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Ye an. ater ant ere ‘essen velo He meson ey manent ce Sees, amueTnc Decree Sébren et Chucttor meen hoe alt ‘Soeait NDle Get cenit C ‘mrcmet cree ar ne Becramrevort Use Doe Dacca cat: epee Corr ‘nt on Sats Th O4eb Sea fx 0146084856 anaxaron (Gv Line Gc, Mouton Mt (Gatetnanen FINANCE MANAGE Gea ef DIPAKTEMENT INTERNATIONAL Baca ta cna nen Kosar natin as Nena sioour' Mae) eb toes corte: OK IAT Sap eee 07 ‘LATIONS CUENTILEABONNES Patent mato q Gamo nave ssh ahs 0 meres ended 1630) pcan gre eC ere os cer a ear e te Cons peat zone coe pe 120 Gre Teer Abr P0.23 Poses a weeds (Gk doagon 014608718 Mars 2010 Saisir du monde Test temps de tordre le coup a un cliché tenace, tant l'expédition scientifique traine derriére elle cette image de science désuéte quilui colle ala semelle. Bien loin des projets ultramodemes de séquencage du génome humain, dela biochimie moléculaire ou de lamodélisation high-tech 4 grand renfort d'ordinateurs, elle évoque volontiers les lointains voyages de Cook ou de La Pérouse, les corteges de porteurs et les fantasmes de conquétes. Une science a la papa, voire de papis, accrochée a ses souvenirs nostalgiques: « Docteur Livingstone, je présume?» La vérité est tout autre. I suffit de jeter un ceil surl'agenda des instituts de recherche, tant frangais qu’ étrangers, pour se rendre compte, au contraire, que les scientifiques n’ont rien perdu de leur désir d'aller recueillir, par-dela les mers et les continents, ce que les modéles ne peuvent deviner Et rien n’est plus modeme, au fond, que ce souci de quitter les conjectures de laboratoire pour rendre compte de ce qu’est, surle terrain, la réalité du monde qu'on prétend expliquer. Aprés les terres, les mers, I'air puis l'espace, le 100" siécle affirme plus que jamais ce désir d’explorer et de connaitre. Et pour cause! Déréglement chimatique, nature et agricultures fragilisées, pol lutions devenues incontrélables, ressources qui s’épuisent... Gérer notre planéte est devenule grand défi pour les décennies a venir. D'ot ceregain qui s'exprime avec force pour redécouvrir simplement—au- dela de 'aventure qui fait et fera toujours le sel des grandes odyssees scientifiques ~ ce que la Terre a encore a nous dire. SAV-HS SB Hors Série Rie pS ell =the ° iy © Introduction Ils guettent le crore sur la banquise oeace eur were Pa vockeNenecme ray vtec) [eevee Se oencyes ttc) Coreen Leu nike ly ere Osan) marins particuliérement Porters Peres CR Wat “La recherche high-tech de- pend de l'explo- ration de terrain” een aca Pam ch roca nc en biologie marine Plongée dans . See) icy Recevez Science & Vie etsantions civic Petecii st oer se ‘Vos bulletins d'abonnement SS eee setrourent en p 43 et 139, Pour com: pes ear mands donciers numer, rendex-vusp 20-21 SAV Hors Série 2011, permettrait donc aux scientifiques dé 1a toire d'étudier directement... sur le terrain. Ainsi, Vimage du chercheur en blouse blanche travaillant seul devant son microscope commence a s'effnter Un parfum d'aventure flotte sur la profession, agré- menté d'un goiit certain pour le contact humain, que ce soit avec les membres de l'éqquipe ou les peuples autochtones. « Explorer, c'est aussi porter un autre re- gard au monde, explique I ethnologue Barbara Glowe- zewski, etla nouveauté, c'est d apprendre a travailler en confiance avec les gens. » Terminés les pillages destinés a enrichir les musées européens et autres cabinets de curiosites ; la connaissance de la planéte s'accompagne d'un respect nouveau pour les peu- ples qui'habitent et leur patrimoine, « Le temps ot Jes chercheurs arrivaient, prélevaient et repartaient est révolu , affirme Ja paléontologue Brigitte Senut, a Tongine de nombreux projets de musées et d’ex- positions au Kenya et en Ouganda. Fini aussi le temps oi les chercheurs ne communi- quaient qu’entre eux. Les nouvelles aventures scien- Tifiques ont recours presque systématiquement a la vulgarisation auprés du grand public. «1 y a un gout de la société pour ‘exploration, estime Philippe Bou- chet. Cela devient plus facile d’en parler et d'obtenir de 'argent pour monter de trés grandes opérations. » On pourrait craindre que ceci ne soit qu'une mode, ris- quant de s‘essouffler. « Je pense qu'lly aura de plus en plus d’expéditions, retorque pourtant Bruce Beehler, car I'humanité est tombée amoureuse de Ja nature. Dans le passe, la plupart des gens considéraient le ‘monde sauvage comme une menace leur survie. y Aujourd'hui, les réles ont été inverses! » AVheure du 3 réchauffement climatique et de I'érosion de la biodi- | versité, la démarche prend tout son sens: connaitre 2 aujourd'hui ce que nous protégerons demain, e 16+ S8V Hors Série a WILLIAM R. BRANCH Spécialiste des reptiles, musée Bayworld, Afrique du Sud B® En mai 2009, je suis allé dans les foréts du mont Mabu Sau Mozambique pour chercher un étrange caméléon que Fhe mes collegues avaient apercu. Nous avons dégagé un sentier F-81000 metres d'altitude et découvert cette forét magique -: de plus de 7000 hectares. Pendant une semaine, nous avons intensément cherché. Ce nest que lors de la troisiéme nuit ‘que nous avons trouve « mon.» caméiéon, une jeune femelle SRV HorsSérie CARTOGRAPHIER LES PAYSAGES SOUS-MARINS eg gc ces signaux et cartographer les pay sages, encore faut-i disposer des signa: tures spectrales des coraux, des aigues, des sables, etc. C'est cette «vérit ter rain» que Jean-Pascal Quod est venu eae ence erty 20 métres de profondeur, en portant cee ea gistre le nent réfléchi par dif ferentes surfaces & diverses longueurs Cae eng cet Cee te tal forme de branches ou de patates, des éponges, des herbiers, du sable, et Pour chaque cible, il enregistre u Cd ee sy east teed Caer ened Peer a ies Cee ee ca een felon nesta Ret cutee cd Edt eee eae sible de dessiner, és 2011, une carto- Poste ore marins du littoral francais tropical rayonne eet ee évidence un phénoméne de blanchisse- ‘ment corallien en cours», note le bio ene toe ts peer read Err Sena eee ol eteer aca hissement, Ce ee Meg ee encase Peer ee eee ee as Rena ea yi See Seren Cee Ce eae ea es eee ree qa td ee eee ey matiques prévoient que de tels événe- Sue eis mee Fea ena a pee une eed sauvegarder? « Dans les réserves ma: ewer: tsa Peet eet Beet gées servent de zones sources pour edt ete enc eec montrera s pec aetiery préserver les trésors de locéan Indien. RELIER LES AIRES MARINES PROTEGEES Nous sommes en pleine aire marine protégée, un lieu ol toute péche est es ec omer les besoins de la recherche. Or jus eet Pete cud ere ceca coe thématiques suggérent de mettre en place des couloirs protégés refiant tenet a eee Benign eet enc ae eee Pu et a pe end coe ke tetas de ceux des réserves de la Réunion et de Mayotte. Trois espéces de poissons Present tans économique local et parce que leur Peet ee cans le macabit blanc, le vivaneau jaune et le cardinal «Le probléme principal, est de trouver les bonnes espéces Pt eta oe ae te pillonnent autour de nous!»,confie Oates Pee a ae siva, un morceau de chair sera prélevé eae te Les premiers résultats décrivent U historique de la colonisation du sud- eee a ead ec a ee aaa eed autres espéces. La proximité gené- tique des populations de Mayotte et Cea net ue teats des échanges, tandis que les poputa- Bee AE tart eke Poet aera Premera ete etre jusqu’en 2012 par des prélévernents identiques dans d autres tieux autour Ceca ed dja Vintérét de créer une aire pro- eee Tura ey Glorieuses. En faciitant le brassage Renee te ay ore ee te rer ete Ce ac Pere ec Peer cca ta eet uec cs eae eee ecco tT Cee ac ca) earn ies ast peenren ree eerie en Mers finterview La recherche high-tech dépend d'une bonne exploration de terrain “ a Expert en biologie marine, Bertrand Richer de Forges parcourt les océans depuis trente-cinq ans. Il defend farouchement le travail de terrain face a une science de plus en plus théorique. Voila plus de trente-cing ans que Bertrand Richer de Forges sillonne les mers en trainant demiére u}toutes sortes de chaluts, Trente-cing années 4 remonter@la surface d'innombrables bestioles, dont plusieurs mi- liers encore jamais récoltés. C'est avec Jacques-Yves Cousteau que ce fils de naturaliste amateur a dé- couvert le milieu marin. Ilavait alors a peine 15 ans, mais ce gout pour 'exploration des mers ne I'a plus, jamais quitté, Aprés des études de biologie, suivies d'un stage a la station oceanographique de Roscoff, il profite de son service civil pour embarquer vers Varchipel de Kerguelen et partir a la decouverte des Terres australes et antarctiques francaises. C'est le debut d'une vie d'aventure, Aujourd'hui, ce spécia- liste des crabes des profondeurs, ancienchercheur a Mnstitut de recherche pour le développement (IRD), est officielement ala retraite, Maisila tout deméme effectue cing campagnes ot redige dix articles en 2009... Depuis Singapour, ot étude des animaux ramenés lors de sa derniére expédition danse canal ‘du Mozambique, ilnous explique le réle essentiel de exploration dans la science. SVHS: Les méthodes d'exploration marine ont-elles évolué depuis trente ans? Bertrand Richer de Forges : Oui, il existe aujourd'hui de nouvelles techniques. Par exemple, les sondeurs ‘multifaisoeaux nous permettent d'avoir une carte du fond desmers, ainsi qu'une idee du type de fond (vase, roche, sable...).Cela rendila capture des animaux plus aisee: si 'on connait a forme du fond et sa dureté Con peut mieux choisir et orienter nos engins de pré levement. De méme, nous pratiquons des analyses moléculaites en routine. Avant, nous nous contentions de descriptions morphologiques, maintenant nous ut lisons systematiquement les eritéres moléculaires, ce quinous permet obtenir par exemple des renseigne- ‘ments sur!évolution. Cette nouvelle technique a ége Jement modifié nos méthodes de conservation : nous devons utiliser de laloool au lieu du formol afin de conserver I ADN des organismes. En retour, la forma. tion des explorateurs modemes, elle aussi, a change: plus théorique, moins pratique. C'est logique: ils doi- vent faire ce qui esta la mode pour pouvoir trouver du Doulet, c est-a-dire dela biologie moléculaire. SV Hor Série Mers [interview] VHS: Quelles sont les limites des techniques exploration actuelles? 6.R.D.F.: Ce sont celles de ]'esprit humain... I fau- drait inventer de nouveaux moyens de prospection our les zones rocheuses, qui sont souvent les plus tiches. Nos submersibles actuels doivent se poser pour pouvoir récolter, or c'est impossible le long d'une paroi rocheuse. En réalité, toutes les zones situées entre 80 et 250 metres sont encore tres ‘mal échantillonnées, car c’est trop profond pour la plongée autonome classique et trop proche des cotes pour les engins trainants, D faudrait vraiment rendre les submersibles plus performants dans la récolte des échantillons. Les explorateurs des océans sont pourtant commeles. planétologues qui envoient des sondes tres sophisti- quées explorer le systéme solaire. On dépense des fortunes pour détecter des traces de vie ailleurs et ‘Cestune recherche enthousiasmante. Mais, lorsqu'on découvre sur notre planete des milliers de nouvelles, espéces, c'est considéré comme ringard et donc iffic- Jement financé. Toutefois, avecla prise de conscience de la dispantion accélerée de la biodiversite, dy aun ‘Sursaut pour décrire ce qui peut encore I'étre, tel le mouvement d'origine américaine Census of Marine Life, qui vise a inventorier la faune marine. I! permet, de faire le point sur les connaissances en biologie marine et de stimuler etude de l'océan profond ou II faut réussir a convaincre les bailleurs de fonds. Or, les naturalistes que nous sommes sont considérés comme désuets SVHS: Quelles difficultés faut-il surmonter pour mener bien une expédition marine? B.R.D.F: Depuis quelques années, on doit faire face a une nouvelle difficulte : les petits Etats sont persuadés que nous pillons leur biodiversité. Nous avons parfois du mal a obtenir leur autorisation, méme lorsqu’on leur prouve que nos recherches ne conduisent & aucune valorisation financiere. Mais la principale difficulté n'est pas nouvelle: elle est ‘surtout financiere. Il faut persuader les bailleurs de fonds du bien-fonde de ce type d’exploration scien- ‘tifique. Or, les naturalistes que nous sommes sont considérés par beaucoup comme désuets. D'autant Plus que l'exploration des océans, mise a part |'étude tres ponctuelle par submersible, utilise des moyens simples et «low-tech », donc démodes. En réalit, on oublie trop souvent que les recherches « high-tech » en biologie moléculaire dependent étroitement d'une bonne exploration de terrain! ‘SVHS: Cette science plus théorique marginalise- t-elle vos yeux exploration de terrain? BR.D.F:Dyadelapart dela communauté scientifico- administrative une vision fausse de l'aoquisition des connaissances. La simple observation et la description de la nature apportent plus & la compréhension du monde que les lourds procédés de mesures physico- chimiques qui accumulent des données souvent peu pertinentes. Mais les données quantitatives, plusma- niabies et modélisables, semblent plus scientifiques. 42+ SRV Hows Sse ‘des monts sous-marins. Malheureusement, cemouve- ‘ment est peu suivi au niveau institutionnel. La plupart ‘du temps, exploration est laissée a initiative indivi- ‘duelle, financée par des mécénes, avec, au mieux. la bienveillance passive des organismes publics engtues dans une programmation lourde eta courte vue. SVHS: Les instituts de recherche ne seraient donc pas ‘la hauteur des enjeux lis 4 exploration ? BRD-F: Les grands instituts de recherche ont des programmations sur quatre ou cing ans, avec des objectifs scientifiques la mode. Is definissent leurs politiques en fonction de plusieurs critéres: des re- commandations gouvernementales floues, les ten- dances scientifiques internationales, les évaluations des recherches sur des paramétres standardisés et iscutables. I1n'y ala aucune place pour de|'explora- tion scientifique des milieux naturels, dont les résul- tats sont forcément inconnus 4 l'avance. La France a été au début du 20° siécle pionniére en matiere de decouvertes scientifiques des milieux marins et pamniles fondateurs dela science oceanographique. Mais cette époque est révolue. Les instituts de re- cherche n'ont pas intégré le fait que c'est l'explora- tion qui apporte les connaissances fondamentales pour le suivi de evolution des écosystémes. Or, les bouleversements climatiques en cours imposent plus que jamais la realisation de ce suivi. . 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Assurément non. Pour. exceptionnelle. De Quoi tant, sits avaient pu descendre dans Yobscurité de Totiver de nouvelles eee eee nee Tnissions @ a découverte ee ee eee ooo tt cena de ces dermniers territoires —montagnoux de prés de 60000 kilometres, ezardant . . Je globe comme d'immenses cicatrices : les dorsales. vierges de notre planete. ces: ia, ans ce décor ravage, que les plaques tec ‘toniques, en s'écartant de quelques centimetres par ‘an, laissent remonter le magma qui se solidifie au contact de ia mer. La aussi que la nature érige, loin des regards, d'étranges cheminées, hautes parfois d'une vingtaine de metres, d'ou s‘échappent des SI Hors Série ‘luides noiratres surchauffés plus de 350°C, rich ‘en sulfure, en méthane et en metaux Decouvertes pour la premiére fois en 1977 dans les Galapagos, ces sources hydrothermales ont créé un choc: la 0 les biologistes s'attendaient a trouver un désert, les premieres observations du submersible américain Alvin révélaient une faune hweuriante vivant autour de.ces «geysers» sous-marins. De fait, sur quelques centaines de metres carrés@ peine, se regroupait une biomasse jusqu’a 10000 fois supérieure a celle des fonds alentours! Prus de trente ans apres, exploration de ces sourt hydrothermales continue, Des scientifiques francais et mexicains se préparent dlailleurs a connaitre dans quelques semaines, le méme émerveillement. Ol oT nen cuC tg scat core) wots Cota Teac) ete cme cs ChanacTocl Dea aCiau ‘tions essentielles Camere ae Te pea eRe eet Lors de la campagne BIG (Biodiversite et interac: tions a Guaymas) qu'elle effectuera du 30 mai au 8 juillet, dans le bassin de Guaymas, dans le golfe de Califone, réquipe d' Anne Godifroy, chercheur au Laboratoire de microbiologie des environnements extrémes @ Brest, fera en effet appel, comme au temps des pionniers, a un submersible habité pour explorer ces zones actives. Durant les quarante et un jours que durera cette mission menée a bord du navire oceanographique I'Atalante, le sous-marin Nautile de Yifremer, Institut francais de recherche pour 'exploitation de la mer, plongera une trentaine de fois sur cette dorsale du Pacifique oniental. Avec un objectif precis, expque Anne Godttoy: «Com parer les écosystémes des sources hydrothermales @ ceux qui se developpent, 4 75 kilometres de la, dans un environnement beaucoup moins chaud : celui des sources froides, des émanations du sous-sol char- gees de methane et dont la température n'excéde que de quelques degrés & peine celle des eaux des fonds océaniques (2 °C). expedition rassemblera vingt-trois scientifiques, géologues, chimistes, biologistes et microbiolo- gistes, qui utiliseront d’abord l'engin pour evaluer, de visu, Vinterét des sites qu’ils ont repéres sur les cartes dressées auparavant par un vehicule sous- marin. Puis ils reviendront, dans un second temps, étudier ces sources chaudes et froides. Chaque jour, pendant un mois, l'un d’eux prendra ainsi place aux cétés du pilote et du navigateur dans letroite sphére du Nautile, Allongé sur une couchette, le front collé au métal glacé de I'habitacle, 'aquanaute pourra alors scruter, & travers I'un des trois hublots, ces profondeurs océaniques qui ont marqué la mémoire ‘autyes avant lui, Lors de chaque descente, de plus de 2000 metres, l'obscurite de plus en plus épaisse donnera cette étrange impression de s'en- foncer dans un puits. Jusqu’a ce qu'une fois au fond, les spots du Nautile balaient les sédiments tachés de blanc et jaune d'épais tapis bactériens. Autour des cheminées devraient alors apparaitre des ilots grouillants de vie, composes de plus de cent especes différentes, dont beaucoup n’existent nue part ailleurs. Des communautes microbiennes, capables de survivre dans des conditions extremes et utilisant énergie chimique fournie parles fluides chauds pour se développer, servent de premiere nourriture a un bestiaire singulier de vers, de mo- dioles, d’anemones ou de crevettes Qui sont ces animaux et comment sont-ils orga- nisés? Par quels moyens se sont-ils adaptés a ces milieux charges de gaz toxques? De quelies facons ont-ils franchi, parfois sur des miliers de kilometres, V'immense désert que constitue le plancher océa- nique pour coloniser ces sources hydrothermales? Enfin, existe-il un lien entre ces écosystemes, riches ‘enespéces endémiques, et ceux qui se développent, également sur la base de la chimiosynthese, dans SRA Hors Si des milieux beaucoup moins extrémes comme les bois coulés, les squelettes de baleines ou ~ et c'est, ce qui intéresse particuliérement Anne Godfroy—les, sources froides? Autant de questions auxquelles les chercheurs de la campagne BIG tenteront de ré- ondre. Pourcela, les mesures devraient s'enchainer température et acidite de l'eau, prises d’échantilions dans les sédiments ou les fluides grace aux deux bras, du Nautileet méme. capture d’animaux au coursde delicats safans aquatiques. DES DEMARCHES COMPLEMENTAIRES Laplupart de ces operations pourraient aujourd'hui étre exécutées par une machine téléguidée. Anne Godfroy avoue d'ailleurs avoir souhaite au depart travailler avec le Victor 6000, le fameux robot d’ex- ploration des grandes profondeurs, fleuron de la flotte de fremer (voir fiches p. $0). Capable de tra Vfremer, le biologiste Daniel Desbruyéres, qui, au terme de sa carriére, aura passé quarante ans a tra ‘quer la faune des grands fonds, et le géologue Yves Fouquet, qui estiment indispensable que chaque cocéanographe ait, au moins une fois dans sa vie, ef fectue une plongée. « Ne serait-ce que pour les sen sations que cela procure, ou pour se rendre compte de quoi I’on parle! », justifie Daniel Desbruyeres. D’autres, a 'instar de Jean-Paul Justiniano, 'un des pilotes du Nautio, insistent sur les avantages techni & ques de|'engin: «La vision directe que l'on a a bora est infiniment supérieure a des images de caméra, { et le submersible habité est loutil le mieux adapté & Température, acidité de l'eau, échantillons de sédiments et 5 méme captures d’animaux: les mesures devraient s‘enchainer vailler 100 heures d’affilée dans ces fonds (contre six ‘seulement pour le Nautile), permettant une meilleure coordination entre 'équipe scientifique et les pilotes, ‘tous réunis en surface, Victor a assurement ses in- condhtionnels parmi les spécialistes. C'est luiqui, en 2006 et 2007, est descendu lors des campagnes Mo- mareto et Serpentine explorer plusieurs zones hydro- thermales de la dorsale Atlantique parmi lesquelles, Ashadze, le plus profond des 100 sites repertories dans le monde {4100 metres). Mais le submersible a, lui aussi, ses farouches partisans. Comme, a 48+ SAV Hors Série ‘Pour les missions oui ils‘agit d'acquerir une vue d’en semble de environnement, pour relever une épave, ar exemple, ou pour explorer.» Alors, Nautile 0} Victor? Les deux paraissent plus complémentaires que ventablement adversaires. C’est pourquoi les populations exotiques de ce nouveau monde marin, 5 qui avaient jusqu’a présent vécu a l'abri des regards, devront se preparer 4 accuelir des visiteurs aussi = bien humains que mécaniques es ‘Vane Ter MINASSIAN Mers [plongée dans les abysses Ml | Cee etn Dei ney Pe et Tne ZOOM SUR LES VAISSEAUX DES PROFONDEURS cry Ts L ftv 8500 feet rag) 1999 France (Ifremer) rs s: France (Ifremer) rary 250 ANS DEXPLORATION Pas d’expédition sans traversée des océans : qu'il s'agisse de conqueérir de nouvelles terres ou de sonder les abysses, ERO McRae Ne eV OMe Me) a CRD CO BHT TeNNe Pea onic TR eee ead odyssées dexploration. Ses trois voyages, commandés par la Royal Society, ont des buts précis: observer le pee ee Seated De eee nate etna! Cree nse ecco emer Rr Feces linea Te lcounhisie Bieta ae obese le ait rg Gest Masset ToS EoL plete slaeag uses) ENC Naseer ero Rea SS eo cnacy aotearoa eenep Aa sna New) Peto cen ence CR eee cone See ene esa versantlo Pacifiquo, i visttera notamment (le de Paques EBC es UTE eon ee Cou mcmama strc BO acer ee rosa) eet ee Reon RoR aed en mer Egée, sur le Beacon, est la premiére tentative Cee ETC Ceo Rage cosets td eo teen ote ete cat ct Renee ieb eae ecm escent Eocene nesters Crecente tereca Rete sot ies Cem ond Cee ELM ECE Ee Leo aay ener ee Gas erL nag Ce eee rae Sey 872-1876 Pour clore le débat sur la vie en eaux trés profondes et établir un atlas des fonds océaniques, la Royal Society. Coe oo feo tka g Jenger (ustration). Entre 1872 et 1876, is effectuent des Gene L eeese eect Cee ene eS one Ace Tece Serie Cn RS en ae t ce Sant Tecate a nere eat Taare ewig la mise au jour de plus de 4000 nouvelles espaces. Prei 1903 Lexistence d'une «terre polaire» au nord posait question Bee de eet arte red aces’ Se eet ee asec cece Coen ray Be eer cas aaa raat Reet eC mC eee tet ard Ce etre Sanaa een Ue cee eed qu'l se trouvait en fait & 30 km du pole Nord. Néanmoins, Ce eC het a oy confirmera la nature non-continentale de cette formation. POCO ea te Lee cao COMER bcc tac p een aL sec ar ee ae a ans ta DRC eas Omer eect ca Ty Re Ook ecco n rc ond peed ae enced Cee eos ne tei Po Ease ameter Teo Eres COSC tecaniccte tac erences ee eee ened rete TIE DICchem BHCovonenTcROLPOROKcleL CUM (SB LA) WU Cep tee. cHNU allem) la loupe Deserts : la face cachee des terres les plus arides voyage dans les entrailles de la Terre Des glaciologues au chevet de l'Antarctique este-t-l vraiment des terres a explorer? Le ‘temps n'est plus aux grandes expéditions qui, au xx’ siécle, se lancaient, machette au poing et casque colonial vissé sur la tate, la recherche de In source du Nil, ni méme celui 08 homme accostait ‘Pour la premiére fois les glaciers d'Antarctique, sans ‘trop savoir ce qui I'attendalt. Les cartes du monde ont aujourd'hui fini d'étre dressées. Chaque hectare de terre ~ hormis | Antarctique ~ est sous le contrte dun Etat souverain, qui fait inventaire jaloux de cas ressources et de celles des voisins, Contrairement aux ooéans, dont les profondeurs échappent encore aux regards, la moindre parcelle du plancher des vaches a done été, tout au long du soe siécle, survolée ou en- registrée dans la mémoire d'un queloonque satellite observation, sice n'est dans cele d'un bumain. Tout ‘au plus reste-t-l quelques confettis de forét épaisse que les pieds de homme (du moins cocidental) n'ont [pas encore foulés. Et pourtant, 'explaration continue de plus belle. Mais différemment. A quelques rares exceptions prés, comme lorsqu’une équipe de spé- Ieologues découvre per hasard une nouvelle grote dont les trésors, soigneusement caches dans les en- trailles de la Terre, restaient a révéler, on ne part plus ‘aujourd'hui pour découvrir. Mais pour redécouvrit. Pour voir avec un regard neuf, l'esprit bardé de nou: velles questions dont nos préciécesseurs ne pouvaient Dercevoir Y'intérét. Quelle est la totalité des espéces ‘animales ou végétales, y compris microscopiques, qui ‘se cachent dans un hectare de forét deja mille fois ar- enté? Cette question nous éloigne des tigres, gorilles ‘ot autres stars des foréte tropicales, qui ont fasciné Jes publics des xn et 10° sidcies. Ele mobilise pour- ‘ant, aujourd'hui, des équipes entiéres qui, parcourant des milliers de kométres, dont certains a pied ou en pirogue, affronteront les affres du soleil, les pluias luviennes, laboue quicolle aux semelles, les nuits gia- ‘086s sous Ja tente, dépenseront des millions d'euros Pour comptabiliser, que ce soit en Amazonie ou dans ‘une forét d'Auvergne, jusqu’au moindre petit insecte {ui colonise un arbre, Pourquoi? Paros que le xx" siécie ‘nous a appris que le diable, souvent, se cachait dans Jes détails. Et qu'il suffit que quelques abeilies dispa- raissent pour que toute une agriculture seretrouve en danger. Tout comme on sat, aujourd nui, que 'avenir des deltas surpeuplés de la planéte se joue a plusieurs: milliers de kilométres de la, dans la fonte invisible 4 Tosi nu de quelques glaciers d'Antarctique ou du Groenland, qui pourrait faire monter dramatiquement, en quelques décennies, le niveau des mers. SAVOIR OBSERVER AUTREMENT ‘Diod la nécessite, aujourd'hui, de voir avec de nou- veaux yeux. De s‘arréter sur cette minuscule souris ‘qui ne devrait pas se trouver sur Ile abordée et qui révéle, par sa seule présence, un écosysteme désta bilisé, Sur ce crdne desséché qui afileure a travers le sable du désert et qui nous relie a nos origines d’bo ‘minidée. Sur cos bulloe dait emprisonnées dans loo Glaces de I'Antarctique, qui renferment les archives limatiques de phusieurs centaines de millers d’an- inées. Un trésor inestimable & I'heure oi l'objectif nest plus de conquérir, mais de comprendre. Mais encore faut-] avoir le bagage théorique qui permet d’en percevoir le sel. Limportant, pour ces nouveaux explorateurs, n'est donc pas détre plus résistant que Jes autres, d'étre capable de survivre lA ol les autres auraient péri, mais de savoir observer autrement, ‘Diétre armé d'une nouvelle méthode et de nouveaux concepts. A détaut, parfois, de nouvelles tachnologies. Car lorsqu'l s agit de scruter un arpent de terre, les ‘outils matériels, eux, n'ont pas foroément beaucoup varié. On s'étonnera de voir, sur terre, Ja science la plus modeme se faire avec des boites en plastique etun peu d'eau savonneuse pour piéger les insectss, ‘avec une pelle pour creuser le sable et quelques pin- eaux pour exhumer un os, avec un anorak et des moufles pour le visitour de I'Antarctique muni, c'est vrai, de son precieux GPS. Contrairement aux fonds ‘ooéaniques ou a 'espace, qui mobilisent des moyens ‘techniques hors de portée d'une petite équipe, sur terre, science de pointe ne rime pas toujours avec high-tech. Les scientifiques, souvent, bricolent. Main- ‘tiennant une sonde cottause avec quelques file ot un (tépied improvisé, dans!'espoi qu'une bowrasquene détruise pas leur fragile édifice. Etc est cette alliance dela technologie et du bricolage qui, par la gréice d'un esprit particuliorement aigise, forcera une forét, une fle, un désest, une grotte ou un glacier @ répondre aux ‘Questions précises qu'on est vent hui poser. sav MILIEUX INSULAIRES Lhomme qui traquait les rats Nom: Michel Pascal. Profession : biologiste. Mission: débarrasser les iles du globe des especes invasives, veritable menace pour Ja biodiversité locale. Une activité qui lui a valu un surom : Ratator. Portrait. a caravane quitte le batiment du CTRAV, Je Centre technique et de recherche agro- nomique du Vanuatu. Barbe foumie, le bio- logiste Michel Pascal conduit le premier pick-up: a bord du convoi, une dizaine de chercheurs - spécia- listes des insectes, des mammiferes, des oiseaux, des plantes et ethnologues - autant de paires de jumelles et de hamacs, des tentes, des vivres, des piéges et, surtout, des vétements de pluie... Direction Boutmas, uune commune du coeur de I'le de Santo. «La piste qui yméne n'a été achevée qu'en 2000, ce cuifait dela ré- gion un témoin pniilégié des consequences des voies de circulation sur ies invasions biologiques », justifie le chercheur, qui coordonne cette énude des espéces invasives, dans le cadre de l'expédition Santo 2006. SI Hoes Série ‘Vingt kilometres et une bonne heure plus tard, les deux véhicules se garent prés d'une grande case. Comme le veut la coutume, Michel Pascal offre un sac de riz au chef du village qui, en retour, invite l'équipe ‘ panager le «lap-lapa, gateaux 4 base de farine de taro, enroulés dans une feuille, et cuits dans le lait de coco. Aprés ces formalités, le biologiste et son collégue Olivier Lorvelec sont guidés par lune des femmes du village voisin jusqu’aux jardins mélanésiens ou, Ratator ne chasse pas les rongeurs pour le plaisir: les invasions Pour sa famille, ses amis, pour les Ni-Van (habi- tants du Vanuatu), qui l'ont accueil et lui ont offert Je kawa —-boisson a base de racine de poivrier sauvage -, Michel Pascal, grand gaillard d'une soixantaine cannes, est un homme doux et aimabie. Pourtant, derriére cet air inoffensif se cache un tueur, que ses, collegues sumomment « Ratator ». Un sobriquet qu'll doit & plus de trente années passées a traquer les es: ‘péces invasives, au premier rang desquelles les rats. biologiques sont une cause majeure d'extinction des espéces sous les bananiers et les papayers, poussent les taros aux feuilles en oreille d'éléphant, le mais, 'arachide, Je manioc... Trois lignes de vingt pieges a rongeurs sont installées, renfermant en guise d'appat un mé- lange de beurre de cacahuéte, de flocons d'avoine et d’buile de sardine, Une ligne traverse le jardin, une deuxieme longe la piste. La troisiéme est disposée dans une parcelle a l'abandon. « Cela nous donnera une idée de la frequentation relative de ces différents milieux » Aprés une nuit sous la case, berces par le martélement de la pluie sur les toits en palmes de sagoutier, les deux chercheurs retournent au jardin. Plusieurs rats ont été pris au piége 62+S8V Hors Série Mais Ratator ne traque pas les rats pour le plaisir, Fléau économique et sanitaire, les invasions biologi ques sont aussi reconnues, notamment par Union, mondiale pour la nature (UICN), comme l'une des causes premieres d’extinction des especes, juste aprés la destruction des habitats. Lintensification récente des échanges a conduit 4 une accélération exponentielle du phénomene d'invasion, «Or le probleme est particuliérement aigu sur les iles, en particulier les “ies vraies", qui n‘ont jamais été au contact d'un continent, souligne Michel Pascal Leur biodiversité résulte en effet d'une evolution en vase clos, produisant de nombreuses especes ‘Terres [I'hon | endémiques, qui n’existent nulle part ailleurs. Leur isolement rend la faune et la flore insulaire particuliérement vulnérables aux perturbations, et introduction d'un competiteur ou d'un predateur a genéralement de redoutables consequences. Le dodo, oiseau inapte au vol, endémique de I'ile Mau- rice, qui s'est éteint a la fin du xvi siécle suite a Yintroduction des pores, des chiens et des rats, en. est une illustration célebre. Il est loin de représenter un cas isolé. «55 % des extinctions d'oiseaux en milieu insulaire depuis ‘an 1600 seraient dues 4 des introductions d’espéces », pointe le chercheur. DES KERGUELEN AUX TROPIQUES De ses mains gantées, pour se proteger des morsures, Michel Pascal ouvre un piege, saisit un gros ratet, d'un geste précis, lui brise la nuque. Lun aprés l'autre, les rongeurs subiront le méme sort. Puis, installé dans Je village, le chercheur joue les chirurgiens. Dl iden- tifie chaque individu selon son espece, le pese et le mesure, établit son statut reproductif (juvenile, sub- ‘adulte, adulte), recherche, chez les femelles, d’even- tuelles cicatrices placentaires temoignant du nombre de petits qu’elles ont eus. len déduira le taux de fé- condité de la population... I traque aussi les signes de maladie, et collecte les parasites externes - puces, tuques.. Enfin, le crane et un échantillon de tissu sont conditionnés dans 'aloool, et conserves en vue de fu- tures analyses morphometnques et genetiques. ‘Michel Pascal était prédisposé a travailler surles Des, De mére corse, il est né a Madagascar, oit son pere était administrateur de la France d’Outre-mer et ot il vécut juscru’é ses 18 ans, Son art de faire passer les especes invasives de vie a trepas, enrevanche,n'était ‘pas sa vocation premiére. En 1974, i hiverne aux iles Kerguelen pour y étudier les algues. C'est le coup de foudre. Ine pense qu’a y retourner, pour travailler sur lesalbatros et es élephants de mer. La délégationdes Terres australes et antarctiques francaises (Taaf) n'y voit pas d'inconvéndent, a la condition quill s‘occupe aussi des chats. Les descendants d'un couple de ces felins, introduit sur la Grande-Terre en 1954, mena- cent en affet les colonies d’oiseaux de mer. « Je devais apprécier Y'ampleur de I'invasion par les félins, et la dynamique de leur population, raconte le chercheur. object, 4 torme, étant de les éradiquer.» Apres les Kerguelen, Michel Pascal se penche sur ; étude des explosions démographiques de rongeurs ravageurs de cultures. Puis, rompu aux techniques i d'etude deces mammiféres, ilintégre|'Inrade Rennes avecle projet de travailler surles rongeurs invasifs des milieux insulaires. Ratator, comme le sumnommeront : ‘SRV Hors Série Tenes [ ] plus tard ses compagnons d’aventure de Office na- tional dela chasse et de la faune sauvage, commence le «nettoyage » par les iles bretonnes, Sollicité pour deratiser i'lle des Rimains, en face de Cancale, et Varchipel des Sept lles, dans les Cotes-d’ Armor, il y met au point sa méthode d éradication. Le principe est de commencer par une phase de piegeage, suivie de l'emploi d'appats empoisonnés. «Le piégeage élimine plus de 90 % de Ja population de rongeurs introduits, explique+t il. Cela permet d'utiliser moins de poison, susceptible de faire des degats parm les espéces non-cibiées, par consommation de I'appat, ou par celle d’animaux empoisonnés. » SOUVENT, ERADICATION EST IMPOSSIBLE De 1994 4 2009, Michel Pascal conduit ainsi des mis- ‘sions d’éradication de rats et de souris dans vingt et un les et ilots de France métropolitaine, de Corse. d'Outre-mer et de Tunisie. Au passage, il s'occupe aussi des furets sur l'archipel de Molene, dans le Fi- nistére, ainsi que de lapetite mangouste indienne de I'llet Fajou, dans la reserve du Grand cul de sac ‘marin, en Guadeloupe. méne par ailleurs des mis: sions d'inventaize des espéces invasives, aux ‘les Cocos, sur l'atoll de Clipperton, avec Jean-Louis ‘Etienne, ou au Vanuatu. Eradicateur et chercheur, Michel Pascal est souvent confronté 4 la dispantion de son objet d’etude. Dans ‘son laboratoire du département Ecologie des foréts. prairies et milieux aquatiques de a de Rennes, ou ildinge l'equipe Gestion des populations invasives, J conserve donc amoureusement une impressionnante collection de pattes, de cranes et de issus divers, pré- leves sur plus de 25000 rongeurs. ‘Apreslacampagne d'eradication du rat noir menee ‘en 2000 dans I'archipel des Lavezzi, en Corse, des & travaux de genetique ont ainsi permis de montrer = que la population de tout I'archipel résultait d'une méme introduction, vraisemblablement ancienne «C'est encourageant, car cela suggere que 'archipel est peu susceptible d’étre a nouveau envahi », com- mente-t-il Par ailleurs, aucune difference génétique \'a pu tre demontrée entre la majonte des rats de Lavezzu, la plus grande ile de I'archipel, et ceux des ilots péripheriques. « Des échanges ont donciieu. Les rats noirs circulent probablement dans V'archipel a la nage, ce qui est étonnant, car contrairement aux surmulots, cette espéce n'a pas la reputation d'étre bonne nageuse. » En revanche, les chercheurs ont. mis en evidence que certains rats du nord de I'le ‘commencent & former une population distinete. «Is ~ ont un profil génétique différent de celui de leurs (64 SAW Hors Serie tion, évolution, université inconnues, et a plupart se Pierre-et-Mare-Curie, et seront éteintes avant'avoir Olivier Pascal, directeur de pro- te ddcouvertes. Cest en ‘grammes pour 'ONG Pro-Na- partant de ce constat que ‘ura tntemational ila organise Lune expétition sans précédent, parson ampleur- Santo 2006. Lidge: recenser toutes les ‘espces présentes sur un ter- ‘toire donne: Le lieu n'a pas été choisi par hasard,Ilsagit de le A Objectif du projet Sante 2006 : réaliser un inventaire de toutes les espéces, végetales et animaies, sur Ile tropicale de Santo, au Vanuatu. Ci-dessus, les échan- tillons botaniques, prélevés pares chercheuts, seront séchés et confies aux laboratoires et musées pour étude. ‘congénéres, explique Michel Pascal. D'aprés les ob- servations des ornithologues, ces rats ont d’ailleurs un comportement alimentaire particulier. En effet, Jes colonies de puffins cendrés, des oiseaux manins, avalent un taux de survie plus faible dans le nord de 1'ile avant éradication des rongeurs, et ilest remonté en fleche aprés notre passage. » Soumises aux expériences grandeur nature des in- vasions biologiques, les iles sont donc des modeles our etudier les processus écologiques et d’evolution quielles induisent. A Santo, les résultats des inves: tigations de Michel Pascal et Olivier Lorvelec sur les rongeurs introduits ont révelé, sans surprise, la tropicale d Espiritu Santo, scientifiques professionnels, _indépendants charges Les organisateurs, avec auVarwatu, Une te pour _—originaiesde 25 pays,se explorer aussibien lamer, (Union mondiale pour lana- tisolement bien sor:elle sont donc succédé, pendant notamment lesréifscoral- ture {UICN), ont donc décidé est susceptible Cabriter des quatre mois,surcettelle de liens, quelaterre.Grottes, de poursuie 'aventure. espéces endémiques,donc 4000 kr? Objectf:réaliser_foréts, montagnes etr- Cette nouvelle série expe inconnues ailleurs. Sousles un inventairede sabiodi- _vidres: aucun milieunia été ditions, baptisée La Plandte twopiques, car est aque se _versitévgétale et animale, _oublié.Le budget global, de__revisite,cblelesmiliewx trouvent les écosystémes et enparticuliers,deses——ordrede'1,2miliond'euros, _lesplusriches et les plus les plustiches mais aussi «compartiments» les plus était couvert par desspon-_négligés parles expéditions les moins connus dela négligés: lesinvertébrés. sors pivés, dont esfonda-_naturalstes. De novembre & planéte.Plusde 200 per- _Lexpéditon était struc- tions Stavros. Niarchos et décembre 2009, laforét c6- sonnes,pourlestrois quarts turée en «modules» Total. Quatre ans plustard, _tiéredu Mozambique a ainsi rensembledes résultats _été passée au peigne fn. estloin détre analyse Diavtl juin 2070, ce sera Maisles organisoteurs par-_autourdes eauxcdu canal lent deja d'un suceés Plus du Mozambique, au sud~ de 10000 espices auraient _ouest de Madagascar. été échantilonnées, Deux régions censées ren- dont plusieurs centaines _fermer un grand nombre inconnuesjusqu'aors. Sespces endémiques. apres expedition, plus de 10000 espéces ont lonnées. Parmi elles, des papitlons de nuit ersité éronnante de crustacés (ci-dessous) aines étaient inconnues des scientifiques présence des quatre especes anthropophiles (liées 4 l'homme), introduites par ce dernier dans cette région du monde : le rat du Pacifique, le rat noir, le surmulot et la souris grise. « Leur éradication, sur cette ile vaste comme la moitié de la Corse ott ils sont largement répartis, est sans doute inenvisageable v, commento Ratator. Quant aux chats de Kerguelen, ils sont maintenant chez eux sur l'ensemble de la Grande-Terre. Michel Pascal avait pourtant proposé ‘une méthode pour les éradiquer, alors qu’ils n'occu- paientqu'un quartde''le. « Nous pensions introduire Ja panleucopénie féline ou typhus du chat. Mais a la veille de notre demiére mission, I'administrateur des ‘Taf de I'epoque a donné ma place sur le bateau au chanteur Dave» Pas rancunier, Michel Pascal pré- side aujourd'hui le Comité de l'environnement po- laire, chargé de vénifier la compatibilite des activites relevant des autorités frangaises dans les zones arc- tiques, avec la préservation de l'environnement. Sa fille, Marine, biologiste elle aussi, vient de rentrer de son premier hivernage a Kerguelen, fidéle a la tradi. on familiale. Le pere de Ratator était chef de district de l'archipel en 1956. Il y avait introduit mouflons, visons et rennes. Autre époque, autres maurs... @ Mani LEscROART SAN Hors Série : eat 5 ey (00/1 BAMbssconteroaencles tropiques pour jouer les ex- $o)lOCclcaebeSHRNTOCCRcLO UNIO =BIU Lh aural CONTI cee BNNY.- 16 B(O)C=Ih SiCcNeVcMO BC MOO Nc MmD-Velseec eset Deo Bects1 ec) FVM icc MUval cKO erect Blane) Ce )iecte) ceCUDe Euaattio) ese a oe Be Paneer ) aad og Ate 3 Ee ow x E aa ous la percée du soleil, le sous-bois se pare d'un motif mouchete. En ce mois de \ juin 2008, la forét de la Comte, dans le Puy- de-Dome, semble enfin sortir de sa torpeur apres une araignées, les athropodes constituent la « majoit i Caen) oan ge oud météo anormalement pluvieuse. Sous l’épais couvert Dae aaa La ccs vegetal fusent des conversations aux accents bien, les plantes, fertil Ree ri) peu auvergnats. « Pour une fois, des scientifiques a tere a getie Kc) dans leur diversité. Q colombiens, panaméens, brésiliens ou australiens sont venus étudier la biodiversité d'une forét euro- ‘péenne! », s'amuse Bruno Corbara, maitre de confé- eta renoe al'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, et coordinateur scientifique des programmes Ibisca (Inventaire de la biodiversite du sol a la canopée), initialement congus pour l'étude de la forét tropicale. ‘Une expédition au fin fond de! Auvergne? L'idée peut, ese a a leur environnement, sont d Cre imate e metal ae Tenes (une forét a A Les arthropodes forment la majorite silencieuse des foréts. Career oeeanet tia font largement appel au sys teme D. Leurs outils n’en sont pee teers ee etre) earn rear eee metres. ture les araignées (a 4) - ee aad Pear ea vol. Un filet tend entre deux ere er od Prot trenirs eos eo aturera les papillons de nuit surprendre. Certes, ici, nul cri de perroquets, ni de singes hurleurs, Mais le dépaysement n'en est pas ‘moins total pour ces chercheurs étrangers qui sa- vent que ce silence est trompeur. Car partout, de la litdére au sommet des arbres, surles branches et sous Yécorce, rampant ou en vol, les arthropodes (insectes| et arachnides, voir «Jargon» p. 70) fécondent sans bruit les plantes, broutent les feuilles et les herbes, fortitisont Jo sol do lours déjections, décomposent la ‘matiere organique, parasitent d'autres insectes, des oiseaux ou des mammiferes, chassent, a Iaffiit ou a la course, des bestioles parfois deux fois plus grosses quieux... Ce «petit peuple de la forét » est essentiel a Yequilibre de ce milieu. Et c'est pour!'étudier que des chercheurs sont venus de seize pays differents, A genoux sur le sol détrempé, Arne Laugsand, jeune entomologiste norvégien spécialiste des coleopteres, et Stefan Curtis, volontaire canadien, font face a un filet tendu entre deux arbres. « C'est un piége d'interception, explique le premier. Aprés avoir heurté le filet, les gros insectes volants tom bent dans ces récipients remplis d'eau savonneuse, dont ils n'arrivent plus 4 se dépétrer. » I verse avec precaution le contenu d'un des baes de collecte, plein de mouches et de gros scarabées, dans un petit tamis. La récolte est ensuite transférée dans un flacon d'alcool, dament étiqueté. « Nous vidan- geons ce piege tous les quatre jours », precise til. Le piege est installé au centre d'un carré de vingt metres de cété, délimité par des rubans de © SAV Hors Série 6 SNe etre ers pam pier tog retary reco) SRS Ea chercheur Poeaanre ener Prencaretey chantier. Vingt de ces « placettes » ont eté disper- sées dans la foret, a raison de quatre dans chacun des cing milieux différents déterminés (chénaie- charmaie humide, chénaie-charmaie séche, forét derravin humide, forét de ravin séche et plantation de sapins). Au début du printemps, des botanistes yont effectue un inventaire exhaustif de la vegeta: tion. Puis, de mi-mai a fin juin, pour cing semaines, ‘ces zones sont devenues un «terrain miné» pour Jes minuscules hétes de ces bois. Outre des piéges d'interception, chacune comprend en effet des "Arthropodes: animaux invertébrés de forme parfaitement symétrique, au corps segmenté et pourvu d'organes locomoteurs articulés. Ce sont. les crustacés les myriapodes (scolopendres et autres «cmille-pattes), les arachnides (arignées,scor- pions, acarens) et les insectes. is représentent les trois quarts des formes animales vvantes connwes. Hl 70+S8V Hors Série piéges lumineux, disposés en sous-bois et dans, le houppier des arbres, la partie ou se trouvent les branches et le feuillage. En s‘allumant chaque soir, ils ciblent notamment les papillons de nuit. GROS MOYENS POUR PETITES BETES. D’autres insectes volants iront s'engouffrer dans une sorte de tente canadienne, baptis¢e plage Malaise, daprés Je nom de son inventeur entomologiste. Ceux qui réussissent 4 échapper a ce dispositif ne sont pas somtisd'affaire: des piéges collants jaune vif les attendent, tels des papiers tue-mouche, disposes a différentes hauteurs dans la vegetation. Pas de répit pour les betes au sol : dans chaque pla- corre, des feuilles mortes sont prélevées sur 49 matres carrés et soigneusement tamisées pour en extraire les petites bétes. Dans leméme esprit, es chercheurs ssecouent » la végétation au-dessusd'un « parapluie Japonais., toile tendue entre deux batons dans la- quelle tombent les arthropodes déstabilisés... Quant aux insectes rampants, des piéges a trappes, simples ‘gobelets enterrés jusqu'au bord, variantes du piege EE ‘Avant de s'intéresser&la forét a arpenté la canopée tropicale. Le Panama a ouvert {ebal en 2003, avec une mission dans la forét protégée de San Lorenzo. Les moyens étaient spectaculaires: grue de 60 métres, ballon gonflé 2 Uhélium, et le SolVin Bretzel, plate-forme de 400 métres carrés aux alures de biscuit alsacien. Cette gigantesque opération de collecte d‘arthro- odes s'est déroulée sur plus d'un an en plusieurs phases, afin d «apprécier les variations dela biod- versité d'un site l'autre, au sein d'une méme forét, maisaussiauxdifférentes périodes de ‘année, ‘explique Bruno Corbara, de (université ‘de Clermont-Ferrand. Résultat? Plus d'un milion dindividus récoltés, dont analyse est toujours en cours. Vingt-huit espces nouvelles ont déja 6té découvertes, parmi lesquelles un coléoptére 8 la carapace couleur cuivre, baptisé Lenkous ibisca. Pour certains groupes, comme les termites 4 les fourris, des données inédites surgissent du dépouillement. Les chercheurs ont par exemple ula surprise d observer la présence de la quasi- totalité des espéces de termites de la fret, sous forme dindividus ails, au sommet des arbres. «

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