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53 [NICOLAS CERNOKRAK ‘Tous ces verbes sont au futur et montrent que 'accomplisse- ‘ment de la promesse commencera aprés « peu de temps ..», dans le temps de VEglise. Dans la tradition messianique ct liturgique de la bénédiction et de la sanctification, saint Jean dans le discours d’adieu rend indissociables la parole et limage. Si la bénédiction est le don exprimé par la parole dans V'assemblée, image rappelle la sancti fication et la venue du Paraclet, condition pour garder les par roles et Jes images. L'hymnographie liturgique trouve son rythme et ses formules précisément dans ce parallélisme parole/image, comme le destin final — la bénédiction achevée. Si la parole du Christ est vivifide par I'Esprit Saint, Ia bénédiction liturgique est accomplice par l'épiclése: porter du fruit, c'est garder les paroles cet demeurer en elles. Le discours annonce Ie nouveau retour du Christ, du Paraclet et du Pere chez ceux qui gardent les paroles, ‘qui glorifient et qui aiment ... Ainsi 'Esprit ne vient plus pour annoncer la venue messianique mais pour accomplir le retour post-Pascal — l'eruvre de la Sainte Trinité. Nrooras Ceanoxeax Institut de Théologie orthodoxe SaintSerge, Paris LA SANCTIFICATION DES EAUX ET LA FETE DE L'EPIPHANIE DANS LA TRADITION SYRO-ANTIOCHIENNE ET SES DERIVEES Dans toutes les Eglises Orientales — a la seule exception, semble-vil, de la tradition syrienne-orientale (Assyro-Chaldéenne) — la « sanctification des eaux » en la féte des Saintes Téophanies compte, sans nul doute, parmi les fonctions liturgiques les plus solennelles. Son étude cependant — comme dVailleurs sa signif: cation propre — soulevent bien des questions qui sont loin d'etre résolues, La structure du rituel, 'évolution — tant des textes que du cérémonial — sont loin, dans l'état présent de nos con naissances, d’étre connues avec la précision souhaitable. L’origine méme de cette fonction et sa localisation premiére demeurent insuffisamment assurées. Dans quelle mesure peut-on faire état du passage bien connu d'une homélie de saint Jean Chrysostome dont Tauthenticité demeure incertaine: Car, cest Je jour oi il (le Christ) a 18 baptisé et ot il a sonctife 1a nature des eaux. EC cest aussi pourquoi en cette Solennité les chretiens se reunissent vers fe miliew de la nult, puis Un ate tet, ext un seit Su fs mytires dc Ber et de To : e me, ct méme plus violent sneer de Foblaton, et encore pls ferme f fegard de coun gut sublent quil wagit de benediction Teas er non de suncifcation (ou conseoration pe: utes er ses ie sci Lac “Hani Cpa) a St Ede lg, ben tasters a a eatin Fondant trois fois: snéme done, Ro ami des hommes, render-vous présent a clue Neue par la’ wenwe de votre Saint Esprit et se Et de nouveau par trois fois & la fin de la pritre: «Vous done maintenant, Seigneur, sanctifie. cette cat par votre Saint Esprit» est vrai que le Pontifical syrien atténue quelque peu cette seconde formule, disant seulement: ivent expressions explicitant les. bien: ie d'expressions explicitant Suivent toute une s i faits que 'on attend de ces usages, avec dans chaque cas — com: » Fol. 1M LA SANCTIFICATION DES FAUX or me diailleurs pour Ia formule précédente — un signe de croix tracé au dessus des eaux sanctiides. Bien que son centre d'intérét premier se porte sur un détail énigmatique du cérémonial qui semble retenir Vattention des fidéles *, Mgr Khoury-Sarkis s‘est trouvé conduit par Vexames des textes de Jacques d’Edesse a s‘interroger sur la nature meme du rite: bénédiction ou consécration? ”. 1 reconnait d'abord sane hésiter: « Que les Syriens alent considéré, & une certaine epoque, eau de l'Epiphanie comme ayant regu une sorte de consteration par effusion et linhabitation de Esprit Saint, comme le saint Myron, cela est plus que probable. Nous en avons la preuve dans les éerits de Jacques d'Edesse ». Aprés en avoir cite quel. ues passages, il continue & propos du texte de notre prigre 4} « Nous noterons en passant lépiclése qu'elle contient; nous note- ront également les mots employés pour demander 4 Dieu sa benediction sur les eaux: barék w-kadesh’ = bénis et sanctife, deux termes qui viennent de la messe pendant la consécration du pain et du vin ..: Il prit du pain dans ses mains saintes, sans tache et immaculées ... w-barék w-kadésh », Quant a la priere 5): « Outre Vépiclése qu'elle contient, com- me la précédente, elle demande & Dieu qui crée et "tiansforme” (rshahlef) toutes choses, de transformer (shatléf) les eaux quon va bénir, par la vertu de son Esprit Saint. Les transformations Peuvent s‘opérer de plusieurs manitres: en affectant la qualité dun objet, sans toucher sa nature, comme ce fut le cas pour les eaux de Mara et de Jéricho; ou en affectant la nature meme de Vobjet, comme Yea de Chana changée en vin. Cette pritre est done en relation étroite avec la précédente oit ces transforma tions sont citées » Wl estime enfin que la priére la plus traditionnelle ©) com: Porte une véritable épiclese analogue & celles des anaphores euch. ristiques des Constitutions Apostoliques, de la Liturgie de Saint Jacques ou de la Liturgie syrienne des Douze Apdtres étroite- ment apparentée & la Liturgie byzantine de Saint Jean Chrysos. tome. Or le rite syrien, et ceux qui lui sont apparenies ou qu en dérivent — cestadire tant le rite maronite que les rites coptes et éthiopiens — ont modelé le rituel de la sanctification des eaux sur fa Liturgie eucharistique, ainsi d'ailleurs qu'ils Yont 21 Fasit d'un personaage enveloppé d'un voile bane et communément sppalé = Parrain du Christ» te, are eit n. 3. p 2e2is art elt, p26, 8 _misatever pataaass fait pour le rituel baptismal, Le déroulement est done devenu beaucoup plus complexe que ne le prévoyait l’ancienne tradition dont Jacques d’Edesse s'étaitefforeé, sans grand succes semble-ti, de se faire le defenseur, et cela dés la fin du VII" siécle. Diaprés le Pontifical de Michel le Grand, dont la disposition 8 616 depuis alors conservée & de minimes nuances prés, cet office prend place au cours des vigiles (Lilyo) entre la seconde et la troisitme station. Le rituel actuellement en usage I'a transté- r€ aprés llofice duu matin (Sajrc) et les deux premiers services ‘qui précédent Ja Liturgie eucharistique. Le Pontifical Yorganise, ssur Ia base des dispositions attsibuées & Jacques d’Edesse, selon usage du grand monastére de Barsauma. La célébration s‘ouvre par une premiére procession des ministres. Prigres et strophes hymniques évoquent surtout le Baptéme du Christ et la sanctifi- cation des eaux du Jourdain lorsque I'Esprit, comme tn feu, se posa sur elles. Elargissant In perspective, le premier Sedro, cet alément caractéristique de la liturgie syroantiochienne, eélébre Yéclat et Ia diversité de Veruvre créatrice. Ces deux strophes, ‘chantées tandis que les diacres versent dans Ia vasque le contenu des deux vases dans lesquels eau a été apportée, marquent bien V'ampleur des themes évoqués: tapitme ent ‘nncile dats te une Jourdain Lox foes ston Fansembices, tes anges. sont terifics, le Hleuwe ‘rule it fea Qui repose sur fui'®, Diew est descend il a été baptise dans les eaux ourantes, tous ies fleaves, tous Les fontaines ont été sancties Sur fe fleave se tenait le fot Davi, jusqu’a ee que epouse ait ie Dbaptisgeet soit remontés des ea; i prt sa cithare el en joua devant elle: Oublie ton peuple, la race de In.maison de ton pete, que Ie rot Lssire ta Deauté. L'Bglise sainte et pauvre, sur le chainp est devenue ‘Fiche; voici quelle est une reine» Cing lectures de VAT. (Gen 291-14; Bx 152227; Jud 74-8; Ec 471-12; [3 12,1-6) achévent ce premier service construit sur le type de T'office du matin (Safro) avec les Ps 50,148-150 et le Can- tique de Marie, Ce n'est encore la que préparation. Une nouvelle procession, plus solennelle, se forme qui conduit jusqu’a Yambon la vasque eau. Viennent alors les lectures du N-T. (Ac 8,2640); Heb 10,15- 25 et surtout I'évangile pris de Jn 4,4-42). L’offciant chante alors sur le ton de Vanaphore les trois grandes pritres de bénédiction, © Allusion & des évangles apocrsphs. 1A SANCTIFICATION DES EAUX o il fait Yostension de la vasque en chantant le Trisagion, on récite Yoraison dominicale et Voftice de vigile reprend son cours. Cot ensemble complexe témoigne assurément d'une longue Evolution dont nous ne pouvons malheureusement suivre les Glapes depuis le rituel ts sobre auquel Jacques d'Fdesse de- mandait avec insistance de s'en tenir. Une premigre question est posée par la juxtaposition de deux services, par leur insertion assez maladroite dars le déroulement de Voflice des vigiles, d’autant que c'est Voffice du matin (Safro) qui fournit le cadre du premier service auquel ont été jointes les lectures vétérotestamentaires auxquelles Iz premier Sedro sert dintroduetion en célébrant 'épanuissement de Voeuvre créa- trice et notamment le rayonnement de la lumigre qui met fin aux sénébres, ainsi que le surgissement des eaux qui suscitent Ia vie. Phusieurs indices invitent & penser que, primiivement, ce pre mier service s'accomplissait en plein air auprés d'une eau cou- ante. Les ancients documents maronites sont d'ailleurs explicites, sur ce point. La rubrique initiale prescrit: Pendant ta mut on fle sonmer ta coche. Les prétes t tes dicpas se reanssent das Figtive et procstent, at premier te, 2 Silicon feta source «rand ors aoe teat dant Iequel i» de Peon ancianne"' Tex préres etx cere, portant tekns able turgiqes, sorte, tenant des lares, des enznslrs iE Get Tabotes Or chante Hatlelaa. Vener zen aloes voit Trbre plane a: bord de tenuret dons fe Fels ne ae fetit pas 1S sommet nice fig cleste, ef dans at batches In eolomibe dh Sain Hope Sa racine Tepe Tea Gu baptemey les pecheurs 9 descendent sont apdage ts remontest puri, Vole Te Thome dea jiation 0 entre Ia haoter nik quelle easing {ins in cumre maptane et ee devient eine nando procession Sorve da cone tes es, Ye dare proctans (on chandans Ai ‘Targele pits ae tent le Seignour dex mers et der ewes, 5 {Temunde de Fou ala ‘Smatiai, hi gut fit woaor les went et euler le eamt‘Eemne,doonornot de Youu cat Ta sit oJ fe Sloaneai Ie vie ctemelc. Ele ut népondi Le pate ext aba frofond; dou aety Tea vivane pour que tt mel douoes? Eee Fete gol bile de facob? Hatleaih, Halak» Les dernitres rubriques de ce premier service prescrivent: «Le prétre prend, dans Vencensoir, un charbon allumé et le jette dans la source des eaux en disant: Au nom du Pére, qu’elles 0 TRENER-HENRI DALMAIS soient purifiges »*. I renowelle ce geste deox autres fois en invoquant les Personnes du Fils et du Saint Esprit. Le theme de tout ce service — qui, depuis prés de deux sitcles au moins se déroule Vintérieur de T’église avec une finale cu- rieusement Iatinisée — est nettement baptismal, mais la réfé- rence au Baptéine du Christ y tient pew de place. Le second service, Iui, a pris au rite maronite une destina- tion précise: il a pour objet V'eau qui sera réservée pour les baptémes. La rubrique par laquelle il souvre déclare: « Si le prétre veut conserver l'eau pour les baptémes qui seront admi nistrés dans le courant de année, il met eau nouvelle devant Fautel et il place une croix sur le goulot du vase qui la contient » Tlest évident qu'une telle rubrique ne saurait étre trés ancienne ‘et quielle témoigne d'une influence latinisante. L’usage de con- server ainsi l'eau baptismale a d'ailleurs été trbs. généralement abandonné dans I'Bglise maronite. Comme il arrive souvent, nous nous trouvons en présence d'une compilation tardive et de réar~ rangements. Il conviendrait de distinguer, avec plus de précision cet sur des bases micux établies que ne I'a fait JM. Sauget, les strates qui interférent, De ce trop rapide regard sur une tradition apparentée & celle de !Eglise syro-antiochienne mais qui présente de nombreux traits originaux, nous voudrions seulement retenir combien, au cours des temps, le service de la sanctification des eaux au cours de la célébration de 'Epiphanie s'est ouvert 2 des perspectives au'il ne semble pas avoir primitivement considsrées. Une seconde question se trouve posée du fait que, dans les traditions syro-antiochienne et appareniées ce rituel a été mo- delé sur le déroulement de la célébration eucharistique. Aucune sans doute n'a poussé cette conformité aussi loin que IEglise copte. Le seul élement quelque peu exceptioanel est la place faite aux lectures vétérotestamentaires qui sont habituellement absentes dans la liturgie copte, Or, ici, on en trouve six, & la suite de In pritre de Vencens: Hab 3,219; [s 40,15; 9,1-2; Bar 3,36 - 44; Be 36,25-29; 47,19. S'y trouvent 1 Cor 10,1-3 et Me 3,147, Mais ensuite le service suit dans tous ses détails le déroulement de la liturgie eucharistique, la priére traditionnelle pour la sancti- "IM, Swworr, Bénddiction de rea dans te suit de Epiphanie selon Mencions tradivion de VBplise maronit, dans Orient Syren 35 0959/3), 319578 [LA SANCTUFICATION DES EAU a fication des eaux tenant la place de l'anaphore dont les éléments épiclétiques sont particulitrement mis en relief, Et, aprés V'oral son dominicale et les pritres traditionnelles de VAbsolution du Fils, le célébrant élevant la croix quill tient dans sa main, pro- ‘lame: « Aux saints les choses saintes ». A quoi le diacre répond: ‘Amen, clest bien ainsi; et avec ton esprit ». Le célébrant signe alors l'eau avec la croix en disant: « Bént soit le Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu. Sanctification du Saint Esprit». A quoi Te peuple répond: « Un seul saint, le Pere; un scul saint, le Fils; tun seul saint, "Esprit ». Enfin chacun est marqué au front avec Yeau sanctifiée*. Les Ethiopiens qui, on le sait, ont amplement développé tout ce rituel ne se satisfont pas de cet attouchement et plongent dans le vaste bassin en plein air dont les eaux ont été sanctifiges. Il semble bien que Vimportance donnée & la « Féte du Baptéme » (Tamgat) tienne pour une large part aux conditions de la lutte contre les relents ce paganisme et de magie, ainsi qu’a la réac- tion antistéfaniste sous le régne de Zaré's Ya'qob (14341468). ‘Ace trop rapide regard sur un buissonnement de traditions dont on aurait voulu seulement faire percevoir Ia richesse, il ne peut étre d’autre conclusion que des questionnements. Ce qui met en lumiére, dans la diversité de ses expressions, le rite de la « sanctification des eaux » — dans la perspective du Baptéme du Christ et dune effusion nouvelle de 'Esprit qui reposait sur les ‘eaux aux origines de lauvre créatrice —, est que le Diew créa teur ne cesse d’agir, au sein méme de ses eréatures et par leur instrument, pour conduiire cette eréation vers son achévement dans le Christ. ‘RENEE: HeNet DALMATS Institut Catholique - Paris * Ce B. Coens, La festa del Battesimo ¢ 1Bucaristia in Btiopia nel se- colo XV (Silangee P. Pats T, Analecta Bollandlana 180, p- 86482) b propos ‘Gun manuscrit des Miracles de ia Vierse (BML Orient. 60).

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