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Florence de Mèredieu 

: Histoire matérielle et immatérielle de l'art

HABITER l'image

Contempler l'image Habiter l'image


(Didi Huberman : Devant l'image )
spectateur : sorte de moine laïc

Environnements – installations – spectateur – habitacle – intérieure

Immersion dans l'oeuvre – aspiré, happé, par multitudes de sensations (visuelles, tactiles,
synestésiques, auditives)

Bill Viola : Chambre optique à l'intérieur de laquelle plusieurs spectateurs peuvent


The Cave (1990) pénétrer – univers artificiel – stimulis artificiels
Jeff Wall : Frontalité des murs – gigantisme : enveloppants
Eviction struggle
(1998)
Marie-Jo Lafontaine Installations closes
A la Cinco de la ou circulaires
tarde (1984)
Bille Viola : Espace restreint d'une chambre
chambre pour saint - table – chaise
Jean de la Croix chambre optique /
(1983) chambre mystique

3 éléments pour le - grande taille de l'image


sentiment - clôture du dispositif
d'enveloppement - atmosphère lumineuse qui baigne le spectateur
Monet : Nymphéas « première » installation
(1916-1923) pour des murs incurvés
Ernesto Neto : Juste Installation molles et sensuelles «  organisme vivant » stalactites molle et
comme des gouttes roses...
de pluie (2002)

Les crèches et les tableaux vivants de nos églises : sont les racines de l'installation (relation
au théâtre et mise en scène)
Le système de la vitrine/présentoir/étagère ont à voir avec ma marchandise/marketing/publicité

Antonin Artaud (théâtre) prônait l'immersion du spectateur (que le spectacle doit entourer).

Les installations peuvent être de gigantesques machineries (Tinguely, Rebecca Horn, Matthew
Barney...)  hybride, hétéroclite

Joseph Beuys : « Plight » (installation)


sensation de chaleur physique (mur recouvert de feutre, de parquet de bois blanc, piano recouvert de
feutre)
Ilia Kabakov
Installation contemporaines campent dans des espaces restreint
– espace – temps - objets – matériaux - projections

expositions multimédias  avatar de l'installation (comme une installation de grande ampleur)

Ann Hamilton : The Picture Is Still (année 2000)


Notion de parcours + que d'oeuvre
Le rendu des matières (préoccupation de Chardin, maniéristes...)
L'image numérique simule désormais toutes les qualités et les propriétés de la matière, toutes les
textures  question du vrai et du faux va se poser encore combien de temps ?

L'image se donne d'emblée comme plurielle.

Chris Marker Immemory (1997)


Michael Snow Digital Snow (2002)
Antoni Muntadas Media Architecture, Installations (1999)

Les images se lisent désormais dans le mouvement, sous forme de couches successives et feuilletées
(mise en abîme)
Studio Azzuro « Méditations Méditerranée «  Tokyo (2003)
(groupe d'architectes multimédias italiens)

LUMIERE :

Yann Kersalé Forme d'éclairage néon


(éclairage de l'opéra de Lyon)
Jenny Holzer Projection au néon (xénon?) façade de Rio : vague.. 

Jeff Wall / Andreas Gursky (grand format)


 le monde réel est de plus en plus redoublé

Laurie Anderson : Dal vivo (1988)


un détenu s'est « évadé » virtuellement et est apparu grâce au mécanisme de la télé-présence, dans
l'espace de la galerie Prada.
Ubiquité / délocalisation / projections

« cirque des apparences, petit théâtre de l'inquiétante étrangeté »

« para - réalité »

 sorte de glose ou de commentaire plastique permanent des actes et des événements de la vie
ordinaire.
La matière au tournant du II et III° millénaires

Construction d'un système de bipolarité et d'opposition forte (matérielle et immatérielle). Que se


passerait-il si, à l'inverse, tout devenait étale ? Neutre, Indifférent. Si l'entropie l'emportait tout à
coup, réduisant à rien les systèmes de tensions qui ont jusqu'ici régi le monde du vivant, de la
société et de l'art contemporain.

Matiériste (corps humain / animal)


2 pôles   Indifférent à la matière pas dirigé strictement en direction de l'immatériel
  ce n'est plus en opposition à la matière mais en indifférence

Les images se résument à une simple surface / flottement de l'apparaître

– squelette lumineux
– êtres lumineux / luminescents
– caissons lumineux

Nietzsche :

Nature orgiaque et dionysiaque (corps, chair au centre des dispositifs)


Pratiques Nature apollinienne (dimension pelliculaire, de surface)

Impermanence / temps d'existence d'une œuvre très court / forme d'anonymat

manifestation artistique est un bruit, une rumeur


Les écrans servent de supports (éphémères) à une onde, qui naît, s'amplifie, circule puis disparaît.
Ce ne sont plus des événements mais de simples apparitions

L'apesanteur :
Les nouvelles technologies peuvent-elles nous aider à nous affranchir de la pesanteur ?

Jeux vidéo : le stimuli est-il réel ou virtuel ?


Les deux procurent les mêmes sensations

La perspective de la Renaissance se retrouve dans des jeux vidéo, elle a encore cours
Brunelleschi ou les jeux vidéo (jeux d'optique)
 tromper – illusionner – ensorceler – berner
le corps se nourrit de sensation illusoires

Robotique (filiation)
Héron d'Alexandrie – Vercanson – Stelarc (body art et maintenant Protèse  corps amplifié)

La façon dont notre corps vit et appréhende la matière, par le truchement des sensations ou
perception se trouve t-elle transformée par l'apparition des nouvelles technologies et de ce que l'on
dénomme le virtuel ?

Greffes / implants : autorisent de + en + l'idée d'un homme artificiel et hybride, mi-naturel, mi-
artificiel – réactivent certaines théories mécanistes, comme celle de Descartes ou de La Mettrie
(L'homme-machine 1748)
Déréalisation, dématérialisation

simulation des sensations


sensations artificielles
Christa Sommerer
Laurent Mignonneau
Dilatation de l' « Umvelt » (environnement)
Tous les sens sont désormais voyeurs
Liaison incongrue du tactile et du visuel
(voir D. Château : le plastique c'est ce qui remet en cause le visuel)

Art- marchandise ou mystique de l'invisible

« L'art devient un produit de consommation comme un autre, avec toujours de nouveaux arrivages »
(Bazart, groupe barcelonais né en 1994)

Obscène / le Secret
matériaux de l'obscénité / matériaux (ou immatériaux)de l'invisible et du secret
l'agrandissement , le gros plan, la surexposition du moindre détail sont une des caractéristiques
actuelles (effet blow up du nom du film 1966)
 comme si l'agrandissement pouvait livrer les secrets de l'intime

science des plis à laquelle G. Deleuze a donné ses lettre de noblesse

Tout voir , est-ce voir ?

Haruki Nishijima : Remain in the light (2001) filet à papillons

Les procédures, les rituels et les jeux

« La valeur unique de l'oeuvre d'art authentique a sa base dans le rituel » W. Benjamin

Ces rituels et ces procédures dans lesquelles le spectateur n'est plus passif, sont ce que les
sociologues appelleraient des phénomènes sociaux totaux. Ils relèvent de tous les ordres –
économiques, marchands, communicationnels, religieux, politiques.
Amplification du caractère procédural à partir des années 90. Rituels et procédures sont détachés de
tout support dimension de + en + compulsionnelle, marqué par une fonctionnalité tournant à vide.

Jeux avec matériaux :

Anselm Kiefer : «Your Age and My Age and the Age of the World » (1997) 470x900 cm
peinture à l'huile, laque, cendres, terre cuite
«  The Secret Life of Plants »(1998) 330x 700 cm
laque, graine de tournesol

Miquel Barcelo : papiers, cartons, goudrons, « hauts reliefs », , pigments, papiers froissés, gondolés,
plissés, attaqués, poncés,, usés, limailles, poussières, terre, fragments de végétaux, brins de tabac,
fibre de noix de coco, moutarde, pollen de fleurs,...
Nature et artifices portés au carré

page 635 (Olafur Eliasson ) installation , ambiances artificielle lumineuses

T C & A P   et les S e m i - L i v i n g S c u l p t u r e s  

Les artistes du TC&AP pratiquent la culture tissulaire comme médium d’expression


artistique. Jens Hauser expliquent que de nombreuses démarches artistiques
« détournent les biotechnologies et agissent sur les « mécanismes de la vie
», en accédant à des domaines jusqu’alors protégés  par la barrière des savoirs techniques. La
biotechnologie n’est plus seulement un thème mais un outil »

. Grâce à SymbioticA, la palette de l’artiste compte désormais les savoir -faire  biotechnologiques


dont le secteur produit toujours plus de chimères déclare Oron Catts. Le « semi-vivant » est un
nouveau concept émergeant dans le continuum de la vie. A la frontière floue du vivant et du non-
vivant, cette entité évolue entre croissance organique et construction, sujet et objet. Les « semi-
vivants » ne sont pas des imitations humaines et ne cherchent pas à remplacer l’Homme. Il s’agit
d’une nouvelle classe d’objets/étant, issus d’une activité humaine dont le produit ne peut être classé,
ni parmi les objets fabriqués par l’homme, ni dans la catégorie d’animaux modifiés. Le «
 semi-vivant » relève en partie des deux.
Le principe de «l’objet semi
-vivant » consiste à faire croître des sculptures tissulaires en cultivant des cellules sur des
échafaudages artificiels. En effet, depuis les années 1990, la croissance tridimensionnelle des
cellules est possible. Le but de ces travaux est de développer et entretenir les constructions
tissulaires de diverses complexités géométriques et les faire

The Tissue Engineering εt Organ Fabrication Laboratory, Massachusetts General Hospital, Harvard
Medical School (2000-2001).

Je commenterai l’œuvre de Stelarc, la Troisième Oreille (Extra Ear) réalisée avec l’aide de
SymbioticA et des scientifiques de l’université. Le projet d’un manteau de peaux avec Orlan est
encore à l’étude et semblerait complexe à la fois sur le plan de la réalisation mais aussi d’un point
de vue éthique.

 Sculptures semi-vivantes.

 
 4 croître pendant longtemps. Cette nouvelle palette artistique focalise son attention sur les
 perceptions concernant l’utilisation d’une nouvelle connaissance biologi
que. Les supports artificiels sont confectionnés avec des polymères biodégradables et bio-
absorbables selon la
forme souhaitée et semés de cellules vivantes obtenues à partir d’organismes complexes.
L’ingénierie tissulaire, dont Oron Catts et Ionat Zurr ut
ilisent les méthodes, traite à la fois des systèmes de support artificiels, construits (utilisant des bio-
matériaux) pour réaliser et contrôler la croissance des tissus en une forme choisie afin de remplacer
ou étayer les fonctions défectueuses ou accidentées de parties de corps.
« Ce vaste champ disciplinaire affirment les deux artistes - implique les biologistes, les chimistes,
les ingénieurs, les médecins et désormais, les artistes »
11
. Lors du festival Ars Electronica en 2000, TC&AP  présente « Semi-Living Worry  Dolls »
 dans une installation intitulée
Tissue Culture & Art(ificial) Womb
Ces poupées miniatures inquiètes sont composées de cellules sur polymères biodégradables et bio-
absorbables. Corsetées de fil de suture chirurgical, présentées à l’intérieur d’un bioréacteur – 
utérus artificiel ; elles symbolisent les peurs de la société face aux biotechnologies et donnent le ton
des intentions des artistes qui les utilisent. Nouvelles formes d’expression artistique, les œuvres
produites attirent l’attention et défient les perceptions terrifiées de ce nouveau savoir-
faire dont l’effet sera majeur à l’avenir 
.
Le couple d’artistes la présentera à nouveau à l’exposition
 BioFeel : Art et Biologie
 en 2002 avec
 Pig Wings Project
qui sera également exposé lors de la Biennale d’Arts Australiens d’Adélaïde la même année.
 

La préhistoire ou l'archéologie de l'actuelle problématique du jeu dans les arts contemporains :


Marcel Duchamp

Jeu – pratique des échecs – physique amusante – récréations scientifiques


lanterne magique – 4ème dimension
œuvre de Duchamp rituel
procédure

Aujourd'hui :
– poupées de peau (humaine) du groupe SymbioticA
– ailes de papillon aux motifs transformés de Marta Menezes
– lapine transgénique au pelage vert fluo (Eduardo Kac)
L'artiste d'aujourd'hui se prend pour un démiurge fabricateur d'animalcules et de joyeux ludions
manipuler le vivant, processus du jeu, manipulation (par régulation et dérégulation des lois,
naturelles et artificielles, biologiques et mathématiques)

Art, vidéo et machineries

«  J'aime bien l'idée d'une exposition comme une boîte : tu tournes autour, mais il n'y a rien
dedans  ; une exposition est un format, un cadre posé, à vocation expérimentale ; tu peux tout faire
rentrer dedans : un workshop, une manifestation, une vidéo-conférence, une situation, un théâtre
d'ombre, un spectacle de music-hall, un film, une structure de pensée... » (Philippe Parreno)

début art vidéo : Nam June Paik, Wolf Vostell

Michel Jaffrennou (ludique, poétique, marionnettes...)


Bertrand Gadenne : solution cocasse et poétique, Digne-les-Bains, 2001projections nocturnes dans
vitrines : boucherie devient l'antre d'un hibou
groupe Kolkoz met en scène les protagonistes du monde de l'art qu'il fait s'entre-tuer.
Palle Torsson met en scène les péripéties d'une petite fille (Sam 2002) qui tue systématiquement
tous les êtres vivants qu'elle rencontre (il faut l'empêcher de tuer)

Le jeu réduit tout au respect d'un certain nombre de procédures et de règles, transforme le réel en un
gigantesque réservoir de matériaux indifférents. Technique = jeu (dans le côté envahissant)
Dans l'univers du jeu et des procédures, les matériaux, les objets ne sont qu'autant de pions que l'on
déplace au gré des règles. La dimension de participation : l'art est un immense processus ludique
triomphe du gadget marque une sorte d'indifférence aux propriétés et qualités de la matière.
Les œuvres d'art ne sont plus des objets de contemplation mais de manipulation.
Plaisir esthétique : identification (à un rôle, un modèle...) fonctionnement (de la machine, de l'outil,
du logiciel. .)
L'usager s'interroge maintenant sur le fonctionnement de l'oeuvre /sur la manière dont il va pouvoir
interférer ou intervenir dans son processus.

Les rituels de Sophie Calle

Rituels : photographies (constat) + textes narratifs + rarement des objets (connotation fétichiste)
suivre quelqu'un, s'introduire chez lui en son absence (en femme de chambre), examiner, ausculter
des affaires personnelles, retracer sa personnalité ; faire suivre quelqu'un, faire enregistrer par un
détective tous ses gestes...
Les œuvres sont remplacées par des procédures ou bien constituées par des traces, des constats, ou
des résidus de procédures  Usage du livre

L'univers ludique des installations interactives

« Le spectateur, devenu acteur, fait ce qu'il veut en toute liberté, il peut jouer avec les images sur la
paume de ses mains, les faire courir sur son corps, créer une sorte de chorégraphie » (Bertrand
Gadenne, les papillons 1988)

L'art du XX° et début du XXI° (IIIème millénaire) restera marqué par l'intrusion massive des
prothèses, des machines et des robots intelligents dans la totalité du tissu social. L'art s'est nourri de
ces développements machiniques (casques, lunettes (The cave 599) prothèses...) Stelarc : The Third
Hand)/ œuvre à construire sur l'Internet (Olivier Auber : le générateur poïétique 1986)

L'introduction massive des processus numériques a pour corollaire des modifications importantes
du champ des arts (création / réception / circulation des œuvres)  interactivité (impliquer le
spectateur dans son déroulement ou même sa constitution)
Alexandra Dementieva : La Mémoire du miroir (2003)
votre image apparaît en décalé, d'autre figures également (le dispositif mêle donc des temporalités
diverses)
La leçon d'anatomie du docteur Du Zhenjun (2001)

Les objets de l'art comme objets transitionnels

Les poupées de Annette Messager


Winnicott : Jeu et réalité (1971) psychanalyste qui a théorisé la notion d'objet transitionnel
Philippe Parreno : Fait le 1er mai 1995 (peluches)
CONCLUSION

De l'art comme matière à l'art comme simulacre

« Comment peuvent-ils s'imaginer, les autres, qu'avec des fils à plombs, des académies, des
mensurations toutes faites, établies une fois pour toutes, on peut s'emparer de la changeante, de la
chatoyante matière.. . » Paul Cézanne

XX° siècle : éclatement, prolifération et expansion des matières

L'excroissance ou l'hypertrophie du matériau a pour contrepoint une exigence toute aussi grande de
sublimation et de spiritualisation de ce même matériau jusqu'à la quasi extinction de celui-ci dans
les ultimes soubresauts de l'art conceptuel.
Articulé autour de l'image numérique, négligeant l'épaisseur et le poids du matériau, l'art le plus
contemporain tend à se passer de matière. Renouant mais de manière biaise avec l'ancienne
esthétique de la mimesis, cet art en arrive à se confondre avec son propre simulacre.

L'outil et le matériau

Face à une matière le rôle de l'artiste est double : analytique et synthétique


 il doit créer un nouvel organisme, une nouvelle structure

Dans le processus de recréation des saveurs et de l'ordre même du monde, les hasards, les
résistances, et les insuffisances du matériau concourent à l'enrichissement de l'oeuvre.
«  Empêcher tous ces hasards de ses produire ôterait à l'oeuvre toute vitalité » expliquait Dubuffet

Certains artistes ont souhaité rompre avec la maîtrise totale et traditionnelle du matériau, mais il
s'agit d'un savant laisser-aller, tenant compte des propriétés du matériau et balisant soigneusement
les conditions de l'expérimentation.
Voir la fragilité du matériau de l'art éphémère, Land art, body art, aléas du temps, de la mémoire,
des intempéries. Matériau désormais vulnérable, mortel, non protégé par les parois et sous-verre de
nos musées.

Sculpture classique : deux techniques  taille et fonte


sculpture contemporaine : diversifiées (bricolage / ajuster, coller, couper, souder, agglutiner, etc)
mécanisation et informatisation grande industrie et
technologies de pointe

aujourd'hui : « continuums de possibilités » et non données stables

Les grandes scies dont se servait Brancusi pour tailler le bois ne devaient aucunement être forcées
mais utilisées en les laissant naturellement couper le bois d'après leur poid. Car l'outil, ce
prolongement « naturel » des membres, entretient un rapport organique avec le matériau. Les
prothèses, les robots articulés et les machines informatiques amplifient considérablement le
potentiel artistique.

Le retour aux œuvres

« Il y a plus de choses dans la terre d'un tableau que dans le ciel de la théorie esthétique » (Titre d'un
tableau d'Asger Jorn et Christian Dotremont, 1949)
On ne peut se contenter du « musée imaginaire » (œuvre de chair, vivante) .
L'usage de la reproduction a eu tendance en ce XX° siècle à rabattre la problématique de l'oeuvre
sur celle de la forme  considérer l'oeuvre comme signalétique
Oeuvre envisagée hors de sa matérialité et de sa « choséité »  mise à distance
connaissance et reconnaissance des formes.

Les anciennes histoires de l'art de la fin du XIX° siècle reproduisaient les peintures sous les
apparences de dessins ou de gravures, en gommant la dimension picturale et matiéristes de l'oeuvre.

Ce qui relève de la voluminosité/grain/texture/épaisseur/Coulures/fissures dans la reproduction ce


n'est plus que signifié ou « figuré » ; reproduction ramène l'oeuvre à un simple signe ou simulacre/
mise à plat (réduction en 2 dimensions) ; la peinture est dans la dimensions du plan mais dans un
espace réel, tridimensionnel.
Une partie de l'art s'est trouvée déterminée par cette « idéologie » de la reproduction.
Oeuvre morte / œuvre vivante mettre en relation avec la notion d'aura de W. Benjamin

Existe -t-il a contrario, des œuvres qui se suffirait de la seule reproduction ? Lichtenstein (leur
dimension change de l'image de départ)
Apparition de Musées virtuels (Jeffrey Shaw) ; développement des sites des musées et galeries
 virtualisation accélérée de l'art
« ces images existent seulement si on les regarde » J.C. Blais

Des matières brutes

Klein disait avoir découvert la matière dans l'apprentissage à Londres dans un atelier de dorure sur
cadre.
Matières :
– papiers collés Braque, Picasso
– assemblages Schwitters
– racines Chaissac
– éponges Klein
– hautes pâtes Fautrier, Dubuffet
– terre, pierres et masses d'eau du Land art
– sang, suint, sperme, excréments body art
– miel, graisse, chocolat, harengs Beuys
– toiles Tapies
– tas de charbon, sacs de sable et branchages arte Povera
– assiette cassées Schnabel
– pollen et pierres de lait W Laib
C'est la seule beauté et perfection du matériau qui est en cause

Le retour aux pratiques

Les images du monde de l'art et de la rue ont été brassées et rebrassées (Picasso, Bacon,
Affichistes...), c'est l'ensemble de la réalité qui se trouve informée et transmuées par l'art.

Contempler une œuvre revient à la « refaire », à dénouer les différents fils du processus qui l'ont
engendrée, à repasser par les différentes phase de transmutations du matériau.

Les historiens de l'art travaillent sur des œuvres achevées, repérables par le truchement de l'outil
critique du langage.
Le devenir de la matière

« C'est beaucoup mieux avec les cassures, cent fois mieux. C'est le destin des choses » (M.
Duchamp , à propos des fêlures accidentelles du Grand Verre)

Avant le XX° siècle, la matière n'a pas d'histoire, les lois qui la régissent sont immuables. Début
XX°, la matière apparaît comme un champ de possibilités. W Benjamin  l'altérabilité de la
matière, sa patine, son vieillissement  une caractéristique de sa fameuse aura.

Univers en expansion opposition naturel/ artificiel battue brèche, l'artifice tend maintenant à faire
partie de la nature. Modèle vivant des sciences biologiques.

Il faut désormais tenir compte du vieillissement des matériaux comme partie intégrante de l'oeuvre.

Les matériaux sont également de plus en plus éphémère. On n'envisage même plus maintenant pour
certaines œuvres la possibilité de vieillir. La conservation de ses œuvres se fait par le truchement de
traces : photographies, vidéos, documents écrits.

C'est donc un simulacre qui assure désormais la pérennité de certaines œuvres. Certaines œuvres qui
circulent sur Internet, telles des météorites, ne sont -littéralement – que de « passage » !
Hegel : l'échafaudage de la matérialité

Idéalisme et matérialisme.

Bachelard remarquait l'inaptitude de tout idéalisme à penser le mouvant, le fluant, le devenir...et par
conséquent la matière
antagonisme matière/esprit : idéologie marxiste

les deux impératifs de la forme et de la matière

éviter deux écueils


– formalisme pur
– déterminisme matériel
prendre en compte tous les déterminismes (matériels, techniques, sociologiques, historiques, etc.
L'art peut dépendre de déterminismes mais aussi en jouer, ou partiellement s'en dégager.

L'immatériel est tout autant un matériau que la matière, aussi résistant !

Matière à entendre en un double sens :


– matériaux
– sens marxiste : infrastructures socio-économiques (travail, rapports de force économique,
etc.)
art suprématiste pur : théorie  philosophie  vision idéale de monde
abandon de la pratique artistique  action sur un matériau  réalité sociale et vie quotidienne

question économique  matériau  ressources monétaires  matières premières


Utilisation de matériaux pauvres/ de récupération// précieux (marbre, ivoire, or)
 connotations différentes
Van Gogh réclame de l'argent pour se procurer de la matière (du pigment), celle-ci est bien comme
la chair ou nourriture première de l'artiste.
L'accès des artistes à cette matière apparaîtra de même à Malevitch comme un droit fondamental.

L'oeuvre comme corps collectif

« ce sont les regardeurs qui font les tableaux. On découvre aujourd'hui le Greco ; le public peint
ses tableaux 300 après l'auteur en titre » M. Duchamp

on a déploré la disparition des savoir-faire, la perte du métier


corrélativement il s'est produit un déplacement des savoir-faire sur les marges de l'art.
Créateur concepteur entourés d'aides et de collatéraux. La production de certaines œuvres appelle
les compétences de divers corps de métier.
J. F. Lyotard : « secret des professions pour qui la production n'est pas d'abord affaire de profit, de
rendement, de rentabilité, mais d'une connivence lentement acquise avec le matériau » Figuration
1973
Nombre d'oeuvres d'artistes sont maintenant produit par une collectivité (artiste-chef d'orchestre)
matières réelles, matières simulées

art moderne liquidation de l'esthétique de la mimesis, de l'usage métaphorique, on est passé à


l'utilisation d'une matière réelle (frigidaire de Lavier, carcasses de César, déchets de T. Cragg,
aspirateur de Koons...), il s'agissait dans tous les cas de remplacer les signes, les doubles, les
simulacres par ce dont ils étaient issus.
L'opacité de la chose par opposition à la transparence du signe, lequel n'avait pour fonction que
d'indiquer, de renvoyer au modèle situé à l'arrière-plan, dans quelques profondeurs métaphysiques.
L'esthétique de la mimesis n'a pas totalement disparue (Hyperréalisme, actuelle image de synthèse)
 problématique du rendu des matières

Ce qui est nouveau c'est que le faux peut, à son tour, être simulé , simulation de simulation et règne
du plastique
L'hybridation du naturel et de l'artificiel est un exemple de pont, de travail opéré sur une jointure :
entre deux ordres.

Saisir les choses de l'intérieur (Deleuze Guattari), interstice, infra-mince, la matière se situerait au
niveau d'un infra-sens. (pas seulement)
catégories subsistent  (grilles, casiers) : boîtes de Cornell, Duchamp, Nevelson, Broodthaers où
ranger l'intégralité de l'art contemporain.

Tout cela est porté désormais, non par une idéologie mais par les propriétés qui s'adresse aux sens.

Le matériel et l'immatériel

« L'art s'insère à mi-chemin entre la connaissance scientifique et la pensée mythique ou magique ;


car tout le monde sait que l'artiste tient à la fois du savant et du bricoleur ; avec des moyens
artisanaux, il confectionne un objet matériel qui est en même temps objet de connaissance. » C.
Lévi-Strauss

« le monde de la matière tangible est un reflet direct de monde spirituel... » Y. Klein

paradoxe de l'art contemporain approche conceptuelle / contact différé avec la matière


les matériaux sont plus nombreux / exploration et richesse de ceux-ci

Tension entre matériel et immatériel ; dans cet écart et entre-deux s'inscrivent les œuvres de
Duchamp, Beuys, Klein

Quitter l'art, rejoindre la vie

«  Par la présente, je n'appartiens plus à l'art » Beuys

Duchamp, Beuys, Klein, ont souvent opéré sur le fil d'une arête, Duchamp a fait de son emploi du
temps une œuvre d'art , Klein en envahissant le monde et en l'imprégnant de sa sensibilité propre,
Beuys en travaillant sa notion élargie de l'art.
 Dilution de l'oeuvre dans la vie quotidienne et dans le réseau des médias

L'art est comme diffracté et dilué dans un espace dont la capillarité est extrêmement complexe et le
statut de plus en plus indifférencié.
L'art et son simulacre (l'art)

« Je crois que la peinture meurt, le tableau meurt au bout de quarante ou cinquante ans parce que
sa fraîcheur disparaît...ensuite ça s'appelle l'histoire de l'art. » M. Duchamp

Le XX° siècle aura été le siècle de la débauche et de la prolifération des matières réelles.
Sens convoqués

Textures de la graisse, sable, grain de la pierre,


mollesse du caoutchouc ou d'une peluche, la
fluidité d'une eau...
Convocation des sens Immatérialité d'une ligne (Mondrian), la pureté
d'un concept et d'une sensation d'apesanteur et
de lévitation que provoquent en nous le
mouvement, le tremblement d'un mobile (Takis),
la vitesse de rotation des machines de Duchamp
ou de Tinguely.

Petit théâtre des matières  rugueuses, lisses, grasses, flexibles, molles, graniteuses, vides ou
pleines

Le XXI° siècle s'ouvre sur sur un triomphe de l'image  lisse et glacée, propre et polie

proposer l'image la plus parfaite  art de synthèse


art devenu mimétique de lui-même, devenu son propre double ou simulacre
mise en abyme des processus artificiels

Brunelleschi : tout se passe comme si « c'était le vrai lui-même que l'on voyait »
 le vrai et non le réel !
L'art revu et travesti par l'art. L'art s'englue alors dans les rituels de l'art.
L'art se réplique et se duplique (comme l'avait si bien vu Duchamp) en « histoire de l'art ».

Spectre de la fin de l'art ou art total ?

Dilution de l'art dans les réseaux et au sein de rituels et procédures


tout numérique  un lissage du matériau

l'élargissement de l'art est tel que celui-ci est en passe ou de disparaître ou (plus vraisemblablement)
de se modifier considérablement.

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