You are on page 1of 8

I53

SUR L’INTERFÉRENCE DES RAYONS POLARISÉS;


PAR M. MASCART.

Dans article précèdent (1), j’ai indiqué comment on peut, par


un

l’emploi de deux lunettes, comme celles d’un spectroscope, donner


plus d’éclat aux phénomènes d’interférence en concentrant le fais-
ceau lumineux dans la région où se produisent les franges, ce qui

permet de n*employer que des sources de lumière très-faibles. Les


expériences relatives à l’interférence des rayons polarisés ont une
telle importance, au point de v ue de la théorie, qu’on ne saurait trop
les vulgariser; il ne paraîtra peut-être pas superflu de donner quel-
ques indications pratiques sur la manière de les reproduire simple-
ment.
On a vu comment secoinportent les miroirs de Fresnel ou le
biprisme, quand les place entre un collimateur à fente et une lu-
on

nette astronomique; mais j’ai besoin de revenir sur quelques points


de cette disposition expérimentale. Si l’on emploie le biprisme ou
deux miroirs dont les faces réfléchissantes font un angle plus petit
que 18o degrés, ce qui est le cas habituel, il se produit dans la
lunette, au foyer conjugué de la fente, deux images réelles S1 et 52
(fig. 1); mais à partir de ce point les faisceaux ne se rencontrent
Fig. I.

plus, et, à l’oeil nu ou à l’aide d’un oculaire, on n’aperçoit de


franges que dans la partie commune OCO’D, située en avant des
images. On peut ramener les faisceaux l’un sur l’autre au delà
du plan des images à l’aide d’une lentille convergente et produire de
nouvelles franges que l’on examine à l’aide d’un oculaire situé un
peu plus loin, comme l’indique la fig. 2. La lentille de champ C

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:018730020015300


I54
d’une lunette de spectroscope convient très-bien pour cet objet. Les
deux images se comportent alors comme deux sources identiques ;
Fig.2.

comme elles sont réelles, on peut les modifier séparément et établir


sur les rayons qu’elles émettent des retards indépendants, ainsi que
dans l’appareil des demi-lentilles de 1B:1. Billet.
Toutefois l’expérience réussit mieux et le phénomène est plus pur
quand les faisceaux se rencontrent naturellement après avoir formé
les deux images Si et 52. J’ai dit qu’on peut réaliser cette condition
avec deux miroirs dont les faces réfléchissantes font un angle plus

grand que deux droits, et qu’on arriverait au même résultat en acco-


lant par leurs arêtes deux prismes égaux d’un angle très-faible. J’avais
des doutes sur la construction de ce biprisme; mais il a été réussi par
M. Laurent mieux que je ne l’espérais, et je ne saurais trop en
recommander l’usage.
L’appareil étant disposé comme le montre la fig. 3, on peut
obtenir les déplacements de franges ordinaires en établissant un
Fig. 3.

retard sur l’un des


faisceaux, soit à l’aide d’une lame de mica très-
mince, soit par tube
un à deux compartiments renfermant un gaz à
des pressions différentes, ou de toute autre manière. Je n’insiste
pas sur ce phénomène simple et je vais m’attacher spécialement aux
interférences des rayons polarisés.
Polarisation rectiligne. Pour répéter ces expériences , le
-

le
moyen plus commode est d’employer une lame cristalline formée
de deux morceaux d’égale épaisseur, taillés parallèlement à l’axe,
et rapprochés de façon que les deux sections principales soient rec-

tangulaires. Le quartz convient très-bien, mais on peut se dispenser


d’avoir recours à un opticien : on choisit une lame de gypse d’un mil-
limètre d’épaisseur environ, qui donne une teinte bien uniforme
quand on l’observe entre un polariseur et un analyseur. A l’aide
I55

d’une pointe aiguë, on la coupe en deux suivant


droite inclinée une

à rapproche les deux mor-


45 degrés sur la section principale (1); on

ceaux après avoir retourné l’un d’eux face pour face et on les colle

sur un
disque annulaire qui laisse à nu les régions voisines de la
ligne contact (fig. 4); les sections principales AB, AB’ des deux
de

Fig. 4.

pièces ainsi à angle droit. On peut coller aussi les deux mor-
sont
ceaux sur une lame de verre avec du baume de Canada ; mais on

risque alors de ne pas donner à la couche de baume une épaisseur


constante, ce qui établit une dissymétrie dans les phénomènes.
1° On place cet appareil dans le plan des deux images Si et Sa, de
façon qu’elles tombent séparément sur les deux lames cristallines.
On reconnaît alors que le système de franges qui existait au milieu
du champ a disparu, et qu’il se produit deux systèmes latéraux.
L’un d’eux est dû à l’interférence des rayons ordinaires 01 fournis
par l’inzabe 51 dans la première lame avec les rayons extraordinaires
E2 fournis par la deuxième; l’autre système est dû aux rayons O2 et
Ei. Ces deux systèmes sont déplacés, l’un à droite et l’autre à gauche,
à cause de la différence de marche que la double réfraction établit
entre les faisceaux interférents, et ils sont polarisés dans deux plans

rectangulaires. Quant au système médian qui devrait résulter de la


combinaison des deux groupes de rayons 01 et O2 d’une part, et des
groupes El et E2 d’autre part, il n’apparaît pas, parce que les plans de
polarisation des rayons qui devraient interférer sont rectangulaires.
Si l’on observe le phénomène avec un analyseur, on reconnaît la
polarisation des systèmes latéraux ; mais on ne parvient pas à faire
apparaître le système médian, bien que l’on ramène ainsi dans le
même plan de polarisation une partie des rayons 01 et O2 ou Et et
E2 . Nous en verrons plus loin le motif.
2° On fait tomber les deux images 51 et S2 sur la même lame

(’) 1loii- le Traité d’Optique physique de 31. Billet, t. 1, p. ftg6, note.


I56

cristalline, le système de franges médian apparaît seul cette fois; il


est formé de deux groupes superposés produits par les rayons 01 et
O2 et par les rayons E1 et E2. Les franges latérales n’existent plus
et l’emploi d’um analyseur ne les révèle pas. Le phénomène est donc
l’inverse du précédent.
3" On répète la première expérience en polarisant la lumière pri-
mitive à l’aide d’un polariseur placé en avant de la fente, le phé-
nomène ne paraît pas changé ; mais, en armant l’oeil d’un analyseur,
on découvre le système de franges médian. Si le plan primitif de

polarisation est parallèle à la fente, et si l’on emploie un analyseur


biréfringent dont la section principale est aussi parallèle à la fente,
on voit dans l’image ordinaire trois systèmes de franges
ayant tous
la frange centrale blanche ; dans l’image extraordinaire il y a aussi
trois autres systèmes, et la frange centrale du système médian est
alors noire.
Quand on fait tourner l’analyseur de go degrés, la frange centrale
du système médian devient noire dans l’image ordinaire et blanche
dans l’image extraordinaire. Cette production1. de 6 systèmes de
franges simultanés dans le champ de la loupe constitue l’un des plus
beaux phénomènes d’optique que l’on puisse réaliser.
4° De même, si l’on répète la deuxième expérience avec un pola-
riseur et un analyseur, on fait apparaître les systèmes latéraux ; pour
une certaine position de l’analyseur, on reconnaît que la frange cen-

trale est noire dans l’un des systèmes latéraux et blanche dans l’au-
tre, tandis que l’inverse a lieu quand on tourne l’analyseur de
go degrés.
De ces diverses expériences, on déduit les lois suivantes décou-
vertes par Arago et Fresnel.
a. -
La lumière polarisée interfère comme la lumière naturelle;
b . Deux rayons polarisés à angle droit n Interfèrent pas;
c. - Deux
rayons polarisés à angle droit et ramenés au même plan
de polarisation interfèrent s’ils proviennent d’un faisceau primi-
tivernent polarisé. La frange centrale est blanche si les rayons
sont ramenés à être polarisés dans le plan primitif, et noire s’ils
sont ramenés dans un plan perpendiculaire au premier.
d. Deux rayons polarisés à angle droit n’interfèrent pas, quand
on les ramène dans le même plan de polarisation, s’ils provien-
nent d’un faisceau naturel.
I57
On se borne habituellement à énoncer cette dernière loi sans en
donner la raison qui est très - simple. La lumière naturelle peut
être considérée comme formée de deux faisceaux polarisés dans des
plans quelconques rectangulaires ; si l’on choisit ces deux plans, l’un
parallèle et l’autre perpendiculaire à la section principale de l’analy-
seur, on voit que la frange centrale sera blanche pour l’un des fais-
ceaux, et pour l’autre noire; la superposition de ces deux systèmes
de franges complémentaires produira un éclairement uniforme.
On sait que Fresnel a démontré, comme une conséquence de ces
lois, que les vibrations lumineuses dans un rayon polarisé sont
rectilignes, transversales, et situées, soit dans le plan de polarisation,,
soit dans un plan perpendiculaire. Les vibrations rectilignes, en se
combinant entre elles, donnent aussi des vibrations elliptiques ou
circulaires qui peuvent encore interférer. Je vais citer quelques
exemples relatifs aux rayons polarisés circulairelnent.
Polarisation circulaire. -
Pour se procurer aisément des rayons
de vibrations circulaires, il suffit de remplacer la double lame cris-
talline dont nous nous sommes servi jusqu’à présent par une lame
de mica d’un quart d’onde coupée de la même manière ; c’est la
lame polariscopique de Bravais.
5° On fait tomber, comme dans le premier cas, les deux images
S1 et S2 séparément sur les deux lames de inica, et l’on observe sans
analyseur; toutes les franges ont disparu. Cette expérience peut
être interprétée de plusieurs manières différentes,.
Remarquons d’abord que le sy stème médian ne peut pas se pro-
duire, puisque la lumière incidente est naturelle. La lame de mica
établissant une difliae.rel1.ce de marche d’un quart de longueur d’onde
entre les deux rayons ordinaire et extraordinaire, les systèmes de

franges latéraux sont rejetés, l’un à droite d’un quart de frange,


l’autre à gauche d’un quart de frange, ce qui fait un déplacement
relatif d’une demi-frange. Les deux systèmes sont alors complémen-
taires et donnent un éclairement uniforme; mais, comme ils sont
polarisés dans des plans rectangulaires, il suffit de les observer avec
un
analyseur pour les éteindre l’un ou l’autre et dégager les franges.
On peut dire aussi que le champ dans lequel on observe présente
diflérents états de polarisation partielle ou totale on a ainsi une
imitation de l’expérience par laquelle lfl. Fizeau a démontré
l’existence de ces phénomènes de polarisation par interfé-
I58

nence
(1). M. Fizeau produi sait les retards d’un quart d’onde à
l’aide de deux parallélépipèdes de k,rcsncl dont les plans de ré-
flexion étaient croisés à angle droit. Sous cette forme, l’expérience
est plus correcte, parce qu’on n’a pas recours à la doubles réfraction

qui polarise par elle-même, et parce que le retard produit par les
deux réflexions totales est sensiblement le même pour toutes les
couleurs; tandis qu’avec une lame de mica la dispersion intervient
et il reste toujours dans le champ des traces de lignes colorées qui
décèlent la présence des franges.
Enfin il est permis encore de remplacer la lumière incidente par
deux composantes polarisées à angle droit parallèlement et perpen-
diculairement à la fente. Chacune de ces composantes donne, à
la sortie des deux micas, deux rayons polarisés circulairement en
scns contraire dont l’interférence
reproduit des rayons polarisés
dans différents plans. En certains points du champ, l’état de pola-
risation produit par chacune des composantes est le même, et la
lumière y est polarisée totalement. En d’autres points, les plans de
polarisation dus aux deux composantes sont plus ou moins obliques
l’un à l’autre, ce qui donne de la lumière partiellement polarisée.
Toutefois cette interprétation est compliquée dans le cas actuel
mais on peut simplifier le phénomène de la manière suivante.
6° En polarisant le faisceau primitif parallèlement à la fente, on
n’a plus à la sortie des deux micas que deux rayons circulaires in-
verses. Ils donnent en se combinant des
rayons polarisés rectiligne-
ment, mais le plan polarisation tourné, pour les différents points
de a

du champ, d’une quantité proportionnelle à la différence de marche.


Les franges n’apparaissent encore que si l’on emploie un analy-
seur. En tournant l’analyseur à droite ou à gauche, les franges se

déplacent d’une manière continue dans un sens ou dans l’autre. Si


l’on fait tourner de go degrés le plan primitif de polarisation, on in-
tervertit le sens dans lequel se déplacent les franges pour une même
rotation de l’analyseur.
70 Si les deux images S1 et 82 tombent sur le même mica, la lu-
mière étant primitivement polarisée parallèlement à la fente, on
obtient deux rayons circulaires de même sens qui interfèrent à la
manière ordinaire ; le phénomène n’oire rien de particulier.

(1) Comptes rendus de rAcadémie des Sciences, t. LII, p. 1221 ; 17Juin 1861.
I59
En interposant sur le
trajet des rayons, dans ces différentes expé-
riences, des corps qui jouissent de la double réfraction circulaire,
on produit des elfets tout à fait analogues à ceux que donnent les

lames cristallines avec les rayons polarisés rectilignement.


8° Plaçons, dans l’expérience 6, un quartz perpendiculairc à l’axe
à la suite des deux micas. Les deux rayons circulaires droit et gauche
fournis par les micas éprouvent dans le quartz des retards différents,
de sorte que la frange centrale sera déplacée d’un ccrtain côté. En
tournant le polariseur de go degrés, on change le rôle des deux micas ;
celui qui donnait un rayon droit donne maintenant un rayon gauche
et le déplacelnent des franges a lieu de l’autre côté. On changerait
de même le sens du déplacement en substituant au premier quartz
un autre de rotation contraire. Il est clair que le quartz peut être

rclnplacé par un licluide-actif, comme de l’essence de térébenthine,


et le résultat est le même. Cette expérience démontre que les li-

quides actifs jouissent de la double réfraction circulaire, c’est-à-dire


propagent avec des vitesses différentes les vibrations circulaires de
sens contraires; elle est de M. Babinet (1).

g° L’expérience suivante est encore plus complète en théorie et


plus simple à réaliser. La lumière est polarisée (fig. 5); on sup-
Fig. 5.

prime les deux micas, on place à la suite d.es images Si et S, un


quartz Q perpendiculaire à l’axe, et l’on examine le phénoméne à
l’aide d’un analyseur biréfringent A. Les deux images de l’analyseur
présentent chacune trois systèmes de franges. En effet, les faisceaux
de rayons émanés des sources S et 52, étant polarisés rectilignernent,
peuvent être considérés chacun comme la superposition de deux
faisceaux égaux polarisés circulairement à gauche et à droite, G1 et
Di d’une part, G2 et D2 de l’autre. Les rayons Gi et G2 étant égale-
ment modifiés par le quartz interfèrent au milieu du champ, comme
si le quartz n’existait pas : il en est de même de Di et D2. Ces quatre
rayons constituent le système médian de franges, que l’on peut voir
sans
analyseur. Les rayons inverses G1 et D2 donnent des rayons po-
(1) Voir le Traité d’Optique physique, de M. Billet, t. II, p. 232.
I60

larisés dans des plans différents et, comme ils ne traversent pas le
quartz avcc la même vitesse, ils produisent l’un des systèmes de
franges latéraux; G2 et D1 donnent l’autre système. On a encore ici
dans le champ de la loupe six systèmes de franges comme dans la
troisième expérience, et d’une manière beaucoup plus commode; il
suffit pour cela d’avoir à sa disposition un quartz de 3 ou 4 centi-
mètres d’épaisseur environ. Ce beau phénomène a été observé d’a-
bord par Arago avec le quartz, puis par Fresnel avec l’essence de
térébenthine (1).
Si le plan primitif de polarisation, au lieu d’être à 45 degrés de la
section principale des micas, a une direction différente, ou si les sec-
tions principales de ces lames me sont pas à angle droit, la lumière
sortant des lames sera polarisée elliptiquement, et pourra donner
lieu à des interférences d’une nouvelle espèce ; mais on ne trouverait
pas là de phénomènes bien intéressants. Une autre combinaison
mérite encore d’être signalée, c’est l’interférence d’un rayon circu-
laire avec un rayon rectilignes. Il suffit pour cela que les deux lames
de mica aient leurs sections principales à 45 degrés. Le plan primitif
de polarisation étant parallèle à l’une des sections principales, l’une
des sources, S1 par exemple, restera polarisée et pourra être consi-
dérée comme formée de deux rayons circulaires inv erses G1 et D1;
l’autre source S, ne donnera qu’un rayon circulaire, ou deux rayons
égaux et de même sens comme G2 et G"2. Les rayons G1 et G’2 inter-
fèrent comme des rayons naturels et donnent le système de franges
médian ; les rayons G’2 et Di donnent des rayons polarisés dans des
plans différents; on pourra rejeter ce système à droite ou à gauche
avec un quartz et révéler les franges à l’aide d’ un analyseur. Si

l’analyseur est biréfringent, on verra donc quatre systèmes de


franges dont deux latéraux du même côté ; si l’on tourne le polari-
seur de
go degrés, ou bien si l’on change le signe du quartz, les
franges latérales passent de l’autre côté, etc.
En résumé, on peut, par des moyens très-simples et sans ressources
étrangères, répéter les expériences les plus importantes au point de
vue de la constitution
mécanique de la lumière : ces expériences
trop peu connues sont à la portée de tous les expérimentateurs.

(1) OEuvres de Fresnel, t. 1, p. 6,)6.

You might also like