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la Révolution française abolit les privilèges de la noblesse et du clergé, mais l'égalité revendiquée

par les penseurs des Lumières et inscrite dans la devise française ne s'applique pas aux femmes,
toujours considérées comme inférieures aux hommes malgré le rôle qu'elles ont joué dans les
événements
– Gouges rappelle à l'Assemblée nationale, dans la Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne publiée en 1791, la nécessité d'une égalité réelle entre les sexes, condition d'un
gouvernement et d'une société équilibrés. - Après l'énumération des différents articles de sa
Déclaration, elle s'adresse directement aux femmes dans un postambule, pour les inciter à
rejoindre son combat en réclamant des droits réels.

– 2. Problématique : quelle stratégie argumentative Gouge adopte-t-elle pour convaincre les


femmes de faire valoir leurs droits. *
3. Annonce du plan :
- lignes 1-6: l'appel au sursaut et à la révolte. - lignes 6-15: le constat d'une inégalité
marquée. - lignes 15-21: des revendications placées sous le signe de la raison.
,

– Développement 1. Lignes 1-6: Gouges commence par appeler les femmes à se révolter
contre l'injustice. La première phrase, qui juxtapose trois brèves proposition indépendantes,
claque comme un appel à la révolte, son rythme rappelle le son rapide du « tocsin ».
L'apostrophe initiale, «< Femme >>, est immédiatement suivie d'un impératif, « réveille-toi
», qui cherche à provoquer une réaction chez l'ensemble des femmes. Gouges se positionne
ensuite comme la porte-parole de la « raison », qui guide les Lumières et la Révolution dans
leur lutte pour les valeurs universelles que sont la liberté et l'égalité. Enfin, la thèse est
exprimée, sur le mode impératif encore: il est temps que les femmes connaissent et
réclament leurs << droits », que jusqu'à présent les hommes leur ont déniés sans qu'elles se
révoltent. Les phrases suivantes font une nouvelle allusion à la Révolution et à la raison à
travers la métaphore du « flambeau de la vérité » (1.3) empruntée aux Lumières, ce qui
constitue un argument d'autorité. Quant à l'Ancien Régime, dominé par l'obscurantisme, il
est associé aux champs lexicaux du mensonge (<< mensonges »>, <«< usurpation »), de
l'esclavage («< esclavage », «fers ») et de la bêtise (« préjugés >>, << fanatisme »>, <<
superstition », « sottise »), l'accumulation créant un effet de martèlement accusateur. En
revanche, si la Révolution s'appuie sur les principes des Lumières que sont la liberté et
l'égalité, les femmes ont été exclues des progrès qu'elle a permis, d'où une injustice qui
perdure car l'homme << est devenu injuste envers sa compagne >>. Au double constat de la
victoire des Lumières et de la relégation des femmes, succèdent une apostrophe et une
question rhétorique qui relèvent du registre polémique. En effet, Gouges accuse
implicitement les femmes d'être « aveugles », c'est-à-dire d'être en partie responsables de
leur sort en laissant passivement les hommes les asservir.



– 2. Lignes 6-14: Gouges, après cet appel vibrant à un sursaut de la part des femmes, fait le
constat d'une inégalité marquée qui justifie la révolte. Continuant à interpeller les femmes,
Gouges multiplie les questions rhétoriques pour mettre en lumière l'injustice dont elles sont
victimes, les mettre face à la réalité. En effet, elle répond elle-même à ces interrogations,
d'abord en affirmant que le peu d'influence dont disposait les femmes, évoquée à travers les
termes << régné » et «< empire » empruntés au champ lexical de la royauté, leur a été
enlevé car ce pouvoir était lié à la « corruption » et à la « faiblesse » : les femmes sont
accusées par les révolutionnaires d'avoir usé de leurs charmes pour influencer les hommes
puissants mais corrompus sous l'Ancien Régime. Le parallélisme « Un mépris plus marqué,
un dédain plus signalé » et la synonymie (« mépris » « dédié «<marqué »> = « signalé »>)
insistent par ailleurs sur la dégradation de la position des femmes dans la société nouvelle.
De manière un peu ironique, Gouges insiste donc sur l'absence d'«< avantages » que les
femmes ont « recueillis dans la révolution» (1.7). Elle lie ensuite par un lien de cause-
conséquence implicite exprimé par le point-virgule la « conviction de l'injustice de l'homme
» et la « réclamation >> d'un « patrimoine », c'est-à-dire d'un héritage commun puisque
l'homme prive injustement la femme de ses droits, celle-ci doit les réclamer. La légitimité de
cette « réclamation » est affirmée à travers un argument d'autorité déjà employé dans le texte
liminaire de la Déclaration, celui des « sages décrets de la nature », qui établissent l'égalité
des sexes. Gouges interpelle également implicitement les « Législateurs français », c'est-à-
dire les membres de l'Assemblée nationale: elle leur reproche de reproduire l'injustice
commise par l'Église alors qu'ils revendiquent d'avoir séparé la politique de la religion, ce
que rappelle la métaphore végétale dévalorisante: « cette morale longtemps accrochée aux
branches de la politique, mais qui n'est plus de saison » (1.12-13). La brièveté de la réponse
proposée par l'autrice, « Tout », réaffirme de manière péremptoire l'égalité entre les sexes.







– 3. Lignes 14-21: dans un troisième mouvement, le texte fait entendre des revendications
placées sous le signe de la raison. Le texte adopte ici un registre épique en opposant le
champ lexical de la faiblesse associé aux hommes, avec «< faiblesse », « inconséquence »>,
<< vaines prétentions », « serviles », « rampant », à celui du combat associé aux femmes,
avec «<courageusement », «<force », « réunissez-vous », « étendard »>, « déployez »>, <<
énergie »>. Les femmes sont ainsi invitées à se comporter en héroïnes capables d'exploits
extraordinaires et d'union (on dirait aujourd'hui de sororité), dotées donc d'un « caractère »
affirmé, et non résignées et passives. Les impératifs, qui créent un rythme ternaire très
oratoire, viennent renforcer la tonalité guerrière de l'exhortation. Cependant, il n'est pas
question de renverser l'ordre social pour remplacer la domination masculine par une
domination féminine, car c'est la « raison » et la « philosophie », c'est-à-dire l'amour de la
sagesse, qui doivent guider les femmes dans leur lutte. L'orgueil des hommes, rappelé par
les mots « prétentions », << supériorité » et « orgueilleux », doit être combattu, non pas pour
qu'ils deviennent (ou demeurent, s'ils sont dominés par leur sexualité) de «< serviles
adorateurs » des femmes mais pour qu'ils soient « fiers de partager avec [elles] les trésors de
l'Être suprême », c'est-à-dire de Dieu dans la religion naturelle prônée par les Lumières, qui
est une religion sans dogme ni clergé. C'est une stricte égalité qui est revendiquée. Le
passage se clôt finalement sur un message fort d'encouragement et d'espoir marqué par
l'emploi du futur de l'indicatif, qui exprime la certitude d'une victoire possible et prochaine:
« vous verrez bientôt ». La dernière phrase réaffirme le pouvoir des femmes à travers des
déclaratives qui opposent d'abord l'idée d'entrave (« barrières », « oppose ») et celle de
libération (« affranchir »), avant d'associer << pouvoir » et « vouloir »>.



– Conclusion: la réécriture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen permet à
Gouges de mettre en avant le rôle majeur des femmes au sein de la société. C'est à elles que
le début du postambule s'adresse avant tout. Il vise en effet à les amener à revendiquer leurs
droits naturels. L'extrait est donc marqué par un ton très combatif et fédérateur, car il invite
les femmes à se battre avec les armes de la raison pour s'émanciper et vivre libres. Il
s'appuie ainsi sur la devise des Lumières formulée par le philosophe allemand Kant dans son
essai Qu'est-ce que les Lumières ? (1784): «Aie le courage de te servir de ton propre
entendement ».

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