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ANTHROPOLOGIE MEDICALE

OBJECTIFS ÉDUCATIONNELS

1. Définir correctement les termes suivants : anthropologie de la santé, sociologie de la


santé, ethnomédecine, ethnopharmacologie
2. Décrire les principales approches en anthropologie de la santé
3. Déterminer les apports de l’anthropologie à la pratique de la santé
4. Décrire le concept « Anthropologie et compétence transculturelle clinique ».

I – INTRODUCTION
Selon l’OMS, « la santé est un état complet de bien-être physique, mental, social et pas
simplement l’absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 1946).
Selon cette définition, la notion de santé est pluridimensionnelle. L’abord des problèmes de
santé devrait donc se faire de facon pluridimensionnelle en considérant l’homme dans son
environnement.
Or certains praticiens (cliniciens) font de la question de l’efficacité thérapeutique la question
première et ils n’envisagent souvent la relation au social que sous cet aspect (anthropologie
« médicale ») ; d’autres s’intéressent d’abord à la place des représentations de la maladie et
des institutions qui leur sont associées (anthropologie de la santé / de la maladie)
n’envisageant leur efficacité que par rapport au fonctionnement d’ensemble de la structure
sociale hiérarchisée. Dans ce dernier cas, les représentations de la maladie sont très
directement associées à celles qui concernent, par exemple, la notion de personne ou les
croyances à la sorcellerie. Du point de vue de l’anthropologie, il est plus important de déceler
et de définir la part du symbolique dans le rapport de nos sociétés à la maladie que de définir
la part effectivement et objectivement thérapeutique des médecines différentes.
La santé serait donc le résultat de l’équilibre entre l’homme et son environnement. Par contre,
la maladie serait la conséquence du déséquilibre de cette relation.
Pour mieux comprendre cette relation, de nombreux chercheurs ont effectué des travaux
depuis plusieurs années avec des résultats convergents sur la constitution plurielle du corps
humain (corps, esprit, divinité, etc…).
La science qui étudie ces relations est l’anthropologie de la santé encore appelée
anthropologie médicale. Elle a souvent été assimilée aux sciences mystiques, qui utilisent des
méthodes peu conventionnelles pour l’être humain normal. Chez les peuples traditionnels, la

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médecine fait partie intégrante de la culture, elle est globale et intuitive. Le D r Jean-Pierre
Willem, fondateur des Médecins aux pieds nus, rappelle que notre conception fragmentée de
la santé est inadaptée dans bien des pays. Il bâtit son approche sur l'ethnomédecine, une
science pluridisciplinaire qui intègre psychologie, sociologie, ethnologie, épidémiologie et
génétique. Apprendre l’anthropologie de la santé permet de réfléchir sur le rôle du soignant,
son rapport aux patients, l’influence de la culture, de l’environnement, etc…

II. HISTOIRE DE LA DISCIPLINE


L’ethnologie a pris en compte dès ses débuts les représentations et pratiques populaires
relatives à la maladie et à ses traitements, en s’intéressant en particulier aux féticheurs,
shamans, prêtres, guérisseurs et autres spécialistes magico-religieux dont la pratique a de
fortes composantes thérapeutiques. Mais l’anthropologie de la santé en tant que sous
discipline est relativement récente. Elle s’est constituée aux USA pendant les années 60, et
était particulièrement axée sur le traitement des maladies.
Le SIDA a engendré une importante vague d’études anthropologiques ; dans un 1er temps sur
les perceptions de la maladie, les comportements sexuels des populations ou le recours à des
guérisseurs ou thérapies parallèles. Dans un 2 ème temps sur l’observance des ARV ou sur
l’attitude des personnels de santé. Deux grands chantiers de l’anthropologie de la santé, d’un
côté les représentations et pratiques populaires, de l’autre le système de santé moderne.
Chronologie:
- Fin XIXème et début XXème : monographies. A la fin des ouvrages, on traite dans un
chapitre « fourre tout » de la religion, magie, sorcellerie et la maladie.
- Années 30-40 : Rivers (un des 1ers à prendre en compte l’environnement) en 1924 a publié
un ouvrage dans lequel il présentait une classification des croyances sur les causes de la
maladie, dans une perspective diffusionniste. Psychiatre, il travaille sur les soldats de retour
de la guerre, il met à jour le « stress post traumatique ».
- Cléments, en 1932, affirme que les systèmes médicaux indigènes sont des institutions
sociales qui doivent être étudiées de la même façon que les autres institutions comme parties
intégrantes.
- R.Benedict, dans son ouvrage « culture et personnalité », étudie la personnalité de base
dans diverses sociétés, montre l’impact des modes d’éducation sur la personnalité de
l’individu.

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- Années 40 - 50, Ackernecht : marqué par le fonctionnalisme, il s’intéresse aux causes
sociales de certaines maladies. Défend que les conceptions autour de la maladie sont
culturellement et sociologiquement construites.
- Années 1960, Shirley.L : travaille en Papouasie Nouvelle Guinée, chez les Fore, avec un
généticien. Les Fore étaient cannibales (ils mangeaient le cerveau de leurs proches une fois
décédés). –> Les gens mourraient et ils ne savaient pas pourquoi. Ils s’aperçurent que c’était
surtout les femmes qui étaient victimes car se sont-elles qui s’occupaient de la préparation
des cerveaux. Les hommes ne tombaient pas malades car ils n’étaient en contact qu’avec le
cerveau cuit, et donc pas avec le virus actif. Les gens ne tombaient pas malades
immédiatement après avoir été en contact avec le virus mais des années plus tard : on avait
alors jamais entendu parlé d’un tel virus. Concept de « slow virus ». Shirley met à jour le
processus qui conduisait à la maladie. Elle est une des premières anthropologues modernes.
Richard Lee – dans le Kalahari avec les « Sun people », une société égalitaire de chasseurs-
cueilleurs. Chez ces gens la pression artérielle ne montait pas avec l’âge, pas de problème de
cholestérol, leur audition ne baisse pas avec le temps. Pourquoi? Ils ne mangent pas de
graisse, font beaucoup d’exercice (20km par jour), pas de sons élevés… Certaines maladies
ou dégradations du corps avec la vieillesse ne sont pas si normales et inévitables, ce n’est pas
toujours « naturel » comme on le pense.
Notre mode de vie et notre environnement « fabriquent » nos maladies.
=> Création de nos maladies : création des conditions pour certaines maladies (cancers,
obésité, diabète dans nos sociétés modernes).
=> l’anthropologie se situe bien au-delà du cabinet du médecin. C’est une autre façon de
comprendre la maladie et la guérison. Il s’agit de comprendre le processus, comprendre
l’organisation sociale, les problèmes de la communauté… Il n’y a pas qu’une seule façon de
soigner, l’anthropologie respecte la médecine scientifique mais s’intéresse aux autres
manières de comprendre les causes de la maladie et de la soigner.

III – DEFINITIONS
1. L'anthropologie de la santé est une branche de l'anthropologie qui étudie la santé (la
maladie et le soin) chez l'Homme. Elle constitue une analyse centrée sur les savoirs
populaires et leur cohérence (représentations). La démarche privilégiée par l’anthropologie de
la maladie est de décrire les dimensions sociales des états de santé.
En d’autres termes, l’anthropologie est l’étude de la représentation de la maladie, des
itinéraires des malades, du rôle des thérapeutes et des pratiques thérapeutiques de toute sorte

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dont les rituels de guérison qui sont étudiés en fonction du système socio-culturel dans lequel
ils s’insèrent.
Elle a ainsi contribué à la connaissance des processus sociaux à l’œuvre dans la gestion de la
maladie. La maladie, son étiologie ainsi que les moyens de la soigner deviennent l’objet
principal de l’anthropologie de la maladie. Elle est souvent assimilée par certains auteurs à
l'ethnomédecine. L’anthropologie médicale est un questionnement autonome pouvant être lié
à la demande médicale, on parle alors d’anthropologie médicale appliquée.
2. Ethnomédecine désigne une pratique de soins se voulant une synthèse entre l'art médical
occidental et les thérapeutiques traditionnelles des populations des pays non occidentaux.
Cette discipline utilise les méthodes de l'anthropologie et des sciences sociales pour étudier
les questions de la santé, de la maladie, de la guérison et des systèmes de soins. Les
spécialistes de cette discipline sont soit des anthropologues, soit des soignants (médecins,
infirmiers, psychologues) qui se sont formés secondairement en anthropologie.
L'ethnomédecine englobe deux disciplines : l'ethnopharmacologie et l'ethnologie. L'approche
ethnomédicale est holistique : elle considère l'homme dans sa totalité et le replace dans un
large contexte écologique; elle démontre que le mauvais état de santé ou la maladie sont dus à
un déséquilibre, à une inadaptation au milieu, et non seulement à l'action d'agents pathogènes.
Elle rétablit la notion primordiale d'équilibre entre l'homme et son environnement.

3. Sociologie de la santé est une discipline qui s’est surtout développée en Europe dans les
années 40 notamment autour des travaux de T. Parsons. Elle s’est intéressée à l’analyse des
institutions sanitaires et à leur fonctionnement.
Mais de plus en plus les deux disciplines que sont l’anthropologie et la sociologie se
confondent parce que travaillant sur les mêmes objets, on parle de plus en plus d’une socio-
anthropologie de la santé.

4. L'ethnopharmacologie peut être définie par « l'étude scientifique interdisciplinaire de


l'ensemble des matières d'origine végétale, animale ou minérale, et des savoirs ou des
pratiques s'y rattachant, que les cultures vernaculaires mettent en œuvre pour modifier
les états des organismes vivants, à des fins thérapeutiques, curatives, préventives, ou
diagnostiques1. » Elle s’appuie, entre autres, sur l’ethnologie, la botanique et l’histoire.
L’ethnopharmacologie résulte d’une problématique, le fait que près de 80 % de la
population mondiale se soigne en faisant appel aux ressources des flores et des

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pharmacopées locales ; ceci par choix, mais trop souvent faute d’avoir accès aux avantages
de la médecine scientifique.
Dans les pays du Sud où la situation sanitaire est déplorable, il existe des connaissances, un
système de soins traditionnels alliés à une riche pharmacopée végétale, et des savoir-faire,
menés sur la voie de l'érosion.
Tandis que les savoirs traditionnels s'éloignent de nous, les plantes auxquelles ils se réfèrent
subissent une dégradation parallèle. On estime à 65 000 le nombre des espèces menacées
dont on peut supposer que près de 15 % ont un emploi thérapeutique.
Une manière simple de conserver les cultures, les savoirs et les plantes qui y sont liés consiste
à valoriser ces connaissances, les dynamiser et leur donner un sens en les adaptant à
l’intérieur de la société au cours de sa mutation. Dans un souci d'autonomie des communautés
et dans le cadre d'un développement durable et intégré, l'ethnopharmacologie appliquée tente
de valoriser au mieux les pharmacopées locales.

IV – CONCEPTS CLES EN ANTHROPOLOGIE MEDICALE


Certains concepts utilisés en anthropologie peuvent être appliqués directement à la médecine
clinique et fournir un cadre conceptuel pour comprendre la nature interculturelle inhérente à
la relation médicale.
● La culture
Pour les anthropologues, la culture désigne ce que les gens doivent apprendre, par opposition
à l’héritage biologique. La culture se compose des connaissances, des croyances des valeurs,
et des règles de vie qui sont communes à des individus et leur permettent de vivre et de
travailler ensemble en communiquant de façon efficace.
La culture n’est pas la même chose que l’ethnicité ou la nationalité. La culture se fonde sur
les expériences uniques d’individus dans la mesure où ceux-ci partagent des trajectoires
communes. S’il est vrai que la nationalité et l’ethnicité peuvent être des sources de
connaissances et d’expériences communes, d’autres facteurs comme l’âge, le sexe, la
trajectoire migratoire, la classe sociale, l’éducation, la profession peuvent représenter des
sources de variabilité culturelle intra-nationale ou intra-ethnique.
Il se peut, par exemple, qu’une femme bosniaque ayant étudié en Suisse, y élevant ses enfants
et y travaillant partage davantage de connaissances culturelles avec les femmes suisses
qu’avec ses compatriotes.
Imaginer les sociétés (nations, groupes ethniques) comme des mosaïques formées de
nombreuses cultures entremêlées et en perpétuelle évolution peut être utile aux cliniciens

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dans la mesure où cette image aide à éviter les stéréotypes et favorise la recherche des
caractéristiques culturelles pertinentes pour chaque patient.
● Maladie biologique et maladie vécue
Les anthropologues médicaux anglophones distinguent disease, soit la maladie considérée du
point de vue biomédical comme un dysfonctionnement biologique (ou psychologique) chez
un individu, de illness, soit la maladie en tant que vécu. Ces concepts permettent de
comprendre comment la réalité clinique se construit en fonction des visions culturelles : celle
du médecin et celle du patient. L’influence de la culture porte sur tous les aspects de
l’expérience personnelle de la maladie : la perception des symptômes et la façon d’y réagir, la
manière de nommer, décrire et gérer les changements physiques, le moment où l’aide
médicale doit être sollicitée, qui doit être sollicité, la durée souhaitable de la prise en charge
et les critères d’évaluation des soins reçus. La culture enseigne comment être malade.
● La biomédecine : un système culturel
En raison de leur formation, les médecins font partie d’une culture qui leur est propre et à
laquelle les non-médecins sont étrangers. Basée sur le modèle biomédical, la formation qu’ils
reçoivent conçoit le corps comme une machine biochimique et définit la maladie comme une
déviation de la norme des variables biologiques mesurables. Même si l’efficacité de la
biomédecine est incontestable, elle n’est pas toujours l’approche la plus adéquate
culturellement. La biomédecine n’offre qu’une manière de comprendre et répondre aux
dysfonctionnements biologiques et psychologiques des patients, il existe autant de manières
de définir la maladie et d’y apporter une réponse qu’il y a de cultures.
La culture de la biomédecine n’est pas homogène, et les praticiens ne construisent pas leur
savoir et leur pratique exclusivement sur le modèle officiel et professionnel de la
biomédecine. Comme le souligne Lynn Payer, la médecine n’est pas tout à fait la science
internationale que les professionnels de la santé voudraient nous faire croire. Cette journaliste
a observé que les médecins français, allemands, anglais et nord-américains diffèrent dans leur
manière de reconnaître les maladies, de les qualifier et de les traiter. Par exemple, les
médecins allemands prescrivent énormément de médicaments cardiovasculaires et
diagnostiquent une insuffisance cardiaque sur des critères qui, en France, en Angleterre ou
aux Etats-Unis, ne mèneraient pas à un diagnostic de ce type.
En France, tant les médecins que les patients tendent à attribuer au foie une grande variété
des symptômes observés dans d’autres parties du corps. En Allemagne, la tension artérielle
basse mérite un traitement tandis qu’aux Etats-Unis elle entraîne une réduction des primes
d’assurances de ceux qu’elle touche. Lynn Payer attribue ces différences à la culture.

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Pourtant, tous les médecins indépendamment du pays dans lequel ils pratiquent acquièrent un
savoir, intègrent des modèles, des langages et des méthodes scientifiques qui les distinguent
de la population pour laquelle ils travaillent.
● Modèles explicatifs de la maladie
Le modèle explicatif est un des concepts d’anthropologie médicale le plus cité. Il a été défini
dans les années 1970 pour faciliter l’analyse systématique des différentes conceptions qui
entrent en jeu lors de la rencontre médicale. Les personnes conçoivent leur maladie
uniquement à travers leurs expériences sociales et personnelles. Ce faisant, chaque fois qu’ils
sont malades ils créent leur propre modèle explicatif des causes, de la signification, de
l’évolution, des mécanismes, des diagnostics, de l’action des traitements et des conséquences
de la maladie.
Les modèles explicatifs et croyances générales concernant la santé ne sont pas synonymes.
Contrairement aux croyances générales, qui existent en tout temps, qu’il y ait maladie ou non,
chaque modèle explicatif découle d’une situation de maladie. Bien sûr, tous les modèles
explicatifs sont influencés par les croyances générales, mais ils sont intimement liés aux
expériences personnelles et au contexte spécifique de la maladie. Ainsi, une mère peut penser
que le rhume est dû à un virus tout en croyant que son fils est enrhumé parce qu’il est sorti
avec les cheveux mouillés ; un patient hypertendu peut penser que l’hypertension est
héréditaire tout en attribuant sa tension élevée au fait d’avoir travaillé dur dans sa jeunesse.
Les modèles explicatifs tentent de trouver la signification d’une maladie, d’apporter des
réponses à des questions telles que : Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi moi ? Pourquoi
maintenant ? Que faire ?
● La consultation comme négociation de modèles explicatifs
Les patients ne sont pas les seuls à construire des modèles explicatifs. Toute personne
impliquée dans les soins cherche à donner un sens à ce qui se passe en faisant appel à ses
connaissances et à ses propres expériences. Les médecins ont assimilé les valeurs, les
croyances, le langage et les techniques de la biomédecine. Ils recourent donc directement à
leur modèle explicatif biomédical pour décider des informations à prendre en compte,
formuler des hypothèses et choisir un traitement. Par conséquent, toute interaction soigné-
soignant est une interaction entre deux modèles explicatifs, qui comprend une négociation de
la réalité clinique sur laquelle portera la prise en charge médicale et le traitement. Comme les
modèles explicatifs des patients et des médecins sont le reflet de bagages culturels différents,
les réalités cliniques qu’ils engendrent peuvent aussi être très différentes.

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De nombreuses études montrent à quel point les modèles explicatifs des patients et du
personnel soignant peuvent être différents et expliquent que la non-prise en compte de ces
différences peut avoir des conséquences telles que l’insatisfaction du patient, un faux
diagnostic, un traitement inadéquat, la non-adhérence et de mauvais résultats. Il se peut aussi
que les médecins ressentent une certaine frustration face à ceux qu’ils considèrent alors
comme des patients difficiles.

V. APPROCHES EN ANTHROPOLOGIE MEDICALE


Trois approches principales sont adoptées dans la recherche en anthropologie médicale :
 une approche micro sociale des systèmes de santé ;
 une approche collective de la santé (étude des soins en institutions et développement
de la santé publique par l'utilisation des connaissances fondamentales à travers leur
transformation en modes d'intervention spécifiques)
 une approche globale et homogène de la santé, issue des problématiques de la
mondialisation et de l'analyse statistique à visée prédictive.
Deux approches différentes existent en anthropologie classique :
- anthropologie interprétative qui s’intéresse aux discours, aux représentations indigènes ;
elle n’a pas d’autre but que celui de comprendre comment fonctionne la société (comprendre
l’expérience vécue de la maladie du point de vue du patient)
- anthropologie critique qui est animée d’un but particulier, celui de comprendre les causes
des transformations, des changements sociétaux et leurs impacts sur la santé, afin d’améliorer
les conditions, la santé des gens.

VI. NOTION DE JUSTICE, EQUITE SOCIALE ET SANTE


Dans le domaine de la santé, on observe de nombreuses inégalités, liées aux inégalités
sociales. La santé est donc cruciale pour les questions d’équité entre les populations au sein
d’un pays (cf. Health Insurance in USA).
Globalement, les indicateurs épidémiologiques de certaines maladies comme la tuberculose,
le SIDA, la pneumonie sont élevés chez les personnes avec de faibles revenus. Améliorer leur
santé reviendrait à tenir compte de leurs conditions sociales et de leur pouvoir d’achat.
D’autres questions se posent aussi en rapport avec les droits de la personne (droits des
femmes, des enfants, démocratie, les libertés..). Et notamment le droit à la santé: quand l’a-t-
on, quand ne l’a-t-on plus? Quand cela change-t-il? Qu’a dit le gouvernement ?

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Le gouvernement décide ce qu’est la santé, dans quelle mesure elle est accessible à tous… On
culpabilise l’individu, qui doit se prendre en charge, plutôt que de baisser les couts d’achats
des produits de première nécessité.
La politique de santé doit être exercée à l’échelle sociale et pas au niveau des individus (du
moins pas seulement..).

VII. APPORTS DE L’ANTHROPOLGIE MEDICALE A LA PRATIQUE MEDICALE


Etant donné la diversité croissante des patients, il devient de plus en plus important pour les
médecins de comprendre les facteurs socioculturels qui influencent leur santé et leur prise en
charge.
Dans un contexte multiculturel, une prise en charge médicale centrée sur le patient pose des
défis spécifiques et exige que les cliniciens aient une « compétence transculturelle clinique »,
c’est-à-dire qu’ils adoptent un comportement adapté et disposent de connaissances et de
techniques appropriées. Les concepts et le point de vue de l’anthropologie médicale
permettent de mieux cerner la nature interculturelle de la consultation médicale et de
concevoir et appliquer des méthodes qui assurent un suivi médical judicieux.
1. Les soins médicaux et la société multiculturelle
Prenons l’exemple de l’Hôpital Général de Douala à propos de certains faits :
- Un patient hypertendu d’origine italienne prend ses médicaments de façon irrégulière
- Un patient diabétique suisse ne parvient pas à suivre les conseils alimentaires de son
médecin
- Un patient séropositif d’origine centrafricaine accepte de commencer un traitement
antirétroviral mais manque ses rendez-vous à maintes reprises
- Une jeune infirmière nigériane hospitalisée refuse de collaborer avec son médecin dans les
yeux
- Un patient rwandais somatisant insiste sur l’origine physique de ses douleurs et demande
des examens excessifs
- Un militaire camerounais revenant du front refuse d’envisager la chirurgie orthopédique
pour remédier à une blessure de guerre.
Comme ces situations rencontrées à l’Hôpital Général de Douala le montrent, les médecins
travaillant dans un cadre multiculturel doivent quotidiennement comprendre les besoins et les
attentes des patients d’origines sociales et culturelles très diverses et y répondre.
Dans les pays, les migrations entrainent une augmentation de la diversité socioculturelle et
linguistique de la population et représente un défi majeur pour les systèmes de santé.

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Si les patients et les soignants diffèrent en termes de langues, styles de communication,
connaissances et pratiques en matière de santé, il peut en résulter des malentendus ainsi que
des difficultés de diagnostic, thérapeutique et de suivi.
Il est important pour les médecins de comprendre l’impact des facteurs sociaux et culturels
sur la santé, sur les comportements liés à la santé et sur la prise en charge des patients pour
pouvoir fournir des soins centrés sur les besoins du patient. L’anthropologie médicale peut
aider à atteindre ce but.
 Concept « Anthropologie et compétence transculturelle clinique ».
La prise en charge médicale centrée sur le patient (plutôt que sur le traitement de la maladie)
considère le malade dans son contexte biopsychosocial afin de répondre à ses besoins
spécifiques et uniques. Plusieurs études ont montré qu’une approche centrée sur le patient a
des effets positifs sur la satisfaction du patient et des professionnels, sur l’adhérence
thérapeutique, sur l’état de santé et sur l’efficacité des soins. Néanmoins, face à des patients
provenant de divers horizons sociaux et culturels ce type d’approche demande une certaine «
compétence transculturelle clinique » qui consiste en des attitudes, connaissances et méthodes
spécifiques (tableau 2).

Tableau 2. Compétences transculturelles cliniques.

Attitudes
• Reconnaissance /acceptation de la diversité des patients
• Empathie, curiosité, respect pour tous les patients

Connaissances
• De soi-même (culture, préjugés)
• Des populations cibles (épidémiologie, caractéristiques socioculturelles, etc.)
• Du système (les services et leur fonctionnement, les procédures, etc.)

Méthodes
• Outils de communication transculturelle
• Collaboration avec des traducteurs professionnels
• Collaboration trans-professionnelle (travail en réseau).

Diverses méthodes ont été recommandées pour aider les cliniciens à fournir des services
adaptés aux aspects culturels. Elles considèrent qu’il est inutile et de toute façon impossible
d’apprendre tous les aspects de toutes les cultures que l’on peut rencontrer dans la pratique
médicale. En revanche, elles encouragent les médecins à se familiariser avec les problèmes
susceptibles de survenir au cours des rencontres médicales interculturelles et à apprendre à
les identifier et à les gérer.

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Ces méthodes s’appuient sur des concepts anthropologiques pour comprendre la nature de la
consultation médicale. Elles sont basées sur la notion que toute consultation est interculturelle
et implique donc une négociation qui fait intervenir différents modèles explicatifs.
Elles soulignent qu’il est important que les médecins anticipent les sources potentielles de
malentendus culturels et qu’ils explorent les modèles explicatifs de leurs patients. De même,
il est important que la négociation aboutisse à une vision commune de la nature du problème,
du traitement et des objectifs du traitement.
La capacité du médecin à identifier les différentes perceptions de la maladie et à négocier
avec le patient une vision commune est indispensable à une prise en charge centrée sur le
patient et attentive aux paramètres culturels.
La compétence transculturelle clinique se traduit surtout par l’exploration du modèle
explicatif du patient et des problèmes liés à sa maladie. Le médecin n’applique pas une grille
de questions préétablies, mais a plutôt recours aux techniques d’entretien généralement
utilisées en anthropologie (questions ouvertes, questions qui prennent en compte les aspects
culturels, narration) qui visent à encourager le patient à raconter son histoire et permettent
ainsi à la fois de découvrir les perceptions du patient et de récolter les informations
cliniquement utiles. Lorsque les médecins posent des questions ouvertes et favorisent la
participation des patients, ils obtiennent bien plus d’informations pertinentes du point de vue
médical que ceux qui posent des questions fermées.
2. Le rôle de l’anthropologue en milieu clinique
Il existe de nombreuses méthodes d’enseignement des connaissances, comportements et
techniques nécessaires à une prise en charge centrée sur le patient et attentive aux paramètres
culturels. Certaines des premières expériences ont été mises au point par des anthropologues
médicaux travaillant dans des établissements de soins ; Noël Chrisman et Thomas Maretzki
ont décrit une série de modèles destinés à intégrer les concepts et les méthodes
anthropologiques à la pratique médicale et à la formation.
Face à la diversité croissante de la population des patients, de plus en plus d’hôpitaux et de
départements de santé publique engagent des anthropologues médicaux pour qu’ils aident à
mettre sur pied des services et des programmes adaptés aux besoins des populations cibles.
En milieu médical, les anthropologues mènent des recherches sur le rôle de la culture dans les
soins, ils participent à des formations médicales pré et postgraduées (les aspects culturels de
la maladie et de la prise en charge des malades, les techniques d’entretien culturellement
adéquates, interviennent dans le cadre de supervisions de médecins internes) et peuvent

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même être sollicités comme consultants cliniques en cas de problèmes liés à la
communication interculturelle.

VIII. LE PROBLEME DU SIDA – AFRIQUE DU SUD


Certaines populations ont été très fortement discriminées quand le sida est arrivé (les
prostitués, les homosexuels). Discriminations liées aux perceptions héritées de la
méconnaissance de cette nouvelle maladie.
Ne pas discriminer des gens en tant que population mais bien les pratiques en cause, afin
d’éviter tout risque de discrimination.
Le sida atteint le système immunitaire, et la personne infectée attrape de nombreuses
maladies opportunistes. Or, ces maladies varient en fonction des pays et des régions, pas les
mêmes maladies partout! Le sida n’a ainsi pas le même visage…
Aussi les recherches scientifiques, les solutions proposées, le diagnostic ne correspondaient
des populations africaines, dont certaines étaient largement exclues.
Dans les pays développés, le sida a régressé, alors que le continue de tuer en Afrique malgré
l’introduction de la trithérapie antirétrovirale en 1998. Un grand mouvement a eu lieu pour
l’accès au traitement des pays pauvres.
Pourquoi, comment les gens ont changé d’avis ? Pourquoi ont-ils rejoint le mouvement ?
Pourquoi plus de femmes que d’hommes etc.. Pourquoi ce mouvement était si puissant? La
campagne de sensibilisation a eu un effet de transformation en Afrique (question de l’égalité,
de l’eau etc..).
Suite au lobbying et aux actions de la coalition mondiale contre le SIDA, ainsi les gens ont
commencé à croire au traitement (c’est ce qu’on appelle la « connaissance pratique ») et ils
ont joint le mouvement. Mais ils ont dû apprendre, car le gouvernement n’avait rien fait, en
dehors de dire que le traitement était toxique. Voir même qu’il n’y avait pas de virus de sida,
et que ce n’était pas transmis sexuellement. C’était à cause de la pauvreté, du colonialisme
occidental. Ce qui était d’une certaine façon vrai à l’époque.
=> Les gens étaient confus. Comment les gens sur le terrain, par le biais de l’expérience
pratique, ont appris? Cela prit 10 ans.
Aspect idéologique qui explique l’engagement des femmes : dans les années 90 il y’a eu la
rencontre de deux idéologies morales politiques et économiques qui se sont combinées :
 moralisme patriarcal, vison très machiste et élitiste du rôle de la femme, de
l’éducation et de la sexualité,

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 deuxième idéologie: un discours impérialiste moral, porté par certaines organisations
internationales, d’où viennent les financements.. très imprégné du fondamentalisme
protestant américain.

=> Les femmes se retrouvent en position de soumission et en l’absence de traitement, en


danger de mort! D’où les mouvements féministes. D’ordinaire, interprétation culturaliste des
taux d’infections (promiscuité sexuelle) or on voit qu’il y a cet aspect idéologique qui est
aussi important.
Anthropologie critique. Il ne s’agit pas seulement de déconstruire et de critiquer mais aussi de
réfléchir à des solutions. But, à terme, un engagement intellectuel.
Selon les résultats de l’approche critique qui a été menée sur la situation de l’épidémie de
SIDA en AFRIQUE DU SUD, 3 batailles:

1. barrière politique, religieuse et morale locale


2. résistance au niveau des organisations internationales de financement, pour faire
comprendre que la prévention est importante mais aussi l’accès au traitement, et
prouver que les africains étaient capables de suivre la lutte
3. batailles des droits de propriété intellectuelle des médicaments pour la production des
génériques (question de santé mondiale).

IX. AIDE AU DEVELOPPEMENT, HUMANITAIRE, ORGANISATIONS


INTERNATIONALES
Communauté locale, société civile, bonne gouvernance, ONG, Partenaires au
Développement, etc... sont des notions à questionner.
Déconstruire et critiquer ces termes ? Que produisent-ils comme impact sur la vie des gens?

Cas 1. Enquête multi-située au siège de l’agence onusienne, et auprès des populations locales
et autres acteurs de l’aide internationale- pays de l’ex URSS.

Disparition de l’URSS en 1991. Des pays qui n’existaient pas avant voient le jour
(Kazakstan.) Pays pauvres faiblement industrialisés. A la chute de l’Urss, appauvrissement
généralisé, désespérance sociale (démantèlement des structure de santé et d’aides sociales de
l’état, emploi plus garanti, santé et diplômes chers, une élite s’est rapidement enrichie tandis
que d’autres vivent dans la misère, corruption..) et accès très facile à la drogue =>
propagation du sida, qui n’existait pas avant dans ces régions.

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Le 1er monde et le 2nd monde étaient en compétition dans un contexte de guerre froide.
Certains des pays du second monde (URSS) sont devenus Tiers monde, puis Sud, puis « en
voie de développement ». Ils vont bénéficier de l’aide internationale.

Idéologie politique clairement définie : « Exportation de la démocratie ». Pour l’analyser il


faut en préciser les contours. Réduire de plus en plus la focale. → entrée: réduire l’épidémie
du SIDA.
Le PNUD fait passer des messages politiques en passant par des sujets apparemment non
politiques et incontestables, comme la santé. Le PNUD se focalise sur les ONG locales
(terme d’ONG ambigu = grandes différences entre grosse ONG internationales et petite ONG
locale) avec l’idée qu’il faut favoriser les ONG (société civile) par rapport aux Etats. (avant
dans ces pays, pleins d’organisations mais toujours liées à l’Etat) . Renforcer les ONG locales
au détriment de L’Etat afin « d’exporter la démocratie ») Conditionnement de l’aide :
modification de la législation, contre-pouvoirs forts aux Etats. Démantèlement des structures
de l’Etat, on favorise des ONG qui n’existaient pas et qu’on a créé, modification de la
législation, financement des ONG et formation des gens, transfert de personnel des structures
étatiques aux ONG (→ privatisation du système de santé et de protection sociale en faveur
d’une supposée « société civile » . dépendance de l’aide internationale)
Idéalisation d’une société civile qui serait la représentante du peuple (alors qu’ils ne sont pas
élus). Représentation du peuple en dehors de l’Etat. Le propre de tout régime totalitaire est de
brimer la société civile. Donc créer une supposée opposition représentée par la société civile,
permettait d’assurer la victoire du 1er monde sur le second.
Cas 2. L’aide humanitaire – psychiatrie transculturelle. Critique de l’assistance hu en santé
mentale aux réfugiés victimes de violences sexuelles organisées – le FUAP et le HCR.
Phénomène très important chez les réfugiés. Soit dans le pays d’origine ou sur le chemin de
l’exil.
Le HCR ne peut pas ignorer le problème et décide de mener une grande enquête afin de
savoir comment ce problème est traité dans les camps par les différents acteurs. On constate
qu’il n y a pas de réflexion et d’action commune.

1. Cadre de référence unique et légitime (ici, la psychiatrie américaine – on suppose que


toute personne victime de violence peut avoir un état de stress post traumatique)
2. Ce cadre doit être adapté culturellement.

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=> validité universelle, a culturelle, a historique et a politique. C’est une maladie. Pourtant,
c’est une maladie récente apparue dans les années 70. (Toujours existé mais est
« découverte » à cette époque) Elle est née dans les conditions de la guerre du Viet Nam, dont
les soldats rentrés souffraient de troubles émotionnels important. Il fallait trouver une
manière d’accorder une pension à ces hommes. Cette notion est donc marquée. Est-ce que le
cadre de référence est vraiment légitime? ET l’idée de l’adapter à la culture: idée figée des
cultures. Vision figée de la culture, et surdéterminante.

Mais le terrain montre le contraire. Les gens réagissent dans des situations exceptionnelles de
façon exceptionnelle. On ne fait pas comme dans son pays, comme on fait d’habitude. Avant
le départ, on se disait que l’on remercierait la femme d’avoir sauvé le groupe. Puis,
réinterprétation religieuse de ce qui s’est produit. La femme a qui c’est arrivé est punie pour
le mal fait dans une vie antérieure. => Comment survivre à ça? En se déculpabilisant et
déculpabilisant le groupe.

X. CONCLUSION
La population mondiale continue à se diversifier, c’est pourquoi la sensibilité aux facteurs
sociaux et culturels prend une importance croissante pour une prise en charge efficace et
centrée sur le patient.
Depuis longtemps, l’anthropologie s’intéresse aux fondements culturels de la maladie, aux
comportements relatifs à la santé et aux soins.
Les concepts et les méthodes de l’anthropologie médicale peuvent contribuer à faire
comprendre les problèmes de la médecine interculturelle pour mieux les résoudre.
Sans être la panacée, l’anthropologie médicale peut contribuer au développement d’un cadre
conceptuel qui garantit que le caractère unique de la maladie dans ses manifestations tant
socioculturelles que personnelles est au centre de l’attention du soignant.

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