Professional Documents
Culture Documents
Corrige Baudelaire
Corrige Baudelaire
Le poète est au service de tous les hommes : il rappelle aux lecteurs qu’il n’écrit pas
pour lui-même, mais pour eux.
Fameuse exclamation au lecteur dans la Préface qui pose le poète comme l’Homme
universel : « Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi ! »
L’extraordinaire virtuosité lyrique de Hugo au travers des nombreuses images et des
rythmes variés de ces poèmes constitue des trouvailles inépuisables qui réjouissent le
lecteur, tels un cadeau universel.
Le véritable destinataire de ce recueil est la morte : « À celle qui est restée en
France. », (Léopoldine n’est jamais nommée).
Ainsi, nous avons vu en quoi l’image du miroir tendu aux lecteurs constitue le
témoignage intime de Victor Hugo dans son recueil Les Contemplations. C’est avec sincérité
et lyrisme que le poète choisit de raconter ses souvenirs et son deuil. Il s’interroge sur le
destin et la mort, thèmes universels, et il partage ses doutes et son désespoir avec les
lecteurs après la mort de sa fille adorée Léopoldine, le quatre septembre 1843. Pour Victor
Hugo, un des grands rôles du poète reste de guider les autres hommes, le transformant en
un poète de l’humanité. De même Baudelaire nomme les poètes tels que Hugo, dans son
recueil poétique Les Fleurs du mal, « les phares de l’humanité ».
SUJET B – Dissertation
En plein second empire, sous le régime autoritaire de Napoléon III, la censure est très
active en France. En 1857, un procureur, Ernest Pinard, conduit deux grands procès
littéraires pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs. Celui de Flaubert pour
Madame Bovary et celui de Charles Baudelaire pour Les Fleurs du Mal. Lors de cet illustre
procès, Ernest Pinard reproche à Baudelaire de « conduire à l’excitation des sens par un
réalisme grossier et offensant pour la pudeur ». L’ouvrage est condamné car il « contient des
passages ou expressions obscènes ou immorales », on accuse le poète de faire l’apologie du
vice. Baudelaire et son éditeur sont condamnés à une amende, privés de leurs droits
civiques et six poèmes sont censurés, jugés érotiques ou blasphématoires. Baudelaire, très
affecté par cette sentence, se sent harcelé et incompris. Le procureur lui reproche
particulièrement de « tout peindre, de tout mettre à nu » dans son recueil. Les Fleurs du mal
est-il en effet un recueil poétique qui pose sur le monde un regard sans filtre et livre une
réalité crue dans la volonté provocatrice de choquer les lecteurs ? Peut-on dire que
Baudelaire ne nous épargne rien de la laideur qui l’entoure ? En nous fondant sur notre
lecture attentive de l’œuvre et des textes qui ont accompagné son étude, nous nous
demanderons dans un premier temps si ce reproche de mettre à nu le réel se justifie. Puis,
nous verrons que Baudelaire et ses confrères poètes peuvent aussi magnifier le monde qui
les entoure. Plus encore, nous étudierons dans un dernier temps le travail de transfiguration
de la réalité que les poètes mettent en œuvre dans un véritable mouvement d’alchimie.
I. Le poète met à nu le réel sans pudeur : on peut en effet lui reprocher de « tout
peindre » sans épargner le lecteur.
Le poète donne parfois à voir le monde tel qu’il est, sans nous protéger de sa laideur où de ce
qui peut nous répugner.
Baudelaire n’ignore pas ce que la réalité peut avoir de putride, de dégoutant, de repoussant
tels un cadavre, des ordures en putréfaction, la terre « grasse et pleine d’escargots » qui nous
absorbera, la fange dans laquelle on se noie, à l’image de la saleté des rues de Paris au
XIXe siècle.
Ex : Baudelaire, « Le Vin des Chiffonniers » qui évoque les « tas de débris/ Vomissement confus de
l’énorme Paris », “ Le cimetière immense et froid, sans horizon ” (“ Une Gravure fantastique ”)
Le poète n’hésite pas à se comparer à un animal mal aimé ou dégradé. Ce bestiaire est
l’allégorie de sa souffrance ou du sentiment d’être incompris, rejeté par la société.
Le poète donne à voir sans complaisance la souffrance morale et les doutes existentiels qui
traversent les hommes.
MUSSET, « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux », extrait de « La Nuit de mai »
Ex : Le spleen baudelairien :
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. ” (“ Spleen ”, LXXVIII)
Ex : Rimbaud, « Vénus anadyomène » : « Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ; /
- Et tout ce corps remue et tend sa large croupe / Belle hideusement d'un ulcère à l'anus. »
Sa grandeur,
Sa capacité à aimer,
Sa beauté.
II.3. Le poète est un visionnaire qui porte un regard singulier sur la réalité
Pour les poètes symbolistes particulièrement, le monde sensible n’est qu’apparence, et une
autre réalité, plus vaste et plus profonde, existe. Et c’est l’artiste (peintre, musicien ou
poète) qui doit être le médium entre le réel quotidien et l’au-delà mystérieux des « forêts de
symboles ». Mais, pour transmettre cet Inconnu, il n’a à sa disposition qu’un langage usé par
l’habitude et les stéréotypes ; il doit donc sans cesse réinventer une langue à la fois originale
et compréhensible.
Ex : Rimbaud, lettre du voyant à Paul Demeny : le poète voyant nous donne accès à une
réalité que l’on ne voit pas.
Ex : Baudelaire est en quête d’une beauté nouvelle, en rupture d’une tradition poétique,
d’où la célèbre formule du poète : « Le beau est toujours bizarre », donc insolite, impertinent,
perturbant (Curiosités esthétiques, 1868).
Ex : Beauté paradoxale de la mendiante rousse (LXXXVIII) : « Pour moi, poëte chétif, / Ton
jeune corps maladif, / Plein de tâches de rousseur, / A sa douceur. » (vers 5 à 8)
III.2. Transfigurer le banal quotidien en objet poétique ou porter un regard neuf sur ce
qui est mal aimé
Il met en lumière ce que l’on cache habituellement ou que l’on ne remarque pas.
Ex : Ponge qui sublime une huître ou un cageot dans Le parti pris des choses, qui fait d’une
cigarette qui se consume une allégorie de la vie.
Ex : Baudelaire : “ Le vin sait revêtir le plus sordide bouge / D’un luxe miraculeux ” (“ Le
Poison ”, XLIX)
Ex : Ponge, « Ode inachevée à la boue » : « La boue plait aux cœurs nobles parce que
constamment méprisée. »
Dans l’Appendice aux Fleurs du Mal, le poète écrit : « J’ai pétri de la boue et j’en ai fait de
l’or. » Il développera l’idée dans l’édition de 1861 : « Comme un parfait chimiste et comme une
âme sainte / Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence, / Tu m’as donné ta boue et j’en ai
fait de l’or. » Ces vers appellent la célèbre métaphore du poète alchimiste, discipline antique
qui cherche à transformer des métaux vils (fer, plomb) en métaux nobles (or et argent). La
métaphore assimile donc l’acte de création poétique à une « sorcellerie évocatoire » pour
reprendre les mots de Charles Baudelaire. Cela implique un déplacement du regard qui
permet au poète de transfigurer le monde.
Ex : « Alchimie de la douleur »
La poésie transforme donc les éléments du réel dont elle s’empare et les sublime en
exprimant leur beauté cachée. Le poète est capable d’opérer cette transfiguration grâce au
regard qu’il pose sur le monde et qui lui permet de voir ce que le lecteur ne perçoit pas grâce
à ses mots, les sonorités, les sensations, les correspondances qu’il fait naître.
Dans Le Figaro, Gustave Bourdin écrivait en 1857 à propos des Fleurs du Mal : « L’odieux y
coudoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect ». Ces propos appuyaient le jugement
sévère et sans appel du procureur Ernest Pinard. Néanmoins si nous avons montré que les
poètes peuvent révéler au lecteur une réalité nue, dérangeante et crue ; ils peuvent aussi la
magnifier et la sublimer. En transfigurant le réel par le regard qu’ils posent sur le monde,
Victor Hugo, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Francis Ponge pour ne citer qu’eux, font
un véritable travail d’alchimiste. Ils métamorphosent la réalité boueuse, la fange du réel en
or poétique. En cela le poète est un véritable chercheur d’or tel que le définit Pierre
Reverdy en 1948 dans Le livre de mon bord : « Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or –
voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière
mais bien la matière en esprit ».
SUJET C – Dissertation
Le début du XXe siècle est marqué par les progrès, le développement économique et
la confiance en l’avenir. C’est dans ce contexte que Guillaume Apollinaire, fasciné par les
progrès techniques de son siècle, écrit en 1913 le recueil de poèmes Alcools, autant
imprégné du courant symboliste que du manifeste du futurisme, qui célèbre la modernité et
les inventions. Ce recueil à la fois lyrique et élégiaque mêle des thèmes variés comme
l’identité, l’amour, l’automne, l’ivresse et la juxtaposition des symboles de la tradition à ceux
de la modernité.
Alors est-ce que le poète Apollinaire livre, dans Alcools, une poésie telle un passage
d’un monde ancien à un monde nouveau ?
C’est ce que nous allons voir en étudiant l’organisation du recueil qui dévoile une
poésie résolument moderne mais qui renoue en même temps avec les grandes traditions
poétiques.