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76616461il Etait Une Fois Pps
76616461il Etait Une Fois Pps
Elle a pour rôle de nous faire passer du monde extérieur au monde intérieur de
celui qui regarde. Pour le personnage, décrire le monde, c’est finalement se
décrire soi-même; c’est rendre compte de manière imagée de ses émotions, de son
imaginaire, de ses rêves.
C’est pourquoi l’une des figures privilégiées de la description subjective est
l’hypallage (déplacement d’une qualité d’un objet sur un autre objet).
Pour le lecteur, la description subjective permet d’accéder à une construction
intérieure du personnage, le narrateur s’efface au profit du personnage.
L’écrivain, lui, en utilisant ce procédé, insiste sur le fait que le réel est d’abord
la construction d’une subjectivité : chaque personnage possède alors sa vision du
réel et l’image de l’homme qui est donnée dans les textes où la description
subjective domine, est celle d’un homme constitué par sa présence charnelle au
monde, aux autres et à la société, qui appréhende le monde avec ses sens et son
jugement rationnel, forgés à la fois par le corps singulier, le milieux et
l’éducation. Les points de vue différents des différents personnages d’un roman
permettent alors de rendre compte de la complexité du monde. Au lecteur alors de
se faire une opinion.
Parallèle avec la description réaliste, conçue comme un moyen de
représentation privilégié de la réalité. Il s’agit pour Balzac par exemple de donner
à comprendre au lecteur ce qu’est la réalité.
1. elle a une fonction narrative: ancrer la fiction dans le réel en permettant au
lecteur de construire précisément le cadre spatio-temporel, la figure des
personnages. Faire vrai pour donner l’illusion que le monde décrit est semblable
au monde réel.
Elle permet aussi chez Balzac de préparer les éléments de al fiction: valeur
prémonitoire de la physiognomonie, indices fournis par les lieux décrits. Habitat
qui présage le devenir des personnages Cf. Pension Vauquer.
2.Fonction idéologique.
Théorie réaliste selon laquelle il y a un lien étroit entre personnages et lieux
qu’ils occupent. Vision du monde de l’écrivain, façon dont il juge la société: désir
de domination, pouvoir et argent, rôle des femmes dans l’ascension sociale,
monde dur aux idéalistes...
3. Fonction didactique: le roman comme transmission de savoir, lieu d’un
dialogue entre auteur et lecteur inscrit dans le texte par le mode de narration qui
interpelle le lecteur directement dans le texte. Cette relation s’effacera au nom
d’une plus grande vraisemblance de la fiction quand l’écrivain, plutôt que la voix
d’un narrateur externe, double de lui-même, utilisera la focalisation interne, les
personnages relais, de telle sorte que le savoir semble se transmettre directement
par les personnages et ce qu’ils perçoivent et connaissent du monde.
(d'après le manuel Delagrave)
Chapitre 3 : Le rêve lancinant
Il but son thé à petites gorgées, fuma plusieurs cigarettes. Cette brusque escapade
dans le passé avait rouvert certaines plaies qu’il croyait cicatrisées depuis
longtemps. Il se revit errant de ville en ville à la recherche d’un travail, mais il n’y
avait rien. La misère régnait partout et une grande épidémie de typhus emportait
les plus faibles. Seuls les Européens étaient soignés à temps. Cette maladie
sévissait surtout dans le peuple, chez les indigènes comme on les appelait alors. Il
y avait des poux partout. Chez les Européens, les poux n’existaient pas. Certains
esprits moqueurs disaient : « Qui n’a pas de poux n’est pas musulman... » Les
Français vivaient dans la propreté tandis que les indigènes s’entassaient les uns sur
les autres dans des gourbis confinés. Plusieurs années de sécheresse avaient
appauvri la campagne jadis riche en céréales qu’on exportait vers l’Europe.
Maintenant, les paysans se nourrissaient de racines et de tubercules, eux aussi très
rares. Les morts se chiffraient par milliers : « C’est la racaille qui crève, disait-on.
Bon débarras ! » Les colons récupéraient ainsi des terres abandonnées. Ils foraient
des puits, plantaient des orangers, semaient du blé. Ils prospéraient sur ces terres
qui n’avaient vu que des cadavres. Les humbles fellahs d’autrefois se voyaient
contraints de travailler au service des nouveaux maîtres pour survivre. Ceux qui
avaient eu la chance d’être engagés pouvaient compter sur l’aide du maître. Ils
étaient alors pris en charge, soignés, bien nourris et ils pouvaient échapper au sort
tragique qui décimait les gens des noualas[1] et autres hameaux qu’on finissait par
déserter pour fuir une mort certaine. Des masses d’hommes envahissaient les villes
et se retrouvaient parqués dans des bidonvilles déjà surpeuplés.
[1]- Chaumines.
Rares étaient ceux qui travaillaient. En Europe, la Guerre durait depuis deux ans.
Seules les usines d’armement allemandes fonctionnaient. La France était sous la
botte nazie, mais les autorités coloniales, qui étaient vichystes, envoyaient tout en
métropole. Il n’y avait donc rien à manger pour les autochtones. Avec le
débarquement américain de 1942, qui cloua au sol la flotte aérienne française fidèle
au maréchal Pétain, les choses se remirent à fonctionner à peu près normalement.
On ouvrit des chantiers, le dollar coula à flot. Les bases militaires américaines
employant beaucoup de Marocains, l’arrière-pays en profita. On soignait les
malades. Du jour au lendemain, le typhus disparut. Et, comme par hasard, la pluie
se remit à tomber. Les campagnes reverdirent. On se remit à procréer. L’armée
française engagea des jeunes qu’on envoya sur les fronts d’Europe, en Italie et
ailleurs. On rendit hommage à la bravoure du Marocain tout en oubliant qu’on
l’avait jusque-là méprisé. On promit même l’indépendance à Mohammed V,
lorsque la Guerre serait finie, mais on oublia ce serment. L’euphorie des
lendemains de la Guerre était telle qu’on recommença à traiter le colonisé de sous-
homme, de turbulent et d’ignorant congénital. D’arriéré pathologique, en quelque
sorte. Le Marocain ouvrit des écoles privées pour instruire ses enfants. Il lutta fer
mement pour sa liberté. Les prisons étaient pleines à craquer de résistants. Les
exécutions sommaires étaient monnaie courante. On en était là au moment où le
Mokhazni était venu se renseigner sur les fugitifs recherchés par la police.
Bouchaïb l’avait renvoyé sans autre forme de procès. Ils étaient bel et bien au
village. Ils se rendaient même au souk de temps en temps, mais ils savaient se
fondre dans la foule et disparaître au bon moment. On entendait depuis quelques
jours l’explosion de mines... C’était l’un de ces recherchés qui brisait un flanc de la
montagne pour agrandir sa maison.
Il avait besoin de pierre pour cela. Il avait réussi le tour de force de se faire
délivrer par le capitaine commandant le canton une autorisation d’achat
d’explosifs. Il avait dû fournir une fausse identité sans doute. Ou soudoyer un fonc
tionnaire... Nul n’en savait rien. Bouchaïb, qui allait chez lui pour écouter la radio,
la seule radio du village, était au courant de ce qui se passait dans les villes du
Nord. Chaque jour, des traîtres étaient exécutés, des bombes explosaient dans les
marchés européens et aux terrasses de certains cafés à l’heure de l’apéritif. Des
journaux interdits se vendaient sous le manteau. On écoutait comme une parole
sacrée La Voix des Arabes émise depuis Le Caire. On avait le moral car on
estimait qu’on pouvait gagner. En Algérie même et après la défaite de Diên Biên
Phu, la guerre de libération avait commencé. Le colonialiste était aux abois mais il
ne l’admettait pas encore. On n’en était pas encore là. Il allait se ruiner dans cette
aventure et accepter l’inacceptable, à savoir l’indépendance des opprimés.
Bouchaïb, qui aurait pu prendre du galon dans l’armée comme tant d’autres,
préféra la vie simple aux risques et aux honneurs. C’est pourquoi il s’était retiré
chez lui après s’être démené comme un diable dans les provinces du Nord. Il
s’était donc marié avec une cousine lointaine et s’était mis à cultiver la terre des
ancêtres. Il avait trouvé là une paix royale, car il adorait la nature vierge. Et quand
il pleuvait, c’était l’abondance. La vie reprenait toujours le dessus. On était loin de
l’agitation des villes, des massacres et autres règlements de comptes. Ici, on était
en sûreté, on pouvait sortir, vaquer à ses occupations sans risquer de recevoir une
balle dans la peau.
Bouchaïb aimait jardiner. Il avait planté des arbres fruitiers : des oliviers, des
amandiers, et même un bananier, chose inconnue dans la région. Quand il
trouvait un nid dans un arbre, il était heureux. Il considérait les oiseaux qui
venaient dans ses champs comme ses protégés. Il avait chassé les gosses qui s’en
prenaient à ces oiseaux paisibles et mis durement à l’amende leurs parents en
tant qu’anflouss. Ceux-ci durent morigéner leur progéniture car plus personne ne
pilla les nids. Attenant à sa maison, un petit verger produisait des clémentines,
des oranges et des figues, ces petites figues noires dont les merles se régalent
dès qu’elles commencent à mûrir. Bouchaïb permet-tait à ces oiseaux dont il
appréciait le chant de partager sa subsistance. Aussi ne fuyaient-ils jamais à son
approche. Comme les oiseaux ne le redoutaient pas, on le prenait à tort pour un
saint ou un magicien. Lui seul savait que l’amour était le lien qui l’unissait à ces
êtres peureux et fragiles. Un animal reconnaît très vite la bonté chez l’homme. Il
sait aussi discerner le mal là où il se trouve. D’aucuns croient que la huppe,
l’oiseau de Salomon, y voit à vingt pieds sous terre. Les gens de Mogador[1]
avalent tout cru son coeur palpitant pour acquérir encore plus de perspicacité.
Superstition? Sans doute. Cependant, ce bel oiseau si rare et solitaire fascine
encore tous ceux qui le regardent. On n’en voit que rarement. Mais on se sent
tout à coup heureux quand on en voit un’ dans un pré. Un oiseau seigneurial. »
[1]- Essaouira.
La cohérence textuelle
Définition
C’est une condition textuelle qui exige la présence d’une relation logique et non
contradictoire entre les phrases du texte. Pur qu’un texte soit cohérent, il faut que le
développement s’accompagne d’un apport sémantique constamment renouvelé.
Chaque phrase apporte donc quelque chose de nouveau, qu peut être une addition de
renseignement, une justification, une conséquence, un but, une condition, une
précision de temps ou d’un lieu, une comparaison, une opposition, une cause, une
consécution, une explication, une hypothèse, une introduction d’un nouvel élément,
une définition…
Cet acte de cohérence peut être signalé par des verbes suivants :
Compléter, continuer, ajouter ;
Argumenter, accentuer, appuyer, exemplifier, justifier, motiver, comparer,
énumérer ;
Expliquer, expliciter, préciser, identifie…
Répéter, reformer, paraphraser, corriger, se corriger ;
Répondre, s’exclamer, défendre, nier, réfuter, excepter, critique…
La reconnaissance de la cohérence d’un texte dépend des types et des genres de
discours auxquels on le rattache. Le genre du texte joue un rôle fondamental sur son
mode d’organisation et les attentes du public ; donc sur l’évaluation de leur
cohérence. Les énoncés ne s’enchaînent pas de la même manière selon l’on a affaire
à une séquence narrative, argumentative, descriptive ou explicative. C’est la raison
pour laquelle on demande aux enseignants de varier les types de textes à utiliser dans
leurs cours.
1. La Cohérence implicite :
Un texte est implicitement cohérent, quand la relation entre ses phrases est assurée
par des signes de ponctuation. Ces signes ne servent pas seulement à séparer les
phrases, les propositions et les mots pour obéir à un besoin de clarté ou pour
marquer une intonation, ils peuvent aussi marquer une nuance de la pensée, une
relation logique entre les phrases. Ils doivent être logiquement interprétés selon le
contexte.
2. La cohérence explicite
Pour qu’un texte soit explicitement cohérent, il faut que la relation logique entre
ses phrases soit exprimée par des connecteurs textuels, que l’on appelle aussi
organisateurs ; et par des marqueurs de relation.
2.1 Les connecteurs textuels (organisateurs)
Ce sont des marqueurs qui servent à l’articulation des parties du texte en
indiquant les transitions, l’ordre et la progression des arguments. Ils permettent au
lecteur de comprendre comment est découpée la pensée, comment elle s’organise
et comment elle évolue.
Le rôle des organisateurs textuels consiste – comme celui des marqueurs de
relation – à assurer la cohérence du texte.
Pour parvenir à exprimer une pensée claire et logique et à se faire bien
comprendre du lecteur, on doit savoir faire un usage judicieux des organisateurs
textuels.
Il faut donc veiller à :
Repérer chaque organisateur textuel et vérifier s’il exprime la valeur recherchée.
Evaluer si les organisateurs textuels de l’introduction soulignent chaque étape
avec justesse.
Evaluer si les organisateurs textuels utilisés dans le développement soulignent
adéquatement les grandes articulations de la pensée ainsi que le jeu des relations,
les mises en relief, les similitudes, les oppositions, etc.
Evaluer si les organisateurs textuels utilisés dans la conclusion conduisent
réellement, par leur choix judicieux, à la conclusion de la pensée, à l’achèvement
du texte.
2.2. Les marqueurs de relation
Les marqueurs de relations sont des prépositions, des coordonnants et des
subordonnants qui indiquent de manière explicite le lien entre les unités
syntaxiques qu’ils relient. En établissant ainsi des relations entre les mots, les
phrases et les paragraphes, les marqueurs jouent un rôle primordial : ils assurent la
cohérence nécessaire à toute communication et, par le fait même, une meilleure
compréhension par le lecteur.
Dans l’exemple *Il est primordial vous participiez cette réunion assurer une
participation très large, il a suffi qu’on enlève trois marqueurs de relation (un
subordonnant et deux prépositions) pour que le message devienne confus. En les
rétablissant, tout s’éclaire : Il est primordial que vous participiez à cette réunion
pour assurer une participation très large. C’est dire l’importance des marqueurs
de relation dans l’écriture.
Par conséquent, on doit vérifier que :
• les liens entre les unités syntaxiques sont établis par les marqueurs appropriés :
prépositions, coordonnants, subordonnants ;
• chaque marqueur exprime le bon rapport : temps, cause, conséquence,
explication, etc. ;
• tous les marqueurs superflus, s’il y a lieu, ont été retranchés du texte ;
• le texte n’est pas alourdi par un nombre abusif de marqueurs ;
• les rapports qui étaient implicites ont été précisés par un marqueur ;
• les pronoms relatifs que et dont ne sont pas confondus.
Chapitre 4 : Le souvenir douloureux
de l'occupation française
Chapitre 5 : La modernité
envahissante
[1]- « Quand une maison ou une nation est arabisée, elle se délabre, et quand elle
est délabrée, elle n’est pas habitable.
Analyse d’un texte argumentatif
L'étude du texte argumentatif permet de repérer les instances énonciatives du texte,
de dégager la thèse défendue ou celle thèse rejetée, d'analyser l'argumentation par la
mise en évidence des arguments et des exemples ainsi que leur enchaînement
logique.
1. L'organisation logique
On s'interroge sur la thèse défendue ou rejetée, sur les arguments utilisés à l'appui de
cette thèse défendue ou sur les contre-arguments développés pour la réfuter, et enfin
sur les exemples qui viennent illustrer cette argumentation.¨
La thèse
La thèse peut être formulée dans le texte mais peut aussi être implicite mais elle doit
alors être formulée clairement. De la même manière, la thèse qui est rejetée est
parfois implicite : exemple : le texte non polémique.
b. Les arguments
Le nombre d'arguments varie. Parfois, il n'y en a qu'un qui est développé. Ces
arguments peuvent être présentés sous des formes différentes : accumulation,
enchaînement logique, argument d'autorité (appel à l'opinion d'un expert). Des
connecteurs logiques viennent souligner ce qui les relie afin de rendre cohérents ces
arguments. De temps en temps, le lien logique n'est pas clairement exprimé ; il faut
alors le rétablir pour apprécier la progression du raisonnement.
c. Les exemples
Les exemples ont souvent une fonction illustrative. Ils tentent de rendre
l'argumentation plus concrète. De temps en temps, l'argument est implicite et
doit être déduit de l'exemple. On dit qu'il acquiert une fonction argumentative.
d. La stratégie argumentative
Il faut cerner les enjeux du texte afin de comprendre sa stratégie argumentative.
L'auteur peut dès l'introduction présenter sa thèse ou bien choisir de la faire
connaître après son raisonnement. Il peut accumuler les arguments sans les
développer pour produire un effet de nombre ou, au contraire, en développer
longuement un seul. Il peut se contenter d'étayer sa thèse, de réfuter celle de
l'adversaire ou de lui accorder des aspects qu'il juge positifs.
2. La situation d'énonciation
Qui parle ? À qui ? De quelle manière ?
a. L'énonciateur
Il faut trouver comment se désigne le locuteur dans le texte : emploi du pronom
« je », « nous », ou indéfini « on » ?
Il faut s'interroger sur son utilisation de la forme personnelle ou impersonnelle afin
de déterminer le degré d'implication du locuteur dans son énoncé, constater s'il
donne uniquement un point de vue personnel ou plus universel ou s'il cherche à y
associer son destinataire.
b. Le destinataire
A qui s'adresse le locuteur ? Il faut regarder s'il s'agit de quelqu'un en particulier
ou un public.
On observe alors de quelle manière l'auteur s'adresse à lui (ou à eux) et comment il
le (les) désigne : interpellations, utilisation de pronoms personnels de 2e personne,
explicitement ou non. Il peut aussi se sentir pris à partie par l'usage de questions
directes qui sont en réalité de fausses questions.
c. L'attitude adoptée par l'auteur
On s'interroge enfin sur l'emploi des pronoms, les modalités du discours, le
lexique et les procédés rhétoriques qui permettent de définir l'attitude adoptée par
l'auteur. Les termes employés peuvent être doux ou désagréables, affectifs ou
agressifs... de ces termes, on peut déduire les sentiments et la position du locuteur.
L'utilisation d'un ton neutre ou didactique témoigne de l'objectivité et de la volonté
d'expliquer ou d'informer. Le ton polémique, ironique, satirique ou oratoire
marque davantage la subjectivité
• Chapitre 8 : L'Europe et la ville corrompent les
coeurs et les moeurs
• Chapitre 9 : L'histoire du saint méconnu
• Chapitre 12 : L'écriture
• Chapitre 13 : La circoncision
Chapitre 14 : Le transistor japonais
« Comme les choses vont vite ! se dit le Vieux. Il y a à peine vingt ans, il n’y avait rien
de nouveau ici. Et voici que les riches se font maintenant un devoir de posséder dans
leurs belles demeures un groupe électrogène, deux ou trois puits creusés à la dynamite
dans une roche particulièrement dure et qui ne tarissent jamais, des salles de bains
marbrées et des waters ad hoc... Adieu la lampe à huile, les bougies ! Adieu le kanoun !
L’électricité a tout changé, tout chamboulé en un éclair ! Et voici le téléviseur et la
parabole ! Les riches veulent tout voir et tout savoir ! Ils ne regardent que les chaînes
étrangères : américaines et européennes, turques, égyptiennes... Jamais la télévision
nationale, qu’ils trouvent sinistrement pauvre ! Pauvre comme les pauvres qu’ils
méprisent ! Et moi qui n’ai même pas un poste de radio ! Hé! Ils visionnent même, en
secret, des films pornographiques... Ils aiment ça, ces vicieux ! Et ils ont des vidéos et
des décodeurs, que sais-je, moi ? Ils ont tout ! Tout, absolument tout pour vivre ici dans
une parfaite tranquillité... Mais non ! Ils n’y reviennent qu’une fois l’an! Quinze, vingt
jours tout au plus ! Les autres mois de l’année, c’est un gardien qui surveille la
propriété, dont les portes restent closes en l’absence du maître. Il vadrouille donc à
l’extérieur, comme un chien, à s’occuper des arbres et des bestiaux... Un chien bien
payé, au demeurant, et bien traité puisqu’il empoche un joli salaire et qu’il a une petite
maison bien à lui, cadeau du patron. Oui, l’électricité a tout changé : la nuit n’est plus
aussi sombre qu’elle l’a été du côté de ces maisons fastueuses. On y est comme dans
une ville, à présent. C’est si lumineux qu’on ne se sert même plus d’une torche
électrique ! Mais comme le maître est absent onze mois sur douze, l’ancienne nuit
d’encre reprend le dessus. Plus de bruit de moteur alors, plus d’éblouissements !
Heureusement que cette brute s’absente ainsi, sinon où irait-on?
Personnellement, je préfère ma vie simple à tout ce tapage, à ce clinquant ridicule. Mais
la modernité est contre moi. Je ne suis qu’un vieux croulant, un vieux chnoque qui écrit
sur un saint aussi méconnu que lui. En marche vers une disparition complète, après quoi
ne resteront que les choses solides, bien actuelles : le béton, l’argent, la télévision, la
vidéo, les grosses voitures, etc. Ça s’impose déjà assez violemment, que diable ! Après,
tout ce qui est vieux sera tenu pour nul et non avenu, inutile, bon pour la casse ! On
laissera bien entendu quelques vieilles ruines en l’état car on aura toujours besoin d’une
image nostalgique, fût-elle pénible à supporter, et l’on paradera dans son domaine et sur
les routes, au souk et partout où on retrouvera ses semblables opulents. Mais il y aura
toujours des pauvres, toujours les mêmes, et leurs vieilles maisons archaïques toutes
rafistolées... et leurs filles qui vieilliront contre tout bon sens, femmes infécondées,
rejetées parce que désespérément misérables quoique parfois très belles. Il y aura
toujours le torrent, la vallée et les montagnes, mais pas de ponts, pas d’asphalte sur les
routes et pas même un radier ! La belle voiture roulera donc sur des pistes caillouteuses,
traversera le cours d’eau à gué comme un âne. Elle sera empoussiérée, la belle
allemande, démantibulée et cabossée ! Mais le parvenu n’en aura cure... ... "Une voiture,
hé ! Elle est faite pour être remplacée ! J’en achète une nouvelle tous les deux ans. J’ai
les moyens, moi!" Et la belle achève ses jours comme taxi collectif ! Quelle disgrâce !
Ça fait tout de même mal au coeur de voir des fortunes filer comme ça, à vau-l’eau, dans
un bled presque nécessiteux où seuls quelques potentats arrogants dépensent sans
compter, Crésus immatures, inconscients du danger et des colères que leur désinvolture
suscitera immanquablement... Des nantis qui se disent bourgeois mais qui n’en sont pas.
Tout juste des parvenus tombés de la dernière pluie, pas des Jacques Coeur comme
autrefois ! Des gens sans tradition mercantile, sans legs et sans autre éducation qu’une
barbarie financière effrénée... et qui sont prêts à faire leurs valises au moindre remous
social, à sauter dans un avion pour la Suisse où leurs comptes numérotés les attendent,
bourrés à craquer de milliards acquis Dieu sait comment!
Avant l’indépendance, il n’y avait pas dans tout le pays une dizaine de vrais riches.
On les connaissait, c’étaient pour la plupart des gens du Makhzen issus de vieilles
familles... Des fortunes bâties au cours des siècles, patiemment, par des générations
d’hommes âpres au gain, intrépides, voleurs assurément mais traditionalistes à
l’excès... Du jour au lendemain, en trois décennies, on a vu apparaître un nouveau
type de riche, parvenu sans foi ni loi, corrompu et corrupteur, velléitaire, qui croit
que tout s’achète, des fonctionnaires comme du tabac, des femmes, des terres, tout,
y compris les consciences les plus affermies, les moins perméables aux tentations
empoisonnées de l’argent... Il achète donc ce qu’il peut, floue l’État si nécessaire,
méprise et trompe le peuple, ce crève-la-faim qui le gêne dans ses rêves grandioses,
cette piétaille qu’il aurait annihilée s’il en avait eu les moyens politiques, et qui
continue de se dresser sur sa route mirifique, à le narguer rien qu’en existant, à le
rappeler à l’ordre constamment, lui qui n’est pas là, vit là sans y vivre vraiment, a
un pied ici et un autre ailleurs, car on ne sait jamais, rien n’est tout à fait garanti. Un
jour, il faudrait déguerpir, fuir, s’exiler... Mais on a mis ses billes de côté... On a des
appartements à Paris, Bruxelles, Londres, Zurich... "On n’est pas des indigents,
nous autres ! Si ça tourne au vinaigre, eh bien, tant pis, on ira tenter l’aventure
ailleurs ! Nos enfants sont déjà grands... ils étudient aux États-Unis... Ils ne
reviendront ici qu’au moment des vacances... Des nantis qui se disent bourgeois
mais qui n’en sont pas. Tout juste des parvenus tombés de la dernière pluie, pas des
Jacques Coeur comme autrefois ! Des gens sans tradition mercantile, sans legs et
sans autre éducation qu’une barbarie financière effrénée... et qui sont prêts à faire
leurs valises au moindre remous social, à sauter dans un avion pour la Suisse où
leurs comptes numérotés les attendent, bourrés à craquer de milliards acquis Dieu
sait comment! Avant l’indépendance, il n’y avait pas dans tout le pays une dizaine
de vrais riches. On les connaissait, c’étaient pour la plupart des gens du Makhzen
issus de vieilles familles...
Des fortunes bâties au cours des siècles, patiemment, par des générations
d’hommes âpres au gain, intrépides, voleurs assurément mais traditionalistes à
l’excès... Du jour au lendemain, en trois décennies, on a vu apparaître un nouveau
type de riche, parvenu sans foi ni loi, corrompu et corrupteur, velléitaire, qui croit
que tout s’achète, des fonctionnaires comme du tabac, des femmes, des terres, tout,
y compris les consciences les plus affermies, les moins perméables aux tentations
empoisonnées de l’argent... Il achète donc ce qu’il peut, floue l’État si nécessaire,
méprise et trompe le peuple, ce crève-la-faim qui le gêne dans ses rêves grandioses,
cette piétaille qu’il aurait annihilée s’il en avait eu les moyens politiques, et qui
continue de se dresser sur sa route mirifique, à le narguer rien qu’en existant, à le
rappeler à l’ordre constamment, lui qui n’est pas là, vit là sans y vivre vraiment, a
un pied ici et un autre ailleurs, car on ne sait jamais, rien n’est tout à fait garanti.
Un jour, il faudrait déguerpir, fuir, s’exiler... Mais on a mis ses billes de côté... On
a des appartements à Paris, Bruxelles, Londres, Zurich... "On n’est pas des indi
gents, nous autres ! Si ça tourne au vinaigre, eh bien, tant pis, on ira tenter
l’aventure ailleurs ! Nos enfants sont déjà grands... ils étudient aux États-Unis... Ils
ne reviendront ici qu’au moment des vacances... Ce sont maintenant des
Américains. Ici ? On n’a rien à faire ici ! On y est tant qu’on y gagne de l’argent,
beaucoup d’argent... Mais si ça foire, tant pis ! Le monde est vaste, très accueillant
pour des gens comme nous qui pouvons investir n’importe où, n’importe quand..."
Quelle sale engeance ! pensa le Vieux. Des ennemis de la patrie pour laquelle
d’autres ont donné leur vie. Mais ne voilà-t-il pas que je me fiche en colère ! C’est
cette foutue électricité et ces groupes électrogènes qui m’ont remué ! Hé hé ! Que
le diable les emporte donc, eux et leurs manigances de sacripants ! »
Analyser un texte argumentatif
I- EXPOSÉ DE LA THÈSE COURAMMENT ADMISE
Thèse générale avec laquelle l’auteur est en désaccord :
Argument(s) qui soutiennent cette thèse.
Exemple(s)
Arguments à l'appui :
Exemples à l'appui :
• Chapitre 15 : Les ennuis d'Amzil
1 Dès l'enfance, donnez-lui tout ce qu'il désire. Il grandira ainsi en pensant que le
monde entier lui doit tout.
2 S'il dit des grossièretés, riez, il se croira très malin.
3 Ne lui donnez aucune formation spirituelle. Quand il aura 21 ans, il choisira lui-
même.
4 Ne lui dites jamais : c'est mal ! Il pourrait faire un complexe de culpabilité. Et
plus tard lorsqu'il sera arrêté pour vol d'autos, il sera persuadé que c'est la
société qui le persécute.
5 Ramassez ce qu'il laisse traîner. Ainsi, il sera sûr que ce sont toujours les autres
qui sont responsables.
6 Laissez-lui tout lire. Stérilisez sa vaisselle mais laissez son esprit se nourrir
d'ordures.
7 Disputez-vous toujours devant lui. Quand votre ménage craquera, il ne sera pas
choqué.
8 Donnez-lui tout l'argent qu'il réclame. Qu'il n'ait pas à le gagner. Il ferait beau
voir qu'il ait les mêmes difficultés que vous.
9 Que tous ses désirs soient satisfaits : nourriture, boisson, confort, sinon il sera
frustré.
10 Prenez toujours son parti, les professeurs, la police lui en veulent à ce pauvre
petit.
11 Quand il sera un vaurien, proclamez vite que vous n'avez jamais rien pu en
faire.
12 Préparez-vous une vie de douleur, vous l'aurez.
Direction de la police de Seattle (Washington)
Questions :
1 Quel est l'émetteur de ce texte argumentatif ?
2 Quels sont les récepteurs ? Justifiez votre réponse.
3 Sous quelle forme se présente ce texte ?
4 Quel est le mode des verbes ? Pourquoi ?
5 Quel est le thème de ce texte ?
6 Quel est l'objectif de ce texte ?
7 Quel type d'éducation tente de critiquer et de dénoncer ce texte ?
8 Résumez en une phrase la thèse implicite (non exprimée) que défend ce texte ?
9 Sur quelles opérations logiques principales reposent les conseils : l'addition, la
cause, l'opposition, la supposition, la conséquence ? Justifiez votre choix.
10 Reprenez chacun des onze premiers conseils et dites ce qu'il faut comprendre.
Chapitre 20 : De beaux poèmes
Ce matin-là, le vieux Bouchaïb, qui avait confié quelques jours plus tôt une partie de
son manuscrit à l’imam, était venu aux nouvelles. Le Maître le reçut avec égards dans
son appartement où un élève leur apporta du thé, des biscuits, des amandes, des figues
sèches et des dattes. Il était visiblement heureux de cette visite. Il le dit au Vieux en
ajoutant :
- L’autre jour, tu es venu au magasin, mais tu n’as pas eu l’idée de passer me voir.
- Il y avait des courses urgentes à faire et j’étais pressé. D’autre part, je n’avais encore
rien d’important à te soumettre.
- Justement, parlons un peu de ce manuscrit. Le poème est magnifique. Je n’ai jamais
rien lu de tel, même en arabe..., affirma l’imam.
- N’exagérons rien ! Merci quand même. Venant de toi, ce compliment est plutôt
encourageant.
- Laisse-moi terminer. Le dernier épisode est proprement fantastique. Après sa fuite et
sa retraite dans cette caverne du mont Sinaï, le saint fait un songe où lui apparaît un
ange du Seigneur qui lui indique, du haut d’un escarpement, l’étendue brûlante du
désert où erre un peuple en butte à une nuée de démons ailés, un peuple affolé, qui
tourne en rond sans savoir ni où il est ni où il va... L’ange du Seigneur commande au
saint de délivrer cette foule, ce qu’il fait en provoquant un orage magnétique dont les
éclairs intenses brûlent les ailes des démons, qui dès lors sont perdus.
Cet épisode mériterait à lui seul d’être imprimé dès maintenant, mais je ne vois
aucune revue capable de le faire. Il est de plus en plus question de fonder des revues
appropriées, seulement ce n’est qu’un projet. Attendons un an ou deux, nous verrons
bien, car pour ce qui est d’une publication intégrale, ça nous reviendrait cher, tout le
monde pratiquant ici le compte d’auteur.
- Combien à peu près ? interrogea le Vieux.
- Oh! Deux, trois millions pour deux mille copies imprimées.
- Je n’ai jamais eu, je n’ai pas et je n’aurai jamais une telle somme.
- Mais il y a des mécènes.
- Des mécènes?
– Oui. Des gens riches qui paient les frais de ce genre de publications, expliqua
l’imam.
- Comme nos parvenus ?
- Que non ! Ceux d’ici sont incultes. Les gens dont je parle sont des lettrés qui
s’intéressent aux textes comme le tien.
- Que dois-je faire donc ?
- Achève d’abord ce travail. Après, nous aviserons.
Le Vieux était content. Enfin il allait être publié et lu de son vivant… peut-être. En
tout cas, il avait une confiance aveugle en l’imam.
- Eh bien, patientons ! dit-il en se retirant, le manuscrit dans sa choukkara, cette
éternelle sacoche berbère qui lui pendait à l’épaule et ne le quittait jamais quand il avait
à faire à l’extérieur, car elle pouvait tout contenir tant elle était grande.
En rentrant, il trouva sa vieille épouse occupée à plumer des perdreaux. À la
question de savoir d’où ils venaient, elle répondit :
- C’est ce vieux brigand de H’Mad qui te les a apportés. Il a été à la chasse.
- Ah ! L’ancien tueur pense encore à moi ! Il est bien le seul à le faire ici. Eh bien,
prépare-les comme il te plaira !
•- J’ai une bonne recette pour ce gibier délicat, tu verras.
•- Fais comme il te plaira, répéta-t-il. Quant à moi, je commence à perdre la
mémoire... J’ai été chez l’imam à la medersa, mais j’ai oublié de lui porter un
paquet de mon thé préféré. Il va falloir que j’y retourne après ma sieste.
•- Inutile que tu y ailles, je lui remettrai moi-même ce paquet en allant moudre mon
orge à la minoterie, dit la vieille.
•- À la minoterie? s’étonna le Vieux. Mais tu disais que...
•- Ce que je disais n’a plus aucune importance maintenant. J’y vais parce que mes
épaules me font si mal que je ne peux plus faire tourner notre meule. J’ai une
bonne excuse.
•- Ah bon ! Je pensais seulement que tu avais soudain perdu la tête et choisi le parti
de la modernité.
•- Non ! Pour l’essentiel, je reste traditionaliste.
- Trêve de plaisanterie ! Je suis très content que tu sois délivrée de cette corvée
d’un autre âge. Il y a des machines bénéfiques et des machines maléfiques. Tout
dépend de ce qu’on en fait. La minoterie est un don du Ciel... L’automobile aussi,
quand elle ne sert pas à provoquer l’ire des laissés-pour-compte. Hé ! C’est
pourquoi on en brûle lors des émeutes. L’auto est comme une femme aguichante
qui joue trop de ses charmes. Elle lance constamment un appel au viol. Et ce n’est
pas l’envie de tout casser qui manque à ces hères qui peuplent les villes. Ils y
vont d’un coeur léger, en masse, mettent le feu à ce qui leur tombe sous la main...
Et vas-y ! Encore une ! L’incendie fait son oeuvre, à la grande joie de celui qui ne
possède pas même un âne. On parle tous les jours de ces émeutes et de ces
émeutiers à la radio. Les villes sont devenues un enfer pour le pauvre comme pour
le riche.
Passé un moment, il se ressaisit et ajouta :
- Mais je parle, je parle, je parle... Je vais plutôt me faire un bon thé et me
remettre au travail. Le saint me sollicite.
La vieille ne dit mot. Le sachant dans un autre monde, elle se concentra sur la
préparation du repas de midi après avoir donné le foie des volatiles au chat roux
qui était venu l’importuner. À l’extérieur, une brise fraîche adoucissait les
premières ondes de chaleur qui commençaient à chauffer le sol et les pierres avant
de se répandre en un brasier insupportable
Les différents types de discours
rapporté
• Le discours narrativisé
• Le discours narrativisé est le plus difficile à reconnaître. Le
narrateur relate les paroles comme un événement du récit
sans réelle importance. Le texte nous indique qu’il y a eu
acte de parole par un locuteur secondaire, mais le contenu
n’est pas descriptible ni transposable.
– Exemple : Elle annonça à ses parents son départ pour le Brésil. —›
On ne connaît pas le contenu de son annonce — par quelles
paroles et de quelle manière.
• Le discours direct
• Le discours direct donne l’illusion de l’objectivité, et permet
de relayer l’information en toute neutralité. C’est
apparemment la forme la plus littérale de la reproduction
de la parole d’autrui. Toutefois le rapporteur peut influencer
le discours, notamment avec des éléments tels que les
verbes de paroles.
• Exemple : « J’ai appelé Max hier. », (préten)dit / reconnut /
cria Elsa
• Le discours indirect
• Le discours indirect perd son indépendance syntaxique, et
se construit donc comme une subordonnée, complément
d’un verbe principal signifiant « dire » ou « penser ». Il est
généralement bien intégré au discours dans lequel il
s’insère et n’est pas marqué par une rupture énonciative.
• Exemple : Robespierre a dit que Danton était un traître.
• Le discours indirect libre
• Le discours (ou style) indirect libre est essentiellement un
procédé littéraire qui se rencontre peu dans la langue
parlée. Il permet au romancier de s’affranchir du modèle
théâtral qui imposait le mimétisme du discours direct.
L’auteur peut rapporter les paroles et les pensées au
moyen d’une forme qui s’intègre parfaitement au récit,
ouvrant des perspectives narratives nouvelles, notamment
au XIXe siècle.
• Exemple : Pierre le disait toujours. S’il était riche, il ne
travaillerait plus !
Tableau synthétique des caractéristiques propres à chaque type de discours
rapporté
Le tableau suivant indique de manière synthétique les caractères spécifiques à chaque
type de discours rapporté. UNE croix marque un caractère obligatoirement présent,
tandis que DEUX croix indiquent un caractère non obligatoire mais parfois présent.
Dépendance syntaxique X
Transposition X X X
• Chapitre 21 : La publication de l'oeuvre
du Vieux
Les deux points, les guillemets, les Ces signes de ponctuation ne sont
La ponctuation retours à la ligne isolent les parties plus utilisés, comme si la parole ou la
dialoguées du récit. pensée étaient comprises dans le récit.
Les pronoms personnels Essentiellement ce sont les pronoms et Les pronoms et déterminants
et les déterminants les déterminants de la première et de la possessifs varient selon la personne qui
possessifs deuxième personne qui sont utilisés. rapporte les paroles.
RÉCIT
DISCOURS
(les éléments sont présentés comme se
(le « Je–ici-maintenant »)
racontant d’eux-mêmes)
Imparfait
Présent
Passé simple
Temps utilisés
Passé composé
Noms de qualité
Lexique utilisé Noms et adjectifs objectifs
Adjectifs évaluatifs
Au-delà des informations données sur le temps (passé, présent, futur) la
conjugaison verbale donne également des informations sur la manière dont le
sujet énonciateur envisage le déroulement de l’action exprimée par le verbe
(on parle dans ce cas de procès) : c’est ce qu’on appelle l’aspect, ou la valeur
aspectuelle du temps. L’aspect est essentiel pour comprendre la différence
entre, par exemple, les différents temps du passé qui font a priori référence au
même moment temporel (passé simple, imparfait, passé composé). Si
plusieurs "temps" verbaux existent pour exprimer le même moment temporel,
c’est que le mode de manifestation du procès (ou action exprimée par le
verbe), la manière dont il est envisagé, ne sont pas les mêmes.
Le couple imparfait / passé simple
Véritables piliers du récit, le passé simple et l’imparfait n’ont pas la même valeur
aspectuelle, et donnent, par leur opposition complémentaire, son rythme et sa
profondeur au récit.
Alors que le passé simple est un perfectif, l’imparfait est un imperfectif. L’aspect
perfectif envisage le procès comme un point, sans prendre en compte, donc,
sa durée. À l’inverse, l’aspect imperfectif présente le procès en cours, sans
qu’on envisage réellement son terme.
Il ne s’agit pas, dans un cas comme dans l’autre, de la durée réelle du procès,
mais de la façon dont celle-ci est restituée par le sujet énonciateur.
Soient les énoncés suivants :
« La guerre s’éternisa » / « La guerre s’éternisait »
Le choix de l’imparfait ou du passé simple ne modifie en rien la durée réelle de la
guerre (une éternité), mais la façon dont sa durée est envisagée dans le récit : un
constat (un fait) extérieur à toute durée dans le cas du passé simple ; un fait considéré
dans sa durée, et dans lequel on sent une implication plus grande de la part du sujet
énonciateur (la guerre est très/trop longue). De là vient également l’impression que le
passé simple paraisse un temps plus objectif, dans lequel les faits semblent se
raconter d’eux-mêmes, de la manière la plus objective qui soit.
De ces différences aspectuelles découle le rythme du récit. Un texte au passé simple
donne une impression de vitesse, puisque la durée des procès n’est pas envisagée :
les actions se succèdent comme des points se succèdent sur un axe chronologique,
sans aucune profondeur ou analyse. Un texte à l’imparfait, au contraire, donne une
impression de lenteur, voire d’enlisement : l’imperfectif, en se focalisant sur leur
durée non déterminée par un terme, s’oppose au surgissement de l’événement.
C’est pour cette raison que l’on a comparé les effets produits par cette opposition
perfectif / imperfectif à ceux donnés par la profondeur de champ au cinéma. Alors
que les actions se déroulent au premier plan, plan qui rythme la succession des
événements, l’arrière-plan "plante" le décor, et instaure une durée et une continuité
dans l’image en mouvement.
De cette opposition fondamentale découle un certain nombre d’effets de l’imparfait :
l’expression de l’habitude (récit itératif) et donc de la durée, voire de la monotonie ;
temps de la description il pose un décor ou des faits présentés comme inamovibles,
installés dans la durée, et donc échappant finalement à une chronologie véritable.
Passé simple Imparfait
Temps utilisé dans la narration des faits Temps utilisé dans la description
Il faut donc être sensible, dans l’analyse d’un récit, à la répartition entre passé
simple et imparfait, et voir, surtout, ce que peut traduire le recours à l’imparfait,
surtout lorsque celui-ci "remplace" le passé simple dans son rôle habituel de
narration. De même, l’irruption d’un passé simple dans un texte à l’imparfait vise
un effet particulier, que ce soit une rupture (de rythme), le surgissement brutal
d’un événement, d’une prise de conscience débouchant sur un acte présenté alors
comme non raisonné, etc.
Accompli et inaccompli
L’autre grand couple de valeurs aspectuelles relève d’une problématique
totalement différente : il ne s’agit plus ici de rythme, et de la façon dont est traitée
la durée de l’événement, mais de leur rapport avec le moment de l’énonciation ou
de la narration.
L’accompli envisage le procès comme achevé au moment de l’énonciation ou de
la narration ; l’inaccompli l’envisage comme encore "en cours".
Cette différence aspectuelle rejoint l’opposition entre temps simples et temps
composés. Tous les temps composés sont des accomplis :
le passé composé est un accompli du présent (le procès est envisagé comme
accompli par rapport au moment présent)
le plus que parfait et le passé antérieur sont des accomplis du passé (le procès est
envisagé comme accompli par rapport à un moment du passé plus récent)
À l’inverse, l’imparfait a plutôt tendance à être un inaccompli, puisque l’idée
d’achèvement (d’accomplissement) est étrangère à sa valeur aspectuelle.
L’idée importante à retenir est que l’accompli envisage toujours le procès par
rapport à un moment plus récent : j’ai mangé exprime un procès passé, mais ayant
encore un rapport avec le présent de l’énonciation (j’ai mangé par rapport à
"maintenant") ; de même, il avait mangé fait référence à l’accomplissement du
procès par rapport à un moment passé plus récent (le moment du récit).
Cette distinction, moins intéressante pour l’analyse textuelle, est cependant très
importante pour comprendre l’emploi du passé composé dans un texte, et les effets
qu’il peut produire.
Passé composé et passé simple
On a souvent considéré que le passé composé "remplaçait" le passé simple, qui ne
survivrait qu’à l’écrit. Autrefois forme d’accompli du présent, le passé composé serait
devenu une forme perfective du passé, remplaçant dans ce rôle le passé simple,
devenu archaïque. Benvéniste a montré au contraire qu’il n’y avait pas concurrence
entre ces deux temps mais complémentarité entre deux systèmes d’énonciation, le
discours et le récit.
Alors que le passé simple relate des procès révolus par rapport à la situation
d’énonciation présente (sans aucun rapport avec le présent, donc), le passé composé,
même s’il est utilisé dans le cadre du récit, garde toujours sa fonction d’accompli du
présent, et envisage donc les procès comme ayant encore un rapport avec la situation
d’énonciation.
L’exemple le plus parlant se trouve sûrement dans L’Étranger de Camus, roman dans
lequel la narration est presque entièrement au passé composé. L’emploi de ce temps a
d’ailleurs fait l’objet de nombreux commentaires, de la part de critiques d’horizons
très différents (Sartre, notamment), car tous ont senti que cet emploi constituait une
des clés du roman.
Contentons-nous de remarquer la différence essentielle entre le passé simple et le
passé composé, au travers de la célèbre première phrase du roman :
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
On ne peut remplacer ici le passé simple par le passé composé, puisque le procès est
envisagé par rapport au moment présent, comme le montre l’emploi de
« Aujourd’hui », renvoyant directement à la situation d’énonciation. Le récit n’est pas
coupé de la situation d’énonciation, mais envisagée par rapport à elle (valeur
d’accompli du présent).
Raconter au passé simple ou au passé composé n’implique pas du tout le même
rapport aux événements. Alors que le passé simple est souvent qualifié de « passé
mythique », renvoyant donc à un passé lointain mais non clairement situable dans
le temps (un mythe est un récit très ancien, mais en dehors de la chronologie
historique), le passé composé crée un lien entre le récit et la situation de son
énonciation. Un lien entre le système du récit et du celui du discours, donc.
Du coup, le passé composé est un temps très ambivalent, puisqu’il est à cheval sur
les deux systèmes, mêlant valeur perfective du passé simple et valeur d’accompli
du présent. Son emploi dans un récit doit donc toujours attirer l’attention.
Les valeurs du présent
La distinction entre temps et aspect est également fondamentale si l’on veut
commenter les différents emplois du présent dans un texte, puisque le présent est
le temps regroupant le plus de valeurs aspectuelles.
Ses 4 valeurs principales sont les suivantes :
Le présent de l’instance d’énonciation (ou présent du discours) : c’est le temps
pilier du discours, puisque c’est celui de la situation d’énonciation (le
« maintenant » de l’énonciation). Il varie donc constamment, et constitue un point
de repère chronologique évoluant sans cesse.
Ex : « On y va maintenant. »
Le présent de vérité générale (ou présent gnomique) : c’est le temps des proverbes,
des maximes, des définitions, de tous les énoncés généraux reflétant une pensée qui
se veut éternelle, ou une loi présentée comme inamovible.
Ex : « Le crime ne profite jamais. »
Le présent de la narration (ou présent aoristique, ou présent historique) : c’est le
présent utilisé à la place du couple passé simple et imparfait dans un récit. Il hérite
donc de ses valeurs aspectuelles, en y ajoutant la dramatisation, puisque les
événements du récit semblent brutalement contemporains, et se dérouler sous nos
yeux.
Le présent scénique (ou présent de la description) : c’est le présent utilisé à la place
de l’imparfait dans le récit, et qui hérite donc de ses valeurs aspectuelles, en y
ajoutant une sorte d’atemporalité. Souvent utilisé dans une description, il ouvre une
sorte de parenthèse dans la chronologie du récit.
Attention : le présent scénique ne correspond pas forcément à un présent que l’on
peut remplacer par un imparfait. Il faut que le passage soit suffisamment long, et
traduise cette volonté de « faire une scène », c’est-à-dire un moment en marge de la
narration.
Il s’agit d’une description qui suspend momentanément le cours de l’histoire et
présentant l’action du personnage comme une sorte d’archétype de tous les lancers de
bowling, et traduit en outre la concentration du joueur, qui semble "suspendre son
souffle".
Remarque : le présent utilisé dans la comparaison (« d’une grosseur analogue à celle
des boules de verre qui maintiennent à la surface de la mer les filets de pêche ») est
un présent de vérité générale. Il ne s’agit pas d’une "scène" à caractère atemporel,
mais d’un énoncé proposant une définition.