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Robert Vigneault - Dialogue Sur L'essai Et La Culture
Robert Vigneault - Dialogue Sur L'essai Et La Culture
et la culture
Cette collection fait place à des travaux historiques sur la culture québé-
coise, façonnée par diverses formes d’expression : écrite et imprimée, celle
des idées et des représentations ; orale, celle des légendes, des contes, des
chansons ; gestuelle, celle du corps et des formes variées de manifestations ;
matérielle, celle des artefacts ; médiatique, celle des média de communication
de masse, portée par la technologie et les industries culturelles. Ouverte aux
travaux comparatifs, aux défis de l’écriture et de l’interprétation historiques,
la collection accueille aussi des essais ainsi que des travaux de sémiologie et
d’anthropologie historiques.
Titres parus
Lamonde, Yvan et Denis Saint-Jacques (dir.), 1937 : un tournant culturel,
2008.
ISBN : 978-2-7637-8741-1
© Les Presses de l’Université Laval 2008
Tous droits réservés. Imprimé au Canada
Dépôt légal 4e trimestre 2008
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. Georges Lukács, L’âme et les formes, traduit de l’allemand par Guy Haarscher, notes
introductives et postface par Guy Haarscher, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de
philosophie, 1974, p. 201-239.
. Ibid., p. 7-33.
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. André Belleau, « La passion de l’essai », Liberté 169, vol. 29, no 1, février 1987,
p. 92-97.
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. Voir, sur ce sujet, Jean Starobinski, « Peut-on définir l’essai ? », dans Jean Starobinski,
Paris, Centre Georges Pompidou, Cahiers pour un temps, 1985, p. 185-196.
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. Jules Fournier, Mon encrier, Introduction d’Adrien Thério, préface d’Olivar Asselin,
Montréal, Fides, collection du Nénuphar, 1965, 350 p.
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. André Belleau, « Petite essayistique », dans Surprendre les voix, Montréal, Boréal, 1986,
p. 85-89.
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. Charles E. Whitmore, « The Field of the Essay », Publications of the Modern Languages
Association, vol. XXXVI, no 1, 1921, p. 551-552.
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. André Belleau, « Indépendance du discours et discours de l’indépendance », dans
Surprendre les voix, op. cit., p. 125-139 ; voir p. 126-127.
Je dois t’avouer, mon cher, que je me demande souvent s’il n’est pas pré-
maturé d’enseigner l’essai. Si on tient compte d’une certaine hiérarchie des
genres, l’essai n’est pas aussi canonique que le roman, par exemple. Il n’a
pas encore fait l’objet d’une formalisation rigoureuse.
LUI – Je tiens à souligner que je n’ai rien contre ces chroniqueurs, que je
lis assidûment, d’ailleurs, et qui jouent un rôle important auprès des lecteurs.
Mais, effectivement, il me semble qu’ils pourraient distinguer entre les études
et les essais qu’ils présentent au public. Un peu de rigueur intellectuelle siérait
ici, car il y a un monde de différence entre les deux. Les études relèvent de
la prose d’idées de communication courante, tandis que l’essai est aussi une
prose d’idées, mais transmuée par l’écriture. Dans le cas de l’étude, on peut
se contenter à la rigueur de résumer et discuter des contenus ; tant mieux s’ils
sont bien exprimés, mais c’est la pensée d’un auteur ici qui importe avant
tout. La situation est tout autre dans le cas de l’essai où toute l’attention doit
porter sur l’écriture, seule révélatrice de la pensée dans sa pleine justesse. Te
souviens-tu de ce passage de Jean Marcel qui corrobore mon insistance sur
la forme de l’essai ? Il réagissait, avec quelle ferveur, à la lecture des Deux
royaumes de Pierre Vadeboncœur :
Juste après sa célèbre phrase sur l’homme-style, Buffon a écrit quelque
chose de beaucoup plus grave et qui prend ici tout son sens : « La façon
dont une chose est dite est de plus d’importance pour l’humanité que cette
chose même. » Dite d’une autre façon, la justesse des Deux royaumes
serait-elle encore vérité ? On en doute, tant la façon ici est le mode même
de la conviction.
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. Jean-Marcel Paquette, « Gloses et notules », dans Liberté, « Les deux royaumes de Pierre
Vadeboncœur », no 126, novembre-décembre 1979, p. 19-20.
la réflexion théorique sur le récit et sur l’essai ?), les étudiants, donc, se sont
plaints de l’insuffisance de leur préparation méthodologique. On est revenu à
la proposition de créer trois demi-cours : le récit, la poésie, le théâtre ; quant
à l’essai, on l’éluda, sans plus.
L’AUTRE – Cette fois, tu étais cuit !
LUI – Tu t’imagines bien que je ne me suis pas rendu sans condition.
J’écrivis au président de ce comité innovateur une lettre ferme mais polie.
L’AUTRE – Et as-tu réussi à le convaincre ?
LUI – Pas du tout. Je ne te citerai que la partie de sa lettre qui concerne
l’essai, et qui m’a fait bondir. « À propos de la place de l’essai dans nos pro-
grammes, cependant, je ne suis pas d’accord avec vous. Il ne s’agit pas de
considérer l’essai comme un genre inférieur, bien sûr ! Mais il faut admettre,
je crois, que [...] la réflexion théorique sur l’essai et la méthodologie de l’ana-
lyse de l’essai ne méritent pas trois crédits d’étude obligatoires, à la différence
des autres genres. Cette matière est plus limitée [...]. »
L’AUTRE – Je n’ai pas la vocation de « polémiste » mais je t’avoue
que je trouve de tels propos désolants et surtout dénués de tout fondement.
Pour préparer les cours que j’ai donnés sur l’essai, je n’ai fait qu’effleurer
l’ensemble des écrits consacrés à ce genre littéraire, en me limitant d’ailleurs
aux textes français ou accessibles en français ; faute de temps, j’ai dû me
contenter de quelques textes classiques de Lukács, Belleau et Jean Marcel :
la matière, déjà, était fort copieuse et plutôt difficile. Autre exemple : on
m’a rapporté qu’un collègue avait consacré un séminaire entier à l’étude de
l’essai critique d’Adorno sur « L’essai comme forme10 » qui propose, en fait,
une vision globale du monde culturel. Ne retrouve-t-on pas, à la lecture d’un
essai « authentique » (tel que le voulait Lukács), c’est-à-dire celui qui adresse
à la vie son perpétuel questionnement, l’intentionnalité de l’écrit philosophi-
que ? Il me semble, en effet, que l’essayiste est une espèce de philosophe,
contemplateur d’idées, d’essences, grand idéaliste, à la manière de Socrate
« toujours plongé dans les valeurs ultimes », affirmait un Lukács ébloui par
ce modèle, sauf – et c’est capital – que sa pensée, essentiellement libre, ne
saurait se figer dans la glace d’un système. C’est pourquoi, d’ailleurs, l’essai,
��. Theodor Adorno, « L’essai comme forme », dans Notes sur la littérature, traduit de
l’allemand (Francfort/Main, Suhrkamp Verlag, 1958, 1961, 1965, 1974), par Sibylle
Muller, Paris, Flammarion, 1984, p. 5-29.
��. Gilles Dorion, « L’essai : le genre oublié », Québec français, hiver 1997, no 104,
p. 78-80.
12. L’essai et la prose d’idées au Québec, Archives des lettres canadiennes, tome VI, sous
la direction de Paul Wyczynski, François Gallays, Sylvain Simard, Montréal, Fides,
1985, 928 p.
13. Ibid., p. 11.
14. Ibid., p. 12.
15. Ibid., p. 26.
16. Ibid.
Et pourtant, bien qu’il soit passé tout près d’un véritable essai, affichant
haut et fort ses principaux traits formels, le savant auteur de cette étude n’a
rien vu !
L’AUTRE – Il me paraît avoir considéré ce texte comme une prose
d’idées courante.
LUI – Il faut que je te confie un secret. Ce gros ouvrage devait s’intituler
simplement L’essai au Québec. C’est moi qui, au fait du contenu réel de ce
manuscrit hybride, ai vivement suggéré au directeur de l’entreprise, histoire
de sauver les meubles, d’inclure la prose d’idées dans le titre ; autrement, ai-je
argué, il risquait d’être la cible de critiques justifiées de la part des spécia-
listes de l’essai. Il est donc tristement significatif que tous les collaborateurs
de cette œuvre aient cru en principe traiter de l’essai ! Mais chez beaucoup
d’entre eux, on ne trouve que des résumés d’une prose d’idées véhiculaire, et,
par suite, et pour cause, pas l’ombre d’un critère formel applicable à l’essai.
Reconnaissons crûment qu’on aura raté l’occasion de consacrer un ouvrage
entier à l’essai, dans toute sa pureté formelle.
L’AUTRE – Tu en es resté amer ?
LUI – Je suis surtout déçu. Pour une fois qu’on abordait la question
de l’essai dans cette collection prestigieuse... Or l’essai s’y trouve souvent
réduit à une prose d’idées instrumentale, parfois d’une affligeante banalité.
Ainsi l’essai philosophique québécois n’est qu’un « sous-ensemble mineur
d’un genre mineur18 ». Ou encore : « Hors du roman et de la poésie, tout est
essai », c’est-à-dire « éditorial, critique, article dans une revue, mémoires,
17. Ibid.
18. Ibid., p. 211.
Comme il se doit, s’agissant d’essai, Simard insiste sur le ton des écrits
de Fabre, cet humour fin et spirituel des Chroniques qui me semble s’appa-
renter à ce que les Anglais appellent le « familiar essay ». Ce style lui aura
d’ailleurs valu une réputation de légèreté dont souffrira, au fond, celui qui
avait la boutade si facile :
Car, voyez-vous, la chimère que je caresse maintenant, c’est qu’on ne
m’aborde plus le sourire aux lèvres, c’est que la folle jeunesse s’incline
avec un front ému devant mon front chauve25.
son propos. Ainsi, dans l’essai critique, « est manifeste un certain travail de
l’écriture30 ».
Corollairement, bien des ouvrages, savants dans leur contenu, bardés d’éru-
dition, bourrés de connaissances, ont été exclus [de cette étude] pour la
raison inverse. Non qu’ils soient mal rédigés ou mal composés ; [...] mais il
leur manquerait ce presque-rien (qui est tout ?) et qui ferait qu’un ouvrage
passionne le lecteur ou non. Le texte n’aurait pas réussi à se constituer en
écriture et ne pourrait donc pas assurer par son entremise cette présence
particulière inimitable, qu’on pourrait désigner comme la voix du texte (à
ne pas confondre avec la voix du moi auctorial) 31.
LUI – Mais oui, mon cher Gallays, « tu l’as l’affaire », comme dirait
mon voisin Adéodat. Tu es au cœur du sujet !
L’AUTRE – En effet, et il ne manque même pas, parmi ces paramètres,
l’insistance sur l’argumentation particulière de l’essai, de type enthyméma-
tique36 plutôt que rigoureusement discursif, en raison toujours de la radicale
imprégnation subjective du texte. Ainsi, comparant deux ouvrages de Jean-
Louis Major, Saint-Exupéry, l’écriture et la pensée et Anne Hébert et le
miracle de la parole37, Gallays écrit :
En regard du précédent ouvrage, Anne Hébert et le miracle de la parole
se rapproche davantage de l’essai de critique littéraire. [...] Alors que dans
l’ouvrage sur le pilote-écrivain, l’énonciation empruntait en quelque sorte
la voix neutre de la raison, [...] dans l’ouvrage sur Anne Hébert, c’est une
voix assumant sa subjectivité qui prend en charge l’énonciation du texte
et, ce faisant, s’engage plus directement et plus totalement dans l’analyse
qu’elle développe38.
dans le cas des essais, permet de discerner. Traiter ainsi Les insolences eût
conduit à une grave erreur de lecture.
LUI – Effectivement, et mon second coup de cœur ne te paraîtra pas
moins significatif sous ce rapport. Il s’agit de l’article de François Ricard,
« Edmond de Nevers : essai de biographie conjecturale 47 ». Le point de
départ de cet essai critique est une fascination, selon le postulat de Lukács,
Bachelard et Jean-Pierre Richard :
cette figure, dès qu’on s’en approche le moindrement, fascine par sa « sin-
gularité », par la « différence » et la « complexité » caractéristiques d’un
véritable écrivain, par son « exemplarité ». Elle nous [touche] directement
dans notre présent48.
55. Prélude, Centre national des arts, Ottawa, hiver 2005. Programme Le Cid de Pierre
Corneille, mise en scène de Gervais Gaudreault, une production du Théâtre du Trident,
le 10 février 2005.
��. Jean Marcel, Pensées, passions et proses, Montréal, L’Hexagone, collection Essais
littéraires, 1992, p. 313-385.
��. Laurent Mailhot, Ouvrir le livre, Montréal, L’Hexagone, collection Essais littéraires,
1992, p. 176-237.
��. Robert Vigneault, L’écriture de l’essai, Montréal, L’Hexagone, collection Essais lit-
téraires, 1994, 333 p.
��. François Dumont (dir.), La pensée composée. Formes du recueil et constitution de
l’essai québécois, Québec, Éditions Nota bene, collection Les Cahiers du CRELIQ,
1999, 288 p.
60. Idem, Approches de l’essai. Anthologie, Québec, Éditions Nota bene, collection Visées
critiques, 2003, 278 p.
��. Anne Caumartin et Martine-Emmanuelle Lapointe (dir.), Parcours de l’essai québécois
(1980-2000), Québec, Éditions Nota bene, collection Essais critiques, 2004, 220 p.
��. « Dérives de l’essai », dans Études littéraires, vol. 37, no 1, automne 2005, p. 5-141.
c’est-à-dire aux morceaux choisis ? Mais c’est plus fort que moi : j’ai la passion
de la réflexion sur la littérature ou des « préceptes littéraires », comme on
disait au collège ; l’histoire littéraire m’intéresse infiniment moins que les
œuvres vives ; quelques balises me suffisent, soit le contexte d’énonciation
ou l’essentiel de la situation d’énonciation, l’attitude fondamentale de l’écri-
vain, son cogito, pour ainsi dire, au moment de l’écriture. Dans sa longue
introduction, érudition oblige, l’auteur a invité à sa table non seulement l’essai
mais ce qu’il appelle son « voisinage », une foule bigarrée de proses d’idées
dont je ne donne ici qu’une idée, en vrac : journal intime, correspondance,
lettre ouverte, manifeste, maxime, récit de voyage, rapport, témoignage,
histoire, description, sermon, oraison funèbre, conférence, causerie, littéra-
ture de combat, pamphlet, chronique, texte journalistique, mémoires, brûlot,
autobiographie, etc. Que voilà d’encombrants « voisins », dont plusieurs n’ont
rien à voir avec l’essai, ou relèvent carrément d’autres genres littéraires, ou
requièrent un remaniement en profondeur pour entrer dans l’aire essayiste.
L’essai est, en effet, selon Barthes, un genre « récessif » (du latin recessio,
de re, « en arrière », et cedere, « aller »), exigeant effectivement un retrait, un
recul par rapport à l’événement, que symbolise parfaitement l’« arrière-plan
méditatif67 » (Kundera) que s’était ménagé Montaigne dans le silence de sa
tour. On n’a que faire ici des « témoignages à chaud, à vif », des « réflexions
dans l’urgence », des « questions et réponses immédiates » qui alimentent
nombre de textes et de chroniques journalistiques, et même des éditoriaux.
À vouloir tout embrasser, l’auteur se laisse souvent entraîner hors du sujet,
et il se condamne à effleurer les essais authentiques dont il est question.
À mon humble avis, il eût fallu établir clairement, au départ, les paramè-
tres de l’essai – c’est possible, quoi qu’en disent des tenants de l’obscurité
cultivée –, puis se limiter à l’essai, c’est bien assez, et c’est indiqué dans le
cadre de l’instrument pédagogique que représente une anthologie. D’ailleurs,
pour définir un genre littéraire, mieux vaut, selon la suggestion de Philippe
Lejeune, s’en tenir à un centre et éviter de s’égarer dans les marges. À la
fin, l’auteur prend ses distances vis-à-vis de l’essai, en direction d’une sorte
de « prose » libérée... Puis-je suggérer qu’on pourrait d’abord libérer l’essai
d’approximations comme « l’essai proprement dit » ou de pléonasmes comme
« l’essai littéraire » ou « l’essayiste écrivain », quitte à redonner au mot essai
sa pleine valeur suggestive.
��. Milan Kundera, « Préface », dans François Ricard, La littérature contre elle-même,
Montréal, Les Éditions du Boréal Express, 1985, p. 8.
��. François Hertel, Journal d’Anatole Laplante, Montréal, Éditions Serge Brousseau, 1947,
p. 53 et 63.
Mais, au fond, l’université n’a fait que s’adapter à notre monde dés-
humanisé où la culture se confond avec l’« industrie » du divertissement, le
« culturel », comme on dit maintenant, qui tend à l’arasement de la culture
lettrée ou des modèles élevés de la culture en amalgamant, par exemple, dans
le nouvel « Espace musique » de Radio-Canada, Céline Dion et Beethoven,
pour la plus grande joie des « méli-mélo...manes70 ».
��. Christian Rioux, « La culture de l’immédiat », Le Devoir, 2 mars 2007, A5.
��. Gilles Lesage, « Espace musique et méli-mélo...manes », Le Devoir, 26 novembre 2004, A8.
parler car tu ne peux ignorer combien je tiens au mot essai, dans sa pure
nudité. En ayant recours à tes distinctions astucieuses, on va à contre-courant
d’une longue tradition de réflexion sur l’essai qu’on peut faire remonter jusqu’à
Lukács et Adorno, et sans doute aussi jusqu’à Montaigne lui-même qui a
créé le genre et choisi pour le désigner la dénomination d’« Essais ». Sans
plus, mon vieux, sans plus ! C’est vrai qu’il y a une tendance aujourd’hui à
confondre l’essai avec l’ensemble de la prose d’idées, mais c’est une tendance
« déplorable », selon un chercheur consciencieux, Richard M. Chadbourne71,
lequel cite Suzanne Langer, l’auteure de Feeling and Form, qui considère
aussi que c’est une erreur grave que de pratiquer l’amalgame entre l’essai
et la prose d’idées courante72. Je reconnais que l’essai est un type de prose
d’idées, mais le mot essai ne dénote pas l’ensemble de la prose d’idées, bien
au contraire. Les études, traités, monographies, discours, éditoriaux, thèses,
pamphlets, dissertations, sermons sont bel et bien de la prose d’idées, mais
non de l’essai, de grâce ! Une monographie sur Le saumon ou sur Les fleurs
sauvages du Québec ou une étude sur Le style de Nelligan, si utiles et inté-
ressantes soient-elles, n’ont rien à voir avec l’essai. André Belleau a déjà
formulé, de fort aimable façon, des évidences (qu’il faut pourtant rappeler
hélas, il n’y a qu’à ouvrir un journal) :
Bien sûr, j’entends par essayistes des écrivains qui pratiquent une écriture,
et non d’éminents et respectables auteurs de manuels de géographie ou
d’histoire du Saguenay73.
L’AUTRE – Mais que s’est-il donc passé pour qu’on en vienne à cet
abus de langage ?
LUI – Je vais laisser à Richard M. Chadbourne, qui le fait si bien, le
soin de te répondre :
Ne disposant pas d’un terme adéquat pour le « non-fiction » des Anglais,
les Français lui ont substitué des années durant le mot essai : ils ont ainsi
��. Richard M. Chadbourne, « A Puzzling Literary Genre : Comparative Views of the
Essay », Comparative Literature Studies, vol. 20, no 2, été 1983, p. 133-153. Je cite :
« the deplorable tendency to equate the essay with non-fiction » (p. 146).
��. « It is a serious error, Langer claims, to identify prose with the discursive language of
practical thinking [...] It is derived from poetry in the stricter sense [...] This holds not
only for prose fiction [...] but even for the essay [...]. » Suzanne Langer, Feeling and
Form : a Theory of Art Developped from Philosophy in a New Key, New York, Charles
Scribner’s Sons, 1953, p. 213.
��. André Belleau, « La passion de l’essai », op. cit., p. 95.
C’est pourquoi, comme tu sais, je dis souvent par dérision, pour quali-
fier ce fâcheux amalgame de l’essai et de la prose d’idées de communication
courante, que l’essai, pour le commun des mortels, est tout et rien : tout, un
fourre-tout de textes hétéroclites... c’est-à-dire rien de spécifique ! Victime
d’une telle réduction sémantique, l’essai est facilement perçu, même par
nombre d’universitaires, comme un genre subalterne, le genre fourre-tout,
bon dernier dans les classifications génériques, impossible à formaliser et,
par voie de conséquence, à enseigner.
L’AUTRE – À moins qu’on ne l’étaye d’une épithète salvatrice : essai
littéraire...
LUI – Là, tu me déçois si tu crois vraiment à ce que tu dis, parce que tu
évacues ainsi toute la valeur suggestive du mot essai. Tu dois pourtant te sou-
venir de l’admiration de Lukács pour la justesse du choix de Montaigne :
Le grand Monsieur de Montaigne [...] a donné à ses écrits la dénomination
étonnamment belle et adéquate d’« Essais ». Car la simple modestie de ce
mot est d’une courtoisie hautaine. L’essayiste rejette ses propres espoirs
orgueilleux qui, maintes fois, croient avoir approché l’ultime : il ne peut
offrir que des commentaires de poèmes d’autrui et, dans le meilleur des
cas, de ses propres idées75.
��. Richard M. Chadbourne, « A Puzzling Literary Genre : Comparative Views of the
Essay », loc. cit., p. 133. « Lacking a word for “ non-fiction ”, the French have for years
substituted essai, thus debasing the literary concept that Montaigne added to their
language with such glory four hundred years ago. Abused in this way, the poor essay
is saddled not only with vagueness but also with negativity. »
��. Georges Lukács, L’âme et les formes, op. cit., p. 23.
��. Theodor Adorno, « L’essai comme forme », dans Notes sur la littérature, op. cit., p. 13.
��. Fernand Ouellette, « Divagations sur l’essai », dans Écrire en notre temps, Montréal,
Éditions Hurtubise HMH, 1979, p. 37.
littéraire. Que dit, en effet, Lukács ? « Il existe deux types de réalités spiri-
tuelles : la vie en soi et la vie concrète78 », ou, suivant la traduction littérale, la
vie (où l’on souligne le déterminant) et la vie (où l’on insiste sur le substantif).
La vie « concrète » pour le jeune Lukács, existentialiste avant la lettre, n’était
qu’une chute d’eau ininterrompue, tombant et retombant dans l’insignifiance.
Face à cette existence absurde, l’essayiste s’attaque à l’entreprise d’atteindre
à la vie « en soi », à la vie consciente, en un mot au sens ; bref, il ambitionne
de donner une forme à cette informe vie empirique, et de trouver une expres-
sion à cette « forme », à cette réordonnance intelligible, grâce à l’écriture de
l’essai. Le mot essai exprime bien, selon Lukács, avec une « simple modes-
tie », la difficulté de ce « travail le plus profond de la pensée en regard de
la vie », « l’éternelle petitesse » de ce travail, et il la souligne même « avec
une ironique modestie » : des essais, c’est tout ce que je puis faire, semble
dire le grand Sieur de Montaigne, pour atteindre à la vie, c’est-à-dire la vie
consciente, la vie en soi, en un mot : le sens. Vue sous l’optique de Lukács,
la visée de l’essai semble même presque désespérée : la difficulté d’atteindre
à la vie dans l’insignifiante chute d’eau de la vie serait-elle insurmontable ?
Peut-être l’essai se réduirait-il à presser de questions cette inconsistante vie
empirique ? On touche ici au noyau même de l’essai, pur questionnement
contrairement à maintes proses assertives qui misent sur un savoir constitué,
tout à l’opposé du travail en cours de l’essai. « Et même quand j’affirme,
j’interroge encore. » Ce mot profond de Jacques Rigaut, cité par Barthes79,
me paraît s’appliquer tout à fait à ce perpétuel questionneur qu’est l’essayiste.
Comme tout écrivain, il présente le monde comme une question, donc dans
toute son ambiguïté, sa complexité, sa fragilité. C’est pourquoi l’essai est
particulièrement en situation dans un processus culturel qui vit un moment
de crise : souviens-toi du foisonnement de l’essai à l’époque de la Révolution
tranquille au Québec.
L’AUTRE – Je viens de comprendre en t’écoutant combien cette tension
inhérente à l’essai s’accompagne naturellement d’une insatisfaction dyna-
mique, féconde en définitive, provoquée par une pensée ouverte, plurielle,
toujours à suivre. Oui, il y a une angoisse intrinsèque de la recherche (tension
vers la forme) instituée par l’essai, recherche forcément inachevée, c’est-à-dire
��. Georges Lukács, « Nature et forme de l’essai », dans Études littéraires, vol. V, no 1, avril
1972, p. 95. La traduction d’Études littéraires est plus claire ici pour mon propos que
celle de Haarscher.
��. Roland Barthes, « Écrivains et écrivants », dans Essais critiques, Paris, Éditions du
Seuil, 1964, p. 152.
L’AUTRE – J’avoue que tu m’as tout à fait convaincu avec tes références
à Montaigne, Lukács, Adorno, Fernand Ouellette. Oui, le mot essai, tel quel,
sans ajout intempestif, est un vocable qui mérite, comme l’affirme Adorno,
de « [demeurer] dans l’histoire ». Je comprends maintenant la fausse clarté et
la déplorable réduction que fait subir à l’essai l’épithète « littéraire », laquelle
implique forcément l’existence d’un essai non littéraire, à savoir un amalgame
de l’essai et de l’ensemble de la prose d’idées. Ce qui en résulte, effectivement,
c’est l’impossibilité de formaliser l’essai comme tel puisqu’il est devenu, pour
reprendre ton expression, tout c’est-à-dire rien ! Pas étonnant, dès lors, qu’on
hésite à le laisser figurer parmi les genres « canoniques », indubitablement
��. Jean Éthier-Blais, Dictionnaire de moi-même, Montréal, Les Éditions La Presse, 1976,
200 p.
��. Théodor Adorno, op. cit., p. 21.
littéraires, et, par voie de conséquence, qu’on ait tendance à enseigner, sous
la rubrique essai, un ramassis de proses dépareillées.
LUI – Sais-tu que tu as parfaitement résumé ma pensée ? Tu es mûr
pour devenir « polémiste ». Comme je souhaiterais que mes collègues par-
tagent cette opinion au lieu de se contenter de formules comme « l’essai
proprement dit » ou « l’essai au sens précis » ou « l’essai littéraire » ! Imagine-
t-on un « roman littéraire » ou un « poème littéraire » ? Tu sais, je me suis
interrogé sur cette méconnaissance de l’essai, même à l’université ; cela m’a
irrité parfois. J’ai fini par comprendre qu’aux yeux de la vénérable institution,
seuls comptent vraiment la poésie, le roman, le théâtre. Au-delà des frontières
de cette Trinité générique s’étend un magma de proses qu’on a malencontreu-
sement dénommées essais, productions marginales, composites, dont la visi-
bilité littéraire est restée fort problématique. D’autre part, les universitaires, à
l’instar des scientifiques, sont devenus, même en littérature, hyperspécialisés,
d’une compétence à toute épreuve dans leur domaine respectif.
L’AUTRE – Un peu comme les médecins, je parierais. Chez ceux-
ci, chacun se cantonne dans sa partie du corps. Mon ophtalmologue, par
exemple, ne s’intéresse qu’à mes yeux. C’est beau, tout de même, une vie
centrée sur l’œil ; je me demande, en admirant ceux de mes chats, Piccolo
et Clarinette, si elle a réfléchi à la poésie de sa situation... Mais l’œil est un
champ trop vaste encore : l’autre jour, cette ophtalmologue, d’ailleurs char-
mante derrière sa batterie d’appareils, est restée perplexe devant mon œil
droit qui lui a semblé menacé d’un « schisme » de la rétine. Et, du coup, elle
m’a dirigé vers le spécialiste de la rétine, le « rétinologue », je suppose. Ne
rêver que rétines, quelle vie !
LUI – Bon exemple. Même chez les littéraires, on acquiert maintenant
une compétence, parfois généreusement subventionnée, dans un champ de
recherche bien délimité : sociosémiotique, épistémocritique, altérité, inter-
textualité, littérature et informatique, etc. Le temps de la culture générale
et des humanités est bien révolu. Alors, l’essai, tu comprends, c’est l’affaire
des spécialistes de l’essayistique, d’autant qu’il fait déjà figure de parent
pauvre parmi les genres canoniques. Pas question de s’interroger longuement
là-dessus.
L’AUTRE – Et pourtant, nombre de professeurs publient des études
critiques, mais certains, plus essayistes qu’érudits, optent pour l’essai critique :
il importerait donc d’initier nos étudiants à cette forme d’art littéraire.
��. Éric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart, Paris, Albin Michel, 2005, p. 133-137.
��. Fernand Ouellette, Je serai l’Amour. Trajets avec Thérèse de Lisieux, Montréal, Fides,
1996, 438 p. ; Nancy Huston, Tombeau de Romain Gary, Arles, Actes Sud et Montréal,
Leméac, collection Babel, 1995, 109 p.
��. Marc Lits, « Pour une définition de l’essai », Les lettres romanes, tome XLIV, no 4,
novembre 1990, p. 283-296.
85. Ibid., p. 289.
86. Ibid., p. 294.
��. André Belleau, Y a-t-il un intellectuel dans la salle ?, Montréal, Les Éditions Primeur,
1984, p. 112-118.
et les formes, un des textes fondateurs qui permettent, on l’a vu, de retrouver
le sens premier et fort du mot essai.
Voilà des textes pourtant difficiles qui vivement, dès la première lecture,
impriment une marque profonde dans notre esprit ; et longtemps par la
suite, les idées et les réflexions qu’ils renferment, toujours agissantes,
nourrissent plus ou moins consciemment nos travaux, continuent d’accom-
pagner nos tâches concrètes de critique88.
Dubé et Yvon Paré, « le travail de l’écrivain est à la fois une réflexion sur
soi et sur le texte. La lente reptation de l’écriture transforme l’écrivain, le
bouscule et l’amène à s’interroger90 ». En revanche, – et c’est ce qui confère
à cet écrivain à part entière un statut distinctif, – l’essayiste ne renonce pas
pour autant à faire sa marque dans le domaine des idées, de toutes les idées,
sans exception, relevant du monde culturel. Jean Starobinski l’a bien sou-
ligné en parlant de Montaigne, le créateur du genre : « Dans l’essai selon
Montaigne, l’exercice de la réflexion interne est inséparable de la réflexion
extérieure91. » On doit reconnaître chez lui « la contrepartie de [son] intérêt
tourné vers l’espace intérieur : une curiosité infinie pour le monde extérieur,
pour le foisonnement du réel et pour les discours contradictoires qui préten-
dent l’expliquer92 ». C’est ainsi que Montaigne aura réalisé l’union dans l’essai
du versant subjectif et du versant objectif.
Il est donc essentiel d’insister : l’essai a une façon toute particulière,
sui generis, de viser le référent. Chez lui, le monde qui se profile derrière
les mots est bien réel ; il renvoie sans équivoque à une réalité existant hors-
texte, à un objet extra-linguistique. On ne peut pas dire comme dans le cas
du roman : il y a une référence – Madame Bovary – mais pas de référent ;
aucune chance de croiser Madame Bovary déambulant dans les rues de Paris.
En revanche, Novalis a vraiment existé, tout comme Thérèse de Lisieux,
qui ont tous deux inspiré à Fernand Ouellette des essais, et on doit en dire
autant du Romain Gary de Nancy Huston dans Tombeau de Romain Gary93.
Pourtant, tout en se reportant à un référent du monde réel, du même coup
l’essai l’abolit, car, en définitive, dans l’essai comme dans toutes les formes
de littérature, les mots se substituent à la réalité, le réel devient imaginaire.
Le Novalis de Fernand Ouellette, son Novalis, est un être fictif, si bien que
l’essayiste André Belleau a pu écrire :
Ce commentaire de Novalis est ambigu. D’une part, il est intensément
personnel. On se demande parfois si c’est Fernand Ouellette qui parle de
Novalis ou si c’est Novalis qui parle de Fernand Ouellette. La conception
du langage et de la poésie qu’a Fernand Ouellette est projetée sur Novalis.
��. Danielle Dubé et Yvon Paré, Un été en Provence. Récit de voyage, Montréal, XYZ
éditeur, 1999, p. 100.
��. Jean Starobinski, « Peut-on définir l’essai ? », dans Jean Starobinski, op. cit., p. 191.
92. Ibid., p. 192.
��. Fernand Ouellette, Depuis Novalis. Errance et gloses. Essai, Saint-Hippolyte (Québec),
Éditions du Noroît, [1973] 1999, 165 p. ; Id., Je serai l’Amour. Trajets avec Thérèse de
Lisieux, op. cit. ; Nancy Huston, Tombeau de Romain Gary, op. cit.
Novalis lui-même devient fictif d’une certaine manière comme tout être
créé par les mots94.
��. André Belleau, « L’Allemagne comme lointain et comme profondeur », dans Surprendre
les voix, op. cit., p. 46.
��. Voir sur cette question Jean Starobinski, « Peut-on définir l’essai ? », op. cit.
��. Jean-Pierre Richard, « Quelques aspects nouveaux de la critique littéraire en France »,
La France dans le monde, no 15, mars 1963, p. 7.
��. Northrop Frye, Anatomie de la critique, traduit de l’anglais par Guy Durand, Paris,
Gallimard, NRF, [1957] 1969, p. 95. « In literature, questions of fact or truth are subor-
dinated to the primary literary aim of producing a structure of words for its own sake [...]. »
��. Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, collection
Points, 1963, p. 218.
��. Pierre Vadeboncœur, Les deux royaumes, Montréal, L’Hexagone, 1978, 245 p.
���. « Les deux royaumes de Pierre Vadeboncœur », Liberté, no 126, novembre-décembre
1979, p. 5-66.
101. Ibid., p. 65.
���. Sur l’ampleur de ces malentendus, causée par l’emploi « singulièrement flou » du terme
d’essai pour désigner certains types de prose de nature purement véhiculaire, on se
reportera à l’enquête minutieuse, citée plus haut, sur les dictionnaires, encyclopédies et
autres ouvrages de référence : Marc Lits, « Pour une définition de l’essai ».
1 03. Encyclopaedia Universalis, vol. 18 : Thesaurus, Paris, 4e édition, 1977, p. 638.
���. Montaigne, Essais, II, 37, Paris, PUF, 1965.
���. Jacques Brault, Chemin faisant. Essais, Montréal, Les Éditions La Presse, 1975,
quatrième de couverture.
discussion que l’art [...] », – Pierre Vadeboncœur ajoute encore ceci, qui est
peut-être plus explicite :
J’ai bien donné lieu de croire que je philosophais [...], et je philosophais ;
cependant, à un autre niveau où les choses sont plus irréfutables, la philo-
sophie, je suis passé par en dessous106.
���. « Les deux royaumes de Pierre Vadeboncœur », Liberté, op. cit., p. 60.
���. Alfred Kazin, The Open Form : Essay for Our Time, New York, Harcourt, Brace and
World, 1961, p. IX (ma traduction). Cité par Richard M. Chadbourne, « A Puzzling
Literary Genre : Comparative Views of the Essay », loc. cit., p. 150. « Alfred Kazin
[...] describes James Baldwin’s essay, “ Notes of a Native Son ”, as being, not a piece of
thought on the Negro problem, but a report of what it means to be James Baldwin. »
108. Ibid., p. XI (ma traduction). « What really counts in the true essay, he adds, is not the
subject but “ the subject as arrived at by the writer, as it has grown in his thought, as
it has been done justice to by himself alone ”. » Cité par Richard M. Chadbourne, loc.
cit., ibid.
sous le titre Apologie pour notre passé109, et sur le ton de la confession repen-
tante, une remémoration pessimiste de l’affaire Dreyfus, cette affaire dont,
on le sait, Péguy, pour sa part, était tellement fier. Le bouillant gérant des
Cahiers réagira avec violence dans un essai intitulé Notre jeunesse où il se
permet des mots très durs qui vont toucher au vif Daniel Halévy.
Je ne me sens nullement ce poil de chien battu, de chien mouillé. Dans
[mes]confessions d’un dreyfusiste, [i]l n’y aura aucun [cahier] qui s’inti-
tulera mémoires d’un lâche, ou d’un pleutre110.
���. Daniel Halévy, Apologie pour notre passé, Cahiers de la Quinzaine, XI-10, 10 avril
1910.
���. Charles Péguy, Notre jeunesse, Paris, Gallimard, NRF, p. 57.
111. Id., Victor-Marie, Comte Hugo, Paris, Gallimard, NRF ; Cahiers de la Quinzaine, XII-1,
23 octobre 1910.
tout autre que celui, intime à souhait, des Deux Royaumes de Vadeboncœur,
surtout dans le texte initial intitulé « La dignité absolue114 ».
L’AUTRE – Il est indispensable, en effet, de faire cette distinction car
les étudiants, souvent à l’affût d’une facile clarté, n’ont que trop tendance à
simplifier la question de la subjectivité de l’essai. J’adapte donc à mon propos
la si heureuse formulation de Jean-Louis Major : l’essai est « un je de l’écriture
et non une écriture du je ». Je voulais t’en parler car c’est justement en te lisant
que j’ai compris l’intérêt de cet énoncé.
LUI – Je suis donc mal placé pour te dire que tu as tort ! Mais je ne
me glorifie pas de cette observation parce qu’il n’y a pas si longtemps que
j’ai commencé à entrevoir toute la portée de cette formule. À vrai dire, c’est
un des deux points sur lesquels ma pensée sur l’essai a vraiment évolué, le
premier portant sur l’ambiguïté constitutive de ce genre dont nous avons déjà
fait état. Concernant ton énoncé, je n’ai pas tellement changé d’idée quant à
sa partie négative, à savoir que l’essai n’est pas une écriture du je. Mais c’est
ce je de l’écriture qui me fait encore rêver, dont je ne finis plus de scruter le
mystère, dont je ne suis pas sûr du tout d’avoir épuisé les virtualités : nous
sommes ici au cœur même de la nature de l’essai.
L’AUTRE – Commençons donc par la branche la plus accessible de
cette formule-clé : l’essai n’est pas une écriture du je. Pour expliquer à mes
étudiants ce que n’est pas l’essai, je me réfère à un type d’écrit qu’ils connais-
sent bien : la dissertation, que je présente comme l’antonyme même de l’essai ;
le cas échéant, on pourrait adjoindre à la dissertation des formes apparentées :
le traité, l’étude, la thèse, la monographie. Je n’ai rien contre la dissertation,
ayant d’ailleurs souvent à l’enseigner, excellent exercice pour les « têtes bien
faites » que nous désirons former dans nos collèges et universités. Mais on
doit bien reconnaître que cette forme d’argumentation affiche une structure
rigide, un peu guindée : introduction, sujet amené, sujet posé, sujet divisé,
développement des deux ou trois points, conclusion. Triomphe de l’esprit de
géométrie. Tout le contraire de l’essai avec son parcours libre, fantaisiste ou
capricieux, digressif parfois. À la subjectivité avouée de l’essai, fût-ce dans
l’appropriation de la réalité objective, la dissertation préfère le nous didac-
tique, magistral, caution de sa pure objectivité. Elle vise aussi l’exhaustivité
de la démonstration ; elle se veut inattaquable sur un point bien précis alors
que nous avons déjà insisté sur la vulnérabilité de l’essayiste, ce questionneur
invétéré. Bref, la dissertation est un discours clos où l’on fait le tour d’une
question avec la plus grande rigueur possible tandis que l’essai se signale par
son ouverture, par sa démarche interrogatrice, par l’inachèvement intrinsèque
qui le caractérise.
LUI – La dissertation (et les discours connexes comme la thèse, disser-
tation prolongée) sont, en effet, de bons exemples de ce que n’est pas l’essai,
à savoir une écriture du je, comme il y en a tant, et de fort valables, et (on
l’espère) de bien écrites. Sauf qu’il est capital de rappeler que ce type de
prose d’idées, si utile soit-il, n’a rien à voir avec l’écriture, avec la littérature,
au contraire de l’essai. Il y a un monde de différence entre les deux. Tout
compte fait, la démarche méthodique de la dissertation nous achemine vers
une conclusion rationnelle tandis que l’essai, qui obéit à l’intuition, débou-
che sur une prise de conscience – je serais tenté de dire : une surprise de
conscience – existentielle, ce que Claudel appelait la « co-naissance115 » par
opposition à la connaissance du logicien. On est ici en présence d’un phéno-
mène psychologique que je trouve extrêmement intéressant. En sens contraire
de la subjectivité de l’essai, l’objectivité scientifique est atteinte « à force
de décentration psychologique et de dissociation du sujet et de l’objet116 ».
L’essayiste, au contraire, entretient un rapport lyrique avec l’objet culturel.
Ainsi l’essai critique, par exemple, va porter sur l’expérience que j’ai faite
de tel livre, de l’aventure que j’ai vécue avec lui, bref de ce livre en tant qu’il
retentit dans ma vie. Tiens, voilà le retentissement qui apparaît dans mon
propos : j’associe spontanément ce vocable, et à point nommé, à la pensée du
grand phénoménologue et essayiste Gaston Bachelard. Car cette décentration
psychologique dissociant le sujet de l’objet, Bachelard la présente, dans La
psychanalyse du feu117, comme une « sublimation dialectique », fruit d’un
« sain refoulement », piquante remotivation du concept freudien. Selon lui,
cette sublimation est dialectique parce qu’elle joue dans les deux sens : tantôt
c’est l’imagination qui est refoulée pour les besoins du discours scientifique
ou tractatif ; tantôt c’est la raison, chez l’écrivain qui s’adonne à un discours
littéraire. Mais, j’insiste, sans que soit exclue la distinction des deux instan-
ces, il n’y a pas l’ombre chez Bachelard d’une pensée dualiste ou d’un cloi-
sonnement raison par opposition à imagination : scientifique et épistémologue
���. Paul Claudel, Art poétique, « Traité de la co-naissance au monde et de soi-même », Paris,
Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1957.
���. Jean Marcel, Pensées, passions et proses, Montréal, L’Hexagone, 1992, p. 324.
���. Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, NRF, collection Idées,
1949, 185 p.
1 18. Id., La flamme d’une chandelle, Paris, Presses universitaires de France, 1961, p. 111.
���. Fernand Ouellette, Journal dénoué, Montréal, Presses de l’Université de Montréal,
1974, 246 p.
���. Pierre Nepveu, « Fernand Ouellette : la lumière hors d’elle-même », dans L’essai et la
prose d’idées au Québec, op. cit., p. 720.
���. Je ne puis m’empêcher de craindre que le recours à un « je non métaphorique » pour
désigner ce je de l’écriture (voir Jean Marcel, Pensées, passions et proses, op. cit.,
p. 318-319 ; 341-343), que ce « je non métaphorique », donc, ne puisse induire malen-
contreusement qu’il ne s’agit que d’une écriture du je, soit des idées claires et nettes
d’un auteur.
���. Jean Marcel, « L’autre genre : la forme de l’essai dans Mémoires d’Hadrien », photocopie
du manuscrit, Kreung Thep, 20 janvier 1997, non paginé.
���. Dans L’éclat du Royaume (Montréal, Fides, 1999) de Fernand Ouellette, on trouve
les expressions suivantes : « intelligence ancrée dans le cœur » (p. 22), « intelligence
d’amour, comme l’a écrit Dante après les Pères » (p. 27).
���. Fernand Ouellette, Je serai l’Amour. Trajets avec Thérèse de Lisieux, op. cit., p. 34.
125. Id., Journal dénoué, op. cit., p. 173.
���. Pierre Vadeboncœur, « Le sens caché », dans Un génocide en douce, Montréal,
L’Hexagone/Parti pris, 1976, p. 59-61.
127. Ibid., p. 59.
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point [...]. C’est le cœur qui
sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au
cœur, non à la raison128.
���. Pascal, Pensées et opuscules, publiés par Léon Brunschvicg, Paris, Librairie Hachette,
1897, section IV, nos 277-278, p. 458.
���. André Belleau, « Petite essayistique », dans Surprendre les voix, op. cit., p. 87.
���. « [...] the author speaks [...] in such a way as to “ project a character which exists in
some implied relation to his true self ” » (Scholes and Klaus, Elements of the Essay,
New York, London, Toronto, Oxford University Press, 1969, p. 64), cité par Richard
M. Chadbourne, « A Puzzling Literary Genre : Comparative Views of the Essay », loc.
cit., p. 150.
���. Albert Thibaudet, Réflexions sur le roman, Paris, Gallimard, 1938, p. 12.
���. Henri Massis, Réflexions sur l’art du roman, Paris, Plon, 1927, p. 36.
���. « Souvenirs de Mme Favre », Europe, avril 1938. Cité par Jean Delaporte, Connaissance
de Péguy, édition revue et augmentée, Paris, Librairie Plon, 1959, vol. I, p. 130.
���. Charles Péguy, Note conjointe, Œuvres en prose 1909-1914, Paris, Gallimard, Biblio
thèque de la Pléiade, 1961, p. 1499.
Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir
une pensée toute faite. [...] Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme
même perverse. C’est d’avoir une âme habituée135.
���. Entretien de Claude Bonnefoy avec Michel Foucault, 1966, à la suite de la parution de
Les mots et les choses, Le Devoir, 18 et 19 septembre 2004, F6.
���. Pierre Nepveu, « Fernand Ouellette : la lumière hors d’elle-même », op. cit., p. 716-717.
ils savent que l’essai est écriture, qu’il se fait dans la confrontation avec le
langage : un je inquiet, en situation, faisant l’épreuve du réel, se pensant en
même temps qu’il pense le monde, sans jamais s’achever avec le dernier
mot141.
LUI – Voici, en effet, l’essai au vrai sens du terme, non pas l’écriture
d’un auteur assujettie à un plan préétabli, mais, au présent de l’énonciation,
un je de l’écriture tissant son texte en toute liberté dans la pure disponibilité
du langage. Pourtant, tout n’est pas dit pour autant : ce n’est là qu’une pre-
mière phase dans le processus de l’écriture essayiste. Car l’essai me paraît
aussi travaillé par une dynamique de la généralisation. Certes, il s’élabore
dans la durée du se faisant, dans « l’espace transformant d’une écriture »
(Belleau), – c’est la première phase, – mais il s’affranchit finalement de ses
limites temporelles, – et c’est la deuxième phase, – pour se résorber dans un
présent éthique, libéré de toute contingence, un présent de vérité générale,
permanente, extra-temporelle. Ainsi, à la faveur de cette saillie hors de lui-
même, le je de l’écriture traverse l’événement spatiotemporel du présent de
l’énonciation vers l’arrière-plan méditatif du Sens. Se produit alors l’avène-
ment, au présent éthique cette fois, du sujet transcendantal de la vie (la vie en
soi, la vie consciente) recherchée par Lukács, grâce auquel le discours du je
s’efforce, en débouchant sur les vastes paysages du sens de la vie, de discerner
les questions et les valeurs ultimes... À sa manière, donc, l’essai cherche à
répondre le plus lucidement possible au désir irrésistible de l’âme, subjectivité
insatisfaite qui aspire pourtant à des valeurs absolues, au-delà d’un monde
qui ressemble trop souvent à « un ossuaire d’intériorités mortes142 ».
L’AUTRE – Là, mon vieux, je t’arrête ! Me vois-tu en train de faire
avaler cela à mes étudiants ?
LUI – Tu as raison. Ce que je dis là n’est pas facile à formuler : ne
t’avais-je pas averti que j’hésitais à m’aventurer sur les traces de ce je dérou-
tant ? Mais je n’y peux rien ; contrairement au roman, l’essai obéit à un prin-
cipe d’intemporalité, participe d’une certaine abstraction ; on retrouve, en le
lisant, l’intentionnalité de l’écrit philosophique. On doit bien, en conséquence,
tenter d’ajuster le propos. Mais rassure-toi : présomptueux que je suis, je vais
te proposer des exemples qui rendront le tout lumineux ! Ces exemples, je les
emprunte principalement à l’œuvre de Pierre Vadeboncœur, à mon avis le
���. Pierre Vadeboncœur, « Les deux royaumes », dans Essais inactuels, Montréal, Boréal,
1987, p. 183.
144. Id., « La dignité absolue », dans Les deux royaumes, op. cit., p. 9.
145. Id., « Instants du verbe », dans Les deux royaumes, op. cit., p. 149.
���. Jean Le Moyne, Convergences. Essais, Montréal, Éditions HMH, collection Constantes,
1961, 324 p.
���. Georges Lukács, L’âme et les formes, op. cit., p. 16-17, passim.
critique il confie ainsi un rôle majeur, celui de faire passer le texte littéraire
de la puissance à l’acte, eût dit Aristote, en révélant et même en faisant res-
plendir un sens qui autrement pourrait rester latent ou virtuel. On voit que
Lukács se faisait une très haute idée de l’essayiste ou du critique, indisso-
ciables selon lui. L’œuvre littéraire, récit ou poème, est opaque à elle-même,
comme enfermée dans le monde sensible et la vie empirique. Elle a besoin
d’accéder au monde intelligible de l’Idée. Bien sûr, la perspective de Lukács,
à l’époque de L’âme et les formes, est résolument platonicienne et néo-kan-
tienne. En transposant la problématique idéaliste de Lukács dans celle de
la phénoménologie de Bachelard, on pourrait dire que l’essayiste permet à
l’œuvre littéraire d’atteindre son accomplissement ; à travers les lectures-écri-
tures auxquelles donne lieu l’essai critique, l’œuvre parvient à la plénitude du
retentissement, pour reprendre ce mot clé de la poétique bachelardienne. Pour
sa part, Genette verrait dans la « critique intersubjective » de l’essai (ou de ce
qu’il appelle, lui, la « critique littéraire ») un type de compréhension du texte
que Ricœur a qualifié, après d’autres, d’« herméneutique » ; elle correspondrait
à une « reprise » ou à une « recréation intérieure » du sens156. Cette démarche
de l’essai critique, Jacques Brault l’a admirablement imaginée dans Chemin
faisant : « [...] un peu comme un musicien ou un comédien, j’interprète le
texte, je le joue sur moi, en moi157... »
Cette distinction des principes d’expression, qui a permis de discerner
la fonction particulière de l’essai par rapport aux autres œuvres littéraires,
s’accompagne d’une véritable antinomie, cette fois, qui oppose deux genres
littéraires : le récit et l’essai. En comparaison du récit, ancré dans le concret
de l’événement spatiotemporel, de la vie, l’essai participe d’une certaine abs-
traction : un énonciateur tient un discours argumenté, s’adonne à une dis-
cussion d’idées à la recherche du sens, de la vie. Événement, temps, espace,
personnages sont transcendés : l’énonciateur, selon l’observation de Kundera,
a rallié ce lieu solitaire qu’est un « arrière-plan méditatif ». On assiste dans
l’essai, même stylistiquement, à une détemporalisation : on y accède à une
permanence extratemporelle, le texte s’écrivant pour l’essentiel au présent
éthique. Bref, on est fondé à croire que l’essai et le récit, envisagés dans leur
���. Gérard Genette, « Structuralisme et critique littéraire », dans Figures : essais, Paris,
Seuil, collection Tel quel, 1966, p. 145-170.
���. Jacques Brault, Chemin faisant. Essais, Montréal, La Presse, collection Échanges, 1975,
p. 58.
insistant suscité par les réalités les plus simples de la vie. « Les plus simples »,
façon de parler, ce sont souvent aussi les plus insondables.
Pour tenter de justifier cette impression globale qui s’est imposée à
moi, j’ai étudié la manière de raconter de Gabrielle Roy, et j’ai cru y distin-
guer une sorte de contrepoint narratif : telle est mon hypothèse. Comme tu
sais, il est souvent question d’enfants, d’enfance, de jeunesse dans ces récits.
Et, naturellement, à un premier niveau, la voix narrative réagit fréquem-
ment devant l’immédiateté de l’événement avec toute la fraîcheur, la peur ou
l’émerveillement de l’enfance. Mais, à cette ligne mélodique s’en superpose
une autre, réfléchie, expérimentée, sage, qui fait écho à ces réactions spon-
tanées et leur permet d’accéder, avec le prolongement essayiste qui en assure
le retentissement, à la plénitude de la conscience. Il s’agit d’une technique
narrative particulièrement efficace, qui instaure une dialectique constante
entre le narré et le retentissement existentiel de ce narré. Ou encore, pour
m’exprimer selon les catégories de Lukács, il se produit un glissement depuis
la vie (ou une vie concrète, empirique) vers la vie (c’est-à-dire la vie en soi,
la vie essentielle). Autrement dit, de la sphère du récit on sera passé à celle
de l’essai. Ce dédoublement de la perspective narrative – le dessin mélodique
d’une vision adulte se superposant à celui de la perception initiale – inaugure
donc une forme-sens qui vient se jouer de nos classifications génériques,
celle d’un récit gratifié, par le truchement de ces résonances essayistes, d’une
interprétation continue, ou de ce que Genette désignait comme « reprise » ou
« recréation intérieure » du sens. Au total, c’est cette voix narrative, enrichie
de toutes ces harmoniques, qui confère à ces nouvelles leur timbre unique.
LUI – Ton hypothèse est intéressante, et elle m’oblige à m’interroger
sur la pensée de Lukács. Je serais porté à croire qu’il distinguait nettement
l’essai et le récit sans prendre en compte la notion d’hybridité. Et pourtant...
Il faut nuancer. Il n’a pas voulu, je crois, formaliser l’hybridité textuelle en
tant que telle. Il a plutôt cherché à distinguer, le plus clairement possible, les
moyens d’expression. Mais on voit bien qu’il était conscient du métissage
occasionnel des formes quand il évoque, par exemple, la dernière scène de
l’Héraclès d’Euripide où l’on passe brusquement d’une dramatique expérience
vécue à des questions conceptuelles de nature essayiste162. Quoi qu’il en
soit, si j’interroge mes souvenirs de lecture, assez indistincts, j’en conviens,
���. Gabrielle Roy, Ces enfants de ma vie, Montréal, Stanké, collection Québec 10/10, 1983,
p. 34.
164. Ibid., p. 52-53.
165. Ibid., p. 53.
LANGER, Suzanne, 28
LANGLET, Irène, 21
LAPOINTE, Martine-Emmanuelle, 21
LEJEUNE, Philippe, 23
LEMIRE, Maurice, 12
LE MOYNE, Jean, 59
LESAGE, Gilles, 26
LÉVY-LEBLOND, Jean-Marc, 22
LIND, Michael, 26
LISIEUX, Thérèse de, 36, 49
LITS, Marc, 34, 40
LUKÁCS, Georges, 1X, X1, 4, 7, 13, 17, 21, 22, 28, 29-30, 31, 33, 34-35, 39, 41, 55,
59, 60-61, 63, 66
MACÉ, Marielle, X11
MAILHOT, Laurent, X11, 20, 22-23
MAJOR, Jean-Louis, X11, 3, 14, 45
MAJOR, Robert, X1
MARCEL, Jean, (pseudonyme de Jean-Marcel Paquette), X1, 6, 7, 12, 14, 20, 21,
22, 46, 48-49
MARCOTTE, Gilles, 12, 22
MASSIS, Henri, 51
MONTAIGNE, Michel Eyquem de, 5, 12, 23, 28, 29, 30, 31, 36, 39, 41, 54
MUSIL, Robert, 62
NEPVEU, Pierre, 47-48, 54
NERUDA, Pablo, 53
NEVERS, Edmond de, 17-19
NOVALIS, Friedrich, baron von Hardenberg, dit, 36-37, 49
Orléans, 42
OUELLETTE, Fernand, X1, 29, 31, 33, 36-37, 47-48, 49, 54, 58
PAQUETTE, Jean-Marcel (voir MARCEL, Jean), 6
PARADIS, André, 11
PARÉ, François, 13
PARÉ, Yvon, 36
PARENT, Étienne, 9-10
PASCAL, Blaise, 5, 44, 49-50, 57-58, 66
PÉGUY, Charles, 1X, 18, 19, 42-44, 52-53, 57, 60
PLATON, 1X
PROUST, Marcel, 19, 50, 62
PSICHARI, Ernest, 43
Québec, 3, 4, 6, 13, 22 ; peuple québécois, nation québécoise, 3
RABELAIS, François, 24
RACINE, Jean, 43
Radio-Canada, 21, 26
RAYMOND, Marcel, 37
RICARD, François, X1, 17-20, 21
RICHARD, Jean-Pierre, 5, 12, 15, 37, 44
RICOEUR, Paul, 61
RIGAUT, Jacques, 30
RIOUX, Christian, 26
RIVARD, Yvon, 21
ROY, Claude, 51
ROY, Gabrielle, 62-67
SALLENAVE, Danièle, 5
SARTRE, Jean-Paul, 44
SCHMITT, Éric-Emmanuel, 33, 38
SCHOLES, Robert, 51
SIMARD, Sylvain, 9, 11, 20
SOCRATE, 7
Sorbonne, La , 43
STAROBINSKI, Jean, X1, 12, 21, 36, 37
TERRASSE, Jean, X1, 21
THIBAUDET, Albert, 51
VACHER, Laurent-Michel, 22
VADEBONCOEUR, Pierre, V11, 5, 6, 19, 21, 38-39, 41-42, 45, 49, 55-57, 59
VIGNEAULT, Robert, 18-19, 20
WHITMORE, Charles E., 2, 44
WYCZYNSKI, Paul, 9
Ajustement sémantique (le mot essai), X, 23, 27-35, 39-40, 41 ; flou sémantique, X,
8-11, 27-29, 33-35, 39-40
Ambiguïté discursive (ironie) de l’essai, X, 11, 15-16, 17-19, 40-44 ; ironie et para-
doxe, 57-58
Biographie, 17-18, 19-20 ; essai biographique, 33, 36 ; autobiographie, journal intime,
47-48, 51
Culture, X, X1, 5, 8, 21, 24, 25-26, 30, 32 ; humanités, 26, 32 ; réalité culturelle, 41 ;
champ culturel, 48 ; monde culturel, 7, 27, 36 ; objet culturel, 41, 48 ; références
culturelles, 48 ; culture générale, 32
Dissertation, X1, 8, 45-46, 60 ; traité, 5, 28, 31, 47, 53, 54, 58, 59 ; système, 31, 58 ;
thèse, étude, monographie, 5, 8, 18, 28, 37, 40, 45-46, 54, 59 ; travail savant, 33, 54
Écriture, X, X11, 3, 5, 10, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21, 23, 24-25, 27, 28, 33, 35, 37, 40,
46, 51, 55, 59, 64 ; langage, 38, 41, 51, 55 ; voir aussi Littérature
Genres canoniques, X1, 3-5, 8, 12, 31-32 ; classifications génériques, 29, 63 ; caprices
génériques, 60 ; voir aussi Hybridité
Je de l’écriture par opposition à écriture du je, X, 14, 17, 23, 33, 35, 39, 41, 44-57 ;
par opposition au moi-je ou moi auctorial, moi social de l’auteur, 17-18, 50 ; je énon-
ciateur, 14, 48, 58 ; je implicite, 9, 44-45 ; je fictif, 48 ; je métaphorique, linguistique,
mythique et non psychologique, 48 ; je symbolique, 51 ; créativité, 47 ; moi virtuel,
51 ; l’Autre du moi, 51 ; possibles intérieurs, 51 ; voir aussi Littérature, Écriture,
Subjectivité
Liberté de l’essai, 13, 41, 44, 45, 50-51, 55, 59 ; voir aussi Je de l’écriture, Présent
de l’énonciation
Littérature, X, X1, 8, 12, 15, 17, 18, 23, 24-26, 27, 32, 33, 35, 39, 40, 46, 47, 48 ;
littérarité, 33 ; essence littéraire, 47 ; d’idées, 18, 48 ; voir aussi Écriture
Méconnaissance de l’essai, X-X11, 2, 3-6, 6-8, 8-9, 11-12, 20, 21, 22-24, 27-29, 31-
32, 34-35, 40
Mots et idées, 18-19, 36-38, 38-39, 44-45, 48, 53-55, 55-57 ; idées érotisées, 18, 50 ;
idées toutes faites, 52-53, 60
Paramètres (caractéristiques) de l’essai, X, 8, 11, 12, 13, 14, 20-21, 23, 24, 27, 50, 58 ;
essence de l’essai, 5, 13, 34, 35, 41, 47 ; approche formelle, 9-10, 15-16, 34 ; variations
thématiques, 33 ; essai et récit, 61-67 ; voir aussi Inachèvement, Questionnement,
Je de l’écriture
Philosophie et essai, 7, 41-42, 55, 57, 63, 66 ; Bergson, philosophe de l’essai, 52-55
Prose d’idées instrumentale par opposition à essai, 6, 9-11, 13-14, 20, 22-23, 24-25,
28-29, 31-32, 34, 37-38, 46 ; voir aussi Littérature, Écriture
Questionnement de l’essai, 7, 30, 41, 44, 48, 62-63, 64, 67 ; recherche, 44, 50 ; tension
vers la forme, 29, 30, 33, 58 ; de la vie à la vie, 30, 55, 57, 59, 60, 61, 63 ; essai ques-
tionneur, 45-46 ; interrogatif, 59 ; inépuisable, 59 ; organique, 54 ; à suivre, 30, 58,
59 ; introspection, 48 ; sens, 1X, X, 30, 38-39, 40-42, 52-54, 55, 57, 60-61 ; ouverture,
46, 58 ; voir aussi Inachèvement, Recueil, Présent de l’énonciation, Je de l’écriture
Recueil, 20, 31, 59 ; voir aussi Inachèvement, Questionnement, Phases de l’essai
Subjectivité de l’essai, 13, 14, 22, 35, 36, 37, 39, 41, 42, 44-46 ; voir aussi Je de
l’écriture
Avant-propos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX
Dialogue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XIII
Acte I. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Acte II. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Index thématique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73