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Besoin D'une Solution en Béton Armé
Besoin D'une Solution en Béton Armé
Sabine Macher
L'Esprit Créateur, Volume 55, Number 1, Spring 2015, pp. 90-98 (Article)
la pelleteuse passe très près de son dos et il lui montre avec le bras l’endroit
où jeter la terre couleur curry, je ne sais pas s’il m’entend, ni s’il me com-
prend, il est en train de parler avec un alias casqué dans une autre langue que
le français mais je ne sais pas laquelle :
la barrière entre nous est un grillage à simple torsion en fil de fer galvanisé
riche ou standard ( ? ) avec des grands trous de maille de la taille d’un livre et
en dessous de mon nombril c’est du fer en tôle plissée verte et blanche.
ANAH APE ARIM tu vois ça commence sur un canapé rouge. ENSA EPIC
en dessous il est vert avec des grappes de vin. au Louvre sur une tuile deux
hommes portent une immense grappe de raison posée sur un bâton dont la per-
sonne de devant porte le début. il se tourne vers la personne de derrière qui
pose le bout du bâton sur son épaule (la même épaule pour les deux) dont le
ventre regarde la grosse grappe entre les deux hommes. (à peu près)
sans parler des choses doucement domestiques il faut écrire avec un casque.
puis des choses. les receveurs de douche en grès émaillé font la synthèse avec
les releveurs ultra-plats. je ne vois pas bien parce qu’il fait nuit.
quand les ouvriers travaillent sous des lampes la nuit c’est vraiment urgent,
mais joli aussi. est-ce que les chefs de chantier rêvent d’un perforateur
burineur TE 60-ATC-AVR ? quand je serai bientôt vieille (DSQ) je vendrai
des brioches au bord du chantier, n’importe lequel parce qu’il y en a sans
cesse mais pas n’importe quelle brioche.
(il y a longtemps) (tous les jours) l’isolant des combles perdus en rouleaux
laine de roche Mohammed marche enragé et discourt en langue arabe autour
de la bouche du métro Marx Dormoy qui n’est pas une bouche. c’est impor-
tant ça aussi. la rénovation doit se faire avec la campagne très profonde extra-
muros. les personnes qu’on prend sont fracassées, on a une forte demande du
souci de la ville en passant le message avec nos propres déchets beaux, utiles,
robustes qui vont devenir autre chose.
un jour, en pleine chaleur, je sens qu’il veut me parler ou que je lui parle et
tout en m’excusant de ne vouloir l’offenser en lui proposant de l’argent je
m’apprête à repartir. les yeux les yeux, on peut écrire les yeux fermés ? il dit :
— non non (en français sans hésitation) vous pouvez me donner de l’argent.
avec une grosse tache marron sur le haut de la joue quasi la tempe.
une veste en fourrure verte durablement fausse.
qu’est-ce qu’ils veulent dans l’éco-box ?
rien n’est assez bon dans ce texte pour LARU. ren- verser. bien choisir son
enduit en pâté, 26,73 à partir de 3 bidons. stocker la haine du travail entasser
la haine du travail recycler les verbes et vider la sauce pour chantier gemütlich.
ensuite (quelques années). quand on se trouve face à face, tous les jours, sans
rapport avec lever, pousser, arracher, il interrompt son discours en langue
harangue pour dire délicatement :
— bonjour.
en sortant du métro le prophète fou, les cheveux moitié arrachés, moitié scalpé
avec une fine peau de brûlure à la place des touffes, bras en l’air, prêche.
quand il est trop secoué je le contourne par l’arrière. sauf qu’il renverse sa
face souvent, comme les tigres dans les cages des zoos et les moutons dans les
hlm en plan urbain quand Deleuze ne veut pas rencontrer les AAA pour l’ap-
probation de la longue lutte de l’administration en déshérence.
et le voilà plein face.
— non, il n’y a que des portugais ici, parfois un ou deux arabes, mais
sinon que des portugais, je suis le seul ZAC ZAD ZEAT ZIF ZUS
français sur ce chantier.
j’ai mal au dos, entre les homo plates, les hommes sans épaisseurs, comme
ceux enterrés en Pologne en couches successives, des lasagnes de cadavres, à
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vive les bourgeois car les bourgeois savent vivre dans la beauté et le calme
riche sans même plus savoir d’où ça vient. toute l’Europe fait ainsi, même si,
chaque fois, on a un voisin pauvre à l’est ou au sud pour garder les repères. le
domestique public en Lettonie par hasard en pleine descente avec des cheveux
de la barbe et un pullover.
je vole deux vases dans la maison de mes parents morts, non trois.
sur le vase pas plus grand qu’un manche de marteau, un paysage peint sur du
verre sablé, des traits dessinent des cailloux et par terre des fleurs
amasser
en haut les baies noires sont les fruits du jasmin blanc. pendez au-dessus du
bord, à côté d’une branche d’aster pour Gottfried Benn. je n’arrive pas à lire
Céline, mais j’aime Gottfried Benn. il est mort le même jour que ma mère, un
7 juillet, jour de la cerise. conduire, rouler, transporter mon père mort le 2
octobre, journée de la pomme de terre. un gros tuyau rouge cannelé s’enroule
sur lui-même. c’est ce qu’on dit, mais il est juste posé en tas, un tuyau en tas
enroule le chantier Pajol.
dimanche le chantier dort toute la journée. mais ce n’est pas ce que je voulais
écrire, je mets toute la journée du dimanche à commencer, transporter, main-
tenant verser, après minuit, j’y suis et j’oublie. les portes et fenêtres sont sur
les trottoirs d’une grande désolation. un câble gros comme une couleuvre
coupe en diagonale et s’appuie sur un bout de bois provisoirement attaché à
un autre bout de bois, en croix.
I can recognize you on the other side of the street by the way you walk.
(walk don’t walk) saute du ferry ? son corps attend sous la statue de la liberté
pendant 18 mois avant de flotter remontant.
il faut des garde-corps pour rester une vie au sec. galvanisé à chaud par
immersion dans un bain de zinc en fusion. au final on a un objet très neutre
que la ville des grands ensembles avec les habitants récupère en baignoire.
fusionne le texte sans déplacer lire.
OPAC OPAH ORT aime et dors.
sur les chantiers on ne fait pas beaucoup l’amour mais ailleurs non plus. on en
parle on y pense, mais le thermolaquage après métallisation par projection de
poudre polyester cuite au four passe avant. mon amour.
du jasmin, c’est ça. le jasmin fait des boules noires quand il ne fleurit plus.
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lant au téléphone parce que la personne avec qui il parle ne le voit pas. il y a
de la neige. quand il y a trop de neige, les chantiers s’arrêtent et c’est beau
comme tout ce que fait la neige. neige qui tue est mort gracieuse. tomber d’un
échafaudage est maladie et mort courantes. sans papiers c’est sans histoire.
que deviennent les mégots des cigarettes, les ongles arrachés, les capuchons
de stylo, les emballages en cellophane, les tickets de loto, les languettes col-
lées sur la bande adhésive des protège-slips et des enveloppes bon marché, les
fourmis, les crachats, les semences, les mauvaises herbes, les gouttes de
ciment, les listes de poésie, les crottes de nez, les fientes d’oiseaux, les
cheveux, les pansements souillés, les cendres, les préservatifs remplis de leur
petit butin, les pellicules, les miettes de pain, les cailloux, la poussière dans
un chantier ?
uchwyt oczywiéscie trzeba bedzie ponizej strip gdzie ciezkie wioslo umrzec
le soleil revient après la neige mais le grutier froid quand même tu comprends
? on a perdu une phrase dans une crevasse
traverser
est-ce que je suis heureuse en tapant sur des bouts de bois pourris à faire sortir
les armatures en fer du toit de l’entrepôt sncf ? le jeune militaire (pourquoi ça
serait un militaire ?) {la France milite au Mali en face de moi allant à Dijon}
regarde la jeune femme à côté qui va plus loin, constamment. recycler, amé-
nager le terrioire et rassembler pas trop au féminin, là où les femmes nous font
onte. dans une classe à Metz lors de la journée de la jupe, Rabia, 14 ans dit :
nous, quand on se fait violer, c’est de notre faute, c’est qu’on l’a bien
cherchée.
(j’enlève le e ? )
cherché. amasser SPLAAD
il a un casque sur la tête (port de tête obligaGa) et une grande cicatrice de tré-
pané que je vois bien à travers ses cheveux clairsemés repoussant peut-être.
peut-être pas. (ils vont rester comme ça, les cheveux) il est certainement
tombé d’un échafaudage militaire. mon sac craque, ma mère est morte et j’ai
envie de marcher dans le chantier de l’arsenal avec mes chaussures de luxe
sans trop les salir.
saute pour tout faire péter sauf le béton et l’ipn, encore que le mur de Berlin
(une solution en béton armé) a été piqué par les Mauerspechte en en prélevant
des morceaux-éclats.
le power pointe au colloco, Lady GagaTane prend le micro mais elle ne parle
pas dedans, j’entends seulement : mis au rebut.
il n’y a pas d’objet qui peut revenir à une famille sans beaucoup d’argent dans
la continuité temporelle brutalement détruite du paysage qui transformait les
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baignoires. ultra patrimonial on l’a fait. Maud le Floc’h attend que ça se calme
en aménageant le territoire avec un pôle. Lazzarato résiste au lit.
élaborer du lourd, travailler, se div ertir, habiter, circuler dans le zoning. avec
des planchettes ici même. au-delà de la cosmétisation des points gamma ça
va ? c’est pas rien cette chose là qui manque. j’occupe deux places à cause des
vêtements d’hiver avec des extensions sncf.
et ce qui est drôle c’est que le terrain appartient à un promoteur privé et donc
pour terminer des séries comme ça avec les mains qui font des mouvements
tantôt ensemble, tantôt l’une après l’autre finalement c’est plus naturel la
main qui amène le bras plié au coude à balayer derrière l’épaule.
il pleut beaucoup on va faire un toit avec des gangs. cinq toits et que des
garçons. les femmes dansent en jupe de raphia et font la cuisine derrière le
train à Madrid là c’est Londres à nouveau ça fait 60 kilos et ça couvre 300
mètres carrés.
(il est là derrière la palissade) (il recule avec une poussette vide, la femme est
derrière, l’enfant en mouvement entre les deux)
Então, um anjo forte levantou uma pedra como uma grande mó, e lançou-a no
mar, dizendo: Assim, com ímpeto será lançada Babilônia, a grande cidade, e
não vai ser encontrado.
garder quand même la vue sur cette très belle tour trois cents mètres. au centre
de son espace DSU DDE DLEUZE l’immobile nomade constitué en associa-
tion de voisinage pris dans les contrôles des différentes sociétés d’hlm part
avec nos palettes.
pour soukkhot la fête des cabanes les adultes montent des cabanes dans leur
salon, avertis de la temporalité du pérenne éphémère. on dort dehors s’il ne
pleut pas. mais on mange dans la cabane à ciel ouvert avec des parapluies.
(on retourne vers l’arrêt de tram) il me montre avec le bras armé d’une ciga-
rette allumée à la main en forme de moufle :
— là c’est la minoterie,
(un terrain ouvert sans palissade avec à droite une rangée de bâtiments blancs
aux vitres trouées)
ça marche entre deux murs, un arbre et une porte fermée, avec des tas de sable
dans le salon jusqu’au plafond qui n’est plus (le plafond) si on l’ouvrait (la
porte).
la lune vole sur place. dans la poche du manteau noir le mouchoir blanc en
papier buvard avec les deux gouttes de vin rouge de la table du buffet de la
gare de Dijon. les chaises sont sur les tables, la serveuse balaie mais c’est
ouvert. (la fin c’est important) et percevax vit defolee la noiv qui soz la gente
jut et le sanc qui ancor parut. si s’apoia desor sa lance por esgarder sele san-
blance que li sans et la nois ansanble la fresche color li resanble qui est an la
face s’amie, et panse tant que il s’oblie.
des tas de gens ont fait la cuisine à la recherche d’un corps long. même
s’ils n’y dorment pas.
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