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Introduction

L’existence d’une justice saine, équitable et d’une institution capable de la mettre en œuvre constitue le
fondement de tout régime démocratique et d’un État de droit. C’est aussi l’indication la plus nette de la vitalité
d’un régime de liberté. Par contre, si le fonctionnement de la justice est approximatif et inadéquat, s’il règne une
mauvaise application des règles de droit, si le système se trouve incapable de rendre justice à qui justice est due,
c’est la désorganisation de la société, la mise en péril de la démocratie et l’ébranlement de la confiance des
citoyens à l’endroit de leurs dirigeants.

Autrefois, les hommes vidaient leurs querelles en fonction des rapports de force du moment. L’individu
victime d’une vilenie, d’un affront ou d’un forfait, attendait le moment propice pour régler ses comptes, même
quand le tort causé était sans commune mesure avec les représailles infligées. C’était l’époque de la « vengeance
privée », au cours de laquelle aucune règle, aucun principe, aucune norme ne servait de fondement à l’action
entreprise. C’était, selon les auteurs, « l’état de nature » où l’homme était un loup pour l’homme : les plus faibles
subissaient la loi des plus forts sans qu’aucun frein ne soit mis à la volonté de puissance et de conquête de ces
derniers.

Plus tard à la phase de la « justice privée », les hommes sont encore aux représailles personnelles, toujours
en raison de l’absence d’une institution capable de trancher les différends entre les particuliers. C’est la loi du
Talion où la vengeance est proportionnelle au tort causé. Vengeance personnelle aussi, car elle avait surtout pour
fondement le culte de l’honneur, la défense des intérêts sacrés, la préservation de la dignité de la famille.

La période de la « justice publique » ne pouvait véritablement voir le jour qu’avec la naissance de l’État,
détenteur de la force publique, et susceptible d’imposer son autorité sur l’ensemble de la collectivité. Désormais,
cet État suffisamment fort, va mettre un terme aux multiples initiatives individuelles pour s’approprier le
monopole de la contrainte, de la coercition et de la sanction. C’est l’État qui, à cette phase, s’évertuera à résoudre
les litiges entre les groupes, tranchera les différends entre les particuliers, bref l’État sera appelé à dire le mot du
droit en toutes circonstances.

Mais pour qu’il soit à même de s’acquitter de cette tâche essentielle, base de son autorité et de sa
crédibilité, faut-il que cet État dispose, à cet égard, d’une institution, d’un appareil suffisamment neutre, objectif et
impartial doté d’organes, d’un corps d’hommes de loi, de textes législatifs et réglementaires adaptés à l’évolution
des mœurs, de la société et des mentalités.
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Cet appareil, dans l’État moderne, est l’institution judiciaire, distincte de l’exécutif qui exécute et du
législatif qui légifère. Déjà, John Locke, dans son « Essai sur le gouvernement civil » (1690), faisait valoir que
personne n’a le droit d’envahir les droits d’autrui, la nature a autorisé chacun à protéger et à conserver l’innocent
et à réprimer ceux qui lui font tort ; c’est le droit naturel de punir… peines proportionnées à la faute, qui ne tendent
qu’à réparer le dommage qui a été causé, et à empêcher qu’il n’en arrive un semblable à l’avenir.1

L’institution judiciaire réprime donc, punit, sanctionne, indépendamment de l’exécutif qui est le bras
séculier de la justice et du législatif qui confectionne les lois répressives. Cependant, Locke en avait fait une
branche de l’exécutif. Montesquieu, l’auteur de « l’Esprit des Lois » (1748), sera plus catégorique, plus direct.
« Tout serait perdu, écrivait-il, si le même homme ou le même corps des principaux, ou des nobles ou du peuple
exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les
crimes ou les différends des particuliers ». Selon lui, « il n’y a point de liberté quand sont réunis dans les mêmes
mains le législatif et l’exécutif… Il n’y a point non plus de liberté quand la puissance de juger, le judiciaire, n’est
pas séparée du législatif et de l’exécutif ». Et d’ajouter, « si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir
sur la vie et la liberté des citoyens seraient arbitraires ; car le juge serait le législateur ; si elle était jointe à la
puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur ».2

______________________
1-
CHEVALIER Jean-Jacques,  « Les grandes idées politiques de Machiavel à nos jours », pp.72-73
2-
CHEVALIER Jean-Jacques, op. cit, p 95
3
En clair, Montesquieu plaide pour une séparation des pouvoirs et une répartition fonctionnelle des tâches. Le
pouvoir judiciaire est, à ce titre, distinct et indépendant des deux autres, sans qu’il n’existe entre eux aucun rapport
d’hostilité et de méfiance, mais plutôt des relations de respect et de confiance, de partenariat et d’équilibre.

Telle est la nature des choses dans les nations démocratiques, dans l’État de droit et dans les sociétés
civilisées et avancées.  

Depuis déjà plus d’une vingtaine d’années, l’institution judiciaire haïtienne est sur la sellette. Les causes
généralement invoquées de son mauvais fonctionnement semblent provenir de diverses sources, à savoir : lenteur
des procédures de jugement, corruption des juges, obsolescence des codes, inadaptation des lois, délabrement des
infrastructures physiques y relatives, rémunération dérisoire des dispensateurs de justice. Pour ne mentionner que
les plus saillantes. Bref, l’institution judiciaire haïtienne est défaillante aussi bien dans son organisation, dans sa
structure que dans son fonctionnement. En outre, ce système est sévèrement critiqué en raison de sa subordination
au pouvoir exécutif, de son outrancière politisation et surtout de la corruption qui gangrène le système.

A la lumière de ce qui précède, des professionnels du Droit intéressés par cette problématique ont été
amenés à suggérer une réforme profonde du système judiciaire dans le but de le rendre accessible, efficace et
crédible. Certes, il s’avère nécessaire et même recommandable l’instauration d’un système judiciaire indépendant,
opérationnel et surtout participatif, s’accommodant de l’existence d’un État de droit dans le pays.

En outre, un tel système doit pouvoir refléter les spécificités historiques et culturelles de la majorité de la
population haïtienne vivant sous l’égide de la tradition orale. D’ailleurs, il convient de rappeler qu’en dépit des
prescriptions constitutionnelles, il n’existe pas dans le pays une tradition de séparation et d’indépendance des
pouvoirs. Le pouvoir judiciaire est le plus souvent, si ce n’est toujours, dominé et vassalisé par le pouvoir exécutif.

Concrètement, il nous a été possible d’observer le comportement de titulaires du Ministère de la Justice,


faisant office de chef du pouvoir judiciaire au lieu de jouer leur rôle régulier de conseiller juridique de l’Exécutif et
d’intermédiaire entre les Pouvoirs Exécutif et Judiciaire. En d’autres termes, c’est au Ministère de la Justice qu’il
revient de préparer et de gérer le budget du pouvoir judiciaire, tout en assurant l’administration de fait de la justice.
C’est encore à ce Ministère qu’est dévolue la mission de contrôler le fonctionnement du système judiciaire en
s’adjugeant le pouvoir de nomination des juges à presque tous les échelons de la hiérarchie judiciaire. Ce rôle de
chef du pouvoir judiciaire est exercé par le Ministère de façon incongrue et anachronique.

De part cet état de fait, l'équilibre dans les rapports entre les pouvoirs qui constitue la condition sine qua
non pour la garantie du bon fonctionnement de l'Etat est rompu.
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Les rapports de domination entre l'exécutif et le Judiciaire forment un handicap sérieux au développement
de l'appareil judiciaire, surtout avec les liens économiques, sociologiques et politiques des gens qui sont parvenus
au système.

Qui plus est les signaux de la corruption sont partout dans les institutions. Or, la demande de la Justice et la
Primauté du droit demeurent la toile de fond des revendications du peuple haïtien.

Ainsi compte tenu de l'importance de la justice dans la lutte contre les criminalités dans les sociétés à
travers le monde où la corruption bat son plein, dont Haïti, nous cherchons à savoir et déceler :

1- Comment expliquer et corriger les défaillances du système judiciaire haïtien ?


2- Quels sont les changements susceptibles d’améliorer la performance du système judiciaire ?
3- S’agit-il d’actualiser les textes de lois, d’augmenter le nombre des tribunaux, de réhabiliter ceux existant,
de former des juges à tous les échelons de la hiérarchie judiciaire et de bien les rémunérer ?

Pour répondre à ces interrogations et bien d'autres nous avons rédigé notre mémoire ayant pour titre : « Le
Système Judiciaire en Haïti et les Obstacles qui paralysent son Développement».

L'objet de notre travail consiste à analyser la situation du système judiciaire en Haïti, il entend démontrer
que le manque de moyens au niveau du système judiciaire, la rémunération insuffisante des dispensateurs de la
justice sont susceptibles de générer la corruption dans le système ; que la réforme judiciaire prônée par la
communauté internationale est viciée dans sa démarche parce qu’elle ne peut venir que des spécialistes haïtiens en
collaboration avec les partenaires internationaux pour sa réussite.

Par le choix de ce thème de recherche, nous voulons donc porter davantage les dirigeants haïtiens à libérer
la justice de leur emprise et travailler à garantir son indépendance pour le développement du pays.

Ce travail comprendra deux parties : nous diviserons les parties en chapitres et ceux-ci en sections.

Dans la première partie, nous essaierons de présenter l’aspect théorique du travail. Nous étudierons
l’organisation judiciaire haïtienne.

Au chapitre premier, nous parlerons des organes juridictionnels.

Le second chapitre portera sur les gens de justice.

La deuxième partie constituera la phase opérationnelle du travail. Nous mettrons l’accent sur les obstacles
qui paralysent le développement du système judiciaire haïtien et la nécessité d’établir une indépendance réelle
entre les pouvoirs exécutif et judiciaire en vue de l’efficacité de la justice haïtienne.
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Au troisième chapitre, nous traiterons de la problématique du système judiciaire haïtien qui nous porte à
faire une évaluation de ses ressources et les causes de son disfonctionnement.

Le quatrième chapitre sera consacré à la réforme du système judiciaire haïtien et nous ferons quelques
suggestions pour le bon fonctionnement de la justice.

Pour amener à point ce travail, nous avons recouru à maintes méthodes dont la méthode historique, la
méthode théorique, la méthode critique et la méthode analytique.

Sans jamais prétendre avoir épuisé la matière, vu son caractère pluridimensionnel ou multidimensionnel et
sa complexité, nous espérons que ces recherches vont fouetter notre orgueil et l’orgueil de tout un chacun, autour
de la nécessité de conjuguer ses efforts pour la construction d’un État de droit fort et constitutionnel assis sur le
respect des libertés, des normes et des institutions que Louis FAVOREU, cité par D. TURPIN, appelle : « Le
triple objet de la Constitution ».1
6
_______________________

1-
FAVOREU Louis, « Le conseil constitutionnel et les libertés ». p. 7

Première partie

L’Organisation Judiciaire Haïtienne


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Dans le temps, le règlement des conflits a donné lieu à une justice privée, dont la forme la plus primitive
était représentée par l’exécution par la partie lésée de ce qui lui semblait être son droit. En raison de ses excès
inévitables, dès que des formes d’État se sont imposées dans les sociétés humaines, les gouvernants ont institué
pour dire le droit des juges, auxquels les parties en présence devaient confier le règlement de leurs différends.

Comme « nul ne se fait justice à soi-même », à défaut d’un accord spontané entre les parties, toute violation
d’une règle juridique ne peut normalement trouver son issue que dans l’intervention d’une juridiction. Comme tout
État organisé, Haïti n’échappe pas à cette règle. Pourquoi, dans cette première partie consacrée à l’organisation
judiciaire haïtienne, constituant la matière de notre travail, nous nous proposons d’étudier les organes
juridictionnels (chapitre I) et enfin les gens de justice (chapitre II) chargés de la distribution et de l’administration
d’une bonne et une saine justice.

Chapitre I

Les Organes Juridictionnels


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Le terme de « juridiction » est générique. Les juridictions sont appelées, le plus souvent, au premier degré
de juridiction, « tribunal » (tribunal de première instance) et aux échelons supérieurs « cour » (cour d’appel). Ces
différentes terminologies ont leur prolongement dans le nom porté par les actes juridictionnels. Les Tribunaux
rendent des « jugements » et les Cours des « arrêts ».

Pour rendre compte des Organes juridictionnels de l’Organisation judiciaire haïtienne, nous étudierons
successivement les Juridictions de droit commun (Section I) et les Juridictions spécialisées (Section II).

Section I

Les Juridictions de Droit Commun

Ancienne colonie française, Haïti, même après l’indépendance conquise en 1804, est restée profondément
attachée à la France. Le nouvel État a gardé non seulement la langue mais aussi la culture juridique de l’ancienne
Métropole. Le Législateur haïtien a repris le principe de la double juridiction. Ainsi les tribunaux sont-ils organisés
en deux degrés de juridictions. Les tribunaux qui rendent des jugements, obligatoirement saisis en première
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instance, forment les juridictions du premier degré. Les instances qui rendent des arrêts, après avoir procédé à un
nouvel examen du litige ayant fait l’objet d’un jugement au premier degré, comme les Cours d’Appel, forment les
juridictions du second degré.

Les juridictions du premier degré


Elles se composent des juridictions civiles et des juridictions pénales.

Les juridictions civiles


L’expression « Juridictions civiles » est très compréhensible, dans la mesure où elle englobe tous les
Tribunaux qui reçoivent compétence pour examiner et régler les différends intéressant une personne privée
(physique ou morale), qu’il s’agisse de la défense de son statut familial, de la défense de son patrimoine ou de ses
droits moraux ou patrimoniaux : on peut donner comme exemple les procès relatifs à la séparation de corps ou au
divorce, à la vente ou au bail d’un immeuble, au règlement d’une succession, aux difficultés résultant d’un contrat
de travail. Ce sont les juridictions de la société civile qui reçoivent des attributions en matière de droit privé, le
droit public relevant des juridictions de l’ordre administratif.1
_______________________
1-
Jean Vincent et Alii, « Les institutions judiciaires », Paris, Dalloz, 5e édition, 1999, p. 307
Les juridictions civiles haïtiennes sont formées par les Tribunaux de paix et les Tribunaux de première
instance.

Les Tribunaux de Paix

A la base de l’organisation judiciaire haïtienne, on retrouve les Tribunaux de paix. Il y en a au moins un


dans presque chaque commune de la République. Le juge de paix est avant tout un juge conciliateur dont la
mission essentielle serait d’amener les parties qui comparaissent devant lui à trouver un arrangement pour éteindre
le conflit qui les oppose.

Jean Vincent nous renseigne sur la mission conciliatrice qui a toujours été la sienne assigné à la justice de
paix :
« On avait fondé de grands espoirs, au moment de la Révolution (française), sur la
place que devait tenir une tentative de conciliation, avant l’ouverture d’un procès.
On avait donc institué un préliminaire de conciliation obligatoire pour les affaires
relevant au fond du juge de paix et du tribunal civil ; dans les deux cas, c’était le
juge de paix qui avait reçu la mission de concilier les plaideurs. »1
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Les articles 81 à 91 du décret du 22 août 1995 modifiant la loi du 18 septembre 1985 relative à
l’Organisation judiciaire déterminent la compétence de ces Tribunaux.

En matière civile ou commerciale, les Juges de paix connaissent, en dernier ressort, de toutes actions
personnelles ou immobilières jusqu’à la valeur de cinq mille gourdes et, à charge d’appel, de toutes celles ne
dépassant vingt-cinq mille gourdes.

Ils reçoivent également les délibérations des conseils de famille, le serment des tuteurs, subrogés tuteurs,
curateurs et arbitres. Ils procèdent à l’apposition des scellés dans les cas prévus
_______________________
1-
Jean Vincent et Alii, Ibid p. 329
par la loi. Ils dressent tous procès-verbaux ayant pour but de constater la perte, l’avarie des marchandises ou de
tous autres faits résultant de force majeur.

A charge d’appel, ils connaissent :


a) des déplacements de bornes, des entreprises sur les cours d’eau commises
dans l’année, des complaintes et autres actions possessoires fondées sur les faits
également commis dans l’année ;

b) des congés ; 

c) des demandes en résiliation de baux fondées soit sur le défaut de paiement des
loyers et fermages, soit sur l’insuffisance des meubles garnissant la maison ou des
bestiaux et ustensiles nécessaires à l’exploitation ;

d) des expulsions des lieux en matière de loyers ;

e) des demandes en validité et en nullité ou main levée de saisies.

Les Tribunaux de Première Instance


Il existe dix huit Tribunaux de première instance répartis à travers les dix départements de la République.
Ils fonctionnent dans les villes suivantes : Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Cayes, Gonaïves, Jacmel, Saint-Marc,
Petit-Goâve, Jérémie, Anse-à-Veau, Aquin, Fort-Liberté, Hinche, Mirebalais, Grande-Rivière du Nord, Port-de-
Paix, Côteaux, Croix-des-Bouquets et Miragoâne.
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Ces Tribunaux de droit commun connaissent de tous les procès qui n’ont pas été expressément attribué à
une autre juridiction. De plus, ils possèdent une compétence exclusive dans certains domaines.

A côté de leur compétence d’attribution, ils possèdent aussi une compétence territoriale. L’affaire est
portée en principe devant le tribunal de première instance du lieu où demeure le demandeur.

Compétents pour juger et trancher les affaires civiles, les Tribunaux de première instance peuvent
également avoir pour fonction de sanctionner le trouble à l’ordre social, résultant de la violation des clauses de la
loi pénale. Dans ce cas, on parlera de juridictions pénales.

Les Juridictions Pénales


A la différence de la procédure civile qui ne connaît que deux composantes des règles de compétences, la
procédure pénale en retient trois. A côté de la gravité des faits délictueux, ainsi que la localisation géographique de
l’infraction. Certaines caractéristiques personnelles du délinquant permettent également de déterminer la
juridiction compétente pour juger une infraction.

Pour la commodité de notre analyse, nous allons, à cette phase, privilégier le degré de gravité.

L’article premier du Code Pénal classe les infractions en contraventions, délits et crimes. Conséquemment
des juridictions distinctes sont établies par la Loi pour juger ces infractions suivant leur degré de gravité.
Autrement dit, en matière pénale, le tribunal compétent peut être : le Tribunal de simple police, le Tribunal
correctionnel ou le Tribunal criminel.

Le premier juge les contraventions, le deuxième les délits et le troisième les crimes. Nous allons consacrer
un bref développement à chacun d’eux.

Le Tribunal de Simple Police


Le Tribunal de simple police n’est pas autre chose que le Tribunal de paix siégeant en matière répressive.
Cette juridiction est chargée de juger les contraventions. Sa compétence est limitée à la juridiction dans laquelle il
exerce.
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Officier de police judiciaire, Auxiliaire du Commissaire du Gouvernement, le juge de paix a le devoir de
rédiger les procès-verbaux relatifs aux contraventions, délits et crimes dont il a connaissance et de transmettre les
informations au parquet.

L’article 11 du C.I.C. décide que :


« Les juges de paix ou leurs suppléants, dans l’étendue de leurs communes,
rechercheront les crimes, les délits et les contraventions ; ils recevront les
rapports, dénonciations et plaintes qui y sont relatifs. »1

Le Tribunal Correctionnel
Si les appels des jugements des Tribunaux de simple police sont portés devant les Tribunaux
correctionnel (juridictions du second degré), ces dernières juridictions sont avant tout compétentes pour connaître
et juger les infractions qualifiées « délits ».

La compétence de ce tribunal est fixée par l’article 155 du C.I.C. :


« Les Tribunaux civils connaîtront, sous le titre de tribunaux correctionnels, de
tous les délits dont la connaissance n’est pas attribuée aux tribunaux de simple
police et qui ne seraient pas de nature à entraîner une peine afflictive et
infamante ».2

Le tribunal est saisi, en matière correctionnelle, de la connaissance des délits de sa compétence, soit par le
renvoi qui lui en est fait par le juge d’instruction, soit par la citation donnée directement aux prévenus et aux
personnes civilement responsables du délit, par la partie civile ou par le Commissaire du gouvernement.

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1-
Menan Pierre-Louis, « Code d’Instruction criminelle annoté », p. 13
2-
Op. cit. p. 50
Au Tribunal correctionnel, les étapes de l’audience et du jugement sont codifiées dans le C.I.C. Voici le
libellé de l’article 166 :
« L’instruction sera publique, à peine de nullité.
Le ministère public, la partie civile ou son défenseur exposeront l’affaire ;
Les procès-verbaux ou rapports, s’il en a été dressé, seront lus par le greffier ;
Les témoins pour et contre seront entendus, sil y a lieu et les reproches proposés et jugés ;
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Les pièces pouvant servir à conviction ou à décharge seront représentées aux témoins et aux parties ;
Le prévenu sera interrogé ;
Le prévenu et les personnes civilement responsables proposeront leurs défenses ;
Le commissaire du gouvernement donnera ses conclusions ;
Le prévenu et les personnes civilement responsables du délit auront toujours la parole en dernier ;
Le jugement sera prononcé de suite ou au plus tard, à l’audience qui suivra celle où l’instruction aura été
terminée. »

Le Tribunal Criminel
Si les contraventions et les délits sont respectivement jugés par les Tribunaux de simple police et les
Tribunaux correctionnels, les crimes sont de la compétence du Tribunal criminel.

L’article 180 du C.I.C. prévoit :


« Il sera établit des tribunaux criminels dans toutes les villes où il y aura des
tribunaux civils. »1

Ce Tribunal n’est pas permanent, mais tient ses assises (d’où son autre appellation Cour d’Assises) de
façon périodique. Le C.I.C. décide en son article 182 que :
« Il y aura une session criminelle au moins tous les six mois pour les affaires
relevant du jury ; mais les affaires qui doivent être soumises au tribunal criminel
siégeant sans l’assistance du jury

________________________
1-
Menan Pierre-Louis, idem. p. 62
seront appelées au jour fixé par ordonnance du doyen. »1

La composition de ce Tribunal est mixte : pour juger les infractions les plus graves, cette juridiction associe
de simples citoyens, les jurés aux magistrats professionnels. 2 La procédure qui y est employée est plus solennelle.
Cette solennité s’explique sans doute par la gravité des intérêts en cause.

Les Juridictions du Second Degré


Elles sont établies par la Loi pour éviter des abus en permettant à un plaideur mécontent d’exercer une voie
de recours et de bénéficier d’un second examen de son affaire par un autre tribunal. D’ailleurs cette garantie est
l’une des conditions nécessaire à une bonne justice.
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Chez nous, quand on parle de juridictions du second degré, il s’agit naturellement des
Cours d’Appel et des Tribunaux de première instance ou correctionnels quand ils jugent les appels des tribunaux
de paix ou de simple police.

Les Cours d’Appel


Tout plaideur qui a succombé en première instance peut obtenir, sous certaines conditions, que le litige soit
jugé une nouvelle fois, en droit et en fait, par une juridiction de degré supérieur dans le ressort de laquelle se
trouve le tribunal qui a statué. Cette juridiction est saisie du litige par l’effet dévolutif de la voie de recours,
l’appel, exercée à l’encontre du jugement querellé.

Il existe cinq Cours d’Appel. Elles sont instituées à Port-au-Prince, au Cap-Haïtien, à Hinche, aux
Gonaïves et aux Cayes. Ces cinq Cours se répartissent l’appel des jugements rendus par les dix-huit tribunaux de
première instance, sur la base de leur compétence territoriale. En effet, l’appel doit être porté devant la Cour du
siège des tribunaux de son ressort.
_______________________
1-
Menan Pierre-Louis, ibid. p. 63
2-
Il existe des affaires qui doivent être soumises au tribunal criminel siégeant sans assistance du jury. Elles seront
Ainsi, la Cour d’Appel de Port-au-Prince a juridiction sur les tribunaux de première instance de : Port-au-
Prince, Petit-Goâve et Jacmel et Croix-des-Bouquets ;

La Cour d’Appel du Cap-Haïtien a juridiction sur les tribunaux de première instance de : Cap-Haïtien,
Fort-Liberté et Grande-Rivière du Nord ;

La Cour d’Appel de Hinche a juridiction sur les tribunaux de première instance de : Hinche et Mirebalais ;
La Cour d’Appel des Gonaïves a juridiction sur les tribunaux de première instance de : Gonaïves, Saint-
Marc et Port-de-Paix ;

La Cour d’Appel des Cayes a juridiction sur les tribunaux de première instance de : Cayes, Aquin,
Côteaux, Jérémie, Anse-à-Veau et Miragoâne;

Les Cours d’Appel se composent généralement de deux sections, l’une civile et l’autre pénale. Ces deux
sections se répartissent les affaires.
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Les Tribunaux de Première Instance (ou correctionnels)
Comme nous l’avons déjà vu, les Tribunaux de Première Instance (correctionnels au pénal) principalement
juridictions de premier degré, sont également juridiction du second degré quand ils jouent le rôle de juridictions
d’appel vis-à-vis des Tribunaux de paix (ou de simple police au pénal).

Ces dispositions se trouvent consignées dans deux textes importants : l’article 150 du C.I.C. et l’article 94
du décret du 22 août relatif à l’Organisation judiciaire.

Vu leur importance, nous prenons la liberté de reproduire textuellement ces deux articles.

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appelées et jugées au jour fixé par ordonnance du doyen. L’article 313 du C.I.C. en présente la liste : fausses monnaies, contrefaçon, de
sceau, de timbres et marques ; vols emportant une peine afflictive ou infâmante ; incendies.
« L’appel des jugements rendus par le tribunal de simple police sera porté au
tribunal correctionnel.
Cet appel sera interjeté dans les dix jours francs de la signification de la sentence
à personne ou à domicile ; il sera suivi et jugé dans la même forme que les appels
des sentences des justices de paix. » (C.I.C., article 150)
« Les tribunaux de première instance ont plénitude de juridiction pour toutes
affaires civiles, commerciales, maritimes et criminelles. Ils connaissent aussi des
sentences des justices de paix dans les cas déterminés par la loi. »
(Décret du 22 août 1995 sur
L’organisation judiciaire, article 94, alinéa 2)

La Cour de Cassation

Originalité
Enfin, au sommet de la pyramide judiciaire haïtienne se trouve la Cour de Cassation. Elle est dans l’ordre
judiciaire haïtien la clef de voûte de l’organisation, le sommet de la hiérarchie. Mais à propos de notre « Cour
suprême », quelques précisions s’imposent :
a) La Cour de Cassation n’est pas un troisième degré de juridiction ;
b) Elle ne connaît le fond des affaires. Elle ne juge qu’en droit et veille à ce que le droit soit bien appliqué.
Pour cela, elle s’assure que le tribunal ayant jugé était compétent et qu’il n’y a pas eu violation de la
procédure et de la loi.
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Néanmoins, précise l’article 135 du décret du 22 août 1995, en toutes matières autres que celles qui sont
soumises au jury, lorsque sur un second recours, même les parties, la Cour de Cassation, admettant le pourvoi, ne
prononce pas de renvoi et statue sur le fond, sections réunies. Dans ce cas, la Cour siège avec une majorité.

La Cour de Cassation, juge du jugement a deux possibilité : soit elle casse le jugement et l’affaire sera
rejugée ; soit qu’elle rejette le pourvoi et la décision attaquée acquiert autorité de la chose jugée et s’impose aux
parties.

Principales Attributions

Les attributions de la Cour de Cassation sont fixées par le décret du 22 août 1995 sur l’Organisation
judiciaire, en son article 138.

En sa compétence ordinaire, elle connaît suivant la distribution qui en est faite par le Président :
a) Des pourvois formés contre les ordonnances de référé, les arrêts des Cours d’Appel et les jugements rendus
en toutes matières, en dernier ressort par les tribunaux de première instance en leurs attributions d’appel
des sentences de justice de paix.
b) Des pourvois exercés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juges de paix, en toute matière,
sans que ces pourvois puissent être fondés sur aucune autre cause que l’incompétence ou l’excès de
pouvoir.
c) Des demandes en Cassation fondées sur la contrariété des jugements ou arrêts rendus dans une même
affaire entre les mêmes parties en différents Tribunaux de première instance ou Cours d’Appel.
d) Des demandes en règlements, de jugements en matière civile ou criminelle, quand les tribunaux ne relèvent
pas de la même Cour d’Appel ou celles en renvoi d’un tribunal à un autre pour cause de sûreté publique ou
de suspicion légitime, d’après les règles établies par le code de procédure civile ou par le Code
d’Instruction criminelle.
e) Des plaintes ou dénonciations contre les juges des divers Tribunaux et Cours d’Appel ou contre les
Officiers du Ministère public pour crime ou délit commis par eux dans l’exercice ou hors de l’exercice de
leurs fonctions, conformément au Code d’Instruction Criminelle.
f) Des réquisitions du Commissaire du Gouvernement sur l’ordre exprès du Ministère de la Justice ou
d’office pour faire annuler, conformément aux articles 341 et 432 du C.I.C., les actes judiciaires ou les
jugements contraires à la loi.
g) Des demandes en prise à partie contre les juges des Cours et Tribunaux, les officiers du ministère public,
les arbitres jugeant en matière d’arbitrage forcé dans le cas et suivant les formes prévues par le Code de
Procédure Civile.
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Section II

Les Juridictions Spécialisées


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En Haïti, les organes juridictionnels se composent non seulement de juridictions de droit commun mais
aussi de juridictions spécialisées. Ces juridictions sont spéciales par leur volume contentieux, leur clientèle, leurs
règles spécifiques d’organisation et/ou de fonctionnement. Moins connues que les précédentes, elles se subdivisent
en juridictions spécialisées permanentes et en juridictions spécialisées non permanentes.

Les Juridictions Spécialisées Permanentes


Pour donner une juste idée des juridictions permanentes, nous consacrons un bref développement aux
Sections terriennes, au Tribunal spécial du travail, aux Tribunaux pour enfants et à la Cour Supérieure des
Comptes et du Contentieux Administratif.

Les Sections Terriennes


Depuis l’Indépendance, la terre a toujours été source de conflits meurtriers. Les Gouvernements successifs
ont tenté sans succès d’y apporter des solutions. Par exemple, avant le 7 février 1987, cette question était
réglementée par deux textes : la loi du 12 juillet 1961 et le Décret du 30 juillet de la même année, portant création
du Tribunal terrien d’Haïti.

Mais le Conseil National de Gouvernement qui a succédé au Président Jean-Claude DUVALIER


considérait que :
« Le Tribunal terrien d’Haïti n’a pas atteint les objectifs pour lesquels il a été
créé ; qu’il y a lieu en conséquence d’adopter de nouvelles mesures susceptibles
de ramener la paix dans la Vallée et d’assurer aux propriétaires une protection
efficace et opportune contre les atteintes de leurs intérêts légitimes. »1

Le constat amena le nouveau gouvernement qui avait promis la démocratie au peuple de publier un
nouveau décret. Il s’agit du décret du 30 juillet 1986. Ce nouveau décret institue dans chacun des tribunaux civils
des Gonaïves et de Saint-Marc, une section spéciale chargée de connaître des contestations ayant pour objet les
terres dépendant de la plaine de l’Artibonite. 

Chaque section terrienne des tribunaux civils des Gonaïves et de Saint-Marc est composée de 3 juges, 2
substituts, 2 greffiers, 2 commis du parquet, 2 huissiers audienciers et d’un messager.
19

Comme il n’existe que deux sections terriennes (à Saint-Marc et aux Gonaïves), les litiges fonciers qui
éclatent dans les autres zones sont entendus par les juridictions civiles de droit commun.

Le Tribunal du travail
En France, il existe le conseil des Prud’hommes dont la mission essentielle est de régler par voie de
conciliation, et de juger (lorsque la conciliation n’a pas abouti) les différends qui s’élèvent à l’occasion d’un
contrat individuel de travail entre employeurs et salariés (problèmes de salaires, de prime, essentiellement
problèmes de licenciement).

A Port-au-Prince, après l’échec de la conciliation tentée par l’Inspection du Travail du Ministère des
Affaires Sociales, le litige est porté devant le Tribunal du Travail. Ce Tribunal spécial a été institué par la Loi du 3
septembre 1979.

____________________
1-
« Le Moniteur » No 66, jeudi 14 août 1986
A en croire les Législateurs de l’époque, les statistiques accusaient un nombre sans cesse croissant de
litiges entre employeurs et employés devant la chambre de travail de la juridiction du tribunal civil de Port-au-
Prince et qu’il convenait d’instituer un Tribunal spécial de travail à Port-au-Prince en vue d’évacuer avec plus de
célérité les conflits du travail.

Ce Tribunal a compétence pour connaître de tous les conflits de droit qui peuvent s’élever à l’occasion du
contrat de travail ou du contrat d’apprentissage et, d’une manière générale, de toutes affaires contentieuses,
conformément au Code du Travail.

La Loi du 3 septembre 1979 prévoyait qu’en cas de nécessité, d’autres tribunaux de ce type pouvaient être
établis1. Mais à date, le deuxième Tribunal du Travail n’est pas encore né. Dans les grandes villes du pays (sauf
Port-au-Prince), ce sont les tribunaux civils et les tribunaux de paix dans les communes qui liquident les conflits de
travail.

Les Tribunaux pour Enfants


En septembre 1961 fut promulguée la Loi portant, sur le « mineur en face de la loi pénale et des tribunaux
spéciaux pour enfants ». Cette loi ambitionnait d’harmoniser les dispositions de notre Code pénal avec les
20
exigences du droit moderne de la délinquance juvénile, en intégrant rationnellement notre système de défense
sociale dans un réalisme juridique qui tend à une protection complète du corps social, par une meilleure protection
accordée au mineur dévoyé ou en danger physique et moral.

Cette loi va privilégier la rééducation et la réinsertion des mineurs délinquants. Elle désigne les juridictions
compétentes pour juger les mineurs de 13 à 16 ans accusés d’infractions à la loi pénale. Elle indique les diverses
mesures protectrices à la portée des juges des enfants qui ne souhaitent pas prononcer absolument une
condamnation pénale. Le Législateur avait bien compris que le droit pénal n’est ni le principal, ni le meilleur
moyen de lutter contre la délinquance. Aussi cette approche doit-elle être considérée comme un progrès
incontestable pour l’époque.
____________________
1-
« Le Moniteur » No 75, lundi 24 septembre 1979
Cette loi prévoyait en son article 18 la formation d’un tribunal pour enfants, « dans la juridiction de chaque
cour d’appel » et l’article 25, la création d’une Cour d’Assises des mineurs  pour juger les mineurs de 16 ans
accusés de meurtre, assassinat ou parricide.

Il a fallu attendre le 20 novembre 1961 pour voir la création du Tribunal pour enfants de Port-au-Prince.
Dans l’attente des autres tribunaux pour enfants, ce Tribunal avait une compétence nationale. En effet,
l’article 6 du décret décide :
« Le tribunal pour enfants de Port-au-Prince, en attendant la création de ceux
prévus par la loi du 11 septembre 1961, a plénitude de juridiction pour toutes
affaires pénales ou civiles concernant les mineurs appréhendés pour crimes et
délits à travers les différentes divisions géographiques du pays. Il connaît en outre,
de l’appel des jugements rendus par les tribunaux de paix de la République dans
les cas déterminés par la loi du 11 septembre 1961. »1

La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif


La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) est une Institution
indépendante régie par la Constitution du 29 mars 1987. Elle connaît des litiges mettant en cause l’État et les
collectivités territoriales, l’Administration et les fonctionnaires publics, les services publics et les administrés.
L’article 200 de la Constitution en vigueur stipule que :
« La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif est une
juridiction financière, administrative, indépendante et autonome. Elle est chargée
du contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des dépenses de l’État, de
21
la vérification de la comptabilité des Entreprises de l’État ainsi que celles des
collectivités territoriales. »2
________________________
1-
« Le Moniteur » No 108, lundi 2 novembre 1961
2-
Constitution du 29 mars 1987
La CSCCA est composé de deux sections : la section du contrôle financier et la section du contentieux
administratif.

Il faut préciser que cette juridiction n’appartient pas à l’ordre judiciaire. Elle est une juridiction
administrative, la seule, d’ailleurs, en Haïti.

Les Juridictions Spécialisées Non-Permanentes


A côté des Juridictions spécialisées permanentes, prennent place des juridictions spécialisées non-
permanentes. Il s’agit de : la Haute Cour de Justice, la Commission de Conciliation, le Conseil Electoral
Permanent et l’Office de Protection du Citoyen.

La Haute Cour de Justice


« Quelle que soit l’indépendance des magistrats judiciaires on a craint qu’un
tribunal judiciaire soit un peu impuissant pour juger des infractions commises par
les représentants du pouvoir politiques les plus haut placés. Cela a conduit à la
création des juridictions politiques. »1

C’est en ces termes que le doyen Jean Vincent introduit son étude de la Haute Cour de Justice française.
Les constituants de 1987 avaient la même crainte, d’ailleurs justifiée. C’est sans doute pourquoi ils ont
consacré les articles 185 à 190 à la Haute Cour de Justice.
Fait significatif, ils en parlent, immédiatement après la Cour de Cassation.

La Haute Cour de Justice, après la mise en accusation prononcée par les 2/3 de la Chambre des députés a
compétence pour juger :
a) le Président de la République accusé de crime de haute trahison ou tout autre crime commis dans l’exercice
de ses fonctions ;

___________________
1-
Jean Vincent et Alii, idem. p. 298
22
b) le Premier Ministre, les Ministres et les Secrétaires d’État pour crimes de haute trahison et de
malversation, ou d’excès de pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l’exercice de
leurs fonctions ;
c) les Membres du Conseil Électoral Permanent et ceux de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratifs pour fautes graves commises dans l’exercice de leurs fonctions ;
d) les Juges et Officiers du Ministère Public près la Cour de Cassation pour forfaiture ;
e) le Protecteur du Citoyen.1

Ne pouvant pas siéger sans la majorité de deux tiers de ses membres, la Haute Cours de Justice ne peut
prononcer d’autre peine que : la destitution, la déchéance ou la privation du droit d’exercer toute fonction publique
durant 5 ans au moins et 15 ans au plus.

La Commission de Conciliation

Le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif sont les deux Pouvoirs politiques du régime constitutionnel de
1987. D'une manière générale, le Parlement délibère et contrôle des actes très souvent préparés et exécutés par le
Pouvoir Exécutif. Ces deux Pouvoirs de l'Etat sont donc distincts l'un de l'autre et sont chargés de fonctions
différentes. Ils sont « indépendants » l'un par rapport à l'autre ; pourtant, ils sont appelés à collaborer l'un et l'autre
en vue de la bonne marche de l'Etat. D'où, des risques de conflits entre les deux Pouvoirs politiques de l'Etat.
Quand ces conflits surviennent, comment les résoudre de manière institutionnelle ?

L'article 206 de la Constitution de 1987 accorde à une institution dénommée « Commission de Conciliation
» le pouvoir de trancher, entre autres, les différends opposant le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif.
Néanmoins, cette même institution appelée à trancher les différends ne juge pas, puisque ce n'est pas l'adoption
d'un acte d'autorité qui consacre son dessaisissement. Ce n'est qu'une commission de conciliation comme son nom
l'indique. Elle est une institution ad hoc appelée, entre autres, à aider les deux Pouvoirs politiques à trouver une
entente en cas de différend

________________________________________________

1-
voit la Constitution de la République d’Haïti, article 186

et dans l'éventualité où elle est saisie. Il revient à la Cour de Cassation de la République de résoudre le différend
par une décision d'autorité.

Ainsi, l'article 206 de la Constitution donne-t-elle sa composition.


23
1- Le Président de la Cour de Cassation fait office de Président de la Commission de Conciliation. Nous
rappelons que ce dernier est avant tout un juge de ladite Cour. Or, c'est le Sénat, Corps du Pouvoir Législatif, qui
est chargé de la présélection des juges à la Cour de Cassation.

2- Le Président du Sénat et celui de la Chambre des Députés, en principe deux membres influents du Parlement,
sont respectivement vice- président et membre de ladite Commission.

3- Le Président du C.E.P. ainsi que le vice- président de la même institution sont membres de ladite Commission.
Nous rappelons que l'Assemblée Nationale, organe non permanent du Parlement, concourt à la formation du C.E.P.
en choisissant trois de ses neuf membres.

4- Enfin, deux Ministres- membres du Gouvernement procédant du Parlement- désignés par le Président de la
République font office de membres de la Commission de Conciliation.

En somme, on comprend bien que la probabilité d'avoir une Commission de Conciliation indépendante du
Parlement est mince.

Quand les membres de la Commission de Conciliation ne sont pas des membres très influents du
Parlement, ils tiennent leur pouvoir, dans une certaine mesure, du Parlement. On peut donc présumer sinon des
conflits d'intérêts, du moins une tendance à se croire redevable. Cette analyse peut toutefois ne pas être exacte pour
ce qui concerne les deux membres du C.E.P. représentés à ladite Commission, puisque ces derniers pourraient ne
pas être ceux préalablement choisis par l'Assemblée Nationale souveraine pour mettre fin « définitivement » aux
différends opposant Pouvoir Législatif et Pouvoir Exécutif.

Prenons l'hypothèse dans laquelle une décision finale est prise par la Cour de Cassation en vue de résoudre
le conflit. Comment alors s'assurer de son exécution ? Et dans l'éventualité où aucun des deux Pouvoirs politiques
ne déciderait de saisir la Commission de Conciliation, que risquerait-il de se passer ?

En effet, la Commission de Conciliation n'est pas le seul mécanisme institutionnel de règlement de conflits
entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif. Aussi, la responsabilité politique du Gouvernement permet-elle,
classiquement, d'apporter une solution aux conflits susceptibles de survenir entre le Gouvernement et la majorité
parlementaire. Toutefois, dans le régime constitutionnel de 1987, cette méthode institutionnelle de résolution d'un
conflit politique crée plus un déséquilibre monumental entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif que
d'éviter le blocage des institutions.

Le Conseil Electoral Permanent


24

Avant le vote de la Constitution de mars 1987, les élections étaient organisées par le Ministère de
l’Intérieur. Mais les constituants vont opter pour un organisme indépendant « chargé d’organiser et de contrôler en
toute indépendance toutes les opérations électorales sur tout le territoire de la République jusqu’à la proclamation
des résultats du scrutin »

Les neuf membres qui doivent former le Conseil Électoral sont choisis sur une liste de trois noms proposés
par chacune des Assemblées départementales. Nommés pour une période de neuf ans non renouvelable, ils sont
inamovibles.

Malheureusement pour le pays, après vingt quatre longues années les conditions ne sont toujours pas
réunies pour permettre la mise en place de cette Institution Indépendante si importante. C’est le Conseil Électoral
Provisoire (à date, il y en a eu douze !), prévu à l’article 289 de la Constitution qui continue à organiser les
élections, depuis 1987.

L’Office de Protection du Citoyen

Le droit administratif n’avait pas connu pendant longtemps de procédure générale de médiation. La
garantie des administrés, en cas de conflits avec l’administration, n’était conçue que sous la forme des recours
juridictionnels ou administratifs. L’évolution a été provoquée par le succès qu’a connu dans les années 1930, une
institution en Suède et qu’avant adoptée ou transposée de nombreux États anglo-saxon : l’Ombudsman,
personnalité pouvant être saisie par les particuliers qui avaient à se plaindre d’un mauvais fonctionnement de
l’Administration, en vue de le faire redresser en lui présentant des recommandations.

En France, cette nouvelle forme de régulation non contentieuse des relations entre les Administrations et
les citoyens a été introduite en 1973 avec la création du « Médiateur de la République ».

Chez nous pour les mêmes raisons, la Constitution de 1987 crée l’Office de la Protection du Citoyen dont
la mission première est de protéger tout individu contre toutes les formes d’abus de l’Administration publique.1

Tel est le schéma des différentes juridictions haïtiennes dont la mission est de rendre la justice. Comme les
institutions doivent être desservies par des hommes et des femmes passionnés de liberté et de la vérité, il s’agit de
présenter maintenant les serviteurs de la justice, objet du deuxième chapitre de ce travail.
25

____________________
1-
idem, article 207

Chapitre II

Le Personnel Judiciaire

Le mot « justice » évoque immédiatement les Magistrats qui sont les premiers desservants de l’institution.
Mais pour trancher les litiges, les juges doivent être saisis. Dans la plupart des cas, ils le sont par les parties elles-
mêmes. Dans d’autres où c’est la société qui est en jeu, il faut quelqu’un qui la représente. Ce sera le rôle du
ministère public. Une fois saisis, les juges ne peuvent départager les antagonismes qu’autant qu’ils bénéficient de
l’aide de ceux que l’on désigne globalement sous l’appellation d’auxiliaires de justice. Il apparaît cependant que
l’activité de ces différents professionnels se manifeste, pour certains d’entre eux, plutôt par une aide apportée aux
magistrats et, pour d’autres, plutôt par une aide apportée aux parties.

Ce chapitre sera donc consacré aux Magistrats (Section I) et aux auxiliaires de justices (Section II).
26

Section I

Les Magistrats

Mise au Point

Terminologie
Pendant longtemps, on a cru que les termes « Magistrat » et « Juge » étaient synonymes. Mais d’éminents
juristes pensent que les deux termes cachent deux réalités distinctes. A l’appui de leur thèse, ils argumentent que le
terme « Juge », pris dans son sens étymologique signifie : dire le droit.

Alors, il serait préférable d’utiliser le mot « Magistrat » car il recouvre tant les Magistrats du siège (qui
jugent) que ceux du Parquet, qui ne jugent pas, qui ne disent pas le droit.

A propos de cette querelle, le doyen Vincent a fait une remarque fort intéressante :

« Les personnels composant les juridictions de l’ordre judiciaire ont


traditionnellement occupé dans l’État une place à part. Ils relèvent actuellement
de l’autorité judiciaire et s’ils ont bien la qualité d’agents de l’État, ils sont avant
tout des magistrats, investis, en tant que tels, d’un statut qui n’est pas tout à fait
celui du fonctionnaire.
« Les juges des juridictions administratives sont, eux aussi, spécialisés dans les
tâches juridictionnelles, mais ne bénéficient pas, sauf exception, d’un statut
analogue à celui des magistrats. »1
______________________
1-
Jean Vincent at alii, idem. p. 519
27
Sur la même question, un autre juriste est assez catégorique quand il affirme :
« Pour le commun des mortels, ce titre (Magistrats et Juges) est un pléonasme car
les deux termes sont synonymes. Pour le juriste, ces vocables ont un sens différent.
« Le terme magistrat est générique, et beaucoup plus large que celui de juge. Il
concerne, d’une part, les magistrats de siège (parce qu’ils sont assis) qui exercent
la fonction de juger (ces magistrats sont des juges) ; d’autre part, les magistrats
de parquet (parce qu’ils sont debout) dont la fonction est de requérir, c’est-à-dire
de demander l’application de la loi (ces magistrats ne sont pas des juges) ».1

Classification

Pour les raisons évoquées ci-dessus, nous avons opté pour le terme de « Magistrats ». Sous cette
appellation, nous allons regrouper les juges des différents tribunaux ainsi que les Commissaires du Gouvernement
et leurs substituts.

Les Garanties Légales

De nombreux textes (constitutionnels, législatifs et réglementaires) cherchent à protéger les Magistrats et à


garantir leur indépendance. Ces textes traitent du recrutement, de la carrière et du statut. Cette sous-section tente
d’en rendre compte.

Recrutement

En ce qui concerne les conditions de recrutement des Magistrats, cela dépend de plusieurs facteurs dont le
plus important est la catégorie de juridiction. Les Magistrats du siège ne sont pas recrutés de la même manière que
les Magistrats du Parquet.
__________________________
1-
Jean-Pierre Scarano, « Institutions juridictionnelles », ellipses, 1996, p. 82

Recrutement des Magistrats du siège

Les Magistrats du siège se retrouvent à la Cour de Cassation, aux Cours d’Appel, aux Tribunaux de
Première Instance et aux Justices de Paix. Comment sont nommés ces différentes catégories de juges ?

Ils sont nommés conformément à l’article 175 de la Constitution qui stipule :


28
« Les Juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la
République sur une liste de trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat.
Ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance le sont sur une
liste soumise par l’Assemblée Départementale concernée ; les Juges de paix sur
une liste préparée par les Assemblées communales. »

Pour être nommé Juge à la Cour de Cassation, il faut avoir été juge ou officier dans une Cour d’Appel
pendant sept ans au moins ou avoir exercé la profession d’avocat pendant dix ans au moins.

L’article 14 du décret du 22 août 1995 décide que pour être juge à la Cour d’Appel, il faut avoir occupé,
pendant 7 ans au moins, les fonctions de juge dans uns un tribunal de première instance ou d’officier du parquet
près un tribunal ou bien avoir exercé la profession d’avocat pendant au moins 7 ans. Quant aux Juges des
Tribunaux de Première Instance, ils doivent être diplômés de l’École de la Magistrature ou avoir exercé la
profession d’avocat pendant 3 ans au moins

Le décret sus-visé permet à quelqu’un qui a été greffier pendant trois ans de devenir Juge de Paix de 4 ème
classe, celui qui est bachelier en droit de postuler la 3 ème classe, réservant les première et deuxième classes aux
licenciés en droit et aux diplômés de l’École de la Magistrature. Mais les candidats aux 3 ème et 4ème classes doivent
réussir le test du Ministère.

Recrutement des Magistrats du Parquet

Contrairement aux Magistrats du siège, les Magistrats du Parquet ne sont pas totalement indépendants du
pouvoir exécutif dont ils sont les agents. Ils ne sont pas non plus inamovibles.

Quant aux conditions de nomination, elles ne sont pas différentes de celles exigées de leurs collègues de la
« Magistrature assise. »

Statut

Indépendance
Le Juge pour mener sa mission, au bénéfice de la société, doit être, en toute hypothèse, indépendant et
impartial. D’ailleurs, personne n’ignore qu’il n’y a pas d’authentique justice en l’absence de ces deux vertus dans
29
la personne du Juge. Il doit être libre dans l’exercice de son activité juridictionnelle, libre de juger comme il
l’entend, dans le respect des règles de droit et selon son « intime conviction ». A ce sujet, un professeur de droit
disait à ses étudiants :
« Le juge, dans son office juridictionnel n’a d’ordre à recevoir de personne, pas
même d’un magistrat de grade plus élevé, fut-il son chef de juridiction : les voies
de recours sont là pour corriger les carences ou excès. »1

Inamovibilité
La fonction de Magistrat ne peut être exercée sainement que dans des conditions d’impartialité et
d’indépendance. Ce statut lui confère certaines prérogatives qui lui permettent de juger dans la sérénité requise.

Pour bénéficier d’une pleine indépendance, la loi a protégé le Juge contre tous les risques de mutation ou
de ralentissement dans le déroulement de sa carrière, dû à l’arbitraire du pouvoir
_________________________
1-
Loïc Cadiet, « Découvrir la justice », Paris, Dalloz, 1997, p. 181
exécutif. C’est ainsi que la Constitution de 1987 a posé la règle de l’inamovibilité des Magistrats du siège.

Au sens large du terme, ce principe signifie que le juge ne peut être révoqué, ni suspendu, ni mis à la
retraite, ni déplacé, ni promu par la volonté arbitraire du Gouvernement. Autrement dit, ils ne peuvent jamais
recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle même en avancement. Voici pour s’en convaincre le
contenu de l’article 177 de notre Charte fondamentale :
« Les juges de la Cour de Cassation, ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de
Première Instance sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour
forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation. Ils
ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur consentement, même en
cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu’en
cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée. »

Il faut sur l’inamovibilité des juges, garantie de leur indépendance. Au demeurant, elle fait partie de ces
règles tutélaires qui protègent les Magistrats, protègent les droits de l’homme et ne tolèrent aucun écart juridique,
si bénin fut-il !
30

Section II

Les auxiliaires de Justice

Dans le règlement des litiges de nombreuses personnes sont appelées à intervenir. Certaines assistent le
Juge dans sa fonction de dire le droit et d’autres interviennent à l’instance pour aider les plaideurs. Ces différentes
catégories d’intervenants sont les auxiliaires de justice. Pour la commodité de notre exposé, nous allons répartir
ces auxiliaires en deux cycles et inclure une troisième catégorie.

Les Auxiliaires du Premier Cycle


Dans cette catégorie, nous allons regrouper : les avocats et les fondés de pouvoir, les greffiers et les
huissiers.

Les Avocats et les Fondés de pouvoir


L’avocat est aussi vieux que la justice. Son histoire, en dépit d’une métamorphose constante des formes de
la profession, est celle de la défense permanente des intérêts d’autrui. La période contemporaine a été marquée par
une diversification de l’activité et une homogénéisation des structures de la profession d’avocat. Le domaine de
son activité s’est étendu des activités d’assistance judiciaire aux missions de représentation des plaideurs en
justice, puis aux fonctions de consultation et de rédaction d’actes juridiques.

Libérale et indépendante, la profession d’avocat est réglementée par le décret du 29 mars 1979. Elle
s’exerce dans le cadre d’une organisation corporative, appelée « Ordre des Avocats ». Il y en a dix-huit, à raison
d’un par tribunal de première instance.
31
L’avocat bénéficie au regard de la loi pénale d’une totale liberté de parole, puisqu’une immunité couvre
les paroles et les écris en rapport avec la procédure en ce qui concerne les infractions de diffamation, d’injure et
d’outrage.

Le Conseil de l’Ordre est gardien de la déontologie du barreau, faite de règles professionnelles et de


sanctions disciplinaires. L’avocat est tout d’abord tenu d’un certain nombre d’obligations qu’énonce, de façon
générale, la formule du serment d’avocat : dignité, conscience, indépendance, probité à l’égard des clients, mais
aussi à l’égard des magistrats et des confrères. L’accent doit être aussi mis sur le secret professionnel qui est à la
fois une obligation et un droit. C’est de l’obligation au secret que découle l’inviolabilité de la correspondance
échangée avec le client, même détenu et celle du cabinet. De même, aucune perquisition ne peut avoir lieu au
cabinet d’un avocat. S’il s’agit de poursuites dirigées contre l’avocat lui-même, la perquisition de son cabinet ne
peut avoir lieu qu’en présence du bâtonnier, lequel doit veiller au respect de l’inviolabilité de tous les dossiers non
concernés par les poursuites.

Les avocats ne sont pas les seuls à assurer la défense des justiciables. Ils sont aidés dans cette tâche par les
« Fondés de pouvoir. »

Les Greffiers

Le greffier joue un rôle capital dans le fonctionnement de la juridiction puisqu’il en assure le secrétariat. Il
tient la plume au cours des audiences. Il authentifie les actes judiciaires. Il conserve les minutes des ordonnances,
jugements et arrêts, d’en délivrer copie exécutoire ou copie certifiée conforme, d’exécuter aussi les travaux de
recherche, de classement, de correspondance, de statistiques. C’est pourquoi auprès de tous les tribunaux de la
République est attaché au moins un greffier. A cet égard, des attributions particulières lui ont été confiées, et il
dispose d’un statut spécifique.

L’article 37 du décret du 22 août 1995 énonce clairement les responsabilités de cet auxiliaire du Juge :
« Les greffiers sont chargés de la régie des greffes et sont personnellement
responsables des valeurs qu’ils perçoivent et des pièces dont ils sont
dépositaires. »

Les Huissiers du Justice


Comme le greffier, l’huissier est un auxiliaire de justice. Leur nom provient de « huis » qui signifie la porte
en vieux français. Ce sont les gardiens de la porte du tribunal. On distingue deux classes d’huissiers : les huissiers
audienciers et les huissiers exploitants.
32

Les premiers procèdent à l’appel des causes et des témoins lors de l’instance et salariés d’État ; les seconds,
qui ne sont pas rémunérés, sont chargés de signifier les décisions judiciaires et de procéder à l’exécution forcée des
jugements. Ils perçoivent des frais à chaque acte signifié.

Les Auxiliaires du Second Degré


Les avocats, les fondés de pouvoir, les greffiers et les huissiers tout en jouant un rôle essentiel, ne sont pas
les seuls auxiliaires de la justice. Trois autres officiers publics apportent leur contribution pour faciliter le service
public de la justice. Ils se nomment : notaires, arpenteurs et officiers d’état civil.

Les Notaires
La première loi sur le Notariat remonte à février 1919. Mais en 1969, le Législateur considérait qu’à « la
faveur de ce nouvel humanisme qui préside à l’évolution de notre Droit positif, il importe d’harmoniser les
dispositions de la loi du 24 février 1919 sur le Notariat avec les exigences nouvelles posées par le statut
économique et social du pays ». Dans cette perspective, la fonction de notaire a été redéfinie, grâce au
renforcement des dispositions légales.

Les notaires sont des officiers publics titulaires d’un office ministériel.1 Ils exercent une
___________________________________
1-
Les officiers ministériels sont les personnes titulaires d’un office ministériel, c’est-à-dire d’une charge leur octroyant le monopole de
l’exercice de l’activité. Ce ne sont pas des fonctionnaires, mais des membres de professions libérales qui doivent obligatoirement prêter
leur service lorsqu’ils en sont légalement requis.
juridiction volontaire et amiable. Ils sont chargés de donner le caractère d’authenticité aux actes que les parties
déposent chez eux. L’acte est, le plus souvent, dressé en minute : le notaire conserve la minute et délivre aux
parties une « grosse » contenant la formule exécutoire ou des expéditions, simples copies de l’original. Aussi sont-
ils d’un grand apport pour les juges qui doivent faire triompher la vérité en départageant les parties en litige.

Les arpenteurs

La profession d’arpenteur n’existe plus à proprement parler dans certains pays, comme la France, par
exemple. Mais cette profession n’en demeure pas moins un héritage de l’ancienne Métropole. Et l’arpenteur
haïtien serait l’équivalent des « experts-géomètres français. »
33
En Haïti, l’arpenteur est un officier public assermenté ayant pour attributions de mesurer les terres,
qu’elle qu’en soit l’affectation, d’en calculer les surfaces et d’en fixer les bornes. Après chaque arpentage, il dresse
un procès-verbal dont copie sera remise au propriétaire.

Les Officiers d’état civil

L’article 17 de la loi du 20 août 1974 qui réglemente la profession d’officier d’état civil décide qu’il est
établi dans chaque quartier et commune un officier de l’état civil qui placera son bureau au cœur de cette
communauté.

Salarié de l’État et payé par le Ministère de la Justice, l’Officier d’état civil est tenu de résider au lieu
désigné de sa commission sous peine d’être considéré comme démissionnaire.

L’Officier d’État civil est compétent pour recevoir les actes de naissance, de mariage, de divorce, de décès,
de reconnaissance et d’adoption ainsi que toutes modifications ou rectifications y relatives ordonnées par décision
de justice.

La Police Nationale d’Haïti


A cette liste, il faut ajouter la Direction Centrale de la Police Judiciaire, auxiliaire immédiate des autorités
judiciaires (Commissaires du Gouvernement, Juges d’Instruction et Juges de paix).

Mais, il faut préciser tout de suite qu’il a fallu attendre sept ans pour voir l’application de l’article 269 de la
Constitution qui place la Police sous le contrôle de la justice.1

La lecture du C.I.C. permet de rappeler les attributions de la Direction Centrale de la Police Judiciaire dans son
rôle d’auxiliaire de la justice :
a) constater les infractions aux lois pénales, en dresser procès-verbal, en établir les circonstances et en
rassembler les preuves;
b) rechercher les auteurs des crimes, délits et flagrants délits ;
c) surveiller et rechercher les malfaiteurs opérant ou se réfugiant sur le territoire national ;
d) coopérer avec les organisations étrangères de police au besoin ;
e) lutter contre la contrebande, le trafic illicite des stupéfiants ;
34
f) fournir toutes informations susceptibles de prévenir ou réprimer les atteintes à l’ordre et à la sûreté
politique, économique et sociale dans le cadre des lois de la République.

Les Experts de justice


Les Magistrats, dans l’exercice de leur fonction, peuvent aider par une autre catégorie de personnes. Il
s’agit des experts de justice. Dans cette catégorie, on retrouve les Médecins légistes et les Experts-Comptables.

Les Médecins légistes


Le médecin légiste, après huit ans d'études au minimum, agit dans une branche de la médecine qui étudie
l'ensemble des aspects juridiques de la pratique médicale. Il est donc souvent appelé à apporter son concours aux
autorités administratives et judiciaires. La pratique médico-
_____________________________________________

1- C’est la loi du 29 novembre 1994 qui porte création et organisation des forces de police. A ce sujet, voir «  Le Moniteur », No
103, mercredi 28 novembre 1994
légale implique une formation de médecin légiste particulière pour devenir un auxiliaire de la
justice. En effet, il peut être appelé à se prononcer dans le cadre d'une enquête ou encore d'une expertise au
tribunal civil comme au pénal. Dans tous les cas où un acte médical présente une dimension juridique, le médecin
légiste est un acteur indispensable dans le cadre des aspects légaux de l'exercice de la médecine, mais également
dans un cadre civil comme dans un cadre pénal. Le diplôme de médecin légiste permet d'exercer des actes médico-
légaux tels que l'autopsie dont la technique nous vient d'Ambroise Paré, fondateur de la chirurgie moderne au
XVIème siècle. Le médecin légiste s'est imposé comme un spécialiste à part entière à partir du XIXe siècle, et avec
notamment, en France, les travaux de Mathieu Orfila (1787-1853), d'Ambroise Tardieu (1818-1879) et de Paul
Brouardel (1837-1906).

Les autopsies effectuées par le médecin légiste sont utilisées en cas de mort violente ou inexpliquée, soit
lorsque la présomption de meurtre existe depuis le début de l'enquête, parce que les circonstances de la mort sont
ou apparaissent a priori suspectes, soit lorsque l'affaire a été instruite sans qu'une autopsie ait été effectuée sur la
victime, ce qui peut motiver l'exhumation du corps sur décision de justice. Certaines séries télévisées actuelles
nous montrent des médecins légistes agissant comme des détectives pour retrouver le criminel à partir du cadavre
de sa victime

Dans la réalité, le médecin légiste s'occupe certes de déterminer les causes d'un décès et de permettre
l'identification d'un cadavre, mais il a également d'autres activités. On le retrouve dans les enquêtes où il évalue le
taux d'invalidité attaché à un handicap, à une blessure ou à une pathologie. Il est également présent pour établir la
réalité d'abus sexuels ou de sévices. Le médecin légiste peut faire appel à l'ensemble des connaissances cliniques,
35
biologiques et toxicologiques. Les spécialistes qui apportent leur contribution à l'enquête peuvent être des
médecins nutritionnistes, des toxicologues, des pharmacologues, des balisticiens ou des dentistes, par exemple. Les
compétences requises pour devenir médecin légiste sont celles d'un médecin ayant prêté serment dans sa branche
professionnelle et devant le juge. En effet, le médecin légiste délivre des rapports d'expertise pour les certificats de
décès dans le respect des obligations découlant des dispositions conjuguées du Code de déontologie médicale, du
Code de la santé publique et du Code civil.

La responsabilité juridique d'un médecin légiste concerne aujourd'hui l'ensemble des aspects concernant
l'exercice de la profession médicale, c'est-à-dire toutes les questions liées à l'éthique médicale et à la déontologie,
au secret professionnel, à la responsabilité, à la rédaction des actes et des documents médicaux. Lorsqu'une
autopsie apparaît nécessaire, le corps est obligatoirement transporté dans un local spécialement prévu à cet effet.
Les vêtements de la victime sont retirés puis examinés avec soin. Tous les indices corporels sont identifiés, étudiés
et conservés pour un examen ultérieur, et, le cas échéant, pour être présentés au cours de la procédure judiciaire.
Pendant l'autopsie, toutes les anomalies sont photographiées, décrites et quantifiées. On réalise parfois une
radiographie de certaines parties du corps. Le contenu de l'estomac, les liquides organiques ainsi que des
échantillons de divers organes sont analysés dans des laboratoires spécialisés.

Les Experts-comptables

Un Expert-comptable est un professionnel de la comptabilité. Il tient, contrôle, surveille, redresse la


comptabilité des entreprises et entités juridiques. Il établit les bilans et comptes de résultats des entreprises.

Dans son travail d’Assistance juridique : il peut rédiger les procès – verbaux de réunions du conseil
d’administration et des assemblées d’approbation des comptes, les statuts, les baux et autres contrats courants.
D’autre part, l’expert comptable a la possibilité de représenter son client auprès des organismes et Administrations
publiques, ce qui lui permet d’accroître l’efficacité du service rendu.

Après avoir étudié le système judiciaire haïtien, il revient maintenant de présenter ses problèmes, de les
analyser et de proposer des pistes de solution.
36

Deuxième partie

Les Obstacles qui paralysent le Développement du Système Judiciaire


en Haïti

La justice étant un service public, son accès doit être garanti à tous sans distinction. Cet accès se mesure en
termes de distribution spatiale des tribunaux, de la distance à parcourir pour les atteindre, du coût des services
disponibles ainsi que de la langue dans laquelle sont rendues les décisions de justice. Le nombre des citoyens qui
peuvent aujourd’hui accéder à la justice est très réduit quand on tient compte de la distribution spatiale des
tribunaux à travers le pays.
37

Il suffit pour s’en convaincre de se référer à la répartition actuelle des tribunaux sur tout le territoire et du
nombre de Juges actuellement en fonction par tête d’habitants. Cette situation a provoqué le développement du
recours à «une justice privée» par la population. En effet, les victimes des violations flagrantes des libertés
fondamentales, au lieu de recourir à des voies légales afin d’obtenir réparation, se contentent le plus souvent de
recourir à une justice privée. Elles ont donc la tentation de se faire justice. Cette attitude revancharde est selon les
victimes, plus rapide, directe et plus sûre. C’est comme si l’époque de la loi du talion n’a jamais été révolue en
Haïti.

Le fonctionnement de l’appareil ou du système judiciaire en Haïti a fait l’objet de plusieurs inventaires,


diagnostics, études, analyses et rapports, tant d’experts internationaux que nationaux. Ces spécialistes, à chaque
fois, recommandent des plans d’actions à court, moyen et long terme comportant des mesures pour soit reformer le
système, soit améliorer son fonctionnement. Les spécialistes haïtiens et étrangers sont unanimes à reconnaître le
dysfonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien. Le constat, déjà ancien, fait pratiquement l’unanimité
aujourd’hui. Tous les débats tournent autour de la carte de la réforme. Mais, la grande question demeure toujours à
l’ordre du jour : Quel système de justice pour Haïti ?

La réforme de la justice implique de sérieuses transformations au sein de l’État et de la société. Une des
valeurs fondamentales sur laquelle se fonde la théorie de l’État de droit est le respect de la loi d’abord par toutes
les autorités de l’État qui à leur tour, auront pour responsabilité de la faire appliquer. Il en résulte que cette valeur
constitue sans contestation aucune les théories sur lesquelles se fondent la Démocratie et l’État de droit.

Le problème de l’avancement est crucial, car vous ne pouvez pas considérer que vous recrutez un
fonctionnaire une fois pour toutes et que son avancement tiendra au bon vouloir de tel ou tel, ou qu’il sera figé
parce que les structures ne le permettent pas, parce que la fonctionnalité n’a pas été établie ainsi. Et puis, bien
évidemment, plus en aval que la carrière, le problème du droit à la pension, le problème des garanties quant à la
retraite.

L’appareil judiciaire tel qu’il fonctionne actuellement ne peut garantir la protection d’un fonctionnaire dans
l’exercice de sa fonction. La Magistrature est totalement dépendante du pouvoir exécutif via le Ministre de la
Justice. Le problème s’accentue par la tendance qui a été toujours la nôtre d’avoir une justice contrôlée.
Dans cette partie, nous allons faire ressortir la problématique du système judiciaire haïtien au troisième
chapitre et comment par une réforme on peut résoudre ce problème (quatrième chapitre).
38

Chapitre III

Problématique du système judiciaire haïtien

Ce n’est pas les pétitions qui devraient forcer les portes de la justice. Le fonctionnement doit être régulier,
normal, sans besoin de référence, ni d’interférence. La justice doit être saine pour un pays harmonieux, mais quand
la politique s’infiltre, sans bornes, même dans les tribunaux, c’est à la loi d’en sortir.

Si l’on parle de réforme, c’est que la conscience est claire que nos institutions sont dysfonctionnelles, ou
même la plupart inadéquates. Pourquoi d’après vous les gens restent aujourd’hui dans les prisons sans jugement ?
Le fonctionnement du système judiciaire est mauvais joint à la confusion des pouvoirs, et elle perverti et par elle
perturbé. Il n’y a pas à dire, l’enquête se poursuit

A travers cette analyse, nous nous rendons compte que le problème de l’indépendance du corps judiciaire
est loin d’être résolu. Les pouvoirs publics n’ont pas étudié la question à la base pour y apporter des réponses
satisfaisantes. Ce problème pourra déboucher sur beaucoup d’autres si des mesures appropriées ne sont pas prises.
Nos législateurs doivent mettre accent sur cette crise que traverse la justice haïtienne. Nul ne peut nier le rôle
39
primordial que jouent les magistrats dans la distribution de la justice. Ils sont les principaux acteurs. L’Exécutif
est une institution indépendante, le Parlement ne l’est pas moins, mais s’agit-il du Judiciaire, il semble être une
émanation des deux autres. La réforme de la justice telle qu’elle est prônée à l’heure actuelle par nos dirigeants et
réclamée par le public victime du fléau, doit tenir compte de cette main-mise de l’Exécutif sur le Judiciaire. Les
membres de ce pouvoir sont trop assujettis à ceux de l’Exécutif. Leur nomination et leur révocation doivent faire
l’objet d’une étude particulière dans le cadre d’une véritable réforme de la justice.

Section I
Les maux de la justice

La mainmise du Ministère de la Justice

La justice, en réprimant les atteintes aux lois, assume par son organisation des fonctions sociales multiples
et tient du même coup dans l’État une place éminente où les lois garantissent et protègent les libertés publiques.
Mais les pouvoirs publics, dans la tradition constitutionnelle demeurent associés à l’œuvre judiciaire, et la
constitution de 1987 maintient cette tradition.

Cependant la mainmise de l’Exécutif comme plus d’un sont enclins à le croire, garantit de moins en moins
l’indépendance de la Magistrature.

A la fois autorité politique et chef d’un organe administratif, le Ministre de la justice est la courroie de
transmission du gouvernement dans l’institution et le chef du service public de la justice. A ce titre, il nomme les
Magistrats du siège et du parquet et veille à leur promotion. Il est investi également d’un pouvoir réglementaire lui
permettant d’assainir le fonctionnement de l’institution en se basant sur le principe hiérarchique et d’intervenir
dans la formation des Magistrats. Dans les périodes de trouble il se considère comme le véritable chef de la
justice1.

De ce fait, ne peut-on dégager la mainmise possible du Ministère de la justice sur l’institution judiciaire ?

Le Ministère de la justice est une survivance de l’histoire. A la vérité, la justice peut être rendue
équitablement dans un Pays malgré l’existence d’un Ministère de la Justice. L’essentiel est de confier à celui-ci des
attributions qui ne seront pas de nature à troubler l’administration d’une bonne justice.
_________________________
40
1-
Boure R et Mignard J : La crise de l’institution judiciaire, Paris, Nuova Stampardi Mondadori Cles, 1977, pp.62-63

La justice est trop souvent, partante de l’affirmation, soumise au pouvoir politique. Comment parler d’une
indépendance de la Magistrature quand le pouvoir de nomination est confié à une autre partie ? L’Exécutif choisira
rarement un Magistrat de siège ne partageant pas ses idéologies politiques ou qui ne lui soit pas facile de manipuler
sans parler de soumission.

Ceci est d’autant plus vrai que le Conseil de la Magistrature en France qui doit donner son avis sur la
nomination des Magistrats est lui-même nommé par le même personnage. L’on peut dire que la nomination du
Conseil Supérieur de la magistrature par le Président de la République place l’autorité judiciaire sous le contrôle
du chef de l’État.

C’est ainsi qu’en France les juges organisés en syndicat font de la nomination leur cheval de bataille. « Il
faut la retirer à l’autorité politique pour la confier à un Conseil Supérieur de la Magistrature élargi ou carrément à
l’élection non par le suffrage universel mais par les juges eux-mêmes »1.

Ce procédé d’organisation de la Magistrature (qui incarnera vraiment l’indépendance des juges) s’inscrit
dans la constitution et connaît des limites avec les procédures de nomination et d’avancement des Magistrats de
siège.

Or, l’avancement des juges reste et demeure toujours une affaire de choix et non d’ancienneté. En France,
c’est en fonction d’une liste d’aptitude et d’un tableau d’avancement ordinaire ou spécial sur lesquels s’inscrit la
carrière du juge qu’une commission d’avancement formée de représentants de l’État fait son choix en fonction des
notes du Magistrat 2.

N’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur ces nominations ? Ces représentants de l’État vont-ils choisir
quelqu’un ne partageant pas la sensibilité politique du régime en place ? L’on peut

__________________________
1-
Lariviere Daniel Soulez : Les juges dans la balance, Saint-Amant, imp. Bussière, 1990 p. 301
2-
De Coustine Christian : La justice, collection tout savoir sur, Paris, imp. Brodard et Taupin, 1974, p. 28
également affirmer que les nominations dans la magistrature reflètent les options politiques de l’Exécutif et la
gestion du personnel va dans le sens du régime en place. 
41
Manque de moyens humains, financiers et matériels

Evaluation des ressources du système judiciaire

Du point de vue institutionnel, la justice haïtienne fait face à de nombreux problèmes. Les plus cruciaux
sont : la carence qualitative et quantitative en ressources humaines, le manque de ressources financières, l’état de
dénuement des bâtiments logeant la plupart des Cours et Tribunaux de la République. Ces problèmes constituent
autant d’obstacles au bon fonctionnement du système judiciaire haïtien.

Il est courant, dans le cadre de l’élaboration d’un projet de réforme institutionnelle, de procéder à une
évaluation du système existant en vue d’identifier aussi bien ses forces et faiblesses que les obstacles éventuels à
sa bonne marche. C’est ce qui, en sciences physiques et naturelles, prend le nom de diagnostic. Notre mémoire
emprunte cette terminologie dans son effort d’identification du mal qui affecte le système judiciaire haïtien. Certes,
seul un bon diagnostic du système judiciaire haïtien pourra permettre d’identifier ses faiblesses ainsi que les
obstacles qui entravent son fonctionnement.

A vue d’œil, la situation actuelle du système judiciaire haïtien peut être comparée à celle d’un malade en
pieux état, manifestant malgré toute une grande volonté de survie. La pénurie des moyens matériels dont souffre le
système judiciaire haïtien affecte le fonctionnement de ses rouages les plus nécessaires, en l’occurrence les Cours
et Tribunaux. Cependant, deux maux essentiels semblent être à la base de son disfonctionnement. Il s’agit,
premièrement, de la trop grande dépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif. Deuxièmement, le
rejet du droit coutumier qui régit et conditionne les relations entretenues par la majorité de la population rurale
haïtienne ainsi que celle des zones urbaines marginales. Il est donc indispensable de s’attaquer aux racines du mal,
à ses causes et non à ses effets.

Ressources humaines

Le grand problème qui affecte le système judiciaire haïtien est sans conteste le manque de ressources
humaines, aussi bien qualitatif que quantitatif. Sur le plan qualitatif, la version préliminaire du rapport publié en
janvier 1994 par la Mission Civile ONU/OEA1 sur l’état du système judiciaire haïtien, relatait un niveau de
qualification très faible de la grande majorité des Juges de Paix titulaires et suppléants affectés dans les 180
tribunaux de paix répartis à travers les dix-huit juridictions de la République. La plupart ont à peine complété le
42
niveau de certificat d’études primaires. Certes, la différence dans le niveau de qualification varie d’un tribunal
de paix à l’autre à l’intérieur d’une même juridiction et d’une juridiction à l’autre.

Cependant, au niveau des Tribunaux de Première Instance, des Cours d’Appel et de la Cour de Cassation,
le problème de qualification des juges ne se pose pas avec autant d’acuité que ceux décrits précédemment. Ces
juges détiennent pour la plupart une licence en droit ou une expérience pratique équivalente. Le problème se situe
plutôt au niveau de l’actualisation des connaissances acquises dans une discipline qui évolue au rythme des
relations sociales, elles-mêmes en constante mutation.

Le problème de la qualification des juges résulte, en partie, de leurs modes de sélection et de recrutement
qui, souvent, laissent beaucoup à désirer. Par exemple, la majorité des juges de paix en activité de service sont
nommés par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. En générale, ces recrutements sont effectués en
violation flagrante des dispositions constitutionnelles. Or, la Constitution de 1987 recommande le choix des juges
de paix sur des listes préparés par les
assemblées communales. Pourtant vingt quatre ans après la promulgation de la Constitution, les

____________________________
1-
Mission Civile OEA-ONU: Rapport préliminaire sur le système judiciaire haïtien, mimeo, Haïti, Janvier 1994, p. 7
assemblées communales n’ont toujours pas été constituées.

Sur le plan quantitatif, le manque de Juges en nombre suffisant pour animer les institutions du système
judiciaire haïtien est patent. Pour une population estimée à plus de huit (8) millions 1, le pays ne dispose que six
cent (600) Juges de Paix environ, répartis dans environ 190 tribunaux ; de dix-huit (18) Doyens à la tête des dix-
huit Tribunaux de Première Instance de la République, assistés de quarante deux (42) Juges d’instruction environ
pour les dix-huit juridictions judiciaires, de cinq (5) Cours d’Appel dirigés par cinq (5) Juges-Présidents assistés
d’environ quinze (15) Juges au total ; de douze (12) Juges affectés à la Cour de Cassation de la République 2.

Au total, sept (700) Juges environ sont disponibles, à tous les échelons de la hiérarchie judiciaire, pour dire
le droit et rendre la justice dans les dix (10) départements géographiques du pays. Ces juges sont secondés dans
l’accomplissement de leur mission par des greffiers et des huissiers. A l’exception des tribunaux de paix, un
fonctionnaire du gouvernement est délégué comme commissaire auprès des Cours et Tribunaux de la République.
Ces représentants du ministère public forment la magistrature debout, car ils se lèvent pour porter la parole.
Certains de ces Commissaires du gouvernement et leurs Substituts, comme on les désigne, animent les Parquets
près les Tribunaux de Première Instance. Leur rôle consiste principalement à promouvoir l’action publique
destinée à assurer la répression des infractions.
43

Ressources physiques et naturelles

Sur le plan physique et matériel, un rapport d’évaluation préparé par le Service de Programmation du
Ministère de la Justice en avril 1993 et distribué comme document de support au colloque organisé en juin 1995
sur l’avenir de la réforme judiciaire, décrivait comme suit l’état de délabrement des locaux abritant la plupart des
cours et tribunaux du pays :
« Les visites d’inspection effectuées dans les quinze (15) juridictions d’alors de la République
__________________________________________

1-
IHSI : Tendances et Perspectives de la population d’Haïti, 2000-2010, p. 35
2-
Jumelle, (M.C.) : La géographie judiciaire d’Haïti, mimeo, 1995, p.1
permettraient de constater que bon nombre de locaux de justice (tribunaux de paix, tribunaux civils et parquets)
étaient des constructions précaires, présentant un état de vétusté chronique et
ne respectant pas les normes élémentaires des constructions à usage public : murs lézardés, toiture trouée et
défectueuse, répartition de l’espace inadaptée aux besoins réels des utilisateurs, absence de toilettes et/ou de fosse
d’aisance,… »1

Pour compléter ce sinistre tableau, ajoutons que sur 314 locaux de justice recensés à travers le pays, l’Etat
haïtien ne possédait que 32 bâtiments. Donc. 90% environ de locaux logeant les tribunaux, le plus souvent sans eau
potable, sans électricité, l’étaient à la faveur d’un bail à loyer. Il est important aussi de mentionner les
conséquences de la précarité des infrastructures physiques sur le fonctionnement général du système judiciaire
haïtien.

Cette description du sombre tableau de ressources physiques et matérielles affectées au système judiciaire
serait incomplète si l’on n’ajoutait pas l’état défectueux du mobilier qui s’y trouve. Il suffit de visiter certains
tribunaux de paix établis dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince pour se faire une idée de l’état réel du
matériel et mobilier (bureau, armoire, machine à écrire) dont ils sont dotés. Jouissant des faveurs de la localisation,
ces tribunaux sont quand même privilégiés, comparés à l’état de ceux établis en province. Il manque dans certains
tribunaux de paix jusqu’à la simple feuille de papier nécessaire aux juges pour rédiger un acte judiciaire. L’on ne
pouvait s’attendre, dans de telles circonstances, à ce qu’un tribunal de paix dispose de moyens logistiques lui
permettant d’effectuer des constats, par exemple. Que dire alors des moyens de communication !

Ressources financières
44
Sur le plan financier, une analyse comparée des dotations budgétaires annuelles au secteur justice montre
combien est dérisoire le niveau des ressources allouées, au cours des années 1989-1995 par rapport aux années
2009-2011. Les dotations budgétaires à la justice s’amenuisent en termes réels d’année en année. A titre
illustratif, mentionnons qu’au cours de l’année fiscale
____________________________________
1- Ministère de la Justice : Les Infrastructures Physiques, Rapport préparé par le Service de Programmation, Haïti, Avril 1993, p. 2
1989-1990, une valeur de 24.110.840 gourdes, représentant seulement 1.66% du budget national, étaient affectées
au fonctionnement des Cours et Tribunaux du pays. Pour l’année fiscale 1990-1991, sur un budget total de
1.350.000.000 de gourdes, une valeur de 36.000.000 de gourdes, représentant 2% du budget national, étaient
allouées à la justice. De ce montant, 2.130.000 gourdes étaient affectées à la Cour de Cassation et 19.895.000
gourdes au fonctionnement des Cours et Tribunaux. Plus tard, au cours de l’année fiscale 1994-1995, sur un
budget total de 3.454.500.000 gourdes, un montant de 76.899.182 gourdes (2.2%) était alloué au Ministère de la
Justice. De ce montant, 5.000.000 gourdes (0.1%) étaient allouées à la Cour de Cassation de la République et
33.823.917 gourdes (0,9%) étaient affectées au fonctionnement des Cours et Tribunaux de la République. Au cours
de l’année fiscale 2009-2010, sur un budget total de 88.942.900.943 gourdes un montant de 717.301.786 gourdes
(0.81%) était alloué au pouvoir judiciaire. Cette analyse nous montre clairement au lieu d’augmenter le budget du
Pouvoir Judiciaire afin de lui permettre de bien fonctionner on le diminue, d’où la volonté du Pourvoir Exécutif de
tenir le Pouvoir Judiciaire en état. Il faut souligner que ce budget a été reconduit pour l’année fiscale 2010-2011.

Trois remarques s’imposent. La première, c’est le Ministère de la Justice, organe de l’Exécutif qui prépare
le budget pour un pouvoir judiciaire supposé indépendant. La deuxième qui est une conséquence de la précédente,
le montant alloué à la Cour de Cassation se trouve inséré au budget du Ministère de la Justice. Troisièmement, les
dotations budgétaires ne reflètent nullement la priorité accordée à la justice.

Sur le plan strictement financier, à coté de la parcimonie de son budget, la Cour de Cassation est traitée
comme faisant partie intégrante de ce Ministère. Il est donc légitime de s’interroger sur l’indépendance des
pouvoirs proclamés par la Constitution en vigueur.

Parallèlement, le système judiciaire haïtien génère aussi de modestes ressources financières. Celles-ci
proviennent à la fois des frais perçus par les greffes des Cours et Tribunaux pour les services rendus aux
justiciables et des amendes. Cependant, il n’existait dans les tribunaux de paix que nous avons eu l’occasion de
visiter aucun registre permettant de retracer ces recettes, encore moins l’utilisation qui en était faite.

L’État de la documentation juridique


45
Sur le plan de la documentation, il n’est point besoin d’épiloguer sur l’obsolescence des codes et de
certains textes de lois haïtiens. Le Moniteur, Journal officiel de la République dans lequel sont publiés les Lois,
Décrets-lois et Décrets, en un mot tous les documents officiels à caractère juridique, ne dispose même pas d’un
index législatif, sorte d’inventaire des textes publiés à date. Ce qui faciliterait la mise à jour des lois haïtiennes en y
incorporant dans un seul et même recueil les modifications subies par une loi suite à
des amendements successifs. De plus, la publication du Bulletin des Arrêts de la Cour de la Cassation est en retard
de plus de dix ans. Par ailleurs, la Constitution de 1987, dans son article 276-2, fait entrer sous certaines conditions
les Traités ou Accords Internationaux dans la législation nationale. Mais il n’existe, à notre connaissance, aucun
recueil à jour des Traités, Accords ou Conventions signés et ratifiés par la République d’Haïti.

Sur ce plan, la situation est tout aussi lamentable. Jusqu’à une époque très récente, ils étaient rares les
tribunaux qui disposaient complet de tous les codes de lois, de tous les codes de procédure édités dans le pays au
cours de ces trente dernières années. Or, de tels documents demeurent indispensables à leur bon fonctionnement.
Les tribunaux haïtiens ne disposent même pas de mobiliers adéquats pour conserver leurs archives ; que dire d’un
embryon de bibliothèque regroupant les documents d’usage courant ? L’on se demande comment, dans ces
conditions, un juge peut valablement dire le droit quand il est dépourvu du support documentaire que représente un
code ou un manuel de procédure.

Le problème d’accès à la justice

Il se pose, toutefois, le problème fondamental d’accès à la justice. La justice étant un service public, son
accès doit être garanti à tous sans distinction. Cet accès se mesure en termes de distribution spatiale des tribunaux,
de la distance à parcourir pour les atteindre, du coût des services disponibles ainsi que de la langue dans laquelle
sont rendues les décisions de justice. Le nombre de citoyens qui peuvent aujourd’hui accéder à la justice est très
réduit quand on tient compte de la distribution spatiale des tribunaux à travers le pays. Il suffit pour s’en
convaincre de se référer à la répartition actuelle des tribunaux sur tout le territoire et du nombre de juges
actuellement en fonction par tête d’habitants.

Distribution spatiale des tribunaux

S’il est un facteur qui limite l’accès des citoyens à la justice, c’est bien celui de la localisation des
tribunaux. Cette limitation s’exprime en termes de distance à parcourir pour un tribunal, de nombre de tribunaux
par habitants, de l’état des voies de communication et de la disponibilité de moyens de transport adéquats. Tout
46
ceci nous amène à étudier la distribution spatiale des Cours et tribunaux dans les différents départements
géographiques du pays.

La notion de « Géographie judiciaire », empruntée à Me Michèle César Jumelle, se réfère à la distribution


spatiale des Cours et Tribunaux à travers le territoire national. Du point de vue de la géographie physique et
politique, la République d’Haïti est divisée en dix (10) départements, quarante deux (42) arrondissements, cent
quarante deux (142) communes et cinq cent soixante cinq (565) sections communales.

Du point de vue judiciaire, le pays est divisé en dix-huit juridictions réparties comme suit : Port-au-Prince,
Croix-des-Bouquets, Cap-Haïtien, Les Cayes, Côteaux, Fort-Liberté, Saint-Marc, Gonaïves, Port-de-Paix, Grande-
Rivière du Nord, Hinche, Mirebalais, Petit-Gôave, Miragôane, Anse-à-Veau, Aquin, Jérémie, Jacmel.

Il n’est un secret pour personne que la population totale haïtienne est à dominance rurale. De même, tous
ceux impliqués dans le fonctionnement du système judiciaire savent que les tribunaux de paix sont dans leur quasi-
totalité établis dans les communes, donc en milieu relativement urbanisé. Or, personne n’ignore l’état défectueux
des routes reliant les communes entre elles, d’une part et aux différentes sections communales, d’autre part. Donc,
il n’est point besoin d’avoir une expertise spéciale pour constater l’inadéquation entre le nombre d’habitants et
celui des tribunaux, ainsi que la disparité dans leur répartition spatiale. D’ailleurs, le manque de moyens de
locomotion isole les tribunaux des communautés qu’ils prétendent desservir.
Le langage judiciaire

La langue constitue l’un des facteurs limitant l’accès de la population à la Justice. Dans un
pays à dominance créolophone et à majorité analphabète, tous les textes de lois sont rédigés en français. Toues les
décisions de justice sont rendues en cette langue qui n’est parlée et comprise que par une infime partie de la
population. Cette dualité linguistique ne fait qu’accentuer la division du pays en un pays national à dominance
rurale, créolophone, vaudouisante, analphabète et régi par le droit coutumier ; et, un pays officiel à dominance
urbaine, francophone, catholique, éduquée et régi par le droit formel.

Le coût de la justice
Gratuite en théorie, la justice reste très onéreuse en Haïti. Le coût des services judiciaires réduit
considérablement l’accès de la justice à la majorité de la population des campagnes et des zones urbaines
marginales du pays, dont le revenu annuel avoisine moins de deux mille cinq cent gourdes. Les honoraires des
avocats sont tellement élevés, en comparaison du niveau des revenus par tête d’habitants, que la justice est perçue
comme étant au service des possédants et au détriment des démunis.
47

La corruption1

La corruption est apparemment un phénomène vieux comme le monde, mais elle n’avait pas été une
préoccupation dominante de l’État. Ce phénomène est devenu, depuis près d’une décennie, un thème important
dans les débats politiques, socio-économiques et juridiques tant au niveau national qu’au niveau international et
prend une dimension médiatique intense. Si la corruption n’est pas un phénomène nouveau, par contre, la nature, le
degré et l’ampleur des mesures pour la saisir et en venir à bout sont à inventer.

________________________________________

1-
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a) Phénomène de la corruption en Haïti

La corruption est un phénomène qui se rencontre aujourd’hui dans tous les secteurs de la vie civile en Haïti.
Cependant, c’est au niveau de la justice que le phénomène est beaucoup plus perceptible et que les conséquences
sont beaucoup plus ressenties.

Le thème justice et corruption est un thème très sensible qui interpelle au delà de la seule justice, la société
dans son ensemble. Les problèmes liés à la corruption sont multiples et se rencontrent au niveau de différents axes.

b) L’environnement des Magistrats

Le magistrat est un être humain avec ses sensibilités. Placé dans un environnement politique, social,
culturel et économique dans un pays en crise identitaire où tout se fonde sur la richesse matérielle, le magistrat
placé dans un tel contexte social est beaucoup plus enclin à tirer les avantages de ses charges en accédant au cercle
vicieux de la corruption. Pour Haïti, une étape préliminaire en vue de diminuer l’ampleur de la corruption dans le
fonctionnement de la justice sera de traiter avec les avocats et les juges dont certains insistent pour le maintien des
méthodes corrompues et informelles de pratique et d’application des lois dont ils profitent. Les règles et les
pénalités sévères, ainsi que des critères de qualification doivent être appliquées à ce groupe d’acteurs importants.
L’élaboration de lois appropriées dans tous les domaines: commercial, civil, droit pénal, immigration et autres et
leur mise en vigueur constitueront une partie de la première étape. S’il existe un domaine ou un groupe de
professionnels aura besoin de courage, d’intégrité, de qualification et de compétence, d’un sentiment de devoirs
nationaux et d’humilité pour le développement et la mise en vigueur de normes légales, c’est bien dans le secteur
de la justice en Haïti.
48
La mentalité des citoyens en Haïti est de considérer que dès lors qu’on se trouve en face d’une autorité, il
est de bonne coutume de laisser un cadeau en guise de respect. Certains avocats utilisent parfois la même stratégie
dans le système judiciaire haïtien : “donner une enveloppe au juge pour avoir sa faveur dans un jugement.” La
corruption n’est pas seulement due à un fait économique. Elle résulte de l’absence de probité morale. La décadence
morale est à l’origine de la corruption. Les revenus des juges  haïtiens sont modestes, il faut en convenir. Mais
cette faiblesse ne saurait à elle seule expliquer l’ampleur du phénomène de la corruption qui est en train de
gangrener la justice haïtienne  et de lui faire perdre ses valeurs essentielles.

c) Réprimer la corruption

La corruption est un fléau qui touche tous les secteurs d’activités. Au niveau de la justice, elle prend des
proportions exponentielles et constitue une menace grave contre l’instauration d’un Etat démocratique soucieux du
respect des droits fondamentaux de la personne humaine. Aussi, les corrupteurs et les corrompus doivent être
réprimés sans ménagement. Au besoin, les textes relatifs à la corruption doivent être revus et adaptés aux
exigences actuelles. La bataille contre la corruption a été l’un des thèmes clés dans le discours du 18 mai 2007
prononcé par le Président de la République René Garcia Préval à l’occasion de la fête du drapeau. Devant la
tribune de l’ONU lors de la 62ème assemblée nationale des Nations Unies tenue à New York, le président René
Préval dans son discours de circonstance du 26 septembre 2007 a repris presque dans les mêmes thèmes la
détermination de l’actuel gouvernement à combattre le fléau : « Nous construisons les moyens, en Haïti, pour faire
face à la corruption et nous avons commencé à travailler à consolider les structures de l’État et à envisager les
réformes légales et réglementaires à mettre en place pour que le mal endémique disparaisse de nos pratiques
institutionnelles, en politique comme en affaire.» Aussi, s’avère-t-il nécessaire pour l’université, les sociologues,
les dirigeants, les juristes, les politologues et les parlementaires en particulier, à se pencher sur la question. Au
Parlement, des textes relatifs à la corruption doivent être revus et adaptés aux exigences actuelles.

Il faudrait arriver à un changement de mentalité et faire comprendre aux populations que celui qui corrompt
ne rend pas service au magistrat et à son pays. Une mauvaise justice ne profite à personne; elle ouvre la voie à des
situations de conflit et de vengeance. Sur le plan économique, le fléau de la corruption représente un frein au
développement et à la stabilité du pays. Globalement, elle touche les fonds qui devaient être utilisés pour
l’enseignement, l’investissement, les infrastructures publiques et qui sont souvent détournés à des fins privées. En
d’autres termes, elle empêche les pays en développement dont Haïti d’attirer les investissements étrangers et crée
des distorsions dans la répartition des capitaux. En outre, elle est préjudiciable à la société, en particulier au plus
vulnérable, les pauvres. S’érigeant en système, elle décourage l’investissement étranger direct et crée une
49
instabilité politique criante qui a des répercussions graves sur la crédibilité de l’État vis-à-vis de la communauté
internationale.

Dans le domaine juridique, la corruption menace l’indépendance du pouvoir judiciaire dans son impartialité
et son équité, sape la démocratie et l’État de droit, qui sont les principaux préalables à la croissance économique et
à la réduction de la pauvreté. Celle-ci constitue un blocage à l’aboutissement d’un procès équitable, encourage
l’impunité, et porte atteinte à la légitimité des pouvoirs publics, la bonne gouvernance. Etant à la base d’une
mauvaise justice, elle engendre des situations de conflit et de vengeance au sein de la société.

Relevant du domaine public, la corruption est une dérogation à la loi pénale, elle est prévue et punie aux
articles 137,138, 139,140, 141, 142, 143, 144 et suivants du code pénal haïtien. L’article 137 punit la corruption en
ces termes : «Tout fonctionnaire public de l’ordre administratif, judiciaire ou militaire, tout agent ou préposé d’une
administration publique qui aura agréé des offres ou promesses pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi,
même juste, mais non sujet à salaire, sera punie de la dégradation civique et condamné à une amende double de la
valeur de la promesse agréée ou des choses reçues sans que ladite amende puisse être inférieure à cinquante
piastres.»

Haïti a ratifié le 19 décembre 2000 la convention interaméricaine contre la corruption, publiée dans le
moniteur du 18 juillet 2002. Cette convention fait depuis, partie intégrante de notre législation.

Le gouvernement de transition Boniface Alexandre a créé par arrêté en date du 8 septembre 2004 une Unité
dénommée « Unité de lutte contre la corruption (ULCC) « appelée à combattre la corruption et ses manifestations
sous toutes ses formes au sein de l’administration publique haïtienne. Aussi, toutes les lois étant là, il revient
simplement à mettre en place les structures pour l’application de ces mesures.

La Mise en place d’un observatoire national de lutte contre la corruption.- L’idée de créer un
observatoire national de lutte contre la corruption procède, d’abord d’une prise de conscience de la corruption dont
les effets pervers sont durement ressentis par tous les citoyens. Ensuite, de la quasi inopérationnalité du Conseil
Supérieur de la Magistrature qui, à quelques exceptions près, n’a jamais eu à prendre de sanctions à l’encontre des
Magistrats véreux et corrompus.

Ce comportement du Conseil s’explique aisément dans la mesure où il est constitué de Magistrats. Or, l’on
ne saurait être juge et parti. La solidarité agissante favorise l’impunité. L’observatoire trouve donc sa justification
de cette assertion. Pour garder sa neutralité, il doit être constitué de membres de la société civile dont la mission
serait de recueillir toutes informations sur les faits de corruption et d’en référer à l’autorité compétente pour prise
de sanction si le cas y échait. Cette structure pourra exister à l’échelon local, régional et national.
50
L’observatoire de lutte contre la corruption dont la création est devenue aujourd’hui un impératif, doit
être perçu comme un instrument efficace, qui utilisé à bon escient par les citoyens, peut simplement leur permettre
de s’affranchir de la tutelle des agents publics aux conduites indécentes.

L’introduction d’un système de contrôle populaire de l’appareil judiciaire.- Ce système de contrôle


populaire consiste à publier et à commenter des décisions de justice par certains spécialistes.

Pour que la population soit confiante de la volonté ou de la capacité  de l’État de sanctionner des abus, il
est important que les autorités rendent publics les résultats des enquêtes. Par des communiqués de presse, on devait
signaler les suspensions, révocations bref, les sanctions prises contre les fonctionnaires de justice sans distinction.
Cette méthode permettra au public de s’édifier des abus qui ont été sanctionnés et quant aux auteurs, de prendre
conscience de leurs actes. Ainsi, la population sera confiante de la volonté et de la capacité de l’État à réprimer des
cas de violations commises par des acteurs du corps judiciaire. Des abus pourraient être dénoncés et l’opinion
publique serait suffisamment informée de la pratique des acteurs du corps judiciaire. Un mandat précis pourrait
être donné à ces spécialistes pour qu’ils aient accès aux pièces des dossiers devant les différentes juridictions.

d) Faire une vaste campagne médiatique

La campagne médiatique doit s’effectuer sur l’ensemble du territoire national. Les O.N.G. doivent
s’impliquer activement dans ce processus. L’éducation, la formation, la sensibilisation et l’information des
populations sont des préalables nécessaires en vue de l’éradication de la corruption au sein de la justice. Ce travail
est ardu et nécessite l’implication de tous en vue d’un changement de comportement.

e) Respect des règles de déontologie

Les normes édictées par les règles de déontologie doivent être scrupuleusement respectées et cela passe par
une moralisation du corps judiciaire. Il faudrait faire appel au sens moral et civique des agents chargés de la
distribution de la justice principalement le Magistrat.

Le juge est dépositaire de pouvoirs énormes. Cela doit l’inciter à être juste. Rendre une saine justice
devient alors pour lui une obligation de sa charge. Dans ses prises de décision, il ne doit obéir qu’à sa conscience
et selon son intime conviction. Il ne doit céder à aucune pression extérieure d’où qu’elle vient. En effet, il est
difficile de juger son semblable et la mission du juge est tout simplement un sacerdoce qu’il faut cependant assurer
et assumer en toute conscience et connaissance de cause. Sa décision doit en toute hypothèse porter le sceau de la
sincérité, de la rigueur, de l’intégrité et ne devant laisser transpirer le moindre signe de parti pris.
51

Section II
Dysfonctionnement du système judiciaire

Les conditions générales de travail engendrées par l’état des ressources physiques, matérielles et
financières décrites précédemment préfigurent le niveau de performance du système judiciaire haïtien. En termes
concrets, cette performance se mesure par le nombre de cas traités par les juges et la rapidité des décisions rendues
par les tribunaux de tous ordres, en fonction bien sur du nombre de cas qui leur sont soumis au cours d’une période
déterminée. Par exemple, il existe à présent quarante deux (42) juges d’instruction environ répartis dans les dix-
huit (18) juridictions du pays. Sur ce total, une vingtaine de juges d’instruction desservent toute la juridiction de
Port-au-Prince qui comprend quatre (4) arrondissements et dix-huit communes, soit un total de plus de trois
millions de justiciables.

Quand on parle de dysfonctionnement du système judiciaire haïtien, tout le monde pointe du doigt les
Magistrats. La justice est un tout cohérent composée de divers éléments entre autres : Juges, officiers du Parquet,
avocats, greffiers, huissiers, policiers, experts et personnel de soutien. La magistrature en est l’une de ses
composantes, c’est même la plus importante. Ailleurs, dans les grands pays, elle est administrée par le ministre de
la Justice et le Président de la Cour Suprême. Mais, chez nous, elle est vouée à elle-même

Traitement des Juges

A l’opposé de ce qui se fait dans les sociétés démocratiques, aux Etats-Unis par exemple, où la Cour
Suprême, depuis 1922, contrôle l’ensemble du système judiciaire fédéral et tous les ans, réunit les plus anciens
52
Juges de districts pour examiner les principaux problèmes judiciaires, nous constatons, en effet, l’analyse des
dispositions du décret du 30 mars 1984, que c’est le ministre de le justice qui formule la politique du
gouvernement près le pouvoir judiciaire dont il est, en quelque sorte, le chef plutôt que la Cour de Cassation, mise
dans la réalité des faits, à l’écart, quant à la gestion de ce pouvoir.
A titre d’illustration, aux termes de l’article 4 de ce décret, nous lisons :
« En tant qu’organe administratif, le ministre de la justice est investi d’un pouvoir
disciplinaire, du pouvoir de gestion, du pouvoir d’instruction, du pouvoir de
réformation et du pouvoir réglementaire ».1

Au regard de ce qui précède, la Charte de 1987 abonde dans le même sens lorsqu’elle stipule aux termes de
l’article 175 :
«  Les Juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la
République sur une liste de trois (3) personnes par siège, soumise par le Sénat.
Ceux des Cours d’Appel et Tribunaux de Première Instance le sont sur une liste
soumise par l’Assemblée Départementale concernée ; les Juges de Paix sur une
liste préparée par les Assemblées Communales »2

De cet état de fait, nous constatons comment la question de nomination compromet la carrière des Juges, l’avenir
du corps judiciaire ; un système qui ne fait que réduire les Juges à un état de subordination.

On demande aux Magistrats de garantir les droits des justiciables pendant que eux-mêmes n’ont pas de
garantie. Ils ne disposent pas de moyen pour remplir à bien leur mission. Ils sont mal rémunérés et n’ont aucune
sécurité que ce soit sociale ou environnementale.

Quand les organisations des droits humains disent dans leurs rapports que les Magistrats sont responsables
de la surpopulation carcérale et en général du cancer qui ronge le système, cela nous fait rire. En quoi les
Magistrats peuvent-ils être responsables de la mauvaise administration d’une

________________________
1-
« Le Moniteur » , Décret du mars 1984
2-
Consstitution du 29 mars 1987, Article 175

institution ? L’article 136 de la Constitution stipule clairement que « le Président de la république veille à la
stabilité des institutions et assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics »

Les Magistrats sont traités en parents pauvres par rapport aux parlementaires et aux membres de l’exécutif.
53
On n’a qu’à jeter un coup d’œil sur le budget qui est alloué à la justice. Du côté des sénateurs, des députés et du
gouvernement, c’est l’accalmie… on ne les entend pas se plaindre. Les temps sont durs mais pas pour tout le
monde.

Les Juges de paix qui n’ont pas le niveau requis, les commissaires du gouvernement incompétents et
corrompus sont nommés par qui ? La refonte des codes devrait être la charge de qui ? La restauration des
tribunaux, la formation continue, la spécialisation dans des domaines spécifiques, les moyens matériels et
techniques, l’école de la magistrature sont sous la responsabilité de qui ? Les postes vacants doivent être comblés
par qui ? Un Magistrat qui entre chez lui en tap-tap après une audience criminelle, la faute incombe à qui ? Les
maisons de justice où sont entassés les Magistrats ne sont pas informatisées ni électrifiées ni même sécurisées, qui
est responsable de ces irrégularités ? Et pour finir, le budget de la République, impliquant par ricochet celui de la
magistrature, est élaboré, proposé, discuté et voté par qui ?
.
Les Magistrats ne sont pas les seuls responsables du mauvais fonctionnement du système judiciaire mais étant
donné qu’ils représentent la partie la plus importante du système c’est pourquoi nous faisons un plaidoyer pour
changer leur condition de vie. Le traitement qu’on leur inflige ne fait pas honneur au pays. Les séminaires
organisés, de temps à autre, par le ministère de la Justice, parrainés dans la majorité des cas par la communauté
internationale ne résoudront pas les problèmes.

La magistrature suppose une infrastructure considérable et des stratégies bien définies. La question de
salaire raisonnable est d’ordre primordial. Les diatribes lancées, à tout bout de champ, contre les Magistrats ne
changeront pas la situation tant qu’on ne les aura pas mis dans une situation confortable de bien-être et
d’indépendance et une atmosphère de confiance et de non-ingérence où ils seront à l’abri de toute tentation et de
toute corruption. On est toujours prêt à condamner la magistrature mais on ferme les yeux sur les causes de son
dysfonctionnement. Le gouvernement, les organisations des droits humains, la communauté internationale ne
perdent pas leur temps à réfléchir sur les problèmes que confrontent les Magistrats dans leur vécu quotidien. Le cri
pressant que nous lançons est:
Aidez-les, ils aideront Haïti. On doit savoir qu’une société qui ne respecte pas ses Juges et ne fait pas foi en son
système judiciaire travaille à son autodestruction. Si la magistrature est un commerce rentable pour certains, pour
d’autres, elle reste une profession noble, respectable, honorable.

Pour exister et être respectée la magistrature doit être prise en charge.


54

Le délai du traitement des dossiers

Quand on considère que chaque juge d’instruction de la juridiction de Port-au-Prince, par exemple, reçoit
50 à 60 cas, en moyenne, par semaine, leur performance en termes de cas traités et de décisions rendues est jugée
très faible par de nombreux avocats consultés à ce sujet. De plus, la loi fixe à deux mois le délai imparti à un juge
d’instruction pour rendre sa décision (article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal).

Rares sont, suivant certains avocats du Barreau de Port-au-Prince, les juges d’instruction qui arrivent à
rendre leurs décisions dans le délai imparti par la loi. Il suffit, disent-ils, pour s’en convaincre, de consulter les
registres du greffe du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince.

D’ailleurs, la contre performance de la justice s’est traduite par l’augmentation démesurée de la population
carcérale du pays. Par exemple, le Pénitencier National, construit initialement pour trois cent détenus, regorge de
prisonniers. Aujourd’hui, sur un total de six milles détenus environ, 23 % seulement sont condamnés suivant un
jugement rendu par les tribunaux. Dans la majorité des cas, un fort pourcentage de ces détenus n’ont pas comparu
devant leurs juges naturels dans le délai légal, suivant le vœu de l’article 26 de la Constitution de 1987.

La lenteur dans le traitement des cas qui leur sont soumis réduit considérablement le nombre d’assisses
criminelles tenues dans les dix-huit juridictions judiciaires de la République au cours d’une année judiciaire.

Cette mauvaise performance des tribunaux, résultent aussi bien de l’application de procédures souvent
lentes et compliquées que du retard mis à l’examen des dossiers et à la proclamation des jugements, a eu pour
conséquence d’accroître le niveau d’insatisfaction du public, érodant ainsi le peu de confiance placée dans le
système judiciaire. Dans la perception du public haïtien, le système judiciaire est au service des intérêts des classes
possédantes et travaille au détriment des intérêts des couches de la population les plus défavorisées socialement et
économiquement.

La perception du public

Dans l’esprit de la majorité des haïtiens, l’idée d’une justice indépendante, impartiale, saine et équitable n’a
jamais existé. Souvent, le public assimile les Cours et Tribunaux à autant de boutiques dans lesquels la justice est
vendue au plus offrant. Les Cours et Tribunaux sont perçus comme étant au service permanent des factions de
pouvoir. Les modes de sélection et de révocation des juges confirment, en quelque sorte cette perception, de plus,
55
les confusions entretenues autour de la définition du terme justice accentuent davantage la mauvaise perception
du public à l’égard du système judiciaire.

Chapitre IV

Pour la Réforme du Système Judiciaire Haïtien

Eu égard aux dérives des systèmes politiques et judiciaire d’Haïti, la lutte pour l’établissement d’un Etat de
droit se révèle très difficile de réussir sans la réforme du système judiciaire haïtien. La démarche première vers la
création d’un Etat de droit passe par la mise en œuvre des stratégies pour la réforme du droit et de la justice.
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Section I

Indépendance effective du système judiciaire haïtien

L’indépendance dans la carrière du juge

L’article 59 de la constitution de 1987 consacre le principe de la séparation des pouvoirs. « Article 59 : Les
Citoyens délèguent l’exercice de la souveraineté à trois (3) pouvoirs :
Le pouvoir Législatif
Le pouvoir Exécutif
Le pouvoir Judiciaire »

L’ensemble de ces pouvoirs constitue le fondement essentiel de l’organisation de l’Etat qui est
civil « rapporte l’article 59.1 ». Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu’il exerce
séparément stipule l’article 60 de notre Charte fondamentale. Aucun de ces pouvoirs ne peut, sans aucun motif
déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui lui sont fixées par la loi et la constitution
nous dit l’article 60-1. La responsabilité entière est attachée aux actes de chacun des trois, ajoute l’article 60 - 2. 

Nous constatons théoriquement que la constitution a établi clairement l’indépendance des pouvoirs. En ce
qui concerne le pouvoir judiciaire il ne revient aux deux autres de consacrer son indépendance.

Une fois que la constitution établisse les conditions d’indépendance, il est impératif à ce que les
responsables se réfèrent à la loi et font respecter les principes y afférents. Puisque les lois existent il nous faut
d’ores et déjà des hommes et des femmes courageux qui soient capables de les faire appliquer.

L’accession à la fonction du juge


57

Pour que le pouvoir judiciaire soit absolument indépendant, il faut, que le magistrat de l’ordre judiciaire
n’obtienne sa juridiction ni du législatif, ni de l’exécutif. Le pouvoir doit être dévolu au pouvoir judiciaire au
même titre que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Les juges doivent être issus d’un concours aux fins
d’exercer leurs fonctions en dehors de toute influence émanant du pouvoir politique. Et pourquoi ne pas penser a
élire une partie des juges suffrage universel, de la même façon que les Sénateurs et les Députés, le Président de la
République ou les conseillers municipaux, ce qui serait d’ailleurs en conformité avec la Constitution de 1987 qui
dispose que les citoyens délèguent l’exercice de la Souveraineté Nationale à trois pouvoirs (exécutif, législatif et
judiciaire). C’est l’ensemble de ces pouvoirs qui constituent le fondement essentiel de l’organisation de l’Etat
d’Haïti (art. 59 et 59-1 de la Constitution).

Ce ne serait pas un acte anticonstitutionnel que d’élire les juges, comme cela se fait aux Etats-Unis où le
système de juges élus est appliqué et très développé, non sur le plan fédéral mais au niveau des Etats. Depuis
l’élection de Jackson à la présidence en 1826, quarante États des Etats-Unis ont adopté le système de l’élection des
juges au suffrage universel.

Il est évident que ce système n’a pas toujours donné de bon résultat. D’abord, il ne donne aucune garantie
de compétence juridique. Ensuite, les candidats aux fonctions juridictionnelles ont dû faire des alliances avec les
partis politiques. Donc, outre la garantie de compétence, la garantie d’impartialité n’est pas forcément assurée par
ce système.

Par contre, en Haïti, on pourrait partir sous un angle avec bien sûr certaines corrections qui permettraient
aux juges élus d’exercer librement leurs fonctions sans aucune forme de redevance politique. Les critères à retenir
seront : la non appartenance à un parti politique, être membre d’une association de juristes reconnue par l’Etat,
l’approbation préliminaire de cette association. Alors le candidat pourra se présenter auprès de l’électorat qui aura
seul le dernier mot.

Ces élections, toutefois, se réaliseront au niveau de certains juges mais, à l’instar de celles des autres
pouvoirs, au suffrage universel. Les juges élus seront ceux de la Cour de Cassation et ceux des Cours d’Appel. Ils
formeront alors entre eux une commission qui aurait pour mission de choisir les juges des tribunaux intermédiaires
selon la pyramide judiciaire haïtienne, à partir d’un système de recrutement par concours qui permettra de les
classer d’après le résultat des épreuves. Il serait indiqué alors que les dites épreuves soient assurées par des
examinateurs indépendants (universitaires, anciens magistrats etc.…)
58
Ainsi, non seulement les critères de compétence seront garantis mais l’impartialité et l’indépendance des
magistrats seront assurées.

La promotion et le transfert dans la carrière du juge

L’indépendance de la Magistrature est garantie par l’Etat et trouve son fondement dans la constitution et les
lois existantes. De ce fait, il  est impératif que cette indépendance soit respectée par toutes les institutions de l’Etat.

Le législateur-constituant a pris soin de protéger les Magistrats contre les éventuels abus du pouvoir
Exécutif, et de définir leur statut pour leur permettre de bien remplir leur mission. C’est ainsi que l’article 177 de
la constitution de 1987 stipule : les juges une fois nommés ne peuvent être l’objet d’aucune affectation nouvelle
sans leur consentement même en cas de Promotion. Ces mêmes dispositions sont reprises par l’article 9 alinéa 2 du
décret du 22 août 1995 tout en précisant que les Magistrats de siège sont inamovibles. Ce qui nous permettra
d’étudier dans les lignes qui suivent le principe de l’inamovibilité des juges.

Le principe de l’inamovibilité des juges

Le principe de l’inamovibilité n’est autre qu’une garantie solennelle. Elle constitue de surcroît la
particularité fondamentale qui distingue le Magistrat du fonctionnaire.

Or, l’histoire de l’inamovibilité est celle des atteintes successives qui lui furent portées : éclipses et
vicissitudes qui permirent des « épurations » successives.

Le principe de l’inamovibilité est actuellement édicté par l’article 177 de la constitution de mars 1987
déclarant : Les juges de la Cour de Cassation sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture
légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur
mandat qu’en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée tout en écartant les juges de
paix. Ces mêmes dispositions sont reprises par l’article 9 du décret du 22 août 1995, modifiant la loi relative à
l’organisation judiciaire de 1985.

L’article 20 de ce même décret précisant que les juges des cours et des tribunaux pourront être mis à la
retraite à l’âge de 60 ans, paraît s’opposer aux dispositions de l’article 177 de la constitution.
59
L’article 177 de la constitution confirme qu’en conséquence les Magistrats du siège ne peuvent recevoir
sans son consentement aucune affectation nouvelle, même en cas de promotion. Cela implique que le Magistrat du
siège sauf les juges de paix, ne peut être révoqué, ni suspendu, ni mis à la retraite, ni déplacé par la volonté
arbitraire du gouvernement. Il n’en demeure pas moins que l’inamovibilité est nécessaire à l’indépendance des
Magistrats. Celle-ci, tant à l’égard des citoyens qu’à celui des autres juges et la puissance publique n’est destinée à
assurer le confort des Magistrats mais à garantir aux justiciables une justice impartiale.

L’indépendance dans l’exercice de la fonction du juge

La justice ne peut être qualifiée telle, dans un état démocratique, que si elle est rendue d’une manière
indépendante par ceux qui sont investis de la charge de la rendre. Le principe est proclamé par tous mais se
présente d’une façon infiniment complexe qu’on ne l’imagine parfois. On pense immédiatement lorsqu’on évoque
l’indépendance de la justice aux moyens qui permettent de garantir la Magistrature contre l’ingérence du pouvoir
politique. Mais il faut avoir bien présent à l’esprit qu’il importe aussi de protéger chaque juridiction contre
l’empiètement des autres, les Magistrats contre les justiciables, enfin l’institution contre les pressions et critiques
abusives des autres institutions de l’Etat.

L’indépendance dans le travail du juge

Dans un régime démocratique, le Magistrat n’est autre qu’un serviteur de la loi. Il revient au juge de
rechercher dans un cadre légal les aspirations de son époque pour harmoniser ses décisions avec les réalités de son
temps. L’indépendance de la Magistrature est une condition de l’exercice de cette fonction.

L’indépendance du Magistrat se manifeste par le principe qui veut que ni le gouvernement, ni à plus forte
raison les autorités administratives qui lui sont subordonnées, ne puissent lui intimer un ordre pour l’inciter à
statuer dans un sens déterminé : le juge statue selon sa conscience et dans le respect de la loi. Tel est le principe
fondamental sans lequel la justice ne serait plus qu’un vain mot. L’idée de justice est liée à l’indépendance du juge.
Elle seule est de nature à assurer l’égalité des citoyens devant la loi, à garantir que la décision de justice rendue ne
soit dictée ni par le pouvoir, ni par la hiérarchie judiciaire, ni inspirée par les sentiments personnels.

Les Cours et tribunaux sont indépendants les uns des autres lit-on à l’article 59 du décret du 22 août 1995.
Donc, les juges n’ont pas à recevoir des injonctions de la hiérarchie judiciaire de quelque nature que ce soit.
Autrement dit, l’indépendance de la Magistrature est garantie d’un tribunal à l’autre. Quand un magistrat statue sur
60
un cas d’espèce à lui soumis, il ne dépend que de sa conscience et de la loi. Sa décision est susceptible d’appel
ou de pourvoi en Cassation.

L’indépendance des Magistrats à l’égard des autorités politiques

Elle est affirmée dans les textes tant nationaux qu’internationaux. La convention européenne des droits de
l’homme dispose en effet dans son article 6-1 que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». Le
gouvernement ne peut donc pas juridiquement donner des ordres aux Magistrats ni quant à leur attitude générale ni
quant à la façon de conduire une affaire précise. Sur le terrain des principes, l’indépendance des juges est, en
permanence, douteuse dans l’esprit du public qui pense toujours plus ou moins qu’à défaut de pouvoir en droit
donner des ordres aux Magistrats, le pouvoir politique peut, en fait, exercer sur eux des pressions vu que les juges
sont nommés par le pouvoir Exécutif soit par arrêté soit par commission du Président de la République. Cette
situation est de nature à favoriser la main mise du pouvoir Exécutif sur le judiciaire. L’indépendance de la
Magistrature paraît donc hypothéquée vu que les juges sont nommés par le pouvoir politique.

L’indépendance des Magistrats à l’égard des justiciables et des avocats.

L’office du juge, est de par nature même, susceptible de valoir à celui qui l’exerce le mécontentement d’au
moins une personne chaque fois qu’il se livre à un acte de sa fonction. Il est donc nécessaire de le protéger contre
le ressentiment exprimé par le plaideur. Mais à l’inverse, et comme en matière statutaire, il est bien évident que
l’office du juge ne doit pas être une licence pour faire n’importe quoi. Il est donc nécessaire d’accorder aux
justiciables certains moyens pour le cas où les Magistrats pourraient être suspectés de ne pas être impartiaux ou
même auraient fait preuve manifeste de partialité.

Le premier moyen de protection des juges est une protection sur le plan civil s’exerçant dans le cas
d’accomplissement normal de ses fonctions. Elle consiste à assurer les Magistrats que leur responsabilité ne pourra
être engagée au résultat des décisions prises dans le cadre de l’exercice correct de leur fonction. Hors le cas de faits
particuliers, les Magistrats ne sont pas, en effet, responsables de leurs actes régulièrement accomplis, même dans
l’hypothèse où ceux-ci porteraient préjudice à quelqu’un.

La deuxième sorte de protection normale des Magistrats se situe sur le plan pénal. Il existe en effet, toute
une série de dispositions de la loi pénale qui punissent ceux qui adressent à des Magistrats des outrages et des
menaces, ou qui exercent des violences sur leurs personnes.
61
Face au corps des avocats, la Magistrature est tout à fait indépendante parce que le juge ne dépend que
de la loi et de sa conscience.

Somme toute, le problème de l’indépendance de la Magistrature dans notre droit et dans les traditions
haïtiennes est bien réel.

Dans cette étude, nous avons essayé de faire une esquisse du problème, il s’agira d’arriver à un mécanisme
qui permettra de résoudre des conflits inhérents au système monté par la constitution. Point n’est besoin de poser le
principe d’égalité entre les différents pouvoirs de l’Etat : Exécutif-Judiciaire. Car, ils sont indépendants l’un de
l’autre (art. 59), mais ils ont également des attributions différentes et la solution réside dans la délimitation simple
et claire des compétences de chacun de ces Pouvoirs.

Ce qui nous permettra d’aborder à la deuxième section : Les stratégies à mettre en œuvre pour la réforme du
système judiciaire haïtien.

Section II

Les stratégies à mettre en œuvre pour la réforme du système judiciaire haïtien


62

Le bien fondé de ces stratégies à mettre en œuvre dépend de la promotion de la loi qui, à son tour, requiert
la diffusion des codes lois pour la vulgarisation de la loi. Aussi, la réussite de ces stratégies concourt-elle à la vraie
réforme de notre système judiciaire.

Diffusion des codes de lois

A entendre parler bien des gens, Haïti semble échapper à toute standardisation, à toute règle, à toute rigueur
scientifique, lorsque l’on considère l’usage que l’on fait du principe des principes généraux du droit à
savoir : « Nemo censetur legem ignorare ».

Un peuple à qui l’accès à l’information et à l’éducation se révèle un luxe ne peut pas subir les rigueurs de la
loi sous le fallacieux et inutile prétexte que « Nul n’est censé ignorer la loi » face à l’irresponsabilité collective et
cumulative des autorités de son Etat irrespectueuses des droits fondamentaux de l’homme alors que les principes
généraux du droit lui octroient cela de par son existence en tant que peuple.

Cependant, si cette disposition a tout son sens dès sa proclamation dans le pays où le processus
d’alphabétisation est entaché de sérieuses irrégularités, force est de reconnaître et de constater que les masses
haïtiennes sombrent dans l’analphabétisme jour après jour. A ce sujet, aussi cuisant qu’il puisse paraître pour plus
d’un, il nous a été donné de constater qu’il n’y avait jamais eu le dépôt d’un seul exemplaire de « Le Moniteur »,
journal officiel de l’Etat où les lois sont publiées, dans quelques Cabinets d’Avocats de renom du pays, ni dans les
petites et rares bibliothèques que possède ce pays, dans le cadre de la promotion de la loi. Dans les Tribunaux de
Paix qui sont plus proches de la population, on peut constater qu’il n’y a pas tous les codes de lois à la disposition
des Juges de paix qui doivent dire le droit au premier échelon de la pyramide.

Par ailleurs, nous constatons encore avec dégoût et honte l’absence de volonté du Parlement ou à défaut des
commissions « Justice et Sécurité » des deux chambres d’utiliser les ondes des radios de l’Etat et privées pour tenir
informer la population des dispositions de lois votées et publiées dans « Le Moniteur », journal officiel de l’Etat ou
de faire parvenir à chaque Commune et Section communale semestriellement ou annuellement un livret de ces lois
publiées dans ledit journal pour lequel le peuple paie des taxes.

De surcroît, dans un pays où la culture du droit est le partage d’une faible minorité avec ses problèmes
économiques l’empêchant de se ressourcer intellectuellement, on peut bien se demander ce que vaut cet
aphorisme : « Nul n’est censé ignorer la loi ».
63

A titre d’exemple, nombre de politiciens et intellectuels ignorent même les notions élémentaires de droits
fondamentaux de l’homme et du droit administratif voire comprendre la valeur d’un tel aphorisme.

Pour réformer le système judiciaire haïtien et établir un Etat de droit, il faut contribuer à la promotion de la
loi par la diffusion des codes de lois ; car tenir les gens dans l’ignorance d’une loi votée, adoptée et promulguée
aux fins de les protéger alors qu’elle est faite sans eux et continu à être appliquée à leur insu est encore une plus
grave injustice sociale. Voila ce qu’il nous faut avant d’aborder la réforme du système judiciaire haïtien.

Réforme du système judiciaire haïtien

Pour réussir la réforme du système judiciaire haïtien, il faut d’abord penser à la réforme du droit haïtien et,
au demeurant, à la réforme de la justice.

La Réforme du droit

Soutient Renaud Denoix de Saint Marc cité par Loïc Cadiet et Laurent Richer :
« A l’origine d’une Réforme, il y a nécessairement une « Chiquenaude initiale », une idée,
une volonté. C’est le plus souvent la constatation de l’inadaptation du droit existant à
l’évolution des mœurs ou, plus exactement, l’idée que l’on se fait du décalage entre le
droit et le comportement qu’on voudrait voir adopter par le corps social… »

De ce point de vue, nous enchaînons avec la thèse que le droit résulte d’une situation de lutte entre
individus et groupes, laquelle apparaît en même temps dans les pratiques et discours propres à obtenir un
consensus sur l’effet des pratiques et ce consensus se révèle nécessaire, par la raison qu’il permet de passer de la
force au droit sur quoi s’appuie l’État pour jouer son rôle régulateur.

Nonobstant ces riches considérations sur les rapports entre droit et société, depuis la chute de la dictature
en 1986 à aujourd’hui, l’une des grandes et fondées revendications du peuple haïtien, c’est l’établissement d’un
État de droit, un État au service du droit.

Généralement, chez nous, dans la pratique, les rapports entre les individus ne sont pas régis par la loi, mais
plutôt par l’injustice, la violence. Ce sont des rapports de domination, de répression, d’un côté, de fuite et
64
d’évitement de l’autre. En effet, même quand il existe un certain formalisme juridique, ce n’est souvent qu’une
apparence, un simulacre.

Le Ministère de la justice lui-même dans le rapport de la commission préparatoire à la Réforme du droit et de la


justice constate que :
« La justice haïtienne est inaccessible, inefficiente, inadaptée, dilatoire et irrespectueuse
des droits fondamentaux et que la société haïtienne est privée de services juridiques ».

A cet effet, d’énormes efforts ont été consentis par la Communauté internationale depuis 1994 pour
réformer la justice haïtienne et instaurer un État de droit. A l’étonnement de plus d’un, toutes les instances
impliquées dans cette tentative ont conclu à l’échec.

De là, nos deux petites interrogations : Qu’est-ce qui est à la base de cet apparent divorce entre notre
société et Droit ? D’où viennent les obstacles à la culture du droit en Haïti ?

En guise de réponse, il faut reconnaître que, par delà tous les problèmes de dysfonctionnement de l’appareil
judiciaire comme : défaillance de l’état civil, inaccessibilité de 75% de la population à la justice, une justice qui
coûte cher, un système judiciaire répressif, injuste, dépendant et inadéquat, il existe un problème encore plus grave
qui constitue un obstacle majeur à la promotion du droit. C’est celui de la dualité du droit en Haïti. A dire vrai, il
existe deux systèmes de droit dans le pays : un système de droit formel inspiré du Code Napoléonien (le droit
positif) et un système de droit coutumier, informel régi nos us, nos anciennes manières de faire, qui présentent
entre eux de sérieuses dichotomies. Cette dualité du droit renvoie à une dualité plus profonde au sein de la société,
entre le monde paysan généralement producteur d’analphabètes et le monde urbain.

Ces deux systèmes de droit n’envisagent pas de la même manière les questions :
 D’héritage ;
 De statut matrimonial ;
 De droit de la famille ;
 De propriété foncière, etc.

Au niveau du statut matrimonial, le droit formel reconnaît le mariage, au niveau du droit coutumier, c’est
plutôt le « placage » qui est le statut de 65% des couples à l’heure actuelle.

Au niveau de la propriété foncière, selon le système de droit formel, la terre est une valeur d’échange aux
mains de l’individu qui est sujet de droit. Pour le système informel, la terre matérialise « l’appartenance à une
65
société de parents» dont elle assure de façon concrète la cohésion sociale. Dans ces conditions, la terre serait
inaliénable.
En conséquence, la coexistence de ces deux systèmes parallèles, formel et informel, donne lieu en Haïti à une
situation inextricable et malsaine pour la société. D’après l’ex-Ministre de la Justice, Me Jean Joseph EXUMÉ :
« Dans le droit civil, il suffit de considérer le droit de propriété pour constater une
situation des plus alarmantes. Actuellement, il est presque impossible de se référer aux
dispositions de notre législation en matière de revendication du droit de propriété pour
résoudre les conflits terriens. En raison même de leur complexité, ces lois deviennent
inopérantes ».

De ces problèmes de dysfonctionnement auxquels est confronté notre système judiciaire dont on avait fait
état plus haut, nous identifions, au départ, à la base de la défaillance de l’état civil qui est le premier des obstacles à
l’existence d’un État de droit, c’est l’absence d’état civil pour 40% de la population haïtienne. Au cours de ces
deux siècles d’existence, l’État haïtien a affiché une indifférence par rapport à l’enregistrement de ses citoyens au
niveau de l’état civil. Il n’y a pas eu d’efforts sérieux consentis, ni de moyens adéquats mis en œuvre pour
résoudre ce problème, si bien que jusqu’à aujourd’hui, près de la moitié de la population se trouve exclure de la
citoyenneté formelle. Comment va-t-on faire pour jouir de ses droits civil et politique si on n’est pas reconnu
légalement par son État ? Toute promotion véritable de l’État de droit doit passer nécessairement par un effort
sérieux de la part des responsables de l’État pour résoudre ce problème d’état civil.

En ce qui a trait à l’inaccessibilité de 75% de la population à la justice, dit-on, s’il n’y a pas eu d’effort de
la part de l’État pour donner une reconnaissance légale à tous ses citoyens, pas d’effort non plus pour lui apporter
la justice. A peine 25% de la population bénéficient des services juridiques. Seulement 189 Tribunaux de Paix
pour 565 sections communales. Un Tribunal de Paix pour 300.000 habitants à Cité Soleil. De plus, tous les textes
de loi sont écrits en français alors que la population est majoritairement créolophone, unilingue. Tant que les 2/3
de la population n’auront pas un accès facile à la justice formelle, il sera difficile de promouvoir une véritable
culture de droit en Haïti. Donc, il faut œuvrer pour une meilleure couverture juridique de la population.

A la question, « une justice qui coûte cher », il faut avancer que lorsque la justice est disponible, elle n’est
pas pour la grande majorité de la population qui vit en deçà du seuil de la pauvreté quasiment absolue. Les tarifs
judiciaires illégalement imposés ne sont pas à la portée des économiquement faibles. Il n’y a pas d’assistance
légale fiable fournie par l’État. Les juges de paix fixent eux-mêmes le coût des constats. Ils gagnent 3 à 4 fois de
leur salaire en faisant des constats. Ce qui les rend plus indisponibles pour entendre les affaires. Pour attirer les
citoyens vers la justice formelle, l’État doit réglementer la question des tarifs.
66
Entre autres, parlant d’un système judiciaire répressif, injuste, dépendant et inadéquat, on peut dire en
fait, que jusqu’ici, la finalité du système de justice, ce n’était pas de servir tant la population mais plutôt de
réprimer ses infractions à la loi. En 1997, l’USAID a procédé à une évaluation du secteur de la justice en Haïti et le
rapport a conclu que le système de justice en Haïti n’a ni protégé les droits de l’homme, ni renforcé le pouvoir de
la loi. Bien au contraire, il a toujours constitué un instrument de coercition entre les mains des militaires et du
pouvoir exécutif. Le système de justice n’a jamais été juste. Il fut un « système de répression, d’exclusion et
d’impunité ». Ceux qui ont de l’argent ou sont proches du pouvoir arrivent à échapper aux rigueurs de la loi. Ceux
qui sont pauvres et n’ont pas d’influence croupissent en prison.

En 2010-2011, 80% des prisonniers, soit 3909 sur 5770 étaient en détention provisoire dont 1/3 depuis plus
d’un an alors que selon la loi, ils auraient dû comparaître dans les 48 heures après leur arrestation. Certains, pour
des délits mineurs, attendent un procès depuis plus de 3 ans.

La Magistrature est très loin d’être indépendante. Elle est sous la tutelle de l’exécutif, des riches, des
organisations de la société civile et de pressions internationales. Le juge n’apparaît pas dans la société comme un
personnage jouissant d’une autorité réelle et d’un prestige aux yeux de ses concitoyens. Certains le terrorisent à
loisir et impunément menacent sa famille. Il ne jouit pas d’une véritable protection de la Police. Il peut être
révoqué à tout moment par l’autorité politique.

In fine, nous proposons, si l’on veut développer chez le citoyen haïtien le culte du droit, nous devons
harmoniser nos lois et nos pratiques. Un peuple ne peut cultiver deux « droits » à la fois. Tant que cette
harmonisation de deux systèmes de droit formel et informel ne se fera pas, la promotion de la culture du droit ne
sera pas possible. Le citoyen haïtien doit avoir, sous les yeux, une image plus positive de la justice et des juges de
son pays. En conclusion, il n’y aura pas de culture du droit en Haïti sans la reconnaissance par tous les citoyens de
leurs droits et sans leur responsabilité par la participation et l’accomplissement de leurs devoirs.

La réforme de la Justice

Aujourd’hui des réflexions sont portées sur la défaillance de la justice haïtienne considérée comme une
plaie lente à cicatriser et plus que jamais on se rend compte de la nécessité de la réformer pour permettre aux
Haïtiens de vivre dans une société démocratique et juste et à Haïti de rentrer dans le concert des nations dites
modernes. N’est-ce pas la justice qui élève une nation ?
67
Si l’on parle aujourd’hui de réforme, c’est sans doute pour attirer l’attention sur un état déplorable de la
justice en Haïti et sur la nécessité pour tous les acteurs impliqués de réfléchir ensemble sur la problématique dans
le but de sortir un plan durable de redressement. A ce titre, il faudrait s’entendre sur une méthodologie de cette
réforme judicaire, laquelle permettrait de savoir ce qu’il faut faire, comment et avec qui le faire ?

L’hypothèse de recherche formant les postulats de base de la théorie de l’État de droit est qu’une réforme
de la justice ne peut se concevoir fondamentalement en dehors de la réforme de l’État, créateur du droit.

Écrit Mirlande MANIGAT, en ce sens :


« La Constitution donne à l’État une légitimité juridique qui renforce sa place et son rôle
au sein de la Nation.
 Il est le seul à produire du Droit comme générateur exclusif des normes
appliquées dans un pays et imposées à tous ;
 Il est le seul à introduire leur modification ;

 Il est le gardien de leur conservation et le garant de leur application ».1

A dire vrai, la réforme de la justice haïtienne tant prônée ne peut être d’application réelle et réussie sans la
réforme de l’État d’Haïti foncièrement de conception occidentale qui n’a rien à voir avec la réalité haïtienne.
En ce sens, soutient Loïc CADIET :
« La réforme de la justice peut difficilement être conçue indépendamment de la réforme de
l’État dans ses rapports avec la société politique et la société civile ».2

Fort de tout ce qui précède, la réforme de la justice implique de sérieuses transformations au sein de l’État
et de la société.

Une des valeurs fondamentales sur laquelle se fonde la théorie de l’État de droit est le respect de la loi
d’abord par toutes les autorités de l’État qui, à leur tour, auront pour responsabilité de la faire appliquer. Il en
résulte que cette valeur constitue sans contestation aucune les théories sur lesquelles se fondent le Démocratie et
l’État de droit. La réforme de la justice est inconcevable sans l’équilibre entre les pouvoirs qui est le corollaire du
principe de séparation des pouvoirs consacré par la Constitution de 1987.

A notre avis, les perspectives de mise en œuvre d’une réelle réforme du système judiciaire haïtien
nécessitent de nouvelles stratégies consistant à renforcer le pouvoir judiciaire afin qu’il prenne son autonomie par
68
rapport au Ministère de la Justice, l’accessibilité de la justice, les institutions en relation avec la justice, mettre la
justice à la portée des justiciables, valoriser la fonction des juges, cesser le contrôle et la surveillance du Ministère
de la Justice sur le pouvoir judiciaire, sur les Magistrats.

__________________________
1-MANIGAT, Mirlande : Manuel de droit constitutionnel, Uniq, Port-au-Prince, 2004, p.81
2- CADIET, Loïc et RICHER, Laurent : Réforme de la Justice, Réforme de l’État, éd. PUF, Paris, 2003, p. 13
Dans un premier lieu, le renforcement du pouvoir judiciaire réside en son autonomie administrative et
budgétaire, la mise en place du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire composé de représentant de l’État et d’une
société civile digne fonctionnant selon les normes notamment les représentant des organisations de droits humains,
le recrutement sur concours des Juges pour éviter le favoritisme, l’incompétence, la corruption…

De surcroît, ce renforcement réside dans la révision du statut du Ministère public et du rôle du


Commissaire du Gouvernement qui aujourd’hui donne l’exequatur pour l’exécution des décisions de justice et la
reconnaissance de la Cour de Cassation comme chef du pouvoir judiciaire.

En deuxième lieu, le renforcement de l’accessibilité de la justice et celui des institutions en relation avec la
justice impliquent, d’une part : l’établissement d’une carte judiciaire conforme à la distribution de la population :
un Tribunal de Paix dans chaque section communale.

D’autre part, l’actualisation des lois par le Pouvoir législatif, la présence policière dans toutes les
Communes du pays, l’utilisation de mandats lors des arrestations, le traitement correct lors des arrestations, la
sanction des policiers qui enfreignent la loi…

En troisième lieu, la mise de la justice à la portée des justiciables s’explique par la baisse des coûts des frais
de justice, l’adaptation de la langue créole et du langage juridique, la transcription des déclarations et réponses
dans la langue utilisée.

En dernier lieu, pour ce qui est de la valorisation de la fonction des juges, elle se traduit par le respect de
l’inamovibilité des Juges, la garantie de stabilité pour les Juges de Paix, le renforcement de leur capacité en
matière d’enquêtes, la soumission de la police au Pouvoir judiciaire… Cependant, pour que toutes ces perspectives
deviennent des réalités, il faut consacrer l’indépendance du Pouvoir judiciaire dans les faits et contribuer à la
primauté de la Constitution et de la loi sur tous les citoyens pour un État de droit fort.
69

Conclusion

L’objectif général de cette étude était de faire des propositions pour l’avènement d’un État de droit
favorisant la promotion de la Démocratie qui, à son tour, contribuera à la réforme du système judiciaire. Au terme
de cette étude, nous avons passé en revue nombre d’aspects du problème. Nous avons été curieux d’interroger le
fondement des rapports entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et leur interrelation dans les structures
étatiques.

Cette étude nous a permis de comprendre que la création du pouvoir judiciaire n’a pas été faite selon les
normes. Elle se veut plutôt une initiative autoritariste et exclusiviste de bon nombre de Présidents en violation des
dispositions de la Constitution en vigueur, ce qui est à la base de ce que fustige Gérard GEORGES, cité par les
auteurs du Petit samedi soir/ un siècle de Constitutions haïtiennes [1888-1983] :
« Les diverses Constitutions qui ont successivement régi le pays depuis l’indépendance ont conduit les
constitutionnalistes à parler d’Haïti comme une ‘’MANGEUSE DE CONSTITUTION’’. Qu’est-ce qui explique cet
appétit constitutionnel ? L’instabilité des régimes ? L’inconstance des hommes au pouvoir ? la réponse de toute la
réponse est que les hommes d’État haïtiens se sont toujours évertués à adapter la ‘’LOI DES Lois’’, la Charte
fondamentale à leur vision personnelle des affaires de l’État au lieu de s’adapter aux exigences
constitutionnelles ». 1

Comment peut-on consacrer l’application réelle de l’indépendance du pouvoir judiciaire dans les faits eu
égard aux dispositions constitutionnelles et légales établies face à ces pratiques rétrogrades qui nécessitent des
corrections urgentes ?

Après maints recherches et entretiens, nous demeurons convaincu que les enjeux de l’indépendance du
pouvoir judiciaire sont de taille.

________________________________
1-
Le Petit samedi soir, un siècle de Constitutions haïtiennes (1988-1983)
D’abord, il y a le déséquilibre des pouvoirs qui s’explique à partir d’un vernis démocratique, une
démocratie qui ne tient pas compte de la réalité haïtienne voire refléter les aspirations et inspirations de ce peuple.
70
Ce déséquilibre est dû à l’application mythique des dispositions du principe de la séparation des
pouvoirs qui n’a donc pas du tout évité l’empiétement tant de l’exécutif que du législatif sur les attributions du
pouvoir judiciaire.

En outre, c’est normal qu’un pouvoir judiciaire qui ne gère pas son budget, donc sous tutelle, soit tenu en
état par un exécutif dont il dépend pour fonctionner et qui intervient parfois dans les décisions des juges très
conformes à la Constitution mais ne reflétant pas ses desiderata pour les interdire au détriment d’un État de droit
démocratique et constitutionnel.

De ce diagnostic, nous recommandons pour résoudre les problèmes du pouvoir judiciaire en Haïti et pour
son indépendance effective, l’établissement d’un État de droit démocratique et constitutionnel, la réforme de l’État,
la réforme du droit et de la justice.

Cependant, cette réforme de l’État, pour être une réussite, exige la redéfinition et la correction des
structures de l’État.

Pour encourager ce projet combien ambitieux, l’État d’Haïti doit reconnaître que la promotion de la loi et
sa vulgarisation constituent plus une nécessité.

Aussi, pour y parvenir, faut-il redéfinir le rôle du Parquet pour le faire dépendre exclusivement du pouvoir
judiciaire et non du Ministère de la justice que l’on doit absolument destituer et instituer la Cour Constitutionnelle
pour la révision des arrêts de la Cour de Cassation, ce pour arriver à l’instauration dudit État de droit.

Ces propositions n’ont pas la prétention de porter sur tous les problèmes judiciaires. Certains emportent de
grands changements. D’autres sont de simples améliorations pratiques. Elles ont en commun la recherche de
remèdes pour des situations qui ne sont plus acceptables. C’est ce que nous nous sommes efforcé de faire en
examinant, dans une première partie, l’organisation judiciaire haïtienne. Dans la seconde partie ont été abordés les
obstacles à la justice haïtienne et des stratégies d’une réforme devenue nécessaire, voire urgente.

En guise de mot de la fin, nous espérons que ces réflexions sur la problématique du système judiciaire en
Haïti, susciteront un vif engouement pour la question d’un pouvoir judiciaire indépendant qui est d’une brûlante
actualité.
71

Définition des Sigles

C.E.P. : Conseil Électoral Permanent


C.I.C. : Code d’Instruction Criminelle
C.S.C.C.A. : Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif
O.E.A. : Organisation des États Américains
O.N.G. : Organisation Non Gouvernementale
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
U.L.C.C. : Unité de Lutte Contre la Corruption
U.S.A.I.D. : United States Agency for International Development
72

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LE MONITEUR : Décret du 26 février 1975 réglementant la profession d’arpenteur, no 21, 17 mars 1975

LE MONITEUR : Décret du 29 mars 1979 portant organisation de la profession d’avocat, no 31, 16 avril 1979

LE MONITEUR : Loi du 3 septembre 1979 instituant à Port-au-Prince un Tribunal spécial du Travail, no 75, lundi
24 septembre 1979

LE MONITEUR : Décret du 4 novembre 1983 portant organisation de la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif, no 78, 10 novembre 1983

LE MONITEUR : Décret du 20 juin 1986 sur le notariat, no 38, 21 juin 1986

LE MONITEUR : Décret du 30 juillet 1986 instituant les sections terriennes des Gonaïves et de Saint-Marc, no 66,
jeudi 14 août 1986

LE MINUTEUR : Arrêté du 28 mars 1995 créant la : Commission Nationale de Vérité et de Justice, no 26, 30
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LE MONITEUR : Décret du 22 août 1995 modifiant la loi du 18 septembre 1985 su l’Organisation judiciaire, no
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N-B-. Ce budget a été reconduit pour l’exercice fiscale 2010-2011


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Mémoires consultés

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Jean Rosier DESCARDES, Promotion 1997-2001

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Sites Consultés

www.forumhaiti.com/ Un juge dénonce la corruption dans le système judiciaire haïtien

www.minustah.org/ Le système judiciaire haïtien face à ses défis

www.lenouvelliste.com/ La corruption dans la justice empêche le développement économique

www.institut.idef.org/ La justice haïtienne : structure, défis et perspectives

www.haiti-info.com/ Un système judiciaire paralysé

www.reliefweb.int/ Le système judiciaire haïtien face à ses défis


78
www.fleurygleason.com/ La problématique de la réforme judiciaire en Haïti

http://fr.wikipedia.org/ Médecin légiste- Médecine Légale

http://fr.wikipedia.org/ Expert-comptable

Table des Matières

DÉDICACE …………………………………………………………………………………. ii
AVANT-PROPOS …………………………………………………………………………… iii
INTRODUCTION ………………………………………………………………………….. 1

PREMIERE PARTIE : L’ORGANISATION JUDICIAIRE HAITIENNE ……………. 7

Chapitre premier : Les Organes juridictionnels ………………………………………….. 9


Section I : Les juridictions de droit commun ……………………………………………… 10
1-Les juridictions du premier degré …………………………………………………… 10
1.1-Les juridictions civiles ……………………………………………………………… 10
1.1.1- Les Tribunaux de paix …………………………………………………………… 11
1.1.2-Les Tribunaux de première instance ……………………………………………… 12
1.2- Les juridictions pénales ……………………………………………………………. 13
1.2.1-Le Tribunal de simple police ……………………………………………………… 13
1.2.2-Le Tribunal correctionnel ………………………………………………………… 14
1.2.3-Le Tribunal criminel ……………………………………………………………… 15
79
2-Les juridictions du second degré …………………………………………………….. 16
2.1-Les Cours d’Appel ………………………………………………………………….. 16
2.2-Les Tribunaux de première instance (ou correctionnel) ……………………………. 17
3-La Cour de Cassation ………………………………………………………………… 18
3.1- Originalité ………………………………………………………………………… 18
3.2- Principales attributions …………………………………………………………… 19

Section II : Les Juridictions spécialisées …………………………………………….. 21


1- Les Juridictions spécialisées permanentes ………………………………………… 21
1.1- Les sections terriennes …………………………………………………………… 21
1.2- Le Tribunal du Travail …………………………………………………………… 22
1.3- Les Tribunaux pour enfants ……………………………………………………… 23
1.4- La CSCCA ………………………………………………………………………... 24
2-Les Juridictions spécialisées non-permanentes …………………………………. 25
2.1- La Haute Cour de Justice ……………………………………………………... 25
2.2- La Commission de Conciliation ………………………………………………. 26
2.3- Le Conseil Electoral Permanent (CEP) ………………………………………… 28
2.4- L’Office de Protection du Citoyen ……………………………………………… 28

Chapitre II : Le Personnel Judiciaire ……………………………………………….. 30


Section I : Les Magistrats ……………………………………………………………... 31
1-Mise au point …………………………………………………………………………. 31
1.1- Terminologie ……………………………………………………………………… 31
1.2- Classification ……………………………………………………………………… 32
2-Les garanties légales ………………………………………………………………… 32
2.1- Recrutement ………………………………………………………………………. 32
2.1.1- Recrutement des Magistrats du siège …………………………………………… 33
2.1.2- Recrutement des Magistrats du Parquet ………………………………………… 34
2.2- Statut ……………………………………………………………………………… 34
2.2.1- Indépendance …………………………………………………………………… 34
2.2.2- Inamovibilité …………………………………………………………………… 34

Section II- Les Auxiliaires de la Justice ……………………………………………… 36


1-Les auxiliaires du premier cycle …………………………………………………… 36
1.1- Les avocats et les fondés de pouvoir …………………………………………….. 36
80
1.2- Les greffiers …………………………………………………………………….. 37
1.3- Les huissiers de justice ………………………………………………………….. 38
2-Les auxiliaires du second degré ……………………………………………………. 38
2.1- Les notaires ………………………………………………………………………. 38
2.2- Les arpenteurs ……………………………………………………………………. 39
2.3- Les officiers d’état civil ………………………………………………………… 39
2.4- La Police Nationale d’Haïti ……………………………………………………. 40
3- Les experts de justice …………………………………………………………….. 40
3.1- Les médecins légistes …………………………………………………………. 40
3.2- Les comptables ………………………………………………………………… 42

DEUXIEME PARTIE : VERS LA RÉFORME DE L’ORGANISATION


JUDICIAIRE HAITIEN..…………………………………………………………. 43

Chapitre III : Problématique du système judiciaire haïtien ………………………. 46


Section I- Les maux de la Justice ……………………………………………………. 47
1- La mainmise du Ministère de la Justice ………………………………………. 47
2- Manque de moyens humains, matériels et financiers ………………………… 49
2.1- Ressources humaines ………………………………………………………… 50
2.2- Ressources physiques et naturelles ………………………………………….. 51
2.3- Ressources financières ………………………………………………………. 52
2.4- L’état de la documentation juridique ………………………………………… 53
3- Le problème d’accès à la justice ………………………………………………… 54
3.1- Distribution spatiale des tribunaux ……………………………………………. 55
3.2- Le langage judiciaire ………………………………………………………….. 55
3.3- Le coût de la justice …………………………………………………………… 56
4- La corruption …………………………………………………………………….. 56
4.1- Le phénomène de la corruption en Haïti …………………………………… 56
4.2- Corruption parmi les Magistrats ……………………………………………. 57
4.3- .L’Environnement des magistrats …………………………………………… 58
4.4- Réprimer la corruption …………………………………………………… 58
Faire une vaste campagne médiatique ……………………………………… 61
Respect des règles de déontologie …………………………………………… 61

Section II- Disfonctionnement du système judiciaire ………………………………… 62


81
1- Traitement des Juges …………………………………………………………………62
2- Le délai du traitement des dossiers …………………………………………………. 65
3- La perception du public …………………………………………………………… 66

Chapitre IV : Pour la réforme du système judiciaire haïtien ……………………… 67


Section I- Indépendance effective du système judiciaire haïtien …………………… 68
1- L’indépendance dans la carrière du juge …………………………………… 68
1.1- L’accession à la fonction de juge …………………………….…………………. 69
1.2- La promotion et le transfert dans la carrière du juge ………..……………………… 70
1.3- Le principe de l’inamovibilité des juges ……………..………………………….. 70
2- L’indépendance dans l’exercice de la fonction de juge …………………….. 71
2.1- L’indépendance dans le travail des juges ………..……………………………….. 72
2.2- L’indépendance des Magistrats à l’égard des autorités politiques…………. 72
2.3- L’indépendance des Magistrats à l’égard justiciables et des avocats …….….. 73

Section II- Les Stratégies à mettre en œuvre pour la réforme du


système judiciaire haïtien ……………………………………………………………… 75
1- Diffusion des codes de lois …………………………………………………………… 75
2- Réforme du système judiciaire haïtien ……………………………………………… 76
2.1- La réforme du droit ………………………………………………………………… 77
2.2- La réforme de la justice …………………………………………………………….. 80

CONCLUSION …………………………………………………………………………. 84
DÉFINITION DES SIGLES …………………………………………………………… 87
BIBLIOGRAPHIE …………………………………………………………………….. 88
DOCUMENTS OFFICIELS ….……………………………………………………….. 91
MEMOIRES CONSULTES …….…………………………………………………….. 93
SITES CONSULTÉS ………………………………………………………………… . 94
TABLE DES MATIERES ... …...………………………………………………………… 95
ANNEXES ………………………………………………………………………............... 99
82

ANNEXES

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