on Venferme dans une


prison ténébreuse ; Dieu rUlumine ; et cest le prisonnier qui
rassure ses gardiens. Lorsqu'on le jette à l'eau, les anges le
portent au rivage, a Tu as vaincu, Vincent, lui dit Capito-
linus, parce que tu as un nom de victoire » et il meurt. Son ;

successeur Porphyrius n'est pas plus heureux : les bêtes vé-


nèrent, les oiseaux honorent le martyr, et Vincent chante:
(( Bénissez, oiseaux, le Seigneur du ciel ! » La terre engloutit,
avec le persécuteur, l'eau oi/ il veut noyer le saint. Et alors,
en disant les messes, à l'oraison dominicale, il reçoit le corps
du Seigneur en même temps que les fidèles (faciensque missas
in dominica oratione percepit corpus Domini cum iidelibus)
et meurt en paix le VIII des ides de juin, sous le consulat de

Rufus et Gallus, Une noble matrone, Liceria, achète son corps


une livre d'or, Vensevelit sur sa terre, le champ du salut
(campus salutis), in novas nundinas augustales, inter Porti-
lionem et Mevaniam, au 94^ mille de Bome; là, s'y multi^
plient les bienfaits de Dieu, tandis que règne Notre Seigneur
Jésus-Christ au ciel, sur la terre, sur la mer, sur les abîmes,
lui qui viendra juger les vivants et les morts et te siècle par
le feu. Amen,

Vincent et Bénigne sont les saints locaux de Bevagna *


:

1 Sur Bevagna, cf. C. I. L., xî, 2, p. 731.


iO(J TRADITIONS n'oMBRIK

indépondamnriont de notre texte, les XII Syriens attestent


leur culte, ou du moins le culte d(î Vincent. — Mais notre
text(i (^st indépendant des XII Si/rlcns : il ignore le sacre de
Vincent par Jean, le métropolitain de Spolète '.
li'auteur de Vincent semble connaître Grérjoire et Sabinus.
Ici comme dans Grègoirey un tremblement de terre venge les
martyrs, les betes vénèrent leurs corps, une pieuse femme
achète leurs cadavres, le persécuteur est puni de mort. Ici
comme dans SabmuSy se lit la curieuse formule iiidicare vivos
et mortuos et sœculum per irjnem. Mais Vincent n'est pas —
autrement apparenté à ces textes aucune relique n'y est:

mentionnée, aucun augustalis on ignore la formule Deiis


;

Abraham, Isaac et Jacob on ne donne aucune indication


;

chronologique; l'énumération des dieux païens est, ici, beau-


coup plus longue que là ^ on n'emploie pas les expressions
;

ministri, animœ paganorwn.


L'auteur de Vincent connaît certainement Vincent de Sa-
ragosse on peut dire que la fin de son texte est copiée tout
:

entière sur la fameuse légende espagnole ^


Tout cela donne à Vincent une physionomie assez particu-
lière. Je l'explique par la personnalité de l'auteur anonyme
plutôt que par une différence d'âge entre les textes. Le rôle
des pontifes, l'intervention de l'ange nous font souvenir de ce
qu'on voit dans Anthime et dans les XII Syriens. Vincent re-
monte sans doute au vi^ siècle. Peut-être sort-il du même
groupe que Juvénal de Narni les rédacteurs des deux textes
:

paraissent également érudits. Peut-être est-il apparenté à


Félix, à Pontien et à Grégoire: ici et là je trouve la trace de
l'influence de Vincent de Saragosse.

1 Cf.supra, p. 68.
2 BérécvDthie est Dominée dans Symphovien (VAutun [Ruinart, 125]. La
source commune est évidemment saint Angnalin Civil. Dei : ir, 4. Notre
:

auteur a farci <oï\ texte de citations bibliques c'est un savant.


:

^ G. M. R., II, 134-156.— La date consulaire est fausse, ou fictive. (En 298,
il y a bien un consul Gallus; mais son collègue s'appelle Anicius Faustus,
non Rufus).
VICTORIN d'assise 107

IV

Vidorin et /Emilianus rappellent nettement, et la légende


des Xll Syriens, et les légendes locales qui n'ont pas été ab-
sorbées par celle-ci.
Donc, le bienheureux Victorin, né dans le ï^oijaume des As-
syriens d'une illustre famille, apporta, avec l'aide de quel-
ques compagnons, la religion chrétienne au peuple d'Assise.
— Assgrie, en latin, signifie lumineuse ^. —
C'était au temps
de Gordien, qui reçut l empire en 240. Vidorin et ses compa-
gnons étaient venus à Rome pour visiter la ville des Apôtres
(limina Apostolorum) z7 était très savant dans les lettres
;

clirétienncs, et le pape Fabien l'accueillit bien, l'ordonna


prêtre, puis l'envoya, comme évéque d^ Assise, prêcher la pa-
rote de Dieu en Ombrie, qu^on appelle aujourd'hui le duché
de Spolète. Près du château de Spello, il guérit un enfant
d environ cinq ans, qui était bègue ; et celui-ci le raconte à
tous [ad civiuni turmasj. « Cest Jitpiter », disent les uns',
« cest Hercule », disent les autres. On cherche, on trouve le

saint sur les confins d'Assise, « Qui es-tu, d'où viens-tu ? » —


« J'ai été renvoyé dans cette patrie, répond-il, afin de semer

le verbe de Dieu il faut rejeter les faux dieux, croire en la


;

sainte et inséparable (individuae) Trinité ; qui a été triplement


baptisé connaît son créateur et recouvre le bonheur de son pre-
mier père. » —
« Mais pourquoi ne connaissons-nous pas ce

Dieu-là ?» —
a 11 na pas daigné vous envoyer les Prophètes
ni les Patriarches ? » —
Et, comme ils lui demandent la
preuve de ce qu'il avance, Vidorin crache à terre, à l'exemple
de son maître, enduit de cette boue les yeux d'un malheureux
qui a perdu la vue^, invoque le Dieu trine et un: V aveugle
voit, ils se convertissent, ils vont à Assise. Mais voici quà

» B. H. L.,8597 [13 juin, 669 ou 163].


2 D'après saint Jérôme : Liber interp. hehr. nomimtm.
3 Souvenir de Jean, ix, 6. Cf. Marc, viii, 23.
108 TRADITIONS d'oMURIK

V entrée de la ville ^ ils trouvent le pré /et Dar/nns qui leur


demande d'où ils viennent. « Nous venons dOrienl ; Dieu
nous a envofjès chasser d'ici le vain culte des idoles. » Dagnus
le frappe, V empêche de dire de qui il tient son pouvoir et, le

liuitihne jour, il le fait comparaître devant son tribunal.


((Braves gens [? boni homines), déposez votre titre de chré-
tiens ! » —« Nous n espérons rien de bon que par la foi en
celui de qui on chante : et uidit Deas cuncta quae fecerat... »
Un des conve7'tis ajoute: « Depuis que le serviteur de Dieu
nous a enseigné la vérité, nous rejetons les idoles ce sont des :

démons ». On le décapite près de la ville, non loin de la


route qui mène au Tescio, et Victorin l'enterre, « Cest toi —
qui séduis ces gens, lui dit Dagnus : reviensaux dieux, je
f enrichirai ». Victorin refuse', on le jette dans un brasier y

mais la flamme s' éteint ; il chante : Igné me examinasti. Ses


amis battus de chaînes, déchirés par les ongles de fer, sont à
la fin jetés dans un puits : la troisième nuit après leur mort,
Victorin accourt et les ensevelit» Il continue de prêcher, et le
préfet le croit parti. Mais un païen le dénonce ; on le trouve
près du fleuve, dans un endroit clos, où il prie avec les chré-
tiens ; on l'arrête brutalement, on le roue de coups : seulement,
l'un des impies ne peut plus ouvrir le poing. « La piété que
nous devons aux rois romains (pietas regam romanorum)
nous engage à supporter les injures, lui dit le préfet songe ;

à ta jeunesse et sacrifie ; sinon, tu mourras, » « Dieu in a —


envoyé dans cette province, répond Victorin; que la volonté
de Dieu soit faite. Mon Seigneur a, de lui-même, été à sa pas-
sion nous, de même, nous marchons volontiers au supplice
;

pour r amour de lui. Comment donc ne le sais-tu pas ? » —


(( Ce sont nos dieux qui donnent le salut. » —
c Je ne te croyais

pas si sot ; c^est pour toi que David a dit : Appone Domine
iniquitatem super iniquitatem. » —
c Vous vous moquez
de moi; eh bien, sacrifie à Mars, ou meurs ». On le
conduit au temple; il chante, intrépide; à r endroit du
supplice, il demande aux bourreaux un instant de délai, et
prie le Dieu tout-puissant, qui vit et règne trine et un. Il re-
fuse de sacrifier et est décapité au pied du mont de Jupiter,
près du fleuve Tescium, dans la ville de Macerata, au début
de juin, le 13,

Cette légende — dont le héros est inconnu au férial hiéro-

nymien, au calendrier populaire, à Adon et à Usuard — • rap-


ORIGINES DE LA LEGENDE 100

pelle la légende des XII Syriens par son thème central :

evangélisation d'une partie de l'Ombrie par des Orientaux. —


Klle rappelle surtout les gestes de Félicien de Foligno ici et :

là, même conception de la répartition des provinces entre les


missionnaires chrétiens ; même insistance sur la science du
saint, qui le fait distinguer du pape même
; époque, Gordien
et Philippe ; même pays, Assise de Félicien^
; comme l'auteur
l'auteur de Victorin cite les gestes romains ou y puise |ici
Abtlon et Sennen là Maris et Marthe, venus aussi de l'Orient
;

ad limina apostolorum], —
Je remarque, enfin, que les ex-
pressions serere verbum Dei, divini verbi satores sont com-
munes à Victorin et à Juvènal^ oij l'on voit aussi que la terre
a été répartie entre les apôtres. Félicien et Jiivénal datent sans
doute du début du vii^ siècle peut-être faut-il en dire au-
;

tant de Victorin.
Je remarque que ces gestes présentent certains traits assez
fréquents dans les textes grecs : le saint demande un délai
pour avant son supplice on parle de Dagnus, qui ap-
prier, ;

paraît dans la légende de Christophe le terme de protoparens ;

est à moitié grec *. Si Ton songe que le début du vif siècle


voit s'épanouir en Italie la légende byzantine, on considérera
comme très probable notre hypothèse. L'expression duca- —
tus spoletanus 2, qui appartient peut-être au texte primitif, la
datation par le quantième du mois, surtout, la rendent
presque nécessaire.
Trois points restent obscurs. Pourquoi placer en 246 l'avè-
nement de Gordien, qui mourut en 244. L'origine de Terreur
est-elle purement paléographique ?
Où placer Victorin, à Macerala ou à Assise? On ne le voit
pas clairement ^
Faut-il croire que notre texte est un remaniement d'un
texte du vi^ siècle, ou faut-il expliquer par une inQuence litté-
raire l'insistance de l'auteur sur le Dieu trine et un % et sur-
tout sur la spontanéité du martyr?

^ Cf. dès le vi<^ siècle, dans Processus, tnellopvinceps^ Cf. G. M. R., 1, 303.
- Cf. Hartmann : Geschichte Italiens im Mittelalter^ 11, 1 (1900), 45, 110,
252, 269; 11,2 (1903), 12, 34, 38, etc..
^ « Tune unus ex eis... decollavit eum sub monte Jovis, iuxta flumen quod
Tescium dicitur in Macerata villa, intrante iunio die tertio decimo »
[13 juin 671].
* Cf. Terentianus D, au chapitre suivant.
\{{} TRADITIONS D OMBRIE

Gestes
U Arménie livra au supplice (? ad correptionem) les enfants
dVEini- de la grâce {de Dieu) ; elle se choisit des martyrs qui montre-
Spolète 1 raient jus qii oh allait leur charité, jusqu'à V effusion du sang.
L'un d'eux est notre martyr yj^milianus^ dont on m'a or-
donné d'écrire la vie. (Donc), il venait d'' Arménie (de JJer-
minia regione) et arriva dans la cité de Spolète. Comme su
sainteté éclatait aux regards, on chercha quelle ville avait
besoin d'un évéc[ue on apprend que la civitas lucana rCen
;
avait aucun, on l'y envoie. Il y trouve des nobles de la fa-
mille des Anchi {? de Anchorum génère) qui le demandent
pour évêque : et les Anchi vont à Rome et obtiennent gain de
cause. Mais, tandis qu'il exhorte le peuple à abandonner les
idolesy Maximien augustalis de Tuscie [? augustalis ïuscise?)
fait rechercher soigneusement les chrétiens. « Tu es fou, » dit-il
à yEmilianus, lorsqu'on le lui amène. c Non, répond le —
saint ; éant que les dieux des nations sont les démons
il est
et que sera déraciné celui qui leur sacrifie. » // défie les
prêtres, et guérit un paralytique qu'ils ont été inhabiles à
sauver, malgré leurs invocations à Asclepius, à Hippocrate,
à Jupiter, à Galien et autres dieux. Les médecins furieux
grincent des dents et poussent l'empereur à le tuer. On rétend
sur le chevalet, on lui brûle les côtes ; mais le Christ lui ap-
paraît et le réconforte, et desséche les mains du bourreau, et
éteint les lampes. Une seconde fois, le Christ vient le secourir
lorsqu'on dans une chaudière. Il accourt encore, lors-
le jette
qu'on précipite le martyr, une pierre au cou, dans le fleuve
Cleoton ; et lorsque, dans l'amphithéâtre, on lance sur lui les
bêtes féroces. Mille habitants se convertissent, que Maximien
met à mort. Mais le Christ sauve encore yEmilianus lors-

'
1 B. H. L., 107 [Bibl. Casinensis, m, flor. 49] : « Et enim Hermenia quidem
tradidib... »
^MILIANUS DE SPOLÈTE 111

quon raccroche à la roue et le saint raille et maudit V empe^


reiir, fils du diable, u Comment sais-tu que nous sommes
inaudits Dj demande Maximien, « Je Vai appris de mon —
maître, le prêtre Hilarianus ». Maximien l'oivoie quérir et, ^

sur son refus de sacrifier, il le met à mort ainsi que ses deux
frh'es, Denys et Ilermippe ; mais un tremblement de terre
jette à terre les idoles.
a Hilarianus et ses frères ont sacrifié », dit Maximien à

.Kmilianus. Celui-ci a appris par l'Espril-Saint qu'ils ont


été couronnés ; il défie Maximien de les lui montrer et lui dé'
clare ([uil ment comme un chien. Tandis qu'on le conduit à
la mort, il convertit et baptise beaucoup de gens ; puis il sup-
plie humblement Dieu de le recevoir par la main de ses anges
et de donner à ceux qui se souviendront de lui une foi droite^

la guérison de leurs maux, la rémission de leurs pécJiés,


Quand on veut le frapper ^ au 3^ mille de la civitas lucana, le
glaive du spiculalor devient aussi mou que la cire : il implore
son pardon ; yEmilianus le lui accorde et obtiejit la vie éter-
nelle pour ceux qui célébreront sa fête. En lui annonçant
cette faveur, une voix céleste ajoute : « on ne Rappellera plus
^Emilianus, mais le miséricordieux [iani non diceris yEmilia-
nus, sed niisericors uocaberis] ». // contraint les spiculatores
à le frapper, et ceux-ci, après avoir baisé ses membres, le
frappent en effet. Aussitôt son corps prend la blancheur de
la neige, son sang la blancheur du lait ; Volivier auquel on
Va lié se couvre de fruits ; beaucoup se convertissent. Le bien-
heureux yEtnilianus évéque a souffert le martyre au lieu qui
est dit Carpiani, à un tiers de mille du fleuve Cleo ton

\?? tertia pars miliarii de ipso llumine qui Cleoton ^ vo-


caturj, et son corps est enseveli par les fidèles le cinq
des /calendes de février, tandis que règne Notre Seigneur
Jésus-Christ qui vit et règne, Dieu, dans tous les siècles des
siècles. Amen,

Il est certain légende est parente des XII Syriens


que cette
et de Victorin d'Assise ici et là, le héros présente la physio-
:

nomie curieuse d'un apôtre de l'Ombrie originaire de l'Orient

* J'imagine que ce vocable désigne le Glitumne. Cf. les gestes de Crispo-


lilus, 12 mai 22.
112 TRADITIONS d'oMKHIE

(Syrie, Assyrie, Arménifi) ; ici et là, le texte porte la trare


des préoccupations eccl(;siastiques des Spolclains ce sont les :

Spol(Hains qui cherchent en quelle viUe envoyer un aussi


digne évèque mais ;

et ceci ra[)peMe Viclorin, c'est le —
pontife de Rome qui confère à l'Arménien l'épiscopat de Lu-
canie. Notre rédacteur ne favorise pas Spolète ; mais il té-
moigne du prestige qui l'entoure. —
Et trois faits de moindre
importance confirment notre thèse. L'olivier auquel on at-
tache /Emilianus se couvre soudain de fruits pareillement, ;

dans Jea?i Penariensis^ on a vu soudain fleurir l'arbre sous


lequel repose le saint \ Le Codex Casinensis CXVll (de
la du x^
fin siècle) est, à ma connaissance, le seul ma-
nuscrit où se lise le texte qu'on a résumé la composition :

de ce manuscrit manifeste l'origine ombrienne de l'arché-


type ^. Ici et là, on semble viser les Ariens Viclorin insiste :

sur le Dieu trine et un, iEmilianus sur la rectitude de la


foi.

Il est encore certain que


légende rappelle ASa^mi/^, Donat^
la
surtout Valentln. Gomme Sabinus, elle présente un augus-
talis. —
Le maître d'^Emilianus, Hilarianus (?), ressemble fort
au maître de Donat, Hilarinus ou Hilarianus, d'autant que
tous deux sont présentés comme des moines {domine pater,
ainsi l'appelle iïlmilien). —
Je remarque, enfin, la liste des
dieux qu'invoquent les prêtres païens deux d'entre eux ne:

sont autres que les fameux médecins Galien et Hippocrate et ;

l'on assure que, lors de la guérison du paralytique, les méde-


cins grinçaient des dents, abierunt medici stridentes dentibus.
Le rédacteur à! JEmilianus s'intéresse aux choses de méde-
cine comme l'auteur de Valentln de Terni et de Donat^ il op-
:

pose complaisamment à l'ignorance des médecins le pouvoir


miraculeux de Tévêque.
Les gestes d*^milianus nous font souvenir encore de
quelques textes du vue siècle. Leur auteur paraît être un
moine, qui écrit sur l'ordre de son abbé tel semble le cas de :

Victori7i-Séve)nn et de Cassien (qui nomme Asclépius). — L'au-


teur est un poète qui fait parler en vers le martyr, tandis
qu'il marche à la mort.

1 Cf. aussi le rôlede Tolivier dans Agathe [G. M. R., ii, 201, note 1].
- Bibliotheca Casinensis, iome III. —
Cf. G. M. H., vi.

I
UN ASCÈTE ET UN MARTYR CONFONDUS 113

« Omiiipotens dominus, celi terreque creator,


Jehsu Christe, deus roi^um, sumina potestas,
Oninia qui iuste modéras nioderamine saucto 1

De celis ueniens natus de uirgine sacra,


Postquam mille modis miracula sancta dedisti,
lu cruce coiifixus salvasti sanj^uine mundum
Unde luis famulis donasti forte trophœum
Demoniacas fraudes par quod confringere possint... »

Oq voit pareille chose dans le ^


remaniement de Félicité
11 est très assuré, enfin, que Tauteur subit rintluence delà

Légende grecque. L'origine orientale qu'il assigne au martyr


nous l'indique ;dont il use pour recommandera
et Tartilice
ses lecteurs le culte d'^^milianus le prouve plus clairement
encore il leur promet, par la voix de Dieu, toute sorte de
:

bienfaits.
Precamur humiles,,., implorantes simul et pro omnibus qui
memores extiterint nostri ad reverentiam noniinis tui. Trihuas
eiSjquesumus, domine, fidei rectse constantiam, infirmanti-
l)usmedellam...; et si in delictis.., ceciderint , et clamaverint . .

ex gemitu cordis..., exaudi in celo et propitiare impietati


eorum... Quicumque colunt meam festivitatem et faciunt
commemorationem (meam), habeant partem cum domhio,,.,
b. maria..., et b. michaele archangelo... in regno tuo. Vox de

celo (respondit) : Quecumque petisti, ego exaudiam te.

Pareils traits sont communs dans


K les textes grecs
Nous sommes ainsi conduit à penser que la légende date du
temps des Lombards et de l'exarchat de Havenne, plus préci-
sément du vue siècle. L'auteur est évidemment à chercher
parmi les moines de Spolète et d'Ombrie.
Restent deux points obscurs. Après avoir accordé à
i'Emilianus ce qu'il demandait, la voix céleste continue
ainsi :

lAM NON DICEBERIS .^MILIANUS^ SED MISERICORS UOCABERIS.

11 s'agit ici, semble-t-il, d'un changement de nom. Mais


quelle est la portée de ce détail?
D'autre part, quelle est l'origine de la légende? Doit-on

' B. H. L., 1855 [10 juillet, i4 on 13 ; ou Kuastle : 133]. Là-dessus, cf.


Kunetle, p. 124-133.
- Cf. Biaise, etc.. G. M. R., v. La prière qu'adresse le martyr à Dieu afia
que son âme soit reçue par les anges, le sang blauc comme le lait rappellent
aussi les textes grecs. Cf. Victorin d'Assise [délai pour prier] et Eiitychius,;

m 8
114 TRADITIONS d'oMBRIE

(lire qu'elle dérive d'un culte, comme il arrive le plus


souvent? Ou
bien a-t-elle une autre origine mystérieuse ?
Voici, dans l'état actuel de nos connaissances, l'hypothèse
qui semble le plus vraisemblable. y a eu,
Il — c'est Gré;_^oire
le Grand qui l'atteste \ — vers le milieu ou la fin du vi^siècle,
un pénitent fameux nommé yEmihanus. On lui donne un se-
cond nom ; il entre de bonne heure dans la lèrjende ; son his-
toire témoigne de la miséricorde de Dieu. Notre ^milianus
l'Arménien ne dérive-t-il pas d'une transhguration dVEmilia-
nus le pénitent - ?
Et comment expliquer qu'on Tait qualifié de martyr?
yEmilianus le pénitent n'est pas honoré comme tel. Il
y —
avait un martyr i^milianus dont l'histoire^ très authen-
thique, avait été popularisée en Italie par Cassiodore. Dans le
récit que fait celui-ci de la persécution de Julien, on lit cette
phrase :

In Dorostolo vero, insigni Thraciœ civitate, A^milianus in-


victissimus decertator, a Capitolino wiiversœ Thraciœ judice
igni traditus esf^.
Les Romains s'intéressaient aux martyrs du Danube peut- :

être lisaient-ils les actes d'^milianus comme ils lisaient les


actes de Quirinus, d'Irénée ou de Pollion ^. Le souvenir du

1 P. i., 76, 1257, § 18. Cf. le texte cité tout au long, injra, chap. xi.
2 Oùvivait et daûs quel monastère se réfugia ^milianus le pénitent? Gré-
goire ne le dit pas; et nous connaissons trop mal la vie de Maximianus,
sou auteur, pour suppléer à son silence. —
Mais je remarque que les deux
légendes où reparaît le souvenir d'^milianus-Victorinus sont attachées,
l'une à rOmbrie, l'autre au Picenum. Le Picenum, l'Ombrie [on peut ajouter
la Lucanie] sont régions voisines l'une de l'autre c'est de ce côté qu'il faut
:

chercher le pays de notre saint. ^H


Quel est le lieu que désignent ces mots civitas lucana'?
: ^^^B
Je rapproche l'expression civitas lucana d'autres expressions analogues :

civitas aurelia [Basilidé], civitas valeria [L. P., i, 317]. Cette expression est
étrangère à saint Grégoire qui emploie couramment le mot provincia, pour
signifiermême un territoire urbain [Cf. DiaL, iv, 22. P. L., 77, 353. G... —
provincia quœ Sura nominatur]. Mais l'usage de Grégoire montre combien le
gens des mots provincia, civitas, se transformait vers l'an 600. Cf. Diehl :

op. laud., 22.


Je ne crois pas qu'ily ait aucun rapport entre notre ^Emilianus, JErni-
lianus de Pontgibaud [Grég, Tur. Vit. Pat., 12. —
P. L., 71, 1061] ni .Emi-
lianus l'Espagnol [Braulion Viia JEm. P. L., 80, 701]. Mais saint Grégoire
:

nous parle d'un notaire de l'église romaine appelé iËmilianus [Ep. xi, 15. —
Hartmann, ii,
276J.
^ vi, 16 [P. L., 69, 1040, C,]. Cassiodore dépend
Hist. Trip., de saint Jé-
rôme Chronic. a. 266
: « ^milianus ob
: ararum subversionem Dorostori a
vicario incenditur » [P, L., 27, 691-692].
* Cf. supra, ^i G. M. R., ii. 221.240 Chapitres x et xi. Noter que la citation

J
UN ASCÈTE ET UN MARTYR CONFONDUS 115

niarlyr de Doroslorum se confondit, j'imagine, avec celui


qu'avait laissé iEinilianus le pénitent : ainsi naquit la légende
d'-^Emilianus de Spolète.
On voit quelle est la richesse de la légende de Spolète et
d'Assise, combien étroite la parenté des textes où elle
et
s'exprime, et combien forte l'influence qu'exercèrent sur elle
les gestes romains et les traditions grecques. Ce fait est sans
doute en rapport avec l'importance du pays à l'époque lom-
barde Spolète était capitale d'un duché très puissant dont les
:

rapports avec Rome étaient assez intimes *.

qui sacrificant diis eradicahuntur se lit dans Quirinus et dans Irènéô [G. M.
R,,ii, 221, 241] comme Ad^u?, yEmiliayius, et que les deux saints sont également
jetés dans un fleuve, une pierre au cou. Noter que les mots : Hilaranus et
868 frères ont été couronnés s'expliquent peut-être par un souvenir des IV
coronati. L'auteur connaît certainement les textes panuoniens.
Je me demande si, dans le mot Anohi, il ne faut pas lire Anicii, qui sont
cités dans Juvénal [cf. supra p. 85]. On sait que saint Grégoire est un Ani-
cius son notaire iEmilianus ne serait-il pas l'auteur de notre texte ?
; — Quant
au locus Carpiani, cf. le « fundus Carpianus, in pago salutari », cité dans la
Tnb. alim. Ligur. Braebianorum [Mommsen, 1534, col. 3, ligne 15, d'après de
Vit: Onomasticon].
* Hartmann, ii. 1, —
43, 48, 63, 245 Les rapports de Rome et de Spolète
au viii« siècle sont très bien connus [politique de Grégoire III et d'Hadrien I^i].
CHAPITRE V

TRADITIONS D'OMBRIE
MA AMERINA
LES SAINTS TERENTIANUS, CASSIEN, FIRMINA, SECUNDUS,
CRESCENTIUS, CRISPOLITUS.

Dès la fm du vi" et durant tout le cours du vu"* siècle, deux


grandes routes traversaient l'Apennin. L'une était aux mains
des Lombards; voie Flaminienne qui, fran-
c'était l'antique
chissant le Tibre à Otricoli, par Narni, Bevagna, Foligno, No-
cera atteignait l'Apennin, et, de la montagne, gagnait la mer.
Quand les Lombards, en 571, avaient occupé Spolète, Foligno
et Nocera, Rome s'était trouvée coupée de Ravenne ; d'autant
qu'ils s'étaient emparés encore de Todi de Pérouse.
et
L'exarque Romanus reconquit et sut garder Pérouse '

[590-597] et il organisa fortement la défense d'une voie stra-


tégique impériale passant par ce point et reliant, parallèle-
ment à la voie Flaminienne, le versant tyrrhénien au versant
adriatique. « La nouvelle voie... quittait Rome par la Via
Cassia, et, un peu au nord de Baccanœ (Baccano), empruntait

* € Dura reverteretur Raveona (Romanus) retiouit ciuitates quas a Lon-


gobardis tenebantur. Sulrio, Polimartio, Hortas, Tuder, Ameria, Perusia,

Luciolis et alia multa ». L. P., i, 312, 3133. Cf. Paul Diacre. H. L., iv, 8
(M. G., p. 118) et Gregorius Magn. praef. Hbri II in Ezeohielem.
H8 TRADITIONS d'oMMRIE

la Via Amcrina. Par Nepe (Nepi) ot Gallcsium (Galleso), elle

gagnait le Tihre qu'elle traversait à llorla (Orte), puis par


Ameria {KmaXidi), /wûfer (Todi) du Tibre, elle at-
et la vallée
teignait Pérouse. De là, elle rejoignait par deux voies la voie
Flaminienne, soit en gagnant par Guhhio le poste de ad Ense
(Scheggia), soit en aboutissant à la place de Tadinum, recon-
quise par les Byzantins en juillet 51)9. De là, par Lucioli,
Gallium, Petra Pertusa, elle gagnait la Pentapole \ »
Quelles sont les légendes qui lleurissaient dans ces cités? Et
dans quel rapport sont-elles avec les gestes romains?

Gestes de
\^^ p^^g vieille est probablement la léorende
^ de Terentianus.
Ter eu- *^
, , .
^
tiauus de Confier à l'écriture sauver de l oubli les triomphes des
et
Todi 2
saints martyrs est un digne (labeur) : celui qui veut adorer et
imiter Dieu persévère avec plus d^ ardeur sHl lit les combats
des martyres. Disons donc le martyre du bienheureux Teren-
tianus, évéque de l'église tudertine. L'empereur Adrien, qui
s'appelle aussi Helios, c'est-à-dire Soleil, apprit à connaître
les miracles de Jésus-Christ tandis quil visitait V Orient ; il
crut aussitôt [illico credidit], se mit à réédifier l'église du
Seigneur^ restaura Jérusalem et envoya dans toutes les par-
tiesdu monde un édit interdisant d' inquiéter aucun chrétien à
cause de sa foi [per omnes mundi partes edictum proposait ut
nullus christianus pro Ghristo, nisi causa alius criminis, in-
ventus punireturj. Mais, à son retour à Rome, les sénateurs
et les adorateurs des idoles crient que, si on ne tue les chré-
tiens, c en est fait de la république. Le préfet de la ville,
Marianus, rappelle à l'empereur qu'il lui a déjà donné pa-

1 Diehl, 69-70.
2 B. H. L., 8000 [MoEûbritius, ii, 327] : « Sanctorum martyrum triumphos
stilo memoriae comeadare digaissimum est... » —
C'est le texte que j'ap-
pelle A.
TEBENTIANUS DE TODI 119

reil conseil ; il ajoute que, dans un pays [pagus] 'proche


la cite de Todi, un vieillard convertit tout le peuple. Ceci
se passait dans temple de Jupiter Capitolin^ le IV des
le
kalendes d'août. Adrien entend ce conseil avec calme et or-
donne de contraindre les chrétiens à choisir entre le sa-
crifice et la mort. Lœtianus^ proconsul de Tuscie et Andréa
togatus, qui Vassistent, tous les sénateurs et proconsuls
acclament Marianus et crient: « Très clément empereur,
que notre commune requête soit (approuvée par toi) et
publiée partout )). L'empereur lance un édit en consé- *

quence, que Lœtianus apporte à Todi et annonce aux nobles


et aux magistrats ^. Le lendemain, les ennemis quont les

chrétiens dans la Curie [de curiaj arrêtent saint Terentianus


et les religieuses [sanctimoniales] et les conduisent au pro-

consul Lœtianus Lœtianus le fait entrer dans son palais et


>

lui offre en vain l amitié d^ Auguste : depiiis qiiil prêche, les


prêtres et les vierges n obtiennent plus de réponses des idoles
et le feu s'' éteint dans les sacrifices. Terentianus expose la vé-

rité: le Fils de Dieu engendré de Dieu le Père avant tous les


temps et né d^une Vierge à la fin des siècles, et V Esprit-Saint
qui procède du Père et du Fils ; le Fils incarné pour sauver
l'homme trompé par le diable V Esprit-Saint égal au Père et
;

au Fils ; qui croit en eux est sauvé, si credideris, salvus eris.


— Et nos oracles ? »
(( —
« Dieu permet quelquefois que les

démons disent vrai ». « Sacrifie, » —


a Depuis que je suis


prêtre, je sacrifie à Dieu une hostie vivante et sans tache dans
le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ [sacriiico

Deo hostiam vivam et immaculatam quiB corpore et sanguine


1). J. C. conficitur]. )) —
« Cest donc souvent qu'on tue votre

Christ [fréquenter occiditur Christus vester]. » — a Le diable,


ton père, fa aveuglé. Le Christ n a souffert qu une fois ». On

* Ea voici le texte« Adrianus Inclytus triurophator. Ratum et iustum est


:

diis seruire omr.ipotentibus, per quos et nostra félicitas floret et respublica


guberDatur. Ubicumque iuventus fuerit christianus sacrilegiis aut diis sacri-
ficia olferut, aut tormentis diuersis intereat ». Propositutn est hoc edictum

quarto Kalendas auguslas in foro Traiani.


- Voici le petit discours de Laetianus « Viri patres et amici principum, co-
:

gDoscite promulpatum a Gaesare augusto edictum ut cultores deorum floreaut


et cliristiani nomiuis rei, si inuenli fuerint, pœois uariisque tormentis in-
tereant ». — Les nobles de Todi sont appelés dans le texte maiores. Félix de
SjM'llo p. 103. Eet-ce un équivalent de principales [Diehl op. laud., 95] ? Les
:

« magistrats » soni-ils leurs présidents, comme à Ravenne? Majores a sans


doute un sens très général [Ewald. i, 213. Gregorii Ep. m, 54], comme ^^ri-
ttiores, 'primates.
420 TRADITIONS d'oMHKIK

le bal, on le dépouille de ses vèle/tnejils et l'on découvre ses


parties sexuelles |?secr(3ta illius] ; rnais^ quand on apporte les
statues de Jupiter et d'Hercule avec un trépwd de l'encens,
et
Terentianus lève les yeux au ciel, et voici que le prince des
prêtres devient aveugle^ que les idoles et le trépied se brisent.
On le met sur le chevalet, on lui brûle les côtés, on lui coupe

la langue, on lui broyé les pieds, mais L.xtianus devient


m,uet et meurt subitement, quand on le rapporte chez lui. —
Terentianus est renvoyé à la prison par Lucidius et Gabinius.,
maîtres des soldats ; puis, un autre jour, /e^ augustales Celsus
et Leontius le font comparaître sur le forum. Mais le prince
des prêtres, Flaccus, est éclairé par une vision il recouvre ;

la vue à la prière de Terentianus et confesse le Christ, Fils


,

de Dieu. Dans le délai d'une heure qu'il demande et quit


obtient, il est baptisé et meurt avec Terentianus après avoir ,

été condamné par Celsus et Leontius. Les deux martyrs sont


décapités hors de la cité, près du fleuve. Le prêtre Exsupe^
rantius recueille les corps et les ensevelit au VIIF mille, au
lieu Pierreux [in (oco petroso] qui est appelé Colonia. Ils
ont souffert le jour des kalendes de septembre., tandis que
règne Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui honneur et gloire
dans les siècles des siècles. Amen.

Nous connaissons trois autres versions de cette légende. La


première, qui est conservée dans un manuscrit d'Orvieto,
commence parles mots Rediens Adrianus imperator de Hic'
;

rosolymis... elle reproduit le texte A, moins ce qui a trait à


;

la conversion d'Adrien. Je l'appelle texte B \


La seconde, C, se lit dans un manuscrit de la bibliothèque
de l'Oratoire, à Rome elle débute ainsi
; adhuc grauis erat :

persecutio christianorum per totam provinciam ut si quis non


prostratus idolis immolaret pœnis cruciaretur ^
La troisième, D, a été imprimée intégralement par les
BoUandistes et s'ouvre par le prologue suivant
"^
:

Anno cœsaris augusti XLII, expletis secundum hebràicam

^ Legendarius Orbevelanus, cité l^f septembre, 111, § 13,


[B. H. L., 8001].
2 H. L., 8002]. Codex romamis, cité eodern loco.
[B.
3 [B. H. L., 8003]. 1er septembre, 112. —
Je néfzlige B. H. L 8004 [Lectio- ,

nnrium ecclesiœ Teanensis, 1533, 8i<j;n., I, 1. i, 3. —


Ultra sopere qnain opor-
tet...] ce texte est un remaniement tardif, qui prétend raconter la translation
:

d'un bras du martyr à Teano, au second siècle •,]\l est divisé en 18 leçons [l^""
sept, m, § 13; et B, H. L.].
QUATRE VERSIONS DE TERENTIANUS 121

CJmstus Dei Fi-


iieritatem ab inilio miindi annis rlfJ52, Jésus
lins mundum suo sacravit adventu, Tiberii autem cœsaris oc-
tavo decimo anno passione sua mundum redemit^ h. Joannes
apostolus sexagesimo nono anno post passionem Domini,
œtaiis autem suœ nonagesimo septimo, temporibus Traiani
Ephesi placida nnorte quievit. A passione vero Domiiii annus
numeratur fere octogesimus quinlus, quando passus est s. Te-
rentianus episcopus temporibus Adriani imperatoris.
Elle ajoi te au texte A : 1. L'édit contre les chrétiens est
acclamé dix-sept fois par le peuple^ à Todi
Exsuperantius ; 2.
est assisté d'une pieuse chrétienne, Laurentia 3. Le rédac- ;

teur de 1) insiste sur l'immanence du Christ dans la Trinité.


La doxologie est ainsi formulée :

Régnante D. N. J C, qui cum Deo Pâtre vivit et régna


.

Deus in unitate Spiritus Sancti ;


et Terentianus dit à Laitianus :

Credas Christum Filium Dei una cum Spiritu Sancto in


'
Trinitate et in unitate persiste?item, et salvus eris,,. Dico D,
J. C. Dei Filium et Spiritum Sanctmn in unitate semper et
trinitate matière.
4. Après qu'on lui a coupé la langue, Terentianus crie Glo- :

ria tibi, Deus,


Elle supprime dans le texte A 1. L'histoire de la conver-
:

sion d'Adrien 2. Le délai d'une heure que demande Flaccus


; ;

3. Les mots sécréta illius 4. La durée du délai demandé au


;

moment du supplice 5. Le titre de magister militum donné


;

à Lucidius et Gabinius.
Elle modifie le texte de l'édit :

Victor Adrianus augustus inclitus triumphator perpetuus^


generali honore et pietate prascelsus loto orberomano sacris-
que diis immortalibus decus honoris. Justum est enim dûs
sacratissimis jugiter deservire per quos romana félicitas flo-
ret et respublica gubernatur et dignum est, ut secundum sug-
gestionem magnifici viri Marnani prœfecti justa postulatio
non denegetur. Ideo volo ut ubicumque inventus fuerit chris"
tianus., prius ad sacrificandum cornpellatur et, si hoc adim-
plere renuerit, variis affligatur tormentis ut diis nostris
per libationem sacrificiorum in omnibus honor augeatur,
Proposita est denique hœc iussio IV Kal. aug. in Foro
Traiani.
Elle fait de Marianus, non un préfet de Todi, mais un préfet
TRADITIONS I) OMBRIE

<lo la Ville, ù liomc. Il f3st roru par l'eniporour devant lo temple


de home, non dans le tem[)Ie d(; .Iu[)iter.
(le la ville

La légende —
dans ses parties communes à A, H, C et 1) —
apparaît comme étroitement apparentée à Sahinus d'Assise,
Voici les points de contact que j'ai notés 1. Un même per- :

sonnage, Exsuperantius 2. Même cadre administratif ; le :

gouverneur de Tuscie et le préfet de Rome, les Aiifjuslalas ;

3. Môme origine de la persécution, envoi de Rome d'un ordre


écrit; 4. Môme du peuple contre les chrétiens;
hostilité
5. Môme allusion à une même relique, doliolum vitreum ;
6. Même miracle ohtenu par des analogues la moyens très :

vue rendue à un aveugle, ici par le contact des mains, là, par
le contact des moignons 7. Môme apparition d'un Lucius, ici
;

magistrat local, là, envoyé de l'empereur 8. Scènes popu- ;

laires analogues 9. Libellé analogue des deux édits 10. Même


; ;

attitude du préfet de Rome, môme forme de la dénonciation.


Deux des particularités de D sont à retenir : elles portent
chacune sa date, et ces deux dates coïncident. Le prologue
chronologique nous reporte naturellement au temps de Denys
le Petit et des gestes de Laurent de Spolète, c'est-à-dire à la
première moitié du vi^ siècle il prouve que notre auteur con- :

naissait sans doute la Chronique de saint Jérôme '. L'inté- —


1 On lit Chronique de Jérôme « Anno ab Abraham 2010 Tertullianus
dans la : :

in eo libro quem
contra Judaios suscepit affirmât Chriatum 41 anno Augusti na-
tum et 15 Tiberii esse passum » [P. L.,21, 557-558J. [Tertullien écrit en effet,
op. laud., 8. « Videmus autem quoniam quadragesiuo^ et primo anno imperû
Augusti, quo post morlem Gleopatrae imperavit, nascitur Ghristus. » Cf. —
également Jérôme Comm. in Isaïam, 2 « Veteres revolvamus historias et
: :

inveniemus usque ad 28 annum Caesaris Augusti, cuius41 anuo Ghristus nalus


est in Judae... »]. Ce passage est peut-être une glose l'origine en serait donc :

antérieure au vie siècle. —


Le compte de» années d'Auguste est fait depuis
la mort de César. [P. G., 19, 531-532 la naissance de Jésus est datée de la
:

43e année du règne]. —


L'écart 41-42-43 s'explique sans doute paléographi
quement.
Le compte des années à partir de la création est-il également fourni par
Jérôme? On lit P. L., 27, 569-570 « Anno 15 Tiberii, compuiaotur... a se-
: :

cundo anno instaurationis templi... anni 548,... ab Abraham ;2044 a diluvio ;

usque ad Abraham 942 ab Adam usque ad dihivium 2242 » [cf. P. G., 19


;

533-534]. —
Or 2242 + 942 + 2015 [2044-29] 5199 et non 3952. Cet écart =
de 1247 ans s'explique-t-il par une erreur paléographique ou par l'utilisa-
tion d'une autre source? L'âge de saint Jean, qu'on donne plus bas (97 ans),
semble emprunté à une version des actes de l'apôtre Jérôme, dans sa Chro- :

nique, ne l'indique pas [cf. P. L., 27, 561-562, anno Ghristi 4|.
En revanche, on y lit la date de la mort de Jésus qui se trouve dans Te-
rentianus. P. L., 27, 569-572. J. C... « ad passionem ueuit anno Tiberii 18 ».
[Cf. Gauchie Revue d'histoire ecclésiastique]. On y trouve l'explication de la
:
INFLUENCE GRECQUE 123

rôt qu'il témoigne au problème de l'immanence de Jésus au


sein de la l'iMnité nous rappelle les polémiques contemporaines
d'Hormisdas et la décision de Jean H '. Le texte I), selon
toutes les apparences, date du second quart du vi° siècle-.
Les particularités du texte A ne sont pas moins révélatrices :

elles attestent l'érudition de son auteur et l'inlluence de la Lé-


i^ende grecque. Hadrien, dit-il, s'appelle Hélios. C'est une évi-
dente transformation du nom yElius, qu'a réellement porté
Adrien. —
Comme le conte notre texte, Adrien a réellement
restauré Jérusalem, qu'il appelle yElla CapitoHna. Adrien —
protégea les chrétiens il détendit qu'on les poursuivît en rai-
;

son de leur croyance il se fit chrétien lui-même. Ceci est une


;

évidente transformation du souvenir laissé par le rescrit


d'Adrien à G. MinuciusFundanus. Les historiens de Vhistoire
Auguste ont dû être consultés. J'attire l'attention sur ce pas-
sage de Lampride :

Christo ternplum facere voluit {Alexander Severus) eumque


inter deos recipere. Quod et Hadrianus cogitasse fertur, qui
lempla in omnibus civitatihus sine simulacris jnsserat fiein,
quie hodieque idcirco quod non habent numina dicuntw lia-
driani, quae ille ad hoc parasse dicebatur ; sed prohitntus est
ab /lis qui consulcntes sacra reppererant omnes chrisiianos fu-
turos^ si id fecisset, et templa reiiqua deserenda ^.
Je rappelle encore deux curieux passages d'Epiphane il :

voit dans certaines églises chrétiennes de son temps d'anciens


« Kadrianées » ^ Tout cela témoigne du travail légendaire qu'a

suscité la politique tolérante d'Hadrien et qui aboutit à nos


gestes. Mais je ne saurais dire si le rédacteur a directement
puisé à Lampride, ou s'il dépend d'un texte intermédiaire :

d'où vient, en particulier, l'histoire delà conversion d'Adrien?


Je ne serais pas surpris qu'on la rencontrât un jour dans
un texte grec. Notre auteur s'intéresse aux choses de Grèce.

date assignée par les gestes à la mort de Jean P. L., 27, 603-606, (anno),
:

2 (Trajaui), « Joannem aposiolum usque ad Trajani tempora Irenaeus episco-


puf»permansisse scribit. »
iG. M. R., I, 313 318, ii, 207-210. C'est le 15 mars 533 et le 25 mars 534
que la formule VUn de la Trinité a élé crucifié a été approuvée par Jusii-
nien, puis par Jean II [Code, i, 1, 16 Mausi, viii, 797, 8031,
;

- Peut-être D a-t-il subi quelques retouches. Je me demande si, primitive-


ment, Laurentia n'était pas présentée comme la femme d'Exsuperantius elle
;

ne se retrouve plus dans A. Pourquoi ?


3 Alex. Sever., 43 [Peter, i, 281].

* Hxres., 30, 12 : 69, 2.


124 TRADITIONS d'oMBRIE

Témoin son jeu de mots sur yElius-IIelios. Et je rappelle que


Flaccus sollicite un délai d'une heure au moment de sa mort :

trait fréquent dans les légendes grecques. Parmi les textes


ombriens, nous en avons déjà rencontré plusieurs qui pré-
sentent ce caractère, Viclorin d'Assise^ yEmilianus de Spolèlc,
certaines versions des XII Syriens^ j'ajoute Valentin de Terni,
Marcianus de Dracciano, etc.. N'est-il pas à croire que A est
est un remaniement de D opéré dans la seconde moitié du
VI® siècle? Le préfet de la Ville a survécu, on le sait, à l'in-
vasion lombarde, et de même les curies municipales.
Et du même coup j'explique les rapports de Sabmus et de
Terentianus. Terentiamis D est peut-être antérieur à Sabiniis :

Sabinus aura été modelé sur lui ou bien, si Sabinus est con-
;

temporain de D, il faut dire que les deux textes ont même


auteur ou émanent du même groupe. Quoi de plus semblable,
en efîet, que ces deux scènes où l'on voit Tempereur décréter
la persécution, à la demande des sénateurs, aux acclamations
de la foule ^?
On s'explique sans peine l'origine de B son auteur a voulu :

alléger la légende de la conversion d'Adrien c'est donc qu'elle ;

paraissait choquante, et qu'il écrivait à une époque de renais-


sance des lettres. Qui. sait si B ne date pas du temps des Ca-
rolingiens? Qui sait s'il n'est pas à peu près contemporain
deD?
Je ne dirai rien de G la description qu'en ont donnée les
:

Bollandistes ne me permet pas de le faire.


Le culte qui supporte le développement légendaire est soli-
dement attesté par le férial hiéronymien ; le férial donne la

même date que les gestes.


B. liai. sep... et in tudertina tuscia Terentiani epi. Felicis
Donati,
E. Kal. sep.., et in casino constanti aquinia soi prisai te-

rentiani epi ^.

Peut-être un Félix et un Donat martyre


ont-ils souffert le
en même temps que Terentianus peut-être n'ont-ils aucun;

rapport avec lui. Mais si son histoire authentique est à jamais

i Terentianus rappelle encore, outre Laurent de Spolèle^ Grégoire 1. Ici et :

là un païeQ Flaccus ; 2. Mort du persécuteur [Lsetianus, Flaccus] 3. Le ;

saint, prie les yeux au ciel ; 4. C'est l'arrivée d'un envoyé impérial qui dé-
chaîne la persécution locale.
De Rossi-Duchesne, 114.
'^
CASSIEN DE TODI 125

perdue pour nous, on voit bien que sa légende a pris forme


à l'époque gothique et qu'elle a été remaniée à l'époque grégo-
rienne*.

II

Tu mexhorteSy vénérable Bassien, monphre^ à imiter Atha-


nase et Jérôme et Sévère qui ont raconté la vie de Pauly df An^
toine et de Martin, et à conter à mon tour l'histoire de Cas-
sie7i^ évéque de Véglise de Todi. Bien qu inégal à la tâche je

t'obéirai. Donc, comme Dioctétien et Maximien reviennent


triomphalement de Numerantia (? Nicomédie) à Bome, Abla-
viuSy un brave, arrive avec eux à Todi. Il épouse malgré
Chromalius, préfet urbain, sa fille, qui lui donne un enfant,
Cassien ; celui-ci est élevé par le grand-père dans V étude des
arts libéraux ; et sa science est telle quHl guérit les mala-
dies; il est aussi fameux comme avocat. Sur quoi meurt Pan-
crace, sans enfant : c était le proconsul de Tuscie. Dioctétien
et Maximien donnent sa place à Aôlavius, avec Vassentiment

de Chromatius. Comme Ablavius arrive à Todi avec V ordre


des Augustes de tuer tous les chrétiens qu'il trouvera, on lui

Je remarque, précisément, qu'à l'époque gothique et à l'époque grégo-


rienne, les Romains devaient être au courant des choses de Todi. L'église
romaine de Sainte-Croix possédait des terres sur le territoire de Todi, depuis
Constantin \L. P., i, 180J. Les Impériaux reprirent Todi aux Lombards au
temps de saint Grégoire, dont un defensor, nommé Julianus, était intimement
lié avec l'évêque de Todi, Fortunat [L. P.,f, 312; Dialogi, i, 10. P. Z,., — —
77, 200] et Grégoire raconte longuement, d'après Julianus, la vie et les mi-
:

racles de Fortunat. Qui sait si la rédaction de D et de A n'est pas en rap-


port avec ces deux faits ? [Noter que le pape Martin I était originaire de Todi,
L P., I, 336].
Peut-être le premier rédacteur, D, connaissait-il les livres de Gésaire et les
textes lériniens : cf. les expressions si vis salvui esse [l^r sept., 115, § 12],
« si cognoscere vis » [§ 5, p. 113], « hoc te communeo ut... » [§ 7, p. 113, E],
Tinsislance sur la Trinité et l'Unité |cf. le symbole Quicumque]. Noter les mots:
diis per quos romana félicitas floret. —
Cf. dans A, la formule si credideris
salvus^eris. Cf. une formule analogie d^us Anthiiïie, supra, p. 54, note 3 et
58, note 1.
- B. H. L., 1637 [13 août, 27].
126 TRADITIONS D^OMBRIE

apprend que l'êvêque Pontien ophre beaucoup de conversions ;


il le fait tirer de la citerne où il se cache et ècorcher de la tète
aux pieds, Pontien déclare qu'il est chrétien, et écéque,
malgré son indignité. « De quel droit prêches-tu secrètement
ta doctrine j et fais-tu adorer un mort? » —
« Cest qu'il est
ressuscité. » — « Tache d'en faire autant ; car tu vas mourir. »

— que fai toujours souhaité. » Mais des légats des


« C'est ce
empereurs arinvent à ce moment^ qui envoient Ablavius à
Fano^ 0(1 il y a beaucoup de chrétiens Ablavius part^ et ;

meurt en route, tué par son cheval,


Pontien^ conduit à Rome^ est emprisonné ; mais Cassien Vy
vient trouver, — cest lui qui a tout raconté — il est baptisé
au nom du Seigneur son Dieu, puis il est fait clerc. Nommé
enfin évêque, il revient à Todi oit il organise des réunions pu-
bliques et instruit de nombreux scho lares. Et cest alors que
Maximien, ayant appris mort
la d' Ablavius au pont de Ri-
mini., qu'il déplore ainsi que tout le sénat, confère le procon-
sulat à Cassien son fils aîné, Donne à un autre, répond
a

Cassien, proconsulat ou la préfecture que tu ni* as attribué :


le

j'ai une autre préfecture, et un autre consulat^ je sers sous


un autre empereur. » Maximien comprend ce ciue cela si-
gnifie ; et il écrit à Chromatius, qui est à Milan comme
préfet, la mort de son gendre et la conversion de son petit- fils.
Retenu à Milan, où il doit prononcer la peine capitale contre
Sébastien, le plus noble enfant de la ville, Chromatius ne
peut revenir à Rome ; il y envoie donc son autre petit- fils Ve-
nustianus pour qu'il reçoive le proconsulat de Tuscie et pU'
nisse tous les chrétiens qu'il trouvera. Un troisième petit-fils
de Chromatius, propre frère de Cassien, Flaccus, est mandé
en même temps par Maximien et chargé par lui de faire élever
une statue à Jupiter sur les places de toutes les cités. En s^ ac-
quittant de sa tnission, Flaccus apprend qu'un certain Gré-
g oire pervertit le peuple de Spolète; il le fait comparaître,
mais, puni par Dieu qui venge ses saints, il meurt aussitôt
sur le forum de la ville.
Venus tianus, cependant, aiTivé de Milan à Rome, s'était
rendu à Todi pour y recevoir le proconsulat de Tuscie : il se
fait présenter Cassien son frère qui, battu sur le dos puis sur
le ventre, refuse néanmoins d'adorer Jupiter, précipite Uidole
à terre et la brise. Jeté dans l'huile bouillantCy Cassien ne
sent rien, et refuse encore d'adorer Jupiter, Mars, Asclepius
UN CENTON 127

et Minerve. Lorsqu'on relève de terre, un tremblement de


terre ébranle la ville et tue S8 païens animœ paganoram] ;
|

et^ quand on le ramène en prison, les jeunes gens sont sevrés de

renseignement de leur maitre. En vain un licteur les pousse


à F apostasie Cassien ressuscite devant eux par une prier cet
; ^

un sigïic de croix, 2in enfant tombé de cheval^ et il raffermit


l' finie de ses scholares. Or, tandis que Marc, Clet^ Tudinus
et Leontius sont étendus sur le chevalet, arrive un messager

de l'tmpereur ordre à Vcnustianus d'aller à Assise lutter


:

contre Sabinus, un autre séducteur. Il part, en effet, après


avoir donné l'ordre quon laissât son frère mourir de faim.
Mais les élèves de Cassien se révoltent contre leur maître, le
frappent de leurs tablettes et de leurs stgles ; le geôlier les
délivre et garde Vèvéque. Celui-ci, tout blasé, est maintenant
en butte aux railleries ; enfin une lumière céleste resplendit :

il va rejoindre Dieu. Son sang est recueilli par une noble ma-

trone dans des ampoules de verre ; son corps est embaumé, puis
enseveli in finibus arcis regiae. Il est mort le Î3 aoitt, grâce
à Notre Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles
des siècles. Amen,

Ce texte manifestement les gestes de Sabinus et les


utilise *

gestes de Grégoire -, ainsi que la tradition relative à Cassien


d'imola, qu'a chanté Prudence ^ c'est à ce dernier, sans
:

doute, que Cassien de Todi a emprunté, avec son genre de


mort, la date de son anniversaire.
Je crois aussi que notre texte est parent des gestes de Fir-
mina, des gestes de Pontien *, des gestes d'Herculanus et des
gestes de Valentin les scholares, le personnage de Pontien
:

dont on fait un évêque, mais non pas un évoque de Todi, le


supplice d'écorchement qu'on lui inflige, certains détails tels
que l'introduction d'un préfet urbain ou l'intérêt qu'on porte
au sénat nous invitent à le croire.
J'ajoute enfm que les gestes empruntent à la légende de
saint Sébastien le personnage de Chromatius, comme Firmina

Cf. supra, p. 87. Venustianus ; Sabinus est expressément cité ; l'allusion


'

ironique à la résurrection de Jésus : libre à toi de ressusciter.


- Cf. supra,
p. 9(S. Le persécuteur Flaccus, les animx paganorum, le trem-
blement de terre. —
La formule : de quel droit... vient des Martijrs grecs
(ou de Sabinus).
^ B. H. L., 1625 [Prudence Péri Steph., ix.
: —
Ruinart, 553].
* Rôle de Pontien. —
Cf. Constantius, —
LeoDtius vient de Terentianus.
128 TRADITIONS d'oMBRIE

em
emprunte Olympiades à Ahdon-Sennen, comme fait surtout la
1 <3^endo d'Anlhiiiie : le rédacteur a voulu donner à son écrit
unne apparence de vérité en la rattachant à une légende très

célèbre; ilveut qu'on voie dans son Cliromatius, c'est très


clair, le grand personnage qui se convertit et devient l'ami
de saint Sébastien.
Je remarque précisément que nous avons des traces du
culte de Sébastien aux environs de Todi une pieuse femme :

y avait consacré un oratoire à ce martyr \ et la consécration


en avait été marquée par des incidents assez piquants saint :

Grégoire nous les fait connaître. Il les a appris par un ami in-
time de l'évêque de Todi, Fortunatus, un certain Jidianus, de-
jensor ecclesice romanœ. On s'explique bien que la légende de
Sébastien ait influencé une légende de Todi.
A quelle époque remonte notre texte? Le caractère compo-
sitede cette satura, la datation par le quantième du mois font
songer au vu® siècle.
L'allusion d'Athanase, de Jérôme, de Prudence
aux écrits
et de Sulpice 'Sévère, montre que le rédacteur est digne d'être
rangé parmi les scholastici. Le titre de père que l'anonyme
donne à Bassien permet de croire qu'il est un moine et que
Bassien est son abbé ^ Peut-être est-il contemporain de Te-
renlianus A de Félicien et de Juvènal.
Mais je ne vois pas que, pour le moment, on puisse préciser
davantage. On peut seulement craindre que Cassien de Todi
ne soit un double légendaire de Cassien d'imola celui-là a :

même anniversaire, même nom, et, en partie, même histoire


que celui-ci; aucun calendrier ne le mentionne. Qui sait si ce
n'est pas une relique du saint d'imola qui a suscité d'abord le
culte, puis la légende de Todi?

1 Dialogi.y i, 10... « Fortunatus..., Tadertiaae autistes ecclesise... Huius vjri


familiarissimus fuit Julianus nostrae ecclesiae defeasor, qui ante non longum
tempus in hac urbe defunctus est cuius ego quoque hoc didici relatione
;

quod narro... Matrona quaedana nobilis in vicinis partibus Tuscise nurum ha-
bebat quae intra brève tempus quo filium eius acceperat, cuna eadem socru
sua ad dedicationem oratorii beati Sebastiani martyris fuerat invitata... »
jP. L., 77, 200, B. G.I.
' Comparer ledébut de Victorin Séverin. Qui sait si les textes ne sortent
pas du même groupe de rédacteurs ?

I
FIRMINA d'aMELIA 129

III

^^^ Au
temps de Dioclétien auguste le consularis Olympiades
a i reçut V ordre sacré, fit faire de longues recherches et apprit
que la vierge Firmina, fille du préfet urbain Calpurnius,

< connue que par un texte qu'a retouché Su-


Cette légende n'est jusqu'ici
rius, selonson habitude [éd. 1618, xi, 517]. —
Il ajoute que les reliques ont

été ignorées pendant plus de 500 ans, naais que Firmina apparut à l'évêque
d'Amelia Pascal [vers 868-879]. Il puise à une vie de Firmina rédigée par
Antonio Maria Graziani, évêque d'Ameria, du 17 février 1592 jusqa'au i^r avril
I
1611. —Voici la plus grande partie des gestes anciens de sainte Firmina :

I
je les ai trouvés dans Je Codex A. 2. Arch. Cnpitul. S. Pétri in Vaticano
[du xe-xie siècle].
j
[f. 45|. « Incipit passio scee Firmine martyris raense ianuario die decimo.
Temporibus Diocletiani augusti cu"'currit sacra praeceptio """''/ ad Olimpiadem
j
quemdam consularem et cum
diu inquisitio fieret, uuntiatum est ei quod
esset puella uirgo filia Galpurni prsefecti urbis, in quodam
nomine Firmina,
fundo suo sedens et fervens in Spiritu Sancto ieiuniis et orationibus insis-
tens. Et cum audisset hoc augustalis Olimpiades misit in fundum qui vocatur
agolianura in uicum qui ponitur eruglo non longe a eivitate quœ vocatur
IAmerina quasi miliaro octauo et fecit adduci puellam nomine Firminam eo
quod audisset quia ex senatoria dignitute descenderet... « (Imperatoris prae-
:

cepla sequere, ioquit) et ego te fruar in conuiuio meo »>. —


Leuauit oculos ad
cf>?luin (et dixit) « habeo sponsum ».
: —
« Kamns et manducemus quia hora
est iam diei sexta. » Firmina respondit «: Jubeat sublimilas uestra prandium
percipere quia nobis non licetlcum alienigenis accipere panem... ». « —
(Vade)
in cubiculum tuum... ». —
Illa autem cadens in faciem in pauimentum et ado-
rauit D. N. J. C... Olympiades satiatus (ingreditur, eam amplectitur; sed eius
manus aridae fiunt)... Firmina iterum se jactauit in pauimentum « ostende :

super incredulum istum misericordiam tuam ut cognoscat te deum creatorem


omnium rerum... « (Et dixit Olympiadi) « crede in D. J. G. et baptizare in no-
:

mine dni nostri et in nomine trinitatis et salvus eris... « Eodem tempore misit
ad quendam presbyterum nomine Felicem... audiens Félix de rogatu Firminse,
;

uenit cum gaudio magno... Intrœunte eo facta est lux magna média nocte.
Tune Olympiades augustalis mirari cepit in introitu eius et uoce clara dixit :

« vere misit te Christus, quem domina mea Firmina praedicat. De qua re adiuro
le ut baptizes me in nomine Ghristi filii dei. » Dicit ei Félix « si credis ex toto
:

corde et ex tota anima, dabuntur tibi omnia bona a domino nostro creatore
omnium rerum... Ego credidi et sic spero quia in nomine Domini J. G. sal-
uus ero ». Eadem hcra accepta aqua benedixit et baptizavit eum in nomine Trini-
tatis « Credis in Deum patrem omnipotentera » —
Et ille respondit « credo.
:

— Et dixit ei « Et in Ghristum Jehsum filium eius dominum uostrum


: uni-
cuna ». —
Et ille respondit: « credo ». —
" Et in Spirilum sanctura » Et—
III 9
130 TRADITIONS D^OMRRIE

hahilait une terre et y vivait dans la prirre et le jeane. ()lijra-


piades l'envoie donc chercher au furidus a^Miliauus, au hourt/
(l Eruiflo^ non loin de la cité ([u^m appelle Arnelia au hui-
tième mille. Comme elle est de famille sénatoriale, il la re-
roit honorablement^ lui communique les ordres des empereurs,
et lui propose... de V épouser. « J'ai déjà un fiancé, répond-
elle. » —« Viens donc nous mangerons ensemble ; voici la
;

sixième heure. » —
« // ne nous est pas permis de maarjer

respondit « credo ».
: — ïunc cœpit claraare et dicere Olympiades « uere co-
;

gnoui recuperationetn membrorum meorum. » Eadem hora suscepit eum de


fonte b. Firmina sanum atque iocolumom alque optulit pro eo Félix presbyler
sacrificium et participât! sunt omoes corpus et sauguiaem domini nostri et in
doQio eius baptizati suât tere promiscui sexus animae centum quinquagiuta
octo, et habitauerunt paucis diebus in unum.
« Nuntiatum est Diocletiano imperatori quia cbristianus fuisset Olympiades,

In loco ipsius ordinauitMegetiuoi augustalem... Ueniens antem Megetius... te-


nuit eum et presenlibus senatoribus curiaî iussit eum in ciuitatem quae uo-
calur amerinse in foro adduci « Sic stultus et amens factus es ut deosquos

a cunabulis adorasti, pro sexam fragilem deseras » —« ... Ego deserui uani-
tates faisas et modo cognoui ueritatem integram » — « ... Utere claritatem
senatoriam et divitias et sacrifica... » —
Olympiades respondit dicens « slul-:

tus effectus es... » (In equuleo suspensus Olympiades precatur J. C.) « res-
:

pice me peccatorem servum tuum » Flammae ad latera... (Olympiades Deo


I

gratias agit et spiritum reddit) (corpus a Firmina collecLum sepclilur) in


;

prœdio suo in fundum agulianum sub die Kal. décembres.


« (Firminam jussu patris in domo clausam ut nihil de facultatibus distribuere

posset, Megetius interrogat: « Nosti quod iusserunt invictissimi principes. Sa-


crifica ».— Postquam negauit, quaestionarii eam caedunt, quorum unus a Fir-
mina curatur et Gliristo crédit. Megetius iratus, frendens ut leo, uirgiuem
caedi iubet. Firmina) gaudens et exsultaus cœpit dicere ; « Gloria tibi domine
meus J. X. qui non reddis secundum peccata mea... » — « Infelix quse nata-
les tuos perdidisti et exuta facultatibus quare... non frueris divitiis tuis? »
:

— « Quod bonum est quaesiui et inueni, quod est uita alterna perpétua " —
« Sacrifica uel morieris » — Firmina subridens dixit ad Megetium : « Ego
peccatrix semper hoc optaui et desideraui uidere ». —
« Exlendite eam in pa-
uimeuto et castigate eam fustibus... » Gum simulacrum Jouis (allatum est,
exspuit) in faciem Jouis et continuo reliquatum est uelut lutum — Megetius
exarsit dentibus sicut canis (virgo laetatur dicens
;
« gloria tibi domine... quia
:

nihil sentio » — « Ut video uincunt magiee tuae carmina » — « Non ego te


uinco, sed Dominus meus J. X. fîlius Dei uiui ipse te uincit » — (Capillis sus-
pensa) Firmina clamabat uoce magna « Domine J. C. filii dei uiui pro cuius
:

amore omnia respui, adiuua me ancillam tuam. » Et benedicens emisit spi-


ritum. Corpus jaclatur in uicum qui uocatur eruglo ad exemplum christiano-
rum. Honorius quidam ilJud sepeliuit in fundo qui uocatur agolianum non
longe miliario octauo a ciuitate quœ vocatur amerina sub die octaba K. de-
cembris in pace. Amen. »
u Post dies autem xx exquisiuit facultates eius quas ardore cupiditatis inua-
sit. Audiens haec quaestionarius nomme Ursianus (miltit) ad quemdaui presby-

terum Valentiuum... a quo baptizatus... liauennani missus, capite truucatnr


sub die ydus iauuarias, requieuit in pace gloriûcantes Deum Patrem omnipo-
tentem et filium eius J. G. una eum Spiritu Sancto cui est honor et gloria
in ssecula sseculorum. Amen. »
ORIGINES DE LA LEGENDE 131

avec des étrangers. » — « Va donc dans chambre. » Et


ta
Firmina tombe la face contre terre et adore Notre Seigneur
Jésus-Christ. Tont à coup, Olympiades arrive; il a bien dé-
jeuné, il veut embrasser la vierge. Mais ses mains se des-
sèchent. Firmina se remet en prière elle dit à Olympiades
;

de croire au Seigneur JésuS'Christ, de se faire baptiser en


son nom et au nom de la Trinité : c'est ainsi quil sera guéri.
Quand arrive le prêtre Félix quelle a fait quérir, une grande
lumière éclaire la nuit ; Olympiades croit au Christ que
prêche Firmina, il est baptisé et giœri, et Félix offre pour
lui le (saint) sacrifice, et tous participent au corps et au sang
de Notre Seigneur. 158 dmes de Fun et Vautre sexe sont bap-
tisées en même temps : ils habitent tous quelques jours en-
semble.
Dioctétien apprend la conversion d'Olympiades et donne sa
fonction à /'augustalis Megetius. Megetius arrête Olympiades
e/, en présence des sénateurs de la curie, il le fait conduire au
forum d'Amelia. « Es-tu fou? Tu abandonnes les dieux de
ton enfance, pour une femme! » —
« J'ai abandonné les

vaines erreurs ; je connais la vérité tout entière. » — « Re-


prends ton rang et tes richesses : sacrifie. » —« C^est toi qui
es fou ! » Et, quand il est suspendu sur le chevalet, il im-
plore Jésus-Christ^ remercie Dieu et rend l'esprit» Firmina
ensevelit le corps dans sa terre, in fundum agulianum, le jour
des kalendcs de décembre. —Elle est bientôt interrogée à son
tour y refuse de sacrifier, et guérit un des bourreaux qui la
torturent. Megetius, grinçant des dents, la fait battre ; mais
elle glorifie le Christ qui n'a pas égard à ses péchés. « Pour-
quoi ne veux-tu pas jouir de tes richesses et de ta noblesse. »
— J'ai cherché et trouvé ce qui était boj2, la vie éternelle, »
((

— « Tu vas mourir, w — « C'est ce que j'ai toujours sou-

haité. Elle souffle sur une idole de Jupiter, qui est aussitôt
))

réduite en cendres. Elle ne sent pas les coups qui la fusti-


gent ; et, comme Megetius s'irrite de ces artifices magiques,
« c'est le Christ, dit-elle, cjui l'emporte sur toi ». Et, tandis

quelle est suspendue par les cheveux et qu'on lui brûle les
côtes, elle rend l'esprit. Son corps est jeté dans le bourg
d'Eruglo afin d'effrayer les chrétiens. Ilonorius P enterre dans
le fundus agulianus, au huitième mille d'Amelia, le H des ka-

lendcs de décembre. Vingt jours après^ Megetius s empare avi-


dement de ses richesses; Ursianus, un des bourreaux, l'ap-
132 TMADITIONS d'oMHRIF.

prend et se fait aussitôt baptiser par le prêtre Valentiîi. On le


dénonce, Megclius l'envoie à liavcnne où il est décapité le
et
jour des de janvier. {Des chrétiens V ensevelissent), en
ides
glorifiant Dieu le Vere Tout-Puissant et son Inls Jésus-Christ
avec le Saint-Esprit auquel honneur et gloire dans les siècles
des siècles. Amen.

Firmina d'Amelia inconnue du forial iiiéronymien,


est
du calendrier populaire, d'Adon et d'IJsuard: la seule Firnriina
que signale le premier de ces textes [vii-vi, id., octobr. ap- |

partient à un groupe africain.


Les gestes rappellent les gestes de Félicien, ceux de Gré-
goire et ceux de Sabinus. Comme dans Félicien, on introduit
ici un saint Valentin, qui est peut-être le patron de Terni, —
tout en utilisant les gestes d'Abdon et Sennen Abdon et :

Sennen eux-mêmes sont cités dans Félicien^ et j'imagine que


rOlympiades que convertit Firmina a été suggéré par le com-
pagnon des deux reguli persans. — L'expression animœ pro-
miscui sexus semble avoir la même valeur que Texpression
animœ paganorum des gestes de Grégoire. Les mots frendens
ut leo rappellent l'expression analogue qu'on lit dans Grégoire,
Pontien, Lucie-Géminien^ —
Crede et haptizare et salvus erisy
,

cette exhortation nous fait souvenir des formules lériniennes


qu'on rencontre dans Terentianus et Anthime -, Le terme —
augustalis se lit également dans Firmina, dans .^milianus et
dans Sabinus. —
L'auteur connaissait sans doute les gestes de
Cécile et les gestes de Gordien, ceux d'Agathe et ceux de Barbe,
ceux où l'on insiste sur la spontanéité du martyre, et ceux où
Ton confère le baptême, tantôt au nom du Christ, tantôt au nom
de la Trinité, fl est clair que la question de la virginité ne l'inté-
ressait pas et qu'il se plaisait à des imaginations plus pitto-
resques l'invitation à déjeuner que V augustalis adresse à la
:

vierge le prouve.
Ces faits sont certains. Mais rien de plus difficile à fixer que
la du texte.
date
Firmina est nettement apparenté à Valentin-Hilaire 1. Les :

deux légendes puisent aux gestes romains 2. Demetrius se ;

convertit de la même manière qu'Olympiades 3. Denys met ;

à mort Demetrius, comme Megetius Olympiades 4. Lesbour- ;

1 Cf. supra, p. 100, note 1.


2 Cf. supra, p. 125, note 5 p. 54 QOte 3, 58 note 1.
SEGUNDUS D AMELIA 133

reaux de Valentin se font baptiser par un prêtre aussi bien que


le bourreau de Firmina 5. Eudoxia joue le môme rôle que
;

Firmina 6. Un prêtre Valentin apparaît dans les gestes de Fir-


;

mina : Valentin de Viterbe, plutôt que Valentin


c'est peut-être
de Terni. —
Or, Valoitin-Hilaire' est proche parent des gestes
de Secundus, qui est, en même temps que Firmina, le patron
d'Amelia. Est-ce que notre texte de Firmina ne serait pas
contemporain de Secundus et de Valentin-Hilaire et donc ne
daterait pas du vii« siècle? Amelia avait une grande impor-
tance au temps de l'exarchat \ Et peut-être, puisqu'il
y eut
une invention des reliques de Firmina par Tévêque d'Arnelia
Pascal [868-879] \ a-t-il subi quelques retouches à ce moment.
Les données topographiques de la légende sont vraisembla-
blement exactes. Le nom de la sainte est assez rare au temps :

de Dioclétien * et au temps d'Ennodius ^


nous connaissons
deux personnages qui l'oHt porté. Il est possible que le culte
date du temps des persécutions.

IV

Voici la seconde légende d'Arnelia.


Les gestes des saints profitent à Famé de ceux qui les étu-
dient... montrez donc que vous êtes des catholiques en lisant
:

sans cesse, en écoutant avec complaisance les victoires du


Christ. Au temps de Maximien César un édit fut lancé de

1 Cf. infra.
' Les Byzantins la reprennent en 598 et la perdent en 739 ; ils l'ont perdu
une première fois en 592 [L. P., i, 312. Paul Diacre, iv, 8. Hartmann, ii, 1,
i04, 138]. — Sur la curie, cf. supra, p. 124 Noter que Ursianus est envoyé à
Ravenne.
2 Cf. supra, p. 129, n. 1. —
L'évêque d'Amelia, Pascal, est attesté au temps
de Jean VIII [872-882] par Pierre Guillaume \L. P., n, 221].
* Gode 50, 30, 1 et 1, 19, 1 [en 290 et en 296, d'après de Vit : Onomasticon].

' Epist., VI, 38


Kp.. n, 46, 98 [d'après de Vil]. Firmiuus est un nom assez
;

commun au vi« siècle.


* B. H. L., 7558 [1er juin, 52 ou 51].
134 TRADITIONS d'OMHRIK

Rome à travers les provinces ^châteaux, portant


les cités et les
que tous les chrétiens fussent punis sans être même entendus.
Beaucoup parmi eux se cachaient donc^ notamment le hien^
^
^

heureux Secundus, qui était parent d^Aurclien: il était dans


ta maison dune femme très chrétienne hudoxia^ à Ouhbio y

(in ciuitate Julia quse Eugubia dicta est) : c'était un chrétien


savant (?) dans la foi des apôtres, et très pieux. On le dénonça
au proconsul de Spolète Denys : car, depuis qu'on connaissait
l'ordre de Maximien César, les parents livraient les parents
et les amis les amis. Les appariteurs arrêtent Secundus à la
troisième heure dans la chambre d^Eudoxie et le conduisent
ligotté à Spolète, Le saint se dit chrétien, parent d'Aurélien
et ressuscité dans la foi en la sainte Trinité. « Sacrifie et —
deviens un ami de César. » —
« C'est moi-même que j offre à

Dieu en sacrifice ; vos dieux sont de pierre, mon Dieu a fait


le ciel et la terre. » On le dépouille^ on le bat, mais une voix
céleste le réconforte et lui promet les joies du ciel. Un autre
jour, il refuse pareillement de sacrifier à Hercule, « Par le
salut de V empereur l je te tuerai donc », dit le juge. « fils —
de perdition, sois maudit » répond Secundus. Et, lorsqu'on
,

le torture sur le chevalet, voici que, à sa demande. Dieu le se-


court : un tremblement de terre renverse le temple d'Hercule.
Et Denys, furieux du succès de cette magie, fait reconduire
Secundus en prison, oit il mourra de faim. Mais le martyr
se signe, et, comme à un banquet, il est dans
s'il était invité

les délices. Quinze jours après, lorsqu'il comparait de nou-


veau et qu^on lui verse du plomb fondu dans la bouche, il
prie Dieu, un tremblement de terre met le proconsul en
et

fuite. La sentence est prononcée, Secundus est conduit à la


cité d'Amelia, où les bourreaux doivent le jeter dans le Tibre,
une pierre au cou : ce qui est fait après qu'il a prié Dieu
d'envoyer son ange pour l' accueillir, —
Un ours se jette sur
les bourreaux, en tue huit, blesse tous autres qui, effrayés,
les

se convertissent et se font instruire par le prêtre Eutychius :


ils étaient douze. Cependant un pécheur Maurus trouve le

corps sur la rive, — la pierre s'est détachée ; — il prévient


Eudoxia, porte corps à Gubbio, d'où le saint était origi-
le
naire^ et l'ensevelit au 16^ mille, où ses prières font s'épa-
nouir les miracles jusqu'en ce jour, pour F honneur de Notre
Seigneur Jésus-Christ à qui honneur et gloire avec le Père ei

r Esprit-Saint dans les siècles des siècles. Amen.


ORIGINES DE LA LÉGENDE 135

Ce texte rappelle certains gestes du vi" siècle les chrétiens :

qui se cachent, la spontanéité du martyr qui s'olfre en sacrifice


avec joie. La punition des bourreaux de Secundus, le rôle
(l'Eudoxia et de Maurus \ tous les détails du récit produisent
la nionie impression. On peut même se demander si l'auteur
ne connaît pas, notamment, les gestes de Pancrace [^qiiasi..,

ad epiilas invUaius], d'Alexandre de Baccano [tremblement


de terre], de Félix de Spello et d'Abundius, d'Trénée ou de
Florian [le martyr une pierre au cou].
jeté à l'eau
Nous connaissons un second texte relatif à Secundus il '
:

raconte la même histoire que le premier, mais en diiîère par


trois traits. Il donne l'anniversaire du saint, kalendes de jan-
vier. — Il resserre la légende, supprimant, avec le prologue,
les §§ 3-4 de abrégeant les §§ 2, 6 et 7.
l'édition bollandiste et
— Il assure, enfin, que Maximien est le fils de Dioclétien^ dont

la mort lui aurait donné le trône.

Quel est le rapport des deux textes?


11 ne semble pas que le texte court soit un abrégé du texte

long: le texte court donne, en partie d'après J/«rce/ ou Su-


sanne ^ deux détails inconnus au texte long (l'anniversaire,
Maximien fils de Dioclétien). Le texte court a précédé, sans
doute, le texte long.
On que le texte long date vraisemblable-
verra plus bas ^

ment du deuxième quart du lx° siècle. A quelle époque rap-


porter le texte court?
Je remarque que le saint a une double attache topogra-
phique, Gubbio et Amelia. Gubbio et Amelia sont situés aux
deux extrémités de la voie Amerina. La voie Amerina, on l'a
dit, a eu une grande importance au temps de la lutte des
Lombards contre l'exarchat, au vii° siècle surtout. 11 est vrai-
semblable que le texte court date de ce temps. N'est-ce pas
aussi la date de Firmina ? Firmina et Secundus s'inspirent
également des gestes romains de l'époque gothique.
Les saints du nom de Secundus sont très nombreux, le

1 Peut-être y a-t-il un rapport entre ce Maurus et le héros des Gesta


Mnnri. —
Quelques traits rppellent JEmilianus,
- B. H. L., Codex Bruxellensis, 207-208, du xii® siècle, f» 28v [Cat.
7559.
Brux., I, Le texte B.H.L., 7560 [Postquam. Domtnus et Salvator noster...]
135].
ne m'est connu que par fragments.
^ Cf. supra,
p. 56, note 5.
^ Cf. infra.
13(» THADITIONS o'oMBMIE

férial hiéronymion ratleste : peut-être y en avait-il un à


(jubbio, un à Aineria.

Gestes de ^j^^ temps de Dioclétienet de Maximien, une grande persé-


lius 1 cution fut dirigée contre les chrétiens. Un Romain Euthgme
s'enfuit alors à Pérouse avec sa femme et son fils Crescen-
iius il avait été baptisé par le prêtre Epigmeniî4S. Il instruit
:

son filSy dès quil a onze ans, dans la religion chrétienne,


comme c'est V usage, mais meurt le IV des kalendes de sep^
tembre, ainsi que f apprend le texte sacré (sacra pagina) son ;

fils r ensevelit. Cette nouvelle met en fureur le proconsul de


Pérouse, Turpius : il le fait battre de verges et l'envoie à
Borne, ainsi que sa m,ère, après avoir rédigé un rapport [le-
gatio] aux empereurs. Chemin faisant, Crescentius prêche le
Christ au pont Milvius il guérit une femme aveugle, après
;

avoir salué Rome,


Les soldats conduisent au tribunal de Salluste, hors de
le

la pointe Salaria et remettent à V empereur le rapport de Tur-


pius. « Jetez-le, dit Dioclétien, hors de la porte Salaria, et
décapitez-lcy afin que tous les enfants de Rome puissent s'en
amuser (ludant de islo). » Intrépide, l athlète de Dieu récite
le verset du psaume : in capite libri scriptum est de me et, ;

lorsqu'il est mort, V aveugle quil a guéri V ensevelit dans la


crypte où reposaient beaucoup d'autres saints. Il a été mar-
tyrisé le XVIII des kalendes d^ octobre. Longtemps après, —
au temps du pape Etienne, vint Charles I auquel on rapporta
ces Vévêque de Sienne Antifredus en entendit aussi
choses ;

parler, et transporta à Sienne le corps de Crescentius le IV


des ides d'octobre il l' ensevelit avec honneur, et là brillent
:

ses miracles jus c^u^ au jour d'aujourd'hui,

1 B. H. L., 1986 [14 septembre 352].


GRESCENTIUS DE PÉROUSE 137

Etienne V [885-891] est contemporain de Charles 111 [881-


887] ; mais aucun évoque de Sienne ne s'est alors appelé An-
tifredus. Comme un Ansfredus a été éveque de Sienne de
ll')2 au temps d'Etienne II et d'Etienne 111, j'imagine
à 734,
que l'auteur a confondu Charlemagne, Charles Martel et Pépin :

il écrivait donc à la fin du ix** siècle au plus tôt. Mais cet écri-

vain a-t-il seulement rajouté le court épilogue qui concerne la


translation à Sienne ou encore, s'il a écrit tout notre texte S
;

disposait-il d'une version antérieure?


J'incline pour l'afQrmative. comme pour
Firminay je
Ici

crois que les gestes ont été rédigés d'abord à l'époque lom-
barde, alors que la voie Amerina avait une extrême impor-
tance pour les Romains. Le proconsul de Pérouse rappelle
les proconsuls dont il est question dans Cassien et dans Vin-
cent.

Le calendrier populaire signale à Rome, au XV des kalendes


d'octobre, Narcissus et Crescentianus - il est possible que ce
;

Crescentianus soit identique à notre Crescentius vénéré le


XVlll des kalendes d'octobre (?).
également probable que notre Crescentius est iden-
Il est
tiqueau malade Crescentius que guérit Constantius de Pé-
rouse c'est le même personnage inconnu et vénéré, que l'on
:

aiïuble, ici et là, de deux différentes histoires.


Enfm le supplice que Dioclétien veut infliger à Crescentius
est manifestement inspiré de celui où Cassien d'Imola trouva
la mort et que Cassien de Todi a popularisé dans les pays de
la Via Amerina. Or, Constantius B et Cassien de Todi datent
sans doute du vu* siècle.
Turpius une déformation paléographique de Tar-
serait-il
peius [Anthime^ ou de Turgius, et Epigmenius de Pigmenius
IDonatj etc...]? Le salut à Rome ne vient-il pas de Sophie ?
La guérison de la femme aveugle n'est-elle pas un souvenir
de l'épisode de Pisentius [A// Syriens^ ? Notre légende est —
un centon.

' Cf. le trait curieux Euthyme enseigne la religion à Crescentius lorsqu'il


:

a oDzt; ans, ainsi que cest coutume. —


Notre texte a peut-être été retouché
beaucoup plus tard : l'expression sacra pagina.
cf.
- P. L., 123, 169-170. « Item (Romae), Narcissi et Cresceutiani. »
138 TRADITIONS d'oMBRIE

VI

Gestes de jlu temps OÙ le genre humain, il


Seigneur voulut sauver le

tus de choisit les patriarches et les prophètes ; après leur écJiec^


Bettonai
Jèsus-Christ vint racheter le monde: il prêcha, il fut cru-
cifié, il ressuscita et envoya les douze Apôtres et les 72 [dis-
ciples) porter la vérité aux hommes. Crispolitus était du
nombre de ces derniers. Envoyé par saint Pierre avec Bri'
dus Heraclius [?) et plusieurs autres, il arriva de Jérusalem
y

en Italie à Bettona et, après avoir guéri une démoniaque, il y


fut sacré évêque par Bricius. Un espion des païens est guéri
et converti par lui : comme il refuse de sacrifier à Mars, il est
décapité. En revanche, bien quil guérisse Valerius, le neveu

du persécuteur Austerius, celui-ci reste fidèle à Mars: mais


tout peuple devient catholique [verus catholicus], toute la
le

province de Bettona [Bittoniae provinciaj embrasse la foi


apostolique. E
évêque chasse les loups qui la dévastent il ar- :

rache à run d'eux le bouvier Barontius près de la fontaine du


Sambron et du Cleoton, in campo Bucaronis il réconforte ;

son collègue Vincent qui est emprisonné, brise ses fers d'un
signe de croix, et la lumière céleste ciui les inonde est aperçue
des veilleurs de Bevagna (qui inturre Bibaniae vigilabant). Le
prseses Austerius envoie à son sujet un rapport à Maximien,
cjui le fait arrêter. Mais, après avoir été battu et torturé sur

le chevalet, il convertit ses compagnons de prison, un assassin,


un malade (qui dextrum perdiderat latus ?) : ramené devant le
juge, il lui expose, non plus la commune origine des hommes
comme à sa première comparution, mais la chute du premier
ange et l'origine de Vidolâtrie: les dieux sont fabriqués de
mains d'hommes, Jupiter, Hercule, Mars, Mata, Vénus. Le
feu s'éteint lorscjuon le jette dans la fournaise ; mais Baron-
tius est décapité in campo Bucaronis à côté de la fontaine de

B. H. L., 1800, 12 mai, 22. « Tempore quo Dominns humanum genus.

I
CRTSPOLITUS DE BETTONE 139

CrispoUlus ; Crispolitus lui-même est coupé en deux in Castro


imperiali douze femmes qui accompagnent Teutela, sa sœur,
;

et viennent le voir, sont torturées et tuées. On les ensevelit à

côté de la tour, entre les deux fleuves Cleoton et Snmbro, où


le Seigneur multiplie ses bienfaits. On g bâtit une basilique

en riionneur de Crispolitus, de la Vierge Marie et de tous les


saints. Ceci se passait sous le règne de Maximien, le IV des
ides de mai, tandis que règne Notre Seigneur Jésus-Christ à
qui honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

La légende de Bettona * —
entre Todi et Pérouso est ap- —
parentée aux XI l Sgriens, à Constantius, à Victorin d'Assise,
à Emilianus et à Vincent de Bevagna.
Crispolitus est sacré évêque par Bricius il est, comme ;

Hi'icius et Anastase et emilianus, originaire de l'Orient et


apôtre de l'Ombrie; il arrête un loup comme Proculus une
biche. Notre texte est, peut-être, postérieur à nos versions des
XII Syriens il rattache
: explicitement Crispolitus et Bricius
à Saint Pierre et à l'âge apostolique".
Le prologue de Crispolitus rappelle celui de Constantius :

ici et là, l'auteur résume en quelques lignes l'œuvre créatrice

et rédemptrice, rappelle la mission confiée aux XIT Apôtres et

introduit ainsi son personnage.


Crispolitus et Victorin d'Assise parlent pareillement des
prophètes et des patriarches, assignent au mart}^ ombrien la
même origine orientale, attribuent à Mars le premier rang
parmi les idoles, et assurent que la flamme
s'éteint quand le
martyr est jeté au feu.
Crispolitus et Vincent de Bevagna assignent à Mars le pre-
mier rang parmi les faux dieux, dont ils donnent une liste
assez longue Crispolitus mentionne Bevagna et Vincent lui-
;

même et je me demande si le pieux consulaire Valerius dont


;

parle Vincent n'est pas identique au neveu d'Austerius que


guérit Crispolitus. J'ajoute que le Soleil et la Lune jouent le
même rôle dans Constantius et dans Vi?icent et nous savons ;

que Constantius et Crispolitus sont d'ailleurs apparentés.


J'imagine que l'auteur écrivait au vu^ siècle la date qu'il :

• Sur Bettona, cf. C. I. L., xi, 2, p. 731. — Noter que rinscription 5164 y
atteste un temple dédié au Soleil.
- Cf. supra, p. 77. On pouvait deviner cette évolution de la légende de
Bricius.
140 TRADITIONS u'oMHRIE

assigne àHricius, la mention qu'il fait d'une basilique, surtout


d'une basilique consacrée à tous les saints ', empoche de re-
monter plus haut. Mais peut-être travaillait-il sur une ver-
sion antérieure à cette date.
Peut-être appartient-il au même groupe que l'auteur
ïï y^milianus : le cadre des deux légendes est le même ;

toutes deux s'intéressent au fleuve Gleoton ; — et le terme
civitas lucana n'est pas sans rappeler quelque peu la civilas
Bettona de Crispolitus.
Peut-être, enfin, les mots verus catholicus s'expliquent-ils
parce que l'auteur est hostile aux ariens, aux Lombards.
Quel est le culte qui supporte la légende? Crispolitus n'est
pas un nom latin ni un nom grec. On a restitué Chrysopoli-
tus % forme très bien attestée. Je me demande s'il ne faut pas
lire plutôt Crispolus le férial hiéronymien signale trois ou
:

quatre saints de ce nom, en Sardaigne et à Rome notam-


ment ^

1 Oq se rappelle que, en 609-610, Boniface IV consacra l'église du Panthéon

à Marie et à tous les martyrs; de même ici. « Eodem tempore petiit [Bonifa-
cius) a Focate principe templum qui appellatur Pantheum, in quo fecit ec-
clesiam beatae Mariae semper virginis et omnium martyrum » [L. P. i, 317].
2 B. H. L.,1800.

3 De Rossi-Duchesne, p. 68 et 77 : m
et iiii, Kal. {un. ; un et m
id. iunii
— Cf. deux évêques africains vers 400 dans de Vit Onomasticon.
: Faut-il —
apercevoir Crispolus de Bettona derrière le mystérieux Scipiodote de Vitto-
ria (?), des XII Syriens 1— On peut penser aussi à Chrysolitus [IV Coronati.
Cf. G.M. R. Il, 289]. — Le nom Teutela cache certainement un nom de même
type que Theudila, le fils de Sisebut, Theodelindo, la femme d'Agilulfe, etc.
CHAPITRE \I

TRADITIONS DE^TUSCIE
(VIA CASSIA)
LES SAINTS VALENTIN, GRATILIANUS, EUTYCHIUS

Passons d'Ombrie en Tuscie : depuis temps d'Aurélien et


le
de Dioclétien ', on sait que les deux pays ne forment plus
qu'une seule province.
La voie Gassia mène de Rome à Arezzo et à l'Apennin par
Veies, Baccano, le forum Cassii, Bolsène et Chiusi elle monte :

lentement les pentes de la forêt Ciminienne en vue du Soracte,


des monts de la Sabine et des monts Albains. Au delà du
Ponte Molle, sur la gauche, elle se détache de la voie Fla-
minienne, et lance bientôt sur sa droite, un peu avant
iXepi, la voie Amerina.
On va voir que le pays où naît cette dernière, le pays de
Nepi et de Falères, de Yiterbe et de Ferento, présente des lé-
gendes étroitement apparentées l'une à l'autre et qui, toutes^,
ont subi l'influence des gestes romains.

* de Rossi
Cf. Spicilegio rCArcheologia Cristiana nell' Umbria \Bull.,
:

1871.81].D'une manière générale, consulter sur ce pays G. I. L., xi, i, p. 454


Wiferbe et Ferento), p. 464 (Falerii) — et Desjardins
; Table de Peutinger,
:

p. 133-134 (Viterbe), et 142 (Falerii).


142 TRADITIONS DE TUSCIE

VaientiQ Au temps OÙ Maxiïïiien Auguste régna après la mort de son


et d'Hi-
p^^,f, Dioclétien Auguste^ il tua sa sœur Arthemia, fille de

Vilerbe i
Dioclétien, parce quelle était chrétienne, et lança un édit à
travers les provinces, les cités et les châteaux : ordre de tuer
tous les chrétiens qu'on trouverait. Les ministres du Christ
(ministri Christi) Valentin, prêtre, et Hilaire, diacre s'étaient y

réfugiés dans la maison d'une femme Eu-


très chrétienne.
doxie. Or, le proconsul Demetrius, qui était au château de
Viterbe (in castello Viterbiensum), se mit à chercher soigneu-
sèment les chrétiens ex iussione augustali afin de faire sa
cour à Maximien Auguste: les amis livraient les amis, les
parents leurs fils, les mères leurs filles. C'est ainsi qu'on ar-
rête Valentin et Hilaire, on les conduit au château de Viterbe,
devant le proconsul. Ils se disent chrétiens, nobles, orientaux
d^ origine, u Sacrifiez, soyez des amis de César. » C'est — <:<

nous-mêmes que nous offrons en sacrifice à Dieu en odeur de


suavité', les dieux sont des démons ; notre Dieu, le Christ, a
fait les deux. Vous nous tenez : nous sommes préparés aux
supplices, selon ce qu'a dit V Apôtre : in contessione probabitur
omnis vir. » — Sacrifiez au grand Dieu Hercule qu'adorent
c(

les princes, siiion vous mourrez. » —


a Maudit sois-tu, fils

d'iniquité, qui nous conseilles de telles choses ». On les tor-


ture, mais ils invoquent le Christ, et un tremblement de terre
jette à bas le temple d'Hercule, A cette nouvelle, Demetrius
déchire ses vêtements et ordonne qu^on jette les saints dans le
Tibre avec une pierre au cou. Les saints s* agenouillent, prient
le Christ d'avoir pitié d'eux et d'envoyer son ange afin de re-
cueillir leurs âmes ; et Vange accourt, en effet, dénoue leurs
liens et les retire du fleuve, tandis qu'un ours immense se jette
sur les bourreaux, en tue huit et blesse les autres et ceux-ci ;

1 B. H. L., 8469-70, 3 novembre, 626-629. Temporibus illis quo Maximianus


augustus.
VALENTIN DE VITERBE 143

vont trouver le bienheureux Euticius prêtre, lui confessent


leur crim€y et, après un jeûne de trois jours reçoivent le bap-
^

tême avec tous les leurs le saint jour du Seigneur [die sancto
dominico... cum omnibus familiis suis].
Quant aux martyrs^ ils sont revenus trouver le proconsul,
et le sommer de faire pénitence, et de se convertir au vrai
Dieu, le Christ^ Fils de Dieu. On les bat, on les torture, on
les décapite enfin au lieu dit Via Strata. Une pieuse femme,
EudoxiCy enlève les corps la nuit et les ensevelit saintement
au lieu qui est appelé Cavillarius Demetrius la fait mourir
;

sous les coups de bâton. Les martyrs du Christ Valentin et


Ililaire ont souffert le quatre des nones de novembre. Peu —
de temps après, la maladie saisit Demetrius il implore les ',

saints quil a tués ; et ceux-ci lui disent en songe d* aller


trouver le prêtre Euticius. Ses soldats trouvent celui-ci en
prière sur la montagne appelée Aureus, Euticius prie cette
vraie lumière qiiest le Christ de guérir le païen ; et^ comme
celui-ci se convertit, il le baptise; et aussitôt Demetrius est
guéri, et le voici qui prêche les peuples Croyez, adorez le
: «
Dieu vivant qui est au ciel, qui ressuscite les morts et guérit
les lépreux et qui, par l'intercession de ses saints^ m'a délivré
du maL » Mais Maximien est averti et le fait décapiter par le
vicaire Dionysius.
Les corps de Valentin et d' Hilaire ont reposé où ils avaient
été ensevelisjusqu'au temps de Grégoire IV, Ils ont été trans-
portés alors par Sicardus, abbé du monastère de Sainte Marie
toujours Vierge en Sabine, à V oratoire qiCil avait construit à
cet endroit même ; Sicardus opéra en même temps la transla-
tion du corps de saint Alexandre, fils de sainte Félicité, que
lui avait accordé ledit pape Grégoire pour la louange et la
gloire de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, à qui hon-
neur et gloire dans les siècles des siècles. Ame?i.

Il beaucoup que Valentin et Hilaire soient aussi


s'en faut de
bien connus que Viterbo, la ville aux jolies fontaines on ne :

trouve leur nom dans aucun calendrier, dans aucun martyro-


loge *. Le plus ancien document autbentique qui les men-
tionne est une constitution de Léon IV [817-855] citée par In-

* Réserve faite de quelques mss. qui descendent d'Usuard [codd. danici,


Bru^ell., Aquicinctin.].
144 TRADITIONS DE TUSCIE

nocent HI *. Il est vraisemblable que ce sonl deux saints lo-


caux inconnus.
Nous connaissons deux textes qui célèbrent leur gloire :

l'un est celui qu'on a résumé; il provient d'un manuscrit de la


Bibliothèque Victor Emmanuel, à Rome, et se retrouve, à
quelques variantes près dans deux manuscrits du Mont-Cas-
sin 2. —Le second texte ^, beaucoup plus court que le précé-
dent, reproduit à peu près le début de celui-ci jusqu'à la pre-
mière comparution des saints devant le proconsul puis, après ;

qu'ils se sont olTerts à Dieu en sacrifice in odorem suavitatis


et qu'ils ont rejeté les dieux-démons et confessé le Christ Dieu,
ils sont aussitôt conduits au lieu qui est dit Via Strata, ils
y
sont décapités, et Eudoxie les ensevelit au lieu qui est dit
Cavillarius (ou Camillarius). Pas un mot sur la translation
de l'abbé Sicard.
Le texte long a-t-il développé le texte court, le texte court
a-t-il abrégé le texte long ?
Deux propres au texte long. Ce
traits caractérisent les récits
texte coïncide avec les gestes de Secundus d'Amelia ici et :

là un proconsul veut faire adorer Hercule, dont un trem-


blement de terre renverse le temple ; ici et là, le martyr
est jeté dans le Tibre une pierre au cou et les anges le dé-
livrent et le sauvent ici et là^ une pieuse femme Eudoxia
;

accueille et ensevelit les saints, tandis qu'un ours tue huit


bourreaux et blesse les autres qui se convertissent aussitôt et
se font baptiser par Euticius prêtre ; ici et là, enQn, un persé-
cuteur s'appelle Dionysius.
Or, je remarque deux autres caractères communs à Secun-
dus et à Valentin-Hilaire. L'un et l'autre utilisent les gestes
romains c'est le prologue de Potentienne Praxèdé que copie
:

le rédacteur de Secundus c'est aux gestes de Marcel que le


;

rédacteur de Valentin-Hilaire emprunte l'assassinat d'Artemia,

1 « In vico PaleDzano cum suis ecclesiis S. S. Hilarii et Vaîentini » [Baluze,

Ep. 142 du tome 11] . —


Palenzaoo a été donné à Viterbe par Barberousse en
1169 [Bus8i Istoria di Viterbo, 1742.49], [d'après le commentaire bollan-
:

diste, 3 novembre].
2 Le ms. de la Victor Emmanuel date du x^ [3 novembre, 614, § 6]. C'est—
ce texte qui a été imprimé autrefois par Andreucci Notizie istoriche de glo-
:

riosi s. s. Valentino prête ed Ilario diacono [Roma, 1740], 61. —


Cf. aussi les
éditions de Pennazzi, 1721, de Bussi, 1742, et d'Assemani, 1745.
3 II est conservé dans le « Codex Vallicellanus », 16, p. 73 il est
; divisé en
trois leçons. B. H. L., 8473. « Tempore quo Maximianus augustus —
et sepulti
sunt in locum... »
LES DEUX RECENSIONS 145

fille (le de celui-ci, Maximien. D'autre


Dioclélien, par le fils

part, nous avons également deux textes de Secundus, un texte


long et un texte court, lequel, chose étrange, fait de Maxi-
mien le fils de Dioclétieii, tout eomme le texte long de Valen-
tin-IIilairc. On
peut se demander si, malgré ce dernier détail,
les deux textes longs de Secundus et de Valentin-liilaire ne
seraient pas l'œuvre d'un même rédacteur remaniant des ^

textes antérieurs.
Voici justement — et c'est
second trait qui caractérise
le
Vnloilin^ texte long — qu'on
nous parie d'une translation
opérée au temps de Grégoire IV [828-844] par l'abbé Sicar-
dus. Cette translation n'aurait-elle pas été l'occasion d'où se-
raient nés nos textes longs. Car cette translation semble bien
réelle elle est attestée d'autre part par le Clironicon Far^
:

fense ' c'est au monastère de Farfa qu'avaient été transpor-


;

tés Valentin et Hilaire.


Le manuscrit de la Bibliothèque Victor Emmanuel, qui
contient le texte long, vient précisément de Farfa. Le texte
long serait contemporain de Sicard et de Grégoire IV.
Mais comment expliquer, dans cette hypothèse, la nais-
sance de Secundus, texte long? Secundus n*a pas été trans-
porté à Farfa. — Sans doute. Seulement nous savons qu'Ame-
lia fut rebâtie % peu de temps après Grégoire IV, par Léon IV
[844-(S5o]. On peut croire que la résurrection de la cité fut
cause de la rénovation du culte, etla rénovation du culte cause
du remaniement du texte. Léon IV, qui rebâtit Amelia, la
ville de Secundus, est précisément le premier écrivain qui

mentionne Valentin et Hilaire.


Or, Firmina est attaché à Amelia, aussi bien (\ViQ Secundus :

* Ou de deux rédacteurs apparlenaat à uq même milieu.


- « Oratorium hoc quod cernimus io honore Domini Salvatoris adjunctuin
huic ecclesiee sanctae Mariae ipse (Sichardus) construxit ubi corpora sancto-
rum Valentini et Hilarii martyrum de Tusciae partibus translata cum corpora
sancti Alexandri sauctse Felicitatis filii quod de Roma adduxerat, concedeote
Gregorio IV sedis apostolicae prœsule, honorifice sepeliuit » [Muratori :

R. I. S., II, II, 381].


^ « Nam Hortance et Amerinaî valde antiquarum ciuitatum qiiarum mûri ac
portas prœ nimia uetustate temporum usque ad solum ceciderant et funditua
destitutae mariebant, in quibus modo fures modo latroues iogredi palenlibus
aditis nullo resisteote custode facilius ingrediebantur, ipse adeo solertissimus
praBâul laulaai civiiim prœdictarum urbium cognoscens i-icuria, eas quas prœ-
titulavimus civitates liortatu suo ac studio mûris novisque portis, prioribiis
minime dissimilibus, ad [irisciim locum slatuuique gralia corroboratas diviiia
reduxil. .) jL. I'., ii, 127|.

III 10
146 TRADITIONS DE TUSCIE

il peut y avoir intérêt à rapprocher Firmina <Je Valentin-IH-


laire. Voici les points do contact que je note 1. L'auteur :

(le li'irmina utilise les gestes romains, comme l'auteur de


Valentin-Ullaire 2. Olympiades se convertit comme Dcme-
;

trius 3. Denys met à mort Demetrius, comme Mof^^otius


;

Olympiades 4. Le bourreau de Firmina se fait baptiser [}ar


;

un saint prêtre aussi bien que les bourreaux de Valentin ;

5. Firmina joue le même rôle qu'Eudoxia 6. Un prêtre \^a- ;

lentin apparaît dans les gestes de Firmina n'est-ce pas notre :

Valentin de Viterbe? —
Aucun de ces faits ne va contre
notre conclusion les textes longs de Valentin- Hilaire et de
:

Secundus proviennent sans doute d'un même groupe et datent


du deuxième quart du ix^ siècle. Leurs rédacteurs sont des
moines de Farfa, —
tout comme les anonymes qui ont adapté
à Laurent de Spolète la légende des XII Syriens *.
Notre texte long repose très vraisemblablement sur un texte
antérieur. On y lit toujours, en effet, castellum Biterbiensum,
jamais ciuitatem or, le Libe?' Pontificalis appelle Viterbe
:

castrum au temps de Zacharie [741-752], ciuitatem au temps


d'Hadrien [792-795] ^ au temps de l'abbé Sicard, on appelait
;

Viterbe ciuitas; si, à ce moment, un écrivain emploie l'expres-


sion castelluîn, il est à croire qu'il se guide sur un texte an-
térieur.
Ce texte antérieur est-il identique à notre texte court ? Je
n'oserais pas l'affirmer catégoriquement ^ : la division en le-
çons penser qu'il fut rédigé en vue des moines, et ce tra-
fait

vail a souvent donné naissance à des textes résumés? Qui —


dira, d'autre part, que notre texte n'a pas la physionomie d'un
résumé ? —
Je remarque enfin que le texte court de Secundus
a la même allure, peut-être plus nettement encore et je rap- ;

pelle qu'il fait de Maximien le tils de Dioclétien, à la différence

1 Cf. supra, p. 64, n. 2, — On sait l'importance de Farfa à l'époque caro-


lingienne. Et je rappelle le fameux de Louis le Pieux,
conflit d'Ingoald, l'ami
avec Grégoire IV.
2 « Per fines Langobardorum Tusciae quia de propinquo erat, id est per
Castro Bitervo... » [L. P., i, 429]. — c Ipse Laagobardoram rex ilico cum
magna reverentia a ciuitate Viteruenpe coDfusus ad propria reuersus est >».
[L. P., 1. 494]. Le Liber Çarolinus cite Bitervo parmi les Tuscise ciuitates [Ha-
driaous Carolo, 80. —
éd. M. G. p. 613]. —
[On sait les eiîorts du fameux An-
nius pour prouver l'autiquité de Viterbe].
3 Comme le bollaodiste vaa deu Glieyu, 3 nov. (^omm, praeii. § 8. 11 y a
un texte intermédiaire eutre le texte loor,^ et le texte court B. H. L. 8471-72 :

ajoute à notre texte court un récit de trauslation. Cf. infra. p. 158.


GRATILIANUS DE FALÈRES 147

de Secundus texte long, à la suite de Valentin texte long. —


La chose n'est pourtant pas impossible le texte court ignore ;

la translation : il peut dater du viu° siècle.


Quoi qu'il en soit, il y a eu un texte antérieur au texte long.
L'absence de Valentin et d'Hilaire dans le calendrier popu-
laire invite à croireque ce texte primitif peut-être postérieur
au début du \ii« siècle il remonterait au milieu ou à la fin de
:

ce siècle. L'auteur connaît les légendes d'^milianus ou des


Xlï Syriens ici et là, le héros qu'on célèbre est un Oriental
:

qui évangélise une terre italienne *. Sans doute faut-il dire


que tous ces textes émanent d'un même groupe de rédacteurs.

II

je En dans la quatrième année de son règne,


ce temps-lày

)'q.
^^^^'^^ César lança un èdit pour punir, sans seulement les
<i2 entendre, tous les « Galiléens » qu on trouver ait. Gratilianus,
'^^ plein d'espoir dans le Seigneur Jésus-Christ, accueillit la nou-
velle sans trembler. C'était wn enfant unique, grand souci de
.
s'is parents ; mais il était pénétré de la doctrine du Christ, Il

ouvre simplement V Evangile à V endroit où le Christ dit: Qui


vult venire post me abneget semet ipsum... Puis, il va
trouver le bienheureux Eutychius prêtre a Je fen conjure par :

le Christ que tu prêches, dit-il: dis^moi la récompense de

ceux qui confessent le Christ. » —


« Ils ont la vie éternelle et
la rémission de leurs péchés, » —
« Je t'en conjure par les
divines leçons (lectiones) des Evangiles, poursuit-il : explique-
moi la foi du Christ, et baptise-moi. » Eutychius le fait ca-
téchumène, trois jours après le baptise au nom du Père, du

* Comparer encore les mots Maximianus augusttus Tuscix [Mmilîanus,


cf. supra, p. 110] avec les expressions ex iussione augustali [Valentin- Ht-
laire, cf. supra, p. 142] et nundinx aiigustales [Vincent de Bevagna,

I

'
p. 105]. Le terme ruinistri Dei se lit dans les XII Syriens. Les mots
Vcrus Deus, Christus, Filius Dei dénoncent peut-être une intention anti-
arienne.
•^
B. 11. L., 3630 [12 août, '728].
148 TRADITIONS DE TUSGIE

Fils et de rEspril-Saint, le rcvèt des vêlements blancs et cé-


lèbre les mystères du Christ : puis ils déposent leurs blancs
vHemenls et participent au corps et au sang de Notre Seigneur
Jésus-Christ,
Revenu chez ses parents, il leur annonce qu^il est chrétien
et qu'il ne sacrifiera pas à leurs dieux. « Mon enfant, ré-
pondent-ils, n'aie pas ces dédains pour nousy et ne perds pas
la fleur de ta jeunesse; si le comte Trason savait ces choses,
il te punirait, » — « Par le Christ Fils de Dieu, je nai pas
peur : en lui
c est quont espéré les trois Hébreux il me déli-
;

vrera aussi; ne rna-t-il pas déjà enseigné la vérité , lui qui


est la voiCf la vérité et la vie ? » Or, pendant que ses parents
pleurent sa folie, il est arrêté par les appariteurs de Trason^
comte de la cité de Falères. « Toi aussi, dit le comte, te voilà
devenu un mage ; sacrifie au grand Dieu Apolloii ; sois notre
ami. » —
a Je ne suis pas fou ; j'ai cru au Christ parce quil
est la vérité; je ne crains ni vos menaces ni vos promesses;
je n abandonnerai pas le Christ. » Trason V emprisonne, puis
adresse un rapport à Claudius César sur le fils de Maxi-
mÀanus. Il le fait comparaître^ et, sur son refus de sacrifier,
le fait puis il le renvoie en prison pour organiser les
battre ;

supplices. Mais Gratilianus guérit les aveugles et les paraly-


tiques, il ressuscite même les morts au nom du Seigneur Jésus-
Christ. A cette nouvelle, une veuve, Fortunata (de opinione
Gratiliani) lui amène sa fille unique qui est aveugle, Felicis-
simtty et le prie de mettre ses mains sur les yeux de là vierge.
« Crois de tout ton cœur, dit-il, et tu seras éclairée. » —
« Eclaire4a, et elle croira ». Alors Gratilianus invoque Celui
dont la salive mêlée à la poussière a guéri l'aveugle, fait le
signe de la croix sur les yeux de l'aveugle : elle est aussitôt
guérie. « Enseigne-moi maintenant à suivre le Christ, dit
Felicissima. « // la baptise donc en présence de sa mère, au
nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et V envoie à Eu-
tychius qui Voindra du chrême salutaire afin de lui faire con-
naître la parfaite vérité du Chnst. Ce qui est fait.
Mais les geôliers annoncent tout cela au comte. « Arrêtez-
les », ordonne celui-ci. On les arrête chez Eutychius qui, saisi
de peur, s'enfuit. « Ou as-tu pris ces maléfices qui séduisent
le peuple ? » —
a Ce ne sont pas des maléfices, mais des

bienfaits du Christ (non maleficia sed benelîcia). » Con- —


damnés à être décapités non loin de la ville Galaris (urbe Ga-
LA LéoENDE EST UN CENTON 149

près du ruisseaUy Gratilianus et Felicissima prient le


Isirh),

Dieu du monde d'envoyer son ange recueillir leurs âmes ; puis


ils meurent. Le sang qui sort du corps de gratilianus est

aussi blanc que la neige ; ses parents V enterrent dans le


champ du bienheureux Gratilianus, que le père a acheté en
son nom, la veille des ides d'août, au lieu appelé Maulanus,
Trois jours après les deux martyrs lui apparaissent, g our~
y

mandent son désespoir lui annoncent que la paix est donnée


,

à l'Eglise de Dieu : ce mois même Trason va être tué par


Claude César. « Ne me pleurez pas, dit Gartilianus ; et croyez
au Christ qui peut vous donner la vie éternelle, » Trois jours
après le tribun Eleuthère, au nom de Claude César, arrête
Trason comme concussionnaire ; et Trason meurt traîné et
fracassé par un cheval indompté. Ainsi Notre Seigneur
Jésus-Clirist défend les martyrs qui ont souffert pour son
nom. Ses parents, éclairés par Tévénemefit, se convertissent, et
cessent de pleurer V enfant qui partage la joie du Christ, du
Christ qui vit et règne avec le Père et V Esprit-Saint dans les
siècles des siècles. Amen,

Lade Falerii est voisine de Cività Castellana, qui lui a


ville
succédé. On voit que l'évêque de Nepi, Félix, qui signe les
actes du concile de Rome de 499, est appelé, dans un bon ma-
nuscrit, (episcopus) ecclesiœ Faliciscœ ^
; et nous avons une
lettre de Symmaque qui l'appelle episcopus ecclesiae nepe-
sinœ et faliscse. Nous connaissons les évoques de cette ville
depuis 595 jusqu'en 1033.
Les patrons de Falères sont moins bien connus. LTsuard est
le plus ancien texte qui donne leur
item urbe Falari,nom :

passio Graciliani et Felicissimie uirginis quorum, ora primum


pro Christo lapidibus contusa, dehinc gladio percussi optatarn
martyrii suscepere coronam ^. Ce sont les saints locaux du pays.
L'auteur de leur légende semble l'avoir constituée par un
ingénieux mélange de traits qu'il a pris ailleurs. Ce saint qui
ouvre l'Evangile et nous lit ce qu'il y trouve se souvient cer-
tainement d'Euplus \ — Thrason, l'annonce de la paix de

* C. I. L.,xi, 1, p. 465.
p. L., 124, 355-356. Noter une AsÎQia Felicissima, au cimetièrede Mustiola,
2

à Cliiusi |C. I. L., X), 1, 2549] elle semble mise sur le même rang que
:

sainte Mu?tiola [cf. infra, p. 161]: serait-ce uotre sainte?


« Cf. G. M. R., II, 177.
V,)0 TRADITIONS DE TUSCIK

l'Eglise singulièrement Marcel ».


rappellent Cet enfant —
unique qui se converlit malgré ses parents ressemble heau-
coup à Vitus K —
L'apparition du martyr qui console ses pa-
rents semble inspirée d'Agnès^. Le terme de « Galiléens » —
se lit dans les gestes d'Abundius et de Carpopbore, et, enge-
ndrai, dans les gestes des martyrs mis ci mort par Julien. J^a —
mort de Thrason que fracasse dans sa course un cheval in-
dompté ressemble assez au supplice dont la légende a gra-
tifié saint Hippolyte Comme dans Alexandre pape le
*^. —
saint est appelé mage. —
Gratilianus et Eutychius rappellent
singulièrement Donat et Ililarinus. Le sang des martyrs —
est aussi blanc que la neige les actes de saint Paul et les :
•*

gestes d'iEmilianus assurent qu'il est plus blanc que le |lait. —


Qui sait même si notre grand liseur ne se souvenait pas de
Lucie quand il accusait Thrason de concussion ?
Tous ces écrits sont plus anciens que le nôtre. Voici des
emprunts faits à des textes relativement récents. Ici comme
dans Victorin ^ d'Assise, on note les détails si pittoresques de
la guérison de l'aveugle de Bethsaïda [Marc. 8, 23]. Félix —
de Speilo est aussi qualifié de mage. Le jeu de mots maie- —
ficia-beneficia se retrouve dans Paidiniis et dans Pergentinus-
Laurentinus \ —
Claude est aussi dur que Maximien dans :

Secundus, on voit aussi que les chrétiens doivent être punis


sans être entendus. —
On parle ici du «grand dieu » Apollon,
comme, dans Torpes ^, de la « grande déesse » Diane. Les —
événements sont datés [quarto anno imperii eius) de la même
manière que le martyre de Domninus ^. Le nom d'Eleu- —
thère, appliqué au tribun qu'envoie Claude, est celui d'un
personnage dont on parle beaucoup en Italie vers 620 ^^ la ;

mission confiée à Eleutbère rappelle celle que donna l'empe-

1 G. M, R. 1, 132 et su:pra p. 56-57.


2 G. M. R., II, 165.
3 § 16. * Videte ne me mortuam lugealis sed congaudete mihi... » [P. L.,

17, 741, D].


* G. M. R., I, 199, 207.
Version liuienne [G. M. R.,
s i,
327J § 16 — éd. Lipsius, p. 40 ; etc.. Cf.
supra, p. m.
c Cf. supra, p. 107.
''Cf. infra.
8 Cf. infra, — On le rencontre aussi dans Lucie [G. M. R. ii. 189]
9 Cf. infra.
10 G. M. R. I, 320 et L P., i, 319-322.
EUTYCHÏUS DE FERENTO lol

reur à Leontius en 598 ^


(Libertinus est un concussionnaire,
tel Tiirason) ;
— et le supplice de Thrason est aussi celui de
Hrunehaut, (61 3) _
laquelle était très bien connue dans les
milieux romains.
J'imagine^que'notre texte date du vii^ siècle ^, peut-être du
début. Le titre de Thrason, comte de la cité de Falhes^ s'ex-
plique très bien dans l'hypothèse. Au temps de l'exarchat,
dans certaines villes, « le commandement est confié à des
officiers militaires revêtus du titre de comte; c'est le cas à
Misène, à Terracine, au castrum Apriitiensey près de Fermo,
et dans certaines cités de la Corse. Il n*est point rare d'ailleurs
de voir le même personnage réunir les deux titres de tribunus
et de cornes on en trouve des exemples à Albenga en Li-
;

gurie, à CentumcellaeMans le duché de Home^ » pareillement ;

l'oflicier qui a grade de magùier militum porte parfois le

titre de dux. Sans doute en va-t-il à Falères comme à Misère.

Peut-être aussi le rédacteur appartient-il au même groupe


que ceux de Cassien de Todi^ de Secundus à!Amelia et de
Victorin \ connaît aussi familièrement l'Evangile
d'Assise : il

de saint Jean que les gestes romains on a pu s'en apercevoir. ;

Au temps de Claude Auguste César, il y a une grande per~


t sèctdion dirigée contre les chrétiens afin de les faire sacrifier.
A ce bienheureux Eutychius prêtre était revenu à
moment, le

Ferento sur V ordre d'un ange mais Vangc lui ordonne main- ;

tenant d'aller ad civitatem Faleritanam auprès des martyrs

Gregorii Epist..'vin, 34,, Hartmann, ii, 37.


1

- a signalé deux autres versions de la légende l'une un peu plus courte


On :

[Codex Ultrajectinus Sci Salvatoris, 12 août 728, § 141; l'autre un peu plus dé-
veloppée [Codex Bruxellensis 9289 (du xn^ s.) f^ 180''. Gat. Bruxelles, ii, —
295, n. 92.J Ce sont les textes B. H. L. 3631 et 3632.
Diehl, 112-113.
' —
Cf. Gregerii Epist., éd. Migne, ix, 51, 69; vin, 18 ;
XII, 12; VII, 3; i, 13 ; C. I, L., v, 7793.

* B. H. L., 2779 et 2780 [15 mai, 460 ou 458J.


152 TRAniTIONF; DE TUSCIE

GratilianJis ri, h'c.licissima : il y cr.li'Jjrc/ra las divins myslf-rcs


(lu corps et du sang de. Nuira Saif/ncur J(''sus-('hrisl, puis re-
viendra (ad civitatern propriam Foreniinarii) à Verenlo^ ou il
sera bienlâl couronné. EuUjchius se hâte donc d'aller au tom-
beau des martyrs, il y fait les divins mystères^ il y reçoit les
remerciements des parents de Gratilianus : cest lui qui l'a
converti ; puis il s en retourne. Les appariteurs du tribun
Maximus V arrêtent. « C
est toi., lui dit Maximus, le séduc-

teur des mages ; toi qui détruis les commandements du prince


Claude. » «— Vos idoles sont sourdes et muettes ; vous
adorez des créations de l'homme et vous ignorez mon Seigneur
Jésus-Christ. » Le lendemain Cévéque de Ferento, Denys, se
présente au tribun: {il a appris l'arrestation d' Eutychius),
(( Pourquoi tuer, lui dit-il^ un serviteur de Dieu qui prie
pour toi et pour Vétat ? » Maximus le fait battre et cliasser
de la cité, puis il tâche de séduire Eutychius ; mais en vain :

Eutychius raille les idoles de bois et de pierre dont le psal-


miste a dit [IIS ou 115,8^: similes illis fiant qui faciunt et
omnes qui confidunt in eis il rappelle la parole du Christ
;

[Mt. lOy I9\ : dum steteritis ante reges... et les promesses qu'il
a faites aux siens [Mt. 16. 25, et 19, 29] qui perdiderit ani- :

mam suam propter me..., et qui reliqueritpatrem autmatrem ;

il montre à Maximus qu'il y a une autre vie qui ne finit jamais.


— « Sacrifie, et je f enrichirai ; sinon, par le salut de notre
seigneur invaincu le pr'ince Claude, tu mourras. » « Aban- —
donne le culte des dieux, sinon tu brûleras au feu éternel, et
tous tes pareils avec toi. » Beaucoup se convertissent, mais
Maximus fait battre le saint il le fait suspendre sur le che-
;

valet, et lui fait broyer la figure; il ordonne enfin qu'on le


décapite hors de la cité. Eutychius demande aux spiculatores
un délai pour prier. « Dieu tout-puissant, dit-il en se jetant
à terre, reçois mon esprit et compte-moi parmi tes saints
martyrs ; que tous ceux qui invoqueront mon nom et se con-
vertiront partagent notre récompense et, en ce monde, de ,

quelque ennui qui les accable, délivre-les, Seigneur ! » Il fut


décapité d' un seul coup le jour des ides de mai, c est-à-dire
,

le 15 mai.
Passion des saints qui ont été couronnés ensemble, Euty-
chius et Valentin prêtres, Hilaire diacre, Gratilianus et Feli-
cissima, et les autres qu'il est trop long de dire.
L'évêque Denys, qui se cachait à cause de la persécution.
LE CULTE D*EUTYCH1US 153

emporta le corps pendant la nuit avec ses clercs et Vensevelit


dans sa terre, dans sa crypte, à environ 15 milles de Ferento ;
ils y firent vigile et jeûne, remerciant le Seigneur qui opère
ici de miraculeuses guérisons.
Longtemps après, paix fut donnée à V Eglise de Dieu ;
la
la religion des chrétiens prit un grand accroissement ; on
orna Vèglise qui avait été construite en cet endroit, on creusa
très profondément la crypte, où jaillit une faible source : elle
guérit les malades qui invoquent Eutychius. Dans cette
crypte, à U intérieur de V église, à droite, vers r Orient, on e?z-
sevelit le corps d Eutychius prêtre et les corps des autres saints
sous des plaques de marbre blanc : le tombeau ressemble à
une arca. Près du corps d^ Eutychius, il y a une seconde crypte
qui a environ trente pieds de long : on y voit des sarcophages
où reposent des (corps) saints ; une petite source y coule qui
quèrit les malades grâce à leur intercession. Dans la partie
y

gauche [de l'église)^ on construisit un autel d^ Etienne proto-


martgr et diacre et d'autres saints ; tout autour des colonnes
de marbre, des chapiteaux dont les feuilles imitent des lys (?)
et, au-dessus, des plaques de marbre on dirait un arcus.
:

Par toute V église, de place en place, on construisit des autels


en r honneur des saints et des vierges qui régnent avec le Sei-
gneur dans rèternité. Réjouissons-nous dans le Seigneur,
mes très chers frères, en Vhonneur du bienheureux Eutychius
prêtre et martyr, dont c est aujourd'hui la fête il a méprisé :

le monde et ses richesses; il a lutté, pour T amour de Dieu,

jusqu'à la mort; il est mort, il a été vers Celui dont le pou»


voir dure à travers les siècles des siècles. Amen.

Ferentum (ou Ferentinum) une ancienne ville très bien


est
connue, au nord-ouest de Viterbe Tacite, Suétone et Vi-
;

truve nous en parlent*.


Le bienheureux Eutychius, prêtre, est ignoré du férial hié-
ronymien et du calendrier populaire, d'Adon et d'Usuard.
Son culte est solidement attesté, néanmoins, par une page de
saint Grégoire le Grand. La voici.
« Tu as bien connu, Pierre, l'évêque de Ferento, Redemptus,
qui est mort il y a sept ans. 11 m'a raconté, lorsque j'étais en-

Ne pas confoodre ce Ferentinum avec le Ferentinum heroique, qui


*
est
situé auprès d'Aialri. Ou ne sait auquel des deux se rapporteot les deux ci-
talions du Liber Pontificalis, i, 187, 212.
!J)4 TRADITIONS DE TÎTSCIR

core dans suivante, qu'il tenait du doruier


le cloître, l'histoire
pa[)e Jean qui m'ait [irérYidé Mean lu, l\()\ 574). -- I{edeni[)tus,
suivant lacoutume, visitait ses paroisses il arrive à l'église;

du bienheureux Kutychius martyr, et, comme la nuit vient, so


fait dresser son lit contre le tombeau. Au milieu de la nuit,
tandis qu'il dort à moitié, voici que le bienheureux martyr l']u-
tychius se dresse devant lui. « Redemptus, dit-il, es-tu éveillé ! »
— « Je suis éveillé ». —
« Toute chair va périr, toute chair va
périr^ toute chair va périr » !

Après avoir poussé ce triple
cri, la vision disparaît. Alors, l'homme de Dieu se lève, et,
tout effrayé, se met en prière car il a vu venir du ciel des
:

signes terribles, comme des lances et des lignes de feu mena-


çantes accourues du nord. Et bientôt, en effet, sont survenus
les Lombards qui ont tout pillé, dévasté, désolé,... : ce n'est
plus l'annonce de la fin du monde, c'est la fin du monde elle-
même. »
Redemptum Ferentinai civitatis episcopum^... qui ante hos
fere annosseplem ex hoc mundo migrauity tua dilectio cogni-
tuYYi habuit. Hic sicut mihi adhuc in monasierio posito valde

famiiiariter jungebatur,... a me requisitus mihiipse narrabat.


Aiebat namque quia quadam die dum parochias suas ex more
circuiret, peruenit ad ecclesiam beati Eutgchii martyris. Ad-
vesperascente autem die stratum iuxta sepulchrum
fieri sibi
m^artyris uoluit aique ibi post laborem quievit ; cum nocte mé-
dia ut asserebatnec dormiebat nec perfectevigilare poterat^sed
depressus ut solet somno gravabatur quodam pondère vigi-
lans animus atque ante eum idem beatus martyr Eutychiiis
astitit^ dicens Redempie,vigilas ? Oui respondit Vigilo. Qui
: :

ait : Finis uenit uniîiersde carnis, finit uenit uniuersœ carnis,


finis uenit uniuersœ carnis ! Post quam trinam iiocem uisio
martyris quœ mentis eius oculis apparebat, euanuit... Mox
effera Langobardorum gens de vagina suœ habitationis educta
hi nostra ceruicem grassata est ...Nam depopulatœ urbes,
euersa castra^...
Il est certain qu'il s'agit ici du mêine martyr que celui au-
quel s'intéressent nos gestes. Sans doute, les gestes écrivent

* Dialogi, m, 38, P. L., 77, 316-317. —


Je note le rythme ternaire du dis-
cours d'Eutyclaius il
: est inspiré saos doute par les récits de l'invention
d'Etienne où je le retrouve :« Luciaoe, Luciane, Luciane,,.. (dixit Gamaliel)...
Si est haec visio ex te (Deo) fac ut iterum et tertio appareat... (Gamaliel
,

dixit) :... acquiesce, acquiesce, acquiesce mihi [P, L., 41,809, § 2, 811 ; § 4].
ORIGINES DE LA LÉGENDE 155

Eutitius OU Euticius, Grégoire Eutychius. Mais ces trois voca-


bles sont tout proches l'un de l'autre pour qui considère que la
lettre c peut avoir le son dur ou le son doux, et qu'Euticius

peut donc être orthographié Eutychius ou Eutycius. Aucune


de ces formes orthographiques ne s'impose, du reste, à nous :

nous n'avons aucune édition critique des gestes. Enfin, et sur-


tout, les gestes attestent qu'Eutychius est un martyr de Fé-
rento le récit de saint Grégoire nous invite à penser que l'Eu-
;

tvchius qui apparaît à l'évoque de Ferenlo est le patron


(le Ferento car TEutychius qui visite l'évêque est évi-
:

demment celui qui repose dans le tombeau auquel est accoté


le lit de Redemptus et comment admettre que, dans le
;

diocèse de Ferento, il y ait une église de saint Eutychius con-


sacrée à un autre Eutychius que l'Eutychius de Ferento ?
Il est donc certain que l'Eutychius de saint Grégoire est

identique au nôtre. —
Il est certain, pareillement, que l'his-

toire contée par les gestes n'a aucun rapport avec le récit de
saint Grc'goire.
que les gestes soient antérieurs à saint Gré-
Est-ce à dire
goire? —
Il semble assuré que les gestes ont subi l'influence

des légendes grecques ils montrent que le martyr demande au


:

bourreau un délai pour prier, et, à Dieu, sa spéciale protec-


tion pour ceux qui invoqueront son nom de martyr ^
Ce double trait se retrouve aussi dans Torpes : on le verra ^,
Comme dans Torpes, on voit encore, dans Eutychius, que le
martyr demande à Dieu de recevoir son « esprit )),et que l'au-
teur donne des détails très précis sur l'église oii Ton vénère le
martyr. Notre texte n'est-il pas parent de Torpes, et à peu près
son contemporain, et, par conséquent, à peu près contempo-
rain de saint (Grégoire lui-même? Tribun est, à ce moment, le
nom qu'on donne d'ordinaire aux gouverneurs des villes ^
Saint Grégoire emprunte aux gestes des Martyrs Grecs le
titre qu'il prend servus servorum Dei'", et je me demande si,
:

lorsque Févêque de Ferento, Denys va trouver Maximus pour


lui reprocher de tuer un serviteur de Dieu, il ne se souvient

* Cf. infra. G. M. R. V. Pareil trait se lit dans JEmilianus. —


Nous avons
une épitaphe d'un martyr Eutychius rédigée par Damase elle ne rappelle en
:

rien notre légende.


2 Cf. infra.
3 Diehl, 111-118.
* Cl. infra.
156 TRADITIONS DE TUSCIR

pas (lu diacre Marcel dont les Marli/rs Grecs nous comptent
précisément l'histoire. Prœcepil Valer'uinns ut prœsenta-
renlur (sancti)... Audicns aiitcm Iioc Marcellus diaconus,
currens oblullt se in conspectu Valeriani dicens : « quare le-
nentur a te veritatis amici ? »

IV

On pourra préciser cette conclusion en comparant entre eux


les trois gestes de Valentin-Hilaire, de Gratilianus-Felicissima
et d'Eutychius.
Leur parenté n'est pas contestable. Tous les trois mention-
nent le bienheureux Eutychius, prêtre. —
Les attaches locales
de tous les trois sont voisines Tune de l'autre (Viterbe, Falè-
res, Ferento). — Enfin les gestes d'Eutychius sont séparés en
deux parties par la phrase suivante :

Passion des saints qui ont été couronnés ensemble,


Eutychius et Valentin prêtres, Hilaire diacre,
Gratilianus et Felicissima et les autres qu'il est (trop) long
de dire.
Cette phrase survient après celle qui dit la mise à mort d'Eu-
tychius les ides de mai; — elle survient avant le récit de son
ensevelissement et la description de son église.
On soupçonne naturellement que les mots passion des :

saints qui.., sont un eœplicit, ouïes débris d'un eœplicii; ils


terminaient le texte primitif. Le récit de l'ensevelissement et
la description de l'église sont un véritable épilogue, ajouté
postérieurement.
Un fait confirme cette supposition on lit dans ledit épilogue
:

l'expression « mes très chers frères » nous ne la retrouvons


;

nulle part ailleurs. L'épilogue a été rajouté par un prédicateur,


qui avait lu d'abord les gestes des martyrs, le jour de l'anni-
versaire d'Eutychius.
Est-il possible de dater l'épilogue ? —
Il a, je crois, quelques
c
UN CYCLE LOCAL lo7

traits de parenté avec Paiilimis. Paulinus^ on va je voir *, est


on somme un remaniement de TorpeSy qui donne des dé- —
tails très précis sur l'église où sont déposés les martyrs, et —
qui s'intéresse aussi au culte d'Etienne protomartyr. Or, les
gestes de Paulinus datent sans doute du vu® siècle, se-
conde moitié. N'est-ce pas à ce moment qu'aurait été composé
l'épilogue d'Eutychius ?
pose encore d'autres problèmes. Il atteste l'exis-
L'^^/?/ic//
tence d'un texte cyclique où sont enchaînés bout à bout les
gestes de Valentin-llilaire, de Gratilianus-Felicissima et d'Eu-
tychius. Quel est le rapport de ce texte cyclique avec les textes
que nous lisons?
11 est possible que nos textes à' Eutychius et de Gratilianus

Felicissima aient fait partie du texte cyclique. La chose va de


soi pour Eutychius c'est notre texte à' Eutychius qui nous a
:

conservé Vexplicit du texte cyclique. —


D'autre part, Grali-
linnus s'accorde avec Eutychius ici et là, môme époque de
:

Claude ici et là, citations de l'Evangile et citations analogues ^


; ;

ici et là, serments ou prières par le salut du prince » ou « par


ce

les divines écritures». Eutychius, enfin, cite les personnages


de Gratilianus etde Felicissima, et fait une allusion précise à un
passage déterminé de leur légende après avoir célébré les
:

mystères sur leur tombe, Eutychius^ d'après ses gestes, reçoit


les remerciements des parents de Gratilianus l'auteur d'Eu- ;

tychius vise évidemment l'apparition de Gratilianus à ses pa-


rents, lorsqu'il les exhorte à ne pas le pleurer et leur dit son
bonheur.
Il semble seulement qu'aucun des deux textes que nous
avons de Valentin-llilaire n'ait fait partie de la rédaction
cyclique. Le texte long est exclu, puisqu'il semble dater du
% et surtout parce qu'il place les faits au temps de
ix^ siècle
Maximien Auguste. Cette même raison vaut pour le texte
court; le texte court ignore Claude* aussi bien que le texte
long.

' Cf. infra.


' Cf. Qui vult venire post me ahneget semet ipsum [Gratilianus | avec qui
reliquerit patrem aut mntrem propter m".... [Eutychiusj.
' Cf. sup?'a, p. 145.
* Le rédacteur visait peut-être Claude I : le rédacteur de Paulinus place
S')Qhéros au temps de saint Pierre et de Néron (cf. aussi Torpes). Le milieu
d'où ces textes sout sortis voulait donner aux suints la plus haute antiquité
possible. — Noter pourtant que, dans Irénée, Claude est mis en rapports avec
Aurélieu.
158 TRADITIONS DB TUSCIE

Les doutes que nous avions émis plus haut semblent donc
justifiés noire texte court n'est j)as antérieur à notre texte
:

long, bien que notre texte long repose sur un texte antérieur'.
J'imagine que ce texte antérieur perdu parlait de l'empereur
Claude, et non de Maximien Auguste, —
et qu'il commençait
la rédaction cyclique doni Vexp lie il estconservé dans les gestes
d'Eutycliius.
Eulf/chiuSf Gralilianus-Felicissima et le texte cyclique se-
raient donc antérieurs à la fin du vu® siècle et postérieurs à
Torpes^ ou ses contemporains : c'est-à-dire qu'ils datent du
vu* siècle ^.

1 Notre texte court de Valentin-Hilaire est bien un résumé du texte long.


C'est dire que sa vraie forme est B. H. L. 8471-72, où se lit le récit de la traaô-
lation.
2 II ne me semble pas que ce texte cyclique ait utilisé des textes antérieurs

dont Gratiliaaus, Felicissima et Eutychius aient été les personnages centraux.


Noter l'expression saints qui otit ont été couronnés ensemble.
: —
Elle se
retrouve dans JEmilianus [cf. supra p. 11 1| qui a subi, autant que Torpes,
l'influence grecque, et qui comme Eutychius, semble émaner de l'entourage
de saint Grégoire le Grand [cf. supra p. 155. note 1 et appendice]. Tous ces
textes sont apparentés.

m
CHAPITRE Vil

TRADITIONS DE TUSCIE
{VIA CASSIA),
LES SAINTS IRÉNÈE, DONAT, GAUDENTIUS, PERGENTINUS, DOMNINUS

Arezzo est le point d'attache de nombreuses légendes, appa-


rentées aux gestes romains comme celles que nous avons ren-
contrées sur la voieCassia elles ont elles-mêmes porté assez
:

loin l'influence des légendes de Rome.

Au temps d'Aurèlien Auguste, il y avait une grande perse-


^
cution contre les chrétiens. Ayant appris que leur religion
à Toscanella (civitas tuscana), il y envoya un
était florissante
vicaire nommé Turcius auquel il donna la dignité de préfet.
Turcius, arrivé dans la cité de Falisque, se mit à chercher les

'
B. H. L., 4456 [3 juillet 640 ou 562].
160 TRADITIONS DR ICSCIE

chrétiens lun d'eux, PrAix, les rassembla donc et les encou-


;

ra(jea : Ce nuage passera ; lâchons d'éviter les ténèbres êler'


«

nelles ; mieux vaut un jour dans la maison du Seujneur (ia


alriis domini) que des milliers (de pièces) d'or et d'argent. » —
Félix est arrêté^ il comparait devant Turcius « Quoique pé- :

cheur^ je suis prêtre du Christ, » —


« Pourquoi réunis-tu le
peuple^ pourquoi le séduis-tu et le détournes-tu d'obéir aux
princes et à la tradition (disposiiio anliqua). » « Cest notre —
vie de prêcher le Christ et d'arracher chacun aux idoles et de
donner à chacun la vie éternelle. » —
« Qu^ est-ce que la vie

éternelle ? » —
« Craindre et adorer Dieu., le Père et le Fils et

l'Esprit-Saint. » On lui brise la bouche^ et il rend l'esprit ;


son corpSy abandonné sur la place, est recueilli par un diacre
Irénée et enseveli près des murs de la cité, au neuf des ka-
Imides de juillet.
Turcius fait donc arrêter le diacre Irénée puis il va à Eu- ;

sina, cité de Tuscie, où il reste plusieurs jours. Cependant la


très chrétienne matrone Mustiola, une cousine (consobrina) de
Claude, visite et secourt les chrétiens emprisonnés, les console^
leur lave les pieds, panse leurs blessures, les nourrit et les ha-
bille.Torquatus la dénonce à Turcius, qui est très irrité de
ce quelle est parente de l'empereur Claude. Il la fait pour-
tant comparaître, admire sa beauté et l'interroge sur sa no-
blesse : a ISlotre noblesse, V humilité des
répond-elle, c'est

saints; le diable a poussé nos parents à la mort\ Notre Sei-


gneur Jésus-Christ a daigné m' appeler, et avec moi tous ceux
qui espèrent en lui. » —
« Ne renonce pas à la noblesse de ton

origine, » —
« Si tu savais le don de Notre Seigneur Jésus-

Christ, tu,aurais la lumière éternelle, » « Qu'est-ce que la—


lumière éternelle ? » « — E
esprit et la vertu. » « Pour- —
quoi visites-tu les prisonniers ? » —
« Par amour pour Notre

Seigneur Jésus-Christ. » « —
Laisse cette folie obéis aux ;

ordres du prince sacrifie et jouis de tes richesses. »


: « Tu —
blasphèmes sottement. » Turcius ordonne alors de décapiter
tous les saints qui sont en prison et de suspendre le diacre
Irénée sur le chevalet. Comme il l'invite à sacrifier, « es-tu
donc devenu fou », lui répond le diacre ; et, tandis qu'on lui
déchire les côtes avec les ongles de fer, il rend l'esprit en pré'
sence de Mustiola. a Misérable, dit-elle à son tour à Turcius,
pourquoi assassiner ainsi un innocent ? Ils vont à la gloire,
toi au feu éternel. Turcius la condamne per inscriptionem,
y>

1
IRÉNÉE DE CHIU8I 161

et elle coups le cinq des nones de juillet. Le


meurt sous les
serviteur de Dieu, Marc, la recueille et V ensevelit près des
murs d'Eusinay où ses prières et ses miracles fleurissent jus-
que ce jour, par le Christ Notre Seigneur,

Le férial hiéronymien donne ', au IX Kal. decemb., le la-


terculus suivant :

E. in tuscia marociani bonœ facienti


muscolœ felicis vitalis
W.in tusciascœ mustiolœ felicis vitalis marciani bonifaciani.
Il est très vraisemblable que cette sainte Mustiola est iden-

tique à la nôtre toutes deux paraissent associées à un même


:

saint Félix les gestes rattachent la sainte à la Tuscie aussi


;

bien que le férial ^


Les gestes, en effet, citent la civitas tuscana, la civitas Fa-
lisci, la civitas Eusina. La civitas Falisci est évidemment la

colonia Faliscorum qui est identique à Voppidum Falerii ^,


dont il a été question plus haut à propos de Gratilianus-Feli-
cissima, —
Tillemont a identifié la civitas tuscana avec Sutri *,
bien à tort. Il est sans doute préférable de songer à Tosca-
nella qui s'appelait autrefois Tuscana : Pline, la table de
Peulinger et l'Anonyme de Ravenne en font foi ^ Il n'y a —
pas de doute, enfin, que Eusina doive être lu Clusina et
d(^signe Cbiusi quelques manuscrits ^ donnent Clusina
:
;

d'autre part, on a trouvé dans une catacombe située à un mille


environ de Chiusi, à Test de la porte di PaccianOj l'inscrip-
lion suivante "'
:

B ivLi^ M
SANCTISSIME EX GENE
RE MVSTIOLE SANCTiE
ASINT^: FELICISSIMEQVE
VIXIT ANNIS XXXVII POMPO
NIVS FELICISSIMVS CONIV
GI INCONPARABILl DEPOSl
TA XIII KAL lANVARÏASDSOLIS
1 Rosai-Duchesne, p. 146. —
Sur le Dom Mustiola, cf. Allard. II12. p.258.note 1
' Il n'est pas du tout sûr que Vitalis, Marcianus et Booifaciaous aient été
associés à Mustiola. —
Sur la date de l'anniversaire, cf. infra.p. 162.
3 G. I. L., XI, 1,464-465.
* 351 et 682.
IV,
» Pline H. N. 3, 52.
: —
Anon. Rav., iv, 36 (Piader-Parthey, p. 284). — Des-
jardins, p. 132 (via Clodia).
« C. I. L., XI, 1, p. 372.
T
G. I. L., XI, p. 405, n. 2549.

ni 11
162 TRADITIONS DE TUSCIE

L'inscription remonte sans doute à la fin du iv* siècle :

sainte Mustiola était donc vénérée à Cbiusi, en Tuscie, dès


cette époque.
Sainte Mustiola semble avoir été, soit une martyre de la per-
sécution dioclétienne, soit une grande dame chrétienne qui
aurait accueilli ses frères dans son domaine. La catacombe où
l'inscription a été découverte est importante et ancienne. Elle
a été trouvée en 1634 par des chanoines réguliers qui étaient
établis là, et qui voulaient forer un puits. On Ta souvent ex-
plorée passé ce moment. Les plus anciennes inscriptions datées
qu^on y rencontre nous reportent aux années 290 [n. 2373],
322 [n. 2548] et 338 [n. 2565] ; la formule D M
n'apparaît
qu'une fois [n. 2555]. Les plus récentes inscriptions datées
nous conduisent à la fin du v^ siècle [n. 2584, 2585, 2586].
Est-ce de cette époque environ que date la légende ?
On peut être tenté de le croire puisqu'on se trouve à l'époque
ostrogothique et que Cbiusi n'est pas fort éloigné de Home. —
Mais un fait fieurte l'hypothèse le férial biéronymien place
:

la fête de Mustiola et de Félix de Cbiusi au JX des kalendes


de décembre; nos gestes placent les anniversaires des deux
saints le IX des kalendes de juillet et le V des nones de juillet.
Le férial donne l'usage de l'époque ostrogothique. On ne voit
pas qu'il puisse être ici question d'erreur paléograpbique, et
qu'on puisse ainsi lever la contradiction des textes. On doit
croire qu'ils reflètent l'usage de deux époques différentes.
Nous avons déjà noté des faits du même ordre '.
En dehors du férial, aucun écrit daté ne mentionne nos saints,
avant Usuard. Usuard écrit - :

Civitate clusina sanctorum martyrum Hirenœi diaconi et Mus-


tiolœ nobilis matronœ qui passi sunt sub Aureliano principe.
11 est clair qu'il relève de la légende celle-ci est donc an-
;

térieure à Charles le Chauve et postérieure à l'époque ostro-


gothique.
Il est permis de préciser.

Ughelli ^ a conservé l'inscription suivante, que lui avait en-


voyée révoque de Cbiusi Jean-Baptiste Piccolomini. Elle était
gravée sur le marbre dans l'église de sainte Mustiola.

1 Cf. supra, p. 102. Mais je ne repousse pas absolument l'hypothèse d'une


transposition paléographique.

2 P. Z,,, 124, 221-222. Le calendrier populaire et Adon ignorent les saints.
3 II, 673 [cité 3 juillet, 561, § 7[.
LA CATACOMBE DE MUSTIOLA 163

1 Nobilis vasta nites rediviva an fabrica templi.


Egregia progenies ornarunt culmina pulchre.
3 Fulgidus vita plus Gregorius aptus ubique,
Hoc opus patrarunt Luitprandi tempore régis.
5 Tramite sat recto Ariadi pollet in alto :

Mustiola prœat, tu post gaudia illis


7 Celsus ubique suis concédât prospéra votis
Mox dabitur placide si nil dubitarit aberrans
9 Martyr, Arisebuti sis memor aima miselli.

Il s'agit, évidemment, de la reconstruction d'une église dé-


diée à sainte Mustiola par Grégoire et Arisébut. Ariald était
sans doute évèque de Chiusi au temps de Liutprand.
Or, cette inscription est parente de celle qu'on va lire, et
dont le vers 9 suppose nos gestes : ici et là, il s'agit d'une res-
tauration d'église et d'un pieux Grégoire, dévot de Mustiola ;

ici et là, le style est également barbare ^

1 C f Christe fave votis Gregorio et aucte conde * docis


L Quod Mustiolae obtulerunt martyre Ghristi,
3 V Hoc Tec. Menciburii sublata uetustas,
S Quœ meliore cultu noviliore redit.
5 I Cedit novitati diruti antiquitas ligni,
Pulchrius ecce micat nitentes marmoreis decus.
7 D Mustiolae mérita veneranda quse fedis
1 Roseis uirgineis crocis amore paratus
9 G Novilior prosapia, qui et de Claudii prolem,
I Guius aulae mœnia a fundaraentis dicavil
11 ï Gregorius armipotens et robustissimus do.

La légende semble être antérieure au début même du


vm^ siècle.
Elle nous parvenue dans deux textes celui qu'on a ré-
est :

sumé a été imprimé dans les Acta Sanctorum l'autre, qui ;

a été publié par Surius% et sans doute, comme il arrive d'or-


dinaire, retouché par lui, présente les caractéristiques sui-
vantes : 1. Turgius n'est pas appelé vicaire ni préfet: 2. La

^ La seconde fait peut-être suite à la première. était gravée sur le


Elle
tombeau de Mustiola. Sur le Grégoire dont il est question, cf. l'inscrip-
ici
tion d'un ciboire de l'église de sainte Mustiola, à Chiusi Xpe fabe uotis :

Gregorio et Ausfreconde docis... Temporibus Dni Liutprandi catholico régis....


Arc.adi presoli tempore (= a, 17 Liutpraadi) [Pizetti Antich.. Tosc. i, 268 ; :

Troya 485; etc.. d'après Bethmann Langobardiche Regesten. Neues Ar-


:

chiv., ni, 1878, 253]. Est-ce, ici et là, la même iuscription ?


2 B. H. L., 4455 TSurius, éd. 1573, iv, 76, ou 1618, vu, 75, ou 1877, vu,
105].
Lire Austreconde (?).
104 TRADITIONS DE TUSGIE

citéOÙ comparaît ot meurt Félix est citée on l'appelle Sutri


;
;

3. Irénée marche, enchaîné, depuis Sutri jusqu'à Chiusi, de-


vant le char do Turgius 4. Torquatus n'apparaît pas.
;

Si l'on voit dans la civitas toscana de notre texte 4i.')0, la

moderne Toscanella, on jugera sans doute qu'il est antérieur


au texte de Surius : l'introduction de Sutri, qui caractérise
celui-ci, dérive peut-être de l'erreur d'un copiste on se sera ;

demandé quelle pouvait être cette civitas tuscana dont il


était ici question, et Ton aura choisi Sutri au petit bonheur. —
Il se peut aussi, du reste, que les deux versions soient à peu

près contemporaines, et que Toscanella et Sutri se soient dis-


puté le culte d'un compagnon de xMutiola. —
Mais il se peut en-
core que le rédacteur de la version 4455 ait écrit vers 728, au
moment où Sutri, enlevé par Liutprand, puis donné par lui
aux bienheureux apôtres Pierre et Paul, a joué un si grand
'
rôle
Quoi en soit, la plus grande partie de la légende est
qu'il
identique dans l'un et l'autre texte par ce fond commun elle
:

est parente à' Eutychius et de Secundus. Ici comme dans Se-


cunduSy il est question d'Aurélien le saint est dit parent de
;

l'empereur un chrétien reproche au persécuteur d'assassiner


;

un innocent. —
Ici comme dans Eutychius, le narrateur s'in-
téresse à Faleri (Falisci) un personnage reproche au juge de
;

massacrer les saints il est fait mention de l'empereur Claude.


;

Ces coïncidences ne peuvent être un effet du hasard. Il est


vraisemblable que 7rewee est à peu près contemporain àQ Se-
cundus et Ôl Eutychius et qu'il est sorti du même milieu, au
vu® siècle.
Il est très probable encore que le ou les rédacteurs de ces

légendes étaient familiers avec les gestes romains d'origine


lérinienne n'est-ce pas là qu'il sont trouvé Turcius, et la for-
:

mule si donum dei scirés ^ ? Mais peut-être ont-il pris directe-


ment ce dernier trait à l'Evangile de saint Jean.

* Bethmann : Lang. Reg., 89. Neues Archiv.^ m, 253. Cf. Hartmann, II, 2,
96-97. Et noter Timportaoce de l'exarque Eutychius à ce moment. Peut-être
Eutychius a-t-il été retouché alors.
2 G. M. R., I, 311, n.4. 11 y a un Turgius dans les XII Syriens. Si donum

Dei scires se lit dans Censurinus, etc.. —


Il se pourrait que notre texte fût
un remaniement d'une version rédigée à l'époque ostrogothique. On aurait
retouché, au vu» siècle, la date de l'anniversaire, afin de conformer le
texte h l'usage courant.

Il
DONAT d'aREZZO 165

II

a de
^^ y ^^^^^ dans la cité de Rome un enfant^ nommé Donat,
lat qui avait été élevé par Pigmeniiis, prêtre de la paroisse du
ZZQl
Pasteur^ et était devenu lecteur ; il avait eu alors pour cama-
rade Julien qui avait été fait sous-diacre de V église romaine.
Mais Julien, lorsqu'il est empereur^ persécute les chrétiens^
emprisonne Pigmenius et fait tuer les parents de Donat qui
s'enfuit dans la cité d'Arezzo. Recueilli par le moine Hilarin,
Donat vit avec lui, lui enseigne la doctrine de Pigmenius, ety
malgré ses avis, se consume dans les jeûnes et les prières : il

opère de nombreux miracles.


Cest ainsi qu*il guérit et convertit une noble pcCienne, Su-
rana, dont les médecins n^ont su que manger la fortuné sans
lui rendre la vue {elle était aveugle depuis neuf ans); Vèvéque
Satyrius la baptise après quelle a btHsé ses idoles, Jupiter et
Junon. A cette nouvelle, moi, Apronianus, je lui conduis
mon fils Asterius, qui est possédé du démon ; il est également
délivré. Pendant ce temps, Donat vit avec Satyrius, qui lui
donne le rang de diacre de nombreuses années après,
; un —
long intervalle est nécessaire, — il lui confère la prêtrise. Mais
voici qii Eustasius j recteur de Tuscie et collecteur du fisc [exaLC-
iorïiscï) est saisi par
ennemis qui font invasion ; Euphrosyne,
les
sa femme, cache V argent, mais meurt sans lui avoir dit ou elle
Vavait enterré. Les principaux de la curie (principales curiae)
décident donc d'envoyer Eustasius au supplice. Eustasius re-
court aussitôt à Donat : Donat prie au tombeau d' Euphrosyne
et une voix céleste lui révèle V endroit ^ Lorsque meurt Saty^

» B. H. L.,2289 [Mombritius, i, 234, sq]. —


Le texte B. H. L., 2293 repro-
duit noire texte 2289 en l'encadrant du prologue et du dernier chapitre de
Donat d'Euria [Cat. BruxeL, ii, 433, 3»1.
* Un trait tout à fait analogue noua est conté par Grégoire de Tours, à pro-

pos de Vitalis et d'Agricola. a Alius quoque tributa publica deferens sacculum


pecuniœ dum iler ageret negligenter amisit. Appropinquans autem ciuilati
recognoscit se amisisse sacculum publicum quod ferebat. Tune prostatus co-
166 TRADITIONS DE TUSCIE

rius, Donat est choisi pour


remplacer^ malr/ré sa résistance,
le
par le peuple et le clergé qui le chérissent ; il va se faire con-
sacrer à Rome par le bienheureux évèque Jules, et, de retour à
Arezzo^ il offre le saint sacrifice de ordinatione sua. Un jour
que le diacre Antime distribue au peuple le sang du Christ, les
païens font irruption, le calice tombe et se brise ; une prière de
Donat le répare, — seul^ un petit morceau na pas été re-
trouvé — païens confessent la divinité du Christ, 79 ^ ou
; les

89) d'entre eux sont baptisés. Mais, vingt-huit jours après,


Donat est arrêté, au temps de Julien, par /'augustalis Qua-
dratianus il refuse de sacrifier à Junon, et, après qu^ llilarin,
;

fustigé, est mort, il est égorgé, le 7 des ides d'août.

Cette légende porte la marque de deux époques parce qu'elle


associe à une tradition martyrologique, remontant au temps
des persécutions, une tradition monastique qui date du temps
de la christianisation. Saint Donat est attesté (au 7 des ides
d'août) par le férial hiéronymien *
: VEpternacensis semble
ne nomme pas, et qui peut-
l'associer à sept autres saints qu'il
être furent martyrisés avec lui les manuscrits des deux autres
;

familles suppriment ces sept compagnons anonymes. Mais —


ils appellent Donat episcopus et confessor c'est peut-être qu'ils :

ont subi l'influence des légendes qui s'expriment ici dans nos
gestes peut-être aussi Donat est-il un évêque ancien dont la lé-
;

gende aura fait un martyr. —


Si le moine Hilarianus ou Hilari-
nus ne nous est pas autrement connu, quelques détails nous re-
portent au temps qui a suivi les persécutions à deux reprises, :

le rédacteur nous parle d'irruptions ennemies. i\'y faut-il


pas voir un souvenir des invasions barbares, de l'irruption
des Ostrogoths ou des Lombards? Justement, on nous dit que
plusieurs reconnaissent la divinité du Christ (deitatem Christi) :

c'est un indice que l'auteur vit au temps où des Ariens sont


établis auprès de lui.

ram sepulcris beatorum cum laerymis depreeatur ut perditum eorum virtute


reciperet ne ipse coojuxque ac liberi ob id captivitati subigerentur. Egressus
autem foris in atrium, virum qui hanc pecuniam in via jacentem repérerai
naetus est scrutatusqae diligenter iliius horae tempore hic sacculum invenisse
:

86 dixil iste martyrum auxilium flagitauit. » [Gl. M. 44. P. L., 71, 745-46.
quo
ou Krusch.517]. —
C'est la même iiistoire, évidemment, qui se présente dans
les deux textes sous une forme un peu différente. L'histoire du « sac retrouvé »
fait pendant à l'histoire du « calice réparé Ce sont des thèmes banals.
.

1 Rossi-Duchesne,
p. 102, E t aritio donati et aliorum vu
: B IN TUSCIA ;
— :

ciuitate Aretie Donati epi et conf. »


DON AT ET VIBRIANE 167

Un autre fait, avec autant d'évi-


plus particulier, s'offre
dence: les gestes de Donat d'Arezzo sont étroitement appa-
rentés aux gestes de Vibbiane de Rome *. C'est la même
époque Julien l'Apostat ce sont les mêmes détails sur Pig-
:
;

nienius et le tiiulus Pastoris et, comme les gestes de Donat ;

font partir Donat de Rome, les gestes de Vibbiane conduisent


jusqu'aux Aquœ Tauranse, à égale distance de Rome et
d'Arezzo, un ami de Vibbiane, Flavianus. J'ai déjà remarqué ^,

enfin,que les gestes de Vibbiane se présentent comme l'œuvre


d'un DoNATUs, « sous-diacre régionnaire du Saint-Siège apos-
tolique, » et qu'il est naturel de supposer que c'est un Donat
qui a voulu écrire Thistoire de son patron les gestes de Vib- :

biane et les gestes de Donat seraient donc l'œuvre d'un même


auteur. Comme les c:estes de V^ibbiane datent des dernières
années du régime ostrogothique ^ c'est à ce moment qu'il
faut donc reporter aussi, semble-t-il, la composition des
gestes de Donat.
Les gestes sont encore apparentés à SahinuSy k Valentin
de Terni et à Alexandy^e deBaccano. Comme chacun d'eux [S :

doliolum mtreum V cilicium A orarium], ils illustrent une


; : ; :

relique conservée dans une église. Ils parlent d'un Augiistalis


comme Sahinus ils prétendent, comme Alexandre^ repro-
;

duire le témoignage d'un témoin des événements; ils raillent


les médecins, comme Valentin et Lucie. On peut sans doute
préciser l'époque où ils ont été rédigés ils datent du second :

quart du vi® siècle.


On s'explique fort bien dans cette hypothèse que notre texte
semble refléter Tinsécurité d'une époque malheureuse et dénon-
cer les polémiques soulevées entre Ariens et Catholiques par la
divinité de Jésus. On s'explique encore les préoccupations de
l'auteur son souci de la régularité disciplinaire touchant les
:

droits de Rome nous sommes


et l'observation des interstices :

au temps de Denys le Petit et de Césaire d'Arles et du Liber


Poniificalis ^; —
son souci de bien marquer l'authenticité du
texte s'il s'identifie avec le père d'un miraculé, c'est que nous
:

sommes au lendemain du concile pseudo-damasien, en pleine

* G. M. R, I, 123-126 et 240-243.
2 G. M. R., I, 89-90 et 362. —
Codez Casinensis 139, du xi« siècle.
3 G. M. R., I, 311 et 125.
* Notices de Gaius et de Silveatre décrets touchant la nécessité des inters-
;

tices [L. P., I, 161 et 171-172].


168 TRADITIONS DE TU8C1K

controverse manichéenne ;
— le soin qu'il prend de faire re-
marquer les austérités du lecteur Donat qui soulèvent les ob-
jections du moine Hilarinus notre auteur appartient au clr.-
*
:

rus, et les lecteurs du Liber Pontifîcalis savent quelle rivalité


oppose souvent moines et clercs. Le terme principales curiae
n'a rien non plus qui puisse surprendre il désigne, les papy- :

rus de Ravenne le font voir, une commission composée par


les plus importants personnages de la curie et qui parfois la
représente ^
On comprend enfin que Grégoire le Grand ait pu citer notre
légende dans un passage de ses Dialogues ', et que Donat ait
été de bonne heure vénéré à Rome *.
Voici un point obscur. Pourquoi le rédacteur anonyme
prend-il soin de nous dire que Donat va se faire sacrer à Rome
par le bienheureux évêque Jules? Comme je ne vois pas qu'il
y ait eu, au début du vi' siècle, aucune polémique contestant
les droits métropolitains de Rome, je ne crois voir, dans le

* Cf.supra, p. 51-52, les passages analogues à'Anthime.


2 Mariai passim.
: — Cf. Diehl 95-96 ; Fuslel de Coulanges
: : Invasion
germanique, 37-38.
3 I, 7. — quoquo tempore ciim idem vir venerabiiis
P. L., 77, 184. « Alio
(Nonnosus, prœpositus monasterii in monte Soractis) lampades vitreas in
oratorio lavaret, una ex eius manu cecedit, quœ per innumeras partes
fracta dissiluit qui... se... cum gravi gemitu in orationem dédit. Cumque
:

ab oratione caput levasset, sanam lampadem reperit quam timens per


fragmenta collegerat. Sioque in duobus mirncidis duorum Patrum virtutes
imitatus est... in reparatione lampadis, virtutem Donati qui frac.tum calicem
pristinœ incolumitati restituit. » —
Un miracle tout à fait analogue (restau-
ration d'un calice par la prière d'un diacre) est raconté par Grégoire de Tours
[Glor. M. 46, P. L., 71, 747-748] comme s'étant produit à Milan, à l'église de
Saint Laurent. Sur l'origine de ce thème mythologique christianisé, cf. G.
M. R., 11, 279. Un autre calice merveilleux —
il ne s'épuisait jamais est —
mentionné dans les gestes de Juvénal de Narni [3 mai, § 5]. Cf. aussi dans la
vie de saint Benoit l'histoire du vase de verre brisé d'un signe de croix [Dial.,
Il, 3. —
P. L., 66, 134]. Il ne semble pas qu'il y ait entre les textes aucun
rapport littéraire. Mais il est probable que les « histoires du calice brisé et
miraculeusement réparé >, si je puis ainsi dire, étaient flottantes un peu par-
tout, à le fin du vi® siècle, et s'intégraient dans les légendes suivant les fantai-
sies des rédacteurs. Nous arriverons un jour à reconstituer les filons légen-
daires qu'ils exploitaient. —
Comparer l'histoire du « sac retrouvé » [supra
p. 165, n.2].
Les guérisons d'aveugles se rencontrent dans nos textes avec une fréquence
extrême cf. Sabinus, Abundius, Viotorinus, Terentianus,
: Gratilianus, Cres.
centius, Severus.
L. P., 24 (Léo m, 795-816) « simili modo fecit et in monasterio sci Do-
Il, :

nati qui ponitur iuxta titulum scee Priscae canistrum ei argento. On ne —


sait pas, à vrai dire, de quand datait le monastère. Le calendrier populaire
romain [P. I., 123, 159-160] mentionne Donat.
GAUDENTIUS d'aREZZO 169

détail que rapporté, qu'un reflet de l'usage courant.


j'ai —
Peut-être pourrait-on soutenir que notre texte a été retouché
aux environs de Tan 600, par l'auteur de Juvénal de Narni.
Juvénal conte l'histoire d'un calice aussi merveilleux que
le calice de Donat Juvénal se fait sacrer à Rome aussi bien
;

que Donat Juvénal insiste formellement sur ce point que la


:

Tuscie a été confiée à l'église romaine *.

HI

Autemps ou /'Augustalis Quadratianus revint à Rome sur


l'ordre de Julien César, le même Julien César envoya à Arezzo
le prœses Marcellianus : la foule raccueillit bien, et, tout
heureux il sacrifia à Jupiter. Après la mort de Julien, Mar-
y

cellianus reste à Arezzo, jusqu'au temps de Valentinien, roi


très chrétien ; ce qui fait qu' Arezzo reste païen, bien que toute
la Tuscie soit dès lors chrétienne. Mais févéque Gaudentius
se cache près de la ville avec le prêtre Dicentius et le diacre
Culmatus ; ils convertissent les païens. Ils sont un
arrêtés
jour tandis que Gaudentius participe au coj^ps et au sang du
Seigneur, avant d'avoir achevé la messe. (( De quel droit prê-

chez-vous ainsi ? » —
« Nous sommes les serviteurs du Christ ;
nous travaillons avec confiance pour quon abandonne les
idoles et croie au vrai Dieu. » —
« Je vous épargne en ce mo-
ment ; allez, mais devenez raisonnables ! » Us vont alors à la
villa quon appelle Tuta, parce qu'il y avait une fontaine ou
l on célébrait le Pantheos selon le rite païen (?... ritu gentis)

^ Cf. iupra, p. 85 Certains traits de Donat rappellent aussi Victori?i-


Séverin et Agapet qui, précisément, ont été écrits, ou remaniés, au début du
vu» siècle. — Nos mss. de Donat présentent de nombreuses variantes ver-
bales IB. H. L., 2289, 90, 91, 92]; le Palatinus 846 et VAugiensis ne font pas
parler Apronianus à la troisième personne (au contraire du Vindobonensis
ex prsefecto urbis.
357), et ils l'appellent —
Je ne garantirais pas, du reste,
l'homogénéité du récit: peut-être y a-t-il eu d'abord deux réoits indépendants
et parallèles (Donat-Hilarin Donat-Satyrus)
; nos gestes dériveraient de la
:

fusion de l'un et de l'autre.


2 B. H. L. 3274, 19 juin, 848 ou 706.
170 TRAOITIONS DE TTISCIE

et que peuple^ en puisant à cette fontaine^ y puisait protec^


le.

tion (tulamen) ils habitent chez le chrétien Saccinus. Ceux


:

qui vicyinènt sont baptisés et enduits (hi saint chrême^ et s'en


retournent guéris, MarcellianuSy à cette nouvelle^ les fait
arrêter de nouveau {Dicentius, absent, rCest pas saisi) et con-
duire au théâtre oie le peuple accourt en foule fturmatim).
Quand il a obtenu le silence, le prœses dit : « Quels sont vos
maléfices? » —
« Adorez Dieu, et non les démons. » On les
bat et on les enferme sans nourriture sous bonne garde. Et
voici qu'arrive au milieu de la nuity dans une grande lu-
mière Vange du Seigneur : il leur donne un pain céleste et
,

tue les gardiens qui se jettent sur lui. Stupeur et fureur du


peuple le lendemain matin : les martyrs sont roués de coups.
« Par quel nouveau maléfice les avez-vous tués ))^ demande

Marcellianus. —
Ils ont vu Vange de Dieu et ne Vont pas
c<

honoré. Croyez en un seul Dieu (qui a fait le ciel et la terre),


le Père, le Fils et r Esprit-Saint, et vous serez sauvés, et les
geôliers ressusciteront. » Reconduits à la prison sur l'ordre du
préfet, au milieu des moqueries du peuple, ils se prosternent
à terre, invoquent le Dieu qui a ressuscité le fils de la veuve,
qui est à la fois le père et le fils de Marie ; et les gardiens res-
suscitent aussitôt disant « // n^y a quun Dieu, le Christ,
:

sur la terre et dans le ciel, celui que prêche saint Gaudentius. »


Beaucoup croient, confessent leurs péchés et obtiennent la
grâce du Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne dans les
siècles des siècles.
Pendant quinze jours, Gaudentius demeure chez un certain
vicaire de Quadratianus nommé André, qu'a baptisé Vévêque
Gélase il y guérit les malades. Marcellianus prévenu, et saisi
:

de rage, y envoie ses licteurs avec ordre de tuer tout le monde :


les licteurs massacrent, en effet, toute la maison d^ André, en
tout 58 personnes ; les corps sont jetés dans un puits, au-des-
sous de la maison (infra domum). Gaudentius et Culmatus
sont conduits aux bains, à côté du théâtre et du nymphée du
camp ils meurent sous les coups, puis on les décapite. Dicen-
;

tius vient la nuit suivante et ensevelit les corps au lieu que


j'ai dit, à côte des bains qui sont près de la cité et Arezzo,
contre le théâtre et le fleuve Castro, Marcellianus est saisi par
le diable et meurt, avant d'avoir pu tuer plusieurs chrétiens
comme il y comptait, en dessous du palais (infra palatium).
Le prêtre Dicentius est élu évèque (prœsul) par le peuple;

I
GAUDENTIUS, DONAT ET ALEXANDRE 171

baptême ; on élève une église en Ihon^


toute la cité reçoit le
neur des saints martyrs Gaudentius et Ciilmatus, ou leurs
prières procurent les bienfaits de Dieu, Ils ont souffert dans
la cité d'Arezzo sous le prœses Marcellianus leur anniver- ;

saire est le 13 des kalendes de juillet^ tandis que règne Notre


Seigneur Jésus-Christ, à qui honneur et gloire dans les siècles
des siècles, Arne?!,

Gaudentius et ses compagnons sont parfaitement inconnus :

on ne les trouve mentionnés ni dans le ferlai hiéronymien ni


dans le calendrier populaire, ni dans Adon, ni dans Usuard,
ni dans Notker.
11 est sûr que l'auteur connaît Donat, et il semble qu'il
veuille présenter son texte comme la suite de Donat, Ici et là
nous sommes à Arezzo, au temps de Julien un saint évèque :

convertit les païens et guérit les malades au moyen du saint


chrême. Selon Donat, l'évêque de ce nom est arrêté et mis à
mort par V Augustalis Quadratianus et, selon Gaudentius,
;

Y Augustalis Quadratianus est rappelé à Rome par Julien :

on devine que le rédacteur de Gaudentius commence son


récit au lendemain de la mort de Donat, d'autant qu'il nous
montre le nouvel évèque caché dans les environs, crainte des
païens. —
Il ne semble pas, en revanche, que cette suite de

Donat en soit contemporaine on ne dit mot de Pigmenius,


:

ni du titulus Pastoris, ni même de Julien c'est au roi très


;

chrétien Valentinien, qu'on s'intéresse. Gaudentius doit être


notablement postérieur à Donat.
Deux traits rappellent Alexandre de Baccano et Valentin
de Terni l'évêque est arrêté avant la fin de la messe il opère
; ;

une résurrection. —
Chose plus intéressante Texplication :

qu'on donne du nom de la villa Tuta rappelle l'explication^


qu'on lit dans Juvénal, de Nequina et de Naris et celle que ^

propose AbundiuS'Carpophorus du nom « territorium Salus-


tianum ^ ». Abundius prétend aussi raconter la fin du paga-
nisme aux environs de Spolète il nous signale aussi l'érec-
;

tion d'une église comme l'œuvre qui couronne et qui confirme


la christianisation. Comme Gaudentius souligne l'obstination
païenne d'Arezzo, Juvénal insiste sur la fidélité de Narni au

* Cf. supra, p. 86. note.


"^
Cf. supra p. 67-68.— Rapprocher aussi Gaudentius de Victorinus (turmae,
turmatim ; rex).
172 TRADITIONS DE TUSCIE

paganisme. Peut-être Gaudentius date-t-il du début du


vu® sièlc peut-être la rédaction du texte n'est-elle pas sans
;

rapport avec un remaniement de Donat k ce moment.

IV

Gestes de
^^ temps de Dèce^ César de la ville de Rome (Decii caesaris
Pergenti- urbis romse), les chrétiens étaient très persécutés. Comme il
Laureoti- pci^'courait les villes et les régions avec ses conseillers et ses
nus d'A- rninistri, il arriva à Arezzo. Un
païen dénonce au conseiller
rezzo
liburtius, qui dirige la persécution, deux frères utérins. Par-
gentinus et Laurentinus : ce sont des nobles, des chrétiens,
qui vont chaque jour à V école s* instruire dans les lettres et
étudier à fond les préceptes du Christ ; si on les laisse faire,
toute la cité est perdue. On les arrête, a Notre combat s'ap-
proche, dit Pergentinus à son frère... ; ne craignons pas ces
tourm.entSy mais le supplice éternel: ils tuent le corps, ils ne
peuvent tuer l'âme. Allons, parle le premier et réponds au
juge tu parles mieux que moi. »
:

—« Pourquoi abandonnez-vous les dieux qu adorent les


très pieux empereurs, pour le Christ quont tué les Juifs? » —
« Oui, nous ne connaissons d'autre Dieu que le Christ, fils
du Dieu vivant, qui a fait le ciel et la terre ; vos dieux sont
méprisables et sourds. » « —
Quittez cette folie, ou vous
mourrez dans les supplices. » Les saints, relâchés, prient
chaque jour, convertissent beaucoup de païens, et, quand on
les conduit de nouveau devant Tiburtius, déclarent qu'ils ne
se soucient pas de plaire à César, mais seulement au Christ.
Tiburtius, pris de colère, déchire ses vêtements et les fait battre;
mais ils chantent, implorent le Christ et les bras des bour*
reaux d*un coup, et ceux-ci supplient les
se dessèchent tout
saints de prier pour eux. Les saints prient, et les bourreaux
guéris se convertissent. Tiburtius fait ramener en prison Per-

« B. H. L.. 6632 [3 juin ; 272 ou 266].

I
PERGENTINUS d'aREZZO 173

gentinus et LaurentinuSy qui chantent Domine Deus salutis


nostrae ; un ange leur apparaît le troisième jour, et leur ap-
porte un pain céleste ; toute la prison s'illumine, les geôliers
dorment, les martyrs chantent. Bientôt les chrétiens viennent
les visiter, et, parmi eux, leur sœur Pergentina : ils ont sou-
doyé les gardiens. « Nos seigneurs et pères (domini patres),
disent-ils, la prison est ouverte, sortez-en votre vie nous est
:

nécessaire l » —
« Loin de nous cette idée : nous ne voulons pas

perdre notre couronne. Du reste, il y a ici un prêtre, appelé


Cornélius qui se cache crainte de Tiburtius
y ; tâchez de le trou-
ver, et dites'lui toutes les merveilles que le Christ a opérées
en vous :vous baptisera dans Veau et V Esprit-Saint, comme
il

il nous a baptisés. » —
« Priez pour nous, disent les chrétiens,

afin que nos âmes soient sauvées » ; et, après avoir été signés
par les saints, les chrétiens s^en vont, trouvent Cornélius, et
60 reçoivent le baptême, « Vous pervertissez la cité », dit Ti-
burtius à Pergentinus et à Laurentinus, lorsquHl a appris la
chose. —
« Ce ne sont pas des maléfices, mais des bienfaits
de Dieu (non maleficia, sed bénéficia Dei) qui ont produit ces
conversions, Lorsqu'on les met debout sur des charbons ar-
»

dents, les charbons refroidissent aussitôt, et le peuple croit en


Jésus-Christ ; lorsqu'on apporte un Jupiter, il s^ écoule à leur
prière, comme du plomb fondu. Deux cents hommes se con-
vertissent, mais les païens se précipitent sur les saints que Ti-
burtius condamne. Conduits hors de la cité, ils demandent
aux soldats un instant pour prier, adorent le Seigneur qui les
protège et lui remettent leur esprit : on les décapite enfin» Per-
gentina, aidée des chrétiens, les ensevelit près de la cité
d'Arezzo, à environ mille pas, près du fleuve appelé Castro.
Ils ont souffert le trois des nones de juin, tandis que règne
Notre Seigneur Jésus-Christ à qui louange et gloire dans les
siècles des siècles. Amen.

Le calendrier populaire, an III des nones de juin, donne :

Apud Aretium Tusciœ, martyrum Pergentini et Laurentini *

Ce sont évidemment les héros de nos gestes ceux-ci fixent à :

leur anniversaire la même date que celui-là.


A cette même date du III des nones de juin, on lit dans le
férial hiéronvnien•/
^ :

^ P. L., 123, 159-160.


2 RoBsi-Duchesne, p. 73-74.
174 TRADITIONS DE TUSCIE

E. apud arenum tusciœ laurenti et aliorum CCCC.


15. apud areciû cudl. Tuscie Laurenti.

IV. apud areciû ciûit tusciœ Laurenti.


11 est très pou vraisemblable que Laurent d'Arezzo, 3 juin,
le

que connaît le férial, soit différent du Laurentin d'Arezzo,


3 juin, que connaît le calendrier. Alors, d'où vient Pergen-
tinus?
J'ai montré que les saints romains dont parle le calendrier
*

et qu'ignore le férial se retrouvent tous dans les gestes des


martyrs de Rome —
et que, sans doute, c'est de là qu'ils
viennent. J'applique au cas présent la même hypothèse.
Nous dirons donc que la légende de Pergentinus-Lauren-
tinus est antérieure au calendrier, et que, peut-être en est-il
de même de notre texte. Car un autre texte a pu exister d'où
le nôtre dérive, d'où le calendrier dépende.
Notre texte est, par un point, parent de Gaudentius les :

martyrs sont arrêtés deux fois et, la première fois, ils sont re-
lâchés. —
Un autre trait, non moins curieux, rappelle Valen-
tin-Hilaire le juge, effrayé ou furieux, déchire ses vêtements.
;

Et les textes parents de Valentin-Hilaire présentent aussi des


points de contact avec Pergentinus-Laurentinus le jeu de :

mots beneficia-maleficia [Gratilianus-Felicissirna^y la de-


mande d'un délai pour prier et l'abandon à Dieu de leur « es-

prit » \Eutychius]. Or, tous ces textes datent vraisemblable-


ment de première moitié du vii^ siècle. C'est sans doute
la
aussi la date de notre version de Pergentinus-Laurentinus,
Mais je remarque encore l'intérêt que prend le rédacteur à
la question de la licéité de la fuite on songe aux gestes ro- :

mains, à Donat d'Arezzo, à Secundianus -. Et j'attire l'at- —


tention sur le fait qu' Adon ^ résume un texte différent du nôtre :

selon lui, le juge s'appelle Turtius *, non ïiburtius, deux


et les
frères sont tués, cum essent pueri. — A rapprocher ces deux

1 G. M. R., 1,374-375.
2 Gomme dans Secundianus, l'auteur insiste sur la scieDce de son héros [Cf.
aussi Valentin de Terni et Ch^ysanthe Darie]. —
Rapprocher aussi le prêtre
Cornélius de l'Antoine de Torpes.
3 P. L., 123, 279. « Apud Aretiam ciuitatem Tusciae, natalis sanctorum mar-

tyrum Pergentini et Laurentini fratrum, qui persecutione Decii, sub indice


Turtio, cum essent pueri, post dura supplicia tolerata, et magna miracula os-
tensa, gladio csesi sunt, et apud eamdem urbem conditi. —
Usuard ne nomme
pas Turtius, mais dit cum essent pueri [P. L., 124, 117-118]. Notker parle
comme Adon. [P. L., 131, 1097].
* Le rapprocher du Turtius d'Irenée de Chiusi.

U
DOMNINUS 175

faits, on se demande si notre texte du vu' siècle ne repose pas


sur une version antérieure^ laquelle daterait du milieu du vi" :

c'est elle sans doute que lisait et qu'utilisait Adon. Le prêtre qui
se cache aux environs d'Arezzo et que cherchent les fidèles
rappelle Priscus que cherche le pieux Hedestus Hedestus date :

du milieu du vi^ siècle. Le jeu de mots maleficia-benefîcia se re-


trouve dans Lucie Lucie a la même date environ que Hedestus.
:

Au
temps de V empereur Maximien il y eut une grande per-
sécution dirigée contre la nation des chrétiens (gentem) ; il
avait ordonné à ses préfets de torturer et de punir de mort
tous ceux qu'on trouverait (si quis inventus fuisset ad invoca-
tionem christianam colendam). Cependant, la sixième année
de son empire,il vient de Rome à Milan et renouvelle ses ordres
afin de ramener le peuple au culte de ses dieux ; puis il quitte
IJtalie pour la Germanie^ suivi dune partie de son armée et
trouve là-bas des serviteurs du Seigneur Jésus-Christ, « Nous
sommes les esclaves du Christ, » —
De ce Christ qui n'a pas
c<

pu échapper au supplice de la croix ?» —


« Si tu savais le
don de Dieu, cruel tyran, tu ne blasphémerais pas le Sei-
gneur ! Notre Seigneur Jésus-Christ a été un homme, il a
vécu sur terre, après être passé par le sein de la Vierge Marie,
il a opéré de nombreux miracles. » —
« Sacrifiez à mes dieux
sinon vous mourrez. » —
u Nous n^ adorons pas tes dieux : ils
ne peuvent même pas marcher ; nous nous sommes déjà donnés
à Jésus-Christ, d Saint DomninuSy premier cubiculaire^ qui
couronnait chaque jour V empereur et gardait sa couronne
était du nombre de ces cinq cents courageux chrétiens ; il les
réconforte y il leur montre l'empereur., devant quis ouvre l'en-

^ B. H. L., 2264 octobre, 991J. « Tempore Maximiani imperatoris... »


[9
C'est le texte le texte A, Le texte B. H. L., 2265 [Codex Barberi-
que j'appelle
nianus, cité 9 octobre, 988, §
5J ne s'en distingue, semble-t-il, que par des va-
riantes verbales ; de même, la version du Codex Bruxellensis 9289 [du
xiie s.J cf. Cat. Bruxelles., ii, 286, n. 19.
:
176 TRADITIONS DK TUSCIK

fer, d'autant plus durement puni qu'il occupe un ranq plus


élevé, « Ecoutez-moi^ mes chers frères ; fuyons ces embûches^
et cachons-nous. » El les cinq cents décident de fuir à Home.
« Nous sommes les serviteurs du Dieu tout-puissant ; nous

n adorons pas tes dieux », répètent^ils à Maximien qui en ^

fait exécuter quelques-uns en sa présence. Puis le plus grand


nombre se sauve avec Domninus, les uns par la voie Elaminia^
d'autre par V Aurélia^ d'autres par la Claudia, C^est cette
dernière que suit Domninus : au douzième mille de la cité
Julia Chrj/sopoliy près du fleuve Sis ter ioîi, il est arrêté, au mi-
lieu de la voie publique, par les envoyés de Maximien, qui le
décapitent. Mais Domninus prend sa tête, traverse le Sisterion
et s'arrête à la distance d'un jet de pierre (ad jactum lapidis
transtulit caput suum) : c'est là que repose son corps, intact
(integrum). Grâce à Dieu, beaucoup de malades y recouvrent
la santé jusqu'à ce jour.
A la nouvelle de ces miracles accourent beaucoup de chré-
tiens de diverses provinces : Domninus les guérit. L'un d'eux,
qui avait beaucowp prié et qu'avait guéri le saint, ne retrouve
plus son cheval lorsqu'il veut partir : il Pavait attaché près
du tombeau. Il revient donc se plaindre à Domninus ; mais,
en s'en retowmant, il aperçoit le voleur qui saute aussitôt à
terre., et lui abandonne la bête. Le chrétien remercie Dieu tout-

puissant et saint Domninus. —


Voilà ce que nous avons
d'abord appris (haec nobis in principio comperta sunt) ; Dieu
opérait bien d'autres miracles par son serviteur Domninus,
qu'il serait trop long d'écrire un à un. Saint Domninus a été
décapité le jour des nones de novembre, tandis que règne Notre
Seigneur Jésus-Christ^ à qui honneur et gloire.

La petite ville de Borgo San Donnino, à une vingtaine de


kilomètres de Parme, du côté de l'ouest, s'appelait autrefois
Fidentia * c^est près de là que LucuUus fut vainqueur de
:

1 G. —
I. L., XI, I, p. 202. Table de Peutinger Desjardins, p. 120.
: — Ano-
nyme de Ravenne, iv, 33 : Pinder-Parthey, p. 172. Le texte des gestes porte :

« bealus vero Domninus perrexit via Claudia; qui cum uenisset quinto decimo
milliario a Julia Ghrysopoli ciuitate a ministris imperatoris insecutus adpre-
henditur, et circa fluvium Sisterionem nomine in média quae Claudia rocatur
via publica capite plectitur qui statim uirtute diuinaabscissum caput e terra
;

Bublevans et palmis portans, transiuit per médium Sisterionem, atque ad


jactum lapidis ultra progrediens substitit ibique caput reposuit quo loca sa-
cra eiu8 ossa seruantur. » Cluvier [Ital. antiq., i, 269-270J et Molossi [Vooabo-

i
FIDENTIA 177

Carbo (82 av. J.-C). Depuis, on n'en entend plus parler


jusqu'au^temps des Staufen seuls, les itinéraires donnent en-
:

core 'son'^no m. Elle reparaît aujourd'hui, sous le nom de


saint'Domninus.
Saint Domninus ne nous qu'on
est connu que par le texte
a résumé plus haut et par le passat^e suivant d'Usuard *
:

apud Julianij via Claudia, sancti Domnini marUjris, suh


Maximiaiio^ qui cum vellet persecutionis rabiem decli7iare,
protinus insecutus et 7iihilominus gladio verberatus gloriose
occubuit.
Ildonc certain que la légende est antérieure à Charles
est
le Chauve ; peut-être doit-on ajouter qu'elle est parente des

gestes de Tuscie, de Rome et de Gaule.


Le grand personnage, ami de Dioctétien, et qui est marty-
risé par lui, rappelle singulièrement saint Sébastien. La for-
mule si donum Dei scires se lit dans Censurinus^ et dans plu-
sieurs gestes de Tuscie, tels qnhénée de Chiusi. C'est à
Rome que veulent se réfugier les chrétiens. C'est enfin aux

lario topogr. dei ducati, 124J, trouvent le passage très obscur. Je crois, avec
DesjardinB, que Julia Chrysopolis est cerLainement Parme, comme le déclare
explicitement l'Anonyme de Ravenne [iv, 33, Pinder-Parthey, p. 272, « Julia
Chrisopolis quse dicilur Parma »], comme l'explique l'envoi d'une colonie à
Parme par Auguste [G. I. L., xi, i, n. 1059 ; col(onia) Jul(ia' Aug(usta)
Parm(ensi8)], —
Cf. Rolando : Geografla polilica e corografica delVltalia im-
périale nei secoli IX e X
[a Archivio storico italiano, série IV, tomo 5, auno

1880, p. 231 »]. Le même terme se retrouvede Mathilde par Do-


dans la vie
nizo, I, 10 [Muratori : R. I. dont parle Jérôme
S., v, 354, A]. L'inscription
Albertutius \De Urbibus Italiâs, a^pud Muratori, loco laud., note 108] et qui au-
rait porté les mots Julia Chrysopolis, n'a jamais été retrouvée; peut-être est.
elle fausse comme le veut Leaudre Alberlus.

Je crois, avec Desjardins, que la via Claudia désigne la via jEmilia. Beretti
{^Dissertutio de tabula chorographica Italix medii œvi, apud Muratori R. L S., :

X, 31-32] cile deux chartes où la via ^miVia, en ces parages, est également appe-
lée Claudia 1. Charte de Benoît, évêque de Mutina, qui donne au monastère
:

de Nonantula une terre finissant a meridie slraia Claudia [1098] 2. Charte ;

de Mathilde (8 mai 1112, ind. 5), qui donne à l'église de Saiut-Césaire (entre
Mutina et Bologne) la curtis Vilzagara, limitée a septentrione ina Claudia. Mu-
ratori semble connaître d'autres chartes analogues [R. I. S., v, 361, n. 203].
Je n'ai rien trouvé dans les Uvkunden zur Beichs-und Recktsgeschichte Italiens
de Ficker [Innsbruck, 1874], ni dans les Diplomi de Gui, de Lambert t de
Béranger I, qu'a publiés L. Schiaparelli. Roma. 1903-1906 IFonti per la Sto-
ria d'It(dia].
I
* P. L
124, 555-556.
,

A la même époque, Uomninus est nommé par Wan-
delberl [Domninoque Itali claro cum martyre tulgent\ et Rhraban « eodem :

die Datale est Domnini martyris qui sub Maximiano imperatore propter
fidem Christi decollatus est, jussu ipsius imperatoris. Hic post marlyrium
, suum mulla miracula fecit in sanitate infirmorum et debilium \9 octobre,
987, § 1].

III 12
^78 TRADITIONS DE TUSCIE

[/Vr^e«/«m.ç-
ro.nains, .lirectemcnt ou indi.eclemcnl
.restes
op.sod.; de la
Lmcrenùnml <iue le rédacteur a <M..i.runte 1
et Aurcl.a.
fuite voies iHmilia (Claudia), l'iainmia
par les
impcrii cius est 1res
D'autre part, la formule anno sexto
GrcUilianus quarto anno
analo-ue h celles qu'on lit dans
:

imperii dus -
dans Lucie Gèminien : anno tertio
;
demao im-
peviicorum ;
-
et dans Mennas : anno
secundo imperu sut.
nous invite a croire,
Le récit du miracle survenu au tombeau
gestes avec Gratihanus, que
texte
le
comme la parenté des
deja il ne
culte assez ancien
est contemporain d'un état de
:

siècle \o.ci, du
peut guère être antérieur au début du vu"
qui semble dénoncer le vii° siècle même :

reste un fait

est appelée ciuitas Julia


Chrijsopolis, et pare, le ap-
Parme
rencontre dans l'anonyme de Ua-
pellation, très rare, se
Chrysopohs est un du vu'^ siècle '.
venne, lequel date de la fin
de penser que c'est au temps
de
terme grec il est naturel
:

de Parnie ^ ious
i-eKarchat qu'il a été appliqué à la iviUe
c'est le vu» siècle qu ils
dénoncent.
ces indices convergent :

fait conllrme cette conclusion.


Notre auteur con-
Un autre
amsi
naît la passion de saintMaurice et de la légion thébéetine ',
au vu- siècle précisé-
que certaines légendes nées de celle-ci,
Maximien d Italie en Uer-
ment. Celte campagne que conduit
peuple au culte des
manieet qui a pour but de ramener le
Eucher saint Doramnus
dieux est celle-là même dont parle
;

il est, comme saint


Maurice, le
ioue le rôle de saint Maurice ;

cette troupe est a peu


près
chef d'une troupe nombreuse et ;

La légende de ban
décimée comme l'ont été les Thébéens.
Domnino une réplique de la légende d'Agaune.
est
après avoir été décapite,
Le rédacteur ajoute que Domninus,
Sisterion et s'arrête a la dis-
porte sa tète, traverse le fleuve
tance d-un jet de pierre. Et je lis
dans une des légendes qua
suscitées Maurice :

i n .uvra D 177 noie - Kubitscbek : Der Text de,- ravennatUcher,

Rekonstrukt.oa der Kar e M .

KosZraken Raven'na. « Versuch eioer


ion
zwei KartensUizzen ». Kiel, 1886.
[Cf. Neumann : Bennes., -
xii., 160et U.eW.

^•^^âaratoli, U. I. S., v, 354, n. 108. - Cf.


la construction de Christopolia
à

de Trêves. Bouquet, iv, 67J


Corne (letti-e de Floriaous à Nieetius
° pourtant à noter que Maurice les Thébéeo» m
Cr. G. M. R., II. 9, sq. 11 est
De sont jamais no m mes.
.

DEUX AUTRES VERSIONS DE DOMNINUS 179

Vrsiis et Victor... non longe... a dicta ponte capita sua in


manihus portantes fliimen egressi sunt et ad lociim ubi nunc
in honore ipsoruin hasilica fahricata est pervenerunt '...
Les deux miracles sont tout à fait parallèles ^ Le rédacteur
de Domninus connaissait, en même temps que Maurice,
Ursus et Victor. L'origine du thème est sans doute la fausse
interprétation d'une fresque on y voyait le martyr portant :

sa tète comme pour Tolfrir à Dieu '\

Mombritius a public une seconde version de Domninus \


Elle utilise et cite expressément le texte remanié de Mau-
rice ^ :

Amandus et Helianus duo factiosi uiri collecta rusticorum


manu [excitant) clades perniciosas [in Galliis)... Maximia-
nus..., sociata sibi il la pretiosa Theheorum legione... {in
Gallias tendit, Thebei vero, diis sacrificare nolentes., capite
plfctuntur)^ ut eorum verissime gloriosa gesta testantur...
(k Cernitis^ [dit Mauricius^.., gloriosi milites Christi...; divina
sacramenta maiora esse iniperialibus cogitemus.,. — Hacte-
nus, imperalor, fuimus ; lui sed, quod et libère confitemur...
nunc servi sumus Christi. .

La version de Mombritius porte encore de l'époque la trace


grecque le discours de Domninus contient une profession de
:

foi dont l'allure anti-nestorienne est frappante :

Unum Deum [colimus).,,; Deum ex Deo Paire unicum Fi-


Hum coomnipotentem^ consubstantialem..., qui... uerum et
integrum hominem assumpsit in unitate personne.,, natus sine

* Cf. G. M.
R., II. 34 [B. H. L. 8588, 30 septembre, 291].
- Passionale Bodecense, on lit un sermon sur Ursicinus suivant le-
Dans le
quel ce saint aurait porté sa tête dans ses mains au lieu de son tombeau
[16 juin, 673).
3 De Smedt Principes de la critique historique, 188-192. Cf. les légendes
:

de Fuscien d'Amiens [B. H. L. 3224-3229] et de Lucien de Beauvais [B. H. L.


5008-5014]. S. Jean Ghrysostome dit que les martyrs portent leurs têtes cou-
pées en leurs mains et les offrent à Jésus-Christ. « Ou voit par l'exemple de
S. Ferreol de Vienne, qu'en enterrant les martyrs, on leur mettait quelquefois
la tête entre les bras. » [Tillemont. iv. 712]. Cf. Clermont-Oauneau Mytho- :

logie ico?iographique, 1880, d'après S. Reiuach Manuel de philologie clas- :

sique, (1883) 3Ô7, note 3 et V. Bérard


1 De l'origine des cultes arcadiens,
:

1894, p. 36-37.
* B. H. L., 2266 [Mombritius, i, 235]. « Tempore quo Dioclicianus sumplo
imperio contra auctoritatem senatus ab exercitu romano Augustus creatus
est »... —
J'appelle ce texte, B.
5 Qf. G. M. R., II, 16, sq.
180 TRADITIONS DE TUSCIE

peccalo in unitale personœ Verbi Dei et vert horninis, qui in


assuntpta carne... probra suslinens.
Un troisièmo trait caractérise enlin cette version B elle se :

termine par un épilogue qui raconte une double invention des


reliques. Une première fois, c'est la forêt qui a recouvert le
tombeau et en a fait perdre la trace les anges en indiquent
:

remplacement au temps de Constantin, le premier empereur


chrétien depuis Philippe; on trouve, avec le corps, une ins-
cription portant :

HIC REQUIESCIT CORPUS S. DOMNINI MARTYRIS

Et, dès lors, le pays s'appelle S. Domninus, exinde locus


idem nomine s. Domnini vocatur.
La seconde invention est rendue nécessaire par l'agrandis-
sement de l'église on ne se rappelle plus en quelle partie re-
:

pose Domninus ; il faut une révélation du ciel pour l'indiquer


au gardien. L'évêque de Parme accourt, on trouve le corps,
des miracles illustrent et certifient l'invention qu'on en fait,

une nouvelle église est construite et ornée laquearibus... et


darietibus vaino picture génère ^
Les Bollandistes ont signalé et partiellement analye^é une
troisième version de la légende. Voici, autant que j'en puis
-

juger par leur travail, quels caractères la distinguent. 1.


Avant sa mort, Domninus mène dans la forêt la vie d'un so-
litaire, et c'est là qu'il reçoit d'un ange l'annonce du martyre
qui l'attend il distribue alors sesbiensaux pauvres.
: 2. Dom-—
ninus est l'ennemi de la rage. Il guérit un pauvre atteint de
ce fléau, en lui faisant boire, monitu vocis cœlestis, son scy-
phits rempli d'eau. Lorsqu'à lieu la seconde invention^ une
voix sort du tombeau et dit :

Quiciimque vénérait ad oratorium meo iiomini specialiter


dedicatum atqiie coram altari prœcibus dévote prœmissis ca-
liais mei poculum receperit reverenter, a prœdicto languore
I
poterit liber ari.

1 Voici les caractéristiques moins importantes de B: c'est malgré le sénat


que Dioclétien devient empereur la persécution de Dioclétien est la dixième
;

qu'ait subie l'Eglise; l'empire est attaqué par Narreus, Persarum rex [Nar-
sès ?] les voies Flaminia et Claudia ont été ouvertes par les consuls Flami-
;

nius et Glaudius; si Domninus s'enfuit, ce n'est pas qu'il ait peur.


2 B. H. L., 2267 [Codex Florentinus, cité 9 octobre, 988-990, §§ 5, 9-12;
991, §§ 14-15, « Gloriosus miles et martyr Christi Domninus natione roma-
nus...
l'époque carolingienne 181

Après avoir battu Didier, Charlemagne va à Home


3. ;

mais, passant près du tombeau de Domninus, son cheval


s'arrête subitement un ange révèle à l'empereur la présence
;

du martyr. Charlemagne est nommé empereur à Rome par la


volonté des cardinaux et de tout le concile. 4. Charle- —
magne fait faire un calice où il incruste une dent de Domninus :

qui en boit est à l'abri de la rage. T^es voleurs qui le dérobent


ne peuvent le briser, et les tortures qu'ils endurent les con-
traignent à le rapporter.
Ces deux textes B et C attestent un état de culte notable-
ment postérieur à celui que reflète A il est aussi évident que ;

C est postérieur à Charlemagne. C'est dire que B et C re-


montent au VIII® et au au début et à la
ix® siècle, peut-être
lin de l'époque carolingienne. Justement quelques textes
semblent attester à ce moment l'épanouissement du culte de
Domninus.
Un diplôme de Louis le Pieux, daté de823, montre qu'unora-
consacré à Chiusi ^ Odon de Beauvais (?) ra-
toire lui est alors
conte, sous Charles le Chauve, que saint Lucien a été délivré
par saint Domninus ^. C'est enfin sous le nom de saint Domni-
nus qu'apparaît, semble-t-il, au début du ix^ siècle, comme le
veut B, l'ancienne Fidentia ^ Si l'on rapproche ces faits des

1 Ughelli, II, 95-96 [9 octobre, 991, § 16].


2 Codex Sci Maximi [1er janvier, 8 janvier, 462 et 465, §§ 5 et 20]. Il est
certain qu'Odon connaissait notre texte. Voici quelques passages du sien qui
attestent cette dépendance.
« Qui simul pergentes ac prasdicantes..., antequam Ticinum appropin-
quassent, quodam in loco non multum longe a civitate quae dicitur
Parma, visum est b. Luciano ut euaogelizaret populo eodem in loco
in via,
verbum Dei... Sed homines loci illius, cum essent adhuc gentiles..., mox
apprehendunt s. Lucianum et... posuerunt eum lu custodia publica quae
adhuc hodie monstratur omnibus eo in loco transeuntibus... Orabat Domi-
Dum... Erat enim ibidem iam Christi discipulus Domninus nomine, qui per-
fectus adhuc hodie confessor Christi in eodem loco pro talibus huiusce modi
operibus requiescit in corpore gloriosus. Nam et ipse locus ex eius nomine
aocabulum sumpsit... (Cum Domnino)..., quidam christiaoi... uenerunt nocte
ad eum in carcerem... et absoluerunt eum de ergastulo... Inde Ticinum ve-
niunt ad regiam Italiae civitatem.
« Erigens se sancti viri corpus exanime apprehendit propriis manibus sanc-

tum caput abscissum, stabili gressu Spiritus Sancti gratia..., una cum minis-
terio angelico,ac si vivens..., iter plantis firmissimis carpere cœpit portans- :

que pretiosum caput.,. a monte quasi millibus tribus, trausvadato fluminis


alveo, pervenitad locum quem elegerat, uno a praedicta urbe dislantem ferme
milliario... »
3 Charte de Louis le Pjeui, de 830, citée par Campius Historia Eccles.
:

Placentinx, i [9 oct., 990, § 13] diplôme de Charles le Jeune, de 880, à Wibold,


;
182 TRADITIONS DE TUSCIE

textes d'Usuard, de Rahan


de Wandalbert qu'on a citcîs
et
plus haut, on pensera que^ d'une manic^re qui nous écliappe,
la conquête du royaume lombard par Cliarlomagne a contribué
à répandre en Gaule la gloire de Dormiinus. Qui sait si ce
n'est pas de saint Domninus que saint Denys de Paris a appris
à porter sa tète coupée ? Mais nous ne pouvons pas bien
^

démêler ce qui se cache derrière ces récits d'invention de


reliques et de guérisons d'enragés.

évoque de Parme [Ughelli, ii, 186, D, ou 148] diplôme d'Othon de 1003


;

[Ughelli, ir, 203, B] ; Liutprand de rébus Imp. et reg., i, 11.


:

* Noter que saint Denys et saint Domnin sont vénérés le même jour, 9 oc-
tobre, et que c'est Hilduin qui raconta le premier l'épisode de la céphalo-
phorie [Tillemout. iv, 712], — D'après les gestes de Fuscien et de Victoric,
ces deux saints ont accompagné saint Denys de Rome en France, en même
temps que Lucien de Beauvais, Crépin et Crépinien, etc.. [Tillemont. iv, 443].
Sur Lucien, cf. Tillemont, iv, 537 sur Denys, cf. Tillemont, iv, 439; Julien
;

Havet Questions Mérovingiennes, i, (1896). 191. Tous ces textes sont apparen-
:

tés, au moins dans certaines versions.


Les diplômes de Gui et de Lambert reflètent Timportance persistante du
Parmesan à la fin du ixe siècle [Schiaparelli / JDiplomi di Guida e di Lam-
:

berto. Roma,1906. 9. 44, 76, 77, 105].


Rapprocher le calice miraculeux de Domninus des autres calices men-
tionnés, supra, p. 168, note 'd.

I
CHAPITRE VllI

TRADITIONS DE L'ITALIE DU NORD


LES SAINTS SECOND, FAUSTIN ET JOVITE, INNOCENTIUS

L'histoire de saint Domninus nous invite à pousser une


pointe au nord, en pleine terre lombarde : au cours du
lombarde et terre romaine sont trop intime-
vii^ siècle, terre

ment mêlées l'une à l'autre pour que le mouvement légen-


daire reste strictement localisé sur le territoire normal de
l'exarchat. De t'ait, au delà de Gènes, point terminus de la
Voie Aurélia, dans les plaines de la Cisalpine, on aperçoit
des légendes qui ont mômes caractères et môme date que
celles dont on s'est occupé jusqu'ici.

Voici d'abord un texte qui relie, si j ose ainsi parler, de


concert avec Domninus^ les légendes de l'Italie centrale aux
légendes cisalpines.
184 TRADITIONS I)K r/lTALlI-: l)V NOHO

vSecundus Sous Dioclélien et Maximien, les empereurs très impies, il


<^e
y^°^^- y avait un certain Second, originaire de la province de Thé-
haïde : sa famille était très noble, mais, par sa foi, il était
plus noble encore si^ par Vâge, il était jeune, il avait la sa-
;

gesse d'un vieillard...Je serai martyr, disait-il, car les


«

apôtres sont premiers (de V armée céleste), et les « seconds »


les

sont les martyrs ; puis, est-ce c/ue, (en latiii), secundus ne si-
gnifie pas heureux ? » De fait, Dioclélien et Maximien ap-
prennent qiiil travaille à convertir les âmes et le ^font venir.
— Secundus prend avec lui f) 600 hommes ce qui s* appelle —
une légion —
et va trouver V empereur. « Tu mourras », lui dit
Maximien. Mais, malgré cette menace, il refuse de sacrifier^
ainsi que ses compagnons ; Maurice le primicier les encourage
tous ; cest lui qui sera martyrisé à Agaune avec cette sainte
légion. Second les encourage de même : a qii est-ce que cette
mort d'iminstant en comparaison de la mort éternelle ?» Lors-
que certains prêchent l'apostasie, V athlète du Christ réfute leurs
lâches conseils : « Le persécuteur peut tuer les corps, il est
impuissant sur les âmes. Du reste, il est maintenant trop
tard ; nous n échapperons pas à notre sort\ faisons de néces-
sité vertu ! » Second est, en effet, décapité. Mais voici que,
lorsque la tête roule à terre, sa langue continue de louer le
Seigneur. Un ange recueille son esprit, Maurice emporte le
corps, les chrétiens enterrent les traces de sang dans le champ
d'un père de famille, Probus, à un mille du château de César
appelé Victimolis par Hamiibal, parce que 15 000 ennemis,
d^ abord vainqueurs, y ont été battus par lui. Le corps de
Second est porté à Turin (ad urbem Taurinensein) et enterré
à côté de la Doire ^iuxta fluvium qui Duria nuncupatur) ses :

bienfaits s'y multiplient et les malades y guérissent. Ainsi,


autrefois, le cadavre du prophète Elie ressuscitait les morts.
Il en est de même dans V oratoire de la Vierge Mère de Dieu,
et aussi au tombeau de la très chrétienne et sainte adoratrice
de Dieu, Julienne, qui a enseveli les corps de saint Solutor et
de ses compagnons. Quel nestldonc pas ton bonheur, cité de
Turin, que couvre le patronage de saints si puissants! Second
a souffert le 5 des kalendes de septembre, sous Dioctétien et
Maximien empereurs, tandis que règne le Seigneur Jésus-

i
B .;H. L., 7568 [26 août, 795]. « Sub Diocletiano et Maximiano impiissimis
imperatoribus fuit vir quidam nomine Secundus... »

il
,

SECOND DE VINTIMILLE 185

Christ y à qui honneur et gloire avec Dieu le Père dans l'unité


de l' Esprit-Saint à travers les siècles des siècles.
y Amen.

Cette légende *
est certainement antérieure à Adon ; il la
résume :

Apud Vinctimilium castrum Italiée, natale beati Secundi


martyris, viri spectabilis et ducis ex legione sanctorum The-
bœoriwiy qui ante beatum Mauincium et caeteros post vincula
et carceres martyrium capitis abscissione complevit ^.

Il également certain qu'elle est une réplique de Mau^


est
rice elle veut en être la préface. Nouvelle preuve de l'in-
^
;

fluence exercée par la légende d'Agaune en Gaule Cisalpine :

après Domninus, après Alexandre de Bergame, voici Second


de Vintimille. Je me demande si cette influence ne s'est
pas exercée par l'intermédiaire (ï Alexandre de Beryame\
Alexandre et Second sont vénérés au même jour, 26 août
(V^II Kal. sept.) S et Alexandre semble remonter à l'époque

ostrogothique.
Au contraire, il est vraisemblable que Second date du
vu* siècle.
Le culte de Second de Vintimille est attesté au vu® siècle
par le calendrier populaire.
Vn. Apud
Victimilium Secundi marty ris
Kal. (sep). '^

Le miracle de la tête décapitée qui parle se retrouve dans


Victor et Ursus^ qui se rattache également à Maurice et qui
date aussi du vu® siècle *. Domninus est, comme Second, —
une réplique italienne de Maurice et Domninus date du :

vu' siècle. —
Au vu* siècle, on parlait beaucoup, nous Talions
voir % d'un Secundus, qui était vénéré non loin de Vintimille,

* Oq ea connaît une seconde version, B. H. L., 7569 elle est contenue :

dans un manuscrit de saint Maurice de Magdebourg et caractérisée par un


prologue [« gloriosa bb., mnj., gesla, pia quoque et admiranda certamina dé-
bita veiieratione colentes »...], quelques détails sur la géographie de la Thé-
baïde [« cuius principium est... civitas Syene »], et le tour homilétique du
récit [26 août, 792-794, §§ 3, 4, 14].
> P.L., 123, 338, A.
3 Cf. G. M. R., Il, 9.
* Cf. G. M. R., Il, 162, —
iNotre texte date l'anniversaire du v, et non du
vu, des Kal. de septembre. Adon et le calendrier ne connaissent que la date
du VII Kal. sept. —
J'imagine que le texte de l'édition boUaadiste a reproduit
l'erreur d'un ms.
« P. L., 123, 167-168.
* G. M. R., II, 34.
'
Cf. infra, p. 190.
186 TRADITIONS DE L ITALIK DU NORD

h Asti à supposer que le culte de Vintimillc ne dérive pas du


:

culte d'Asti, n'ost-il pas à croire que la légende d'Asti a sus-


cité celle de Vintimille les dévots que S(;cundus avait ici
:

ne pouvaient pas rester en arrière de ceux qu'il avait trouvés


Ik. Pareillement, nous l'avons dit, une légende de Genève sus-

cita une légende de Soleure. — Enfin, le culte et la hiérarchie


catholiques furent réorganisés dans l'Italie du nord au cours
du vu® au lendemain des conquêtes de liothari
siècle, ce ^
:

fut sans doute dans ces circonstances que notre texte vit le
jour ^ L'auteur était un rhéteur le héros, un saint local, in- ;

digène ou importé.
La légende de Secundus d'Asti est solidaire du cycle de
Faustin et Jovite.

II

Gestes de
Faustin de martyrs^ ccst nous arracher à la torpeur
Li7'e les actes des
de nos désirs ; nous ne parviendrons à imiter leurs combats
qiien étudiant leur histoire. Au temps ou Adrien trouble le
monde, Faustin et Jovite, deux frères de Brescia, se font re-
marquer de tous en prêchant le Christianisme. Le comte des
Rhèties Italiens, accompagné du conseiller Tiberius, va aude-
vant de F empereur jusqu'à VAdda, et le prévient de ce qui se
passe. Adrien ordonne que les chrétiens sacrifient ou meurent.

1 Hartmann Geschichte Italiens im Mittelalter, ii, 1 (1900), 265.


:

2 La doxologie in wiitate indique que le rédacteur connaissait les gestes


romains aussi bien que les légendes gauloises. —
Je ne saurais dire l'origine
de la légende qui concerne Hannibal peut-être a-t-elle été suggérée par
:

une interprétation étymologique de Victimilium.


La légende est solidaire des gestes d'Adventor, Solutor et Octavius [Mom-
britius, î, 12 Multa et magoa sunt quse de b. b., m. m., A. 0., atque S. cer-
:

taminibus », B. H, L,, 85] ce sont des martyrs de Turin,


: qui sont ratta- —
chés iU{i) ss. Agaunensium Thebeorum legion{i), seniorum traditione, et —
qu'ensevelit notre sainte Julienne. Ils ont souffert leXIII Kal. feb. après s'être ;

enfuis d'Agaune, ils ont été rejoints et tués près de Turin. Le texte n'ajoute —
aucun détail. J'imagine qu'il est quelque peu postérieur au nôtre il men- :

tionne l'érection d'une église en l'honneur des saints par l'évêque Victor [Sa-
vio : Antichi Yescovi rCltalia. II Piemonte (1899). 283J. — Ennodius les cite.

él
,

FAUSTIN ET JOVITE DE BRESCIA 187

Le comte Italiens en informe Fanstin et Jovite par l'intermê-


liaire de TiheriuSy et, comme ceux-ci raillent les dieux, il les
miprisonnc en attendant l'arrivée d' Adrien. Conduits en sa
oj'èsence, Faustin et Jovite persévèrent dans leur attitude re- y

luisent en cendres une statue du soleil, bravent les hêteSy les


lionSj les léopards, les ours, les lames ardentes. A cette nou-
l'elhj une certaine Afra va se jeter à leurs pieds, ils Vinstrui-
>ent de la religion et elle va se faire baptiser par Vévèque
Apollonius. 8 000 personnes suivent son exemple, après qu'elles
ont vu Faustin et Jovite dompter des taureaux par la puis-
mnce du signe de croix Apollonius les baptise et les tau-
:

reaux adoucis retournent au pâturage sans toucher personne,


i?/ Faustin et
Jovite, ramenés dans leur prison, sont environnés
d'une lumière céleste. Pourtant, Adrien les tente encore ;

comme ils refusent d^ adorer les idoles sourdes et muettes, ils


wnt jetés au feu, mais ils prient, les mains étendues, et le feu
les respecte ; la grâce divine empêche les ministri de les écor-

:her ; le duc des soldats (dux mililum) Calocère confesse alors


le Christ. En vain on leur coule du plomb fondu dans la

bouche^ en vain on les jette dans une fournaise: ils refusent


le sacrifier ; enfermés dans un cachot scellé de Vanneau de

l'empereur, ils en sont miraculeusement tirés par les anges


)ui les mènent à Apollonius, et Apollonius confère à Faustin
la prêtrise, à Jovite le diaconat, le baptême à une multitude
innombrable, dont Calocère et ses bureaux (ofticiumj, Fu-
\neux, Adrien livre Calocère à Sapritius, primicerius scholœ
:andidatorum, afin que celui-ci le fasse supplicier lorsqu'il
ira dans les Alpes Cottiennes et, de fait Calocère est décapité
; ^

-i Albenga où il repose et où il comble de bienfaits ses fidèles ;

les employés de ses bureaux sont décapités hors des murs.

Cependant, Faustin et Jovite ont été reconduits par les anges


dans leur cachot, sans que le cachet de r empereur fût brisé,
et là ils reçoivent la vision d\i Christ lui-même. Antiochus

mr l'ordre d'Adrien, les condidt à Home, c'est-à-dire au pont


Milvius au moment où Adrien réside à Lubras ; la vue de la
foule qui se presse autour des saints l'exaspère, il ordonne au
garnie Aurélien de les conduire à Vintérieur du palais mais ;

\les chaînes de feu enlacent Aurélien lors ([u il veut contraindre

les martyrs à venir et à sacrifier. Le lendemain, Adrien envoie,

donc Calimère afiin quil amène cette fois les saints ; ceux'ci
sont, en effet, conduits au palais et, quand le démon saisit
188 TRADITIONS DR t/iTALIK DÎT NORD

AiirHien, ils consentent à le chasser, à la prière d'Adrien ; ils

chassent de même
démons qui ont
les saisi les ministri
dAdincn, au moment où celui-ci offre un sacrifice au Capi~
tôle, ils les convertissent et les baptisent. Adrien pourtant
reste impitoyable ; il fait mettre à mort les ministri, et expose
aux bêtes Faustin et Jovite qui baptisent la foule de ceux
qui se convertissent et les confirment et leur donnent le corps
et le sang du Seigneur. Sur leur indicatiouy Calimère converti
est ordonné évêque de Milan par le pape Télesphore qui, par
crainte des païens, se cachait parmi les sépultures des mar-
tyrs au lieu qui est dit Catacombe ; mais arrivent des ministri
d'Adrien qui emmènent Calimère au palais. Adrien, cepen-
dant, pousse jusqu'à Naples torture en vain Paustin et Jovite,
y

et, lorsqu'il veut les faire noyer en pleine mer, les voit mar-

cher sur Veau et, à son retour, les trouve sur le rivage évan-
gélisant le peuple. Il les fait alors conduire à Brescia par
Aurèlien : au passage du Pô, une voix céleste les avertit
qu'ils mourront dans sept jours. Apollonius leur donne le
baiser de paix ; ils sont mis à mort hors de la ville, le long
de la route de Crémone, le XV des kalendes de mars *.

1 Le texte ici analysé [B. H. L, 2838] est le texte que, d'accord avec le R. P.
Savio, nous Dommons le texte B [15 février 813 ou 814]. Le R. P. F. Savio
S. J. a publié une importante étude sur notre légende dans les Analecta Bol-
landiana, tome XV (1896), p. 5, 113, 377 pour lui, A et B sont des abrégés
:

du lonf? texte cyclique C, et ce texte cyclique G a été rédigé aux environs


de l'an 800, au temps du roi Didier.
Ces conclusions me paraissent très douteuses. Les raisonnements de Savio
supposent qu'il n'y a jamais eu plus de trois textes, ceux qui nous sont par-
venus. Je crois le contraire et c'est par ces autres textes dont je suppose
;

l'existence, que j'explique, aussi bien que la rédaction de Cl, les obscurités
et les particularités de A et de B. Voici pour quelles raisons j'admets l'exis-
tence d'autres textes que A, E, G.
1 B utilise un poèm»?, à nous inconnu, qu'écrivit peut-être un certain
Faustinus de Brescia, lequel aurait vécu entre 451 et 679. Savio lui-même le
reconnaît [Analecta, xv, 16-19) *...
2. Walafrid Strabon (+ 849) a puisé à un autre texte que les nôtres. Savio
lui-même le reconnaît encore (Anal., xv, 23) **.
*
Dans la finale de B, on croit trouver les vestiges d'un poème de même ;

en d'autres passages. En voici quelques-uns « orationem fuderunt Domino


:

gratias refereotes, moxqiie gladio pleoci,... mortis pro Domino debitum red-
diderunt, sanctas quoque reddentes animas astris, corpora vero terris, de
terrœ corpore sumpta purpureo namque suo sanguine passum Christum
;

Dominum vénérantes gloriosi martyres effecti cum autem navigassent


;

biduo, iam lucescente die tertia, requiescentibus navibus, cœperunt universa


gênera musicorum clangoribus resonare. Tune quoque tuba rauca altaque
reboans \ oce, /îstula etiam cum citharis clamantibus œthera pulsatit... » Le
P. Savio a reconstitué quelques vers de cet hypothétique poème.
**
Le petit poème de W. Strabon est édité dans les Mon.Germ. Hist. Poètes
latini m^edii œvi, ii, 409, Walafrid célèbre Marcien de Tortone ; il dit
TROIS TliXTES 189

Nous possédons deux légende autres versions de la même :

lune plus courte *, qui commence parles mots Beatissimi viri


F. cl J, nobilissimis in civitate Brixiana orli parentibus et
que nous appellerons A l'autre, plus longue-, qui débute par ;

les mots lïi diebus illis venie)ile Adriano imperatore 'm par-
tibus Italiœ et que nous appellerons C, désignant par la
lettre B le texte que nous venons d'analyser dum crebra ss, :

mm. acia revolvimus...


Usuard connaissent Faustin et Jovite ^
Notker et
archevêque de Milan (824-860), transporta le
Angilbert II,

corps de Calocère entre Gôme et Lecco, au monastère de Ci-


vate. Nos textes ignorent tous cette translation *.

L'évêque Rampert de Brescia (820-847) fait allusion à la lé-


gende de Faustin et Jovite dans le discours qu'il prononce en
838 à propos de la découverte et de la translation du corps de
Philastre il oppose aux saints qui
: ont instruit la ville par
leur prédication (Philastre), ceux qui l'ont édifiée par leur
martyre (Faustin et Jovite ^).

3. A et B se contredisent deux fois : A fait d'Afra la femme du comte Ita-


liens ; B nous la présente comme une mulier gusedam — A fait mourir ;

Calocère à Milan B fait ; mourir le même Calocère à Albenga. Si donc A et


B,comme le veut Savio, sont des abré-iés, ils ne peuvent pas dériver d'un
même texte; il y a eu plus de trois textes.
4. Plus précisément, il faut dire que B ne peut pas être un abrégé de C :
d'après C, Afra est lemme d'italicus; d'après B, c'est une mulier quœdam. Il
semble que B et C dépendent indirectement d'une source commune qui men-
tionne le titre de Sapricius primicerius scholœ candidatorum, la halte à
Lubras, le voyage à Naples et le martyre de Calocère à Albenga. Il faudra
donc user de prudence pour déterminer le rapport de nos trois textes ils ne :

sont pas isolés, il y en a eu d'autres.


D'une manière générale, je considère comme assez improbable qu'un
texte cyclique ne repose pas sur des textes antérieurs qu'il coud l'un à l'autre;
d'une manière générale encore, j'estime qu'une légende ne peut pas s'être
fixée du premier coup dans un texte arrêté et qu'elle s'exprime par des ré-
dactions à peu près contemporaines et sensiblement divergentes les textes :

vulgates qui nous sont parvenus ont éliminé et comme absorbé d'ordinaire
ces autres textes.
' 15 février, 809 et 810.
B. H. L. 2837.
i
H. L. 2836. Savio
B. Analecta Bollandiana, xv, 65-72 et 113-159.
:

3« Civitate Brixia sanctorum marlyrum Faustioi et Joviae uirginis » \P. L.,


123, 763 764. —
Cf. P. Z,., 130, 1044]. Le calendrier populaire et Adon —
ignorent ces saints.
* Chronicon extravagans (Geruti Miscellanea di Stor. ital., vu, 562),
:

d'après Savio, loco citato, p. 24-25. Cf. Analecta, xvii. 234.


s
Brunali Vita o Gesta dei santi bresciani (Brescia, Venturini), 1854-1856 ;
:

cité par Savio, loco citato, p. 21-22.

qu'Adrien envoya Saprice de Rome (et non pas de Milan) et que Marcien est
mort du tourment des fers rougis au feu (et non pas décapité).
d
100 TflADITlONS DF l'iTALIR T)TJ NORD

]i probable que nos textes sont antérieurs à 838


est et ;
— il

est très vraiscniblal)lc, également, qu'ils sont postciiieurs à


ij.')3, et niôine à IjOS.
Le comte Italicus va au devant de l'empereur jusqu
l'Adda, mais pas au delà; au moment où écrivaient nos au-
teurs, TAdda était donc limite de province. Or, au temps des
Lombards, et peut-être auparavant ', l'Adda séparait la Neus-
trie de l'Austrie.
D'autre part, nos textes mentionnent la province des Alpes
Cottiennes et y font rentrer Albenga, Asti et Tortone. Or, nous
savons que, lors de la restauration de l'autorité impériale en
Italie, vers 552, le nom d'Alpes Cottiennes a été donné à une
province qui comprenait toute la Li^^urie actuelle avec Gèn«
et Savone, plus Bobbio et Tortone ^
Pour préciser davantage, il faut envisager nos trois textr
séparément.
Le texte cyclique C est notablement plus long que B il ac- :

croche à notre légende la légende des saints Marcien de Tor-


tone et Second d'Asti^; il introduit l'épisode d'Orphetus, il
appelle Antiochus/^r^^e^ Alpium Cottiarum ; il raconte qu'Ita-

1 Paul Diacre : Hist. Longob., ii, 14 (M. G. —


Scr. r. lon^. 81). Cf. Ci-
polla Appunti sulla storia d'Asti (Venezia, Antonelli, 1891), p. 40; et
:

Savio, loco citatOf p, 26-27.


2 Je n'ignore pas les polémiques provoquées par le fameux texte de Paul

Diacre, ii, 16. Contre Mommsen (Corpus I, L. v, 2, 810), je crois avec Paul
Fabre (Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1884, 390) que Paul Diacre ue
s'est pas trompé et que la province nouvelle date à peu près de la pragma-
tique. Noter que, en 576, l'aucienoe province des Alpes Cottiennes (SubC,
Embrun) est passée sous la domination des Francs.
3 Analectay xv, 133 et 30 mars 797. Sapricius envoyé par Adrien dans le?
Alpes Cottiennes à la place d'Antiochus avec mission de tupr les chrétieDs
arrive à Asti chez Secundus. Mais Secundus, qui visitait Galocerus daaa sa
prison, est secrètement devenu chrétien de cœur; après avoir pris congé de
lui, il accompagne Sapricius qui va à Tortone afin déjuger Martianus. Visitf'i
par une colombe et par des anges, il passe le Reno, le Burmina (?j, arrive
avec Sapricius à Milan, visite dans leur prison Faustin et Jovite qui le bap-
tisent avec l'eau d'un nuage miraculeux, traverse le Pô et arrive à Tortone,
toujours escorté par des anges. Il visite Martianus qui prend le corps et k
sang du Seigneur et qui comparaît bientôt, au temple de .Tupiter, devant Sa-
pricius il refuse
: de sacrifier, il est décapité, et Secundus ensevelit soc
corps. Sapricius l'apprend Secundus reste ferme dans la foi s'il est tortur
: ;

les auges le réconfortent et le fout échapper. Sapricius court alors à Asti oi


il retrouve Secundus dans la prison de Calocerus il envoie Calocerus à Al
:

benga et l'y fait tii«r, il fait décapiter Secundus et il informe Adrien de le


mort de Martianus, de Secundus et de Calocerus. — Il est possible, probabit

même, qu'il a existé des gestes séparés de Marcianus. Cf. infra, les geste;
d'Inaocentius.
ORIGINE DE LA VERSION CYCLIQUE 191

licus a été mangé par les botes qui ne touchaient pas les saints,
que onagres tiennent de pieux discours il donne aux
les ;

ministri d'Adrien qui sont convertis par eux, puis mis à mort,
les noms de Boniface, Donat et Félix.
Le texte G associe dos légendes de Brescia, de Milan,
d'Albenga, de Rome et de iXapies; il n'a donc pu être rédigé
qu'à une époque et dans un milieu où l'on s'intéressait à la
lois à Naples, à Rome, à Albenga, à Milan et à Brescia. Or, il

y a une époque où ce groupement très particulier a été très


naturel de 569 à 6i3 le clergé milanais a résidé à Gênes et
:

a élé entretenu en grande partie par V église romaine. C'est


durant l'été de 569 que les Lombards ariens ont pris Milan et
que l'archevêque de Milan Honoratus s'est réfugié à Gènes ; *

c'est en 643 que Rothari a conquis et annexé au royaume


lombard toutes les villes du littoral tyrrhénien qui s'éche-
lonnent depuis Luni jusqu'à la frontière franque, Gènes com-
prise * c'est saint Grégoire le Grand ou ses prédécesseurs qui
;

ont assigné les revenus du patrimoine sicilien aux clercs mi-


lanais exilés 'K

Que cette situation politique et ecclésiastique ait mis en


contact les traditions des diverses églises et pu susciter l'idée
de les associer ou de les combiner,le simple bons sens le sug-
gère, — ei deux passages des Dialogues le confirment.
« Liberius et l'évèque de Luni, Veaantius, m'ont raconté, dit
saint Grégoire, la triste destinée d'un certain Valentin : c'était
un « de Féglise de ÎMilan, qui vivait à Gènes mal-
defensor » ;

gré les désordres de, sa conduite, il fut enterré dans une église,
celle de Saint-Syrus ; les démons vinrent l'y chercher une
nuit, en faisant du vacarme, au grand efTroi des gardiens; ils
le tirèrent dehors par les pieds *.

De même Valérien a gardé dans sa


à Brescia : le patricien
vieillesse ses habitudes de débauche, et lui aussi, il a obtenu
d'être enterré dans une église. La nuit qui suit ses funérailles,

1 Geschichte Italiens hn MUtelalter (1900), ii, 1, 35.


Harlmann : Sur les —
tristesconséquences de l'invasioa lombarde au point de vue ecclésiastique,
cf. Duchesne Les évéehês d'Italie et l'Invasion lombarde [Mélanges... Ecole
:

de nome, 1903, xxni, 83].


2 Hartmann : op. cit., ii, 1, 243.
Ep. XI, 4. P. L.,11, 1122. fM. G. xi, 6; tome IL p. 265J La. question mila-
3

niiise joue un grand rôle dans les préoccupations, tient une grande place dans
la correspondance desaiot Grégoire. CL;;a^stm, et Hartmann, op. cit.,i'.,i,l6S.
* iv, 53. P. L., 77, 413-416.
192 TRADITIONS DE l/lTALIR DU NORD

le bienheureux Faustin dit au gardien de prévenir l'évoque :

qu'il jette dehors ce cadavre fétide avant trente jours, sinon il


mourra. Le gardien n'ose faire la conunission et le trentième :

jour, bien qu'il soit en pleine santé, l'évèque meurt, tout d'un
coup \ »
Voici les textes de saint Grégoire « Joannes quoque vir
:

magnificus, inhac urbe locum prœfectorumservans^cuius gra-


vitatis atque veritatis sit novimus : qui mihi testatus est Vale-
rianum patricium in civilate quœ Brixa dicilur fuisse de-
functum. Cui ejusdem civitatis episcopus, accepto pretio, lo-
cum in ecclesia prœhuit, in quo sepeliri debuisset. Qui
videlicel Valerianus usque ad œtatem decrepitam levis ac lu-
bricus exstitit modumque suis pravitatibus ponere conlempsit.
Eadem vero nocte qua sepulius est, bealîis Faustinus martyr^
in cujiis ecclesia corpus illud fuerat hurnatum custodl sua ,

apparuiî. dicens : Uade et die episcopo... —


Adest quoque in
prœsenti veiierabilis frater Venantius Lunensis episcopus et
maynificus Liberius vir nobilissimus atque veracissimus, qui
se scire suosque homines interfuisse testantur ei rei quam
narrant nuper in yenuensi urbe contiyisse. Ibi namque, ut
dicunt, Valentinus nomine, ecclesiœ mediolanensis defensor,
defunctus est vir valde lubricus,.. cuius corpus in ecclesia
y

beati martyris Syri sepultum est.


En une page de saint Grégoire, écrite vers 593, voici donc
la preuve des rapports légendaires qui unissent, à l'époque lom-
bai'de, Rome et Milan, Brescia et Gênes; et cette même paye
nous apporte la preuve que la léyende commence de s'intè*
resser à saint Faustin de Brescia ! N'est-il pas vraisemblable
que c'est à cette époque qu'on a songé à rapprocher dans un
même roman pieux ces mêmes villes, en racontant l'histoire
de ce même saint?
Je remarque encore que le texte G s'occupe de Marcien de
Tortone et de Second d'Asti or, Rothari a réuni aux vieux
;

pays lombards d'Asti et de Tortone les pays liguriens de Gênes


et d'Albenga. On s'expliquerait donc que G eût été rédigé au
temps des conquêtes de Rothari, vers 640-630, alors que de
nouveaux rapports s'établissent entre toutes ces églises désor-
mais réunies sous le même joug, alors que
ne se sont pas encore
desserrés les anciens rapports noués avec Rome depuis 569.

1 IV, 52. p. L., 77, 413.


LE TEMPS DE ROTHARI ET d'aRIPERT 193

Prt^cisément Rothari était duc de Drescia ; sa femme Gonde-


berge était très pieuse le frère de Gondeberge, Aripert, qui
;

était aussi dévot qu'elle, qui régua de 652 à 661, était fils d'un
duc ^Astiy Guiidoald \ Noter que les évêchés ont été, sans
doute, réorganisés à ce moment. N'est-ce pas alors, vers
le milieu du vu* siècle, que le texte cyclique aura été ré-

digé-?
Je remarque enfin que les saints Boniface, Donat et Félix
sont nommés ensemble et ensemble attachés à Rome. Ce
sont, dit la légende, trois ministri d'Adrien qui, sur son or-
dre, veulent ligolter les martyrs
par le et sont aussitôt saisis
démon délivrés par les prières des martyrs, ils se convertis-
;

sent malgré Aurélien et malgré l'empereur; ils sont égorgés


hors des murs de Rome. Leurs corps, gardés par des anges qui
chantent les psaumes, sont ensevelis par Faustin et Jovite que
d'autres anges ont guidés jusque là on nous présente Boni- ;

face^ Félix et Donat comme des disciples des saints de Bres-


cia\
J'ai montré monastère et le culte romains
ailleurs * que le
de saint Boniface datent sans doute du pape Boniface IV (608-
615) et que la version latine doit avoir été suscitée parle culte
romain. Si l'auteur anonyme de notre texte s'intéresse à
saint Boniface, si, d'autre part, il ignore la légende vulgate^
c'est peut-être qu'il écrit à du saint un moment où le culte
de TAventin est dans la ferveur de ses débuts, alors qu'aucune
tradition n'est encore bien soudée à son nom. Nous voici encore
ramenés à la première moitié ou au milieu du vu* siècle.

1 Hartmann, op. cit., ii, 1, 244.


2 Savio ne veut pas en reculer la date au-delà de 750 (p. 30). Le Galocère
d'Albenga, d'après lui, serait le Galocère romain volé par Astolphe en 753 et
donné à Albenga malgré les efforts de Savio (p. 32), cela reste une pure
;

hypothèse; Galocère d'Albenga est sans doute un martyr d'Albenga. Que


pèse le témoignage de la chronique de saint Pierre de la Varatella, « écrite
peut-être au xvii« siècle » ? N'y a-t-il pas des saints indigènes qui ont été ou-
bliés, des saints importés dont le culte a prospéré dans leur nouvelle patrie ?
Le silence d'Adon et des martyrologes s'explique sans doute par l'étrangeté
(le certains épisodes je crains que les onagres prêcheurs ne les aient effrayés-
:

— Le mot Lubras se lit dans les gestes d'Abundius qui semblent dater du v«-
vie siècle.
Nous avons un texte indépendant qui célèbre Secundus d'Asti, B. H. L.,
566 [Secundus, civis Astensis, miles strenuus atque cornes palatinus...] »
(

Ge texte n'est connu que par fragments [février, ii, 820-821 ou 821-822[. Peut,
•ître est-il parallèle k Secundus de Vintimille.
3 Analecta, xv, 147-150,
§ 68-70.
*0. M. R., I, 167- i68.

III 13

h
194 TRADITIONS DE l'iTALIR DU NORD

Lo texte B ignore Marcicn et Second, lionilace, Donat et


Félix (en même temps qu'Orpliète). No serait-il pas antérieur
à Tôpoque où les conquêtes de llothari ont ra[)proché sous
une môme domination Alhen^^^a et Gènes d'Asti et de Tortone ;

antérieur au temps où s'est répandu le culte et le prestige de


Boniface? Ne remonterait-il pas au temps de Théodelinde et
de saint Grégoire?
Le texte A paraîtôlre un abrégé après avoir conduit à Home:

Faustin et Jovite^ Fauteur inconnu tourne court, brusque-


ment quia longum est b. Christi marlyrum Fauslini et Jo-
;

vitœ omnem « textum passionis » seumiraculorum exponere.ad


gloriosum eorum exitum veniamus. Ce textus passionis sem-
ble désigner un texte analogue àB ou G. A quelle époque —
cet abrégé aurait-il été écrit? On peut songer au temps de Pe-
tronax (720-751), l'abbé lombard du Mont-Cassin qui installa
dans la grande abbaye le culte des saints de Brescia *. Mais
c'est là une pure hypothèse; l'épisode de Galocère qu'on fait,
ici, mourir à Milan, est en particulier très obscur. 11 est
aussi probable que A date également de la première moitié du
vu*^ siècle ^
En résumé,
semble que la légende de Faustin et Jovite
il

date de l'époque lombarde, —


et que, des trois textes qui nous
sont parvenus, B remonte aux environs de 600, C au milieu
du vii*^ siècle, A, peut-être à la première moitié du siècle sui-
vant, peut-être à une époque antérieure et à peu près contem-
poraine de celle qui ont vu éclore les deux premiers ré-
cits.

* Paul Diacre : Hist. Longob., vi, 40. — Chronicon casinense, i, 4 [R. I. S.,
IV, 258]. Cf. Savio, op. cit., 34-35.
2 Le rattachement de Galocère à Milan peut avoir été tenté au temps où
Milan réorganise son diocèse et relève son influence (Mansuetus). (Il semble
que A soit plus près des gestes romains que B et C). (Noter que, dans les
j^estes de Secundus et Marcien, Galocère semble rattaché à Asti).
Retrouver l'histoire de Faustin et Jovite est parfaitement chimérique. Est-il
défendu de penser qu'ils se retrouvent au F. H., derrière les faustinianus et
ioventia de Bretagne que le férial mentionne au xiv des K. de mars [éd.
Rossi-Duchesne, p. 21] les noms se ressemblent, les anniversaires se tou-
:

chent Brixia est-il très loin de Brittanis ?


;

Ni dans son discours pour la dédicace du Concilium sanctorum [P. L., 20.
959], ni dans son éloge de saint Philastre [P. i., 20, 997, eq.], saint Gauden-
tius [4- 410?] ne fait aucune allusion à nos martyrs. — De même, la lettre
de saint Eusèbe de Verceil au clergé de Tortone ne souffle mot d'Innocen-
tius.
LES SOURCES DE LA LEGENDE i^X)

ïll

Cette légende s'est élaborée, ces textes ont été ncrits, selon
toutes les apparences, dans des cercles milanais où l'on était
très au courant des choses de Rome et de la haute Italie. Cela
résulte de ce que nous avons dit déjà cela ressort aussi des ;

rapports qui unissent à nos textes certains gestes romains.


Il est probable, comme on l'a déjà montré, que les gestes
^

du pape Alexandre étaient connus dans les cercles qui nous


occupent c'est d'eux peut-être que vient notre comte Aure-
:

lianus; c'est d'eux peut-être que vient le mot magus appliqué


à nos martyrs par le peuple et par Adrien -. C'est d'un —
texte analogue que dérive sans doute le synchronisme établi
par l'anonyme entre le pape Télesphore et Adrien noter :

que ce synchronisme ne se rencontre ni dans le Liber Pontifi-


calis ^ ni dans les Gesia Gelulii * ni dans les G est a Symphe-
rosœ ^ —Il est possible que nos auteurs aient connu les gesta

Ahiindii ^, où se trouvent mentionnés un Martianus clarissi-


mus et la localité de Lubras (Prima Porta) mais on ne voit ;

pas qu'ils aient rien tiré des gesta Caloceri et Partheni \


On voit très bien, en revanche, qu'il y a des rapports entre
notre légende et les gestes de saint Sébastien ^ Saint Sébas-
tien, d'après ses gestes, a été élevé à Milan, qui paraît être le
centre d'où rayonne la légende de Faustin et Jovite comme ;

Apollonius et Télesphore, c'est un chrétien convaincu, mais qui


se cache ainsi que Polycarpe et évite de se faire prendre ;

comme Faustin et Jovite, Sébastien est enveloppé d'une lu-

* Savio. A7iatecta, xv, 39. — Cf. G. M. R., i, 220-221.


2 3 mai, 371.
' I, 128-129. Télesphore est placé sous Antonin et Marc, Sixte sous Adrien,
10 juin. 261. G. M. R., i, 227.
M8 juillet, 350. G. M. R., i, 197.
« 16 septembre 293. G. M. R , i, 230.

'
19 mai, 300. G. M. R., i, 185.
» 20 janvier, 621. G. M. R., i, 18G et ii, 97.
190 TRADITIONS 1)K l'iTALII: DU NORD

mière cdleste; comme eux, il reçoit la visite du Christ et des


anges dans les deux léj^^endes le signe de croix est un signe
;

magique qui domple les taureaux, ou rend inofîensifs les char-


bons ardents, ou rend la parole à Zoé; ce sont des milliers
d'âmes que gagnent au Christ, ici Tranquillinus, là Faustin et
son compagnon; ici et là, on fait mention du cimetière sou-
terrain qui se trouve tout proche de Itome, ad cathacumbas ;

le pape confère la prêtrise et le diaconat, ici à Tranquillinus et


à ses enfants, là à Faustin et à Jovite.
De même, il y a des rapports entre les gestes des saints de
Brescia et ceux de Nazaire et de Celse ^ Le rayonnement de
Milan est plus sensible encore dans ceux-ci que dans ceux-là ;

tous deux attachent leur héros à la fois à Milan et à Home ;

tous deux s'intéressent à la Ligurie (Albenga; ad scm. Pere-


grinum) tous deux racontent que les martyrs, jetés à l'eau,
;

sont miraculeusement sauvés par Dieu.


Mais je remarque que les gestes de Faustin et Jovite ne pré-
sentent pas un trait fort curieux qui se retrouve, inégalement
marqué il est vrai, dans les gestes de Sébastien et dans les
gestes de Nazaire, et qui les reporte tous deux au temps des
controverses engagées entre catholiques et Manichéens. L'in-
sistance avec laquelle Fauteur des premiers (§ 2, 6-7) appuie
sur la spontanéité du martyre ne dénonce pas moins claire-
ment ces controverses que la mention de Simon le Mage, et le
souci d'authentitier et d'apostoliciser qu'on remarque dans les
autres ^. —
11 faut donc que la question manichéenne ait perdu

toute actualité, tout intérêt au temps où écrivaient les rédac-


teurs de Faustin et Jovite ^ Les points de contact ne s'expli-
quent pas par l'identité d'auteur ni même par l'identité de
milieu, mais par une influence littéraire. Rien d'étonnant, du
reste Faustin et Jovite datent de la première moitié duvEi^ siè-
:

cle, Sébastien, Nazaire et Celse du v^, seconde moitié.


Les rapports de notre légende avec les gestes de Sophie ^,et

1 G. M. R., II, 61.


2 M. R., 1, 331, et tout le chapitre iv de la troisième partie.
G. —
Noter que
les gestes d'Alexandre ont été influencés par les mêmes polémiques, § 13. Cf
G. M. R., I, 333.
3 En revanche, on ne voit pas qu'il y ait des rapports bien nets entre
Faustin et Jovite, Gervais et Profcais, Vitalis et Valeria, Vitalis et Agricola,
bien que le même orgueil milanais soit très sensible chez tous, surtout chez
Vitalis et Valeria.
* En voici un bref résumé. Au temps d'Adrien, Sophie et ses trois filles,
LES SOURCES DK LA LEGENDE 197

ceux d'Anastasie sont moins aisés à établir


*
on voit bien :

qu'ils existent, on discerne inpins bien ce qu'ils ont été.


Voici les points de contact des gestes de Sophie et des gestes
de Faustin et Jovite * 1. Prestige de Milan; 2. Epoque
:

d'Adrien 3. Adrien poussé à la persécution, icipar Antiochus,


;

làpar Italiens 4. Voyage de JMilan à Rome 5. Massacres en


; ;

masse; 6. Conversions en masse; 7. Sophie convertit Lucine


que baptise le pape Anaclet, comme Faustin convertit Afra que
baptise pape Télesphore 8. On insiste sur la valeur édifiante
le ;

delà lecture des Gesta înaitijrum; 9. Rôle des anges; 10.


Apparitions de lumières célestes 11. Plomb bouillant versé
;

dans la bouche des martyrs; 12. Colombes qui se posent sur


la de Secundus ou sortent de la bouche d'Agape
tête 13. ;

Confiance dans la vertu magique du signe de croix; 14. Indé-


pendance des deux gestes par rapport au Liber Pontiflcalls
qui ne place au temps d'Adiien ni Anaclet ni Télesphore 15. ;

Un Antiochus princeps apparaît dans les deux légendes.


Entre les gestes de Faustin et Jovite et les gestes d'Anastasie,
je relève aussi quelques traits communs 1. Une tradition de:

l'Italie du nord est mise en rapport avec Rome 2. On insiste ;

sur la valeur édifiante de la lecture des Gesta martijrum\ 3.


Chrysogone est réservé à Dioclétien, comme Faustin et Jovite
à Adrien; 4. Offres tentatrices faites aux martyrs 5. Rôle des ;

anges 6. Tentative faite afin de noyer les martyrs en pleine


;

mer; 7. Délais {induciœ) donnés avant la mort; 8. Prier les


mains étendues 9. Les textes ont ou veulent avoir la physio-
;

nomie d'un abrégé (verum quia longum est...)


Mais, ici encore, je remarque que les gestes de Faustin et
Jovite ne présentent pas un trait fort curieux qui se retrouve,
inégalement marqué il est vrai, dans les gestes d'Anastasie -
et dans les gestes de Sophie et qui les reporte tous deux au
temps des controverses engagées entre catholiques et mani-

Elpis, Pistis, Agape voDt de Milan à Rome; accueillie par la veuve Thessa-
minia, elle convertit une sœur de Prétextât, repousse Antiochus qui veut
épouser une de ses filles, convertit Palladius et sa famille chez qui elle était
gardée en prison. Ses amis, le prêtre Marcel et le diacre Decoratus sont dé-
capités; ses filles sont martyrisées; elle meurt en paix et Palladius lui élève
un mausolée splendide.
* G. M. R., 1, 137.
Plusieurs ont été indiqués par Savio.
^

^ Et dans les gestes de Cautius, qui leur sont apparentés, mais qui n'ont
rien de commun avec les nôtres. Cf. G. M. R. ii. 212.
198 TRADITIONS DE l'iTALIE IJIJ NORD

cliéens : ils insistent sur la spontanéité du martyre, sur les


circonstances qui expliquent la fuite des chrétiens persécutés,
sur rupture de la vie commune entre mari et femme ^ Il
la

faut donc que la question manichéenne ait perdu son actualité


lorsqu'on mettait par écrit l'histoire de Faustin et Jovite. Les
points de contact ne peuvent s'ex[)liquer que par une influence
littéraire. A cette conclusion, encore, rien de surprenant : les
gestes d'Anastasie sont du v° ou vi*" siècle, comme aussi les
gestes de Sophie ^.

J'ajoute que semhlent aussi avoir


les gestes d'Eleuthère ^

été mis à profit par nos rédacteurs 1. Même époque dans les :

deux légendes, Adrien 2. Même rapport flottant avec Rome


^
;
;

3. Même croyance à la valeur édifiante de la lecture des Ge.sta


ynartyriim 4. Même série de tourments le feu d'abord, puis
; :

les bêtes, qui caressent les martyrs ^; 5. Rôle des anges G. :

Vertu du signe de croix 7. Vains efforts pour séduire les


;

saints 8. Eleuthère convertit Félix, comme Faustin et Jovite,


;

Calocère 9. N'y a-t-il pas rapport entre les (munera) candida


;

d'Eleuthère, et la schola candidatorum de Faustin et Jovite ? **

10. Les bêtes féroces reçoivent l'ordre des saints de traverser


la ville sans faire de mal à personne.
Il est donc clair que les rédacteurs des gestes de Faustin et

Jovite connaissaient Eleuthère et surtout les quatre légendes


de Sébastien, de Nazaire, de Sophie, d'Anastasie et qu'ils ne
s'intéressaient pas aux questions auxquelles les controverses
catholico-manichéennes avaient donné tant d'importance.
Peut-être même doit-on dire que le merveilleux dont usent si
libéralement nos auteurs, est destiné, dans leur esprit, à
prouver l'origine divine de l'Eglise et la nature divine de
Jésus ; l'arianisme n'était pas complètement abattu chez les
Lombards, dans première moitié du vu^ siècle peut-être
la :

les miracles abracadabrants dont est semé notre texte devaient-


ils le combattre, peut-être ont-ils contribué à le ruiner ^

1 Nos des Catholiques, le laissent entrevoir: Sophia


textes, retouchés par
détourne les femmes de manger
et de boire avec leurs maris le texte pri- ;

mitif devait aller plus loin (Cf. les gestes de saint Pierre [Linus] dont la diffu-
sion en ces pays est attestée par les gestes de Nazaire) et interdire la vie
conjugale.
2 La version A de Faustin Jovite présente une physionomie plus romaine
que B et G [Cf. les versions cassiniennes de Sophie et d'Anastasie comparées
aux versions mombrilienues de ces légendes]. Afra est sans doute un double
de la sainte d'Augsbourg.
3 Texte de Mombritius, i, 250 [B. H. L., 2451].
INNOCENTIUS DK TORTONE 199

Voici, enfin, une autre légende évidemment apparentée,


malgré les apparences, avec Faustin-Jovite ; elle s'est élaborée,
elle a étc rédigée dans les mêmes cercles et au même mo-
ment.

IV

A louange et la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ


la
nous avons pris la peine de rapporter ce quil a fait de peur
que CouoLi nètoufjdt Vœuvre de sa grâce. Dans la cité de
lortoncy rUlustre Quintius, de souche romaine, avait épousé
la lucanienne Innocentia : et tous deux avaient reçu de Valé^
rien, Gallien et des autres empereurs un privilège [auctori-
tatem] portant quils 7i eussent à subir aucune persécution du
fait de leur foi chrétienne, ni eux ni leur famille [genus]. //
demeurait près du temple de Jupiter; mais, fuyant ce voisinage,
il habitait souvent la villa appelée Jata^ non loin de Tortone,

près du fleuve Golubus, qui était propriété d' Adrien [? sub


polestate Adriani] ; on V appelle aujourd'hui le val de saint
Innocentius. Au temps de Dioctétien et de Maximien, il était
donc le seul que la persécution n atteignit pas. Il ensevelissait
la nuit le prêtre Marcellin et ses compagnons cjui avaient été
décapités^ et rédigeait le récit du combat qu'avait soutenu
chacun. Il cachait chez lui les Ecritures divines. Mais (à la
longue), tous les livres et toutes les églises furent brûlés le ;

prêtre Jean, qu'il avait recueilli durant six mois, fut dénoncé
au prœses Léon et décapité hors de la porte Ticinaise : Quin-
tins l'ensevelit près du Golubus ; mais, bien c^ue le diacre
Maliodore ait échappé aux recherches, Vépiscopat reste quinze
ans vacant. — Le fils de Quintius, Quintius, reçut comme
nom propre, en même temps ([ue la grâce du baptême {le
7iom) d' Innocentius, et sa fille le nom d' Innocentia. Quintius

1 B. H. L., 4281 [17 avril, 478 ou 482].


200 Ti{Ar)iTioNs i)i: i/italie du nohu

mourut à ce moment même


fut enseveli hors de la terre Ma-
et
rinea et Innocentius^ qui avait alors 22 ans, fut arrête par
;

Léon. Car les prêtres d is idoles veulent détruire les Quinlii


afin de saliver Tortone, la fille de Home [Dorthona qu<'jb fuit
filia RoiiiœJ ; « J'ai appris qui tu es, lui dit Léon ; tu vis
comme un sacrilège. Livre-nous les trésors de ton père et les
écritures qu'il faisait la nuit » ordonne qu'on confisque
; et il

sa fortune, qu'on brûle les gestes de tous les chrétiens qu^on


trouvera chez qu'on l'enferme à la prison de la porte
lui, et
Vercellina. Or, pendant
la nuit, voici que Quintius apparaît
à son fils : « Va à Rome, lui dit-il ; tu y seras sauf Diocté- ;

tien nous ignore encore^ il mourra cette année, et la paix sera


rendue à V Eglise. » Et les portes s'ouvrent, Imiocentius part,
arrive dans sa maison de Floriaca, prend avec lui ses trois es-
claves (pueros), confie sa sœur à ses tuteurs et se rend à
Rome ou Vévêque Melchiade lui fait un honorable accueil. Et
Dioclétien et Maximien moururent cette année même.
Maliodore^ créé évêque par V archevêque de Milan saint Ma-
terne, demeura dans cette dignité jusquà la conversion de
Constantin : celui-ci frappé de la lèpre pour avoir persécuté
les chrétiens, avait fini, en effet, par se faire baptiser et tout
restituer aiix chrétiens par un édit [auctoritate impérial!]. A
la mort de Maliodore, Silvestre, le sicccesseur de Melchiade,
en référa à Constantin ; il avait ordonné diacre Innocentius,
dont il dit à Cempereur toute l'histoire. Innocentius devient
évêque, on lui restitue tous ses biens, il doit contraindre à la
conversion Gentils et Juifs : il exilera ceux qui refuseront, et

confisquera leurs biens au profit de son église. Innocentius


retourne donc à Tortone, réorganise le culte, et commence son
èpiscopat le VIII des kalendes d'octobre. Les Juifs de la porte
Ticinaise refusent le baptême : on les exile dans les provinces
et leur synagogue est détruite on construit deux églises et un
;

baptistère ; une des églises s^ élève au lieu oh habitait Mar-


cianus on renverse le temple de Jupiter et de Mars on élève
; ;

la basilique de saint Etienne martyr et l'église des saints


Apôtres. Au haut du premier camp [in vertice castri prions],
on construit la basilique des saints Sixte et Laurent, un mo-
nastère, des puits, une citerne, un égout, un aqueduc. Inno-
centius opère de nombreux 7niracles au nom de Jésus-Christ,
guérit les aveugles, renverse les autels, brûle les bois sacrés,
établit des prêtres, fait tonsurer les cleixs suivant l'usage de
1NN0CI5NTIUS DK TORTONK 201

Silvestre ; et les habitants de Tortone combattent les Marco-'


mans.
Innocentius trouva le corps de saint Marcianus, dont il

Usait chaque jour combats : c'était la dix-sep^


les actes, les
tième année de son épiscopat. Le prêtre Jacques avait eu un
songe^ et, sur ses indications y les diacres Celse et Gaudentius
avaient cherché sous un sureau. On lisait sur le tombeau ici :

repose le corps de saint Marcien évèque 07î voyait à côté une ;

éponge, et un vase de verre rempli de sang. Le jour de Vin-


veiition est le XIII des /calendes de décembre. Une basilique
fîit érigée en son honneur. — A la faveur de la paix des
églises, r évèque alla à Rome pour prière et pour affaires il :

avait des intérêts [pecuniasl à Rome et en différentes cités, à


Lucques par exemple, et en pays lucquois (l): — V église de Tor-
tone était très riche, — et son père, noble romain, avait épousé
une lucquoise Ravenne et en Pentapole qii étaient les
(?). C'est à
biens des Quintii. Ln allant à Rome, en Etrurie et en Pe?ita-
pôle, il ressuscita une veuve, Perpétua, qui demandait à Dieu
de ne pas mourir avant de l'avoir vu, et qui était décédée
pourtant avant son arrivée. Ce sont les témoins du fait qui le
racontent.
Il opéra bien d'autres miracles. Nous avons pris soin d'en
écrire quelques-uns que nous avons lus dans
,
le livre du diacre
Celse: les ennemis [gentes] l'ont détruit', Dieu, pour nos pé-
a lancés sur nous. Une sénatrice, fille de Prospère, et
chés, les
femme de Sabinus le scribe, vivait dans la chasteté et la piété;
elle ornait les églises. Comme
on V apercevait souvent, la nuit,
avec V évèque, des clercs y virent la preuve que leur évèque
était dompté par la concupiscence de la chair : on causait. Un
dimanche, Innocentius fit signe à la servante du Seigneur pour
qu'elle apportât des charbons ardents ; et, pendant une heure,
il y tint ses pieds appliqués, sans même que son vêtement

brillât. Quant aux clercs calomniateurs, ils fuirent emportés


par la lèpre. Innocentius mourut le XV des kalendes de mai
et fut enseveli diligemment par les chrétiens.

Ce texte présente des traits fort rares, qui paraissent dé-


noncer une époque tardive: 1. En vertu d'un privilège de
Valérien [auctoritatem a Valeriano^ qui est propre à leur {b.-
m\\\Q\^generi illiusl^,\Q?> Quintii ont le droit de pratiquer le
christianisme ; 2. À la mort de Maliodore, le nouvel évèque
202 TRADITIONS DK l'iTALIK DU NORD

de Tortonc, Innocl;nlius, somblc cv(t{i par rempereur, après


avoir été (]6si<^n6 par l'archevêque de Milan ^1 L'évêque de ;

Torlone est représenté comme ayant l'administration et la


direction de tous les intérêts urbains; 4. l.e (ils de Quintius
reçoit un nouveau nom à son baptême, Innocentius. On son^^^e
à l'époque des Ottons.
Le Marcianus et d'Innocentius est attesté à Tortone,
culte de
à ce moment mémo, par un diplôme de l'évêque de Tortone
Giseprandus, daté de 940. Giscprandus rapporte que l'abbaye
de Vendersi,à demi-ruinée, a été donnée par le roi Hugo aux
saints Marcianus, Innocentius et Laurenlius :

Abhaciam de Vender (si) in honore s. Pétri principis apos-


tolorum constructam, ubi corpus s, Fortunati quiescit, qiiain
Hugo serenissimus rex,., iam quasi profanatam et velut om-
nino annullatam sancto Marciano sanctoque Innocentio atque
Laurencio sancte derionensis ecclesie auctoribus.,. tradiderat '.
Notre texte remonte peut-être à ce moment. 11 cite Lau-
rent, aussi bien que Innocentius et Marcianus. Mais, d'après
notre texte, Laurent n'est pas aussi intimement associé aux
deux autres saints que d'après le diplôme le Laurent du di- ;

plôme semble un saint indigène ou naturalisé, le Laurent de


la légende est certainement le martyr romain, diacre de saint
Sixte. 11 est peu vraisemblable que les deux textes soient très
exactement contemporains.
On doit ajouter que la légende est postérieure au diplôme :

un Laurent inconnu vénéré à Tortone aura été facilement con-


fondu avec son fameux homonyme; d'autant que, les gestes de
Faustin-Jovite l'attestent, — et aussi les gestes d'Innocentius,
nous Talions voir — , on connaissait Tortone les
très bien à
légendes romaines. On s'expliquerait difficilement, au con-
traire, que le compagnon de saint Sixte, d'abord connu et
vénéré comme tel, se fût peu à peu séparé de son compagnon
traditionnel, — à supposer que ce Laurent de Rome ait jamais

1 M. H. P., Chart. i, 158, cité par Savio ; Gli antichi vsscovi d'Italia, i,

(1899) p. 386.
Savio note qu'un diplôme de Giseprandus du 6 juin 945 ignore Marcianu?
et ne cite, comme patrons de Tortone, que Laurent et Innocentius ad siis- :

tentalioneyn et utilitatetn canonicornni in ecclesia s. Laurentii simulqiie


Iiwoceniii Deo fartiulantium [Bottazzi Monutnenti inediti, p. 1.
: Cf. —
Savio Gli antichi vescovi d'Italia, i, 379 n. 1].
: A la fin du x^ siècle, —
Lambert semble avoir possédé quelques terres près Tortone cf. ses di- :

plômes IV et VII fScbiaparelli ^^: I Diplomi di Guido e di Laniberto


Roma, 1906, 79-89J.
LES SOURCES DE LA LEGIN')!': 203

pu être appelé, au même titre que Marcianus et Inuocentvus,


auctor dertoiiensis ecclesie. —
La légende d'innocentius rellète
une situation de culte qui est chronologiquement postérieure
à celle qu'atteste le diplôme on peut la dater approximative-
:

ment de la fin du x® ou du début du xi^ ^


On peut se demander si ce texte récent ne repose pas sur un
texte antérieur.
Notre texte signale deux fêles, l'anniversaire de la mort
I
XV kalendes de mai] et l'anniversaire de l'ordination épisco-
pale [VIII des kalendes d'octobre] ce détail nous fait songer :

au is^ et au v° siècle, il dérive peut-être des gestes du vi^ ou


du vil' siècle ; il n'a sans doute pas été inventé par le rédac-
teur du x^ siècle.
Notre texte emprunte plusieurs traits aux gestes du v® vi® et
du vii^ siècle. Les noms de Celse, de Perpétue et des Marco-
nians, le livre du diacre Celse qu'on allègue, l'invention mi-
raculeuse du corps de Marcianus, tous ces traits paraissent
empruntés au cycle Gervais-Protais et Nazaire-Celse, De —
Sophia vient peut-être le titre de fille de Rome qui est donné
à Tortone, ainsi que le voyage de l'évêque à Rome. L'an- —
nonce de la fin de la persécution a été empruntée à Sébastien
ou à Marcel —
et l'histoire de Constantin atteint de la lèpre a
;

été puisée aux gestes de Silvestre.


Innocentius est dit fils de Quintius et successeur de Ma-
liodore. Or, je trouve que deux évêques de Tortone se sont
appelés Quintus [en 451] et Maliodore [vers 649] -. J'imagine
que les personnages de la légende ont été inspirés par ces per-

^Le R. P. Savio [Analecta Bol., xv, 377] pense qu.' Innocentius emprunte à
Vhistoire datiana la date du sacre de Maliodore de Tortone par Materne de
Milan [avant 312|, et donc qu' Innocentius ne peut être antérieur à la Ou du
XI» siècle. — Je suis moins aflirmatif et moins précis que lui il ne faut pas :

presser les indications chronologiques des légendes, d'autant qu'ici Mirocles


n'est pas nommé est-il impossible que Vhistoria datiana dépende d'un texte
;

antérieur qu'aurait aussi utilisé le rédacteur d' Innocentius ? —


Le R. P. Savio
pense que le Marcianus de Tortone est identique à l'évêque de Ravenne Mar-
cianus qui aurait été transporté à Tortone et confondu avec Marcianus de
Dorostorum. Le texte d'Agnellus, si vague «oitil, est contraire à toutes ces
hypothèses et la valeur de la vie de Probus de Ravenne est sujette à £au-
tion. Pourquoi ne pas admettre, à Tortone, un pieux personnage dénommé
Marcianus ?
- Quintus signe au concile de Milan de 451, Maliodore au concile du La-
tran de 649 [Troya Codice dipi. longoô., ii, 477[. Cf. Savio: op. cit., i, 381.
:

A propos des domaines de l'église de Tortone en Ligurie, se rappeler que la
Ligurie a été conquise par Rotiiari au milieu du vii^ siècle.
204 i'RADlTIONS DE l'iTALIR DU NORD

sonnages historiques ; nous invite à dater de la fin du


ce qui
vil* siècle l'introduction de ces détails ou Torigine même du
mouvement 16f:,^endaire.
Voici précisément qu'au milieu du vu* siècle, si l'on accepte
la conclusion de notre enquête touchant Faustin et Jovite,
apparaît le texte cyclique qui célèbre ces saints et qui, préci-
sément, conte avec détail la mort de Marcianus. Los gestes
d'ïnuocentius rappellent et attestent la gloire de Marcianus ^
:

est-ce que ce n'est pas l'indice qu'ils connaissent la léirende


cyclique des saints de Brescia ^? Et, puisqu'ils célèbrent Inno-
centius qic ignore Faust'm-Jovite, est-ce qu'on n'est pas fondé
à voir en eux comme un complément de la légende tortonnaise
qui apparaît dans Faustin-Jovite'^ La légende d'Innocentius a
peut-être été suscitée par la légende de Marcianus ; elle est
sans apparue d'abord dans la seconde moitié du
doute
vil® siècle; de ce texte perdu viendraient tous les détails em-
pruntés aux gestes romains qu'on lit dans notre version du xc
et qui font songer aux traits analogues qu'on a notés dans
Faustin- Jovite'^.

^
§ 5. « Fecerunt baptisterium, et aliam ecclesiam secus baptisterium, quo
in loco resederat Marcianus § 6, cum uero legeret quottidie acta et certa-
:

mina s. Marciani..., corpus inuenit...


2 loi et là apparaît le même temple de Jupiter.
3 Noter les points de contact de Domninus et d'Innocentius ici et là, on
:

cherche et Ton trouve des corps saints on reproduit le texte d'une ins-
;

cription on conte des miracles, on s'intéresse à Rome, aux basiliques lo-


;

cales, etc.
CHAPITRE IX

TRADITIONS DE TUSCIE
{VIA AURELIA)
LES SAINTS TORPES, PAULIN, AMSANUS, SECUNDIANUS, MARCIANUS

La Via Aurélia, commencée peut-être par le censeur C.


Aurelius Gotta (242 av. J.-C), partait du Janicule, gagnait la
mer et longeait la côte tyrrhénienne par Gività-Vecchia et
deux siècles plus tard, prolongée jusqu'à Gènes.
Pise. Elle fut,
Plus tard entin, Marc-Aurèle donna à cette grande voie un
nouvel accès à Rome, du côté du Vatican. Suivons-la en re-
venant de Gênes à Rome. A Pise^ à Lucques, à Sienne, à Gi-
vità-Vecchia et à Bracciano, nous trouverons des légendes
parentes des légendes romaines.

En ce temps ^ là, comme Néron était le maître de toutes les


provinces (?) et avait restauré en V honneur de son nom la

»B. H. L., 8037 ]17 mai, 7J.


205 TRADITIONS DE TTTSCIE (viA AURELIA)

ville de Plsc, en Tuscie, cl emheUl les ornemerUs du priUoira


et le palais de TessellœÇ/?), ridée lui vint, à lui et aux siens,

de construire un temple ou les dieux seraient adorés cJiaque


jour. Ils trouvèrent le temple qui est à Ventrée de la porte
Latine, à la tête du pont de l'Ausaris, et V ornèrent de tables
de marbre rayées, et y dressèrent une statue de Diane, d'or
pur et de perles, pour qu^on r adorât chaque jour : la statue
était d'une grandeur étonnante, les traits, les yeux semblaient
vivants ; et, sur V ordre de Néron, on la fixa sur le devant
(? in vultu templi), en grande pompe. Un banquet joyeux cé-
lébra la dédicace du temple, et chaque jour les prêtres ne
cessaient d'ij célébrer les offices. Mais V empereur ne s* en tint
pas là : il imagina de fabriquer un ciel et nul nosa le con-
tredire. On fit donc au ciel d'airain, dressé (?) sur 90 colonnes
de marbre à une hauteur de cent pieds et percé d'une (multi-
tude) de petits trous. Ses (ministri) serviteurs firent tomber par
là de l'eau sur la terre : il semblait cjue ce fut de la pluie ; et
Narzius, gardien du lieu {? loci servatorj, s'écria « Que tout :

le monde du nom de Diane c'est


confesse la grandeur infinie :

en son honneur que Néron fait ces prodiges. » Il y avait aussi


une machine qui imitait le soleil : Néron faisait allumer des
lampes le matin et les faisait éteindre le soir ; le soir, à la on-
zième heure, il accrochait aussi dans la machine qui repro-
duisait la lune, un grand miroir très clair, orné de pierres
précieuses. Mais, une fois, le miroir tomba, et nul n'en trouva
les morceaux. De même, comme il faisait passer un quadrige
sur le ciel, afin d'imiter le tonnerre, Dieu envoya un grand
vent, le quadrige fut jeté au fleuve, le cocher fut décapité et
disparut. —
Or, un jour, que l'empereur siégeait à son tri-
bunal et proclamait la grandeur de Diane, mère des dieux,
Torpes l'arrêta: il faisait partie de son ofQcium, mais l'Es-
prit-Saint le remplissait, a II n'y a qu^wi Dieu, dit-il ; j'ap-
partiens à la même famille que tes fidèles (fidèles tui) marty-
risés à Rome : je les ai vus couronnés par la main des anges
et recevoir la vie éteiiielle, » —
« Quel est l'ordre de ta cons-
cience qui te fait protester ainsi? » —« Une conscience hon-
nête retire du mal, appelle à la vie; et puis, V Esprit-Saint
souffle ouveut. Tout ce que tu fais voir n'est qu'une fiction ;
il

ton tonnerre est dans le fleuve; j'adore le Dieu vivant qui,


grands luminaires du ciel ». Mais lorsqu'il sort
seul, a fait les
du palais, menacé par Néron, Torpes réfléchit qu^il na pas
TORPES DE PISE 207

le baptême du salut; comme il sait quily «, dans la mon-


tagne, un prêtre Antoine, lequel s'y cache, il sort de la ville,
au milieu de la nuit, par la porte de Lucques (? porta lucana)
et, par le côté de V amphithéâtre, il va, il monte peu à peu,

en criant: Antoine, père saint, ou es-tu?


(C « Qui es-
)> —
tu, » répond Antoine de son oratoire. —
€ Je suis Torpes, ton
esclave. » — a Malheur à moi, car tu
de /'officium. »
es
— « N^aie pas peur ; laisse-moi embrasser tes mains, prie
pour moi ; je veux adorer le Christ, mais je ne suis pas bap-
tisé : baptise-moi. » —
a Au nom de mon Seigneur Jésus-Christ,
je te baptise », répond Antoine ; et ils descendent au pied de
la montagne, à l'endroit ou ils trouvent de Veau vive, du côté
de la storia leonum {??) ; Antoine bénit Veau, arrose V officier
du baptême du salut et^ après avoir fait le signe du Christ,
il lui dit adieu, l'embrasse en pleurant, disant : « Que l'ange

du Seigneur t'accompagne ! » —
Jorpes revient cette même
nuit. Tout d'un coup, il entend qu'on lui parle, il se retourne
et voit un ange resplendissant de lumière. « IS^'aie pas peur,

dit l'ange Dieu t'a couronné cette nuit par sa main ; n'aie
:

pas peur des menaces de tes ennemis : je suis avec toi. Dans
toute la ville, il n'a pas été trouvé un autre homme que toi
qui, pour le Christ, consentît à recevoir un soufflet. Sois fort
dans la vérité! Je sais cjue tu seras avec nous, dans le para-
dis, avec la multitude des anges ; quant à ton corps, je le
transporterai dans une autre province. » —
Et Torpes se re-
lève; il remercie le Seigneur qui lui a donné son ange et ([ui
l'a choisi, lui seul, Torpes, pour lui donner la foi (me solurn

clegisti inhac civitate contidere in te).


Rentré par la porte de pierre, il va au forum ou siège Né-
ron. L'empereur le confie à l'un de ses conseillers et parents :
le saint leur a annoncé qu'ils mourront avec Diane, la mère

des dieux puis Néron a hâte d^ aller à Rome où les saints su-
;

bissent d'atroces tourments. Et Torpes est mis en prison ; et


Satellicus ordonne que les bêtes restent trois jours sans nour-
riture. Le troisième jour, Torpes comparaît. « Sacrifie, lui
dit Satellicus ; et tu conserveras tes honneurs (? antecedct te
honortuus). » Torpes refuse ; Une veut pas renier l'ange qu'il
a vu. On le frappe ; on l'attache à la colonne Habietina, son
sang coule comme l'eau d'une fontaine. Mais le saint lève les
yeux au ciel, il prie Dieu de le venger ; et la colonne tombe,
tue cinquante impies, dont Satellicus. I^es ministrî furieux
.

208 TRADITIONS DE TUSCIE (viA ALHELIA)

mettent Torpcs sur' la roue^ et Silvinus, fils de Satellicus,


grince les dents de rage. Il est vrai que le peuple mécontent
s'agite : l'on se hâte de conduire le martyr à V amphithéâtre
Un signe de croix tue net le premier lion qu'on lâche sur
lui ; le léopard qui vient après, courbe la tête et baise les pieds
du saint. Ce que voyant, le conseiller de V empereur Evellius
se convertit et s'enfuit à Rome, oh il est décapité le cinq des
kalendes de mai. Lorsqu'il conduit sous le ciel d'airain,
est
Torpes, levant les yeux au ciel, prie Dieu de tout fracasser
par son ange ; aussitôt un orage éclate, le tonnerre retentit,
le ciel s'écroule ainsi que vingt'Ciuatre colonnes, tuant une
multitude de païens, et jetant doute au cœur de beaucoup
le

d'idolâtres. Silvinus ordonne qu!on en finisse^ quon le déca-


pite. Torpes est conduit à la porte de Rome, il passe devant la
maison de son ami Andronicus, qu'il prie d'ensevelir son
corps et qu'il exhorte à croire en Dieu. Mais les ministri em-
pêchent Andronicus de venir : il fallait que s'accomplît la
parole de l'ange, je transporterai ton corps dans une autre
province. Le cortège franchit la porte Circensis ; il monte dans
une petite barque oit les soldats tiennent le martyr de peur
qiiil ne se jette dans le fleuve ; Silvinus avait donné ordre
qu'on le décapitât en pleine mer afin qu'il ne pût ressusciter :
car le Dieu des chrétiens faisait beaucoup de miracles. Puis
un homme était accouru qui avait dit aux gardiens : « Déca-
pitez-le sur terre, au bord de la mer y). En effet, lorsqu'ils
furent arrivés (in graduni Arnensem (??) à l'embouchure de
l'Arno., ils franchirent la rive du fleuve ; Torpes dit : « Reçois
mon esprit », et, ayant levé les yeux au ciel, il fut décapité.
Les ministri mirent le corps, avec un chien et un coq, dans
une petite barque hors d'usage qu'ils trouvèrent là et, lors-
qu'ils l'eurent perdue de vue, ils s'en allèrent. Mais l'ange
survint, qui la conduisit au port de Sinus (en Espagne) : le
chien était là pour veiller {sur les reliques), le coq pour les
indiquer {aux chrétiens). La sénatrice Celernna, que Vange
réveille, et à quiil promet le succès de toutes les prières quelle
adressera à Dieu, réunit, en effet, une multitude de prêtres et
un peuple innombrable : jeûnant, en grande pompe, ils vont
au bord de la mer et ne trouvent rien. Celerina lève les yeux
au ciel, et prie. Alors le coq chante ; au flanc d'un rocher on
trouve la barque, le corps, le coq et le chien ; on enveloppe le
corps dans des linges et on le porte à Sinus oh il est enseveli.
TEXTES APPARENTÉS 209

A ce momentcoq et le chien disparaissent. Or, Celerina


le

régnait sur la moitié de f Espagne ; elle éleva au saint une


église magnifique^ avec de superbes grilles (cancelli), où beau-
coup de malades et de possédés furent guéris; et elle laissa
à réglise beaucoup d'argent. —
Quinze ans aprèSy on apprit
que Néron était mort : ce qui remplit de j'oie toutes les pro-
vinces, car toutes croyaient en Je sus- Christ, Cest alors
qu'arriva à Sinus un membre de son officium, Artemius ; il
demanda le nom du saint qui y était vénéré aux habitants de
tendroit fcommanentes loci illius) et conta quil avait pris
part à son supplice. Sur la demande qu*on lui adressa, il
dicta les gestes de Torpes^ et dit comment il avait souffert. Le
jour de sa fête est le trois des kalendes de mai. [Tous ceux qui
rinvoquent en mer sont sauvés.)

Torpes peu connu si Adon % si Flodoard * résument


est :

ses gestes, on cherche vainement son nom dans le férial hié-


ronymien, aussi bien que dans le calendrier populaire. Aucun
texte ne peut éclairer notre enquête.
Torpes est un martyr, ou du moins un saint vénéré à Pise :

nos gestes l'attestent par eux-mêmes. Pise était un centre ma-


ritime important ^ de là le trait qui les termine, au moins
:

dans certains manuscrits.


11 me semble très probable qu'ils sont nés, comme les

gestes d'Hedestus, autour des ruines d'une villa impériale.


Tous les épisodes qui les composent ne l'indiquent-ils pas?
C'est Torpes qui, pour punir l'impiété de Néron et glorifier le
Seigneur, avait jeté à terre ces ruines mystérieuses qu'on
voyait dans la campagne.
Il est, du moins, certain que les gestes sont apparentés aux

gestes d'Alexandre de Baccano, lesquels, on s'en souvient,


sont parents d'Hedestus, où Néron apparaît aussi bien que
dans Torpes. Voici les points de contact des légendes 1. Né- :

cessité du baptême de l'eau pour être sauvé; 2. Le baptême


est conféré au nom du Christ; 3. L'auteur connaît les gestes
des Apôtres [ici, physionomie de magicien de Néron] 4. ;

Souci d'authentifier Thistoire, en la rattachant, ici et là, à un

P. L., 123, 267-268.


^

2P. i., 135, 661.


^ Auguste
établit une colonie à Pise [Pline, m, 5, 50]. On ne sait rien sur
Pise au temps de Néron [C. I. L., xi, 1, p. 273].

m U
210 TRADITIONS DE TUSCIR (VIA AURELIa)

personnage acteur du drame 5. Insistance sur l'action sou-


;

veraine do la grâce 6. Conversion d'un notable païen (11er-


;

culanus, Evellius) ; 7. Tremblement de terre; 8. Echo des


controverses touchant fAnloine se cache dans
la fuite Ja
montagne] ; 9. Le peuple est favorable aux martyrs.
Ces rapports s'expliquent-ils par une action littéraire s'exer-
çant à une époque postérieure à la rédaction d^ Alexandre ou ;

bien les textes sont-ils à peu près contemporains? Ici encore,


on peut pencher pour la seconde hypothèse elle paraît rendre :

compte sans difficulté de deux traits communs à Torpes et à deux


gestes, eux-mêmes parents à' Alexandre comme dans Donat, :

un ermite est mêlé à l'histoire de Torpes ici, Antoine là, | ;

HilarinJ comme dans Erasme^ le saint prie Dieu de le ven-


;

ger et d'exaucer ceux qui le prieront en son nom.


*
Je croi- —
rais volontiers, néanmoins, que Torpes remonte à la seconde
moitié du vi*" siècle l'absorption de tous les dieux païens par
:

Diane, mère des dieux, l'emploi des i^vm^s fidèles [% 2], honor
[§ 6], comnianentes loci [§ 10], enfin l'idée qu'a le rédacteur
de faire organiser par Néron un service religieux quotidien sur
lemodèle du culte chrétien, tout cela me parait déceler une
époque un peu plus récente que celle d'Alexandre de Baccano.
Pise accueillit sans déplaisir, semble-t-il, la restauration impé-
riale ^ elle parait avoir été assez prospère à la fin du vi^ et au
;

début du vii^ siècle '. C'est peut-être de ce moment que date


notre version des gestes.
Je crois qu'il y a rapport entre la translation du martyr en
Espagne où l'enterre cette reine inconnue qui s'appelle Ce-
lerina et l'imitation des gestes de saint Vincent que trahit la
légende L'auteur connaissait l'histoire de saint Vincent de
'\ :

là l'intérêt qu'il témoigne à l'Espagne.

^ Dans les gestes pseudo-ambrosiens de Gervais et Protais, le martyr rap-


pelle l'exemple de Jésus qui priait pour ses bourreaux.
2 Pise ouvre ses portes à Narses, sans faire résistance [Hartmann, i,

339].
3 Sur l'importance que S. Grégoire attache à son appui, cf. Ep. xiii, 33
[P, L., 77, 1284]. —
Papebroch pense que les gestes de Torpes faisaient par-
lie de la collection martyrologique de Ceraunius de Paris. C'est fort possible ;
mais la raison qu'il apporte ne me paraît pas suffisante [17 mai, 5, § 1].
Pour lui aussi, du reste, le texte date du vi» ou du vii^ siècle. Nous ne sa- —
vons pas au juste de quand date l'appellation de S. Tropez en Provence :

elle dérive sans doute d'un établissement pisan en ces parages à une époque
postérieure.
* N'est-ce pas de Vincent que vient l'idée d'avoir donné pour compa-
gnons au martyr, un coq et un chien, bêtes que l'on mettait dans lé sac des
PAULIN DE LUCQUES 211

Et d'où vient l'idée de la translation miraculeuse ? Peut-


être de Vitus, peut-être d'Eleufhère ou de liestitiita. Notre
auteur devait connaître les légendes d'origine grecque : il uti-
WsQ^Erasme et les promesses de l'ange à Celerina rappellent
;

des traits de ce genre qu'on trouve dans les textes grecs. Ce


qui confirme la date que nous avons proposée pour Torpes.

II

Le Seigneur miséricordieux a daigné descendre du haut des


de deux dans le sein de la Vierge pour éclairer le monde; il
1 de
es
revient des enfers et monte au ciel dans notre chair. Pourtant^
beaucoup de rois et de princes de la terre nient que Jésus-
Christ Fils de Dieu soit le vrai Dieu et Sauveur du monde ; ils
nient.,, la Trinité suprême et inséparable (màWxàwd). Parmi
leur troupe impie, Néron s'élance, comme du carquois de Sa-
tan, pour torturer les adorateurs de Dieu. Il fait construire en
Tuscie, dans la cité de Pise, à Ventrée de la porte Latine^ à
la tête du pont de VAuser, un très grand temple de Diane
qu'il orne magnifiquement ; il fait faire une statue de Diane
en or et en perles qu'on adorera tous les jours : les traits et
les yeux semblent vivants elle est fixée au sommet du temple
;

(?) (in vultu). Puis il ordonne quon construise un ciel d'airain


supporté par 90 colonnes de marbrcy hautes de 100 pieds il en :

tombe une eau qui semble être la pluie. Des lampes et des mi-
roirs et des quadriges imitent le soleil et la lune et le tonnerre...
Mais machines se brisent. Cependant V empereur veut faire
ces
reconnaître par tous la grandeur de Diane, mère des dieux^
et il envoie un édit dans toutes les provinces pour que les

chrétiens sacrifient à DianCy ou meurent dans les supplices,

parricides ? —L'écroulement du temple fracassé par Dieu n'a-t-il pas été


suggéré par l'histoire de Samson ? Cf. Bestituta, Amsanus et Tobit. —- Noter
qu'Erasme rappelle parfois Vincent fies poids de fer dont on charge le mar-
tyr], — Torpes rappelle encore Sabinus, Grégoire, etc.. Sur le mot com^
manere, cf. Zeumer, p. 476 et Fustel de Coulanges Alleu et Domaine rural^
:

418-453.
» B. H. L. 0555 [12 juillet, 208 ou 256]. .
212 TRADITIONS DE TUSCIE (VIA AIIHELIa)

En ce temps'lày dans cette même province, dans la cité de


LucqueSj y avait un évêque Pauimus qui avait été ordonné
il

par saint Pierre et qui amenait beaucoup [de païens) à la


connaissance de Dieu: assisté des prêtres Sévère et Antoine^
il leur confère le baptême au nom du Seigneur^ et consacre
sept églises et ordonne des prêtres et des clercs. Les appari-
teurs de Néron^ quon a prévenus, le trouvent en compagnie de
Sévère et du diacre Luc et du soldat Théobald ils chantent :

des psaumes dans V oratoire [? cella) qui est dédié à la sainte et


inséparable Trinité, à la Croix sainte et vivifiante^ à Marie im-
maculée mère de Dieu, et à Etienne protomartyr, Paulin re-
mercie le Christ et réconforte ses frères : « Déjà nous tenons
la vie éternelle ; n ayons pas peur. » —
« Vous adorez un
crucifié, leur dit Néron, quand on les introduit en sa présence ;
vous détruisez le culte des dieux qui chaque jour font pro-

gresser Vétat. » sagesse de renoncer aux idoles
(( C^est et

d adorer vrai Dieu, qui


le incarné. — Sacrifie à
s'est » « la
grande Diane, — Je me
» « en moi-même,
sacrifie, effet, vic-
time immaculée, au Seigneur mon Dieu Jésus-Christ que je
sers en esprit. » On les frappe ; leur sang coule à terre ; et ils
ne cessent de bénir Dieu tout-puissant. Père du Seigneur
Jèsus-Christy qui leur a don7ié part, avec les saints martyrs,
à la résurrection, à la vie éternelle, et à V incorruptibilité de
l'âme et du corps. Enfermés sans nourriture au fond de la
prison, ils chantent propter hoc dilatatum est cor meum, et,
:

trois jours après, bien que V empereur jure sur le salut des
dieux de les livrer aux bêtes, ils refusent de se sauver en sa-
crifiant. Ils font le signe de la croix {dans r amphithéâtre),
lèvent les yeux au ciel et prient Dieu de ne pas livrer leurs
âmes (animas^ aux bêtes ; et celles-ci, subitement adoucies,
leur lèchent les pieds et les mains. « Que sont ces maléfices
(maleficia), dit Néron, —
« Ce sont des bienfaits (bénéficia;
de Dieu : crois en lui, fais pénitence pour le sang des saints
que tu as répandu et tu obtiendras la vie éternelle. »
Le comte Anolinus, à qui V empereur les a envoyés, les eni"
prisonne, Paulinus prie Dieu de conserver et d^accroître la
foi du peuple de Lucques (populus lucanus) et des églises qu'il
a fondées, par JésuS'Christ, Sauveur du monde qui est co- ^

eternel au Père et au Fils, et vit, et règne dans les siècles des


siècles,Ta prière est exaucée, lui
c( dit un ange. Demain tu
mourras martyr ; ton corps sera enseveli à Lucbues, dans
LES SOURCES DE LA LEGENDE 213
r église de la sainte Trinité que tes mains ont consacrée. Tu
seras le patron de la cité ; grâce à toi les ennemis ne pourront
jamais la détruire. Remercie Dieu. » —
Le lendemain^ en
effet, Anolinus le fait comparaître ; il refuse de sacrifier à
ces démons que sont les dieux; et après qu'on a triplé ses
tourments et qitil a prié Dieu de recevoir son esprit, il rend
l'esprit, ainsi que Sévère ; quant à Théobald et aux autres, ils
sont décapités ; et Anolinus, bientôt après envoyé à Milan^ y
fait périr Nazaire et Celse, Gervais et Pilotais. Le lieu où
sont morts Théobald, Luc et les autres n'est pas très éloigné
de r endroit quon appelle latus historise leonum le glorieux ;

confesseur du Christ, Antoine, l'apprend, et malgré la défense


d^ Anolinus, il les ensevelit la nuit avec l'aide de Valerius et
de Victor, de Lucien et de beaucoup d'autres. Les corps de
Paulin, Sévère et Théobald reposent dans des sarcophages
noirs à Lucques^ dans V église de la Trinité^ au midi, dans la
partie de Porieiit ; les autres corps sont {conservés) à V endroit
Gif ils ont été décapités. Us ont été martyrisés au pied de la

montagne de Pise, par le comte Anolinus, sous V empereur


Néron, le quatre des ides de juillet. La translation des saints
a été opérée le jour des kalendes d'avril, tandis que règne
Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le patron de Lucques, Paulinus, est plus mal connu encore
que Torpes il n'est mentionné ni dans le férial hiéronymien,
;

ni dans le calendrier populaire, ni dans Adon, ni dans Notker.


C'est sans doute le saint local.
La légende est évidemment calquée sur Torpes à la fin, on ;

a cousu quelques détails empruntés à Gervais-Protais^. Peut-


être le rédacteur inconnu a-t-il pris certains traits à Secundia-
nus [nosmet ipsos offerimus) et à Susanne (pénitence du sang
des saints) et à Pergentinus, Gratilianus ou ÏMcie [bénéficia
maleficia]. Noter q\ï£utychius précise, comme Pau li7îus,ïem-
placement des sarcophages, etquelesdeux textes sont parents
de Gratilianus et de Torpes tous ces gestes forment groupe-.
:


A quelle époque écrivait l'auteur? Puisqu'il utilise Torpes,
il ne peut guère être antérieur au début du vu" siècle. Le nom

de Théobald, l'église dont il cite le nom compliqué, ces deux


faits nous invitent du reste à ne pas remonter plus haut.

J'attire particulièrement Tattention sur le nom de l'église :

* supra, p. 203, pareille observation à propos d'Innocentius.


Cf.
^L'auteur semble encore connaître Sébastien [utilité politique de la piété],
Grégoire de Spolèle [animae].
214 TRADITIONS DE TUSCIE (viA AURELIA

elle est dédiée ad honorem sanctœ et individus Trinitalisy


sanclcB et vivifiCéE Crucis, ad honorem interner a tœ virginis
Mariée genitricis Dei et Doniini Nostri Jesu Christi et sancti
Stepkani protomartyris. Nous connaissons un texte latin, mo-
delé sur les gestes de Ccsaire, qui conte la translation à Rome
d'Etienne protomartyr il date sans doute du vu* siècle. Le
^ :

culte de la sainte Croix a pris, à cette même époque, un no-


table accroissement on connaît les campagnes entreprises
:

par Heraclius afin de la recouvrer et la fête de l'Exaltation de


la Croix établie à Rome par le pape Serge [687-701 ] ^
La dernière phrase nous parle d'une translation opérée le
jour des kalendes d'avril mais loin de nous apporter aucune
;

lumière, elle pose un problème ; et je ne vois pas comment le


résoudre. Peut-être avons-nous ici une trace de la réorgani-
sation de l'église au temps de Rothari ^ Peut-être le texte est-
il apparenté à Domninus ici et là, l'hagiographe nous parle
:

de certaines translations mystérieuses il parle, ici et là, une ;

langue théologique d'une précision afîectée ; ici et là, le saint


réconforte ses compagnons. Paulinus doit dater du vu® siècle.
Il est, à tout le moins, très certain que le texte remonte à une

époque troublée. Dieu promet a Paulinus te ibi existente pa- :

trono, ciuitas illa manibus hostilibus nullo tempore destruetur


Le patronage de Paulinus était alors considéré comme très
utile à la ville de Lucques c'est donc qu'elle en avait besoin.
:

Saint Grégoire nous conte une courte histoire qui, de son


temps, courait à Lucques. C'est la preuve que, à Lucques aussi,
dès ce temps, les légendes locales étaient en formation. C'est
une confirmation de notre hypothèse touchant la date du texte.

Frigdia- y a deux ans, raconte saint Grégoire, Venantius, Vèvêque


Il
nus de deLuna, m' a raconté le miracle suivant qu opéra Frigdianus,
évêque de Lucques, Le fleuve Auseris déborde souvent aussi ;

les habitants de la vallée tâchaient-ils de le dériver sur d'au-

B. H. L., 7878,... \Cat. Brux., i, 70].


* -
Cf. G. M. R., i, 388.
2
L. P., 1, 374.— Cf. G. M. R. i, 373, n. 4. On ne sait rien de Lucques de-
puis le siège qu'elle a soutenu contre Narses, en 553 [Agathias, i, 12-17]. Cf.

Hartmann, 339 et C. I. L., xi, i, 296.


i, — L'évêque de Lucques signe au con-
cile de Rome
de 649 [Hartmann, ii, i, 268].
3 irest peu vraisemblable qu'on ait attendu jusqu'au temps de la transla-
tion de:i261 [B. H. L., 6556] pour démarquer Torpes. —
y avait à Lucques,
Il

au vu» et au viii^ siècle, une école épiscopale [Hartmann, ii, 2, 27]. Serait-ce

le berceau de ces légendes et des légendes apparentées.


* Dialogi, m, 9, [P. L., 77, 233). Cf. Flodoard —
xiii, : 1 [P. L.,si35, 845].
AMSANUS DE SIENNE 215

trèspays mais en vain, malgré leurs efforts. Alors V homme


y

de Dieu Frigdianiis se fit faire un petit râteau^ se mit en prière


et commanda au fleuve de suivre son râteau^ partout où il le

promènerait. Le fleuve quitta son lit, s'en creusa un autre ou


le lui avait commandé Frigdianus et cessa d' endommager les

récoltes. »

Ce cvêque Frigdianus est absolument inconnu. Le


saint
récit de Grégoire Je Grand a formé le fond d'une légende qui *

célèbre ses vertus. Le saint est censé venir ex Hibernia Scotiœ


insula ; est-ce un souvenir de Colomban et de ses disciples ?
Lucques n'est pas fort éloigné de Bobbio. Un diplôme du 20 jan-
vier 685 mentionne un monastère lucquois de saint Fricdianus-
(sic) au temps de Charles et de Pépin, Tévèque de Lucques
;

Jean a fait construire à Fricdianus un magnifique tombeau.


Le texte se rencontre dans des manuscrits du xi** siècle. On —
n'y insiste pas davantage parce que la légende est de forma-
tion récente et qu'elle est étroitement liée à celle de Finianus,
episcopus iMagbilensis^, dont l'étude est extérieure à notre objet.

III

On raconte dans s'il est bon de cacher


les gestes divins que,
les secrets du glorieux de révéler
roi, il est à tous les merveilles
du Dieu tout-puissant. C'est pourquoi, dans la mesure de nos
faibles forces^ confiant dans la miséricorde de Celui qui ré-
compense les bons et rachète les péchés, je vais dire quelques-
unes des merveilles que Dieu a opérées par le bienheureux
AmsanuSy martyr. Comme Dioctétien commandait pour la

* Codex Ambrosianus, B. 55, inf. (du xi« eiècle) f» 228"^ \Analecta, xi, 262-
263] : c'est le texte B. H. L., 3175 {Summœ Trinitati..,] Cf. trois autres textes
dans Golganus : Acta Sanctorum ueteris et maioris Scotise seu Hibernix, i,

634, 638, 640 (Louvain, 1645, in-f). [B. H. L., 3174, 3176, 3177].
2 BethmaDD Lnngob. Regest. Neues Archiv., m, 239-240.
:

^ Noua Legenda Angliœ [Londre», 1516, 10-40]. fo 147. B. H. L. 2990.


* B. H. L., 515. Cat. Brux., i, 129. D'après le Codex Bruxellensis 206. du
nue siècle ;
fo 137.
216 THADITIONS DE TUSCIE (viA ATIRKLIA;

septième fois dans nome [imporante seplies], il y avait à Home


un noble Tranquillinus, dont le fils Amsanus servait Dieu
y

depuis son enfance. Il était né à Rome et élevé parmi les


scholares. Un jour, comme il avait douze ans, il s'enfuit à
V église, cherchant un prêtre pour se faire baptiser. Le prêtre
Protasius, prévenu en songe par un ange, se réveille^ va au
secretarium oh jaillit, dans une odeur d'aromates^ une fon-
taine d'eau pure il y célèbre les choses de Dieu [ea quae Dei
;

sunt] et baptise Amsanus la chrétienne Maxima, qui était


:

du territoire anacritain % devint sa mère du baptême [mater


de baptismo efîecta est], et dès lors, ils y n'ont qiiiine âme.
La treizième année de V empire [XI 11 anno imperii...] des-
dits empereurs, une cruelle persécution survint dans toutes
:

les cités, tous les bourgs [vicus], toutes les demeures, on éle-
vait des statues à Jupiter, on mettait à la torture quiconque
nommait le Christ, A ce moment, Amsanus vivait chrétienne-
ment, en secret, depuis sept ans il avait dix-neuf ans. Il se
;

mit donc à réfléchir sur Dieu, et dit a Tirai, je dirai aux:

empereurs que j e suis chrétien et que je désire mourir pour


son nom [pro illius nomine mori desidero]. // va trouver >)

Maxima, sa mère par le baptême ; comme elle partage son


désir, ils vont tous deux se livrer. Mais ils guérissent un aveugle
en route et sont dénoncés par un scélérat aux sérénissimes
augustes, « Nous sommes nés de parents libres [ingenuis],
comme Vatteste toute notre parenté de cette ville [affinitas
nostra in hac urbe]. » —
« Vous confessez le Crucifié, vous
raillez nos dieux. Sacrifiez ou mourez, » « Vos dieux ne —
sont propices ni à eux-mêmes ni à leurs fidèles. Jésus-Christ
nous favorise, au contraire ; nous nous livrons aux supplices
pour V amour de lui. Nous Vinvoquons pour quil nous ap-
pelle à {partager) sa gloire... Votre Jupiter [Jovis] nest rien ;

ce n'est pas lui qui a fait le monde ni l'homme, cest le Dieu


tout-puissant, Père de Notre Seigneur Jésus-Christ comme ;

le prophète le dit, cest le diable qui a trompé l'homme et Va


poussé à adorer des dieux en bois. » —
« Vous n'êtes pas ici
pour parler des prophètes, mais pour sacrifier. « « Nous —
croyons en JésuS'Christ, l'ami de la chasteté et de la pudeur ;
nous sommes prêts à souffrir le feu et les fers. :» 0?? les en-
ferme ; mais ils prient le Seigneur '.VrohdisW, Domine, cor
nostrûm...; une odeur suave emplit la prison, une voix leur
1 Faut-il lire tanagritain ? Cf. Vitus'B, G. M. R. II, 169,'176.
TEXTES APPARENTÉS 217

dit: Gaudete in Domino semper..., quia... meruistis accipere


quod nec oculus uidit nec auris audiuit... Et les martrjrs
s agenouillent et remercient Dieu et chantent avec David :

Exaudi, Deus, orationem meam... ne derelinquas nos usque ;

in line. Pendant leur sommeil un ange leur apparaît qui leur


dit :« Confiance^ Notre Seigneur Jésus vous appelle à la vie
éternelle. î)

Comme comparaissent le lendemain^ et persistait dans


ils

leur foi, on les sépare, AJaxima, restée seule, refuse de se


laisser fléchir et rappelle David, qui dit Simulacra gentiuni :

argentum et aurum elle rend Vesprit tandis quon la roue de


;

coups de hdton. Amsanus s'enfuit de sa prison, arrdve à la


ville [urbem] qui est appelée Balneum Regense, Là, le Sei-
gneur lui apparaît et lui dit : c< Tu as rejeté les démons je ;

ferai de toi une colonne de mon temple, une porte de la vie


éternelle. » Deux mois après, il arrive à Sienne [in oppidum
Senense] et ij opère beaucoup de merveilles. Le proconsul
Lisias y érige les idoles d^ Hercule, Jupiter et Saturne et lui
commande d'y sacrifier, ainsi que le lui ont ordonné les cm"
pereurs, « Pourquoi ne sacrifies-tu pas ? » Bon pour toi — c<

d'adorer des dieux qui ne peuvent rien pour eux ni toi. J'adore
Jésus-Christ. Et qui donc tes statues représentent-elles ? Mé-
ritent-ils le respect, ceux-là ? » —
On le jette dans une {chau-
dière) de poix et de résine bouillantes puis, comme il ne ;

souffre pas, il est décapité près du fleuve Arbiam, le jour' des


kalendes de décembre, et on V ensevelit là même. Ses bienfaits
s'y multiplient jus qu à, ce jour, à, la louange et à la gloire de
Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui honneur et pouvoir dans
les siècles des siècles. Amen.

Amsanus inconnu du férial hiéronymien, du calendrier


est
populaire et d'Adon.
Le cadre topographique de la légende est facile à recon-
naître Rome, Bagnorea [Balnus regis^. Sienne \Colonia
:

Julia Senensis *].

Certains détails de la légende attestent qu'elle est parente


de différents textes du vu^ et du vi* siècle. Amsanus est un
enfant de Page de Vilus et Maxima rappelle Modestus : il a le
courage d'Agapet. comme Ici dans Secundianus, le martyr
« désire mourir pour le nom » du Christ il reproche aux
;

^ C. I. L., XI, I, p. 332.


218 TRADITIONS DE TUSCIE (viA AUREUA)

païens les turpitudes de leurs dieux ; il refuse d'adorer Saturne ;

à l'annonce de la persécution il reconnaît que « le temps est


venu ».
Ici comme
dans Cassicn de Todi (et dans Vnlentin) apparaît
le terme scholarcs et Finfluencedes gestes de saint Sébastien :

c*est de Sébastien que viennent, j'imagine, la marraine \ma-


ter de baptismo] et le nom de Tranquillinus comme l'auteur ;

de Cassien, le rédacteur d^Amsanus s'excuse de la médiocrité


de ses moyens.
Ici comme dans Eupliis et dans Alexayidre de Jiaccano,
le martyr est sommé d'adorer une trinité païenne et les deux ;

légendes mettent en scène un personnage appelé Protasius, et


toutes deux s'intéressent à la question de la fuite.
Ce dernier trait nous rappelle Domninus et Pergentiniis ;
et, dans Domninus comme ici, les événements sont datés

anno imperii [imper atorunï] et un ange vient réconforter le


;

martyr, ici comme dans Pergentinus.


La guérison de l'aveugle, le jeune âge du saint et l'opposi-
tion de ses parents, que laisse deviner le rédacteur, nous font
ressouvenir de Gratilianus. —
On pourrait citer encore quel-
ques nouveaux points de contact entre nos gestes et d'autres ^
;

ils confirmeraient tous le fait que l'on voit déjà très clairement

et l'hypothèse qui en dérive je veux dire la parenté d'^m-


;

sanus avec les légendes du vii^ siècle, et l'attribution de ce


texte à cette date.
Voici qui peut préciser cette conclusion. On a conservé une
seconde version de la légende ^, qui ne s'écarte que très peu
de la première la plus notable difîérence qui les sépare
:

l'une de l'autre, c'est que la première [A] écrit oppidum se-


nense, la seconde [B] civitas senensis. J'imagine que le ré-
dacteur du texte A distinguait une civitas d'un oppidum, et
que le rédacteur du texte B avait perdu le sens de cette dis-
tinction : A
donc antérieur à B ^
serait
On que l'évêché de Sienne a été restauré
voit, d'autre part,
au temps de Rothari, peu après 049 l'évêché avait sans ;

doute disparu à la fin du vi^ siècle. La légende siennoise da-

1 Sabinus, Terentianus \septies\.


2 éd. Mansi, vi, 63-65] Ce texte écrit:
B. H. L., 516. [Baluze. Miscellanea :

1. hnperante Diocletiano octies^ Maxhniano sep lies ; 2. Maxirna de territorio


olymjphynato; 3. 18 ans au lieu de 19 4. Il insiste sur l'oppositioQ qu'Amsa-
;

nus rencontre chez ses parents [Cf. Vitus, Gratilianus, Nazaire... Barbé].
3 Hartmann, ii, 1.268-269. —
Troya Codex d. 400, 405, 406, 407, 408.
:
SEGUNDIANUS DE CIVITA-VECCHIA 219

terait donc du temps de Rothari et de la réorganisation de


l'église locale, c*est-à-dire du milieu du vu® siècle il n'est pas ;

impossible qu'on ait encore su distinguer à ce moment entre


civitas et oppidum.
Je remarque qu'elle utilise un passage bien connu du livre
de Tobit ^ et qu'elle reflète l'usage du temps lorsqu'elle nous
montre le martyr faisant appel à ses parents pour prouver sa
liberté -.

IV

Le cinq des ides d'août^ à Coloniacum qui est apptlé Co-


lonia^ au temps de Dèce César et sous Valérien préfet, une
grande persécution s* éleva contre les chrétiens. Il y avait alors
un certain Secundianus togatus^ qui dirigeait le palais (? qui
.,

praesidebat palatio) : c'était un homme très éloquent et versé


dans les sciences du siècle (in arte mundana), rhétorique, mu-
sique, philosophie , arithmétique, astronomie avait la fa~ ; il

veur de tous les grands (illustres) et animait Valérien contre


les saints martyrs, « Pourquoi donc, se demandait-il en son
cœw\ à ce point mownr pour le nom
les chrétiens désirent-ils
du Christ ? Le sage Marcellianus, avec qui il discutait sou-
»
vent philosophie et grammaire, avec qui il méditait parfois les
vers de Virgile :

lam noua progenies cœlo dimittitur alto,


lam uenit et uirgo, redeunt saturnia régna...

lui fit une fois cette réponse : « Si les chrétiens désirent mou-
rir, c'est que à les entendre, la mort est suivie du jugement
y

'
XII, 7. —
Ce même texte est utilisé dans l'histoire de l'inventioii d'Etienne
60 415 [P. L., 41.821, 833J, dans Justine, dans certains [miracles de Clé-
ment, etc.. Cf. Restituta et Torpes {Tobit, higes, Habacuc).
2 Formulœ Lindenbrogianœ, 21 ; Senonenses, 2 e^ 5 ; Merkelianœ^ 28 ; etc.,
[Fustel de Coulanges : Alleu et domaine rural, 325J.
•'
B. H. L., 7550 [juin I, 35 ou 341. Sur les textes B. H. L., 7551 et 7552, cl,
infra, p. 223, n. 2. — Le texte de Mombritius, ii, 263, est un résumé.
220 TRADITIONS DE TDSCIE (viA AURELIa)

et de la résurrection. Mais, en somme, qu' est-ce' que le Christ » ?


— Au sens allégorique et pro'pre (? ad alle^oricum proprie-
f(

talis sensum), il est l Oint, » — dé Dieu, Dieu


« S'il est l'Oint
est donc connu. » — « Voilà bien ta sagesse. Tu as lu, on le
voit, ses historiographes., Luc et Matthieu d'après lesquels
y il

a fait beaucoup de miracles, tandis que les démons le reçoit'


naissaient pour Fils de Dieu ; si leur témoignage vaut, il est
Dieu. On Va tué, mais il est ressuscité. Et comment pourrions-
nous adorer nos dieux? Nous en savons toutes les turpitudes » .

— Tu dis vrai. »
(( —
« Reconnaissons donc, conclut Secun-
dianus, que les chrétiens ont raison d aimer le Christ et de
vouloir mourir pour lui. » A7Tive alors Virianus, commun
ami des deux autres ; après les avoir salués il se met à dis' y

cuter avec eux des sciences du monde, « Malheur à moi, dit


Secundianus : f adore les idoles muettes ^ et fai torturé tous
les saints! » —
« Suis-j'e devenu fou, reprend Virianus :
vous voilà prédicateurs de cette religion! » « Croyons au —
Christ, Dieu et Seigneur, sur la foi de ceux qui désirent per-
dre cette vie pour acquérir la vie éternelle. » « Cest vraiy —
dit Virianus : s'il est quelque chose d'éternel, il faut le cher-
cher. » Les trois amis envoient donc quérir le prêtre Tiniothée
du tilulus Pastoris. Secundianus le salue, demande le baptême
au nom du Seigneur Jésus-Christ et Marcellianus fait de
même. Timothée les catéchise ; comme ils croient au Dieu Père
tout puissant, —
à Jésus-Christ son Lils Unique Notre Sei'
gneur, —
qui a été conçu du Sai?ît- Esprit et est ne de la
Vierge Marie, Timothée les baptise au nom du Père et du F'ils
et du Saint-Esprit pour quils croient à la rémission des pé-
chés ; et le bienheureuob Sixte, évêque, les signe du signe de la
croix. De ce jour, ils donnent aux pauvres leurs richesses.
Deux mois après, Secundianus togatus est demandé par Va-
lérien qui a appris sa conversion, et celle des autres scholas-
tici Marcellianus. Il lui écrit : « A mon frère Se-
Virianus et
cundianus togatus Valérien préfet. Pourquoi ne viens-tu pas
à notre conseil : nous avons besoin de toi. » « Mes frères, —
le temps est venu, dit Secwidianus à Marcellianus et Virianus.

J'irai seul. » — « Nous t* accompagnerons . » Et tous les trois,


au point du jour, vont au palais de Salluste, oii Valérien
habite avec Dèce. Valérien siège dans la basilique dite dAscle-
pius. « Eh/ bien, Secutidianus, qu'est-ce que j'entends? »

— « Je ne dis rien. » — « Tu es devenu fou. » — « Je suis


SECUNDIANUS DE CIVITA-VKGCHIA 221

devenu sage. Si tu savais, si tu comprenais, tu désirerais


m' imiter. Les martyrs, tu le sais, méprisent les richesses. Mal-
gré mes crimes, je crois que le Seigneur Jésus-Christ me sau^
vera. » —
« Alors, tu es chrétien. » —
« Parfaitement » ; et il

persiste, bien qu'il perde l'amitié de César, et que Valérien ne


lui ait jamais fait de mal. Marcel lianus et Virianus se font
arrêter avec lui.
Quand Dèce l'apprend, il refuse d'y croire ; puis, il fait

venir Secundianus , qui arrive, le visage illuminé : « Souvietis^


toi, lui dit-il, de ta sagesse d^antan. » — « Elle est folie ; toi
aussi, quitte ta folie. )) On apprend alors à Dèce que les autres
schulastici sont encore en prison : il les envoie [avec Secun-
dianus), escortés de quarante soldats, à Promotus, consularis
Tusciae, qui est à Cività-Vecchia. Celui-ci les fait comparaître
ù son tribunal, sur le forum, devant une idole de Saturne,
« Pourquoi iiobeissez-vous pas ? » —
« Nous obéissons aux
ordres de Dieu, non à ceux du diable. Sacrifiez. » i> — c(

— C'est nous-mêmes, si nous en sommes dignes, que nous


c(

offrons en sacrifice à Dieu, non au diable. » Tandis qu'on


les bat et les déchire, ils glorifient le Seigneur et crachent sur

l'idole qui tombe, fracassée, et lèvent les yeux au ciel, et re-


mercient le Seigneur Jésus-Christ. Un valet des bourreaux
(minister carnifîcum) tombe mort ; un autre implore les trois
saints du Dieu tout-puissant qui le torture. Alors Promo-
tus ordonne qu'on les décapite ; on les mène au lieu Colonia-
cum, qui est dit Colonia, au 62'' mille de Rome, on les déca-
pite et on à la mer. La nuit suivante
les jette le serviteur de
Dieu Deodat trouve les corps, puis les têtes, et les ensevelit où
ils ont été tués, le cinq des ides d'août. Leurs prières fleurissent
dans l'église du bienheureux Pierre, à Toscanella (in civi-
late Tuscana), tandis que règne Notre Seigneur Jésus-Christ,
à qui honneur et gloire dans l'infini des siècles et des siècles.
Amen.

Les héros de ces gestes sont attestés par le férial hiéro-


nymien \ à la date du 9 août :

E. in tuscia veriani marcelliani secundiani romani


largi.,.

1 Rossi-Duchesne, p. 103.
222 TRADITIONS DE TUSCIE (VIA AURELIa)

B. ET IN COLO{N)NI Tusciœ UIA AURELIA rniliario


XV. I^ausiini. Uiriani^ Marcellianij Secundiani et Sixli,

W. et in colonia nat scorum faustini, uirianiy rnarcelliam


secundiani xysti.
Nous ne pouvons pas définir le groupe auquel appartien-
nent les saints ni V Epternacensis ni surtout le Bernensis ne
:

les isolent comme fait la légende. Ici comme ailleurs, on de-


vine que l'histoire réelle a disparu.
Le thème légendaire suggère deux observations. La ques-
tion de la spontanéité du martyre a fourni la matière du pre-
mier développement ce qui nous invite à penser que le texte
:

peut dater du vi® siècle. —


La mise en œuvre, d'autre part,
atteste chez l'auteur la préoccupation suivante comment :

s'est opérée la conversion au christianisme des gens instruits,


des intellectuels, les scholastici ? L'auteur a voulu répondre à
*

cette question en racontant une histoire qu'il prétend au-


thentique.
Et cette double remarque s'appuie des points de contact
que l'on discerne entre nos gestes et deux autres. Les gestes
de Terentianus de Todi, qui appartiennent presque certaine-
ment au second quart du vi®, emploient, comme les nôtres, le
terme de togatus et s'intéressent également à une mystérieuse
colonia. Les gestes de Valentin s'intéressent autant que les
nôtres à la question des scholastici convertis. Seciindianus
date sans doute, comme Torpes, de la fin du vi^ siècle ou du
début du vue siècle.
Je note encore que nos gestes ont été écrits dans les mi-
lieux où l'on connaissait les gestes romains. Le prêtre Ti-
mothée, qui baptise les trois amis, est attaché au titulus
Pastoris, comme le Pigmenius de Donat. Tl est peut-être
identique au prêtre Timothée à'Hedestus Secundianus rap-
:

pelle assez bien Hedestus. Lorsque les trois amis s'abordent,


ils se saluent l'un l'autre [§ 3] avec un souci de l'étiquette

qu'on trouve aussi nettement marqué dans Susanne, où —


l'auteur inconnu insiste complaisamment sur la science de ses
héros, —où il est également question du palais de Salluste,
— où Ton appuie avec insistance sur la spontanéité des mar-
tyrs, et la vénération qu'on doit aux saints, et la rémission

^ Cf.
§ 1. Secundianus est très versé dans Vars mundana, sive rhetorica,
musica, philosophia, arithmetica, astronomia.
TEXTES APPARENTÉS 223

des péchés que procure le baptême. La formule si scires re-


vient à plusieurs reprises ici aussi bien que dans Censur'inus,
Irénée de C/iiusi,...
Notre auteur a quelque culture. Il sait que Sixte est à peu
près contemporain de Dèce ; il connaît Marcianus Capella il ;

connaît enlîn les vers fameux de Virgile où Constantin a


montré comme une prédiction du Christ '.
Un point reste obscur.
Qu'est au juste cet endroit dit Coloniacum qiiod appellatur
Colonia, qui d*après les gestes, à 62 milles de
est, Rome,
d'après le Bernensis au 15® mille de la voie Aurélia. Il faut
sans doute le chercher aux alentours de Cività-Vecchia : mais
quel point désigner précisément? La table de Peutinger men-
tionne sur la voie Aurélia, entre Rome et Cività-Vecchia
plusieurs colonies, Alsium Castrum Novum
et Pyrgos, et
Gravisca. Notre Colonia est peut-être une de celles-ci ; je
n'oserais dire laquelle. —
Civitas Tuscana est sans doute la
moderne Toscanella ^

• Magnus ab integro sœclorum nascitur ordo


Bucoliques, iv, 5, sq. «
lam redit et Virgo, redeunt saturnia régna.
Cf. Oratio Constantini ad sanct. cœfum, 19-20 [Eusèbe Vita Const. sub
:

tioej. —Lactance Div. Inst. vu, 24.


:

Jérôme Ep. 53. : —
CL S. Reinach :

Cultes, Mythes et Religions, ii, QQ.


Sur la légende de Secundiauus, cf. Tillemont, m, 331 et 704 et Allard. ii, :

314-317. Lecalendrier populaire et Adon l'iffoorent. Elle est utilisée par


Usuard [P. Z.., 124, 315-316] et par Notker \P'. Z., 131, 1136]. Un évêque de
Tuacana siège au concile de 649, Hartmann, ii, 1, 268.
- On connaît deux autres versions des gestes Codex Bruxellensis 21 885
:

(de 1277) [Cat. Brux., n, 433] et Codex Parisinus 5360, du xiv« [Cat. Paris,
11, 337]. La version de Paris est une amplification verbeuse de notre texte:
après avoir nommé Sixte, on ajoute «qui tune quoque uigesimus quintus
:

exliterat post beatum petrum apostolum fullus apostolicis honoribus >. Je —


ne connais pas la version de Bruxelles.
On a conservé deux adaptations des gestes de Secundianus. L'une les attri-
bue à Florentins, Julianus et leurs compagnons de Pérouse c'est le texte
:

B. II. L. 3052; les noms des saints sont seuls changés. —


L'autre les attribue
à Gratinianus et Felinus, qui sont également des saints de Pérouse: c'est le
texte B. H. L., 3633 [le"- juin, 25-30]. Peut-être date-t-il de la translation de
Gratinianus et Félinus, qui ont guéri Amizo (en 979), au monastère d'Arona
que construisait à ce moment ledit Amizo. Peut-être remonte-t-il à une
époque antérieure [cf. Paulinus avec Torpes].
224 TRADITIONS DE TUSCIE ^VIA ALRELIA)

Marcianus ^w
temps de V empereur Maximien qui succède à Dioclétien^
et de Pro- '(^oici
quel prodige sur Vint au Capitule : la tête de Jupiter Ca-
de "sanLi-pitolin dont la statue est en or, et se trouve à V intérieur du
trouvée toute tordue. Maximien ordonna donc
TH-èsBrac- l^^P^^y A^^
[cianoj

1 Ce texte est Il est conservé par le Codex A. 2 de VArchivio du cha-


inédit.
pitre de Saint- Pierre au Vatican, folio 24^
Incipit passio Se. Mm. Marciani prbi, Macarii f. 21^ et |

Stratoclini et Protogeni men. ianuario ii.


^ « Temporibus maximiani imperatoris qui regnauit post diocletianuna imp,
faolum est taie sigmim in Capitolio ut iouis capitolinus intra templum cuius —
simulacrum erat aureum —
subito capud eius extortum est, et iussit ut sacrifi-
ciam {cor. cia) consueta offerrent in omnem [cor. te) ciuitatem [cor. ni) et omnes
5 xrianos ubicumque inuenti protinus ad sacrificia trahi. Deuulgata est eius
praeceptio in toto orbe. Tune uicarius protogenis ueniens secundiim preceptum
ad lacum qui dicitursabbatinum, iussit ut in termis aquarum sacrificia offerrent
et sacrificauit in eisdem thermis. Tune iussit uicarius protogenis ut ubicumque
inuenti fuissent Xriani cogerentus sacrificia offerre. Ueoustianus quidam ex
10 magistratu nomine siluius dixit ad protogenem Uir prudentiae divee, hic est
:

quidam prbr nomine marcianus qui doctrinis et suasionibus seducit populum


et facit eos recedere II a cultura deorum. Protogenis uicarius dixit
|
Currat :

praeceptio dnorum nostrorum ut ubicumque inuenti fuerunt prophani in hoc


territorio ad meducinon tardentur. Tune siluius ex magistratu cucurit et te-
15 nuit Marcianum prbum cum macario exorcista et stratoclinium lectorem
quos uinctos adduxit ad protogenem uicarium in foro cludi et optulit ai *

eos in conspectu ciuium. Quoscum uidisset protogenis gaudio repletus dixit ad


eos Quare non obaudistis praecepta principum? Respondit marcianus presbyter
:

et dixit Non necesse est nobis de hac re loqui. Protogenis uicarius aixit die
: :

20 mihi in quo otficio estis. Respondit marcianus ego peccator presbyter non
:

meritus hii filii mei macarius exorcista et stratoclinius lector. Protogenis


;

uicarius dixit Audite me et deponite perniciem et uiuitse quia bona est uita
:

quam mors. Respondit marcianus presbyter dicens bene locutus es et ta-


:

men ut scias quia melior est uita quam mors. Protogenis dixit istam insa- :

25 niam non derelinquis, nisi una nocte mecum conflictum habueris ego enim ;

factis pœnarum in te exercebor. Et iussit duci omnes très in custodiam domo


sua. Alia nocte misit 25'* et adduxit eum in conspectu suo et dicit ad eum:
|

homo die mihi quse est prsedicatio tua. Respondit marcianus presbyter Quia :

Xs deus dei filius ipse est deus. Protogenis uicarius dixit Et quid dicis de io-
:

30 uem omnipotentem. Marcianus presbyter dixit Turpis qui née sibi nec aliis
:

* Il faut lire évidemment Forum Clodii,


MARCIANUS DE SAN LIBERATO 225

qic^on offrit dans toute la cite les sacrifices accoutumés et quun


obligeât tous les chrétiens à sacrifier. L ordre fut expédié dans
le monde entier. Le vicaire Protogenis vint offrir un sacrifice

insania lasciuiarum pepercit ; uitara ipsius reqnire et iuuenies qualis fuerit.


Protogenius uic&rias dixit tu quidem uitaiu doi tui déclara nobis. Marcia-
:

nus prb dixit : Audi me, haec est uita dui mei iliu Xri qui natus est ex maria
uirgiue deus de deo, passus et mortuus est et post triduura resurrexit et in
omnibus in se credentibus hoc promisit ut post mortem uitam aeteroaui me-
a
reantur habere. Protogenis uicarius dixit: Osteode mihi ipsam uitaui quem
dicis eeteraam. Marcianus presbyter dixit ut credas et baptizeris et peniteu- :

e
tiam agas de sanguine sanctorum quem effudisti et uiuis in aeternum. Res-
pondit protogenis uicarius ergo noli tardare, fac quod scis esse uerum. Mar-
:

ciauus presbyter dixit : audi uerba mea et uoli tardare baptismum percipere,
Protogenis uicarius diiit : tu non tardare. Dicit ad eum marcianus presbyter :
ieiuna hodie et cras quod II dus uoluerit faciemus. Et indicto ieiunio prae-
|

cœpit protogenis in domum suam quasi egrotum se hostendere, et post tri-


is ibus ae
duum omnia consueta dicit protoienis ad marcianum presbyterum :
facta
habeo simulacra ex parentum meorum precepto quid uis ut faciam ? Res- ;

ro atn
pondit marcianus presbyter dicens si ego ea uidebam et dico quid fieri de-
:

béant. Et introduxit eum in quoddam cubiculum suum ubi inuenit iouem et


mercurium et iunonem et pallatem.Cui dixit marcianus presbyter : utostendas
«e « - ..
te intègre crede dûm nrm ihm xrm, tu manibus tuis omnia ydola confringc.
e
Eadem hora protogenis uicarius manu sua omnia ydola confregit et ignem ap-
e
poBitum in puluerem redigit. Eadem die baptizauit protogenem et omnem do-
mum eius. Ab eadem die cœpit protogenis omnem facultatem suam uenundare
etdare pauperibus. Audiens autem probatianus magistratus ueniens ad urbem
romam, intimauit omnia maximiano imperatori.Tunc maximianus misit corne-
l a o
ium comitem et teouit marcianum presbyterum una eum macurium exorcista
et stratocliniu lectore. Quos eum uidisset dixit ad eos : Seducitis homines ut
e
non soUempnia offerant diis | f. 25v, etiam
ad ritum christianitatis suadilis.
Marcianus prbter dixit nos ad ueritatem perducimus ut unusquisque non
:

pereat sed habeat uitam eeternam. Tune cornelius iratus """ duci eos fecit
in quoddam arenarium et ibidem eos capitalem iussit subire sententiam sub
die quarto nonarum ianuariarum. Quorum corpora collegit quidam ex familia
Protogenis nomine Narcissus et sepeliuit in eadem cripta miliario ab urbe
mo
roma XXVII ubi florent orationes sanctorum usque in hodiernum diem.
Amen. Post uero dies quinque fugit protogenis in fundum suum in territorio

coranu (?) quod dicitur suplicianum : hoc audiens cornelius misit et tenuit

feum qui nec discussum eum seruis suis narcissum et argeum et marcellinum

et papatem suo iussit ut ibidem decollarentur ia fundum supplicianum terri-


nio
torio corse miliario ab urbe XXX ubi hodie corpora eorum requiescunt in
pace régnante dno nro ihu xpo cui est honor et gloria in s. s. Amen.

III 15
,

22f> TRADITIONS DE TTISCIK (v\\ AURICLIA)

dans thermes du lac de JJracciano et ordonna d'y conduire


les
rnafjlstrat, Venustianns
les chrétiens. Cest alors qu'un ancien
Silvius, dénonça à Protofjenis le prêtre Marcianus
comme le
sédiicteur du peuple. « Amenez-moi tous les chrétiens
de ce
territoire », répondit Protogcnis. Marcianus est
donc arrêté
Stratoclinius. On
ainsi que V exorciste Macarius et le lecteur
les mène au forum Clodii (?), oii ils confessent
la foi. Mais, la

nuit suivante, Protogenis se fait amener Marcianus et se


laisse

convertir par lui : « Le Christ Dieu, fils de Dieu, est


lui-même
Dieu ; Jupiter est un être ignoble et lascif, tandis que le Christ,
né d'une Vierge, mort et ressuscité, donne la vie éternelle à
tous ceux qui croient en lui; la vie éternelle cest de
croire, et

d'être baptisé, et de faire pénitence pour le sang


des saints

qu'on a répandu, et de vivre éternellement. » Protogenis feint


une maladie, jeûne deux jourSy brise lui-même ses idoles et

se fait baptiser avec toute sa maison puis il vend ses biens


;
et

les donne au pauvres.


A magistrat Probatianus court à Rome et
cette nouvelle, le
avertit Maximien qui envoie le comte Cornélius.
Marcianus,
Macarius et Stratoclinius sont arrêtés {de nouveau), conduits

dans un arènaire et décapités le IV des noues de janvier. Nar-


cissus, un esclave de Protogenis, recueille les corps et les en-
sevelit dans la même crypte au 28^ mille de Rome.
Cinq jours
après, Protogenis s enfuit dans son domaine
Supplicien, sur

le territoire de Cora ; mais Cornélius


Varrête et le fait déca-
et avec son
piter avec ses esclaves Narcisse, Argée, Marcellin
père nourricier [papate], dans ce même domaine Supplicien,
sur le territoire de Cora, au 30' mille de Rome :
aujourd'hui
Notre
encore leurs corps y reposent en paix, tandis que règne
Seigneur Jésus-Christ à qui honneur et gloire dans les siècles
des siècles. Amen!

Les bords du lac de Bracciano [lacus sabatinus'], qui soal


*

aujourd'hui désolés par la malaria, au printemps du


moins,
étaient couverts, à l'époque romaine, de somptueuses
villas;

les anguilles du lac étaient fameuses


non loin de là, les;

AqucB Apollinares attiraient les malades du fond même


de

Desjardins, cf.
Sur la situatioa exacte du ForurrC Clodii, découverte par
1

Table de Peutinger, p. 131-132 et 139-140,


Annali deW Istituto, 1859, p. 55, sq. ;

et le Corpus, xi, 1, p. 496-507.


— Cf. Anon. Ravenne, iv, 36, [Pinder-Parthey,

p. 285].
INFLUENCE DES MARTYRS DE TOMES 227

l'Espagne. Lu Christianisme s'établit peu à peu dans le pays :

aux: conciles romains <le 313 et de 41)5, nous voyons siéger


un Donatianus et un autre évêque de Forum Clodil ^
A ces faits, qui sont certains, j'ajoute une hypothèse Fo- :

rum Glodii eut son martyr, ou, du moins, son saint local,
Marcianus et j'explique la légende.
;

Avec le nom du martyr, on avait gardé, comme il arrive,


le souvenir de son anniversaire IV non ian.y deux janvier.
:

On voulait donner au martyr une histoire le plus urgent :

était donc de lui trouver d'abord des compagnons. On chercha


au début de janvier.
l^e férial hiéronymien fournissait un grand nombre de
noms :

E. IlII non isiridoni epi antioc et in alio loco stratonici


maccari abbani \.,
111 nona ianuar... Et in ciui Tomis Claudonis Eugenis
Uo(li trium iîrm argei narcissi et marcellini.
Ces noms reparaissent dans le calendrier populaire :

ÏV Non. Beati Macarii et Tomis martyrum Argei^ Narcissi


et Marcellini ^
Les trois martyrs de Tomes Argée, Narcisse et Marcellin
sont certainement les prototypes historiques * de ces doubles
légendaires que sont les trois esclaves martyrs Argée, Nar-
cisse et de même, les saints Stratoclinius
Marcellin ^
; et,
[Stratonicus] et Macaire sont les prototypes de notre lecteur
Stratoclinius et de l'exorciste Macaire. L'hypothèse est d'au-
tant plus vraisemblable qu'à Tomes aussi il y avait un Mar-
cianus, et que la légende de ce Marcianus était connue en
Italie dès le v® siècle ^

* Optât: de Schismate Donatistarum, 1, 23. — Cf. de Rossi : Bull.^ 1887,


92, 1 [Thiel. 160J.
Rossi-Duchesne, p. 4-5.
2

P. L., 123, 145-146.


^

* Sur ce8 martyres de Tomes, dous sommes renseifçnés par un fragment


Bubsistaot du martyrologe euaébien [fragment de Lorsch] [Rossi-Duchesne, p.
,5] c'étaient trois frères, fils de l'évêque, qui, pris comme recrues, refusent
:

le service militaire, au temps de Licinius on les noie


; les corps, rapportés
;

par la mer, sont ensevelis dans la villa d'Amantius.


^ Je me demande même si le papas, qui meurt avec les trois esclaves, n'a
pas été suggéré par le papatis des Kaleudes de janvier: « in africa Victoris Fe-
liais Narcissi Argiri et alioru IIII papatis primiani [p. 4]. Mais peut-
: —
lêtie avons nous ici un souvenir de Vitus.
• Cf. G. M. R., II, 248-251.
I
228 TRADITIONS DE TUSCIE (viA ATIREMa)

C'est dire
Les personnages trouvés, roslail à les faire a-ir.

qu'il fallait choisir un texte, et le démarquer. On s arrêta, U


semble, à Sabinus. Ici, comme dans Sabinus, nous voyou
chrétien, assisté de ses deux
clerc.
un prêtre [évèque. S.]
devant un ma-istral
[Marcel, Exuperantius. S.], comparaître
seul et même em-
\augustalis. S.], qui est le représentant d'un
pereur, Maximien, ~
qui se convertit, -
qui demande pardon

de ses crimes passés, —


et qui brise lui-môme ses
idoles ici et ;

là apparaît un magistrat païen


appelé Venustianus ; ici et la,
Silvius Eugenianus
on lui donne deux noms [Venustianus ;

Hermogenianus].
J'ajoute que les deux textes attestent chez leur auteur une
la scène du cirque
connaissance assez exacte de la vie antique :

le prouve [S.] et aussi la mise en


scène de Jupiter Capitolin, et
pourrait que Sabi-
de son temple, et de sa statue dorée. Il se
Marcianus fussent l'œuvre d'un même auteur
il est
;
71US et
l'un et de l'autre appar-
sûr, à tout le moins, que l'auteur de
tiennent au même groupe et datent du
même temps rSoter .

tout proches lun


que les anniversaires des deux saints sont
de l'autre [III kal. ian. et IlII non ian.].
connaissait et utUisail
Et j'ajoute encore que notre auteur
le bris des idoles
Sébastien. La feinte maladie de Protogenis,
la fuite de Protogenis^
la distribution des biens aux pauvres,
de Nicostrale e
tout cela rappelle de très près les aventures
de Chromatius ^
est-il mort
i

Mais pourquoi Protegenis s'est-il caché et


c

simple est d'admettn


Gora, in fundo supplicianol Le plus
une propriété
que l'église de Forum Clodii possédait à Gora
le fundus supplicianus. Nous savons
que plusieurs église
terres impor
romaines ' avaient, dans ce même pays, des
l'église de toron
tantes. Peut-être en était-il de même de
Glodii. Il est,du moins, très vraisemblable, que Protogem
analogue aux doubles de Stratoclimus
t

est un saint fictif,


MarceUin.
de Macarios, d'Argée, de Narcisse et de
de ces nom^
Je remarque la nature grecque de la plupart
et je me rappelle qu
Protogenis, Macarios, Stratoclinios :

1 Cf. suprUt p. 87.


2 I, 301 et ii, 97.
G. M. R., . ^ »•,, . .

baptistère de Goûstaotia
,
<

Le titulns Equitii, le titulus Sihestri, le


3
l?l>, i'^»
môme l'église de saint Jean-Baptiste, h Albano [L. P.,
i,

J871.
TEXTES APPARENTÉS 229

l'auteur de Valentin de Terni s'intéresse à la langue grecque


et utilise Côme et Damien., tout comme le rédacteur de Mar-
cianiis Argèc et Narcisse. Les gestes des Martyrs Grecs
\ïi\\\?>e;

font venir de Grèce Hadrias et Paulina sa femme, Martana et


Yaleria sa fille si tous ces Grecs viennent à Rome, c'est afin
;

de voir le temple de Jupiter Gapitolin, ut videremus temphim


Capitolii invicti Jovis \ Marclaniis est parent des Martyrs
grecs comme de Valentin et de Sabinus ^.
Certains mots du récit ^ permettent de croire que l'hagio-
graphe visait et combattait Tarianisme.

1 R. S., ni, 203. —


Comparer encore le rôle du dénonciateur, tenu ici par
lin ancien magistrat, Venustianus Silvius, là par un préfet de la ville, Maxi-
raus (Les martyrs grecs vivent cachés dans les grottes, un peu comme les
héros à'Hefiestus).
2. Noter que Secundianus rappelle Terentianus et Valoitin, que Sabinus
est parent de Terentianus et de Marcianus tous ces textes forment groupe.
:

3 Cf. supra p. 224, note 1, ligne 29.


CHAPITRE X

TRADITIONS DE CAMPANIE
LES SAINTS FELIX, MAXIME, RESTITUTA, AMBROISE
MARCELLUS ET APULEIUS.

Continuant notre marche, descendons au sud, vers ces pays


de l'Italie napolitaine qui sont la porte de l'Orient. Nous y re-
trouverons rinfluence de la Légende romaine.

// arriva qu après la mort du bienheureux Félin un autre ^

Fèlix^ son frère cadet, qui était aussi prêtre^ fut conduit à
Unique Draccus, préfet de la ville: celui-ci voulut le con-
traindre à sacrifier Vous n aimez donc pas vos dieux, leur
. «
dit le bienheureux Félix : ceux auxquels vous me menez au-

* B. H. L., 2885, [14 janvier 951 ou 233]: « Factum est post completionem bb.
Felicis... »
232 TRADITIONS DE CAMPANIK

vont aussi peu de chance que ceux à (jui on a conduit mon


frère. Si vous voulez éprouver la force de mon Seigneur Jèsus'
Christ^ menez-moi au Capitole fy renverserai Jupiter lui-
:

même ^ le prince de vos démfms. » JJraccus le fait battre et


renvoie travailler aux carrières du Mont de Circée. Il y trouve
une démoniaquCy la fille du tribun Probus, qui commandait
là [qui prœerat loci] et^ comme il la guérit, Probus le pro-
;

tège : ce Probus méritait son nom. C'était un citoyen de hole.


Félix guérit encore Vhydropisie de sa femme et il le
convertit. Son collègue le dénonce au consularis ; ma/^ les
membres de /'offîcium qui viennent arrêter Probus sont aus-
sitôt saisis d'atroces douleurs dans les mains ; elles cessent
sitôt quils confessent le Christ et se font baptiser.
Lorsque Probus a fini son temps de tribun (expleto autem
tribunitii tempore), Félix revient à Noie avec lui, met en
fuite r idole d'un oracle païen et en convertit le prêtre ; il par-
donne aux voleurs qui viennent, la nuit, voler les légumes de
son jardin; il convainc d'impuissance Apollon qui ne peut
deviner ce que cache son poing fermé {un petit Evangile)^ et le
réduit au silence^ et brise sa statue. Les païens se conver-
tissent ; on construit un oratoire au lieu même où Apollon
était adoré. Le bienheureux Félix survit douze années (à ces
événements) dans cette ville ; tous les païens qui voulaient at-
taquer christianum rapere conareturj étaient
les chrétiens (?
saisis par le démon, puis guéris par Félix, et se convertis-
saient. La douzième année, un dimanche, après avoir célébré
les mystères, il s étend sur le pavé (projiciens se in pavi-
mQXiixxm) pour prier et va vers le Seigneur Christ qui vit et
règne avec Dieu le Père dans l'unité de F Esprit-Saint à tra-
vers tous les siècles des siècles. Amen.

A la fin du y avait à Rome, sur le Pincio


vin'' siècle, il —
un peu en arrière, sans doute, et au nord, de la Trinité des
Monts d'aujourd'hui —
une église qui tombait en ruines et que
reconstruisit le pape Hadrien, 772-795 elle était dédiée à un
:

saint Félix *.

De quelle époque datait l'église? Rien ne permet de le dire

1 L. P., 1, 500: « Basilicam vero beati Felicis positam in Pincis, quse in rui-
nis erat et tectum eius distectum existebat, facto eodem tecto, noviter ipsam
ecclesiatn renovavit et vestem super altare eiusdem ecclesise de quadrapolo
faciens obtulit ».
FilAX DU PINCIO 233

avec certitude. Mais je lis, dans le calendrier populaire :

XIX Kal. Feb. Nolae^ Fèlicis preshyteri, in Pincis se-


pulti ^
Les mots Nola?, Fèlicis^ in Pincis prouvent que le Félix du
Pincio doit être identifie à saint Félix de Noie. Les mots in
Pincis sepidti s'expliquent si Ton admet l'existence de Téglise
consacrée à Félix de Noie, sur le Pincio, au temps où Ton
compilait le calendrier V église aura suggéré le tombeau. Dès
:

lors, l'église du Pincio pouvait exister au début du vu^ siècle ;


et le culte de Félix n'y devait pas ôtre établi depuis peu.
Le mart3Tologe d'Adon confirme ce qu'on a dit s'il ne :

mentionne pas expressément l'église de saint Félix sur le Pin-


cio, il rapporte que le corps de saint Félix a été enseveli sur le
Pincio, près de Rome^ et que son tombeau est signalé par des
miracles :

Sepultusque iuxta Urbem in loco qui dicitur Pincis^ ubi


claris sernper fulget virtutibus, ab Helpidio venerabili et
sancto viro ^.

C'est dire qu'zY y eut transfert de culte et romanisation du


saint. Sans doute l'évolution de la légende s'est-elle achevée
et a-t-elle abouti au dédoublement du personnage le tom- :

beau fictif du Pincio n'a pas supprimé le tombeau réel de Noie.


Paulin parle de ce dernier, il le place hors de la ville, en
pleine campagne ^ :

Quœ mûris regio et tectis longinqua vacabat,


fusus ibi laeto ridebat cespite campus^
uberius florente loco^ quasi prescia iam tune
semper honorandi mundo uenerante sepulcri
gaudebat sacro benedici corpore, seque
veris amœna habitu, quo dignior esset humando
martyre^ gramiiiibus tellus sternebat odoris.

Le texte qu'on a résumé d'abord présente ce curieux carac-


tère qu'il reflète la légende au point moyen de son évolution,
à mi-chemin, si je puis ainsi dire, de Noie et de Rome.
C'est Félix de Noie que notre texte célèbre il l'associe :

étroitement à un tribun Probus, qui est civis nolanus après ;

i P. Z,., 123, 147-148.


2 P. I., 123, 215, D.
3 Car m. nat., vi, 132 [P. X., 61, 493, C, D].
234 TRADITIONS DE GAMPANIE

un court séjour au mont de Circée, c'est à Noie que V6\'\x et


son ami l*robus viennent s'établir c*est là que, durant douze ;

années, il lutte contre les païens et c'est là qu'il meurt.


Mais ce n'est pas là qu'il est enterré. Notre texte ne dit pas,
sans doute, que le tombeau est hors de Noie mais il ne rap- ;

pelle pas davantage, au contraire de ce que l'on attend, qu'on


peut le vénérer à Noie aucune allusion à ces miracles qui
:

sont de style. Ce silence est significatif. Et voici qui l'est bien


davantage comme il se détache de Noie, saint Félix prend
:

racine à Rome. On le transforme en un frère d'un autre Félix,


martyr de Rome qui, associé à un saint Adauctus de Rome,
est fêté à Rome le 30 août :

Factum est autem ut (post) completionem beatissimi Felicis


presbyteri alius Félix germanus eius iunior nomine et actione
et ipse presbyter. .

Quelques vers de Damase ont été compris de travers et ont


facilité l'équivoque :

semel atque iterum vero de nomine Félix..,


Qui intemerata fide contempto principe mundi
Confessus Christum cœlestia régna petisti.
vere pretiosa fides, cognoscite, fratres \

Damase joue sur le nom Félix ; il félicite semel atque ite-


rum celui qui le porte, de Tavoir si bien mérité et d'avoir ga-
gné le royaume du ciel ; Damase s'adresse ensuite à ses frères
et leur montre par là le prix de la foi : c'est elle qui a valu à
Félix son bonheur. Un lecteur... distrait a vu dans tout cela
y avait eu deux frères
qu'il du nom de Félix ^ et voilà com- :

ment Félix de Noie s'agrégea à la troupe des martyrs romains î

On aperçoit d'autres traces encore de la « romanisation » de


Félix : sa légende est compilée d'après les gestes romains. Le
nom de Draccus est emprunté di Félix- Adauctus ^ — L'épreuve
1 Ihm. n. 7, p. 10-11.
2L'hypothèse, présentée par Delehaye, est très vraisemblable les saints :

du cimetière de Commodille [Analecta, xvi (1897), p. 22-28]. Sur Félix et —


Adauctus, cf. G. M. R., i, 244.
3 « RoQicE, via Ostiensi, milliario secundo ab Urbe, natale beatissimorum
martyrum Felicis Adaucti, sub Diocletiano et Maximiano imperatoribus,
et
prsefecto et judice Draco. » —
Je cite d'après le résumé d'Adon \P. L., 12:^,
342, D. —30 août]. —
Les gestes de Félix et Adauctus sont explicitement vi-
sés par notre texte « B. Félix ait
: puto quod inimici eslis deorum vestro-
:
LES SOURCES DE LA LEGENDE 235

imposée à Apollon est suggérée par Pierre-Paul *. La guéri- —


son de la fille du tribun qui commande au lieu d'exil du mar-
tyr est imitée de Nérée K —
L'attitude du tribun qui délivre les
chrétiens confiés à sa garde rappelle ce qui se passe dans Se-
bastien \ —
L'idée que le rédacteur se fait du Capitole apparaît
déjà dans Calliste % Marcianus, les Martyrs Grecs, Et —
Yalenlin s'étend sur le sol pour prier % aussi bien que Félix. Le
Félix que nos gestes célèbrent s'appelle encore Félix de Noie ;

il est plus qu'aux trois quarts romain.

A quelle date le texte remonte-t-il?


Les mots pagani et Jovem principem ddpmonioriim, le fait
que Félix n'est pas présenté comme un martyr, tout cela nous
défend de nous arrêter avant le vi® siècle, et même, sans doute,

rum ad quoscumque enim me duxeritis in deorum templis, hoc eis


effecti ;

eveniet quod
illis evenit ad quos meum fratrem duxisse vos iam peni-
tet » [Félix Romanus]. Or je lis: c Félix... perductus iuxtatemplumSerapis, dum
cogeretur ad sacri Scan dum, exsufflavit in faciem statuœ aereae, et statim ceci-
dit. Item ductus ad Mercurii statuam,... Item ad simulacrum Dianœ, quod pari
modo dejicit {P.L., 123. 343, D. Félix Adauctus].
1Pierre défie Simon de deviner ce qu'il pense « Petrus dixit : Divi :

nitas in eo est qui cordis rimatur arcana; dicat nunc mihi (Simon) quid co-
gito uel quid facio, quam cogitationem meam, antequam hic mentiatur, prius
tuis auribus insinuo, et non audeat meutiri quee cogito. Nero dixit Accède :

hue, et die mihi quid cogitas. Petrus dixit lube mihi adferri panem orda-
:

ceum ei occulte dari... Petrus benedixerat panem quem acceperat ordeaceum


et fregerat et dextera atque siuistra in manica coUegerat. Tune Simon indi-
goatus quod dicere non posset secrelum apostoli... » [Pseudo Marcellus, § 24-27.
— Lipsius, 141-143]. —
Cf. « Videns popuium iutrantem dixit eis (Félix) Si vero :

diviuus est Apollo, dicat mihi quid ego clausa manu retineo. Erat autem in
manu eius Evangelium brève iu quo eratscriptura orationis dominicae. Et cum
non posset nullus indicare, nec sacerdosnec vates eorum... [Félix Romanus,5].
2 Eutyches exilé au 16» mille de la voie Nomeutane guérit la fille du con-
ductor loci [G. M. R., i, 209] Victorious, exilé auGO® de la Voie Salara, guérit
;

le vice dominus de l'endroit, qui est paralytique IMaro, exilé au 130^ mille,
;

guérit le procurateur de Septempeda qui est hydropique [G. M. R., i, 228].


3 « Igitur cum omues ad domum priiniscrinii perducti starent catenarum
nexibuâ vincti. hoc modo eos vir Dei Sebastianus alloquitur... Tune b. Sebas-
tianus jubet eos omnes a vinculis calenarum exsulvi. » [Sebastien^ 30]. «Tuuc —
Probus tribunus cum vidisset hoc miraculum factum..., exiude iam noo..-
permisit penilus ut ibi injuriae (Félix) subjaceret ». [Félix Romanus, 2].
* « Temporibus macrini et alexandri iacendio divino coucremeta est pars
capitolii a meridiano et intra templum iovis ruit manus sioistra aurea et re-
liquata est [Calliste, 1]. — Cf. G. M. R., 135-136 et les gestes des Martyrs
i,

grecs : « Capitolium deeeritur et omois cultura templorum desolatur ». —


«...ad capitolium me ire jubete ut ipsum jovem principem daemoniorum ves-
trorum ruere faciam » [Félix Uomanus, § 1]. —
Cf. supra p. 224.
' « Valentiûus... strato... humi cililio eleuauit puerum cerimouem de lecto
et proiecit eum seminecem in eo cilitio in quo ipse orare consueverat... »
[Valentin], —
« Projiciens se in pauimeutum iu orationem... » [Félix Roma-
nut, 6].
236 TRADITIONS DE CAMPANIR

avant le milieu ou la fin de ce siècle. Comme, d'autre part,


nos gestes ignorent l'ensevelissement in Pincis, bien qu'ils y
tendent comme cet ensevelissement in Pincis est aitest/3 dès
;

le premier quart du vii^ siècle, sans doute, par le calendrier


populaire, on doit croire qu'ils sont antérieurs à cette époque,
ou qu'ils ne la dépassent guère on peut les rapporter sans
:

crainte d'erreur au début du vu" siècle ou à la fin du vi\


Quelques faits confirment cette impression.
Le rédacteur raconte une curieuse histoire de voleurs ve-
:

nus la nuit dérober des légumes, ils trouvent (des pioches et


des instruments) de fer et, contraints par la force mystérieuse
du saint, croyant le voler, ils travaillent pour lui, à la clarté
de la lune, jusqu'au jour.
Cum autem ibi fuisset s. Félix et ortum sibi excoleret, uene-
runt nocte qui olera râpèrent et inuenientes ibi uangas^ tota
:

nocte luna lucente laborauerunt. Videbatur autem eis quod


furtum facerent, Illi autem mane inventi sunt laborantes,
Q210S cum vidisset s. Félix, dit eis : adjuvet uos Dominus,
filioli. Illi autem mittentes se ad pedes eius confessi sunt quid
uoti eorum fuisset et quod Dominus procuras s et *.
Saint Grégoire raconte une histoire presque identique, qu'il
rattache à saint Isaac, l'ermite syrien de Spolète ^ :

Die quadam ad uesperum in hortum monasterii fecit j acta-


ri fer rament a, quœ usitato nos nomine uangas uocamus. Dixit
itaque discipulis suis : Tôt uangas in hortum projicite et citius
redite. Nocte uero eadem dum ex more cum fratribus ad exhi'
bendas laudes Domhio surrexisset, prœcepit dicens : Ite et ope-
rariis nostris pulmentum coquite ut mane primo paratum sit.
Facto autem mane fecit deferri pulmentum quod parari jus-
serat atque hortum cum fratribus ingressus, quot uangas iac-
tariprœceperat tôt in eo laborantes operarios inuenit. Ingressi
quippe fures fuerant, sed mutata mente per spiritum appre-
henderunt uangas quas inuenerunt et ab ea hora qua ingressi
sunt quousque uir Domini ad eos ueniret, cuncta horti illius
spatia quœ inculta fuerant coluerunt. Quibus vir Domini mox
ut ingressus est, ait : Gaudete, fratres, multum laborastis,
iam quiescite. Quibus illico alimenta quœ detulerat prœbuit,

1 Félix Romanus 4.
2 Sur lequel, cf. supra, p. 61.
LE TEXTE d'aDON 237

eosque post tanti laboris faligationem refecit. Sufficienter au-


tem refer lis ait : JSolite rnalum facere *...

Grégoire cite sesceux qui l'ont renseigné sur [saac


auteurs :

sont des moines —


multi nostroriuriy —
principalement une
religieuse Grégoria qui, au moment où il écrit, habite encore
à Rome à coté de l'église de Sainte-Marie, enfin le véné- —
rable Eleuthère ^
Il n'est pas tout à fait nécessaire, dès lors, d'admettre que

le texte de Grégoire a influencé le rédacteur de Félix celui-ci :

a pu connaître directement la tradition de Spolète, comme il

a pu s'inspirer du récit de Grégoire. De toute manière, on ne


risque pas de se tromper beaucoup en faisant de lui un con-
temporain du pape, en datant son texte de d~ 600.
Les termes de la langue administrative dénoncent la même
époque je passe sur officium^ consularis prœfectus Urhi
:
, ;

j'insiste sur le tribunus. D'après Félix Romanus, le tribun est


le commandant local, nommé pour une durée déterminée; il
est assisté d'un collega. Or, au temps de l'exarchat, le tribu-
71US « est le commandant militaire de la ville où il réside et du
district environnant M) il a reçu, en matière civile, des attri-
;

butions très étendues il est le représentant de l'exarque, qui


;

le nomme. Nous ne savons pas qu'il ait un collègue ; le dé-

tail, pourtant, n'est peut-être pas fictif.

Reste un problème. Quel est le rapport de nos gestes au


texte d'Adon qui raconte l'histoire de Félix de Noie?
Le récit d'Adon * se caractérise par les traits suivants 1. Le :

culte est expressément rattaché à Noie :

XIX Kal. februarii. Apud Nolam Campauiœ, natale beati


Felicis presbyteri.
2. Le corps est enseveli in Pincis, par un saint prêtre Ilel-
pidius qui confesse la foi contre les hérétiques, et meurt mar-

1 Dialog.,\\\, 14, P. L., 11, 245.


^ Eodem 11, 244. B.
loco. P. L., —
Noter que la légende de Paulin, le
chantre de Félix, conte qu'il cultivait des légumes en Afrique. Dial., m, 1.
— P. L., 77, 217. Je me demande encore si l'épisode de l'oratoire construit
par Félix au lieu même où était adoré Apollon, n'est pas inspiré par ce pas-
sage de saint Grégoire: sur le mont Cassin, saint Benoît construit un oratoire
consacré à saint Jean et à saint Martin ou lieu même où était adoré Apollon.
[f\ L., 66,
152J.
3 Diehl, 113-123.
'' P. i., 123, 214-215.
238 TRADITIONS DR CAMPy\NIE

1}T. Adon croit, selon foules les vraisemblances, que le l^incio

se lr()uv(; près de Noie. Voici le texte :

ScpuUiisque luxta urbcm in loco (/ni dicitur Pincis, ubi


claris semper fulget virtulibiis, ab lloApidio.., Ilic. martyr
et conf essor hœreticis invictissime restitit.

3. Maxime, évêque de Noie, le sacre prêtre 4. Félix est :



supplicié après qu'il a délié les dieux, mais l'ange de Dieu le
délivre et l'envoie chercher son évèque o. Félix trouve ;

son évêque mourant de faim, le réconforte avec des raisins
miraculeux et le porte à la ville chez une veuve 6. Après ;

qu'il a converti Probus, on vient l'arrêter on lui demande à ;

lui-même où il est il se sauve et se cache dans un trou que


;

dissimulent des toiles d*araignées une femme l'y nourrit trois


;

mois —
7. Après qu'il a chassé Apollon, à Noie, il refuse
;

l'épiscopat que lui offre le peuple.


Les gestes se caractérisent par les traits suivants 1. Probus :

est dénoncé par son collègue au consularis ; mais les membres


de Vofficiiim qui viennent l'arrêter sont miraculeusement
saisis de douleur, et se convertissent —
2. L'épisode des vo-
;

leurs de légumes ;

3. L'histoire du petit évangile qu'il tient
dans le poing et que ne devine pas Apollon 4. La cons- ;

truction d'un oratoire à la place du temple d'Apollon 5. La ;

doxologie in unitate spiritus sancti.
Les gestes et Adon ont en commun 1. Le personnage de :

Félix de Noie; —
2. L'idée que Félix de Noie est le frère de
cet autre Félix qui est le compagnon d'Adauctus Adon ren- :

voie expressément à leurs gestes :

Hoc eis eueniet quod euenit illis ad quœ meum fratrem Fe-
licem uos duxisse pœnituit ^
3. La comparution devant Draccus et le défi de Félix ;

4. L'exil au mont de Circée et la conversion de Probus o. La ;

conversion du pontifex dœmonum de Noie, l'expulsion d'Apol-
lon et la destruction de son temple ;

6. La mort de Félix
douze ans après.
11 n'est pas sur, comme on pourrait d'abord le croire, que

la mention du tombeau in Pincis ait été empruntée par Adon


au calendrier populaire le calendrier ignore le confesseur et
:

martyr Helpidius, qui est mis en étroite relation avec le tom-


beau du Pincio. D'autre part, le récit d'Adon suppose les gestes

1 P. L. 123, 214. c.
MAXIMUS DE GUMES 239

(le F'elix-Adauctus. Le texte d'Adon témoi<>ne déjà de ro- la


manisation de Félix ; il n'exprime pas la pure légende de Noie.
Mais, dans Adon, la romanisation est moins avancée que
dans les gestes ceux-ci ii^norent complètement l'évoque de
:

Noie, Maximus, qui tient une grande place dans le récit de


celui-là ;ils ne soufllent mot de Tépiscopat de Noie, qui est

olTert à Félix ;ils ignorent cette cachette où il s'est réfugié, et

qu'on devait se montrer à Noie. Adon, de fait, récrit en prose


les fameux poèmes de saint Paulin. Les traits propres aux

gestes n'ont aucune couleur locale ils se retrouvent dans


:

d'autres légendes. J'imagine que le texte dont Adon s'est servi ^

est antérieur aux gestes que le rédacteur de nos gestes a re-


;

tranché de la source d'Adon les détails qui avaient une physio-


nomie nolasque et que, pour élotler son récit devenu un peu
;

maigre, il y a introduit, d'après ses souvenirs, surtout d'après


S.Grégoire, la quadruple histoire des soldats soudain torturés,
des voleurs soudain convertis, du petit évangile caché dans
le poing et de l'oratoire succédant au temple ^

II

de
3 3 Au temps de Dloclétien et de Maximien empereurs, sous le
es
préfet Antonin, on fit une grande persécution contre les chré-
tiens : sur les places, dans les nymphées, autour des maisons,
on élevait des idoles auxquelles chacun devait sacrifier avant
de pouvoir acheter ou vendre. C'est alors que le praeses Fa-
hianus est envoyé dans la cité de Cumes ; il convoque le
peuple, lui dit sa mission, et tout le peuple se jette à terre et

1 II est très possible qu'AdoQ ait copié textuellemeat la plus grande partie
de ce texte. Noter que, dans Adou, l'épisode du temple d'ApolloQ est très l.ref ;

et que, dans les gestes, il est maladroitement coupé eu deux par l'histoire
des voleurs.
* On ne peut pas dire la date exacte du texte que lisait Adon, ni de l'in-
troduclion à Rome du culte de Félix de Noie.
3 B. H. L., 5846, 30 octobre, 319.
240 TRADITIONS DE CAMPANIK

adore les idoles. Il y avait alors^ à Cumes, un homme saint


et chaste^ Maximiis ; il arme son front du trophée de la croix

et se présente au prœscs. « Tu n échapperas pas à Dieu^ lui


dit'il ; pourquoi pousser les hommes à adorer les idoles sourdes
et muettes ? » — « Qui donc es-tu (cuius condicionis esj pour

me parler ainsi ? )) —a Je crois au Christ. » — « Ne sais-tu

pas que les empereurs invaincus m'ont confié cette province


pour tuer ceux qui ne voudraient pas sacrifier ? if> —
« Tais-

toi, malheureux / » J^t, tandis quon le bat, les bras des bour-
M
reaux défaillent de douleur : on reconduit aximus en prison.
Il y reste dix jours, sans eau ni pain. Mais le Seigneur le ré-
confortait : range du Seigneur le visite au milieu de la nuit,
la terre tremble, ses chaînes tombent. Les deux cents prison-
niers qui sont les compagnons du martyr se convertissent, et
Maximus remercie Dieu et lui demande un prêtre : crainte
des embttches de Fabianus, les prêtres étaient dispersés. Or le
Seigneur apparaît à Vévèque Maxentius et V envoie à laprison,
porteur des mystères. Maxentius se tient devant les portes et
crie: a Si quelqu'un désire se faire baptiser, quil vienne: je
SUIS prêtre de mon Seigneur Jésus-Christ ». Tous se jettent à
ses pieds, et il les baptise au nom du Père, et du Fils et de
l'Esprit-Saint ; puis, il s'en va.
A la nouvelle de cette conversion, Fabianus laisse les pri-
sonniers en prison, et fait venir Maximus : il sacrifiera, ou
marchera pieds-nus sur des charbons ardents. Maximus arme
son front du trophée de la croix, et marche, au nom du Sei-
gneur Jésus-Christ, sans rien sentir : « Mets donc, au nom
de ton Jupiter, ta main sur ces charbons : nous verrons s'il te
délivrera. » —Quels sont ces maléfices, » dit Fabianus. —
a JHgnore tout maléfice ; c'est mon Seigneur Jésus-Christ qui
opère en moi ce prodige )). On le suspend sur le chevalet ; il
prie le Seigneur et le chevalet se brise. On amène son enfant ;

il a trois mois ; et V enfant confesse à haute voix que le Christ


est le vrai Dieu, qui nous a rachetés par sa passion. Le ^vdèses,
redoutant une sédition populaire^ le fait battre de coups;
r enfant meurt après avoir demandé de Veau : « C'est Veau
du ciel que tu vas boire, » lui répond sa mère, toute joyeuse
d'avoir offert à Dieu, innocente hostie, le fruit de son sein.
c( Combien de temps useras-tu de tes maléfices, dit Fabianus
au martyr. » —« Pourquoi m' interroger ? Je rends grâces
au Christ qui a couronné mon enfant. » On le suspend la tête

I
MAXIME DE CUMES 241

en bas ; il perd tout son sang par mais sept joursle nez ; y

après il est vivant encore et invoque le Seigneur ; et les dix-


y

huit soldats qui le voient sont aveuglés, et lorsqu'ils im-


plorent le Seigneur Jésus-Christ, ils sont aussitôt guéris. On
les décapite avec les deux cents prisonniers qui ont reçu le
baptême; leurs corps sont ensevelis soigneusement par les
chrétiens. —
Cependant Fabianus veut toujours dompter
Maximus ; mais les flammes qui lui brûlent les côtes ne r en-
tament paSy tandis qu'elles tuent un des ministri ; beaucoup
se convertissent^ et le martgr ne cesse de louer et d'implorer
leSeigneur. Il refuse encore^ un autre jour, d'adorer Ascle-
pins ; son sang rougit la terre^ qui ne l absorbe pas, et té-
moigne ainsi contre le persécuteur. Il le défie et raille son
impuissance. A la fin, Fabianus dicte la sentence : a T impie
Maximus est rebelle aux dieux, blasphème lesempereurs,
refuse de sacrifier : qu'il soit mis à mort, et son corps aban-
donné aux oiseaux. »

soldats le conduisent à deux milles de la cité. Il chante


F^es

lelong de la route, et il prie, a Dieu tout-puissant, dit-il,


ouvre les geux de tous ceux qui m' entourent pour qu'ils sachent ,

que tu es le quil ri y en a point d'autre hormis


seul Dieu, et
toi ». La terre tremble, beaucoup se convertissent, et reçoivent
le baptême ; les soldats les imitent. On enterre Maximus au

lieu qui est appelé Via Caballaria, où les miracles se multi-


plient jusqu'à ce jour : les lépreux sont guéris, les démons
chassés... Quinze ans après, comme les reliques de Maximus
étaient cachées, le saint apparaît à une pieuse femme : « Ju-
lienne, lui dit-il, avertis les prêtres afin quils transportent
mes reliques. Je suis Maximus^ confesseur de Dieu, » —
€ Nous ne savons où tu reposes. » « Cherchez dans le—
champ innocent ? au point où se dressé la croix [in agro inno-
centi ubi uideritis Crucem]. » Toute la cité, chantant et bénis"
sant le Seigneur, va chercher le corps: on le trouve, il est
intact, blanc comme la neige on l'ensevelit avec des aromates,
;

en glorifiant Dieu qui couronne ses saints. Le bienheureux


Maximus a souffert le IV des kalendes de novembre, tandis
que règne Notre Seigneur Jésus-Chinst à qui honneur et gloire
et empire dans les siècles des siècles. Amen.

III 16
242 TRADITIONS DE CAMPANIK

Cette légende nous est parvenue dans un autre texte '


fjul

rappelle de très près le précédent, niais qui s'en écarte par


deux traits : il remplace Cuines par Aparnée, il ignore la révé-
lation du corps à Julienne.
Or, nous pouvons identifier avec certitude cette Julienne :

c'est une sainte vénérée à Cumes et qui vient peut-être de Ni-


coniédie ; l'efflorescence de son culte date de la seconde moitié
du vi** siècle ^.

Cumes tendait à s'associer à Maxime de


Cette sainte de
Cumes ont tous deux même attache topographique, et je
: ils

rencontre à Naples, à la fin du vi® siècle, un monasterium


sancti Archangeli quod Macharis
sanctorum Ma- dicilur atque
ximi, Erasrni et Julianœ On en vient à soupçonner que le
^ .

développement de Maxime est parallèle au développement de


Julienne et à* Erasme, que le culte et le texte datent de la se-
conde moitié du vi® siècle.
Est-ce à dire que Maxime, comme Julienne et sans doute
Erasme, repose sur un texte grec? Le contraire est tout à fait
assuré. Maxime est copié sur Pontien de Spolète *. Voici les
points de contact des deux légendes 1. Mission du juge Fa- :

bianus 2. Le peuple se montre d'abord docile à ses volontés


; ;

3. Le martyr marche sans se brûler sur les charbons ardents


après s'être signé au front 4. Les bras des bourreaux dé- ;

faillent 5. Le martyr est enfermé en prison sans nourri-


;

ture ; 6. Pourtant il ne meurt 'pas, car il est assisté par


Dieu.
Le rédacteur a emprunté
quelques traits secondaires à
d'autres textes, latins ou grecs. Asclepius vient sans doute de
Grégoire de Spolète, qui est apparenté à Pontien. C'est —
Hedestus qui a suggéré, j'imagine, l'épisode de Maxentius, les
prêtres dispersés, les fidèles qui les cherchent parce qu'ils ont
besoin de leur ministère. —
Et l'enfant qui parle et confond
le juge a certainement été pris soit à Cyricus-Julitta % soit à

1 B. H. L., 5845. Bibl. Casinensis, m, flor. 147, ou 30 octobre 319.


2 Cf. G. M. R., V.
3 x, 14, P. L., 77, 1076, B. [et ix, 170, 172;
Grégorii Epist, tome II. 167,

169, M. G.]. Ce monastère a été fondé, récemment semble-t-il, par une cer-
taine Alexandrin. —
Est-ce des reliques de ce Maximus qull est question danu
une lettre de Grégoire à Chrysauthe de nov. 598 [M. G. ix, 49. — tome I1,76J?
4 Cf. supra, p. 100,
5 Cf. G. M. R., V.
SOURCES DE LA LEGENDE 243

Prudence qui conte une liistoire toute semblable. Saint Ro-


',

manus interroge un enfant.

« Romanus ardeiis experiri innoxiam


Lactantis oris indolem « Filiole, ait,
:

Die quid videtur esse verum et congrueiis,


Unumne Christiim colère et iii Christo Patrem ;

Au comprecari mille formarum deos. »


Arrisit infans, nec moratus retulit : «
Est quidquid illud quod ferunt homines Deum,
Unuiïi esse oportet, et quod uni est unicum.
Cum Christus hoc sit, Ghristus est verus Deus.
Gênera deorum multa nec pueri putant.»

Dès lors, comment concevoir le rapport des deux versions


qu'on a dites ?
Apamée est proche Antioche et notre texte est latin ; ;

Maxime est évidemment un saint local de Cumes, ville latine ;

son culte est attesté au temps de saint Grégoire, àNaples, ville


latine. L*attache d'Apamée est donc, très certainement, fictive.
J'imagine qu'elle a été suggérée par l'attache nicomédienne de
Julienne. La version où apparaît Apamée est donc postérieure,
de peu sans doute, à la version latine de Julienne.
L'ensevelissement de Maxime par une pieuse femme
nommée Julienne suppose seulement qu'on vénérait à Cumes
une sainte Julienne. Nul besoin de faire intervenir la légende
de cette sainte il est très possible que le culte local de Julienne
:

à Cumes soit antérieur à la légende grecque et indépendant


d'elle. La version ce Julienne » serait donc antérieure à la ver-
sion « Apamée ».
Mais voici une Comment admettre la disparition
difficulté.
de Julienne dans la version Apamée » le rédacteur qui veut
c( ;

modeler l'histoire de Maxime sur l'histoire de Julienne a-t-il


donc intérêt à séparer les deux légende
saints que réunissait la
de Cumes? — Je
ne vois pas de réponse satisfaisante. Les faits
sont tels ils trahissent sans doute un caprice de nos rédac-
:

teurs. L'époque à laquelle ils écrivaient reste, du moins, bien


assurée c'est la seconde moitié, peut-être la fin du vi® siècle.
:

' Péri Stgphanon, x, 661, sq. Ruinart, 395.


244 TRADITIONS DE CAMPANIE

TII

Gestes de Lorsque fut mort Vimpie empereur Adrien, dont la cruauté


de Sora i
avait désolé le monde, Aurélien monta sur le trône: il n était
pas moins cruel. En ce temps-là brillait à Rome, dans la ré-
gion qu^on appelle le Trastevere [in regione quœ transty-
berim dicitur], une j eune fille appelée Restituta. Son père se
nommait Ethel, sa mère Dabia. Elle était belle, noble, riche',
aussi beaucoup voulaient-ils U épouser, et lui offraient de Vor
et dés étoffes d'or. Restituta restait fidèle à V amour du Christ;
elle priait nuit et jour, les mains au ciel: Seigneur, disait-
c(

elle, toi qui as envoyé V archange Gabriel à la très glorieuse


vierge Marie, toi qui as converti Veau en vin à Cana de Ga-
lilée et éclairé la Samaritaine, daigne m'envoyer ton ange

afin de me garder continuellement [iugiter] / » Et l'ange du


Seigneur apparut, le visage étincelant, dans une robe blanche :
((Je suis r archange Gabriel, un des sept qui se tiennent tou-
jours devant le trône du Seigneur. » —
« Mon cœur frémit,
répond Restituta, lorsque je vois les chrétiens traqués et tor-
turés comme des bêtes. » Et voici que sa frayeur redouble : le
diable lui apparaît avec sa hideuse figure et la menace de lui
faire couper la tête. Mais la sainte le chasse par la force du
signe de croix et le Seigneur lui apparaît en personne, la
;

rassure et V envoie à la cité ciui est appelée Sora : « Va, disait-


il, à la porte du Latran tu y trouveras un ange qui te con-
;

duira à Sora. »
Lorsqu'elle se réveille, Vange la saisit par les cheveux et,
comme autrefois le prophète Abacuc de Judée en Chaldée, il
la transporte de à Sora. Une veuve avait son fils ma-
Rome
lade; Restituta implore le Dieu qui a guéri Tobit et la belle»
mère de Pierre, et la santé est restituée [restituta est] à V en-
fant ; et quarante personnes se convertissent, bénissant le

1 B. H. L., 7192. Bibl. Casinensis, m, fl. 12-16.


RESTITUTA DE SORA 245

Seigneur qui a prédestiné Restituta, selon la signification de


son nom [secundum nominis sui elliiinologiani], à sauver les
habitants de Sor a ! .., La nouvelle de la guérison de Cyrille
parvient au consul de la cité, V inique Agacius. Il veut épouser
Restituta, bien qu'elle soit réponse du Christ^ et sa servante.
Restituta refuse, confesse sa foi et est torturée. Mais Vange
la visite, et le pieux créateur et rédempteur du genre humain
Ipius conditor et redemptor huinani generis] vient dans sa
prison lui apporter sa récompense et souper avec elle que :

nul n^en doute. Les ministres d'iniquité tombent à ses pieds et


sont baptisés par le prêtre Cyrille au nom du Père y et du Fils
et du Saint-Esprit ; ils étaient au nombre de trente-neuf. On

les conduit donc hors des murs au lieu qui est ditFoTus(?)près

d'un très ancien temple, et ils y sont décapités. Au temps de


la paix on purifie cet endroit \impur~\^ et on y consacre un
^

temple du Seigneur en Vhonneur de sa mère sainte Marie et


de saint Pierre apôtre. Les ministri qui les ont mis à mort de-
viennent aveugles^ et, dans leur détresse, ils implorent Resti-
tuta : elle les guérit et les convertit. Agacius la fait compa-
raître encore^ il lui offre le mariage, il la somme de sacrifier :
mais en vain : a lu ri es que cendre et pourriture et ver de
tombeau, lui dit-elle ; je ne veux pas de toi pour époux, je
n'adorerai pas tes dieux ! » Décapitée près du fleuve Camellus,
elle est ensevelie à côté de l'église du bienheureux Jean-Bap-
tiste, au point où, plus tard, une église fut construite en son

homieur, (Dieu) y opère beaucoup de miracles, aussi bien que


partout où une église est placée sous son nom. — Sept jours
après sa mort, elle apparut au vénérable Amasius, évéque de
cette cité de Sora: il retrouva la tête de la sainte,

Restituta est inconnue duhiéronymien, du calendrier


férial
populaire et d'Adon la seule Restituta que signale le premier
:

de ces textes [18. 5 Kal. ian.] est la célèbre martyre africaine.


C'est celle-ci, peut-être, qui fut vénérée à Sora comme elle
l'était à Naples \ et qui, à la longue, fut considérée comme

martyre de Sora. L'histoire de Sora est malheureusement peu


connue nous savons seulement que, à l'aube du vni® siècle,
:

elle fut prise par Gisulf de Bénévent*.

' B. H. L., 7190 [17 mai, 20].


2 Paul Diacre, vi, 27. [Waitz. p. 174].
1
2iG TFtADITIONS ])R CAMPANlIî

La légende de Restituta et des guérisons merveilleuses


qu'elle opère a été suggérée certainement — le rédacteur le
laisse voir — par le nom de la sainte, secundum norninis...
ethimologiàm. Et ce souci du sens étymologique des noms nous
fait souvenir d'Abundius et de Gaudentius 2.
*
Les offres —
des prétendants à la sainte sont un souvenir à* Agnès. Les —
termes redemptor et conditor.., sont peut-être inspirés par
Consta7itius. —
Les livres canoniques de Tobit et de Ilabacuc
sont manifestement connus de l'auteur.
La légende présente encore certains traits, quelquefois très
rares, qu'on retrouve dans les textes du vu® siècle. Ici comme
dans Firmina ', le persécuteur veut se faire épouser par la
sainte et sans doute le dîner que Restituta partage avec le
;

Christ n'est-il pas sans rapport avec le dîner qu'Olympiades


offrait à Firmina, et que Firmina refuse celui-ci aura sug- :

géré celui-là, à moins que ce soit l'inverse, ou que tous deux


aient été imaginés par la même cervelle. Les événements —
sont censés se passer au temps d'Aurélien, comme dans /r«?w6''e
et Secu7idus. —
Les constructions d'églises sont mentionnées
ici, aussi bien que dans Gaudentius^ Abundius, Eutychius...

— L'apparition du diable et la victoire de la sainte armée du


signe de croix ont été empruntées sans doute à Julienne ^. —
C'est de Lucie Geminien ^ que viennent sans doute la trans-
lation miraculeuse à travers les airs, la mention duLatran, la
visite que le Sauveur rend à sa martyre.
Restituta, enfin, est apparenté à la légende (ÏAmasius les :

1 Cf. supra, p. 67-68.


2 Cf. supra, p. 169. Je note aussi, dans Gaudentius, une fontaine sacrée.
3 Cf. supra, p. 129.
* Cf. supra, G.
M. R., v.
s M. R., V.
Cf. G. —
Il est possible que le texte qu'on a résumé ne soit pas

identique au texte du vu® siècle que dénoncent les points de contact dont
on a parlé. Le passage sur l'archange Gabriel a peut-être été écrit à une
époque plus tardive, lorsque s'épanouissait le culte du Monte Gargano *. —
Noter que i^îVmtna rappelle aussi Lucie-Géminien. —
On a signalé trois autres
textes l'un est abrégé, divisé en trois leçons, qu'on trouve dans le bréviaire
:

ca()ouau de 1489; un autre, distribué en douze leçons, est attribué à l'évêque


Joîinellus l27 mai, 656, § 7]; le troisième, enfin, est très probablement l'œuvre du
moine Grégoire, plus tard évêque de Terracine, qui vivait à la fin du xi^ et
au début du xu^ siècle il raconte que Restituta est décapitée en compagnie
;

de Cyrille et de deux autres chrétiens il ajoute surtout au récit de la pas-


;

sion un liber miraculorum [27 mai, 664 ou 658. —


Cf. CaC. Paris, m, 254, n. 3].

*
Noter cependant que Michel apparaît dans Alexandre de Baccanoel que
le culte du Moule Gargano remonte au vii^ siècle, aemble-t-il.
AMASIUS DE SORA 247

deux saints ont môme attache topo^^ra[)liique, Sora ; ici et là


apparaissent des périphrases analogues conditor et redemptor :

miindi \I(estituta\, Salvator miindi [Amasliis] le même terme ;

higiter Amasias, enfin, est expressément cite' par Restituta.


;

Et les textes ne foisonnent pas qui connaissent Amasius !

IV

Amasius^ prêtre du Sauveur du monde [Salvatoris mundi


sacerdos], était très instruit dans les dogmes salutaires de la
foi il brillait comme une lumière [dans U Eglise), Aussi dé-
:

sirait-il voir les lieux vénérables [où son Maître avait vécu)

afin d'instruire ceux qui ignoraient la foi catholique'. V hérésie


arienne avait grandement souillé la Syrie, et la Libye et toutes
les provinces, et même, un peu, l'Italie, tant que n^ avaient pas

paru les très fameux docteurs Hilaire, Augustin, Ambroise


et les autres orthodoxes. Mais racontons comment saint Ama~

sius même guérit un paralytique. Il arrive, chemin faisant,


à la ville quon appelle Sora : la veuve qui V accueille a un
fils malade; il le guérit. Au bruit du miracle, les habitants
accourent : ils demandent continuellement [iugiter] à être ins-

truits dans la foi orthodoxe. Amasius se rend à leurs prières ;


Urbain, diacre de Vévêque de Teano, se joint à lui, et le fait
élire évêque de Teano lorsque m.eurt révêc/ue [qui occupait
d'abord cette dignité). Avec l'aide des citoyens de la ville,
Amasius construit un portique à colonnes et un cimetière, oli,
à sa mort, on V ensevelit en paix. De longues années après, les
habitants de Sora qui, d'abord, avaient embrassé les erreurs
de rhérésie, mais qui étaient revenus à la foi catholique, —
je veux dire : leurs descendants —
se ressouvinrent dumiracle
qu avait opéré et de la doctrine qu avait prêchée Amasius : ils
construisirent une basilique en son honneur, oii pendant de
longues années se manifesta la vénération qu'il inspirait ;
Vévêque s'y rendait le jour de la fête anniversaire [in amasii

1 B. H. L., 354 [fit*. Casiiiensis, m, fl. 3661.


248 TUAf)ITIONS I)K CAMPANIE

[solepnit<il(»] Jiommes pieux y venaûml des pays (Hoiyni's^


; ci les
apportant leurs offrandes, rendant yrdces au Dieu Père, et
FiLs\ et Ksprit-Saintj à qui honneur et gloire dans les siècles
des siècles. Amen.

Ce texte apparenté à Restituta pour les raisons qu'on a


est
dites et je crois qu'elles permettent de le dater jusqu'à nou-
;

vel ordre du même temps que Restituta et de l'attribuer au


même auteur. Peut-être l'intérêt qu'il témoigne à la lutte contre
l'arianisme témoigne-t-il qu'il est contemporain de l'époque
lombarde et révêle-t-il un incident inconnu de la conquête.
Amasius est encore mentionné dans un autre récit *,

qui prétend également raconter son histoire [B]. Voici quels


traits le caractérisent : 1. La persécution arienne chasse le

saint d'Orient en Italie pape Jules, romanœ sedis


; 2. C'est le
antisteSy qui l'envoie prêcher hors de Rome, au temps de
Constance, successeur de Constantin 3. Le prédécesseur ;

d'Amasius est nommé, c'est Paris 4. Jules consacre Amasius, ;

cornu... gr alise salutaris super caput eius effundens.


Or, Paris de Teanum nous est connu par un texte légendaire
dont voici l'analyse.

Gestes de Comme monde romain était encore la proie de Vidolatriey


le
Paris de
Teaaum ^ Paris prêtre du Seigneur [sacerdos Domini], athénien d'ori-
^

gine, vint d'Orient en Italie, et arriva dans cette ville de Cam-


panie ciuon appelle Teanum il avait été le compagnon de :

Libanius et de Basile le Grand \à Athèîies?], Or^ Teanum


était la proie de t idolâtrie ; on y adorait surtout un dragon,
— ce que le vulgaire appelle un boa [boam] ; il habitait une —
source profonde à côté de la porte [subterior] inférieure de la
cité ; on lui avait élevé un autel, on l'y Jiourrissait religieuse-
ment. Mais Dieu a pitié des habitants ; il leur envoie Paris,
qui trouve à la fontaine^ portant la nourriture du dieu, la
fille du praeses Simpronius Tranquillina. Il apprend ce ([ui ,

va se passer ; et, fort de sa prière., lorsqii arrive le dragon, il


touche la tête du monstre avec le bdton [virgaj qui est [appui
de sa marche et le signe de sa force [quam levandi laboris
et regiminis causa gestabat]. Le dragon s'endort, Paris le dé-

1 B. H. L., 355 [23 janvier 484 ou 98].


2 B. II. L., 6466 [5 août 73J.
PARIS DE TEANUM 249

pouille de son pouvoir et le jette dans le fleuve Saon. On le


traîne devant le praeses : telle est bien lingratitude des
hommes! Mais il soutient intrépidement la cause de Dieu,
créateur de toutes choses ; il domptCy sans combattre, un ours

et un lion gigantesques. Les citogens tombent à ses pieds : il


les convertit, il les baptise, il les confirme en les faisant par^

ticiper au corps et au sang du Seigneur [dominici corporis et


sanguinis eos participio solidavit]. Après avoir été élu évêque
par Silvestre, qui habite le mont Siracte, il ordonne des
prêtres et fait diacre le bienheureux Urbain, son troisième
successeur ; il détruit les temples des idoles et les bois sacrés,
se fait construire un ciinetière par les fidèles après ciue le
Saint-Esprit lui a annoncé sa fin, et meurt, et est enseveli le
jour des nones du mois d'août. On élève une église sur son
tombeau et une basilique près de la source du dragon; ses
bienfaits s'g multiplient, grâce au concours de Notre Seigneur
Jêsus-Chîist à qui honneur unique, et unique empire avec le
Père et l* Esprit-Saint.
Longtemps après V église tombe en ruines et est envahie par
l'herbe. Mais les miracles la révèlent aux habitants du pags.
Deux paralgtiques, Guiscard et Eustadia...^ et beaucoup
d'autres sont guéris.

semble que ce texte soit parallèle à la version de Resti-


Il

tuta qui est attribuée à Grégoire de Terracine ici et là, un :

récit de miracles est ajouté à une vie de saint et la légende ;

d'Amasius A est parente à la fois de Restiluta et de Paris.


Voici les traits qui rapprochent Paris d'Amasius A et de
Kestituta; 1. Le mot sacerdos [prêtre]; 2. La mention des
grands personnages mêlés à l'histoire chrétienne, ici Hilaire,
Augustin, Ambroise, là Basile et Libanius 3. La construction ;

d'un cimetière et d'une église.


Voici les traits qui rapprochent Paris d'Amasius B 1. Le :

personnage de Paris 2. L'origine orientale


;
du saint; 3. L'in-
troduction dans son histoire d'un pape romain 4. L'utilisa- ;

tion du Liber Pontificalis Amasius y puise ce qu'il dit de


:

Jules et des Ariens et de Constance *, Pains lui emprunte Sil-


vestre^ le mont Siractis [Siraptis, Soracte] et l'histoire du

' L. P., 1, 205. « Hic multas tribulationes et exilio fuit mensibus X. »


250 TRADITIONS DE CAMPANIE

dragon*; Paris whoi Amasius sans le nommer: si le ré-


5.
dacteur voit dans Urbain le troisième successeur de Paris,
c'est qu'il sait quel est le second, Amasius.
Je remarque que le calendrier populaire, au dfibut du
vu® siècle, rappelle que le pape Jules eut à souffrir de l'arien
Constance :

Via Aurélia, Julii pap^e et confessoris sub Constantio


ariano '.

Le pape Jules est cité dans Victorin-Séverin parmi les grands


papes.
On se donc, au vii% de ses démêlés avec les
souvenait
ariens c'est peut-ôtre de ce temps que datent la légende de
:

Paris et la version B des gestes à Amasius, Paris connaît ces


démêlés et Amasius B est parent de Paris. Comme il arrive
;

d'ordinaire, la légende d'Amasius s'est donc exprimée à la


môme époque sous deux formes distinctes.
L'auteur à' Amasius B et de Paris, un même personnage
sans doute, a peut-être emprunté aux gestes des douze
Syriens l'idée défaire venir d'Orient ses héros. Peut-être s'est-
il souvenu des moines grecs chassés en Occident par la persé-

cution des empereurs monothélites l'histoire de Maxime de :

Chrysopolis est fameuse.


Il s'inspire manifestement des mythes de Thésée ou de
Persée.
Il aimait les réflexions morales soient... nociva, dit-il,... :

majori reverentia excoli quanto contigit ca ah hominibus plus


timeri ou encore
; soient perversi homines pro bonis mala
:

rependere, connaissait peut-être les gestes de Donat d'Eu-


\\

ria : l'histoire du dragon de Paris est calquée sur celle du


dragon de Donat plutôt encore, je crois, que sur le fameux
épisode des gestes de Silvestre ^ Il peut sembler surpre- —
nant de lui voir citer Libanius et saint Basile. Mais l'auteur de
Cassien de lodi faisait de même, et l'on va constater des faits
analogues à la même époque et dans le même pays.

1 L. P., 1, 170. « Hic exilio fuit ia monte Siracten,... cuius (Gonstantiai)


persecutionem primo fugiens exilio fuisse cognoscitur. »
2 12 avril, P. L., 123, 153-154, —
Noter que Donat d'Arezzo va aussi se
faire sacrer à Rome
par le pape Jules; Donat a peut-être été retouché au dé-
but du vii^ siècle [cf. supra, p. 169].
3 Cf. Mgr Duchesne, L. P., i, p. cix. Peut-être aussi y a-t-il à l'origine de
l'épisode le souvenir d'un culte païen aaimal.
AMBROISE DE FERENTINO 251

« Au temps des empereia^s Maximien et Dioctétien, il y avait


un homme très chrétien, Ambroise, de famille noble, origi-
naire de Ligurie, Revenant d'Espagne, le prœses Dacianus le
fit entrer parmi ses soldais et le nomma centurion : il con-
naissait son courage et sa force. Après avoir rendu compte des
affaires dont il avait été chargé et reçu de toute la curie des
remerciements et des présents, il fut envoyé en Campante pour
détruire les chrétiens et pour s'occuper de diverses autres
affaires. Il siégeait dans son consistorium^ à Ferento (in Fe-
rentinae civitatis consistorio), lorsque des païens lui dénon-
cèrent Ambroise comme chrétien. Il le fait venir: « Je t'ai
donné, dit-il, mon amitié de grands honneurs ; et tu rejettes
,

nos dieux pour adorer un Crucifié ! » u Oui, j'adore le —


Christ. » £ty comme il reste fidèle dans sa foi^ Dacia7ius lui
fait ôter son ceinturon (balteum), sa chlamyde, son uniforme,
son collier d'or : on l'enchaîne, on l'enferme^ sans painni eau.
Mais les anges le nourrissaient et le consolaient. Un mois
après, quand Dacianus le fait chercher, il n'est pas mort :
* Aie égard à ta jeunesse, sacrifie aux dieux!)) — u Satan

a endurci ton cœur. Je ne sacrifie qu'à Dieu tout-puissant


qui règne dans les deux ! » Quand on le bat, il prie Dieu, il
s'offre en sacrifice à lui ; le peuple accourt pour le regarder,
et Dacianus, mécontent, le fait reconduire en prison. Quelques

jours après, nouvel interrogatoire, nouvelles tortures : Am-


broise est plongé dans la poix et la résine bouillantes, et il ne
cesse de défier son bourreau : il ne sent rien. Le lendemain,
Dacianus va à V amphithéâtre qui est contigu à la porte San^
quinaire, et il se fait présenter le martyr du Christ ; mais,
à la prière de celui-ci, après qu'il a levé au ciel les yeux

* R. H. L., 375 \Cat. Paris, m, 546]. [Le texte vient du Codex Parisinus
3278, du xive siècle, f» 142]. — Sur la curie, cf. Diehl :p. 93, sq.
252 TRADITIONS DE CAMPANIK

et les mains, les idoles tombent en poussière^ et


lui-même
brise le Mercure que Dacianus lui ordonne d^adorer. « Je
vengerai les injures de mes dieux », dit le Ujran, FA il
fait jeter le saint de Dieu, ligotté, dans une chaudière ar-
dente. Mais les Ferentinates qui viennent voir, le lendemain
matin, trouvent intact le martyr. A la fin, on le jette, un
rocher au cou, dans le fleuve Alabre ; et voici que lange du
Seigneur le délie et le sauve : miracle qui convertit quatorze
nobles de la cité [de nobilibus]. Dacianus quitte alors Feren-
tum et fait dresser son tribunal au lieu quon appelle Vicus :
comme Ambroise et les quatorze nouveaux baptisés persistent
dans la foi, il prononce la sentence : Le centurion Ambroise
c<

qui méprise les édits de F empereur romain et prêche le Christ


que les Juifs ont crucifié, sera décapité avec ses i4 compa-
gnons. » Ce qui fut exécuté par les bourreaux le il des ka-
lendes de septembre.

Voici un texte embarrassant. Le centurion Ambroise est in-


connu duférial hiéron3^mienetdu calendrier populaire, d'Adon,
d'Usuard et de Notker. Chose plus fâcheuse encore, il offre
peu de points de contact très nets avec les gestes que nous
connaissons.
Le saint jeté au fleuve et délivré par un ange, c'est un trait
qu'on retrouve dans Valentin-Hilaire le saint qui s'offre lui-
;

même à Dieu en sacrifice et qui fracasse les idoles, voilà peut-


être un souvenir de Sabinus ; et c'est peut-être de Secundia-
nus que vient cette idole s'effondrant d'elle-même. La porte
Sanguinaire me rappelle ce pont et ce ruisseau Sanguinaires
qui apparaissent dans Pontien et dans Grégoire de Spolète.
J'imagine enfin —
c'est ce qu'il y a de plus clair que la —
mention de Dacianus et de l'Espagne indiquent des connais-
sances et des préoccupations analogues à celle que trahissent
la fin de Torpes, Vincent de Bevagna, etc. par analogie avec :

Torpes, je daterais Ambroise des environs de l'an 600.


Ce dernier trait nous invite à penser que le rédacteur in-
connu connaissait la littérature mart3^rologique ce qui m'en- :

courage à proposer l'hypothèse suivante. Ambroise le centu-


rion a peut-être été modelé sur Marcellus de Tanger ^. Ici et

1 B. H. L., 5253 |Ruinart (1859), 343]. Tillemont, iv, 575 et 768. Cf.
Allard, iv, 132, sq.
MARCELLUS ET APULEIUS 253

là, le martyr juge sièij^e i?i consis-


est centurion *
; ici et là, le

torio ici et là, le saint ôte son ceinturon [halllieum]


"^
;
^ ici et ;

là, on rapporte le texte de la sentence*. Le calendrier popu-

laire cite, à la date du 30 octobre, Marcellus de Tanger, cen-


turion et martyr ^ J'ajoute que, à cette même date, dans ce
même pays %ona une preuve certaine de l'inQuence qu'exercent
surles rédacteurs de nos légendes les actesdu martyr deTanger.
Je vise la légende de Marcellus et Apuleius.

VI

ie Au temps de Julien Auguste, il y avait à Rome [in Urbe]


fii-
un centurion ordinaire [centurio ordinarius], nommé Mar-
cellus : il était grâce de Dieu qui veut
riche et libéral. La
sauver tous les hommes... fit quil se soumit à la religion
chrétienne il secourait les pauvres et les indigents. Comme il
;

se rendait en Apulie, et passait par Capone^ il fut arrêté par


le praeses Dragontius sur l'ordre de César. Il refuse de sacri-

fier il est emprisonné et quand, Dragontius mort, son suc-


, y

cesseur Fortunatus veut le séduire, il résiste avec fermeté. Le


préfet de la milice [praelectus militiae] auquel on renvoie,
Agricolanus, nest pas plus heureux : Marcel résiste aux me-
naces et aux promesses. Lorsqu'il est condamné à m,ort il de-

* <t Marcellus quidam ex centurionibus legionis trajanse... » ["§ IJ. [Même


époque aussi].
^ <Resideas in coasistorio preecepit iutroduci Marcellum... » [§ 2j.
^ «Quid tibi visum est ut... te disciogeres et baltheum et vitem proji-
ceres... » [§ 2. —
Cf. Mariuus, dans Eusèbe. H. E., vu, 15J. Noter que vitis
manque dans Ambroise.
* a Ita dictauit senteatiam Marcellum qui centuno ordinarius milltabat,
:

qui abjecto publioe sacramento poliuisse se dixit... gladio animadverti placet »


[§ 5].
5 « III Kal. aug., Tingitanse, Marcelli centurionis et martyris. » P. L,, 123,
173-174.
^ Le Fereotum dont il est ici question est, j'imagiue, le Fereutum le plus
proche de la Campanie, Ferentino près Veroli et Alatri. Il est vraisem- —
blable qu'Ambroise en était le patron.
'
13. 11. L., 5251
[7 octobre 828j.
254 TRADITIONS DE CAMPANIE

Dinnde un (Ulai pour prier il se prosterne si terre, remercie


;

In Seigneur^ et se relève en lui dlsmit : u Seigneur, je remets

mon esprit entre vos mains » ; le speculator l'exécute. Mais,


comme Apuleius^ l'esclave [faniulus| de celui-ci^ se déclare
chrétien à son tour, il est exécuté immédiatemetit. Ces deux
martyrs ont souffert sous Julien César, les nones d'octobre,
tandis que règne Notre Seigneur Jésus- Christ, à qui honneur
et gloire dans les siècles des siècles.

Le culte de Marcellus et Apuleius est attesté, à Rome, au


cours et peut-être au début du vii^ siècle. C'est de ce temps,
j'imagine, que date aussi la légende.
Le sacramentaire Gélasien nomme nos deux martyrs
*
:

Sanctorum tuorum nos, Domine, Marcelli et Apulei beata


mérita prosequantur ! ... Sacramentis, Domine, muniamur ac-
ceptis et sanctuorum tuorum Marcelli et Apulei... armis cœ-
lestibus protegamur
Le calendrier populaire porte :

Nonœ [octobres^, Marcelli et Apuleii qui primo adhœserunt


Simoni mago, deinde apostolo Petro : sub Aureliano consulari
viro martgrio coronati ^

Bien que légende de Marcellus et Apuleius que suppose


la
ce texte diffère de celle qu'on a résumée, il est certain qu'il
s'agit ici et là des mêmes personnages le couple de noms est,
:

ici et là, identique, aussi bien que la date de l'anniversaire.

Notre texte a conservé deux traits qui se lisent dans les


gestes du vu® siècle, et qui semblent indiquer la date où il
fut écrit « reçois mon esprit », dit le martyr à Dieu avant
:

de recevoir la mort et, lorsqu'il est arrivé au lieu du supplice^


;

il demande un délai pour prier. Ces deux détails se retrouvent

le premier dans Victorinus, Eutychius, Pergeniinus Laurenti-


nus, etc.. le second dans Torpes, Eutychius, Pergentinus
Laurcntinus, Valentin Hilaire., etc.
Notre texte, d'autre part, s'inspire certainement des actes de
Marcel de Tanger. Voici les points de contact que j'ai notés :

1. Ici et là le martyr est un centurio ordinarius ^; 2. Ici et là,

deux des juges portent le même nom, Fortunatus et Agrico-

2 Ed. Wilson, p. 202, lxi, non. octobres, [éd. Muratori, i, 671].


i P. L., 123, 171-172.
2 Agricolanus dixit centurio ordinarius railitabas ? »
(c : [§ 4].
MARCELLUS DR CAPOUE 253

laiius '
; comparaît tour à tour devant deux
3. Ici et là, le saint
tribunaux 4. Ici et là, un païen qui assiste le persécuteur
;

se convertit à la vue du martyr et est exécuté après lui Apu- :

leius est calqué sur Cassianus.


Il donc très vraisemblable que Marcelliis Apuleius et
est
Ambroise de Ferento ont été rédigés dans un même milieu,
d'après les actes de Marcel de Tanger, au début du vu" siècle.
C'est dans le même pays, en Campanie, qu'Ambroise et Mar-
cel étaient vénérés. On l'a dit pour Ambroise. Quant à Mar-
cellus et Apuleius, il est vrai que nos textes ignorent Capoue
et mentionnent Home. Mais leur culte est attesté à Capoue et :

c'est de Capoue que vient la légende *. Dans l'église de


Saint-Priscus, près Capoue, détruite en 1776 et qui datait
peut-être du temps de Gélase ', il y avait une mosaïque absi-
(J;do 011 l'on voyait un Marcellus rapproché d'un Agostinus.

Le férial hiéronymien, enfin, donne * :

E nonas oc. in capua marcelli quarti Marcellini.


:

B JN CAPUA CAmpafi Quarti Marcellini.


:

Il est clair qu'il y avait à Capoue un saint Marcellus asso-

cié, peut-être, à un autre martyr [Agostinus, Quartus ou


Apuleius], et qui était fêté le jour des nones d'octobre c'est :

ce saint Alarcellus qui est le héros de notre légende.

On moins bien, réserve faite de ce qui a été dit plus


voit
haut touchant le milieu où elle fut rédigée, quelle en fut la
genèse.
Le texte qui a été analysé, A, place les martyrs au temps
de Julien; le texte du calendrier populaire, B, les rattache à

^ « Anaatafiius Fortunatus praeses ei dixit.... Ipse sanus transmitteris ad do-


mioum meum Aurelium Agricolanum » [§ 2J...
- Ruinart (1859j, 345. c Cum bealissimus Cassianus Aureliano Agriculano
asenti vices praefeclorum praetorio militari exjeptor... ejusdem parebat offi-
cio..., cum sententias exciperet..., ubi... capitalem viîlit ferire seateotiam,
exsecrationem sui clara voce coutestaos, graphium et codicem projecit ia
terra... Respoudit beatissimus Cassianus ; iniquam euui dictasse senten-
tiam. I
2 Les deux textes imprimés qui les célèbrent sont tirés, l'un du Breviarium
Capuanum de 1489 [B. H. L-, 5252], l'autre du Sancluarium Capanum de Mo-
nnchus [1630, p. 137], [B. H. L., 5251].
^ De Rossi, Bullett., 1884, 106. et Garucci : iv, 254.
" Rosai-Ducbeene,
p. 130.
.

2rîG TRADITIONS DE CAMPANIE

saint Pierre, et donc


mourir sous iWjron
les fait un Iroisièmo '
;

texte, que j'appelle C, en fait des contemporains du (Christ.


Les vertus de Marcellus /ont son prestige dans la cité. IL
donne à Pévêque Archelaûs tout l'argent qui est nécessaire pour
racheter les captifs faits prisonniers par les 700 soldats qui
gardent le camp ; et son désintéressement convertit beaucoup
de ceuX'ci. A la fin^ il renonce au service, et il est décapité
avec son esclave Apuleius, sous Aurélien consularis. On l'en-
sevelit non loin de Rome, le jour des noues d'octobre ^
La version B, d'où dérivent Adon et le calendrier populaire,
suppose, évidemment, que Marcellus de Capoue a été con-
fondu avec le Marcellus des gestes de Nérée-Achillée^ ; de ces
mêmes gestes vient pareillement l'Aurelianus vir consularis
L'homonymie des deux Marcellus, le silence de Nérée sur
la finde Marcellus, le disciple de saint Pierre, ces deux faits
auront introduit la légende de Capoue dans la tradition
romaine. Apuleius aura suivi son compagnon. C'est peut-
être au début du vu®, ou à la fin du vi®, que cette confusion
se sera opérée. Il n'est pas sûr que, antérieurement à cette
date, Marcellus de Capoue ait eu sa légende et c'est à cette ;

date, précisément, que la confusion est attestée par le calen-


drier populaire.
La
version C, que caractérise la mention de l'évêque Ar-
chelaûs, connaît Aurelianus consularis elle est donc posté- :

rieure à celle dont on vient de de cet


parler. Mais le nom
éveque Archelaûs est remarquable. Hegemonios opposa, dans
un texte fameux ^ l'hérésiarque Manès à l'évêque de Cascara,
Archelaiis ; Archelaiis, d'après le récit d'Hegemonios, a pour
ami un pieux chrétien, nommé Marcel ; dans sa maison
c'est
qu'Archelaiis discute avec Manès ; enfin ce pieux Marcel met
à même l'évêque Archelaiis de délivrer 7700 captifs : la gar-

De même Adon, 7 octobre, P. £,., 123, 376. « Eodem die, S8., mm. Mar-
1

celli etApuleii qui quidem primo adhaeserunt Simoni Mago sed videntes ;

mirabilia quee Dominus operabatur per... Petrum, relicto Simone, doctrinae


apostolicae se tradiderunt... Aureliano consulari,... martyrii coronam reporta-
runt. Sepulti non longe ab urbe Roma. »
B. H. L., 5252 [7 octobre, 829, § 13].
2 G. M. R., I, 251.
3 Acta Archelai^ Sitzungsber. d. k. bayer. Akad. d, Wissenschaf-
Traube :

ten. 1903. 533 HarnacK Chronologie d. altch. Liiterat, ii, 193, 548 C. H.
; : ;

Beeson Hegemonius. Acta Archelai. Leipzig. 1906. Traube a découvert le texte


:

grec en avril 1902. La traduction latine semble dater des environs de 400 et
provenir de Rome. Cf., aiissi P. G., 10, 1429. —
Tillemont, iv, 387-399.
HEGEMONIOS 257
nison romaine a cru voir une agression dans un pèlerinage
des
habitants de Cascara demandant à Dieu le succès
de leurs
moissons, elle a massacr(5 les uns et emprisonné les
autres.
Si j'ajoute que le texte
d'IIegemonios, dès l'antiquité, était
traduit en latin, on admettra que la légende
de Marcellus-
xVpuleius est calquée sur l'ingénieux écrit
d'Hegemonios.
Cela est certain autant qu'inattendu voici qui est moins:

curieux et plus obscur. Archelaiis est dit, dans la


traduction
latme d'Hegemonios, episcopiis Mesopotamige
voici que les
; et
gestes de Sergius et Bacchus, qui font souffrir
et mourir ces
saints sur les bords de l'Euphrate [castelliim
Terrapijrgum,
Rhuzafatam], associent à Sergius et Bacchus, Marcellus
et
Apuleius. Et je note, dans la version latine de
Sergius Bac-
chus, certains traits qui rappellent fort
Marcellus -Apuleius
et Ambroise le ici et là, même emploi du mot
centurion :
fa-
mulus, mêmecérémonie de dégradation militaire \ même
renvoi des martyrs à un second tribunal,
même reproduction
du texte de la sentence. —
Faut-il admettre (\\xq Sergius
Bacchus, dans sa forme primitive, associait réellement
unMar-
cellus et un Apuleius à Sergius et
à Bacchus? Faut-il admettre,
au contraire, que Sergius Bacchus, dans
sa teneur primitive.
Ignorait Marcellus et Apuleius, et que ces deux saints ont été
mtroduits dans la légende orientale au temps
où celle-ci était
mise en latin, alors que s'épanouissait le
culte de xMarcellus et
d Apuleius? —
Ce qui serait une raison de dater la version la-
tine de Sergius Bacchus du
début du vii^ siècle.
Je penche pour la seconde hypothèse
Marcellus et Apuleius
:

disparaissent aussitôt qu'introduits s^ils appartenaient aux


;

couches plus anciennes de la légende, aurait-on négligé de


les
les associer complètement
à Sergius et à Bacchus et de les faire
périr avec eux?
^'^y^^^màQ Marcellus Apuleius et à' Ambroise le centurion
connaissait 5er^m^^â!ccAw5 et la conférence
fictive d'Arche-
laus avec Mânes, aussi
bien que les actes de Marcel de Tan-
ger; il vivait dans le même milieu que les rédacteurs des
gestes de Tuscie et d'Omhrie. Il a lui-même, selon toutes les
vraisemblances, traduit Sergius Bacchus et introduit Mar-
cellus et Apuleius dans ce texte.

chlamydibus et militieE uestibus et torques aiireas... \Sernius


nLlhfT""^

III
,,
CHAPITRE XI

TRADITIONS DE VALÉRIE ET DU PICENUM


LES SAINTES ANATOLIE ET VICTOIRE, LES SAINTS SÉVÈRE,
VICTORIN ET SÉVERIN

nous faut maintenant, pour achever notre tour


Il
circulaire
autour de Rome, faire une excursion en
Valérie et dans le Pi-
cenum.

// arriva qu^ Aurelianus , homme


demanda en ma-
illustre,
riage, par r intermédiaire de matrones^ une vierge consacrée
à Dieu, Anatholie. Celle-ci sollicite un délais afin de pouvoir
distribuer ce quelle a aux pauvres et aux chrétiens puis elle
;
se dit malade, Titus Aurelianus prie alors son ami Euqène

* B. H. L., 859i;et 417-420. — C'est ce texte que reproduit, en le dévelop-


pant parfois, le Codex Augiensis ; le Codex Palatinus s'arrête avant d'en arri-
ver là.
200 TRADITIONS DE VALERIE ET Di: PICENUM

(Tintervenir : qiiil envoie sa /lancée Victoire intercéder auprès


Victoire montre, en effets à Analholie que Dieu
(V Anatholie.
ne condamne pas le mariage', mais Anatkolie lui raconte
r angélique vision quelle a eue, et que, selon Vanfje, la virgl-
nité remporte sur le mariage. Victoire se laisse convaincre ;
elle prie Anatholie de faire revenir langCy et celui-ci reparait
et réitère ses déclarations : « La virginité, la chasteté, le ma-
riage ont chacun sa dignité ; mais la virginité est d'or, la
chasteté d'argent, le mariage d'airain ». Victoire se consacre
à son tour à Dieu. — Eugène, furieux, querelle Aurélien il
:

a tout perdu. Mais, sur le conseil de celui-ci, avec la per-


mission de DècCy il part avec Anatholie et la conduit ad lerri-
torium Torense, tandis que Aurélien conduit Victoire ad Tri-
bulanuni territorium. Ils comptent venir à bout des deux
viergespar la famine et la violence. Or, il g avait in civitate
Tribulana un dragon très mauvais ; Domicianus, dominus
civitatis,supplie Victoire de tuer le monstre, et aussitôt il se
convertira avec tous les habitants. Assistée par lange, Victoire
va à la caverne et chasse le dragon au nom de Notre Seigneur
Jésus-Christ ; et le peuple veut l'adorer comme une déesse.
Elle se contente de faire construire un oratoire et d'g grouper
une soixantaine de vierges, âgées d'au moins neuf ans elle :

les instruit dans les hgmnes, les psaumes et les cantiques. Et


Eugène nose rien faire savoir, crainte de voir confisquer par
le fisc les biens de Victoire qiCil a occupés. Mais, la troi-
sième année *, le cornes templorum Jaliarque tue la vierge
sainte qui n'a pas voulu adorer Diane, Le peuple fuit et pleure
sept jours les prêtres du Christ ensevelissent le corps dans
;

un sarcophage, à V endroit d'où elle avait chassé le dragon,


ou, abondent les prières de la martgre pour le salut de tous,
dans tous les siècles des siècles. Amen. Les vierges {de Victoire^
persistent dans la virginité, tandis que le comte Taliarque
devient lépreux dans les six jours et meurt rongé par les vers.
Sainte Victoire a souffert le 10 des kalendes de janvier, avec
les louanges du Christ à qui honneur et gloire, louange et
domination dans les siècles des siècles. Amen.

1 Le texte de Namur [Analecta, ir, 159, § 8], dit qu'il appela ud pontificem
Capitolii nomine JuUanum et misit ad eum... Taliarcum. — Je me demande
si le texte n'est pas ici altéré; si Juliaaus n'a pas joué le rôle de déooDcia-
teur.

I
.

ANATOLIE ET VICTOIRE 261

Anatolie etVictoire sont deux saintes vénérées en Sabine,


que le fériai liiéronymien nous fait connaître, au VI des ides
de juillet *
:

Ë : safini anatholiêe victoriœ


B: IN SAUINIS, anatoliss uictorii,
W
In sauinis anatholiœ ulcturide.
:

Cette localisation des saintes rend assez bien compte de la


topographie légendaire le territorlum Torense est sans doute :

Tiora, au diocèse de Rieti le territorium Tribulanum est cer~ ;

tainement Trebula Mutuesca ^. Nous avons, enfin, un récit ^


suivant lequel les corps auraient été portés à Subiaco, au
Sagro Speco de Saint Benoit, puis découverts au temps de
Benoît VIÏ (974-983) et de l'évêque de Rieti, Anastase. Tous
ces documents convergent la racine de la légende est certai- :

nement un culte sabin.


Mais il retracer la genèse. Dans la ba-
est plus délicat d'en
silique de Sant, Apollinare Nuovo, à Ravenne, Anatolie et
Victoire sont représentées côte à côte, à gauche comme ces :

mosaïques datent du vi® siècle ^, c'est un indice que nos saintes


étaient dès lors l'objet d'une considération particulière.
A la fin du vii^ siècle, saint Aldhelme ^
raconte leur his-
toire dans son double Eloge de la Virginité : on la lisait à
l'église le jour de leur lète. Il fait d'elles deux sœurs, dans le
poème, non dans l'ouvrage en prose. Victoire, recherchée par
Eugène, chasse un dragon malfaisant, du territorium trihnla-
nurn ; Anatolie, la fiancée d'Aurelius, guérit un démoniaqueje
fils du consul, et délivre un Marse des enlacements d'un ser-

pent qu'il poussait à la piquer. Toutes deux sont égorgées.

> P. 89, 10 juillet. — Cette date eet celle que donne F [9 juillet, 673, § 12].
Cf. infra.
2 Jung., p. 485. — C. I. L., ix, p. 463. —
H y a aujonrd'tiui de ce côté un
village qui s'appelle S. Auatolia [G. 1. L., ix, 433], —
Noter que Concordius
mentionne la civitas Tribulus.
3 B. H. L., 417 et 421 9 juillet 677 et 681.
:

* On sait que le texte d'Aguellus est assez équivoque, — Cf. Bayet : Re-
cherches... p. 98, n. 1.
* De laude virg., 45 [P. L., 89, 279, B-280] et De laudibus virginitatis, 52

[P. L., 89, 151, C-1521. —


L'édition reproduite par Migue [P. L., 89, 280, D],
contient une faute de texte évidente. A deux reprises elle donne morsum au
lieu de Marsum c'est Marsum qu'exige le seos et la comparaison de ce pas-
:

sage avec le passage parallèle du De laudibus [P. L., 89, 152, Dj. De même —
les LXK virgunculse [P. L., 89, 152, C], doivent être lues, sans doute, LX :

cf. decies senas [P. L., 89, 280, B], — Cf. Eliwald : Aldhelma Gedicht de Vir-
ginitate [Gotna, 1904, progr.].
262 TUAUITIONS Dli VALÉUJE ET DU l'ICENUM

A la lin du ix", Adon et Flodoard racontent également la


légende, mais en la modifiant davantage. Adon \H\ rattache '

les saintesau Picenum, lait torturer Anatolia par un certain


Faustinianus et assure qu'elle convertit un Marse nommé
Audax c'était un charmeur de serpents qui devait la faire
:

piquer par ses bêtes et qui avait été piqué par elles. En re-
vanche, il retranche de l'histoire de Victoire l'épisode de
Domitianus et du dragon. —
Et Flodoard [C], comme il ar- "^

rive d'ordinaire, suit Adon.


Nous avons enfin,indépendamment du texte qui a été ana-
lysé [D], deux autres versions anonymes. La première [EJ ^

est assez longue curieusement les polémiques re-


: elle reflète
latives à la fuite *, elle joue sur le nom de Victoire ^ elle sup-
prime l'épisode du dragon, conserve l'épisode du Marse Audax,
et reproduit l'histoire d'Anianus, tils de Diodore consularis :

Anatolie chasse le démon qui le tourmentait. J'ajoute encore


que cette version fait baptême par le sang ^ et pré-
allusion au
sente Anatolie et Victoire comme deux sœurs de lait, collac-
taneœ.
La seconde version [F] est très courte elle raconte seule- '^
:

ment l'histoire d'Anatholie, du fils de Diodore et d'Audax ;

mais elle ajoute ce trait curieux :

Cor]pus vero Audacis Marsi marlyris, quoniam de Oriente


fueraty uxor et filii tulerunt et navigaverunt : ferentes sua
omnia et gesta quœ
iUo libello scripta sunt h. Anatholiœ
in
virginis et in finem Audacis martyris. Amen,
J'imagine que ce dernier texte est la suite et la fin du texte
que nous avons résumé, D celui-ci ne nous disait pas ce que
:

devenait Anatholie, celui-là ne nous souffle mot de Victoire.


Or, il n'y a pas de doute que ces deux saintes ne soient asso-
ciées par la légende —
comme du reste par le férial nos : —
1 p. L., 123, 299-300 et 417-418 [9 juillet et 23 décembre],
a ir, 17. — P.
L., 135, 669-672.
5 « Temporibus Decii Gaesaris erant Romae sacratissimae Virgines Christi... »
[9 juillet, 676 ou 677. B. H. L., 417].
^ a t'amulatum Ctiristo clandestinum exhibebant ;... melius discentes oc-
culte religioni... insistere ;... Doli te ultro morti ingerere:... audierant
uamque a sacerdotibus Christi... cwn perseculi vos fuerint... »
B « De uominia tui vocabulo te exhortor;... diabolum vincas ut proberis
vera Victoria. »
6 « Id sanguine baptizatus *, § 20.
•!
B. H. L., 418, 9 juillet, 672-673, §§ 8-12. « S. autem Anatolia cum esset in
ieiuuiis et oratiouibus aitenuata... »
LE TEXTE d'ALDHELME 263

deux textes sont donc incomplets. Mais ils se complètent ad-


mirablement l'un l'autre. L'un et l'autre sont donc les deux
parties d'un ensemble les passionnaires ont démembré celte
:

légende, comme
démembrent les légendesde Sérapie-Sabine,
ils

de Potentienne-Praxède, etc. Les textes DF forment un


même tout.
La comparaison du texte ainsi reconstitué avec le double
récit d'Adhelmc confirme l'bypothèse c'est ce texte que ;

lisait Aldhelme. Il connaissait un texte écrit, puisqu'il assure


qu'on le lisait in piilpito ecclesiœ. Son récit, d'autre part, est
tout à fait parallèle à celui DF
semble en faire le ré-
de : il

sumé, éliminant les détails accessoires 'et gardant les épisodes


centraux ^. Voici un court passage où Ton saisit aisément son
procédé (il s'agit de la sommation adressée par Victoire au
dragon) :

Texte cf Aldhelme Texte des gestes.

P. L., 89, 152, B. Analecta, il, 159, lignes 22-25, § 7.

« la Domine, inquit, Jesii Christi « In nomine Domini Nostri Jesu


DoQiini Nostri exi hinc, draco ue- Christi, exi ex hoc loco, draco ne-
quissime et da honorem Dec, vade quissime, et da honorer,! Deo vivo
ubi non habitant homines. » et vero et Jesu Ghristo, Filio eius, et
vade ubi non habitant homines nec
pecora, nec ea quee ad hominem per-
tinent, ubi nec arator arat nex vox
hominis personat. »

Il que DF, utilisé par Aldhelme [f 709], a été


suit de là
rédigé au plus tard dans la seconde moitié du vu® siècle envi-
ron. Je remarque, du reste, que le calendrier populaire con-
naît la légende or, il a été composé au temps des Boniface
=^
;

[()08-615], et corrigé jusqu'au temps de Serge [701]; c'est


encore au vii^ siècle que nous sommes ramenés *.

1 La vision de l'ange; l'intervention de Victoire auprès d'Anatolie le nom ;

du pontifex Capitolii, le rôle du cornes templorum, le nom du père du pos-


sédé guéri par Anatolie.
^ Exil de deux vierges qui ne veulent pas se marier; avidité de leurs pré-
tendants Victoire chasse le dragon, Anatolie sauve le hls du consul et le
;

marie; oratoire dans l'antre de la bête où Victoire réunit des vierges.


3 9 juillet. « In civitate Tyriae (Thoree), Analoli* et Audacis 23 décembre, ;

Victoriae martyris » P. L., 123, 163-164. 177-178.


* Oui sait 81 le pape Eugène I [654-657] n'a pas un rôle dans la genèse de
la légende? C'est le successeur de Martin I, c'est l'homme du parti byzantin :

il devait avoir de nombreux ennemis. L'un d'eux n'a-t-il pas voulu lui jouer

un vilain tour en montrant un de sea ancêtres, le prétendant d'Anatolie,


2()4 TUADITIONS DE VALKUIE LT JjU l'ICKNUM

Mais quel est le rapport de l> et de K à 1) F? Eet B ignorent


l'épisode du dragon; j'y noie, d'autre part, certains traits qui
rappellent les gestes de l'époque ostrogothique : insistance tou-
chant la spontanéité du martyre fuite baptême
et la licéité de la ;

par le sang. B dérive sans doute de E. DF présente aussi —


des particularités qui semblent dénoncer le même temps l'his- :

toire du dragon ne serait-elle pas une réplique d'un passage


fameux des gestes de Silvestre? le souci de marquer l'authen-
ticité des gestes fait songer au décret pseudo-damasien. —
Enfin dans DF et dans E je relève ces mensonges commis par
Analolie afin d'éluder le mariage et de distribuer ses biens
aux pauvres ; et surtout cet éloge de la virginité et cette
horreur du mariage qui rappellent Nérée-Achillée^ Cécile,
Calocère-Parthenius ^, et la trahison des sponsi qui rappelle
Ru fine-Seconde et le vol des terres des vierges qui se re-
trouve dans Agathe^ et l'intervention de Victoire qui rappelle
l'intervention de Darie, et le monastère de vierges qui fait
souvenir de Sophie^ ou à' Anastasie romaine.
On peut donc penser que E et D F sont des versions rema-
niées et divergentes d'un texte de l'époque ostrogothique, ou
plutôt de deux textes de cette époque différant eux-mêmes
entre eux [l'un donnant, l'autre négligeant l'épisode du dra-
gon]. :f
Mais il est également possible que les traitsqu'on a relevés"
s'expliquent par influence littéraire ;
que l'auteur de E, aussi
bien que l'auteur de DF, ait lu les gestes romains. La ques-
tion reparait :rapport de E à DF ?
quel est le
11 est possible que E soit aussi antérieur à Aidhelme ici et ;

là, je relève, dans les mêmes passages, l'emploi du verbe sa-

tagere et c'est peut-être dans E, où Anatolie et Victoire sont


;

collactane-e, que Aidhelme a pris l'idée de les présenter comme


sœurs, lorsqu'il écrivait son poème. Aidhelme aurait pris con-
naissance de E, après avoir écrit en prose le de laudibus, avant
d'avoir écrit en vers le de laude ; et il l'aurait utilisé dans

soQs un jour fâcheux. Cf. la singulière histoire que content, sur un pape
Eugène, les gestes des XII Syriens, supra, p. 66-67, 76. Bien que les noms
d'Eugène et d*Anatolie soient antérieurs au vue siècle, ils semblent jouir de
la vogue à ce moment. —
La mention du bouclier de Miuerve, avec la tête
de la Gorgone, vient sans doute û'Euplus C. Le Marse, quelque peu magi-
cien, inspiré de même par des souvenirs d'auteurs classiques, se retrouve
ailleurs.
1 On sait que l'héroïne de Galocère se nomme Anatolie. Cf. G. M. R. I, 185.
SKVÈRE DE VALÉRIE 265

celui-ci. K serait donc à peu près contemporain de DF et la ;

divergence des deux versions serait une preuve qu'elles datent


du temps où la légende était en pleine floraison, oii elle s'in-
fléchissait diversement au gré des imaginations pieuses.
Il est donc possible que E et DF soient des versions rema-

niées de deux textes datant de Tépoque ostrogothique ; il est


possible que ce soit deux textes rédigés pour la première fois
au vir siècle. Je ne vois aucun fait qui exclue avec quasi cer-
titude l'une ou l'autre de ces hypothèses. Mais j^'incline vers
la seconde la légende a la physionomie d'un centon
: puis, ;

l'épisode du dragon et le jeu de mot sur le nom de Victoire


font souvenir de Resiituta^ tandis que le rôle de Diane rap-
pelle Torpès,

11

^j® Au temps
de Maximien, la persécution sévissait contre les
chrétiens. Dans une de ces vallées que le parler populaire
appelle Interocrina, un chrétien pieux, de famille préfecto-
rale [de génère prsefectorum], originaire de Ravenne^ et qui
y avait été élevé, Severus, faisait d' abondantes aumônes ; il
était, du dans les lettres divines que lui
reste^ très instruit
avait enseignées à S. Vitalis de Ravenne son maître Corné-
lius : tout jeune, il avait la sagesse d'un vieillard. Après
avoir guéri un certain Euticius, qui depuis quatre ans était
aveugle, Sévère alla à Rome, en pèlerinage, pour prier: re-
venu [au pags), il fut ordonné prêtre à V église Sainte-Marie
d'Interocrina, et ses vertus le rendirent célèbre. Un jour
quun père de famille, sur le point de mourir, lavait envogé
chercher, il arriva trop tard : travaillant à sa vigne, il avait
voulu finir ce quil avait commencé ; mais, par là vertu de ses

• B. H. L., 76S5 [Analecta, xi, 241-42, d'après le Codex Ambrosianus, B. 40,


inf ,
fo 80"", du xii8 siècle. Cf. 15 février, 827, §1 —
et 2. Muratori : lîer .

/ta/. Ss., 1, 2, 563].


266 TRADITIONS DK VALÉRIE liT DU PICENUM

prirres^ le saint homme ressuscita le mort. Et le ressuscité


raconte comment les diables C emmenaient en le brûlant, lors-
qu'un ange les arrêta, disant: « 1 1 amenez-le ; te prêtre Sévère
le pleure amèrement. » Il fit pénitence et mourut joyeusement ^

sept jours après, battes attention^ mes frères très aimès^ je


vous en prie, à ce témoignage. —
Lorsqu'il apprit ce qui
s'était passéy Maximien fit arrêter Sévère, sans jugem,ent,
et,

le fit décapiter dans la vallée. Deux anges^ sous la forme de


deux colombes, vinrent chercher son âme, et, après avoir fait

sur son corps la figure de la croiXf ils la portèrent au ciel. Le


corps fut enterré à côté de la très forte place d*Orvieto, et là
Notre Seigneur Jésus-Christ accomplit beaucoup de prodiges
jusquà ce jour pour l'amour de lui. Il a souffert le jour des
kalendes de février, tandis que règne Notre Seigneur Jésus-
Christ à qui honneur et gloire avec le Père et l' Esprit-Saint
dans r infini des siècles et des siècles. Amen,

laterocreum ( Androdoco) est situé sur le territoire de Rieti '


:

c'est la station de la voie Salaria où s'embranche la route d'A-


miterne et d'Aternum.
Le signe de croix que les colombes font sur le corps du saint
rappelle un trait tout à fait analogue ^ qui se rencontre dans
les gestes de Lucie et Geminien.
Le récit du ressuscité nous fait souvenir à' Alexandre de
Baccano et des textes que j'ai cités à ce proposa Voici le pas-
sage parallèle de Sévère :
Multi erant valde homines qui me per loca tenebrosa duce-
bant, ex quorum, ore ac manibus ignis valde exibat quem to-
1er are nullo modo poteram. Cumque per obscur a loca diutius
ducerent, subito pulchr se visionis juvenis cum aliis sodalibus
suis juvenibus nobis euntibus obviavit qui me irahentibus
dixit : reducite illum quia Severus presbyter amarissime eum
plangit. Suis enim lacrymis et intercessionibus suis Dominus
ei vitam reddidit.

1 Jung., 485.
2 Comparer Lucie Geminien et Sévère. Lucie Geminien raconte « et dum :

inde sancta lucia concite pertrausisset, ecce columba alba ut nix descendens
de cœlo super caput geminiani tertio figuram crucis fecit » [Codex Palatinus
846, f*' 1271", i]. Et je lia dans Sévère: « venerunt duo angeli in specie duarum

colnmbarura qui figuram crucis super corpus eius facientes ferebaot animani
illius in cœluui * Mutatori : R. I. S., i, 2, 562-63.
3 Cf. supra, p. 2 et 9.
- UNE PAGE DES DIALOGUES 2()7

Ce qui également sur, c'est que notre légende est le re-


est
maniement d'une page de saint Grégoire. Saint Grégoire ra-
conte, en eiïet, la résurrection d'un chrétien qui avait envoyé
chercher le pieux Sévère, à Interorina, en Valérie Sévère :

était arrivé trop tard. Grégoire ne dit rien du martyre du saint,


ni de ses origines ravennates, ni de la guérison d'Euticius, ni
do l'époque à laquelle il vécut: j'imagine que, sur tous ces
points, le rédacteur du vii^ siècle a tiré de son crû ce qu'il a
ajouté à Grégoire.
Voici le passage :

In eo etiarn loco Interorina vallis dicitur quœ a rmiliis


nerho rustico Interocrina nominatiir in qua erat quidam vir
,

vitœ valde admirabilis, nomine Severus, ecclesiœ h. Marise


Dei genitricis seniper uirginis sacerdos. Hune euni quidam
paterfamilias ad extremum uenisset diem, missis concile
nuntiis, rogauit ut ad se quantocius ueniret suisque orationi^
bus pro peccatis eius intercederet, ut, acta de m^alissuis pœni-
tentia, solutus culpa excorpore exiret. Qui uidelicet sacerdos
inopinate contigit ut at putandam vineam esset occupatus at-
que ad se uenientibus diceret antecedite, ecce ego uos subse-
:

quor ., Paululum moram fecit ut opus, quod minimum resta-


,

bat, expleret... Eunti uero in itinere occurrentes hi qui prius


veneraiit, obviam facti sunt dicentes : Pater quare lardasti ?..,
iam defunctus est. Quo audito ille contremuit magnisque
uocibus se interfectorem illius clamare cœpit... Cumqiie
uehementer fieret,... repente is qui defunctus fuerat ani-
mam recepit,... [et)... ait : Tetri ualde erant homines qui me
ducebant ex quorum ore et naribus ignis exibat quem tolerare
non poteram. Cumque per obscura loca me ducerent, subito
pulchrx uisionis juvenis cum aliis nobis euntibus obviam fac-
tus est qui me trahentibus dixit : Reducite illum quia Severus
presbyter plangit: eius enim lacrymis Dominus donauit ... ^

Notre auteur est un prédicateur qui veut émouvoir lésâmes,


les effrayer et les sauver.
Perpendite quseso.^ fratres dilectissimij quis est qui loqui-
tur Acta sunt haec ut fidèles ecclesicC Dei exemplum a
beato Severo accipiant.

1 Dialogi., i, 12. P. L., 11, 2i2-2l3. —


Cf. supra, p. 201, une histoire assez
analogue Innoceutius el Perpétua. (Noter encore que les gestes de Victorin-
:

Séveriu counaissenl un Innocentius). —


Je n'ai rien pu tirer de l'histoire
d'Orvieto qui éclairât la légeude.
208 TRADITIONS DE VALKHIK ET DU l>lCENUxM fl

J'imagine qu'il vers le milieu du vu" siècle. Ainsi


(écrivait
s'explique qu'il utilise Lucie-Gérninicn et Grégoire. Ainsi
semble toute nalu relie l'idée (ju'il eut de rattacher Severus à
Uavenne et à S. Vital de Ravenne.

III

Gestes Jusquici nous avoïis rapporté ce qu'avait dit Jérôme: que


rin 1 le lecteur le remarque. Le reste de V ouvrage est notre œuvre :
que votre charité m'écoute avec bieuveil lance. Tout ce que
nous avons trouvé dans les auteurs exacts (fideli), nous V avons
introduit dans notre histoire, afin de ne pas laisser ignorer
aux hommes des vertus que Dieu na pas ignorées. Et d'abord,
commençons par Victorin, qui était, nous l'avons lu, le frère
de Séverin : sur ce solide fondement nous pourrons parfaire
r édifice.
A la mort de leurs parents, se dirigeant F un Vautre, riva-
lisant de bons offices l'un envers l'autre, ils s'offrirent à Dieu,
{(y était des habitants de la province du Picenum, oii la Po'
tenza — Flusor —
arrose Septempeda), En lisant V Evangile
et les malédictions qu'il lance contre les riches, ils se déta-
chent des liens du donnent aux pauvres leurs richesses,
siècle,
et courent y ainsi allégés, à la suite du Seigneur, disant : Post
te in odorem unguentorum tuorum currimus \Cont. i, 5].
Mais Victorin rêve d'une perfection plus haute, et gagne le
désert, séjour des parfaits : il quitte sa hutte, et, dans la
forêt Prolacem de la montagne voisine (vicini montis), s'ins-
talle au fond d'une grotte qui surplombe un ruisseau et si
étroite qu'un seul homme y peut trouver abri. Il en couvre
Ventrée de feuillage, prie la nuit et s'occupe à ne rien faire
(otiosum agens negotium), se donnant tout à Dieu seul. Van-

1 B, H. L., 7659-64. 8 janvier, 500. « Hue usque nos patris Hieronymi


(îiota —
refereulos... » Cf. Marangoui : Acta S. Victoririi episcopi... [Roaiae

1740J.
VICTORIN ET SÉVERIN 269

tique ennemi du genre humainpril alors la forme (Tune jeune


égarée à travers la forêt; elle implore la pitié de Vic^
fille y
torin : c^quil V arrache, inie nuit seulement^ aux sang liers, aux
ours et aux loups. » Victor in la fait entrer mais le pied de la
;

jeune femme le touche déchaîne en lui les désirs la dou-


et ;

ceur de sa voixy la beauté de son visage, l éclat de son regard


qui égale i éclat des ragons de la lune glissant à travers les
feuilles, la solitude — Victorin oublie Dieu, —
tout pousse le
saint à céder. Il en arrive à V œuvre criminelle... et voici que
le Brigand bondit sur le jeune homme : « Eh ! bien, lui dit-

il^ ô le plus parfait des hommes!... Heste blesse, toi qui


osais rêver de la couronne )>. Et il s'évanouit. —
Peu à peu
la lumière paraît, les astres s'effacent : Victorin fuit sa cellule^
témoin de son crime ; il court l'avouer à son frère et, pour se
punir, se suspend par les mains à un arbre dont il a fendu le
milieu. En vain Vévêque accourt, prévenu par Séverin Vie- :

torin refuse d'être délivré ; il jeime toute la semaine, ne pre-


nant cju!un petit pain et un peu d' eau le dimanche soir. Et
Séverin jeûne en même temps que lui. Au bout de trois ans,
Victorin n'a plus que la peau sur les os ; mais tout le monde
connaît sa pénitence, on va trouver V évêque qui arrive au mo-
nastère et, d'un ton rigoureux, ordonne au pénitent de s'ar-
rêter : « Crois-moi, Victorin nous sommes les héritiers de
;

saint Pierre : ce qui est délié sur la terre est aussi délié au
ciel. Et nous vogons les parois de l'arbre s'écarter le ciel fa
:

pardonné ». Victorin demande une semaine encore de jeûne;


puis, lorsciue l'évêque revient avec le peuple ciui grimpe sur
les arbres et couvre le toit du monastère, et crie dhme même

voix: ((Père, absous celui que Dieu a absous/ », l'évêque


t'engage encore à interrompre ses souffrances ; Victorin
adresse à Dieu une longue prière et lui demande de rompre
ses liens, s^il a vraiment fini d'expier. Alors, bien que le ciel
soit absolument pur, un coup de tonnerre retentit, qui pulvé-
rise les liens du saint pénitent. Il est conduit à l'église bientôt
;

il devient évêque d' Amiterne, et meurt plein de vertus, et entre

dans le chœur des saints, tandis que règne Notre Seigneur


Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.
Quant à Séverin, dont nous avons dit qu'il était le frère, il
partage ses pénitences selon qu'il a été dit : frater fratreni ad-
juvans exaltabitur [Proverb. 18, Î9ei 1G\ et il mérite l'épis-
;

copat de Septempeda. Il mourut le VI des kalendes de mai,


270 TRADITIONS DE VALERIE ET DU PICENUM

futenseveli au lieu où était le monasû're mort, opéraplus de


et,

(juérisons merveilleuses qu'il n'en opérait lorsqu il était vivant.


Je crois même ne pas devoir taire ce que nous avons appris
touchant sa sainteté. On fête sa déposition le jour des ides de
mai et son élévation à Vépiscopat le jour des kalendes de mai.
Or, la veille, un certain Innocentius — qui méritait son
72omy— vit une grande lueur, au milieu de la nuit, dans la
forêt, tandis qu'il gagnait Fabriano : il crut que c était un
incendie. Comme il entend du bruit, il imagine que c'est le\
rector provinciae qui se met en route, de nuit» Et il voit quatreS
personnages marcher devant, portant des torches: d'où la lu'
mière qui éclairait la forêt ; puis venaient deux hommes vêtus
d'une étolcy portant des baguettes ; puis, assis sur un chevalÂ
un autre dont les vêtements et les cheveux étaient plus blancs\
que la neige ; puis un autre, également à cheval, et qui étaitl
tout chauve. Ils étaient suivis d^une foule immense, qui allaitl
à pied. Comme l'un d'eux boitait et restait en arrière, InnoA
centius lui demanda, non sans quelque cutnosité, ce que]
c'était. Les quatre lampadaires étaient quatre évêques : Xgste,^
Marc, Marcel et Jules ; les deux qui portaient des baguettes,
Etienne [protomartyr) et Laurent ; les deux autres, les deux\
Apôtres Pierre et Paul ; le reste, la foule des martyrs et des\
évêques ; on allait à Severino [Zypherinum?) (cura muta-
toriis Pétri * ?) : Séverin avait prié saint Pierre de venir ce\
jour-là pour bénir et visiter le peuple. — Qui pourrait douter
des mérites de Séverin, lorsque les Apôtres lui font un si\
grand honneur ?
Si quelqu'un voulait connaître la vie d^ Innocentius voicil
,

quelques mots à ce sujet. Innocentius court aussitôt à une]


église, est fait catéchumène, est baptisé, devient clerc et'

obtient mêm,e la grâce du sacerdoce (presbyterii benedic-


tionem). Un jour, comme il va au monastère de S. Séverin,
où il a été ordonné, il passe la Potenza grossie par les pluies,
sur une poutre qu'ont jetée les bergers. La petite brebis qui le
suit — c'est tout son bien (census) — l'interpelle : « Pour-\
quoi m! as-tu abandonnée? » —
« Passe, répond Innocentius,

comme j'ai passé moi-même au nom de Notre Seigneur Jèsus-^


Christ. » Et elle passe au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ\
qui vit et règne dans V unité de V Esprit-Saint à travers tousi
les siècles des siècles. Amen.
Vêtements de rechange.
VICTORIN-SÉVERIN ET NÉRÉE 271

IV

L'explication de cette légende, au vu" siècle, par


attestée
le calendrier populaire tient tout entière dans la comparai-
*,

son du texte qu'on vient d'analyser avec deux autres textes de


capitale importance.
Le premier de ces textes est un passage des gestes de Nérée
et Achillée '. Leur amie, Flavie Domitille, est soutenue dans
la foi et maintenue dans l'horreur du mariage, après leur
mort, par Eutyces, Victorinus et Maro, trois amis d'Auspicius
qui les a ensevelis. Aurelianus voulait épouser Domitille : il

sévit donc contre les trois saints ^


Quasi servos per sua prœdia singulos divisit, Eutycen in
sexto decimo ah (Jrbe lia N
ornent ana ; Victorimim vero in
sexagcsimo^ Maronem vero in centesimo trigesimo in eadem
Salaria via : jussitque eos in terram fodere per totum diem,
ad vesperum vero cantabrum manducare. Sed Deus omnipo-
tens dédit eis gratiam in locis peregrinis. Nam Eutyces con-
ductoris loci filiama diabolo liberavit ; Victorinus auteni
vicedominum loci paralyticum per très annos de lecto non
surgentem fecit orando incolumem. Maro vero morbo hydro'
pis laborantem procuratorem civitatis Septempedœ liberavit.
Interea facientes sermonem ad populum docuerunt multos
Christo credere et facti presbyteri populum credenlium am-
pliavere. Tune diabolus replevit ira nientem Aureliani et
misit qui vario génère pœnarum interficeret eos. Nam Euty-
cen inmedia via diu caedi iussit quamdiu spiritum exhalaret :

cuius corpus rapuit populus Christianorum et cum honore

* 8 janvier. « Neapoli, Severioi confessoris Viciorini fratris » ;et 5 sep-


tembre. « Romee, Victorini martyris fratri» Severiai, qui post miraoi pœQitu-
diuem Amiternae urbis episcopus et martyr factus est » [P. L., 123, 145 146,
et 167-168].
2 12 mai, 6. — Cf. G. M. R., i, 251.
3 12 mai, 11, G, § 19. — 12, A, § 20.
272 TRAniTIONS DE VALKRIK KT DU PICENUM

macjno scpullo in CJirisli nomine super enrn hasilicam fahri-


cdvll. VictoriHum vero apud eurn loi ara qui CotUlas appella-
aquœ émanant et sulpliureœ, in ipsis capiic
tur, uhl puientes
deorsum per horas très teneri iussit et iterum suspendi. Hoc
triduum pro nomine Christi passus Victorinus mifjravit ad
Dominum. Jussit autem Aurelianus corpus eius non sepeliri.
Et cum una die apud Cotilias jacuisset, venerunt Amiterncn-
sespopuli christianiet rapuerunt eian et in suum territorium
transtulerunt atque ibi sepelierunt. Maronem vero...y (qui)
immanissimam petram quam vix ad trochleam septuayinta
homines pensare potuissent... quasi levés paleas poriavil..,
per duo miliaria sanus et in eo loco posuit in que orare con-
sueverat(et omnis provinciœ populum haptizavit), consularis.,.
accepta ab Aureliano potestate inte.rjecit.., Populi autem ex-
cavaverunt petram quam humeris portaverat et ibi sepelierunt
eum et ecclesiam Christi fabricaverunt in nomine eius, in qua
prœstantur bénéficia Domini ad gloriam nominis sui usque in
hodiernum diem.
Certaines données sont communes aux deux textes non ;

certaines autres.
Les deux textes attestent d'un commun accord qu'il y a à
Amiterne un saint local appelé Victorinus que ce Victo- ;

rinus d'Aniiterne a subi un supplice de suspension, que ce —
Victorinus d'Aniiterne est associé au saint de Septempeda (?).
La localisation de Victorin à Amiterne est confirmée par
l'onomastique locale, par une inscription, et par le férial hié-
ronymien. Aujourd'hui, sur les ruines d'Amiterne s'élève un
bourg, qui s'appelle San Vittorino \ On y conserve un vieux
sarcophage, où sont inscrites les lignes suivantes.

IVBENTE DEO CHRISTO NOSTRO


SANCrO MARTVRI VICTORINO
QVODVVLDEVS EPIS DE SVO FECIT \

1 Achelis : Die Acta Nerei et Achillei, p. 46. —


Le village date, semble-t-
il, du xiie siècle. On vient d'y retrouver une catacombe [Nuovo Bulletino,
1903, 187].
2 G. I. L., IX, 4320. — Amiterne paraît avoir été très florissant sous l'em-
pire. Cf. l'inscription vi, 1772, qui mentionne Vordo splendidissimus Amiteminx
civitalis, les ruines retrouvées [Notizie... Scavi., 1880, 290, 350, 379 1891,
;

96, 321 et (:. I. L., ix, 4209] les habitants étaient municipes [d'après Pauij-
:

Wissowal.
viCTORiN d'amiterne 273

Maningoni remarque ranalogie de ces caractères avec les


lettres dainasiennes pour de Uossi, ils dénoncent le iv" ou
;

le v^ siècle.
l^e férial liiéronymien porte au 26 juillet la mention sui-
vante ^
:

b]. VIIII k ag... rom victorini militaris aciani capitonis


silvani...
B. UllII KL, AGS. IN AMIT (ER) NINA ciuitate milites
octoginta très. AB URBE Romana. Uia salaria. Natl Uic-
torini,
W. KL. AG. In amiternina ciiii milites lxxx
VIIII m ab
urbe romana uia salutaria nat soi uictianni.
Ce texte confirme la localisation de Victorin à Amiterne.
La mention des 83 soldats que donnent le Bernensis et le
Wissemburgensis dérive évidemment d'une interprétation
fautive de l'abréviation mil. lxxxiu les mots ab urbe romana :

le prouvent sans contestation possible. \J Epier nacensis —


ne contredit pas, autant qu'il semble, l'accord de tous ces
témoignages il indique que Rome est le lieu où l'on vénère
:

le groupe des martyrs auquel appartient Victoiin; mais parla


il prouve seulement que Victorinus fait partie d'un groupe de

martyrs vénérés à Rome.


Le férial nous apprend en outre que Victorin est fêté le
24 juillet. Les gestes de Nérée ni ceux de Victorin ne donnent
aucune date. Mais le calendrier populaire, qui semble dépen-
dre d'une version perdue des gestes de Victorin *, place son
anniversaire au 5 septembre. Peut-être y a-t-il eu deux Vic-
torin ;
peut-être une des deux dates se rapporte-t-elle à la
depositio., l'autre à l'ordinationépiscopale du saint. Pour le
moment, nous ne pouvons, nous ne devons rien dire de plus.
Dans les textes, Victorinus a subi le supplice de la suspen-
sion. Mais les conditions du supplice sont assez différentes,
ici et là ; ici, le supplice est volontaire, le saint se suspend à
un arbre, et la longueur de la torture n'entraine pas la mort ;

là le supplice est involontaire et il entraine la mort, les émana-


tions sulfureuses des eaux de Cotilias *
aspbyxiant le martyr.
1 P. 95.
2 a Nonis sept. Romae, Vicloriai martyris, fratris Severini, qui post mi-
ram poenitudinem Amiterna urbis episcopus et martyr factus est. » Cf. infra
p. 275.
3 Les Aquas Cutilix^ près jRieti, avaient la vogue au temps des Flaviena
|JuDg., p. 486].

ill 18
274 TRADITIONS DR VALERIB ET f)U fMCENUM

— Il n'y a pas lieu d'insister. au contraire, très intc^res-


Il est,

sant (le remarquer que Victorin d'Amiterne est également as-


socié par les deux textes à un saint vénéré à Septempoda.
Septempeda et Amiterne (S. Severino et S. Vittorino; ne
communiquent pas aisément l'une avec l'autre. Ce n'est pas
seulement qu'une centaine de kilomètres les sépare, à vol
d'oiseau c'est encore que le massif des Monts Sibillins dresse
:

entre elles ses pics de 2.000 mètres et plus c'est surtout que ;

l'une, S. Severino, appartient à la région des Marches,


pays ouvert qui gravite autour d'Ancône, tandis que l'autre
se cache au fond des Ahruzzes. Amiterne communiquait par
une route avec la voie Salaria mais la voie Salaria utilisait,
;

sur le versant adriatique, la vallée du Tronto, non la vallée

de la Potenza et les prolongements de la Salaria atteignaient


;

Fermo et Potenza, non San Severino Il n'en est donc que ^

plus remarquable de voir nos deux textes établir un lien entre


Septempeda Amiterne.
et
Il faut ajouter, du reste, que le compagnon de Victorin
porte, ici et là, un nom différent, et qu'il n'est pas, ici et là,
dans un rapport identique avec Septempeda. Selon les gestes
de Victorin, son compagnon est son frère, Séverin, qui meurt
à Septempeda, dont il est évoque selon les gestes de Nérée-
;

Achillée, ce compagnon s'appelle Maron, il opère un miracle


à Septempeda, mais il n'y meurt pas le Bernensis, d'accord ;

sans doute avec la légende qui s'exprime dans ces gestes,


place sa tombe in Monte Aureo ^ qu'on doit chercher peut-
être près de Cività Nova ^ —
J'ajoute enfin que les anniver-
saires ne coïncident pas celui de Maron est le 15 avril, celui
:

de Séverin est fort indécis, les gestes de Victorin indiquant


trois dates possibles, le 26 avril, le 1®^ mai, le la mai.
Ces divergences —
plus apparentes peut-être que réelles —
ne peuvent nous faire oublier les remarquables coïncidences

1 Cf. les sept itinéraires indiqués au G. I. L., ix, p. 479 le quatrième va


:

de Castrum Truentinum à Septempeda, par Ascoli et Fermo.


2 XVII. KL. MAI. PICINO INAUREO MONTE Maronis.

^ Chroa. Farfeuse, « est ipsa curtis de castello iuter flumen Tuntum et prata

et prope mare et prope castellum Montis Aurai [Muratori, R. I. S., ii, 423J ;

dès 1510, OQ croit avoir, et depuis longtemps, le corps de S. Maron à Civitâ


Nova [Massetani San Marone (Civitanova-Marche, 1898), p. 28, note 37 et
;

passitn]. Si Maron, comme il est possible, était vénéré aussi à Septempeda,


son culte aura sans doute cédé la place au culte de Séverin, peut-être à la
suite de la destruction de la ville par les Lombards. —
Le Corpus I. L., ix,
p. 533-538 ne m'a rien donné.
IL Y A DEUX VIGTORIN 275

que nous avons notées. L'explication la plus simple qu'on


puisse donner des unes et des autres est l'hypothèse que
voici.
11y a eu deux Victorin, chacun pourvu de son histoire, de
sa légende et il y a eu contamination d'une légende par
;

l'autre.
Victorin le martyr et Maron du Picenum, dont les gestes

de Nérée-Achillée célèbrent la gloire à la (in du v" ou au dé-


but du VI® siècle, ont servi de modèles aux deux « frères »
que célèbrent les Gesta Viciorini.
Victorin était pourvu d'un compagnon vénéré à Septem-
peda ; pour le second V^ic-
ce fait entraîne pareille association
torin. Et du coup l'on rend compte du double anniversaire :

24 juillet, 5 septembre. Mais l'hypothèse pose un double pro-


blème. Comment admettre, dans la même Amiterne, deux
saints portant le même nom de Victorin, et, s'il ne vient pas
d'Amiterne, d'où vient le second Victorin? Comment expli-
quer qu'un saint Séverin ait pu s'enraciner à Septempeda?
Les saints dont s'occupe la légende ont le plus souvent une
attache topographique que celle-ci respecte comment expli-
:

quer que, dans l'espèce, elle ait attribué au second Victorin


et à son mystérieux compagnon, les attaches topographiques
de Victorin le martyr et de l'apôtre du Picenum ?
On résoudra ces difficultés en rapprochant des gestes un cu-
rieux passage de saint Grégoire le Grand.

C'est,en effet, dans saint Grégoire qu'on rencontre le second


texte dont la comparaison avec le nôtre achève de Téclairer.
Le voici tout au long.
Tl s'agit d'un sermon prononcé par saint Grégoire dans la

basilique des saints Jean et Paul, le troisième dimanche après


27G TRADITIONS DE VALÉRIE ET DU PIGENUM

la Pentecôte. Grégoire insiste sur la bonté de Dieu qui nous


supporte malgré nos péchés *.
Rem, fratres, breviter refera quam vira venerahili Maxi-
miano, tiinc monaslerii mei atque presbytero, nunc
paire
autem Syracusano episcopOy narrante coynovi... Ncjstris modo
TEMPORiBUs ViGTORiNUS QUIDAM EXSTiTiT f/ui alîo quoque nomuie
Aîlmilianus appellatus est, non inops substantiœ iuxta rnedio^
critatem vitœ; sed quia p 1er umque régnai in rerum opulentia
Garnis culpay in quodam faginore lapsus est quod debuisset
valde pertimescere ac de suae mortis immanitate cogitare.
ReATUS ERGO SUI GONSIDERATIONE G0MPUNCTUS,EREX1T SE CONTRA
SE, MUNDIS HUIUS OMNIA DERELIQUIT, MONASTERIUM PETIIT. In qUO
nimirum monasterio tantœ humiliiaiis iantœque sibi disiric-
tionis exsiitit ut cuncii fratres, qui illic ad amorem divini-
taiis excreverant, suam gogerentur vitam despisgere dum
iLLius pœnitentiam VIDERENT. Studuit namque ioto mentis
adnisu cruciare carnem^ volunt aies proprias frangere,.. Hic
itaque...^ quia nions in quo monasterio situm est ex uno la-
lere in secreiiore parte prominebat, illuc consuetudineni fece-
rat ante vigilias egredi, ut se quotidie in fletu pœnitentiœ...
mactaret... Quadam vero nocte abbas monasterii vigilans
hune latenier egredientem.,. secutus est. Quem cum in secreto
montis cerneret in oratlone prostratum,,., cum subito cœlitus
lux emissa super euin fusa est..., abbas... iniremuit et fugit.
Cumque posl longum spatium idem f rater ad monas-
horae
terium rediissei..., esse deprehensum (dixii)
videns se :

« Quando super me vidisti lucem de cœlo descendere, vox

ETIAM PARITER VËNIT, DIGENS DIMISSUM EST PECGATUM TUUM ».


:

Et quidam omnipotens Deus peccatum eius potuit tacendo


laxare ; sed loquendo per vocem, radiendo per lumen, exem-
plo suse misericordiœ nostra ad pœnitentiam voluit corda con-
cutere,,. Habete ergo fiduciam, fratres mei, de misericordia
conditoris nostri.
y eut donc, dans la seconde moitié du vi^ siècle,
Il en —
Italie S —
un pénitent nommé Victorinus, qu'avait rendu—
célèbre l'austérité de ses pénitences, —
et dont Dieu lui-

1 P. L., 76, 1257, § 18.


2 Je ne crois pas que Victoriaus iEtnilianus se soit réfugié dans le monas-
tère de Maximianus, c'est-à-dire dans la maison de saint Grégoire. Saint
Grégoire ne le donne pas à penser il en parle comme d'une
: personne tota-
lement iuconnue aux Romains.
VICTORINUS ^EMILIANTJS 277

même, par un prodige, avait voulu marquer qu'il avait obtenu


sa grâce.
Tous ces traits Yictorin de nos gestes, qui
caractérisent le

apparaît ainsi comme le double légendaire de Victorinus


^milianus. Victorin le martyr, que célèbrent les gestes de
Nérée et Achillée, Victorin le pénitent^ dont saint Grégoire
nous conte Thistoire merveilleuse voilà les deux personnages
:

qui se sont superposés et confondus pour former, à la fin du


de Victorin, frère de Séverin. On com-
VI® siècle, la figure
prend dès lors que certaines versions des gestes le datent du *

temps de Justinien et de Vigile. La confusion des deux Victo-


rin s'explique par leur liomonymie
de là dérive aussi la lo- ;

calisation de Victorinus ^Emilianus à Amiterne; cette attache


était si solide, qu'elle a bientôt fait oublier le monastère de
Victorin le pénitent, d'autant plus que saint Grégoire néglige
d'en citer le nom. L'anniversaire du 5 septembre est celui de
Victorinus ^Emilianus.
Mais ce n'est pas la seule lumière que saint Grégoire jette
sur la légende. Une lecture rapide du texte montre qu'il tend
à faire l'apologie du cénobUisme, à faire le procès de la vie
solitaire. Et pareil souci occupe saint Grégoire. Relisons par
exemple la lettre qu'il adresse à Secundinus ^
i\os enim qui vitam cwn pliiribus ducimiis, etsi fornii-
dolosi ac timidi, tamen quia contra ardiquum hostem hélium
proposuimuSy quasi in acie stamus vos autem, qui solitariam ;

vitam ducitisy quid aliud quant monomachos di.xerim, qui


fervore virtuiis etiam ante aciem exire festinastis ? Cur ercjo
eum non singulariter hostis impetat, a quo se impeti singula-
riler Et nos quidem qui inter Jiom^ines vivimus,
spectat ?
sœpe per homines a callido hoste temptamur vos autem, qui ;

viam vitse prœsentis extra hominum frequentiam ducitis, tan-


to majora certamina pati necesse est quanto ad vos ipse temp-

TATCONUM MAGISTER ACCEDIT... AutiqUUS VCrO kostis mOX Ut


oliosam mentem ^ invenerit, ad eam sub quibusdam occasioni-

* Celles qu'a utilisées Baronius [Martyr. Romain, 8 juin]. — L'histoire de


Donnt doit avoir été assez analogue à l'histoire de Victorin.
2 IX, 52 [P. L., 11,
983] [M. G., ix, 147. — ii, p. 142]. —Cf. Dialog., m, 15-
16 \P. L., 77, 256-257].
' 3 « otiosum agens negotium ». Cf. ce qu'écrit saint Grégoire dans
Cf. §
la vie de saint Benoît « Quamdam... aliquando feminam viderat, quam ma-
:

lignus spiritus ante ejus mentis oculos reduxit tantoque igné servi Dei ani-
;

mum in specie illius accendit,... [§ 2. — P. L. 66. 132. B]


278 TRADITIONS DIC VALKRIE RT DK PICKNUM

RUS LocuTURUS ACCEDiT, et quœclam ei de gestis pr,'pAeritis ad


memoriam reducit, audlta quondam verba indecenier cogita^
tioni resonat et, si qua dudum turpiter acta sunt, eorum spe-
cierti cordis oculis opponit... Sœpe quod niimquam fecimus^
per hostis callidi insidias cordis oculis videmus...
Si Grégoire le Grand ne connaissait pas les gestes de Victo-
rin en écrivant cette lettre à Secundinus, il laut reconnaître
que cette lettre et ces gestes révèlent la même préoccupation :

au point que celle-là semble donner en vérité le programme


et comme le schéma de ceux-ci c'est la même idée qui
;

s'exprime ici en langage abstrait, qui se traduit là dans une


histoire concrète. Notre texte a été écrit aux environs de
l'an 600 S dans le groupe des amis de saint Grégoire.
Ainsi s'expliquent certainls traits de la légende, qui rap-
pelle si souvent les Dialogues la belle procession des
:

papes romains fait songer à l'apparition de Juvénal et d'Eleu-


thère au chevet de Probus de Rieti ^ ; la pénitence de Victo-
rin semble modelée sur le supplice infligé par les Lom-
bards à deux moines de la Valérie ^ qu'ils suspendent à un
arbre.
Ainsi s'explique, sans difficulté, l'association d'un Séverin
à Victorin. Le Séverin, doute *
frère de Victorin, n'est sans
quun double légendaire du fameux Séverin de Norique. dont
les disciples apportèrent le corps à Naples à la fin du
V® siècle. La preuve en est le texte du calendrier populaire,
qui écrit à la date du 8 janvier :

Neapoli, Severini confessoris Victorini fratris.

1 La formule in unitate Spiritus sancti [§ 12], s'explique, sans doute,


parce qu'elle se trouvait dans une version des gestes de Nérée, ou parce—
que, dès ce temps, elle est entrée dans le fonds liturgique.
2 « Qui dum iecto jacentis assisteret, subito aspexit intrantes ad virum Del

quosdam viros stolis candidis amictos, qui eumdem quoque candorem ves-
tiura, vultuum suorum luce vincebant... lile autem tantae visionis novitatem
non ferens, cursu concitato extra fores fugit... » [Dialog.^ iv, 12, P. L., 77,
337-340].
3 « Valentio qui... meo monasterio praefuit, prius in Valerise provincia
suum mooasterium rexit. In qup dum Longobardi saevientes venissent, sicut
eius narratione didici, duos eius monachos in ramis unius aboris suspende-
runt, qui suspensi eodem die defuncti sunt » {^Dialog., iv, 21. P. L., 77, —
353]. — Noter qu'Etienne protomartyr est cité
dans Paulinus cf. supra p. 212.
:

* Il le M. R. P., l^r novembre


y a un Séverin de Tibur attesté par et le
L. P.,
I, 324. —
Il est possible que ce soit
le nôtre. —
La difficulté tient à
la date de l'anniversaire de ce Séverin, l^i" novembre nos gestes l'igno-
:

rent.

â
SÉVERiN DE NORIQUE 279

Il effet, que le Séverin de Naples ne


n'y a pas de doute, en
soit le Séverin de Norique c'est à Naples, au caslellum Lu- :

cullanum, qu'a été déposé le corps de l'apôtre du Noricum Ri-


pense, —
Et le fait n'a rien qui puisse surprendre. Le culte de
saint Séverin était florissant aux environs de l'an GOO la :

preuve en est que c'est à Séverin que saint Grégoire veut con-
sacrer l'ancienne église arienne iuxta domiim Merulanam et *

que Jean, fermier de Venantius ^, veut dédier un oratoire ^


D'autre part, depuis la défaite du kouropalate Baduarios et
l'agression de Faroald, tout le pays apennin jusqu'à Spolète
et Amitorne *, et bientôt jusqu'à Bénévent et Crotone, est ra-
vagé, puis occupé par les Lombards ces événements sont :

favorables à l'installation ou au développement des culles des


saints on ressent généralement le besoin de leur secours. 11
;

est très possible, du reste, que les disciples de Séverin soient


passés par Septempeda " et que le culle de leur maître y re-
monte à leur passage. De toute manière, l'origine du culte de
Séverin à Septempeda n'a rien qui puisse élonner. Or, le
populaire tend à matérialiser la présence du saint qui le pro-
tège : le culte devait susciter la croyance de tous à la réalité
d'un Séverin local. C'est cette croyance qui s'exprime dans
nos gestes ^

1 Epist., m, 19 [P. L , 77, 618-619].


2 Venautius évêqiie de Pérouse ?
Est-ce le Noter qu'il y a un Severns- —
SeveriDus [cf. Secundus =
Secundinn?, Epist., vi, 30 et ix, 52. P. L., 77, —
821 et 982], évêque dans le Piceoum [Epist., i, 57. P. L.,11, 517-518] qui — :

sait s'il n^a pas eu part à ces évéuements ? Ce Severus est sans doute
l'évêque d'Ancone [Episi., ix, 16, 89|.
^ Epist., XI, 31 \P. L., 77, 1144]. Noter que le pape Severinus (+ 640) est
natione rotnnnus [L. P., i, 328].
^ Hartmann, ii, 47-48. —
Cf. les oestes de Cetheiis-Peref^riiius [13 juin, 183|.
Je croirais volontiers qu'ils datent des environs de l'an 700, du temps du duc
Alahis de Trente [Paul Diacre, v, 36. —
Hartmann, ii, 256, <?66], qu'ils ont —
été rédigés par un auteur connaissant des histoires authentiques, les gestes
de Susanne et les gestes de Marcel ; ils racontent que Cetheus, évêque
d'Amiterne, a été mis à mort par les Lomhards au temps de saint Grégoire
et de Phocas et de Faroald.
° Ainsi s'expliquerait peut-être la diversité des dates de fêtes.
^ Du reste, la chose est remarquahle, la légende est très sobre de détails
sur Séverin [Baronius avait peut-être un texte plus plein]. La visite de —
saint Pierre et des papes est eu harmonie avec la gloire de l'apôtre du No-
rique. —
Je note que le rédacteur tient à souligner la grandeur de son hé-
ros comme Valérien de Cimiez, se heurtait-il à des sceptiques ?
:

Dans plusieurs msa., la légende s'arrête à la mort de V'ictorin [ainsi le Co-


dex Angiensis] d'autres enrichissent l'histoire de Victorin,et elle seule [ainsi
;

le Codex Bruxellensis , 18644-52. CataL, ii, 423] : c'est un souvenir des ori-
280 TRADITIONS DE VALKfUK KT DU PICKNIIM

Et, puisque l'auteur inconnu appartenait certainement au


groupe (le saint Grégoire, nous pouvons, avec vraisenihlancf;,
préciser sur ce point aussi la genèse de la légende. Dans une
lettre adressée à Uusticiana, où Grégoire attaque la passion
— suspecte —de beaucoup de moines pour la vie solitaire,
je trouve l'histoire de deux frères, qui s'enfuient de leur mo-
nastère et que Dieu fait miraculeusement reprendre '. iN'est-ce
pas encore un passage de saint (jrégoire que l'hagiographe a
pris pour modèle? N'est-on pas, vraiment, fondé à y voir
comme une page détachée des Dialogues^ ?
gines de la légende. Je crois pourtant que notre texte est d'une seule teneur,
quoi qu'il puisse sembler tout d'abord. Certains mas. [Codex Parisinus
11753. — Catal., m, 51] cousent aux gestes de Victorin le fragment des
gestes de Nérée Achillée qui concernent le martyr. De même Adon \P. L.,
123,346]. — Le texte B. H. L., 7664 est un remaniement postérieur à la révo-
lution grégorienne.
1 Epist., XI, 44 [P. L., 77, 1155-1156J. a Alii quoque duo fratres de eodem
monasterio fugerunt, atque aliqua prius colloquendo fratribus signa dede-
runt... »
2 Sur les questions que pose le prologue, cf. G. M. R. vi. — U se pourrait
que l'auteur appartint au personnel de l'administration du patrimoine. Cer-
tains détails de la langue semblent l'indiquer.
Nous avonsvu, je le rappelle, que la légende d'-^milianus de Spolèle semble
dépendre aussi des souvenirs qui couraient sur -dEmiliauus le pénitent et
provenir aussi de l'entourage pontifical.

i
CHAPITRE XIJ

CONCLUSION
LE MOUVEMENT LÉGENDAIRE GRÉGORIEN ET L'ŒUVRE
HAGIOGRAPHIQUE DE SAINT GRÉGOIRE

Notre voyage à travers l'exarchat nous y a apercevoir


fait

toute une efflorescence légendaire : comme l'époque


c'est à
ostrogothique qu'ont été écrits les plus fameux gestes des
martyrs de Rome, c'est au temps de l'administration byzan-
tine que remontent la plupart des gestes de l'Italie centrale. Ces
gestes ont donc même patrie et même date que les Dialogues
où saint Grégoire a recueilli nombre de légendes italiennes.
Quels sont les rapports de ces deux œuvres, l'une indivi-
duelle, l'autre collective et d'abord quais sont les caractères
;

de chacune ?
282 CONCLUSION

La légende du duché est solidaire de la légende de la Ville


et la prolonge.
légende enveloppe des traditions locales dont la
Ici et là, la

valeur est nulle pour l'historien des persécutions \ très


grande pour l'historien de la vie chrétienne après les persécu-
tions mais la forme en est pareille ici et là, pareille la
;

langue, pareils les sentiments, les idées, les croyances. Le


lecteur bénévole qui voudra confronter tous ces textes s'en
rendra compte aisément ^
Mais il y a plus et mieux que ces similitudes générales :

certains faits précis manifestent la solidarité des deux mouve-


ments littéraires. Rome tient une grande place dans la lé-
gende italienne on croit apercevoir dans celle-ci le rayonne-
;

ment de celle-là qu'on relise Sabinus, Terentianus^ les textes


;

spolétains. —
Alexandre ^i Torpes, etc.. témoignent du même
souci d'authentification que Potentienne ou Nèrèe. La ques- —
tion de la fuite et de la spontanéité du martyre est aussi appa-
rente dans Domiiinu s, Secundiamis et Constantms^ etc.. que
dans André ou Processus-Mariinianus Les rédacteurs de
. —
Terentianus, des Xll Syriens ou de Félix le prêtre insistent
sur l'immanence de Jésus au sein de la Trinité autant que
ceux qui écrivirent Gordien^ Processus ou Pancrace. Con- —
cordius niDonatj etc.. s'intéressent dMtitulus Pastoris autant
que Stéphane^ Laurent et Vibbiane, —
^milianus et Victo-
rin d'Assise et les gestes des XII Syriens, etc.. n'attestent pas

' Je ne crois pas que celui-ci ait le droit à^ y rien prendre. Toutefois, il est
vraisemblable que le ou les héros principtiux de chaque légende sont îles
u)artyrs peut-être est-il arrivé qu'on ait donné ce titre à un saint local qui
;

n'y avait nul droit. Quant aux personnages accessoires, de toute évidence, ils
sont fictifs [Cf. G. M. R., i, 359-366].
2 Cf. G. M. B I, première partie; vi, passim.
,

M
LE MOUVEMENT LEGENDAIRE GREGORIEN 283

moins fortement que Laurent^ Maris ou Marcel le prestige de


rOrient sur imauinations occidentales.
les
J'ajoute qu'on pourrait sans peine recueillir tous les traits,
dispersés dans ce volume, qui révèlent l'inlluence de telle
légende romaine sur telle autre légende italienne ^ Qu'il
suftise de rappeler ici quelques faits. Antliime et Cassien
témoignent clairement de Taction qu'exerça Sébastien de ;

même, Domninus rappelle Maurice, Hedestus les Quatre


Couronnés, Agapet Vitus, Doiiat Vibbiane ou Jean Paul.
Et le fait n'a rien qui puisse surprendre si, parfois, ce sont
des clercs romains qui ont rédigé nos textes. Les églises de
Rome possédaient des domaines - en divers pays d'Italie les ;

clercs chargés de les administrer ont appris à connaître les lé-


gendes qu'on y contait ils les ont rédigées sur le modèle de
;

celles de Rome. Rome était la métropole religieuse et la ca-


pitale militaire l'inlluence dont nous relevons les traces ne
:

pouvait pas ne pas s'exercer.

On discerne, pourtant, certaines nuances qui distinguent le


mouvement grégorien du mouvement ostrogothique.
Le caractère par-
édifiant des légendes tend à s'accentuer :

fois môme, prennent la forme d'un sermon adressé au


elles
peuple (Eutijchius, Sévère de Valérie).
Les reliques tiennent une plus grande place qu'à l'époque
antérieure [Valentin, Juvénal, Sabinus, etc.]
Les anges interviennent plus souvent [Constantius, les
XII Syriens Ambroise, Gratilianus..^],
y

On oublie, —
ou l'on feint d'oublier dans quelles con- —
ditions le Christianisme s*est répandu le peuple prend le parti
:

du martyr [Alexandre, Constanlius, Poniie?i, etc...].


En conséquence, Tidée de martyr et l'idée de saint tendent
à se dissocier des saints très vénérés ne sont plus conçus
:

comme martyrs [Jean Penariensis, Laurent de Spolcte,


etc...].
Plus elle oublie l'ère des persécutions, plus la légende se
montre docile aux influences contemporaines on y relève :

certains traits dont la tendance anti-arienne est sensible


[Juvénal, Donat, etc.]

1 Cf. G. M. R., VI., iudices,


^ Sur les palriuaoiaes de l'église romaine, cf. infia appeadice v.
284 CONCLUSION

Elle s'infléchit^ parfois, suivant les ambitions d'une église


locale : légende de Spoiète.
telle la
Elle intègre souvent des fragments d'histoire très récente
[A^^milianus y Victorin-Severin, Uerculanus, otc...|.
Elle prétend souvent raconter les origines de l'église locale
[^Agapel^ Anthime, XII Syriens^ Victorin^ ALmilianus, /u;li-
cien, etc].
Elle parle, enfin, une langu(î toute récente consules, ma- :

jores principales, dans Félix, ConstantiuSy Donat signifient


^

les notables du bourg.


Et il arrive qu'elle s'égare dans les imaginations les plus
cocasses telles, ces invitations à dîner qu'adressent aux mar-
:

tyres, ici le persécuteur [Firminà], là Jésus [Restiluta].

C'est dire que, dans les gestes qui constituent le « mouve-


ment grégorien importe de distinguer les moments et les
», il

groupes. Mais combien, aujourd'hui, le travail est délicat!


On croit pouvoir discerner trois moments avant Grégoire, :

Grégoire, après Grégoire.


Avant Grégoire, c'est le temps de la crise où sombre l'éta-
blissement des Goths, où se réinstalle l'administration impé-
riale ce qui correspond, à peu près, au pontificat de Vigile,
:

537-555. Les textes rappellent beaucoup ceux de l'époque


gothique *. C'est alors que se rédigent Alexandre , Hedestns,
Valenti7iy Concordius, Constantius , Anlhime A et B_, Pontien,
Sabinus, Grégoire, Donat, Seciindianus, Marciamis, etc...
Au temps de Grégoire, à la fin du vi® et au début du
vu^ siècle, la popularité des ascètes et des moines influence
les traditions martyrologiques ; et le prestige de la légende
grecque, désormais très bien connue, n'exerce pas une ac-
tion moins grande. On écrit alors Victor in- Séveinn, Cas-
sien, yEmilianuSy Terentianiis A, Victorin d'Assise, Félix
de Spello, Félicien, Juvénal, certaines versions des XII Sy-
riens, Gratilianus, Eutychius, Irènèe de Chiusi, Gauden-
tius, etc... L'attribution aux saints locaux d'une origine orien-
tale est certainement en rapport avec l'affermissement de

1 Quelques-uns des gestes étudiés dans ce volume remontent à l'époque


gothique Âgapet BC, Terentianus D, Laurent de Spoiète [peut-être An-
:

thime A et Jean Penariensis, réserve faite de certaines retouches le mot :

metropolis...] Cf. encore Apollinaire. La rédaction des gestes de toute l'Italie


centrale et de toute l'Italie alla, dès lors, se complétant et s'accélérant.
CARACTÈRES DU MOUVEMENT GREGORIEN 285

l'exarchat : peut-être les hagiographes visent-ils à réchaulfer


le loyalisme impérial des populations italiennes ;
peut-être
doit-on dire qu'ils s'en inspirent et qu'ils en témoignent K
Après Grégoire, les deux traits proprement grégoriens s'ac-
centuent, type légendaire gothique se détériore, les miracles
le

et les bizarreries se multiplieut surtout, les textes sont indi- ;

rectement iulluencés par l'œuvre de Rothari et la restauration


des évôchés. En outre des remaniements qui, parce que tels,
rappellent les gestes antérieurs D, E, X/I Sg- — Agapet A,
riens, etc.. —
on rédige alors des légendes dont la physio-
,

nomie est assez particulière Firmina, Amasius, P'austin et


:

Jovite, etc.
Quoi qu'il en soit de ces classements provisoires, nos textes
sont contemporains du Calendrier populaire, qui, rédigé au
début complété tout le long du vu* siècle, recueille les plus
et
fameux saints dont la popularité s'est épanouie au vi'' ou éclôt
au vii° siècle. Voici la liste de ceux qui sont, à la fois, men-
tionnés par le calendrier et célébrés par nos Gestes :

Concordius [1 janvier], (Argée, Narcisse, Marcellin [2]),


Séverin/Victorin [8], Félix prêtre [14], Pontien [19] Va- ; —
lentin [14 février] ; —
Jean Penariensis [19 mars] (Maro, ;

Eutyches, Victorin [13 avril |) Juvénal [7 mai]; Torpes ;

[17]. —
Pergentinus et Laurentinus [3 juin] Bricius ;

[8juillet] Anatolia et Audax [9]
; Donat [7 août] ; Agapet ;

j18] (Anastase de Salone [21])
;
Secundus [26] Vic- ; ;

torin [5 septembre] (Maurice [22]) ,
Marcellus et Apuleius ;

[7 octobre]; Hedestus [12]; Herculanus [7 novembre];—
Alexandre de Baccano [26] Abundius et Carpophore
;

[10 décembre] Victoire [23] Grégoire de Spolète [24] Sa-
; ; ;

biaus, Exsuperantius, Marcellus et Venustianus de Spolète


[30] ^

* Sur l'hellénisation religieuse de l'Italie à ce moment, je renvoie à Diehl,


251.
'P. L , 123, 145-178. — G(. G. M. R., r, 372-375.
28(> CONCLUSION

II

En 593, le pape Grégoire le Grand entreprend un nouvel


ouvrage *. A la demande de ses familiers, il se propose de
recueillir et de raconter les plus beaux miracles opérés en
Italie par les Pères, aliqua de miraculis Patrum quœ in Italia
facta audivimus ^ Débordé par le travail, il regrette le temps
où, dans le silence du monastère, il pouvait à loisir cultiver
son âme et rivaliser avec les ascètes ses contemporains \ Ce
sera pour lui une joie que de chanter leur gloire, et comme
un dédommagement du chagrin qu'il éprouve à ne pouvoir
les imiter. Et, pour les âmes de ses lecteurs, ce sera un puis-
sant réconfort et un stimulant beaucoup ne savent pas quels
:

saints se cachent alors, et quels miracles ils opèrent \


Le livre se présente sous la forme d'un dialogue d'oià —
son nom, Dlalogi —
le pape s'entretient avec son diacre
:

Pierre, dont la physionomie, à peine apparente, semble unir


à beaucoup de candeur un léger scepticisme Pierre n'inter- ;

vient que pour suggérer à Grégoire une observation morale,

* Oq trouve de bonnes choses sur les Dialogues dans le récent ouvrage de


F. Homes Dudden Gregory the great, hU place in
: history and thought
[London, 1905, 2 vol. in-8], tome I,' 321-356.
2 51 (M. G. 50). a Gregorius Maximiano epo Syracusano. Fratres
Epist., III,

mei qui mecum familiariter vivuat, omni modo me compellunt aliqua de mi-
raculis Patrum... sub brevitate scribere » [P. L., 77, 646, B]. Cf. Dialog.^ —
m, 19, l'inondation du Tibre antehoo fere quinquiennium [P. L.,n, 268, G].
Nimiis quorumdam ssecularium lumultibus depressus..., secretum locum
3 «

petii amicum mœroris... Animus... meminit qualis aliquando in monasterio


fuit...; quantum rébus omnibus quae voivuntur eminebat... Et cum prions vitae
recolo.., suspiro... Nonnumquam vero in augmentum... doloris adjungitur quod
quorumdam vita qui praesens sseculum tota mente reliquerunt, mihi ad aie-
moriam revocatur... » [Dialogi, praef. —P. L., 77, 151-152J.
*^
« Petrus. Non valde in Italia aliquorum vitam virtutibus fulsisse cognovi...
Et quidem bonos viros in hac terra fuisse non dubito, signa tamen atque vir-
tutes aut ab eis nequaquam facta existimo, aul... silentio suppressa... Fit...
plerumque audientis animo duple.v adjutorium in exemplis Patrum, quia si
ad amorem venturae vitae ex praecedentium comparatione accenditur, etiam si
se esse aliqui<i existimat, dnm meliora de aliis co'jnoverit, humiliatur » [prœf.
— P. L., 77, 152-153].
l'œuvre hagiographique de s. GRÉGOIRE 287

ou, le plus souvent, amorcer un nouveau récit. Les histoires


pieuses, en effet, se suivent l'une Tautre à travers les quatre
livres qui composent l'ouvrage. Nul plan, d'aucune sorte. Le
pape écrit au hasard de ses souvenirs, ou de ses sources.
Pourtant, le livre 11 et le livre IV ont une certaine unité la :

mystérieuse et douce ligure de saint Benoît domine Tun, la


question de l'existence de l'âme après la mort remplit l'autre.
Mais l'unité de ces deux livres est tout extérieure ils se com- :

posent, comme les deux autres, d'histoires pieuses, qui se


rattachent à des évèques ou à des solitaires d'Ttalie du yi^ siècle,
et qui tendent à affermir et vivifier la foi.
11 est intéressant de marquer, autant que faire se peut, leur
répartition géographique, leur cadre chronologique et les
sources où les a puisées Grégoire. Voici, en trois tableaux, les
résultats de ces trois enquêtes.

Répartition géographique des légendes contées par Grégoire.

\. — 1. In Samnii partibus... ; in eo loco qui Funditus di~


ciltir... ; 2. Eiusdem Fondensis monasterii... ; in eadem pro-
vincia Samnii... ; Campanile parti-
fluvius Vulturnus... ; in
bus... : 3. In eodem monasterio [Fondensi) 4. Baineuni Cice- ;

ronis... ; Valeriœ partes... Aniiternina civitas.., ; Nursiœ ;

provincia... Reatina Ecclesia... ; Valerise provincia,.. ;


;

5-6, Anconitana urbs 7-8. Monasteriura Suppentonia iuxta


;

Nepesinam urbem...; Mons Soractis 9. Tusciœ partes... Fe- ; ;

rentum... Ravenna... 10. In eisdem partibus...


; Tudertina
; ;

civitas...\ Valeriœ provincia ', 11. In eadern provincia,.. \ 12.


Interorina vallisy in eodem loco.
W. — Prœf. provincia NursisSy Roma Locus qui Enfide ; 1.
dicitur; deserti secessum petiit cui Sublacus vocabulurn
loci
est... — Castrum... quod Cassinum dicitur — 16. Aqui-
; 8. ;

nensis ecclesia — 21. In eadem Campaniœ regione\ — 22.


;

In... prœdio iuxta Terracinensem urbem — 28. Campania \ ;

— • 3^j. In Campaniœ partibus ; Cassinum castrum ; Capuana


urbs.
ni. — 1. Nolana urbs Roma, Constantino-
; Africa ;
— 2.
polis, Corinthus 3. Roma, Grœcia
;
— 4. Mediolanum ;

— 5. Apulia, Canusium — (>. J\arnia 7. Fundi
; S. ;
— ;

;

Aquina civitas ;

— 10. Placentina urbs
9. Lucana ecclesia ;

— 11. Populonium; — 12. Utriculensis ecclesia — 13. \ Pc-'


;

rusiuni; — Spoletum — Regio eadem Nursiœ pro~


li. \
15. \
288 CONCLUSION

vincia ;
— 10. Pars Campaniœ mons marsimis 17. liu.rcji-
; ;

tina ccclesia in einsdem Aureliae parlibus mons Argenlarius ; ;

— Campani/i^ partes — 19. noma^ Verona — 20. Va-


18. ; ;

lérie provincia — 21. Spolelum — 22. Vakriœ provincia


; ; ;

— 23. Prseneslini montes — 24. Uoma — 20. Samnii pro-


Ilispania —
; ;

vincia — 29. Spoletum — 30. //orna — 31 .

32. Africa\ — 33. Spoletum; — 35. liburtina ccclesia —


; ; ; ;

30. Adriaticum Syracusana Cotronense castrum


;
ccclesia ; ;

— 37. Nursiœ provincia — 38. Ferentina ; civitas.


IV. — Capuana urbs —
7. 7 erracinensis urbs.., ; 8. ;
zwa:/a
Capuana urbs... — /n Samnio\ — Locus... Cample..^
; 9. 10.
VI ferme a vetere Nursiœ urbe — 11. Provincia
milliarii... ;

Nursiœ — Reatina Civitas — 13,


; 12. 15, 10, Roma\ ; 14, i^,
— 21. Valeriœ provincia; — 22. Provincia,,. Sura; — 23.
Marsorum provincia — 20. Roma portuensis ;
— civitas ; 27.
Centumcellœ; — 30. Sicilia; Liparis; — 31. Roma —
;

; 32.
Valeriœ provincia — 35-30. Roma, Constantinopolis — ; ; 30.
Iberia Evasa Constantinopolis — 38. Roma Isauria —
; ; ; ; ;

40. Roma — 51. Portuensis ccclesia Sabinensis provincia


; : ;

— 52. Civitas Rrixa\ — 33. Lunensis ccclesia; Genuensis


urbs; — 53-54. Ecclesia mediolanensis; — 55. CentumceU
lensis urbs... locus Taurania — 50. Narnia — 57. Ustica
: ; ;

insula (îles Eo Hennés) Romanus p or tus. ;

Ce tableau montre que la plupart des légendes racontées


par Grégoire sont originaires de la Campanie, de la Valérie,
du Samnium et de la Tuscie, c'est-à-dire des pays contigus à
Rome et qui gravitent directement autour d'elle ; il puise
quelquefois en Sicile et dans du nord une ou deux l'Italie ;

fois en Orient, en Afrique, en Espagne. On peut dire que


c'est, essentiellement, du duché de Rome que les Dialogues
expriment la légende.

Répartition chronologique des légendes contées par Grégoire.

I. —
Venantius (Theoderici seu Gregorii temporibus^?)
1. ;

2. Tempore Totilse régis Gotliorum 4. Eo tempore quo ma- ;

lefici in hac romana sunt urbe (circa 510) ^ Langobardis ;

intrantibus Valeriœ provinciam 9-16. Gothi. ;



' Cf. Gassiodore : Variarum, ix, 23.
2 Cf. G. M. R., IV.
L'œUVRR IlAGlOriRAPHIQUE DE S. GREGOIRE 280

ïl. — Il il lus [Denedlcli)c(jo,.. qiialtuor disclpulis illlus rc-


Icrentibus agnovi [prœf.)\ Goiliorum... temporibus^ cum rex
eorum Totila sanctum virum prophetiie habere spiritum au-
dlsset... 14, 15, 31.

IIL — 1. Vandalorum tempore ;


— 2. Gothorum tempore\
— 3i. Justinianus 5^ 6, 11, 12, \
— 13. Tolila\ 14. Go-—
thorum temporibus prioribus\ 16. Vir vilm venerabilis Be- —
nedicius —
17. Nostris ternporibus
; 18. TotlL-e tempore \ ;

— 19. Autharici tempore 20. Nunc... 26-30. Lango-
;
— ;

bard[\ — 31, 33. Nunc\ 32. Justinianus —
37. Lango- \ —
bardi.
IV. — 13. Gothorum temporibus ;
— 21-22. Langobardi — :

26. Narsse temporibus 30. Theoderici temporibus ;


— 31. ;

Gothorum tempore —
32, 34, 35, 36, 37 (Nostris temporibus),
;

40-4Ï {Gothorum temporibus), PascJiasius..., Sgmmachus..,


Laurentius —
47, 51, 52, 53 (Nostris temporibus).
\

Ce tableau montre que la presque totalité des légendes ra-


contées par Grégoire se rapportent au vi^ siècle, le plus sou-
vent à Vépoque lombarde, assez souvent à V époque gothique.

Sources de Grégoire.

Il semble que de Grégoire soient de deux sortes


les sources :

de fait, elles sont toutes semblables. La lettre qu'il écrit à Maxi-


mianurt de Syracuse *, l'usage qu'il fait de ses Homélies ^

1 « Fratrea... me miraculis Patrum... scribere. Ad


corapellunt aliqua de
quam rem solatio vestree charitatis vehemoQter indigeo,
ut ea quae vobis ia
inemoriam redeunt, queeque cognovisse vos contigit, mihi breviter indicetis.
De... Nonnoso abbale.... aliqua retulisse te meroini quae oblivioni mandavi.
Et hoc igitur, et si qua suol alla, tuis peto epistolis imprimi... » [/?p.. m, 51.
— P. L., 77, 646 [M. G. m, 50, tome I, p. 206]. Grégoire a écrit sans doute —
d'autres billets du même genre il a travaillé sur des documents écrits. [Cf.
:

Dial., I, 7. — P. L., 77, 184, l'histoire de Noanosus].


' Voici la liste emprunts faits par les Dialogues aux Homélies. Par
des
malheur, la comparaison des uns et des autres ne jette pas beaucoup de lu-
mière sur la genèse légendaire Grégoire, : le plus souvent, s'est copié lui-
même. On en jugera par un seul exemple,

Somilix, i2. — P.L.,16, 1122. Dialogi., iv, 38. — P. L., 77, 392.

§ 7. < Quidam uir nobilis in Vale- « Chrysaorius... vir in hoc mundo


ria provincia nomine Chrysaorius valde idoneus fuit, aed tantum plenua
fuit quem lingua rustica populus vitiis... »
Chryserium uocabat. »

m 19
290 CONCLUSION

montrent qu'il utilise des documents écrits, non pas seulement

15. — 1133. IV, 14. — 341.

« Id ea porticii quas euntibus ad « Homeliis quoque Evangelii


In '

ecclesiam b. Glementis est pervia, jam narrasse me memini quod in ea


fuit quidam Servulus nomine quem porticu quae euntibus ad ecciesiam
multi vestruoi mecum cognove- b. Clementis est pervia, fuit quidam

ruDt... » Servulus nomine... ut quidem pauper


rébus. »

36. 1273, D. IV, 27. — 364.


« Nuper nainque lu eadem civilate « Neque hoc silendum est quod de
Ti:ieophaniu8 comes fuit. » Theophanio Gentumcellensis urbis
comité, in eadem urbe positus... »

37. - 1279. IV, 56. — 421-422.


« Multi vestrum, ffr., c, Gas- « Vir vitae venerabilis Cassius Nar-
§ 9.
sium Naroiensis urbis episcopum niensis episcopus, qui quotidianum
noverant, cui mos erat quolidianas offerre consueverat Deo sacriâ-
Deo hostias offerre... Kius presbytère cium..., mandatum Domini
per cuius-
per visum Doaiiaus astilit, diceos :
dam sui presbyteri visionem susce-
Vade et die episcopo Age quod :
pit, dicens Age quod agis, operare
:

agis, operare quod operaris. » quod operaris. » i

37. 1279. IV, 57. — 424.

§ 8. « Non loDge a nostris ferlur « Hoc quoque audivimus, quem-


temporibus factura quod quidam ab dam apud bustes in captivitate posi-
hostibus captus longe transductus tum... pro quo sua conjux diebus
est... Uxor... exstinctum putavit .. certis sacrificium offerre consueve-
:
j
pro quo iam velut mortuo hostias rat. » b|

bebdomadibus... siugulas... curabat


ofTerre. »

38. — 1290-1291. IV, 16. 348.

§ 15. « Ter pater meus sorores ha- Hoc quod de Tbarsilla amitamea
«

buit, quifi cuDctae très sacrae virgines in Homeliis Evangelii dixisse me re-
fueraut quarum uoa Tbarsilla, alia
: colo, repiicabo.'OuseJnter duas alias
Gordiana, alia iEmiliana dicebatur. » sorores.... »

38. 1292. IV, 38. — 389.


§ 16. a Ante biennium frater qui- « Theodorus nomine puer fuit qui
dam in monasterium meum quod in monasterium meum fratrem suum
iuxta b. b. m. m. Jobannis et Paali necessitate raagis quam voluntate se-
ecciesiam situm est, gratia conversa- cutus est. »
tiouis venit... Quem frater suus...
carnali amore secutus est;... longea
vita eius ac moribus discrepabat. >

40. — 1310-1311. IV, 15. — 344-345.


§ 11. « Rem, f patres, refero, quam « In eisdem quoque homeliis rem

I
L ŒUVRE HAGIOGRAPHIQUE DE S. GREGOIRE 291

lénioignages oraux ^ Mais les uns et les autres dérivent


traditions populaires. II nous en avertit lui-même :

is qui prsBsto est frater et com- narrasse me recolo quam Speciosus


yter raeus Speciosus novit... compresbyter meus qui banc nove-
qiieedam,Redempta nomine...ia rat, me narrante, altestatus est...
hac iuxta b. Mariœ semper virgi- Auiis quœdam, Redempta nomine,...
:clesiam manebat. Haec illius He- in urbe iuxta hac
beatae Marife
nis discipula fiierat qiioe... su- semper ecciesiam manebat.
virginis
rœnestinoB montes vitam eremi- Haec illius Herundinis discipula fue-
duxisse ferebatur. Huic duae in ret, quse... super Praenestinos montes
a habitu discipulaeadhaerebant : vitam eremiticam duxisse ferebatur.
ïomiDB Romula, et altéra quse Huic autem Redemptae duae in eo-
adhuc superest, qnam quidem dem habitu discipulae aderant una :

scio, sed Domine nescio. Très nomine Romula, et altéra quae nunc
8 hae in uno habitaculo commo- adhuc superest, quam quidem facie
13, morum quidam divitiis ple- scio, sed nomiue nescio. Très itaque
sed tamen rébus pauperem vi- hae in uno habitaculo commanentes,
duccbant. Hsec autem quam morum quidem divitiis plenam sed
itus sum Romula aliam quam tamen rébus pauperem vitam duce-
ixi condiscipulam suam magois bant. Haec autem quam praefatus
meritis anteibat. Erat quippe sum Romula aliam quam praedixi
patientise, summae obedieotiae, condiscipulam suam magnis vitae me-
cris 9ui ad sileutium, studiosa
s ritis anteibat. Erat quippe mirae pa-

ad continuae orationis usum. tientiae, summae obedientiae, custos


. Romula ea quam graeco uoca- oris suiad silentium, studiosa valde
medici paralysin vocant moles- ad continuas orationis usum. Sed...
trporali percussa est... Nocte... Romula ea quam graeco uocabulo
am, Redemptam uocavit... Su- medici paralysin vocant molestia cor-
cselitus lux emissa omne illius porali percussa est... Nocte... qua-
lae spatium implevit... Gœpit... dam... Redemptam... uocauit... Subito
U8 audiri... Quam lucem... miri caelitus lux emissa omne illius cellulae
8 est fragrantia subsecuta... spalium implevit... Gœpit... sonitus
cum petiit et accepit... Sancta audiri... Quam lucem... est miri odo-
mima carne soluta est. d ris fragrantia subsecuta... Viaticum
petiit et accepit... Sancta illa anima
carne soluta est. >

1. Venantius; — 2. 3. Félix Gurvus


Laurentius —
4. Fortunatus ;


,

a... et alii viri Gastorius magister militum ;


venerabiles ;
5 Epis.
s quidam ;

6. Maximianus episcopus et Laurion veteranus raonachus ;
Gaudentius presbyter —
10. Julianus notarius ;
;
ii. pref. Constan- —
Valentinianus, Simplicius, Honoratus abbates m. 6. Multi de nar- —
>,

si civitate; —7. Habitalores... Fundi ;


— 9-10.
;

Venantius Lunensis ;

ilericus senex qui adhuc superest 13. ;— Floridus episcopus;— 14.
Gregoria et Eleutherius 15. Sanctulus presb. ;

16. Pelagius papa; ;

7. Quadragesimus subdiaconus 18. Frater in monasterio 19.— ;


;

mes Iribunus; - 20. Qui nunc nobiscum sunt 21. Eleutherius pater ; ;

2. Valentio abbas meus — 23. Monachi Praeoestini ;


— 24. Qui Theodo-
— 25. Nostri seniores; — 26. Multi nostrorum —
;

noverunt; ; 29. Boni-


J8 — 31. Multorum qui ab Hispaniee partibus relatione... —
monachus ;

Senior episcopus; —33. Discipuli Eleutherii — 35. Floridus episcopus


;

rlinus. — Benedicti discipuli; —


iv, 8. religiosus... vif — 10. Vene- 9. ;

vir; —
lis Stephanus abbas;
11. — 12. Probus abbas; — 13. Matres mo-
leriiGallae; — Speciosus compresbyter — 17-19. Probus; —21. Valen-
15. ;
292 CONCLUSION

specinliter
Si depersonis omnibus iaucloribus meis), ipsa
slt/lu^ scn-
verba tcnerc voluissem, hœc ruslicano usa prnlala
bentis non apte susciperet \
des inomes,
C'est le peuple chrétien qui parle par la bouclie
de son
de Maximianus et de Grégoire. De là, l'importance
livre il jette sur Tâme populaire
italienne au vi« siècle les
;

plus vives clartés.

III

de saint
Entre la légende qui s'exprime dans les Dialogues
l'époque
Grégoire, et celle qui se déroule dans les Gestes à^
notable, et
grégorienne, on aperçoit d'abord une différence
trois ressemblances précises la légende des
Dialogues chante
:

la légende des Gestes célèbre les


martyrs
les confesseurs,
;

- 22. - 27. Viri fidèles - 31. Deusdedit senex; -


Religiosi viri ;
32.

- 33. Religiosi viri ;- 35. Eleutherius - 36


;
tio ;

MaximiaûQB Syracusanus ;

- 38. Athanasius Isaurise presbyter - 40. majores


;
:

Illiriciaaus monachus ; ;

— 51 Félix portuensis episcopus — 52. Joannes... locurn


;
prœfectorum ser-
nobilissimus -
vans — 53. Venantius
• Luneusis episcopus et Liberius vir ;

54. Tiactorum qui hic habitant


plurimi - 55. Félix episcopus - 57. ReligioB)
; ;

à peu près complète, dos « autorité» »


de Grégoire. Il est
"^'v'oilà la liste,
témoignage du plus grand nombre lui a été transmu^
quasi certain que le
miracles rapportes par ces samtf
oralement. M
Dudden, inquiet de tous les
conteste 1 exactitude
témoignage et
nersonuagee, rabaisse la valeur de leur
méthode expéditive me paraît contestable
de ces histoires prises en
bloc. Cette
de fait miraculeux apparai'
A un point de vue purement rationnel, l'idée naturel normal; beaucoup de
comme strictement solidaire de l'idée de fait

faits jadis classés comme miraculeux


-
les stigmates par exemple - sem
peu près G Dumas la
blen't aujourd'hui normaux, ou à
[Cf. :

chez les mystiques chrétiens. Revue des


deux Mondes, !«- mai fj^7«^^;«^»^;'
1907]. Et 1 idé£
profondément sous nos yeux.
de loi naturelle semble se transformer
1 Prxf \P L 11, 153, B]. H n'y a pas — lieu de s'étonner que Grégoire
rustici et apprennent à connaître leurs âmes. C(
et ses amis causent avec les
les conseils qu'ils trouvent dans Gassiodore ï Ip-
sont des moines et voici :
;

ad vestrum monasterium pertinent bonis moribus erudite..


sos rusticos qui
lucos colen
Illud* quod familiare rusticis comprobatur, furta nesciant,
monasteria vestra convemant... [De tn$t
prorsus ignorent... Fréquenter ad
div. lit., 32. - P. I., 70, 1147].
. .

s. GRKGOIRE ET LES GESTA MARTYRUM 293

l'une et l'autre ont même date, mômes racines locales, même


caractère édiliant.
Grégoire le Grand cite explicitement un de nos gestes, ceux
de Donat d'Arezzo :

In duohus miraculis diiorum Patrum virtutes imitatus est


[Nonnosus) :.. in reparatione,.. lampadis, virtutem Donati qui
fractum calicem pristinœ incolumilati restituit '^

Trois épisodes des gestes sont manifestement copiés sur


trois passages de saint Grégoire l'histoire de Proculus (gestes
:

d'Abundius) est calquée sur celle d'Equitius de Valérie ^ l'his- ;

toire des voleurs de Félix prêtre sur celle des voleurs d'Isaac
le Syrien ^ de Sévère de Valérie sur
; l'histoire le récit que fait

Grégoire des miracles de ce saint homme ^


Une page des gestes est exactement parallèle à une page
de Grégoire: celle qui, prétend raconter l'histoire
ici et là,
d'Herculanus, Tévêque de Pérouse mis à mort par Totila ^
On a vu que Grégoire semble plus près de l'histoire que les
gestes.
Trois passages des gestes présentent avec trois pages de
Grégoire un parallélisme moins frappant, mais aussi réel :

je vise l'histoire d'Anastase dans les gestes d'Abundius (cf.


Anastasc de Suppentonia) '\ l'histoire de Victorin dans les
gestes de Victorin-Séverin \ l'histoire d'^milianus de Spolète
dans les gestes de ce nom (cf. Victorin ^milianus) ^ Ce sont
les mêmes personnages et les mêmes événements d'où dé-
rivent nos doubles récits mais les déformations légendaires
:

ont sensiblement et diversement altéré, ici et là, la tradition


primitive.
Deux fragments des gestes paraissent appartenir au même
tronc légendaire que deux histoires des Dialogues Jean Pe- :

nariensis est manifestement le fraternel émule dTsaac de Spo-

1 Dial, I, — P. L., 77, 184. — Cf. supra, 168, note


7. p. 3.
' Dial.. I, — P. L., 77, 184. — Cf. supra, 172-73, note
4. p. 6.
^ Dial., m, 14. — P. L., 77, 245. — Cf. supra, p. 236.
* Dial, 12. — P. I., 77, 212. — Cf. supra, p. 267.
1,

5 Dinl, m, 13. — P. L., 77, 241. — Cf. suj^ra, p. 69


Noter qu'lsaac le Syrien est précisément nommé Jans Ahundius mais on ;

ue donne sur lui aucun détail. Il est probable que, ici encore, notre rédac-
teur relève, non du texte de Grégoire, mais de la tradition orale.
^ Dialog., 1, 7. —
P. L., 77, 181. Cf. supra, p. 75
Homil. in Evang,, P. L., 76, 1257. Cf. supra, p. 268.
8 Loco citato, P. L, 76, 1257. Cf. supra, p. 114.
2ÎJ4 CONCLUSION

lèle '
; et j'incline à voir dans Euticius le rival malheureux de
'^
Floronlius
Deux gestes reflètent les préoccupations qui percent dans
certaines lettres de Grégoire veut donner, Abun-
Grégoire :

dius veut retirer à Tévêque de Rome le droit de sacrer les


dvèques d'Ombrie ^ Grégoire surveille de près l'exercice du
;

droit de pallium, Félicien entend le conférer sans restriction à


révoque de Foligno *.
Deux gestes semblent refléter la même situation politique,
ecclésiastique et religieuse que certaines pages de Grégoire:
comme l'auteur de Juvénal, Grégoire vise la conversion de
[Varni au catholicisme ^ et les détails qu'il donne sur le culte
;

des saints de Brescia et de Gènes éclairent opportunément la i

genèse de Faustin-Jovite ^ |

J'ajoute que Grégoire atteste indirectement la popularité


de plusieurs des héros de nos Gestes Proculus, Anastase, Ju- ;

vénal^ Sabinus, Eutychius, Donat, Maxime, Faustin, ^Emilia-


nus, Isaac, Herculanus, Sévère.
Les mêmes thèmes légendaires reparaissent dans Grégoire
et dans les gestes ce sont les Egyptiens qui entraînent les
:

âmes, ou les ressuscites qui décrivent les enfers. On relève,


ici et là, les mêmes intentions anti-ariennes ', lesmêmes dé- !

tails empruntés aux légendes grecques % les mêmes incidents


de la lutte que soutient obstinément contre le Christianisme le
paganisme rural ^
On doit conclure qu'zV y a une étroite solidarité entre les
Gestes et les Dialogues : ces deux séries de textes se complètent
et s'éclairent l'une l'autre leur rapprochement permet de re-
;

constituer l'ensemble du mouvement légendaire dont les Dia-

« Dialog., m, 14. — P. L., 77,244. Cf. supra, p. 61.


Eod. op., m, 15.
2 —
P. L., 77, 249. Cf. supra, p. 74.
3 P. L., 77, 661. Cf. supra, p. 76.

* P. Z., 77, 732. Cf. supra, p. 82.

8 P. L.. 77, 539. Cf. supra, p. 86.

6 Dialog., iv, 52-53. —


P. L., 77, 413-416. Cf. supra, p. 192.
ï
Grégoire a adressé les Dialogues à Theodeliade [Paul Diacre H. L., iv, 5]. :

8 « Veoerandus vir... petiit ut sibi paululum orandi licenlia daretnr «


[DiuL, III, 37. —
P. L., 11, 312, A]. Rapprocher le miracle qui survient alors
de ceux qu'on lit dans les gestes.
9 Dialogi, ii, 8, 19 [P. L., 66, 152 et 176]. « Castrum... Gassinum..., in quo...

a stulto rusticorum populo ApoUo colebatur .. lUuc... vir Dei perveniens con-
Irivit, idolum, subvertit aram, succendit lucos, alque in ipso templo Apoili-
nis oralorium (?) b. Martini, ubi vero ara eiusdeui ApoUinis fuit oratorium(?
s. Joauuis coustruxit... — Cf. Félix du Pincio, Anthime, XII Syriens), etc..
s. GRJ5G01RE ET LES GESTA MAR'IYHUM 295

logues ne donuaient qu'un fragment. Grégoire appelle du


môme nom, respectueux et vague, Paler, un martyr des Gestes
comme Donat % un confesseur des Dialogues comme Nonnosus
ou Isaac il parle avec la même piété- des uns et des autres.
;

C'est que la sainteté des uns et des autres est égale et leur
mérite pareil à ses yeux ; le confesseur d'aujourd'hui vaut le
martyr d'autrefois. Ainsi apparaît l'unité profonde de ce mou-
vement grégorien, ainsi se précise pour nous la nature du rap-
port qui le lie au mouvement ostrogothique.
Saint Grégoire dit à Pierre :

Duo sunt... martgrii gênera, unum inocculto, alterum in


publico. Nam etsi persecutio desit exterius, martyrii meriium
in occulto estf cum
ad passionem prompta flagrat in
virtus
animo. Quia enim esse possit et sine aperta passione marty-
rium, testatur in Evangelio Dominus, qui Zebedaeifîliis adhuc
prœ infirmitate mentis majora sessionis loca quœrentibus di-
cit : « ego bibiturus sum » ?
Potestis bibere calicem quem
[Mt.y XX^ 22^. Cui videlicet cum responderent « Possumus », :

ait utrisque : « Calicem quidem meum bibetis ; sedere autem


ad dexteram meam vel sinistram, non est meum dare vobis ».
Quid autem calicis nomen nisi passionis poculum signât? Et
cum nimirum constet quia Jacobus in passione occubuit, Joan-
nes vero in pace Ecclesiœ quievit, incunctanter colligitur esse
et sine aperta passione martyrium, quando et il le calicem Do-
mini bibere dictus est qui ex persecutione mortuus non est. De
his autem talibus tantisque viris quorum superius mcmoriam
feci, cur dicamus quia si persecutionis tempus exstitisset mar-
tyres esse potuissent, qui, occulti hostis insidias tolérantes
suosque in hoc mundo adversarios diligentes, cunctis carna-
hoc quod se onmipotenli Deo
libus desideriis resistentes, per
in corde mactaverunt, etiam pacis tempore martyres fuerunt,
dum nostris modo temporibus viles quoque et sœcularis vitœ
personis, de quibus nil cœlestis gloriœ prœsumi posse videba-

1 P. L., 71, 184, C \Dialogi, i, 7].


- Noter avec quelle piété S. Grégoire parle des martyrs à la fia de la vie
de S. Benoît, P. L., 66, 204. Il s'inspire des gestes de sainte Félicité,
G. M. R. 1. 382. —
On sait que saint Grégoire, dès avant 590, prenait le titre
de servus servorum Dei [Ewald Neues Archiv. m, 1878, 544]
: je le retrouve :

dans les gestes des Martyrs grecs. « Valerianus dixit ad Hippolytum dé- :

clara nobis, et tu, nomen tuum. » Hippolytus dixit « Hippolyius servus ser-
:

rorum Dei » [de Rossi R. S. m, 203]. N'est-ce pas l<i le texte qui a inspiré
:

directement S. Grégoire ?
29G CONCLUSION

tur, ohorla occasione contigit


, ad martyrii coronias pervenisse ^
Aujourd'hui comme autrefois, le vrai chrétien peut témoi-
gner de sa foi, sacrifier son égoïsme à son idéal, tuer la chair,
parvenir à la vie éternelle point n'est besoin de bourreaux
:

pour ces martyrs de la charité, de la chasteté et de la foi. C'est


le Seigneur lui-même qui égale à Jacques, le martyr de Jéru-

salem, l'apôtre Jean dont la vieillesse indélinie semblait dé(if;r


la mort et qui mourut dans la paix. Si donc les chrétiens
doivent connaître, admirer, aimer, imiter les martyrs de la
persécution, ils doivent aussi connaître, admirer, aimer, imi-
ter les martyrs de la paix. Et peut-être ce fin psychologue
qu'est Grégoire voit-il que l'exemple de ceux-ci sera plus pro-
fitable aux fidèles que l'exemple de ceux-là les épreuves
:

qu'ont eu à surmonter ceux-ci se rapprochent davantage de


celles qu'impose à chacun Thumble vie de chaque jour. Voilà
comment et pourquoi l'auteur des Dialogues est contem.po-
rain et parent des auteurs des Gesta ; voilà par où se touchent
et se rejoignent les deux œuvres du pape illustre et des clercs
obscurs et voilà comment, se prolongeant et s'élargissant au
;

vi^ et au vue siècle, la légende des martyrs de Rome suscite


la légende des martyrs et des confesseurs dltalie ^

1 Dialogî, m, 26. —
P. L., 77, 281-284. —
Cf. G. M. R., ii, 101, note 1, les
textes de Salvien et de Gassiodore qui indiquent la même idée.
2 On traite au volume V [G. M, R., La Légende romaine et la Légende
grecque] de certains textes qu'il peut d'abord sembler étonnant de ne pas
trouver étudiés ici. On les considère comme de simples adaptations de lé-
gendes grecques.
APPENDICES
I
APPENDICE I

SAINT ALEXANDRE DE BACCANO

Dans un [Notes d'hagiographie toscane.


article récent —
Revue Bénédictine, 1907.112], D. G. Morin se demande de quel
endroit Alexandre fut évêque. Il écarte l'opinion de de Rossi,
d'Allard, de la Cività Cattolica et de Duchesne, qui placent à
Baccano le lieu de son siège comme le lieu de son supplice *.
L'itinéraire qu'on fait suivre au martyre [de X... à Rome et
de Rome à la villa impériale près Baccano] semble indiquer que
le lieu où il est arrêté est éloigné de l'empereur Rome ; et lorsque
l'interroge et lui dit Tu es Atexander qui partent Orientis
:

damnasti ne semble-t-il pas indiquer que le siège de Tévè-


,

ché d'Alexandre se trouve en Orient? Justement D. Morin ren-


contre dans le Synaxaire de Constantinople, à la date du
22 octobre [éd. 1556], l'éloge d'un Alexandre,
Delehaye, col.
évêque et martyr qui convertit un soldat, Héracleioo, et quatre
femmes, Anne, Elisabeth, Théodote et Glycérie ; il est décapité
avec elles et avec lui ; on célèbre sa fête à Gonstantinople, dans
réglise qui lui est dédiée, i^Xr^atov xoù àytou recopYiou èv xôp KuTraptaji^.

La date du 22 octobre peut fort bien être une erreur et devoir


se lire 21 septembre, anniversaire du martyr de Baccano. Le
rédacteur du Sijnaxaire semble suivre et résumer notre texte
latin : Héracleios est évidemment Herculanus. Le culte de
1 Bul. A. C, loco citato. — Revue des questions historiques, octobre 1905,
p. 393, noie 1, — Civiltà... anno LV, iv, p. 203. —
Archivio délia R. Società
romana di storia patria, XV (1892), 493.
300 ALEXANDRE Dli BACCANO

Constantinople apporte « une confirmation inattendue de l'allu-


sion... des actes latins aux relations qu'aurait eues avec l'Orient
le martyr de Baccano ». Le martyr Alexandre, vénér«jà Haccano,
était evêque d'une ville située en Orient.
A l'appui de l'hypothèse, on peut encore faire valoir que la lé-
gende latine date sans doute du temps de Vigile \d, supra ] et ;

que rien ne s'explique mieux, alors, que l'influence d'une tradi-


tion grecque sur une tradition latine. D'autant que, on l'a vu [p.
()-13j, notre auteur ne se fait pas faute de puiser un peu partout
les éléments de son récit, notamment dans des textes grecs.

A rencontre de l'hypothèse, on remarque que l'attribution à


un martyr d'une origine orientale est un trait fort banal [cf. G.
M. R., I., 345-346] —
que les textes latins ignorent les quatre
;

femmes martyres; —
et que le texte grec ignore l'empereur Anto-
nin, Crescentianus, Boniface et Vitalion, la résurrection de l'en-
fant mort, l'épisode de Cornelianus et de l'archange saint Michel.
Je ne rejette pas l'hypothèse de dom Morin ; mais, avant de
l'adopter, me permettra-t-il d'attendre qu'il déniche quelque
fait nouveau ?
—Le diptyque de Lucques, dont P. Guidi vient de déchiffrer
la colonne de gauche [Revue Bénédictiiie, \^01 \22]àoxiï\^, ,

ligne 18 alexandri [les lignes 16 et 17 donnent felicis^ pan-


:

crat [ii] les lignes 19 et 20 ambro \sï\, z^?7<2/2 5]. Peut-être s'agit-
;

il du martyr de Baccano. —
11 est certain que ces noms corres-

pondent au Communicantes du canon romain.


—Page 14, note (delà page 13). Des expressions /?nm?^5 /9«-
latinus, primus milesy primus senator^ rapprocher encore
l'expression primus \dux\ ? exercitus^ qui se lit dans la no-
tice de Constantin (708-715) 389. 393\].
[L. P., i,
— Comparer l'inscription delà page 13 avec cette inscription
de Slano (district de Raguse), datée de 462.

DP ET REQVIES SGI AC VENERA


ANASTASI PRB D. V. ÎD. MART

INDICT. X. V. POST es SEVERINï YCT

|G.L L., 14, 623. Cf. diUSSiBulL Daim. ^xxiy (1901), p. 92. et
N. B. A. C, vin (1901), 197 —
d'après Zeiller
; Les origines :

chrétiennes»., de Dalmatie, 130-131 et p. 101, note 1]. K

1. Les mots de l'inscriptioa sont séparés par quatre petites feuilles.


.

ALEXANDRE DE BACGANO 301

L'inscription d'Alexandre portait peut-être veiierandus, non


venerabilis ; l'auteur du texte aura mal lu l'abréviation.
— Ajouter page 14, ligne 10, après le mot Vindohonen-
à la
sis; « peut-être cette version primitive de A, que j'appelle A',

ignorait-elle l'épisode de la veuve et de Tétole; c'est elle que re-


manie l'auteur de B. »
— De la résurrection de l'enfant par^ Alexandre, rapprocher une
analogue que raconte saint Grégoire, Bialogi^ ii,
histoire assez
32. F.L.,66, 192.
Quidam,., rusticus defuncti filii corpua in idnis ferens..,,
ad monasterium Benedtctum patrêm qaœsivit... :
venitj
« Redde filium meum,.., »... \ir Dei... flexit, gemia et super
corpusculum in/antis incubiiit, seseque erigens ad cœlum
palmas tetendit dicens : « Domine, non aspicias peccata
mea, sed fidem liuius hominis... ; redde in hoc corpiisculo
animam quem abstiilistù., » Regrediente anima... corpuscu^
lum piieri omne contremuii.
En rapprocher encore du ressuscité de Mebros, qui
l'épisode
avait fait d'abord un tour en purgatoire et en enfer, dans Bède :

Bistoria Eccles.Anglonnn, v, 12.


I
APPENDICE II

SAINT AGAPET DE PRÉNESTE

M. J. Zeiller vient de reprendre et de développer l'hypothèse


du R. P. Delehaye '
dans son travail suc Les origines chré-
tiennes dans la province romaine de Dalmaiie [Paris, Cham-
pion, 1906. — Bibl. de l'Ecole des hautes Etudes. Sciences his-
toriques et philologiques, fascicule 155].
La légende de Venant n'a pas été calquée sur la légende
d'Agapet [p. parce que plus logique et plus homogène que
celle-ci. — La68J,légende d'Agapet n'est pas homogène ; elle n'est
elle-même qu'une adaptation d'un autre texte [p. 69], à savoir
la passion de saint Venance de Salone [p. 72] Car i. Venant de . :

Camerino donne des indications topographiques qui s'ap-


pliquent assez bien aux environs de Salone 2. Les noms de Ve- ;

nantius et d'Anastasius sont des noms de saints dalmates ;

3. Certains détails se réfèrent à des événements historiques


réels [p. 72 et 74]. La légende de Venance de Salone était fa-
buleuse, mais dérivait, en effet, d'un texte authentique [p. 74] :

le roi Antiochus n'est autre que Flavius Antiochanus, consul de

270, préfet de Rome sous Aurélien si Aurélien n'a pas persé-


;

cuté les chrétiens, un usurpateur dalmate nommé Septimius


[Aurélius Victor Epit. 35J a pu les persécuter, et martyriser
:

Venance de Salone. Justement, une des versions d'Agapet conte

1 Cf. supra, p. 27. note 4.


304 AGAPÊT DR PR^:NE8TE

c'est un souvenir
qn'Aiitiochus lut diass6 par ses sujets et tué :

de la chute et de la mort de Septimius. Justement, encore,


une
inscription [C. L. I., m, 828] semble identifier Septimius et An-
tiochus. . .

L'inscription
Ce système paraît plus ingénieux que solide.
chronolo-
qu'on apporte n'a aucune attache topographique ou
certaines.
gique assurée; l'interprétation ni la lecture n'en sont
— On ne sait rien de Septimius ni de ses rapports avec les chré-

tiens. Le nom d'Anastasius n'est pas spécifiquement dalmate.
— On guère précis touchant les indications topographiques
n'est
aux
de Venant de Camerino qui s'appliqueraient « assez bien »
environs de Salone. —
Venant de Camerino est plus homogène,
volontiers que
dit-on, ({xiAgapet de Préneste j'en conclurais :

Vena?it est postérieur à ^^a/^é»/. —


Le roiAntiochus rappelle le
persécuteur des Macchabées plutôt qu'un consul obscur.
Le livre I
Epiphane
des Macchabées raconte [1-6] les luttes d'AntiochusVl
et l'on sait le
[176-164] contre Mattathias, Juda et ses frères ;

chrétienne
retentissement de cette histoire dans l'imagination
:

les Macchabées sont le type des


martyrs '.
On oublie surtout que les versions d'Agapet se divisent en
aussi
deux groupes et que celles qui ignorent Anastase sont
;

nature
homogènes que le sont en général les textes de cette ;

environs de l'an 500


et que Thistoire du culte de Préneste aux
translations de Jean IV éclairent l'origine des
unes et des
et les
autres. Inutile de faire intervenir un texte dont l'existence même
est douteuse.

E. Le cardinal Rampolla a soutenu


naguère que les reliques des
1
s
Constantioople et de Constanti-
sept frères avaient été portées d'Antioche à
del rnartirioedelsepolcro dei
nople à Rome au temps de Justinien. Del luogo
Maccabei. - Roma. Tip. Vaticana. 1898. -Cf. Analec ta iS9S. 3o6]. Quoiqu U
Maccha-
en soit de la réalité deces translations, la célébrité de 1 histoire des
bées en Occident dès le vi* siècle ne fait pas doute.

Il
APPENDICE m

SAINT LAURENT DE SPOLÈTE ET SAINT LAURENT


DE FARFA

J'ai publié (p. 72) un texte écrit en 529, qui prétend raconter
Fhistoire d'un évêque de Spolète appelé Laurent.
Les Bollandistes ont analysé (p. 64-65) un texte qui adapte
à Laurent de Spolète la légende des XII Syriens.
C'est ce Laurent de Spolète qu'on retrouve, probablement
dans le Laurent auquel la tradition de Farfa attribue la fonda-
tion de ce monastère. Voici, à ce sujet, quelques textes intéres-
sants je les emprunte tous à l'excellente édition du Chronico7i
:

Farfense de Grégoire di Gatino que nous devons à Ugo Balzani


[tome I, Roma, 1903, — dans les Fonti per la Slorta dltalia
publiés sous la direction de Tlstituto Storico italiano »].
c<

Grégoire cite un privilège accordé par le pape Jean VI


(701-705) à Thomas de Maurienne ; on y lit ces mots :

Venerabile monasterium sanctœ Dei genitricis semperquc


virgiiiis Marias quod Laurenthis quondam episcopus vene-
randde memoriœ de peregrinis veniens in fundo qui dicitur
Aciitianiis territorii Sabiyiensis constitnit et ^ pr opter religio-
sam eius conversalionerriyet divini servitii sedulitatem^ ibi-
dem secum co7iversantium,loca qiiœdam tam emptu quam ex
ohlatione fidelium acquisivit [Balzani, p. 128. — Cf. le Reges-
tum Farfense, doc. 2.]
Dans le Chronicoji Grégoire écrit :

... Pater noster Laiirentius, htdiis sacri cpenohii œdificator


lU 20
306 s. LAURENT DK SPOLÈTE

primiis..,, quando de terre atque cofjnatione nua^ ft')C est de


Siria exivit... in hanc Sabineiisem provinciam post beatissi-
morum apostolorum venit adorata limina, in qua aliquantiH-
percomrnoratuSy dura epnscopatus konore funger(Hiir... secidi
sublimia sprevit,... episcopatimi deseruity et contemplât ivam
vitam... et... monacfdcum liumile indumentum accepit..;
cum... in quodam puteo, loco qui dicitur Aturianus Sabi-
nensis provinrAœ^ imma?îissimus tune draco habitaret...
Laurentius a dominis ipsius loci tam vendicione quam con-
cessione eumdem locum accepit et... sevam pepulit Dornini
virtute omnipotentis pestem... deinde in uno ex his quœ ei
tradita vel viendita fuerant loca^ idest in sito cuius vocabulus
est Acutianus, una cum sua germana Susanna monasterium
hoc in honore sanctse Dei genitricis semperque virginis Ma-
ride et sanctorum Johannis Baptiste et Johannis E rang élis tde^
idem vir Domini Laurentius, non de publico, conslruxit.. ;

quod bene idem venerabilis Laurentius innotuit, cum in isiius


ecclesiœ absida tituium posuit^ in quo refertur ab eo et Su-
saniia eius germana hoc monasterium non de publico fuisse
constructum.. cum autem... diu in hoc monasterio certamen
;

bonum certassety... ex hoc luce migravit.


Dans son Floriger, Grégoire revient sur Thistoire de Laurent
et livre le résultat de ses dernières recherches :

Quod de temporibus saiictissimi patris nostri Laurentii


ante gestis beatorum Euticii et Ysaac aliorumque sanctorum
qui eius collegae fuerunt repperimus, stilo iam veraci profe-
ramus. denique temporibus Juliani imperatoris eratin partie
bus Syriœ vir vitœ venerabilis Anastasius cum duobus fîliis
siiis^ Bricio scilicet atque Euticio.. ipatriam relinquerunt...,

cum his etiam se addiderunt plurimij maxime nepotes eo-


rum et consanguinei circiter IX, videlicet: Ysaac, JohanneSy
Laurentius y Proculus, Paractalis, Vincentius, Crispoiitus
necnon Herculanus. Cum quibus et Susanna germana...
et
Laurentii... Romam causa orationis advenerunt.. \episcopus
Urbanus.». Bricium et Carpoforum ordinavit presbiteros,
Laurentium et Abu?idium constituit diaconos... Tune iniqui
pagani nuntiaverunt Juliano ; prœcepit in loco ubi dicitur
.
.
. . .

Aquae Salviœ.,. caput beati Anastasii abscidi... Bricius et


Euticius... venientes in viamCorneliam ubi dicitur Pax San-
ctorum... Euiicius adBalzena locaprimo perrexit... deinde...
ad locum qui Cample dicitur abiit... Bricius vero et Ysaac at-
ET S. LAURENT DE FA RFA 307

queJohamia^ad Spoletanamprofecti siint iirbem... et monas-


terui ibidem constru {.rertint).. Vi?îce?ilws aiitem Mevanœ
episcopus... Proculiis... sub oppido Carsulaiio monasterhim
staluens... Crispolitus quoqiie Vectojiœ... Herculanus autem
Perusinœ... Lafircnthis vero una cum sorore sua... Susarma
Sabinesempetiti simt... ; episcopus.,., expulii draconem, in
quo videcelct loco cni vocabtdum est Tnrianum, ecclesiam
construens... post hoc autem locum reperiens remotiorem
ubi... monasterium elegerit^ cuius vocabulum est casalis
Acutianus... : construere cœpit, ut conici potest, temporibus
Gratiani imperatoris.
Le récit du Floriger repose certainement sur une version cy-
clique de Laurent qui ditTère sans doute de la version analysée
par les BoUandistes [cf. supra p. 65] la version du Floriger
^
:

paraît ignorer Gaïus. —


Cette version mystérieuse avait été ré-
digée d'après le texte du Codex Parisinus 5323 [cf. supra,
p. 78], ou d'après un texte analogue elle s'intéresse aux:

Aquds Salviœ et ne connaît aucune métropole. — Elle modifiait


cette source : pays de Bolsène pour
Euticius, dit-elle, quitte le
locum qui Cample dicitur; eWe remplace l'énigmatique Sci-
piodote de Victoria par Grispolitus de Bettona [cf. notre obser-
vation, p. 140, note 3]. —
C'est donc à cette version cyclique
de Laurent utilisée par le Floriger que se rattache, selon toutes
les apparences, notre texte de Grispolitus [cf. supra, p. 139] :

les deux textes n'auraient-ils pas même auteur? La version du


Floriger ne remonterait-elle pas au vu* siècle? (La chronologie,
sans doute, est propre à Grégoire).
Le du Chronicon mentionne la Svrie et Susanne le
récit ;

texte que nous avons trouvé dans le Vindobonensis ignore


l'une et l'autre la version du Vindobonens is n'est donc pas la
;

source du Chronicon. —
Cette source n'est autre, peut-être,
que la tradition locale. Celle-ci est attestée, au seuil même du
viii" siècle, par le diplôme de Jean VI elle semble appuyée par
;

cette inscription de l'abside in {qua) refertur ab eo et Susanna


eius germana hoc monasterium non de publico fuisse cons-
tructum. Peut-être donc, —
on sait la valeur du témoignage
de Grégoire —
Susanne a-t-elle une réalité historique. Mais il
est permis de croire que l'épisode du dragon est emprunté à
Sitvestre (ou à un texte analogue '.) que l'origine syrienne de
;

1 Anafolie-Victoire, Paris, Donat (TEuria.


308 s. LAURKNT DK SPOLETE

Laurent a été suggérée par l'histoire d'isaac ou de Jean [cf.


mpra, p. 60-61 J et que le personnage est identique à celui que
;

voulait célébrer l'hagiograplie de 529 *.


Cette tradition locale s'exprimait aussi dans la Consirutio
Farfensis Grégoire nous l'apprend. Lefjimus.., in autenticœ
:

Constructionis illius prœmio^ quia temporibus Romanorum^


priusquam Hitalia gentUi gladio ferienda iraderetur, très
viri de Siria advenerunt, scilicet Ysaac Johaniies atque Lau-
rentius cum sua germana sorore Susanna de quorum primo
duorum b. papa Gregorius... sic in Dialogorum libro tertio,
capitula decimoquarto, mentionem faciens dit ;... ^

Je m'explique mal, seulement, comment Geniolati (Peniolatim) s'appelle


*

ci Acutianus. Feut-être Laurent de Spolète a-t-il absorbé un Laurent incounu,


frère d'une Suzanne, et fondateur véritable du monastère.
Baizani a publié, loco citato, p. 103, un sermon inédit sur saint Laurent. —
Cf. aussi Marino Marini ; Série croaologica degli abali del monastero di
Farfa. Rome, 1836. Mabillon : A. SS. 0. S. B., i, 231, anno 576.
2 Cf. le Codex ParisinusbS23 [supra, p. 78-79, note 1].
APPENDICE IV

SAINT iEMILIANUS DE SPOLÈTR


QUEL ENDROIT DÉSIGNENT LES TERMES « CIVITAS LUGANA »

Une de saint Grégoire, adressée à Félix, évêque d'Agro-


lettre
poli, en juillet 592, lui confie le soin de visiter les églises de
Vélie (Gastellemare délia Brucca?), de Buxentum (Gapo sella
Foresta?près Policastro) et de Blanda (Porto di Sapri) Agro-:

poli est resté byzantin, tandis que les trois autres églises ont été
conquises par les Lombards |
Diehl, p. 75].
Qtioniam Velina, Buxentina^ et Blandana ecclesiœ^ qudetibi
in viciiio sunt conslitutœy sacerdotis iioscuntiir vacare regi-
miney proptevea fraternitali tuœ earum solemniter operam
visitationis iniungimus [Hartmann, ii, 42. p. 141].
D'autre part, c'est à Agropoli que s'est réfugié l'évêque de
Pœstum [Duchesne, Mélanges, 1903, 108J.
Enfin, voici comment s'ouvre la lettre de Grégoire à Fé-
lix :

Gregorius Felici episcopo de Acropoli « visitatori provinciîe


Lucanise ».
Ce titre de visita tor provinciœ ne se retrouve nulle part
ailleurs [Hartmann, p. 141, note]. A-t-il une valeur authen-
tique? A-t-il été formulé d'après le contenu de la lettre, connue
pense Hartmann, par un scribe ?
En fait, il est certain qu'Agropoli est devenu le centre reli-
gieux de la Lucanie j'ajoute en fait et en droit, puisque c'est
;
:
310 s. TRMILfANUS

l'évêque d'Agropoli qui a mission, officiellement, de s'occuper


des églises voisines. Sans doute Pa^stum, Potenza, Grumentum
et Marcelliana ne lui sont pas officiellement rattachés au mo-
ment oà écrit septembre 592. Mais combien de
Grégoire,
temps cette situation a-t-elle duré? Ktant donné la fuite de
l'évêque de Paestum à Agropoli, on peut croire que, à la mort
de cet évêque, son église fut confiée au titulaire d'Agropoli, qui
est tout proche de Paestum. Depuis le temps de Pelage 1 Jall'é, |

1015, 1017], on ne sait rien ^ des églises de la Lucanie in-


térieure : il est probable qu'elles furent détruites par les Lom-
bards ; il mais non certain, qu'elles furent
est probable encore,
rattachées à Agropoli. Ne se trouvent-elles pas dans la même
province que cette ville et n'en sont-elles pas aussi près que
;

des églises de Tarente,... d'où les séparaient, de bonne heure,


semble -t- il, les Lombards de Oénévent établis dans la vallée de
Bradanus ?
Si le terme visitator provinciœ Lucanide ne remonte pas à
l'année 592, il peut refléter une situation de peu postérieure à
cette date. Le concile de 649 nous atteste, ici comme ailleurs,
une résurrection des églises locales (Pœstum, Buxentum, Blanda).
On comprendrait donc bien que, entre 592 et 649, on ait désigné
Agropoli par les mots civitas lucana. C'est Agropoli que dési-
gnerait l'auteur ^ Mmilianus par les mots civitas lucana.
11 faudrait renoncer, alors, à reconnaître le Clitumne dans le
mystérieux Cleoton des gestes.
Mais il est clair que la localisation d'^Emilianus à AgropoU
est fictive l'explication que nous avons donnée de la légende
:

nous oblige à le croire ses rapports avec les textes ombriens,


;

du reste, sont très apparents.


Et j'insiste sur le rapport qui raconte l'élévation du saint à
lepiscopat. Les Spolétains l'envoient à Agropoli (?) sur le con- ;

seil des Spolétains les Anchi (Anicii?) d'Agropoli (?) deman-


dent nomination à Rome ^, et cest Rome qui raccorde. Il
la

y a donc, au moment où écrit l'anonyme, bon accord entre


Rome et Spolète. —
On sait, d'autre part, la politique de Gré-
goire le Grand et de Théodeiinde (+628) qui, contrariée par.
Maurice, triomphe quelque temps lorsque règne Adaloald, 616-

1 Une lettre de Grégoire [juillet 599. —


Hartmauu, xi, 209. tome II, 195]1
atteste que, à cette date, uq serf de Téglise de Sainte-Marie, à Grumeutum,]
réside eu Sicile. — Ce qui concorde bien avec notre liypotlièse.
^ Cf. Félicien, supra, p. 82.
ET LA CIVITAS LUC AN A 311

626 paix entre l'empire et les Lombards préparant l'entrée des


:

Lombards au sein de TEglise et de l'empire. Je renvoie à la


correspondance de saint Grégoire et à ce passage de Paul
diacre, iv, 41 :

Sfib /lis{Adaloald et Teudelinda matre) ecclesix restauratœ


siint et midtse dationes per loca veiwrabilia largitse [Wailz,
133].
Qui ^2\X û ^milianus x\Q date pas du règne d'Adaloald?'

— P. 110. Rapprocher le dieu Galien, que mentionne JEmilia-


71U.S, du dieu Galenos (?) que Ton rencontre dans Euplus E
[G. M. 181]. Ici et là, il s'agit d'un dieu guérisseur, tel
R., 11,

qu'Esculape, et qui n'est autre, évidemment, que le fameux


médecin Galien [pareillement, jEmilianus nomme Hippo-
crate]. Y aurait-il un rapport entre Euplus E et JEmilia-
nusl

— Je ne crois pas qu'il y ait rapport entre notre saint et le con-


sul ^milianus qui apparaît dans Calocère-Partfienius
[19 mai 301, §)^ 1-2]. Noter pourtant que les héros des deux
légendes sont Arméniens n'est-ce pas en souvenir de Calo-
:

cère et Parthenius qu'on a attribué cette origine au saint de


Spolète ?

Je rappelle que Grégoire le Graod avait un notaire appelé jEmilianus


1

[cf.supra, p. 114, note 2]. —


Mais voici une difticulté. Comment expliquer
que Maximien Augustics Tusciœ ait autorité sur la civitas lucanu ? L'auteur,
qui écrit en Ombrie Tuscie, a eu, sans doute, une distraction.
Sur la réaction arienne et lombarde d'Arioald, cl. Hartmann, ii, 1.207-209,
et Bethmauu Holder-Egger : Langobnrdische Hegesten [Neues Archiv., lu,
236].
I
APPENDICE V

DE L'INFLUENCE DES PATRIMOINES DE L'ÉGLISE ROMAINE


SUR LES LÉGENDES ITALIENNES

On
a vu plus haut, p. 10 et p. 48, que trois basiliques ro-
maines possédaient des terres près Baccano et près Laurente :

ce qui explique sans doute les points de contact des légendes de


Laurente et de Baccano avec les gestes romains.
On a vu encore, G. 177, 199, 201, que l'introduc-
M. R., ii,

tion à Rome des cultes de Vitus et d'Agathe s'explique sans


doute par les patrimoines lucanien et sicilien de l'église ro-
maine * ; et de même l'introduction du culte de Vitus en Si-
cile, et du culte d'Agathe à Palerme ^
On entrevoit quelques autres faits analogues.
Agapet B nous rappelle beaucoup Vitus [cf. supra, p. 27] et
s'intéresse aux questions de patrimoine. Or, l'égliseromaine
avait un patrimoine près Préneste [Jaffé, 951. — P. L., 09.
417. — Fabre, 77-79].

* Sur patrimoines, je renvoie à l'excellent mémoire de Paul Fabre,


les
De patrimoniis Romanx Ecclesix usque od selatem Curolinorum [IusuIîe,
1892J, et à Hartmann, ii, 1,137 ;i, 285, 293. 299; ii, 1,141; ii, 2, 112 et pas-
sim.
2 Je n'ai pas indiqué, G. M. R., ii, 201, la date des versions latines qu'on
est en droit de supposer derrière les deux textes grecs d'Agathe. S'il était as-
suré que la division en deux cercles du patrimoiue sicilien date, comme il
semble, de saint Grégoire, c'est de cette époque qu'on pourrait, presque sû-
rement, dater ces versions [Cf. Tefflorescence du cuite à ce moment, G. M.
R., Il, 198].
314 LES PATRIMOINES KT LES LEGENDES

Aiit/iime [s?/pra, p. 50, n° Ij et Victorin-Sttverin [supra,


p. 278J nous conduisent près d'Osimo. 11 semble bien que l'é-
glise romaine possédait de ce côté des terres qui faisaient partie
du patrimoine picénate [Fabre, 8'i-84].
LesX/7 Syriens [supra^ p. 6G] nous parlent du GastrumCar-
sulanum, à propos de Proculus [p. 73]. L'église romaine possé-
dait justement un patrimonium Savinense atque Cartioianrun
[Epist. Gregorii, m, 21 de février 593. Hartmann, i, 179; —
cf. L. P., I, 428 et Fabre
75-77J, qui fut fameux au temps
:

d'Hadrien et de Charlemagne. —
Les moines de Farfa y devin-
rent très puissants, de bonne heure peut-être.
Gratilianus-Felicissima [supra, p. 147] nous rappelle la
massa gratiliana qui est attestée au temps de Grégoire etd'Ho-
norius [Jaffé, 1621 et 2031], et qui faisait certainement partie,
au VII® siècle, du patrimoine de Tuscie.
Les légendes de Tuscie et d'Ombrie prolongent, au cours du
vii^ siècle, je l'ai montré en détail, le mouvement légendaire ro-
main. — On croit, d'autre part, noter un curieux essor du patri-
moine de Tuscie au cours du vu® siècle '
: il fut tel qu'on dut en
renforcer l'administration^ en dédoublant la circonscription. Les
deux faits chacun témoigne de la vi-
s'appuient mutuellement :

vante influence del'égiise romaine à cette époque en ces pays.


Les patrimoines de l'église romaine ont exercé une action sur
la légende italienne si nous ne pouvons pas encore en marquer
;

l'extension, du moins pouvons-nous en apercevoir l'existence.


Les membres de l'administration patriinoniale ont fait connaître
au dehors les gestes romains, à Rome les cultes italiens : peut-
être en ont-ils parfois célébré les héros.

1 Fabre : p. 73-74. Le dédoublement de ce patrimoine n'est attesté qu'au


début du viiie siècle. Sans doute remonte-t-ii au siècle précédent.
APPENDICE VI

QUELQUES AUDITIONS ET CORRECTIOiNS

P. 17. — Hedestus, Une église consacrée à saint Hedestus, sur


la voie Ardéatine, est signalée par le Liber Pontilicalis, notice
d'Hadrien 1 Huius temporibus defunctus Leoni-
[772-795] :

nus consul et dux... très iincias masse Aratiane... sitas ab


hac Romana urbe miliario XVI, via Ardealina^ in qno et
eçclesia beati Edisti esse dinoscitnr... [Duchesne, i, 505].
Sur cette église, cf. Tomasetti : Arch. Rom., ii, 403 [d'après
DuchesLie, L. P.» i, 519, note 75].

P. 82. — Graton, qui apparaît dans


Valent in de Terni, est
emprunté sans doute aux légendes apostoliques. N'en serait-
il pas de même de cetteMygdonia qui intervient dansZ>^/??niV>

[Zeiller Origines chrétiennes.... de Dalmatie, 1906, p. 28]


: :

le nom se lit dans les actes de l'apôlre saint Thomas c'est la ;

femme de Gharisius [Lipsius, Die apokryphen Apostelges-


chichten und Apostellegoiden, i, 143, 231,236, 239, 261,
334. j Et, à ce propos, est-il sur que Domnio date du x® siècle ?

P. 44. — Constantius. Supprimer les mots « ni même d'un :

évêché » (ligne 9 ab imo, gros texte). Mgr Duchesne cite un


évêchédeSpello qui disparut [)Our jamais, en même temps que
celui de Bétonna, à l'époque lombarde[i/é/fl^«^^5,1903,94,95].
— Constantius B%^i dès lors à rapprocher de Félicien de Fo-
316 ADDITIONS

gno (ou de Forum Fidïx de Spello en est indé-


Flaminii) ;

pendant. Par malheur, nous ignorons tout de la ruine de


Spello, comme de la ruine de Foligno, de Forum Flaminii et de
Bettona. Nos légendes sont évidemment antérieures au temps
oii ces ruines furent définitivement consommées ; elles re-
flètent sans doute des efforts de restauration. Faut-il songer
au temps de Rothari ?

P. 50. — Anthime. Une église consacrée à saint Anthime, sur


le territoirede Cures, en Sabine, est attestée par une lettre
de saint Grégoire à l'évêque de Numentum, Gratiosus [jan-
vier 593] : curam gubernationemque sancti
Fî^aternitati tuœ
Anthemi eeclesiœ, Curium Savinorum territorio consti-
tutae^ praevidimus commit endam, quam tuœ ecclesiœ ad-
gregari unirique necesse ^^/...[Hartinan, ii, 178].
Sur Cures, cf. Balzani e Giorgi Regesto di Farfa [Roma,
:

1880, sq.], Tomasetti Arch, délia società romana^ xi, 150


: ;

Jung, Grundriss der Géographie.,. (1897), 40-43.

P. 61. — Jean Penarie/isis. De l'attitude d'Isaac et de Valentin


[cf. 31] lorsqu'ils guérissent les démoniaques ou les morts,
p.
rapprocher celle de saint Benoît, Dialogi^UyS^f P. L., 66.192.

P. 69-70. — ^^rc^//a;2?/.9. Du supplice infligé à Herculaniis, rap-


procher ce texte du Liber PonlificaliSy h peu près contem-
porain je le lis dans la notice de Vigile, 537-555. Quand
:

Théodora charge Anthemus d'enlever \igile, elle ajoute :

?îam per viventem in sœcula excoriari te facio [L. P.,i,297].

P. 76. — XII Syrie?is, Noter qu'Eugène I s'est laissé « élire et


consacrer, alors que Martin n'était ni mort, ni déposé, même
irrégulièrement » [Duchesne, L. P.,i,342, note]. Mais il change
bientôt d'attitude dès septembre 656, on le menace de le
:

traiter comme
Martin, [P. L. 129. 653]. Peut-être s'est-il en-
tendu avec Aripert, 653-661, le neveu de Théodelinde que les
Lombards ont poussé au trône, afin, sans doute, de faciliter
leur établissement à Rome, —
comme Martin s'est entendu
avec l'exarque révolté Olympius.
La rédaction cyclique serait donc antérieure au revirement
d'Eugène et daterait par conséquent de 653-656.

ADDITIONS 317

P. 77. XII Syîie?is.ï)es prétentions métropolitaines de Spolète,


Spello, Forum Flaminii, en terre lombarde, rapprocher les pré-
tentions (( autocéphales » de Uavenne, en terre impériale (et

l'œuvre deMaurus, 642-660. —


Cf. L. P., i, 348, 349, note).
Des deux côtés, c est le diocèse suburbicaire qui est menacé.
[Noter que Home soustrait à Milan et se rattache Pavie. L.
P., 1, 395, note 27.]
Certains évêques — tel, l'évoque de Cagliari au temps de
saint Grégoire — ont de métropolitain et une certaine
le titre
autorité sur les évêques d'un pays, sans avoir pour cela le droit
de les ordonner [Epist. ix,8; x, 16, 17, Cf. Duchesne,L. P., i,
367, note 6].
Rapprocher encore des prétentions métropolitaines de Spolète,
les aspirations de Lyon au patriarcat des Gaules [Duchesne :

Fasles, i, 138], de Constantinople au titre d'église œcuméni-

que [concile de 588 conflit de Grégoire le Grand et de Jean


;

le Jeûneur décret de 607]. Il est très clair que saint Augustin


;

de Cantorbéry, l'organisateur de l'Eglise anglaise, espérait


obtenir juridictioii sur les Gaules aussi bien que sur l'An-
gleterre [cf. la curieuse réponse de Grégoire, juillet 601.
Hartmann, ix, 56'_, §7, tome II, p. 337]. L'anarchie politique
qui s'étend un peu partout semble avoir indirectement affaibli
l'autorité du pouvoir central, la papauté, solidaire de Tempire
depuis tant d'années —
et favorisé les ambitions ecclésiastiques
locales. On sait quelles raisons particulières s'ajoutent à cette
cause générale pour favoriser l'œuvre byzantine.

P. 78-79. — XI J Sy?ne?îs. y 3i[ dit que la rédaction cyclique de cette


légende date du milieu du vii^ siècle environ et qu'il faut
chercher son auteur dans le monde de l'administration ponti-
ficale.
Voici un fait qui confirme l'hypothèse. Julien revenant au paga-
nisme est comparé au chien revenant h son vomissement :

Qui Julianus post residuum iempus ad arma bellica imperiali


sede resedit et reversas est sicut canis ad vomitum suum et
persccutor factus est christianorum » [1*' juillet tract prœl.,
8, § 1].
que je lis dans le Liber Po?itificalis, dans la notice du
Or,voici ce
pape Théodore, 642-649, le successeur de Jean IV le Daimate :

Postea rursus more canis ad proprium impietatis voMrrUM


reppedavit {Pyrrhus) [L. P., i, 332J.
318 ADDITIONS

Or, rédacteur po72ti/îcal reprodinl texhfoll^wont ici une


Ip,

phrase du discours tenu par le pape Martin le .) octobre 6i!)


flVIansi, x, 878; et Hardouin, m, 009; d'après Duchesnf^,

L. P., I, 334, note?].


Cette citation semble être extrêmement rare dans les légendes
italiennes.
On est donc en droit de penser que le rédacteur du texte cyclique
des X//5î/r?>;?5Pa empruntée, soit au discours du pape Mar-
tin, directement, soit au texte du Liber Pontificalis puis- :

qu'il est hostile à Eugène, c'est donc qu'il est favorable à


Martin ; rien d'étonnant à ce qu'il connaisse son histoire.

P. 87- — Sabinus. Deux traits analogues se lisent dans Sabinus


dans Eiisèbe et Pontien
et ; ici et là, l'anonyme retrace une

scène populaire et donne le compte des acclamations qui saluent


l'empereur ici et là, on fait allusion à une relique d'un martyr,
;

recueillie de même manière [les mains coupées de Sabinus la ;

langue coupée d'Eusèbe].


J'ajoute que Terentianus Z), qui nous a paru très étroitement
apparenté à Sabinus, présente un détail qui se retrouve dans
Eusèbe-Pontien après qu'on lui a coupé la langue, Teren-
;

tianus crie : gloria tibi, Deus [cf. supra, p. 121] ; après


que Vitellius a fait couper la langue d'Eusèbe, celui-ci s'écrie ;
(jloria tibi Domine Jesu Christe [25 août, 116, § 8]. Com-
parer le supplice des mains coupées [Sabi?îiis, Alexandre],
avec le supplice de la langue coupée [^Eusèbe-Pontien, Fe-
rentianus\.
Nouvelle preuve de l'influence des gestes romains sur la lé-
gende ombrienne.
Noter encore que la dénonciation de Sabinus rappelle pareil in-
cident qui se rencontre dans les Martyrs grecs.

P. 99. — Grégoire
de Spolète. L'invocation Deus Abraham,
Deus Isaac, Deus Jacob^ Deus Patrum, nostrorum qui se lit
dans Grégoire, Jean Penariensis, Constantius A, Vit us,
etc.. vient de la Genèse, xxviii, 13 xxxii^ 9 xlviii,15...], ; ;

ou plutôt, sans doute [G. M. R., i, 361-362], des Actes des


Apôtres [m, a3 vu, 32], ;

Les païens eux-mêmes lui attribuaient une valeur magique [Ori-


gène Co?itraCelsum,i, 22, P. G., 11, 698... de la Blan-
: ;

chère Collections du musée Alaoui, 1890, 103].


:

J
ADDITIONS 319

Les chrétiens l'ont inséi'ée dans leur liturgie. Si on la cherche


en vain dans le Sacramentairc Léonien, on la trouve dans le
Sacramentaire gélasien\^m^ion : Liturgia romana vetus^
536], etc..
I,

Pour plus de détails, cf. 1). A. G., i, 1, 121 (article de Cabrol).

Le rythme ternaire de l'invocation, justifié plus tard par le


dog'ne de la Sainte-Trinité, se retrouve ailleurs [cf. supra,
p. 154, note IJ.

P. 106. — Vinceiit
de Bevagna rappelle Sabbma et Grégoire.
Rien d'étonnant à cela c'est l'évêque de Spolète, Chrysanthe,
:

qui est chargé du soin de visiter l'église de Bevagna [di. supra,


p. 77, note 4. —
Dans l'édition Marimann, la lettre de
saint Grégoire porte le numéro 166 du livre IX]. -- Bevagna
paraît au concile de 649 [Uuchesne Mélanges... 1903 95]. :
,

Le texte date-t-il de ce temps ?

P. 125. — Cassien. L'anonyme invoque l'exemple d'Athanase,


Jérôme Sévère, qui ont raconté
et de Paul, Antoine, la vie et
Martin. — Pareillement, je dans de Golomban
lis la vie
écrite par Jonas :

Quorum beatus Alltanasius Antoniijiieronimus Pauli et Hi-


larionis vel ceterorum quos cultus bonss vitœ laudabiles
reddebat, Postumianus vero, Severus et Gallus Martini
egregide nostris eorum memoriam dimisere sœclis,,.\]Lv\x^ch
S. R. M., IV, 65-66].
Je crois que cette coïncidence partielle s'explique par l'identité
de situation des deux hagiographes. — Comparer encore les
vers qu'on rencontre dRnsyEmitia?îus, cf. supra,]). 112, avec
les vers qu'on lit dans la Vifa Columbani [Kausch, p. C)Q-
67].

P. 137. —
Crescentius. L'anonyme confond Pépin le Bref et
Gharlemagne. —
Pareillement Jonas confond Sigebertet Chil-
debert 11 [Vita Columbani, 6, 18].

P. ihi.- Eufgchius. La croyance que la fin du monde était toute


proche encore très vivante au temps de saint Grégoire,
était
notamment dans son âme. Cf. à titre d'exemple, Hartmann, v,
39, tome l, p. 327 : sei in hac eius superbia quid aliud
nisi propinqua iam Antickristi esse tempora designantur?
320 ADDITIONS

[lettre à Gonstantina, 1 341 « Cerle


juin 595]; v, 44, t. I, p. :

olim clamalur per apostolum Filioli^ novissina hora est, :

seciindum quod veritas prœdixit. Peatilentia et gladius


mundum sœvit, gentes insurgnnf. gentibus.,. Omnia quœ
prœdicta sunt fiunt. Rex superbix prope est... [lettre à
Jean le Jeûneur]. — Pour plus de détails, cf. Galligaris : San
Gregorio Magno e le paure del finimondo [Atti délia r.

Accad. délie scienze di Torino. 5 janvier 1896, p. 264].

P. 12, 14, 96, 102, 162, 164. —Alexandre^ Sahinus, Pontien^


Irénée de Chiusi. Certaines particularités de ces textes sug-
gèrent l'idée que les cimetières furent réorganisés après la
guerre gothique. Cette idée trouve un appui dans le texte
suivant du Liber Pontificalis^ notice de Jean II I^ 561-574 :

Bic amavit et restauravit cymiteria sanctorum martyrum.


[L. P., I, 305, 306, note 1 ;

de Rossi R. S ,, i, 218 m, 527]. : ;

— Chap XII. Saint Grégoire fait naturellement penser à saint Be-


noît. Y quelques points de contact entre nos légendes et
a-t-il

la fameuse Règle .^On retrouve, peut-être, son influence dans


les faits suivants 1. Vincent de Bevagna cite «l'Heptateu-
:

que ))\ comme saint Benoit^ ch. xlii, p. 44. Wœlfflin 2. ;



L'emploi inattendu de correptio, da^us JîJmilianns {initio)^
rappelle que ce terme est fréquemment employé dans la
Règle ;

3. L'hostilité de l'auteur de Victorin Séverin pour
moines gyrovagues rappelle celle qui anime saint Benoît,
les
comme saint Grégoire —
4. La Règle fait allusion, ch. lxi,
;

Lxix, aux moines étrangers qui arrivent de longinquis provin-


ciis. Cela nous rappelle nos apôtres de i'Ombrie, syriens,
assyriens et arméniens. Nous avions déjà soupçonné, d'ailleurs,
que certains gestes avaient été rédigés dans des monastères.
On sait, en revanche, que la phrase: voluntas habet pœnam,
?iecessitas parit coronam a été empruntée par saint Benoît
à la passion d'Iréné [Ed. Schmidt Studien aus dem bene. :

Orden.,i, 1884, 340]. La fréquence des expressions militaires


[préface, p. 1, 4 ; ch.10 LViii,p.56 lxi, p. 60]
i, p. 8 ; ii,p. ; ;

ne trahit-elle pas la lecture des actes des martyrs militaires,


Jules, par exemple^ ou Marcien et Nicandre [G. M. R, ii, 243.
Cf. Harnack Mititia Christ, Tubingen, 1905, pour les trois
:

premiers siècles].

1 Ce mol se retrouve daus S. Grégoire Ep. : ii. 38. p. 109. M. G,

1
TABLE DES xMATlEHES

Prbface

CHAPITRE PHEMIEH

TRADITIONS DE LA CAMPAGNE ROMAINE


LES SAINTS ALEXANDRE, HEDESTUS, AGAPET

Le mouvement littéraire implanté à Rome s'est-il propagé dans le duclié de


Rome p. 1 ? Les légendes de la campagne romaine, p. 2.
I. — Légende d'Alexandre de Baccano, p. 2 : analyse de la version de
Vienne, p. 2.La version bollandiste, p. 4, et la version d'Adon, p. 5. —
La légende commune aux trois textes, p. 5 : elle prêche la nécessité du
baptême, insiste sur son authenticité, s'intéresse à la question de la fuite,
Ses points de contact avec les actes africains, romains,' grecs et cisal-
pins, p. 6. Les démons figurés par les Egyptiens, p. 8. Les récits des morts
ressuscites, réplique des mythes païens, p. 9. La tradition locale de —
Baccano, p. 9 la villa de Pescennius Niger le fundus Antonianus pro-
; ;

priété de l'église saint Marc une église de l'an 321.


; Rapports mutuels des —
trois textes, p. 11. La fête de la dédicace, p. 12. La dualité des tom-
beaux, p. 12.
II. — Légende d'Hedestus de Laurente, p. 16 analyse du texte. Histoire de
:

Laurente, p. 17 la civitas et le viens. La villa impériale, p. 19. Laurente et


:

la guerre gothique, p. 19. —


Rapport d'Hedestus avec Alexandre de Bac-
cano, p. 20, avec les quatre Couronnés et avec Clément.
III. — Légende d'Agapet de Préneste analyse du texte de Mombritius, p. 21.
:

Les quatre autres versions, p. 23. Elles se divisent en deux classes, p. 24.
Origine et date de la seconde classe de textes, p. 24 le pape Jean IV et la :

translation des martyrs dalmates ; la réorganisation ecclésiastique au temps


de Rothari, 25; la translation d'Anastase le Perse,
p. Origine et date de —
la première classe de textes, p. 24 l'église romaine d'Agapet construite par
:

Félix IV, le pape Agapet ; le texte primitif, p. 27.

m 21
322 TABLE DES MATIKFŒS

CIIAPITHE II

TRADITIOWS D OMBRIE
LES SAINTS VALENTIN, COWCORDIUS, C0R8TAWTIDS ET AIfTHIME

I. — Légende de Valentin de Terni analyse du texte, p. 29. Il est parent :

d'Alexandre de Baccano, p. 31, de Getulius, p. 32, de iMaris, p. 33, de Cé-


saire gestes de Valentin de Terracinp, p. 34
; Valentin et Cômc l)a- ;

mien, p. 35. Son auteur est à chercher dans l'entourage de Vigile,


II. — Légende de Concordius de Spolète : analyse du texte, p. 36. Il est pa-
rent de Jean-Paul, p. 37 et des gestes romains. —D'où viennent Eutyches,
Concordius et Anthime, p. 38.
III. —
Légende de Gonstantius de Pérouse analyse du texte bollandiste, p 40. :

Il est parent des gestes romains, de Pontien et d'Anthime, p. 41. La ver- —


sion du Mont-Cassin, p. 42 ses caractéristiques elle s'inspire de Ju-
: ;

lienne, p. 44, appuie ou combat les prétentions métropolitaines de Spolète.


— Le culte local, 45 p. ; les textes primitifs perdus.
IV. — Légende d'Anthime analyse de la version cyclique,
: p. 46. Genèse de
la légende : le souvenir de Turrania Lucioa absorbé par le souvenir de
Mélanie la jeune, p. 49 Lucine est opposée à Mélanie, les jeûnes, p. 51.
;

Influence des gestes de Sébastien, p. 52. Le texte long et le texte court, ~


p. 53 origine récente du texte long le texte court suppose des textes au-
; ;

jourd'hui perdus, p. 54. Les deux textes sont parents des gestes romains :

leurs rapports avec Marcel, p. 55, et Suzanne, p. 56, note; Cantius B, et


Censurinus, p. 57 : les Anicii.

CHAPITRE III

TRADITIONS D'oMBRIE
LES DOUZE SYRIENS

I. — Légende de Jean Penarieosis : analyse, p. 59. L'évêque Jean de Spo-


lète. Isaac le Syrien à Spolète à la fin du v^ siècle, Laurent de
p. 61. —
Spolète : un texte inédit, p. 62 ; il donne explicitement la date de 529,
p. 63 ; il est modelé sur la notice de Gains. Ses rapports avec Hedestus, etc..
Evolution postérieure de la légende, p. 65.
II. — Légende des XII Syriens analyse du texte cyclique, p. 66. D'où :

viennent les personnages ? Herculanus de Pérouse d'après les gestes et


d'après Floridus, p. 69. Bricius, Abundius et Carpophorus, saints locaux de
Terni, p. 72. Proculus de Terni modelé sur Equitius de Valérie, p. 73. Eu-
de Bolsène (?) et Euticius de Nursie, p. 74. Anastase modelé sur
ticius
Anastase le Perse et sur Anastase de Monticelli (ou de^ Suppentonia), p. 75.
III. —
La mise en œuvre de ces traditions locales, p. 76. Le temps du pape
Eugène, p. 76. Les prétentions métropolitaines de Spolète, p. 77 une page :

de saint Grégoire. Le texte cyclique et Venant Agapet, p. 78. Les résumés


du texte cyclique, p. 78, note. Le remaniement de la légende au monastère
des Aquœ Salviœ, p. 78, note. — Les textes antérieurs à la version cyclique
p, 79 : traits qui rappellent le vi^ siècle, la lettre tombée du ciel, p. 80,
TABLE DES MATIÈRES 32 o

Vitus Anthime, Gonstantius, Alexandre de Baccano. Importance des


B ,

textes de Laurent de Spolète et de Jean Penariensis.


IV. —
Textes apparentés, p. 81, Légende de Félicien de Foligno, p. 82 ana- :

lyse du texte : Forum Flaminii deux remaniements


s'oppose à Spolôte. Les
de Félicien. —
Juvénal de Narni analyse du texte, p. 85 Narni soppose
:
;

à Spolète. Les deux digressions du texte. Ces deux légendes puisent aux
gestes romains et datent sans doute du début du vu* siècle.

CHAPITRE IV

TRADITIOIfS d'oMBRIE

LES SAIHTS SABIN, GRÉGOIRE, FEUX, PORTIEN ET VINCENT, VICTORIN, iEMILIAKUS

I. — Légende de Sabin d'Assise, p. 87. Analyse du texte de Baluze. Les jeux


à Rome à l'époque gothique une lettre de Théodoric, p. 91 la sédition
: ;

Mka. Les augustales, p. 91. Influence des gestes des martyrs pannoniens,
p. 92. Le texte est apparenté à Donat, Valentin, Concordius, Constantius,
p. 92. Il est antérieur à la légende du miracle de Camerino, p. 93. Impor-
tance du culte de Sabinus au temps de saint Grégoire, p. 94. Traces —
d'une seconde version de Sabinus, p. 95 le calendrier populaire et Adon, :

Le texte du Codex Vindobonensis, p. 96. Rapport des deux versions : le

texte de Vienne semble avoir été retouché, p. 97.


II. — Légende de Grégoire de Spolète : analyse du texte, p. 98. Il est appa-
renté à Vincent de Saragosse, à Alexandre de Baccano, à Jean Penariensis
et aux XII Syriens, è Pontien, p. 100.

III. — Textes apparentés


la légende de Pontien de Spolète, p. 100. Analyse du
:

texte.Une seconde version reconnaissable dans le calendrier populaire et


dans Adon une réorganisation des cimetières après la guerre gothique^
;

p. 102. La légende est apparentée à Vincent de Saragosse, à Grégoire, à


Alexandre, à Constantius, p. 102. — La légende de Félix de Spello ana- ;

lyse du texte, p. 103. Elle rappelle Grégoire, Sabinus et Victorin. Elle

est étrangère au martyr de Salone, Félix, p. 103. La légende de Vincent —


de Bevagna analyse du texte, p.
:
104. Il rappelle les XII Syriens, Gré-

goire et Sabinus il est modelé sur Vincent de Saragosse.


;

IV. — Légende de Victorin d'Assise : analyse du texte, p 107. Elle est pa-

rente des XII Syriens, de Félicien et de Juvénal, p. 108. Elle puise sans
doute à la légende de Christophe. Quelle en est la patrie ?
Y_ _ Légended'yEmilianus de Spolète analyse du texte, p. 110. Elle est
:

parente de Victorin, des XII Syriens, de Jean Penariensis, et aussi de


Sabinus et de Valentin. p. 112. Elle a puisé aux légendes grecques, p. 113.
L'origine de la légende, sans doute, est double le pénitent vEmilianus, at- ;

testé par saint Grégoire, a été combiné avec le martyr de Silistrie yEmilia-
nus, p 114 Nouvelle preuve de l'influence des traditions martyrologiques
danubiennes sur la légende italienne.
324 TAin,!': DKS MATliciŒS

CIIAl'lTRE V

TRADITIONS rj'OMÎJRIE
VIA AMEUIRA

LES SAINTS TERENTIANUS, CASSIEN, FIRMINA, SECDHDUS, CRESCEHTIU8


CRISPOLIT US

L'occupation de la Voie Amerina par l'exarque Uomanus, p. 117.


I. — Légende de Terentianus de Todi analyse du texte, p. 118. Nos quatre
:

versions et leurs caractéristiques, p. 120. Terentianus est parent de Sat)i-


nus, p. 122. La version A date du second quart du vi^ siècle, p. 121. La
version D s'inspire des légendes grecques, de celles surtout qui sont rela-
tives à Adrien, et remonte au temps de saint Grégoire, p. 123. Le culte ra-
cine de la légende, p. 124. Une hypothèse sur l'origine de A et de D. p. 125,
note 1.

II. — Légende de Cassien de Todi analyse du texte, p. 125. Son caractère


:

composite, p. 127. L'oratoire de Sébastien à Todi, et l'influence de la lé-


gende de Sébastien.
in. —
Légende de Firmina d'Amelia analyse du texte, p. 129. Reproduction
:

du texte d'après un manuscrit de l'Archivio du chapitre de Saint-Pierre-


p. 129, note. Les textes apparentés, p. 132. Firmina et Valentin-Hilaire.
IV. —
Légende de Secundus d'Amelia analyse du texte, p. 133. Un second
:

texte court, ses caractéristiques, p. 135. Rapport des deux textes et leur date.
V. —
Légende de Grescentius de Pérouse analyse du texte, p. 136. Date de
:

notre version, p. 137. Un texte antérieur de l'époque lombarde.


VI. —
Légende de Grispolitus de Bettone analyse du texte, p. 138. Il est ao-
:

parenté aux légendes des Syriens. Sa date.

CHAPITRE VI

TRADITIONS DE TUSCIB

VIA CASSIA

LES SAINTS VALENTIN, GRATILIANUS, EDTTCHIUS

Les pays de la Voie Gassia, p. 141.


I — Légende de Valentin et d'Hilaire de Viterbe analyse du texte, p. 142. :

Un second texte court, p. 144. Rapport des deux textes la légende de Va- :

lentin-Hilaire et la légeode de Secundus; la translation à Farfa, 145; la lé"


gende de Firmina, p. 146. Le texte du vii^ siècle est perdu.
II. —
Légende de Gtatilianus et Felicissima de Falères analyse du texte, :

p. 147. Le text^ d'Usuard, p. 149. La légende est un centon ; elle date du


vue siècle, p. 151.
III. — Légende d'Eutychius de Ferento : analyse du texte, p. 151. Un texte
de saint Grégoire, Eutychius, Torpes et les Martyrs grecs...
p. 153.
IV. —
Légende cyclique de Viterbe, p. 156. Les débris d'un explicit. L'épilogue
d'Eutychius et sa date. Le texte cyclique et nos textes aucun de nos :

textes de Valentin-Hilaire ne faisait partie du cycle local, p. 157.


TABLE DES MATIERES 325

CHAPITRE VII

TRADITIONS DE TDSCIB
VIA CASSIA

LES SAINTS IRÉNÉE, DOUAT, GAUDBNTIUS, rBRGERTrWUS, DOMNIWUS

Le pays d'Arezzo, p. 159,


I. —
Légende d'Irénée de Ghiusi : analyse du texte, p. 159. La topographie de
la légende, p, 161 ; Le texte d'Usuard, p. 162, et
la catacoinbe de Mustiola.
les inscriptions contemporaines de Luitprand, p. 163. Les deux versions de
Toscanella et de Sutri Sutri en 728, p. 163-164. Les textes parents.
;

II. — Légende de Donat analyse du texte, p. 165 son caractère. Le thème


: :

du sac retrouvé un texte de Grégoire de Tours, p. 165, note 2. Donat et


:

Vibbiane, p. 167 autres textes apparentés. Confirmation des conclusions


;

précédentes, p. 167. La légende est citée par Grégoire le Grand, p. 168.


A-t-elle été retouchée ? Donat et Juvénal la version du Vindobonensis et la;

version du Palatinus.
III- — Légende de Gaudentius : analyse du texte, p. 169. C'est la suite de Donat :

l'auteur utilise Alexandre et Valentin, Juvénal peut-être et les XII Syriens.


IV. —
Légende de Laurentinus analyse du texte, p. 172. Textes du férial et du
;

calendrier, p. 173. Les textes parents, p. 174. Notre version dérive-t-elle


d'une version du vie siècle, p. 175?
V. — Légende de Domninus : analyse du texte, p. 175. Fidentia, p. 176 ; la
via Claudia en Emilie, p. 176, note 1. Le texte d'Usuard. La légende est une
réplique de Maurice d'Agaune, p. 178, et d'Ursus-Victor. Deux autres —
versions de la légende, p. 179 ; elles datent de l'époque carolingienne, p. 181.
Domninus, les légendes gauloises et saint Denys de Paris, p. 182.

CHAPITRE VIII

TRADITIONS DE l'iTALIE DU NORD

LES SAINTS SECOND, FAUSTIN ET JOVITE, INNOCENTIUS

L'arrière -pays de Gênes, p. 183.


I. — Légende de Secundus analyse du texte, p. 184. C'est une autre réplique
:

de Maurice, p. 185. Le culte de Vintimille et le culte d'Asti, p. 186.


II. — Légende de Faustin et Jovite analyse du texte, p. 186, les trois ver-
:

sions. Discussion de la théorie du R. P. Savio, p. 188, note 1. La légende est


antérieure au temps d'Usuard, p. 189, postérieure à la création de l'exar-
chat, p. 190. Caractères de la version cyclique exil du clergé milanais h ;

Gênes, p, 191. Influence de ce fait sur le travail légendaire une page des :

Dialogues, p. 191. Les conquêtes de Rothari, sa femme, Gondeberge, son


beau-frère, Aripert, p. 192 les saints Boniface, Donat, Félix.
; Date des —
deux autres versions, p. 194.
m. — Les sources de la légende, p. 195 Les gestes d'Alexandre. Abundius,
:

Sébastien, Nazaire, p. 196, Sophie, p. 197, Anastasie, Eleuthère, p. 198.


VI. — Légende d'Innocentius : analyse du texte, p. 199. Son originalité, p. 201.
326 TABLE DliS MATIÈRES

Lo diplôme de 946 le culte de Laurent.


: L'auteur utilise Gervais Pro-—
tais, p. 203. Sébastien, Silvestre. Rapports d'Innocentius avecFaustin-Jovitfî
(Marcianus) et avec Domninus.

CHAPITRE IX

TRADITIOHS DE TU8CIE

, VIA AURELIA
LES SAINTS TORPES, PAULIN, AMSARUS, SECUNDIANDS, MARCIAnUS

La voie Aurélia, p. 205.


I. — Légende de Torpes analyse du texte, p. 205. Une villa à Pise, p. 209.
:

Rapports de Torpes, d'Alexandre de Baccano et de Vincent.


II. —
Légende de Paulin analyse du texte, p. 211. Textes apparentés, p. 213
: :

c'est une réplique de Torpes.


III. — Légende d'Amsanus analyse du : texte, p. 215. Le cadre topogra-
phique, de Vitus, Gassien, Sébastien, etc.. Une seconde
p. 217. Influence
version. La restauration de l'église de Vienne au temps de Rothari, p. 218.
IV. —
Légende de Secundianus: analyse du texte, p. 219. Le texte du férial,p.221.
Influence de Terentianus, de Valentin, de Hedestus et de Susanne, p. 222.
Influence de Virgile, p. 223. Oii est Coloniacum?
V. — Légende de Marcianus : analyse du texte, p. 224, et sa reproduction, p. 224-
225, note. L'évêché de Forum Glodii, p. 226. Influence des martyrs de
Tomes, p. 227, Marcianus est modelé sur Sabinus, p. 228. Marcianus et
Valentin, p. 229.

CHAPITRE X

TRADITIONS DE CAMPANIE

LES SAINTS FÉLIX, MAXIME, BESTITUTA, AMBROISE, MARCELLUS ET APULEIUS

I. — Légende de Félix prêtre: analyse du texte, p. 231. L'église du Pincio,


p. 232 et le textedu calendrier populaire, p. 233. Le texte d'Adon le tom- ;

beau de Félix est près de Noie. Romanisation de Félix de Noie, p. 234 Félix ;

et Adauctus, Damase, Pierre et Paul, Nérée,... La légende utDise une page


des Dialogues, p. 236. —
Caractères du texte d'Adon, p. 237 son rapport à ;

notre texte, p. 238. D'où vient Helpidius ?


II. — Légende de Maximus de Cumes analyse du texte, p. 239. Rapports de
:

Maxime et de Julienne, p 242 Maxime est copié sur Pontien et Cyricus-


;

Julitta. La version d'Apamée, p. 243 Julienne en est absente pourquoi ? : ;

III. — Légende de Restituta de Sora analyse du texte, p. 244. Le culte de la


.

sainte africaine, p. 245; les sources de la légende, p. 246. Restituta est pa-
rent de Firmina, de Lucie-Géminien et d'Amasius, p. 246.
IV. — Légende d'Amasius de Sora analyse du texte, p. 247. Une seconde ver-
:

sion s'intéresse à Paris ses caractéristiques, p. 248. La légende de Paris de


:

Teanum, p. 248 ses caractéristiques. Le souvenir du pape Jules et la ques-


:

tion arienne, p. 250 ; tendances de l'hagiographe.


TABLE DES MATIERES 327

V. — Légende d'Ambroise le Centurion analyse du texte, p. 251. Textes pa-


:

rents : Torpes et le groupe Vincent de Bevagna, etc.. La légende est mo-


delée sur les actes de Marcellus de Tanger, p. 252.
VL — Légende de Marcellus et Apuleius analyse du texte, p. 253. Textes du
:

Sacramentaire Gélasien et du calendrier populaire, p. 254. La légende est


modelée sur Marcellus de Tanger, p. 255 Marcellus-Apuleius a même ori- :

gine qu'Ambroise. Marcel


Gapoue, p. 253. de Deux autres versions, —
p. 256 l'une relève de Nérée et l'autre des Acta Archelaï d'Hegemonios.
:

Marcellus-Apuleius et Sergius-Bacchus la version latine de Sergius-Bac-


:

chus a-t-elle même origine que Marcellus et Ambroise, p. 257 ?

CHAPITRE XI

TRADITIONS DE VALÉRIE ET DD PICENUM


L£S SAINTBS ANATOLIE ET VICTOIRE, LES SAINTS SÉVÈRE, VICTORIN ET SBVERIN

I. — Légende de Victoire de Sabine analyse du texte, p. 259. Le


et d'Anatolie :

culte des saintes en Sabine, p. 261 les mosaïques de Ravenne. Le double


;

récit d'Aldhelme, p. 261 les textes d'Adon et Flodoard, p. 262


; trois ver- ;

sions anonymes. D et F forment un même tout, p. 262 c'est la source ;

d'Aldhelme, p. 263. Quel est le rapport de E à DF, p. 264. Textes parents.


Nos textes remontent peut-être au vi^' siècle plus vraisemblablement, ils ;

datent du \n^ : leur rapport à Restituta et à Torpes, p. 265.


II. — Légende de Sévère de Valérie: analyse du texte, p. 265. Il rappelle
Alexandre de Baccano et Lucie-Géminien, p. 266 il remanie un passage de ;

saint Grégoire, p. 267.


III. — Légende de Victorin-Séverin analyse du texte, p. 268.
:

IV. — Victorin-Séverin et Nérée-Achillée Eutyces, Victorinus et Maro,: p. 271'


Points de contact des deux légendes,p. 272 les ruines d'Amiterne le texte ; ;

du férial, p. 273. —
Les relations de Septempeda avec Amiterne. Séverin
est évêque, Maro opère un miracle à Septempeda, p. 274 les prétentions de :

Cività Nova. Il y a eu deux Victorin, p. 275.


V. — Victorin-Séverin une homélie de saint Grégoire, p. 275
et Victorin :

iEmilien le pénitent. Confusion de Victorin le martyr avec Victorin Irt péni-

tent, p. 277. —
La lettre de Grégoire à Secundinus, p. 277 une apologie du :

cénobitisme. Notre légende a été écrite dans le cercle des amis de Grégoire,
p. 278. L'origine de Séverin : c'est un double légendaire de Séverin de No-
rique, p. 2/9.

CHAPITRE XII

CONCLUSION
LE AIOUVEMENT LÉGENDAIRE GRÉGORIEN ET l'oEUVRB DAGIOGRAPHIQUE DE SAINT GRÉGOIRE

Quel est le rapport des Dialogues aux Gestes, p. 281.


I. — Caractères des gestes, p. 282. Ils prolongent les gesta martyrum ro-
mains: leur valeur historique; leurs sources romaines; leurs tendances,
p. 282. Rôle des clercs romains dans la rédaction des gestes italiens, p. 283.
328 TABLE DKS MATIÈRES

— Les traits qui distinguent les gestes de l'époque grégorienne des gestes de
l'époque gothique, p. 283. Les phases du mouvement grégorien, p. 284. Les
gestes de l'époque grégorienne et le calendrier populaire, p. 285,
II. — Caractères des Dialogues, p. 28G. Leur origine, p. 286. Leurs attaches to-
pographiques, p. 287 leur cadre chronologique, p. 288 leurs sources, p. 289
; ; ;

les Dialogues et les Homélies, p. 289-291, note; les « autorités » de Grégoire,

p. 291, note. Les Dialogues, les traditions locales et les moines, p. 292.

IIL — Comparaison des deux textes, p. 292. Une différence notable, trois
ressemblances précises. Les points de contact des Dialogues et des Gestes,
p. 293. Il y a étroite solidarité entre eux, p. 294. Piété de Grégoire envers
les martyrs, p. 295 origine du titre servus servorum Dei, p. 295 note.
: ;

Une page des Dialogues, p. 295: saint Jacques et saint Jean, le martyr de
la persécution et le martyr de la paix. L'hagiographie italienne au
VII* siècle prolonge l'hagiographie romaine.

APPENDICES

I. — Saint Alexandre de Baccano, p. 299. Quel est le siège de l'évêché


d'Alexandre ? D. Morin le cherche en Orient un texte du Synaxaire de :

Constantinople et un passage des gestes. — Autre raison à l'appui de l'hy-


pothèse. Quelles difficultés elle soulève.
Le diptyque de Lucques, p. 300. — L'expression primus palatinus, p. 300, —
L'inscription. — L'auteur de B devait connaître A', non A, p. 301.

II. — Sahit Agapet de Préneste, p. 303. —


M. Zeiller développe l'hypothèse
de Delehaye. Difficultés de l'hypothèse elle ne tient pas compte d'un fait
:

(existence d'une classe de manuscrits qui ignorent Anastase) le roi Antio- ;

chus s'explique par l'influence de la légende des Macchabées, non pas Fla-
vius Antiochanus.
III. — Saint Laurent de Spolète et saint Laurent de Farfa, p. 305. Le pri-
vilège de Jean VI. Textes de Grégoire di Catino, p. 306 : leurs sources et
nos textes, p. 307.

IV. — Saint Mmilianus de Spolète p. 309. La lettre de saint Grégoire à


Félix d'Agropoli et le titre de visitator provinciée Lucanix Agropoli de- ;

vient le centre religieux de la Lucanie. N'est-ce pas cette localité que dési-
gnent, dans iEmilianus, les mots civitas lucana? Difficultés de l'hypothèse
La politique de Théodelinde et d'Adaloald. — Le dieu Galien.
V. — De l'influence des patrimoines de Véglise romaine sur les légendes ita-
liennes^ p. 313. Hedestus, Vitus, Agathe, Agapet B, Anthime, XII Syriens,
Gratilianus.
VI. — Additions et corrections, p 315. Une église de saint Hedestus sur la
voie Ardéatine ;
— influence des légendes apostoliques sur nos légendes ;

l'évêché de Spello et les gestes de Félix ;
— une église de saint Anthime à
Cures, p. 316 ;
— les attitudes des saints guérisseurs — le supplice d'écor-
;

chement ;
— l'attitude du pape Eugène 1 ;
— les prétentions métropolitaines
de Spolète, p. 317 ;
— la date des XII Syriens et le discours de Martin I^r du
5 octobre 649 ; — Sabinus, Terentianus D et Eusèbe-Pontien, p. 318 ;

l'invocation Deus Abraham, Isaac et Jacob, p. 319 ;
— Vincent de Be-

ff
TARLE DES MATIÈRES 329

vagna, Sabinus et Grégoire ;


— Gassien, Victorin-Séverin et Jonas ;
— la
croyance à la fin du monde, 320 —
p. ; la réorganisation des cimetières
après la guerre gothique ;
— la règle de Saint-Benoit et les gestes des
martyrs.

Table des matières, p. 321.

FIN DE LA TABLE
SAINT-AMAND (gHEr). — IMPRIMERIE BUSSIERB
I
to

Dufourcq, A. - Etude sur les Gesta


Martyrum Romains. v. 3

PCNTIFJCAL IN'STITUTE
OF MEDIAEVAl STUDIE9
59 QUEEN'S PARK
Toronto 5, Canada

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