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Le domaine de la philosophie se raméne aux questions suivantes : 1) Que puis-je savoir? 2) Que dois-je faire ? 3) Que m’est-il permis d’espérer ? 4) Qu’est-ce que homme ? A la premiére question répond la métaphysique, i la seconde la morale, a la troisi¢me la religion, 4 la quatriéme !'anthropologie. Mais au fond, on pourrait tout ramener a Panthropologie, puisque les trois premieres questions se fapportent ala derniére. Car sans connaissances on ne deviendra Jamais philosophe, mais jamais non plus les. Connaissances ne suffiront 4 faire un philosophe, si ne vient s’y ajouter une harmonisation Convenable de tous les savoirs et de toutes les habiletés jointes 4 Vintelligence de leur accord avec les buts les plus élevés de la raison humaine. De facon générale, nul ne peut se nommer philosophe s’il ne peut philosopher. Mais on Wapprend 4 philosopher que par V’exercice et par I'usage qu’on fait soi-méme de sa propre Taison. Comment la philosophie se pourrait-elle, méme a Proprement parler, apprendre ? En t losophie, chaque penseur batit son ceuvre pour ainsi dire sur les ruines d'une autre ; mais jamais aucune n’est parvenue a devenir inébranlable dans toutes ses parties. De 1a vient qu’on he peut apprendre & fond la philosophie, puisqu’elle n’existe pas encore. Mais 4 supposer meme qu’il en existat une effectiyement, nul de ceux qui l’apprendraient, ne pourrait se dire philosophe, car la connaissance qu’il en aurait demeurerait subjectivement historique. IJ en va autrement en mathématiques. Cette science peut, dans une certaine mesure, étre apprise ; car ici, les preuves sont tellement évidentes que chacun peut en étre convaineu ; et en Outre, en raison de son évidence, elle peut étre retenue comme une doctrine certaine et stable. Celui qui veut apprendre 4 philosopher doit, au contraire, considérer tous les systémes de philosophic uniquement comme une histoire de l'usage de la raison et comme des objets d’exercice de son talent philosophique. Car la science n’a de réelle valeur intrinst¢que que comme instrument de sagesse. Mais 4 ce titre, elle lui est 4 ce point indispensable qu’on pourrait dire que la sagesse sans la science n’est que l’esquisse d’une perfection a laquelle nous n’atteindrons jamais. Celui qui hait la science mais qui aime d’autant plus la sagesse s’appelle un misologue. La {sologie nait ordinairement d’un manque de connaissance scientifique 4 laquelle se méle une (Stine sorte de vanité, I arrive cependant parfois que certains tombent dans Verreur de B misologie, qui ont commencé par pratiquer la science avec beaucoup d’ardeur et de succés mais qui n’ont finalement trouvé dans leur savoir aucun contentement, La philosophie est l’unique science qui sache nous procurer cette satisfaction intime, car elle referme, pour ainsi dire, le cercle scientifique et procure enfin aux sciences ordre et organisation. Kant, Logigue, 1800., trad, Guillermit, éd. Vrin 1966, pp. 2 Explication d’un texte de Kant extrait de sa Logique. exte de Kant extrait de sa Logique. Dans cet extrait de cette ceuyre tardive, publiée en 1800, le philosophe allemand des Lumiéres répond a la question classique + qu’est-ce que la philosophic? En effet, la philosophie apparatt comme une discipline paradoxale puisqu'il n’existe pas une philosophie mais des philosophies qui se contredisent les unes, les autres. On peut donc se demander s'il est possible d’apprendre la philosophie, puisqu’elle n’existe pas encore ; quelle philosophie faut-il privilégier ? Par ii doit-on commencer? Telles sont les questions que se posc tout étudiant en philosophe. Le probleme est @autant plus grave que la pluralité des systémes philosophiques semble mettre mal ideal de rationalité de la philosophic : si la philosophie ne parvient a aucune certitude, les différentes philosophies ne valent peut-étre ‘guére micux que des opinions et on peut alors se demander légitimement & quot sert la philosophie Kant afffonte ces problémes et y répond en renouant avec 1a tradition : la philosophie est définie ici comme une recherche de la sagesse qui ne peut pas étre entreprise sans connaissances. L’interrogation sur les fins permet d’orienter la quéte scientifique et lui donne du sens. Pour le montrer, l'auteur procéde en quatre temps, Dans un premier moment ( «Le domaine de la philosophie [ ..} se rapportent a la derniére »), il indique comment se compose la philosophie - il s’agit en fait de sa propre philosophiie- ce qui lui permet de définir la philosophie : 1a philosophie est une discipline rationnelle qui répond a la question, historiquement posée par Socrate, «qu’est-ce que l'homme ?». Cependant, la philosophie n’a pas de contenu déterminé, si bien qu’on ne peut 4 proprement parler ni I’enseigner, ni apprendre. La philosophie est d’abord une méthode par laquelle on développe l’autonomie de son jugement et il ne faut donc pas confondre I’histoire de la philosophie et la philosophie elle-méme (« Car sans connaissances {_ Jsubjectivement historique »). La comparaison avec les mathématiques, autre discipline rationnelle et abstraite, permet d’éclairer cette difficulté : ainsi on peut apprendre les mathématiques, mais on n’apprend pas la philosophie, on apprend a philosopher, c’est-a-dire a mettre en dialogue les différents systémes philosophiques («Il en va autrement en mathématiques [...] son talent philosophique »), Enfin la redéfinition de la philosophie par Vidée de sagesse relie toutes ces analyses (« Car la science [...] ordre et organisation ») et éclaire les rapports entre la science et la philosophie : parce que la recherche de la sagesse permet d’ordonner la connaissance , elle procure un véritable contentement. ‘Nous nous proposons d’expliquer un t Le premier moment du texte est consacré a la question : « qu’est-ce que la philosophie ? », question qui se pose dans la mesure oii Ia philosophe se présente comme une discipline étrange : en effet, il n’existe pas une, mais des philosophies, qui, de plus, semblent ne pas s’accorder entre elles. On peut done a bon droit s’interroger Sur sa définition (n'y a-t-il pas autant de définitions de la philosophie que de philosophies 2), ainsi que sur sa prétention a étre une discipline rationnelle, comme le sont les mathématiques ou les sciences, puisque en tant que démanche rationnelle elle ne saurait entrer en contradiction avec elle-méme, A ce probléme, Kant répond trés classiquement en indiquant sa composition, comme I’on fait avant lui d'autres philosophes, les stoiciens ou Descartes par exemple. Dans tous ces cas, il s’agit, comme ici, d’une tripartition, qui offre l’avantage d’étre aisément représentable - on se souvient de I’aruf des stoiciens ou du célébre arbre de Descartes ~ et peut-étre plus satisfaisante pour esprit habitué 4 une certaine rhétorique. En fait, sous couvert d’indiquer le contenu de la philosophie, l'auteur résume la sienne propre : les trois questions qu’il propose correspondent respectivement & chacune de ses trois Critiques. On remarquera que comme beaucoup de philosophes, Kant éprouve le besoin, a la fin de sa vie, de proposer une présentation systématique de son uvre et d’en faire ainsi la synthése : la Logique dont est tirée notre passage est un de ses derniers ouvrages (Kant le public en 1800 ; il mourra en 1804). Dans notre extrait il qualifiera d’ailleurs de « systémes » les différentes philosophies et justifie par la une conception systématique de !a philosophie : chaque philosophie vaudrait par sa cohérence interne et par sa capacité & affronter toutes les grandes questions que se pose I’humanité, que chaque homme, en tant qu’homme, ne peut manquer de se poser. 7 Le premiere critique, La Critique de la Raison pure, recherche les limites du savoir rationnel et etablit qu'il n'y a de science que s'il y a une expérience possible, c'est-i-dire que de ce qui existe dans espace et dans Te temps. Au-dela c'est le domaine de la métaphysique, qui ne peut done prétendre s’ériger en connaissance cle Aisi Kan mie CONE TOME ladon many raisin, un Saitt- Thomas Ou un Descartes, qu'il n'y a pay ieee | CL ae SL go lta a me eae ee a imerroeation gu porte sur les fins demigres, et par conséquent sur far objets quine pec tt Me plus ne is more exporene, Dieu, ims, le monde ce qu'fannst Véymolouie deg at i Je la anur), ais une réflexion sur les limites dela connaltance Paso ee 79 (naphynae vgn ca Ia son @ toujours tendance a aller aucdelé de ep qu'elc oon St nous emir ote delusions que Kant appele des ilusios« trancendanaleg, et WHER Somat ear gant PI Cependant, ce Gui ne vaut pas en ant que connaissance ationnelle a a plan pratique, c'est-i-dre dans le domaine des actions hans sev Me on Ei eine meta Critique, la Critique de la Radiol pastas iene a re Sa usage mora, se demande « Que dois-je faire ?», en d'autres termes « Ques nt de lt raison dans gn questions, Kant répond qu'une action morale est faite par devoi a loi est morales la maxime par laquelle je me a propose est univeralisable’ Or een! OTe: une action moral test en cla qui est un ee raisonnable,e'est--dre un te qui dot stopp un effort continu de chaque génération Par consequent, parce qu'il est un dre la fois caisonnable t sensible, Phomme dot chercher aagir morciement mais pour ne pas se décourager, pour continue avec confance sa quéte da morale a best, gsion Kant de se représenter des fins. En effet, quand je fais du bien moralement, i next ps ait aue oes ng {ise toujours du bien dun point de vue sensible, quand j'ayis moralement, universellement cela ne me fis pas toujours du bien, & moi, En d'autres termes, Ia morale et le bonheur ne s'accordent pas toujours, et, d'ine Gentine maniére, dans la philosophie de Kant, ils sont méme antinomiques: se poser priorairement la question Ge mon bonheur, c'est risquer d'aair dans |'hetéronomic, c'est fare passer les mobiles d'une maxime subjective avant V'universalité de la Joi. Aucune conciliation entre moralité et bonheur ne semble possible ici-bas on ne Put done qu’espérer - et non démontrer car ce serait aller au-dela de l’expérience possible ~ un accord entre les fins dans un autre monde, dans une vie future. En cela, I'interrogation philosophique rejoint le questionnement igieux et c'est pourquoi Kant nomme « religion » la troisiéme partie de sa philosophie qui répond, comme les religions, @ la question : «Que m’est-il permis d’espérer ?», Il va méme jusqu’a absorber la religion dans la Bhilosophie en proposant une religion dans les limites dela simple raison, et done sans dogmes, sans rituel, sans glises. La derniére Critique, La Critique de la Faculté de juger, est consacrée & cette interrogations sur les fins, (us leurs multiples formes R ; 2 Efi, pour Kant, «on pout ramener out athropolg, puis esis premies questions se fepPrin a deriée», En effet, ose es limits des comaissane humaine c'est aus poste sate humaine, car seul I’homme essaie de connaitre et a la tendance a outrepasser les limites de la connal ossible : 3 7 ft d nnable pour lequel la question « Que dois-je Possible ; de méme seul I’homme apparait comme un étre raisonnable p ’ fa i ion, |'animal apparait déterminé par la nature) et c'est aussi fase tpi sens (eure deere cep | eal pat ermine 2ay SD ee Pourquoi il s‘imerroge sur sa fin et se demande soo: pour Kat ji Gun appe la vigilance, au sens erique, mais certs pa un loge de rele ou de Mignone En est illusoire de croire qu’on peut atteindre la sagesse sans la science puisque, comme nous sal ulosophie comme recherche de la sagesse est une ré-flexion sur Ia science; elle ae ne ne a tune certaine culture. Le misologue apparait plutot comme l'étudiant décu, Si acne cS niet pas « connaissance » ~ 8 qui me fait naire aussi comme esprit libre il ne peut jandis oes SEE Pulsaue nous n'en aurons jamais assez; au sens propre du tere, ine nous contents jatas 2 UTE, Metta connaissance est orenté pas la philosophic: Vidéal antique de Insageste i omit SO Ty Ainsi elle peut étre ordonnée, ce qui toujours satisfaisant pour esprit, Peat eae fen elle-méme et c'est en veritable, En d'autres termes, la philosophie est une activité autarcique qui Cela qu’on trouve du plaisir a la pratiquer. épond aux principales interrogations ant aves la tradition, 1€POW "PT pilsophie comme Nous avons done la un texte qui, en renouant av0% ous autonome re on reiouve ic Que suscite la philosophe ct nous engage a Ja pratiq i de pair avec la philosoptie Giscipline du jugement est une activité libératrce oi le bien penset VI FATT sefiton de Aes ay Widal émsipatur des Lumiere, ont le texto ext emblematiau®. C5PST Et gases sen 51 toujours actual, méme si te connaissance ne peut PS PCE monde dela ‘etre bon ordre, La lutte contre les préjuges n’a pas de fin et tani oo on aura besoin de philosophic !

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