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Pour sa carte blanche au Collège des Bernardins, Laurent Grasso dévoile un corpus de
peintures et sculptures autour de son nouveau film, Anima. Olric de Gélis, docteur en
théologie et directeur du pôle de recherche du Collège, met en lumière le déplacement
de regard auquel invitent ces œuvres.
L’art d’être vu
L’oeil, dans l’oeuvre de Grasso, s’impose comme un motif méthodologique. Les
Panoptes, ces arbres dont les branches se terminent par autant d’yeux humains,
produisent de facto un étrange questionnement : s’agit-il de voir ou de consentir à être
vu ? On ne saurait répondre a priori, mais on peut avancer des hypothèses. Peut-être
s’agit-il de voir, certes toujours comme un homme, mais en consentant d’abord à être vu
par d’autres que l’homme : arbre, pierre ou renard, avec leurs intériorités singulières et
entrevues, ou par tout cela en même temps. Peut-être alors, dans ces jeux d’optique
croisés, s’agit-il de trouver une perspective enfin commune sur la Terre et ses terrestres.
Ce perspectivisme, où tout être apporterait son point de vue en étant assuré de l’honneur
qui lui est fait par la communauté des autres, où nul être ne s’éteindrait sans être pleuré
par ses pairs, nous l’appelons « perspectivisme de communion ».
Laurent Grasso, Anima, film HR (in progress), 2022, détail. © Laurent Grasso /
ADAGP, Paris, 2022 Courtesy of the artist and Perrotin