Introduction : attention, il ne faut garder qu'une seule des
trois accroches
(Accroche 1) Les auteurs classiques sont des auteurs qui regardent les auteurs antiques comme indépassables et les utilisent donc comme modèles pour leurs propres œuvres. Pourtant, personne ne peut dire que Racine n’a pas composé une œuvre originale avec Andromaque, ni qu’il a plagié Homère et Sophocle. Ainsi, « les auteurs et artistes qui réécrivent des mythes peuvent-ils créer des œuvres originales ? » Le sujet oppose deux notions, avec l’antithèse entre « réécrire » et « créer une œuvre originale ». En effet, faut-il considérer que les auteurs qui réécrivent ne font que proposer des versions sans originalité ou qu’au contraire, réécrire, c’est repenser différemment et donc produire une œuvre nouvelle à chaque fois malgré les reprises ? Nous verrons dans un premier temps en quoi les réécritures peuvent n’apparaître que comme des redites et des reprises. Et dans un second temps, nous analyserons dans quelle mesure toute grande réécriture est une nouvelle œuvre ? On saute 2 lignes entre introduction et développement.
Voyons dans un premier temps en quoi les réécritures apparaissent non comme des œuvres originales, mais comme des reprises, des répétitions, des redites des œuvres antérieures. D’abord, certaines réécritures de mythes ne sont que des allusions, des références ponctuelles. En effet, lorsque par exemple les poètes baroques reprennent les mythes gréco- latins pour exprimer leur souffrance amoureuse, ils truffent leurs vers de références aux mythes qui sont donc des supports de comparaisons. Ainsi, lorsque Ph. Desportes dit à la femme aimée « Votre œil de Méduse », le poète ne réécrit pas le mythe en entier, mais s’y réfère pour établir un parallèle entre la cruelle Gorgone capable de séduire et pétrifier par son seul regard, et la femme aimée dont il souffre de l’indifférence à son égard. Ensuite, certaines réécritures vont plus loin que de simples allusions, elles reprennent intégralement le mythe : la trame narrative, les noms des personnages, les lieux, l’époque, les relations, les épisodes… Ainsi, Jean Giraudoux réécrit L’Iliade d’Homère avec sa pièce de théâtre La Guerre de Troie n’aura pas lieu. On retrouve la situation conflictuelle entre Troie et les rois grecs à cause de l’enlèvement d’Hélène par Pâris ; la relation amoureuse entre Andromaque et Hector ; la vénération des vieillards troyens pour la beauté d’Hélène ; et surtout, contrairement à ce que le titre laissait croire, la déclaration finale de la guerre. Ainsi, Giraudoux semble bien procéder à une reprise. Enfin, les réécritures peuvent être le développement de certains épisodes qui étaient dans l’œuvre originale, mais que les auteurs postérieurs choisissent de souligner, d’expliciter. Ainsi, lorsque dans Ulysse from Bagdad, Eric-Emmanuel Schmitt présente la relation entre Saad, échoué sur une plage et recueilli, nu, par Vittoria, les personnages, reconnaissant qu’ils ressemblent à Ulysse et Nausicaa se donnent ces prénoms. Et lorsque quelques mois plus tard, Saad quitte Vittoria qui est amoureuse de lui alors qu’il reste indéfectiblement amoureux de Leïla (sa Pénélope), Schmitt lui fait écrire une lettre qui rappelle le discours d’adieu d’Ulysse à la magicienne désespérée de le voir partir. Schmitt n’a donc pas inventé l’épisode, il le reprend, il ne fait qu’en moduler une variation très proche.
On saute 1 ligne entre les deux parties.
Voyons dans un second temps en quoi ces redites ne sont
cependant pas du plagiat, et en quoi donc on peut néanmoins parler d’œuvres originales, de véritables créations.
D’abord, les auteurs composent bien une œuvre originale
puisqu’ils inventent de nouvelles scènes, puisqu’ils créent de nouveaux épisodes. Ainsi, dans Andromaque, Racine a modifié le sort d’Astyanax, qui n’est pas mort, comme le veut la tradition, jeté des murs de Troie, car, au vers 75, on nous rapporte qu’« Andromaque trompa l’ingénieux Ulysse » en donnant un autre enfant que le sien à sacrifier. Evidemment, ce point est essentiel pour le dramaturge car il lui faut un objet de chantage pour qu’Andromaque cède aux avances de Pyrrhus sans être infidèle à Hector : c’est donc le dilemme entre sauver son fils et rester fidèle. Par ailleurs, Racine rajoute des personnages, les confidents respectifs de chaque héros tragique afin qu’ils expriment clairement leurs émotions et leurs tergiversations : aussi Andromaque a-t-elle pour confidente la Troyenne Céphise, Hermione Cléone, Oreste Pylade et Pyrrhus Phoenix. Enfin, Andromaque n’est plus une captive esclave, elle a gardé son rang de reine, car il serait impossible que Pyrrhus épouse une esclave et l’intrigue serait donc inadaptée. Dans Ulysse from Bagdad, EE Schmitt débute son récit par un témoignage de la vie en Irak sous Saddam Hussein, avec notamment le père de Saad qui tient une bibliothèque secrète de livres interdits et censurés. Les sœurs de Saad et ses beaux-frères sont victimes de l’embargo américain et des bombardements de civils de Bagdad. Ainsi, le romancier donne un tout autre contexte à son œuvre.
Ensuite, certains auteurs changent complètement le
registre du mythe originel, bouleversant la réaction du lecteur : ainsi, on observe des transpositions du registre tragique au registre comique, ou des transpositions par rapport au courant littéraire (une œuvre antique devient classique ou précieuse, par exemple). Ainsi, dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Giraudoux change complètement le ton solennel d’Homère dans L’Iliade. En effet, la pièce regorge de jeux de mots et d’images comiques (Hélène qui compare les hommes à des savons), de scènes triviales (le concours d’insultes ou l'épisode des vieillards qui courent difficilement après Hélène pour l’observer avidement), voire de répliques irrespectueuses, comme lorsqu’Hector, dans son éloge des morts, affirme que les vivants couchent avec leurs femmes. Ainsi, dans Andromaque, Racine adapte l’évocation de la passion amoureuse au goût de son époque qui s’inspire des œuvres du courant littéraire de la Préciosité. C’est pourquoi un personnage qui ne répond pas à l’amour d’un autre est présenté comme « une inhumaine » et se fait appeler « cruel » ou « barbare ». De même, les métaphores de l’amour comme une flamme qui consume l’amant se retrouvent à chaque page. Ainsi, le goût classique et précieux de l’époque de Racine renouvelle l’expression traditionnelle de l’amour. Enfin, les auteurs recréent entièrement les mythes en les actualisant, en les modernisant, ce qui leur donne une tout autre résonance. On parle du monde actuel via le mythe. Ainsi, dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Giraudoux parle évidemment non de la guerre de Troie, mais de la situation en 1935, date de publication de la pièce. En effet, le titre ne renvoie pas à la situation dans l’Antiquité, mais au souhait qu’il expose que la seconde guerre mondiale qu’il pressent, n’ait pas lieu. Sa pièce met en scène deux camps, les bellicistes (Priam, Démokos, le géomètre) contre les pacifistes (Hector et les femmes) et leurs arguments reposent sur des références à la situation de l’entre- deux guerres. Le discours aux morts est même un discours qui semble adressé aux Poilus morts en 14-18 et auxquels on avait promis que ce serait « la der des ders »... Ainsi dans Ulysse from Bagdad, E.E Schmitt modernise complètement le mythe originel en changeant certains épisodes pour les rendre plus actuel. En effet, l’histoire ne se passe pas a l’antiquité mais au 21eme siècle, on revit donc l’Odyssée d’Ulysse sous une tout autre époque et un tout autre registre.
(conclusion) Les contes de Grimm reprennent certains contes de
Perrault, qui eux-mêmes reprennent des récits de tradition orale que l’on se disait au coin du feu pendant les veillées d’hiver. Perrault et Grimm sont-ils alors de vrais écrivains ou seulement des passeurs ? Sautez deux lignes entre développement et conclusion. Vous devez rédiger la conclusion : 2 étapes.