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Droit des obligations, sources : contrats

Leçon 2 : Principes directeurs du droit


des contrats et classification des contrats
Jean-Baptiste Seube

Table des matières


Section 1 : Les principes........................................................................................................................................... p. 2
§1 : La liberté contractuelle................................................................................................................................................................. p. 2
A - Les éléments de la liberté contractuelle.....................................................................................................................................................................p. 3
B - Les limites à la liberté contractuelle........................................................................................................................................................................... p. 3
§2 : La force obligatoire du contrat..................................................................................................................................................... p. 6
§3 : La bonne foi................................................................................................................................................................................. p. 7
Section 2 : Les différents types de contrats............................................................................................................p. 9
§1 : Les contrats nommés et innommés............................................................................................................................................. p. 9
§2 : Les contrats synallagmatiques et unilatéraux.............................................................................................................................. p. 9
§3 : Les contrats à titre gratuit et à titre onéreux..............................................................................................................................p. 11
§4 : Les contrats commutatif et aléatoire.......................................................................................................................................... p. 11
§5 : Contrats consensuels, solennels et réels...................................................................................................................................p. 12
§6 : Contrats de gré à gré et d'adhésion.......................................................................................................................................... p. 12
§7 : Contrats cadres et contrats d'application................................................................................................................................... p. 15
§8 : Contrats à exécution instantanée et successive........................................................................................................................ p. 16

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- « Dispositions liminaires ». Le sous-titre 1 consacré au « contrat » s'ouvre sur un chapitre 1 intitulé
« Dispositions liminaires ». L'expression « dispositions liminaires » (le projet d'ordonnance évoquait des «
dispositions préliminaires ») mérite une observation. A la différence de certains textes européens, l'ordonnance
n'a pas retenu l'intitulé de « principes directeurs ». La faveur pour « les dispositions liminaires » est expliquée
dans le Rapport fait au Président de la République : ce choix a été fait « afin de signifier que les règles générales
ainsi posées..., bien que destinées à donner des lignes directrices au droit des contrats, ne constituent pas
pour autant des règles de niveau supérieur à celles qui suivent et sur lesquelles les juges pourraient se fonder
pour justifier un interventionnisme accru ». Elles ne constituent donc que des « principes destinés à faciliter
l'interprétation de l'ensemble des règles applicables au contrat, et au besoin à en combler les lacunes ».
Le message est donc clair : ce n'est pas parce que la bonne foi se trouve hissée au rang des « dispositions
liminaires » qu'elle doit devenir l'outil d'un interventionnisme accru. Malgré cette précaution, il est fort probable
que les « dispositions liminaires » servent de tremplin à certaines évolutions jurisprudentielles futures (M.
Mekki, "Les principes généraux du droit au sein du projet d'ordonnance", D. 2015, p. 816).

Les articles 1102 à 1111-1 invitent à distinguer les principes fondamentaux qui irriguent la matière contractuelle
(Section 1), et les différents types de contrats (Section 2).

Section 1 : Les principes


- Trois principes. L'article 1102 pose le principe de la liberté contractuelle (§1), l'article 1103 celui de la force
obligatoire du contrat (§2), l'article 1104 celui de la bonne foi (§3).

§1 : La liberté contractuelle
- Plan. La liberté contractuelle est un principe fort, reconnu par le Conseil constitutionnel. L'article 1102 en
précise les éléments (A) et les limites (B).

En savoir plus : La liberté constitutionnelle vue par le Conseil constitutionnel


Le Conseil constitutionnel a rendu de très nombreuses décisions sur la liberté contractuelle (Constitution et
contrat, RDC 2018, p. 642 et s. avec les contributions de L.-F. Pignarre, P.-Y. Gadhoun, Ph. Terneyre). Pour
fondamentale qu'elle soit, cette liberté n'a jamais été absolue et a toujours fait l'objet d'un encadrement législatif
assez imposant. Appelé à se prononcer sur la conformité de ces lois à la Constitution, le Conseil a fait évoluer
sa jurisprudence.

Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel considérait qu' « aucune disposition de la Constitution ne
garantit le principe de liberté contractuelle » (Cons. const., 3 août 1994, n° 94-348 DC, D. 1996, p. 45, obs.
X. Prétot ; ibid. 1995, p. 344, obs. F. Mélin-Soucramanien ; ibid. p. 351, obs. P. Gaïa ; RTD civ. 1996, p. 151,
obs. J. Mestre). Il refusait donc de contrôler les lois qui encadraient la formation des contrats. Cette approche
était discutable car l'absence de fondement constitutionnel n'est pas une raison suffisante. Il existe en effet
de nombreux principes qui, absents des grands textes constitutionnels, s'y rattachent cependant. De fait, si la
Déclaration de 1789 ne contient pas le terme « liberté contractuelle », l'article 4 de la Déclaration, qui consacre
le principe de liberté en général, peut bien servir de fondement à la liberté contractuelle dans une lecture
modernisée du texte bicentenaire.

Dans un deuxième temps, le Conseil a tempéré son propos en admettant que la liberté contractuelle puisse
être invoquée, dès lors qu'était aussi invoquée l'atteinte à un autre principe de fond, comme le droit de propriété
ou la liberté d'entreprendre (Cons. const., 20 mars 1997, n° 97-388 DC, JCP 1997, I, 4039, n° 1, obs. M. Fabre-
Magnan; ibid. 4066, n° 16, obs. M. Verpeaux et B. Mathieu ; D. 1999. 236, obs. F. Mélin-Soucramanien ; ibid.
234, obs. L. Favoreu ; RTD civ. 1997. 787, obs. N. Molfessis ; ibid. 1998. 99, obs. J. Mestre). Cette jurisprudence

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aboutissait à faire de la liberté contractuelle un principe de second rang ou un principe « sentinelle » (B.
Mathieu, LPA, 17 oct. 1997, n° 125, p. 13), qui ne serait que le garant d'une autre règle constitutionnelle.

Dans un troisième temps, le Conseil a consacré la liberté contractuelle en tant que telle : d'abord en jugeant
que « la liberté contractuelle découle de l'article 4 de la Déclaration » (Cons. const., 19 déc. 2000, n° 2000-437
DC, D. 2001, p. 1766, obs. D. Ribes ; RDSS 2001, p. 89, obs. P.-Y. Verkindt ; RTD civ. 2001, p. 229, obs. N.
Molfessis) ; ensuite en la hissant au même rang que la liberté d'entreprendre en décidant qu' « il est loisible
au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la
DDH des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à condition qu'il
n'en résulte pas d'atteinte disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (Cons. Const., 13 juin 2013, JCP
2013, éd. G, 929, note J. Ghesthin ; JCP 2013, éd. G, 974, n° 1, obs. M. Mekki ; RDC 2013, p. 1285, obs. C.
Pérès ; RTD. civ. 2013, p. 832, obs. H. Barbier). En conséquence, lorsque le législateur souhaite réglementer
les conditions d'accès à un contrat, il doit le faire en respectant la liberté des conventions et en limitant les
entraves rendues nécessaires par l'intérêt général ou la protection de l'ordre public.

A - Les éléments de la liberté contractuelle


- Liberté de contracter ou de ne pas contracter. La liberté contractuelle a un aspect positif (on est libre de
contracter) et un aspect négatif (on est libre de ne pas contracter). C'est cette liberté de ne pas contracter
qui explique que le fait de mettre fin à des négociations et de ne pas conclure un contrat projeté ne constitue
pas, en soi, une faute (cf. infra). Toutefois, il existe des atténuations comme le montrent par exemple les
nombreuses hypothèses de contrats imposés : assurance automobile, assurances professionnelles...

- Liberté de choisir son contractant. On est en principe libre de choisir son contractant et, par conséquent,
libre de ne pas contracter avec d'autres. Cette liberté est cependant atténuée par les nombreuses hypothèses
de préemption : en ce cas, un contractant se voir imposer son partenaire. On peut également penser que les
nombreux dispositifs de lutte contre les discriminations aboutissent à un affadissement de la liberté de choisir
son partenaire. Cette liberté demeure, pourvu que le critère de sélection ne soit pas prohibé par la loi (race,
sexe, orientation sexuelle, convictions politiques, croyances religieuses).

- Liberté de déterminer le contenu et la forme du contrat. Les parties sont libres du contenu de leur contrat.
Là aussi les limites sont innombrables comme le montrent le droit de la consommation ou le droit du travail.

B - Les limites à la liberté contractuelle


- Les lois et l'ordre public. L'article 1102 al. 2 pose que la liberté contractuelle ne vaut que « dans les limites
fixées par la loi », tandis que l'article 1102 al. 2 dispose que :
« la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public ».La référence à
la loi et à l'ordre public est directement inspirée de l'article 6 du Code civil. On remarquera cependant que le
texte fait référence aux « règles » qui intéressent l'ordre public, et non plus seulement aux « lois ». C'est donc
dire que l'ordonnance confirme l'évolution du droit positif en admettant un ordre public virtuel ou judiciaire.

- Les bonnes mœurs ? L'ordonnance passe sous silence les bonnes mœurs. Cette expression a sans doute
paru désuète au regard de l'évolution de la société. On peut également penser que la notion d'ordre public est
suffisamment accueillante pour englober, si les juges l'estimaient nécessaire, un contrat contraire aux bonnes
mœurs qu'ils entendraient sanctionner.

- Les droits et libertés fondamentaux ? L'ordonnance reste également silencieuse sur l'atteinte qu'un contrat
pourrait porter aux droits et libertés fondamentaux d'un des contractants. Ce silence est étonnant car le
contentieux s'est multiplié sur cette question et car le projet d'ordonnance soumis à consultation publique en
février 2015 contenait une disposition sur ce thème. L'article 1102 du projet prévoyait en effet que « la liberté
contractuelle ne permet pas... de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte
applicable aux relations entre personnes privées, à moins que cette atteinte soit indispensable à la protection
d'intérêts légitimes et proportionnée au but recherché ».

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En savoir plus : Le contentieux contractuel des droits et libertés fondamentaux
L'évolution du droit contemporain est marquée par l'avènement des droits fondamentaux, portés par les
Déclarations ou Conventions diverses et la jurisprudence de la CEDH. Jusque là préservé de ce mouvement
de « fondamentalisation » du droit, le contrat commence à être touché (J. Raynaud, Les atteintes aux droits
fondamentaux dans les actes juridiques, thèse Limoges 2001 ; A. Debet, L'influence de la CEDH sur le droit
civil, Dalloz 2001, Préf. L. Leveneur). On peut en donner de nombreux exemples :
• Une clause d'un bail interdisait à un locataire d'installer une antenne parabolique sans avoir eu l'accord
du bailleur. Refusant de procéder au démantèlement de l'antenne (qu'il n'avait d'ailleurs pas lui-même
installé), un locataire s'était vu signifier la résiliation du contrat. La CEDH a estimé que la résiliation du
bail était disproportionnée par rapport à l'atteinte au droit des locataires de recevoir des informations
(CEDH, art. 10). La clause du contrat a donc été neutralisée (CEDH, 16 décembre 2008, RTD. Civ. 2009,
p. 281, obs. J.-P. Marguénaud).
• Une clause d'un bail interdisait au locataire de loger sa famille. Cette clause a été jugée contraire à
ème
l'article 8 de la CEDH, relatif à la protection de la vie familiale (Cass. 3 civ., 6 mars 1996, JCP 1996,
ème
éd. G, I, 3958, obs. Ch. Jamin ; RTD civ. 1996, p. 897, obs. J. Mestre ; Rapp. Cass. civ. 3 , 22 mars
2006, RDC 2006, obs. J.-B. Seube).
• Par trois arrêts du 10 juillet 2002, la Chambre sociale a ajouté une condition de validité à une clause
de non-concurrence insérée dans un contrat de travail. Outre le fait qu'elle devait être nécessaire à la
protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, elle doit désormais
être assortie d'une contrepartie monétaire (Cass. soc. 10 juillet 2002, D. 2002, p. 2491, note Y. Serra ;
JCP 2003, éd. G, II, 10162, note F. Petit ; RDC 2003, p. 17, obs. J. Rochfeld). Plutôt qu'un raisonnement
fondé sur la cause de l'obligation (qui oblige une contrepartie), la Cour a préféré justifier sa solution par
le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.
• un locataire de confession juive entendait, au nom de la liberté religieuse, contraindre son propriétaire
à doubler le digicode commandant la porte d'entrée d'une serrure mécanique afin de ne pas utiliser
un procédé électrique pendant le sabbat. La cour au visa de l'article 9 de la CEDH a jugé que « les
pratiques dictées par les convictions religieuses n'entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ
ème
contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique » (Cass. 3 civ.,
18 décembre 2002, RTD civ. 2003, p. 290, note B. Fages et J. Mestre ; p. 383, note J.-P. Marguénaud ;
RDC 2003, p. 220, note A. Marais).
• Le litige opposant locataire et propriétaire à propos du droit pour le propriétaire d'entrer dans les locaux
loués pour les faire visiter en vue d'une revente a été tranché par le recours à la protection de la vie
privée (RDC 2004, p. 1001, obs. J.-B. Seube). Le même phénomène s'observe dans le bail commercial
ème
avec la protection du droit de propriété (Cass. 3 civ., 18 mai 2005, RDC 2005, obs. J.-B. Seube, p.
1093 ; RTD civ. 2005, p. 619, obs. Th. Revet).

La doctrine est assez partagée sur cette intrusion de la CEDH dans le droit des contrats. Des auteurs
considèrent que les droits fondamentaux dans le contrat sont superflus (car la CEDH n'a normalement pas
d'effet horizontal et ne concerne que les rapports entre un citoyen et l'Etat) et néfastes (car ils conduisent
à des solutions grossières tandis que le droit, chargé d'harmoniser les intérêts privés depuis des siècles,
est beaucoup plus nuancé). Malgré ces mises en garde (M.-E. Ancel, Nouvelles frontières : l'avènement de
nouveaux ordres juridiques (droit communautaire et droits fondamentaux, in forces subversives et créatrices en
droit des obligations, dir. G. Pignarre, Dalloz 2005, p. 121), il faut convenir que le phénomène va en s'amplifiant
et que les droits et libertés fondamentaux ouvrent sur de nouvelles grilles de lecture du droit des contrat.

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Exemple
Par exemple, pour la possibilité d'analyser la contrepartie attendue d'un contrat comme un bien protégé au
er
sens du 1 protocole additionnel de la CEDH, CEDH, 18 novembre 2010, RTD. civ. 2011, p. 150, obs. Th.
Revet ; RDC 2012, p. 23, obs. J. Rochfeld ; CEDH, 12 juin 2012, D. 2012, p. 2133, obs. N. Reboul-Maupin ;
RDC 2013, p. 31, obs. J. Rochfeld ; pour l'obligation d'un contractant d'informer son co-contractant sur les
risques d'atteintes graves à un droit fondamental en raison de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat
– en l'espèce, risque de prescription et de perte des sommes déposées sur un compte bancaire dormant,
CEDH, 29 janvier 2013, RTD. civ. 2013, obs. J.-P. Marguénaud, p. 336 ; RDC 2013, p. 837, obs. J. Rochfeld.
Ces solutions s'expliqueraient par une nouvelle conception du contrat : longtemps conçu comme une rencontre
de volontés, égales, et éclairées également, en vue de créer des effets de droit (vision libérale et classique du
contrat), le contrat serait en réalité un lieu de conflit où un contractant fort imposerait sa volonté à un contractant
faible. Le risque de sujétion d'un individu à un autre imposerait de recourir aux droits fondamentaux afin de
s'assurer qu'ils ne seraient pas méconnus par le contrat (J. Rochfeld, préc. ; adde, J. Rochfeld, RDC 2004,
p. 231).

Reste que le recours aux droits fondamentaux, et notamment à la CEDH, ouvre sur d'épineuses difficultés. Il
est notamment question de savoir si l'on peut concevoir une application horizontale de la CEDH (c'est-à-dire
entre les particuliers : voir CEDH, 16 décembre 2008, préc.), si l'on peut admettre que les parties puissent
contracter sur les droits fondamentaux.
Exemple
ère
Voir Cass. civ. 1 , 14 janvier 2009, RTD civ. 2009, p. 298, obs. J. Hauser ; JCP 2009, éd. G, II, 10025,
note G. Loiseau ; RTD civ. 2009, p. 342, obs. Th. Revet : en l'espèce un mannequin avait cédé ses droits
mais estimait que sa renonciation était si large qu'elle privait d'effectivité l'article 9 du Code civil ; la cour
considère que le contrat reste valable si « les parties avaient stipulé de façon suffisamment claire les limites
de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de
certains supports ») et si l'on doit, alors, recourir à la proportionnalité pour savoir si l'atteinte portée à l'un des
droits fondamentaux d'un contractant est justifiée par une fin légitime et proportionnée au but à atteindre (sur
ces questions, J.-B. Seube, Le contrôle de proportionnalité opéré par le juge judiciaire, Les Petites Affiches,
5 mars 2009, p. 86.
Même si l'on est ici aux balbutiements d'un mouvements nouveaux, on peut penser que le droit des contrats
est saisi par les droits fondamentaux (J.-P. Marguenaud, obs. sous CEDH, 16 décembre 2008, RTD civ. 2009,
p. 281 ; Ch. Jamin, Repenser le droit des contrats, Dalloz, coll. Méthode du droit, 2009).

En savoir plus : La liberté contractuelle – mise en perspective historique


La liberté contractuelle est une manifestation du principe de l'autonomie de la volonté. Le principe de
l'autonomie (éty. auto, soi-même et nomos, loi : se donner des lois à soi-même) signifie que les parties sont
libres de consentir et de se soumettre aux obligations qu'elles veulent. Ce principe a été dégagé en 1904 par
E. Gounot. Pourtant, dans sa thèse, Gounot identifiait ce principe pour montrer qu'il déclinait inexorablement.

L'autonomie de la volonté s'explique et se comprend par les principes politiques et économiques qui dominaient
en 1804.

- Fondement politique : L'autonomie de la volonté repose sur le postulat de la liberté naturelle de l'homme.
1789 et sa liberté ne sont pas loin (Rapp. également E. Kant, Doctrine du droit : « une personne ne peut
être soumise à d'autres lois que celles qu'elle se donne à elle-même. Toute obligation dont elle ne serait pas
elle-même la source serait contraire à la dignité de l'individu »). Un autre fondement politique est celui du
contrat social : qu'il relève d'un mythe ou de l'histoire, le contrat social veut que les hommes aient consenti à
abandonner une part de leur liberté en échange de la protection que leur offrait l'Etat. Le contrat social et le
contrat tout court relèvent donc de la même idée.

- Fondement économique : laisser contracter les particuliers et les laisser agencer au mieux leurs intérêts
privés est le meilleur moyen d'établir entre eux les rapports les plus justes et les plus socialement utiles.

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C'est donc le libéralisme économique qui domine la théorie de l'autonomie de la volonté. Aucun homme ne
pourrait se laisser imposer une obligation qui lui nuirait : « qui dit contractuel dit juste » dit Fouillée (Rapp.
E. Kant : « Quand quelqu'un décide quelque chose à l'égard d'un autre, il est toujours possible qu'il lui fasse
quelque injustice ; mais toute injustice est impossible quand il décide pour lui même »). Le postulat est donc
que le meilleur moyen de satisfaire l'utilité sociale, c'est de satisfaire ses intérêts propres. L'intérêt général est
conforme à la somme de tous les intérêts particuliers.

Après avoir mis à jour le principe de l'autonomie de la volonté dans sa thèse, Gounot s'emploie à le critiquer
vertement.

- Critiques des idées politiques : Gounot a vu dans l'autonomie de la volonté une manifestation criante de
l'individualisme juridique. L'individualisme conduit à reconnaître que l'acte de volonté est efficace en tant que
tel, sans considération de son contenu : c'est parce qu'il est libre que l'homme peut s'engager. En réalité,
l'homme ne peut s'engager que dans certaines limites : il faut qu'il poursuive un intérêt légitime reconnu par
la société. Le juge ou l'Etat peut donc contrôler les raisons et le contenu de chaque contrat. L'autonomie de
la volonté n'est pas une valeur en soi, mais elle n'est qu'un moyen au service de valeurs supérieures que
sont la justice et l'utilité sociale (il n'est pas exclu que cette considération ait été celle des codificateurs, « les
conventions, légalement formées,... »). Il en résulte que la volonté n'est pas toute puissante : elle ne tire sa
force que de la loi. La volonté serait ainsi une puissance déléguée.

- Critiques des idées économiques : Le principe de liberté reposait sur l'idée que les hommes étaient entre
eux sur un pied d'égalité. L'homo juridicus était en réalité une abstraction qui ne résiste pas à l'analyse. En
réalité, les contractants sont toujours très inégaux. L'un doit passer le contrat, l'autre peut attendre. L'inégalité
exclut les discussions et les concessions : le second dicte sa volonté au premier. On voit qu'il ne reste rien du
postulat libéral : l'égalité nominale cache en réalité une inégalité réelle. Ihéring affirme que « dire que l'accord
de volontés est nécessairement juste, c'est délivrer un permis de chasse aux pirates et aux brigands, avec
droit de prise sur tout ce qui leur tombe entre les mains » (La lutte pour le droit).

§2 : La force obligatoire du contrat


- Réhaussement au rang des principes. L'ancien article 1134 al. 1 disposait « les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le nouvel article 1103 dispose désormais que :« les
contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
Ce réhaussement de la force obligatoire du contrat au sein des principes directeurs révèle son importance
(le projet d'ordonnance soumis à concertation ne faisait pas figurer la force obligatoire au rang des principes
directeurs).

En savoir plus : Quel est le fondement de la force obligatoire du contrat ?


Le fondement de la force obligatoire du contrat est un puits sans fond.

La réponse classique conduit à dire que le débiteur est tenu parce qu'il l'a voulu (théorie de l'autonomie de
la volonté). Cependant, on conçoit aisément que la volonté ne puisse pas être toute puissante. Des auteurs
proposent alors une vision plus radicale : le contrat ne serait obligatoire que parce que la loi en dispose ainsi.
C'est l'explication positiviste de la force obligatoire du contrat (G. Rouhette, Contribution à l'étude critique de
la notion de contrat, LGDJ, 1965) d'après laquelle la force du contrat ne vient de la volonté elle-même mais
du système juridique qui reconnaît, à cette volonté, une certaine valeur. Reste que la volonté est nécessaire
pour contracter.

Entre ces deux propositions (tout volontarisme, tout positivisme), d'autres auteurs tentent de remplacer
l'autonomie de la volonté par les deux idées complémentaires que sont l'utile et le juste (J. Ghestin, "L'utile et
le juste dans les contrats", D. 1982, chron., p. 1 ; rapp. F. Terré, "L'inutile et l'injuste", in Mélanges J. Ghestin,
LGDJ, 2001, p. 865) : l'utile est entendu comme la garantie de l'intérêt social, le juste comme principe d'équilibre
entre les droits réciproques des contractants. Dans cette vue, l'utilité et la justice ne seraient plus les valeurs

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qui dirigent le jeu de l'autonomie de la volonté ; elles deviendraient les fondements de la force obligatoire du
contrat : c'est parce qu'il est juste et utile que le contrat est obligatoire.

Toujours pour échapper à l'explication de la force obligatoire du contrat par la seule autonomie de la volonté,
des auteurs proposent de distinguer les aspects subjectifs –liés à la volonté des parties- et les aspects objectifs
– liés à des considérations sociales ou de justice – de tout contrat (J. Hauser, Objectivisme et subjectivisme
dans l'acte juridique, LGDJ 1971, Préf. P. Raynaud ; P. Ancel, "Force obligatoire et contenu obligationnel
du contrat", RTD civ. 1999, p. 771 ; F. Collart-Dutilleul, "Quelle place pour le contrat dans l'ordonnancement
juridique ?", in La nouvelle crise du contrat, Dalloz 2003, p. 231 qui note que 1) tout n'est pas obligationnel
dans le contrat, 2) tout n'est pas contractuel dans le contrat, 3) tout n'est pas consensuel dans le contrat ;
Th. Revet, Objectivation et subjectivation du contrat, quelle valeur juridique ?, in La nouvelle crise du contrat,
Dalloz 2003, p. 84).

Derrière ces interrogations théoriques, se masquent des questions très concrètes, tenant surtout au rôle du
juge. Si le contrat est le fruit de la seule volonté des parties, le juge est tenu de la suivre scrupuleusement et
ne peut la redresser ou la corriger. En revanche, la prise en compte de la justice et de l'utilité permettent au
juge de tenir un rôle actif et d'écarter du contrat les dispositions injustes et inutiles.

§3 : La bonne foi
- Réhaussement de la bonne foi. L'article 1104 nouveau dispose que « les contrats doivent être négociés,
formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ». Il montre la généralisation de
l'exigence de bonne foi puisque l'ancien article 1134 al. 3 se contentait de préciser que les conventions «
doivent être exécutées de bonne foi ».

La bonne foi pourrait, si on en retient une acception trop accueillante, pervertir des raisonnements. Bonne
foi, erreur.
Exemple
ère
Cass. 1 civ., 27 juin 2018, n° 17-15039, RTD. civ. 2018, p. 657, obs. H. Barbier ; Gaz. Pal. 2018, n° 31,
p. 21, obs. D. Houtcieff ; D. 2019, p. 279, obs. M. Mekki.
L'article 1104 consacre la bonne foi dans le contrat. Cet arrêt inédit en fait une utilisation originale. En l'espèce,
un candidat emprunteur transmet à la banque des relevés de compte falsifiés. Les juges annulent le contrat
en relevant que « le consentement de la banque à l'engagement contractuel avait été obtenu par erreur sur la
substance même de la chose, à savoir la bonne foi du contractant et l'exactitude des éléments patrimoniaux
fournis, éléments déterminants de l'octroi du crédit ».
La bonne foi se voit donc rattachée à la substance même de la chose, là où la référence à une erreur sur la
personne aurait sans doute était plus pertinente. Il ne faut sans doute pas voir là une tentative d'étendre, par
la bonne foi, le domaine de l'erreur (l'arrêt est inédit). Mais il laisse augurer de raisonnements qui pourront se
développer : un silence gardé sur les éléments permettant d'apprécier la valeur de la chose ne constitue pas
un dol (C. civ., art. 1137) mais pourrait-il justifier une erreur sur la bonne foi du contractant ?

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Remarque
La nouvelle disposition permet trois remarques :
• Quant à la nature de la bonne foi, on peut hésiter entre les qualifications de devoir légal ou d'obligation.
L'enjeu de cette qualification tient au fait que si elle est une obligation, elle suppose la conclusion
ème
d'un contrat (Cass. 3 civ., 14 sept. 2005, n° 04-10.856 : « vu l'article 1134, alinéa 3, attendu que
l'obligation de bonne foi suppose l'existence de liens contractuels... »). En précisant que la bonne foi
joue non seulement dans la formation et l'exécution du contrat, mais également lors de sa négociation,
l'ordonnance penche pour la qualification de devoir général.
• Quant au caractère impératif de la disposition, l'ordonnance est sans appel. Des auteurs s'étaient, en
effet, interrogés sur la possibilité de prévoir des clauses visant à atténuer le devoir de bonne foi, en
prenant l'exemple du droit anglais. En précisant que « cette disposition est d'ordre public », l'ordonnance
empêche toute contractualisation de la bonne foi (N. Balat, Le juge contrôlera t-il d'office la bonne foi
des contractants ?, D. 2018, p. 2099).
• Quant à la sanction d'un comportement de mauvaise foi, le texte reste silencieux. Ce silence s'explique
sans doute par la volonté de laisser aux juges le soin de retenir la sanction la plus appropriée, en fonction
des circonstances et du domaine dans lequel le comportement contraire à la bonne foi se manifeste.
Actuellement, lors de l'exécution du contrat, la Cour de cassation opère une distinction, passablement
difficile à mettre en œuvre, entre l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, pour lequel la mauvaise
foi est sanctionnée, et la substance des droits et obligations légalement convenus, pour laquelle la
ème
mauvaise foi est indifférente (Cass. com., 10 juill. 2007, n° 06-14.768 ; Cass. 3 civ., 9 déc. 2009,
n° 04-19.923, cf. infra).

En savoir plus : Les principes généraux du droit des obligations


Intervention de V. Nicolas lors de la Journée d'études sur "La réforme du droit des obligations" organisée par
l'IRDP de Nantes.

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Section 2 : Les différents types de
contrats
- Les familles de contrat. Les articles 1105 à 1111-1 égrènent les différents types de contrats. Toutes les
distinctions n'ont pas la même importance.

§1 : Les contrats nommés et innommés


- La distinction. L'article 1105 porte la distinction qui était déjà évoquée à l'ancien article 1107.
Le contrat nommé est celui qui est réglementé par le Code civil et se trouve donc soumis à des règles propres.
Le contrat innommé est celui qui n'est soumis à aucune réglementation, autre que la théorie générale des
contrats.
La difficulté est qu'il faut alors le qualifier pour savoir quel régime juridique on lui appliquera : la qualification
peut être mixte, unitaire, ou absente. Bien souvent, les contrats sont d'abord innomés (inventés par la pratique),
puis le législateur intervient pour leur conférer un régime juridique, puis ils s'insèrent dans le code civil (A.
Bénabent, "L'hybridation des contrats", Mélanges Jeantin, Dalloz 1999, p. 27 ; D. Grillet-Ponton, "La vivacité
de l'innommé", D. 2000, chron., 331).

- L'agencement des règles générales et spéciales. Au-delà de la distinction, l'article 1105 al. 3 contient
une règle essentielle : « les règles générales s'appliquent sous réserve des règles particulières » (N. Balat,
"Réforme du droit des contrats : et les conflits entre droit commun et droit spécial ?", D. 2015, p. 699)

Le Rapport fait au Président de la République explique que « Le troisième alinéa introduit en revanche une
nouveauté importante et attendue des praticiens, puisqu'il rappelle que les règles générales s'appliquent sous
réserve des règles spéciales. Ainsi, les règles générales posées par l'ordonnance seront notamment écartées
lorsqu'il sera impossible de les appliquer simultanément avec certaines règles prévues par le code civil pour
régir les contrats spéciaux, ou celles résultant d'autres codes tels que le code de commerce ou le code de
la consommation ».

C'est donc dire que les dispositions générales ont une vocation résiduelle, subsidiaire. Elles ne s'appliqueront
qu'à défaut de règles spéciales. C'est finalement une application de l'adage specilia generaibus derogant.

Exemple
Par exemple, le nouvel article 1119, alinéa 2 du Code civil prévoit que, en cas de discordance entre les
conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.
Ce texte s'annonce difficile à concilier avec l'article L. 441-6 du Code de commerce qui, disposant que les
conditions générales de vente sont le socle de la négociation commerciale, impose un accord, et non la simple
édiction de conditions générales d'achat contraires, pour y déroger.

Par exemple encore, le nouvel article 1124 du Code civil réglemente la promesse unilatérale de manière
générale, mais des textes particuliers, comme les articles L. 442-8 du code de l'urbanisme et L. 290-1 du
Code de la construction et de l'habitation, posent des règles plus précises. Ces règles ne sont nullement
remises en cause par la publication de l'ordonnance.

En revanche, d'autres dispositions annoncent de sérieuses difficultés. C'est notamment le cas du nouvel
article 1171 qui dispose que « dans le contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif
entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Comment se texte se conciliera-
t-il avec l'article L. 132-1 du Code de la consommation et avec l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ?
Le recours à l'adage specilia generalibus derogant n'est ici d'aucune aide puisque l'article 1171 ne pose pas
une règle générale mais édicte au contraire une règle spéciale, propre aux contrats d'adhésion.

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§2 : Les contrats synallagmatiques et
unilatéraux
- Exposé de la distinction. La distinction est posée à l'article 1106 du Code civil.
Lorsqu'il est synallagmatique, le contrat fait naître des obligations à la charge des deux parties : la vente, le
bail... sont des contrats synallagmatiques. Lorsqu'il est unilatéral, le contrat, quoique né de la rencontre de
deux volontés, ne fait naître d'obligations qu'à la charge d'une partie : la donation, les contrats de restitution
comme le prêt ou le dépôt, la promesse unilatérale de vente dans laquelle seul le promettant est tenu d'une
obligation, le bénéficiaire restant libre... sont des contrat unilatéraux.
- Intérêt de la distinction. L'intérêt de la distinction est double : quant à la preuve, l'acte sous seing privé
constatant un contrat synallagmatique doit être rédigé en double original (C. civ., art. 1375) alors que celui
constatant un contrat unilatéral (du moins un contrat par lequel une personne s'engage à payer une somme
d'argent) est soumis à l'article 1376. Quant aux effets, parce que le contrat synallagmatique donne naissance à
des obligations interdépendantes, il est soumis à des règles particulières comme la résolution pour inexécution,
l'exception d'inexécution et à la théorie des risques (cf. infra).

- Relativité de la distinction. Toutefois, la doctrine doute parfois de la pertinence de la distinction car la


pratique a découvert les contrats synallagmatiques imparfaits : initialement le contrat était unilatéral, mais
en cours d'exécution, une obligation naît à la charge du contractant qui, normalement, n'aurait pas eu à en
supporter. Par exemple, le dépositaire expose des frais pour la conservation de la chose donc le déposant est
tenu d'une dette. La doctrine considère que pour être réciproques, les obligations ne sont pas interdépendantes
et donc ne sont pas susceptibles d'entraîner la résolution pour inexécution (contra R. Houin, La distinction
entre contrats synallagmatiques et unilatéraux, Thèse Paris 1937 ; pour une approche nouvelle, A. Sériaux,
"La notion de contrat synallagmatique", Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 777).

En savoir plus : Le cas des promesses unilatérales ou synallagmatiques...


La promesse unilatérale est un contrat par lequel une personne (le promettant) s'engage à vendre un bien
à une autre (le bénéficiaire) qui reste libre d'acquérir, ou non, le bien. On voit donc que seul le promettant
est tenu : en cela la promesse est unilatérale. Les promesses unilatérales doivent être enregistrées pour des
raisons fiscales dans le délai de 10 jours de leur conclusion (CGI, art. 1840 A, transposé dans le Code civil
à l'article 1589-2).

Une difficulté se pose quand la promesse unilatérale est enfermée dans un accord plus large. Ainsi, des parties
étaient convenues dans une transaction d'abandonner des instances en cours et de consentir une promesse
unilatérale. Ladite promesse n'ayant pas été enregistrée, l'une des parties plaidait sa nullité. Une cour d'appel
ème
ayant résisté à la troisième chambre civile (Cass. 3 civ., 26 mars 2003, D. 2003, p. 2197, note P. Lipinsky ;
Rép. Defrénois 2003, p. 841, note E. Savaux ; RDC 2004, p. 1030, obs. X. Lagarde ; RTD civ. 2003, p. 496,
obs. J. Mestre et B. Fages), l'assemblée plénière a jugé « qu'en statuant ainsi, alors que la transaction est
une convention ayant entre les parties autorité de la chose jugée, stipulant des engagements réciproques
interdépendants, dont la promesse de vente n'est qu'un élément, de sorte que l'article 1840 A du CGI est
sans application, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (Cass. Ass. Plén., 24 février 2006, JCP 2006,
éd. G, II, 10065, avis J. Cédras ; D. 2006, p. 2076, note C. Jamin ; RTD civ. 2006, p. 301, obs. J. Mestre et
B. Fages ; RDC 2006, p. 689, obs. Y.-M. Laithier, p. 715, obs. I. Dauriac, p. 806, obs. X. Lagarde ; adde, S.
Chassagnard-Pinet, "Promesse de vente et transaction", D. 2006, chron., p. 2057 ; I. Najjar, "Transaction et
ensemble contractuel", D. 2006, p. 1396). La promesse, parce qu'elle s'insère dans un ensemble plus large,
perd son caractère unilatéral. On mesure par là que le synallagmatisme résulte non seulement de la réciprocité
des obligations mais également de leur interdépendance, c'est-à-dire du fait de dépendre (d'être la contrepartie)
les unes des autres.

Une seconde difficulté concerne la qualification de la promesse. Il arrive souvent que le bénéficiaire d'une
promesse unilatérale verse, lors de la promesse, un dépôt de garantie ou une indemnité d'immobilisation, qu'il
perdra s'il ne lève pas l'option. Pendant longtemps, la Cour de cassation a considéré que si le montant de

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l'indemnité était trop élevé, le bénéficiaire était privé de sa liberté de lever l'option, de sorte que la promesse
devenait unilatérale (Cass. com., 13 février 1978, Bull. civ. I, n° 60). Elle décide désormais que « le versement
d'un dépôt de garantie d'un montant presque égal au prix de la vente ne préjudicie en rien à la qualification de la
ère er
promesse unilatérale » (Cass. 1 civ., 1 décembre 2010, RTD. civ. 2011, p. 346, obs. B. Fages ; RDC 2010,
p. 420, obs. Y.-M. Laithier). Cette solution se justifie par de nombreuses raisons : tant que le bénéficiaire a la
possibilité de se dédire, la promesse reste unilatérale ; de plus, l'indemnité versée n'est pas toujours perdue,
notamment lorsque le bénéficiaire n'acquiert pas arce que l'une des conditions requise n'est pas remplie ; enfin,
la contrainte pesant sur le bénéficiaire du fait du montant de l'indemnité est très subjective et ouvre la voie à
une incertitude judiciaire. En dépit de ces raisons, la Cour semble revenir à la conception initiale puisqu'elle a
cassé un arrêt en relevant que les juges du fond auraient du « relever que la promesse de vente était assortie
d'une indemnité si importante par rapport au prix de vente qu'elle privait le bénéficiaire de sa liberté d'acheter
ème
ou de ne pas acheter » (Cass. 3 civ., 26 septembre 2012, RDC 2013, p. 59, obs. Y.-M. Laithier ; RTD. civ.
2012, p. 723, obs. B. Fages).

§3 : Les contrats à titre gratuit et à titre


onéreux
- Exposé de la distinction. La distinction est posée à l'article 1107 du Code civil.
Alors que le contrat à titre onéreux suppose une contrepartie, le contrat à titre gratuit procure à une partie
un avantage sans aucune contrepartie : la vente, le bail sont des contrats à titre onéreux ; la donation, le
bail sans loyer, le cautionnement sont des actes à titre gratuit. Toutefois, la contrepartie peut être constituée
autrement que d'une somme d'argent (échange,...).
- L'intérêt de la distinction est que dans les contrats à titre gratuit, la considération du gratifié est toujours
importante : les contrats à titre gratuit sont donc souvent inspirés par un fort intuitu personnae. De plus, celui
qui donne sans rien recevoir est soumis à des obligations très légères : par exemple, il n'y a pas de garantie
des vices cachés dans la donation ; de même, la responsabilité du loueur qui n'exige pas de loyers sera plus
légère que celle d'un propriétaire en exigeant un.

- Relativité de la distinction. Toutefois, la distinction entre contrat onéreux et contrat de bienfaisance


s'obscurcit car, bien souvent un acte, apparemment gratuit, s'insère dans un ensemble plus vaste qui fait
apparaître son caractère onéreux.
Exemple
Par exemple, on peut douter que le prêt par un supermarché d'un chariot soit réellement à titre gratuit... il
est en tout cas intéressé ; de même, lorsqu'un maître de stage met une chambre à disposition d'un élève, on
ère
peut hésiter sur sa réelle qualification (voir, Cass. 1 civ., 8 juin 1999, JCP 2000, éd. E, p. 267, obs. J.-B.
Seube) ; l'hésitation sur le caractère onéreux ou gratuit du contrat s'est encore illustré à propos du dépôt d'une
automobile faite à un garage : des clients avaient laissé leur voiture pour réparation ; une fois les réparations
effectuées, ils avaient tardé à la récupérer ; le garagiste leur avait facturé le prix du dépôt. La cour a jugé,
contre la lettre de l'article 1117, que « le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste, accessoire à
ère
un contrat d'entreprise, est présumé fait à titre onéreux » (Cass. 1 civ., 5 avril 2005, JCP 2006, éd. G, I,
153, n° 8, obs. F. Labarthe ; RDC p. 1029, obs. A. Bénabent et p. 1123, obs. P. Puig).

§4 : Les contrats commutatif et aléatoire


- Exposé de la distinction. Posée à l'article 1108 du Code civil, la distinction est la suivante :
le contrat est commutatif lorsque les parties ont définitivement fixé, au moment de la conclusion du contrat,
les prestations mises à la charge de l'une et de l'autre. Il existe alors un rapport que les parties ont estimé
être d'équivalence entre les prestations qu'elles assument. Le contrat est au contraire aléatoire lorsque la
prestation de l'un des contractant dépend, dans son existence (contrat d'assurance) ou dans son étendue
(vente avec rente viagère), d'un événement incertain. Chacun des contractants court alors une chance de

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gain et un risque de perte (F. Grua, Les effets de l'aléa, et la distinction des contrats aléatoires et des contrats
commutatifs, RTD civ. 1983, 263).
- Intérêt de la distinction. L'intérêt de la distinction est lié au fait que le prix est fixé sans que l'on sache
s'il correspondra ou non à la contrepartie. Par exemple, une personne s'assure (et paie) pour se garantir
des conséquences d'un accident automobile... qu'elle n'aura pas ! Cette absence d'équilibre, liée à la nature
aléatoire du contrat, fait que les contrats aléatoires ne peuvent être rescindés pour lésion (cf. infra).

§5 : Contrats consensuels, solennels et réels


- Exposé de la distinction.
Le principe est que le contrat se forme par la seule rencontre des volontés. Il est donc consensuel. Toutefois,
la rencontre des volontés sera parfois insuffisante pour que le contrat accède à la vie juridique : son existence
pourra être suspendue à une formalité (acte authentique pour les donations ou les contrats de mariage ;
rédaction d'un écrit pour certains baux) ou à la remise d'une chose. Les premiers contrats sont solennels,
les seconds réels.
On retrouvera ces distinctions dans l'étude des conditions de forme.

- Relativité de la distinction. La distinction de l'article 1109 est très théorique. En pratique, elle est de moindre
portée.

D'une part, la catégorie des contrats réels ne cesse de se rétrécir : le gage mobilier est devenu un contrat
solennel depuis l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (C. civ., art. 2336) ; les prêts d'argent des articles
L. 311-11 et suivants du code de la consommation et les crédits immobiliers des articles L. 312-7 et suivants
du même code ne sont plus des contrats réels ; tout comme les prêts consentis par des professionnels du
ère
crédit (Cass. 1 civ., 28 mars 2000, n° 97-21.422)... Le mouvement est tel qu'on évoque un phénomène de
« déréalisation » des contrats et que certains auteurs doutent de la nécessité de consacrer cette catégorie
moribonde.

D'autre part, la jurisprudence fait preuve d'une telle souplesse dans l'appréciation de la forme de certains
contrats solennels qu'elle en vient presque à les « désolenniser ». L'exemple le plus frappant est l'interprétation
des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation. Alors que ces textes imposent que la caution
recopie, à peine de nullité du contrat, une mention légale, et uniquement celle-ci, la Cour de cassation a admis
que la caution puisse s'écarter de cette mention et en préférer une autre, pourvu cependant que le sens et
ère
la portée n'en soient pas dénaturés (Cass. 1 civ., 10 avr. 2013, n° 12-18544). Il ne reste alors plus grand-
chose du formalisme mis en place par le législateur.

§6 : Contrats de gré à gré et d'adhésion


- Exposé de la distinction. L'article 1110 pose une distinction entre les contrats de gré à gré et les contrats
d'adhésion.
Dans les contrats de gré à gré, il y a une négociation réelle entre les deux contractants. De tels contrats
sont finalement assez rares et, dans la majorité des cas, c'est un contractant qui fixe, seul, le contenu du
contrat (Air France, la SNCF, un contrat d'assurance, de téléphonie mobile, d'accès à internet, de télévision
numérique...). C'est alors un contrat auquel le contractant se contente d'adhérer. Si le contrat de gré à gré
est issue de la libre négociation, le contrat d'adhésion permet à celui qui rédige le contrat de dicter sa volonté
à son partenaire. Loin d'être un outil de liberté, le contrat peut devenir un outil de sujétion.

En savoir plus : Aspects historiques et évolution de la règlementation des contrats d'adhésion.


Salleilles (L'évolution technique du contrat, thèse 1930, n° 15) proposait de soumettre les contrats d'adhésion
à des règles propres, afin d'en nier la dimension contractuelle. Cette proposition doctrinale n'a pas été reçue
(F. Chénedé, Raymond Saleilles, "Le contrat d'adhésion", RDC 2012, p. 241) : les contrats d'adhésion ont été
absorbés dans la famille des contrats. Mais, même si le juge soumet les contrats d'adhésion au droit commun

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des contrats, la pratique des contrats d'adhésion a largement influencé le droit commun des contrats. Cette
influence s'est faite avec l'onction du législateur qui a d'abord réglementé certains contrats d'adhésion avant
de poser des règles plus générales.

• La réglementation de certains contrats


Plutôt que de conférer des pouvoirs d'interprétation au juge pour tous les contrats, le législateur a réglementé
ème
certains contrats, au coup par coup : ainsi, pendant la première moitié du XX siècle, le contrat de travail,
le contrat d'assurance ou le contrat de transport ont fait l'objet de sérieuses réglementations : les phases de
conclusion du contrat doivent respecter des règles impératives visant à protéger la partie censée être en état
de dépendance.

• La mise en place de règles plus générales


L'encadrement des contrats d'adhésion a pris un nouvel essor avec l'avènement du droit de la consommation.
Le droit de la consommation pose soit des règles générales, qui ont vocation à s'appliquer dans tous
les contrats conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, soit des règles
particulières, propres à certains contrats (vente et prêt immobiliers, démarchage, surendettement). Le contenu
de ces protections particulières est quasi identique : il s'agit à chaque fois de renforcer la réflexion du
consommateur en lui permettant de bénéficier d'une bonne information et en lui permettant de se repentir s'il
s'aperçoit qu'il s'est trompé. Il s'agit aussi de suspendre l'effet obligatoire du contrat en cas de financement
lié ou en cas d'événements particuliers affectant la situation du consommateurs : délai de grâce...). Il s'agit
enfin d'équilibrer les contrats en neutralisant des clauses créant un déséquilibre significatif au détriment du
consommateur.

Le développement de ce droit protecteur conduit à une cassure avec la philosophie qui avait inspiré les
rédacteurs du Code civil. En 1804, on considérait que les contractants étaient entre eux sur un pied d'égalité :
le contrat, rencontre de volontés de deux personnes autonomes et indépendantes, ne pouvait être lésionnaire
car une partie n'aurait jamais consenti à un acte qui méconnaîtrait ses intérêts. C'était le temps de la célèbre
maxime attribuée à Fouillée « qui dit contractuel dit juste ».

Aujourd'hui, en revanche, on s'aperçoit que cette égalité présumée entre contractants était une vue de l'esprit :
bien souvent, un des contractants, parce qu'il a pour lui la puissance financière, le temps, ou la maîtrise de
certaines connaissances peut imposer à l'autre sa volonté. Le contrat devient alors une arme au service du
fort contre le faible : Lacordaire n'affirmait-il pas que « entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et
la loi qui libère » ?

Les auteurs ont longtemps été partagés sur cette évolution : certains considéraient que la surprotection des
consommateurs revenait à en faire des incapables majeurs (J. Carbonnier, Les Obligations PUF, thémis, 20
édition, n° 3, p. 19 : le droit de la consommation « se contente d'avoir l'esprit de tutelle en réponse à l'esprit
d'enfance : le consommateur est un majeur que son contrat replace à l'esprit d'enfance » ; voir bien avant
ème
le Doyen Carbonnier, E. Acollas, Les contrats et les obligations contractuelles, 3 éd., Delagrave, 1891,
p. 8 et 9 : « Serait-il possible, en commençant par admettre cette grosse et funeste hérésie, l'omnipotence
du législateur, de faire intervenir la loi dans la formation des contrats, et de lui faire prendre en mains, entre
majeurs, la cause du plus faible contre le plus fort ? Autant vaudrait demander s'il serait possible, pour chaque
contractant, de distinguer entre le plus faible et le plus fort., et d'ajouter, pour chaque cas, à la liberté du plus
faible ce dont la surpasse la liberté du plus fort ! ... La pire illusion serait de s'imaginer qu'une volonté arbitraire
peut mettre l'égalité là où elle n'est pas, et que, pour des individus majeurs, il existe, en définitive, un autre
régime que celui de la liberté ») ; d'autres, en revanche, considéraient que le droit de la consommation devrait
influencer plus largement le droit commun (sur ce thème : N. Rzepecki, Droit de la consommation et théorie
générale du contrat, Thèse Strasbourg 1998 ; N. Sauphanor, L'influence du droit de la consommation sur le
système juridique, Thèse Paris I, 2000 ; J. Calais-Auloy, "L'influence du droit de la consommation sur le droit
civil des contrats", RTD civ. 1994, p. 239 et s.).

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L'ordonnance du 10 février 2016 signe alors l'entrée des contrats d'adhésion dans le Code civil.

* Existe-t'il encore une théorie générale du contrat du fait de la reconnaissance des contrats
d'adhésion ?

Certains auteurs considèrent que la réforme, d'une part, consacre la conception traditionnelle du contrat (dans
laquelle la volonté fonde le contrat) et, d'autre part, admet une catégorie de contrat, le contrat d'adhésion, dans
laquelle la volonté de l'adhérent est étrangère à la détermination du contenu contractuel. De fait, alors que la
volonté est le véhicule de l'intérêt des contractant dans le contrat de gré à gré, il y a une faille entre volonté
et intérêt dans le contrat d'adhésion : l'intérêt de l'adhérent est alors pris en compte (ou défendu) par l'autre
partie, par le juge et par le législateur. Il y a là une figure nouvelle, inconciliable avec la vision traditionnelle
dans laquelle chaque partie défend son intérêt. Ce serait donc la fin de la théorie générale du contrat (Th.
Revet, "La réception du contrat d'adhésion par la théorie générale du contrat", RDC 2019, p. 106 ; "Le contrat
Janus ou la dualisation de la théorie du contrat", Mélanges L. Aynès, 2019, p. 421). Face à cette présentation,
d'autres auteurs sont moins radicaux et soulignent l'originalité de l'adhésion par rapport au consentement ou
à la volonté : ils notent que dans le contrat d'adhésion, la volonté d'un seul devient le projet auquel les deux
parties consentent (G. Chantepie, Le consentement de l'adhérent, RDC 2019, p. 140).
Enfin, d'autres auteurs s'interrogent sur les raisons pour lesquelles l'adhésion serait différente de la négociation
du contrat. Quoique soulignant les vertus et les vices (impossibilité de négocier ; pauvreté du consentement
donné par l'adhérent qui, se satisfaisant du « bargain », ne porte aucune attention aux clauses secondaires)
des contrats d'adhésion, ils évoquent les circonstances qui justifient la protection de l'adhérent (contrats de
faible enjeux et contrat de nécessité) et celles dans lesquelles l'intervention n'est pas justifiée : les contrats de
gros enjeux et l'hypothèse dans laquelle l'adhérent a lu, compris, désapprouvé... mais a signé sans rien dire. Le
souci de ces auteurs est alors de limiter le champ de l'article 1171 mais les critères avancés sont assez difficiles
à mettre en œuvre (Ph. Stoffel-Munck, "Pour une conception raisonnable du contrat d'adhésion", Mélanges
L. Aynès, 2019, LGDJ, p. 453).

- Enjeux de la distinction. La distinction entre les contrats d'adhésion et les contrats de gré à gré est dans
doute la plus importante de la réforme. Les contrats d'adhésion, seuls, ont des règles d'interprétation et des
mécanismes correcteurs en cas de clauses abusives (cf. infra, C. civ. art. 1171).

Il y aura donc un droit des contrats de gré à gré et un droit des contrats d'adhésion (T. Revet, Le projet de
réforme et les contrats structurellement déséquilibrés, D. 2015, p. 1217 ; F. Chénédé, "Le contrat d'adhésion
dans le projet de réforme", D. 2015, p. 1226 ; "Le contrat d'adhésion", avec les interventions de Th. Revet, . M.
Mekki, A.-C. Martin, C. Grimaldi, G. Chantepie, A. Etienney de Sainte Marie, N. Blanc, M. Latina, A. Bénabent,
RDC 2/2019, p. 103 et s.).

Ce constat rend la mise en œuvre de la distinction essentielle.

er er
- Mise en œuvre de la distinction pour les contrats conclus entre le 1 octobre 2016 et le 1 octobre
2018. Même si la jurisprudence fera sans doute son œuvre et aura peut-être une interprétation extensive du
texte, le contrat d'adhésion repose selon l'ordonnance sur trois critères : l'existence de conditions générales,
leur détermination à l'avance par l'une des parties, leur soustraction à la négociation.

L'existence de conditions générales est imposée par le texte. Le terme de « conditions générales » est
cependant ambiguë. Dans une approche strictement formelle, on peut considérer qu'il s'agit du document
que rédige un contractant (CGV, CGA, ...). Retenir cette interprétation conduirait à exclure de la famille des
contrats d'adhésion de nombreux contrats, qui ne sont pas ou peu négociés, mais qui ne reposent pas sur des
« conditions générales ». Dans un approche plus conceptuelle, les « conditions générales » sont les clauses
essentielles du contrat. Le projet d'ordonnance avait d'ailleurs retenu que le contrat d'adhésion est celui dont
les « stipulations essentielles » sont soustraites à la négociation et déterminées à l'avance par une partie.

14
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Les conditions générales doivent être « déterminées à l'avance par l'une des parties ». Cette expression pourra
se révéler difficile à manier lorsque le contrat aura été rédigé par un tiers.
Par le législateur qui, muselant la liberté contractuelle, aura édicté des modèles contractuels ou des contrats
type. Dans ces hypothèses, c'est le législateur qui aura « déterminé à l'avance » les stipulations essentielles,
qui figureront souvent dans des conditions générales. L'exemple du bail d'habitation en est le meilleur exemple
depuis qu'est imposé un contrat type de bail (D. n° 2015-587, 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location
de logement à usage de résidence principale). Est-ce à dire que, faute pour les conditions générales d'avoir
été « déterminées » par le bailleur, le contrat de bail ne pourrait pas être un contrat d'adhésion ? Si la réponse
positive s'imposait, les déséquilibres significatifs ne pourraient plus y être sanctionnés.
Exemple
Pour un exemple où une clause de répartition des charges a été considérée comme créant un déséquilibre
ème
significatif : Cass. 3 civ., 17 déc. 2015, n° 14-25.523.
Par des organismes professionnels comme c'est souvent le cas en matière bancaire ou assurantielle.

Par un notaire comme c'est par exemple le cas dans les VEFA. Il y a bien peu de marge de négociation pour
l'acheteur et pourtant le contrat n'est pas rédigé par le promoteur, mais par le notaire.

Les conditions générales doivent enfin être « soustraites à la négociation ». Ce troisième critère pourra
également se révéler d'un maniement difficile: ce qui compte n'est pas tant que le contrat n'ait pas été négocié
mais que les conditions générales du contrat aient été soustraites à la négociation. En d'autres termes, si
le contractant propose les conditions générales à la négociation et que le cocontractant ne négocie pas, il
n'y a pas contrat d'adhésion. Le fait d'édicter des conditions générales vise avant tout à gagner du temps,
nullement à refuser à l'avance toute négociation. Même si elle touche à un domaine voisin, la jurisprudence
de la chambre commerciale, rendue en application de l'article L. 442-6 du code de commerce en matière
de pratiques restrictives de concurrence, pourra ici se révéler fort utile pour identifier les critères factuels qui
montrent que toute négociation était impossible (Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525).

er
- Mise en œuvre de la distinction pour les contrats conclus après le 1 octobre 2018. L'article 1110 a
er
été modifié par la loi du 20 avril 2018. Ainsi, les contrats conclus après le 1 octobre 2018 seront des contrats
d'adhésion ou des contrats de gré à gré selon qu'ils répondront à la définition suivante :
« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d'adhésion
est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties
».
La nouvelle distinction est plus pertinente que la précédente, même si elle laisse irrésolue certaines questions :
si l'on doit se féliciter de la disparition de la référence aux conditions générales, la notion d' « ensemble de
clauses non négociables » sera sans doute débattue : un contrat dont la clause de prix et les clauses de
responsabilité ne seraient pas négociables devient-il un contrat d'adhésion ?

§7 : Contrats cadres et contrats d'application


- Exposé de la distinction. La pratique des contrats-cadre est née dans le droit de la distribution : plutôt
que de conclure plusieurs fois un même type de contrats, un fournisseur (par exemple une société pétrolière)
et son distributeur (par exemple une station-service) conviennent d'un cadre contractuel qui va fixer toutes
les modalités de l'exécution de leur accord : modalités des commandes, des livraisons, des garanties, des
responsabilités... C'est le contrat cadre. Lorsque le distributeur souhaitera être livré, il lui suffira de passer
commande, toutes les modalités étant déjà arrêtées, c'est le contrat d'application.

La définition du contrat cadre – accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de
leurs relations futures – et des contrats d'application – accords qui en précisent les modalités d'exécution –
est volontairement large. Cela traduit sans doute la volonté d'englober sous cette définition les nombreuses
variantes que connaît par exemple le droit de la distribution (N. Dissaux, Les mystères du contrat cadre,

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AJ contrat 2017, p. 104 ; D. Ferrier, La consécration du contrat-cadre : de la reconnaissance à la
méconnaissance, Mélanges Ph. Neau-Leduc, LGDJ 2018, p. 459).
- Intérêts de la distinction. La définition n'est pas seulement pédagogique et se trouve dotée de conséquences
er
pratiques. L'article 1164, alinéa 1 dispose, en effet, que « dans les contrats cadre, il peut être convenu que
le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties... » (cf. infra).

§8 : Contrats à exécution instantanée et


successive
- Exposé de la distinction. Il existe deux critères concurrents pour distinguer les contrats à exécution
instantanée et les contrats à exécution successive.

Le premier critère est un critère temporel qui s'intéresse à la durée de l'exécution selon qu'elle se réalise en
un instant ou selon qu'elle nécessite une certaine durée.

Le second critère est un critère qualitatif qui oppose les contrats s'exécutant en une prestation unique et
ceux qui supposent plusieurs prestations échelonnées. Ce critère suppose d'examiner l'utilité qu'attendait
le créancier du contrat : espère-t-il une prestation unique ou attend-il des prestations échelonnées, qui se
renouvellent par tranches satisfactoires.
L'ordonnance tranche nettement en faveur du second critère par l'article 1111-1.

- Intérêt de la distinction. Si la distinction est facile à mettre en œuvre pour distinguer la vente au comptant et le
contrat de bail, elle est plus délicate à appliquer à de nombreuses autres situations. On peut notamment relever
qu'est un contrat à exécution successive celui dont les obligations « d'au moins une partie » s'exécutent en
plusieurs prestations échelonnées dans le temps. Cette unilatéralité ne manquera pas de poser des difficultés.
Suscitant par exemple des commentaires très divergents, la Cour de cassation a retenu que le contrat de
ème
construction de maison individuelle n'est pas un contrat à exécution instantanée (Cass. 3 civ., 13 nov. 2014,
n° 13-18.937).

Du reste, les intérêts qui s'attachent à cette distinction s'estompent nettement. Ils consistaient surtout
dans le fait que les contrats à exécution instantanée étaient résolus, alors que les contrats à exécution
successive étaient résiliés. L'ordonnance se garde de tout dogmatisme en la matière et laisse une large marge
d'appréciation au juge (C. civ., art. 1229).

En savoir plus : L'importance de la durée dans les contrats : la relation plus que l'échange
économique ?
La considération de la durée prend de plus en plus d'importance (RDC 2004, contrat et durée). La doctrine
nord-américaine contemporaine donne à cette distinction une très large portée. En effet, dans les contrats
dont la vocation est de durer, on note que la relation nouée entre les parties est plus importante que l'échange
économique réalisé par le contrat. Ces contrats « relationnels » (I. R. MacNeil, The new social contract, Yale
University Press 1980, not. p. 20 et s. ; H. Muir-Watt, "Du contrat relationnel", in La relativité du contrat, Trav.
Assoc. Capitant 1999, p. 69 ; J. Rochfeld, "Durée et exécution du contrat", RDC 2004, p. 47 et s. ; M. Fabre-
Magnan, Les obligations, PUF 2004, n° 74) sont donc marqués par une considération accrue pour la relation
elle-même : on ne peut la rompre unilatéralement ; on doit l'adapter aux changements de circonstances... on
mesure par là que l'exigence de présentiation (qui impose de tout prévoir dès la formation du contrat) se fait
moins pesante pour ces contrats relationnels (Y.-M. Laithier, "A propos de la réception du contrat relationnel
en droit français", D. 2006, chron., p. 1003 ; J. Rochfeld, "Au croisement du droit de la concurrence et du droit
civil : l'avènement de la relation contractuelle", RDC 2006, p. 1033).

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