You are on page 1of 22

Introduction

Le Cid, mis en scène pour la première fois en janvier 1637 par la troupe
de l’Hôtel du Marais à Paris, a marqué le début de la grande renommée
de Pierre Corneille. Le succès de la pièce a été immédiat et considérable.
On l’a très tôt jouée devant la cour de Louis XIII et à l’hôtel du cardinal
Richelieu, et elle a continué pendant des mois à remplir le Théâtre du
Marais. Ironiquement, la sévère critique du Cid (de la part des rivaux
littéraires de Corneille et de l’Académie française du cardinal Richelieu) n’a
fait qu’accroître sa popularité générale. La poésie et les thèmes universels de
cette tragi-comédie — notamment le célèbre « dilemme cornélien » — nous
donnent toujours à penser. Le Cid fascine encore le public d’aujourd’hui
dans son texte original, et dans de nombreuses adaptations qui reprennent
sa problématique fondamentale.

I. Pierre Corneille (1606-1684)


Pierre Corneille, l’aîné de sept enfants, est né le 6 juin 1606 à Rouen
en Normandie. Son père, aussi nommé Pierre, de la bourgeoisie moyenne
rouennaise, était avocat au Parlement de Rouen et fonctionnaire, maître
des Eaux et Forêts en la vicomté de Rouen. La mère de Corneille, Marthe
Le Pesant de Bois-Guilbert, était d’une famille noble et fille d’un avocat.
Corneille a lui-même habité la maison natale, rue de la Pie à Rouen, jusqu’à
l’âge de cinquante-six ans, avec sa femme et ses enfants.
Après des études brillantes au collège jésuite de Maulévrier (aujourd’hui,
le lycée Pierre Corneille) à Rouen, le jeune Pierre a fait son droit. À dix-
huit ans il se trouvait déjà avocat stagiaire au Parlement de Rouen. Il s’y
est initié pendant quatre ans, mais sans y prêter beaucoup d’intérêt. Son
père a fini par lui acheter deux modestes charges d’avocat du roi: avocat au
siège des Eaux et Forêts de Normandie et à l’Amirauté de France au port
de Rouen. Les premiers poèmes de Corneille — des vers d’amour — et
Mélite ou les fausses lettres, sa première comédie, datent de cette époque.
Ces deux écrits sont nés de son infatuation avec une jeune dame riche (et
mariée) qui lui était inaccessible. Par la suite, tout en se dédiant au théâtre
et à la poésie, Corneille a rempli consciencieusement pendant vingt-deux
ans les fonctions de ses postes de magistrat. Résidant à Rouen avant 1662,
1
2 Corneille: Le Cid

Corneille, pourtant grand homme du théâtre parisien, a passé le minimum


de temps à la Cour du Roi (Louis XIII) et à Versailles (sous Louis XIV).
En 1629, sa première comédie, Mélite, a été jouée à l’Hôtel de
Bourgogne à Paris par la troupe itinérante du célèbre acteur Mondory,
auquel Corneille avait remis le manuscrit lors d’une rencontre à Rouen.
Avec cette réussite, Mondory a fondé une nouvelle compagnie à Paris et
a bientôt monté la deuxième pièce de Corneille, Clitandre ou l’ innocence
délivrée (1630-31), une tragi-comédie. Ensuite, entre 1631 et 1636,
Corneille a donné six nouvelles pièces; la plupart d’entre elles étaient des
comédies: La Veuve, La Galerie du Palais, La Suivante, La Place Royale,
Médée (une tragédie) et L’Illusion comique. La plupart de ces pièces étaient
innovatrices par leur genre (la comédie) et par leur contexte contemporain
qui plaisait beaucoup au public.
En 1635, le cardinal Richelieu, passionné de théâtre, a enrôlé Corneille
parmi ses « Cinq Auteurs », chargés de composer en collaboration ses idées
dramatiques. Mais le jeune esprit indépendant n’y est pas resté longtemps:
Corneille a démissionné suite à un malentendu avec Richelieu occasionné
par sa contribution à La Comédie des Tuileries (1635). Il s’est alors retiré à
Rouen, prétextant des obligations familiales.
Revenu au début de 1637 avec le succès prodigieux du Cid, le jeune
dramaturge s’est imposé pour de bon. La reine Anne d’Autriche (femme
de Louis XIII et mère de Louis XIV) a été tellement touchée par Le Cid,
qu’elle a demandé au cardinal Richelieu d’anoblir le père (donc la famille)
de Corneille. Corneille a dû se défendre contre ses rivaux et même contre
l’Académie française (fondée en 1635 par Richelieu pour contrôler et
surveiller le développement de la langue française) à laquelle le cardinal
avait donné le mandat de prononcer contre Le Cid. Mais le grand public
avait parlé. Le Cid a bientôt été joué à Londres et traduit en de nombreuses
langues, lui assurant une réputation internationale. La période des plus
grandes tragédies de Corneille, dont Horace (1640), Cinna (1640), Polyeucte
(1642) et La Mort de Pompée (1643), était à suivre.
En 1641, Corneille a épousé Marie de Lampérière, elle aussi fille d’un
magistrat normand; leur union aurait été facilitée par Richelieu. Ils ont
eu six enfants dont le dernier est né en 1656. En janvier 1647, après deux
tentatives antérieures et cinq ans après la mort de Richelieu, Corneille
a été élu à la prestigieuse Académie française. En 1650, il a été nommé
« procureur » (administrateur général) des États de Normandie, une
fonction qui l’a obligé à renoncer à son métier officiel d’avocat.
Mais un an après, Corneille s’est trouvé démis de ses fonctions de
procureur des États de Normandie à cause de sa fidélité au cardinal Mazarin
(successeur de Richelieu et ministre sous la régence d’Anne d’Autriche),
exilé pour sa politique économique. Corneille gagnera désormais sa vie
uniquement par la littérature. Les pièces de cette période — dont La Mort
Introduction 3

de Pompée, Rodogune, Héraclius, Don Sanche d’Aragon et Andromède —


traitent des sujets politiques, de la guerre civile, du rôle de la monarchie et
de la nature du roi.
En 1652, la Fronde (à l’origine un mouvement des parlements et des
nobles contre la Couronne) a gagné l’ensemble de la France et a provoqué
un soulèvement général (mais temporaire) contre le pouvoir royal. La
même année, suite à l’échec de sa tragédie Pertharite, et découragé par
l’insuccès d’autres pièces, Corneille a renoncé au théâtre pour se consacrer
à une traduction du latin en français de L’Imitation de Jésus Christ (c.
1418) de l’Allemand Thomas a Kempis. En 1653, la défaite militaire des
« frondeurs » a mis fin à la Fronde. On a vu le retour d’exil du cardinal
Mazarin, redevenu le principal ministre du royaume, mais désormais
Mazarin a laissé à d’autres le patronage du théâtre. Pendant ce temps, on
n’a pas cessé d’implorer Corneille de revenir au théâtre.
Corneille a fait connaissance avec Molière en 1658 à Rouen. Avant de
trouver sa véritable voix comique, le jeune Molière, comédien et directeur
de troupe, avait déjà mis les tragédies de Corneille à son répertoire; en
octobre de cette même année, Molière allait jouer Nicomède devant Louis
XIV et son frère Philippe, duc d’Orléans.
Après un hiatus de sept ans, Corneille est revenu au théâtre en 1659
monter une tragédie, Œdipe. Il a entrepris de nouveaux thèmes et s’est
essayé à des innovations, par exemple, La Toison d’or (1660), une « pièce
à machines » commandée par le Marquis de Sourdéac en célébration du
mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche, où prédominaient la
mise en scène et les « effets spéciaux », et aussi un genre musical (Agésilas en
1666 et Psyché en 1671 — ce dernier en collaboration avec Molière). En 1662,
avec sa famille et celle de son frère Thomas (dramaturge populaire connu
pour son Timocrate de 1656), Corneille avait quitté Rouen pour s’établir
définitivement à Paris, en partie pour mieux veiller à la représentation de
ses pièces.
Mais n’ayant pas pu reconstituer sa « gloire à trente ans », Corneille a
abandonné le théâtre les dix dernières années de sa vie. Sa situation était
telle que Nicolas Boileau (autrefois un critique opposant de Corneille) a
demandé pour lui une pension qu’il a obtenue de Louis XIV. Corneille
est mort le 1er octobre 1684. Sa vieillesse avait été rendue triste par ses
difficultés pécuniaires et par l’oubli de son public, charmé par son
successeur dramatique, aux thèmes dits « plus humains », Jean Racine. À
la mort de Pierre Corneille, son frère Thomas est venu occuper son siège à
l’Académie française.

  
4 Corneille: Le Cid

II. Sommaire par acte du Cid


Acte I
Scène I: Elvire, gouvernante de Chimène, la rassure sur les intentions
de son père, Don Gomès, le Comte de Gormas. Le Comte favorise le
mariage de Chimène avec le jeune chevalier Don Rodrigue (que Chimène
préfère de beaucoup à un autre prétendant, Don Sanche). Don Diègue, le
père de Don Rodrigue, doit la demander en mariage au nom de son fils à
la sortie du conseil royal où le Comte s’attend à être nommé gouverneur du
Prince (fils du Roi).
Scène II: Doña Urraque, l’Infante de Castille (fille du Roi), elle-même
secrètement amoureuse de Don Rodrigue, espère que le mariage de Don
Rodrigue avec Chimène, qu’elle a facilité, lui apportera la paix. Elle sait
que leur différence de rang rend impossible son amour, car Don Rodrigue
n’est ni roi ni prince. Doña Urraque est donc obligée de sacrifier sa passion
à son devoir.
Scène III: À la sortie du conseil, Don Diègue s’approche du Comte
pour faire la demande de mariage de son fils avec Chimène. Mais le Comte,
furieux que Don Diègue ait été choisi comme gouverneur du Prince à sa
place, insulte, frappe et enfin désarme Don Diègue, son ancien compagnon
d’armes.
Scène IV: Don Diègue, moralement écrasé par les insultes du Comte,
se plaint de son grand âge qui l’a rendu impuissant, lui qui avait mené les
armées de Castille à tant de victoires.
Scène V: Don Diègue demande à son fils, Don Rodrigue, de venger
l’honneur de leur famille en se battant en duel avec le Comte à sa place.
Scène VI: Dans un monologue — les célèbres « stances du Cid » — le
grand dilemme tragique de Don Rodrigue se révèle: lui, fils de Don Diègue,
se trouve obligé de choisir entre l’honneur de sa famille (en tuant le Comte)
et la vie du Comte, père de Chimène, sa bien-aimée. Refuser le défi serait
le déshonneur. Quoi qu’il choisisse, Rodrigue perdra sa Chimène, car le
mariage n’aura pas lieu. Il hésite à peine: l’honneur l’emporte sur l’amour.
Ce sera son premier combat.

Acte II
Scène I: Le Comte renvoie avec arrogance Don Arias, l’émissaire du
Roi de Castille (Don Fernand), venu lui demander de s’excuser devant le
Roi de son offense contre Don Diègue. Mais le rang et la valeur du Comte
ne lui permettront jamais de céder. Dans son rôle du guerrier le plus fort
de Castille, le Comte rejette l’autorité du monarque. (Est-ce parce que les
nobles ont peu de respect pour Don Fernand, qui n’est que le premier roi
de Castille?).
Introduction 5

Scène II: Don Rodrigue retrouve le Comte seul. Il lui lance le défi
au nom de l’honneur de son père et le provoque en duel. Mais le Comte
(qui, lui, est sûr de l’emporter sur Don Rodrigue) ne peut pas cacher son
admiration devant l’ardeur et le courage manifestes du jeune chevalier.
Ironiquement, le Comte sait maintenant qu’il a bien fait en le destinant à
sa fille. Le Comte tente de dissuader Rodrigue de se battre, tout en sachant
que le jeune homme n’a pas d’autre choix.
Scène III: Chimène, inconsolable, a appris la nouvelle du défi, mais ne
sait pas encore que le duel est imminent. Elle se rebelle contre les raisons
de cette conjoncture — l’ambition personnelle et l’honneur familial —
mais sait que l’affront à Don Diègue est trop grand pour mener à un autre
dénouement. L’Infante essaie d’apaiser Chimène en lui promettant de
retenir Don Rodrigue prisonnier et ainsi de l’empêcher de se battre.
Scène IV: Un page arrive pour informer l’Infante et Chimène que
Don Rodrigue et le Comte ont déjà quitté le palais, les armes à la main.
Bouleversée, Chimène part à leur poursuite.
Scène V: Chimène partie, l’Infante recommence à espérer. Son
imagination prend son vol: si Don Rodrigue prouve sa valeur en triomphant
du Comte, ne sera-t-il pas du coup digne d’une princesse? De nouveaux
exploits guerriers seront inévitables et Rodrigue pourra se créer un royaume.
Mais sa gouvernante Léonor essaie de ramener l’Infante à la sagesse.
Scène VI: Malgré une défense éloquente du Comte montée par Don
Sanche, le Roi se fâche contre l’irrationalité et la désobéissance du Comte et
se prépare à le faire arrêter. Mais on vient annoncer au Roi que les Maures,
ennemis traditionnels de la Castille, sont déjà arrivés à l’embouchure du
fleuve. Le Roi laisse tomber l’affaire du Comte et donne l’ordre de doubler
la garde.
Scène VII: Don Alonse informe le Roi de la mort du Comte. On
annonce Chimène, affolée, venue demander justice. Le Roi s’afflige de la
mort du grand homme dont la perte menace en effet la sécurité de son
royaume.
Scène VIII: Aux pieds du Roi, Chimène évoque la triste mort de son
père et demande vengeance: elle exige que Don Rodrigue soit mis à mort.
Don Diègue (le père de Rodrigue) insiste sur l’énormité de l’affront qui
lui a été fait, mais plaide en faveur de son fils. Il explique que la mort du
Comte est entièrement de sa faute, et que c’est lui, Don Diègue, qui devrait
subir seul la punition. Le Roi prend Chimène sous sa protection, ramène
Don Diègue au palais et fait rechercher Rodrigue. Il propose un délai pour
pouvoir rendre son verdict.
6 Corneille: Le Cid

Acte III
Scène I: Rodrigue arrive chez Chimène, cherchant sa propre mort
par la main de sa bien-aimée. Elvire, la gouvernante de Chimène, supplie
Rodrigue de s’enfuir: qu’il n’affronte pas la vengeance de Chimène et qu’on
ne le voie pas en compagnie de celle dont il a tué le père. À l’approche de
Chimène, Elvire se voit obligée de cacher Rodrigue.
Scène II: Chimène rentre chez elle, accompagnée de Don Sanche
(amoureux d’elle) qui s’offre en bon chevalier à la venger en provoquant
Don Rodrigue en duel (c’est-à-dire, en un duel judiciaire). L’argument de
Don Sanche: la justice royale est lente. Chimène refuse en lui expliquant
que le Roi lui a déjà promis la justice.
Scène III: Chimène avoue à Elvire sa douleur profonde. Malgré
l’honneur et l’honneur de sa famille qu’il faut qu’elle soutienne (sa « gloire »),
elle aime encore Rodrigue. Sa passion amoureuse est en lutte avec la
vengeance indispensable. Forcée d’accomplir son devoir en cherchant la
mort de Rodrigue, elle se promet de mourir après lui.
Scène IV: En pleine nuit et malgré les interdictions, Rodrigue se
présente à Chimène et lui demande de lui donner la mort. Il y insiste; ce
sera le seul moyen de rester digne d’elle, car elle ne pourra jamais épouser
un lâche. Il tend son épée à Chimène, une arme encore trempée du sang de
son père le Comte. Elle refuse catégoriquement de tuer Rodrigue, lui disant
même qu’elle ne le hait point. Le dilemme de Chimène: elle doit continuer
à poursuivre Rodrigue en justice (tout en ne voulant pas l’atteindre), et tout
cela pour pouvoir rester digne de lui. Pris dans le même engrenage fatal,
ensemble, les deux amoureux se lamentent sur leur sort.
Scène V: Don Diègue, ravi que l’honneur de la famille ait été
vengé, mais n’ayant pas vu Rodrigue depuis la mort du Comte, cherche
désespérément son fils. Il craint que Rodrigue ne soit devenu victime des
partisans du Comte.
Scène VI: Réunion joyeuse de Don Diègue avec son fils. Mais la
victoire de Rodrigue est tragique: Chimène est perdue à jamais à Rodrigue
qui ne songe qu’à mourir. Son père le persuade qu’aller combattre les Maures
mènera à une fin beaucoup plus glorieuse. Selon Don Diègue, une victoire
sur l’ennemi sera le meilleur moyen d’obtenir le pardon du Roi et même de
regagner le cœur de Chimène. Pour renforcer son armée contre les Maures,
Don Rodrigue va chercher les amis de son père, déjà réunis chez lui.

Acte IV
Scène I: Elvire annonce à Chimène que Don Rodrigue a vaincu les
Maures et a même fait prisonniers les deux rois qui les commandaient. À
l’idée que Rodrigue aurait pu être blessé, Chimène s’affaiblit. Mais elle doit
se reprendre: bien que Don Rodrigue soit devenu un héros, Chimène ne
Introduction 7

pourra jamais renoncer à son devoir de vengeance. Ses vêtements de deuil


ne cessent pas de le lui rappeler.
Scène II: L’Infante arrive chez Chimène pour lui dire qu’en triomphant
des Maures, Don Rodrigue est devenu indispensable au Roi et au royaume.
Dans un sens, Rodrigue joue maintenant le rôle du Comte. Si Chimène
réussit à le faire tuer, elle mettra l’État en danger. L’Infante l’exhorte
d’arrêter sa poursuite en justice et de punir Rodrigue en cessant de l’aimer.
Elle demande que Chimène pense à l’intérêt public avant l’honneur
familial, mais Chimène en est incapable.
Scène III: Le Roi, plein d’admiration et de reconnaissance, autorise
Don Rodrigue à porter le surnom du « Cid » (en arabe, Sidi: seigneur,
chef), que les rois maures captifs lui ont déjà accordé. À la demande du
Roi, qui en même temps absout Don Rodrigue de la mort du Comte, Don
Rodrigue fait le récit des brillantes actions menant à sa victoire contre les
Maures. Les rois maures abandonnés par leurs hommes se sont rendus à
Rodrigue seul.
Scène IV: Don Rodrigue termine le récit de sa victoire contre les
Maures quand on annonce l’arrivée de Chimène. Le Roi dit à Rodrigue de
se retirer pour éviter qu’elle le voie. Pour mettre à l’épreuve les véritables
sentiments de Chimène, le Roi demande aux autres de faire semblant de
pleurer la mort de Rodrigue.
Scène V: Après avoir amené Chimène à déclarer son amour pour
Don Rodrigue en lui faisant croire qu’il est mort de ses blessures, le Roi
lui fait comprendre que Don Rodrigue n’est pas mort. Elle s’est évanouie
à la première nouvelle (ce qui prouve son amour), mais se reprend vite
en insistant que sa faiblesse a été le résultat de la douleur d’avoir aperçu
Rodrigue, son ennemi. Chimène refuse la demande du Roi de pardonner
à Rodrigue, mais accepte un duel judiciaire. En l’acceptant, Chimène
promet d’épouser quiconque triomphera de Rodrigue. Mais Don Fernand
n’autorise ce duel que si Chimène épouse le vainqueur, quel qu’il soit. Don
Sanche, amoureux de Chimène, mais moins fort et doué en armes que Don
Rodrigue, s’offre à combattre au nom de Chimène.

Acte V
Scène I: Don Rodrigue se rend une deuxième fois chez Chimène. Il
lui annonce qu’il est prêt, par respect et par amour, à se laisser tuer par
Don Sanche. Mais Chimène l’étonne en le suppliant de revenir victorieux
pour qu’elle ne soit pas obligée d’épouser Don Sanche. Elle se soucie tout
aussi bien de l’honneur de sa famille, mais sait que si Rodrigue revient
vainqueur, elle ne pourra pas protester leur union, ordonnée par le Roi.
Don Rodrigue, ébloui, déclare qu’il fera face au monde entier pour avoir la
main de sa Chimène.
8 Corneille: Le Cid

Scène II: Dans un long monologue, l’Infante regrette le fait que,


par sa victoire contre les Maures, Don Rodrigue lui paraît enfin digne
d’épouser une princesse. Elle se plaint de la contradiction dont elle
continue à souffrir: elle est incapable d’apaiser son amour pour Rodrigue,
mais la différence de rang interdira à jamais ses espoirs. L’Infante se rend
compte enfin que l’amour de Don Rodrigue et Doña Chimène a même pu
survivre à la mort du Comte. L’Infante avoue qu’elle en est exclue et doit
mettre fin à sa passion.
Scène III: Touchée par les arguments de sa gouvernante Léonor,
l’Infante décide qu’il vaut mieux s’effacer à nouveau. Elle se fortifie
héroïquement, en se rappelant que c’était elle qui, au début, avait arrangé
le mariage de Rodrigue et de Chimène.
Scène IV: Chimène explique à sa gouvernante Elvire l’impasse qui
la tourmente: à la sortie du duel judiciaire, soit son amant sera mort, et
elle sera obligée d’épouser Don Sanche, qu’elle déteste, soit elle épousera
Don Rodrigue, qu’elle adore, mais qui est l’assassin de son père. Chimène
refuse encore de demeurer sans vengeance. Elvire l’accuse d’une fierté
insupportable. Mais les deux femmes se taisent à l’approche de Don
Sanche.
Scène V: Don Sanche apporte à Chimène son épée et celle de Don
Rodrigue; Chimène s’imagine naturellement que c’est Don Sanche le
vainqueur du duel. Mais avant qu’il puisse s’expliquer, et sans pouvoir se
retenir, Chimène déclare son amour inébranlable pour Rodrigue.
Scène VI: Chimène justifie sa conduite devant Don Fernand et sa
cour. Si Rodrigue vit, elle sera toujours obligée de poursuivre sa vengeance.
Puisqu’il est mort et l’honneur de sa famille est satisfait, elle se voit libre
de pleurer la mort de l’homme qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. Elle supplie
le Roi de lui permettre de laisser tous ses biens à Don Sanche, au lieu de
l’épouser, et de se retirer dans un couvent. Alors Don Fernand lui révèle
que Rodrigue n’est pas mort. Et Don Sanche raconte qu’au moment de
triompher, Rodrigue n’a fait que le désarmer, car il n’avait jamais voulu
tuer celui qui défendait la cause de Chimène. Il a demandé à Sanche de lui
offrir leurs deux épées en hommage. Le Roi finit par ordonner à Chimène
d’accepter le mariage avec Don Rodrigue.
Scène VII: À genoux, Don Rodrigue offre une dernière fois sa tête
à Chimène. Il ne veut pas profiter de l’ordre royal pour forcer Chimène à
l’épouser, et lui demande de décider de sa vie à lui et de son avenir à elle.
En le relevant elle l’absout, mais dit qu’elle ne pourra toujours pas accepter
ce mariage. En même temps elle avoue, devant tout le monde, qu’il lui
est impossible de haïr Rodrigue. Elle supplie le Roi de lui accorder un
délai d’un an pour prendre sa décision. Don Fernand accepte à condition
que Don Rodrigue passe cette année à combattre les Maures. Ainsi,
Chimène pourra compléter son deuil et les circonstances de la mort du
Introduction 9

Comte pourraient commencer à s’effacer. Don Rodrigue aura le temps de


se couvrir de plus de gloire militaire.

III. Les sources du Cid


En 1636 Corneille pensait déjà abandonner sa vocation de poète, mais
une rencontre à Rouen avec Rodrigue de Chalon, venu de la cour de la
Reine-mère Marie de Médicis (mère de Louis XIII), l’en aurait dissuadé.
On raconte que M. de Chalon aurait suggéré à Corneille de s’inspirer du
théâtre espagnol en donnant des versions françaises des œuvres de Guillén
de Castro (1569-1631), déjà connues en France.
Il est certain que Corneille savait lire l’espagnol. Notez qu’à l’époque
il y avait à Rouen une considérable population espagnole; la femme de
l’oncle de Corneille était d’origine espagnole. La reine Anne d’Autriche
(femme de Louis XIII et fille du roi Philippe II d’Espagne) était espagnole.
Les spectateurs français, avides de romanesque, suivaient de près la comedia
espagnole, d’un grand prestige. Dans ses éditions imprimées de 1648
et de 1660, Corneille a même laissé en version originale les romanceros
(romances) espagnols compris dans l’Avertissement au Cid.
Avec son adaptation libre de la pièce de Guillén de Castro, Las
Mocedades del Cid (La Jeunesse du Cid) de 1618, Corneille s’est tourné vers
un des héros les plus populaires d’Espagne. L’œuvre espagnole est basée
sur les aventures d’un personnage médiéval mi-historique, mi-légendaire,
Rodrigo (ou Ruy) Díaz de Bivar, surnommé el Cid (le chef). Né vers 1043
dans le village de Bivar au nord de Burgos en Vieille-Castille, Rodrigo
Díaz est très tôt rentré dans le mythe. Connu pour ses exploits guerriers,
Rodrigo a fait une carrière brillante à la cour de Don Sanche II, roi de
Castille, puis à celle du roi Alphonse VI qui l’a marié à sa parente Ximena
(Chimène), princesse de sang royal. Exilé de la Castille en 1081, Rodrigo
a mené l’armée du roi maure de Saragosse. Surnommé el Cid (en arabe,
Sidi, le seigneur, le chef) en 1082, après avoir dérouté l’armée chrétienne
du comte de Barcelone, Rodrigo Díaz a rétabli le roi musulman Alcadir sur
le trône de Valence avant de finir par régner lui-même sur le royaume de
Valence de 1094 jusqu’à sa mort en 1099.
La légende a fait des exploits du Cid d’abord une épopée, et plus
tard, des romanceros (chansons épiques). Moins de cinquante ans après sa
mort, la chanson de geste anonyme El Cantar de mio Cid chantait déjà
des épisodes de la vie du héros. Les romanceros y ont ajouté l’histoire de
son mariage avec la fille d’un comte qu’il avait tué. Enfin, sur la scène
espagnole du début du XVIIe siècle, Guillén de Castro a fait de Rodrigo et
Ximena des amoureux.
On sait que le public de Corneille a beaucoup apprécié dans Le Cid
l’écho des préoccupations contemporaines. Parmi les constantes allusions à
10 Corneille: Le Cid

l’actualité de l’époque, signalons le climat militaire. Depuis 1635, lorsqu’elle


entrait dans la Guerre de trente ans, la France était en lutte contre l’Espagne
et le Saint-Empire (l’Empire romain chrétien) des Habsbourg. L’Espagne,
qui régnait aussi sur les Pays-Bas, avait attaqué la France au sud ainsi qu’au
nord. En août 1636 les Français craignaient même que l’armée espagnole
ne marche sur Paris. Mais au mois de novembre, une contre-offensive
française a repris le terrain. Plusieurs mois après, les spectateurs du Cid
de Corneille ont pu revivre leurs inquiétudes récentes et leur soulagement
joyeux devant la déroute des « Maures » par le jeune Don Rodrigue.
Chose intéressante: Le Cid, situé dans l’Espagne du Moyen Âge, reflète
la lutte entre la monarchie française et les nobles au XVIIe siècle. L’Espagne
n’était plus le pays de l’honneur par excellence qu’il avait été autrefois.
Mais sous Louis XIII (qui a régné en France de 1610 à 1643), les nobles
français tenaient encore à suivre le vieux code d’honneur « espagnol »: ils
réglaient leurs différends par le duel (comme celui entre Rodrigue et le
Comte), sans contrôle ni cérémonial. Les efforts pour interdire la pratique
du duel font partie de la centralisation de l’État initiée sous Louis XIII, ce
qui pourrait expliquer la position du Roi Fernand dans Le Cid. Le thème
provoquait d’autant plus d’intérêt lorsque le public le retrouvait dans la
pièce de Corneille.
La pratique du duel posait de grands problèmes pour les autorités
politiques et religieuses françaises. Les conséquences étaient désastreuses
pour la population: l’armée du roi perdait ses meilleurs officiers et, opérant
hors la loi, le duel revenait à une sorte de vigilantisme ou auto-justice
qui affaiblissait la nouvelle autorité royale. Des édits du roi — rarement
appliqués — prévoyaient des peines sévères (y compris la peine de mort
pour le vainqueur) contre les duellistes et contre ceux qui les aidaient.
En février 1626 et en mai 1634, le cardinal Richelieu a promulgué deux
édits, aux punitions plus légères, mais qu’il a enfin réussi à faire respecter.
Donc, dans Le Cid, nous pourrions dire que le Comte et Don Diègue,
par leur adhésion aux vieilles mœurs, travaillent à affaiblir le pouvoir du
Roi, tandis que Rodrigue — et Chimène — qui commencent par suivre et
défendre leurs pères (leur lignée), en se soumettant aux ordres du Roi à la
fin, symbolisent le service et la fidélité à l’État de la nouvelle génération.
En France, le règne de Louis XIII est vu comme une période de
transition: le système féodal du moyen âge est en train de se transformer
en un État moderne par la consolidation de l’autorité royale. Les nobles
indépendants et dispersés devront désormais céder leur autonomie au
roi — et ainsi à l’État. Rodrigue et Chimène font partie de la nouvelle
aristocratie, servant le Roi à vie, se rendant à l’autorité royale, pour avoir
en retour la protection de la Cour et leur place assurée dans la hiérarchie
sociale.
Introduction 11

  
IV. Qu’est-ce que « La Querelle du Cid »?
Je satisfais ensemble et peuple et courtisans,
Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans;
Par leur seule beauté ma plume est estimée:
Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée.
Corneille, Excuse à Ariste, février 1637
Suite au succès énorme du Cid, Corneille a dû supporter l’hostilité de
plusieurs camps de rivaux jaloux. La « Querelle du Cid » a duré des mois.
Les rivaux de Corneille, auxquels s’est associé le cardinal Richelieu, à côté
de certains dramaturges amis de Corneille, tels Charles Scudéry et Jean
Mairet, ont déclaré que le sujet du Cid n’avait aucune valeur et que la pièce
était pleine de « méchants vers ». En outre, elle n’adhérait pas bien aux règles
néo-classiques, adaptées d’Aristote et d’Horace, qui commençaient depuis
peu à gouverner la scène française officielle. Vue comme un tournant dans
l’histoire des lettres françaises, la Querelle du Cid continue jusqu’à nos
jours à faire le sujet de commentaires et d’analyses.
Les défenseurs de Corneille ont répondu qu’il valait mieux plaire
au public que suivre les règles. Richelieu a fait appel à l’arbitrage de son
Académie française, nouvellement créée pour s’occuper des questions
de langue. Se basant sur certains écarts perçus par rapport aux règles,
l’Académie a émis un verdict assez négatif, auquel Corneille était interdit
de répondre. Les conclusions de l’Académie ont redéclenché la controverse,
car si la pièce ne valait rien, pourquoi y prêter tant d’attention? Corneille,
fier et indépendant, a mis sa réponse sous d’autres formes, telle son Excuse à
Ariste de février 1637 (voir ci-dessus). Par ailleurs, l’auteur disait: « De tant
d’ouvrages qui ont paru jusqu’à présent, Le Cid a été le seul dont l’éclat ait
obligé l’envie à prendre la plume. » (Berg 255)
Pourquoi la Querelle du Cid (et pas d’une autre œuvre)? Elle est née
d’une part des difficultés de l’auteur avec ses comédiens, et d’autre part de
la rivalité avec d’autres auteurs dramatiques. Vu le succès du Cid, Corneille
aurait demandé, et l’impresario et acteur principal Mondory lui aurait
refusé, un supplément de rétribution. Corneille a contre-attaqué en faisant
immédiatement imprimer le texte du Cid. Une fois imprimée, n’importe
quelle troupe avait le droit de mettre l’œuvre à son répertoire. Dès ce
moment, Mondory ne disposait plus de la pièce en exclusivité.
En même temps la jalousie prenait forme chez les confrères de
Corneille. Les unités néo-classiques établies à ce moment-là ont en effet
prévalu en France jusqu’au XIXe siècle, lorsque le théâtre romantique
12 Corneille: Le Cid

de Victor Hugo a commencé à y faire concurrence. Les unités théâtrales


consistent en l’unité d’action, l’unité de lieu et l’unité de temps. L’unité
d’action exige que l’œuvre possède une intrigue centrale claire et simple,
sans complications inutiles (telles des sous-intrigues). Selon les unités de
lieu et de temps, l’action doit se dérouler en un même lieu et en un espace
de temps fixé à vingt-quatre heures.
Si nous mettons Le Cid à côté de sa source, Las Mocedades del Cid
de Guillén de Castro, nous verrons que l’action du Cid est simple. Il n’y
a qu’une seule intrigue: le conflit entre deux grandes familles castillanes
du XIe siècle et ses conséquences personnelles et politiques. Il est vrai que
Corneille fait tenir toute l’action en vingt-quatre heures: le conseil du Roi,
le soufflet du Comte et ses suites, les deux duels, les rencontres clandestines
de Rodrigue et de Chimène, les supplications de Chimène, la bataille
contre les Maures et le dénouement quasi-heureux. Mais même à nos yeux,
comme à ceux des détracteurs contemporains, placer tous ces incidents,
ainsi que toutes les rencontres et les délibérations des personnages, en
une seule journée met à rude épreuve l’unité de temps et la vraisemblance
(la probabilité du vrai). En plus, la bataille contre les Maures a attiré la
critique particulière de Scudéry et de l’Académie comme une irruption
dans l’action principale.
Mais le premier Cid de Corneille n’a pas voulu être une tragédie néo-
classique. C’est une pièce audacieuse qui relève plutôt de la tragi-comédie
dite « baroque », le genre le plus populaire du début du siècle. Bien qu’on
l’appelle le père de la tragédie classique française, Corneille n’a jamais
délaissé les éléments du théâtre baroque et de la comedia espagnole, genres
qui ont beaucoup contribué à son talent.
Le contexte (l’Espagne médiévale), l’intrigue et les incidents
mouvementés, l’émotivité des personnages, même les figures de style ou de
rhétorique, telles l’hyperbole, les antithèses, les anaphores, les interrogations
oratoires et les stances, sont typiques de la tragi-comédie, ce qu’Alain
Couprie nomme la « rhétorique de la passion et de l’amplification » (Couprie
7). La tragi-comédie (citons des œuvres de Robert Garnier et de Jean de
Rotrou) se caractérise ainsi: « ... une action souvent complexe, volontiers
spectaculaire [...] où des personnages de rang princier ou nobiliaire voient
leur amour ou leur raison de vivre mis en péril par des obstacles qui
disparaîtront heureusement au dénouement » (Guichemerre 15).
La tragédie redevenue à la mode, dès 1648 Corneille a rebaptisé Le Cid
de 1637 une « tragédie », mais sans changer ses éléments tragi-comiques de
base. Dans des versions ultérieures du Cid, surtout celle de 1660, Corneille,
devenu le dramaturge patronné de la Cour, a mis de légères modifications
en vue de répondre à Richelieu et aux savants de l’Académie. Chimène, par
exemple, dans la dernière scène paraît moins encline à consentir au mariage;
donc, le dénouement est moins « heureux ». Dans son Examen du Cid
Introduction 13

de 1660 (voir page 129 de la présente édition), Corneille, toujours hyper-


sensible aux critiques ainsi qu’à son public, fait l’analyse et l’explication du
Cid à la lumière des reproches qu’on continuait à lui faire.
Dans la version de 1637, par exemple, c’était déjà pour rendre les
vingt-quatre heures plus vraisemblables que Corneille avait fait transférer la
Cour du Roi Fernand historique de Burgos à Séville, plus à proximité (mais
encore à une distance de soixante kilomètres!) du fleuve Guadalquivir, où se
passe la bataille contre les Maures. Mais même avec les accommodements
faits en 1648 et encore en 1660, Corneille n’a jamais eu l’intention de
remanier à fond la pièce qui avait connu un si grand succès. Notez que les
« grandes tragédies » de Corneille, à commencer par Horace et Cinna de
1640, montreront une adhésion plus stricte, mais aussi plus nuancée, aux
règles du classicisme français.
Les règles théâtrales prescrivent une conformité aux bienséances (c’est-
à-dire, la décence conforme aux usages de la bonne société). Celles-ci
renferment, d’une part, la décence de langage: les expressions considérées
indécentes étant interdites, le théâtre néo-classique a créé un vocabulaire
spécial — « sa flamme », « les feux », « les traits dont son âme est blessée »
— pour faire allusion à certaines choses sans les nommer. Dans Le Cid, la
poésie de Corneille paraît en effet s’efforcer d’approcher de cet idéal.
Les bienséances comportaient aussi des prohibitions scéniques. Il y avait
la décence visuelle: étaient prohibés les actes de violence ou d’indécence.
Combats, attaques, tentatives de viol, morts ensanglantés ne se montraient
jamais. (Il faut rappeler qu’à l’époque de Corneille ces actions se voyaient
ordinairement sur la scène préclassique et non classique.) En effet, les
incidents violents du Cid (la mort du Comte, le combat avec les Maures)
ne sont pas joués sur scène et demeurent le sujet de récits narrés par les
personnages qui y ont pris part. Dans le théâtre baroque et dans Las
Mocedades, le spectateur aurait été témoin de telles scènes. Pourtant, on
continuait à reprocher à Corneille la scène du soufflet — c’est un duel à
peine masqué — ainsi que les rencontres en cachette de Rodrigue et de
Chimène — dans la première, Rodrigue tient à la main l’épée qui vient de
tuer le Comte. Dans son Examen, c’est Corneille qui nous rappelle qu’au
moment de la rencontre des deux amants, le corps du Comte est encore
dans sa maison.
Sur le plan des émotions, Chimène, aujourd’hui pour nous un
personnage héroïque, a subi des critiques féroces. Estimée peu respectable,
Chimène faisait scandale, surtout vers la fin de la pièce, par sa poursuite en
justice de Rodrigue, aussi bien que par son acquiescence (ou presque) au
mariage. Rodrigue devenu invulnérable, ayant remplacé le Comte comme
protecteur de l’État, le désir inlassable de vengeance de Chimène semblait
ruineux. En même temps, admettre son amour et acquiescer au mariage
signalaient un reniement de l’honneur familial. Aux yeux de ses critiques,
14 Corneille: Le Cid

Chimène déviait tellement des bienséances qu’il lui était impossible de se


racheter.
Dans sa dédicace à La Suivante, parue la même année que Le Cid,
Corneille déclare:
... notre premier but doit être de plaire à la cour et au
peuple et d’attirer un grand monde à leurs représentations
[...] notre pièce aura beau être régulière, si elle est sifflée
au théâtre, les savants n’oseront se déclarer en notre faveur
et aimeront mieux dire que nous aurons mal entendu les
règles... (Couton 1993, 403)
Corneille reste tout à fait au courant des règles, mais s’est toujours tenu
quelque peu à part. Aujourd’hui, ce sont sa créativité, sa versatilité et sa
hardiesse face aux demandes officielles qui nous intéressent. Appartenant
à une tradition théâtrale qui lui était contemporaine — celle de la tragi-
comédie et du baroque — Corneille restera toujours flexible par rapport
aux unités du théâtre classique qui commençaient à peine à s’établir au
moment du Cid. À l’opposé des tragédies personnelles de Racine, les
pièces de Corneille, où font toujours irruption des questions politiques et
historiques, comportent inévitablement une problématique qui dépasse ce
qu’on voit sur la scène.

  
V. Le héros et l’héroïne cornéliens et la morale
du XVIIe siècle
L’héroïsme et l’honneur ne sont pas une invention de l’auteur. Les
protagonistes de Corneille ne sont jamais isolés, mais toujours observés
par ceux qui les entourent, de leur rang et de rang supérieur, et qui les
jugent. Dans ce milieu, il faut à tout prix créer l’estime de soi et gagner
celle d’autrui. Donc, le héros cornélien se doit de représenter les idéaux de
la société aristocratique: une éthique fondée sur le « devoir », la « gloire », la
« vertu », la « générosité », qualités se réduisant à la maîtrise et le dépassement
de soi, vues comme inhérentes à sa classe. De plus, le rang noble prédispose
à la vaillance, une énergie physique et un stoïcisme « généreux » (du latin
genus: la race) transmis de génération en génération.
Néanmoins Corneille a innové en s’attaquant à la rigidité héroïque. Il
a transformé le théâtre français en ajoutant un drame intérieur au drame
d’intrigue. Le théâtre baroque précédent n’était composé que d’intrigues:
aventures, malentendus, péripéties, combats et poursuites. Le héros
cornélien va plus loin: vaillant et attiré par les sentiments les plus élevés, il
Introduction 15

est profondément humain, ce qui le mène à triompher des obstacles que les
circonstances et le destin lui imposent.
Tout au long du Cid, Chimène est prise par la même tension qui déchire
Rodrigue: dans l’obligation de défendre l’honneur de sa famille, le jeune
guerrier perdra sa bien-aimée. En poursuivant Rodrigue en justice, Chimène
défend sa lignée comme il lui est nécessaire, mais en l’accomplissant, elle
perdra Rodrigue. Rodrigue, lui, se soumet sans question à la poursuite,
à la fois pour se rendre digne de Chimène et par admiration pour elle.
Dans l’impasse où se trouvent les deux amants, chacun se veut digne de
l’autre et ne veut d’aucune façon se détourner de cet impératif. Ni l’un ni
l’autre ne pourra aimer, si l’objet de son amour manque d’honneur. Chose
ironique: c’est pour cette raison qu’ils s’admirent; le sacrifice voulu établit
leur courage. Des reflets de ce dilemme se retrouvent dans les écrits du
père Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites, chez qui Corneille a été
éduqué.
Plus tard, les « grandes tragédies » de Corneille tourneront
inexorablement sur « …deux valeurs antagonistes, deux sentiments
passionnés et inconciliables s’affrontant dans le cœur et l’esprit des
protagonistes instaurent une division intérieure pathétique qui s’exprime
dans le dilemme. » (Bertrand 145) Même sous les ordres du roi, Rodrigue
ne s’attend pas à gagner la main de Chimène; il comprend qu’elle ne pourra
pas oublier son devoir sans détruire sa gloire. Pourtant, à la fois aux prises
de sa soif de vengeance et de son amour, Chimène fléchit. Elle a honte de sa
faiblesse, mais a besoin que Rodrigue triomphe dans le duel judiciaire pour
qu’elle puisse éviter un mariage avec Don Sanche. Elle ne donnera libre
cours à ses sentiments que lorsqu’elle croira Rodrigue mort. Le dénouement
du Cid trouve une solution quasi-heureuse au « dilemme cornélien » avec
la rédemption de Rodrigue dans la bataille contre les Maures et dans la
personne du Roi Fernand, qui ordonne l’union éventuelle des deux jeunes
gens.
Certains critiques mettent en relief chez Corneille l’héroïsme des
protagonistes avant tout (Doubrovsky), d’autres trouvent que l’idéalisme
héroïque déguise un profond intérêt personnel à la base de chaque décision
humaine (Margitic). Le dilemme persiste: choisir le bien public ou l’intérêt
personnel? Lequel des deux doit être sacrifié?
Le père de Rodrigue reproche à son fils de valoriser l’amour d’une
femme aux dépens de l’honneur et la gloire. « En triomphant, le noble
sauve évidemment son honneur; en mourant, il montre que l’honneur lui
était plus cher que tout; dans les deux cas, sa réputation redevient intacte. »
(Couprie 35) Mais puisque nous les voyons mettre instinctivement l’amour
sur le même plan que l’honneur, nous sommes amenés à identifier Rodrigue
et Chimène avec une nouvelle génération. Il est à noter que l’action du Cid
se situe vers 1064, aux débuts de l’ère de l’« amour courtois ». Loin d’être
16 Corneille: Le Cid

un simple guerrier, Rodrigue sert sa dame en chevalier fidèle. Et lorsque


nous replaçons l’action à l’époque de Corneille, nous voyons Rodrigue
et Chimène se détourner du système de valeurs (plutôt désordonné) de
leurs ancêtres pour se joindre à l’État (c’est-à-dire, au Roi et aux lois de la
communauté).
Les héros cornéliens les plus admirables manifestent une force morale
et physique qui les aide à dépasser des circonstances difficiles pour affirmer
une liberté individuelle, dans un nouveau contexte social et politique. Cet
héroïsme nous fascine car il résulte de l’expérience vécue. C’est une quête
de soi avec toutes les hésitations, les faiblesses et les ambiguïtés que cela
implique.

  
Notes stylistiques
Le Cid est une pièce française classique en vers et en cinq actes.
Représentée pour la première fois au début de 1637, Corneille l’a plusieurs
fois remaniée pour essayer de la faire adhérer aux règles de la tragédie
promulguées par les autorités de l’époque. Mais, pour nous, une grande
partie de son intérêt réside dans le fait que la version finale (de 1660)*
comporte toujours des aspects dits « romanesques » et un dénouement quasi-
heureux. Par son mélange de tragique et d’éléments tirés de la comédie, on
a souvent nommé Le Cid une tragi-comédie. Chaque acte est divisé en
plusieurs scènes, dont la longueur varie considérablement. L’arrivée ou la
sortie d’un ou de plusieurs personnages signale une nouvelle scène.

I. Le vers alexandrin
Corneille utilise le vers rimé alexandrin. Dans la prosodie française,
c’est un vers de douze syllabes (dodécasyllabe ou tétramètre). Il s’emploie
dès les premières chansons de geste françaises (au XIIe siècle); en effet ce
type de vers tire son nom du Roman d’Alexandre (c. 1170). Au XVIe siècle,
lorsque les poètes français Ronsard et du Bellay s’en servent, ainsi que les
autres membres du mouvement de la Pléiade, l’alexandrin devient le mètre
usuel des genres « sérieux », comme l’épopée et la tragédie — la tragédie
étant considérée une forme poétique. Au XVIIe siècle, Corneille et Molière
l’utiliseront aussi pour la comédie.
Pour compter les douze syllabes d’un vers alexandrin, commencez
chaque syllabe par une consonne. Deux consonnes successives sont divisées
(parle = par-le). Notez que pour compléter les douze syllabes du vers, deux
voyelles peuvent être séparées en deux syllabes (lion = li-on).

* Le texte de la présente édition est celui établi par Corneille en 1660. Nous
nous sommes servis, comme édition de référence, du Théâtre complet de
Corneille, édité par Georges Couton et Liliane Picciola, Tome I (Paris: Bordas/
Classiques Garnier/Dunod, 1993-1996). L’édition de la Pléiade (Corneille:
Œuvres complètes. Paris: Gallimard, 1980-1987. T. I), également éditée par G.
Couton, nous a aussi été inestimable, mais son texte du Cid est celui de 1637,
moins souvent choisi par les cours de littérature.

17
18 Corneille: Le Cid

Chaque vers alexandrin comporte une division interne (une césure)


après la sixième syllabe. Elle force une légère pause dans 1a récitation du
vers, après le premier hémistiche (portion de six syllabes). Prononcez les vers
suivants en comptant les syllabes:
LE COMTE
1 2 3 4 5 6
Jeu/ne / pré/somp/tu/eux! //

RODRIGUE
7 8 9 10 11 12
Par/le / sans / t’é/mou/voir.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Je / suis / jeune, / il est vrai; // mais / aux / â/mes / bien / nées
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
La / va/leur / n’at/tend / point // le / nom/bre / des / an/nées.
(Le Cid, v. 404-406)
Pour compléter le vers, le e final (ou e muet) peut se prononcer. Avec
la consonne qui le précède, le e final compte comme une syllabe. Le e final
n’est pas compté s’il précède une voyelle (voir ci-dessus, v. 405: « jeune ») ni
à la fin d’un vers (v. 405-406: « nées », « années »).
Les contraintes du vers alexandrin et la nécessité de fournir des rimes
exigent parfois de légers changements de syntaxe (l’ordre des mots dans
une phrase). Notez les éléments en italique du passage suivant tiré du Cid:
Juste ciel, d’où j’attends mon remède, 141
Mets enfin quelque borne au mal qui me possède:
Assure mon repos, assure mon honneur.
Dans le bonheur d’autrui je cherche mon bonheur:
Cet hyménée à trois également importe; 145
Rends son effet plus prompt, ou mon âme plus forte.
D’un lien conjugal joindre ces deux amants,
C’est briser tous mes fers, et finir mes tourments. 148

Pour mieux comprendre la « prière » de l’Infante (Acte I, Sc. II, v. 141-148),


ci-dessus,
au vers 144, vous pouvez lire: Je cherche mon bonheur dans le bonheur
d’autrui
au vers 145, lisez: Cet hyménée importe également à (tous les) trois
au vers 147, lisez: Joindre ces deux amants d’un lien conjugal
Notes stylistiques 19

Voici les dernières paroles lancées par le Comte à Don Diègue (Acte I, Sc.
III):
Adieu: fais lire au Prince, en dépit de l’envie, 233
Pour son instruction, l’ histoire de ta vie:
D’un insolent discours ce juste châtiment
Ne lui servira pas d’un petit ornement. 236
Aux vers 233-234 vous pouvez choisir de lire:
Fais lire au Prince l’ histoire de ta vie pour son instruction, en dépit de
l’envie.
et aux vers 234-236:
Ce juste châtiment ne lui servira pas d’un petit ornement d’un insolent
discours.
Quand vous lisez ces passages à haute voix, il est bien sûr indispensable de
respecter la versification originale.
Dans les éditions modernes des pièces de Corneille, l’orthographe du
XVIIe siècle a généralement été modernisée. Notez que, pour maintenir le
débit oral de la versification, le poète a parfois insisté sur certaines syllabes
et en a fait disparaître d’autres. L’orthographe raccourcie de certains mots
a été retenue dans la présente édition. Par exemple:
Et pour t’en dire encor quelque chose de plus, (Le Cid, v. 280)
Avec tous vos lauriers, craignez encor le foudre. (Le Cid, v. 390)
Dans les vers ci-dessus (280 et 390), compter les trois syllabes du mot «
encore » aurait ajouté une treizième syllabe.
Notez aussi le variant « voi » (= vois), admis dans la poésie du XVIIe
siècle, et qui rime avec « toi » dans les vers qui suivent:
Elle va revenir; elle vient, je la voi:
Du moins, pour son honneur, Rodrigue, cache-toi. (Le Cid, v. 771-
772)

II. Quelques usages du XVIIe siècle


Le vocabulaire classique
Pour des raisons esthétiques et de bienséance, le vocabulaire français
théâtral du XVIIe siècle est assez limité. Ainsi, chaque mot d’une pièce
classique doit comporter des significations multiples. Le verbe « prétendre »,
par exemple, pourrait signifier:
revendiquer (= demander, réclamer)
vouloir
se flatter (= être fier de)
20 Corneille: Le Cid

rechercher (= désirer, convoiter)


courtiser (= en vue du mariage)
se proposer de, compter (= avoir l’intention de)
admettre que
affirmer que
Quelles significations de « prétendre » trouvez-vous dans ces extraits tirés
du Cid?
DON DIÈGUE
Faites-nous cette grâce, et l’acceptez pour gendre.
LE COMTE
À des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre;
(Le Cid, v. 169-170)
DON SANCHE
C’est l’unique bonheur où mon âme prétend;
Et pouvant l’espérer, je m’en vais trop content.
(Le Cid, v. 791-792)
L’INFANTE
Ah! qu’il s’en faut encor!
LÉONOR
Que pouvez-vous prétendre?
L’INFANTE
Mais plutôt quel espoir me pourrais-tu défendre?
(Le Cid, v. 1605-1606)
ELVIRE
Que prétend ce devoir, et qu’est-ce qu’il espère?
La mort de votre amant vous rendra-t-elle un père?
(Le Cid, v. 1689-1690)

Le vouvoiement et le tutoiement
En général, les personnages d’une tragédie classique s’adressent à la
forme polie (vous). Selon les règles soutenues par la nouvelle Académie
française, utiliser le tu sur scène était jugé vulgaire ou péjoratif, même en
famille ou avec les proches.
Pourtant dans Le Cid, le jeu du tutoiement et du vouvoiement est assez
compliqué et ajoute à la complexité des relations entre les personnages.
Il signale des différences de classe et de hiérarchie. Parfois, il indique
de brusques changements de rapport entre deux personnages, des
transformations qui aident à faire avancer l’action. Par exemple:
Notes stylistiques 21

t Les dames de haut rang (l’Infante, Chimène) tutoient leurs


gouvernantes; les gouvernantes (Léonor, Elvire) vouvoient leurs
maîtresses. L’Infante tutoie Chimène; mais Chimène vouvoie
l’Infante, fille du roi. Le Roi tutoie Rodrigue et Chimène;
Rodrigue et Chimène vouvoient le Roi.
t Don Diègue tutoie son fils, Rodrigue, mais Rodrigue vouvoie
son père.
t Rodrigue utilise tu en s’adressant à son épée; Chimène aussi
s’adresse à des idées abstraites (l’ambition, par exemple) avec tu.
t Le Comte et Don Diègue se vouvoient, jusqu’au moment du
soufflet, qui transforme tout d’un coup leur relation. Regardez
les éléments en italique ci-dessous:

LE COMTE
Ne le méritait pas! moi?
DON DIÈGUE
Vous.
LE COMTE
Ton impudence,
Téméraire vieillard, aura sa récompense.
(Il lui donne un soufflet.)
DON DIÈGUE, mettant l’ épée à la main.
Achève, et prends ma vie après un tel affront,
Le premier dont ma race ait vu rougir son front.
(Le Cid, v. 225-228)
t Rodrigue et le Comte se tutoient dès leur première rencontre:
c’est que Rodrigue parle au nom de son père Don Diègue; les
deux adversaires sont voués au combat. Plus tard (Acte V, Scène
VI), pendant leur duel tel qu’il est raconté par Don Sanche,
Rodrigue et Don Sanche se tutoient.
t Rodrigue et Chimène se tutoient (Va, je ne te hais pas. — Tu
le dois. v. 963). Rodrigue et Elvire se tutoient (quand Elvire
l’exhorte à s’enfuir). Chimène et Don Sanche se vouvoient
(mais Chimène tutoie Don Sanche à son retour du duel avec
Rodrigue; ici, c’est un manque de respect).
t Au moment de partir au combat avec Don Sanche, Rodrigue
commence à vouvoyer Chimène (car il est devenu son chevalier),
mais elle continue à le tutoyer, en signe d’amitié, sinon d’amour.
22 Corneille: Le Cid

La place des pronoms compléments d’objet


Aujourd’hui, les pronoms objets (compléments d’objet et réfléchis)
français précèdent l’infinitif auquel ils se rattachent par le sens.
Voulez-vous me parler?
Il ne voulait pas lui en donner.
Nous aimerions nous amuser ce soir.
À l’époque de Corneille, cette règle n’était pas encore fixe. Les pronoms
pouvaient précéder d’autres éléments de la construction verbale. Notez la
place des pronoms dans les vers suivants:
Apprends-moi de nouveau quel espoir j’en dois prendre
Un si charmant discours ne se peut trop entendre
(Le Cid, v. 9-10)
Meurs ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter:
(Le Cid, v. 275-276)

La négation
Notez dans la langue de Corneille l’emploi fréquent de la construction
ne... point à la place de ne…pas.
D’ailleurs, à la différence de la langue d’aujourd’hui, et aux fins de
la versification, dans la langue du XVIIe siècle, les deux éléments de la
négation peuvent entourer l’infinitif:
Il verra ce que c’est que de n’obéir pas. (Le Cid, v. 568)
En outre, le deuxième élément de la négation est parfois absent:
Si je n’eusse produit un fils digne de moi,
Digne de son pays et digne de son roi. (Le Cid, v. 715-716)

III. Qu’est-ce qu’une figure de style?


Les figures de style sont des « tours de mots ou de pensée qui animent ou
ornent le discours » (Du Marsais, 1769). Une figure de style (ou de rhétorique)
est la représentation d’une image, d’une émotion, etc., par le langage. C’est
une modification du langage ordinaire pour le rendre plus expressif.
Le système de description et d’analyse des textes littéraires selon
les figures de style a été développé par des rhétoriciens et grammairiens,
spécialistes en analyse linguistique. En français, il dérive de l’analyse de
la rhétorique des textes latins. Aujourd’hui, il peut encore nous aider à
comprendre un texte littéraire en examinant ce qui le rend intéressant, ce
qui le distingue d’autres textes (journalistiques, pratiques, académiques), et
même ce qui distingue un écrivain d’un autre ou une époque d’une autre.

You might also like