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Université de Strasbourg

Faculté de Droit, Sciences Politiques et de Gestion

COURS des 26/27/28 janvier 2016

Finance éthique

Master Finance Islamique et eMBA

Michel Roux
Doyen honoraire Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité

1
Objectifs des cours :

Ce cours propose une réflexion sur les attitudes susceptibles de nourrir et de favoriser
de nouveaux comportements dans le monde des affaires. Il tente de définir des principes
d’action et non des valeurs incantatoires définies en hâte et non sans cynisme par des
chercheurs avides d’occuper un créneau juteux. Il ne s’agit pas de s’ériger en censeur, ni
tenter de reconstruire la « terre entière ». Il part du principe que chacun à la capacité de faire
évoluer ses comportements et ses pratiques. Entre sanction et morale, comment se situer face
aux défis que soulèvent actuellement les grandes problématiques financières dans une
profonde réorganisation des mécanismes de gouvernance au plan international. Le cours a
pour objectif de faire réfléchir d’une façon nouvelle et pluriculturelle à la réorganisation du
système de gouvernance des entreprises marquée par la mondialisation, mais, néanmoins,
traversée par des aspirations à plus de responsabilité. Ce lent processus, mue par les acteurs
sociaux et les nouveaux paradigmes sociétaux multiples et divergents, bouscule l’orthodoxie
financière et les institutions établies.

De nouvelles questions émergent : aux Etats-Unis comme en Europe. La


déréglementation des télécommunications, des transports, de l’énergie impose une réflexion
sur les marchés contestables face à la domination des marchés financiers et aux scandales.
L’étude du gouvernement d’entreprise se renouvelle avec la révolution technologique. Bref, il
convient de mieux décrypter notre actualité déferlante. Dans ce contexte d’accélération du
temps et des innovations financières, peut-on parler de responsabilité sociale ? Poudre aux
yeux ou révolution managériale ! L’entreprise réhabilitée est un acteur majeur de la société et
son management dépend des valeurs acceptables par son environnement sociétal. Dans ce
monde en continuelle évolution, les entreprises pérennes de demain seront celles qui auront
développé un « mangement responsable » prenant en compte, en plus des aspects
économiques et environnementaux, les dimensions sociales et d’insertion territoriale, « la
proximité », de leurs activités. Liant opérationnel et théorie, ce cours offre une brève initiation
à tous ceux qui souhaitent se doter d’outils de management visant à développer la
performance globale de leur organisation confrontée, d’une part à des projets de plus en plus
complexes et transversaux et d’autre part d’anticiper et maîtriser les risques liés aux actions et
décisions stratégiques. Cette responsabilité s’exerce principalement dans les trois directions
de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) : les performances environnementales,
économiques et sociales tout en intégrant les attentes des parties prenantes.

Les pressions exercées par les parties prenantes et l’environnement institutionnel influencent
de plus en plus les financeurs. Entre réelles avancées, les stratégies de conformité apparente et
l’attentisme, les enjeux se formulent en termes de transparence, de nouveaux risques et
d’image de marque. Comment faire la part des choses ? En intégrant des objectifs de
responsabilité sociétale, le management et la gouvernance deviennent beaucoup plus
complexe, de nouveaux modes de pilotage et d’évaluation des risques apparaissent (normes,
indices, labellisations, notations, rapports de gestion…..) introduisant contraintes, atouts et
dilemmes. Entre enjeux, discours incantatoires et mise en œuvre, la responsabilité de la firme
ne s’apparente-t-elle pas à une démarche plus stratégique qu’économique ? Peut-on et doit-on
succomber à la mode ? Voilà quelques défis que ce cours se propose de soumettre à l’analyse
et à la réflexion des étudiants. Le cours s’appuiera sur l’ouvrage de Michel Roux
intitulé : « Finance éthique », paru en novembre 2005, Revue Banque Éditeur et sur deux de
ses textes publiés, l’un dans le rapport moral 2006 sur l’argent dans le monde (Revue
d’économie financière) et l’autre dans la Revue des Sciences de Gestion n) 255, enfin sur un
Power Point, trame de la présentation. Nous utiliserons, ce dernier document en qualité de
2
plan de ce cours afin d’examiner, successivement, en trois parties : les structures de la finance
éthique (Partie I), les acteurs de la finance éthique (Partie II), les perspectives de la finance
éthique (Partie III). Vous disposez ci-dessous des reproductions partielles de l’ouvrage (des
pages 4 à 36), de 2 articles (pages 25à 35 pour: « Entre perte de confiance et prise de
conscience : quel rôle pour la finance éthique dans l’entreprise ? » et pages 36 à 48 pour ;
Finance éthique, finance islamique : quelles convergences et potentialités de développement
dans la banque de détail française ? ») et du Power Point (pages 49 et suivantes). En annexe,
page 62 : Quelques exemples de critères d’analyse ISR et RSE de différents organismes de
recherche et de promotion de l’ISR

Problématiques générales : Pourquoi parle-t-on de finance éthique, c’est quoi, quelle


pourrait être sa durabilité, quelles sont ses performances, finance et éthique n’est-ce pas
un oxymore ?

FINANCE ETHIQUE
PREFACE de L’OUVRAGE
« Quand on me parle de finance éthique, je sors mon ROE (Return On Equity)… ». La
finance éthique n’est, aujourd’hui, pas (encore) à la mode. Ou plutôt, elle est à la mode au
sens fugace et volatil que ce mot peut avoir. Certains se gargarisent de ce vocable en toute
bonne foi et en toute solitude, alors même que l’immense majorité de ceux qui ont le pouvoir
d’investir considère que ce type d’investissement relève, au mieux, de l’aumône…

Il faut donc ouvrir, clarifier et enrichir le débat. C’est le mérite de ce livre que
d’essayer de relever un tel défi. La finance éthique, on ne sait pas très bien ce que c’est et l’on
sait encore moins, a priori, à quoi cela peut servir. Investissement Socialement Responsable,
Épargne Solidaire, Micro crédit : tous ces concepts, récents pour la plupart, relèvent, à un titre
ou un autre, de la finance éthique. Le premier impératif est donc celui de la clarification. Dans
un univers où l’innovation financière s’entête à susciter de la différenciation (pour mieux
créer de la marge), il était plus que temps d’établir une cartographie de la finance éthique.
Mais pour établir une telle cartographie, encore faut-il arrêter des normes de longitude et de
latitude. Et, pour ce faire, il faut commencer par définir ce qu’est la finance éthique.
Un des mérites de ce livre est de montrer qu’il n’existe, pas une, mais des définitions
de la finance éthique, qui ont évolué au cours du temps et qui continuent d’évoluer de
continent à continent, voire de pays à pays. Cette relativité, consubstantielle à la finance
éthique, oblige à la modestie, qui n’est pas la moindre des qualités de Michel Roux. On peut
parfaitement sérier un certain nombre de critères objectifs qui permettent de définir un
« tronc commun » des différents produits ou processus financiers qui se réclament de la
finance éthique : lutte contre les inégalités, respect de l’environnement, durabilité…À partir
de là, il devient possible d’opérer une classification des produits et des processus.
Classification qui contribue à démontrer de manière rigoureuse qu’il existe des frontières
étanches entre certains constituants de la finance éthique (micro crédit et investissement
socialement responsable, pour ne prendre que l’exemple le plus simple) et, au contraire,
d’importantes zones de recouvrement dans d’autres cas (épargne solidaire et micro crédit par
exemple).

3
Définir, classifier, relativiser. Ce livre va très loin. Peut-être le plus loin possible à ce
jour, dans la mise en perspective de ce qu’est véritablement la finance éthique. Mise en
perspective historique, en essayant notamment de préciser le lien qui unit finance et religion
(ou, plutôt, religions). Et mise en perspective géographique, en montrant notamment que
l’incomparable développement de l’investissement socialement responsable aux États-Unis
aujourd’hui ne tient pas seulement à une « avance à l’allumage » par rapport à l’Europe mais,
à la fois à une définition particulière de ce concept et à une organisation spécifique de la
gestion de l’épargne. Cette cartographie débouche, tout naturellement sur une réflexion
concernant la définition du caractère éthique de tel ou tel type d’investissement. Et donc sur le
rôle des agences de notation éthique. Michel Roux consacre, à juste titre, une place importante
à ces agences qui, au contraire des agences de notation financière, se distinguent entre elles
par les critères de notation qu’elles utilisent. D’où leur multiplication et leur hétérogénéité (ce
qui est comble pour un organisme de normalisation…). Ce livre a le mérite de « soulever ce
lièvre », qui explique pour partie le malaise que provoque aujourd’hui l’investissement
éthique.
Mais Michel Roux, dans ce livre, ne se contente pas de décrire et de classifier. Il pense
aussi. Et il nous fait participer à sa réflexion, avec la même modestie que celle dont il
témoigne dans le domaine de la mesure. Ces réflexions nous obligent à nous interroger. À
nous interroger sur « l’éthicité » de certains produits financiers. À nous interroger aussi sur le
fossé qui existe entre l’envie d’éthique, aspiration la mieux partagée du monde, et la modicité
des capitaux qui sont dérivés vers ce type d’investissement. À nous interroger encore sur la
multiplication des produits éthiques qui n’est pas forcément corrélée avec le volume des
capitaux investis. À nous interroger enfin sur le lien entre finance éthique et nécessaire
réforme de la « Corporate Governance ». Certaines réflexions esquissées dans ce livre sont
encore plus fondamentales. Dont celle sur le rôle de l’État par rapport à la finance éthique.
Faut-il que l’État intervienne pour accélérer la diffusion de ce type de finance ? Ou, au
contraire, faut-il faire confiance au marché ? Michel Roux ne tranche pas de manière
définitive sur ce point, même si ses questions, elles-mêmes, poussent, au moins, à se poser la
question d’une intervention plus directe de l’État en faveur d’un investissement contribuant au
« bien être » et non pas seulement au « bien produire ».

Telles sont sur les principales pistes de réflexion que ce livre permet de poursuivre.
Que le lecteur ne s’y trompe pas. La question que pose Michel Roux au fil de ce parcours
initiatique n’est rien moins (et l’auteur s’en cache à peine) que celle de l’émergence d’une
nouvelle culture économique. À ce titre, ce livre est vraiment un livre … éthique.
Olivier Pastré
Membre du Cercle des économistes
Plan du livre :
Introduction
Partie I : genèse et définition des concepts, penser responsabilité ............................................
Chapitre I Analyse de l’offre de la finance éthique : essai de définition et poids économique. ..
1.1. Des concepts en général de développement durable, de responsabilité sociale de l’entreprise, de
finance responsable, d’investissement socialement responsable, d’épargne solidaire…….., à la
finance éthique en particulier. ......................................................................................................................
1.1.1. Le développement durable : des relations homme nature aux débats sur la croissance :
pourquoi cette prolifération de concepts ? .............................................................................................
1.1.2. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise.....................................................................................
1.1.3. La finance responsable ...................................................................................................................

4
1.1.4. L’Investissement Socialement Responsable. .................................................................................
1.1.5. L’épargne solidaire .........................................................................................................................
1.1.6. La finance éthique ...........................................................................................................................
1.2. Poids économique et axes de développement.......................................................................................
Chapitre II : un peu d’histoire pour comprendre la finance éthique .............................................
2.1. Evolution des rapports de l’homme à l’argent .....................................................................................
2.2.De la critique du système financier et des principales théories qui le façonnent. ..............................
2.2.1. Le cheminement de la pensée et la mise en perspective de quelques grandes étapes
théoriques : d’une logique industrielle, en passant par une logique financière pour s’efforcer
d’atteindre une logique de finance éthique. ............................................................................................
2.2.2. De la gestion des paradoxes à l’ébauche de nouvelles approches théoriques ........................
2.3. Le poids de l’histoire et l’enseignement des grandes religions.
2.3.1. Le catholicisme et les fondements de la vie économique. ........................................................
2.3.2. Le protestantisme et l’activité bancaire ....................................................................................
2.3.3. Le judaïsme et la finance éthique. .............................................................................................
2.3.4. L’Islam et la finance éthique. ....................................................................................................
Chapitre III : quête de repères et demande de finance éthique ......................................................
3.1. Montée des incertitudes et quêtes de repères .......................................................................................
3.2. Perte de confiance ou prise de conscience ?..........................................................................................
Conclusion de la 1ère partie ...........................................................................................................................
Partie II : les principaux acteurs de la finance éthique……………………………………….
Chapitre I : la situation française de la finance éthique ; entre épargnants, projets et poids
économiques.........................................................................................................................................
1.1. Les institutions financières engagés dans une démarche solidaire.............................................
1.1.1. Principaux produits et acteurs ..................................................................................................
1.1.2. Discernements et finalités de la gestion ....................................................................................
1.2. Les établissements financiers engagés dans une démarche éthique ou responsable ........................
1.2.1. Principaux produits et acteurs ..................................................................................................
1.2.1 Discernements et finalités : pour quelles perspectives ? ..........................................................
Chapitre II : bref panorama international de la finance éthique ; entre différences de
perception et de sensibilité socio culturelle. ......................................................................................
2.1. Un marché américain précurseur dont le poids économique est à relativiser ...................................
2.1.1. La conception américaine de « l’ISR. » .........................................................................................
2.1.2. La spécificité des structures de gestion d’actifs aux USA conditionne l’ISR. ...........................
2.2. Le marché européen de l’ISR. : entre filtre négatif, engagement et innovations! ......................................
2.3. Le marché japonais naissant des « Eco funds ». ..................................................................................
Chapitre III : les domaines du possible ; à la recherche de nouveaux axes de développement
pour la finance éthique. ......................................................................................................................
3.1. L’épargne salariale : un gisement pour la finance éthique. ................................................................
3.1.1. Données économiques et caractéristiques essentielles de l’épargne salariale. ...........................
3.1.2. L’épargne salariale : lieu de partage et de solidarité ? ................................................................
3.2. La lutte contre l’exclusion, un challenge pour l’épargne solidaire et le micro crédit. ......................
3.3. Le non coté, le Fonds de Réserve pour les Retraites transforment les comportements d’épargne..
Conclusion de la 2ème partie : ........................................................................................................................
Partie III : les perspectives de la finance éthique ......................................................................
Chapitre I : quelle place pour le discernement éthique dans les choix financiers ?......................
1.1. Les nouveaux risques et la fracture des représentations .....................................................................
1.1.1. Nouvelle finance, nouveaux risques. ..............................................................................................
1.1.2. Nouvelle gouvernance, nouvelles exclusions. ................................................................................
1.2. Dans ce contexte évolutif et cette marche vers la responsabilisation sociétale de la sphère
financière, quel rôle pour les indicateurs : de la conception à l’application.............................................
Chapitre II : la finance éthique est-elle profitable ? ........................................................................
1.1. La mise en œuvre des valeurs sociétales au service de la rentabilité financière : entre stratégie
d’évitement ou outil d’appréciation ? ..........................................................................................................

5
1.1.1. Les expressions de la performance dans l’entreprise « citoyenne » : des codes de bonne
conduite, à la certification puis à la réglementation. .............................................................................
1.1.2. Quels standards pour la mesure de la performance des fonds solidaires ?................................
1.2. Acteurs, évolutions et limites de la notation extra financière. ............................................................
Chapitre III : la finance éthique s’imposera-t-elle par la loi ?........................................................
1.1. Entre mode et lois, comment se situe le contexte juridique français ? ...............................................
1.2. Entre résilience et compliance, quel rôle pour l’État ? .......................................................................
Conclusion de la troisième partie : ...............................................................................................................
Conclusion générale : .................................................................................................................

Introduction :
« Les paradoxes d’aujourd’hui sont les préjugés de
demain ».
Marcel Proust, Pastiches et mélanges (Gallimard)

Un sujet qui n’est pas nouveau, un sujet source de nombreux débats. Il est vrai que la
finance a la charge de mettre en œuvre des stratégies de pouvoirs et se trouve donc considérée
souvent comme immorale par nature. Mais, dans notre contexte d’internationalisation des
échanges et de financiarisation 1 de l’économie qui place l’entreprise de moins en moins sous
l’emprise du crédit bancaire au profit des financements de marchés 2 et de l’obsession du
résultat, la prise de conscience de l’utilité de la finance et même de sa nécessité d’y recourir la
rendrait-elle, progressivement, tolérable ? La nouveauté que nous souhaiterions apporter dans
ce livre consisterait, justement, dans le fait de ne pas imposer un catalogue de recettes
absolues, mais, de prescrire une attitude de discernement et de responsabilisation pour le
décideur. Au risque de contrarier la mode du développement personnel pour ne plus subir les
aléas de la vie. Ce phénomène où l’homme, pour toutes difficultés, attend des solutions toutes
faites qui conduiraient aux valeurs normatives du bonheur contemporain. Souvent, les
déceptions, les désillusions et surtout, le sentiment d’impuissance devant les « affaires » font
que nous renonçons à agir. Devant ce repli sur soi qui renforce l’individualisme ambiant, il est
opportun de s’interroger. Pauvreté, réchauffement de la planète, catastrophes naturelles,
développement du sida en Afrique, vie sociale et financière de mon entreprise….les médias
mettent à notre porte tous les malheurs de la terre et souvent nous nous sentons indirectement
responsables, mais bien impuissants : dans un monde d’une telle complexité, sur quoi, à titre
individuel, ai-je prise ? Par ailleurs, on n’a jamais autant cherché des responsables dans tous
les domaines qui échappent encore à notre maîtrise : météo, accidents, maladie…Comment
trouver des repères pour orienter l’exercice de la responsabilité, de ma responsabilité : de quoi
au juste suis-je responsable ? Nous nous sentons responsables et bien impuissants de plus en
plus de choses qui nous échappent. Mais, les procès se multiplient, nous nous bordons de lois
et d’assurances. La question de la responsabilité n’a jamais été aussi présente ni confuse dans
nos esprits. La juridiciarisation est croissante, il nous faut désigner un responsable : le maire,
l’instituteur, le médecin….le banquier…. La responsabilité est renvoyée à la collectivité et
cette dissolution des responsabilités ne fait qu’amplifier le phénomène. Une telle dissolution
réside pour certains dans le rôle de l’Etat providence. Assurances, harcèlement textuel
viennent suppléer la responsabilité individuelle. Dans une période où se conjuguent inflation
de revendications, de droits et souvent le déclin de l’idée de devoir, la responsabilité ne
deviendrait-elle pas la gardienne de la morale ? Dans nos sociétés modernes, y a-t-il encore un

1
Par financiarisation de l’économie, nous entendons le rôle de plus en plus important accordé à la finance sur le
commerce et l’industrie.
2
Sur ce sujet, lire, en particulier, La tyrannie des marchés, H. Bourguignat, Éditions Economica, 1995

6
art de vivre collectif, une volonté de transmettre des savoirs et/ou des valeurs entre
générations 3 ? L’éthique en finance pourquoi, comment et pour quels enjeux ? Notre objectif
est d’essayer d’apporter une réflexion nouvelle et pluridisciplinaire à l’évolution des modes
de gouvernances de la sphère financière tout à la fois marqués par le processus irréversible de
mondialisation et traversés par des aspirations de responsabilité sociale. Pour cela, il convient
d’analyser les raisons de la promotion de l’éthique en finance, de relever les éventuels écarts
entre les discours et les pratiques et d’identifier les fonctions réelles, au-delà des finalités
affichées. Plus globalement, notre approche se doit de s’interroger sur la place de l’éthique
dans la finance et la mutation du système capitaliste. Cette interrogation, récemment mise en
avant comme une réponse plausible aux scandales qui ont agité l’économie et la finance, est
pourtant plus ancienne et sans doute destinée à une plus large vocation.

Après la critique du système financier et du capitalisme, l’éthique ne serait-elle pas en


train de devenir l’arme « absolue » du bon fonctionnement de la finance moderne ? La finance
responsable, l’investissement socialement responsable ou la « Socially Responsible
Investment » constitueraient-ils, subitement, le remède miracle à l’instabilité et à la volatilité
des marchés financiers ? Même, si ce sont les investisseurs du long terme et principalement
les fonds de pension qui jusqu’à présent ont soutenu leurs essors, ces nouvelles formes de la
finance ne sont qu’une conséquence et non une cause de ces constats. Elles incarnent une
nouvelle dynamique pour une finance plurielle. Autant de définitions, de concepts que
d’auteurs qui tentent d’aborder ces questions et ce, même, si un certain nombre d’acteurs
s’évertuent à promouvoir des définitions communes : Novethic (Caisse des Dépôts et
Consignations), l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) 4,
Finance et Solidarité (Finansol) 5… Alors, dans notre cas, pourquoi privilégier ce titre de
Finance éthique plutôt que le générique, plus communément admis d’Investissement
Socialement Responsable (ISR) ? Pour notre part, nous pensons que le mot finance (Ensemble
des professions qui ont pour objet l’argent et ses modes de représentation, selon le
dictionnaire) permet d’aborder un champ d’investigation moins restrictif que celui sous tendu
par l’ISR. qui se contente de rassembler les démarches intégrant des critères extra financiers
dans les décisions de placements et de gestion de portefeuilles. La finance éthique a pour
objet de réfléchir à l’action des mouvements sociaux dans les domaines économiques,
financiers et monétaires. Elle permet de mieux intégrer les innovations de nature financière
susceptibles d’entraîner un dialogue créateur et de créer des liens entre les différents acteurs
de la sphère économique. Ce titre, nous parait plus adapter à l’exploration des domaines du
possible. La finance éthique ambitionne de nourrir de nouvelles pistes de recherche. Elle
concerne l’investissement, l’épargne, les monnaies sociales….. Quelle est la genèse de cette
tendance lourde ? Quels bouleversements, quels rôles et quels acteurs, la finance éthique est-
elle susceptible de perpétuer ? L’éthique sera-t-elle de nature suffisante pour corriger ou
infléchir le délicat débat entre intérêts individuel et collectif omniprésent dans les scandales et
dysfonctionnement de la sphère financière ?

3
Référence est faite, ici, aux interrogations de Pascal Bruckner dans son ouvrage, L’euphorie perpétuelle,
Editions Grasset, 2000. Ce livre traite du culte du bonheur dans nos sociétés contemporaines.
4
Association loi de 1901 qui a été créée en juin 2000 à l’initiative de différents acteurs et regroupe, aujourd’hui
plus d’une centaine de membres venant des Grandes entreprises, des sociétés de gestion de portefeuille,
d’organismes professionnels et sociaux, d’ONG….
5
L’association FINANSOL, loi de 1901, créée en 1995 par un groupement d’institutions financières solidaires a
progressivement élargi ses domaines d’activités ; Ses deux dimensions d’origine étaient de développer le circuit
de la finance solidaire et de décerner un label à des produits financiers solidaires. Actuellement seul collectif de
représentation du secteur des finances solidaires existant en France, l’association s’efforce d’obtenir, des
pouvoirs publics, un cadre législatif et réglementaire plus favorable à ce secteur.

7
Ethique et ou morale ? Pour notre part, nous utiliserons indifféremment les deux
vocables pour exprimer la même chose. Pourquoi ? Pour les uns, la morale (« ensemble des
règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société, théories des
fins de l’action de l’homme… »), exprime les principes, pour les autres, l’éthique (« partie de
la philosophie qui étudie les fondements de la morale, ensemble de règles de conduite… »)
leurs applications et inversement ! A partir du vécu et d’exemples concrets, nous demeurerons
pragmatiques sur ce sujet, à l’image des anglo-saxons lorsqu’ils abordent les questions de
« Business Ethics ». Les principes sont indissociables de leur application. Dans le
fonctionnement actuel de notre économie, l’éthique interpelle les convictions de chacun. Elle
s’impose progressivement à travers les lois 6, le pouvoir judiciaire et les débats sur
l’enrichissement des uns et l’exclusion des autres. De plus en plus, le discernement de chacun
est sollicité pour apprécier les situations et agir, comme le souligne, notamment, Jean
Moussé : « au-delà de la compétence, toute décision met en œuvre la personnalité de celui qui
la prend dans la complexité des relations économiques, sociales, politiques et dans la
permanente évolution technologique. Elle inclut sa culture et les objectifs conscients ou
non »7.

Et l’entreprise, et le management, et la gouvernance d’entreprise, que deviennent-ils


dans cette mouvance ? « Lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit avance dans les
ténèbres », ce constat d’Alexis de Tocqueville illustre parfaitement les défis de notre
économie en quête de repères et de sens. Cette rupture, source d’incertitudes, est consécutive
à la montée progressive de l’immatériel au lieu et place de l’économie de production. Les
entreprises qui vivaient du cycle de renouvellement naturel de leurs produits sont désormais
conduites à provoquer le choc de l’offre et confronter à multiplier leurs investissements dans
l’immatériel (études, publicité, brevets…). L’accélération des cycles de vie des produits et des
innovations, chère à Schumpeter, a modifié l’échelle du temps, désormais, dans « la nouvelle
économie », dans l’économie du numérique et de l’information, la nouvelle unité de temps ne
dépasse pas le trimestre ! Entre capital humain et actifs immatériels, comment valoriser une
entreprise ? L’exploitation intellectuelle et la complexité des technologies exacerbent deux
logiques, souvent opposées, celle des actionnaires qui attendent un retour rapide et profitable
de leur investissement et celle, du management qui réclame le temps et l’argent avec pour
conséquence immédiate une exposition accrue aux risques : risque de sous-évaluation de la
part des investisseurs pour prévenir toute défaillance et risque de sur évaluation pour les
marchés, source de réveils douloureux. L’entreprise pour être pérenne doit se doter d’un
véritable capital confiance. L’entreprise de demain, toujours soumise à des impératifs
d’efficacité, pour être « durable » 8, doit, en plus, répondre en matière de contribution au
mieux vivre, aux attentes de ses salariés, de ses partenaires et de l’opinion publique. Son
nouveau pilotage repose davantage sur un projet ou une vision partagée par tous, plus que sur
un statut ou des obligations légales. « Toute organisation productive de soi porte en germe

6
Après la Loi sur les « Nouvelles Régulations Economiques » de mai 2001 (à l’origine du rapport de gestion
pour les sociétés dotées d’un véhicule côté), le gouvernement français de Monsieur Raffarin préparait un texte
pour juin 2005 sur la « Confiance et la Modernisation de l’Economie » ! Un texte où auraient été abordées des
questions très diverses dont l’intéressement des salariés ( même amputé d’une prime exceptionnelle qui avait été
envisagée, ce texte proposait la possibilité de déblocage anticipée de la participation, sans blocage légale suivant
la loi d’origine de 1967), mais, aussi, le contrôle des actionnaires sur les indemnités de départ des PDG……
Nous pouvions espérer, simplement, que ce nouveau texte, n’aurait pas constitué, comme le précédent, un
amalgame de mesures éparses et sans lien direct, source de difficultés en matière de cohérence, d’interprétation
et d’application. La nomination d’un nouveau gouvernement, fin mai 2005, n’a pas permis la sortie de ce texte.
7
Quatrième de couverture de l’ouvrage de Jean Moussé : L’éthique des affaires , Dunod Éditeur, 2002.
8
L’entreprise durable, titre de l’ouvrage de Philippe Détrie publié en 2005 chez Dunod Editeur traite du
nécessaire nouveau management face aux parties prenantes.

8
une production de finalité (E. Morin). Ainsi, le système capitaliste véhicule-t-il la question de
son sens. La recherche perpétuelle de croissance et de l’accumulation des profits, longtemps,
considérées comme suffisantes pour donner une signification à la production, montrent leurs
limites et n’apparaissent plus pouvoir constituer une fin viable à long terme. Après le risque
systémique, le risque comptable et le risque boursier ; quand la sphère financière ne sait plus
lire ni comprendre les comptes, elle consomme, aujourd’hui, les dividendes de demain. Dans
ce contexte de concurrence exacerbée, de déréglementations excessives et de législations
imparfaites qui frappent la quasi-totalité des pays « développés », il y a, aussi, ceux qui
refusent de voir (les banques financeurs et administrateurs, les avocats qui ont trouvé là des
niches rémunératrices….), il y a ceux qui refusent d’entendrent (les comptables, les
régulateurs….) et ceux qui refusent de parler ou sont trop discret sur le sujet, à savoir, les
économistes et les autres…. ! La dérégulation, la mondialisation et les normes comptables
anglo-saxonnes obligent à se focaliser sur le haut de bilan, la taille critique et la valorisation
des firmes plus que sur la saine gestion. Une règle, un statut permettront-ils de restaurer la
confiance des hommes dans une économie responsable et dans l’entreprise ? Entre autisme,
manque de transparence et accroissement de la volatilité, quel moindre mal choisir, telle est la
question ? Ne pas choisir ou plus précisément, choisir de différer, s’est préserver le statu quo
et les avantages acquis, cette politique de la France, pratiquée depuis près de 25 ans et
communément appelée le « ni ni », a probablement ralenti notre compétitivité et contribué à
politiser toutes nos tentatives de réformes. Aucun des maux sociaux qui ont nourri les récents
scrutins électoraux de 2004 et 2005 n’a disparu. Une France partagée par les traditionnels
clivages ni gauche/ni droite, ni privé/ni public demeure inopérante face aux évolutions des
réalités sociales et mondiales. Cette France, c’est 10% de chômage, 10% de pauvres, ¼ des
actifs exposés tributaires de l’exportation, ¼ des actifs dans le secteur abrité, ¼ de jeunes sans
emploi issu d’un système éducatif trop éloigné de l’employabilité. Malgré ce scénario
catastrophe, en 30 ans, les français ont gagné sept ans de vie, doublé leur pouvoir d’achat et
triplé leur patrimoine, c’est intéressant à relever pour un pays dit dans l’impasse ! Ce sont
« ni » les diagnostics « ni » les remèdes qui manquent. La classe politique, tous partis
confondus, connaît les solutions plutôt qualifiées de consensuelles. La France a besoin de
réformes courageuses, de politique d’excellence axée sur les hautes technologies passant outre
les freins de l’État obèse, des syndicats aussi vindicatifs que faibles et d’un système éducatif à
contre emploi. Quand une cause, aussi, capitale, fait à se point l’objet de deux poids deux
mesures, est-elle nationale ou individuelle ? Nous sommes dans l’impasse et en pleine gestion
des paradoxes. Les affaires Danone et Taittinger de fin juillet 2005 illustrent également ce
contexte d’irresponsabilité ; Pourquoi d’un côté les autorités se sont mobilisées pour défendre
Danone avant qu’il ne soit attaqué et n’ont rien dit après le rachat, par le fonds américain
Starwood Capital, des actifs du groupe Taittinger (près de 8 000 emplois en France qui se
comparent aux 12 500 salariés de Danone en France). Pernod-Ricard, France Télécom ou
Saint-Gobain qui rachètent dans la même période ,c’est rassurant, mais, pourquoi, les dizaines
de milliers d’actionnaires anonymes de Danone, petits et grands, français et étrangers, quant à
eux, n’avaient-ils pas le droit d’examiner une offre publique attractive ? 9 Dans cet ouvrage,
nous considérerons la finance dans son acception la plus large : de la banque, à l’assurance, en
passant par les marchés financiers, l’argent, la monnaie sociale, l’épargne, le reporting et
l’audit.

9
Sur ces thèmes des paradoxes français, il est recommandé de lire les articles ou ouvrage suivants : un article de
P. Artus, paru dans le journal Le Monde daté du 18 mai 2005, un article de E. Le Boucher paru dans le journal Le
Monde des 29 et 30 mai 2005 sous le titre : « La France sociale » n’est plus capable d’exporter autre chose que
les échecs. L’ouvrage de J. Marseille, La guerre des deux France – celle qui avance et celle qui freine - , Plon
2005.

9
A ce stade, il est alors légitime de se demander si la finance et l’éthique ne sont pas
antinomiques ?

Appuyer l’action et la réflexion : comment agir dans l’incertitude tout en répondant


sereinement des choix d’investissements de demain en milieux culturels et sociologiques
différents ? Voici quelques défis que nous nous proposons de soumettre à la sagacité du
lecteur. Dans une période où certains « fondamentaux » économiques sont très rapidement
rendus obsolètes, après, « le Small is Beautiful », hier, « les profits d’aujourd’hui sont les
emplois de demain », la diversification, puis, le recentrage sur le métier de base, la valeur
pour l’actionnaire….., voici venu le temps de la gouvernance et de la responsabilité sociale.
Faut-il succomber aux phénomènes de mode ? La spécificité des métiers de la finance, qu’est
la prise de risque en milieu concurrentiel et réglementaire, se trouve de plus en plus
confrontée aux nouveaux paradigmes de l’économie. Après les « Trente glorieuses »
marquées par la croissance, l’évolution du pouvoir d’achat et l’inflation, les années 70
mettront fin aux gains de productivité pour laisser la place, dés les années 80 au « capitalisme
financier » (de l’économie d’endettement à l’économie de marché). Un capitalisme sans projet
où progressivement se développe une forme d’aversion au risque. Dans ces conditions,
comment se réjouir des bons résultats 2004 des entreprises françaises 10 quand le chômage
perdure ? Que vont faire les entreprises de leurs gains ? Après la question de la redistribution
des pouvoirs entre managers et propriétaires, se pose, désormais, la question de la
redistribution des résultats : dividendes ou salaires ? La valeur pour l’actionnaire
n’occuperait-elle plus le centre de gravitée ? Serait-elle remplacée par la valeur pour le
client ? Patrons, syndicats et intellectuels déploient leurs stratégies : investissons dans le
client, défendons une croissance soutenue par la consommation et revendiquons une
augmentation du pouvoir d’achat ! Favorisons la circulation du savoir et du capital de la
connaissance !....Serait-ce le retour du capital humain ? Dans un dossier du Nouvel
Observateur de 2003 intitulé, « Deux ans après le 11 septembre, ce qui a changé dans la
pensée », sous la signature de Jean Daniel, ce dernier écrivait : « Avant novembre 89 nous ne
savions pas ce qui arriverait…Avant septembre 2001, nous savions tout ? Et de poursuivre :
« Montée irrésistible de l’empire américain, incapacité de l’islam à embrasser la modernité,
défaite du droit d’ingérence humanitaire, fin du grand rêve européen, négation des libertés
publiques au nom de la lutte contre le terrorisme mais aussi émergence d’autres utopies
comme la croyance dans un monde moins « marchandisé », plus réglementé, moins soumis
aussi à la tyrannie des Etats et des partis : le traumatisme du World Trade Center a bouleversé
notre regard sur le monde. Mais la vraie rupture de civilisation ne remonte-t-elle pas en réalité
à 1989, et à la chute du mur de Berlin ? ». Plus récemment, Alain Touraine va plus loin, dans
son dernier ouvrage, « Un nouveau paradigme », chez Fayard, « guerres, religions, valeurs
morales : et si l’économie ne comptait plus ? »11. Pour Alain Touraine, le social débouche sur
l’individualisme, mais celui-ci peut être porteur d’une liberté de création du sujet s’il n’est pas
aliéné par le commerce et les médias… Dernièrement, en avril 2005, les investisseurs
viennent de découvrir que la Chine et le Japon se vouaient une haine viscérale 12 et que la
situation internationale pouvait aisément basculer d’une guerre économique à un véritable
conflit. Un vent belliqueux sur le plan international renforcé par l’attitude de l’actuel
président des Etats-Unis qui après les défis du terrorisme et des armements nucléaires
identifie de façon simpliste et inattendue de nouvelles menaces pour son pays : le déficit

10
54 milliards d’euros de résultats nets en 2004 pour l’ensemble des quarante sociétés françaises relevant de
l’indice boursier du CAC 40.
11
Ouvrage paru début 2005.
12
A propos de la conception d’un manuel scolaire en histoire relatant de façon atténuée le comportement
japonais lors de l’occupation de la Chine au cours du siècle dernier.

10
commercial et le déficit budgétaire de son pays qui affecteraient l’économie. Les responsables
n’en seraient pas ses concitoyens, mais, la Chine qui pratique le dumping en maintenant la
parité des changes de sa devise à un niveau artificiellement bas et les pays de l’OPEP qui
comploteraient pour maintenir un prix du baril de pétrole au-dessus des 50$. Ces 2 acteurs
économiques viennent d’être classés par le président Bush comme membre de « l’axe du mal
économique » et menacés à ce titre. Si rien ne change, s’achemine-t-on vers une nouvelle
source de conflit larvé susceptible d’amplifier la volatilité des marchés financiers ? Le capital
mobile se moque de nos paradigmes (classes sociales, travail, inégalités, redistribution…), il
va au moins cher ! Dans ce contexte bouillonnant, nous nous proposerons donc de combattre
quelques idées reçues et de sensibiliser le lecteur à ce nouveau cadre d’exercice des métiers de
la finance. . Le financier qui accompagne une activité polluante sera-t-il associé aux
conséquences, sera-t-il payeur ? Quel est le rôle de l’État dans la sensibilisation aux
différentes formes de responsabilités ? La contrainte ou la pédagogie ? Les spécificités
d’analyse du risque devant les évolutions technologiques et la réglementation du métier de
banquier sont-elles durables ? La responsabilité sociale des entreprises est-ce un concept
durable ou un simple phénomène de mode ? Voici, une liste non exhaustive d’interrogations
auxquelles nous nous efforcerons d’apporter quelques éléments de réponse et surtout
d’explorer les domaines du possible. On notera que cette multiplication des interrogations et
des communications est un signe positif qui témoigne de l’ampleur du mouvement sur ces
problématiques de responsabilité sociale des entreprises. Mais, il est parfois difficile d’ajuster
les bonnes intentions aux actes !

En intégrant des objectifs de responsabilité sociale, le management et la gouvernance


deviennent beaucoup plus complexes, de nouveaux modes de pilotage et d’évaluation des
risques apparaissent (normes, indices, labellisations, notations, rapports de gestion…..)
introduisant contraintes, atouts et dilemmes. Entre enjeux, discours incantatoires et mise en
œuvre, la responsabilité de la firme ne s’apparente-t-elle pas à une démarche plus stratégique
qu’économique ? Peut-on et doit-on succomber à la mode ? Une mode, un nouveau style de
management « universel » qui n’est en fait qu’une transposition du management à
l’américaine. Un modèle qui s’appuie encore largement sur le principe roi de la « shareholder
value » et la quête permanente de flexibilité. L’Europe et plus spécialement la France
suivront-elles, là encore, les Etats-Unis sur le chemin de la finance vertueuse et si oui, pour
quels motifs (une simple stratégie de marketing, l’amélioration de la notoriété…) ?
Investissement durable, investissement socialement responsable, investissement éthique,
finance éthique……. mythe et réalité en France ! Quels enjeux pour la finance éthique, entre
sanctions, image de marque et responsabilité sociale ? Devant la montée des incertitudes,
comment effectuer des choix financiers sereins sur des horizons temporels souvent
différents ? L’expérience, en France, est encore trop courte pour tirer des enseignements des
premiers résultats observés, pour autant, certaines questions demeurent : l’Investissement
Socialement Responsable est-il aussi performant que les fonds classiques ? Jusqu’où les
banques pourront-elles contrôler les fonds qu’elles prêtent ? Quelle sera leur responsabilité ?
Des réponses ébauchées découleront probablement la nature, pour la sphère financière, des
efforts à engager.

Après l’évocation de la genèse du phénomène et des principales thèses ou options en


philosophie morale susceptibles de répondre aux défis de la financiarisation excessive (Partie
I), c’est à travers un éclairage multiple (managérial, économique, juridique….) que l’ouvrage
s’orientera en s’efforçant de dresser un état des lieux et de construire une cartographie des
acteurs établis et émergents en France (Partie II). Avec l’analyse de la crédibilité de la finance
éthique, l’enjeu est d’examiner comment cette finance « responsable » à toutes les chances de

11
poursuivre son essor par une réinsertion progressive de la finance dans la société (Partie III).
Appuyer l’action et la réflexion : comment agir dans l’incertitude tout en répondant
sereinement des choix d’investissements de demain ? Voici quelques défis que ce livre se
propose de soumettre à la sagacité des lecteurs : épargnants, étudiants ou professionnels de la
finance.

Partie I : genèse et définition des concepts, penser responsabilité

« Dans une vie qui repose sur un perpétuel pari, le


risque peut être un perpétuel bonheur »

Inspirations méditerranéennes, Gallimard.

Entre sanction et morale, comment se situer face aux défis que soulèvent actuellement
les grandes problématiques financières dans une profonde réorganisation des mécanismes de
gouvernance aux plans national et international. Ce livre a pour objectif de faire réfléchir
d’une façon nouvelle et pluriculturelle à la réorganisation du système de gouvernance des
banques marquées par la mondialisation, mais, néanmoins, traversée par des aspirations à plus
de responsabilité. Ce lent processus, mue par les acteurs sociaux et les nouveaux paradigmes
sociétaux multiples et divergents, bouscule l’orthodoxie financière et les institutions établies.
De nouvelles questions émergent : aux Etats-Unis comme en Europe. La déréglementation des
télécommunications, des transports, de l’énergie impose une réflexion sur les marchés
contestables face à la domination des marchés financiers et aux scandales. L’étude du
gouvernement d’entreprise se renouvelle avec la révolution technologique. Bref, il convient
de mieux décrypter notre actualité déferlante. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours
quelque chose ! », affirmait Beaumarchais, peu de temps avant qu’éclate la Révolution
française. Illustration présente : « il a donc suffi à certains bons esprits de laisser croire que
Daniel Bernard avait quitté la société Carrefour – où il a passé treize années de sa vie à
multiplier par quatre la valeur de ce groupe ! – avec un chèque de 39 millions d’euros pour
que l’opinion s’en émeuve, les petits porteurs s’insurgent et les hommes politiques montrent
les dents. Rien d’étonnant à cela puisque nous sommes en France où des siècles de culture
judéo-chrétienne et des décennies d’idéologie égalitaire ont fait de l’argent et de la jalousie un
sport national ». Une citation extraite de l’article de l’éditorialiste Yves de Kerdrel du journal
les Echos et intitulé : « le carrefour des hypocrites » 13. Ces phrases, au cœur de nos
problématiques devraient trouver des éléments de justification dans les chapitres suivants et
démontrer que cette nouvelle polémique, déclenchée en pleine campagne référendaire sur la
constitution européenne, n’aurait pas eu lieu si les nouveaux dirigeants de la société Carrefour
avaient été responsables (en communicant lors de l’assemblée générale de la société sur la
nature des chiffres liés à une indemnité de départ, à une clause de non concurrence et à une
hypothétique assurance retraite échelonnée sur 25 ans….à comparer aux rémunérations de
dirigeants de groupes internationaux ou aux salaires de certains de nos sportifs !) et si nos
politiques n’étaient pas en plein fantasme, toutes tendances confondues, contexte oblige pour
renforcer une législation déjà parmi les plus complexes et les plus contraignantes (NRE,
sécurité financière….). Dans cette affaire, le silence aura été gardé sur la problématique
fondamentale : comment attirer et/ou retenir, en France, les managers de l’excellence !

13
Numéro daté du mardi 26 avril 2005 dans la rubrique idées, page 18.

12
Dans ce contexte d’accélération du temps et des innovations financières, peut-on
parler de finance éthique ? Poudre aux yeux ou révolution managériale ! La banque est un
acteur majeur de la société en raison de son rôle pivot dans l’allocation du capital entre les
différentes activités économiques et son management dépend des valeurs acceptables par son
environnement sociétal. Les pressions exercées par les parties prenantes et l’environnement
institutionnel influencent de plus en plus les financeurs. Entre réelles avancées, les stratégies
de conformité apparente et l’attentisme, les enjeux se formulent en terme de transparence, de
risques financiers (le non remboursement) et de nouveaux risques extra financiers (risques
environnementaux, risques sociaux, risques d’image, risques juridiques….). Entre
« compliance et résiliance », comment faire la part des choses ? Outre la lutte contre le
blanchiment de l’argent salle, le surendettement, l’exclusion, la responsabilité sociale
intervient désormais dans la gestion interne des banques au même titre que pour les
entreprises d’autres secteurs dans l’attribution des prêts et dans les politiques de placement.

Cette première partie, dont l’objet principal est de décrire la genèse de la finance
éthique et son champ de définitions, sera divisée en trois chapitres qui s’efforceront
d’analyser, successivement, l’offre de la finance éthique (chapitre I) : des relations homme
nature aux débats sur la croissance, de quoi parle-t-on ? Un peu d’histoire pour comprendre la
finance éthique (Chapitre II) : de l’activisme religieux aux origines contemporaines de la
finance vertueuse, ce chapitre apportera des éléments de compréhension sur le cheminement
accompli par les diverses théories. Le troisième chapitre examinera la demande de finance
éthique associée à une quête de repères (Chapitre III) : après la fin des dogmes, comment est
on passé d’une crise de confiance à une crise de conscience et quels nouveaux comportements
pourraient émerger ?

Chapitre I Analyse de l’offre de la finance éthique : essai de définition et poids


économique.

De quoi parle-t-on ; éthique, déontologie, morale, développement durable, économie


écologique, épargne solidaire, Investissement Socialement Responsable…. ? La finance
éthique se développe sur un volet financement et sur un volet préalable constitué par la phase
d’épargne. Cette évolution relève en partie de la montée en puissance des fonds
d’investissement où l’investisseur souhaite accroître ses pouvoirs et alors, il est parfois
nécessaire de le raisonner afin d’obtenir une certaine cohérence avec de nouvelles valeurs
partagées ou non. Elle se développe aussi parce qu’un certain nombre de financiers ont acquis
la conviction que la prise en compte de critères sociaux et environnementaux étaient de nature
à mieux identifier les firmes les plus performantes dans le temps. A court terme, la question
de la pertinence de la performance reste donc posée ! Après avoir précisé les concepts (§1.1.),
ce premier chapitre s’efforcera d’observer l’impact économique de cette nouvelle finance
éthique (§1.2.).

1.1. Des concepts en général de développement durable, de responsabilité sociale


de l’entreprise, de finance responsable, d’investissement socialement responsable,
d’épargne solidaire…….., à la finance éthique en particulier.

Dans la mesure où plusieurs appellations se chevauchent et désignent des concepts


voisins, une première clarification s’impose afin de mieux appréhender l’ensemble. Sans
dresser une liste exhaustive de définitions, nous commencerons par préciser les termes
suivants : le développement durable, la responsabilité sociale de l’entreprise, la finance
responsable, l’investissement socialement responsable, l’épargne solidaire puis nous

13
justifierons notre vocable et titre de finance éthique. Pour construire un cadre théorique et
opérationnel fort conciliant efficacité économique et mode de développement respectueux de
l’homme l’unicité du langage est de mise. Trop de confusions subsistent, il convient de les
lever et c’est la raison de cette section. Ce n’est pas parce que la démarche de finance éthique,
que nous souhaiterions défendre et promouvoir, est encore balbutiante qu’il faut refuser tout
questionnement, toute critique ou toute expérimentation, ne sont-ils pas l’essence du progrès ?

1.1.1. Le développement durable : des relations homme nature aux débats sur la
croissance : pourquoi cette prolifération de concepts ?

De quel « développement » parlons nous ? Entre le 10 et le 14 Septembre 2003, les


ministres du commerce se sont rassemblés à CANCÙ pour évoquer les faiblesses du
précédent cycle de négociations commerciales de DOHA. La dispersion spectaculaire des
revendications et des mécontentements (agriculture, médicaments, textile, libéralisation plus
équilibrée, concurrence….) émis par les participants et par la rue résulte-t-elle simplement de
l’addition artificielle de mouvements hétérogènes ? Pousser en parallèle les pays à la
libéralisation de leurs marchés de capitaux et les ouvrir aux flux de capitaux spéculatifs
entraîneraient davantage d’instabilité plutôt que de croissance. D’autres mondes sont
probablement possibles, mais, encore, faut-il être en mesure de les expliciter ! La solution
réside dans un projet choisi, vécu et porté par l’ensemble des parties prenantes dont les
intérêts à long terme sont indissociables. L’OMC sera-t-elle un accélérateur ou un frein à cette
ambition qui consisterait à dépasser les difficultés du court terme, ou sera-t-elle le catalyseur
de l’hétérogénéité des contestations laissant s’imposer le primat de la diversité des aspirations
individuelles. Succès ou échec ? CANCÙ aura montré que l’OMC n’est plus à même de
réguler les relations commerciales et que l’organisation doit évoluer vers un système plus
démocratique ? Entre le multilatéralisme étendu et attendu des pays les plus pauvres et le
bilatéralisme, souvent cher, aux plus puissants, l’incompréhension subsiste entre le Nord et le
Sud ! La dernière conférence, 2005, de l’OMC a rencontré les mêmes obstacles.

Plus récemment, le dernier guide 2005 de l’Observatoire sur la Responsabilité


Sociétale des Entreprises (ORSE) présente une étude sur les enjeux et les responsabilités des
établissements bancaires au titre du développement durable. Ce document insiste sur le fait
que le temps où la sphère financière n’était pas concernée par le développement durable
semble révolu. Il souligne le rôle particulier à jouer par l’industrie financière, en matière de
responsabilités économique, sociale et environnementale. Un secteur dont « l’impact est le
plus structurant sur l’organisation et le fonctionnement de la totalité du système productif ».
Pour crédibiliser le secteur financier, ce guide présente des éléments de réponse :
l’instauration d’une éthique des affaires irréprochable (articulée autour de la déontologie, de
la gestion des risques et des systèmes de contrôle interne), le renforcement du lien sociale et le
dépassements des objectifs de court terme pour gérer une relation de long terme….. Une
première prise de conscience importante mais qui ne clarifie, toujours, pas le concept dans
l’hypothèse où plusieurs appellations se retrouvent sous le même vocable : on parle ainsi, de
développement durable, de responsabilité sociale, de responsabilité sociale et
environnementale ou de responsabilité sociétale…. ! Pourquoi ne pas parler, aussi, de
« PSP » : Progrès Sociétal 14 Partagé 15 ? Cette dernière formulation évitant la juxtaposition

14
Il est à noter que le mot « social » n’a pas la même acception dans les langues française et anglaise, ce qui a
conduit des francophones à distinguer « social » et « sociétal » afin de bien faire apparaître la responsabilité vis-
à-vis des parties prenantes internes (« social » au sens des relations industrielles) et les parties prenantes externes
(« sociétal » au sens de la communauté dans laquelle se trouve l’entreprise, le bassin d’emploi et de vie).

14
préjudiciable des deux termes, développement et durable, conduisant à penser parfois le
contraire de ce qu’ils voulaient exprimer 16. Considérées séparément, les deux composantes du
terme développement durable ont les définitions suivantes : le rapport mondial sur le
développement humain (UNEP, 1994) décrit le développement comme un processus qui étend
le potentiel décisionnel de l’être humain tant du point de vue qualitatif que quantitatif. C’est
ce qui distingue le « développement » de la « croissance », une augmentation quantitative qui
se mesure par des grandeurs physiques. Le mot durable, qui est connoté positivement, est
souvent combiné avec différents substantifs dans les contextes les plus divers, qui n’ont pas
grand chose à voir avec la notion de durabilité. Le terme de « développement durable » qui
doit donc être utilisé dans sa forme composée. Il désigne la possibilité d’assurer une évolution
nécessaire, qui n’est pas limité dans le temps ou, en d’autres termes, le maintien d’une
dynamique et l’augmentation d’un potentiel. En revanche, il ne désigne pas le maintien d’un
statu quo, comme pourrait le laisser entendre le mot « durable » qui désigne ce qui est
constant, permanent, persistant, susceptible de durer longtemps, qui présente une certaine
stabilité. Mais, le statu quo n’ayant pas de valeur intrinsèque, il ne mérite pas d’être maintenu
dans le seul but de le faire. Il importe de disposer d’une échelle de valeurs pour décider de ce
qui mérite d’être conservé, et de la manière dont cela doit se faire. Malgré la marge
d’interprétations inhérentes à ce terme et à la diversité des définitions, parfois contradictoires,
qui en ont découlé, certaines tendances et lignes de force émergent de cet ensemble confus.
Selon l’acception la plus courante, le développement durable résulte de l’évolution
harmonieuse de trois dimensions interdépendantes :
- la composante économique est liée à la création de richesse et à l’amélioration des
conditions de vie matérielles,
- la composante sociale englobe les domaines de la santé, de l’éducation, de l’habitat,
de l’emploi, de l’équité intra et intergénérationnelle 17 ainsi que la prévention de l’exclusion
sociale.
- la composante écologique se préoccupe de la préservation de l’environnement.
Le développement durable n’est pas un domaine à part, mais une approche intégrative, un
cadre conceptuel pour une évaluation stratégique globale.

Comme l’écrivait Boileau dans l’art poétique : « Ce qui se conçoit bien s’énonce
clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », il reste encore beaucoup de chemin à
parcourir pour que cette expression de développement durable soit comprise et appliquée par
les six milliards trois cents millions d’habitants de notre planète dont la préoccupation
majeure est sa survie. Donnons du temps au temps, notre planète ne dispose-t-elle pas, encore,
de cinq milliards d’années avant de disparaître par explosion du soleil ? Mais, tout semble
dire qu’en n’y prenant pas garde, la longévité de notre humanité pourrait bien se trouver
réduite à quelques siècles ! Après avoir subi la nature, l’homme s’est efforcé de la modeler
selon ses besoins jusqu’à se donner, du moins dans la culture occidentale, l’illusion qu’il
pouvait totalement la maîtriser. Depuis la découverte du feu, la longue interaction
homme/nature a connu différentes évolutions d’ordre naturel, civilisateur et démographique
qu’il n’est pas inutile de se remémorer afin d’en mieux comprendre la genèse et les

15
Formulation employée par Michel Le Net dans l’éditorial de la revue « Entreprise Éthique », n° 16, avril 2002
16
Toujours selon Michel Le Net et dans le cadre de la même référence précédente : « Qui dit développement, dit
croissance. Qui dit durable, dit permanence. Donc développement durable = croissance permanente, c'est-à-dire
littéralement surexploitation persistante de notre planète ». Le second chapitre de cette première partie de
l’ouvrage nous donnera l’opportunité de débattre des théories sur la croissance et ses limites.
17
Se conformer à «l’équité intergénérationnelle », selon l’expression de Cyril Demaria, dans son ouvrage,
développement durable et finance , Maxima, paris 2004, page 9, « signifie prendre en compte les besoins futurs
des générations à venir, c'est-à-dire leur donner une voie (même théorique) dans un débat d’actualité comme
celui des choix énergétiques ou du financement de la recherche ».

15
conséquences. De la cueillette (- 400 000 ans) à l’apparition de l’agriculture (- 10 000 ans), en
passant par les premières utilisations des ressources non renouvelables (- 3 000 ans),
l’équilibre agro-sylvo-pastoral du Moyen Âge, le mercantilisme (vers 1 400 ), le premier
recours aux énergies fossiles (vers 1750), l’urbanisation et la révolution industrielle de la fin
du 19ème siècle, la première prise de conscience environnementale des années 1970 avec la
crise du pétrole, le développement des biotechnologies vers 1980 et l’apparition des premières
véritables résolutions de 1992 à Rio, une succession d’étapes bercées d’illusions que la nature
s’est, souvent, chargée de dissiper. Sa domestication par l’homme pourrait très bien connaître
des limites irréversibles.

Dans un mémoire présenté, fin 2002, à la Commission des Finances publiques de


l’Assemblée nationale du Québec, nous avions retenu la définition entérinée par 182 pays au
sommet de la terre de Rio de Janeiro en 1992, selon laquelle le développement durable est un
concept à la fois politique, social et économique qui se définit par « la capacité des
générations futures à satisfaire leurs besoins sans compromettre l’aptitude des générations
futures à couvrir leurs propres besoins ». Dans ce même document nous nous interrogions
aussi si le développement durable, la responsabilité sociale des entreprises et l’éthique
économique sont des mythes, des modes ou des réalités ? Pour le développement durable nous
complèterons cette définition en précisant qu’il doit affirmer une volonté et afficher un défi.
En France, selon, l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales : « la
volonté est de concilier développement économique, justice sociale et protection de
l’environnement planétaire à long terme, tout en rééquilibrant les rapports Nord-Sud. Le défi
est de construire une régulation internationale permettant de maîtriser les conséquences
sociales et environnementales de la mondialisation des économies. Le développement durable
concerne tous les acteurs du développement économique et social : entreprises, associations,
investisseurs, pouvoirs publics, collectivités locales, scientifiques et citoyens ». De l’origine
probable du concept de développement durable dans le cadre des travaux du « Club de
Rome » (1970), en passant par les conférences de Stockholm (1972) et Cocoyoc au Mexique
(1974), puis par la commission Brundtland (1983/1987), la conférence de Rio (1992) et le
sommet de Johannesburg (1992), cette chronologie historique, non exhaustive, pourrait, aussi,
souligner la difficulté d’asseoir une notion partagée par le plus grand nombre.

Concept global intégrant des responsabilités extra financière, sociale,


environnementale des entreprises désormais sommées d’être citoyennes, le développement
durable semble progresser et faire évoluer les responsabilités du management dans chaque
fonction de l’entreprise. Né pour corriger les effets écologiques et sociétaux destructifs à long
terme du « pure » développement économique et court-termiste imposé par la mondialisation,
le développement durable change de dimension : il ne concerne plus simplement les
organisations internationales et les États (dimension macroéconomique) mais, les entreprises
(dimension microéconomique, depuis 2002 en France) qui se doivent de l’intégrer en rendant
des comptes à l’ensemble de la société qui ne se satisfait plus d’intentions et exige des
pratiques concrètes. Toutes les entreprises ont-elles les moyens du développement durable ;
Involontaire car non explicite, cette contribution à l’apparition d’une conscience « citoyenne »
est très rarement sous-tendue par une gestion structurée et affichée de développement durable.
Une telle gestion, outre la taille de l’entreprise, se doit d’être réfléchie et choisie. Elle
implique un coût. Les logiques d’actions sont encore déclinées à partir de la prééminence de
l’économie et les obligations des entreprises, surtout moyennes et petites se situent dans le
court terme. Allez expliquer à un banquier que l’on souhaite investir dans une perspective de
rentabilité économique possible à 50 ans ! Le développement durable invite à une projection
dans le temps, dans l’horizon de la prospective. L’adoption par une entreprise d’une démarche

16
de développement durable a beaucoup plus de conséquence pour son développement futur que
la seule prise en compte de l’environnement. L’entreprise n’a pas encore les moyens du bien
commun, elle y contribue sous la contrainte des objectifs qu’on lui assigne ; Pour maîtriser cet
antagonisme des temps et peut être atteindre le « Bonheur National Brut », il est nécessaire de
penser autrement. L’essence même du développement durable peut difficilement être plus
éloignée des habitudes séculaires « gauloises ». Cela revient à mettre à égalité l’État, le privé
et la société civile. La théorie des parties prenantes nécessite de profonds changements dans
l’action et la réflexion. Ce domaine fera l’objet des sections consacrées aux domaines des
possibles. Dans cette partie, nous souhaitions simplement insister sur le poids des définitions.
Il est en effet possible de dire un peu n’importe quoi du développement durable. En parlez
c’est bien, vous êtes à la mode ! Le développement durable est un peu, aujourd’hui ce que
l’environnement était hier, la recherche développement avant-hier, les bienfaits du progrès, il
y a bien longtemps. Tous les arguments invoqués pour défendre ces honorables causes étaient
à la fois vrais et éphémères. Quand la croissance et l’emploi ne sont plus au rendez-vous, nous
demandons aux innovations d’accourir. Après quelques embellies passagères, nous oublions
très vite de les accompagner financièrement !

1.1.2. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise.

Si l’on considère, aujourd’hui, la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, comme une


déclinaison du développement durable transposée à l’entreprise, force est de constater qu’elle
lui était peut être antérieure et d’où le fait que coexisterait, en France, deux définitions de la
RSE. La première serait issue des réflexions sur le développement durable appliquées à un
acteur, les entreprises. La seconde définition serait une attitude responsable que les acteurs
(parties prenantes, mais, aussi, gouvernants et organisations internationales) souhaiteraient
que les entreprises adoptent au regard des conséquences économiques, sociales et sociétales
entraînées par la financiarisation de l’économie. Les deux courants de la RSE, celui issu des
concepts de développement durable (World Business Council for Sustainable Developpement)
et celui en corollaire de la faillite de l’Etat providence illustré par les mouvements du
Corporate Social Responsability et du Business for Social Responsability se rejoignent sous
l’égide de l’ONU et de l’Union européenne. Le Livre vert de la Commission européenne du
18 juillet 2001 définit, en particulier, la responsabilité sociale des entreprises comme
« l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs
activités commerciales et leurs relations avec toutes leurs parties prenantes internes et
externes (actionnaires, personnels, clients, fournisseurs et partenaires, collectivités
humaines…) et ce, afin de satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables et
investir dans le capital humain et l’environnement » La citoyenneté ou responsabilité
d’entreprise est un engagement à respecter, un ensemble de principes qui dépasse la simple
application des dispositions légales. Ces principes sont souvent fondés sur des instruments
internationaux universellement reconnus comme les conventions de l’Organisation
Internationale du Travail (OIT), la déclaration des droits de l’homme et la déclaration de Rio
sur le développement durable. Les domaines sur lesquels s’exercent la responsabilité
d’entreprise sont : l’environnement, les conditions et normes du travail, les droits humains,
l’éthique des affaires (ou lutte contre la corruption) et le gouvernement d’entreprise. La
responsabilité sociale consiste à assumer les conséquences de ses actes et de ses choix, sur le
plan social, environnemental et économique. Ainsi, ce concept conduit un certain nombre
d’entreprises à mieux observer et à mieux agir sur leurs impacts environnementaux et sur la
communauté dans laquelle elles opèrent (le respect des « stackeholders » ou parties prenantes.

17
Cette politique du « socialement responsable » induite dans les entreprises semble,
aujourd’hui, pouvoir prétendre à une certaine légitimité du fait de son institutionnalisation et
de sa récente réglementation. Elle semble, aussi, désormais correspondre à une certaine
éthique de l’entreprise : l’éthique étant considérée ici comme une science des principes
régulateurs de l’action et de la conduite morale. Elle devient une norme économique et
sociétale (sociétale pour exprimer la responsabilité sociale et environnementale). Dans la suite
de l’ouvrage, nous utiliserons alternativement les deux expressions sans qu’elles revêtent une
signification distincte. Ce concept de responsabilité sociétale peut être la résultante et
l’expression du paradigme du développement durable, qui doit « satisfaire les besoins actuels
des populations sans compromettre ceux des générations futures » et ce, en recherchant
conjointement et harmonieusement le progrès économique, l’équité et la dignité sociale tout
en sauvegardant l’environnement et la nature. Pour notre part, il serait sans doute plus
judicieux de parler simplement de « responsabilité des entreprises » puisque le concept de
RSE tel que défini précédemment par la Commission européenne englobe la triple approche :
économique, environnementale et sociale. La RSE est également liée à des valeurs éthiques et
c’est la raison pour laquelle nous justifierons dans la section 1.1.6. la nécessité de l’émergence
d’un référentiel plus universel d’exigences éthiques pour pérenniser cette nouvelle richesse de
toute entreprise ou collectivité que constitue le « capital humain ».

1.1.3. La finance responsable

La finance responsable s’appuie sur l’idée qui consisterait à rechercher un juste


rendement des capitaux dont on dispose, mais pas à n’importe quel prix. Selon, Éric
Loiselet 18, associé fondateur du cabinet Terra Nova Conseil, précise « La finance responsable
prend plusieurs formes : - les placements socialement responsable, avec : d’une part, les
fonds « filtrés » (forme la plus connue en France), qui construisent leur univers
d’investissement en prenant en compte des critères extra financiers ; d’autre part,
l’engagement actionnarial, qui consiste à exercer les droits des associés à la détention des
titres pour exercer une influence sur les entreprises ;- l’investissement socialement
responsable, avec : d’une part, le capital développement « socialement responsable »,
contribuant au développement de nouvelles entreprises créatrices d’emploi (cas des fonds de
travailleurs québécois et canadiens) ou concourant au respect de l’environnement ; d’autre
part, la contribution au financement de l’économie solidaire, via l’investissement dans des
entreprises solidaires ou structures financières, concourant au développement de ces
dernières. ». Bien que peu usité, nous tenions à présenter ce vocable afin de mettre en
évidence la diversité et la richesse du vocabulaire mais, aussi, pour souligner que c’est une
source de confusions et parfois d’incompréhensions, surtout à l’international où l’impact
socioculturel vient bouleverser les perceptions.

1.1.4. L’Investissement Socialement Responsable.

L’investissement socialement responsable (ISR) consiste à intégrer des critères sociaux et/ou
environnementaux dans toute décision d’investissement, sans abandonner la recherche d’une
rentabilité financière. Très souvent encore, ces critères viennent compléter l’analyse
financière traditionnelle et permettent la création de fonds d’investissement spécifiques pour
18
Éric Loiselet, « L’ISR l’âge de la diffusion », L’Economie politique, finance responsable, avril/mai/juin 2003,
p.63 et ss.

18
une clientèle de particuliers ou d’institutionnels ; L’ensemble de ces critères repose sur les
concepts précédemment définis de « développement durable » et de « responsabilité sociale
des entreprises », selon lesquels tout modèle de croissance économique de long terme doit
passer par le respect de l’homme et de l’environnement, au nom de la protection des
générations futures. On admet couramment que l’ISR. recouvre, principalement, les volets
suivants :

- les fonds socialement responsables ou de développement durable : ils croisent des


critères d’évaluation sociaux, environnementaux avec des critères traditionnels et
financiers pour l’analyse des grands groupes côtés.
- les fonds d’exclusion ; les plus répandu dans les pays anglo-saxons se contentent
d’exclure pour des raisons morales et/ou religieuses, certains secteurs d’activité
comme l’armement, le jeu, le tabac, l’emploi des enfants….
- L’engagement actionnarial pour lequel les investisseurs vont exiger des groupes
internationaux et nationaux côtés une orientation politique de responsabilité sociale
à travers l’exercice des droits de votes ou l’amplification et la transparence des
informations financières communiquées.
- D’autres voies émergent avec de nouveaux acteurs mais aussi avec d’autres
interrogations : le Comité intersyndical pour l’épargne salariale (CIES) créé en
janvier 2002 par la CFDT, la CFTC, la CGC et la CGT et dont la vocation
essentielle est d’infléchir la gestion de l’épargne salariale par des considérations
sociales et environnementales. Le CIES accorde un label, limité dans le temps, à
des offres de produits de gestion de fonds d’épargne salariales et non aux sociétés
de gestion elles-mêmes. Le fonds de réserve des retraites, la diversification de
l’offre des agences de notation (notation sollicitée qui peut être demandée par toute
entreprise), l’arrive des investisseurs institutionnels, la reconversion des situations
de nos grands capitaines d’industrie (subrepticement au moment du départ à la
retraite, il passe de PDG à Président du Conseil de Surveillance, c’est le retour aux
directions bicéphales tant décriées !). Paradoxalement, le secteur mutualiste (mise
à part quelques mutuelles d’assurance de Niort et le Crédit Coopératif) que les
valeurs fondatrices pourraient porter spontanément vers l’ISR. et/ou l’épargne
solidaire, témoigne encore d’une nette réserve…………..
1.1.5. L’épargne solidaire

La finance éthique ne saurait se limiter à l’ISR., il y a lieu de ne pas omettre la phase


épargne représentée par les fonds de partage et les produits financiers solidaires. Les premiers
consistent à rétrocéder une part des bénéfices récoltés par les fonds à des associations
caritatives ou à des ONG, les seconds sont des produits d’épargne destiner à financer des
projets d’économie solidaire (par exemple, les fonds solidaires dits « Loi Fabius » qui
détiennent (5 à 10% de titres d’entreprises solidaires, ils privilégient le développement de
l’économie locale et régionale, de l’insertion et du micro crédit….). L’épargne solidaire a
pour objet de financer des opérations solidaires qui ne trouvent pas de réponse dans les
circuits financiers classiques, les opérations peuvent concerner : l’insertion, les innovations
sociales, le logement social et le développement Nord-Sud… Les mécanismes de l’épargne
solidaire distinguent les produits de partage (reversement au minimum par l’épargnant de
25% des revenus générés chaque année afin de bénéficier des réductions d’impôts), les
produits d’investissement solidaire (pour obtenir ce qualificatif et bénéficier de dispositions
fiscales particulières, la loi exige qu’au moins 10% de l’investissement soient consacrés au
financement de projets solidaires : insertion et création d’entreprises, logement social et le
développement Nord-Sud) et les produits d’épargne solidaire (essentiellement sous forme de

19
livrets, OPCVM, contrats d’assurance vie et certains établissements bancaires développent
une action au quotidien, exemples : du Crédit coopératif qui pour tout retrait effectué avec la
carte bleue « Agir » verse 6 centimes d’euros à une association choisie par le titulaire de la
carte ou de BNP Paribas qui se propose de verser les rompues d’opérations, c'est-à-dire les
centimes d’euros aux associations figurant sur une liste)

1.1.6. La finance éthique

Quant à l’éthique : doctrine du bonheur des hommes et des moyens d’accès à cette fin,
règles de conduites, elle a, déjà, une histoire. Présentée comme une valeur montante de la vie
des affaires dans les années 90 (comités d’éthique, déontologues, philosophes…. étaient les
nouveaux sages des grandes entreprises) l’éthique s’est trouvée, aujourd’hui, un puissant
concurrent dans la stratégie managériale moderne, le développement durable ; Ils ont bien des
points en commun et les tentatives de formalisation des concepts précédemment évoqués les
présentent bien comme des guides d’actions qui intègrent les impacts des décisions de la
firme bien au-delà de ses seuls intérêts immédiats. Comme le souligne, fort justement,
Guillaume Eliet, dans un article du journal Les Echos daté des vendredi 16 et samedi 17 juillet
2004 19 : « L’éthique n’est pas soluble dans le développement durable ou même dans la
responsabilité sociale des entreprises. Au contraire, par essence, l’éthique transcende chacun
de ces sujets, qui n’en constituent, en quelque sorte, que des déclinaisons
concrètes »….. »Face aux conflits de valeurs qui agitent le capitalisme – le progrès et
l’emploi, l’argent et le travail, le marché et l’investissement de long terme, le profit et le
partage -, l’éthique doit se garder de toute attitude dogmatique, mais adopter une démarche
d’ouverture afin de conduire les esprits à respecter les confrontations et les remises en
question ». Dans l’humilité et sans se comporter en juge, l’éthique, qui transcende le
développement durable et la responsabilité sociale de l’entreprise, se doit de prendre position.
C’est ce qui la différencie de la déontologie, qui elle n’entend pas porter de jugement sur la
finalité de l’activité déployée, dés lors que cette dernière s’inscrit dans un cadre légal. Alors
que l’éthique porte sur le sens de l’agir, la déontologie financière se refuse à intervenir sur le
choix des investissements, y compris dans le domaine des fonds éthiques qui eux peuvent être
amenés à écarter des valeurs contraire à l’ordre moral ou à ne pas investir dans des sin stocks
(« valeurs du péché » des entreprises d’armement, des fabricants de tabacs ou d’alcools, des
valeurs de sociétés dont l’activité repose sur les jeux d’argent ou la production de films à
caractère pornographique…). Comme nous l’avons déjà précisé en introduction, nous
n’opérerons pas de distinction entre la morale et l’éthique considérant avec Jean Moussé 20 ou
Paul Ricœur 21 que rien dans l’étymologie ou dans l’histoire de l’emploi des mots n’impose
une distinction. « Si éthique vient du grec (ethos) et morale du latin (mores), les deux termes
renvoient à l’idée de mœurs » 22. C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous avons
délibérément choisi de parler, plus volontiers, de finance éthique, en raison de la portée plus
générale du vocable et des nouveaux enjeux que l’actualité lui envoie, au risque de ne pas
succomber, dans le vocabulaire, aux phénomènes de mimétisme ou plus simplement de mode

19
Le point de vue de Guillaume Eliet, avocat à la cour, cabinet Coudert Frères, administrateur du Cercle
d’Éthique des affaires : « La nouvelle éthique des affaires », p. 13.
20
Moussé J., Éthique des affaires : liberté, responsabilité, le décideur face à la question éthique , Dunod, 2001
21
Ricoeur P., « Éthique et morale », Rev ; Institut Catholique de Paris, n°34, avril juin 1990, p.131.
22
Gizard B. et Deschanel J-P., Déontologie financière, brèves leçons , Revue Banque Édition, 2001, p.12.

20
Chronologie succincte de la doctrine « du bonheur des hommes » : l’éthique!
Tableau I

1880 1936 1945 1970 1990


Évènements Révolution Thèses Reconstruction Crise de La
industrielle socialistes l’État globalisatio
providence n
Innovations Découverte Le nylon, le La bombe H La lune (69) La
du pétrole en magnétophon téléphonie
mer, le train e mobile
électrique
Faits socio- Le Essor du Les L’entrepris Déontologie
économique paternalism syndicalisme nationalisation e citoyenne
s e s

Un second tableau pourrait compléter ce cheminement sous l’angle de l’évolution des


concepts et des acteurs au cours des quinze dernières années :

Tableau II

1987 1992 2002


Évènements Commission Sommet de la terre, Sommet Mondial du
Brundtland Rio : CNUED Développement
Durable,
Johannesburg
Concepts Halte à la croissance Développement Triple performance :
durable et RSE économique,
environnementale,
sociale
Acteurs Scientifiques et ONG Nations, L’entreprise
Gouvernements

Dés 1990, on est déjà bien loin des thèses libérales de l’économiste Milton Friedman
qui voulait dans la décennie 70 que la seule morale des entreprises soit de ne pas avoir de
morale. Aujourd’hui, non seulement on parle d’éthique, mais on sait, aussi, que ce concept
n’est plus contre-productif. L’éthique paie, elle est, même, une condition de la réussite de
l’entreprise. Pas désintéressée, elle constitue un moyen et un argument de stratégie
commerciale : une forme de continuation de la guerre économique par d’autres moyens !
L’affaire Enron, la corruption dans les entreprises, mais aussi les marées noires, l’affaire du
sang contaminé, Bhopal, les OPA inamicales ou encore l’explosion de l’usine AZF à
Toulouse sont autant d’événements qui ont contribués à l’engouement du grand public pour
l’éthique qui apparaît comme une réponse à un capitalisme excessif et irresponsable.
L’éthique pourrait se définir comme un mode de comportement reposant sur des valeurs
morales qui induisent des principes d’action. La difficulté est de faire partager les mêmes
valeurs aux actifs et aux populations d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie ! Ces
inquiétudes ont entraîné des nouveaux comportements. En Amérique du Nord et en Europe
des « consomm’acteurs » sont en quête de valeurs, d’identité et de sens. Un nombre croissant
de citoyens refuse d’encourager par leurs achats des formes avilissantes de production ou de

21
commerce inégalitaire ? « Fair Trade, Not Aid » ne se limite pas à l’achat de produits
écologiquement et socialement propres, il suppose une éthique personnelle fondée sur une
juste compréhension de nos besoins et de ceux des autres. Cependant, les activités financières,
telles qu’elles sont aujourd’hui réalisées, portent souvent atteinte à l’intérêt général. En effets,
les intérêts particuliers sont souvent privilégiés, en totale contradiction avec le rôle et les
principes de la profession. Si les activités financières ont depuis toujours été considérées
comme immorales par leur propre nature, dans notre contexte économique actuel la prise de
conscience de leur utilité et même de la nécessité d’y recourir les ont rendu acceptables ; Le
rôle de la finance éthique est en passe d’évoluer : de la critique du système capitalistique, elle
pourrait aspirer à en devenir le garant de son bon fonctionnement. C’est le sens et la
dynamique portée par cet ouvrage dont les chapitres suivants vont s’évertuer à démontrer que
finance et éthique ne sont pas antinomique. Enfin, la mondialisation, traduisant ses principes
en gouvernance, s’appuie sur une éthique universelle (le 15 octobre 2001, le président jacques
Chirac ne déclarait-il pas devant l’UNESCO : « Ne craignons pas d’affirmer l’existence d’une
éthique universelle, celle qui inspire la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme….Elle
est humanisme, elle est de tous les peuples, de toutes les nations, de toutes les religions…. »)
qu’elle transforme en éthique pratique. D’un objectif humaniste universel à l’éthique pratique,
c’est le sens de notre tableau II sur l’évolution des concepts et des acteurs qui met en évidence
cette appropriation progressive des dispositifs et des pratiques par l’entreprise (des
scientifiques aux états et à l’entreprise). La genèse de ce lent processus se repère selon trois
phases :

- l’éthique d’Aristote décrite comme une discipline pratique portant sur l’action, le
management responsable pouvant en représenter une traduction pragmatique
- le passage d’une éthique de conviction à une éthique de responsabilité qui s’accomplit, en
premier lieu, par un adossement au précepte de Kant : « Agis toujours de felle sorte que la
maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle » et en second lieu, selon la
typologie de Max Weber 23, « l’éthique de la besogne » qui représente l’intégration des valeurs
humaines dans la sphère de l’action.
- autour des principes éthiques, sociaux et environnementaux élaborés sur la base des travaux,
premièrement, de Hans Jonas : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles
avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre et ne soient pas destructeurs
pour la possibilité d’une telle vie »24, deuxièmement, de John Rawls : « Si, selon le principe
d’égale liberté, chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu, selon
le principe de différence, des inégalités peuvent être justes s’il y a des compensations en plus
pour les plus défavorisés »25. Ces travaux contribueront aux énoncés des déclarations de Gro
Harlem Brundtland en 1987 et de Rio en 1992.

23
L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1904-1905, , réédition Flammarion, 2000
24
Principe responsabilité écrit par Hans Jonas en 1971, Philosophe allemand (1903-1993), publié en France
par les Éditions du CERF, Paris 1990. Critique à l’égard des sciences et des techniques, Hans Jonas développe
une éthique du futur, dont nous sommes tous responsables, afin de « maintenir une vie authentiquement humaine
sur terre ». Il défend une politique autoritaire face à la consommation débridée et préconise une « expectocratie »
si la course au progrès perdure.
25
Le principe de justice , publié par John Rawls en 1971

22
Tableau récapitulatif de la finance éthique ou l’imbrication des modes de gestion
Tableau III

Catégories Mode de Pratiques Critères Performances


sélection escomptées

Fonds -critères - Exclusion des - Boycott - Plus-values


négatifs titres ne - Benchmark financières
éthiques et -critères positifs respectant pas - introduction - Plus-values
fonds les critères de données citoyennes ou
socialement - Sélection sur extra- éthiques
la base de ceux financieres
responsables qui respectent le
mieux
-Activisme
actionnarial

Fonds critères positifs -Redistribution Citoyenneté -Rendement


orientés partielle ou Partage -Plus-value
solidaires citoyenneté totale du Solidarité sociale
et/ou solidarité résultat Exclus des
-vocation institutions
solidaire conventionnelles

1.2. Poids économique et axes de développement

Comme nous venons de le voir, la finance éthique qui revendique une démarche
alternative (celle de réconcilier finance et éthique, solidarité et développement durable…)
connaît une expansion affirmée ces dernières années, même, si l’analyse du secteur permet
d’identifier des pratiques très différentes, dont bon nombre n’ont qu’un rapport éloigné avec
l’éthique ; C’est la raison pour laquelle nous avons pris soin de distinguer les fonds éthiques
et de développement durable des fonds solidaires. La faible différence dans la composition
des portefeuilles des fonds éthiques et de développement durable avec les fonds traditionnels
(OPCVM classiques) nous amène à penser que les critères de sélection largement définis par
les agences de rating social sont assez peu contraignants, permettant ainsi à la majorité de ces
fonds d’endosser le « label » éthique ! Dans ces conditions, si l’éthique s’avérait une notion
suffisamment malléable dans cet univers impitoyable de la finance, alors ses détracteurs
auraient beau jeu de l’assimiler à du marketing financier. Le caractère socialement
responsable des fonds dits solidaires écarterait cette dernière hypothèse, mais, la faiblesse des
montants qu’ils mobilisent, jusqu à présent, incite à relativiser leur portée. Pour s’en
convaincre voici quelques données quantitatives (ce point ferra l’objet d’un développement
plus précis sur la base de la dernière étude Novethic, de juillet 2005, intitulée « Marché

23
financier de l’ISR., gestion collective et dédiée, particuliers, institutionnels et épargne
salariale » et ce, dans le cadre de la seconde partie de l’ouvrage, chapitre I : La situation
française, entre épargnants, projets et poids économiques) : en France le mouvement de la
finance éthique est beaucoup plus récent qu’aux Etats-Unis ; Le premier fond éthique a été
créé en 1983 sur l’initiative d’une congrégation religieuse et de sœur Nicole Reille 26. A la fin
des années 80, 3 fonds étaient disponibles sur le marché français dont 2 à vocation religieuse.
Ce n’est qu’au cours de la seconde moitié des années 90 que le marché national a connu son
véritable essor. Le nombre de fonds ISR (fonds éthiques et socialement responsables dans
notre typologie du tableau III) est passé de 7 en 1997 à 42 en décembre 2001. Cette
progression s’explique notamment par l’entrée sur ce segment de réseaux bancaires très
structurés comme le Crédit agricole, la Société générale et la BNP. D’après les récentes
données publiées, en juillet 2005, par le cabinet Novethic, le marché français de l’ISR. a
représenté 6,9 milliards d’euros en 2004. Selon le dernier indicateur Novethic au titre de
2005 : « l’encours des fonds ISR a presque atteint les 10 milliards d’€. La principale raison de
ce doublement est due au développement d’une offre obligataire et monétaire de DEXIA
AM., principal offreur étranger et leader du marché de l’ISR. avec près de 3 milliards d’euros
d’encours sur des fonds ouverts et commercialisés en France……. Le nombre de fonds (128
contre 80 à fin 2002 et leur taille continuent d’augmenter alors que le nombre de sociétés de
gestion se réduit (44 à fin 2005 contre 49 à fin 2004) ».
Par ailleurs, selon le baromètre Finansol-La Croix Ipsos 27, les français commencent à
connaître de mieux en mieux l’épargne solidaire et l’offre des banques et des acteurs
spécialisés (associations et fondations) s’est diversifiée. Les encours ont progressé de 76% en
2003, pour atteindre 536 millions d’euros (613 millions à la fin 2004, soit une nouvelle
progression de 14 % pour la quarantaine de fonds labellisés) 28. Avec 138 millions d’euros,
l’épargne salariale a largement contribué à cet essor. Ainsi, 65 000 des 116 000 épargnants
solidaires des fonds labellisés « Finansol » 29 ont souscrit à des fonds proposés dans le cadre
de leur entreprise. Désormais, les épargnants solidaires disposent d’une quarantaine de
produits d’épargne solidaire « labellisés par l’association Finansol, soit plus de la totalité du
marché (seuls quelques petits fonds locaux ou régionaux échappent au label Finansol, ne
jugeant pas nécessaire d’adhérer à cette association). En terme de rentabilité, ces produits
affichent des performances financières positives en 2003 et comparables à celles des offres
classiques. Ce développement a été favorisé par les lois sur l’épargne salariale qui ont
engendré un nouveau type de produit d’épargne solidaire (les FCPE solidaire) et l’émergence
de la diversification de l’offre précitée (livret solidaire, OPCVM…) qui a permis une
démocratisation de cette forme d’épargne. Seule ombre au tableau : il n’existe pas
d’estimation officielle des sommes versées par les fonds de partage. Seule l’association
Finansol s’efforce d’évaluer le montant des dons versés aux associations bénéficiaires, mais
uniquement pour les produits labellisés par ses soins. A titre indicatif, fin 2001, alors que les
encours totaux de l’épargne solidaire n’atteignaient que 100 millions d’euros, la part de
l’encours transformé en dons était estimée à 2,1% ! Il est à noter une assez grande disparité

26
En France, s’est une congrégation religieuse qui est à l’origine du premier « fonds éthique » : Nouvelle
stratégie 50, créé en 1983 par la société de Gestion Meeschaert sous l’impulsion de sœur Nicolle Reille.
27
Publié le 9 novembre 2004
28
Le rapport Finansol et les données statistiques sont publiés régulièrement en novembre de l’année suivante de
celle de l’arrêté des chiffres.
29
Le label Finansol a pour principal objectif d’éclairer les souscripteurs dans l’univers de l’épargne solidaire. Le
produit ainsi labellisé doit répondre à l’un des deux critères de solidarité : 1/ 10% de l’épargne collectée doit être
destinée au financement d’activités solidaires, 2/ au moins 25% du revenu de cette épargne collectée est destiné
au financement d’activités solidaires. Le produit doit être conforme aux trois critères de transparence suivants :
1/ le souscripteur doit disposer d’un dossier de présentation du produit 2/ il doit être informé du régime fiscal
dont relève le produit 3/ Il doit être informé sur les actions de solidarité conduites.

24
entre les modalités retenues par les gérants de fonds pour composer le don à verser aux
associations ou ONG bénéficiaires : majoritairement, c’est une partie variable du produit
généré par les placements et donc supportée par l’épargnant, d’autres choisissent d’affecter
une partie des frais de gestion et des droits d’entrée pour ne pas pénaliser le souscripteur, les
faibles montants dégagés par cette dernière option relativisent, alors, le caractère solidaire du
placement. Fonds éthiques et socialement responsables plus épargne solidaire, malgré leur
forte évolution et l’approximation de certaines données statistiques, demeurent en dessous des
2% des encours nationaux en matière d’OPCVM.

« Extrait du rapport moral 2006 sur l’argent dans le monde », publié par la Revue
d’Économie Financière, texte de Michel Roux :

Entre perte de confiance et prise de conscience : quel rôle pour la finance


éthique dans l’entreprise ?30
Michel Roux 31

Entre perte de confiance et prise de conscience, les implications de la responsabilité


sociale sont souvent peu comprises par le secteur financier en termes de risques mais aussi
d’opportunités de création de valeur. Dans ce contexte la question est de comprendre si la
légitimité dont la sphère financière peut se prévaloir pour mettre en place de telles actions et
démarches relevant de l’éthique, de la responsabilité sociale et du développement durable, est
fondamentalement compatible avec la recherche de rentabilité. Ces actions ou ces pratiques
sont-elles de nature à être promues par un modèle d’entreprise en particulier ? Un sujet qui
n’est pas nouveau, un sujet source de nombreux débats. Il est vrai que la finance a la charge
de mettre en œuvre des stratégies de pouvoirs et se trouve donc considérée souvent comme
immorale par nature. Mais, dans notre contexte d’internationalisation des échanges et de
financiarisation 32 de l’économie qui place l’entreprise de moins en moins sous l’emprise du
crédit bancaire au profit des financements de marchés 33 et de l’obsession du résultat, la prise
de conscience de l’utilité de la finance et même de sa nécessité d’y recourir la rendrait-elle,
progressivement, tolérable ? Cet article se propose d’analyser les raisons de la promotion de
l’éthique dans la finance et la mutation du système capitaliste. Comment appuyer l’action et la
réflexion, comment agir dans l’incertitude tout en répondant sereinement des choix des
investissements de demain, en milieu culturels et sociologiques différents ? Personne ne
possède le monopole de l’éthique, cependant, entre l’investissement socialement responsable
et l’épargne solidaire, des acteurs différents interviennent avec des perspectives et des
méthodes spécifiques. Pour comprendre et agir, il est donc opportun de dresser une
cartographie et une typologie des nouveaux acteurs, de leurs méthodes et de leurs
perspectives. Bref, une analyse dynamique de la finance éthique en soulignant la nécessité, les
limites et les conditions à remplir pour qu’elle puisse, peut être, infléchir notre modèle
économique et le conduire à intégrer le temps comme facteur de convergence entre l’homme
responsable et une pérennisation de l’activité économique. Pour conduire ce cheminement et
cette réflexion, nous nous proposons de présenter : 1°/ un bref état des lieux de la finance

30
Cet article est largement inspiré et repris du livre de l’auteur : Finance éthique : structure, acteurs et
perspectives en France, Revue Banque Édition, nov.2005.
31
Doyen de la Faculté de Sciences économiques et de Gestion de l’Université Paris XIII et membre du Centre
d’Economie Paris Nord (unité mixte de recherche CNRS n° 7243).
32
Par financiarisation de l’économie, nous entendons le rôle de plus en plus important accordé à la finance sur le
commerce et l’industrie.
33
Sur ce sujet, lire, en particulier, La tyrannie des marchés, H. Bourguignat, Éditions Economica, 1995.

25
éthique, entre perte de confiance et prise de conscience ? (Section I). 2°/ les discernements et
les finalités : pour quelles perspectives ? (Section II) 3° / Entre résilience et « compliance » :
quel pourrait être le rôle de l’État dans la promotion de cette finance éthique ? (Section III).
Section I : état des lieux de la finance éthique, entre perte de confiance ou prise de
conscience ?
Ni texte de morale, ni texte de droit, cet article emprunte à un ensemble de disciplines
pour stimuler les comportements et provoquer le discernement des investisseurs et des
épargnants sans sous estimer le poids de la complexité de notre monde. Dans une période où
l’intelligence économique s’affirme, ces quelques mots se voudraient veilleurs et éveilleurs
dans une quête du sens à donner aux espaces de relations inattendues générés par le progrès
économique et les nouvelles technologies : de l’individuel au collectif, de la dépendance à
l’interdépendance, du non marchand au marchand……Mais, avant d’atteindre cet objectif
ambitieux, il convient de s’accorder sur des définitions et des repères.
1.1 De quelques définitions…

Ethique et ou morale ? Pour notre part, nous utiliserons indifféremment les deux
vocables pour exprimer la même chose. Pourquoi ? Pour les uns, la morale (« ensemble des
règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société, théories des
fins de l’action de l’homme… »), elle exprime les principes. Pour les autres, l’éthique
(« partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale, ensemble de règles de
conduite… »), elle exprime leurs applications et inversement ! A partir du vécu, nous
demeurerons pragmatiques sur ce sujet, à l’image des anglo-saxons lorsqu’ils abordent les
questions de « Business Ethics ». Les principes sont indissociables de leurs applications. Dans
le fonctionnement actuel de notre économie, l’éthique interpelle les convictions de chacun.
Elle s’impose progressivement à travers les lois 34, le pouvoir judiciaire et les débats sur
l’enrichissement des uns et l’exclusion des autres. De plus en plus, le discernement de chacun
est sollicité pour apprécier les situations et agir, comme le souligne, notamment, Jean
Moussé : « au-delà de la compétence, toute décision met en œuvre la personnalité de celui qui
la prend dans la complexité des relations économiques, sociales, politiques et dans la
permanente évolution technologique. Elle inclut sa culture et les objectifs conscients ou
non »35. Et l’entreprise, et le management, et la gouvernance d’entreprise, que deviennent-ils
dans cette mouvance ? « Lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit avance dans les
ténèbres », ce constat d’Alexis de Tocqueville illustre parfaitement les défis de notre
économie en quête de repères et de sens. Cette rupture, source d’incertitudes, est consécutive
à la montée progressive de l’immatériel au lieu et place de l’économie de production. Les
entreprises qui vivaient du cycle de renouvellement naturel de leurs produits sont désormais
conduites à provoquer le choc de l’offre et confronter à multiplier leurs investissements dans
l’immatériel (études, publicité, brevets…). L’accélération des cycles de vie des produits et des
innovations, chère à Schumpeter, a modifié l’échelle du temps, désormais, dans « la nouvelle
économie », dans l’économie du numérique et de l’information, la nouvelle unité de temps ne
34
Après la Loi sur les « Nouvelles Régulations Economiques » de mai 2001 (à l’origine du rapport de gestion
pour les sociétés dotées d’un véhicule côté), le gouvernement français de Monsieur Raffarin préparait un texte
pour juin 2005 sur la « Confiance et la Modernisation de l’Economie » ! Un texte où auraient été abordées des
questions très diverses dont l’intéressement des salariés (même amputé d’une prime exceptionnelle qui avait été
envisagée, ce texte proposait la possibilité de déblocage anticipée de la participation, sans blocage légale suivant
la loi d’origine de 1967), mais, aussi, le contrôle des actionnaires sur les indemnités de départ des PDG……
Nous pouvions espérer, simplement, que ce nouveau texte, n’aurait pas constitué, comme le précédent, un
amalgame de mesures éparses et sans lien direct, source de difficultés en matière de cohérence, d’interprétation
et d’application. La nomination d’un nouveau gouvernement, fin mai 2005, n’a pas permis la sortie de ce texte.
35
Quatrième de couverture de l’ouvrage de Jean Moussé : L’éthique des affaires, Dunod Éditeur, 2002.

26
dépasse pas le trimestre ! Entre capital humain et actifs immatériels, comment valoriser une
entreprise ? L’exploitation intellectuelle et la complexité des technologies exacerbent deux
logiques, souvent opposées, celle des actionnaires qui attendent un retour rapide et profitable
de leur investissement et celle, du management qui réclame le temps et l’argent avec pour
conséquence immédiate une exposition accrue aux risques : risque de sous-évaluation de la
part des investisseurs pour prévenir toute défaillance et risque de sur évaluation pour les
marchés, source de réveils douloureux. L’entreprise pour être pérenne doit se doter d’un
véritable capital confiance. L’entreprise de demain, toujours soumise à des impératifs
d’efficacité, pour être « durable » 36, doit, en plus, répondre en matière de contribution au
mieux vivre, aux attentes de ses salariés, de ses partenaires et de l’opinion publique. Son
nouveau pilotage repose davantage sur un projet ou une vision partagée par tous, plus que sur
un statut ou le simple respect à minima des obligations légales. Ainsi, le système capitaliste
véhicule-t-il la question de son sens. La recherche perpétuelle de croissance et de
l’accumulation des profits, longtemps, considérées comme suffisantes pour donner une
signification à la production, montrent leurs limites et n’apparaissent plus pouvoir constituer
une fin viable à long terme. Après le risque systémique, le risque comptable et le risque
boursier ; quand la sphère financière ne sait plus lire ni comprendre les comptes, elle
consomme, aujourd’hui, les dividendes de demain. Dans ce contexte de concurrence
exacerbée, de déréglementations excessives et de législations imparfaites qui frappent la
quasi-totalité des pays « développés », il y a, aussi, ceux qui refusent de voir (les banques
financeurs et administrateurs, les avocats qui ont trouvé là des niches rémunératrices….), il y
a ceux qui refusent d’entendrent (les comptables, les régulateurs….) et ceux qui refusent de
parler ou sont trop discret sur le sujet, à savoir, les économistes et les autres…. ! La
dérégulation, la mondialisation et les normes comptables anglo-saxonnes obligent à se
focaliser sur le haut de bilan, la taille critique et la valorisation des firmes plus que sur la saine
gestion. Une règle, un statut permettront-ils de restaurer la confiance des hommes dans une
économie responsable et dans l’entreprise ? Entre autisme, manque de transparence et
accroissement de la volatilité, quel moindre mal choisir, telle est la question ?

1.2 De quelques repères…..

La confiance des investisseurs en notre système de marché repose essentiellement sur


la rigueur de la divulgation et l’interprétation objective des informations concernant les
activités et la performance des entreprises. Les scandales, qui ont marqué le monde des
affaires au cours des dernières années, se poursuivent (cas du courtier américain Refco en
dérivés cotés, placé, fin octobre 2005, sous la tutelle de la législation des faillites) et ruinent la
confiance des investisseurs. Après la révélation de nombreux problèmes éthiques, tant en
matière de gouvernance financière que dans le domaine de divulgation des informations liées
aux performances. Il convient de noter que cette crise de confiance connaît un écho différent
selon les pays. Les Etats-Unis sont spécifiquement affectés par cette crise de confiance parce
que cela affecte directement le cœur du capitalisme anglo-saxon que G. Corbetta qualifie de
« gestionnaire »37. Pourquoi « un capitalisme gestionnaire » ? Pour exprimer la faible
représentativité de la multitude de petits porteurs et de la séparation de plus en plus contestée
entre le contrôle et la propriété. Paradoxalement et pour notre sujet, c’est, aussi, aux Etats-
Unis qu’est né la finance éthique ! Est-ce un contre poids cher à la culture politique et
économique américaine ? Pour le moment l’Europe a été moins concernée par cette forme de

36
L’entreprise durable, titre de l’ouvrage de Philippe Détrie publié en 2005 chez Dunod Editeur traite du
nécessaire nouveau management face aux parties prenantes.
37
Corbetta G., « Shareholders », in Harvey B., Business ethics: a European approach, Prentice hall, 1994, pp.
88-102

27
crise ce qui ne signifie pas que des conséquences à venir pourraient l’affecter ! Plusieurs
raisons peuvent expliquer pourquoi la France et l’Europe continentale se sont trouvées
relativement épargnées par cette crise de confiance : présence de modèles de capitalismes
mélangeant des dominantes variables (structure familiale du capital, présence de fonds
publics, rôle plus ou moins conséquents des marchés financiers…moindre mobilité du capital)
d’un État à l’autre, mais, dominés par des grands investisseurs ; une rémunération des
dirigeants moins sous dépendance des cours de Bourse ; des règles comptables fondées
davantage sur le coût historique …. Sur ce dernier point, nous ne sommes pas persuadés que
les nouvelles normes IFRS feront, spécialement, triompher la vision financière tant recherchée
de la firme, celle de l’instantanéité de l’opinion et de la décomposition de l’entreprise en
actifs évaluables séparément et aisément liquidables dans le cadre de mesures de
restructuration. Cette conception s’oppose à celle qui présente l’entreprise comme une entité
qui transmet progressivement la valeur de ses actifs par l’évolution de ses performances. Avec
les nouvelles normes et pour notre part, c’est un facteur de risque supplémentaire, les profits
et les pertes ne résultent plus seulement de l’activité et de la saine gestion, mais, aussi des
variations des marchés financiers, reflets d’anticipations versatiles et artificielles, plus
techniquement caractérisant la volatilité. Même, si une transition est engagée vers les
financements boursiers pour des critères de mondialisation, de financement des retraites et
d’intégration d’analyses extra financières. C’est la raison pour laquelle nous parlerons plus
volontiers, avec les nuances précitées, de « perte de confiance » pour le monde anglo-saxon et
ce, même si le développement de la finance éthique avait largement précédée la crise dans le
monde anglo-saxon. Pour le continent européen, nous privilégierons l’appellation « prise de
conscience » afin de différencier les origines des phénomènes de crise et de souligner le fait
que ses modèles de capitalismes expliquent, peut être, le retard constaté dans l’avènement de
la finance éthique. Les entreprises ont vu émerger et se démultiplier les pressions visant à leur
faire prendre conscience des nouveaux enjeux sociétaux. Ces pressions se traduisent par une
demande d’évaluation des comportements et de reddition concernant ses performances. Des
pressions qui varient quant à leur forme et à leur nature, elles renvoient, pour l’essentiel, aux
différentes parties prenantes. Face au vide idéologique de l’État, le discours de l’efficience
s’est développé sur la base de la responsabilisation des parties prenantes. L’entreprise est
devenue, malgré elle, un support de sens par le jeu de cette logique de l’efficience qui se
manifeste, à l’intérieur de l’entreprise en une pression sur plus de performance et à
l’extérieure, vers une tendance à la consommation croissante. Faute de mieux, comme le
souligne Yvon Pesqueux 38 : « le problème du sens relève alors de l’éthique lue, par chacun
des acteurs, suivants ses préoccupations, les entreprises revendiquant la légitimité d’une
production éthique pour se garantir du gonflement de la sphère juridique et défendant leur
vocation à empiéter sur la sphère du politique ». Toujours, selon Yvon Pesqueux, « l’éthique
et plus spécifiquement l’éthique des affaires émerge avec la crise des lois dans le contexte
actuel de la mondialisation et de la dérégulation qui l’accompagne. Il ne s’agit donc pas d’une
réponse à une demande sociale. Il s’agit d’introduire des normes dans la logique du marché ».
Dans la section III, nous aurons l’occasion de discuter plus précisément de cette thèse à
l’occasion de la partie consacrée au rôle de l’État. Mais, il nous paraît plus important de
penser que la responsabilité juridique et la responsabilité éthique doivent être l’objet d’une
dialectique, une dialectique inévitable en raison des limites de plus en plus strictes posées par
les parties prenantes. Selon, Pierre Antoine Chardel, « la vraie responsabilité ne doit pas s’en
tenir à ce qu’il est possible de faire d’un point de vue juridique, mais, nous confronte à ce

38
Chapitre 8, La politique responsable de l’éthique dans le capitalisme, p. 181-192, de l’ouvrage « Éthique et
Capitalisme » publié chez Économica sous la direction de Denis Dupré, 2002.

28
qu’il est impossible de faire ou de laisser faire au nom de l’éthique » 39. En effet, la
responsabilité juridique et la responsabilité éthique constituent deux formes différentes et
distinctes de la responsabilité en raison de la confrontation qu’elles proposent à la temporalité
et par ailleurs, la responsabilité éthique ne saurait constituer un prolongement de la
responsabilité juridique. La spécificité de la responsabilité éthique doit la conduire à
poursuivre d’autres ambitions que la moralisation d la justice ! Elle doit contribuer à déranger
des comportements et des analyses préétablis. La notion d’éthique est très difficile à cerner
lorsqu’il s’agit de l’appliquer à la finance souvent qualifiée d’immorale. Elle est, souvent,
définie comme un ensemble de principes d’action qui s’imposent à la conscience des
individus. Dans la définition plus restrictive que nous en propose Jean Moussé : « une visée
ou un chemin », revient à dire qu’elle n’est pas porteuse de solution mais questionne celui qui
veut bien agir ! La finance éthique est nécessaire au système capitaliste, sera-t-elle suffisante
pour en faire évoluer le cadre conceptuel et le contenu ? On ne juge plus l’opération
financière en soi comme appartenant au domaine du bien ou du mal, on commence à en
reconnaître le bien fondé pour le développement, dans la mesure où elle est traitée dans un
cadre légale avec le souci de l’intérêt général. La recherche systématique de l’accumulation
des profits et de la croissance, longtemps considérées suffisantes pour donner un sens à la
production et au système capitaliste, montrent clairement, aujourd’hui leurs limites et
n’apparaissent plus être en mesure d’apporter seules la pérennisation du modèle. Le marché
français de la finance éthique 40 est encore un marché émergent à la recherche de sa
structuration. Des questionnements subsistent sur : le manque de transparence, l’hétérogénéité
des méthodes d’évaluation, la validité des processus de sélection des valeurs et l’explication
de l’expansion rapide du nombre d fonds. Un certain doute est entretenu par les détracteurs de
la finance éthique sur la réelle motivation « éthique » des acteurs. Entre solidarité et effet de
communication, les faibles montants mobilisés par la finance éthique conduisent, encore, à
relativiser leur portée. Souvent présentée comme un mode de gestion alternatif, la finance
éthique est-elle en mesure de réconcilier la finance moderne avec la solidarité et d’infléchir
ses méthodes ? Nous le pensons, mais, avec quels leviers, quels produits et quels acteurs.

Section II : Discernements et finalités : pour quelles perspectives ?

Tout comme le capitalisme s’est adapté aux modèles socioculturels, la responsabilité


sociale puis l’investissement socialement responsable s’adapteront, également, aux variables
structurelles rencontrées. La nature et la rapidité de ces adaptations restent cependant à
définir. La manière de gérer le changement peut s’observer par la mesure du temps de
diffusion que se soit pour des innovations sociales (introduction du capitalisme) ou
technologiques (Internet).

2.1. Un peu d’histoire….

En France et les pays de tradition catholique, les changements pénètrent souvent plus
tard, mais connaissent une progression plus rapide. En suivant la logique décrite par Max
Weber 41, les protestants sont bien préparer à intégrer, de manière progressive et systématique,
39
Chardel P.A., « Responsabilité juridique et responsabilité éthique : une dialectique nécessaire pour
l’entreprise ? », Entreprise Éthique n° 16, avril 2002
40
6,9 milliards d’euros d’encours pour l’Investissement Socialement Responsable (ISR) à fin 2004 auxquels, il
convient de rajouter, toujours à fin 2004, les 613 millions de l’épargne solidaire (fonds solidaires et de partage
réunis).
41
Pour Max Weber, dans « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », Flammarion, collection Champs,
2000 : « La réforme ne représenta pas tant l’abolition du pouvoir de l’Église sur la vie des fidèles que la
substitution d’une nouvelle forme de domination à l’ancienne. En l’occurrence, le remplacement d’un pouvoir

29
les contraintes de tout changement. En France, on aura tendance à négliger le phénomène,
jusqu’à ce qu’il s’avère incontournable. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la finance
éthique ? Il y a peut être là une source d’explications que nous reprendrons, dans la troisième
section, pour dégager de nouveaux domaines du possible. En particulier dans la section
consacrée au rôle de l’État où l’on s’interrogera sur la nature de la nécessaire adaptation,
volontaire ou contrainte : recours ou non à la contrainte réglementaire pour amplifier le
développement de la finance éthique en France ! La contrainte serait-elle nécessaire, en phase
de démarrage d’un changement, eu égard à notre tradition catholique ? Trouverons nous là, la
nuance entre l’éthique protestante et la morale catholique ? Des « Fonds d’exclusion » ou
« Fonds éthiques » conçus à l’origine pour permettre aux souscripteurs d’investir selon des
principes religieux, aux « Fonds socialement responsables » visant à sélectionner des valeurs
souscrivant a des principes retenus par les concepteurs de fonds, comment en sommes nous
arrivés là ? « Même si plusieurs variantes existent, allant de la sélection des meilleurs valeurs
dans chaque catégorie d’investissement (best in class) grâce à une série de critères financiers
et une batterie de critères environnementaux, sociaux et éthiques, sans exclusion de secteurs a
priori ; jusqu à la mise au point de fonds thématiques (environnement, emploi, promotion de
certaines valeurs) ou même de produits reproduisant exactement certains indices
(trackers).Un de leurs principaux effets de levier réside dans l’exercice d’un pouvoir
actionnarial (shareholder activism) car, leur action est souvent relayée par les médias et dans
l’opinion publique » 42. En France, l’émergence de cette dernière catégorie de fonds
correspond à la période d’éclatement de la bulle spéculative liée à la nouvelle économie
(2001/2002), les gérants classiques, confrontés à la perte des repères construits pendant les
quelques mois d’euphorie boursière, ont commencé à manifester de l’intérêt pour ce possible
élargissement de l’offre. !

2.2. De l’I.S.R. à la solidarité….

Préalablement à l’élaboration d’un regard critique sur le cas France du marché de


« l’ISR. » et pour nous aider à le formuler, que disent les recherches académiques sur ce
domaine d’investissement. Même restreint, il ne porte presque exclusivement que sur les
marchés anglo-saxons. Trois thèmes majeurs sont abordés : les performances financières des
fonds ISR., l’usage des informations sociétales par les sociétés de gestion et l’analyse des
caractéristiques psychologiques des souscripteurs individuels. Par commodité, seuls les deux
premiers thèmes retiendront notre attention, le troisième volet nécessitant une multitude
d’enquêtes qualitatives et quantitatives. Intrinsèquement, le débat sur la performance, est peut
être un faux débat en raison de la temporalité des objectifs poursuivis et des nouveaux
domaines couverts (présence de données extra financières dans l’ISR. : données qualitatives
dans le social, le sociétal, l’environnemental…).

Le premier débat, le plus équitable, se situerait probablement sur le terrain des valeurs
ajoutées générées par l’ISR. et par les fonds classiques. Avec les fonds éthiques et les fonds
socialement responsable, il est possible d’admettre que le souscripteur de tels fonds accepte
de sacrifier une part de la rentabilité financière ou accepte un risque supérieur afin de se

très accommodant[…]par une réglementation sérieuse et infiniment pesante des conduites de la vie dans leur
ensemble, qui investit toutes les sphères de la vie domestique et de la vie publique de la manière la plus
exhaustive qu’on puisse imaginer[…] Ce que déploraient les réformateurs, dans les pays économiquement les
plus développés, ce n’était pas une emprise excessive de l’Église et de la religion sur la vie des fidèles, mais, au
contraire un manque d’autorité ».
42
Description sommaire d’une catégorie de placements présentés dans l’ouvrage déjà cité et mentionné en
éléments bibliographiques : Cyril Demaria, Développement durable et finance, Maxima, Paris 2004.

30
retrouver en conformité avec ses exigences morales. Dans ces conditions, il convient de
modifier le choix des portefeuilles efficients 43. La question de la performance est centrale
pour la motivation des souscripteurs. En marge des arguments traditionnellement développés
par les promoteurs de la finance éthique qui s’attachent à démontrer qu’elle est au moins
égale, si ce n’est supérieure à celle obtenue par les fonds classiques, le débat sur la
performance se doit d’intégrer les paramètres et les questionnements suivants : 1°/ En Europe
continentale et en France, en particulier, la finance éthique n’est, encore, que dans une phase
émergente. Pour toutes comparaisons, il convient donc de se donner du temps. En France, la
croissance relative de l’ISR. en millions d’euros, base 100 en 1998, donne un indice de 1290
contre 199 pour le total des OPCVM sur la même période. La progression des fonds ISR. est
donc beaucoup plus rapide (+ 124% en 2003 et +24% en 2004) certes, mais, l’encours géré
par ces fonds qui a atteint 5 075 millions d’euros ne représente à peine 1% du total du marché
financier français. 2°/ la valeur des fonds « ISR. » est à mesurer sur le long terme et dépend
des progrès et de la qualité de la mesure des éléments extra financiers intégrés dans sa gestion.
A titre d’exemple, il existe quatre grands indices boursiers éthiques qui font référence sur le
marché européen ; l’ASPI-Eurozone dont l’univers de référence est le Dow Jones EURO
STOXX est établi par Vigeo, la famille des indices DSJI sont établis à partir des notations de
la société de gestion suisse SAM (Sustainable Asset Management), les indices FTSE4Good
privilégient les entreprises britanniques et se montrent plus sélectifs pour les valeurs
françaises, ils sont construits par le teneur d’indices FTSE ( joint venture entre le Financial
Times et le London Stock Exchange) et Ethibel Excellence Index qui réunit des entreprises
pionnières et des entreprises obtenant des résultats supérieurs à la moyenne en termes de
développement durable. Des indices à géométrie variable avec des méthodologies et des
maturités différentes. Entre des grandes capitalisations qui obtiennent généralement des notes
de responsabilité sociale plus élevées que les petites capitalisations moins avancées sur ces
questions, les indices qui surestiment ou sous estiment certaines valeurs, les univers de
références plus ou moins larges des indices (exemple des 120 valeurs de l’ASPI et des 198 de
l’Ethibel Excellence Sustainability face au DJSI ou FTSE4Good reposant sur plus de
400valeurs), dans ces conditions comment établir des comparaisons objectives ? Hors Europe
le Domini 400, le plus ancien a été créé en 1990, il est constitué sur la base de 400 entreprises
américaines et combine l’exclusion de secteurs comme l’armement, l’alcool, le tabac ou les
jeux et la sélection positive des entreprises les plus performantes en matière de diversité, de
relations sociales et d’environnement. Cet indice soulève un autre type de problème : les
critères d’exclusion, qu’ils soient sectoriels ou appliqués à une valeur, constituent les points
les plus sensibles dans l’appréciation, tel fournisseur d’armement sera écarté, mais, tel autre
fournisseur de prestations aux armées sera retenu ! En sélectionnant les entreprises disposant
des meilleures évaluations extra financières, ces indices devraient être des indicateurs de
visibilité pour la finance éthique, hélas, ils apportent souvent la démonstration contraire en
renforçant le caractère malléable et imprécis des méthodologies utilisées. En 2005, dans le
monde, ils existent 57 indices dits éthiques, majoritairement développés dans les pays
disposant des grandes places financières. Dans la dernière et 3ème partie du livre, nous
reviendrons sur cette problématique de la notation sociétale.

Le second débat, et les indices viennent de nous procurer une transition parfaite, relève
de l’utilisation des informations sociétales par les gestionnaires de fonds. Dans un marché
caractérisé, encore, par une grande disparité dans la taille des actifs gérés et une offre
majoritairement assurée par des grands établissements généralistes assurant, ainsi, une relative

43
Allusion à la théorie financière : un portefeuille efficient présente le couple risque/rentabilité le plus efficace
pour un investisseur. Pour un même risque donné, les portefeuilles efficients ont les plus fortes rentabilités ou
pour une rentabilité donnée, ils représentent le risque le plus faible.

31
ressemblance dans la composition des fonds éthiques ou socialement responsables et les fonds
traditionnels en raison de la faiblesse du nombre des équipes dédiées et de la surreprésentation
précitée des majors de la côte dans les indices (en moyenne les entreprises du CAC 40 sont
représentées dans 2,25 indices sur les quatre principaux européens présentés, 6 sur 40 sont
présentes dans les quatre indices). Une piste troublante quand on observe que le CAC 40 est
déjà dominé par cinq ou six valeurs qui n’ont rien de commun avec celles qui prévalaient, il y
a cinq ans dans ce même indice. Le CAC 40 serait-il devenu un facteur d’accroissement de la
volatilité sans refléter réellement la situation économique ou l’état du marché boursier ? Si la
majorité des fonds anglo-saxons appliquent des critères d’exclusion influencés par leur
perception de l’éthique, des évolutions vers une approche positive de type « best in class »
(sélection des meilleures entreprises) sont relevées (Stone B.A.) 44. Stone précise que les
gérants utilisent les services de sociétés de notation mais qu’ils souhaitent obtenir leurs
propres informations (43% des offreurs font appel à plus d’une agence de notation…le
pourcentage d’offreurs ne recourant à aucune, entre 6 et 10%, s’explique par la taille en
interne des équipes dédiées, la croissance des encours du fonds sera peut être de nature à faire
évoluer cette recherche interne) En France, à notre connaissance, un fonds utiliserait le
filtrage d’exclusion en association avec des critères de sélection positive 45. En ce qui
concerne la périodicité des réévaluations des entreprises, cela relève de la politique des
agences de notation, sauf en cas d’évènement significatif où des contacts sont alors établis
voire, la mobilisation d’experts. De nombreuses questions demeurent : a/ l’ampleur du champ
des critères et des méthodologies de notation sociale, font que tout le monde ou presque
trouve son compte « d’éthique » d’où la réaction de certains souscripteurs sollicitant
davantage de transparence et pourquoi pas, en France, le redéploiement de « screening »
négatifs (filtrages ou critères de sélection négatifs) ? b/ la prolifération des fonds éthiques
et/ou des fonds socialement responsables se justifierait-elle, en France, non par une prise de
conscience éthique, mais, par les simples potentialités de développement relevant du contexte
réglementaire pour l’épargne salariale, les retraites ou « les futurs fonds de pension » dont on
reparle régulièrement. C’est dans ce paysage évolutif que certains investisseurs institutionnels
français, en particuliers les institutions de retraite, les caisses complémentaires et de
prévoyance, entrouvrent leurs stratégies d’allocations d’actifs à des orientations éthiques.
Parallèlement, les modes de management étendent les relations sociales et sociétales des
entreprises à une variété d’interlocuteurs bien au-delà des seuls pouvoirs publics et des
syndicats encore en retrait sur ces domaines.

Section III : entre résilience et « compliance » 46

44
Stone B.A., « Corporate social responsibility and institutional investment”, Business and Society, vol. 40, n°1,
mars 2001.
45
Meeschaert est l’un des pionniers de l’investissement éthique en France ; L’ex agent de change et maison de
titres s’est illustré dés 1983 avec la création du fonds commun de placement « Nouvelle stratégie 50 » à la
demande de soeurs économes de congrégations religieuses féminines dont sœur Nicole Reille, déjà citée, qui
souhaitait à la fois assurer l’avenir de sa congrégation et gérer les finances en cohérence avec ses convictions.
Une association à vue le jour en même temps que le FCP afin de définir une vingtaine de critères de sélection des
valeurs du fonds. En 2003, Nouvelle Stratégie 50 gérait un encours de 26,5 millions d’euros investi à hauteur de
67% en actions françaises ou européennes, 23% en actifs liquides et le solde en obligations.
46
Sans succomber à la nouvelle terminologie et aux nouveaux modes de gouvernance, indiquons simplement
que la résilience est la capacité pour l’entreprise de s’adapter et de rebondir face aux externalités et risques
divers, terme issu de la physique qui signifie la résistance des matériaux aux chocs. La compliance n’est autre
que le contrôle de la conformité aux réglementations des activités de l’entreprise. Une ligne de métier à part
entière dans la sphère financière avec la mise en place des lois spécifiques contre le blanchiment de l’argent sale,
le financement du terrorisme et la délinquance en col blanc…...

32
A côté de la résilience, un concept issu de la physique, qui signifie tout simplement
pour le monde de l’entreprise la capacité de cette dernière à absorber les chocs de toutes
natures (économique, commerciale, financière, juridique, structurelle, conjoncturelle…etc.),
nous avons volontairement placé un terme, d’un emploi courant dans l’univers anglo-saxon,
celui de « compliance ». Mais, ce dernier, présenté dans sa version anglo-saxonne, pose un
problème de sémantique et de traduction. Le traduire en français par conformité ne lui ferait
évoquer qu’un des aspects qu’il recouvre dans le management d’outre atlantique, celui du
stricte respect de la réglementation en vigueur. En fait, dans le management anglo-saxon, le
terme de « compliance » a une connotation beaucoup plus dynamique et intègre, en plus, la
veille et la prévention d’une non application des textes. D’origine américaine, la fonction de
« compliance officer » a gagné l’Europe à la fin des années 90 et plus spécifiquement dans les
grandes banques, un des secteurs d’activité parmi les plus réglementés (produits administrés,
réglementations des marchés et prudentielle, prévention des délits et des conflits
d’intérêts…etc.). Des risques qui n’ont fait que croître en fonction de l’augmentation des
pouvoirs de sanction des régulateurs (en France, principalement, la Commission bancaire et
l’Autorité des marchés financiers…). Entre résilience et « compliance », le champ du
gouvernement stratégique de l’entreprise s’est largement déployé avec pour corollaire
l’amplification de l’exposition aux risques financiers, mais, surtout, extra financiers. Dans ces
conditions, il est nécessaire de se demander : quel pourrait être le rôle de l’État et pour quelle
finalité ?
3.1. Quel rôle pour l’État ?

Il est évident que les lois et les règlements demeurent et demeureront toujours
nécessaires, mais, attention à ne pas tout vouloir régenter par le droit ; Il appartient peut être,
simplement, à l’État d’ériger des principes forts, d’en contrôler leur application et d’en
sanctionner l’éventuelle non application. La question du contrôle n’est cependant pas facile.
L’État doit-il conserver en direct cette prérogative ou peut-il la déléguer et si oui, à quel tiers
de confiance (organisme paritaire et indépendant composé de parties prenantes, commissaires
aux comptes :…etc.). La question peut être également posée de savoir si se sont seuls les
résultats qu’il convient de contrôler ou la démarche et l’évolution de l’entreprise vers des
objectifs qu’elle se serait assignée? Entre le discours incantatoire et l’application concrète, il
existe, également, une autre source de dérives ! Sur ce plan, l’exemple de la Grande-Bretagne
est particulièrement intéressant. En effet, ce pays vient de légiférer et depuis le 1er avril 2005,
les entreprises cotées en Grande-Bretagne doivent rendre compte, dans un rapport, des risques
susceptibles d’affecter leurs performances futures. Ces firmes disposent d’une totale liberté
pour choisir les informations les plus pertinentes destinées à renseigner les investisseurs. La
compétitivité par la notoriété est probablement plus durable que la compétitivité par les coûts.
Les coûts générés par une baisse de réputation sont de toute façon supportés par la firme.
C’est un problème d’imputation. Leurs internalisations sous la forme de transferts de charges
ne peuvent qu’être limitées dans le temps, stratégiquement, la firme peut, aussi utiliser le
levier prix par externalisations progressives de ses coûts vers ses clients sous réserve dans
mesurer l’impact sur leurs comportements d’achat. En informant sa clientèle, cette dernière
sera probablement plus encline à acheter un produit « labellisé », malgré son augmentation de
prix, qu’un produit décrié par le consumérisme ambiant. De même, toutes mesures, qui
renforcent la capacité des actionnaires à questionner ou à interpeller les instances dirigeantes
et ce de façon non anarchique, contribuent à responsabiliser les acteurs. L’intervention de
l’Etat doit viser à créer et soutenir un cadre favorable à l’évaluation de la performance des
entreprises, incluant leur capacité de création de capital social, humain et économique. Ce
changement, pour être vraiment profond, doit provenir des allocateurs de capitaux et des

33
consommateurs plutôt que de l’effet de l’imposition d’obligations légales. Nous croyons que
les incitatifs au changement les plus forts sont ceux qui proviennent du marché et des
différentes parties prenantes de l’entreprise. Les abus des gestionnaires des grandes
entreprises dévoilés récemment ont en effet confirmé une chose : pour qu’il y ait des
modifications profondes au comportement des entreprises, les changements doivent provenir
de l’interne de l’organisation. Pour cela, nous croyons au développement d’une panoplie
limitée d’outils, de labels ou de standards susceptibles de guider le choix des
« consomm’acteurs » (normes de qualité, indices pour les investissements…). Cependant
après le reporting, il y a lieu de franchir une nouvelle étape qui est celle de la vérification à
condition de trouver des acteurs compétents et indépendants. Les méthodes d’analyses, les
formations doivent progressivement être renforcées afin d’aboutir à une formalisation du
contrôle dans les domaines de la gouvernance, mais aussi du quantitatif et du qualitatif. La
lucidité et l’objectivité doivent être, encore, de mise. Le comportement éthique, social,
environnemental et la responsabilité sociale de l’entreprise sont plutôt utilisés pour renforcer
une impression d’ensemble. Une gestion des risques non financiers de premier ordre ne
compensera jamais, en l’état actuel de la multitude des grilles de lecture, de mauvais résultats
financiers. Dans les rapports, ces aspects sociaux et environnementaux figurent parmi les
moins bien traités, tandis que la gouvernance et l’exposé des développements stratégiques
sont mieux renseignés. Des marges de progression existent, Internet peut ainsi constituer un
excellent vecteur de communication, c’est à ce prix que la responsabilité sociale de
l’entreprise et l’éthique infléchiront les politiques de capitalisation boursière et financière. La
recherche d’un juste équilibre entre une réglementation exigeante et un changement du
comportement des acteurs est à rechercher plus dans la conscientisation des acteurs que dans
l’activisme. Ce scénario est plausible à la condition absolue que l’État ou tout autre acteur
(agences de notations extra financières, par exemple et par mimétisme avec leurs grandes
consoeurs du financier), par démission du précédent, ne cherche pas à exercer une position
hégémonique propre à briser tout dialogue. Une attitude minimaliste et concertée reste de
mise eue égard à la multitude des critères et des contrastes des situations nationales et
internationales. Les maîtres mots demeurent : vigilance, loyauté et transparence. En France,
nous sommes encore loin de la réalisation d’un indicateur du bien être alternatif au revenu
annuel par personne qui tiendrait compte de la criminalité, du bon voisinage et de l’accès aux
espaces verts,….. ! Ceci n’est pas une boutade, mais, relève des très sérieuses recherches
engagées en Grande-Bretagne dans le cadre de l’élaboration pour 2006 du deuxième plan de
Développement Durable (le premier plan ayant vu le jour en 1999).

3.2. La finance éthique, mode managériale ou management résistant ?

Un certain doute est entretenu par les détracteurs de la finance éthique sur la réelle
motivation « éthique » des acteurs. Entre solidarité et effet de communication, les faibles
montants mobilisés par la finance éthique conduisent, encore, à relativiser leur portée.
Souvent présentée comme un mode de gestion alternatif, la finance éthique est-elle en mesure
de réconcilier la finance moderne avec la solidarité et d’infléchir ses méthodes ? Nous le
pensons, dans la mesure où la finance éthique transcende le simple respect de l’intégrité. La
mise en place d’outils, d’indicateurs, n’est pas de nature suffisante pour convaincre les acteurs
français. Il convient de favoriser l’émergence d’une nouvelle culture économique. Dans le
contexte actuel d’accélération du temps et des innovations financières, peut-on, réellement,
parler de finance éthique ? Poudre aux yeux ou révolution managériale ! La notion même de
« long-term shareholder value » n’a-t-elle pas été complètement dénaturée par les
investisseurs qui en période d’irrationalité des marchés ont délibérément cultivés le double
message d’une valeur actionnariale maximisée à court terme sous réserve d’un droit de regard

34
des actionnaires exercé dans un future le plus lointain possible ! Pensée autrement, la valeur
actionnariale n’est peut être pas aussi incompatible avec nos ambitions de cohésion sociale et
de capitalisme à visage humain. Dans ces conditions, il n’est, peut être pas, choquant de
prétendre que le seul but des entreprises est de maximiser leurs profits dans l’hypothèse où il
a été obtenu dans le respect de l’intégrité des parties prenantes et qu’il se trouve
équitablement réparti entre elles. Le « courtermisme » ambiant, principale cause des
dysfonctionnements, a peut être été pris tout simplement pour une conséquence, alors qu’il
conviendrait de privilégier le suivi de la valeur de la firme au long terme.

En guise de conclusion : quelques domaines du possible…….

Il ne s’agit pas de préconiser le triomphe d’une vérité contre une autre vérité. Nos
quelques préconisations, ci-dessous, relèvent davantage d’expérimentations à tenter. Le
temps et le risque sont intimement liés. Il est nécessaire de sortir du sur investissement en
produits de taux pour promouvoir l’épargne collective et/ou salariale favorables à la finance
éthique en actions. Un produit européen, défiscalisé et de long terme, investit en finance
éthique pourrait, ainsi, être promu ! La maîtrise des risques de l’extra financier est de nature à
rassurer l’ensemble des parties prenantes. En mesurant des risques de non-conformité,
l’entreprise peut développer son professionnalisme et se montrer plus conquérante. Le
chantier de l’analyse extra financière est à construire. Ces nouveaux risques et ces nouvelles
opportunités sont de nature très diverses, relèveront-ils, simplement, de l’orthodoxie
financière ou devront-ils relever d’un traitement spécifique ? Ce sont de véritables questions.
L’individu, l’épargnant, l’investisseur, les entreprises et les collectivités, devant les
potentialités offertes par notre société d’abondance, possèdent des droits et des devoirs, mais,
ils doivent être formés pour en user. Ceci conduit à sortir des logiques boucs émissaires qui
restreignent le champ de l’analyse. Jusqu’à présent, les logiques d’action ont été déclinées par
la prééminence de l’économie sur l’homme. Cette proposition a-t-elle une chance de
s’inverser ? La logique soutenue par la finance éthique n’implique-t-elle pas d’autres modes
de réflexions et de fonctionnement ? Notre logique de quantification nous rend incapables
d’appréhender le qualitatif autrement que dans un cadre philosophique. Nouvelles
technologies, innovations financières, nouveaux acteurs, nouveaux canaux de distribution,
toutes ces sources de complexification de la sphère financière ont accru l’asymétrie entre
l’épargnant néophyte et l’investisseur averti. Il n’est plus possible de répéter à l’épargnant
qu’il devra prendre le relais, par le biais d’une épargne individuelle du système des retraites
par répartition du fait d’un État dépassé par l’allongement de la durée de vie, et ne rien faire
pour le protéger dans cette démarche. Avec les besoins croissants de solidarité,
d’accompagnement de la dépendance et de financement des retraites, de nouvelles
articulations se dessinent entre l’État et l’activité de marché pour un nouveau partage des
risques et la constitution de nouveaux leviers capables d’amplifier l’impact de la dépense
d’investissements financés par la dette publique. La démultiplication des besoins face à la
raréfaction des ressources milite pour l’innovation financière et la création de fonds de
garantie ou de fonds d’investissements mixtes établissant un lien entre la sphère marchande et
la sphère non marchande. Le questionnement pour la finance éthique, et en l’état de nos très
modestes préconisations, demeure : comment passer de l’intention à un niveau
essentiellement synergique pour intégrer la finance éthique à tous les niveaux d’un
cheminement vers des pistes tangibles et suffisamment capables de donner du sens aux
critères retenus ?

35
Finance éthique, finance islamique : quelles
convergences et potentialités de développement dans
la banque de détail française ?

Par Michel Roux

(Article publié dans le n° 255-256 de la Revue des Sciences de Gestion – mai 2012 – suite
à un colloque à l’Université d’Evry de l’automne 2011)

Michel ROUX
Directeur de la valorisation (SAIC), Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité
Ancien Doyen de la Faculté de Sciences économiques et de Gestion de l’Université Paris 13,
Directeur des Masters CCA et Banque Finance Assurance,

36
Résumé :
Finance éthique, finance islamique : quelles convergences et potentialités de développement dans
la banque de détail française ?
Par Michel Roux

Après s’être efforcé de définir les concepts et les acteurs de la finance éthique et de la finance
islamique, la présente communication s’efforcera d’exposer les enjeux, les convergences et les
potentialités de développement de ces deux sensibilités dans la banque de détail française. Dans une
période où l’innovation financière s’entête à susciter de la différenciation pour mieux créer de la
marge, il est peut être nécessaire d’inventorier des éléments de conjonction et de dissiper certaines
contrevérités. N’y aurait-il pas, là, un lieu d’émergence et de réflexions pour une nouvelle culture
économique, pour une gestion autrement ? Comment donner du sens à ces placements ? Entre
frontières étanches et zones de recouvrement qui caractérisent les constituants de ces deux finances, il
convient, aussi, de s’interroger sur l’effet « mode » et la réalité de ces deux approches. Qu’en est-il
réellement et quels sont les enjeux et les défis à relever ? Il faut donc ouvrir, clarifier et enrichir le
débat. Deux parties structureront le thème :
1/ Définitions, structures et acteurs de la finance éthique et de la finance islamique ; de quelques
convergences…
2/ Limitations et potentiels de développement de la finance éthique et de la finance islamique dans la
banque de détail française : entre réticences des acteurs et obstacles réglementaires.
Mots-clés : finance éthique, finance islamique, convergences, divergences, potentialités de
développement, banque de détail française.

Abstract:

Ethical finance, Islamic finance: what similarities and potential for development in the French
retail banking?
By Michel Roux

Having attempted to define the concepts and the actors of ethical finance and Islamic finance, this
paper will seek to expose the issues, convergences and development potential of these two sensibilities
in retail banking French. In an era where financial innovation is determined to create differentiation
in order to better create the margin, it may be necessary to inventory the elements of conjunctions and
dispel some misconceptions. Is there not a place of emergence and reflections for a new economic
culture, to manage differently? How to make sense of its investments? Watertight boundaries between
overlapping zones that characterize these two components of finances, it must be, too, wonder about
the effect of "fashion" and the reality of these two approaches. What is it really and what are the
issues and challenges? You must open, clarify and enrich the debate. Two sections structure the
theme:
1/ Definitions, structures and actors in ethical finance and Islamic finance: convergences
2/ Limitations and potential development of ethical finance and Islamic finance in the French retail
banking: reluctance among actors and regulatory barriers
Keywords: Ethical Finance, Islamic Finance, Convergences, Differences Expansion Potentialities,
French Retail Banking

37
Resumen:

Finanzas éticas, Finanzas islámica: lo que la convergencia y potencial de desarrollo en la banca


minorista francesa?

Por Michel Roux

Después de haber tratado de definir los conceptos y actores de las Finanzas éticas y de las Finanzas
islámicas, este documento va a tratar de exponer los temas, la convergencia y el potencial de
desarrollo de estas dos sensibilidades en la banca minorista francés. En un momento en que la
innovación financiera está decidido a estimular la diferenciación para crear un mejor margen, puede
ser necesario hacer un inventario de los elementos de las conjunciones y aclarar algunos conceptos
erróneos. Sólo no existe allí, un lugar de la emergencia y los pensamientos de una nueva cultura
económica, para gestionar de otra manera? Cómo dar sentido a estas inversiones? Entre las fronteras
cerradas y las zonas de superposición que caracterizan a los componentes de estos dos financieros,
debería, también, tener en cuenta el efecto de "modo" y la realidad de estos dos enfoques. Lo que
realmente y cuáles son los problemas y desafíos? Debe abrir, aclarar y enriquecer el debate. Ambas
partes se van a estructurar el tema:
1/ Las definiciones, estructuras y actores de las finanzas éticas y de las finanzas islámicas, algunas
similitudes...
2/ Las limitaciones y los desarrollos potenciales de la financiación ética y las finanzas islámicas en la
banca minorista francesa: la resistencia entre los actores y las barreras regulatorias.
Palabras claves: finanzas éticas, las finanzas islámicas, las convergencias, divergencias, el potencial
de desarrollo, la banca minorista francesa.

38
Finance éthique, finance islamique : quelles convergences et potentialités de
développement dans la banque de détail française ?

Cette communication, présentée le 24 juin 2011 lors d’une table ronde de la journée
internationale de recherche du laboratoire le L@rem à l’Université d’Evry, avait pour objet de
recenser les enjeux, les convergences, les divergences et les potentialités de développement de
la finance éthique et de la finance islamique dans le cadre de la banque de détail en France.
Sans ignorer les efforts déployés par les pouvoirs publics pour attirer, depuis 3 ans, des fonds
du Moyen-Orient afin de financer l’économie et de promouvoir Paris en qualité de « Place
financière », seules seront retenues, ici, les convergences et les potentialités de développement
de ces deux approches éthiques pour la banque de détail française, la banque commerciale
dénommée, aussi, la banque de proximité à la française. Il y a trois ans, lorsque l’on « rêvait »
encore de pouvoir faire de Paris une place financière internationale de premier plan alors que,
comme actuellement, l’indice Dow Jones était aux environs de 12 000 points et le baril de
pétrole culminait au-dessus des 100 dollars…, la majorité des experts, des économistes, des
professionnels et des politiques croyait encore que la crise était la conséquence des
« subprimes » et qu’elle se dénouerait rapidement au prix de quelques sacrifices marginaux.
Les temps ont bien changé. La crise bancaire est devenue économique et sociale. Les places
financières tentent de se regrouper pour résister au développement des plates-formes
d’échange de titres de gré à gré. La recherche académique en finance s’interroge et hésite
entre l’approche mathématique de l’analyse des dysfonctionnements des marchés et la
nécessité de se rapprocher de l’ensemble des recherches en sciences sociales, pour
promouvoir une finance plus responsable, plus proche de l’économie réelle et des entreprises
dont elle n’aurait jamais dû s’éloigner. La crise est passée par là remettant en cause nos
repères et nos paradigmes, tant sur le plan macroéconomique que microéconomique. Sur le
premier aspect de nature macroéconomique, le point d’équilibre de l’épargne mondiale s’est
déplacé au bénéfice des pays émergents d’où leurs exigences en termes de représentativité
dans les instances internationales et dans leurs capacités à investir. Sur le second aspect de la
microéconomie, les business models bancaires sont remis en cause et le recentrage sur le
métier de base de la banque de détail redevient un des facteurs de pérennisation de ces
activités. Ces quelques constats, nous conduisent donc à nous focaliser sur les métiers de
l’intermédiation, propres à la banque de détail, et à nous interroger sur l’actualité donnée à la
finance éthique et à la finance islamique face à ce changement de paradigme annoncé. La
finance islamique représente un marché mondial estimé entre 700 et 1 000 milliards de
dollars. La question soulevée sur ce sujet, par le rapport Jouini /Pastré remis à Europlace en
2008, portait essentiellement sur la place de la France dans le recyclage de cet immense
gisement d’épargne stable, dans un monde à la croisée des chemins. C’est dans ce double
enjeu du changement de l’allocation de l’épargne mondiale et de la remise en cause du
modèle d’affaires des banques, qu’est née la réflexion sur la finance islamique. Pourquoi cet
engouement ? Pour sacraliser des interdits ou des valeurs ? En quoi les religions
participeraient-elles à la régulation financière ? L’enjeu de la finance islamique n’est pas,
exclusivement, celui d’une capacité à répondre à des besoins d’ordre strictement économique
et financier, il a un fort aspect militant et participatif qui s’appuie sur des principes moraux, à
l’image de la finance éthique. Quelles sont donc les convergences et les chances de
développement des finances éthique et islamique au sein de la banque de détail française ?
Pourquoi traiter un tel sujet ? Dans le rapport remis à Paris Europlace, en 2008, par Messieurs
Elyès Jouini, Professeur à l’Université Paris Dauphine et Olivier Pastré, Professeur à Paris 8
Saint-Denis : « Enjeux et opportunités du développement de la finance Islamique pour la
39
place de Paris », ainsi que son résumé : « Le développement de la finance Islamique : une
fantastique opportunité à saisir pour la France au cœur de la crise financière, Dix
propositions pour cent milliards d’Euros », il s’agissait, outre de traiter du développement de
la place financière parisienne, de voir comment capter des liquidités devenues rares dans cette
période de profonde déprime. L’enjeu pour la banque de détail ne constituait nullement une
priorité pour ces travaux. Alors que la finance islamique s’est développée en Grande-Bretagne
dans la banque de détail, pourquoi rencontrerait-elle plus de difficultés à s’imposer en France
alors que la population, directement concernée, serait plus nombreuse ? Sur le plan
méthodologique, nous citons cette contribution complète de nos travaux amorcés dans nos
quatre ouvrages récents : « Finance éthique, structures, acteurs et perspectives en France »,
édition Revue Banque, Paris, novembre 2005 ; « La Banque coopérative en Europe, stratégies
et défis » édition Revue Banque, Paris, septembre 2009 ; « Les sociétés mutuelles
d’assurance : un statut à l’épreuve du développement » édition ESKA, octobre 2009 ; « La
Banque de détail », Edition Eska, Paris, décembre 2010. En raison de la complexité de la
recherche qui affecte des champs aussi divers que la finance, l’économie, l’étude des
comportements individuels et collectifs, le choix d’une approche qualitative du terrain a été
privilégié. La méthodologie est essentiellement fondée sur la base d’entretiens non directifs
conduits auprès d’experts et de professionnels de ces deux domaines pour la réalisation des
ouvrages précités et dans le cadre d’une réactualisation pour la présente contribution. Après
avoir rappelé, dans une première partie, quelques définitions, les structures, les acteurs de la
finance éthique et de la finance islamique : de quelques convergences..., la seconde partie
tentera de présenter les limites et les potentialités de développement de la finance éthique et
de la finance islamique.

1. Définitions, structures et acteurs de la finance éthique et de la


finance islamique ; de quelques convergences…
La finance éthique et la finance islamique ne sont pas homogènes, il est utile de mettre en
perspectives historique, géographique et philosophique le lien qui unit finance et religions.
Pourquoi parler d’argent et de religions, pourrait-on se demander ? Tout d’abord en raison de
l’extraordinaire dialectique qui caractérise le rapport du chrétien, du juif ou du musulman à
l’argent : pauvreté, richesse, exclusion, bien commun, comment être performant sans
s’attacher à l’argent ?..., l’usure. Quel phénomène offre, plus que l’usure, « durant sept siècles
en Occident, du XIIe au XIXe, un mélange aussi détonnant d’économie et de religion,
d’argent et de salut – figure d’un long Moyen-Age, où les hommes nouveaux étaient écrasés
sous les symboles antiques, où la modernité se frayait difficilement un chemin parmi les
tabous sacrés, où les ruses de l’histoire trouvaient dans la répression exercée par le pouvoir
religieux les instruments de la réussite terrestre ? », s’interroge Jacques Le Goff dans la
première partie de son ouvrage « La Bourse et la vie ». Et de poursuivre, seconde bonne
raison d’évoquer les religions : « La formidable polémique autour de l’usure constitue en
quelque sorte l’accouchement du capitalisme ». Un nouveau système économique qui, pour
démarrer, nécessite l’usage de pratiques condamnées par les législations ecclésiastique et
laïque : ces dernières s’intéressant en priorité à l’usure, la pratique religieuse se réservant le
traitement du cas de l’usurier. Entre frontières étanches et zones de recouvrement qui
caractérisent les constituants de ces deux finances, il convient, aussi, de s’interroger sur l’effet
« mode » et la réalité de ces deux approches.

40
1.1. De la finance éthique
Dans un univers où l’innovation financière s’entête à susciter de la différenciation, pour
mieux créer de la marge, il n’existe, pas une, mais des définitions de la finance éthique qui ont
évolué au cours du temps et qui continuent d’évoluer de continent à continent, voire de pays à
pays. On peut parfaitement sérier un certain nombre de critères objectifs qui permettent de
définir un « tronc commun » des différents produits ou processus financiers se réclamant de
la finance éthique : lutte contre les inégalités, respect de l’environnement, durabilité… À
partir de là, il devient possible d’opérer une classification des produits et des processus.
Classification qui contribue à démontrer de manière rigoureuse qu’il existe des frontières
étanches entre certains constituants de la finance éthique (microcrédit et investissement
socialement responsable ou "ISR", pour ne prendre que l’exemple le plus simple) et, au
contraire, d’importantes zones de recouvrement dans d’autres cas (épargne solidaire et
microcrédit, par exemple). La finance éthique qui revendique une démarche alternative (celle
de réconcilier finance et éthique, solidarité et développement durable…) connaît une
expansion affirmée ces dernières années, même si l’analyse du secteur permet d’identifier des
pratiques très différentes, dont bon nombre n’ont qu’un rapport éloigné avec l’éthique ; sous
le vocable finance éthique nous avons pris soin de distinguer les fonds « dits » éthiques et de
développement durable (Investissement Socialement Responsable), des fonds solidaires (les
régimes fiscaux qui les affectent prenant soin également de les séparer : la première catégorie
relevant de la fiscalité de droit commun des placements et la seconde catégorie de la fiscalité
appliquée aux dons, pour l’essentiel). Le premier tableau, ci-dessous, présente l’évolution du
marché français de l’ISR conjuguant plusieurs méthodes de choix des investissements (filtres
de : l’exclusion, la sélection, l’inclusion..). C’est un marché en plein essor, mais, confidentiel
du simple fait qu’il ne pèse qu’un peu plus de 2% des actifs gérés.

Evolution du marché français de l’ISR


(Source Novethic) 1990 2001 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Nombre de fonds 1 42 128 137 175 268 305 320
Sociétés de gestion 2 10 44 45 48 66 68 70
En cours, en milliards € 0,030 3,2 8,7 16,8 21,8 29,9 50,7 68,3

Un second tableau retrace l’évolution de l’épargne solidaire, elle-même constituée de deux


éléments : les fonds de partage et les placements solidaires. Dans les fonds de partage
(SICAV, FCP, livrets d’épargne, % des achats effectués par carte bancaire…), la
rémunération obtenue est partiellement ou totalement redistribuée à des organismes
nommément désignés (ONG, Associations), parfois, les établissements gestionnaires
(majoritairement des filiales de banques) réduisent leurs frais de gestion ou abondent le
résultat. Les Placements solidaires relèvent davantage d’une forme de « capital risque »
(SICAV, FCP, investissements directs dans des entreprises non cotées) avec la fiscalité
attachée à ces types d’investissement. Une ligne du tableau est consacrée à l’épargne salariale
qui s’intéresse de plus en plus à l’épargne solidaire sous ses deux formes.
L’épargne solidaire

(Source 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Finansol)

41
Epargne nc 138 130 260 380 560 600 1012 1574
salariale

Epargne de 124 142 105 214 221 285 350 457 581
partage

Placements 167 256 378 414 670 840 684 932 993
solidaires

Total, en 291 536 613 888 1271 1685 1634 2401 3148
millions €)

1.2. De la finance islamique


Dans la doctrine islamique, l’argent est improductif et ne sert que d’unité de compte ; comme
dans le Pentateuque de l’Ancien Testament, qui n’est autre que la Torah des juifs, sur la
question de la pratique de l’usure, celle-ci est condamnée. Toutefois, les juifs se sont montrés
plus ouverts, l’usure est interdite entre juifs, mais autorisée entre juifs et non juifs. Les
chrétiens avec la tradition aristotélicienne et l’Évangile selon saint Luc (Chapitre 6, versets 34
et 35) ont aussi condamné le prêt à intérêt. Malgré des tentatives d’interprétation, de la part de
certains économistes islamiques, en raison des évolutions défavorables des conjonctures
économiques, l’intérêt, comme prix de l’argent épargné, n’est toujours pas justifié. Mises à
part quelques tentatives sporadiques de création de banques islamiques en Malaisie au milieu
des années 40 et au Pakistan à la fin des années 1950, la première banque fonctionnant sur la
base de la charia voit le jour en 1963 en Égypte, la Mit Ghamr Savings Bank, devenue depuis
la Nasser Social Bank. Il faudra attendre la création de l’Organisation de la Conférence
Islamique en 1970 qui décidera d’installer, en 1975 à Jeddah, la Banque Islamique du
Développement pour voir la prolifération des banques islamiques dans les Émirats. En 1979,
le Pakistan décrètera l’islamisation de l’ensemble de son système bancaire. Pour mieux
comprendre le mode de fonctionnement des institutions financières islamiques et ses produits,
nous renvoyons le lecteur à l’étude de Mahmoud Abdel Wahab, publiée dans le rapport moral
sur l’argent dans le monde, 2005, 11ème édition, intitulée « Islam et finance », (pages 481 à
496) ; pour qu’un produit bancaire soit jugé « halal », c'est-à-dire respectant la charia, il faut
que le taux d’intérêt ne soit pas défini à l’avance pour respecter le principe de la
non-rémunération de l’épargne. En revanche la charia permet de partager les fruits des profits
obtenus par l’investissement ; dans les produits proposés par la toute nouvelle banque
islamique londonienne, l’Islamic Bank of Britain (IBB), ouverte en été 2004, les comptes sont
rémunérés à la fin de chaque mois en fonction des propres résultats de la banque. Pour la
banque islamique, le déposant n’est pas un créancier de la banque mais un
partenaire/investisseur, ce qui suppose, aussi, l’éventuel partage des pertes ou des profits.
Pour limiter les risques, l’IBB investit les dépôts de ses clients sur la bourse des métaux (pas
des métaux précieux, interdits par la charia) et récupère un rendement qu’elle peut
partiellement redistribuer. De même, le prêt immobilier pose un problème de rémunération.
Pour le contourner, la banque achète, elle-même, l’appartement et l’emprunteur paye un loyer
jusqu’à expiration du remboursement dans le délai accordé. À la fin de la période
contractuelle, la banque vend l’appartement à son client pour une livre sterling symbolique.

42
Le gouvernement britannique a dû adapter spécifiquement le traitement de l’impôt sur les
transactions immobilières qui, en application de la législation, aurait dû être acquitté à deux
reprises. Dans une Europe qui compte plus de 15 millions de musulmans, hors perspective de
l’entrée de la Turquie, il y a donc un véritable marché potentiel. Des grandes banques, comme
HSBC, sans créer de structure spécifique, offrent déjà des produits dédiés au monde
islamique. Les perspectives de développement de la banque islamique sont directement liées à
sa capacité à renforcer sa coopération avec la communauté bancaire et financière
internationale.
Les principaux produits financiers islamiques peuvent être distingués en séparant :
- les instruments dits « participatifs » :
mourabaha = L’institution financière émettrice joue le rôle d’un intermédiaire commercial,
achetant des marchandises nécessaires à ses clients et les leur revendant en différé, moyennant
profit. On se rapproche de la titrisation ou du portage ;
moudaraba = un contrat par lequel la banque, ou plus généralement l'apporteur du capital
financier dit "rab al mal", apporte l’ensemble des capitaux financiers nécessaires au projet à
l’entrepreneur dit "moudarib" qui, lui, va apporter son capital travail. En cas de perte la
banque/l'apporteur des capitaux financiers subit une perte financière et l’entrepreneur
"moudarib" subit également une perte de son coût d’opportunité (temps et travail) ;
mousharaka = un partenariat entre une institution financière et son partenaire qui partagent
les profits et les pertes selon des proportions prédéfinies. On est proche du concept de tour de
table avec des industriels et des financiers ;
- des instruments de « financement » :
l’ijara = un contrat d'achat dans lequel une institution financière achète un équipement ou une
propriété et le loue en crédit-bail à une entreprise ;
l’istisna = contrat d’entreprise en vertu duquel une partie (moustasni’i) demande à une autre
(sani’i) de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une rémunération payable
d’avance, de manière fractionnée ou à terme.
Sur la base de l’article précédemment évoqué, de Mahmoud Abdel Wahab, publié dans le
rapport moral sur l’argent dans le monde, 2005, 11ème édition, intitulée « Islam et finance »,
(pages 481 à 496), la répartition des actifs islamiques selon le type de produit se présenterait
de la façon suivante :
- mourabaha = 59 %,
- moudaraba = 17%,
- ijara + istisna = 11%,
- autres = 13%.

1.3. De quelques convergences...


Le recensement des éléments de convergence de la finance éthique et de la finance islamique,
dans un cadre limité d’application à la banque de détail, peut être élaboré dans trois domaines
principaux : 1/ dans le champ de la morale et du religieux : celui de l’éthicité des produits et
services ; 2/ au niveau juridique ; 3/ au niveau économique et technique.
1.3.1. Champ de la morale et du religieux : de l’éthicité des produits et des services
Sur ce premier point, de quoi parle-t-on : éthique, déontologie, morale, religion,
développement durable, économie écologique, épargne solidaire, Investissement Socialement
Responsable…. ? L’idée que la religion joue un rôle central dans le dynamisme économique
remonte à Max Weber (1905) et à son fameux traité sur « L’éthique protestante et l’esprit du
capitalisme » (2004). La finance éthique se développe sur un volet financement et sur un volet

43
préalable constitué par la phase d’épargne. Cette évolution relève en partie de la montée en
puissance des fonds d’investissement où l’investisseur souhaite accroître ses pouvoirs ; il est
alors parfois nécessaire de le raisonner afin d’obtenir une certaine cohérence avec de
nouvelles valeurs partagées ou non. Elle se développe aussi parce qu’un certain nombre de
financiers a acquis la conviction que la prise en compte de critères sociaux et
environnementaux était de nature à mieux identifier les firmes les plus performantes dans le
temps. Éthique et/ou morale ? Pour notre part, nous utiliserons indifféremment les deux
vocables pour exprimer la même chose. Pourquoi ? Pour les uns, la morale, « ensemble des
règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société, théories des
fins de l’action de l’homme… », exprime les principes ; pour les autres, l’éthique, « partie de
la philosophie qui étudie les fondements de la morale, ensemble de règles de conduite… »,
souligne leurs applications et inversement ! Les principes sont indissociables de leurs
applications. Dans le fonctionnement actuel de notre économie, l’éthique interpelle les
convictions de chacun. Elle s’impose progressivement à travers les lois, le pouvoir judiciaire
et les débats sur l’enrichissement des uns et l’exclusion des autres. De plus en plus, le
discernement de chacun est sollicité pour apprécier les situations et agir, comme le souligne,
notamment, Jean Moussé : « au-delà de la compétence, toute décision met en œuvre la
personnalité de celui qui la prend dans la complexité des relations économiques, sociales,
politiques et dans la permanente évolution technologique. Elle inclut sa culture et les objectifs
conscients ou non » 47.
La charia impose aux croyants d’inscrire leurs activités quotidiennes et notamment
« marchandes » dans le respect de l’environnement et des générations futures. La finance
islamique se situe entre éthicité et militantisme (verset 275 de la deuxième Sourate du Coran :
« Dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt ». En France, l’introduction de la finance
éthique date de 1983 avec la création du premier fonds. Pour la finance islamique, son
introduction dans la banque de détail est beaucoup plus récente et directement liée aux
mesures fiscales du mois d’août 2010. Dés la fin des années 1970, la Banque Commerciale du
Maroc (devenue BCM/WAFA puis Attijarwafa Bank) et le Groupe CIC avaient développé les
prémices d’un développement de relation commerciale dans le cadre de la banque de détail.
Ainsi, la succursale d’Asnières/Gennevilliers accueillait des ressortissants marocains pour
leur proposer l’ouverture d’un compte sur livret jumelé avec une assurance décès/rapatriement
du corps afin d’effectuer des transferts d’argent vers le Maroc. S'il y avait bien intégration, au
sein de l’agence, d’un guichet dédié aux marocains, cette « finance » n’avait rien d’islamique
(il s’agissait d’un livret « B » fiscalisé produisant des intérêts et offrant la possibilité
d’accepter quelques prélèvements bancaires).
1.3.2. Champ du juridique
Sur ce second plan, de nature juridique, la France aurait dû bénéficier d’un avantage
compétitif, le droit romain étant plus proche du droit islamique que ne l’est, a priori, le droit
anglo-saxon. Mais les lenteurs juridiques à réformer comme : la suppression de la double
taxation en matière de publicité foncière et des droits d’enregistrement dans le cadre
d’opérations immobilières d’achat/revente sans intension spéculative, l’exonération de la
garantie des vices cachés dans le cadre de cession immobilière, sont de nature à limiter le
développement de la finance islamique dans la banque de détail. Toutefois, il convient de
préciser que des efforts sont engagés par la Direction Générale des Finances publiques qui a
publié, en août 2010, quatre nouvelles instructions administratives sur le régime fiscal
applicable à certains outils de la finance islamique, à savoir les souhouk d’investissement
(titres financiers négociables dont la rémunération et, le cas échéant, le principal sont indexés

47
Quatrième de couverture de l’ouvrage de Jean Moussé : « L’éthique des affaires », Dunod Éditeur, Paris,
2002.

44
sur la performance d’un ou plusieurs actifs sous-jacents détenus par l’émetteur. Bien que hors
champ de cette contribution, l’instruction les considère comme des titres de créance et la
rémunération servie au porteur est soumise aux règles fiscales des intérêts) ; la mourabaha
(ici, le revenu du financier est assimilé aux intérêts et cela concerne plus spécialement les
opérations d’acquisition immobilière ; l’ijara (application des dispositions fiscales du crédit-
bail) et l’istisna (assimilée à une opération d’achat conventionnel.).
1.3.3. Champs économique et technique
En matière de questions économique et technique, la France possède une population
musulmane trois fois plus importante que la Grande-Bretagne, mais, c’est une population
moins rompue et moins formée aux pratiques de la finance islamique (par rapport aux
immigrants Malaisiens et pakistanais présents au Royaume-Uni). Toutefois la
banque/assurance française pourrait développer la collecte de l’épargne des résidents
musulmans ainsi que les assurances décès (rapatriement du corps en cas de décès…). Le
développement de la finance éthique et de la finance islamique constitue une occasion de
participer à la création d’emplois de personnes qualifiées, dans une industrie financière
première créatrice d'emplois (plus de 30 000 recrutements annuels). Comme la finance
éthique, en matière de notation extra financière, la finance islamique doit construire des filtres
afin d’exclure les investissements dans le cadre d’activités prohibées, au sein des sociétés
disposant d’un ratio d’endettement supérieur à 33% ou dont les revenus usuraires
dépasseraient le seuil de 5%. Finance éthique et finance Islamique se rejoignent
conceptuellement et pourraient s’enrichir mutuellement (ce point a été, particulièrement,
souligné lors de notre rencontre avec le Président de la MACIF, Monsieur Gérard Andreck,
par ailleurs président du Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurance, GEMA, qui
nous a également souligné l’intérêt et l’attractivité du mode de gouvernance des mutuelles et
des coopératives pour les pays du Maghreb) du fait de ce double statut que l’on retrouve dans
la finance islamique : à la fois « client » et responsable comme dans le modèle coopératif et
mutualiste où, le client est aussi sociétaire !
Plus concrètement en France, ou plus précisément à la Réunion, un appel public à l’épargne
en euros (charia compatible), avec visa de l’Autorité des marchés financiers de juillet 2007,
avait été lancé par la banque française commerciale de l’océan Indien (BFCOI), filiale de la
Société Générale, au début de l’année 2008 ; il s’agissait d’un fonds (SGAM Al Shariah
Liquidité) investi dans des opérations de mourabaha (voir définition précédente : achat/vente
de matières premières avec une marge bénéficiaire). Quelques mois après son lancement, ce
fonds avait collecté 16 millions d’euros. Malheureusement, en raison de la crise financière et
de la baisse générale des conditions de marché des matières premières, ce fonds a dû être
liquidé début 2009. Le capital n’étant pas garanti, conformément aux préceptes éthiques issus
du Coran, la banque, dans un souci de préservation des intérêts des investisseurs et de la
protection de la plus-value acquise, a décidé de procéder au remboursement des parts. Ce
projet démontre, néanmoins, que la transparence de l’information et son association à des
investissements en lien direct avec l’économie réelle sont possibles y compris en période de
fortes tensions financières. Il témoigne d’une tentative d’opportunité pour la banque de détail,
dans un souci de vulgarisation et d’information d’une large clientèle de petits épargnants 48.

48
www.financeislamiquefrance.fr

45
2. Limitations et potentiels de développement de la finance éthique
et de la finance islamique dans la banque de détail française :
entre réticences des acteurs et obstacles réglementaires
Cette seconde partie se propose d’examiner, successivement, les limites et les potentialités de
développement de la finance éthique et de la finance islamique, dans le cadre socioculturel
français de la banque de détail.

2.1. Du contexte de l’action : du poids du socioculturel et de la gestion des


paradoxes
Préalablement à l’examen des limites et des potentialités de développement de la finance
éthique et à celles de l’implantation effective de la finance islamique, un petit rappel du
contexte socio-économique est nécessaire. Si « les affaires » et le rôle croissant des grandes
entreprises dans la financiarisation de l’économie ont appelé à l’émergence d’une forme
de « contre-pouvoir » à travers la recherche d’une quête de sens pour les placements et
l’investissement, la problématique est de nature différente pour la finance islamique. La
présence conséquente des populations musulmanes en France s'explique par des motivations
économiques antérieures. C'était à l'origine une population, plutôt masculine, jeune et non
accompagnée de membre de la cellule familiale, qui se destinait à travailler seulement
quelques années en France afin de transférer son épargne vers son pays d’origine et ainsi,
participer à la survie de la famille restée dans des nations naissantes et en construction.. La
politique de regroupement familial, instaurée en France en 1974, transforme les conditions de
vie des musulmans qui passent alors d’une situation de transit à une implantation durable de la
famille. Selon les récentes estimations du Ministère de l’Intérieur chargé des Cultes, les
musulmans seraient 6 millions sur le territoire français dont, un quart, seulement, serait
pratiquant, faisant de l’Islam la seconde religion de France. Entre communautarisme et
intégration, pour un consommateur, la volonté de se conformer à sa religion conforte une
détermination dans l’acte d’achat et constitue une façon d’affirmer son identité. La
consommation croissante de produits « halal » (y compris dans la restauration rapide, à
l’image de la chaîne Quick), avec une croissance annuelle de 15% et un chiffre d’affaires
estimé à plus de 6 milliards d’euros pour 2011 (le double du « bio »), illustre parfaitement
cette dynamique.

2.2. De la finance éthique


En ce qui concerne la finance éthique, malgré l’évolution relativement conséquente des fonds
investis et une certaine prise de conscience de la nécessité d’une approche plus responsable
des investissements qui doivent s’inscrire dans la durée et l’économie réelle, elle se partage,
encore, entre mythe et réalité avec des encours ne dépassant qu’un peu plus de 2% des actifs
gérés. En matière d’épargne salariale, malgré la présence de fonds labélisés « éthiques »,
c’est, encore, moins de 3% des actifs gérés qui adoptent cette politique d’investissement. Le
rôle des pouvoirs publics, des politiques et de la mesure de sa performance seront
déterminants pour son avenir. Nouveau paradigme, la finance éthique est encore peu intégrée
aux enseignements et comme elle remet en cause bon nombre de fondements traditionnels, sur
lesquels beaucoup de dirigeants et d’entreprises ont construit leur carrière et leurs succès, les
résistances aux changements sont nombreuses. Nous sommes aux premières étapes de ce que
les psychologues appellent la courbe du changement, où individus et institutions vont
connaître successivement des états de déni, de perte de repères, voire de colère, avant
d’admettre définitivement les principes. Il est encore probablement prématuré de bâtir des

46
scénarios sur le devenir de la finance éthique. Certains auteurs ont formulé des hypothèses
fortement probables (la convergence vers la finance moderne ou le développement d’une
niche réservée à un monde d’initiés et restant marginale par rapport au premier point, voilà
pour les deux hypothèses les plus probables). En ce qui concerne les deux autres hypothèses,
moins probables, figure la régression ou la radicalisation. Pour notre part, nous serions tenté
d’avancer une cinquième possibilité qui connaîtrait une scission nette entre les domaines des
fonds éthiques et des fonds socialement responsables, plus ou moins convergents dans la
masse de la finance moderne, d’une part et l’épargne de solidarité développant des métiers à
part entière dans une stratégie de niche, d’autre part. Mais, la volonté et la taille des marchés
représentés par le domaine « des catalyseurs » (fonds mixte, fonds de pension, épargne
salariale…) seront, par la masse critique atteinte et la volonté des pouvoirs publics et des
investisseurs institutionnels, les arbitres de l’émergence ou non de cette cinquième voie. Au
stade de la réflexion et de la maturité des produits, il est encore prématuré de s’engager plus
avant.

2.3. De la finance islamique


Selon la société de conseil Equinox Consulting 49, la banque de détail islamique disposerait de
moins de chance de trouver son positionnement en France que la banque d’investissement
islamique. Un potentiel estimé entre 500 et 700 agences islamiques sur les 39 000 agences
bancaires françaises (dont 12 000 pour la seule Banque postale), d’ici une quinzaine d’années,
constituerait l’hypothèse optimiste des implantations. Il reste à en examiner les raisons et les
contraintes.
Avec ces faits, il paraît difficile d’ignorer les questions identitaires sous-jacentes aux
préoccupations de près de 10% de la population française. Entre repli sur soi au travers d’un
communautarisme exacerbé et l’opportunité d’une meilleure intégration sociale et
économique par l’octroi de prêts à la consommation, à l’accession au logement et à la création
d’entreprise, il faudra choisir ! C’est d’ailleurs dans le domaine de l’immobilier que la banque
de détail islamique a fait ses premiers pas en France avec l’octroi, en 2010, du premier crédit
respectant la charia. Malgré l’instauration progressive d’une certaine neutralité fiscale
apportée par les quatre instructions du 24 août 2010 précitées, d’importants obstacles restent à
franchir pour qu’une offre effective de produits et services bancaires voie le jour. Si la
demande est présente, deux types de risques ou de freins nous paraissent émerger : les risques
de réputation et les risques d’incertitude sur le modèle économique à développer rendent
réticents les grands réseaux bancaires français.
Quels scénarios possibles pour la finance islamique? L’affaire récente des « quotas » dans le
football français où même les valeurs humanistes prônées par le sport vacillent, le tollé, fin
2010, contre l’initiative Quick, la proximité d’élections en avril 2012, participent à
l’élaboration d’un climat psychosociologique peu propice. Quelques grands groupes bancaires
français pourraient créer des espaces dédiés dans une agence ou développer un réseau
spécifique, au risque de mécontenter les clientèles musulmane et française ! Les banques
issues des grandes chaînes de la distribution (Carrefour, Auchan…) en relation avec le
développement de la consommation « halal » pourraient, elles aussi, avec moins de scrupules,
développer des « corners » sur leurs lieux d’implantation. La banque « en ligne » pourrait,
également, apporter sa contribution eu égard à l’aspect discrétionnaire des opérations. Des
candidatures potentielles pourraient aussi provenir de banques étrangères, islamiques ou non.
Les investisseurs privés du Golf semblent moins attirés par le concept de banque de détail. En
attendant, Londres demeure la place de référence pour la banque islamique en Europe, mais

49
Conclusion rapportée par Violaine Le Gall, dans un article intitulé : « La banque de détail islamique a un
potentiel très limité en France », publié dans l’AGEFI, journal daté du 19/02/2010

47
elle disposait de clients potentiels, souvent d’origine pakistanaise ou malaisienne, qui
connaissaient, depuis plus de trente ans, les pratiques de la finance islamique dans leur pays
d’origine. Derrière ces scénarios, il y a des coûts : coût d’implantation, coût de
communication, coût de recrutement et de formation de conseillers spécialisés dans la
commercialisation de produits conformes à la charia. Il y a aussi, pour la finance islamique,
l’enchevêtrement des risques du prêteur et de l’entrepreneur. Alors qu’on la présente souvent
comme moins risquée (interdiction de la spéculation), des risques de non-remboursement
apparaissent comme plus importants (risques de perte, risques de liquidité liés à l’absence de
refinancement auprès des banques centrales). L’aspect participatif des financements inquiète,
comme la prohibition de l’intérêt suscite interrogations et divergences.

Conclusion : entre communautarisme et intégration pour la


finance islamique, entre mythe et réalité pour la finance éthique
Lieux utiles d’une réflexion alternative et de l’innovation conceptuelle pour une banque
« autrement », la finance éthique et la finance islamique s’efforcent de concevoir une
inclusion financière de l’ensemble des français à la recherche d’une quête du sens et de
responsabilité pour leur épargne. De là, dire que Paris pourrait être la place financière de la
finance durable et islamique, malgré la présence d’un potentiel de plus d’une centaine de
milliards d’euros de capitaux captifs, est probablement prématuré. La seule certitude en la
matière, demeure, encore, l’imprévu. Les potentialités de développement demeurent très
largement sous l’influence des volontés politiques.

Références bibliographiques
Actes du séminaire « Finance éthique et finance islamique » organisé le 11 février 2009 par l’Ecole de
Management de Strasbourg.
Guider Hervé et Roux Michel, La banque coopérative en Europe », Edition Revue Banque, septembre
2009, 125 pages.
Jouini Elyès et Olivier Pastré, « Enjeux et opportunités du développement de la finance islamique pour
la place de Paris », Rapport remis à Paris Europlace, en 2008 ainsi, que son résumé ; « Le
développement de la finance Islamique : une fantastique opportunité à saisir pour la France au cœur
de la crise financière, Dix propositions pour cent milliards d’euros ».
Le Gall Violaine, article intitulé : « La banque de détail islamique a un potentiel très limité en
France », publié dans l’AGEFI, journal daté du 19/02/2010.
Le Goff Jacques, « La Bourse et la vie », Pluriel histoire, Hachette littératures, Paris, 2004, 300 pages.
Moussé Jean : « L’éthique des affaires », Dunod Éditeur, Paris, 2002, 250 pages.
Roux Michel, « Finance éthique, structures, acteurs et perspectives en France », édition Revue
Banque, Paris, novembre 2005, 175 pages.
Roux Michel, « La banque de détail », sous la direction, Collection Master, Edition ESKA, décembre
2010, 596 pages.
Roux Michel, « Les sociétés mutuelles d’assurance : un statut à l’épreuve du développement » édition
ESKA, Paris, octobre 2009, 180 pages.
Roux Michel, « La Banque coopérative en Europe, stratégies et défis » édition Revue Banque, Paris,
septembre 2009, 128 pages.
Wahab Mahmoud, Abdel, «Islam et finance », rapport moral sur l’argent dans le monde 2005, 11ème
édition, Revue d’Economie Financière, Paris, 2006, 395 pages.
Max Weber, Titre original Die protestantische Ethik und der “Geist” des Kapitalismus Éditeur Archiv
für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 1905, Version française, l'Ethique protestante et l'esprit du
capitalisme, Gallimard, 2004 (ISBN 2-07-077109-1).

48
Finance éthique: quels enjeux pour la banque?
Michel Roux

Plan de la présentation:

Introduction: finance éthique est-ce un oxymore?

Partie I: genèse et décryptage de la finance éthique

Parie II: les réponses des banques.

Partie III: défis et perspectives de la finance éthique.

Conclusion: la finance éthique, mythe ou réalité!

De quelques éléments bibliographiques pour poursuivre

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2016

Introduction: finance éthique, est-ce un oxymore?


► Oxymore ou oxymoron (n.m.) = « alliance de deux mots de sens
contradictoires pour leur donner plus de force ». Oui la Finance éthique
est un oxymore car victime de son succès sous la forme de l’ISR, elle
n’a pas su proposer d’alternatives à la cupidité des systèmes financiers!

► Du contexte: entre perte de confiance et prise de conscience?


. L’éthique dans tous ses états!
. Des raisons liées à la montée des risques
-Réconcilier l’entreprise et la société

► Ethique ou morale? La notion grecque de l’ethos renvoie aux


habitudes et aux manières d’être d’une personne, comment agir au
mieux en fonction de ses propres valeurs (individuelle par opposition à
la morale qui est plus collective)

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2016

49
Introduction: finance éthique (suite 1)
► Aujourd’hui, dans un contexte international d’innovations, tous secteurs d’activités
confondus, les crises successives et leurs conséquences amplifient le processus de
changement : modifications des repères, des comportements, des paradigmes économiques
face à une concurrence exacerbée et à une crise de confiance.

► Les résistances aux changements sont nombreuses et nous sommes qu’aux premières
étapes de ce que les psycho-sociologues appellent la courbe du changement où individus et
institutions connaissent successivement des états de déni, de pertes de repères et de colère
avant d’admettre leur utilité.

► Dans ce contexte, une demande d’une « moralisation », de gré ou de force, de la vie


économique est apparue dans le débat social et politique. Parallèlement, la recherche d’une
sortie de crise redonne à la solidarité, aux sociétés de personne qui développent d’autres
logiques d’entreprise (rapport au territoire, lien avec les parties prenantes…) un espoir de
développement.

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2016

Introduction: finance éthique (suite 2)


Actualité oblige: quelle suite pour COP 21?....COP 22 à Marrakech, l’an prochain? De
la prise cde conscience au courage de passer à l’action…..

► Comme le souligne l’économiste Daniel Cohen dans son ouvrage intitulé « Le monde
est clos et le désir infini » paru chez Albin Michel en août 2015. Si la croissance est de
plus en plus fugitive et que l’idéal de progrès s’estompe, c’est une crise existentielle
profonde qui se profile avec ses désespoirs et ses violences ! « Vivre simplement, pour
que d’autres puissent simplement vivre » proclamait déjà Gandhi, cela suppose de
repenser nos modèles sociaux, économiques et financiers et par voie de conséquences
la nécessaire formation afin de faire émerger les compétences.

► Que nous a révélé COP 21? Ne peut-on pas voir les choses différemment,
« autrement » Nous sommes une génération informée des risques encourus et des
mesures à prendre, sans doute la dernière à pouvoir agir pour préserver la génération
d’après. La solidarité peut nous sauver. Solidarité contre la peur de l’autre ou la
tentation du repli.

► Nous détestons les mauvaises nouvelle, donc nous détestons prévoir car cela
pousse à l’action

► Comment renforcer le lien entre environnement et économie?

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2016

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Partie I: genèse et décryptage de la finance éthique
(plan)

► Finance et systèmes de pensées: un peu d’histoire….

► Spéculations et crises: est-ce la fin d’un modèle?

► Les différentes formes de la finance éthique

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2016

Partie I: genèse et décryptage de la finance éthique (1)

► Finance et systèmes de pensée: des modèles dominants à une


possible gestion alternative, un peu d’histoire!
De l’interdiction à la tolérance de l’usure (Moyen Age); de l’essor des banques (15ème);
du gouvernement par la puissance commerciale (16ème); les physiocrates (17ème);
priorité au marché (18ème); du libéralisme au socialisme…..

La libéralisation des marchés: de l’Ecole de Chicago à l’internalisation


des capitaux et à la flexibilisation des mécanismes de production.

► Spéculations et crises: est-ce la fin d’un modèle?

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2016

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Partie I: genèse et décryptage de la finance éthique (2)
Les différentes formes de la finance éthique: entre DD, RSE, activisme
actionnariale, ISR, microcrédit….. transition énergétique….

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2016

Partie II: les réponses des banques (plan)

► Chiffres clés de l’économie bancaire

► Entre ISR (Investissement Socialement Responsable) et Epargne solidaire:


- Définitions de l’ISR
- De quelques données statistiques: France et à l’international

► L’Epargne solidaire

► L’ISR, une croissance en trompe l’œil!


- La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE)
-La labellisation des fonds
- La notation extra-financière

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2016

52
Partie II: les réponses des banques (1)
chiffres clés de l’économie bancaire (sources Banque de France)
Nombre
d’établissements
2008 2009 2010 2011 2012
BANQUES
220 212 206 197 193
Mutualistes
104 101 101 95 92
Crédit Municipal
18 18 18 18 18
SOUS-TOTAL
342 331 325 310 303
Sociétés
financières
304 300 287 277 266
AUTRES
76 75 71 69 65
TOTAL
722 706 683 656 634

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2016

Partie II: les réponses des banques (2)


chiffres clés de l’économie bancaire (suite, sources FBF, 08/12/2015):
♦ 99% des Français ont un compte, 37 623 succursales (570:million d’habitants), 58640
distributeurs
♦ Crédits (€): 1049 mds aux ménages, 860 mds de prêts immob., 867 mds
crédits/Entreprises
♦ Paiement: 189mds d’opérations de paiement dont 50% par CB
♦ Epargne: Taux = 15,2%, Livret A = 254 mds, LDD = 103 mds, ass. vie = 1581 mds
♦ Un paysage bancaire en mutation sous l’effet de la conjoncture, de la réglementation
(liquidité, séparation et régulation des activités) et de l’adaptation des circuits de
distribution (15% des agences non rentables, selon la BCE leur nombre est passé de
273000 en 2008 à 217000 en 2013)
♦ 4 défis pour la banque de détail: améliorer son image; sortir de la banque à l’acte,
élargir son offre, l’appétence au risque.
♦ Repères économiques: PIB de la France en 2015 = 2120 mds €, croissance nulle en
2012 (+0,9% en 2013); inflation 2012 = 1,2% (≈ 1% en 2013)
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Partie II: les réponses des banques (3)
Entre ISR (Investissement Socialement Responsable) et Epargne solidaire:

►l’ISR rassemble les démarches qui intègrent des critères extra-financiers dans une
perspective de LT pour la gestion d’actifs. Mais, les pratiques sont diverses en l’absence de
norme et il n’existe pas de définition de l’ISR commune à tous les investisseurs…..des
approches:
-Sélection ESG (« Best in Class »)
- Exclusions normatives (non respect des conventions internationales)
- Engagement actionnarial
- Exclusions sectorielles
- Fonds thématiques (énergies renouvelables, l’eau, la santé…)
Ces deux dernières approches n’étant généralement pas considérées ISR

► L’Epargne solidaire: se divise entre épargne de partage (dons) et placements


solidaires (financements) Université de Strasbourg janvier 11

2016

Partie II: les réponses des banques (4): de quelques


données statistiques
►L’Investissement Socialement Responsable en France (Sources Novethic)

Années 1990 2001 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Nombre
de Fonds
3 42 128 137 175 180 205 212 228 230 263 268

Nombre
de
2 10 44 45 48 49 50 51 53 53 54 55
Sociétés

Encours
en
0,030 3,2 8,7 16,8 21,8 29,9 50,7 68,3 115,3 149 170 223
milliards
d’€

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2016

54
Partie II: les réponses des banques (4): de quelques
données statistiques

► La croissance dynamique de la gestion ISR est portée par les investisseurs


institutionnels. Les investisseurs particuliers ne représentent même plus que 18%.

► Les assureurs sont les poids lourds de ce marché puisqu’ils détiennent deux tiers
des encours de l’investissement responsable français et leur engagement explique en
très grande partie la croissance 2013

► Répartition des encours ISR par classe d’actifs: obligations = 65%; actions = 19%;
monétaires = 14%......

► Dans le cas de la gestion ISR, les assureurs portent la croissance 2013

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2016

Partie II: les réponses des banques (5): de quelques


données statistiques

►L’Investissement Socialement Responsable, dans le monde (Sources Novethic)


- En Europe: un marché hétérogène (vision de l’ISR façonnée par les cultures et l’histoire), mais, en
développement (estimation: 2500 milliards sur 14 pays en 2012):
. En Allemagne, en 2012, l’encours = 26 milliards d’€ (essor du best in class et des fonds religieux)
. Marché britannique: 989 milliards d’€ fin 2911 (97% par des Investisseurs institutionnels)
- En Amérique du Nord: un marché qui bénéficie d’une certaine antériorité (1971)
. Aux Etats-Unis; 3744 milliards de $ fin 2012, soit 11,3% de la gestion d’actifs (exclusions sectorielles
et engagement actionnarial dominent)
. Canada; 601 milliards de $ canadiens (89% du marché détenu par les caisses de retraites)
-En Asie: croissance variable, gouvernance, environnement, finance islamique (Malaisie)
. Chine = 4 milliards de $ us (1% des actifs en actions), Japon = 8 milliards d’€ en 2011
(environnement)

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2016

55
Partie II: les réponses des banques (6) de quelques :

données statistiques

► L’Epargne solidaire (sources Finansol)

Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
s

Epargn n.c. 138 130 260 380 560 600 1012 1460 1701 2600 3800
e
salarial
e
Epargn
e de
124 142 105 214 221 285 350 457 521 579 600 700
partag
e
Placem 167 256 378 414 670 840 684 932 1101 1268 1512 1520
ents
solidair
es
Total 291 536 613 888 1271 1685 1634 2401 3082 3548 4712 6020
en
million
s d’€

Université de Strasbourg janvier 15

2016

Partie II: les réponses des banques (7) :

ATTENTION : ISR et finance solidaire, 2 notions à ne pas confondre !

► L’Investissement Socialement Responsable (ISR) désigne une méthode de


sélection des entreprises cotées en Bourse en fonction non seulement de leur
performance financière mais aussi d’une appréciation de leur comportement
éthique, social et/ou environnemental.

► La finance solidaire repose sur un degré d’engagement plus fort puisque


les activités financées sont choisies en fonction de leur utilité effective en
matière de lutte contre l’exclusion, de cohésion sociale ou de développement
durable et qu’elles ne sont pas cotées en Bourse.
Université de Strasbourg janvier 16

2016

56
Partie II: les réponses des banques (7):
l’ISR, une croissance en trompe l’œil ….!

► La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE ou CSR pour Corporate Social Responsability):
Démarche volontaire et peu réglementée qui se construit avec les parties prenantes de
l’entreprise (salariés, actionnaires, clients, fournisseurs…la société civile). Les raisons qui
incitent les entreprises à adopter la RSE sont très variées d’un secteur à l’autre (communication,
évolution du comportement des clients, gestion des risques….)

► La labellisation des fonds:


Pour donner des repères sur la gestion ESG aux investisseurs (Ex.: le Label ISR Novethic…). La
labellisation se contente trop souvent de juger de la transparence des critères plus que le
contenu des fonds…!

► La notation extra-financière:
Pour mesurer, évaluer et comparer la qualité des politiques RSE, depuis 2000, s’est développé
des référentiels de reporting internationaux et des agences de notation extra-financière dont le
métier est de vendre leurs évaluations fondées sur des critères Environnementaux, Sociaux et de
Gouvernance (ESG

17
Université de Strasbourg janvier
2016

Partie III: Devenir de la Finance éthique (plan):

► Finance éthique et banques responsables

► Religions et finance éthique

► A la recherche d’une terminologie et d’une régulation communes!

Université de Strasbourg janvier 18

2016

57
Partie III: Devenir de la Finance éthique (1): finance
éthique et banques responsables

Les clients attendent de meilleures pratiques de leurs banques coincées entre


perte de confiance et vindicte de la société civile:

Pour combler ce déficit d’image, les banques multiplient les projets et initiatives
responsables, principalement, dans quatre domaines:
♦ Economique avec des financements plus responsables (ISR)
♦ Social: nouvelles pratiques de RH, associations, culture
♦ Pour leurs clients: prévention du surendettement, l’exclusion
♦ l’Environnement: réduction de leur emprunte….

Université de Strasbourg janvier 19

2016

Partie III: Devenir de la Finance éthique (2):


religions et finance éthique

Chacun connaît la dichotomie entre finance conventionnelle et finance éthique. Elle semble
s’imposer aux esprits comme un état naturel porté de part et d’autre de la méditerranée par des
civilisations judéo-chrétienne et arabo-musulmane.

► Les fondements de la finance islamique


La finance islamique est souvent présentée comme une panacée adossée à des techniques
bancaires excluant le taux d’intérêt. En réalité, système financier, à part entière, elle comporte des
fondements théoriques adossés à la charia prônant l’équité et la justice. Est-elle de nature à
moraliser une activité économique?

► La finance catholique appartient à la catégorie des finances éthiques à l’instar de la finance


islamique. Cette terminologie, d’usage peu courant, se réfère à des dimensions dogmatique,
personnelle et opérationnelle. Pour quels objectifs?

Université de Strasbourg janvier 20

2016

58
Partie III: Devenir de la Finance éthique (3):
A la recherche d’une terminologie et d’une régulation communes!
► Courage politique, information citoyenne et solidarité dans les efforts à
accomplir sont de mise dans un contexte d’incertitude.
► Une banque éthique?
►Le défi principal dépasse de loin la banque et la finance éthique, c’est le
retour au réel. La banque est au service de sociétés humaines singulières,
soucieuses de se transmettre et de se diriger elles-mêmes. Le rêve de
l’unité planétaire se brise, au moment où la planète financière éclate, et où
le monde se régionalise. Relocalisation, reterritorialisation, ré
enracinement, la banque n’échappera pas à la question ; quelle est son
utilité ? En quoi cette utilité est-elle proportionnelle à ses revenus ?

21
Université de Strasbourg janvier
2016

Conclusion: mythe ou réalité de la finance


éthique

En son état actuel, la Finance éthique a échoué dans son projet de


transformation d’une sphère financière au service d’elle-même. Il
faut continuer à éclairer les débats et à dissiper les malentendus.

Merci pour votre accueil et votre attention……


place aux questions…..

Université de Strasbourg janvier 22

2016

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De quelques éléments bibliographiques pour poursuivre
• Le Goff J., « La Bourse et la vie », Pluriel histoire, Hachette littératures, 2004.
• Mortier G., « Finance éthique: le grand malentendu », Ed. STIMULO, FYP Editions, 2013.
• Rapport moral sur l’argent dans le monde 2013, Association d’Economie Financière, « L’entreprise
responsable, Régulation et contrôle de la finance, Religions et crise financière », avec le soutien de la
Caisse des Dépôts, Revue d’économie financière.
• Revue des Sciences de Gestion, n° 255-256, mai-août 2012, pages 71 à 144, cahier spécial « Financer
autrement? » réalisé par divers auteurs.
• Roux M., « Entre perte de confiance et prise de conscience : quel rôle pour la finance éthique dans
l’entreprise ? » Rapport Moral sur l’argent dans le monde, avril 2006, Revue d’Économie Financière.
• Roux M., « Finance éthique », Revue Banque Édition, novembre 2005. Ouvrage nominé au « Prix
Turgot » du meilleur ouvrage d’économie financière 2005, « Mention d’Honneur ».
• ROUX M., « Management de la banque, des nouveaux risques aux nouvelles formes de
gouvernances », Editions Vuibert, Paris 2013.
● ROUX M. , « Stratégie et gouvernance des Institutions Financières Mutualistes ». Revue Banque
Editions, Paris 2015. Université de Strasbourg janvier 23

2016

60
Webographie:

www.alternatives-economiques.fr
www.cigales.asso.fr
www.cncres.org
www.environnement.gouv.fr
www.eurosif.info
www.finansol.org
www.franceactive.org
www.isr-info.com
www.lanef.com
www.novethic.fr
www.orse.org/fr/
www.socialfunds.com
www.sri-in-progress.com

61
Annexe :
Quelques exemples de critères d’analyse ISR et RSE de différents
organismes de recherche et de promotion de l’ISR

Nom de Informations sur l’organisme Critères ISR et/ou RSE


l’organisme
EthiFinance EthiFinance est une agence d’analyse et de En 2004, EthiFinance a élaboré sa
conseil extra-financiers qui accompagne les méthodologie d’analyse ESG qui est mise à
investisseurs et les entreprises dans la gestion jour annuellement lors de la revue
des risques et opportunités liés au méthodologique.
développement durable. Gouvernance
L’agence est organisée en deux pôles, - Fonctionnement des instances
permettant d’apporter une réponse adaptée aux - Gestion et contrôle des risques
besoins de ses clients : - Déontologie et corruption
Le pôle Investisseurs accompagne les - Relation avec les actionnaires
investisseurs dans l’intégration des enjeux Social
environnementaux, sociaux et de gouvernance - Politique et stratégie
(ESG) dans leur gestion financière. - Conditions de travail
Le pôle Entreprises et Collectivités accompagne - Développement du capital humain
les organisations publiques et privées dans la - Diversité et égalité des chances
l’évaluation, la définition, le déploiement et le - Santé et sécurité
renforcement de leur démarche RSE. Se basant - Dialogue social
sur dix années d’expériences en évaluation Environnement
extra-financière et conduite d’audits RSE in- - Politique environnementale
situ, EthiFinance a développé un ensemble de - Système de management
solutions innovantes et adaptées afin de - Ressources et consommations
répondre aux attentes des entreprises. - Emissions, effluents et déchets
- Biodiversité
Créé en 2004, EthiFinance est devenu un leader
européen dans la notation des petites et Parties prenantes
- Gestion des fournisseurs
moyennes entreprises, cotées ou non cotées.
- Responsabilité clients et produits
http://www.ethifinance.com/
- Relation avec la société civile
Sont allouées à ces référentiels des
pondérations sectorielles afin de mettre en
exergue l’importance des enjeux clés pour
chaque secteur industriel.
Selon les pondérations, certains critères sont
donc activés ou désactivés, d’autres sont plus
ou moins pondérés selon les risques
sectoriels. Par exemple, une entreprise du
secteur énergie ou automobile sera davantage
impactée sur les enjeux liés à la sécurité
industrielle qu’une entreprise bancaire ou de
l’assurance.

Forum Ethibel Association indépendante qui a pour objectif de Formulation de 38 critères positifs, répartis en
sensibiliser le public et les institutionnels à six domaines couvrant tous les aspects de la
investir selon les valeurs éthiques qu’elle responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
promeut. Elle a comme vision de promouvoir Le domaine ressources humaines
activement l’investissement socialement 1. Favorisation du dialogue social

62
responsable (ISR) et la responsabilité sociétale 2. Incitation à la participation
des entreprises (RSE) afin d’accélérer la 3. Politique de restructuration
transition vers une société durable. 4. Planification de carrière individuelle et
Forum Ethibel est actionnaire de Vigeo et employabilité
compte parmi ses membres des associations et 5. Qualité de la rémunération
ONGs de renom. S’appuyant sur la recherche 6. Amélioration de la sécurité, de la santé et
de Vigeo, Forum Ethibel compose le registre de la prévention
d’investissement éthique Ethibel. 7. Politique en matière de temps de travail
Pour ce faire, Forum Ethibel définit, parmi les Le domaine environnement
critères de la recherche de Vigeo, ceux qui font 1. Stratégie environnementale et
l’objet de filtre d’éligibilité des entreprises au écoconception
registre d’investissement Ethibel. 2. Gestion de la pollution (prévention et
www.ethibel.org contrôle)
3. Développement de produits et services
verts
4. Gestion du risque en matière d'atteinte à
la biodiversité
5. Gestion durable de l'eau
6. Consommation rationnelle de l'énergie
7. Gestion des émissions atmosphériques
8. Gestion des déchets
9. Gestion de la pollution locale
10. Impact du transport et de la distribution
11. Empreinte écologique de la
consommation ou de l'élimination de
produits et services
Le domaine comportement sur les marchés
1. Sécurité de la production et des produits
2. Information aux clients
3. Relation responsable avec les clients
4. Collaboration avec les fournisseurs en
matière de production durable
5. Intégration de facteurs
environnementaux dans la chaîne de
production
6. Intégration de thèmes sociaux dans la
chaîne de production
7. Prévention de la corruption
8. Prévention des pratiques
anticoncurrentielles
9. Intégrité et transparence au niveau de la
stratégie et des tactiques d'influence
Le domaine gouvernement d'entreprise
1. Equilibre entre compétences et efficacité
du conseil d'administration
2. Audits et mécanismes de contrôle
3. Droits des actionnaires
4. Rémunération des top managers
Le domaine engagement sociétal
1. Favorisation du développement socio-
économique local

63
2. Impact sociétal des produits ou des
services
3. Contribution à des projets sociétaux
Le domaine droits de l'homme
1. Respect des droits fondamentaux de
l'homme et des mesures visant à les
protéger
2. Respect des libertés syndicales et du
droit aux négociations collectives
3. Non-discrimination
4. Exclusion du travail des enfants et du
travail forcé
Forum ETHIBEL applique également des
critères d'exclusion qui pourraient amener une
entreprise à être exclue du Registre
d'Investissement et ce en fonction de
l’ampleur et la nature de l’implication de
l’entreprise dans des produits ou activités
controversés.
Les produits et activités controversés qui
pourraient conduire à l’exclusion sont les
suivants : les armes, le tabac, les jeux
d’argent, l'énergie nucléaire, les produits
chimiques dangereux, l'industrie du sexe,
les OGMs dans l’alimentation, l'alcool, la
maltraitance animale, l'accaparement des
terres, le gaz de schiste, les sables
bitumineux, les combustibles fossiles, le
bois et l'huile de palme non certifiée et la
spéculation alimentaire.
À côté de cela, de graves violations du droit
de travail et des droits de l’homme,
la corruption, les infractions
environnementales et la non-conformité
aux lois et règlementations nationales et
internationales peuvent bien entendu
également conduire à l’exclusion.

Forum pour Le Forum pour l’Investissement Responsable a « Best in class »


l’Investissement été créé en 2001 à l’initiative de gestionnaires Les fonds dit « Best in class » sélectionnent
Responsable de fonds, de spécialistes de l’analyse sociale et les meilleures entreprises dans leur secteur
environnementale, de consultants, de suivant les critères environnementaux,
syndicalistes, d’universitaires et de citoyens. sociaux et de gouvernance… Il s’agit de
Depuis, ils ont été rejoints par des investisseurs. l’approche la plus présente en France
Leur préoccupation commune : promouvoir Exclusion
l’Investissement Socialement Responsable Les fonds excluent des entreprises en raison
(ISR), faire en sorte que davantage de leur activité (tabac, alcool, armement,
d’investissements intègrent les problématiques jeu…) ou à cause de certaines de leurs
de cohésion sociale, de développement durable. pratiques observées (travail forcé, corruption,
Le FIR est membre de la Plateforme RSE, test sur les animaux…). Cette approche est la

64
depuis sa création en 2013 sous l’égide du plus répandue dans les pays anglo-saxons
Premier ministre. Le Forum y fait partie du pôle Thématique
des organisations représentatives du monde Les fonds investissent dans des entreprises
économique. d’un secteur donné ou favorisant certaines
http://www.frenchsif.org/ pratiques : énergies renouvelables, eau,
réduction d’émissions de gaz à effet de serre,
emplois… En France pour que ces fonds
soient qualifiés d’ISR on s’attache à ce que
les autres pratiques ESG soient également
évaluées. Par exemple, les pratiques sociales
et la gouvernance des entreprises travaillant
dans le secteur des énergies renouvelables
doivent également être regardées…
Engagement
Les actionnaires agissent sur la politique de
l’entreprise au travers d’un dialogue direct
avec les dirigeants et/ou au travers de
l’exercice de leur droit de vote en Assemblée
Générale. Cette approche peut être combinée
avec les approches « Best in Class » et le
Thématique, mais perd de sa pertinence avec
les fonds d’exclusion, car pour pouvoir
dialoguer et voter, encore faut-il être
actionnaire.

Novethic Novethic, filiale de la Caisse des Dépôts, est à SÉLECTION ESG


la fois un média sur le développement durable La sélection ESG peut revêtir plusieurs
et un centre de recherche sur l’Investissement formes : best-in-class (sélection des meilleurs
Socialement Responsable (ISR) et la émetteurs au sein de leur secteur d'activité),
Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). best-in-universe (sélection des meilleurs
Le centre de recherche de Novethic est le émetteurs indépendamment de leur secteur
principal observateur de l'investissement d'activité), best effort ou pondération.
responsable en France et l’unique source de EXCLUSIONS NORMATIVES
statistiques sur ce marché. Exclusion des entreprises qui ne respectent
Il produit des études qui analysent les pas les normes ou les conventions
évolutions du marché et les meilleures pratiques internationales parce qu'elles violent les droits
des investisseurs responsables en France et à humains, font travailler des enfants, sont
l’étranger. responsables d'importantes pollutions, etc.
Novethic attribue un label qui permet de repérer EXCLUSIONS SECTORIELLES
les placements qui offrent les meilleures Exclusion des entreprises de secteurs
garanties de qualité ISR. Cela veut dire que ces d'activités jugés néfastes pour la société
produits intègrent des critères comme l'alcool, le tabac, l'armement, les jeux
environnementaux, sociaux et de gouvernance d'argent et la pornographie pour des raisons
(ESG) dans leur processus de gestion. éthiques ou encore les OGM, le nucléaire, etc.
Novethic attribue également un label Fonds vert pour des raisons environnementales.
aux produits financiers. FONDS THÉMATIQUES
http://www.novethic.fr/ Ils sont investis dans des entreprises actives
sur des thématiques ou secteurs d'activité liés
au développement durable tels que les
énergies renouvelables, l'eau, la santé, ou plus

65
généralement le changement climatique,
l'éco-efficience, la santé ou le vieillissement
de la population.
NB : L’exclusion sectorielle et l’approche
thématique n’est pas assimilée à de l’ISR
stricto sensu selon Novethic dans la mesure
où les émetteurs ne sont pas analysés sur leurs
pratiques ESG. Pour pouvoir parler de gestion
ISR, elle doit être combinée à d'autres
approches systématiques du type sélection
ESG, exclusions normatives ou engagement
actionnarial.
ENGAGEMENT ACTIONNARIAL
Il consiste, pour les investisseurs, à exiger des
entreprises des améliorations en matière
environnementale, sociale et de gouvernance
via le dialogue direct, l'exercice des droits de
vote en assemblées générales ou le dépôt de
résolutions lorsque le dialogue est
infructueux.
FONDS ÉTHIQUES
D'abord utilisé pour désigner les fonds
pratiquant des exclusions sectorielles
(approche initiée par des congrégations
religieuses), le terme "fonds éthiques" est
couramment utilisé pour qualifier les
différentes approches ISR, y compris les
fonds s'appuyant sur un processus de
sélection ESG.

ORSE L’Observatoire de la Responsabilité Sociétale L’ORSE identifie 7 approches qui


des Entreprises est une association loi 1901 correspondent à différentes tendances et à
créée en mai 2000 avec pour objectif de fédérer différentes nuances culturelles dans l'ISR ;
tous les acteurs intéressés par la problématique Éthique
de la responsabilité sociétale des entreprises Cette approche consiste à appliquer ses
(RSE) et de l’investissement socialement convictions éthiques à son investissement.
responsable (ISR) en France. Dans la plupart des cas, elle va de pair avec
L'ORSE propose ainsi différents services l'utilisation de filtres d'exclusion des
réservés à ses membres et édite des rapports entreprises ayant des activités dans des
consultables par le grand public, des guides secteurs considérés comme condamnables,
pratiques, une lettre d'information ainsi que des tels l'alcool ou la pornographie.
sites Internet. Environnementale
Pour traiter des enjeux et thématiques de Cette approche sélectionne les entreprises
développement durable spécifiques au secteur exclusivement sur la base de leur
financier, tel que l’ISR (investissement performance environnementale.
socialement responsable), l’ORSE a créé un Développement durable
Club Finance. Cette approche privilégie les entreprises ayant
C’est à partir des échanges et réflexions de ce de bonnes performances dans leurs trois
groupe d’experts que sont élaborés les outils et secteurs de responsabilité : les domaines
études de l’ORSE sur la finance responsable. sociaux, environnementaux et économiques.

66
http://www.orse.org/ Elle accorde de plus une grande importance
aux conséquences à long terme des activités
des entreprises et au système de management
mis en place pour garantir le progrès continu
et la durabilité de la stratégie.
Stakeholder
Cette approche se concentre sur le dialogue
de l'entreprise avec l'ensemble de ses "parties
prenantes" et sur la manière dont celles-ci
prennent en compte leurs attentes. Cette
approche est souvent croisée avec l'approche
développement durable.
Sociale
Cette approche sélectionne les entreprises
exclusivement sur la base de la qualité de leur
politique sociale et du respect des droits de
l'Homme.
Citoyenne
Cette approche est centrée autour de la notion
de communauté et est particulièrement
développée aux Etats-Unis. Elle accorde par
exemple une grande importance à la non-
discrimination (sexuelle, raciale...) ou à la
politique de mécénat.
Financière
Cette optique considère que la prise en
compte de facteurs sociétaux dans
l'évaluation de l'entreprise permet de mieux
cerner la valeur réelle de l'entreprise que les
analyses seulement financières et donc de
constituer des portefeuilles plus rentables que
les portefeuilles classiques. La notion de
conviction et d'intérêt général n'est ainsi pas
mise en avant.
PRADO Créée en 1986, PRADO EPARGNE a débuté L’Investissement Socialement Responsable
EPARGNE son activité dans la gestion d'actifs puis s’est repose sur plusieurs critères :
progressivement positionnée sur le Le critère relations humaines
développement de l’épargne collective au sein Le critère relations humaines recouvre l’étude
des entreprises : épargne salariale et épargne de la politique de valorisation menée par
retraite. l’entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs. Il
En accord avec les valeurs de solidarité portées s’agit d’apprécier la pertinence de la valeur
par leurs groupes d’appartenance, ils ont globale que peuvent retirer les collaborateurs
développé très tôt une expertise dans d’une telle pratique : rémunération et
l'investissement socialement rétribution, formation, gestion de carrière,
responsable permettant aux salariés de concilier hygiène et sécurité, conditions de travail,
rentabilité financière et critères sociaux et climat social.
environnementaux. Le critère environnement
http://www.pradoepargne.com/ Le critère environnement recouvre l’étude de
la politique de valorisation menée par
l’entreprise vis-à-vis de l’environnement. Il

67
s’agit notamment d’évaluer la gestion des
risques environnementaux, les programmes
d’économies d’énergie, de recyclage,
d’élimination et de la maîtrise des déchets.
Le critère clients et fournisseurs
Le critère clients et fournisseurs recouvre
l’étude de valorisation menée par l’entreprise
vis-à-vis de ses clients et ses fournisseurs :
Certifications de processus et de services,
formation et information du personnel,
développement de partenariats en R&D,
production et distribution, mesures de
satisfaction clients et fournisseurs, respect de
la qualité des produits, respect de la
concurrence.
Le critère actionnaires
Le critère actionnaires recouvre l’étude de
valorisation menée par l’entreprise vis-à-vis
de ses actionnaires : vérifier l’existence d’un
contrôle effectif eu sein du contrôle
d’administration, apprécier la mise en
pratique des principes de gouvernement
d’entreprises et outils d’information et de
dialogue avec les actionnaires.
Le critère société civile
Le critère société civile recouvre l’étude de
valorisation menée par l’entreprise vis-à-vis
de des acteurs apparemment les plus éloignés
de son métier, c’est-à-dire les acteurs
économiques ou sociaux des communautés
nationales ou locales dans lesquelles
l’entreprise a décidé de s’implanter: mécénat
humanitaire, social, environnemental, culturel
et sportif, actions locales de solidarité.
Le critère droit humain
Le critère droit humain recouvre l’étude des
pratiques des sociétés coté visant à assurer le
respect du droit de la personne sur le lieu de
travail. Il s’agit d’étudier les pratiques des
entreprises concernant notamment la liberté
syndicale, le travail des enfants, la non
discrimination à l’embauche.
Vigeo Fondé en 2002 par Nicole Notat, Vigeo s’est Critères d’analyse : 6 domaines et 36 critères
imposé comme le premier expert européen de génériques.
l’analyse, de la notation et de l’audit- Domaine Ressources Humaines
conseil des organisations, s’agissant de leurs - Promotion du dialogue social
démarches, pratiques et résultats liés aux enjeux - Promotion de la participation des salariés
environnementaux, sociaux et de gouvernance « - Gestion maîtrisée des impacts sociaux
ESG ». des restructurations
Le groupe Vigeo mesure les performances des - Promotion des choix individuels de

68
entreprises en matière de développement carrière et amélioration continue de
durable et de responsabilité sociale, et fournit l’employabilité
ces données aux gestionnaires d’actifs. - Qualité des systèmes de rémunération
- Amélioration continue des conditions de
http://www.vigeo.com/ santé-sécurité
- Respect et aménagement du temps de
travail
Domaine Comportements sur les marchés
Respect des droits et des intérêts des clients
- Sécurité du produit
- Information responsable des clients
- Orientation responsable des contrats
Fournisseurs, sous et co-traitant
- Coopération durable avec les
fournisseurs
- Prévention des dumpings
environnementaux dans la chaine
d’approvisionnement
- Prévention du dumping social dans la
chaine d’approvisionnement
Respect des règles du marché
- Prévention de la corruption
- Prévention des pratiques anti-
concurrentielles
- Transparence et intégrité des pratiques
d'influence
Domaine Gouvernance d’entreprise
- Equilibre des pouvoirs et efficacité du CA
- Audit et mécanismes de contrôle
- Garanties des droits et respect des droits
des actionnaires minoritaires
- Transparence et intégration des critères
de responsabilité sociale dans la
rémunération des dirigeants exécutifs
Domaine Environnement
Prise en compte stratégique de
l’environnement
- Stratégie environnementale
- Prévention et contrôle des risques de
pollution accidentelle
- Développement de produits et services «
verts »
- Protection de la biodiversité
Prise en compte de l’environnement dans la
fabrication et la distribution du
produit/service
- Maîtrise des impacts sur l’eau
- Maîtrise des impacts environnementaux
liés à la consommation d’énergie
Maîtrise des émissions atmosphériques
- Gestion des déchets

69
- Maîtrise des niveaux de pollution locale
- Maîtrise des impacts environnementaux
liés au transport
Prise en compte de l’environnement dans
l’utilisation et l’élimination du produit
- Maîtrise des impacts liés à l’utilisation et
à l’élimination du produit ou du service
Domaine Engagement sociétal
- Engagement en faveur du
développement économique et social du
territoire d’implantation
- Prise en compte de l’impact sociétal
attaché aux produits/services développés
par l’entreprise
- Contribution à des causes d’intérêt
général
Domaine Droits humains
- Non-discrimination et promotion de
l’égalité des chances et de la diversité
- Respect de la liberté syndicale et
promotion du droit de négociation
collective
- Prévention des atteintes aux droits
fondamentaux de la personne et respect
de ces droits
- Élimination des formes de travail
proscrites

70

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