LES CHEPANG
ethnie népalaise
de langue tibéto-birmane
par Corneille JEST
Cest B.H. Hopeson, résident anglais & Kathmandu au début du siecle dernier,
qui, le premier, a signalé les Chepang dans un court article du Journal of the Asiatic
Society of Bengal (1848) (1).
«Amid the dense forests of the cenerl region of Nepal, the westward of the grest valley,
dill, in seanty uunbers, and nearly ia the seace of anure, cwo broken tribes, having no apparent
affinity with the civilizal races of the counery, and seeming like the fragments of an catlier
population.
‘They (oil aot, neither do they spin, they pay no taxes, acknowledge no allegiance, but,
living entitely upon wild fruits and the produce of the chase, are wont co say chat the Rajah is
Lard of the cultivated counery, a8 they are of the uoredcemed waste. They have bows and arcows
“They ace in fact not aoRious bor helpless not vicious bor aimless, both morally and inel-
Tectually, $0 that a0 one could, without distress, behold their careless unconscious inapricude ».
Hovason a été, jusqu’a présent, le seul a sYintéresser aux Chepang. Certains
auteurs Jes mentionnent dans leur description des ethnies du Népal, mais sans situer
avec précision leur zone d'habitat, et en reprenant en fait les observations de Hopeson,
transformées en clichés du « sauvage de In jungle » (cf bibliographie analytique)
‘Aussi prendr
centre guillemets,
comme 1éfétence le texte de Honasow en le citant par fragments
En novembre 1965, traversant le Mahabharat, au cours de mon itinéraire ethno-
ogique, Pai chetché & localiser les Chepang et les Kusunda, C'est dans la Lothar Khola,
sur le vetsant sud du Mababharar, que jai renconiré les premiers Chepang
La chaine du Mahabharat court ’Est en Ouest, séparant la plaine du Terai des
moyennes vallées du Népal. Les sommets se situent entre 2 000 ct 2400 metres. Les
pentes sont abruptes, couvertes de foréts densex de sdf (Shorea robusta), Le Mahabhasat
est la région du Nepal la plus difficile d'accés, les sentiers y étant inexistants. Les
seules voies de pénctration, utilisables pendant la saison stche, d'ectobre & mai, sont les
169Fic, 1, — Caste dir Népal, eégion chepang.
lits des torrents qui coulent soit vers le Terai au Sud, soit vers la rivitre Trisuli au
Nord. La Lothar Khola au Sud, Ja Male Khok ox Nord, constituent les grands axes
de cette région, distante de Kathmandu de 70 km a vol doiseau, mais nécessitant
quatre jours de marche pour s'y rendre (27°43’ Lat. N., 84°30" Long. B.),
Les Chepang habitent, dans Te portion centrale du Mahabharat, la chaine ds Kanna.
Lekh et du Burjgang Lekls, a l'Est et A Ouest de Kandriing Ghati, et les vallées de
Ja Lothar Khola et de la Male Khola (2), Au Sud, une jungle vide dhommes les sépare
de Ia plaine du eral et de la vallée de la Rapti. A l'Ouest, les Magar et les Gurung
coccupent les pentes du Mahabharat ; 4 I'Est, se sont établis des Tamang dont les villages
font partie de la tépion suc-ouest de la zone d’habitat des Tamang de l'Est (3). Au
170Nord, les ‘Tamang oceupent les hauteurs ; les castes indo-népalsises — Bahun, Chetri,
Damii ow tailleurs, Sark? ow cordonniers, Kéini ou forgerons, Sunar ow bijoutiers... —
peuplent le fond des vallées a riziéres irriguées.
Les Chepang se sont sédentarisés, il y a environ quatte-vingts ans, sur une tetre
qui était certainement leur tettitoire de chasse ct de péche. Les castes indo-népalaises,
des Newar et des Tamang sont venus s‘installer dans la méme région (cf carte). L'im-
plantation des ethnics précitées est plus ancienne sur les pentes nord du Mahabharat.
A Trang, les Béhun sont acrivés il y a dix eénérations environ, venant de la région de
Pokhard. Sur la ligne de erée méme du Mahabharat, se sont fixées, depuis cing géné
rations, quelques familles Magar. A Kandsiing Ghari, il y a des Newar venus voici
quatre générations : ils sont originaires de la ville de Patan (Nag Baha). Sur les pentes
sud, les Bahun sont arrivés depuis trois générations
«Having frequencly questioned the Durbar whilse residenc in Kathmandu, as 0 the relations
and origin of the Chepangs and che Kasundas, I was invariably answered that'no one could give
the least aceoune of them, but that they were generally supposed to be auscheones ar primiive
Inhabicants of the coontry »
Fig. 2. — Chepang, daprés Hodgson
(1848, p. 650).
Les traditions orales des Chepang citent le
Mahabharat comme leur lien d'origine, Les docu:
ments historiques népalais ne portent aucune
trace de leur existence. Le rayaume de Gurltha
ne devait pas s'étendre jusqu’aux erétes du Maha
bharat et ne comprenair sans doute que les vallées
peuplées du centre du Népal. Les Chepang vivent
ailleurs toujours en marge de histoire et ne
sont pratiquement pas intégrés a la vie de la
nation.
A premitre vue, ils ne se différencient pas
de leurs voisins Bihun ou Tamang quand au
mode de vie. Tls forment de petits groupes sur
Te flanc des montagnes, cultivant le mais et V'éleu
sine (Eleusine coracarsa). Ce qui les distingue aux
yeux de Métranger, c'est tout dabord leur aspect
physique : de plus petite taille que leurs voisins
Tamang ov Newar, ils ont des traits mongoloides
trés accentués, un nex large ct aplati, le cheveu
noir et crépu. Les hommes sont vétus d’un pagne
et dune pitce de coton rectangulaire qu’ils por-
tent sur les épaules. Les femmes sont habillées,
comme les femmes Tamang, d'une jupe plissée,
d'une grosse ceinture en coton et d'une blouseFic. 3. — Lothar Khola Humpung. Cultures de moutarde
rivigre, A Dosizon Ia ligne de créte du Mahabbarae celminant 2 100 m,
es rereasses au-dessus de la
4, — Male Khola, Nose installée dans un bras du rorrent. Cest le systdme de péch
tmditionnel des Chepang.Fic, 5, — Riiéres en termusses dans la Male Kola, Te rl est missoané, et en parcie butt.
Te fond de la vallée est habité par des Babun ec des Chetri
FiG, 6 — Ghairing, village chepang dans la Male Kola. Cette maison ressemble 2 celle
des nuitzes cases inda-népalaises,
173Un saute trait distinetif des Chepang est leur langue, dbéto-birmane, que
R. Suarer classe dans la division Bodie West Central Himalayish, avec Je magat et
le vayu (ef bibliographic Tinguistique). Ils parlent aussi ua peo le nepali, langue
véhiculaire. Mais absence d'école et de centre administratif dans Ia région explique
Je manque d'empressement quills mettent A apprendre Ja langue nationale.
Le vocabulaire de base est tibéio-bisman, le vocabulaire des techniques agricoles
er des techniques de transiormation est, par contre, purement nepali (4)
@ They Inve bows and arrows, of which the iron arrow heads are procured from their neigh:
ours bat almost no ther implemenc of civilization, and ir is the very skilful snating of the henses
tf che field and che fowls of the sir thar all their lice intelligence is manifested
«< Boughs zosn from wees and laid dexteriously cogether consticure theis only houses, the
sites of which they are perpetually shifting according to the exigencies or fancies of the hous. In
shox chey are aleogether as near eo what is usually called che stare of aarure as anything ia human
shape can well bea»
Honeson décrit les Chepang comme de grands chasseurs, pratiquant aussi la
cucillerte, Mais que chassentils ? Aujoun’hui, ayant perdu Vusage de Pare, ils pidgent
quelques oiseaux dans Ia jungle. En les observant, on est obligé de convenir qu’ils ont
abandonné leurs habitudes de nomades de la forét. Ils y ont cependant recours en cas
de disette. « Lorsque nous n’avons plas rien & manger », disentils, « nous empruntons
un peu de mais aux Bahun ou aux Newar, ou encore aux habitants de la vallée de la
Repti, Nous allons aussi dans la jungle pour ramasser les ortivs et Tes igaames, bart
aril »
Les Chepang pratiquent activement Ja péche 4 Ia nasse dans les petits torrents qui
descendent du Mahabharat. Ils installent une série de paniers coniques dans une déti
vation, puis détournent le torrent. Les grandes péches, qui mobilisent toute Ja
commanauté, se font aprés la mousson cn novembre et décembre.
Hopason ne parle pas des techniques agro-pastorales. Les Chepang pratiquent
cependant depuis assez longtemps Ia cultuze sur brilis, Voici le témoignage de Tita
Ram, agé de 70 ans, du village de Ghairing : on choisit un emplacement dans la forét,
ban (nepali), de préférence pauvre en arbres. On ébranche ccaxei en automne ; au
printemps suivant, on met le feu aux branches et aux herbes ; les cendres donnent Ia
fertilicé au sol. Les membres de Ja famille élévent une cléture autour du champ, appelé
en chepang réi, construisent un abri pour surveiller la récolte, Le sarrasin (Fagopyram
tataricura) est semé en juin et récolié en octobre, On peut faire deux cultures de suite
sur le méme champ. Autrefois, du temps o& les Chepang vivaient dans Ia jungle, la
culture du sarrasin était Ia seule resource, avec le produit de Ia péche et la cucillette
des racines dans la jungle
Deux systtmes de culture existent aujourd'hui en pays Chepang, l'un, traditioanel,
sur brilis, Pautre, dintroducrion récente, sur terrain aménagé. Le premier se pratique
toujours, mais il est réservé au surrasin (F, tataricum et F. esculentum), cultivé sur
Jes crétes (1000 metres Paltitude).
174ea
Terai, Vallée de la Rupti. prey de Narayangarh. Habitac chepang. A gauche,
rable pous [es bovins. Séchoiss 4 mais. Vhabition, 4 deoite, occupe le premier etage
de la construction,
FIG. 8. — Terai, Vallée de la Rapti, village de Dhuraini. Maison de colon Gurung,
A gauche, ctable ec grenier 4 maisFic, 9. — Lothar Khola. Husa.
ung. Chepang devant st maison,
Ly a quatre-vingts ans environ, les Chepang ont commencé a établir des champs
en terrasse. A Texemple des castes népalaises et des Tamang, ils se sont mis & aménager
des pentes entre 600 et 1400 metres Peltitude, sans malheureusement pouvoir les
intiguer. Quelle a pu ete Vorigine ou la raison de Vintroduction de cette technique
qui leur était entidrement étrangére ? On peut penser que les Bihun ont encouragé les
Chepang & se transformer en agriculteurs « sédentaires », mettant & leur disposition des
moyens techniques inconnus d’eux: araire, beeufs de labour, semences. Le travail du
sol se fait actuellement a la houe et & Laraire, Les champs en terrasse sont souvent
anciens charnps sur brdlis, Phabitat permanent étant construit & proximité des surfaces
cultivées.
A Humpung, dans la Lothar Khola, ) 600 mécres d’altitude, on cultive du mais
a grains jaunes, makai (du mois de phdgun & asdr), de Véleusine, kado (de bhadan &
niwisir), de a moutarde, tori (de bbadan & magh), des pommes de terre et un peu
de tabac.
176Les Chepang élévent, ea stabulation entravée, quelques bovins de race népalaise
Les beenfs servent aux labours, et le famier est utilisé pour fertiliser les champs en
terrasse 4 proximisé de I'habitat permanent. On éldve aussi quelques chévees, des poules
et des cochons dans des fosses entourées de palissades.
Les produits sécoltés, mais, éleusine, ne permettent pas aux Chepang de vivre
pendant une année entiére, Tls ont alors recours aux ressources de Ia jungle : ignames,
ban tarul (Dioscorea deemonia}, et orties. Ils emprontent du grain aux Babun et aux
Newar auxquels ils hypothéquent toute leur production de nioutarde. Mais ceux-ci
restent toujours les exéditeurs et leur payent la moutarde 2,5 roupies le piehi (5) pour
Ja revendre 7 roupies & Kathmandu. La commercialisation des produits est inexistante
et les échanges sont tres limités. Une tres faible partie des produits récoltés est échangée
dans la plaine du Terai aux mois de magh (janvier-février) et de phigure (février-mars).
Les Chepang ont besvin de sel. Une famille de denx personnes en consomme
environ deux péthi par an. Mats, citrons, oranges, beurre fait avec les graines de ciuré
Fic. 10, — Ghaisdng. Femme Che.
pang en cain de moudlee dit mais
Le moulin est conseruir sous Fau-
vent de In maison.
177(Bassia butyracea), fevilles de taboe, sont échangés contre du sel, quelques cotonnades,
tun peu de kérostne et quelques mesures de siz, Les Chepang achétent ces mémes
produits, ainsi que des épices, poteries, ustensiles de cuisine, 8 Kathmandu, avec leur
salaine de porteurs.
La seule activité de transformation des Chepang est la fabrication des vanneties,
nnasses de péche, récipients divers. Ils ne filent pas, ne tissent pas ; la langue chepang
n'a pas de termes pour ces techniques. Les travaux du bois et du fer, la construction
des maisons autres que les huttes de montagne ou de surveillance, Ia fabriestion de
Youtillage agricole et de transformation sont le fait des Sunir ; ill y en a quelques-uns
dans la Lothar et In Male Khola, semblant vivre en bons termes avec les Chepang. Le
paiement de tous les travaux se fait en grains,
La Société chepang
Les Chepang sont conscients de former un groupe ethnique defini. Ce groupe est
endogame. If arrive cependant qu'un Tamang ou un Gurung €pouse une femme
Chepang ; les enfants issus de ce mariage, appelés accar, produit croisé (6) ou méme
gharti, esclave libéxé, ont un statue inféricur chez les Tamang et les Gurung, aussi
bien que chez les Chepang, Il y a mariage préferentiel avec la fille da frére de la mere,
comme c'est le cas pour d'autres ethnics : Magar, Thakali,
On observe quelques cas de polygynie ; des Chepang aisés épousent la sceur
caderte de leur premiére femme, Dans la stratification sociale du Népal, les Chepang se
situent au méme niveau que les Tamang e: les Gurung. Ces derniers les considérent
comme une « caste > inféricure, proche des Kami, ou Sarki. De fait, il n'y a pas commen-
salité entre Tamang, Gurung et Chepang, et ceux-ci ne peuvent entrer dans une maison
tamang ou gurung. De plus, ils dévent des cochons, cait distinctif des castes
iniérieuses népalaises. Les Bahun et les Chetri appellent les Chepang pubun, intou-
chables (7), ct les traitent comme tels.
Alors qu'il existe des relations économiques entre Chepang et Bihun, il n’en
existe pas sur le plan religieux. Les Chepang ont des croyances magico-religieuses qué lear
sont propres. Ts ont des intercesseurs qui portent en chepang le nom de pande, et
sont identifiés aux jhakri des autres ethnies du Népal (8); on fait appel aux pande en
cas de maladie grave, cu pour une divination ; le perde ne porte pes de vétement
spécial et exerce son activité uniquement de nuit, TI entre en transes, possédé par sa
divinité turélaire, en battant un tambour en peau, appelé rin (9).
Chaque village ou groupe d’habitats posstde un sanctuaite, desta thin. A Dhuse,
la divinité protectrice du village est Sanka Devi, l'officiant est Chepang (10). 1] dépose
des offrandes de riz au petit temple de [a divinité.
Tous les ans, au mois de raisir (novembre-décembre), chaque chef de famille
fait une offrande a la divinité protectrice de la maison, en chepang nai dewla, on offre
un cog et du poisson a Saka Devi dont lu statue est déposée dans un angle de la
maison (11).
‘An fonds magicoreligicux ancien se sont superposées un certain nombre de
croyances hindoues, Cette « hindouisation » consiste plus dans Pabservation de certaines
178MiG, 12. — Ghairing tntéricor: one femme frit griller de
ustensiles ca fer sont acherés a Kathmandu, Le récipient en bois courné est fait
par les Sunar.Fic. 13, — Marchand Newar instllé dans la Male Khola, Les Newar et les Bahun con-
‘uOlenc coutes les transietions commercisles des Chepang.
fétes du calendrier que dans Padoption de concepts proprement religieux.
Voici les fétes des castes népalaises auxquelles les Chepang patticipent
Karitik purnimd : & Ja pleine lune de kérttik, on suspend des guirlandes de fleurs au-
dessus ces chemins et des cours d'eau,
Titwar : les trois premiers jours de la f8te du Diwali, au mois de hartth
Magh savikranti : fce du premier jour de mdgh
Paghun purnined : (ce de la pleine une de paghun
Cait Desal : fete du mois de cat.
Ces ftes sont autant occasions de se réunir, de boire de la bitre de mais, de
chanter et de danse, Les Chepang ont un impostant répertoire de chants et hommes
fet femmes dansent cn s'accompagnant du tambour mada! (12). Les ethnics voisines
reconnaissent les qualités des Chepang comme danseurs et chanteurs.
eThe lapse of 4 few generations will probably sce the total extinction of the Chepangs and
Kosuadas, aad therefore T apprehend that the uacet now saved fom oblivion of the singulacly
dirumsianced and chanscterzed tribes, now for the first time named by Europeans, will be
deemed very precious by all real students ia etheology. Theis origin, condition aad character are in
auth, ethnic facts of high value, as proviog bow tibes may be dislocated and deteriorated during
the grea transitional eras of society»
Nous sommes relativement loin, aujourd'hui, des conclusions pessimistes de
Hoveson en 1848,
180Fig. 14. — Ghairang. Femme o
cenfane Chepang,
Les Chepang existent toujours ; ils sont plus de 14 000 ; ils ant conservé L'unité
de leur ethnie, leur langue et leurs croyances mayico-religicuses. II y a eu, bien sir,
une véritable révolution dans leur mode de vie ; ils sont passés de la chasse et de la
cucillette a une agriculture organisée, planifiée, Comme le signale Hovason, les Chepang
tiraient leurs ressources de la jungle, dans un milieu naturel & peine modifié par
quelques cultures sur brilis, Nous ne sayons rien du passage de cet état 4 une agricul.
ture planifiée, a champs permanents avec habitat fixe, mais nous pouvons penser qu'il
vest fait il y a plas d’an demisitele. Les castes indo.népalaises, Bahun, Chetri et les
Newar ont probablement joué un réle important, capital méme, dans cette sédentari
sation accompagnée d'une totale transformation du mode de vie.
introduction de la culture de la moutarde, plante de rapport, est certainement
due aux Bahun, les revenus de ce produit étant une sorte de dette perpétuelle des
Chepang envers les Bihun et les Chetri. Ces deriers ont certainement aussi
forcé des Chepang a s‘dloigner de ce qu’ils considérent comme leur région darigine.
On en trouve un certain nombre dans le ‘Terai, au Nord de la rivitre Rapti, pat
groupes de trois ou quatre familles, & Gaindakot, Bhoteni, Chainpar, Jurpani
Certains Chepang, célibataires, vivent comme serviteurs chez des Newar commer-
cants établis le long de la route Hetaura-Narayangarh. D’autres Chepang sont devenus
une main-d’ceuvze ’ bon marché pour Vaménagement du tesroir en champs en. terrasses
dans une zone particulirement hostile (vallées de la Lothar et de la Male Kole.
Aménagement du terrain a vocation agricole, naissance de nouveaux besoins, sédentari
sation la « népalaise », participation passive & une unité administrative, some autant
de facteurs de rupture d’un éguilibre d’ethnie. Les Chepang sont conscients de cette
exploitation par Jes Bahun, les Chetri et les Newar : « Nous, Chepang, nous mettons
181en état les champs (et une fois Je travail fait) les Bahun viennent nous manger ce
travail ». Encerclés par des hommes qui ont une culture différeme de In leur, lear
territoire investi par des ethnies qui ont des. techniques de transformation totalement
différentes des leurs, les Chepang se replient sur cux-mémes, En cas de disette, is ont
recours avx ressources de la juagle ; pour rester Chepang, ils ont leur langue, leurs
cerogances et, en dernier ressort, le zefus du contact humain,
Les broken tribes du Népal
En conclusion, revenons en quelques mots sur le groupe des « broken wibes » dont
les Chepang font partie
Hopesox, dans son désir de systématiser, nayant pas réussi a classer les Chepang,
Jes Kusunda, les Vayu ou Haiyu avec les autres ethnies du Népal, a forgé pour eux
tun nouveau terme, celui de « broken tribes» et souligne que «the Chepaag and
Kusunda have no apparent affinity with the civilized races of the country ». Si nous
avons une cettitude en ce qui concerne Jes Chepang et leur insertion dans la nation
népalaise, que savons-nous des Kusunda ? Existentils vraiment ? Pour le moment, tout
est supposition, Hopson ne Jeur a pas attribué de localisation géographique précise ;
Jes autres auteurs, y compris Nenesky-Woykowrrz, en donnent des descriptions naives
et pittoresques, sans les avoir jamais vus !
Alors que je tentais Wobtenir des renseignements sur eux, un Bahun interropé
m’a répondu ; « Les Chepang sont les descendants des jumeaux Laba et Kus, fils des
divinités Ram et Sita», youlane sans doute signifier par 18 que Chepang et Kusunda
ne sont en fait qu'une seule et méme ethnic
Espérons que ce bref témoignage encouragera d'autres chercheurs a sTintéresser
aux «broken tribes », Chepang, Kusunda, Thami du Mahabharat, et & complécer les
présentes informations, contrituant ainsi utilement i la connaissance du Népal
(Clickés C. Jest)
NOTES
(1) Eide faite en 1965, au cows dune mission de la Recherche coopétative sar Programme
69 (Nepal, subventioanée par le CNRS.
Les nome des Incalieés sont pour la plugare donnés apres les cartes de Iadien Survey,
faition 1931, échelle 1 : 253-440, feulle 72. A
@) Newsey-Woykownr, (1959) signale des Chepang & Uparding-Ghaci 84°37" E, 27°45
N. Cost surtnre & 1st de ce village qu'habitene lex Chepang
(3) Pour lechuie eanang, voir AW. MACDONALD, Remarques sur une publication népalaise
eoacernant les Tamang, UHomme, 1966.
(4) Un vorsbulsice chepaag de 250 mots, careqistré sur bande magaétique, est depose ou
Centre d'Etudes népalises dt Musée de Homme, Paris,
182(9) Tonnn, dict. p. 385 a féthis mesure de eupactsé,
(> TowsmR, dict p. 111 b, kaccar : crossbred.
(2) Tuner, dict. p. 387 a, pai: an uatouchable, member of an untouchable east (such
18 tailors, shoemakers, blacksmits)
(8) A.W, MacvonatD, Notes préliminaires sur les jhiéri da Muglin. J. Aviat, Paris, 1962,
p. 106-132, Laoteur donne une definition p. LOS.
(9) Hovosox, op. cit. 1848, donne dans son yocabulsire chepang: priest: jhiéré
Newrsky-Woyxowrs7, 1959, p. 83: «The eribal priest of the Chepang are called phalais,
Only men can become phdabi, and the function is inherited from father to son. Prefetahly ie is
the eldest son who succeeds his father. Shovld there be no sons thea the brother or even » more
distant male telative may become the new pulubi... The chief insteument of a Chepang priest is a
tambourine which is beaten wich « curved stick, The membrane should be made of che skin of a
wild goat... phalati is usually sommoned ia order t0 cuse an illness...»
(10) Diaprés K, Bahadur Bista, Sanka Devi est le aom d'une divinité invoguée par les jhalré
dans leur prijs
(11) Fm nepali Aad denis, ToRsTs, diet. p. 101, dul: wibe, clan family ; kal deuta: family god,
(12) Les madel, tamboors & des peaux, sont bateus Ja main, Us sone en général fabriqués par
es Kami ou des Suaic
BIBLIOGRAPHIL
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{Breve descripcion des Chepang et de leur mode de vie; comparaison avec les habiwncs do
Bhoran}.
— Unpublirbed papers by BIT. Hodgson, File 3, Hill sribes; Magar, Gurung, Chepang. File 6,
Classification of bill srtbes... Voir London Indien Office Library
Ler articles cicdevsons, cités par ordre de duses, ne peuvent tire considérés comme des sources
indépendantes : ton: sont barés sur les observations de HOnGSON.
Vassirrarr (E), — The tribes, clans and castes of Nepal. J. Ariat Soe, Bengal, LXUL, 1, p. 213+
249, 1894. [Chepang, p. 215+ zésumé de Honesox}.
LEVI (S.). — Le Néfal, Exde historique d'un royaome hindon. Paris, 1905, I.
fp. 223 cite les Chepang : «le type mongoligue, décrit par HODGSON sut 1s foi dobservations
rnombreuses, se reconnait encore sor la physionomie des Névars ct des populations qui les
eatourent, Magars, Gourounys, Sounwars, Kackars, Heiyous, Chepangs, Kesoundes, Mourmis,
‘Kiranss, Limbous ec Lepchas 2}.
Sawwat. (BD). — The peoples of Eastern Nepal, Rastorn Ansbropologist, I, p. 1-T, 1947-1948,
Census of popatation : Nepal 1952. Kathmandu, Depe of Statistics, 1958 (multigraphié
{p. 44, table 10: motbertongue of the population present by regions: Chepang 14261 —
‘Westetn hills: 367 — Ceneer Inner Terai 13 893]
Henwans (M), — The Indo-Tiberans, Bombay, 1954
fp. 24: The nomadic Kusunda tribes and a Fie furtherwest the Chepang live in. Central
Himalaya, They dwell in eaves and under the trees and it is oaly in very recent times that they
have learne the techniques of house building. The Chepang are small statue and have dark
183and coloured skin, These factors have led some co char shey aze the remains of an Austro:
asiatic people.» Lanteur ne donne avcune référence de source]
‘Tone (Sir Fr.).— Gorkha, the Story of she Gurbas of Nepal. Landon, 1957,
{Appendix I, p. 271-272. A note on some of the aboriginal cribes Nepal: «In cental Nepal
to the wesward of the Valley, ia scant numbers and acurly in a stave of ature, there were
‘Chepaag aad Kusunda tribesinen whom Heagson ia 1857 thsoughe 10 be dwindling races and
unlikely «> last maay years»).
Nenusky-WoyKowrrz (R. von). — Kusanda and Chepang. Notes on ewo little eibes of Nepal.
Bull. tnsornas. Com, on argent anrbropol. exhnol. research, Ul, p. 77-84, 1959,
(Lauteur signale des Kusunda, sans en avoir jamais va, donnant une description des plus
vagnes de leur mode de vie. Il ne sest pas davanage rendu en terrivoice chepang et, de ce
fai, alapporre que pov ¢'démeats nowvenux a la discussion]
Nepal 1960-1961. Trade ant information directors, Delhi, 1961
{p. LL: The People: « Of che other minor eribes mension may be of che Thamis who live on
the banks of the Son Kosi and Tama Kosi. They claim theie relationship with the Kisancis
which laier do not admic on che ground of strony intermixtare in thom (Thamis). The
Kusunda live a lietle furcher west of che Thamis settlement. The Chepangs are an other tie of
central Nepal. Both chese cibes are even now nomadic, They dwell in caves ot under trees
tnd speak their own language. On accoune of their dark skin and strong affinicy with che Kols
and Uraons of Central India, they seem dravidian or Turanian extsactioa, Chepangs are becoming
more civilized and learning to build hoses >).
Nepal and the Gurkar, London, HMSO, 1965,
{p. 158, article Chepang ; 's The Chepang is a nomadic forest cribe living near the junction of
the Kali Sed and ‘Trisuli rivers, who build themselves temporary huts in the forest before
moving on. They are animists by religion and few calling themselves Magar have from eime
10 time been ealisced >].
Linguistique
Hovesow (BH). — Comparative voosbulary of the languages of the broken ifibes of Nepal
J. Asiat. Soe. Bengal, XXV1, 1857,
Ip. 317-322 vocabulaize chepang’,
Forbes (CE). — Affinivies of the dialects of the Chepaag and Kusundah tribes of Nepel with
those Of che hill bes of Arracan, J. roy. suis. Soc. (London), ns, IX, p. 421-424, 1877.
{Lauteur analyse La publication de Houcsow et compare la langue Chepang anx langues des
Khyens, Kumis, Mrus, Sak... tribus de l'Arracan)
FORBES (C.F). — On tibero-burman languages. ibid, os. X, p. 210-227, 1878, fp. 219, vocsbu:
lire chepang, source Honéson’)
FoRbEs (CIF). — Comparative grammar of the languages of furthor India w jragivent and other
sargys. London, 1881.
Lingirtic Survey of Indie. TH, part 1, p. 113-567: tibeco-barman family, Calcutta, 1909. [Vocabe:
lire chepang : p. 399-403, source Hopgson] J
SHAFER (R.). — Classification of the sino-tibetan languages. World, XI, p. 94-111, 1955,
{Le chepang est classé de Ja fagon suivante: Bodie division, West central himalayish : vaya,
‘sepang (chepang), mogari}.
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