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1610512023 01:05 La conlrebarde transfrontaliire une legan intégralion régionale parle bas dans les monts Mandara? — Vivre au Nord-Ca. Accueil Lire Se connecter Rechercher dans le livre sate or adapt b ike thi ? Learn more a supports open publi VIVRE AU NORD-CAMEROUN TABLE DES MATIERES 10. La contrebande transfrontaliére : une legon d'intégration régionale par le bas dans les monts Mandara? ANDRE GANAVA Résumé Lintégration économique régionale désigne le processus par lequel les Etats ré- duisent progressivement les formes de différenciation entre les économies natio- nales en stimulant la libre circulation des biens et des personnes entre les pays géographiquement proches. En dépit de lintérét que lui accordent les discours adaptation des réfugié-o-s mbororo pitti & Meidougou face au défi uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 Maroua hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-b... 1/16 18105202301:05 La cantebande transrnlaée une agondintégration rgionale parle bas dans les monts Mandara?— Var au Nort-Ca font au détriment des différentes restrictions institutionnelles. Malgré l'insécurité qui caractérise actuellement la région de l'Extréme-Nord du Cameroun, cette zone apparait comme le théatre d'une véritable intégration économique régionale « par le bas ». Cette intégration est principalement fondée sur la contrebande transfrontaliére animée par des réseaux marchands qui remettent en cause les cloisonnements géopolitiques hérités de la colonisation. En se basant sur les ré- sultats de nos observations et des entretiens avec les populations de Mokolo dans les monts Mandara, une zone transfrontaliére entre le Cameroun et le Nigéria, nous étudions dans cet article les fondements de la contrebande transfrontaliére et sa perception par les populations locales, dans cette locali Mots-clés : contrebande transfrontaliére, économie, intégration sous-régionale, Cameroun, Nigéria Abstract Regional economic integration refers to the process by which states progressively reduce the forms of differentiation between national economies by stimulating the free movement of goods and people between geographically close countries. In spite of the interest given to it in political discourse, its materialisation on the ground remains very little effective. On the other hand, some border populations, at the grassroots level, seem to have evolved in this process of integration through the movement of people and goods, which are done to the detriment of the various institutional restrictions. Despite the insecurity that currently cha- racterises the Far North region of Cameroon, this zone appears to be the scene of a genuine regional economic integration ‘from below. This integration is mainly based on cross-border smuggling driven by merchant networks that challenge the geopolitical divisions inherited from colonisation. Based on the results of our observations and interviews with the people of Mokolo in the Mandara Moun- tains, a cross-border area between Cameroon and Nigeria, this paper examines the foundations of cross-border smuggling in this locality and its perception by the local population. Keywords: cross-border smuggling, economy, sub-regional integration, Came- roon, Nigeria adaptation des réfugié-o-s mbororo pitti & Meidougou face au défi de uivant : Discours complotiste et repr tations sociales sur les vaccins anti-covid- hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraion-tegionale-parle-b.._ 2/16 1610512023 01:05 La conlrebarde transfrontaliire une legan intégralion régionale parle bas dans les monts Mandara? — Vivre au Nord-Ca. Introduction Au lendemain de leur accession 4 l'indépendance, la plupart des Etats africains se sont donné pour objectif de s'inscrire dans un processus de développement éco- nomique. Lun des axes de cette ambition a consisté 4 mettre en ceuvre une poli- tique dintégration régionale et/ou sous-régionale A travers la création des es- paces économiques supra-étatiques, des marchés communs compétitifs et concurrentiels basés sur la libre circulation des biens et des personnes (Sommo Pende, 2010). Les efforts entrepris depuis plusieurs décennies ont permis d’établir des arguments théoriques et pratiques qui démontrent le potentiel prometteur de cette initiative en termes de développement économique. Lintégration écono- mique régionale joue un réle fondamental pour stimuler la mobilité des per- sonnes et des biens entre les pays, appuyer des activit partager les bénéfices de la croissance et une prospérité plus large. Cependant, en dépit des progrés réalisés ga et 1a en faveur d'un développement collectif et harmonieux, force est de constater que la libre circulation des biens et des per- sonnes entre les Etats africains reste trés peu effective. créatrices demplois et Sur la base des observations directes que nous avions faites et des entretiens me- nés avec certain-e-s acteurs et actrices économiques, et les populations dans la ville de Mokolo, nonobstant l'absence des accords officiels entre les pays voisins, il nous a été donné de constater que l'intégration socio-économique est effective entre les populations locales transfrontaliéres. Elle est certes structurée autour des activités et des pratiques informelles, mais elle reste une réalité plus ou moins ancienne qui caractérise la vie des populations de Mokolo en particulier, celles des monts Mandara en général. Ce qui, du point de vue institutionnel, est qualifié de contrebande et donc d'activités illégales, semble étre la manifestation dune intégration socio-économique par le bas. Quels sont les fondements de la contrebande dans cet espace transfrontalier? En quoi la contrebande peut étre considéré omme une intégration régionale par le bas? Telles sont les questions qui guideront notre réflexion. Le concept de norme pratique de Sardan (2014) pourra nous guider dans analyse de cette forme de régulation socio-économique par le bas. La thématique de la contrebande transfrontaliére 4 l'Extréme-Nord Cameroun a déja été abordée par plusieurs chercheurs et chercheuses en sciences sociales A l'instar de Djanabou Bakary (2009), Fodouop (1998), Mohamed adaptation des réfugié-o-s mbororo pitti & Meidougou face au défi de uivant : Discours complotiste et repr tations sociales sur les vaccins anti-covid- hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/chapteil-contrebande-ransfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-b.... 3/16 18105202301:05 La cantebande transrnlaée une agondintégration rgionale parle bas dans les monts Mandara?— Var au Nort-Ca épanouissement socio-économique, dans un contexte de pauvreté et de chémage. La contrebande transfrontaliére et ses fondements dans les monts Mandara La contrebande transfrontaliére renvoie ici a celle de petite échelle qui se pra~ tique dans les zones frontaliéres, profitant des rapports socio-économiques ou historiques qui existent entre les populations situées des deux cétés des fron- tiéres entre le Cameroun et le Nigéria, notamment dans la partie septentrionale du Cameroun. II s’agit davantage de la contrebande pratiquée par les populations des localités riveraines, des différents corridors routiers et des entrées routiéres dans les monts Mandara, zone située a cheval entre les deux pays. Elle se dis- tingue de la contrebande structurée pratiquée par des commergant-e-s profes- sionnel-le-s disposant d'un chiffre d'affaires conséquent. Des efforts et stratégies conjoints visant a contréler cette activité sont constam- ment développés, par les deux Etats voisins, mais cette pratique s'est érigée dans ces zones en véritable stratégie d’adaptation et d'insertion socio-économique. De Boukoula a Ashigachia, en passant par Bourha, Mogodé, Mabass, Ldubam, Dingl- ding, Tourou, Koza, Mokolo, etc., la contrebande transfrontal plac de revenus pour les populations. La proximité de ces localités avec les villes du Nigéria telles que Mubi, Madagali, Bama et Maiduguri est certes 'un des mobiles qui incitent certaines personnes 4 faire de la contrebande, mais le faible revenu da a environnement peu propice A la variation des sources de richesse en est aussi un autre. Dans une étude menée dans la zone, Fodouop situe lactivité de la contrebande a lorigine des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Nigé- ria: re occupe une ératrice importante en ceci quelle représente une importante activité gé Depuis leur origine, les échanges commerciaux entre le Cameroun et le Nigéria se font essentiellement par le biais de la contrebande. Aprés avoir été interrompue entre 1967 et 1970 par la guerre de sécession biafraise, cette contrebande a repris progressivement et a atteint ces derniéres an- adaptation des réfugié-o-s mbororo pitti & Meidougou face au défi de uivant : Discours complotiste et repr tations sociales sur les vaccins anti-covid- hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebandetransfontaliere-une-lecor-dintegrationtegionale-parle-b... 4/16 1s)0s7202001:05 La catebande tansonfabr un legn inigraionrgonale parle bas dan ls mons Mandar? = Vie a Nord-Ca nus confortables. Elle est loccasion d'une intense circulation des per- sonnes, des marchandises et des capitaux qui suivent deux itinéraires : la voie terrestre et les voies d'eau maritime, fluviale ou lacustre (Fodouop, 1998, p. 5). Ce passage témoigne une fois de plus le fait que la contrebande transfrontaligre fait partie intégrante des activités socio-économiques de certaines populations dans les zones frontaliéres de !Extréme-Nord Cameroun et ce, méme du cété du Nigéria. La proximité socioculturelle comme facilitateur de contrebande Le nord du Cameroun présente une grande proximité avec le nord-est du Nigéria sur les plans historique, religieux, socioculturel, linguistique, ethnique et com- mercial. Les deux pays ne sont pas séparés par une frontiére au sens classique, mais partagent, sur le plan humain, les mémes populations de part et d’autre. Des deux cétés, on trouve généralement les mémes groupes ethniques (Kanuri, Haoussa, Glavda, Mafa, Mandara, Peuls...), les mémes familles et parfois les mémes villages. Lhomogénéité culturelle par endroits, pourrait-on dire avec Eye- biyi (2016, p. 84), aurait favorisé l'instauration d'un continuum linguistique et so- cioculturel qui facilite un minimum de relations de confiance nécessaires a la conduite des affaires commerciales. Sur le plan historique, la partie septentrio~ nale du Cameroun a toujours vécu dans la mouvance du commerce transsaharien dont le centre se trouvait au Nigéria septentrional (célébres agglomérations de Kano, Sokoto, Katsena et dans une moindre mesure Maiduguri). Lactivité commerciale était, par le passé, essentiellement animée dans la région de l'Extréme-Nord Cameroun par les populations musulmanes (les Foulbés, les Haoussa, les Arabes Choa, les Kanouri), tandis que Pagriculture de subsistance et Yartisanat étaient le domaine de prédilection des ethnies montagnardes (Mafa, Mofu, Hidé, Margui, Mouktélé, Podokwo, Ouldémé, Mada, etc.). Mais, au fils des ans, on note le passage de lancien mode de vie, fondé sur Pagriculture d’autosub- sistance, au nouveau mode, basé sur la circulation de argent qui implique la re~ conversion des populations paysannes montagnardes dans le commerce. adaptation des réfugié-o-s mbororo pitti Mi uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 Maroua hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-b.. 5/16 1s)0s7202001:05 La catebande tansonfabr un legn inigraionrgonale parle bas dan ls mons Mandar? = Vie a Nord-Ca des connaissances implicites essentielles au contournement des restrictions et barriéres politiques et fiscales li¢es & la mobilité des personnes et des biens. Elles facilitent les échanges commerciaux en réduisant les risques et les incertitudes le long du corridor, en améliorant laccés a l'information. En somme, tous ces facteurs, ba: niques ou culturels, participent a forger un sentiment d’unité économique au sein des populations riveraines la frontiére entre le Cameroun et le Nigéria dans les monts Mandara. Les caractéristiques sociales sont d’autant plus importantes qulles sont une prédisposition incontestée la négation de la frontiére et de tout ce qui concerne les modalités de la libre circulation des personnes et des biens dans cet espace transfrontalier. Elles constituent un atout favorable a Yexercice de Iactivité commerciale et, de facon paralléle, 4 la pratique de la contrebande dans la zone. La contrebande transfrontaliére est ici considérée comme un moyen pour la population d'accéder aux produits de premiére néces- sur les relations historiques, les rapports eth- sité 4 moindre coat. De laccessibilité aux produits de premiere nécessité grace 4 la contrebande En nous basant sur certaines déclarations des habitant-e-s des villes frontaliéres, comme la ville de Mokolo par exemple, le développement croissant de petits commerces informels et illicites (a cété des échanges commerciaux légaux) avec le Nigéria voisin contribue au développement de la région. Ceci est perceptible a travers, d'une part, la mobilité socioprofessionnelle de certains jeunes dans le do- maine du commerce. D’autre part, il se traduit par l'accés facilité par les voies de Ja contrebande aux produits de premiére nécessité (matériaux de construction, équipements électroniques...) pour les couches sociales défavorisées. C’est le point de vue que partage Maliki Hassan, un enseignant du secondaire de la ville de Mokolo qui nous présente son expérience en ces termes : Je ne suis jamais allé au marché acheter le ciment et les feuilles de téle pour la construction de ma maison. Je m’entends avec les jeunes de mon quartier qui font la navette 4 moto entre Mubi au Nigéria et Mokolo. Jachéte le sac de ciment a 5 000 F CFA chez eux. Localement, ga cotite 6 500 F CFA, souvent plus. J@conomise donc 1500 F CFA par sac. Eux aussi adaptation des réfugié-e-s mbororo pitti a Meidougou face au défi de I'éducation modern uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 Maroua hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-b.. 6/16 1610512023 01:05 La conlrebarde transfrontaliire une legan intégralion régionale parle bas dans les monts Mandara? — Vivre au Nord-Ca. voyage. Ils peuvent faire jusqu’a trois tours par jour. A la fin de la journée, en fonction de la demande, un contrebandier a la possibilité d’économiser entre 15 000 et 20 000 F CFA. Ce qui n'est pas mal en termes de revenu journalier!!), Image 1. Transporteur de ciment de contrebande d moto entre Vizik et Mokolo (Ganava, 2021) Le sentiment selon lequel la misére aurait été plus grande dans le « Grand Nord du Cameroun en général et 4 Extréme-Nord en particulier si cette partie n’était pas rattachée au Nigéria » gagne lesprit de toutes les géné- rations et de toutes les catégories sociales. Comme le souligne Yanoussa, un habitant de Mokolo : La vie est encore possible 4 Mokolo grace au Nigéria. Les prix des produits de premiére nécessité (des denrées alimentaires aux articles vestimen- taires en passant par les matériaux de construction) connaissent conti- nuellement des flambées vertigineuses sur le marché. Par exemple, le sac de ciment produit au Cameroun cotite 6 500 F CFA, mais le ciment de contrebande venant du Nigéria cofite moins de 5 000 F CFA, soit une dif- férence de 1000 F CFA. Le litre de carburant cotite 6 00 F CFA ala pompe, mais le carburant de contrebande cotite 350 F CFA, pratiquement la moi- Précédent: Lz -s mbororo pitti a Meidougou face au défi de l'éducation moderne ns anti-covid-19 8 Maroua hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-b... 7/16 1610512023 01:05 La conlrebarde transfrontaliire une legan intégralion régionale parle bas dans les monts Mandara? — Vivre au Nord-Ca. que les feuilles de téle, les piéces de pagne, lhuile de cuisine, pour ne ci- ter que ceux-1al4], s de Ainsi, malgré les contraintes douaniéres, les commergant-e-s camerounai: la partie septentrionale du pays préférent se ravitailler du cété du Nigéria en mettant a profit les différents atouts sociologiques ou historiques évoqués ci- dessus. Les taxes et droits de douane sont faibles, voire inexistants au Nigéria et élevés au Cameroun, les deux pays n/ayant pas la méme politique dans ce do- maine. II en résulte des differences de prix considérables, pouvant aller du simple au double, pour les produits industriels et les marchandises importées. Une telle situation favorise considérablement la contrebande transfrontaliére que les mul- tiples postes douaniers camerounais n’arrivent pas enrayer. Il est donc avantageux pour les populations frontaliéres d’acheter dans les mar- chés nigérians, Mubi ou Madagali, des produits destinés 4 leur propre consom- mation. Elles peuvent ainsi se procurer 4 bon compte des téles pour couvrir leurs cases, des postes téléviseurs, des motocyclettes, des pagnes et vétements, des cuvettes et casseroles. Mais, certain-e-s ne s’arrétent pas 1a. Quoi de plus facile en effet pour un-e frontalier-e que de faire acheter, par un-e ami-e ou un-e pa- rent-e d'un village nigérian voisin, des marchandises qu'il ou elle entreposera chez lui ou elle, avant de les faire passer clandestinement la fronti¢re pour aller les revendre sur les marchés voisins, réalisant a la clé de bons bénéfices (Hallaire, 1989, p. 592). C’est par exemple le cas des jeunes des villages frontaliers tels que Ldamang, Ldubam, Tourou qui achétent les marchandises 4 Mubi ou 4 Madagali, au Nigéria, et viennent les revendre A quelques kilométres de chez eux ou elles & Mokolo au Cameroun. La plupart de ces marchandises sont acheminées dans cette ville en contrebande a l'aide des motos. A propos, un de nos informateurs Maliki résidant sur place, nous a fait comprendre ce qui suit : Actuellement, beaucoup de jeunes originaires de ces villages frontaliers au Nigéria ont a eux seuls une rangée d'une dizaine de boutiques dans le marché central de Mokolo ot sont vendus essentiellement les produits dorigine nigériane, contrairement a d'autres échoppes ot l'on trouve les produits dorigines diverses. Ils passent généralement la journée dans leurs échoppes 4 Mokolo et repartent chez eux en fin de soirée avec des produits locaux rares quills revendent du cété du Nigéria. Ils reviennent le jour suivant de bonne heure avec de petites quantités de marchandises adaptation des réfugié-e-s mbororo pitti a Meidougou face au défi de I"éducation modern uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 Maroua hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-b.. 8/16 18105202301:05 La cantebande transrnlaée une agondintégration rgionale parle bas dans les monts Mandara?— Var au Nort-Ca A travers cette activité a priori illégale, 'on déduit quill est question d'une mise en valeur des opportunités économiques entre les pays voisins. Ces différentes tran- sactions des populations transfrontaliéres sont une parfaite illustration d'intégra- tion socio-économique par le bas entre le Cameroun et le Nigéria. Si du cété du Nigéria, 'activité commerciale avec la partie septentrionale du Cameroun repose plus sur exportation des produits manufacturés, du cété du Cameroun, les res- sources économiques en direction du Nigeria reposent plus sur lécoulement des produits locaux. Les populations des monts Mandara sont de plus en plus insé- rées dans l'économie de marché grace a cette activité. Les produits alimentaires tels que le voandzou (pois de terre), le souchet, autrefois destinés exclusivement a Pautoconsommation familiale ct cultivés par les femmes sur des micros parcelles, sont devenus des cultures commerciales @appoint qu’elles écoulent vers le Nigé- ria. Le coton, larachide et les oignons constituent les principales cultures de rente. Liélevage joue aussi un réle important dans activité économique des com- munautés oi il se pratique. Cest ainsi qu'une bonne partie de ces produits sont exportés, parfois travers des voies frauduleuses, vers le pays voisin. A titre dillustration, malgré l'interdiction formelle de l'exportation des produits céréa- liers (riz, coton, mil, mais), les paysan-ne-s, grace 4 des circuits informels, par- viennent a faire traverser ces produits du cété du Nigéria. Il convient de rappeler ici que les circuits informels ne reposent pas que sur les stratégies des populations transfrontaliéres. Ils bénéficient souvent des complici- tés des agents de contréle. Ceci grace au principe du « droit de passage » généra- Jement instauré au niveau des barriéres frontaliéres. Il s'agit d'une rétribution ar- bitraire payée aux officiels de l'ftat sur la route par les commergant-e-s ou les contrebandier-e-s. C'est par ce concept que ces dernier-e-s désignent souvent cette taxe non enregistrée quiils ou elles payent pour traverser la barriére avec leurs marchandises (Ganava, 2001, p. 197). La contrebande semble profiter ici A la population locale au détriment de I’Etat et du commerce officiel. Outre celle-ci, le contrebandier ou la contrebandiére a son tour en profite pour se faire un revenu. A la fin, chaque partie trouve son compte, s'il ou elle parvient A échapper aux mailles des filets tendus par les institutions ou les services en charge du contréle des mouvements des personnes et des biens au niveau des frontiéres. Le petit commerce transfrontalier informel est une provi- dence naturelle, un levier économique sur lequel repose la vie d'une bonne partie An la nanvlation dana lan santa Mandarn To nantenhanda A natita Sakalla ae to Ladaptation des réfugié-e-s mbororo pitti a Meid uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 Maroua hitpstiscienceetbiencommun pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegration-tegionale-parle-b... 9/16 10/2023.0105 La contebande tanstnlare: une logon sinlratonréganle parle bas dans ls mons Mandar? Vie au Nore bénéfique pour les populations transfrontaliéres entre la zone des monts Man- dara au Cameroun et le Nigéria. Contrebande transfrontali¢re, une alternative a Vactivité économique La contrebande 4 petite échelle a une fonction trés importante pour les per- sonnes qui la pratiquent. Elle remplace les aspects économiques et sociaux de Yemploi formel (Bruns et Miggelbrink, 2018). Pour certain-e-s, la contrebande est la seule source de revenus, par conséquent, elle est effectuée de maniére régu- liére et professionnelle. De ce fait, la vie quotidienne est organisée autour des ac- tivités de contrebande. Dans d'autres ménages, la contrebande est combinée a dautres sources de revenus telles que l'emploi formel, généralement trés faible et insuffisant pour couvrir les besoins quotidiens. La légitimité de la contrebande, méme partielle, est ainsi le signe de 'échec de YEtat dans l'amélioration des conditions économiques et la création des emplois pour sa population. absence des possibilités de revenus légitimes crée une justi- fication pour un revenu alternatif. Bien que le gouvernement ne soit pas suscep- tible d'admettre l'acceptation de la contrebande 4 petite échelle comme « petit métier », elle jouit souvent d’une plus grande tolérance que la fraude douaniére a plus grande échelle ou que le crime organisé. Ceci se comprend davantage a la lu- miére de ce propos de Crevoisier, Hainard et Ischer : Certains jeunes, certaines femmes cheffes de famille, certains petits indé- pendants et, d'une maniére générale, tou-te-s celles et ceux mal ou peu formés connaissent aujourd’hui des difficultés grandissantes pour s'insé- rer dans le monde du travail. Les organes de I'ftat-providence s’es- soufflent devant la tache croissante a soutenir financi¢rement des per- sonnes en difficulté avec des budgets qui ne suivent plus les besoins et qui se voient plafonner, voire réduits eux aussi. Ces personnes tentent alors de trouver les parades a l'exclusion économique et sociale par des straté- gies, des ruses et autres débrouilles quelles organisent et fagonnent elles- mémes. Souvent ces initiatives conduisent 4 ce que !on dénomme l’écono- mie informelle, 4 savoir une activité qui, soit n'est pas remunérée en re- tour d'autres prestations en nature, soit est rémunérée, mais sans que cela Ladaptation des réfugié-e-s mbororo pitti a M uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 Maroua hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegrationtegionale-parle-... 10/16 1610572023 01:05 _La contrbande ranfronalire: une lagondinlégratin région En effet, vu la proximité géographique, mais aussi les rapports humains que par- tagent les peuples de ces différentes localités, il semble difficile pour ces derniers dintégrer dans leurs représentations que le petit commerce transfrontalier est la bas dans les monts Mandara? ~ Vivre au Nord-Ca, ciers et autres atouts du commerce), se procurer de temps en temps des mar- chandises au Nigéria, puis de revenir les revendre sur les marchés locaux au Ca- meroun notamment dans la partie septentrionale du pays est un acte banal et lé- gitime. Pour la population, c'est une activité dont les retombées bénéficient a toute la société, car en plus des marchand-e-s qui font du profit a travers I'acti- vité commerciale, la population bénéficie des prix abordables des articles sur le marché. Certain-e-s trouvent également leurs comptes en assurant le transport des marchandises comme on peut le voir sur la planche ci-dessous. Ce qui facilite ainsi l'accés aux produits de premiére nécessité dans la région de lExtréme-Nord. Planche 1, Scéne de conditionnement et de transport des marchandises de contrebande a moto entre Vizik et Mokolo (Ganava, 2021) Somme toute, la contrebande ou le commerce transfrontalier informel, dans sa généralité, occupe une place importante en termes d’approvisionnement, a partir du Nigéria, des produits de base a l'Extréme-Nord du Cameroun. Elle permet aux personnes a faible revenu ou sans revenu fixe d’acquérir, 4 des prix abordables, les produits de premiére nécessité. Beaucoup bénéficient ainsi des prix plus ac- cessibles et gagnent en temps, compte tenu de la distance qui sépare les villes commerciales du Cameroun de la région de 'Extréme-Nord. Cette coopération transfrontaliére, qui comble les attentes des populations, est certes basée sur des fondements informels et illégaux, mais elle fait penser a la notion d'intégration économique régionale et a tous les avantages que celle-ci recouvre. ation des réfug au défi del" ion moderne -s mbororo pitti a Moid Suivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 4 Maroua hitpstiscienceetbiencommun pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegraiontegionale-parle-... 11/16 1610512023 01:05 La conlrebarde transfrontaliire une legan intégralion régionale parle bas dans les monts Mandara? — Vivre au Nord-Ca. La contrebande transfrontaliére : entre opportunité, Wooded : Loe : a : illégalite et tentative de légitimation pour une integration par le bas contrebande Lactivité commerciale est l'un des piliers de 'économie d'un pays. ou le commerce informel en général est présenté comme un fléau dans le circuit de collecte des recettes par I'Etat. La contrebande transfrontaliére des marchan- dises apparait cependant comme une forme de régulation socio-économique. Le transport et la vente en détail des marchandises importées en contrebande ou de facon frauduleuse, a partir du Nigéria par exemple, sont des sources d'emplois et de revenus pour un grand nombre de jeunes chémeurs et chémeuses, et cer- taines femmes de ménage. La légitimité de la contrebande, méme partielle, est ainsi le signe de lincapacité de Etat A améliorer les conditions économiques et a créer des emplois pour sa population, Comme le souligne Tidiane Dieye (2017), le commerce informel transfrontalier, dans bien de cas, est di a l'échec des poli- tiques publiques sectorielles, A leur inadéquation aux réalités économiques lo- cales. absence de possibilités de revenus légitimes crée un mobile pour un re- venu alternatif. La contrebande est combattue, car la recherche de léquité entre citoyen-ne-s conduit 4 condamner ceux et celles qui ne participent pas a la production des ri- chesses collectives. Il y a lieu néanmoins de s'interroger légitimement sur I'oppor- tunil nlever un revenu illégal a une personne a qui on ne peut proposer un re- venu légal de substitution. Tel semble étre lenjeu principal de la contrebande transfrontaliére des marchandises dans la région de l'Extréme-Nord. Cette acti- vité offre ce que offre plus !économie officielle au pouvoir d’achat social forte- ment réduit : un bon rapport qualité-prix. Ainsi, tout en déplorant latitude généralisée de la population a pratiquer la contrebande, les responsables locaux de la douane a l’Extréme-Nord se sentent quelquefois obligés d’étre tolérants. Le souhait de la population serait de trouver une stratégie dencadrement institutionnel 4 cette forme de régulation socio- économique orchestrée par cette derniére. Liintégration économique entre le Ca~ meroun et le Nigéria, qui ne demande en réalité que leffectivité de la libre circu- lation des personnes et de biens, serait dans ce contexte un début de solution a adaptation des réfugié-o-s mbororo pitti a Meidougou face au défi do tations sociales sur les vaccins anti-covid- uivant : Discours complotiste et repr hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteils-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegrationtegionale-parle-... 12/16 18105202301:05 La cantebande transrnlaée une agondintégration rgionale parle bas dans les monts Mandara?— Var au Nort-Ca Face a cette faible performance, un autre modéle d'intégration paralléle s'impose : Pintégration par le bas, cest-a-dire par les peuples, laquelle se réalise en marge des institutions, 4 travers des réseaux marchands transfrontaliers. Comme le mentionnent Magrin et Pérouse de Montclos (2018, p. 61), cette intégration régio- nale « par le bas » est fondée sur l'importance et le dynamisme des échanges in- formels, animés par des réseaux marchands qui remettent en cause les cloison- nements géopolitiques hérités de la colonisation. Linformalité devient ainsi une piste, une alternative capable d'engendrer un développement inclusif. Lintégra- tion socio-économique par le bas se traduit par le fait que la contrebande a petite échelle permet aux catégories populaires d’accéder a des flux de richesse mon- diale qui, d'une autre maniére ou d'une autre, ne seraient pas a leur portée en comptant sur les efforts de leur pays dorigine. En plus, elle offre des possibilités de mobilité sociale et des moyens de subsistance dans des pays qui ne sont pas capables de fournir des emplois formels 4 leurs concitoyen-ne-~ Conclusion En somme, nous pensons que la contrebande, telle qu'elle est pratiquée dans la zone transfrontaliére entre le Cameroun et le Nigéria et particuliérement dans les monts Mandara, se comprend comme une expression d’intégration économique par le bas. Car, pour la population appartenant a cet espac ressource et la contrebande transfrontaliére ou a petite échelle, une alternative économique. De facon consciente ou inconsciente, elle scoppose au prélévement des taxes sur les échanges commerciaux, en adoptant diverses stratégies ou en s'appuyant sur certains facteurs historiques et culturels. La complicité entre les personnes qui pratiquent la contrebande transfrontaliére et les douanier-e-s, ou avec d’autres services chargés de contréle, les rapports ethniques et les relations historiques participent A la mise en place de ce que Sardan (2014) appelle les « normes pratiques », c'est-a-dire les diverses formes de contournement de la lé- gislation douaniére qui consistent a « ne pas violer la loi, mais a savoir la contour- ner ». En procédant de la sorte, ces populations transfrontaliéres sont en train de matérialiser 4 leur maniére l'intégration économique qui contribue a la création des « emplois » et constitue une issue pour le développement socio-économique dans cette zone. Ainsi. considérer les frontiéres comme des esnaces peut nous ai- la frontiére est une adaptation des réfugié-e-s mbororo pitti a Meidougou face au défi de I"éducation modern uivant : Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 8 Maroua hitpsfiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteil-contrebande-transfontaliere-une-lecor-dintegrationtegionale-parle-... 13/16 1610512023 01:05 La conlrebarde transfrontaliire une legan intégralion régionale parle bas dans les monts Mandara? — Vivre au Nord-Ca. Références Bruns, B. et Miggelbrink, J. (2012). Subverting Borders : Doing Research on Smug- gling and Small-Scale Trade, VS Verlag fiir Sozialwissenschaften | Springer Fachmedien Wiesbaden GmbH. Crevoisier, ©., Hainard, F. et Ischer, P. (2007). L) tive d lexclusion économique et sociale? Berne. conomie informelle : une alterna- Sardan de, J-P. O. (2014). Du «probléme des écarts» aux «normes pratiques ». 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