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UNIVERSITÉ BADJI MOKHTAR ANNABA

FACULTÉ DE MÉDECINE
DÉPARTEMENT DE MEDECINE DENTAIRE

Service De Pathologie Et Chirurgie Buccales

Manifestations à distance des foyers infectieux BD.

Année universitaire 21/22

A.BOUMAZA
1. Introduction :
L’infection focale représente l’ensemble des manifestations qui apparaissent dans l’organisme
à distance d’un foyer bucco-dentaire suspect, supposé responsable. A côté de ses cas
d’infection, existent des accidents aseptiques (inflammatoires d’origine neurovégétative,
allergique et réflexe). C’est la raison pour laquelle le terme « d’infection focale » a été
remplacé par « manifestations à distance des infections ou irritations d’origine bucco-
dentaire ».
La prise en charge de certaines pathologies nécessite la collaboration interservices (médecin
et odontostomatologiste). Parfois, on est amené à recevoir des patients orientés par d’autres
spécialités, en vue de l’établissement d’un bilan stomatologique à la recherche d’une
éventuelle étiologie bucco-dentaire, dans le cadre d’une pathologie secondaire (endocardite
infectieuse, néphropathie, pelade…).

Problématique :

Parfois le médecin dentiste recevra des patients orientés par des confrères pour une recherche
étiologique de manifestations cliniques générales chez des patients ayant une hygiène buccale
défectueuse.

Existe-t-il réellement un lien entre les pathologies à distance et les foyers bucco
dentaires ?

Objectifs :
- Connaitre ses manifestations à distance.
- Mettre en évidence le lien de causalité entre ses manifestations cliniques et la porte
d’entrée bucco-dentaire (lien de cause à effet).

2. Définitions :
 Infection focale d’origine dentaire :
L’infection focale d’origine buccodentaire signifie qu’un foyer infectieux oral peut être à
l’origine de lésions à distance. Ce concept demeure controversé puisqu’il est difficile de
prouver de façon absolue l’origine buccale des germes responsables d’une infection
extrabuccale

 Bactériémie :
C’est un état physiologique caractérisé par le passage transitoire de germes dans le sang
circulant et dépourvu de manifestations cliniques.

 Septicémie :
C’est une infection générale grave de l’organisme se traduisant par des décharges importantes
dans le sang de germes pathogènes, et caractérisée cliniquement par une altération de l’état
général, une fièvre élevée, des frissons et une hémoculture positive. Le plus souvent d'origine
bactérienne, elle peut aussi être provoquée par des virus, des champignons ou des parasites.

 Accidents septiques :
Une lésion pathologique locale appelée foyer primaire est susceptible de provoquer par le
même micro-organisme, un foyer seco ndaire à distance, ce qui évoque la notion de
métastase microbienne
 Accidents aseptiques :
Une lésion bucco-dentaire primaire peut déclencher des manifestations à distance dont
l’expression engendre des troubles de type inflammatoire ou purement reflexe.

3. Notion du terrain :
La qualité du terrain, génétique ou acquise, est primordiale, car certains patients sont plus
vulnérables aux infections, les barrières de défense devenant affaiblies, comme dans le cas
de l’alcoolisme, toxicomanie, dénutrition, diabète, radiothérapie, chimiothérapie
anticancéreuse, corticothérapie au long cours, prothèses orthopédiques…etc.

4. Foyers bucco-dentaires responsables :


3.1. Foyers muqueux : Parmi ces foyers muqueux, on peut citer :
- Péri coronarite qui accompagne l’éruption des DDS inferieures ;
- Les gingivites et les gingivo-stomatites ;
- Les ulcérations, les aphtes, les fistules ;
- Les plaies muqueuses suite aux traumatismes ;
- Les incisions et déchirures au cours des actes de chirurgie buccale.

Foyers infectieux buccale

3.2. Foyers dentaires et péri dentaires :

- Foyers aigus : pulpite – polype pulpaire – gangrène pulpaire – desmodontite.


- Dents obturées, même si elles sont correctement traitées, il est illusoire de les considérer
comme des dents stériles.
- Les parodontopathies à évolution chronique, à flore microbienne riche, très polymorphe,
donc très septique,
- Les épines irritatives : obturations débordantes, syndrome du septum, prothèse inadaptée,
troubles d’occlusion…etc.

5. Mécanismes pathogéniques :

5.1Théorie infectieuse : Plusieurs voies sont possibles :


 Voie sanguine ou bactériémie :
Bactériémie physiologique, spontanée (durant la mastication, le brossage et la déglutition). A
l’état normal, aucune manifestation pathologique. Mais si l’état est réceptif, le passage dans le
sang de germes est suivi par la fixation de ceux-ci sur certains organes. La bactériémie peut
survenir après des actes bucco-dentaires mêmes minimes, c’est la bactériémie provoquée.
 Libération de toxines ou toxémie :
Les bactéries présentes dans les foyers infectieux libèrent des toxines qui vont déterminer des
troubles à distance.

 Pyophagie :
La déglutition du pus va amener le passage des germes dans la circulation générale et la
fixation de l’infection sur certains organes cibles.
 Inhalation :
L’inhalation du pus peut se faire au cours du sommeil ou au cours d’anesthésie générale, et
par conséquent être à l’origine de foyers pulmonaires.

 La contiguïté :
C’est l’extension de proche en proche à travers les voies anatomiques naturelles. Exp: CB –
région orbitaire ; infection odontogène – médiasténites (parfois létales).

4.2. Théorie immuno-allergique :


C’est la théorie qui a le plus de partisans. L’importance des mécanismes allergiques dans les
manifestations à distance d’origine BD semble désormais prépondérante.

4.3. Théorie réflexe neurovégétative :


C’est la théorie la plus contesté car la plus difficile à prouver.

6 .Manifestations à distance d’origine bucco-dentaire :

6.1. Les septicémies : La septicémie désigne une affection potentiellement mortelle qui
correspond à l'infection du sang le plus souvent par une bactérie, parfois un virus ou plus
rarement un champignon. Cette dernière est tributaire de :
- La virulence microbienne des foyers bucco-dentaires ;
- La résistance de l’individu.

Parmi les bactéries, environ 40 % des septicémies sont à bacilles Gram négatifs et 5% des
septicémies à bacille Gram positifs développent un choc septique grave.

 Septicémies aiguës : Elles sont rares en pratique odontostomatologique :


 Septicémie chronique : Se voient lorsque la virulence microbienne est atténuée et
dans le cas de foyers infectieux chroniques qui évoluent à bas bruit (granulomes
apicaux).

6.2. Thrombophlébites cranio-faciales :


C’est la formation d'un caillot (thrombus) dans le réseau veineux profond (thrombose
veineuse) suite à un processus infectieux. Elle peut concernée :

 Thrombophlébite de la veine faciale ;


 Thrombophlébite de la veine ophtalmique.
 Thrombophlébite du sinus caverneux.
 Thrombophlébite du sinus longitudinal supérieur :
6.3. Manifestations cardiovasculaires :

 Endocardite infectieuse d’OSLER :

L’endocardite infectieuse est la maladie cardiaque la plus fréquemment causée par une
métastase bactérienne d’origine buccale. Dans 90 % des cas, les endocardites affectent les
valves du cœur gauche (mitral et aortique).

Dans 25 à 40 % des cas identifiés, la porte d’entré est bucco-dentaire (selon l’union française
de la santé bucco-dentaire) .Les streptocoques représentent à eux seuls plus de 50 % des cas.
L’EI peut être individualisée en :
- Endocardite aigue.
- Endocardite sub-aigue.

Certaines personnes sont plus à risque de développer une endocardite infectieuse :

- Les personnes âgées de plus de 60 ans;


- les personnes qui ont des antécédents cardiaques comme une chirurgie des valves
(prothèse valvulaire cardiaque),
- les hommes (avec un risque deux fois supérieur à celui des femmes) ;
- les personnes dont le système immunitaire est affaibli par une maladie ou un
traitement immunosuppresseur ;
- les personnes diabétiques ;
- les personnes qui souffrent d’alcoolisme chronique ou toxicomanes
( voie intraveineuse).
- Les personnes qui souffrent de maladies auto-immunes (par exemple le lupus).

Le praticien doit être vigilant quand à la prévention dans ce domaine et lors des soins et des
extractions chez les malades à risque (voir les dernières recommandations).

Les recommandations européennes et américaines de 2015 ont limité l’antibioprophylaxie aux


soins dentaires des patients à haut risque d’EI. Suite au dernieres recommandations de 2016
l’antiobioprophylaxie ne devait pas être prescrite de manière systématique

 Athérosclérose :
Il existe de nombreux indices d’une association potentielle entre athérosclérose et
parodontite ; d’où la nécessité de traiter les maladies parodontales.

6.4 .Manifestations respiratoires :


L’infection se fait soit par voie sanguine (bactériémie) ou par inhalation.
Dans le1/3 des cas d’abcès pulmonaires sont causés par des micro-organismes d’origine
buccale (infection parodontale, abcès chronique, péri coronarite).
Plusieurs études ont démontré qu’une HBD quotidienne réduit le taux de pneumonie
d’environ 50 %.

6.5. Manifestations gastro-intestinales :


 Hélicobacter pylori (H.P), agent étiologique des gastrites chroniques, des entérites,
colites, peut être isolée d’échantillon de salive et de plaque dentaire.
 Ferguson et al ont démontré que les H.P. provenant d’une biopsie de l’estomac étaient
identiques à ceux de la salive. Il a été suggéré donc que la cavité buccale pourrait
représenter une source possible d’infection gastro-intestinale.

6.6. Les manifestations osteo-articulaires :


Le rhumatisme inflammatoire subaigu de l’adulte qui succède à une infection ORL peut être
dû aussi à une infection dentaire.
Le rôle de l’infection dentaire est plus discuté dans des polyarthrites évolutives et de la
spondylarthrite. Le fait qu’il est difficile d’affirmer l’étiologie dentaire d’un rhumatisme, ne
doit pas occulter l’irradication des foyers infectieux dentaires sous couverture antibiotique
lors des rhumatismes inflammatoires inexpliqués.

6.7. Manifestations rénales :


Même s’il est difficile d’affirmer l’origine dentaire d’une glomérulopathie, alors que celles
d’origine angineuse sont fréquentes, le rôle aggravant des foyers dentaires est certain.

6.8. Greffe et transplantation :


Elle pose un problème de prévention, la remise en état de la cavité buccale avant toute
intervention de greffe ou de transplantation d’organe et antibio prophylaxie chez les malades
transplantés ou greffés.

6.9. Les manifestations neurologiques :

 L’algie : c’est le signe le plus courant et le plus fréquent d’excitation pulpaire ; localisée à
la dent en cas de dentinite ou irradiante en cas de pulpite (phénomène de synalgie) : dento-
dentaire, dento-cutané ou dento-muqueuse. Les irradiations peuvent intéresser l’œil,
l’oreille et l’ATM.

 Hyperesthésie nerveuse :
Douleur à la pression du trijumeau au niveau des branches terminales.
Elles correspondent aux points de Vallex qui sont :
- Les trous mentonniers : branche terminale du nerf dentaire inférieur ;
- Le trou sous orbitaire : branche terminale du maxillaire supérieur.

6.10. Manifestations oculaires :


Du fait des rapports anatomiques de voisinage entre l’œil et la dent, une lésion dentaire peut
par simple contiguïté et par diffusion, provoquer une atteinte de l’œil :

 Atteinte infectieuse :
- Œdème et abcès palpébraux inférieurs ;
- Ostéopériostite aiguë au niveau du rebord orbitaire ;
- Au niveau des voies lacrymales : dacryocystite – péri cystite.

 atteinte inflammatoire :
Uvéite, conjonctivite, Vascularité, névrite optique…

 Atteinte réflexe ou manifestations réflexes :


Névralgie ophtalmique : Elle peut être infra-orbitaire, rétro-orbitaire ou intéresser le
segment antérieur de globe oculaire.

6.11. Manifestations cutanées et de la vie pilaire :

 Troubles cutanées :
« Toute excitation du trijumeau d’origine dentaire a sa répercussion constante au cuir chevelu
et à la face ».Rousseau- Decelle et Raison
- Une excitation violente se traduit par des phénomènes sensitifs, thermiques, vaso-
moteurs, sécrétoires.
- Une excitation faible produit l’acné, l’eczéma pelade.
- Erythrose : C’est la plus fréquente des dermatoses dentaires. Chez l’enfant, c’est la
classique « Feux de dents » qui accompagne l’éruption des dents lactéales. Chez
l’adulte, l’érythrose se voit au cours des pulpites.

 Troubles de la vie pilaire :

- Ralentissement de la vie pilaire.


- Dépilation diffuse.
- Pelade.

6.12. Naissances prématurées de faible poids :


A l’état actuel de publication, l’association entre infection bucco-dentaire et naissances
prématurées de nouveaux nés hypotrophie n’est pas établie, mais des études sont en cours
pour confirmer les résultats.
Il convient donc de suivre avec soins l’état dentaire et parodontal des femmes enceintes et
d’intervenir s’il y a lieu, de préférence entre le 3ème et le 6ème mois.

7. Traduction diagnostique et conduite à tenir :


En présence d’une manifestation à distance susceptible d’être d’origine bucco-dentaire, le
spécialiste doit, après avoir mis en évidence les foyers infectieux et irritatifs, établir les
relations de cause à effet entre les lésions stomatologiques détectées et les manifestations
secondes.

6.1. Traitement préventif :


Repose sur la lutte contre la septicité buccale qui joue un rôle prépondérant dans l’évolution
des caries et des alvéolyses, par conséquence: la prophylaxie des accidents focaux ne peut se
concevoir sans une hygiène bucco-dentaire rigoureuse

6.2. Traitement curatif : il dépend de :


- La nature de l’affection qui a motivé la recherche des foyers infectieux: si l’affection en
cause (par exemple endocardite d’Osler) met le pronostic vital enjeu, il faut
impérativement éliminer tout foyer suspect. si l’affection supposée seconde ne compromet
pas le pronostic vital, l’attitude thérapeutique n’impose pas un traitement radical.

- La situation anatomique et de l’atteinte pathologique de la dent : le traitement curatif peut


être conservateur ou radical.
a. Traitement conservateur : consistes-en :
- Traitement précoce des caries dentaires au stade de dentinite.
- Traitement des pulpopathies.

Traitement non conservateur :


Nous estimons que les traitements conservateurs n’impliquent pas une sécurité totale, et en
raison de la gravité de certaines pathologies secondes, le traitement non conservateur devient
indispensable. Il s’agit d’une suppression des foyers infectieux bucco-dentaires sous certaines
précautions.

Conclusion
Il est démontré l’importance des foyers infectieux bucco-dentaires dans certaines affections
générales. Nous recommandons un examen clinique odontostomatologique approfondi pour
une prévention et un meilleur traitement de certaines affections secondaires, telles
l’endocardite infectieuse d’Osler.

Même si le foyer bucco-dentaire n’est pas déterminant, il est de toute façon aggravant, d’où la
nécessité d’une hygiène bucco-dentaire parfaite et de respecter pour ce qui nous concerne les
règles de « bonne pratique ».

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