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Chirurgie bariatrique

Techniques, complications et perspectives


Chez le même éditeur

Réhabilitation améliorée après chirurgie – RAC : la comprendre et la mettre en œuvre, par K. Slim, 2018, 144 p.
Chirurgie urologique – Voies d'abord et interventions courantes, par Robert et Barry de Longchamps, 2018, 238 p.
Comprendre et traiter l'obésité – Approche pluridisciplinaire intégrative, par J. Carraz, 2017, 232 p.
Chirurgie du tube digestif bas, par Patrice Valleur, Bernard Sastre, Eric Rullier, Francis Michot, 2005, 180 p.

À paraître
Chirurgie du patient traumatisé grave - Gestion chirurgicale en pré- et post-opératoire, outils d'aide à la décision
et techniques chirurgicales, par Marie-Véronique Launay-Savary, 2019.
Cancérologie colorectale, par Jean-Luc Faucheron, Bertrand Trilling, Pierre-Yves Sages, 2020.
Chirurgie bariatrique
Techniques, complications et perspectives
Sous la direction de

Laurent Brunaud
Professeur des universités, praticien hospitalier, chirurgien, département de chirurgie, unité de chirurgie endocrinienne, thyroïdienne
et métabolique, unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obésité, hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy, unité Inserm U1256,
Université de Lorraine

Et

Didier Quilliot
Professeur des universités, praticien hospitalier, nutritionniste, service d'endocrinologie, diabétologie et nutrition,
unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obésité, hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy, unité Inserm U1256, Université de Lorraine
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Chirurgie bariatrique – Techniques, complications et perspectives de Laurent Brunaud et Didier Quilliot.
© 2019, Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-75879-9
e-ISBN : 978-2-294-75960-4
Tous droits réservés.

Dessins réalisés par Cyrille Martinet

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Tél. 01 44 07 47 70.
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Chapitre 4 Vidéo 9.3


Dissection duodénale par voie postérieure.
Vidéo 4.1
Calibrage standardisé d'un anneau modulable laparoscopique. Vidéo 9.4
Vidéo 4.2
Anastomose duodéno-iléale.
Réduction d'une poche gastrique, puis refixation d'un anneau.
Chapitre 10
Vidéo 4.3
Vidéo 10.1
Refixation d'une poche gastrique, puis refixation d'un anneau.
Gastrectomie longitudinale par cœlioscopie à trocart unique.
Vidéo 4.4
Extraction d'un anneau pour érosion transgastrique. Chapitre 11
Chapitre 5 Vidéo 11.1
Déroulement du grêle.
Vidéo 5.1
Technique de court-circuit gastrique en Y. Vidéo 11.2
Accès à la bourse omentale.
Vidéo 5.2
Agrafage sous-muqueux. Vidéo 11.3
Vidéo 5.3
Surjet d'adossement entre le néogastre et l'anse alimentaire.
Sténose du pied de l'anse. Vidéo 11.4
Vidéo 5.4 Confection de l'anastomose gastrojéjunale.
Hernie interne. Vidéo 11.5
Fermeture de la brèche intermésentérique.
Chapitre 6
Vidéo 6.1 Chapitre 12
Gastrectomie longitudinale.
Vidéo 12.1
Animation du montage de la bipartition du transit.
Chapitre 8
Vidéo 8.1 Vidéo 12.2
Court-circuit gastrique en oméga. Technique de la bipartition du transit : réalisation de la gastrecto-
mie longitudinale.
Chapitre 9 Vidéo 12.3
Vidéo 9.1 Technique de la bipartition du transit : mesure de l'intestin grêle,
Mesure de l'anse iléale commune. anastomose au pied de l'anse.
Vidéo 9.2 Vidéo 12.4
Dissection duodénale par voie antérieure. Technique de la bipartition du transit : anastomose gastro-iléale.

IX
Auteurs

Coordinateurs : Ciangura Cécile, praticien hospitalier, service de nutrition,


GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
Brunaud Laurent, professeur des universités, praticien Czernichow Sébastien, professeur des universités, Université
hospitalier, chirurgien, département de chirurgie, unité Paris Descartes, praticien hospitalier, service de nutrition,
de chirurgie endocrinienne, thyroïdienne et métabolique, CSO IdF Sud, hôpital européen Georges Pompidou, Paris.
unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obésité, hôpi-
taux de Brabois, CHRU de Nancy, unité Inserm U1256, Dargent Jérôme, service de chirurgie, polyclinique Lyon-,
Université de Lorraine. Nord, Rillieux-la-Pape.
Quilliot Didier, professeur des universités, praticien hos- de Jong Audrey, praticien hospitalier, département
pitalier, nutritionniste, service d'endocrinologie, diabé- d'anesthésie-réanimation  B, hôpital Saint-Éloi, CHU de
tologie et nutrition, unité multidisciplinaire de chirurgie Montpellier.
de l'obésité, hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy, unité Denis Margot, praticien hospitalier, service de nutrition,
Inserm U1256, Université de Lorraine. GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
Fouquet Thibault, praticien hospitalier, département de
chirurgie, unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obésité,
Collaborateurs :
hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy.
Abou-Mrad Abel, praticien hospitalier, département de Genser Laurent, praticien hospitalier, service de chirurgie
chirurgie digestive, endocrinienne et thoracique, CHR digestive hépato-bilio-pancréatique et transplantation
d'Orléans. hépatique, GH Pitié-Salpêtrière, Paris, Inserm, UMRS
Alkhamis Ahmed, chef de clinique – assistant des hôpi- NutriOmics, Sorbonne Université, Paris.
taux, département de chirurgie digestive, hôpital Saint- Greilsamer Tristan, chef de clinique – assistant des hôpi-
Éloi, CHU de Montpellier, Université de Montpellier. taux, clinique de chirurgie digestive et endocrinienne,
Baud Grégory, praticien hospitalier, service de chirurgie Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, Institut du thorax (unité
générale et endocrinienne, hôpital Claude Huriez, CHRU Inserm UMR1087 – CNRS 6291) et Institut des maladies
de Lille. de l'appareil digestif, Université de Nantes.
Becouarn Guillaume, Société de chirurgie viscérale, cli- Lespessailles Éric, professeur des universités, praticien hos-
nique de l'Anjou, Angers. pitalier, département de rhumatologie, CHR d'Orléans,
Blanchard Claire, praticien hospitalier, clinique de chirurgie laboratoire EA-4708 I3MTO, Université d'Orléans.
digestive et endocrinienne, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, Malgras Aurélie, praticien hospitalier, service d'endocri-
Institut du thorax (unité Inserm UMR1087 – CNRS 6291) nologie, diabétologie et nutrition, hôpitaux de Brabois,
et Institut des maladies de l'appareil digestif, Université de CHRU de Nancy.
Nantes. M'Harzi Leila, praticien hospitalier, service de chirurgie
Caiazzo Robert, professeur des universités, praticien hos- digestive hépato-bilio-pancréatique et transplantation
pitalier, service de chirurgie générale et endocrinienne, hépatique, GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
hôpital Claude Huriez, CHRU de Lille. Michot Niasha, praticien hospitalier, service d'endocri-
Carette Claire, praticien hospitalier, service de nutrition, nologie, diabétologie et nutrition, hôpitaux de Brabois,
CSO IdF Sud, hôpital européen Georges Pompidou, Paris. CHRU de Nancy.

XI
Auteurs

Msika Simon, professeur des universités, praticien hospita- Siksik Jean-Michel, praticien hospitalier, service de chirur-
lier, service de chirurgie digestive œsogastrique et baria- gie digestive hépato-bilio-pancréatique et transplanta-
trique, hôpital Bichat – Claude Bernard, Paris. tion hépatique, GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
Nocca David, professeur des universités, praticien hospita- Silvestri Marta, assistant hospitalo-universitaire, départe-
lier, département de chirurgie digestive, hôpital Saint-Éloi, ment de chirurgie digestive, hôpital Saint-Éloi, CHU de
CHU de Montpellier, Université de Montpellier. Montpellier, Université de Montpellier.
Nomine-Criqui Claire, praticien hospitalier, département Sirveaux Marie-Aude, praticien hospitalier, unité multidis-
de chirurgie, unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obé- ciplinaire de chirurgie de l'obésité, hôpitaux de Brabois,
sité, hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy. CHRU de Nancy.
Pattou François, professeur des universités, praticien hos- Souche François-Régis, praticien hospitalier, départe-
pitalier, service de chirurgie générale et endocrinienne, ment de chirurgie digestive, hôpital Saint-Éloi, CHU de
hôpital Claude Huriez, CHRU de Lille. Montpellier, Université de Montpellier.
Pourcher Guillaume, centre de prise en charge de la mala- Thereaux Jérémie, praticien hospitalier, service de chirur-
die Obésité, Institut mutualiste Montsouris, Paris. gie viscérale et digestive, hôpital Cavale blanche, CHU
Rebibo Lionel, praticien hospitalier, service de chirurgie de Brest, EA  3878, – Groupe d'étude de la thrombose
digestive œsogastrique et bariatrique, hôpital Bichat – de Bretagne Occidentale (GETBO), Université Bretagne
Claude Bernard, Paris. Occidentale, UFR Médecine et science de la santé, Brest,
expert du groupe de travail « chirurgie bariatrique  »,
Reibel Nicolas, praticien hospitalier, département de
CNAMTS, Paris.
chirurgie, unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obésité,
hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy. Topart Philippe, Société de chirurgie viscérale, clinique de
l'Anjou, Angers.
Ribeiro-Parenti Lara, praticien hospitalier, service de
chirurgie digestive œsogastrique et bariatrique, hôpital Torcivia Adriana, praticien hospitalier, service de chirurgie
Bichat – Claude Bernard, Paris. digestive hépato-bilio-pancréatique et transplantation
hépatique, GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
Rives-Lange Claire, praticien hospitalier, service de nutrition,
CSO IdF Sud, hôpital européen Georges Pompidou, Paris. Witkowski Pierrette, praticien hospitalier, unité multidis-
ciplinaire de chirurgie de l'obésité, hôpitaux de Brabois,
Robert Maud, professeur des universités, praticien hos-
CHRU de Nancy.
pitalier, service de chirurgie digestive, hôpital Edouard
Herriot, Hospices civils de Lyon, Université Lyon 1, UFR, Ziegler Olivier, professeur des universités, praticien hos-
Lyon, Est, centre spécialisé et intégré de l'obésité, labora- pitalier, unité multidisciplinaire de chirurgie de l'obésité,
toire Carmen, équipe 2, unité Inserm 1060. hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy.
Santoro Sergio, praticien hospitalier, Metabolic Surgery
and Surgery of the Digestive Tract, Hospital Israelita
Albert Einstein, São Paulo.

XII
Préface

L'ambition de ce beau livre est vaste, puisqu'il vise un état soins, sinon comment faire pour leur garantir le maintien
des lieux clair et complet d'une spécialité encore jeune et d'un équilibre sur le long terme ? D'autres révolutions se
perpétuellement mouvante. Pari difficile et gagné car les profilent, dont on peine encore à préciser les contours  :
constats dressés sont pertinents et actualisés, les enjeux robotisation couplée à l'intelligence artificielle, réalisation
posés et la ligne bien tracée pour une prise en charge de de davantage de procédures par voie endoscopique, suivi
longue haleine. Dans le contexte d'une « explosion » des par objets connectés, etc. Aucune ne fera cependant l'éco-
procédures bariatriques dans notre pays ces dernières nomie du travail de terrain, de prendre le temps de préparer
années, c'était bien là le cœur de la problématique  : s'as- un patient au « choc diététique et comportemental » que
surer que le grand nombre de nos opérés bénéficie d'un constitue n'importe quelle procédure bariatrique, et de
suivi qualitatif le plus pérenne possible, connaître et faire l'accompagner le plus longtemps possible sur cette route.
connaître les écueils et dangers d'une mauvaise prise en Enfin surgissent des questions éthiques que l'on n'avait pas
charge, bref, entourer une population qui mérite considé- ou mal anticipées. Comment et quand opérer des candi-
ration et attention renouvelées. dats qui se multiplient alors que les ressources disponibles
Cette tâche est précisément celle de la communauté baria- rétrécissent ? À quoi sert véritablement la « chirurgie méta-
trique, regroupée pour le meilleur au sein de notre maison bolique » ? Faut-il davantage de chirurgie malabsorptive ?
natale qu'est la SOFFCOMM (Société français et franco- Comment trouver un équilibre dans le foisonnement de
phone de chirurgie de l'obésité et des maladies métabo- variantes proposées : une seule anastomose digestive ver-
liques) depuis plus de 20  ans (mars  1997)  : quand bien sus plusieurs, préserver ou non le pylore, quelles longueurs
même nous ayons démarré comme un club amical, il n'y a d'anses intestinales ? Comment évaluer certaines innova-
décidément pas à regretter que nous ayons choisi d'emblée tions thérapeutiques de rupture ? Jusqu'à quel point res-
l'indépendance plutôt que de se placer sous l'auvent d'une pecter le principe de précaution, s'agissant par exemple des
autre société savante structurée. conséquences futures de la sleeve gastrectomie sur l'état de
La révolution en cours est double, et concerne les tech- la jonction œsophage – estomac ?
niques et la prise en charge globale du patient. Le paysage De notre aptitude à répondre à ces défis dépendra le futur
technique a été bouleversé par l'apparition de la sleeve gas- proche de la chirurgie de l'obésité, sans oublier en fait que
trectomie, tandis que le bypass gastrique poursuit son bon- le meilleur que l'on puisse lui souhaiter (un peu plus tard…)
homme de chemin, et que l'anneau gastrique modulable serait son effacement progressif au bénéfice de mesures de
s'enfonce lentement mais sûrement, victime de l'inconfort santé publique plus cohérentes en amont de notre « épidé-
alimentaire que les patients ne veulent plus… et c'est cette mie d'obésité »  !
même volonté qui oblige soignant et soignés à coopérer Pr Jérôme Dargent
dans le cadre de l'éducation thérapeutique, laquelle rend Président de la SOFFCOMM, polyclinique Lyon-Nord, Rillieux-la-Pape
le pouvoir aux patients obèses, désormais acteurs de leurs

XIII
Avant-propos

L'obésité morbide est devenue un problème quotidien de optimale pour les patients obèses ayant une situation
santé publique. La prise en charge de ce flux important de simple et a fortiori pour ceux ayant une situation plus com-
nouveaux patients n'est pas toujours simple et la structura- plexe. Il est grand temps de passer de la phase des leaders
tion de l'offre de soins est encore en construction. Les résul- d'opinions sans évaluation à l'âge de raison, l'évaluation
tats indéniables de la chirurgie bariatrique sur la perte de prospective postopératoire et à la chirurgie – vigilance.
poids et sur les comorbidités peuvent parfois faire oublier Ainsi, les interventions dernières nées, comme le SADI, le
que cette chirurgie n'est pas dénuée de complications. court-circuit gastrique en oméga ou la bipartition devraient
C'est dans ce contexte que l'idée de ce livre a initialement faire leurs preuves à long terme avant de passer dans la pra-
émergé, pour parler des complications chirurgicales mais tique courante. Sans parler de la problématique des liens
aussi métaboliques et nutritionnelles qui sont la consé- avec l'industrie qui sont pourtant nécessaires pour finan-
quence de complications fonctionnelles ou directement cer l'innovation comme pour la chirurgie robotique ou la
liées au type de montage chirurgical. chirurgie monotrocart… Nous avons voulu que ce livre
Paradoxalement, c'est l'essor de la chirurgie qui a poussé soit le reflet de cette confrontation et qu'il puisse servir de
à la création et au développement d'équipes médicales base de réflexion pour l'amélioration des soins des patients
spécialisées dans la prise en charge de l'obésité. L'intrication obèses. Enfin, nous serions comblés si ce livre pouvait aussi
des médecins et des chirurgiens est donc essentielle, utile permettre d'ouvrir des pistes et des perspectives pour l'ave-
et potentiellement conflictuelle. La collaboration et/ou nir. Bonne lecture  !
la confrontation médico-chirurgicale est donc le moteur Pr Laurent Brunaud
d'une prise en charge de qualité des patients obèses. Cette Chirurgie endocrinienne et métabolique,
confrontation n'est pas toujours simple et il n'est pas rare CHRU de Nancy, Inserm U1256
de voir certains chirurgiens ou certains médecins essayer
Pr Didier Quilliot
de tirer la couverture de leur côté… Pourtant, le problème
Endocrinologie, diabétologie et nutrition,
n'est plus là. Le caractère multidisciplinaire intégré, médical CHRU de Nancy, Inserm U1256
et chirurgical reste le meilleur garant d'une prise en charge

XV
Abréviations

AA Anse alimentaire DSQ Defense Style Questionnaire


AC Anse commune DT2 Diabète de type 2
ADA American Diabetes Association DXA Dual energy X-ray Absorptiometry
AFERO Association française d'étude EBO Endobrachyœsophage
et de recherche sur l'obésité EFR Exploration fonctionnelle respiratoire
AGA Anneau gastrique ajustable ETP Éducation thérapeutique du patient
AINS Anti-inflammatoire non stéroïdien GABA Gamma-Amino-Butyric Acid
ALAT Alanine-aminotransférase GL Gastrectomie longitudinale
AMM Autorisation de mise sur le marché GLP-1 Glucagon-Like Peptide-1
ANC Apports nutritionnels conseillés HAS Haute autorité de santé
ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire HbA1c Hémoglobine glyquée
alimentaire HBPM Héparine de bas poids moléculaire
APA Activité physique adaptée HDL High Density Lipoprotein
ARS Agence régionale de santé HGPO Hyperglycémie provoquée par voie orale
ASAT Aspartate-aminotransférase holoTCII Holotranscobalamine II
ASBMS American Society for Metabolic HP Helicobacter pylori
and Bariatric Surgery HTA Hypertension artérielle
AVC Accident vasculaire cérébral IC 95 % Intervalle de confiance à 95 %
BASIC Bariatric Surgery Index for Complications ICG Indocyanine Green
BED Binge-Eating Disorder IGF Insulin-like Growth Factor
BES Binge-Eating Scale IM Intramusculaire
BPCO Bronchopneumopathie chronique obstructive IMC Indice de masse corporelle
BPT Bipartition du transit IOM Institute of Medicine
CCG Court-circuit gastrique IPP Inhibiteur de la pompe à protons
CNAM Caisse nationale de l'assurance maladie LABS Longitudinal Assessment for Bariatric Surgery
CNAMTS Caisse nationale de l'assurance maladie des LDL Low Density Lipoprotein
travailleurs salariés MGB Mini Gastric Bypass
CNGOF Collège national des gynécologues et NAFLD Non Alcoholic Fatty Liver Disease
obstétriciens français NAS NAFLD Activity Score
CPAP Continuous Positive Airway Pressure NASH Non Alcoholic Steato-Hepatitis
CPT Capacité pulmonaire totale NE Nutrition entérale
CRF Capacité résiduelle fonctionnelle NIS Nationwide Inpatient Sample
CRP C-réactive protéine NSQIP National Surgical Quality Improvement Program
CSO Centre spécialisé de l'obésité OR Odds Ratio
CTQ Child Trauma Questionnaire PaCO2 Pression partielle artérielle en dioxyde de carbone
DBP Dérivation biliopancréatique PAD Pression artérielle diastolique
DES Diplôme d'études spécialisées PAS Pression artérielle systolique
DESC Diplôme d'études spécialisées complémentaires PCO2 Pression partielle en dioxyde de carbone
DMO Densité minérale osseuse PEP Perte d'excès de poids
DS Duodenal Switch PHRC Programme hospitalier de recherche clinique
DSM Diagnostic and Statistical Manual of Mental PMSI Programme de médicalisation des systèmes
Disorders d'information

XVII
Abréviations

PPC Pression positive continue SAPPP Single Anastomosis Pylorus Preserving Procedure
PQVS Profil de la qualité de la vie subjective SAS Syndrome d'apnée du sommeil
PTA Plateforme d'appui territoriale SFNCM Société francophone de nutrition clinique et
PTH Parathormone métabolisme
PYY Peptide YY SIPS Single-anastomosis Pylorus-preserving Surgery
RAC Réhabilitation précoce améliorée SNIIRAM Système national d'information inter-régime de
RCP Réunion de concertation pluridisciplinaire l'assurance maladie
RCT Randomized Controlled Trial SOFFCOMM Société française et francophone de chirurgie de
RGO Reflux gastro-œsophagien l'obésité et des maladies métaboliques
RR Risque relatif SOH Syndrome obésité-hypoventilation
RYGB Roux-en-Y Gastric Bypass SOS Swedish Obese Subjects
SA Semaine d'aménorrhée TDM Tomodensitométrie
SADI-S Single Anastomosis Duodeno-Ileal bypass with TOGD Transit œsogastroduodénal
Sleeve gastrectomy TP Taux de prothrombine
SAHOS Syndrome d'apnée-hypopnée obstructive TSH Thyroid Stimulating Hormone
du sommeil VRE Volume de réserve expiratoire
SAOS Syndrome d'apnée obstructive du sommeil

XVIII
Chapitre 1
Comment justifier la chirurgie
bariatrique chez les patients
obèses ?
Claire Rives-Lange, Claire Carette, Sébastien Czernichow

PLAN DU C HAPITRE
L'obésité : une maladie à haut risque
de complications et de mortalité 4
Résultats de la prise en charge médicale 9

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
1. Comment justifier la chirurgie bariatrique chez les patients obèses ?

Prévalence (%) de l'obésité en fonction du revenu en euros, par sexe


35
30,7
30
25,6 24,6
25 22,9 22,7
20,2 19,3 19,7
20 18,7 18,7 18,6 18,3
14,9 15
15
11,2
9,1
10
7
5
2,1
0
Moins De 450 € De 1 000 € De 1 500 € De 2 100 € De 2 800 € 4 200 € Ne sait pas Ne souhaite
de 450 € à 999 € à 1 499 € à 2 099 € à 2 799 € à 4 199 € ou plus répondre pas répondre

Hommes Femmes

Fig. 1.2
Prévalence (%) de l'obésité en fonction du revenu en euros, par sexe, d'après [3].
Source : © BEH, Prévalence du surpoids, de l'obésité et des facteurs de risque cardiométaboliques dans la cohorte Constances, 2016.

400
Poids Obésité
350
Rechute
300 Prise de poids
Millions d'individus

250

200 Femmes
Perte de poids
Hommes
150

100

50

0
Temps
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Fig. 1.3 Fig. 1.4
Évolution de la prévalence de l'obésité dans le monde de 1975 à 2015. Histoire naturelle de l'obésité, d'après [6].
Source : D'après WHO. Global Health Observatory (GHO) data. Overweight and Source : Extrait de Traité Médecine et chirurgie de l'obésité, Arnaud Basdevant (coord.)
obesity. 2018. © 2011 ; Lavoisier SAS.

gérer une phase préclinique pouvant présenter des signes Importance de la répartition du tissu
d'alarme tel qu'un rebond d'adiposité précoce, puis sur- adipeux
vient une phase clinique initiale de prise de poids qui lais-
sera place à une phase de stabilisation pondérale pouvant Le risque associé à l'excès de masse grasse dépend de sa
s'installer dans la durée. La phase suivante est celle d'une répartition dans l'organisme. L'obésité abdominale/cen-
perte de poids liée ou non à une prise en charge médicale, trale, ou encore de type androïde, est associée à un risque
qui se solde par une reprise de poids bien souvent majorée cardiovasculaire et métabolique plus élevé que l'obésité
par rapport au poids maximal antérieur. Cette évolution de de type gynoïde [7–11]. En France, en 2013, 41,6  % des
l'obésité est certes schématique mais illustre bien le carac- hommes obèses et 48,5 % des femmes obèses présentaient
tère évolutif de cette maladie chronique. une obésité abdominale (fig. 1.5) [3].

5
I. Évaluation préopératoire

L'obésité : une maladie à haut supérieure à 17 % en 2013 [3] ; de plus, elle décrit les dif-
férences de prévalence selon le département observé et
risque de complications les revenus déclarés (fig. 1.1 et 1.2). Une des particularités
et de mortalité de Constances est que, dans cette cohorte, le recueil des
mesures anthropométriques était standardisé alors que
dans ObÉpi, les mesures étaient déclaratives.
Prévalence À l'échelle mondiale, l'obésité croît également de façon
L'obésité est un problème majeur de santé publique avec très significative sur les 30 dernières années (fig. 1.3) [5]. La
une prévalence évaluée en France en 2016 à 16,8 % chez prévalence d'individus en surpoids et/ou obèses a atteint
les hommes et 17,4 % chez les femmes [1]. Différents tra- un taux mondial de près de 37 % pour les hommes et 38 %
vaux ont visé à estimer la prévalence de l'obésité en France pour les femmes en 2013 [4].
mais les méthodologies de chacune d'entre elles peuvent
différer. L'enquête ObÉpi, menée tous les 3 ans entre 1997
Histoire naturelle
et  2012 avec la même méthodologie, a bien montré
l'augmentation de la prévalence de l'obésité : elle était à Les conceptions physiopathologiques de cette maladie
15  % en 2012 versus 8,5  % en 1997, soit une augmenta- se sont complexifiées, alliant facteurs comportementaux,
tion de plus de 75 % [2]. Une autre étude réalisée chez les déterminants biologiques, économiques, environnemen-
30 000 premiers individus inclus de la cohorte Constances taux et prédispositions génétiques. Son histoire naturelle se
montre une prévalence de l'obésité en France un peu fait en plusieurs temps (fig. 1.4) [6]. Il est classique de sug-

25,6
Nord

22,9
10,7 Meurthe-et-
17,4 Paris Moselle
Côtes
d'Armor
13,7 18,5
Ille-et- Loiret
Vilaine 16,6
13,6
Loire Indre-et-
Atlantique Loire

16,7
Vienne

19,4 12,3
Charente Rhône
13,0
Gironde

18,3
Gard
13,3 13,3 17,0
Pyrénées Haute- Bouches-du-
Atlantiques Garonne Rhône

10,7–13,0 13,3–13,7 16,6–17,4 18,3–19,4 22,9–25,6

Fig. 1.1
Prévalence (%) de l'obésité dans 16 départements de France métropolitaine couverts par la cohorte Constances, d'après [3].
Source : © BEH, Prévalence du surpoids, de l'obésité et des facteurs de risque cardiométaboliques dans la cohorte Constances, 2016.

4
I. Évaluation préopératoire

Notion d'obésité métaboliquement diométaboliques peuvent être absents alors même que le
tableau clinique fait état d'une obésité massive (tableau 1.1).
saine (Metabolically Healthy
Obesity)
Principales complications
Lorsque la répartition du tissu adipeux blanc abordée
­ci-dessus permet une expansion adipocytaire bien vascu- Le tableau 1.2 répertorie les principales pathologies compli-
larisée, peu inflammatoire et sans fibrose, les troubles car- quant l'état d'obésité.

Complications respiratoires
Le syndrome d'apnée-hypopnée obstructive du sommeil
% (SAHOS) est la complication respiratoire la plus fréquem-
60 ment associée à l'obésité, en lien avec un collapsus du
48,5 pharynx complet ou incomplet lors du sommeil. Les signes
50
41 41,6 en sont une somnolence diurne excessive, des troubles
40 de l'attention, des ronflements quotidiens, des sensations
30 25,3
d'étouffements nocturnes, des réveils répétés, une nyctu-
rie et une diminution de la qualité de vie. La prévalence de
20 15,8 15,6 sujets atteints de SAHOS est estimée à 32 % dans l'obésité
10 et à 60 % dans l'obésité sévère [12]. Cette atteinte respira-
toire est associée à une augmentation de la morbimortalité
0
Surpoids Obésité globale Obésité d'origine cardiovasculaire.
abdominale Le syndrome obésité-hypoventilation (SOH) concerne
Hommes Femmes une minorité (10 %) des patients obèses mais n'est pas à
Fig. 1.5 ignorer en raison de sa sévérité. Il est défini par la coexis-
Prévalence de l'obésité abdominale en France dans l'étude tence d'une obésité et d'une hypercapnie diurne (PaCO2
Constances, d'après [3]. ≥ 45 mmHg) sans étiologie retrouvée.

Tableau 1.1 Prévalence de l'obésité et des facteurs de risque cardiométaboliques après pondération (n = 27 126), d'après [3].
Hommes Femmes
% IC 95 % % IC 95 %
Obésité globale 15,8 14,7–17,0 15,6 14,5–16,7
Obésité abdominale1 41,6 40,2–43,0 48,5 47,1–49,9
≥ 2 facteurs de risque cardiométabolique dans les classes d'IMC2
Insuffisance pondérale 19,5 5,1–34,0 4,7 1,7–7,7
Poids normal 26,6 24,6–28,5 9,3 8,2–10,4
Surpoids 49,9 47,7–52,2 25,6 22,9–28,4
Obésité 74,2 70,9–77,6 48,1 44,1–52,2
Obésité 25,7 22,3–29,0 51,8 47,7–55,8
métaboliquement saine3
1. ≥ 94/80 cm pour les hommes et les femmes.
2. Selon les critères de Adult Treatment Panel III (ATP III) : triglycérides ≥ 1,7 mmol/L, pression artérielle systolique ≥ 130 mmHg, pression artérielle
diastolique ≥ 85 mmHg, glycémie à jeun ≥ 5,6 mmol/L, cholestérol HDL [High Density Lipoprotein] < 1,04/1,29 mmol/L pour les hommes et femmes,
respectivement. La définition ne prend pas en compte la prise de traitement.
3. Aucun ou un seul facteur de risque cardiométabolique associé à l'obésité.
IC 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; IMC : indice de masse corporelle.
Source : © BEH, Prévalence du surpoids, de l'obésité et des facteurs de risque cardiométaboliques dans la cohorte Constances, 2016.

6
1. Comment justifier la chirurgie bariatrique chez les patients obèses ?

Tableau 1.2 Principales complications somatiques Complications cardiovasculaires


des obésités.
Chez l'obèse, l'hypertrophie ventriculaire gauche et la dila-
Cardiovasculaires Hypertension artérielle⁎

tation de l'oreillette gauche sont les modifications structu-


Insuffisance coronarienne⁎
Accidents vasculaires cérébraux⁎
relles cardiaques les plus fréquentes [14].
Thromboses veineuses profondes

L'étude de Framingham a permis d'évaluer le risque de
Insuffisance cardiaque développer une insuffisance cardiaque à 5 % chez l'homme
Troubles du rythme – mort subite et 7 % chez la femme pour une augmentation d'un point
Métaboliques Insulinorésistance⁎ d'IMC (indice de masse corporelle) [15].
Diabète de type 2⁎ Ce profil particulier est aussi associé à un surrisque de

Hypertriglycéridémie, hypo-HDLémie⁎ troubles du rythme, faisant de l'obésité un facteur de risque


Hyperuricémie⁎, goutte indépendant de mort subite [14].
Respiratoires Dyspnée, syndrome restrictif

L'obésité s'accompagne aussi d'une hypertension arté-
Syndrome d'apnée du sommeil rielle ainsi que d'une hypertension artérielle pulmonaire qui
Hypoventilation alvéolaire peuvent elles-mêmes entretenir, voire aggraver une insuffi-
Asthme sance cardiaque existante.
Rhumatologiques Gonarthrose, coxarthrose, lombalgies

Ajoutons que la survenue de thrombose veineuse pro-
fonde et d'embolie pulmonaire est plus fréquente chez les
Digestives Reflux gastro œsophagien
Lithiase biliaire
patients obèses qu'en population générale, en lien avec une
Stéatose hépatique, NASH⁎ hypercoagulabilité.
Endocriniennes Dysovulation, syndrome des ovaires
polykystiques Complications ostéoarticulaires
Hypogonadisme (homme, obésité Elles constituent les principales causes de handicap et d'al-
massive) tération de qualité de vie chez le patient obèse et pouvant
Cancers Femme : sein, ovaire, endomètre, col favoriser un comportement sédentaire.
Homme : prostate, côlon ●
L'atteinte articulaire la plus représentée est la gonarthrose
Cutanées Hypersudation, mycoses des plis, et, de façon prépondérante, l'arthrose fémorotibiale [16].
lymphœdème ●
Les lombalgies chroniques et les névralgies du nerf scia-
Rénales Protéinurie, hyalinose segmentaire et tique sont également très représentées dans cette popula-
focale tion avec un pourcentage pouvant atteindre 40 à 45 % [17].
Psychosociales Dépression, baisse qualité de vie, arrêt de

L'obésité est également très fréquemment associée à
travail une hyperuricémie, plus particulièrement à partir de l'âge
de 35 ans, induisant un risque de crise de goutte et maladie
Autres Complications obstétricales
goutteuse plus élevée.
Hypertension intracrânienne
Risque opératoire Des données récentes indiquent que la physiopatholo-
gie de l'arthrose chez le sujet obèse ne serait pas unique-
HDL : High Density Lipoprotein ; NASH : Non Alcoholic Steato-Hepatitis.
⁎ ment liée à la pression mécanique exercée sur l'articulation
Liées à la localisation abdominale.
mais en lien avec la physiopathologie inflammatoire du
tissu adipeux et de l'articulation [18].
La surcharge mécanique de la cage thoracique des
Complications métaboliques
patients obèses aboutit à une restriction des volumes pul-
monaires et donc à un syndrome restrictif associant une La répartition abdominale des graisses est associée au phé-
diminution de la capacité pulmonaire totale (CPT), des notype de résistance à l'insuline. La technique de clamp
capacités résiduelles fonctionnelles (CRF) et du volume de euglycémique hyperinsulinique a montré qu'une augmen-
réserve expiratoire (VRE). tation de 10 unités d'IMC s'accompagnait d'une diminu-
L'asthme est également classiquement décrit dans l'obé- tion de 25 % de l'insulinosensibilité [19]. Il n'est donc pas
sité avec un risque relatif pouvant aller de 1,5 à 2,7 selon étonnant que l'obésité se complique, dans près de 12 % des
les études [13], en lien avec l'inflammation de bas grade de cas, de diabète de type 2. Concernant le profil lipidique lié
l'obésité. à l'obésité, il est variable d'un individu à l'autre mais, le plus
7
I. Évaluation préopératoire

souvent, s'illustre par une diminution du HDL-cholestérol et Cette souffrance psychologique peut être l'origine d'un réel
par une augmentation des triglycérides. Enfin, la stéatose non syndrome dépressif majeur chez un nombre de patients
alcoolique du foie devient un problème de santé publique non négligeable [30]. Sur le plan social, cette souffrance
préoccupant, constituant l'une des premières causes de psychologique est entretenue par une discrimination réelle
maladies chroniques du foie et entrant dans le cadre noso- alimentée par de nombreux préjugés stéréotypés et néga-
logique de l'insulinorésistance. L'évolution péjorative de tifs concernant les personnes obèses.
cette affection s'oriente vers une fibrose puis une cirrhose
dont l'issue peut être la survenue d'un carcinome hépato-
Autres complications
cellulaire [20].
Nous avons ici pris le parti de ne présenter que les prin-
Risque de cancer cipales complications de l'obésité. Par souci d'exhaustivité,
citons également :
L'excès de masse grasse est un facteur reconnu comme ●
les complications cutanées, représentées essentiellement
favorisant certains types de cancers. Quelques hypothèses par les affections fongiques aux localisations préférentielles
sont suggérées comme jouant un rôle dans la genèse des sur les plis ;
cancers, soit d'origine métabolique liée à l'exposition chro- ●
le lymphœdème ;
nique à l'inflammation de bas grade, soit par un l'effet de ●
l'incontinence urinaire augmentée à l'effort et liée
l'hyperœstrogénie relative liée à l'aromatisation par le tissu à l'hyperpression abdominale, tout comme le reflux
adipeux des androgènes et à une plus grande production gastro-œsophagien ;
d'IGF-1 (Insulin-like Growth Factor 1). Plusieurs études épi- ●
l'hypertension intracrânienne idiopathique, etc.
démiologiques ont précisé la relation entre excès de poids
et cancers (tableau 1.3) [21–29].
Impact sur la survie
Complications psychologiques et sociales L'obésité augmente le risque de morbimortalité avec
La souffrance psychologique des patients présentant un une évolution croissante selon les classes de sévérité de
excès de poids est à prendre en compte et constitue une l'obésité. La figure  1.6 illustre bien cette augmentation
part importante de la thérapeutique à mettre en place. de morbimortalité décrite comme une courbe en J avec

Tableau 1.3 Risque relatif (RR) de cancer pour une augmentation de l'indice de masse corporelle (IMC) de 5 kg/m2 par sexe.
Localisation RR pour une augmentation de l'IMC de 5 kg/m2 (IC 95 %) Études
Hommes Femmes
Endomètre – 1,60 (1,52–1,68) Crosbie et al. 2010 [23]
Vésicule biliaire 1,09 (0,99–1,21) 1,59 (1,02–2,47) Renehan et al. 2008 [24]
Adénocarcinome de l'œsophage 1,52 (1,33–1,74) 1,51 (1,31–1,74) Renehan et al. 2008 [24]
Rein 1,24 (1,15–1,34) 1,34 (1,25–1,43) Renehan et al. 2008 [24]
Côlon 1,24 (1,20–1,28) 1,09 (1,04–1,14) Harris et al. 2009 [25]
Leucémie 1,08 (1,02–1,14) 1,17 (1,04–1,32) Renehan et al. 2008 [24]
Sein (post-ménopause) – 1,13 (1,08–1,18) WCRF, 2010 [26]
Pancréas 1,13 (1,04–1,22) 1,10 (1,04–1,16) Aune et al. 2012 [27]
Myélome multiple 1,15 (1,005–1,25) 1,10 (1,05–1,15) Wallin et al. [28]
Lymphome non hodgkinien 1,09 (1,04–1,14) 1,07 (1,02–1,13) Larsson et al. 2011 [29]
Rectum 1,09 (1,06–1,12) 1,02 (1,00–1,05) Renehan et al. 2008 [24]
Sein (préménopause) – 0,93 (0,88–0,98) WCRF, 2010 [26]
Poumon 0,76 (0,70–0,83) 0,80 (0,66–0,97) Renehan et al. 2008 [24]

8
1. Comment justifier la chirurgie bariatrique chez les patients obèses ?

Risque relatif de mortalité et de morbimortalité


Maigreur
Poids
normal Surpoids
Obésité
de classe I
Obésité Obésité
de classe II de classe III
La Haute Autorité de santé a émis des recomman-
dations de bonnes pratiques en septembre  2011, gui-
dant ainsi la prise en charge médicale de l'obésité et du
surpoids [33].

Conseils diététiques
Ils font l'objet d'une prescription individualisée à
chaque patient, en tenant compte du mode de vie,
18,5 25 30 35 40 des habitudes alimentaires, du contexte socio-écono-
IMC (kg/m2)
mique et du niveau de compréhension de la personne.
Fig. 1.6 L'équilibre alimentaire doit être respecté et les inter-
Relation entre l'indice de masse corporelle (IMC) et le risque de dits alimentaires proscrits, tout en tenant compte des
morbimortalité, d'après [32].
habitudes alimentaires des patients. Il est nécessaire
d'avoir évalué les besoins énergétiques journaliers
à partir de la mesure de la dépense énergétique de
augmentation de la morbimortalité aux deux extrêmes repos et une importance particulière sera accordée
[32]. En 2014, selon le travail mené par Cari et al., l'obé- aux apports énergétiques de départ. L'identification
sité de classe III serait, de façon prépondérante, associée de troubles du comportement alimentaire et de la
à une mortalité d'origine cardiaque, cancéreuse ou liée consommation d'alcool doit faire partie de l'évalua-
au diabète et présenterait également une réduction de tion initiale. Des objectifs individualisés doivent être
l'espérance de vie en comparaison avec les sujets normo- établis avec le patient. Lorsque l'évaluation alimentaire
pondéraux [31]. ne révèle pas d'erreurs qualitatives ou quantitatives
majeures, la prescription consiste en une réduction
des apports énergétiques totaux adaptée au niveau
Résultats de la prise en charge de la dépense énergétique de repos. Les régimes trop
médicale restrictifs (< 1 200 kcal/j) et déséquilibrés comportent
des risques : abandon, reprise de poids, dénutrition et
dépression. Les recommandations françaises actuelles
Résultats actuels de la prise en alertent sur le caractère dangereux de ces régimes. Il est
charge médicale à court et long également important de souligner que les recomman-
terme dations américaines proposent au moins deux consul-
tations diététiques par mois pour obtenir des résultats
La prise en charge des patients présentant une obésité satisfaisants en termes de perte pondérale.
réside dans la mise en œuvre de modifications durables
du mode de vie alliant des conseils diététiques, une acti- Prise en charge psychologique
vité physique adaptée, une prise en charge psychologique
et comportementale, sachant que pour l'instant, l'accès
et comportementale
aux différents médicaments disponibles dans d'autres Dans de nombreux cas, une prise en charge psycholo-
pays fait défaut en France. Une réduction de l'apport gique peut s'avérer utile voire fondamentale. En fonction
alimentaire et/ou une augmentation de l'activité phy- des situations, peuvent être proposées une psychothéra-
sique auront pour effet d'engendrer un bilan énergétique pie, une psychanalyse, ou encore une thérapie cognitivo-
négatif qui sera à l'origine d'une perte de poids chez les comportementale notamment dans la prise en charge
patients adhérents. des troubles du comportement alimentaire. La gestion
Les objectifs de traitement doivent être individualisés des troubles du comportement, qu'ils soient majeurs
en tenant compte des possibilités du patient, et ne se ou mineurs, nécessitent une prise en charge spécifique
réduisent pas au contrôle pondéral. Une perte de poids et adaptée à chaque patient. L'arsenal thérapeutique
de l'ordre de 5 à 15 % du poids maximal est considérée actuel laisse également place à des méthodes dites alter-
comme réaliste et permet une amélioration significative natives telles que l'hypnose ou la méditation de pleine
des complications. conscience.
9
I. Évaluation préopératoire

Activité physique adaptée néanmoins présenter un intérêt dans plusieurs phases de


la prise en charge :
Il faut prendre en compte les obstacles souvent nom- ●
dans la perte de poids, où le traitement peut avoir un
breux à cette pratique, motiver le patient à commencer
effet facilitateur, avec une perte de poids de 3 à 6 kg supé-
sans attendre la perte de poids et inscrire ce change-
rieure à celle obtenue avec le placebo [36–42] ;
ment de comportement de façon durable dans le ●
également en cas de stabilisation pondérale, pour éviter
temps. Les effets de cette activité seront d'optimiser la
la reprise pondérale [43, 44].
composition corporelle au profit de la masse maigre,
Le traitement peut également avoir un intérêt dans
de stabiliser le poids après amaigrissement et de pré-
l'amélioration des comorbidités liées à l'obésité [45] et dans
venir les complications métaboliques et cardiovascu-
le traitement, voire la prévention de formes rares d'obésité
laires [34]. Cette prescription spécifique peut se faire
génétique [46]. En France, le seul traitement disponible
avec l'aide des nouvelles professions d'enseignement en
est l'orlistat (Xenical®), inhibiteur des lipases gastriques et
activité physique adaptée, ainsi que grâce aux réseaux
surtout pancréatiques. Il en résulte une malabsorption lipi-
développés proches du lieu de vie des patients. Dans le
dique de l'ordre de 30 %. Les effets indésirables, liés à la stéa-
cadre d'une réactualisation des repères du Plan national
torrhée résultante, sont fréquents. Dans l'étude XENDOS,
nutrition santé, l'Agence nationale de sécurité sanitaire
l'orlistat pris pendant 4 ans a montré une réduction de l'in-
alimentaire (ANSES) a fait état des connaissances en
cidence du diabète de 37,3 % chez des patients obèses nor-
février 2016 et publié des recommandations de bonnes
moglycémiques ou intolérants au glucose, avec une perte
pratiques concernant la place et les modalités de la pra-
de poids associée de 5,8 versus 3,0 kg avec le placebo [44].
tique de l'activité physique dans la prise en charge de
D'autres molécules, non disponibles actuellement en
l'obésité [35].
France, ont une indication dans l'obésité comme les ana-
logues du GLP-1 (liraglutide, sémaglutide, exénatide), les
Médicaments de l'obésité sympathomimétiques (phentermine et diéthylpropion),
Même s'ils sont actuellement peu utilisés notamment en l'association de la phentermine avec un modulateur du
France, il est important de discuter de la place à accor- récepteur GABA ou acide gamma-aminobutyrique (topi-
der à ces différents traitements disponibles ou à venir ramate), l'agoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques
dans la prise en charge globale de cette maladie chro- 5HT-2c (lorcasérine), l'association d'un dérivé amphéta-
nique et sévère qu'est l'obésité. La suppression d'autori- minique avec un inhibiteur des opiacés (bupropion et
sation de mise sur le marché de nombreuses molécules naltrexone).
ces dernières décennies a largement terni l'image de la Les médicaments en cours de développement sont pré-
pharmacothérapie de l'obésité. Ces traitements peuvent sentés dans le tableau 1.4 [47].

Tableau 1.4 Médicaments antiobésité en voie de développement en 2018, d'après [47].


Médicaments : DCI Mécanisme d'action Type d'essai Statut actuel
Bupropion-zonisamide Inhibiteur de la recapture de la dopamione Phase 2 Absence d'information sur la phase 3
Agoniste des récepteurs GABA planifiée depuis 2009
Setmélanotide Agoniste MC4R Phase 2 En développement dans plusieurs obésités
monogéniques
LY2405319 Analogue FGF21 Phase 1 Apparition d'anticorps, questions sur les
effets osseux
Roflumilast Inhibiteur de la phosphodiestérase 4 Phase 3 Données ouvertes limitées chez les
femmes atteintes du syndrome des ovaires
polykystiques
GLP-1, GIP, glucagon Polyagoniste Préclinique, Début de développement
diagoniste et triagoniste phases 1 et 2
FGF21 : Fibroblast Growth Factor 21 ; GABA : Gamma-Amino-Butyric Acid ; GIP : Gastric Inhibitory Polypeptide ; GLP-1 : Glucagon-Like Peptide-1 ; MC4R :
Melanocirtin-4-Receptor.

10
1. Comment justifier la chirurgie bariatrique chez les patients obèses ?

Résultats à court terme des essais Résultats à plus long terme des essais
d'intervention sur le mode de vie d'intervention sur le mode de vie
et/ou avec des médicaments de différents degrés d'intensité
Les résultats à 1  an sur la perte de poids sont présen- Dans une étude récente, une différence significative est retrou-
tés figure  1.7 [48]. On peut noter que l'association vée concernant le pourcentage de perte de poids entre le
phentermine-topiramate disponible aux États-Unis et groupe pratiquant une modification intense du mode de vie
associée aux conseils hygiénodiététiques permet une et celui pratiquant un suivi habituel (fig. 1.8 ; tableau 1.5) [49].
perte de poids d'au moins 5 % chez 78 % des patients. Des études complémentaires semblent indispensables
Néanmoins, ce traitement n'est pas disponible actuelle- afin d'évaluer l'efficacité d'une prise en charge médicale à
ment en France. long terme.

≥ 10 % ≥5%

Look AHEAD
Intervention
de forte instensité DPP
sur le mode de vie
Teixeira, et al.

Placebo

Orlistat

Locasérine
Pharmacothérapie
Liraglutide

Phentermine–topiramate

Naltrexone–bupropion

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Participants (%)

Fig. 1.7
Perte de poids à 1 an des essais d'intervention sur le mode de vie de forte intensité ou avec une pharmacothérapie associée à des
modifications modérées du mode de vie (< 1 séance/mois), d'après [48].

0 Suivi habituel
80 Modification intense du mode de vie
73,6 %
Suivi habituel
70
–2 60,8 %
– 2,1 %
Patients la 8 année (%)

60
Perte de poids (%)

50,3 %
–4 50
e

40 35,7 %
– 4,7 %
–6 Modification intense du mode de vie
30 26,9 %

20 17,2 %
–8
11,0 %
10 7,0 %

–10 0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 ≥0% ≥5% ≥ 10 % ≥ 15 %
A Années de suivi B Perte de poids par rapport au niveau initial

Fig. 1.8
Comparaisons, jusque 8 ans, des essais d'intervention sur le mode de vie, d'après [49].
A. Résultats sur la perte de poids par année (p < 0,001 pour les comparaisons chaque année). B. Résultats sur la perte de poids au bout de 8 ans.

11
I. Évaluation préopératoire

Tableau 1.5 Modalités des interventions comportementales


pour atteindre une perte de poids de 7 à 10 %, d'après [49].
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terme, ainsi que dans l'évolution favorable des [16] Cooper  C, McAlindon  T, Snow  S, Vines  K, Young  P, Kirwan  J,
principales comorbidités associées et la réduction Dieppe P. Mechanical and constitutional factors for symptomatic
de la mortalité [50]. knee osteoarthritis, difference between medial tibiofemoral and
patellofemoral disease. J Rheum 1994 ; 21 : 307–13.

L'ensemble de ces données sont développées
[17] Peltonen  M, Lindroos  AK, Torgerson  JS. Musculoskeletal pain in
dans chacun des chapitres de cet ouvrage avec un the obese : a comparaison with a general populatin and long term
chapitre spécifique pour l'évaluation personnali- changes conventional and surgical obesity treatment. Pain 2003 ;
sée de la balance bénéfice/risque (cf. chapitre 2). 104 : 549–57.

12
1. Comment justifier la chirurgie bariatrique chez les patients obèses ?

[18] Mobasheri A, Rayman MP, Gualillo O, Sellam J. The role of metabo- [34] Oppert  JM, Pierrot  D, Bloch  E, Scetbon  G, Ciangura  C. Activité
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13
Chapitre 2
Parcours de soins de chirurgie
bariatrique
Didier Quilliot, Marie-Aude Sirveaux, Thibault Fouquet, Olivier Ziegler

PLAN DU C HAPITRE
Préparation avant la chirurgie pour une réussite
à long terme 16
Consultation de synthèse et consultation
chirurgicale 23
Organisation du suivi postopératoire 25
Conclusion 25

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
I. Évaluation préopératoire

Le parcours de soins comporte trois étapes  : le parcours ●


les risques de décompensation psychologique (alter-
de préparation médico-psychologique préopératoire, la nance d'addictions, dépression, suicide, etc.) ;
chirurgie en soi et l'organisation du suivi. ●
la chirurgie réparatrice ;

la grossesse après chirurgie bariatrique ;

la description du parcours de préparation et l'impor-
tance du suivi nutritionnel.
Préparation avant la chirurgie Cette réunion est interactive et dure environ 2  heures.
pour une réussite à long terme Les candidats doivent pouvoir poser toutes les questions
qu'ils souhaitent.
L'indication d'un traitement chirurgical de l'obésité est
discutée au décours d'un parcours de soins et d'une prise
en charge multidisciplinaire adaptée au patient et repose
Évaluation somatique
sur une confrontation multidisciplinaire. L'organisation de Première consultation multidisciplinaire
cette prise en charge a fait l'objet de nombreuses recom-
mandations aux niveaux national, européen ou interna- Cette consultation permet au patient de rencontrer diété-
tional [1–3]. Le parcours de préparation comporte trois ticien, médecin, psychologue et chirurgien et d'identifier les
volets : informations, évaluation et préparation. Cette phase déterminants principaux de l'obésité. L'histoire pondérale
de préparation préopératoire est essentielle. Une prépa- et l'histoire de vie du patient sont retracées en essayant
ration insuffisante ou trop rapide expose le patient à un de mettre en lien ce vécu avec les fluctuations pondérales.
risque accru d'échec et de complications, notamment sur L'objectif est de comprendre ce qui a favorisé l'apparition
le plan psychologique. de l'obésité et ce qui a permis son maintien. L'accent est
mis sur l'évaluation du comportement alimentaire afin
de comprendre le rôle de l'alimentation sur le fonction-
Information du patient nement intrapsychique du patient (par exemple calmer
les angoisses, contrer les affects dépressifs, etc.) et sur les
L'information donnée au patient doit être au mieux écrite variations de son humeur. Une évaluation des capaci-
et orale. Elle peut être faite de façon individuelle ou à un tés d'élaboration et de mentalisation, la présence ou non
groupe de patients, idéalement par l'équipe pluridiscipli- d'événements traumatiques plus ou moins récents et plus
naire (nutritionniste, chirurgien, psychologue, diététicien, ou moins élaborés est aussi réalisée.
etc.). Au cours de cette réunion, l'équipe délivre aux candi- La consultation multidisciplinaire recherche aussi à déter-
dats des informations objectives fondées sur des données miner les attentes du patient vis-à-vis de la chirurgie. En effet,
publiées de la littérature scientifique et rendues compré- s'il a des attentes irrationnelles, il est important de l'amener
hensibles pour les patients. à en prendre conscience afin d'éviter un vécu d'échec en
Les points essentiels abordés sont : postopératoire. Il s'agit alors de faire prendre conscience

les indications et contre-indications (recommandations que la chirurgie à elle seule ne suffira pas à tout modifier
de la Haute autorité de santé – HAS) ; (par exemple résoudre un problème de couple, guérir d'une

la justification de la chirurgie : notion de maladie chro- dépression, ne plus souffrir des anciens psychotrauma-
nique et de balance bénéfice/risque ; tismes, etc.), ce qui est parfois difficile pour certains patients

la description des différentes interventions bariatriques car la chirurgie est vécue comme une solution « magique »
possibles et les données actuelles sur « comment ça et « définitive ». Une fois cette première étape effectuée, une
marche » (action sur le rassasiement, la faim, la satiété, etc.) prise en charge adaptée et personnalisée peut alors être pro-
et les résultats à long terme pour chaque intervention ; posée, en concertation avec l'ensemble de l'équipe.

les troubles du comportement alimentaire (TCA), notam-
ment les accès hyperphagiques (Binge-Eating Disorder –
Bilan somatique
BED) et les liens avec les psychotraumatismes éventuels. Les
psychologues et diététiciens interviennent afin d'évoquer Une évaluation somatique est indispensable et permet
l'attention portée à ces troubles et aux schémas cognitifs ; de déterminer quelles sont les comorbidités connues et

les facteurs d'échec (réapparition des TCA, dilatation, quels sont les facteurs de risque du patient pour orien-
activité physique, etc.) ; ter les examens complémentaires et traiter efficace­

les risques de carences et leur prise en charge ; ment les comorbidités avant l'intervention.
16
2. Parcours de soins de chirurgie bariatrique

Hypertension artérielle (HTA) ●


triglycérides > 1,6 mmol/L ou 1,5 g/L ;

HDL-cholestérol <  1,04  mmol/L (0,4  g/L) pour les
Elle est favorisée par l'obésité et par le syndrome d'apnée
hommes, 1,29 mmol/L (0,5 g/L) pour les femmes ;
du sommeil, lui-même associé à l'obésité. Les valeurs ●
pression artérielle ≥ 130/85 mmHg ou traitement anti-
seuils de pression artérielle systolique (PAS) et diastolique
hypertenseur ;
(PAD) sont inférieures à 120 et 80 mmHg respectivement. ●
glycémie à jeun ≥ 6,1 mmol/L (1,1 g/L).
On parle de :

de pré-hypertension pour une PAS de 120–139 mmHg
ou une PAD de 80–89 mmHg ; Syndrome d'apnée du sommeil (SAS)

d'hypertension artérielle de stade  1 pour une PAS de et hypoventilation alvéolaire (PCO2 > 45 mmHg
140–159 mmHg ou une PAD de 90–99 mmHg ; chez le patient obèse)

d'hypertension artérielle de stade  2 pour une PAS Une polygraphie, une exploration fonctionnelle respi-
≥ 160 mmHg ou une PAD ≥ 100 mmHg. ratoire (EFR) et une gazométrie sont réalisées systém­
atiquement.
Dépistage du diabète et prédiabète Le SAS est une complication fréquente de l'obésité
quand l'IMC (indice de masse corporelle) est supé-
La glycémie à jeun est considérée comme normale en rieur à 40  kg/m2 ou le tour de cou supérieur à 40  cm.
dessous de 1,1  g/L. Quand elle est comprise entre 1,10 Il favorise l'HTA, l'insulinorésistance, les accidents liés à
et 1,26  g/L, il s'agit d'une hyperglycémie modérée à jeun, l'endormissement ou au manque de vigilance, etc. Un
c'est un prédiabète. Le diabète est défini par une glycémie appareillage de type PPC (pression positive continue) ou
supérieure à 1,26  g/L à jeun ou une supérieure à 2  g/L à une prothèse d'avancement mandibulaire permettent
n'importe quel moment de la journée. d'améliorer de façon considérable la qualité de vie des
patients symptomatiques et les risques d'accidents de
Diabète de type 2 la voie publique. La PPC est surtout indispensable avant
l'intervention pour diminuer les risques périopératoires.
Un diabète connu doit faire rechercher des complica-
L'épreuve fonctionnelle respiratoire complète cette
tions du diabète, notamment les complications macro et
recherche. Une insuffisance respiratoire, un asthme, une
microangiopathiques. Le dépistage d'une ischémie silen-
BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive)
cieuse est systématique. Le diabète doit être traité efficace-
doivent être aussi traités efficacement avant l'interven-
ment avant la chirurgie bariatrique.
tion. Une réhabilitation respiratoire par kinésithérapie
et/ou un réentraînement à l'effort peuvent être utiles
Dyslipidémies avant l'intervention.
On considère différents niveaux seuils de LDL-cholestérol
en fonction de la présence ou non de facteurs de risque Évaluation cardiovasculaire
associés :
Les explorations cardiovasculaires sont prescrites selon

< 2,2 g/L en absence de facteur de risque associé ;
les facteurs de risque associés. Au minimum, un élec-

< 1,9 g/L avec un facteur de risque associé ;
trocardiogramme doit être réalisé. Un avis spécialisé est

< 1,60 g/L avec deux facteurs de risque associés ;
souhaitable, notamment en présence de signes ou symp-

< 1,30 g/L avec trois facteurs de risque associés ;
tômes cliniques (douleurs thoraciques, palpitations, etc.)

< 1,0 g/L si le patient a des antécédents cardiovasculaires
et de facteurs de risque cardiovasculaire, pour rechercher
ou équivalents.
une insuffisance cardiaque dont le diagnostic n'est pas
Une hypercholestérolémie doit faire rechercher des
simple chez le patient obèse, une coronaropathie ou une
complications athéromateuses (coronariennes, vaisseaux
arythmie.
du cou, membres inférieurs, etc.).
La définition du syndrome métabolique du NCEP
Exploration hépatique
(National Cholesterol Education Program) correspond à
l'existence d'au moins trois des critères suivants : Des perturbations du bilan hépatique évoquent une

tour de taille > 102 cm pour les hommes, 88 cm pour les stéato-hépatite non alcoolique (NASH), après avoir éliminé
femmes ; une autre cause (virale, médicamenteuse, toxique, etc.).

17
I. Évaluation préopératoire

L'échographie hépatique et biliaire à la recherche d'une I ntérêt de la prise en charge


stéatose hépatique et d'une éventuelle lithiase dans les des comorbidités en préopératoire
voies biliaires peut être utile. Elle peut aussi permettre de
dépister un gros lobe gauche pouvant gêner l'acte chirur- La prise en charge des comorbidités en préopé-
gical. Quand une NASH est suspectée, une biopsie hépa- ratoire est indispensable. Son intérêt est bien
tique à l'aiguille fine, réalisée au moment de l'intervention, démontré pour l'hyperglycémie, l'asthme, le
est recommandée pour évaluer sa gravité et dépister une SAOS, etc. Un handicap respiratoire nécessite une
éventuelle fibrose hépatique. préparation respiratoire préopératoire. Ainsi les
sujets non préparés font fréquemment des com-
Fibroscopie œsogastrique plications respiratoires majeures (40 % des cas), ce
risque est réduit à 25 % lorsqu'une préparation
Elle a pour but de contrôler la muqueuse gastrique et œso-
a minima est pratiquée et à 6 % par une préparation
phagienne (dépistage de lésions cancéreuses ou précancé-
intensive. L'amélioration des chiffres tensionnels
reuses par biopsies antrales et fundiques), rechercher une
du patient hypertendu est également indispen-
œsophagite, et la présence d'Helicobacter pylori (recom-
sable. Une hypertension artérielle non équilibrée
mandation de l'HAS). Une éradication est recommandée
en préopératoire peut conduire à des poussées
avant intervention, bien qu'aucune étude n'ait permis de
hypertensives en postopératoire avec risque de
valider son intérêt [4]. D'autres explorations peuvent être
complications (infarctus, AVC, insuffisance ventri-
utiles (pH-métrie avant réalisation d'une gastrectomie lon-
culaire gauche).
gitudinale en cas de suspicion de reflux gastro-œsophagien,
manométrie, etc.).

Risques de cancer Bilan biologique minimal


Le patient obèse est à risque élevé de cancer du sein, du ■
Bilan lipidique : cholestérol total, triglycérides, choles-
côlon, de l'endomètre, de l'œsophage, du rein, du foie et térol HDL, cholestérol LDL
de la prostate. Pour chaque cancer, une stratégie de dépis-

NFS
tage est adoptée selon d'éventuels signes d'appel et selon

Glycémie et insulinémie à jeun (HbA1c en cas de
diabète)
les recommandations. Il faut être particulièrement attentif ■
Albumine
au dépistage du cancer de l'endomètre, du sein (après la ■
Bilan hépatique : transaminases ASAT et ALAT, phos-
ménopause), et du côlon. phatases alcalines

Recherche d'une dysfonction thyroïdienne (TSH)
Évaluation de l'état dentaire ■
Créatinine

Ferritine
Elle est recommandée. Un coefficient de mastication infé- ■
Coefficient de saturation de la transferrine
rieur à 45 % compromet une bonne mastication et risque ■
Recherche de carences  : les carences en fer, en vita-
d'entraîner des troubles fonctionnels après l'intervention mine B12, en vitamine D sont plus fréquentes chez le
(blocage d'aliments par manque de mastication). Un exa- sujet obèse (cf. chapitre 14)
men ORL peut être nécessaire si des anomalies cliniques en La recherche de causes rares d'obésité ne fait pas partie
vue de l'intubation sont suspectées. du bilan usuel, sauf éléments cliniques particuliers.

Consultation de tabacologie et arrêt du tabac


Il doit être imposé au patient car le tabagisme aug- Consultation psychiatrique
mente les risques de morbimortalité postopératoire. La
prise en charge par une équipe de tabacologie permet ou psychologique
de faciliter le sevrage. Si 95  % des patients reprennent Cet entretien (cf. chapitre  3) permet d'évaluer les deux
leur tabagisme après l'opération, l'intervention des axes majeurs de la composante psychologique, les
tabacologues permet de réduire les rechutes et cette troubles de la personnalité et les comorbidités psychia-
expérience de sevrage d'augmenter les chances de triques (troubles de l'humeur, anxiété, etc.). Une pre-
sevrage ultérieur. mière évaluation psychologique permet de prescrire une
18
2. Parcours de soins de chirurgie bariatrique

éventuelle psychothérapie. Quand elle est faite en fin de Âge


parcours, c'est l'occasion d'évaluer les éventuels change-
Dans la base de données NSQIP (National Surgical
ments et/ou évolutions psychiques durant le parcours
Quality Improvement Program), le risque de complica-
préopératoire. La réalisation d'un arbre généalogique
tions postopératoire augmente de 2  % par année d'âge
(génogramme) est un bon moyen d'évaluer ces différents
supplémentaire (OR [Odds Ratio] = 1,01 ; IC 95 % : 1,01–
domaines en tenant compte des conséquences psycho-
1,02) [6]. Dans le registre allemand, l'âge a également été
sociales, ainsi que du retentissement familial et relation-
retrouvé comme l'un des principaux facteurs de risque
nel de l'obésité du patient.
de complications postopératoires [7]. Néanmoins, dans
la méta-analyse de Buchwald [8], la mortalité était de
À retenir 0,34 % (IC 95 % : 0,00–1,29) pour les patients de plus de
65  ans contre 0,28  % pour les patients plus jeunes, soit
L'entretien psychiatrique peut aboutir à plusieurs un RR (risque relatif) de 1,21 mais qui n'était pas signifi-
types de décisions : catif. Dans l'étude récente LABS (Longitudinal Assessment

un avis favorable pour la chirurgie ; of Bariatric Surgery), portant sur 3 412 courts-circuits [9],

un avis favorable mais sous réserve d'un suivi en l'âge n'apparaissait pas comme un facteur de risque. Enfin,
postopératoire ; dans une étude spécifique chez les personnes de plus de

un report de la décision de 6 ou 12 mois ; 65 ans portant sur 48 378 patients inclus de 2005 à 2009,

et enfin une contre-indication à la chirurgie il n'y avait pas plus de complications et de mortalité chez
bariatrique. les sujets âgés, malgré une durée de séjour plus impor-
tante [10]. De larges discordances sont donc observées
dans la littérature.
Évaluation du risque opératoire
selon les facteurs de risque À retenir
identifiés et les comorbidités
L'effet de l'âge s'estompe quand le nombre d'inter-
Un des points clés posés lors de ces réunions de concer- ventions pratiquées augmente [11]. L'expérience
tation pluridisciplinaires (RCP) est d'évaluer le rapport du chirurgien a une influence majeure sur cet
bénéfice/risque pour le patient, non seulement sur le plan effet. Il existe une interaction avec le type de pro-
somatique mais aussi sur le plan psychologique [5]. Il faut cédure  : l'effet de l'âge est plus marqué quand il
tenir compte du risque de non-observance, de reprise pon- s'agit de procédures par laparotomie [12].
dérale et de perte de vue.
Sur le plan somatique, la question de la balance béné-
fice/risque est importante, en particulier pour les patients
Sexe
à haut risque opératoire. Identifier avant la chirurgie des Le sexe masculin est associé à une augmentation du risque
sous-groupes de patients à risque ou ceux pouvant tirer le de complications postopératoires dans la plupart des
plus de bénéfices de la chirurgie, selon leurs comorbidités, études (RR = 1 à 2,8). L'incidence de complications sévères,
leur âge, leur sexe, etc. n'est pas chose facile car les études de type fistules, infections et péritonites, serait également
prospectives de sous-groupes sont actuellement inexis- significativement plus élevée chez les hommes sans qu'il
tantes. Paradoxalement, les patients qui pourraient béné- n'y ait de réelles explications à cette différence. Dans le
ficier le plus de la chirurgie sont les patients les plus graves, registre allemand portant sur plus de 10 000 interventions,
mais ce sont aussi les patients à plus haut risque opératoire. l'incidence des fistules était de 2,37  % (55/2,317) chez les
L'identification avant la chirurgie des patients à haut risque hommes contre 1,68 % chez les femmes [7]. Dans l'étude
opératoire revêt donc plusieurs intérêts [5] : SOS, la chirurgie bénéficiait plus aux femmes dans la pré-

limiter les risques opératoires en améliorant les facteurs vention du cancer [13] alors qu'il n'y avait pas de différence
de risque avant la chirurgie ; entre hommes et femmes dans la prévention des événe-

orienter le patient vers un type de chirurgie à moindre ments cardiovasculaires [14]. Les études qui concernent
risque ; l'effet sur l'incidence du cancer ont montré un effet signi-

ne pas réaliser l'intervention si les risques dépassent les ficatif sans distinction de sexe, notamment pour le cancer
bénéfices escomptés. colique [15].
19
I. Évaluation préopératoire

À retenir Diabète et insulinorésistance


Le diabète est particulièrement fréquent chez les patients
Le sexe masculin est un facteur de risque indé-
candidats à la chirurgie bariatrique (20 à 35  % des
pendant de complications et de mortalité
patients). L'hyperglycémie est un facteur de risque de
postopératoires.
complications postopératoires connu, notamment en
chirurgie viscérale. Après colectomie, la mortalité est mul-
Indice de masse corporelle tipliée par  2 chez les patients diabétiques (5,1 vs 2,6  % ;
p < 0,05 sur 5 123 patients), en raison notamment de fis-
Après chirurgie bariatrique, le risque de complications post­
tules plus fréquentes [19]. Après chirurgie bariatrique, le
opératoires augmente avec l'IMC. Dans la base de données
diabète apparaît comme un facteur de risque inconstant.
NSQIP, le risque de complications postopératoires aug-
Quelques études retrouvent le diabète comme étant un
mente de 2 % par point d'IMC [6] et celui de complications
facteur de risque de complications (NSQIP  : OR =  2,04
sévères de 7 % pour 5 points d'IMC [7]. Pour le risque de
[6], étude LABS : OR = 1,46 ; n = 4 776 [9]) pour les com-
mortalité, les études les plus anciennes établissent un seuil
plications graves et la mortalité, ou un facteur de risque
d'augmentation du risque au-delà d'un IMC de 50  kg/m2
de mortalité postopératoire (étude NIS : OR ajusté = 1,6,
[8, 16, 17]. Les études plus récentes montrent au contraire
n = 105 287) [18]. L'influence de l'équilibre glycémique
que le risque minimal est entre 40 et 50 kg/m2 pour la LABS
(niveau d'HbA1c) et l'impact de sa prise en charge pré et
et entre 40 et 45 kg/m2 pour l'étude NSQIP [11]. Dans ces
peropératoire sur les complications postopératoires ne
deux études, le risque est majeur au-delà d'un IMC de
sont pas connus.
60–65 kg/m2. Ces données montrent donc une évolution
discordante de la morbidité et de la mortalité au-delà d'un
IMC de 40 kg/m2. N iveau d'insulinémie, risque
cardiovasculaire et chirurgie
Syndrome d'apnée obstructive bariatrique
du sommeil (SAOS)
Dans l'étude SOS, l'insulinémie à jeun, qui reflète
Le SAOS est un facteur de risque connu de complica-
le niveau d'insulinorésistance du patient, était
tions postopératoires précoces. Dans la base nationale de
prédictive du risque cardiovasculaire, indépen-
patients hospitalisés (NIS : Nationwide Inpatient Sample),
damment de l'IMC [14]. Les patients ayant le
15,7 % des 304 515 patients opérés avaient un SAOS iden-
niveau d'insulinémie le plus élevé avaient la plus
tifié [18]. Paradoxalement, le SAOS avait un effet protec-
forte diminution du risque cardiovasculaire après
teur sur les complications et la mortalité postopératoire
chirurgie bariatrique. Cette étude illustre claire-
(OR mortalité = 0,3 ; IC 95 % : 0,2–0,5 ; p < 0,01). Par ail-
ment le fait que le bénéfice absolu apporté par
leurs, le registre allemand concluait que la présence d'un
un traitement est d'autant plus important que le
SAOS non appareillé était un facteur de risque de com-
risque de base du patient traité est élevé (patients
plications (OR = 1,35 ; IC 95 % : 1,10–1,65) [7]. De même,
avec insulinorésistance maximale).
dans une série de la Mayo Clinic, 618 patients parmi les
1 495 opérés avaient un SAOS dont plus de 90 % étaient
traités par PPC [8]. Dans cette étude, le SAOS n'était pas
Tabagisme
un facteur de risque de complications postopératoires.
L'étude LABS a confirmé ces données sur 4 776 patients Le tabac altère la microcirculation, augmente le risque de
opérés : 48 % avaient un SAOS traité par PPC dans 82 % retard de cicatrisation et le risque d'infections après chirur-
des cas [9]. Le SAOS n'était pas un facteur de risque opé- gie [20]. Ces anomalies se corrigent après 4  semaines de
ratoire chez ces patients. sevrage. Le tabac est rarement pris en compte dans les
études de chirurgie bariatrique, sans doute en raison des
nombreux facteurs confondants, liés aux complications
À retenir du tabagisme. Néanmoins, dans l'étude des vétérans amé-
ricains (n =  575  patients), les tabagiques actifs à plus de
La prise en charge du SAOS, lorsque celui-ci est 20 paquets-années avaient 11 fois plus de risque de com-
identifié, supprime le risque postopératoire. plications que les non-fumeurs [8]. Récemment, sur une
20
2. Parcours de soins de chirurgie bariatrique

cohorte de 41 445 patients le tabagisme était associé, après ajusté = 13,5). L'hypoalbuminémie est également associée à
ajustement sur les autres facteurs de risque, à un risque une augmentation du risque de complications postopéra-
accru d'infections, d'intubation prolongée, de pneumopa- toires dans deux études (étude nomogram-NIH) et NSQIP
thie, de choc, et à une durée longue d'hospitalisation alors database [8]. L'obésité peut aussi être associée à une sarco-
qu'il n'était pas associé au risque de mortalité [8]. pénie, favorisée par les fluctuations pondérales et qui repré-
sente un facteur de risque indépendant et supplémentaire
Maladies cardiovasculaires : hypertension de mortalité [22].
artérielle, artériopathie, coronaropathie, Une méta-analyse incluant 27  études analysant cette
question a comparé les patients ayant perdu du poids ou
insuffisance cardiaque incités à en perdre avant l'intervention aux patients avec
La prévalence de maladies coronariennes, d'insuffisance un poids stable [23]. Aucun effet significatif n'a été mis
cardiaque ou d'artériopathies des membres inférieurs étant en évidence. Néanmoins, une étude randomisée portant
faible, seule les bases de données comportant un nombre sur 278  patients a testé l'effet d'un régime hypocalorique
de patients important peuvent permettre d'analyser ces 15 jours avant l'intervention, et a montré une diminution
facteurs de risque. La cohorte analysée par Nguyen et  al. du risque de complications postopératoires dans le groupe
(NIS), comportant 304 515  patients, a permis d'évaluer le régime [24]. Cette étude ne permettait pas de distinguer
risque lié à l'insuffisance cardiaque qui représente le facteur complications majeures et mineures, celles-ci étant les plus
de risque le plus important avec un risque relatif de mor- fréquentes. Dans le registre suédois de chirurgie bariatrique,
talité de 9,5 [18]. L'artériopathie des membres inférieurs il y avait également un effet positif de la perte de poids pré-
est également associée à un risque majeur de mortalité opératoire sur le risque de complications postopératoires,
(OR =  7,4), ainsi que l'insuffisance rénale (OR =  2,7). Ces essentiellement pour les patients ayant un IMC supérieur
facteurs sont aussi retrouvés dans la base de la NSQIP : les à 45,8 kg/m2 et une perte de poids supérieure à 7,2 %, avec
antécédents de revascularisation des membres inférieurs un effet significatif surtout sur les complications cutanées
et d'intervention coronarienne sont associés à un risque mineures, les fistules et les infections profondes [8]. Il s'agis-
très élevé de mortalité : OR de 11,11 (IC 95 % : 2,57–47,62) sait d'une étude observationnelle et l'impact sur la mortalité
et 4,20 (IC 95 % : 1,59–11,11) respectivement [8]. n'était pas précisé. Or, une relation inverse entre morbidité
Concernant l'hypertension artérielle, les études sont plus et mortalité a déjà été décrite chez les sujets obèses.
discordantes. Dans une étude prospective monocentrique
portant sur 2 075 patients entre 1995 et 2004 (court-circuit À retenir
gastrique), l'HTA (OR = 2,8) et les antécédents thromboem-
boliques (OR =  2,62) étaient retrouvés parmi les facteurs Une perte de poids supérieure à 10  % et une
prédictifs préopératoires corrélés à la mortalité à 90  jours hypoalbuminémie sont des facteurs de risque de
[8]. Ce facteur était également retrouvé dans l'étude LABS mortalité postopératoire. Paradoxalement, cette
(OR = 2,07) [11] et dans le registre allemand (OR = 1,30) [7]. perte de poids pourrait diminuer la morbidité
Contrairement à ces études plus anciennes, l'hypertension chez les sujets ayant une obésité très sévère mais
artérielle n'était plus un facteur de risque significatif dans la le niveau de preuve reste faible.
base NSQIP, de même que dans la base de données NIS [18].
Comme pour d'autres facteurs de risque comme le diabète Impotence et handicap fonctionnel
ou la prévention du risque thromboembolique, le contrôle
tensionnel est aujourd'hui sans doute pris en compte de façon Il s'agit d'un facteur de risque majeur retrouvé dans 2 grandes
plus systématique en préopératoire et traité efficacement. cohortes, et qui correspond au reflet de l'état général du
patient (OR ajusté = 27,6 dans ACS-NSQIP [10] et 2,24 pour
Facteurs de dénutrition : perte de poids un périmètre de marche < 60 m dans l'étude LABS [11]).
avant l'intervention et hypoalbuminémie
Autres facteurs
La cohorte NSQIP de 44 408 patients confirme que la perte
de poids n'est pas souhaitable avant une intervention Prise de corticoïdes
chirurgicale [21]. En effet, une perte de poids de plus de Dans la base de données NSQIP, la prise de corticoïdes était
10 % dans les 6 mois précédant l'intervention est associée associée à un risque élevé de mortalité (OR = 7,25 ; IC 95 % :
à une augmentation du risque de mortalité de 13,5 (OR 2,03–25,64) [25].
21
I. Évaluation préopératoire

Ethnie africaine escaliers, faire du vélo avec ses enfants, retourner à la pis-
cine, etc.), l'amélioration des comorbidités (maladies liées
La base de données américaine de la NIS a permis de
à l'obésité comme le diabète, l'hypertension artérielle, etc.).
mettre en évidence un effet indépendant de l'ethnie afri-
L'amélioration de l'image de soi est verbalisée de différentes
caine par rapport à une origine caucasienne (OR =  1,73 ;
façons  : « je ne trouve plus d'habit à ma taille et pourrai
IC 95 % : 1,22–2,45), indépendamment des autres facteurs
me rhabiller », « je ne peux plus me regarder dans la glace »,
(âge, Charlson index, Medicare and Medicaid) [8]. L'ethnie
« je  me cache devant mon mari », sous-entendu… « après,
africaine est également un facteur de risque du score
tout ira mieux ». On peut opposer à cela les séquelles de
Nomogram [8].
l'amaigrissement, le ptosis abdominal, des seins et des bras,
etc. La chirurgie réparatrice peut améliorer la situation mais
Parcours de préparation certaines personnes ne feront jamais le deuil de leur corps
d'avant…
avant la chirurgie Le travail sur la confiance en soi, l'estime de soi et sur
Différentes étapes jalonnent la préparation du candidat. son image est donc essentiel. Le travail en groupe ou en
La préparation comportementale, diététique et psycho- binôme est intéressant et il permet de voir son image à tra-
logique est généralement faite en séances de groupe. Une vers l'autre.
psychothérapie peut aussi être prescrite et effectuée paral- Il faut permettre aux patients d'évoquer leurs craintes,
lèlement au parcours. Un délai minimal de 6 mois doit être parfois amplifiées chez certains, ou reposant sur des
respecté entre la première consultation et l'intervention croyances ou des fausses idées. A contrario, on peut atti-
bariatrique (recommandation HAS). rer l'attention sur certains risques qui sont non perçus.
Les craintes portent essentiellement sur la chirurgie, sur la
Préparation diététique et psychologique : durée de l'intervention, sur les risques de complications,
etc., mais surtout sur le postopératoire  : la crainte d'avoir
centrée sur les troubles du comportement
mal, la réalimentation (mode alimentaire, tolérance mais
alimentaire aussi frustration liée à la restriction alimentaire, diminution
Cette préparation se fait généralement en groupe de 8 à du plaisir alimentaire, etc.).
10  patients se réunissant tous les 1 à 2  mois. Les séances
sont animées par un diététicien idéalement formé à la prise Changement d'image
en charge des troubles du comportement alimentaire et Une réflexion doit être amenée sur l'impact du change-
ayant suivi une formation en thérapie comportementale ment d'image sur ses relations sociales, intimes et profes-
et en éducation thérapeutique du patient (ETP). Il peut sionnelles  : « comment vais-je m'adapter à ce changement
être assisté par un psychologue lors de certaines séances. alors que j'ai toujours été gros/grosse… », « on ne va plus
Quatre grandes thématiques sont abordées : me reconnaître… », « on ne me regarde plus… avant quand

les attentes et les craintes liées à l'intervention chirurgicale ; j'étais grosse, j'entrais dans une salle, tout le monde regardait

le changement d'image ; entrer “la grosse” », « je suis devenue transparente… » ou,

les croyances alimentaires ; au contraire, certains patients se sentent agressés par des

l'alimentation émotionnelle. regards. Ceci souligne l'importance du travail sur la fonction
de l'obésité et l'affirmation de soi.
Attentes et craintes liées à l'intervention
chirurgicale Séances sur les croyances alimentaires
Ces séances permettent au patient de s'interroger sur sa Elles ont pour objectif de faire comprendre que l'alimenta-
motivation profonde. Il est avant tout essentiel qu'il puisse tion est régie par :
distinguer les attentes rationnelles et irrationnelles. En ●
des signaux physiologiques : faim, rassasiement sélectif,
effet, les patients idéalisent fréquemment l'intervention satiété, etc. ;
et imaginent les changements qu'elle va provoquer dans ●
une composante sensorielle : attirance pour le gras et le
leur vie  : « je retrouverai du travail », « je serai mieux dans sucré, anticipation des quantités, etc. ;
ma peau », « mes problèmes avec mon mari seront résolus », ●
et une composante psychologique ou émotionnelle (« je
etc. Les attentes les plus rationnelles sont surtout centrées mange quand je ne suis pas bien, parce que je suis angoissée,
sur l'amélioration des capacités physiques (monter les ou stressée », etc.).
22
2. Parcours de soins de chirurgie bariatrique

Le comportement alimentaire est également enfermé tement alimentaire, le risque de reprise pondérale, etc.).
dans des rituels et des schémas qui sont souvent très ancrés Cette séance permet au patient candidat de se confronter
depuis l'enfance : « je dois finir mon assiette ». L'enfant prend à la réalité de l'après. La discussion est ouverte : douleur à
l'habitude de ne pas respecter le moment où il est rassasié, la suite de la chirurgie, réalimentation, plaisir de manger,
jusqu'à ne plus ressentir ce rassasiement. « À la fin du repas, compléments nutritionnels, comment se passe le suivi, la
j'ai tendance à finir les assiettes de mes enfants ou à finir la chirurgie réparatrice, etc. On les interroge sur le vécu de ce
casserole », « on ne gâche pas la nourriture ». parcours de préparation, sur sa durée etc. Ces témoignages
Il est également essentiel de réfléchir aux échecs du permettent aux candidats de saisir l'importance de cette
passé. Analyser les raisons des échecs des régimes antérieurs préparation et de ces différentes étapes.
et les « yoyos » occasionnés, donner quelques notions sur
la balance énergétique permet au patient de comprendre Réentraînement à l'activité physique
qu'après avoir perdu 10  kg, reprendre son alimentation
Le handicap fonctionnel représente un des facteurs de
antérieure se solde par une reprise de poids. Évaluer le
risque indépendants de mortalité postopératoire les plus
degré de frustration tolérable à long terme lié à cet effort
importants. Le réentraînement à l'effort doit faire partie de
est donc essentiel. Les échecs sont très souvent associés à
la préparation à la chirurgie (préhabilitation).
des craquages et une reprise de troubles compulsifs.
Promouvoir l'activité physique et le changement des
Alimentation émotionnelle comportements est également fondamental pour assurer
de bons résultats de la chirurgie à long terme. En effet, la
L'alimentation déclenchée par des émotions est extrême- pratique d'une activité physique régulière, même modérée
ment fréquente chez le patient obèse sévère. Les pulsions (différence entre activité physique et activité sportive), 2 à
et la perte de contrôle sont les deux composantes à éva- 3 fois/semaine, intense pour le niveau du patient et durable
luer. « Je peux craquer pour un carré de chocolat et m'arrêter dans le temps est facteur de succès après l'intervention et
mais parfois je ne peux pas, je finis la plaque et foutu pour la promotion de l'activité physique avant l'intervention a
foutu, j'entame aussi le paquet de gâteaux… ». L'essentiel est une influence sur le niveau d'activité après la chirurgie [26].
donc d'évaluer le degré de perte de contrôle pour juger de L'aide d'un enseignement en activité physique adaptée
la sévérité des troubles. (APA) permet de remettre en mouvement le patient. Les
L'alimentation émotionnelle conduit souvent à de la res- associations de proximité (associations de patients, d'acti-
triction cognitive : « j'ai encore craqué hier soir, ce midi, je ne vité physique ou d'accompagnement des populations pré-
mangerai pas… ». D'autres patients se restreignent à table, ne carisées) peuvent prendre le relais.
mangent pas à leur faim ou sautent des repas. Cette restric-
tion peut occuper progressivement une place prépondérante
au point d'en oublier les craquages (restriction cognitive).
L'analyse fonctionnelle permet au patient à faire les liens
Consultation de synthèse
entre émotions et compulsions alimentaires. C'est un travail et consultation chirurgicale
introspectif qui doit conduire le patient à gérer autrement
ses émotions. Il est souvent conseillé de poursuivre ce tra- Une consultation en fin de parcours auprès du nutrition-
vail avec un psychothérapeute pour la gestion du stress, des niste et du chirurgien permet de faire la synthèse du par-
angoisses, ou encore de l'ennui. cours et de vérifier l'adhésion du patient, ses avancées, ses
difficultés, etc., et de faire le point sur les complications
Rencontre avec des patients opérés somatiques et leur prise en charge. Le chirurgien voit géné-
ralement le patient en début et en fin de parcours.
Cette étape est essentielle car il s'agit d'une réunion
d'échange autour de véritables témoignages, d'échecs
comme de réussites. Le patient peut y poser toutes les ques- Réunion de concertation
tions qu'il souhaite, ce qui lui permettra de mieux se pro- pluridisciplinaire
jeter. Ces tables rondes sont coanimées par un diététicien
et un psychologue qui pourront intervenir pour donner Le dossier est présenté en RCP réunissant l'ensemble de
des informations et orienter le débat sur certains thèmes l'équipe spécialisée : médecin, chirurgien, psychiatre et/ou
qu'il faut aborder (l'image du corps, les relations aux autres, psychologue, diététicien. Idéalement, le médecin traitant
la réalimentation, la persistance des troubles du compor- devrait être présent ou adresser son avis.
23
I. Évaluation préopératoire

La conclusion collégiale de la RCP est adressée au méde- ration expose le patient à un risque accru d'échec et
cin traitant : de complications postopératoires, notamment sur le

soit elle est favorable à l'intervention ; plan psychologique. Il peut néanmoins être raccourci

soit la décision est reportée et mise sous réserve d'une prise chez les patients ayant fait un travail préalable, suivi
en charge spécifique. Les raisons sont généralement d'ordre un parcours de prise en charge médicale suffisamment
psychologique, et liées au manque de préparation du patient ; investi. Il est plus long si la préparation somatique ou

soit la décision est à discuter en raison de facteurs de psychologique le nécessite (obésité massive, comorbi-
risque majeurs sur le plan somatique qui diminuent forte- dités à traiter) (fig. 2.1).
ment son espérance de vie. Dans ce cas, il convient d'éva-
luer la balance bénéfices/risques ;

soit il y a contre-indication à la chirurgie.
Intervention bariatrique
Le délai entre la demande de chirurgie et l'inter- L'intervention est faite par laparoscopie, quel que soit son
vention est important, et la préparation à la chirur- type. Lorsqu'elle est d'emblée envisagée en laparotomie, la
gie prend du temps. L'HAS recommande un délai de balance bénéfice/risque doit être reconsidérée, notamment
6  mois minimum entre la demande de chirurgie et chez les sujets les plus âgés. Il est possible qu'au cours de
l'intervention pour assurer une maturation de la déci- l'intervention, des contraintes techniques conduisent le
sion, le repérage et l'optimisation des traitements des chirurgien à changer d'intervention, pour éviter la laparo-
comorbidités. Le raccourcissement du délai de prépa- tomie, par exemple en réalisant une gastrectomie longitu-

Information et évaluation Préparation

1) Informations aux patients : table ronde – 1) Groupes de préparation : 4 séances

médecin nutritionniste, chirurgien, diététicien, – diététicien-psychologue

psychologue, etc. Et/ou

2) Consultation : 1er bilan de l'obésité – médecin, 2) Prise en charge individuelle :

diététicien, psychologue, etc. thérapie comportementale

3) Bilan des comorbidités en hospitalisation 3) Rencontre avec des patients opérés

ou en ambulatoire : métabolique, respiratoire, 4) Psychothérapie en ville : centre

cardiovasculaire, gastroscopie, imagerie, etc. médicopsychologique, psychiatre,

4) Expertise psychiatrique (différente du suivi)


psychologue

5) Chirurgien

Réunion de concertation multidisciplinaire

Fig. 2.1
Exemple de parcours de soins avant chirurgie bariatrique.

24
2. Parcours de soins de chirurgie bariatrique

dinale alors qu'un court-circuit gastrique était initialement Le modèle de coordination partageant la coordination
prévu mais difficilement réalisable. Le patient doit être pré- entre l'équipe hospitalière et la plateforme d'appui territoriale
venu en préopératoire de cette éventualité. semble le plus adapté au parcours de chirurgie bariatrique.
Certaines comorbidités peuvent justifier un séjour pro- Il repose sur :
longé en salle de réveil ou en unité de soins intensifs (car- ●
le maillage territorial d'équipes pluriprofession-
diopathie, insuffisance respiratoire, etc.). Généralement, le nelles de proximité. La coordination des équipes de
patient remonte directement en chambre d'hospitalisation. professionnels regroupant diététiciens, psychologues,
éducateurs médicosportifs et infirmiers est assurée par le
médecin généraliste. Ces équipes peuvent être constituées
de libéraux ou de personnel hospitalier et doivent travailler
Organisation du suivi dans la proximité, au sein des structures sociales et associa-
postopératoire tives et en lien avec leurs activités. Elles doivent offrir des
programmes d'éducation thérapeutique visant à aider les
La consultation postopératoire est réalisée par le chirur- patients à s'adapter aux changements de leur alimentation,
gien bariatrique. Le suivi postopératoire a plus long terme à avoir une activité physique adaptée, à suivre leur traite-
est assuré par un nutritionniste (DESC de nutrition, ou ment et avoir une aide psychologique ;
DES d'endocrinologie) de l'équipe pluridisciplinaire. ●
une collaboration avec le tissu social et associatif,
L'augmentation de la file active de patients sature rapide- indispensable pour les patients en situation de précarité ;
ment les capacités de suivi des centres. ●
une e-plateforme de coordination prévue dans le
Le transfert de compétences est une solution permet- cadre du décret 2016-919 du 4 juillet 2016, outil de coordi-
tant d'augmenter les capacités de suivi. Il est en effet pos- nation des professionnels et des patients permettant l'éva-
sible de déléguer une partie du suivi à des infirmiers ayant luation, la formation des professionnels, l'accompagnement
suivi une formation en chirurgie bariatrique selon un cahier des patients (objets connectés), le recensement des offres
des charges formalisées et autorisé par l'ARS (Agence régio- sur le territoire. L'accompagnement à l'activité physique
nale de santé), après validation par l'HAS. La délégation de régulière est essentiel et nécessite des mesures spécifiques
tâches s'appuie sur un médecin déléguant qui a la compé- en fonction des possibilités initiales du patient ;
tence en nutrition. À l'avenir, la télémédecine et le dossier ●
une forfaitisation du parcours. Pour encadrer la prise
médical partagé permettront d'augmenter les possibilités en charge, il est nécessaire de répondre à un cahier des
de suivi. Néanmoins, le nombre de perdus de vue extrême- charges en termes de programme et de formation et d'ins-
ment élevé (> 25 %) et l'analyse des données de la CNAM crire le patient sur une plateforme de coordination et de
(Caisse nationale de l'assurance maladie) montrent que le renseigner les éléments du suivi.
médecin généraliste est le seul médecin à revoir régulière-
ment le patient, et ceci engage à réfléchir à l'organisation
globale de la prise en charge postopératoire.
Différents schémas organisationnels sont possibles. La Conclusion
forfaitisation d'un parcours de soins de suivi postopéra-
toire permettra de proposer trois schémas d'organisation Le parcours de préparation comporte trois étapes essen-
en fonction de la localisation du centre coordinateur du tielles  : information, évaluation et préparation. L'objectif
parcours : principal est de réduire les risques opératoires, les compli-

soit le centre hospitalier et l'équipe pluridisciplinaire sont cations postopératoires à moyen et long terme, et d'éviter
le centre coordinateur (organisation « centralisée ») ; les échecs (reprise de poids, décompensations psycholo-

soit le centre coordinateur est « décentralisé », sur une pla- giques, perte de vue, etc.).
teforme d'appui territoriale (PTA), associée à une équipe pluri- Le suivi après chirurgie bariatrique est aussi crucial, quel
professionnelle, coordonnée par le médecin traitant. Le centre que soit le type d'intervention. Une étroite collaboration
hospitalier et l'équipe pluridisciplinaire seraient alors le recours avec le médecin traitant en lien avec l'équipe multidiscipli-
en cas de complication (organisation « décentralisée ») ; naire doit s'organiser. Les outils de télémédecine, le dossier

soit le centre coordinateur est partagé entre le centre médical partagé et les plateformes territoriales d'appui per-
hospitalier et la PTA (organisation « mixte »). mettront de structurer cette prise en charge postopératoire.

25
I. Évaluation préopératoire

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Wedel  H, et  al. Effects of bariatric surgery on cancer incidence in

26
Chapitre 3
Prise en charge de la
composante psychogène
de l'obésité avant chirurgie
bariatrique
Pierrette Witkowski

PLAN DU C HAPITRE
Évaluation psychiatrique préopératoire 28
Éléments déterminants de l'entretien
psychiatrique 30
La question de la psychothérapie
préopératoire 38

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
I. Évaluation préopératoire

Les patients obèses, et plus particulièrement les patients plinaire et formé à la prise en charge des troubles du com-
souffrant d'une obésité sévère (de grade 3), présentent une portement alimentaire. À chaque fois qu'une prise en charge
vulnérabilité psychique plus importante que la population psychothérapique est nécessaire avant l'intervention (et/
de poids normal se traduisant par une fréquence plus élevée ou après celle-ci), le psychiatre ou psychologue de l'équipe
de comorbidités psychiatriques comme des troubles de l'hu- peut orienter le patient vers un psychiatre ou psychologue
meur, des troubles anxieux, des troubles de la personnalité et non membre de l'équipe. Il est nécessaire que l'évaluateur
des troubles addictifs, qu'il s'agisse d'addictions aux substances ne soit pas le futur thérapeute car la décision peut frustrer
(alcool, drogues, tabac, benzodiazépines, etc.) ou d'addictions le patient et gêner l'investissement de la thérapie.
comportementales (addictions alimentaires, achats compul- L'intérêt de cet examen est parfois mal compris par
sifs, etc.). Les patients obèses ont aussi plus d'antécédents de certains patients dont la plainte est centrée sur l'obésité
traumatismes psychiques. Les liens entre ces traumatismes et ses comorbidités somatiques  : soit ils dénient toute
psychiques et les troubles du comportement alimentaire vulnérabilité psychique, soit la considèrent comme une
et l'obésité sont aujourd'hui mieux connus. Une insécurité simple conséquence de leur obésité qui sera corrigée avec
affective dans l'enfance est susceptible d'entraîner des diffi- la perte de poids. Une telle hypothèse se vérifie lorsque la
cultés ultérieures de gestion des émotions et le recours aux souffrance psychologique est la conséquence exclusive de
compulsions alimentaires, lorsque les défenses du sujet contre l'obésité mais se révèle fausse à chaque fois que cette souf-
l'angoisse sont débordées face à un évènement de vie difficile. france entraîne un trouble du comportement alimentaire
Si la chirurgie bariatrique améliore souvent de façon impor- nécessaire au patient pour gérer son stress et ses émotions
tante la qualité de vie, celle-ci ne constitue cependant qu'une (compulsions alimentaires à visée anxiolytique, etc.).
étape préliminaire qui doit être confortée par la capacité du
patient à modifier durablement son comportement. Conditions de réalisation
L'existence de comorbidités psychiatriques ou addictives
préopératoires compromet cette capacité de changer les Cette évaluation psychiatrique doit être préparée. Réalisée
comportements à long terme après la chirurgie et constitue par un psychiatre ou un psychologue expérimenté, elle
ainsi la principale cause d'échec qui se traduit : nécessite en moyenne un entretien d'environ 45  minutes

sur le plan somatique par : à 1 heure. Ses objectifs doivent être expliqués par le chirur-
– une perte de poids insuffisante ou une reprise pondé- gien et le médecin nutritionniste dès l'entrée dans le par-
rale postopératoire plus ou moins précoce, cours dans le but de diminuer les résistances et de faciliter
– la réapparition des comorbidités liées à l'obésité ; la coopération du patient à l'examen et à l'acceptation de

sur le plan psychique par une altération de la qualité de ses conclusions (report de la chirurgie pour psychothéra-
vie liée à des décompensations psychiatriques telles que pie ou pharmacothérapie d'une dépression par exemple).
dépression, suicide, reprise des accès hyperphagiques, ou Il est essentiel que le patient comprenne que les facteurs
bascule vers d'autres addictions (alcool et autres substances). psychologiques constituent la principale cause d'échec de
C'est pourquoi la Haute autorité de santé (HAS) a recom- la chirurgie (reprise de poids, bascule addictive, dépression,
mandé dès 2009 l'évaluation préopératoire de cette vulnéra- etc.) et que cette évaluation psychiatrique n'a pas pour
bilité afin d'identifier des facteurs psychologiques prédictifs objectif de rejeter sa demande mais d'identifier les risques
de succès de la chirurgie, mais aussi de reconnaître et de afin de les traiter et/ou de les prévenir. Le but est d'obtenir
traiter au préalable les troubles psychiatriques susceptibles une amélioration pérenne de la santé globale du patient
d'être des facteurs d'échec postopératoire. Ce traitement est et une perte de poids durable. Il doit savoir que la perte
à poursuivre en postopératoire à chaque fois que nécessaire. de poids n'est pas le seul indicateur de bon résultat car,
même avec une perte de poids importante, certains n'amé-
liorent pas leur qualité de vie (décompensation dépressive,
addictive, problèmes relationnels) tandis que d'autres sont
Évaluation psychiatrique satisfaits même avec une perte de poids moins importante.
préopératoire Le moment optimal de l'évaluation psychiatrique peut
se discuter :
L'évaluation psychiatrique ou psychologique préopératoire ●
située en fin de parcours préopératoire, l'évaluation
est obligatoire et concerne tous les patients candidats s'enrichit de l'observation des capacités d'observance et
à la chirurgie bariatrique. Elle doit être conduite par un d'évolution du patient pendant le parcours (éducation
psychiatre ou psychologue membre de l'équipe pluridisci- thérapeutique) ;
28
3. Prise en charge de la composante psychogène de l'obésité avant chirurgie bariatrique


effectuée en début de parcours, l'évaluation peut per- n'avoir rien à cacher ou encore lorsque cet accompagnant
mettre de commencer une psychothérapie ou le traite- tente d'imposer sa présence. Toutefois, il peut être néces-
ment d'une comorbidité psychiatrique (dépression, trouble saire de compléter l'entretien, avec l'accord du patient,
anxieux, etc.). par un entretien de couple, voire un entretien familial
Il peut aussi s'avérer utile que le chirurgien ou le médecin lorsque les relations et la communication semblent par-
nutritionniste primoconsultant, confronté à un patient en ticulièrement dysfonctionnelles. Dans certains cas, une
souffrance psychologique manifeste, programme cette éva- explication de la fonction du comportement alimentaire
luation psychiatrique avant même l'entrée dans le parcours. aux proches permet de réduire la pression et la culpabi-
Il s'agira soit d'instaurer au plus vite un traitement (contre- lisation familiales.
indication temporaire), soit d'une contre-indication défini- Enfin, en cas de besoin, il ne suffit pas de conseiller la
tive avec réorientation du patient vers une filière médicale psychothérapie, il faut la prescrire et s'il y a lieu, compléter
pour prévenir autant que possible un vécu d'échec ou de l'entretien initial par une réévaluation en fin de parcours
rejet. pour apprécier l'observance (attestation de suivi) et l'inves-
L'évaluation ne se limite pas à un examen psychiatrique tissement du patient dans la thérapie demandée. Dans la
classique permettant d'apprécier la psychopathologie et le mesure où le patient ne peut pas accéder à la chirurgie
fonctionnement mental. Au-delà de ces éléments, l'évalua- espérée tant que les comorbidités psychiatriques, addic-
tion psychiatrique doit s'intéresser : tives et les troubles du comportement alimentaire ne sont

à l'évolution pondérale depuis la petite enfance en fonc- pas préalablement traités, cette prescription s'apparente
tion des événements de vie  : traumatismes psychiques, bien à une injonction de soins. Il n'en reste pas moins
maladies, grossesses, stress psychosociaux (déménagement, qu'elle permet également au patient de rencontrer un thé-
divorce, licenciement, etc.) ; rapeute et même d'investir le lien, ce qui peut faciliter un

aux troubles du comportement alimentaire «  vie suivi postopératoire et surtout devenir précieux en cas de
entière »  : compulsions alimentaires de type accès hyper- problèmes postopératoires.
phagiques, boulimie avec purge, anorexie, etc. ;

à l'histoire familiale et développementale, au support
affectif et social, à la qualité de vie ; Outils et objectifs de l'évaluation

aux capacités d'observance du patient. psychiatrique
Si les objectifs de l'évaluation sont clairement définis par
L'entretien « psy » l'HAS, celle-ci ne propose pas de consensus sur les moda-
lités à utiliser pour réaliser cette évaluation (entretiens
Il ne faut pas oublier qu'il s'agit souvent de la première cliniques, tests, etc.). Différents outils méthodologiques
rencontre du patient avec un « psy ». L'objectif initial est disponibles peuvent être très utiles :
d'établir une relation de confiance. Le simple fait d'aider le ●
un entretien clinique semi-structuré à la recherche des
patient, à travers l'anamnèse, à établir des liens entre évé- troubles psychiatriques et addictifs « vie entière » selon les
nements de vie et prise de poids, entre émotions (stress, critères DSM-IV-TR permettant de repérer aussi bien anté-
etc.) et comportement alimentaire, est très déculpabili- cédents que les troubles actuels. Nous insistons sur l'iden-
sant. Il découvre un comportement qui ne peut plus être tification de tous les types de troubles alimentaires car les
considéré comme secondaire à la « gourmandise », ou patients sont susceptibles de basculer de l'un vers l'autre
« au manque de volonté » mais qui traduit une stratégie (critères DSM-5 depuis 2013) ;
de défense contre l'angoisse. Une telle prise de conscience ●
un génogramme et un histogramme permettant de
facilite souvent l'investissement dans une future relation situer le patient dans son développement, son histoire
thérapeutique. Lors de cet entretien, il faut savoir choi- relationnelle diachronique et synchronique à la recherche
sir des mots qui évitent toute forme de stigmatisation des traumatismes et de difficultés existentielles et leurs liens
susceptible de nuire à la qualité de la relation soignante éventuels avec l'évolution pondérale ;
ou de laisser croire le patient qu'il ne « mériterait » pas la ●
en complément, les versions françaises des auto-ques-
chirurgie [1]. tionnaires  BES (Binge-Eating Scale), CTQ (Child Trauma
Cet entretien doit être individuel. Il est essentiel de ne Questionnaire), l'échelle d'estime de soi de Rosenberg, le
pas y admettre la présence d'un conjoint ou d'un parent DSQ (Defense Style Questionnaire) et le questionnaire profil
accompagnant le patient même lorsque celui-ci affirme de la qualité de la vie subjective (PQVS).
29
I. Évaluation préopératoire

marginalité, etc.), diminue encore lorsqu'il existe une prise


de poids et un syndrome métabolique iatrogène en relation
Objectifs de l'évaluation avec la prise d'antipsychotiques. L'évolution d'un trouble
psychiatrique selon l'HAS bipolaire ne serait pas affectée par la chirurgie à 2 ans [2].
• Identifier les contre-indications psychiatriques à la chirurgie Pour les patients schizophrènes et bipolaires stabilisés,
(troubles mentaux sévères, comportements d'addiction, etc.). la chirurgie bariatrique a un effet comparable à 24  mois
• Évaluer la motivation du patient, sa capacité à mettre en sur la perte de poids, la morbidité et l'espérance de vie à
œuvre les changements comportementaux nécessaires et celle des patients obèses sans troubles mentaux. Dans les
à participer à un programme de suivi postopératoire à long cas où ils présentent une exacerbation de leurs symptômes
terme. psychiatriques, il est difficile de dire si ces décompensations
• Évaluer les déterminants et les conséquences psycholo-
sont liées à la chirurgie bariatrique (par exemple liées à une
giques de l'obésité.
absorption diminuée des psychotropes) ou à l'évolution
• Évaluer les connaissances du patient (en matière d'obé-
normale de la maladie [3]. Les données manquent encore
sité et de chirurgie). Le patient doit avoir les ressources
intellectuelles et les connaissances suffisantes pour fournir pour évaluer les résultats postopératoires à long terme.
un consentement éclairé.
• Évaluer la qualité de vie. Dépression préopératoire
• Déterminer les facteurs de stress psychosociaux, la pré-
Elle doit être traitée et la rémission doit être d'au moins
sence et la qualité du soutien sociofamilial.
• Proposer des prises en charge adaptées avant chirurgie 6 mois. Elle est parfois surdiagnostiquée en raison de symp-
tômes communs avec l'obésité sévère (asthénie, syndrome
et orienter le suivi en postopératoire.
HAS. Obésité : prise en charge chirurgicale chez l'adulte. Recommandations de d'apnée du sommeil, etc.). Les patients dépressifs sont à risque
bonne pratique, janvier 2009. Nous remercions la Haute Autorité de santé de de complications postopératoires immédiates à 30 jours [4].
nous avoir autorisés à reproduire ce paragraphe. Le texte intégral est consul-
table sur le site www.has-sante.fr rubrique Évaluation & recommandation. Certaines personnes dépressives améliorent leurs symptômes
à court terme (1 an) puis rechutent 2 à 3 ans après la chirurgie
[4]. Quoi qu'il en soit, la dépression préopératoire reste asso-
ciée à de moins bons résultats en postopératoire [5].
Éléments déterminants
de l'entretien psychiatrique Risque de suicide préopératoire
Il pose problème. Nous savons que même dans la popula-
Contre-indications psychiatriques tion générale, le meilleur facteur prédictif pour un passage
transitoires ou définitives à l'acte suicidaire est un antécédent de tentative de suicide,
et qu'il y a une augmentation de la prévalence de suicide
à la chirurgie après chirurgie chez les patients ayant des antécédents de
La plupart des contre-indications immédiates à la chirurgie tentatives de suicide préopératoires [6]. Toutefois, s'il est
sont transitoires et concernent essentiellement les situations clair qu'un risque de suicide constitue une contre-indica-
existentielles stressantes actuelles et les pathologies mentales tion temporaire, il n'existe pas d'indication sur la durée du
et/ou addictives décompensées au moment de l'évaluation. report de la chirurgie. Il nous semble qu'il faut considérer le
Les pathologies psychiatriques décompensées (schi- contexte de survenue du passage à l'acte autoagressif :
zophrénie, états dépressifs, troubles bipolaires, troubles ●
si celui-ci survient au cours d'une dépression, celle-ci doit
anxieux, etc.) nécessitent un traitement préalable et une être traitée au préalable et la rémission doit être stable ;
stabilisation durable d'au moins un an avant l'entrée dans ●
si le geste est itératif et accompagne une personnalité
le parcours chirurgical. borderline sévère, la contre-indication à la chirurgie peut
être définitive…
Schizophrénie Il importe donc de décider au cas par cas.
Les patients schizophrènes en rémission durable, insérés
socialement et observants vis-à-vis de leur traitement, ne Troubles anxieux
devraient pas être exclus des parcours chirurgicaux. Leur Ce sont les troubles le plus souvent retrouvés chez les patients
espérance de vie, déjà amputée en moyenne de 10 à 20 ans candidats mais leur impact sur les résultats de la chirurgie
en raison des risques inhérents à leur trouble mental (suicide, a été moins étudié que celui de la dépression. Les études
30
3. Prise en charge de la composante psychogène de l'obésité avant chirurgie bariatrique

existantes sont contradictoires et concernent de petites laires, dépression) en raison de l'existence de résistances
cohortes. Il semblerait que les troubles les plus à risque pour pharmacologiques aux traitements psychotropes bien
l'évolution sont l'agoraphobie et la phobie sociale en raison conduits ou de troubles de la personnalité surajoutés qui
des problèmes d'observance postopératoire et de perte de génèrent de graves problèmes d'observance ;
vue qu'ils sont susceptibles de générer [7]. ●
de personnalités pathologiques  : celles-ci traduisent
une vulnérabilité importante du patient, exprimée par
des difficultés émotionnelles, relationnelles, des difficul-
Consommation de toxiques tés d'adaptation aux changements et constituent des
Tous les praticiens sont d'accord pour contre-indiquer facteurs de risque importants pour les décompensations
l'usage actuel de toxiques (alcool, toxicomanie, tabac, dépressives, la suicidalité et les gestes autoagressifs, les
médicaments, etc.) [8]. Les addictions non sevrées aux addictions, etc. ;
substances mais aussi les addictions comportementales ●
de déficiences intellectuelles, comme nous le verrons
(achats compulsifs, jeu pathologique, travail addictif et plus loin.
en particulier les « addictions » alimentaires comme les Les personnalités pathologiques ou troubles de la per-
accès hyperphagiques) nécessitent un sevrage préalable et sonnalité concernent 20 à 30 % des patients candidats à la
durable de 6 mois à un an. En cas de doute vis-à-vis d'un chirurgie. Ces troubles peuvent compromettre les résultats
abus de substances, certains auteurs recommandent un de la chirurgie, en particulier s'ils sont associés à des troubles
screening toxicologique. de l'humeur ou à une suicidalité [14]. Les troubles de la
Si de nombreux programmes exigent au moins 1  an personnalité les plus fréquemment retrouvés dans la popu-
d'abstinence alcoolique avant chirurgie pour les abus de lation bariatrique sont les personnalités évitantes (pho-
substances [9], d'autres estiment qu'il est suffisant d'exiger biques) et obsessionnelles-compulsives appartenant au
un sevrage alcoolique de 6  mois comme pour la trans- groupe C (tableau 3.1). Les personnalités qui posent le plus
plantation hépatique. La réalisation d'un RYGB (Roux-en-Y de problèmes d'observance associent, parmi d'autres,
Gastric Bypass : dérivation biliopancréatique avec anse en Y) des traits tels que l'immaturité, l'impulsivité, l'instabilité,
génère un pic de concentration plasmatique d'alcool plus l'intolérance à la frustration, l'agressivité, caractéristiques
précoce et plus important que dans les autres chirurgies et
intensifie la sensation d'ivresse avec augmentation du risque Tableau 3.1 Taux de troubles de la personnalité (%) chez les
de dépendance parallèlement à la perte de poids [10]. patients candidats à la chirurgie bariatrique.
L'usage régulier de cannabis, comme celui du tabac [11], Trouble de la personnalité Estimation de la
entraîne des problèmes de cicatrisation, des risques d'infec- prévalence (%)
tion, d'ulcérations et de mortalité et nécessite un sevrage Tout trouble de la personnalité 19,5 à 28,5 %
préopératoire.
GROUPE A
Enfin, si la consommation excessive d'alcool, l'usage
récréatif du cannabis, même hors dépendance, aug- Personnalité paranoïaque 0,7 à 5,6%
mentent le risque d'alcoolisme au cours des 2 premières Personnalité schizoïde 2,1 %
années suivant la chirurgie, il existe un risque d'apparition Personnalité schizotypique 0,4 %
d'une addiction aux substances ou d'une addiction com- GROUPE B
portementale même chez les patients sans antécédents
Personnalité antisociale 2,8 %
addictifs [12].
Les polyaddictions simultanées ou successives (bascules Personnalité borderline 1,8 à 4,9 %
addictives) sont fréquentes et nécessitent une vigilance parti- Personnalité histrionique 0%
culière [13]. Les patients doivent être informés de ces risques Personnalité narcissique 0,4 à 0,7 %
et certaines recommandations préconisent l'interdiction de GROUPE C
toute consommation d'alcool après la chirurgie [11].
Personnalité évitante 6,8 à 17%
Personnalité dépendante 0,4 à 1,7 %
Contre-indications définitives
Personnalité obsessionnelle compulsive 7,6 à 13,9 %
Il s'agit : Source : Malik S, Mitchell JE, Engel S, Crosby R, Wonderlich S.

de pathologies mentales sévères difficiles à stabiliser Psychopathology in bariatric surgery candidates : a review of studies using
(schizophrénie, psychoses paranoïaques, troubles bipo- structured diagnostic interviews. Compr Psychiatry. 2014 ; 55 : 248–59.

31
I. Évaluation préopératoire

des personnalités du groupe B, en particulier dans les per- cités de jugement et d'autocritique, etc.) qui permettent
sonnalités borderline et antisociales (psychopathie). La de modifier durablement un comportement. Enfin, faute
personnalité dépendante (groupe C), elle aussi immature, de capacités d'introspection suffisantes, certains patients
se caractérise par des traits tels qu'une fréquente anoso- ne sont guère accessibles à une psychothérapie et de ce
gnosie, une labilité émotionnelle, des affects dépressifs, un fait, ne sont pas en mesure de modifier leurs stratégies de
besoin permanent de soutien, de cadre externe, respon- défense contre l'angoisse, ni les comportements qui en
sable d'un manque d'autonomie dans la gestion de leur résultent (comportement alimentaire en particulier). Une
suivi et de perte de vue. étude montre que le fonctionnement cognitif est inverse-
Les personnalités pathologiques de type border- ment corrélé à la perte de poids [16].
line ou antisociale sont souvent trop instables pour La prévalence de l'obésité est hélas nettement plus
­s'inscrire dans le parcours de soins structuré pré et importante chez les patients présentant une déficience
postopératoire exigé par la chirurgie bariatrique. La intellectuelle et ce, qu'elle qu'en soit la cause (génétique,
personnalité borderline est particulièrement exposée à vasculaire, traumatique, tumorale, etc.) que dans la popu-
la suicidalité. Cette instabilité les empêche également lation générale [17] et il est fréquent, après évaluation de
d'investir durablement une psychothérapie qui pourrait la balance bénéfices/risques pluridisciplinaire, que leur évic-
les aider à  modifier leurs défenses et leur comporte- tion soit définitive.
ment. Le risque d'échec et de non-observance est, de ce Toutefois, l'absence de consensus n'empêche pas cer-
fait, important et conduit fréquemment à une balance taines équipes de proposer désormais l'inclusion de ces
bénéfice/risque qui contre-indique définitivement l'op- patients face à l'échec des mesures hygiénodiététiques
tion chirurgicale. ou en l'absence d'autres options thérapeutiques [18].
L'American Society for Metabolic and Bariatric Surgery pro-
pose même de considérer l'hypothèse chirurgicale chez les
Remarque enfants présentant un syndrome de Prader-Willy sévère-
ment obèses avec comorbidités [19].
Certains traits de personnalité, comme la persévé-
rance qui permet au sujet de poursuivre ses objec-
tifs malgré l'échec ou la frustration, sont de bons Antécédents de troubles
pronostics [15].
du comportement alimentaire
(TCA) durant la « vie entière »
Connaissances du patient et traitement des TCA actuels
sur l'obésité et la chirurgie
Malgré de réelles avancées, les troubles du comporte-
Au-delà de la question du quotient intellectuel, le patient ment alimentaire restent encore un mélange de concepts
doit avoir des ressources intellectuelles suffisantes pour très disparates. Si certains troubles bénéficient de critères
comprendre la procédure chirurgicale, les soins pré et diagnostiques précis comme l'anorexie, la boulimie (crise
postopératoires, les risques associés et permettre ainsi un alimentaire avec purge) et les accès hyperphagiques (Binge-
consentement éclairé. Il peut être utile de faire préciser à Eating Disorder ou BED), d'autres restent classés dans des
un proche l'autonomie réelle du patient dans la gestion catégories de troubles « non spécifiés » comme le syn-
du quotidien et les possibilités effectives de support en drome d'hyperphagie nocturne (à différencier de la para-
cas de besoin. Il peut être nécessaire d'adapter le par- somnie boulimique, encore appelée trouble alimentaire
cours de préparation (séances individuelles plutôt qu'en du sommeil) ; enfin certaines équipes parlent toujours de
groupe, présence du proche pendant les séances), voire compulsions alimentaires, de perte de contrôle alimentaire,
demander le consentement éclairé au tuteur, à condi- d'addiction alimentaire, etc.
tion qu'il n'y ait aucun facteur de risque supplémentaire L'évaluation psychiatrique doit permettre de repérer les
(troubles du caractère, comorbidités psychiatriques ou différents types de trouble du comportement alimentaire
addictives, etc.). au cours de la « vie entière » (accès hyperphagiques, ano-
En plus de ces capacités de compréhension, il doit aussi rexie, boulimie, syndrome d'hyperphagie nocturne, etc.) car
disposer des fonctions exécutives nécessaires (flexibilité les patients sont susceptibles d'entrer en rémission plus ou
mentale, capacité d'organisation et de planification, capa- moins totale puis de rechuter en fonction des événements
32
3. Prise en charge de la composante psychogène de l'obésité avant chirurgie bariatrique

de vie et de l'intensité du stress psychosocial. Certaines


personnes abandonnent leurs crises alimentaires dès leur
ENCADRÉ 3.1 Critères
entrée dans le parcours bariatrique pour adopter un virage
restrictif plus ou moins sévère (épisode anorexique respon- diagnostiques des accès
sable de carences). Il s'agit alors d'une bascule addictive hyperphagiques (Binge-Eating
préopératoire qui doit être distinguée de la prescription par
les chirurgiens d'une perte de poids préopératoire, parfois
Disorder) dans le DSM-5
importante (> 10 %) considérée, à tort, comme un facteur A. Survenue récurrente d'accès hyperphagiques (crises
prédictif positif indiquant des capacités de changement de de gloutonnerie) (binge-eating). Un accès hyperphagique
répond aux deux caractéristiques suivantes :
comportement et de perte de poids postopératoire.
1. Absorption, en une période de temps limitée (p. ex.
L'existence de troubles du comportement alimentaire,
moins de 2  heures), d'une quantité de nourriture lar-
qu'ils soient anciens ou actuels, augmente le risque d'une gement supérieure à ce que la plupart des gens absor-
reprise des troubles du comportement alimentaire après la beraient en une période de temps similaire et dans les
chirurgie. Certains patients sont incapables d'expliquer une mêmes circonstances.
prise de poids, même massive. Ils ne se voient pas manger 2. Sentiment d'une perte de contrôle sur le comporte-
et sont anosognosiques de leur comportement alimentaire. ment alimentaire pendant la crise (p.  ex. sentiment de
ne pas pouvoir s'arrêter de manger ou de ne pas pouvoir
contrôler ce que l'on mange ou la quantité que l'on mange).
Accès hyperphagiques B. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) sont asso-
Ces troubles du comportement alimentaire sont fortement ciés à au moins trois des caractéristiques suivantes :
corrélés à l'existence d'une histoire psychotraumatique 1. Manger beaucoup plus rapidement que la normale.
ancienne et/ou actuelle et leur existence signe également 2. Manger jusqu'à éprouver une sensation pénible de
distension abdominale.
une vulnérabilité psychique particulière dont témoigne la
3. Manger de grandes quantités de nourriture en l'ab-
fréquence des comorbidités psychiatriques [20]. sence d'une sensation physique de faim.
Les troubles du comportement alimentaire préopéra- 4. Manger seul parce que l'on est gêné de la quantité de
toires, et en particulier un BED actif actuel, doivent systé- nourriture que l'on absorbe.
matiquement être traités et stabilisés avant la réalisation de 5. Se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très
la chirurgie. Si les crises de BED concernent 2 à 30  % des coupable après avoir mangé.
patients candidats, la prise en compte des crises partielles C. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) entraînent
en sus des crises de BED typiques augmente la prévalence une détresse marquée.
à 39–50  % des patients. Kalarchian et  al. retrouvent une D. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) sur-
prévalence vie entière du BED de 27,1 % et une prévalence viennent, en moyenne, au moins une fois par semaine
pendant 3 mois.
actuelle de 16 % [21].
E. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) ne sont
Depuis 2013, les crises de binge-eating (accès hyperpha- pas associés au recours régulier à des comportements
gique sans mécanisme de purge) bénéficient d'une catégo- compensatoires inappropriés comme dans la boulimie, et
rie diagnostique spécifique (DSM-5) (encadré 3.1). ne surviennent pas exclusivement au cours de la boulimie
L'identification d'un BED « vie entière  » nécessite la ou de l'anorexie mentale.
réalisation d'un entretien clinique semi-structuré car les Traduction française reproduite avec l'autorisation d'Elsevier Masson SAS.
auto-questionnaires de type BES ne repèrent que le trouble Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright
2013). American Psychiatric Association. DSM-5 - Manuel Diagnostique et
actuel et ne sont pas en mesure de repérer ses antécédents Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq,
(faux négatifs). Les crises alimentaires peuvent survenir en J.-D. Guelfi et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
dehors des repas (crises extra-prandiales) ou terminer un
repas qui se transforme en crises (crises prandiales).
Le DSM-5 envisage la rémission partielle comme un pas présents car même la présence d'un BED infraclinique
trouble qui, après avoir rempli tous les critères dans le passé, influence les résultats de la chirurgie. Néanmoins, la réduc-
se raréfie et devient moins fréquent (< 1  fois/semaine). tion de fréquence des crises et la diminution de quantité
En postopératoire, la réduction de la quantité est aussi de ingérée constituent le même trouble et il existe un probable
nature mécanique, liée au montage chirurgical. Certains continuum entre ces compulsions partielles et les crises
auteurs préfèrent parler de BED-infraclinique ou de compul- typiques de BED, évoluant en fonction de l'importance du
sions subsyndromiques dès lors que tous les critères ne sont stress environnemental auquel le patient est soumis (fig. 3.1).
33
I. Évaluation préopératoire


Obésité
Yoyo

Grignotage Compulsions subsyndromiques BED


Purge
boulimie
Plaisir, etc. Stress, anxiété, dépression
Impulsivité, perte de contrôle, compulsivité, addiction Poids normal
Vulnérabilité psychique : coping, mécanismes de défense

Physiologie Psychopathologie
Fig. 3.1
Le Binge-Eating Disorder (accès hyperphagiques).
Source : Ziegler O, Mathieu J, Böhme P, Witkowski P. Le Binge-Eating Disorder en 2017 : de l'impulsivité à la compulsivité, les ouvertures du DSM-5. Médecine des maladies Métaboliques.
2017 ; 11 (3) : 237–45.

Les accès hyperphagiques sont donc en relation avec excessive de nourriture après le repas du soir. Il existe une
une perte de contrôle qui est le facteur le plus associé aux conscience du trouble et un souvenir de l'épisode. Le fait
troubles psychopathologiques (dépression), aux troubles que le patient se souvienne avoir mangé permet de dis-
du comportement alimentaire et à une qualité de vie dimi- tinguer ce trouble d'une parasomnie boulimique (Sleep
nuée en postopératoire. Les compulsions alimentaires liées Related Eating Disorder) dans laquelle le patient découvre
aux émotions négatives entraînent de moins bons résultats son comportement au réveil (restes de nourriture).
en termes de perte pondérale [22]. L'existence d'un syndrome d'hyperphagie nocturne
Si, pour certains, l'existence d'un BED préopératoire avant la chirurgie augmente le risque d'hyperphagie noc-
réduit la perte de poids, pour d'autres, sa présence sera sans turne postopératoire et avec une reprise pondérale. Il doit
effet sur la perte pondérale. Toutefois, tous retrouvent que être traité [25].
l'existence d'un BED avant la chirurgie prédit la reprise d'un
BED postopératoire [5] et l'existence d'un BED postopéra- Comportements compensateurs
toire réduit la perte pondérale à long terme et détériore les
(vomissements, etc.)
résultats psychosociaux [23].
L'éducation thérapeutique et la psychothérapie pré et Les vomissements provoqués sont considérés comme une
postopératoire sont les outils indispensables pour réduire contre-indication à la chirurgie car leur présence indique
le risque de BED postopératoire [24]. l'existence d'une psychopathologie sévère [26].
De plus, après la chirurgie, un nombre significatif de
À retenir patients utilisent les vomissements provoqués pour
contrôler leur poids [27] et ce comportement volontaire
Tout BED « actuel » doit être traité avant la chirur- peut évoluer vers des vomissements involontaires [28] qui
gie et l'éviction du comportement doit être main- ne sont pas rares après chirurgie bariatrique.
tenue au moins 6 mois.
Anorexie mentale
Syndrome d'hyperphagie nocturne (Night
Si certains patients obèses ont des antécédents d'anorexie
Eating Syndrome) mentale, d'autres développent une anorexie en postopéra-
Ce TCA se caractérise par des épisodes récurrents d'alimen- toire [29].
tation nocturne qui se manifestent par une alimentation Les patients avec antécédents d'anorexie mentale ont
après un réveil nocturne et/ou par une consommation besoin d'une psychothérapie pré et postopératoire.
34
3. Prise en charge de la composante psychogène de l'obésité avant chirurgie bariatrique

Autres troubles ●
les carences affectives (rejet parental, négligence émo-
tionnelle, abandons, séparations, deuils, etc.) ;
Les autres troubles du comportement alimentaire tels ●
les abus sexuels (attouchements, viols).
que l'hyperphagie prandiale, le grignotage, la tachypha-
En augmentant la vulnérabilité psychique des patients
gie nécessitent une prise en charge diététique (éducation
dont témoigne l'existence d'une prévalence accrue des
thérapeutique).
troubles de la personnalité, de l'estime de soi, d'antécé-
dents psychiatriques, les antécédents traumatiques sont
indirectement responsables de moins bons résultats en
Facteurs de stress psychosociaux, postopératoire.
présence et qualité du soutien Seuls les antécédents d'abus sexuel semblent directe-
ment associés à un risque de dépression postopératoire.
sociofamilial Chez les patients qui, pour se protéger du désir de leur
Antécédents psychotraumatiques agresseur, se sont enrobés dans une « armure de graisse »,
la perte pondérale peut réactiver les angoisses du passé
Dans les études de devenir à l'âge adulte, les psycho- lorsqu'ils se trouvent à nouveau confrontés au regard
traumatismes de l'enfance sont associés à une moindre désirant d'un autre, vécu comme un prédateur [32]. Il
qualité de vie, une insertion sociale et familiale plus est indispensable que les patients victimes d'antécédents
précaire, allant jusqu'à l'isolement, une prévalence plus traumatiques puissent s'inscrire dans une psychothéra-
importante de troubles mentaux et addictifs. Il existe pie pré et postopératoire, a fortiori s'ils ont présenté une
également une relation étroite entre psychotrauma- comorbidité psychiatrique addictive ou un TCA et ce,
tismes dans l'enfance et obésité [29] et entre psycho- même lorsqu'ils ont déjà entrepris une psychothérapie
traumatismes et BED [30]. dans le passé.
S'il n'y a pas de lien entre traumatismes dans l'enfance
et perte pondérale postopératoire, il n'en reste pas moins Facteurs de stress psychosociaux actuels
qu'une histoire traumatique génère davantage de psycho-
pathologie et moins d'adaptation postopératoire [31].
et qualité du soutien familial
Une relation parent – enfant sécurisante aide l'enfant Certains patients intègrent le parcours bariatrique au
à réguler ses émotions lors des situations stressantes, à moment où ils traversent une crise existentielle majeure
explorer son monde interne et son environnement avec (licenciement ou menaces de licenciement, violence conju-
confiance et à optimiser son développement cognitif, émo- gale, divorce, deuil, maladie d'un proche, etc.), ce qui les
tionnel et relationnel. Au contraire, une relation parent – empêche de se concentrer sur leur préparation préopéra-
enfant insécurisante fragilise le sujet qui peine à réagir aux toire et sur leurs soins, et obère le résultat. Ils expriment
événements stressants de sa vie ultérieure (puberté, deuil, souvent des attentes irréalistes où la chirurgie est envisa-
séparation, etc.) et déclenche un recours à des troubles du gée comme un outil de réparation narcissique. Il s'agit de
comportement alimentaire, lorsque les moyens habituels patients très vulnérables, même en l'absence d'épisode
de régulation émotionnelle sont débordés et qu'il existe des dépressif caractérisé, pour lequel il faut savoir prioriser la
difficultés à établir des liens à d'autres figures d'attachement prise en charge psychologique et différer ou prolonger le
que les figures parentales. Toutefois, cette situation n'est pas parcours préchirurgical jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre
figée car les relations d'attachement sont susceptibles de soit trouvé et les attentes redevenues réalistes. Il faut savoir
changer tout au long de la vie (nouvelles expériences émo- temporiser [33].
tionnelles, thérapie, etc.). Certains patients sont isolés affectivement, socialement
Il est donc essentiel d'identifier l'histoire des psychotrau- désinsérés et revendiquent la perte de poids comme préa-
matismes « vie entière » au cours de l'évaluation, il s'agit de lable à leur réinsertion. L'anamnèse retrouve souvent une
rechercher les antécédents tels que : inhibition, une passivité, voire une véritable phobie sociale

les violences directes physiques (privations, coups, etc.) préalable à la prise de poids. C'est toujours la démarche
ou psychologique (violences verbales, abus émotionnel) inverse qui est nécessaire. Les efforts de thérapie (psy-
dont le patient a été la cible ; chothérapie ambulatoire, hôpital de jour psychiatrique)

les violences indirectes dont le patient n'est pas la cible et de resocialisation (formation, reconversion, vie associa-
mais qui le font vivre dans un environnement insécure (par tive, etc.) doivent précéder ou accompagner le parcours
exemple violences conjugales entre les parents) ; préchirurgical.
35
I. Évaluation préopératoire

Le soutien familial a un impact positif sur les résultats sans participation active de leur part ou que les attentes
de la chirurgie et, si de nombreux patients sont soutenus soient irréalistes.
dans leurs démarches par leurs proches, il peut arriver Ces patients espèrent souvent une perte de poids bien
que ce soit l'inverse et donc une source de conflits. Il est supérieure à celle que la chirurgie leur permettra d'atteindre
alors nécessaire, avec l'accord du patient, de rencontrer le et la déception sera généralement importante [35]. Pendant
conjoint/la famille afin d'évaluer les motifs du refus (peur la phase préopératoire, c'est à l'éducation thérapeutique qu'il
de voir le patient décéder ou victime de complications, appartient de préparer les patients aux changements néces-
peur d'être abandonné par un patient qui aura maigri, saires après la chirurgie et de leur faire prendre conscience des
etc.), le laisser extérioriser ses angoisses et l'engager, si facteurs susceptibles de les aider à réussir au mieux leur projet
nécessaire, dans une éventuelle prise en charge pour lui- de perte de poids sur le long terme. Une mauvaise inscription
même. Au niveau d'un couple, ces problèmes sont plus dans ce travail avant la chirurgie est préoccupante et laisse
fréquents lorsque le patient était obèse au moment de craindre un comportement non adapté en postopératoire.
la rencontre. Dans ce cas, le souhait que le patient reste
obèse ne traduit quasiment jamais l'existence d'une mor- Capacité du patient à participer
phophilie (excitation sexuelle pour le corps obèse) mais
l'anxiété d'un conjoint pour lequel l'obésité a une fonction
à un programme de suivi postopératoire
de réassurance dans la lutte contre ses propres angoisses à long terme
abandonniques au sein d'une alliance « perdant  – per- Il convient d'abord d'évaluer les capacités d'observance du
dant » où l'obésité garantirait la pérennité du lien. Dans patient : une bonne observance améliore en effet les résul-
tous les cas, l'objectif est de s'assurer que les conditions tats postopératoires.
affectives et environnementales sont aussi stables que ●
L'assiduité du patient pendant le parcours préparatoire
possible au moment de la chirurgie. est un bon indicateur de son comportement en postopé-
Enfin, les recommandations européennes contre-indiquent ratoire, en particulier si, dès ce stade, l'observance laisse à
la chirurgie bariatrique chez les patients incapables de s'occu- désirer [24].
per d'eux-mêmes et qui n'ont pas de soutien familial ou social ●
Comme nous l'avons déjà dit, évaluer l'observance
à long terme permettant d'assurer un support [34]. nécessite d'évaluer la personnalité à la recherche de traits
de personnalité pathologique du registre borderline, psy-
chopathique et dépendant qui sont à risques majeurs de
Motivation, capacité à mettre perte de vue et de carences.
Les autres facteurs de risque de non-observance sont le
en œuvre les changements

plus jeune âge, en particulier si celui-ci est inférieur à 25 ans,


comportementaux nécessaires le chômage et la désinsertion sociale, les abus de substance.
et à participer à un programme Inversement l'âge, l'occupation d'un emploi ou un statut
social de retraité, l'existence d'antécédents familiaux d'obé-
de suivi postopératoire à long terme sité, d'un SAOS et d'un BED sont protecteurs [36].
Motivation et attentes du patient
Ressources adaptatives du patient
La motivation implique un engagement actif et durable
du patient vers un changement de comportement. Elle est Quelle est sa capacité à s'adapter à l'amaigrissement ?
toujours, à des degrés divers, le produit d'éléments extrin- De nombreux changements sont prédictibles dans la per-
sèques (entourage familial, professionnel, etc.), induits par ception que le sujet a de lui-même et dans la perception du
l'environnement, et d'éléments intrinsèques, liés aux traits sujet par les autres.
de personnalité du patient. Ainsi, certains patients semblent Certains patients, obèses depuis l'enfance, soucieux
velléitaires ou passifs et ne croient pas à leurs capacités de d'échapper à l'attention et, par-là, aux moqueries des
changement en raison d'une faible estime de soi, d'autres autres, ne savent pas comment se comporter avec un
pensent tout savoir, d'autres encore acceptent mal le cadre corps devenu anonyme au milieu des autres. Ils ont le
proposé par le parcours préchirurgical et se montrent into- sentiment de devenir « transparents  », faute d'avoir
lérants à la frustration. Il arrive que la chirurgie soit envisa- appris à aller vers les autres et « à s'utiliser avec leur nou-
gée comme la solution « miracle » qui va changer leur vie veau corps », et e­xpérimentent un nouvel isolement.

36
3. Prise en charge de la composante psychogène de l'obésité avant chirurgie bariatrique

Comme nous l'avons vu, l'amaigrissement entraîne par- Déterminants psychologiques de l'obésité
fois la réactivation de problématiques anciennes, en par-
Leur évaluation repose avant tout sur l'appréciation de la
ticulier pour ceux qui ont été victimes d'un abus sexuel
fonction du comportement alimentaire et de l'obésité dans
dans l'enfance.
la vie psychique et relationnelle du patient :
Comment va-t-il enfin pouvoir faire face aux éventuels ●
si les troubles psychiques sont secondaires à l'obésité, la
problèmes d'adaptation du conjoint, qui peut se sentir en
chirurgie aura un effet globalement bénéfique (diminution
danger et devenir jaloux face à ce nouveau corps, à cette
des comorbidités, amélioration de l'estime de soi, diminu-
nouvelle personne qui voit sa libido augmenter et qui
tion des affects dépressifs) et la perte de poids sera durable ;
semble plus désirable aux yeux des autres ? ●
si les troubles psychiques sont préalables au trouble du
comportement alimentaire (BED) et à l'obésité, le TCA est
la solution trouvée par le patient pour gérer son stress et
Qualité de vie et conséquences ses émotions et à l'occasion d'un stress psychosocial qui
psychologiques de l'obésité déborde ses défenses. Il existe un risque de voir réapparaître
en postopératoire des symptômes tels que :
Obésité et qualité de vie – la reprise de comportement addictif comme le BED
L'obésité diminue la qualité de vie en raison des entraînant une reprise pondérale, voire un forçage du
comorbidités physiques et psychiques associées, d'une dispositif chirurgical, une bascule addictive vers une
infertilité, de troubles sexuels. L'amaigrissement et la anorexie mentale, un abus de substance (alcoolisme,
réduction des comorbidités ne sont pas les seuls critères toxicomanie, etc.) ou encore des achats compulsifs, un
d'appréciation de la qualité de vie et du fonctionnement jeu pathologique, etc. ;
psychosocial postopératoire des patients. En effet, si – une décompensation anxiodépressive avec risque de
certains vont se satisfaire d'une perte de poids minime, passage à l'acte suicidaire.
d'autres restent insatisfaits malgré une perte de poids
très importante. D'autres, encore, après une période de Prises en charge adaptées avant
succès initial, reprennent du poids généralement après chirurgie et orientation du suivi
la réapparition d'un BED ou encore voient leur état
psychique se dégrader. Ainsi, environ 20 % des patients en postopératoire
seraient insatisfaits parce que la chirurgie n'a pas répondu
à leurs attentes. Les patients les plus à risque pour une À retenir
évolution péjorative de leur qualité de vie sont ceux
qui abandonnent leur suivi (problèmes d'observance) Toutes les comorbidités psychiatriques (troubles
ou qui ne sont pas capables de maintenir durablement anxieux, troubles thymiques, psychoses) doivent
leur changement de comportement alimentaire et leur être traitées à l'aide d'une pharmacothérapie et
hygiène de vie. d'une psychothérapie adaptée. Seule une stabilisa-
L'existence de comorbidités psychiatriques préopéra- tion durable des symptômes et vérifiée d'environ
toires comme la dépression serait plutôt prédictive d'une 6 mois à 1 an peut permettre d'envisager la chirurgie.
amélioration de la qualité de vie postopératoire à court
terme tandis que l'existence de trouble de la personnalité Il en va de même vis-à-vis des troubles addictifs, qu'ils
et d'un BED préopératoire influencerait négativement l'état s'agissent des addictions aux substances (alcool, tabac,
mental et la qualité de vie postopératoire. médicaments tels que les benzodiazépines, produits illi-
Néanmoins, dans les obésités sévères, la chirurgie reste cites comme l'héroïne, cocaïne, cannabis, etc.) mais aussi
une meilleure option pour le maintien de la perte de poids des addictions comportementales (achats compulsifs, jeu
et la qualité de vie que la prise en charge médicale et cela, pathologique, addiction aux écrans, etc.) qui nécessitent
même si la qualité de vie diminue entre la 2e et la 12e année l'obtention de changements de comportement et d'un
postopératoire [37]. sevrage durable et vérifié avant la chirurgie (6 mois).
Il faut noter que les complications chirurgicales posto- De nombreux auteurs considèrent que les TCA comme
pératoires influencent péjorativement la santé mentale des le BED doivent être considérés comme une addiction
patients qui requièrent, de ce fait, un soutien psycholo- alimentaire en raison de leur caractère compulsif et être
gique adapté [38]. sevrés durablement avant la chirurgie.
37
I. Évaluation préopératoire

La question de la psychothérapie Cas litigieux


Ils doivent être discutés en réunion clinique pluri-
préopératoire disciplinaire où l'évaluation de la balance bénéfice/
risque permettra d'opter pour la meilleure et parfois
Pour certains auteurs, il n'y aurait pas de bénéfice à attendre la moins mauvaise solution (gain d'espérance de vie
de la mise en place d'une psychothérapie cognitivo-­ même si le risque de reprise pondérale est manifeste).
comportementale préopératoire puisque, pour les patients
observants, la perte de poids à 1 an et à 2 ans [39] ne serait
pas différente de celle des patients qui n'ont pas eu de prise Références
en charge préopératoire. Il est donc suggéré de réserver la
psychothérapie aux patients qui reprennent du poids après [1] Sogg S. Bad words : why language counts in our work with bariatric
patients. Surg Obes Relat Dis 2018 ; 14(5) : 682–92.
la chirurgie.
[2] Ahmed  AT, Warton  EM, Schaefer  CA, Shen  L, McIntyre  RS. The
D'autres, au contraire, considèrent que la rémission pré- effect of bariatric surgery on psychiatric course among patients
opératoire du BED grâce à la psychothérapie améliore la with bipolar disorder. Bipolar Disord 2013 ; 15 : 753–63.
perte de poids et font de cette réponse positive du patient [3] Shelby SR, Labott S, Stout RA. Bariatric surgery : a viable treatment
au traitement un facteur prédictif d'une évolution post­ option for patients with severe mental illness. Surg Obes Relat Dis
2015 ; 11(6) : 1342–8.
opératoire plus favorable. [4] Mitchell JE, King WC, Chen JY, Devlin MJ, Flum D, Garcia L, et al.
Les principaux problèmes vis-à-vis de la psychothérapie Course of depressive symptoms and treatment inthe longitudi-
semblent être les difficultés d'un certain nombre de patients nal assessment of bariatric surgery (labs-2) study. Obesity (Silver
à disposer de capacités suffisantes pour s'inscrire dans ce Spring) 2014 ; 22 : 1799–806.
[5] Sheets C, Peat C, Berg K, White EK, Bocchieri-Ricciardi L, Chen EY,
type de travail (capacités d'introspection, intellectuelles,
et al. Post-operative psychosocial predictors of outcome inbariatric
etc.) mais aussi pour y adhérer. Friedmann et al. notent que surgery. Obes Surg 2015 ; 25 : 330–45.
les patients sont moins observants pour les prescriptions [6] Chen EY, Fettich KC, Tierney M, Cummings H, Berona J, Weissman J,
de psychothérapie (32 %) que de pharmacothérapie (85 %) Ward A, et al. Factors associated with suicide ideation in severely
[39]. Les hommes (31  %) sont moins observants que les obese bariatric surgery-seeking individuals. Suicide Life Threat
Behav 2012 ; 42 : 541–9.
femmes (62 %) et il n'y a pas de différence significative d'ob- [7] Hayden MJ, Murphy KD, Brown WA, O'Brien PE. Axis i disorders in
servance en fonction de l'âge, de l'IMC, du statut marital, adjustable gastric and patients : The relationship between psycho-
de l'existence d'une dépression, de troubles anxieux ou du pathology and weight loss. Obes Surg 2014 ; 24 : 1469–75.
comportement alimentaire. [8] Walfish S, Vance D, Fabricatore A. Psychological evaluation of baria-
tric surgery applicants : Procedures and reasons for delay or denial
À retenir of surgery. Obes Surg 2007 ; 17 : 1578–83.
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Review and suggested recommendations for assessment and
Situations pour lesquelles une psychothérapie management. Surg Obes Relat Dis 2012 ; 8 : 357–63.
pré et postopératoire est indispensable [10] Spadola C, Wagner E, Dillon F. Alcohol and drug use among pos-
toperative bariatric patients : A systematic review of the emerging

Le trouble du comportement alimentaire est
research and its implications. Alcohol Clin Exp Res 2015 ; 39(9)  :
la solution trouvée par le patient pour gérer son 1582–601.
stress et ses émotions (BED). [11] Mechanick JI, Youdim A, Jones DB, Timothy Garvey W, Hurley DL,

Il existe un trouble de la personnalité du Molly McMahon  M, et  al. Clinical practice guidelines for the
groupe  C (personnalité anxieuse, dépendante, perioperativenutritional, metabolic, and nonsurgical support of
the bariatric surgery patients – 2013 update  : cosponsored by
évitante). American Association of Clinical Endocrinologists, the Obesity

Il existe une vulnérabilité psychologique (anté- Society, and American Society for Metabolic & Bariatric Surgery.
cédents psychiatriques/traumatiques). Surg Obes Relat Dis 2013 ; 9 : 159–91.

Il faut aider le sujet à mobiliser ses ressources [12] Conason  A, Teixeira  J, Hsu  CH, Puma  L, Knafo  D, Geliebter  A.
Substance use following bariatric weight loss surgery. JAMA Surg
adaptatives.
2013 ; 148 : 145–50.
Contre-indications de la chirurgie [13] Bak  M. The potential for cross addiction in postbariatric surgery

Il existe de manifestes problèmes d'observance patients : Considerations for primary care nurse practitioners. J Am
Assoc Nurse Pract 2016 ; 28(12) : 675–82.
avec risques de perte de vue et de carences.
[14] Livhits M, Mercado C, Yermilov I, Parikh JA, Dutson E, Mehran A,

Il existe un trouble de la personnalité avec et al. Preoperative predictors of weight loss following bariatric sur-
immaturité, impulsivité, intolérance à la frustra- gery : Systematic review. Obes Surg 2012 ; 22 : 70–89.
tion (borderline, psychopathes, etc.).
38
3. Prise en charge de la composante psychogène de l'obésité avant chirurgie bariatrique

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Zwaan M, et al. The emergence of eating pathology after bariatric perative psychological treatment recommendations among
surgery : A rare outcome with important clinical implications. Int weight loss surgery candidates ? Surg Obes Relat Dis 2007 ; 3(3) :
J Eat Disord 2012 ; 45(2) : 179–84. 376–82.

39
Chapitre 4
Anneau modulable
par laparoscopie
Adjustable gastric banding
Jérôme Dargent

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 44
Gestion de la préparation, du suivi
et des ajustements 44
Difficultés et complications peropératoires 45
Complications 46
Résultats à 5 et 10 ans 50
L'anneau a-t-il encore une place
dans une stratégie bariatrique ? 51
Conclusion 51

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
II. Interventions validées

La place de l'anneau modulable laparoscopique dans Technique opératoire


l'arsenal bariatrique a rétréci depuis le début des années
2010, et il n'est pas certain que ce déclin soit réversible. Sa L'attrait de l'anneau modulable, au moins initialement, a
valeur de référence demeure cependant irremplaçable et, résidé dans la simplicité technique relative de la méthode,
surtout, on peut mettre à son crédit l'essentiel de « l'explo- l'évolution la plus importante ayant été acquise assez vite,
sion bariatrique » qui a eu lieu à la fin des années 1990 et aux alentours de 1998, avec la technique dite « pars flac-
début des années 2000. Tout a commencé avec un chirur- cida ». Il s'agissait de positionner l'anneau en dehors des
gien né en 1929 en Pologne, Lubomyr Kuzmak, qui émigra vaisseaux et nerfs de la partie haute de la petite courbure,
aux États-Unis en 1961. En 1983, il conçut un anneau en alors que la technique originale décrite par Belachew et al.
silicone avec un renfort en Dacron®, un système de bou- était dite « périgastrique » avec l'anneau placé au plus près
clage, et publiait sa méthode en 1986. Plusieurs chirurgiens de la paroi gastrique, laissant les éléments vasculo-nerveux
avaient antérieurement proposé d'autres moyens rudi- en dehors.
mentaires de striction de l'estomac mais avec un succès Le bon positionnement de l'anneau est capital, exacte-
variable. Mais en 1985, Kuzmak eut l'idée d'une portion ment au niveau de la jonction œsogastrique, de sorte à
« insufflable » ajoutée à l'anneau, et connectée à un tube laisser se constituer une poche de 20–25 cm3, antérieure,
avec un petit réservoir sous-cutané, assurant l'étanchéité au besoin (en début d'expérience principalement) avec
du circuit. Cela ne provoqua pas l'enthousiasme aux États- l'aide de la sonde gastrique dite de calibration munie d'un
Unis jusqu'à ce que ce dispositif soit modifié afin de le ballonnet de 25  cm3 à son extrémité. Placé trop haut,
rendre compatible avec la cœlioscopie en 1993 par Mitiku l'anneau risque de devenir dysphagiant et sans réelle sen-
Belachew en Belgique. Dans le même temps, un chirurgien sation de rassasiement ; trop bas et placé dans la bourse
suédois, Peter Forsell, mettait au point un modèle diffé- omentale, il entraîne rapidement la formation d'une poche
rent, de design plus rudimentaire quant au système de excessive, avec vomissements et nécessité d'une réinter-
bouclage, mais plus souple. C'est ce dernier modèle qui a vention plus ou moins précoce. L'anneau est verrouillé au
été utilisé chez 19 % des patients dans l'étude SOS, laquelle moyen de divers systèmes de bouclage, puis sécurisé par
a collecté à ce jour les meilleures preuves du bénéfice de des points séparés non résorbables, l'arrimant à l'estomac,
la chirurgie bariatrique (la gastroplastie verticale calibrée pour prévenir un glissement antérieur. Le cathéter est
représentait 68  % des procédures et le court-circuit gas- enfin arrimé au boîtier sous-cutané, lui-même positionné
trique, 13 %) [1]. en général dans le plan sous-cutané au niveau de l'hypo-
Cette évolution dans les années 1993–1995 a repré- condre gauche (fig. 4.1).
senté un bond en avant avec l'accès d'un grand nombre de
patients obèses à une méthode simple, peu dangereuse et
reproductible qui, de plus, était associée à la révolution lapa-
roscopique qui a concerné toute la chirurgie abdominale.
Gestion de la préparation,
L'effet de restriction alimentaire n'explique pas à lui seul les du suivi et des ajustements
bénéfices immédiats de l'anneau, probablement de même
que son caractère ajustable. Les récepteurs du rassasiement La préparation d'un patient à la pose d'un anneau modu-
et/ou de la distension gastrique, présents au niveau de la lable ne diffère pas fondamentalement de celle de tout
jonction œsogastrique, jouent un rôle tout aussi impor- autre opéré bariatrique. Les principes de l'éducation thé-
tant, mais variable d'un patient à l'autre et surtout dans le rapeutique préopératoire correspondent à une informa-
temps, expliquant les nombreux échecs observés à terme. tion détaillée et objective sur les risques et avantages de
Il faut se représenter le succès des débuts de l'anneau dans chaque intervention bariatrique laparoscopique validée
un contexte où dominaient alors deux interventions plu- en France, soit l'anneau, le court-circuit gastrique en  Y,
tôt complexes et controversées, réalisables essentiellement et la gastrectomie longitudinale. Le choix du patient
à l'époque par laparotomie  : le court-circuit gastrojéjunal doit en effet être éclairé et pertinent, même si la part de
en Y et la gastroplastie verticale calibrée (toutes deux d'ail- subjectivité reste indéniable. Il existe en particulier un a
leurs conçues par Edward Mason à Iowa city). L'avantage priori négatif vis-à-vis de l'anneau dans l'entourage des
de l'anneau modulable laparoscopique a donc été décisif patients dont l'inconfort alimentaire peut inciter à choisir
d'emblée, permettant rapidement de constituer de larges d'autres procédures. Comme pour les autres chirurgies,
séries même si, avec le recul, on pouvait déjà en pressentir l'alimentation initiale est mixée ou semi-liquide. Elle peut
les limites [2]. cependant rapidement devenir plus solide, donc moins
44
4. Anneau modulable par laparoscopie

Fig. 4.1
Anneau modulable de modèle courant implanté.
Dessin : Cyrille Martinet.

fractionnée, dès lors que le protocole standard ne prévoit Difficultés et complications


pas de resserrage de l'anneau avant un mois environ, selon
la tolérance digestive. peropératoires
La perte de poids du 1er mois est de 5 à 10 kg, et dans la
majorité des cas, un premier serrage de l'anneau peut Elles sont devenues rares et circonstancielles. L'évaluation des
alors avoir lieu. Il est conseillé de n'atteindre que progres- rapports anatomiques nécessaires à la technique est bien
sivement le serrage optimal de l'anneau, avec une quan- codifiée : identification des piliers, droit puis gauche, de la face
tité finale de sérum variable selon les recommandations postérieure de l'œsophage, de la poche gastrique antérieure,
du fabricant. Les anneaux courants actuels ont une capa- d'un espace de dissection postérieur qui reste au-dessus de la
cité de l'ordre de 10–12  cm3. La ponction du boîtier ne bourse omentale. Le sujet à adiposité interne modérée ne pré-
nécessite pas d'anesthésie locale en règle générale, mais sente pas de difficultés. Il en va autrement lorsque l'omentum
peut requérir un repérage radioscopique ou échogra- est très épaissi, le foie gauche occupe tout l'espace de travail, ou
phique. Un contrôle radioscopique après ingestion de les tissus graisseux viennent gainer la jonction œsogastrique.
produit de contraste est utile, sans être systématique. Le Dans de telles situations, une plaie postérieure de l'œsophage
passage du produit de contraste ingéré doit être étroit et reste possible et, plus rarement, un positionnement de l'an-
ralenti, sans blocage et sans distension de l'œsophage neau « à côté » de l'œsophage. La technique de « pars flaccida »
(vidéo 4.1 ). Les marges et les délais de resserrage sont a rendu quasi impossible une plaie vasculaire, alors que cette
ensuite à apprécier au cas par cas, en se méfiant de éventualité est toujours bien présente lors d'une chirurgie de
demandes excessives et/ou rapprochées, notamment en reprise, y compris lors d'une « simple » ablation d'anneau.
cas de méga-œsophage ou de comportement alimentaire Les conditions opératoires peuvent changer radica-
pathologiques (consommation excessive de produits lement dès lors que l'on réintervient  : ablation simple de
sucrés, compulsions alimentaires). l'anneau, ou compliquée, par exemple en cas d'érosion

45
II. Interventions validées

transgastrique, repositionnement d'un anneau avec poche Complications tardives (> 6 mois)


gastrique, etc. Le degré d'adhérences omentales et au lobe
hépatique gauche est très variable, de même que l'épaisseur Elles sont diverses, mais dominées par les trois premières
ou le caractère inflammatoire des tissus adjacents à l'an- décrites ici.
neau. Ceci concourt à la recommandation générale d'ob-
server un délai minimal de l'ordre de 3 mois entre l'ablation Glissement et dilatation
d'un anneau et la réalisation d'une réintervention. En 2018, de poche gastrique
la pose d'anneau et toute autre réintervention sur l'anneau
sont éligibles à la chirurgie ambulatoire, comme aux recom- Ces deux entités n'en constituent qu'une, car il s'agit du
mandations de la réhabilitation précoce améliorée (RAC). même mécanisme, favorisé par l'insufflation de l'anneau
et le « roulement » de la paroi gastrique à son contact,
parfois même si la fixation de l'anneau était correcte lors
de l'intervention initiale [3]. Le positionnement trop bas
Complications de l'anneau, dans la bourse omentale, induit cette compli-
cation presque automatiquement, et constitue une erreur
Complications postopératoires technique. Le glissement se traduit par des régurgitations
et vomissements répétés, et des douleurs qui peuvent être
précoces (1–6 mois)
aiguës. Les clichés de TOGD sont caractéristiques, avec
Elles sont également rares. Le glissement précoce de l'an- soit une dilatation concentrique de la poche gastrique,
neau est possible, surtout s'il n'y a pas eu de fixation. Les soit plus souvent une poche antérieure plus ou moins
complications septiques sont devenues exceptionnelles volumineuse (fig.  4.2 et 4.3), plus rarement postérieure
dès lors que l'on respecte les règles de dissection atrau- (fig. 4.4 et 4.5).
matique, en visualisant les piliers. Une perforation posté- Le traitement est d'abord radiologique, avec un
rieure de l'anneau est devenue exceptionnelle, et se traduit dégonflage total de l'anneau, ce qui permet à une dilata-
par des symptômes péritonéaux précoces. Sa fréquence tion ou un glissement modéré de rentrer dans l'ordre, au
ne rend pas nécessaire la pratique d'un transit opaque moins provisoirement. Le plus souvent, une nouvelle
systématique. inflation de l'anneau ne pourra être proposée que lorsque

Fig. 4.2
Glissement de l'anneau, avec poche antérieure.
Dessin : Cyrille Martinet.

46
4. Anneau modulable par laparoscopie

Fig. 4.3 Fig. 4.5
Poche gastrique antérieure (radiologie avec produit Poche gastrique postérieure (radiologie avec produit de contraste).
de contraste).

Fig. 4.4
Glissement de l'anneau, avec poche postérieure.
Dessin : Cyrille Martinet.

47
II. Interventions validées

l'anneau aura été refixé en bonne position, avec plusieurs Érosion transgastrique
sutures gastrogastriques (vidéos  4.2 et 4.3 ). Si la (fig. 4.6 à 4.8 ; vidéo 4.4 )
poche est trop volumineuse, la refixation ne suffit pas, il
faut soit repositionner plus haut le même anneau, soit le Également fréquente dans les débuts (jusqu'à 10  % dans
changer. À l'heure de la concurrence avec les autres inter- certaines séries), et probablement pour les mêmes raisons
ventions bariatriques, cette option conservatrice n'est techniques, elle est ensuite devenue rare (1–3  %) avec les
plus guère privilégiée, et patients comme chirurgiens pré- matériaux plus souples, exerçant moins de pression sur la
fèrent généralement l'ablation définitive de l'anneau, puis paroi gastrique. Son délai de survenue est très variable, en
une réintervention. En cas de glissement aigu, un geste règle au-delà de 3–5 ans, et devenant également rare au-delà
peut s'avérer très urgent avec un aspect très inflamma- de 10 ans, mais il n'existe pas de littérature consistante sur
toire d'une poche volumineuse, voire une nécrose et une le sujet, et les modèles d'anneaux susceptibles d'occasionner
perforation. Dans ces conditions, l'ablation au moins cette complication ont beaucoup varié. Il ne semble donc
temporaire de la prothèse ne se discute pas. Cette com- pas que la recommandation d'endoscopie à intervalles régu-
plication était très fréquente dans les premières étapes de liers devienne systématique pour la surveillance des anneaux.
l'anneau concernant jusqu'à 30  % des patients (années L'érosion est paradoxalement peu symptomatique, hor-
1995–1999). Avec la technique dite périgastrique et les mis lors de la transmission du phénomène suppuratif le long
premiers modèles d'anneaux, elle est actuellement stabi- de la connectique jusqu'au boîtier d'insufflation. Il s'agit le
lisée à 3–6 %. plus souvent de phénomènes de dysphagie et/ou brûlures

Fig. 4.6
Érosion transgastrique de l'anneau.
Dessin : Cyrille Martinet.

48
4. Anneau modulable par laparoscopie

cas de trajet postérieur inabordable), il est indispensable de


réaliser une gastrotomie antérieure pour accéder à l'anneau
en position intragastrique. Les complications septiques de ces
gestes sont fréquentes (abcès sous-phrénique, épanchement
pleural, fistule gastrique, etc.).

Dilatation de l'œsophage (fig. 4.9 et 4.10)


La fréquence réelle de cette complication est difficile à estimer
compte tenu de sa variabilité dans le temps, liée à la gestion
des serrages. Le taux serait de 10–15 %, mais bien plus élevé
si l'on prend en compte les serrages excessifs [4]. Elle entraîne
une dysphagie plus ou moins prononcée, tout en autorisant
longtemps une alimentation semi-liquide. Cette complica-
Fig. 4.7 tion passe par plusieurs stades évolutifs, depuis la dilatation
Érosion transgastrique de l'anneau (radiologie avec produit « tonique » traduisant le plus souvent simplement une surin-
de contraste).
flation de l'anneau, jusqu'à l'œsophage atone et virtuellement
achalasique. Dans les stades tardifs, il n'y a guère d'autre solu-
tion que le desserrage total de l'anneau, puis son ablation, en
fonction de la reprise pondérale éventuelle. En effet, la dyspha-
gie qui en résulte n'affecte pas la perte de poids, et accentue
souvent la propension aux liquides et semi-liquides à haute
valeur énergétique. Rarement, cette achalasie peut persister
après l'ablation de l'anneau, et on peut alors incriminer la zone
périannulaire de striction que l'on peut réséquer.

Intolérance alimentaire isolée


Sa définition pratique réside dans la persistance d'une dys-
phagie prononcée au-delà de quelques semaines de des-
serrage total d'un anneau, en l'absence d'une autre étiologie
explicative : le TOGD ne trouve pas de dilatation de l'œsophage
Fig. 4.8 et/ou d'une poche gastrique, et l'endoscopie ne montre pas
Migration intragastrique de l'anneau (scanner). de lésion dysphagiante (œsophagite érosive, ulcère de Barrett,
Remerciements P. Blanc.
etc.). Il n'existe pas de données corrélant une dysphagie de ce
type d'étiologie à des données manométriques. Néanmoins,
é­ pigastriques. Il convient donc de dépister cette complication plusieurs études ont montré l'absence de relation entre les
systématiquement devant tout symptôme inflammatoire en symptômes et les perturbations manométriques. On peut
regard du boîtier. Souvent, la détection se fait en radiologie penser que l'anneau entraîne à long terme des perturbations
devant une perte d'efficacité de l'anneau, et les clichés de de la motricité œsophagienne, et il est impossible de statuer
TOGD ou de scanner montrent la pénétration intragastrique sur la pérennité de telles perturbations à distance de l'abla-
de l'anneau à différents degrés. La gastroscopie confirme le tion de la prothèse. De même, aucune recommandation
diagnostic. Il n'existe pas d'autre traitement que l'ablation d'ablation systématique de l'anneau à long terme n'a jamais
définitive de l'anneau, car les phénomènes septiques sont iné- été validée. C'est finalement la perte d'efficacité dans un délai
luctables avec, de plus, une perte d'efficacité. La voie d'abord très variable (5 à 12 ans) qui motive dans la grande majorité
endoscopique a la préférence en raison de suites opératoires des cas une ablation de l'anneau à long terme. Ces ablations
plus simples, à condition toutefois que la pénétration intra- sont le plus souvent simples techniquement.
gastrique soit significative, ce qui impose d'attendre, et de
déconnecter préalablement l'anneau de sa tubulure (par voie
Problèmes de connectique
chirurgicale). Dans les autres cas, la voie laparoscopique per-
met, en général, de trouver le trajet de pénétration et de le fer- Ils résultent du cathéter d'insufflation ou du boîtier lui-
mer à points séparés après extraction de l'anneau. Parfois (en même (érosion transcutanée, douleurs, twist, d
­ éconnexion).
49
II. Interventions validées

Fig. 4.9
Dilatation de l'œsophage, stades évolutifs.
I. Dilatation modérée. II. Dilatation significative. III. Dilatation avec poche gastrique. IV. Dilatation incoercible.
Dessin : Cyrille Martinet.

Résultats à 5 et 10 ans
Dans les centres à haut volume qui ont publié leurs résul-
tats, ceux-ci restent favorables mais sur l'ensemble des
anneaux encore en place. Ainsi, pour Dixon et al., il existe
des preuves d'un réel effet métabolique, comme démontré
dans une étude randomisée qui a concerné la rémission du
diabète de type 2 après anneau versus traitement conven-
tionnel à 2 ans [5]. Pour les mêmes auteurs, les effets méta-
boliques persistent à long terme [6] : 70 % des anneaux à
10 ans étaient encore en place, avec une perte d'excès de
poids moyenne de 48  %, persistant à 15 et 20  ans. Dans
notre centre, les chiffres sont très comparables : 47,4 % à 10
Fig. 4.10 et 20 ans pour une cohorte de 2 200 patients opérés d'un
Dilatation significative de l'œsophage sur anneau gastrique anneau entre 1995 et 2017. Malheureusement, ces chiffres
(radiologie avec produit de contraste). ne reflètent que partiellement la réalité. Les patients perdus
de vue sont nombreux, et ceux qui n'ont plus d'anneau
Lorsque le cathéter est isolé et en situation libre intrapérito- ont, pour la majorité, bénéficié ensuite d'une réintervention
néale, il peut occasionner un syndrome douloureux mobile, bariatrique, avec de bons résultats éventuels qui ne peuvent
souvent en fosse iliaque droite. Outre les déconnexions, plus être mis au crédit de l'anneau.
plus ou moins fréquentes selon les différentes marques et Le déclin actuel de l'anneau a singulièrement modifié
modèles, l'anneau lui-même peut devenir poreux, voire la perception de l'efficacité de l'anneau chez les prati-
présenter une fuite sur le ballonnet interne (lorsqu'il est dis- ciens, les patients et leur entourage. On peut avoir de ce
socié de son enveloppe externe), une surinflation de l'an- phénomène une lecture positive  : dans le cadre de l'in-
neau favorisant des fissurations à long terme. On a même tention de traiter, plusieurs années de bons résultats avec
décrit sur certains modèles des débouclages spontanés de une intervention simple et une prothèse peu invasive
l'anneau. Selon les différents modèles d'anneau, eux-mêmes ont préparé le terrain à une intervention plus agressive
très évolutifs dans le temps, le taux de réintervention pour et efficace. Cependant, la lecture négative tend à domi-
la connectique varie de 5 à 40 %. ner  : l'anneau aurait induit des troubles significatifs du

50
4. Anneau modulable par laparoscopie

comportement alimentaire, engendré des interventions donner la partie en cessant de commercialiser ses anneaux.
multiples et des séquelles avec risque additionnel en cas Comme tous, nous avons pris acte de cette évolution, mais
de chirurgie de réintervention [7]. Mais même pour des l'héritage de l'anneau modulable est plus riche qu'on ne le
centres « fidèles » à l'anneau sur une longue durée [8], il pense, au-delà même de sa valeur historique « d'accompa-
faut reconnaître que les effets de l'anneau s'estompent gnant » de la révolution laparoscopique.
au cours du temps, notamment sur les comorbidités. Le paradoxe du court-circuit peut s'énoncer aujourd'hui
Concernant les études multicentriques, l'étude française en ces termes. Jamais cette intervention n'a eu autant de
de Lazzati et  al. est éloquente. Parmi tous les patients crédibilité, s'affirmant dans la communauté bariatrique
opérés d'un anneau en France entre  2007 et  2013 comme le gold standard, finalement jamais détrôné.
(52 868  patients), 10 815  anneaux ont été enlevés (soit Pourtant, du fait de sa relative complexité, il n'est pas plé-
20,4 %) [9]. Le taux d'ablation à 5, 6, et 7 ans a été respec- biscité par la majorité des patients, ni même des praticiens
tivement de 28, 34 et 40 %. Les deux tiers des ablations en tant qu'outil de premier choix, tandis que des inter-
ont été suivies par une chirurgie de réintervention baria- ventions que l'on peut qualifier « d'entrée de gamme »
trique. Il y avait toutefois une différence importante entre le sont, hier l'anneau, aujourd'hui la gastrectomie longi-
les centres à bas et à haut volume, les derniers faisant tudinale, avec les réserves sur cette dernière quant à son
mieux en termes de « survie de l'anneau ». N'Guyen et al., caractère sûr et efficace. Si l'on peut penser que l'anneau
aux États-Unis, avaient fait les mêmes constatations au ne ressuscitera pas, d'autres interventions peu agressives
sein de centres universitaires [10]. pourraient prendre le relais, telles que les procédures
Le succès de l'anneau modulable laparoscopique ne s'est endoscopiques. C'est probablement là l'héritage le plus
donc guère démenti pendant une dizaine d'années, puis a crédible de l'anneau : avoir défini une intervention de pre-
poursuivi sur sa lancée jusqu'à récemment. Les dernières mière ligne séduisante et facilement généralisable et pour
années ont vu un déclin rapide et irréversible de l'anneau, un temps. À l'heure de la Global Surgery Initiative mettant
de 24,4 % du total des procédures bariatriques en 2003 à en évidence le déficit des procédures chirurgicales simples
10 % en 2013. à travers le monde, il n'est guère imaginable de pouvoir
proposer un court-circuit gastro-intestinal en 1re  inten-
tion à l'ensemble de la population croissante d'obèses
L'anneau a-t-il encore une place morbides.
dans une stratégie bariatrique ?
Certains auteurs entendent conserver la place de l'anneau À retenir
dans l'arsenal bariatrique [11–13], en arguant de la possibi-
lité de sélection selon des critères de choix rigoureux. Les ■
L'anneau modulable doit sa popularité initiale à
recommandations de la Haute autorité de santé recon- sa reproductibilité par voie laparoscopique et sa
naissent encore une place possible pour l'anneau modulable. relative simplicité.
La présentation actuelle établit une gradation dans l'agres- ■
Les ajustements de l'anneau, au départ atout
sivité des techniques bariatriques depuis l'anneau jusqu'au majeur, sont difficiles à mettre en œuvre à large
court-circuit gastrique ou biliopancréatique, la gastrectomie échelle et à long terme.
longitudinale tenant lieu de compromis, et rencontrant ■
Les complications à court terme sont devenues
un indéniable succès. Ceci sous-entend une sélection des exceptionnelles.
patients selon leur degré de sévérité, prenant en compte ■
Les complications à moyen et long terme sont
l'IMC, les comorbidités, etc. Mais cette construction assez fréquentes  : glissement de l'anneau et/ou poche
théorique se heurte au choix du patient, qui s'oriente de gastrique excessive, dilatation de l'œsophage, éro-
moins en moins, voire plus du tout vers l'anneau. sion transgastrique devenue plus rare.

L'inconfort alimentaire et des résultats pondé-
raux médiocres à long terme expliquent le désa-
Conclusion veu croissant pour cette méthode bariatrique.

L'anneau gastrique est toujours recommandé
Témoin du discrédit qui tombait sur l'anneau gastrique, parmi les techniques bariatriques de 1re intention,
le plus grand fabricant mondial décidait en 2014 d'aban- mais sa part diminue régulièrement.

51
II. Interventions validées

``Compléments en ligne [3] Dargent J. Pouch dilatation and band slippage after adjustable gas-
tric banding : is it still an issue (a 7 year experience). Obes Surg 2003 ;
13(1) : 111–5.
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. [4] Dargent  J. Oesophageal dilatation after laparoscopic gastric ban-
(Ils sont indiqués dans le texte par un picto «  ». Ils pro- ding : definition and strategy. Obesity Surg 2005 ; 15(6) : 843–8.
posent des vidéos.) Pour voir ces compléments, connectez- [5] Dixon JB, O'Brien PE, Playfair J, et al. Adjustable gastric banding and
conventional therapy for type 2 diabetes : a randomized controlled
vous sur http://www.em-consulte/e-complement/475879
trial. JAMA 2008 ; 299(3) : 316–23.
et suivez les instructions. [6] Wentworth JM, Cheng C, Laurie C, et al. Diabetes Outcomes More
than a Decade Following Sustained Weight Loss After Laparoscopic
Adjustable Gastric Band Surgery. Obes Surg 2018 ; 28(4) : 982–9.
Vidéo 4.1
[7] Suter M, Calmes JM, Paroz A, et al. A 10-year experience with lapa-
Calibrage standardisé d'un anneau modulable laparoscopique. roscopic gastric banding for morbid obesity : high long-term com-
plication and failure rates. Obes Surg 2006 ; 16(7) : 829–35.
Vidéo 4.2 [8] Himpens  J, Cadiere  GB, Bazi  M, et  al. Long-term outcomes of
laparoscopic adjustable gastric banding. Arch Surg 2011 ; 146(7) :
Réduction d'une poche gastrique, puis refixation d'un anneau.
802–7.
[9] Froylich  D, Abramovich-Segal  T, Pascal  G, et  al. Long-Term (over
Vidéo 4.3 10  Years) Retrospective Follow-up of Laparoscopic Adjustable
Refixation d'une poche gastrique, puis refixation d'un anneau. Gastric Banding. Obes Surg 2018 ; 28(4) : 976–80.
[10] Nguyen NT, Hohmann S, Nguyen XM, et al. Outcomes of laparos-
copic adjustable gastric banding and prevalence of band revision
Vidéo 4.4 and explantation at academic centers : 2007–2009. Surg Obes Relat
Extraction d'un anneau pour érosion transgastrique. Dis 2012 ; 8(6) : 724–7.
[11] Tchokouani  L, Jayaram  A, Alenazi  N, et  al. The long-term
effect of the adjustable Gastric Band on esophageal motility in
Références patients who present for band removal. Obes Surg 2018 ; 28(2) :
333–7.
[1] Sjöström L, Lindroos AK, Peltonen M, et al, Swedish Obese Subjects [12] Pandolfino JE, El-Serag HB, Zhang Q, et al. Obesity : a challenge to
Study Scientific Group. Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk esophagogastric junction integrity. Gastroenterology 2006 ; 130(3) :
factors 10 years after bariatric surgery. N Engl J Med 2004 ; 1351(26) : 639–49.
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[2] Dargent  J. Laparoscopic adjustable gastric banding  : lessons from roscopic adjustable gastric band : Analysis and classification using
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446–52. Obes Surg 2010 ; 20(1) : 19–29.

52
Chapitre 5
Court-circuit gastrique en Y
Roux-en-Y gastric bypass
Robert Caiazzo, Grégory Baud, François Pattou

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 54
Difficultés et complications peropératoires 56
Complications 57
Résultats à 5 et 10 ans 61

Chirurgie bariatrique
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II. Interventions validées

Technique opératoire
(vidéo 5.1  )
Installation du patient
L'installation d'un patient obèse sévère, qui nécessite une
table adaptée au surpoids, est un moment important de
l'intervention, plus encore que chez un patient non obèse.
La position du patient doit permettre son inclinaison en
proclive d'au moins 30° et un roulis vers la droite comme
vers la gauche sans ajouter de points de compression non
protégés. Les positions extrêmes doivent être testées avant
la mise en place des champs car les patients glissent sou-
vent de plusieurs centimètres et le positionnement des bras
et des épaules doit pouvoir être réajusté. L'optique utilisée
est orientée à 30°. Les trocarts les plus bas sur l'abdomen ou
sur les flancs pourront être extra-longs pour les patients les
plus obèses.

Mise en place des trocarts


Le pneumopéritoine est créé le plus souvent par ponction Fig. 5.1
à l'aiguille de Veress sous le rebord costal gauche en regard Position des trocarts.
de la ligne mamelonnaire après les manœuvres de sécurité. Dessin : Cyrille Martinet.

Une fois le patient en proclive, l'appendice xiphoïde est clai-


rement palpé et dessiné. Le trocart optique est positionné
8 à 10 cm sous l'emplacement du trocart sous-xiphoïdien,
décalé vers la gauche pour éviter le ligament rond, enfoncé
légèrement en direction du cardia et non strictement per-
pendiculairement à la paroi. Un trocart de 12 mm est placé
sous contrôle de la vue, un large travers de main plus bas,
décalé vers la gauche ; l'optique y est alors insérée transi-
toirement pour contrôler plus facilement l'insertion de tro-
carts restant. Trois trocarts de 12 mm sont placés, 2 vers la
gauche, 1 vers la droite, sur la même ligne horizontale que
le premier trocart optique, espacés d'un travers de main
(fig. 5.1).

Intervention pas à pas


L'exposition du hiatus doit permettre d'identifier la petite
courbure jusqu'au pilier droit et l'angle de His entre le fun-
dus et l'œsophage afin de sectionner le ligament gastro-
phrénique à ce niveau. La confection de la poche gastrique
(fig. 5.2) commence par la section-coagulation, à 6 cm du
cardia, des branches vascularisant la petite courbure, sur
toute son épaisseur, jusqu'à la bourse omentale. L'agrafage Fig. 5.2
est d'abord horizontal de 45 mm puis vertical, de 60 mm Confection de la poche gastrique.
à une ou 2 reprises, éventuellement le long d'une sonde Dessin : Cyrille Martinet.

54
5. Court-circuit gastrique en Y

calibration, jusqu'à l'angle de His. L'hémostase le long des un tatouage spécifique sur la pince à préhension, jusqu'à
lignes d'agrafage doit être contrôlée au fur et à mesure. atteindre 150  cm. On identifie clairement 2  boucles en
Pour préparer l'ascension de l'anse jéjunale, nous section- oméga, l'une sur l'autre, composées de 4  anses succes-
nons systématiquement le grand omentum en avant de sives. Ces 2  boucles sont solidarisées par un point en  U
l'estomac. La dissection commence au ras du côlon trans- permettant de fixer l'exposition. Deux ouvertures diges-
verse (fig. 5.3) après avoir récliné la masse adipeuse vers le tives sont effectuées sur les anses 3 et 4, première étape
haut permettant de coaguler et sectionner en s'éloignant d'une anastomose semi-mécanique de 45 mm. Elles seront
du tube digestif, ce qui apparaît plus sûr. Le mésocôlon refermées par un surjet soit transversalement, soit longi-
transverse est alors récliné vers le haut, laissant apparaître tudinalement. La bascule vers la gauche de l'anastomose
l'angle duodénojéjunal à partir duquel sont mesurés grâce au point de suspension permet de s'exposer pour
50  cm d'intestin. Ce repère est marqué d'un point en  U la finalisation de l'anse en  Y par un agrafage linéaire ver-
servant de fil tracteur permettant l'ascension de l'anse tical de la première boucle en oméga, au bord gauche de
vers le moignon gastrique à la manière d'une anse en l'anastomose gastrojéjunale. Le point de suspension peut
oméga. Lors des manipulations et mesures intestinales, être démonté afin de faire descendre l'anastomose jéju-
il faut porter une attention particulière à l'identification nojéjunale (fig. 5.5) et rendre plus harmonieuse la boucle
et au rangement des différents segments afin de ne pas intestinale du pied de l'anse. L'absence de plaie intestinale
faire de montage à l'envers ou en O. L'anastomose gastro- doit être recherchée à ce niveau amenant soit à une répa-
jéjunale (fig. 5.4) est alors de type semi-mécanique avec ration soit à une courte résection si cette plaie siège sur
un agrafage de 30 à 45  mm, l'ouverture digestive étant un moignon intestinal borgne. L'espace intermésentérique
fermée par un sujet. La sonde de calibration est poussée est fermé systématique par un surjet de fil non résorbable
au travers de l'anastomose pour confirmer l'absence de que nous verrouillons à l'aide de clip. Le test au bleu est
sténose et préparer le test au bleu qui sera réalisé en fin effectué systématiquement, remplacé dans les cas les plus
d'intervention.
Après avoir donné un roulis maximal vers la droite,
l'anse alimentaire est déroulée de 5  cm en 5  cm, en fai-
sant basculer le segment d'amont dans le sens contraire
des aiguilles d'une montre, idéalement en se repérant sur

Fig. 5.3 Fig. 5.4
Côlon transverse et boucle jéjunale. Anastomose gastrojéjunale.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

55
II. Interventions validées

Fig. 5.5
Anastomose jéjunojéjunale.
Dessin : Cyrille Martinet.
Fig. 5.6
Fin du court-circuit gastrique.
difficiles par une endoscopie digestive haute et un test à A : anse alimentaire ; B : anse biliaire ; C : anse commune.
l'air. Le roulis est ensuite porté sur la gauche pour exposer Dessin : Cyrille Martinet.
l'espace de Petersen qui sera fermé selon la même tech-
nique que pour l'espace intermésentérique (fig. 5.6). observé d'ischémie de la poche et le rehaussement à l'admi-
nistration d'ICG (vert d'indocyanine) reste inchangé ;
2. après la section du grand omentum, envisager de pous-
Difficultés et complications ser le décollement colo-omental jusqu'à l'exposition de la
face postérieure de l'estomac. Il est alors aisé de section-
peropératoires ner le ligament gastrocolique jusqu'à l'arcade vasculaire
de la grande courbure (voire la sacrifier). Le passage en
Anse intestinale qui « ne monte rétrocolique et rétrogastrique est aussi possible mais reste
pas » jusqu'au moignon gastrique exceptionnel ;
3. ouvrir superficiellement le feuillet péritonéal antérieur
Nous proposons dans ce cas d'effectuer les manœuvres du mésentère au niveau de la zone de tension de la boucle
suivantes : intestinale ascensionnée ;
1. mobiliser le moignon gastrique en ouvrant le feuillet 4. s'il persiste une tension significative au niveau de la zone
péritonéal en avant du cardia et, si nécessaire, mobiliser d'anastomose, préférer une technique de suture mécanique
complètement la petite poche en la libérant des piliers circulaire (diamètre 25 mm, agrafes 3,5 mm) ou manuelle
droit et gauche comme lors d'une cure de hernie hiatale. afin de faire porter l'anastomose sur le bord inférieur du
Cette manœuvre rend la paroi de l'estomac plus congestive moignon gastrique et non sur sa face postérieure, et gagner
lui amenant une couleur plus violacée. Nous n'avons pas ainsi quelques centimètres.
56
5. Court-circuit gastrique en Y

Agrafage sous-muqueux Complications postopératoires


ou défaut d'agrafage précoces (1–6 mois)
Nous proposons dans ce cas d'avoir comme philosophie de Péritonite
préférer revenir à « une feuille blanche », c'est-à-dire de
refaire intégralement l'agrafage de la poche et recommen- Les péritonites postopératoires sont causées soit par
cer l'anastomose depuis le début. Il faut parfois s'aider de fils une fistule anastomotique, soit par une plaie de l'intes-
tracteurs pour être assuré que le ré-agrafage est en tissus tin grêle lors de sa manipulation. L'incidence de ces
sains. L'utilisation d'une sonde de calibration est indispen- complications est variable suivant les études, allant de
sable pour garantir un volume minimal à la poche gastrique 0,8 à 7 %. Lorsque la prise en charge est précoce, la péri-
(vidéo 5.2 ). tonite reste localisée et de bon pronostic. Lorsque son
diagnostic est tardif (> 24  heures), elle s'associe alors
à une défaillance multi-organe pouvant aboutir à une
Hématome lors de la fermeture prise en charge en réanimation dont la mortalité est
alors estimée à 23 % [3].
de l'espace intermésentérique L'apparition de signes cliniques et biologiques de la péri-
Le passage de l'aiguille lors de la fermeture du mésentère tonite est le plus souvent retardée chez le patient obèse. La
est effectué à l'aveugle. Fréquemment, elle occasionne un tachycardie postopératoire est, pour notre centre, le signe
saignement et un hématome. Afin de limiter son volume, le plus précoce (fig.  5.7). Elle n'est qu'exceptionnellement
nous plaçons rapidement un clip sur le fil afin de serrer due à une embolie pulmonaire isolée, c'est-à-dire sans fis-
prématurément le surjet. La poursuite de la suture est tule, chez un patient sans antécédent personnel ou familial
le plus souvent possible jusqu'à la fermeture complète de thromboses veineuses profondes. Si une fréquence car-
de l'espace et la mise en place d'un clip de verrouillage diaque inférieure à 100 bpm chez un patient sans médica-
supplémentaire. ment bêtabloquant permet d'écarter à 99 % le diagnostic
de péritonite, une tachycardie supérieure à 120 bpm doit
faire organiser une reprise chirurgicale dans les meilleurs
Foie nodulaire et suspicion délais. Dans la situation intermédiaire, il faut savoir r­éaliser
de cirrhose
Cette situation doit amener à pratiquer une biopsie hépa- 1
tique à l'aiguille fine et à interrompre l'intervention. Un
Valeur prédictive positive

bilan hépatologique sera nécessaire en cas de cirrhose et la 0,8 < 15 %


prise en charge bariatrique sera contre-indiquée en dehors
de protocole de recherche dans un centre expert. 0,6

0,4 <1 % 70 %
Complications
0,2
La mortalité de la dérivation biliopancréatique avec anse
en  Y (Roux-en-Y Gastric Bypass  : RYGB) est supérieure à 0
celles de l'anneau gastrique et de la gastrectomie en man- 60 80 100 120 140
chon (sleeve gastrectomy) mais inférieure à celle de la déri- Fréquence cardiaque (bpm)
vation biliopancréatique [1]. Le taux de complication après Fig. 5.7
RYGB est difficile à extraire de la littérature en raison de la Modélisation de la valeur prédictive positive de péritonite à J1
multitude de définitions du terme « complication ». Pour d'un RYGB, après un premier remplissage vasculaire de 500 cm3
de sérum physiologique, en fonction de la fréquence cardiaque.
Chang et al., qui ont publié en 2014 une méta-analyse des Si la fréquence cardiaque est normale (identique à celle mesurée
complications de la chirurgie de l'obésité, le taux de compli- en préopératoire), le risque de péritonite est inférieur à 1 %. Une
cation global du RYGB serait de 7,3 à 17 % (71 020 patients fréquence cardiaque supérieure à 120 bpm (rythme sinusal) évoque
une péritonite en 1re intention. Il peut aussi s'agir d'un saignement
pris en compte) et le taux de réintervention de 4,48 à 6,48 % et une évaluation de l'hémoglobinémie en urgence doit être
(23 688 patients) [2]. systématique.

57
II. Interventions validées

une imagerie complémentaire, même chez un patient prescrit à la recherche d'un hématome pariétal, intra-­
asymptomatique. Si l'imagerie n'est pas contributive et si abdominal ou intraluminal associé ou pas à une fuite de
le doute persiste, une cœlioscopie exploratrice doit être produit de contraste.
réalisée.
La connaissance des facteurs permettant d'anticiper le
risque de fistule anastomotique après RYGB doit amener
Complications tardives (> 6 mois)
le chirurgien bariatrique encore dans l'amorce de sa courbe Lithiase biliaire
d'apprentissage à reconsidérer l'intervention et à confier le
patient à un centre expert. L'antécédent d'abdominoplas- Dans les 2 ans qui suivent un RYGB, les patients ont 5 fois
tie augmente les difficultés opératoires par une distension plus de risque d'avoir une lithiase biliaire. Ce risque devient
moindre de la cavité abdominale diminuant l'espace de similaire à celui de la population générale au-delà de 2 ans.
travail. On observe par ailleurs une tendance à un plus fort La moitié des calculs existant avant l'intervention devien-
taux de péritonite chez les patients aux antécédents de dront symptomatiques et 20  % entraîneront des compli-
chirurgie gastrique (p = 0,15) ou hiatale (p = 0,08). cations sévères. Néanmoins, le risque global après RYGB
La technique opératoire dépend du tableau clinique et reste faible avec 5,3 % de calculs symptomatiques, 1 % de
septique : cholécystite, 0,2 % de pancréatite et 0,2 % d'angiocholite. La

en cas de fistule de l'anastomose gastrojéjunale, une réin- réalisation de la cholécystectomie pendant l'intervention
tervention par voie cœlioscopique pour une toilette péri- augmente le risque de complication postopératoire et la
tonéale et un bilan lésionnel est préférable. Si la fistule est durée de l'hospitalisation. Ainsi, la tendance actuelle est de
punctiforme et due à une malfaçon, une simple suture laisser en place les vésicules alithiasiques. En cas de calcul,
complémentaire peut être envisagée. Dans tous les autres il n'y a pas de consensus et la cholécystectomie concomi-
cas, il faut privilégier la réfection de l'anastomose avec une tante est une bonne option si les conditions opératoires
recoupe économe du moignon gastrique ; sont favorables. L'abstention ou la cholécystectomie sys-

si la péritonite est due à une fistule de l'anastomose jéju- tématique différée sont aussi acceptables et doivent être
nojéjunale, la réintervention dans cette situation plus grave associées, comme en cas de vésicule alithiasique, à la pres-
nécessite souvent une conversion en courte laparotomie cription d'acide ursodésoxycholique.
sous-xiphoïdienne [4]. Le recours à cet abord plus invasif
permettra d'optimiser la toilette péritonéale et de pouvoir Occlusions
refaire dans de bonnes conditions l'anastomose distale en la Hernie interne (vidéo 5.4 ) [6]
remplaçant par 2 anastomoses jéjunojéjunales, une proxi-
male au niveau de l'anse alimentaire et un nouveau pied Après la réalisation d'un RYGB, il existe des espaces entre
d'anse plus distal [5]. Dans ce cas, le geste se terminera par les mésos propices à l'incarcération d'anses digestives. Ces
la réalisation d'une gastrostomie de décharge qui permettra espaces sont situés entre les anses jéjunales du pied de
un meilleur bilan morphologique par des opacifications l'anse, entre l'anse alimentaire et le mésocôlon transverse
intestinales plus sélectives et enfin un complément nutri- ou au travers du mésocôlon en cas d'ascension transméso-
tionnel parentéral chez des patients souvent dénutris colique de l'anse montée. Lorsque l'intestin s'incarcère bru-
(vidéo 5.3 ). talement au niveau de l'un de ces espaces, il survient une
hernie interne conduisant à une occlusion intestinale par
strangulation se traduisant par des douleurs importantes,
Hémorragies
le plus souvent de l'hypocondre gauche et de l'épigastre. Si
Les saignements digestifs peuvent être retrouvés dans deux l'anse alimentaire est le siège de l'occlusion, la symptoma-
situations : tologie sera initialement des vomissements postprandiaux

en postopératoire immédiat, en regard le plus souvent immédiats puis une intolérance alimentaire. L'occlusion de
des lignes d'agrafes, plus rarement au niveau d'un méso ou l'anse biliaire, particulièrement trompeuse, procure des nau-
de la rate ; sées réfractaires sans vomissement. L'obstacle siégeant sur

à distance, au niveau d'un ulcère anastomotique. l'anse commune se traduit par des vomissements bilieux.
En postopératoire précoce, le saignement se traduit L'arrêt des matières et des gaz est tardif et la persistance
d'abord par une tachycardie isolée puis par une pâleur et de selles ou de gaz ne doit pas faire éliminer le diagnostic.
une soif en rapport avec la déglobulisation. En l'absence Le plus souvent, les hernies internes ne se traduisent
d'extériorisation de sang, un scanner abdominal doit être pas par une symptomatologie aiguë mais par des dou-
58
5. Court-circuit gastrique en Y

leurs chroniques intermittentes sans réelle occlusion,


ce qui rend impossible l'établissement de leur réelle
incidence. C'est pourquoi celle-ci varie entre 0 et 14  %
dans la littérature. La fermeture primaire des espaces est
nécessaire [7] mais ne doit pas compromettre l'interven-
tion si les conditions opératoires sont particulièrement
défavorables. La réalisation d'une suture en surjet à l'aide
d'un fil monobrin non résorbable verrouillé de part et
d'autre par un clip de grande taille permet, même dans
les situations difficiles, de fermer les espaces propices à
la survenue des hernies internes. Le diagnostic de hernie
interne doit être évoqué devant des douleurs abdomi-
nales aiguës après RYGB et motiver la réalisation d'un
scanner même en l'absence de trouble du transit. En
cas de doute clinique, et malgré la présence d'un scan-
ner rassurant, une cœlioscopie exploratrice est souvent
réalisée et le taux de résection digestive atteint 10 % [7]
et ce, même dans les centres experts. La grossesse ou le
post-partum précoce sont des périodes particulièrement
sensibles qui favorisent l'apparition des hernies internes
et rendent leur diagnostic plus délicat.

Invagination intestinale Fig. 5.8


Il s'agit d'une complication rare qui touche un patient Sténose d'anastomose gastrojéjunale en endoscopie.
Remerciements P. Blanc.
opéré d'un RYGB sur 2 000. L'histoire clinique commence
par des douleurs intermittentes associées à des signes
occlusifs résolutifs puis permanents. Le diagnostic est alors

Une sténose légère admet le passage d'un endoscope
apporté par l'imagerie, en majorité le scanner abdominal. classique de 1 cm. Une seule dilatation endoscopique est
L'invagination siège le plus souvent au pied de l'anse [8]. généralement suffisante.
Le mécanisme est mal connu et implique des troubles du

Une sténose modérée admet le passage d'un endoscope
péristaltisme intestinal associés à une dénutrition. Le traite­ pédiatrique de 8 mm.
ment le plus efficace semble être soit le démontage du

Une sténose sévère n'admettra que le passage d'un fil
RYGB chez les patients dénutris (amenant à une reprise de guide avant dilatation. Plusieurs séances de dilatations
poids), soit la réfection de l'anastomose jéjunojéjunale qui endoscopiques (maximum 3) peuvent alors être nécessaires
est préférée à la fixation intestinale, peu efficace pour pré- pour permettre une reprise satisfaisante de l'alimentation.
venir les récidives douloureuses.

Si la sténose est complète, le pronostic est mauvais et sa
réfection chirurgicale s'impose le plus souvent [11] malgré
un traitement endoscopique agressif (dilatations multiples
Complications anastomotiques [9]
associées à des incisions radiaires).
Sténose (fig. 5.8)
Ulcères
La sténose anastomotique est une des principales compli-
cations du RYGB [10]. Elle peut être due à une malfaçon, Coblijn et  al. ont fait une revue de la littérature en  2014
le plus souvent un surjet prenant la face postérieure de incluant 787  cas extraits d'une série cumulée de 16 987
l'anastomose. Les autres causes sont la fistule, l'ischémie et patients [12]. L'incidence globale était de 4,6 % (extrêmes :
l'ulcère peptique. Son diagnostic est fait le plus souvent au 0,6–25  %). Les facteurs de risques, non consensuels néan-
moment de l'élargissement des textures alimentaires, c'est- moins, semblaient être les suivants :
à-dire à la fin du 1er mois. Il est évoqué devant des vomis- ●
la réalisation d'une anastomose avec du matériel non
sements à l'alimentation et des douleurs épigastriques, et résorbable [13] (présence dans 32 % des cas de fragments
confirmé par TOGD ou endoscopie. de fils ou d'agrafes au fond de l'ulcère [14]) ;
59
II. Interventions validées


la persistance d'un moignon gastrique (poche) de éléments favorisent la perte de cheveux (zinc) et, de manière
grande taille ou d'une fistule gastrogastrique responsable plus insidieuse, l'immunité (zinc et sélénium). La perte de
d'une hyperacidité [15] ; poids rapide favorise une dénutrition protéique (sarcopénie)

la présence d'Helicobacter pylori [16] ; amenant à une asthénie, des douleurs musculaires et un retard

le tabagisme et le recours aux anti-inflammatoires non à la cicatrisation. Le risque de carences vitamino-­protéiques
stéroïdiens favorisant la formation d'ulcères et leurs com- s'aggrave fortement en cas de complication chirurgicale. La
plications (perforation) mais aussi freinant leur cicatrisa- prise en charge nutritionnelle doit donc faire partie de la
tion [17]. stratégie mise en place dès le diagnostic de la complication
Le diagnostic est évoqué devant des douleurs épigas- en privilégiant la voie entérale. Les complications nutrition-
triques (57 %), des saignements (15 %) ou une perforation nelles après RYGB étant fréquentes, une supplémentation
(15 %). Il peut être de découverte fortuite dans les équipes systématique, en particulier en fer, vitamine B12, calcium et
effectuant des endoscopies systématiques au cours de la vitamine D ainsi qu'une surveillance régulière des paramètres
surveillance post-chirurgie bariatrique [12]. biologiques sont indispensables [18].
La prise en charge de l'ulcère non compliqué est médi-
cale et repose sur la prescription d'inhibiteurs de la pompe à
Troubles du transit, douleurs
protons. L'éradication d'Helicobacter pylori est systématique
en cas de dépistage positif. L'arrêt du tabac et de tous les fac- abdominales, dumping syndrome
teurs favorisants l'ulcère est un prérequis indispensable pour et hypoglycémie fonctionnelle
qualifier celui-ci de « résistant » et avancer vers une prise en Troubles du transit
charge plus invasive, à savoir la réfection de l'anastomose.
Elle est proposée dans un cas sur 4 dans certaines séries avec La constipation est fréquente et plutôt attendue après
un taux de succès de 87 % en cas de d'anomalie anastomo- RYGB, causée par la diminution des ingesta et/ou de
tique (moignon large et fistule gastrogastrique) [15]. l'hydratation. Cependant, certains patients se plaignent de
diarrhées parfois invalidantes et d'étiologies variées :

l'existence d'une intolérance au lactose doit être recher-
Complications nutritionnelles
chée à l'interrogatoire ;
Deux facteurs participent au risque de carences nutrition- ●
les patients décrivent parfois des flatulences et ballon-
nelles après RYGB  : la réduction des apports alimentaires nements associés permettant de s'orienter vers une pullu-
et la malabsorption [18]. Le volume de la poche gastrique lation microbienne. Le diagnostic de certitude est confirmé
limite mécaniquement les volumes ingérés. À cela, il faut par le breath-test et le traitement, parfois d'épreuve, est la
ajouter les modifications hormonales entraînant une décontamination par un antibiotique d'excrétion biliaire
perte d'appétit et du goût des aliments [19], l'existence fré- comme le métronidazole ;
quente d'un dumping syndrome et la malabsorption géné- ●
l'existence d'une stéatorrhée (diarrhées graisseuses accom-
rée par le court-circuit intestinal, notamment l'exclusion de pagnées parfois d'une incontinence) relève d'un traitement par
la partie proximale de l'intestin grêle et la digestion partielle extrait pancréatique. Elle doit aussi faire réévaluer le montage
de la bile avant son contact avec les aliments [20]. chirurgical afin d'estimer la longueur des anses intestinales ;
Le risque de carence concerne l'ensemble des vitamines ●
enfin, en l'absence d'anomalie anatomique (anse com-
et des oligo-éléments. Les déficits en vitamines du groupe B mune courte ou anse biliaire trop longue), les diarrhées
peuvent entraîner des complications neurologiques irréver- peuvent s'intégrer à un dumping syndrome  : postpran-
sibles comme des neuropathies périphériques ou une encé- diales, favorisées par des aliments gras ou sucrés, s'accom-
phalopathie de Gayet-Wernicke par carence en vitamine B1. pagnant de flushs et de sensations de malaises ou d'erreurs
Une carence en vitamine  B9 ou  B12 peut être à l'origine diététiques flagrantes. Le tableau peut être incomplet et se
d'une anémie macrocytaire. La carence en fer est fréquente, résumer à une tachycardie postprandiale [21].
notamment chez les femmes non ménopausées et entraîne En cas d'inefficacité des différents traitements d'épreuve
une anémie microcytaire. Les insuffisances en calcium et en et en l'absence de causes évidentes, un bilan complet auprès
vitamine D conduisent à une ostéopénie voire une ostéopo- d'un gastro-entérologue incluant une endoscopie haute et
rose. Plus rarement, souvent en raison d'un amaigrissement basse avec biopsies doit être demandé afin d'éliminer une
rapide et/ou d'une complication chirurgicale, les carences en maladie inflammatoire du tube digestif ignorée par le bilan
vitamines liposolubles (A, D, E, K) affectent la vision, la coagu- préopératoire. Le diagnostic de troubles fonctionnels intes-
lation, le stress oxydatif ou l'immunité. Les carences en oligo- tinaux reste un diagnostic d'élimination.
60
5. Court-circuit gastrique en Y

Dumping syndrome sans que leur efficacité ait été clairement démontrée.
Le traitement chirurgical est réservé aux manifestations
Le dumping syndrome est fréquent après RYGB, plutôt
sévères en cas d'échec des prises en charge médicales opti-
au cours de la 1re  année postopératoire. Il regroupe un
males. Il peut consister en la mise en place d'un anneau de
ensemble de symptômes survenant dans la période post-
restriction gastrique sur le moignon gastrique du RYGB,
prandiale immédiate souvent en réponse à l'ingestion trop
une réfection de l'anastomose (plus serrée) ou le démon-
rapide et/ou en trop grande quantité d'aliments ou de
tage du RYGB.
liquides hyperglucidiques ou hyperlipidiques.
Le remplissage rapide de la poche gastrique et l'arrivée
d'un contenu hyperosmolaire au niveau de l'anse intestinale
entraînent une diffusion de liquide du secteur intravascu- Résultats à 5 et 10 ans
laire vers la lumière de l'intestin, favorisant une cascade de
réponses neurovégétatives et hormonales responsable de Perte de poids
signes cliniques vasomoteurs et digestifs. Il doit être évoqué
devant l'association de palpitations, flushs, sueurs, fatigue Le RYGB offre une perte de poids conséquente et durable
intense nécessitant de s'allonger, sensations de malaise [23].
pouvant aller jusqu'à la syncope, nausées, douleurs abdo-

Au cours des 2 premières années, la perte de poids est
minales et diarrhées. rapide. Dans la méta-analyse de Chang et al., la perte d'ex-
Le traitement repose essentiellement sur les règles hygié- cès de poids à 1 an était de 72 % (IC 95 % : 64–80 %) pour
nodiététiques  : manger lentement, boire à distance des les essais randomisés et de 63 % (IC 95 % : 54–72 %) pour
repas et éviter les « aliments déclencheurs » que le patient les études observationnelles [2].
reconnaît rapidement.

Après les 2 premières années, la perte de poids tend à
se stabiliser. Ainsi, à 5 ans, la perte d'excès de poids était de
Hypoglycémie fonctionnelle 65 % (IC 95 % : 44–86 %) pour les études observationnelles
[2]. Dans deux études contrôlées randomisées ayant ana-
Lorsque le dumping syndrome survient 1 à 3 heures après lysé les résultats à 5 ans, la perte poids était de 23,2 ± 9,6 kg
le repas (dumping tardif), son mécanisme est différent. Il et 37,0 ± 13,8 kg [24, 25].
correspond à une hypoglycémie post-stimulative. Elle est ●
Après 5 ans, une reprise de poids est observée et touche
rencontrée plutôt au-delà de la 1re  année postopératoire près de 20 % des patients opérés [26]. Dans une étude ayant
[22]. Les symptômes les plus fréquents sont des suées, analysé les résultats à plus de 10 ans de suivi, la perte d'excès
tremblements, vertiges, une sensation de faim, une perte de de poids était de 54 % (IC 95 % : 28–68 %) [27]. À 12 ans, ce
la concentration et, de manière exceptionnelle, une perte bénéfice pondéral semble se maintenir avec une perte de
de connaissance. Les mécanismes sont incomplètement poids de 27 kg (IC 95 % : 25–28 kg) (fig. 5.9) [23].
élucidés, impliquant une réponse hormonale massive (effet
incrétine/pic de sécrétion d'insuline) et une levée de l'insuli-
norésistance par l'amaigrissement responsables de la chute
Pourcentage de perte de poids (%)

0 Contrôles
rapide de la glycémie.
Le diagnostic repose en premier lieu sur l'existence de –5
signes cliniques contemporains d'une glycémie inférieure à –10
0,6 g/L. Les symptômes peuvent être ressentis à des valeurs –15
de glycémies considérées comme non pathologiques. C'est –20
alors l'hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) ou RYGB
–25
la mise en place d'un holter glycémique qui permettent le
–30
diagnostic en objectivant de rapides variations de la glycé-
mie de signification identique à une authentique hypogly- –35
cémie. Le traitement repose en premier lieu sur les règles 0 1 2 3 4 6 8 10 15 20
Temps (années)
hygiénodiététiques, essentiellement l'éviction des sucres
rapides, l'enrichissement de l'alimentation en sucres lents et Fig. 5.9
en fibres, et le fractionnement des prises alimentaires. Évolution pondérale à long terme après RYGB d'après l'étude
SOS [35].
En cas d'échec, certaines molécules peuvent être propo- Une reprise pondérale à 2 ans est systématique avec un plateau à
sées comme l'acarbose ou la somatostatine (hors AMM) 25 % de perte de poids total.

61
II. Interventions validées

Rémission du diabète de type 2 = 0,54 ; IC 95 % : 0,46–0,64) [34]. Ces résultats sont concor-
dants avec ceux d'une autre méta-analyse, dans laquelle
Il y a plus de 20 ans, Pories a décrit une normalisation rapide le taux de rémission de l'hypertension après RYGB était
de la glycémie après RYGB chez les sujets obèses et souffrant de 81 % (IC 95 % : 68–91 %) pour les études randomisées
d'un diabète de type  2 (DT2) [28]. La notion de « rémis- et de 78 % (IC 95 % : 64–89 %) pour les études observa-
sion » du DT2 s'est progressivement imposée pour refléter tionnelles [2]. Cet effet de la chirurgie sur l'HTA survient
la normalisation des paramètres glucidiques en l'absence précocement après l'intervention chirurgicale. Cependant,
de traitement hypoglycémiant. L'amélioration de l'équilibre elle semble être moins efficace lorsque l'HTA est sévère
glycémique survient précocement et indépendamment de (trithérapie) et qu'elle évolue depuis plusieurs années (pro-
la perte de poids [29]. De plus, cet effet est également plus bablement > 10 ans). À long terme, les données de l'étude
important que celui attendu avec la simple perte de poids suédoise sur les sujets obèses ont montré une réduction
[30]. Ces observations suggèrent que les réarrangements de la pression artérielle systolique (de 5,1 mmHg ; IC 95 % :
anatomiques de l'intestin proximal contribueraient directe- 3,1–7,1  mmHg) et diastolique (de 5,6  mmHg ; IC  95  %  :
ment à l'effet métabolique du RYGB [20]. 4,4–6,7 mmHg), 10 ans après RYGB [35]. Au-delà, le taux de
Dans une méta-analyse, Buchwald et al. ont montré que rémission de l'hypertension artérielle observée dans l'étude
plus de 80  % des patients diabétiques de type  2 étaient prospective d'Adams et al. chez 162 patients hypertendus
en rémission 2 ans après la chirurgie [31]. Plusieurs études était de 36 % (IC 95 % : 26–47 %) [23]. Enfin, il semblerait
contrôlées randomisées prospectives ont confirmé que la également que la chirurgie diminue le risque de survenue
chirurgie bariatrique, et notamment le RYGB, permet d'ob- d'une hypertension artérielle chez les sujets opérés par rap-
tenir un meilleur équilibre glycémique que le traitement port au traitement médical [23].
médical seul chez des patients obèses et diabétiques [32].
L'analyse de ces RCT (Randomized Controlled Trial) montre
une réduction de l'HbA1c d'environ 2 % 5 ans après RYGB, Résolution de la dyslipidémie
permettant ainsi à près de 50 % des patients d'atteindre un La dyslipidémie est une comorbidité fréquemment ren-
pourcentage d'HbA1c inférieur à 7 % sans aucun traitement contrée chez les sujets obèses et représente un facteur de
antidiabétique [24, 25]. Cependant, une récidive du DT2 est risque cardiovasculaire modifiable majeur. Après court-­
classiquement observée chez près de 35 à 50 % des patients circuit gastrique, le profil lipidique s'améliore rapidement
initialement en rémission. La durée du diabète (> 8 ans), le dès la 1re année et se maintient au-delà de 5 ans [36]. Dans
traitement par insuline et le mauvais contrôle glycémique une méta-analyse, le taux de rémission pour la dyslipidémie
préopératoire sont associés à un taux plus faible de rémis- après court-circuit gastrique était estimé à 80  % dans les
sion du DT2, voire de récidive. Dans la grande majorité des études randomisées et à 63 % dans les études observation-
cas, les patients opérés bénéficient néanmoins d'une amé- nelles [2]. Les données groupées d'études avec un suivi d'au
lioration substantielle de leur équilibre glycémique au long moins 2 ans ont également démontré un taux rémission de
cours, comme suggéré dans une étude prospective obser- l'hyperlipidémie chez près de 60 % des patients opérés d'un
vationnelle ayant inclus 418  patients opérés d'un RYGB RYGB [37]. Ces résultats semblent ensuite s'estomper avec
dont 87 patients diabétiques de type 2 dans laquelle le taux un taux de rémission de 43 % à 5 ans [38]. À 12 ans, l'étude
de rémission du DT2 était de 75 % à 2 ans, 62 % à 6 ans, et de Adams et  al. révèle néanmoins la persistance d'une
51 % à 12 ans [23]. augmentation du HDL-cholestérol chez 82 % des patients,
d'une diminution du LDL-cholestérol et des triglycérides
chez 59 et 94 % des patients opérés d'un RYGB respective-
Résolution de l'hypertension ment [23].
artérielle
L'obésité est la principale cause d'hypertension et repré- Effets sur la stéatose hépatique
sente 77 % des cas d'HTA chez les hommes et 64 % chez et la NASH
les femmes. La prévalence de l'HTA est estimée à 18,1  %
chez les individus sains contre 52,3  % chez les personnes La maladie non alcoolique du foie liée à l'obésité (Non
souffrant d'obésité de classe  III [33]. Les données regrou- Alcoholic Fatty Liver Disease  : NAFLD), dont le spectre
pées provenant de 20 études ont démontré que la chirur- s'étend de la simple stéatose à la stéato-hépatite (NASH),
gie réduisait de moitié le risque d'HTA (risque relatif [RR] à la fibrose avancée, la cirrhose ou au carcinome
62
5. Court-circuit gastrique en Y

Préopératoire 1 an 5 ans

A B C

D E F
Fig. 5.10
Coupes histologiques de biopsies hépatiques pré et postopératoires réalisées chez une femme de 62 ans avec un score NAS
(NAFLD Activity Score) de 5 au départ et une rémission complète 5 ans après RYGB.
Avant la chirurgie, les biopsies hépatiques ont révélé une fibrose péricentrolobulaire modérée (A) et une stéato-hépatite sévère (D, étoiles).
À 1 et 5 ans, la fibrose (B, flèche, C) et la stéato-hépatite (E, F) ont considérablement diminué. Barre : 50 μm.

­ épatocellulaire, est devenue une des principales causes


h boliques et augmente la morbidité cardiovasculaire. Après
d'hépatopathie chronique dans le monde. Dans la majorité RYGB, le taux de rémission du SAS est estimé à 94 % dans
des cas, la NAFLD est fortement associée aux comorbidi- les études randomisées et à 95 % dans les études observa-
tés métaboliques telles que la dyslipidémie, la résistance à tionnelles. Cependant, ces résultats doivent être interprétés
l'insuline, le DT2 et le SAS (syndrome d'apnée du sommeil). avec prudence car il existe de nombreux biais potentiels
Une étude de cohorte longitudinale prospective a confirmé résultant de critères d'inclusion hétérogènes, de la durée
les effets bénéfiques de la chirurgie de l'obésité sur NAFLD, du suivi, de la méthodologie de diagnostic et des variables
en étroite relation avec la perte de poids et la diminution de évaluées.
la résistance à l'insuline [39]. Plus récemment, il a été égale-
ment montré une régression complète des lésions histolo-
giques hépatiques chez près de 85 % des patients atteints
de NASH, 1 an après la chirurgie [40]. Au sein de la même À retenir
cohorte, chez 662  patients opérés d'un RYGB, le taux de ■
La chirurgie bariatrique est actuellement le trai-
stéatose a diminué de 33 ± 26 à 8 ± 14 % à 1 an et est resté
tement le plus efficace de l'obésité, permettant
stable à 5  ans (9 ±  16  %) [41]. L'amélioration des lésions
une perte de poids importante et prolongée.
histologiques du foie au long cours était en grande partie ■
Le court-circuit gastrique, par les modifications
liée à la perte de poids. Cependant, un effet métabolique
de l'anatomie du tractus gastro-intestinal qu'il
spécifique du RYGB et indépendant de la perte de poids se
engendre, permet d'obtenir une amélioration de
dégageait de cette étude. Ainsi, le RYGB semble être l'inter-
la plupart des comorbidités liées à l'obésité (HTA,
vention chirurgicale de choix de l'obésité morbide associée
stéatose et NASH, diabète de type 2, etc.).
avec la NAFLD sévère (fig. 5.10). ■
Cependant, les mécanismes à l'origine de ces
effets spectaculaires restent encore largement
Effets sur le syndrome inexpliqués.
d'apnée du sommeil ■
Leur parfaite compréhension est donc un enjeu
majeur pour le développement de traitements
Le syndrome d'apnée du sommeil est un trouble du som- ciblés et moins invasifs susceptibles de prévenir ou
meil très répandu, en particulier chez les patients obèses. Il de traiter l'obésité et les maladies métaboliques
est connu pour être étroitement lié aux anomalies méta- qui lui sont associées.
63
II. Interventions validées

``Compléments en ligne en-Y gastric bypass surgery  : analysis of 1291 patients. Surg Obes
Relat Dis 2006 ; 2(2) : 92–7.
[11] Goitein  D, Papasavas  PK, Gagne  D, Ahmad  S, Caushaj  PF.
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Gastrojejunal strictures following laparoscopic Roux-en-Y gastric
(Ils sont indiqués dans le texte par un picto «  ». Ils pro- bypass for morbid obesity. Surg Endosc 2005 ; 19(5) : 628–32.
posent des vidéos.) Pour voir ces compléments, connectez- [12] Coblijn  UK, Goucham  AB, Lagarde  SM, Kuiken  SD, van
Wagensveld  BA. Development of ulcer disease after Roux-en-Y
vous sur http://www.em-consulte/e-complement/475879
gastric bypass, incidence, risk factors, and patient presentation : a
et suivez les instructions. systematic review. Obes Surg 2014 ; 24(2) : 299–309.
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64
5. Court-circuit gastrique en Y

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et al. Gastric bypass surgery is followed by lowered blood pressure

65
Chapitre 6
Gastrectomie longitudinale
Sleeve gastrectomy
David Nocca, Marta Silvestri, Ahmed Alkhamis, Audrey de Jong,
François-Régis Souche

PLAN DU C HAPITRE
Principes 68
Technique opératoire 68
Morbimortalité 69
Difficultés et complications peropératoires 69
Complications 70
Résultats à 5 et 10 ans 72

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
II. Interventions validées

Principes Technique opératoire (vidéo 6.1 )


La technique de gastrectomie longitudinale consiste en Après la création du pneumopéritoine (open technique à
l'exérèse des 2/3 de l'estomac dans le but de créer une l'ombilic), 5  trocarts sont introduits en position classique
diminution majeure de la capacité gastrique (environ pour la chirurgie gastrique laparoscopique (fig. 6.2).
150  mL) pour stimuler précocement le rassasiement des ●
Le premier temps opératoire est la libération de la grande
patients et diminuer la quantité d'aliments ingérés (fig. 6.1). courbure gastrique à l'aide d'un dissecteur ultrasonique. La
Cet effet mécanique se conjugue avec un effet hormonal libération complète du pilier gauche est réalisée pour véri-
(diminution du taux de sécrétion de ghréline [hormone fier l'absence de hernie hiatale. Le cas échéant, celle-ci est
orexigène sécrétée en grande partie au niveau du fundus]) systématiquement traitée dans le même temps (myorra-
et une augmentation de la sécrétion de cholécystokinine. phie des piliers ± valve antireflux).
Plusieurs études ont montré une augmentation de la sécré- ●
Le deuxième temps correspond à la dissection complète du
tion des hormones du frein iléal comme le GLP-1 ou le PYY. ligament gastrophrénique postérieur ainsi que des vaisseaux
Ces hormones ont un effet satiétogène et, pour le GLP-1, courts gastriques, qui est nécessaire pour pouvoir réaliser une
un effet sur la sécrétion d'insuline. L'augmentation impor- résection large du fundus. Une attention particulière est portée
tante de la vitesse de vidange gastrique explique sans doute pendant ce temps opératoire pour éviter toute lésion splé-
la perte pondérale rapide des patients opérés. La gastrec- nique. Un tube de calibrage gastrique (37  Fr) préalablement
tomie longitudinale a été décrite par Regan et al. en 2000 positionné par l'anesthésiste à 20 cm des arcades dentaires est
comme le premier temps chirurgical d'un court-circuit poussé dans la cavité gastrique en butée sur l'antre. Le ballonnet
gastrique ou d'une anse en  Y sous laparoscopie en deux distal de cette sonde est alors gonflé à 50 cm3 pour calibrer de
temps pour les patients méga obèses (IMC > 60 kg/m2) [1]. manière plus précise la partie antrale qui restera en place. La lon-
Du fait de l'analyse de résultats intéressants sur la perte gueur de ce ballonnet est de 6 cm lorsqu'il est gonflé à 50 cm3.
pondérale pour un taux de morbidité diminué chez ●
La section gastrique verticale commence ensuite sur la paroi
ce type de patient, il a ensuite été proposé de réaliser cette de l'antre gastrique calibrée par la sonde par un agrafage linéaire
intervention dans un objectif de traitement à part entière mécanique dont les chargeurs peuvent être renforcés par un
pour les patients atteints d'obésité sévère ou massive [2]. biomatériel synthétique. Après dégonflage du ballonnet de la

Fig. 6.1 Fig. 6.2
Schéma de la gastrectomie longitudinale. Principe de la gastrectomie longitudinale avec valve antireflux.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

68
6. Gastrectomie longitudinale

sonde, une mobilisation systématique sur 2 cm est réalisée avant périopératoire de notre centre retrouve un taux de 0,06 %
chaque agrafage pour vérifier l'absence d'agrafage du tube ou de (2/3 000). Les causes étaient une embolie pulmonaire et
sténose (notamment au niveau de l'angulus). La transsection un infarctus du myocarde. Il faut souligner que le taux de
gastrique réalise un trajet parallèle à la petite courbure, au contact mortalité périopératoire n'a cessé de diminuer ces dernières
du tube de calibrage. Cinq à 6 chargeurs sont en moyenne utili- années en raison de la fin de la courbe d'apprentissage ainsi
sés. L'exposition de l'estomac, qui doit rester dans le même axe que des progrès majeurs en anesthésie réanimation des
pendant tout le temps de l'agrafage, est primordiale pour évi- patients obèses.
ter un phénomène de twist gastrique. De plus, il faut souligner
qu'une distance de sécurité supplémentaire d'environ 1 cm est
nécessaire au niveau de l'angle de His pour ne pas sectionner Difficultés et complications
l'œsophage et diminuer le risque de fistule. L'étanchéité de la
poche gastrique est vérifiée par injection de bleu de méthylène peropératoires
dans le tube gastrique. L'utilisation de colle biologique peut être
Elles sont essentiellement représentées par les lésions
réalisée dans certains cas, pour recouvrir la ligne d'agrafage dans
hémorragiques du foie (souvent volumineux et stéatosique)
le but de refixer le ligament gastrocolique et gastrosplénique à
et de la rate. Des lésions de perforation d'organe creux (esto-
la tranche de section, prévenir un twist gastrique et essayer de
mac, intestin) sont rares, retrouvées dans moins de 1 % des
diminuer la sévérité d'éventuelle fistule postopératoire [3].
cas [6]. Les lésions liées à la création du pneumopéritoine
Le temps opératoire moyen en l'absence de complica-
sont possibles, notamment en cas d'utilisation d'une aiguille
tion est de 45 minutes.
de Véres. Le dépistage échographique d'un volumineux lobe
gauche hépatique peut être utile dans ce cas. Une prépa-
Prise en charge postopératoire
ration diététique visant à diminuer le volume du foie peut
être réalisée lorsque le volume du foie gauche est important

La majorité des patients est adressée en service
(par exemple : utilisation de régimes protéinés pauvres en
de soins continus pour une surveillance postopé-
graisses), tant pour faciliter l'opération que pour prévenir
ratoire rapprochée pendant 24 heures.
une éventuelle sarcopénie postopératoire. Un traumatisme

Un monitoring cardiaque permet de contrôler
œsophagien causé par la descente du tube de calibrage gas-
l'absence de tachycardie. La compression intermit-
trique est décrit de manière exceptionnelle dans la littéra-
tente pneumatique des membres inférieurs, installée
ture. Le calibrage est important car s'il est insuffisant, il peut
après l'induction anesthésique en salle opératoire,
amener à une dilatation de la gastrectomie (fig. 6.3).
est laissée en place pendant cette période.

Un contrôle radiologique aux hydrosolubles a
longtemps été effectué dans notre centre. Depuis
2011, nous avons préféré réaliser une TDM avec
opacification digestive haute en cas de suspicion
de complication en raison du faible pourcentage
de sensibilité du TOGD pour le dépistage des fis-
tules précoces [4]. Un angioscanner est systémati-
quement couplé en cas de doute.

L'alimentation est reprise sous forme de boisson
à J + 1 puis mixée à J2–J15 puis hachée à J16–J30.

Une prévention thromboembolique par HBPM
est réalisée pendant 15 jours.

Le temps d'hospitalisation moyen en l'absence de com-


plication est de 3 jours.

Morbimortalité
La mortalité périopératoire est évaluée à 0,29 % dans une Fig. 6.3
revue de littérature récente de Chang et al. [5]. La mortalité Gastrectomie dilatée au transit gastroduodénal.
69
II. Interventions validées

Complications en hospitalisation à domicile est le plus souvent réalisée


quand l'état général du patient le permet. La persistance
de la fistule après 6  mois de traitement endoscopique
Complications postopératoires doit faire discuter la réalisation d'un traitement chirurgical
précoces (1–6 mois) ­(fistulo-jéjunostomie, court-circuit gastrique) ou une gas-
trectomie totale de nécessité [9].
Fistule sur la ligne d'agrafage
Elle correspond à un lâchage de la ligne d'agrafage localisé Complications hémorragiques
le plus souvent au niveau de la partie supérieure du man- Différents sites anatomiques peuvent être à l'origine d'un
chon gastrique (0 à 7 % des cas) [6]. La physiopathologie saignement pouvant nécessiter une réintervention. Le plus
de cette complication est mal connue (zone de faiblesse fréquent est la tranche de section gastrique (fig. 6.6), ce qui
anatomique, ischémie, erreur technique, hyperpression justifie l'utilisation de différentes manœuvres de prévention
intragastrique). Cette complication doit être dépistée très utilisées en peropératoire (par exemple : renforcement de
rapidement sur les signes cliniques classiques (tachycardie, l'agrafage par biomatériaux résorbables biosynthétiques,
dyspnée, fièvre, douleur abdominale ou épaule gauche,
syndrome inflammatoire biologique). Le diagnostic est
confirmé par la réalisation d'une TDM abdominale avec
opacification digestive haute (fig. 6.4), qui permet de clas-
ser la fistule en 4 stades [7]. Une ré-exploration chirurgicale
laparoscopique est la règle devant tout doute diagnostic.
Le délai d'apparition est variable (fistule aiguë, précoce ou
tardive).
Le traitement consiste généralement en la mise en
place d'un drainage efficace (chirurgical ou endosco-
pique) pouvant être associé à une alimentation entérale
ou parentérale (la réalisation d'une jéjunostomie est sou-
haitable suivant les conditions techniques). L'utilisation de
prothèse œsophagienne posée par voie endoscopique est
moins utilisée actuellement, remplacée par l'utilisation de
drains « en queue de cochon » qui semble plus efficace et
surtout moins morbide (fig. 6.5). Le temps de cicatrisation Fig. 6.5
moyen est long (environ 4 mois) [8]. Une prise en charge Drainage de la fistule.

Fig. 6.4
Fistule en haut de la ligne d'agrafage.

70
6. Gastrectomie longitudinale

traitement repose sur la prise de sucralfate (Ulcar®). En cas


d'inefficacité, la conversion en court-circuit gastrique peut
être nécessaire.

Complications tardives (> 6 mois)


Reflux gastro-œsophagien
C'est la complication principale à long terme de la gas-
trectomie longitudinale, retrouvée dans 15 à 45  % des
études [11]. Le traitement par inhibiteur de la pompe à
protons est le plus souvent efficace sur les symptômes
des patients. En cas d'inefficacité médicamenteuse, une
conversion en court-circuit gastrique peut être proposée.
Fig. 6.6 La possible apparition d'un endobrachyœsophage (17 %)
Hématome de la tranche de section gastrique. justifie un contrôle endoscopique postopératoire [12]. La
réalisation d'une technique de Nissen-sleeve, combinant
enfouissement de la ligne d'agrafage par surjet, hémostase la confection d'une fundoplicature à une résection gas-
élective par clips en titane ou coagulation bipolaire) [10]. trique dans le but de prévenir le reflux gastro-œsophagien
Les autres sites incriminés sont les ligaments gastrocolique post-gastrectomie longitudinale, a été récemment décrite
et gastrosplénique, l'artère gastrique postérieure et, bien et les résultats à court terme semblent prometteurs [13].
évidemment, la rate, de manière moins spécifique : le foie
et les orifices de trocarts. Carences nutritionnelles
Sténoses gastriques Elles sont moins fréquentes qu'après court-circuit gastrique
ou dérivation biliopancréatique mais ne sont pas rares. Une
Les sténoses gastriques sont consécutives à des erreurs supplémentation par vitamines (A, B1, B6, B9, B12, C, D),
techniques. Un agrafage trop proche de la petite courbure, oligoéléments (fer, calcium, zinc, sélénium) est recomman-
notamment au niveau de l'angulus, peut être à l'origine dée pendant 6 mois en phase postopératoire. La carence en
d'une occlusion digestive haute. Un twist gastrique peut fer est fréquente, comme après le court-circuit gastrique et
aussi apparaître si l'axe de section gastrique change entre la carence en vitamine B12 peut justifier d'une supplémen-
le premier et le dernier agrafage. La mobilisation systé- tation à long terme chez certains patients (cf. chapitre 14).
matique du tube de calibrage est recommandée avant Une éventuelle carence aura été dépistée et traitée en
tout agrafage. Le traitement de cette complication peut phase préopératoire. Les carences d'apports en protéines
être endoscopique (dilatation pneumatique) mais le plus sont possibles, en raison du faible taux d'ingesta protéinés
souvent chirurgical (court-circuit gastrique, myotomie en phase postopératoire précoce (30 g/j en moyenne) [14].
gastrique). Une supplémentation sous forme liquide ou solide peut
être bénéfique dans certains cas. Il est important de souli-
Thrombose de la veine porte gner qu'un bilan nutritionnel clinique et biologique régulier
C'est une complication rare qui se traduit par l'apparition est recommandé à vie en période postopératoire.
de douleurs abdominales fébriles quelques jours après l'in-
tervention. Le diagnostic est réalisé par TDM abdominale. Complications biliaires
Le traitement est médical (héparine à dose efficace).
L'apparition de calculs symptomatiques de la vésicule
biliaire est possible après gastrectomie longitudinale.
Reflux biliaire Coupaye et al. ont observé un taux de 28 % de formation
C'est une complication exceptionnelle qui se traduit par de calculs biliaires 2 ans après l'opération, dont 12 % symp-
des vomissements systématiques lors de la réalimenta- tomatiques [15]. Ce phénomène est essentiellement dû au
tion. Dans ce cas, une prévention du syndrome de Gayet- ralentissement de l'activité de la vésicule biliaire secondaire
Wernicke doit être systématique (vitamine  B1 en IV). Le à la diminution de la quantité du bol alimentaire quotidien.
71
II. Interventions validées

Résultats à 5 et 10 ans pourcentages décrits dépendent aussi des critères de


rémission choisis par les auteurs. Ces critères ont évo-
lué avec le temps et les recommandations des sociétés
Perte pondérale savantes. Le taux limite d'HbA1c a notamment baissé ces
Elle est comprise entre 45 et 70  % de l'excès de poids à dernières années avec un seuil de rémission hors traite-
5  ans [16–21]. Deux études randomisées récentes com- ment médical à 5,6 % actuellement. Les rechutes dans le
parant la gastrectomie longitudinale au court-circuit gas- temps ne sont pas rares et justifient un suivi au long cours
trique (à 5  ans) ont souligné d'une part l'efficacité de la à vie [19]. L'efficacité de la gastrectomie longitudinale est
première avec des pertes d'excès de poids de 45 et 61 %, expliquée par la perte pondérale importante mais sur-
mais surtout sa non-infériorité comparativement au RYGB tout par l'effet hormonal (augmentation de la sécrétion
(Roux-en-Y Gastric Bypass  : dérivation biliopancréatique de GLP-1, augmentation du pool d'acides biliaires, etc.)
avec anse en  Y) [16, 17]. Les résultats à plus long terme souligné dans de nombreuses études à l'origine d'une
(10  ans) semblent être tout aussi satisfaisants avec 53  % action rapide sur le métabolisme glucidique. La rémission
de perte d'excès de poids dans l'étude de Felsenrecih et al. du diabète est décrite après 3 mois postopératoires dans
et 62,5 % de perte d'excès d'IMC dans la série de Arman l'étude d'Arman et al. [20].
et  al. [19, 20]. De bonnes sélection et préparation des ●
L'arrêt des traitements antihypertenseurs est rapporté
patients associées à une technique de qualité et à un suivi dans 23 à 77 % des cas [16–21] et souvent corrélé à la perte
au long cours pluridisciplinaire sont les clés de la réussite de poids.
de l'opération. ●
La normalisation du taux de triglycéridémie est observée
Cependant, les échecs de perte de poids ou reprises de chez 47 à 67 % des patients [16–18].
poids importants ne sont pas rares (20 à 35 %). ●
Des résultats sont décrits concernant le syndrome d'ap-
née du sommeil avec un taux de résolution de 45 % et de
95 % d'amélioration [16–21].
Causes d'échec

Enfin, Peterli et  al. soulignent une disparition des
­d ouleurs dorsolombaires ou de genou dans 55  % des

Une erreur technique peut se produire par cas [16].
réalisation d'une gastrectomie longitudinale trop
large ou incomplète (non-résection d'une partie
À retenir
du fundus). Dans ce cas, une conversion en RYGB
ou plus rarement une nouvelle gastrectomie lon- ■
La gastrectomie longitudinale est une technique
gitudinale (re-sleeve) peuvent être proposés. Il faut
efficace sur la perte de poids à moyen terme et sur
cependant souligner un taux plus important de
le traitement des comorbidités liées à l'obésité
fistule décrit après re-sleeve [22] ;
sévère.

La réapparition de troubles du comportement ■
L'amélioration des résultats publiés ces dernières
alimentaire (compulsions ou accès hyperpha-
années est expliquée par une meilleure standardi-
giques – binge-eating) est plus difficile à traiter
sation de la technique mais surtout par une meil-
chirurgicalement.
leure sélection et information des patients.

Une fistule sur la partie haute de la ligne d'agra-
fage est la complication postopératoire majeure
Dans tous les cas, une analyse pluridisciplinaire est
qui doit être dépistée rapidement pour permettre
recommandée avant toute réintervention.
un traitement rapide.

La morbidité postopératoire à long terme est
Efficacité sur les comorbidités essentiellement représentée par le reflux gastro-
œsophagien, le plus souvent amélioré par le trai-
liées à l'obésité
tement par inhibiteur de la pompe à protons.

La rémission du diabète de type 2 à long terme après ■
Une surveillance endoscopique est recomman-
gastrectomie longitudinale est soulignée dans de nom- dée pour dépister toute apparition d'endobra-
breuses études, variant de 28 à 61  %. Cependant, les chyœsophage à distance de la chirurgie.

72
6. Gastrectomie longitudinale

``Complément en ligne Buttressing in Sleeve Gastrectomy in High-Risk Patients. Obes Surg


2016 ; 26(8) : 1710–6.
[11] Del Genio G, Tolone S, Limongelli P, Brusciano L, D'Alessandro A,
Un complément numérique est associé à ce chapitre. (Il Docimo G, et al. Sleeve gastrectomy and development of "de novo"
est indiqué dans le texte par un picto « ». Il propose gastroesophageal reflux. Obes Surg 2014 ; 24(1) : 71–7.
une vidéo.) Pour voir ce complément, connectez-vous sur [12] Pallati  PK, Shaligram  A, Shostrom  VK, Oleynikov  D, McBride  CL,
Goede  MR. Improvement in gastroesophageal reflux disease
http://www.em-consulte/e-complement/475879 et suivez
symptoms after various bariatric procedures : review of the Bariatric
les instructions. Outcomes Longitudinal Database. Surg Obes Relat Dis 2014 ; 10(3) :
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Vidéo 6.1 Nissen Sleeve (N-Sleeve) operation : preliminary results of a pilot
Gastrectomie longitudinale. study. Surg Obes Relat Dis 2016 ; 12(10) : 1832–7.
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Endosc 2015 ; 29(10) : 2899–903.
Clinical and Economic Evaluation of Absorbable Staple Line

73
Chapitre 7
Dérivation biliopancréatique
avec anse en Y
Biliopancreatic diversion with duodenal
switch
Lara Ribeiro-Parenti, Simon Msika

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 77
Difficultés et complications peropératoires 78
Complications 78
Résultats à 5 et 10 ans 80
Réinterventions 80

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
II. Interventions validées

La dérivation biliopancréatique (DBP) est une procédure ●


la DBP avec anse en  Y (Duodenal Switch – DS), dans
ancienne de chirurgie bariatrique reposant essentiellement sur laquelle la gastrectomie distale est remplacée par une gastrec-
un processus de malabsorption. Elle regroupe deux entités : tomie longitudinale. L'AA est anastomosée au duodénum et

l'intervention princeps, développée par Scopinaro et al., l'AC est plus longue afin de diminuer les effets secondaires
consistant en une gastrectomie distale avec un rétablisse- (fig. 7.2) [2, 3].
ment de la continuité digestive par une anse en Y avec une La DBP représente dans le monde environ 1 % des inter-
anse alimentaire (AA) de 250  cm et une anse commune ventions de chirurgie bariatrique réalisées [4].
(AC) de 50 cm (fig. 7.1) [1] ;

Fig. 7.1
Dérivation biliopancréatique selon Scopinaro.
Gastrectomie subtotale distale. 1. Anse alimentaire 250 cm. 2. Anse biliopancréatique. 3. Anse commune 50 cm.
Dessin : Cyrille Martinet.

76
7. Dérivation biliopancréatique avec anse en Y

Fig. 7.2
Dérivation biliopancréatique avec anse en Y.
Gastrectomie longitudinale.
Dessin : Cyrille Martinet.

Indications Technique opératoire


En France, cette intervention est réservée aux L'intervention se déroule dans l'immense majorité
patients avec un indice de masse corporelle (IMC) des cas en cœlioscopie. L'installation du patient est
supérieur ou égal à 50  kg/m2 et/ou après échec identique à celle des autres procédures de chirurgie
d'une autre technique. bariatrique.

77
II. Interventions validées

Les étapes sont les suivantes : trophiques, des troubles de la coagulation et, bien sûr, des

premier temps : celui d'une gastrectomie longitudinale ; antécédents de thrombose et/ou d'embolie pulmonaire. Une

dissection duodénale puis section à 2–3 cm du pylore ; chirurgie longue ou une hospitalisation prolongée apparaissent

création d'une anse alimentaire de 150–250 cm ; aussi comme un facteur de risque. Rezvani et al. rapportent un

confection d'une anastomose iléo-iléale à 100 cm de la taux de thrombose veineuse profonde et d'embolie pulmo-
valvule iléo-cæcale (pied de l'anse) ; naire chez, respectivement, 8 et 4 personnes dans un groupe

confection d'une anastomose duodéno-iléale ; de 362 patients ayant eu un DS sous cœlioscopie [11].

fermeture systématique des brèches. La thrombose mésentérico-porte est une complication
rare (0,5 % après gastrectomie longitudinale) [12] dont la
physiopathologie est mal connue : ischémie splénique, dés-
Difficultés et complications hydratation postopératoire, exposition de la veine splénique
peropératoires et son contact avec la ligne d'agrafes ou une collection,
changement du flux sanguin lié à la section des vaisseaux
Elles sont très peu détaillées dans la littérature et souvent courts, altérations hémodynamiques liées au pneumopéri-
abordées sous la forme de conversion en laparotomie et toine ou syndrome de thrombophilie. Le tableau clinique
en gastrectomie longitudinale seule [5]. Les complications est variable : allant de vagues douleurs abdominales à un
peropératoires spécifiques de la DBP sont principalement tableau d'ischémie mésentérique constituée.
liées aux difficultés de la dissection duodénale. Une dissec-
tion incomplète peut se compliquer d'une plaie duodénale Complications pulmonaires
ou d'une hémorragie par plaie des vaisseaux pancréatiques
ou gastroduodénaux lors du passage de la pince et/ou de L'un des bénéfices importants de la chirurgie laparosco-
l'agrafage/section duodénal(e). Une tension excessive lors pique est son moindre retentissement sur la fonction ven-
de l'ascension de l'anse alimentaire peut entraîner des com- tilatoire, notamment du fait de la diminution de la douleur
plications à type de fistule [6]. Des plaies de la voie biliaire postopératoire, d'où un moindre taux de complications pul-
principale ont également été rapportées [7]. monaires. Hormis les épanchements pleuraux, les complica-
tions rapportées sont les détresses respiratoires aiguës et les
bronchopneumopathies. Ces complications peuvent être
Complications autonomes mais, très fréquemment, elles ne sont que les
manifestations thoraciques d'un sepsis intrapéritonéal, qu'il
importe de rechercher, notamment lorsqu'elles surviennent
Complications postopératoires après des suites opératoires initialement favorables.
précoces (1–6 mois)
Rhabdomyolyse
La mortalité dans les grandes séries est d'environ 1 % [8], les
principales causes de décès étant les fistules et les embo- Liée à une compression musculaire sur la table d'opération,
lies pulmonaires [9]. Hormis l'expérience du chirurgien, les la rhabdomyolyse est une complication rare mais poten-
facteurs de risque de complications sont : un âge de plus tiellement mortelle en raison du risque d'atteinte rénale.
de 55 ans, un poids supérieur à 160 kg et le genre masculin Les principaux facteurs de risque sont un IMC de plus de
avec une obésité tronculaire [10]. 60  kg/m2, un diabète et surtout une intervention d'une
durée supérieure à 4 heures.
Complications générales liées au terrain Complications spécifiques
Complications thromboemboliques Leur prise en charge est quasiment identique à celle des
Malgré une prophylaxie aujourd'hui systématique, l'embo- complications qui surviennent sur les autres procédures de
lie pulmonaire demeure l'une des causes majeures de décès chirurgie bariatrique.
en chirurgie bariatrique. Elle survient souvent dans les suites
Hémorragie
immédiates de l'intervention, mais parfois plusieurs jours voire
plusieurs semaines plus tard. Les patients les plus à risque Avec une incidence de moins de 0,5  %, elle survient le
sont ceux qui ont un IMC de plus de 60 kg/m2, une obésité plus souvent sur la ligne d'agrafes de la gastrectomie
tronculaire, une stase veineuse chronique avec des troubles longitudinale.

78
7. Dérivation biliopancréatique avec anse en Y

Fistules digestives 23 mois après une perte de poids conséquente. Leur prise en
charge est identique à celles survenant après RYGB.
Les fistules sont l'une des complications les plus graves
de la chirurgie bariatrique en raison du risque de décès. Brides postopératoires
L'incidence de fistule dans les séries concernant les Elles représentent une autre cause d'occlusion de l'intestin
DBP-DS cœlioscopiques varie de 0,3 à 5 % [13, 14]. Dans grêle. Elles sont retrouvées dans 7 % des cas. Les éventra-
la majorité des cas, la fistule siège au niveau de la gas- tions sur orifice de trocart, avec une incidence pouvant
trectomie longitudinale [15], plus rarement, au niveau de aller jusqu'à 9  %, peuvent également être une source
l'anastomose duodéno-iléale [16] et, dans moins de 1,5 % d'occlusion postopératoire [21].
des cas, au niveau du moignon duodénal [5].
Complications spécifiques
Complications tardives (> 6 mois) Diarrhées
La diarrhée est un effet secondaire connu après DBP-DS, sur-
Complications générales venant en moyenne chez plus de 25 % (extrêmes : 20–81 %)
Lithiase vésiculaire des patients, tout comme le ballonnement abdominal (50 %)
ou les selles malodorantes (extrêmes : 54–89 %) [16, 21].
L'obésité est un facteur de risque de lithiase vésiculaire par
l'augmentation de la sécrétion biliaire du cholestérol et par Carences vitaminiques et protéiques
diminution de la contraction de la vésicule. La perte de poids
rapide est également un facteur de risque de lithiase vésicu- Les carences sont plus fréquentes après ces techniques
laire. L'incidence après chirurgie bariatrique varie de 29 à 53 %, malabsorptives. Homan et  al. rapportent des incidences
en fonction des séries [17]. Dans les séries de chirurgie baria- de carence en vitamines liposolubles élevées : vitamines A
trique par laparotomie, la cholécystectomie est quasi systéma- (28 %), D (60 %), E (10 %) et K (60 %) [22]. Ces carences
tiquement effectuée dans le même temps. Depuis l'avènement sont liées à la longueur de l'anse commune qui ne permet
de la cœlioscopie, la cholécystectomie n'est plus systématique. pas l'absorption suffisante des graisses et des vitamines
Sucandy et  al. rapportent une série de 361  DBP-DS dont liposolubles, mais aussi à des modifications du microbiote
59  patients avaient un antécédent de cholécystectomie et altérant la synthèse vitaminique.
63 patients ont eu une cholécystectomie dans le même temps La DBP, du fait de son mécanisme de malabsorption pré-
pour lithiase découverte dans le bilan préopératoire (21  %) pondérant, entraîne de fait une réduction importante des
[18]. Parmi les 239  autres patients, tous sous traitement par protéines au niveau de l'intestin grêle. La dénutrition protéique
acide ursodésoxycholique pendant 6  mois postopératoires, représente la carence potentiellement la plus grave après DBP,
228 ont été suivis en moyenne 31 mois. Moins d'un quart des son incidence varie de 3 à 11 % selon des séries [23], pouvant
patients ont présenté une lithiase vésiculaire symptomatique conduire à une insuffisance hépatique, voire au décès dans
sous forme de colique hépatique (77 %), de cholécystite (21 %) les cas les plus graves [24]. C'est à cause de ces complications
ou d'angiocholite (2 %). Les symptômes survenaient majoritai- potentiellement gravissimes que les patients ayant une DBP
rement la 2e année postopératoire. Ces patients avaient une ±  DS doivent avoir une surveillance rigoureuse sur le long
perte de poids plus rapide que ceux qui n'ont pas développé terme ainsi qu'une supplémentation accrue ; en effet, cette
de lithiase vésiculaire. complication survient dans les 18-24 mois postopératoires.

Occlusion du grêle Reflux gastro-œsophagien


Hernies internes La DBP-DS semble avoir le même profil que la gastrectomie
Comme dans le court-circuit gastrique avec anse en Y, il existe longitudinale en ce qui concerne le reflux gastro-œsopha-
après DBP-DS deux espaces entre les mésos propices à l'incar- gien (RGO). Bolckmans et al. ont montré, sur une série de
cération des anses grêles  : l'espace de Petersen et la brèche 113 patients, une rémission d'un RGO préopératoire dans
mésentérique du pied de l'anse (fig. 7.3). Peu de données sont 35,3 % des cas et un RGO de novo chez 43,8 % des patients
disponibles dans la littérature concernant les hernies internes [16]. Les causes évoquées sont une moindre compliance
après DBP-DS. Le plus souvent rapportées sous forme de cas gastrique avec une augmentation de la pression intralumi-
cliniques, leur incidence varie de 2,5 à 7,4 % [19, 20]. Comme nale et une disparition de l'angle de His. Par ailleurs, plu-
après RYGB (Roux-en-Y Gastric Bypass  : dérivation biliopan- sieurs études ont démontré que la DBP-DS n'améliore pas le
créatique avec anse en Y), le délai de survenue est d'environ RGO après gastrectomie longitudinale première [25].
79
II. Interventions validées

Fig. 7.3
Espaces potentiels pour hernies internes.
1. Hernie de Petersen entre le mésentère de l'anse montée et le mésocôlon transverse. 2. Brèche mésentérique au niveau du pied de l'anse en Y.
Dessin : Cyrille Martinet.

Résultats à 5 et 10 ans dans 96 % des cas à 5 ans et de l'hypertension artérielle de


70 % avec, là encore, un maintien à 10 ans [16, 24, 27, 29].
La DBP ± DS est une intervention de chirurgie bariatrique peu
pratiquée dans le monde. C'est une des techniques les plus Réinterventions
difficiles avec le plus fort taux de complications postopéra-
toires. Elle est cependant considérée comme la plus efficace en Le taux de réintervention après DBP-DS varie de 0 à
termes de perte de poids et d'amélioration des comorbidités. 18,5  % [30]. La dénutrition protéique et/ou les carences
En effet, plusieurs auteurs rapportent un taux de perte persistantes en vitamines ou oligoéléments représentent
d'excès de poids de l'ordre de 65 % [21] à 5 ans et 68–94 % 43 à 60 % des indications [31]. La diarrhée représente la
à 10 ans [26]. Tous montrent une amélioration des comor- 2e  cause de réintervention [32]. Les autres causes plus
bidités : rémission du diabète de 27 à 100 % à 5 ans avec rares sont la déminéralisation osseuse, la lithiase oxalique
un maintien à 10 ans [27–29], rémission de la dyslipidémie urinaire récidivante, l'ulcère anastomotique réfractaire ou

80
7. Dérivation biliopancréatique avec anse en Y

le RGO. La majorité des réinterventions surviennent dans Cette procédure permet à la fois une amélioration de
les 18 mois après la chirurgie [33]. l'absorption protéique et vitaminique et une diminution
Les réinterventions sont principalement de trois types : de la fréquence des diarrhées. La réversion est une inter-

jéjunostomie d'alimentation ; vention beaucoup plus rare avec une fréquence de 0,2 à

allongement de l'anse commune ; 7 % [31]. Elle est indiquée principalement en cas d'échec de

et réversion vers une anatomie normale. l'allongement de l'anse commune dans l'amélioration des
L'allongement de l'anse commune est la plus fréquente effets secondaires de la DBP ± DS, (fig. 7.5). La jéjunostomie
des réinterventions spécifiques après DBP ± DS (0,5-18,5 %). d'alimentation est le plus souvent un traitement d'attente
L'intervention consiste à déconnecter l'anse alimentaire au indiquée lorsque l'état nutritionnel du patient n'est pas
niveau du pied de l'anse et de confectionner une nouvelle compatible avec l'une des deux procédures précédentes
anastomose du pied de l'anse en amont de la première, à du fait d'un risque accru de fistule anastomotique lié à une
une distance non codifiée (variant de 50 à 150 cm) (fig. 7.4). profonde dénutrition.

Fig. 7.4
Allongement de l'anse commune.
Section de l'anse alimentaire au niveau du pied de l'anse puis confection d'une anastomose jéjunojéjunale entre 50 et 150 cm en amont.
Dessin : Cyrille Martinet.
81
II. Interventions validées

A B

C
Fig. 7.5
Réversion de la dérivation biliopancréatique avec anse en Y.
A. Confection d'une anastomose jéjunojéjunale à 25 cm de l'angle duodénojéjunal. B. Déconnexion de l'anse alimentaire au niveau du pied de
l'anse et confection d'une anastomose jéjunojéjunale à 25 cm de l'angle duodénojéjunal. C. Déconnexion de l'anse alimentaire au niveau du
pied de l'anse et confection d'une anastomose jéjunoduodénale. Seule cette technique permet la remise du duodénum en charge.
Dessin : Cyrille Martinet.

82
7. Dérivation biliopancréatique avec anse en Y

diversion with duodenal switch : analysis of 362 patients. Surg Obes


À retenir Relat Dis 2014 ; 10(3) : 469–73.
[12] Brethauer SA, Hammel JP, Schauer PR. Systematic review of sleeve

La dérivation biliopancréatique avec ou sans gastrectomy as staging and primary bariatric procedure. Surg Obes
anse en  Y est une chirurgie complexe avec une Relat Dis 2009 ; 5(4) : 469–75.
[13] Polega  JR, Barreto  TW, Kemmeter  KD, Koehler  TJ, Davis  AT,
morbidité très élevée en comparaison aux autres
Kemmeter PR. A matched cohort study of laparoscopic biliopan-
procédures de chirurgie bariatrique. creatic diversion with duodenal switch and sleeve gastrectomy

C'est aussi l'une des techniques les plus efficaces performed by one surgeon. Surg Obes Relat Dis 2017 ; 13(3) : 411–4.
en termes de perte pondérale et d'amélioration [14] Hedberg  J, Sundstrom  J, Sundbom  M. Duodenal switch versus
des comorbidités. Roux-en-Y gastric bypass for morbid obesity  : systematic review
and meta-analysis of weight results, diabetes resolution and early

La principale source d'inquiétude en postopéra- complications in single-centre comparisons. Obes Rev 2014 ; 15(7) :
toire reste la dénutrition protéique qui peut avoir 555–63.
des conséquences gravissimes. [15] Nelson D, Beekley A, Carter P, Kjorstad R, Sebesta J, Martin M. Early

C'est pourquoi les patients qui bénéficient de ce results after introduction of biliopancreatic diversion/duodenal
switch at a military bariatric center. Am J Surg 2011 ; 201(5) : 678–84.
type de procédure doivent avoir, encore plus que
[16] Bolckmans  R, Himpens  J. Long-term (> 10 Yrs) Outcome of the
les autres, une supplémentation et un suivi rigou- Laparoscopic Biliopancreatic Diversion With Duodenal Switch.
reux afin de dépister la survenue de carences et Ann Surg 2016 ; 264(6) : 1029–37.
d'une dénutrition pour une prise en charge rapide. [17] Warschkow  R, Tarantino  I, Ukegjini  K, Beutner  U, Güller  U,
Schmied BM, et al. Concomitant cholecystectomy during laparos-
copic Roux-en-Y gastric bypass in obese patients is not justified :
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83
II. Interventions validées

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84
Chapitre 8
Court-circuit gastrique en oméga
One anastomosis gastric bypass
Leila M'Harzi, Adriana Torcivia, Jean-Michel Siksik, Laurent Genser1

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 88
Complications 90
Résultats à 5 et 10 ans 92
1
Remerciements à Antoine Soprani. Conclusion 94

Chirurgie bariatrique
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III. Interventions en cours de validation

Parmi les différentes techniques chirurgicales baria-


triques décrites depuis les années 1950, le court-­circuit
gastrique en oméga (Mini Gastric Bypass – MGB) ou
court-circuit à une anastomose en est une des plus
récentes (en 2001) [1]. Cette procédure correspond à
une modification du court-circuit gastrique en oméga
décrit initialement par Mason en 1967 [2]. L'action res-
trictive est assurée par la confection d'un tube gastrique
long et étroit et la malabsorption par un court-circuit
digestif d'environ 2 m depuis l'angle duodénojéjunal. En
2011, le MGB représentait moins de 2 % des procédures
réalisées dans le monde [3] ; cependant, cette propor-
tion semblait sous-estimée [4]. Les équipes promotrices
de cette technique avancent comme avantages la sim-
plicité et la reproductibilité de la technique avec une
efficacité à moyen terme comparable au court-circuit
gastrique Roux-en-Y [5, 6]. Cependant, le MGB reste une
intervention controversée en raison, d'une part, du faible
nombre d'études présentant les résultats à long (> 5 ans)
et très long terme (> 10 ans) et, d'autre part, des risques
de dénutrition et de reflux gastro-­œsophagien (RGO)
biliaire [7, 8].

Technique opératoire (vidéo 8.1 )


Fig. 8.1
Installation du patient, Représentation schématique de la disposition des trocarts.
Dessin : Cyrille Martinet.
des opérateurs et du matériel
Le patient est installé en position demi-assise en proclive
de 45°, les bras et jambes écartées. Le chirurgien se posi- Réalisation d'un tube gastrique long
tionne entre les jambes du patient et son aide à sa droite. et étroit
L'insufflation du pneumopéritoine peut être réalisée soit à
l'aiguille en hypocondre gauche, 2 cm sous le rebord costal, La pince gauche de l'aide tracte le fundus vers le bas et la
soit selon la technique d'open-cœlioscopie. Les trocarts gauche du patient, exposant ainsi le ligament phrénogas-
sont ensuite introduits après obtention d'une pression trique. L'opérateur sectionne ce ligament jusqu'à visualiser
cible de 12 mmHg. L'opérateur prend comme repère une le pilier diaphragmatique gauche et les premiers vaisseaux
ligne horizontale passant sous les rebords costaux les plus de l'omentum gastrosplénique. Cette manœuvre permet
externes et dispose 4  trocarts supplémentaires sur cette d'ouvrir le sommet de la bourse omentale, ce qui facilite
ligne (fig. 8.1) : l'agrafage final de la portion verticale du tube gastrique

un premier trocart (trocart optique) de 10–12 mm placé (fig.  8.2). L'angle de la petite courbure gastrique est dis-
légèrement à gauche de la ligne blanche ; séqué au contact de la séreuse jusqu'à accéder dans la

puis deux autres trocarts de 10–12 mm espacés latéra- bourse omentale. Un premier agrafage gastrique trans-
lement d'un travers de main de part et d'autre du trocart versal de 45 mm est réalisé à ce niveau. Un tube de cali-
précédent ; bration de 28 à 42  Fr [9] est introduit par l'anesthésiste

enfin, deux trocarts de 5 mm introduits, l'un dans le flanc jusque dans ­l'estomac afin de faciliter l'agrafage vertical du
gauche (aide) et l'autre, en sous-xiphoïdien afin de récliner tube gastrique. Quatre à cinq chargeurs de 60 mm sont
le lobe gauche hépatique. nécessaires. Le tube gastrique est perforé à son extrémité

88
8. Court-circuit gastrique en oméga

immédiatement au-dessus et au milieu de l'agrafage trans- est ensuite déroulé dans le sens horaire sur 150 à 200 cm
versal (fig. 8.3). [9] et ascensionné par la gauche jusqu'à l'estomac. En cas
de difficulté dans cette étape, une transsection du grand
omentum facilitera la manœuvre.
Confection du court-circuit intestinal
Anastomose gastrojéjunale
Le côlon transverse est exposé et le grand omentum
est ascensionné en sus-mésocolique au-dessus du foie. La pince de l'aide suspend l'intestin grêle vers le foie
Cette manœuvre permet d'identifier l'angle de Treitz, en haut de l'écran pendant que l'opérateur réalise une
situé dans l'axe vertical de la petite courbure. L'intestin entérotomie à son bord antimésentérique. La pince auto-
matique chargée (chargeur 45  mm) est introduite dans
l'intestin puis dans l'estomac afin de réaliser une anas-
tomose gastrojéjunale mécanique linéaire postérieure.
Foie
Le plan antérieur de l'anastomose est refermé à l'aide
d'un surjet de fil cranté résorbable ou en points sépa-
Ligament phrénogastrique
rés (fig. 8.4). Un test d'étanchéité au bleu de méthylène
permet de s'assurer de l'absence de fuite anastomotique
et/ou de la ligne d'agrafes gastriques. L'ablation des tro-
carts est réalisée sous contrôle de la vue afin de ne pas
méconnaître un saignement. Les orifices de plus de 5 mm
Grosse tubérosité gastrique sont refermés sous contrôle de la vue à l'aide de disposi-
tifs dédiés. La fermeture de l'espace de Petersen permet
de limiter la survenue des hernies internes après dériva-
tion biliopancréatique avec anse en Y (Roux-en-Y Gastric
Bypass – RYGB) [10], mais reste peu pratiquée au cours
du MGB [5].

Fig. 8.2
Dissection du bord gauche de l'angle de His.

Intestin

Fig. 8.4
Fig. 8.3 Finalisation manuelle de l'anastomose gastrojéjunale mécanique
Perforation de la partie distale du tube gastrique. linéaire postérieure.

89
Estomac
III. Interventions en cours de validation

Complications traiter cette complication au prix de morbidités globale


(47–48,5 %) et majeure (Dindo > 3) (41 %) élevées [12, 13].
Morbimortalité globale La conversion du MGB en RYGB en urgence semble être
une option intéressante dans cette indication avec une
La mortalité précoce à 30 jours est en moyenne de 0,1 % moindre morbidité globale (16,7 % vs 83,3 %) et une durée
et varie entre 0 et 0,5  % [9]. La première cause de décès d'hospitalisation réduite par rapport à la prise en charge
précoce est l'embolie pulmonaire. La morbidité précoce conventionnelle. Dans les deux séries incluant 52 malades
est inférieure à 5 % avec des chiffres de morbidité mineure pris en charge pour fistule après MGB, la mortalité était
(Dindo < 3) et majeure (Dindo > 3) comprises entre nulle [12, 13] avec un tarissement de la fistule dans tous
0–11,6 % et 0–6,1 %. Le taux moyen de réadmissions non les cas.
programmées varie entre 0 et 10 % [9]. Ces données sont
comparables à celles observées après GL, anneau gastrique
ajustable (AGA) et RYGB [11].
Ulcère marginal
Cette complication présente comme facteurs de risque le
Complications postopératoires tabagisme actif, la prise d'anti-inflammatoires non stéroï-
diens et le RGO biliaire. Son incidence moyenne est esti-
précoces (1–6 mois) mée à 2,7 % [9]. La présentation clinique est marquée par
l'apparition de douleurs épigastriques. Le diagnostic est
Fistule endoscopique et précise les caractères de l'ulcère. Une prise
Il s'agit de la complication la plus redoutée après MGB et en charge médicale initiale par inhibiteurs de la pompe à
son incidence moyenne est estimée à 1  %. Le tabagisme protons permet de traiter l'ulcère et d'éviter la survenue de
actif non sevré et l'hypertension artérielle ont été identifiés complications surajoutées (hémorragie, perforation). Dans
comme des facteurs de risque de fistule ; cependant, ni 1  % des cas, la cicatrisation de l'ulcère entraîne la forma-
l'antécédent d'anneau ni la séquence d'ablation par rapport tion d'une sténose anastomotique dont le traitement sera
au MGB (1 temps versus 2 temps) ne semblent impacter la endoscopique en 1re intention. En cas d'ulcère réfractaire au
survenue d'une fistule [12]. traitement médical, un RGO biliaire doit être recherché et
Le diagnostic est suspecté à l'examen clinique devant une réfection chirurgicale de l'anastomose doit être envi-
la présence précoce de signes cliniques généraux (tachy- sagée. La présence concomitante d'un RGO biliaire justifie
cardie, fièvre, dyspnée, douleur abdominale) et affirmé une conversion en RYGB avec résection de l'anastomose,
à l'imagerie. La tomodensitométrie abdominale avec réalisation d'un court-circuit en  Y avec longueurs d'anses
ingestion de produit de contraste offre des performances standards afin de traiter ces deux complications.
supérieures mais variables par rapport au transit œsogas-
troduodénal (13–93 % vs 0–11 %) [12]. L'imagerie permet
d'identifier des signes directs (opacification du trajet fis- Complications tardives (> 6 mois)
tuleux) et indirects (collection hydroaérique, pneumo-
Reflux gastro-œsophagien de novo
péritoine, infiltration de la graisse viscérale). Lorsque son
site est identifiable (43–53 %), la fistule peut être localisée Le RGO, comorbidité de l'obésité, est amélioré après MGB.
soit au niveau de la portion verticale du tube gastrique Ainsi, une récente revue systématique sur 12 807  patients
(17.6–32 %), soit au niveau de l'anastomose gastrojéjunale opérés de MGB estimait la résolution du RGO à 82,2  %.
(11–41 %) [12, 13]. Cependant, l'apparition d'un RGO de novo était observée
En l'absence de signes cliniques de gravité, une prise en chez 1 à 2 % des personnes opérées [9].
charge endoscopique associant drainage et mise en place ●
En 1re intention, une endoscopie digestive haute permet
d'une sonde de nutrition entérale doit être privilégiée de rechercher la présence de bile dans l'estomac et les com-
(cf. chapitre 14). La présence d'une péritonite localisée ou plications liées à l'exposition au reflux (gastrite, œsophagite,
généralisée impose une exploration chirurgicale par lapa- endobrachyœsophage : EBO, tumeur).
roscopie ou laparotomie [12, 13]. L'association d'un lavage ●
En 2e  intention, une pH-impédancemétrie peut per-
abondant de la cavité abdominale associé à une suture mettre de distinguer le reflux biliaire du reflux acide, cepen-
de la fistule (lorsque celle-ci est identifiable et si la qualité dant les performances de cet examen restent à démontrer
des tissus le permet), complétée d'un drainage, permet de après MGB [14].

90
8. Court-circuit gastrique en oméga

En dépit d'une faible incidence, cette complication


est redoutée en raison du lien établi entre l'exposition
­chronique de l'œsophage à un reflux biliaire et le dévelop-
pement d'EBO puis d'adénocarcinome œsophagien après
anastomose œsophago-duodénale chez l'animal [15]. Les
défenseurs du MGB affirment que la présence d'un tube
gastrique long et étroit limite ces effets. Ainsi, Bruzzi et al.
ont établi un modèle murin de MGB et démontré qu'en
dépit d'une concentration en bile 4 fois supérieure à celle
des rats non opérés, l'exposition chronique à ce montage
(16 semaines) n'entraînait pas une surincidence de lésions
cancéreuses ni précancéreuses (EBO) [8]. Quelques cas de
cancers gastriques ont été rapportés après MGB (n =  4)
mais également après GL (n = 1), AGA (n = 9) ou RYGB
(n = 14) [16]. Aucun cancer de l'œsophage n'a été identifié
après MGB, limitant, pour l'instant, la transposabilité des
données obtenues chez le rongeur à l'homme.
En présence d'un RGO biliaire invalidant et par définition
réfractaire aux inhibiteurs de la pompe à protons, une chirur-
gie de révision est nécessaire. Plusieurs options chirurgicales
sont envisageables et doivent être précédées d'une prise en
charge nutritionnelle. Leur objectif commun est d'éloigner
les sécrétions biliopancréatiques de la poche gastrique.
L'intervention de Braun consiste en la réalisation d'une anas-
tomose jéjunojéjunale entre l'anse afférente et l'anse efférente
(fig.  8.5) [17]. Il s'agit d'une option proposée par certaines
équipes [5]. La conversion en RYGB avec révision du court-
circuit permet également de traiter efficacement cette com-
plication sans risquer de dénutrition postopératoire [18].

Dénutrition
La dénutrition après chirurgie bariatrique (cf. chapitre 14)
est une entité nosologique pour laquelle il n'existe pas
de définition claire mais est source d'une morbimor-
talité majeure en l'absence de prise en charge médico-­
chirurgicale rapide et adaptée [19, 20]. L'incidence
moyenne de la dénutrition après MGB est estimée à
Fig. 8.5
0,78  % et varie entre 0 et 3,8  % [9]. La pathogenèse est Dérivation jéjunojéjunale après MGB pour reflux selon Braun.
multifactorielle et liée principalement à une entéro- Dessin : Cyrille Martinet.
pathie exsudative et à une malabsorption secondaire
au court-circuit du jéjunum proximal, et à la restriction Une longueur d'anse biliaire supérieure à 180–200  cm
limitant l'ingestion des aliments [19]. La présentation semble être le facteur de risque principal de dénutrition
clinique est directement corrélée à l'importance et la postopératoire. En effet Ahuja et  al. ont montré que les
rapidité de la perte de poids (PEP > 50 %), une diarrhée patients ayant une longueur d'anse biliaire supérieure à
de malabsorption (selles molles et grasses à confirmer 180  cm développaient plus de complications nutrition-
par un fécalogramme), des œdèmes périphériques liés à nelles que ceux opérés d'un court-circuit de 150 cm. Cette
l'hypoalbuminémie (< 35  g/L), voire des complications malabsorption ne s'accompagnait pas d'une perte pondé-
infectieuses et/ou thromboemboliques [21]. rale supplémentaire.

91
III. Interventions en cours de validation

La dénutrition après MGB peut également être favorisée ­ iagnostique et thérapeutique préjudiciable pour la via-
d
par le RGO biliaire et la présence d'un ulcère marginal qui bilité du segment digestif incarcéré. Les hernies internes
limitent les ingestats. Dans une série de 2 934 patients opé- surviennent préférentiellement au-delà de la 1 re année
rés de MGB, notre groupe a montré que 26 patients (0,9 %) postopératoire et chez les patients ayant obtenu une
avaient eu besoin d'une réversion de leur MGB vers une perte de poids importante (≥  50  %). Le principal fac-
anatomie normale pour dénutrition sévère. Un reflux était teur est l'absence de fermeture de cet espace. Même si
présent dans 34,6 % des cas et une longueur d'anse biliaire celle-ci permet de diminuer de manière significative la
supérieure à 200  cm était observée chez 66,5  % des per- survenue de cette complication après RYGB [10], elle
sonnes réopérées [21]. n'est pas recommandée pour le moment lors de la réa-
Une fois la dénutrition avérée, la prise en charge lisation d'un MGB [5].
thérapeutique nécessite initialement une prise en
charge médicale rapide et spécialisée associant nutri-
tion entérale et/ou parentérale, une supplémentation Résultats à 5 et 10 ans
multivitaminique et en oligoéléments [22]. En l'absence
d'évolution favorable, une exploration chirurgicale doit Le suivi dans la majorité des études n'excède pas 24 mois
être réalisée afin de rechercher une longueur d'anse [9]. À court terme (c.-à-d. 1 an), la perte d'excès de poids
afférente excessive (> 180–200 cm) et/ou une longueur (PEP) moyenne est d'environ 60  % [9]. Ces résultats sont
d'anse efférente inférieure à 100–150 cm. Deux options comparables à ceux observés après RYGB [27] ou d'autres
thérapeutiques sont envisageables  : la conversion en procédures [11]. Ces bons résultats se maintiennent au
RYGB en respectant les longueurs d'anses convention- long cours avec une PEP moyenne de 75 % 5 ans après la
nelles [18] et la réversion du MGB avec retour à l'anato- chirurgie [6, 28–35] (tableau 8.1). Au-delà, ces bons résul-
mie initiale [21]. Ces deux options permettent de traiter tats semblent persister avec une PEP moyenne supérieure à
efficacement la dénutrition au prix d'une morbidité 70 % [6, 28, 30, 32].
postopératoire précoce élevée, avec plus de 30  % de En 2e intention, après échec d'un anneau gastrique ajus-
réintervention ou de prise en charge endoscopique pour table, le MGB permet d'obtenir une perte de poids impor-
complication majeure (Dindo > 3). La supplémentation tante et durable avec une perte d'excès d'indice de masse
en macro et micronutriments et la surveillance clinique corporelle (IMC) supérieure à 65 % 5 ans après la conver-
et biologique à vie sont obligatoires [23] afin de limiter sion [36].
le risque de carence notamment martiale récemment La réalisation d'un MGB après échec de gastrectomie
estimé à 7 % [9]. longitudinale (GL) a également donné de bons résultats
à court terme avec une perte d'excès d'IMC moyenne de
52 % à 2 ans, dans un groupe de 23 malades [37].
Hernie interne Comme après toute intervention bariatrique [38], une
Le MGB présente comme avantage technique par reprise pondérale est observée au long cours chez 0,2 à
rapport au RYGB de ne nécessiter qu'une seule anas- 12,9 % des patients opérés d'un MGB et n'excède pas 10 %
tomose (gastrojéjunale). Cependant, la réalisation de de l'excès de poids perdu [33, 35, 39].
cette anastomose entraîne la création d'une brèche Concernant l'amélioration des comorbidités de
entre le mésocôlon et le mésentère de l'intestin ascen- l'obésité, l'hétérogénéité des critères utilisés pour défi-
sionné en sus-mésocolique. Cet espace mésentérico- nir leur rémission rend la comparaison difficile entre
mésocolique a été décrit initialement par Petersen les études, notamment pour le diabète de type  2 où
et  al. en 1900 [24] comme un site à risque de hernie la rémission n'est jamais stratifiée selon les critères de
interne après gastrectomie pour ulcère ou cancer avec l'ADA (American Diabetes Association) (c.-à-d. rémission
anastomose gastrojéjunale en oméga [25]. L'incidence partielle versus complète) [40]. Deux ans après MGB,
de cette complication est d'environ 3  % après RYGB les taux de rémission partielle varient entre 67 et 100 %
et inconnue après MGB [26]. La présentation clinique selon les études pour atteindre 82 à 84 % à 5 ans, soit des
est caractérisée par l'association de douleurs abdomi- résultats comparables à ceux observés après GL et RYGB
nales non spécifiques, intermittentes, souvent favori- [41]. Par ailleurs, le niveau de preuve est insuffisant pour
sées par l'alimentation et des modifications du transit comparer l'efficacité du MGB par rapport aux autres
intestinal. Cette présentation peut conduire à un retard techniques [42].

92
Tableau 8.1 Résultats métaboliques à 5 ans et au-delà du MGB.
Étude Patients (N) Suivi Suivi (%) Poids Rémission des comorbidités (%)
IMC initial IMC final PEP (%)/ PEP DT2 HTA DL SAS Arthrose Stéatose
(kg/m2) (kg/m2) PEIMC (%) ≤ 50 %

Peraglie et al. [30] 88 6 ans 5 ans : 45 43 NR 5 ans : 67/– – 84 76 – – – –


6 ans : 42 6 ans : 72/–
Noun et al. [35] 1 000 5 ans 66,3 42,5 28,4 68,6/– – 85 85 – – – –
Musella et al. [33] 974 5 ans 79,1 48 28 77 – 84,4 87,5 – – – –
Kular et al. [32] 1 054 6 ans 5 ans : 84,4 43,2 26,2 5 ans : 87/– – 93 74,8 91 97 – 99
6 ans : 84 6 ans : 85/–
Chevallier et al. [6] 1 000 7 ans 7 ans : 72 45,7 35,9 >5 ans : – 85,7 52,1 80,6 – – –
–/75,6 (2 ans) (2 ans)
Carbajo et al. [28] 1 200 6–12 ans 6 ans : 87 46 6 ans : 28,5 6 ans : 77/83 – 94 94 96 90 18 100
12 ans : 70 12 ans : 12 ans :
29,9 70/76,3
Bruzzi et al. [31] 175 5 ans 72 47 31 –/71,5 – – – – – – –
Jammu et al. [29] 473 20–87 mois 52 56,5 – 92,2/– 0 95,1 85,4 93,3 – – –

8. Court-circuit gastrique en oméga


Lee et al. [34] 1 163 5 ans 56 41,1 27,7 72,9 – – – – – –
DL : dyslipidémie ; DT2 : diabète de type 2 ; HTA : hypertension artérielle ; IMC : indice de masse corporelle ; N : nombre ; PEP : perte d'excès de poids ; PEIMC : perte d'excès d'IMC ; SAS : syndrome
d'apnée du sommeil ; – : non renseigné.
93
III. Interventions en cours de validation

Conclusion Références
Le MGB est une intervention bariatrique efficace, repro- [1] Rutledge R. The mini-gastric bypass : experience with the first 1,274
cases. Obes Surg 2001 ; 11 : 276–80.
ductible et peu morbide. En dépit d'absence de données
[2] Mason  EE, Ito  C. Gastric bypass in obesity. Surg Clin North Am
à 10 ans, les résultats au long cours (5 ans) montrent que 1967 ; 47 : 1345–51.
cette technique permet d'obtenir une perte de poids [3] Buchwald  H, Oien  DM. Metabolic/bariatric surgery worldwide
importante (> 70  %) et durable ainsi qu'une rémission 2011. Obes Surg 2013 ; 23 : 427–36.
des comorbidités associées à l'obésité. Le niveau de [4] Deitel M, Rheinwalt KP, Plamper A, Weiner R, Chiappetta S, Cady J,
et al. Reply to IFSO Worldwide Survey 2014. Obes Surg 2018 ; 28 (6) :
preuve actuel ne permet ni de déterminer les modalités 1779–80.
optimales de prise en charge en cas d'échec ou de com- [5] Mahawar KK, Himpens J, Shikora SA, Chevallier JM, Lakdawala M,
plication après MGB ni de comparer le rapport bénéfice/ De Luca  M, et  al. The first consensus statement on One
risque du MGB par rapport à celui des autres techniques Anastomosis/Mini Gastric Bypass (OAGB/MGB) using a modified
delphi approach. Obes Surg 2018 ; 28 (2) : 303–12.
chirurgicales.
[6] Chevallier JM, Arman GA, Guenzi M, Rau C, Bruzzi M, Beaupel N,
et  al. One thousand single anastomosis (omega loop) gastric
bypasses to treat morbid obesity in a 7-year period : outcomes show
few complications and good efficacy. Obes Surg 2015 ; 25 (6) : 951–8.
À retenir [7] Georgiadou  D, Sergentanis  TN, Nixon  A, Diamantis  T, Tsigris  C,
Psaltopoulou  T. Efficacy and safety of laparoscopic mini gastric

Le court-circuit gastrique en oméga ou court- bypass. A systematic review. Surg Obes Relat Dis 2014 ; 10 (5)  :
984–91.
circuit à une anastomose est une option en chirur- [8] Bruzzi M, Duboc H, Gronnier C, Rainteau D, Couvelard A, Le Gall M,
gie bariatrique. et al. Long-term evaluation of biliary reflux after experimental one-

Cette procédure consiste en la réalisation d'un anastomosis gastric bypass in rats. Obes Surg 2017 ; 27 : 1119–22.
tube gastrique long et étroit anastomosé à l'in- [9] Parmar CD, Mahawar KK. One anastomosis (Mini) gastric bypass
testin grêle, 150 à 200  cm en aval de l'angle de is now an established bariatric procedure : a systematic review of
12,807 patients. Obes Surg 2018 Jul 11 ; .
Treitz. [10] Stenberg  E, Szabo  E, Ågren  G, Ottosson  J, Marsk  R, Lönroth  H,

Le court-circuit gastrique en oméga permet et al. Closure of mesenteric defects in laparoscopic gastric bypass :
d'obtenir une perte de poids importante et a multicentre, randomised, parallel, open-label trial. Lancet 2016 ;
durable (5 ans) ainsi qu'une amélioration significa- 387 : 1397–404.
[11] Chang  SH, Stoll  CRT, Song  J, Varela  JE, Eagon  CJ, Colditz  GA. The
tive des comorbidités associées à l'obésité au prix effectiveness and risks of bariatric surgery  : an updated systema-
d'une morbidité limitée. tic review and meta-analysis, 2003–2012. JAMA Surg 2014 ; 149  :

Le manque de données à plus long terme (au- 275–87.
delà de 10  ans) concernant le maintien de ces [12] Genser L, Carandina S, Tabbara M, Torcivia A, Soprani A, Siksik JM,
bénéfices et la morbidité (reflux biliaire, dénutri- et al. Presentation and surgical management of leaks after mini-­gastric
bypass for morbid obesity. Surg Obes Relat Dis 2016 ; 12 (2) : 305–12.
tion) du court-circuit gastrique en oméga sont [13] Beaupel N, Bruzzi M, Voron T, Nasser HA, Douard R, Chevallier JM.
deux facteurs limitant son utilisation. Management of acute intra-abdominal sepsis caused by leakage
after one anastomosis gastric bypass. Surg Obes Relat Dis 2017 ; 13 :
1297–305.
[14] Bruzzi  M, Chevallier  JM, Czernichow  S. One-anastomosis gastric
``Complément en ligne bypass : why biliary reflux remains controversial ? Obes Surg 2017 ;
27 (2) : 545–7.
[15] Greene  CL, Worrell  SG, DeMeester  TR. Rat Reflux Model of
Un complément numérique est associé à ce chapitre. (Il est
Esophageal Cancer and Its Implication in Human Disease. Ann Surg
indiqué dans le texte par un picto « 2015 ; 262 : 910–24.
vidéo.) Pour voir ce complément, connectez-vous sur [16] Scozzari G, Trapani R, Toppino M, Morino M. Esophagogastric can-
http://www.em-consulte/e-complement/475879 et suivez cer after bariatric surgery : systematic review of the literature. Surg
les instructions. Obes Relat Dis 2013 ; 9 : 133–42.
[17] Piazza  L, Ferrara  F, Leanza  S, Coco  D, Sarvà  S, Bellia  A, et  al.
Vidéo 8.1 Laparoscopic mini-gastric bypass : short-term single-institute expe-
Court-circuit gastrique en oméga. rience. Updates Surg 2011 ; 63 : 239–42.

94

». Il propose une
8. Court-circuit gastrique en oméga

[18] Poghosyan  T, Caille  C, Moszkowicz  D, Hanachi  M, Carette  C, [31] Bruzzi M, Rau C, Voron T, Guenzi M, Berger A, Chevallier JM. Single
Bouillot  JL. Roux-en-Y gastric bypass for the treatment of severe anastomosis or mini-gastric bypass : long-term results and quality
complications after omega-loop gastric bypass. Surg Obes Relat Dis of life after a 5-year follow-up. Surg Obes Relat Dis 2015 ; 11 (2) :
2017 ; 13 (6) : 988–94. 321–6.
[19] Bal BS, Finelli FC, Shope TR, Koch TR. Nutritional deficiencies after [32] Kular KS, Manchanda N, Rutledge R. A 6-year experience with 1,054
bariatric surgery. Nat Rev Endocrinol 2012 ; 8 : 544–56. mini-gastric bypasses-first study from Indian subcontinent. Obes
[20] Ledoux S, Calabrese D, Bogard C, Dupré T, Castel B, Msika S, et al. Surg 2014 ; 24 : 1430–5.
Long-term evolution of nutritional deficiencies after gastric bypass : [33] Musella M, Susa A, Greco F, De Luca M, Manno E, Di Stefano C,
an assessment according to compliance to medical care. Ann Surg et al. The laparoscopic mini-gastric bypass : the Italian experience :
2014 ; 259 : 1104–10. outcomes from 974 consecutive cases in a multicenter review. Surg
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Laparoscopic reversal of mini-gastric bypass to original anatomy for [34] Lee WJ, Ser KH, Lee YC, Tsou JJ, Chen SC, Chen JC. Laparoscopic
severe postoperative malnutrition. Langenbecks Arch Surg 2017 ; Roux-en-Y vs. mini-gastric bypass for the treatment of morbid obe-
402 (8) : 1263–70. sity : a 10-year experience. Obes Surg 2012 ; 22 : 1827–34.
[22] Bétry C, Disse E, Chambrier C, Barnoud D, Gelas P, Baubet S, et al. [35] Noun R, Skaff J, Riachi E, Daher R, Antoun NA, Nasr M. One thou-
Need for Intensive Nutrition Care After Bariatric Surgery : Is Mini sand consecutive mini-gastric bypass : short- and long-term out-
Gastric Bypass at Fault ? JPEN J Parenter Enteral Nutr 2017 ; 41 (2) : come. Obes Surg 2012 ; 22 : 697–703.
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Pérez-Miranda M, Castro-Alija MJ. Laparoscopic one-anastomosis et al. How do we define cure of diabetes ? Diabetes Care. 32, 2009.
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ring sleeve gastrectomy, roux-en-y gastric bypass, and mini-gastric diabetes ? Curr Atheroscler Rep 2017 ; 19 : 51.
bypass, to determine an effective and safe bariatric and metabolic [42] Rubino  F, Nathan  DM, Eckel  RH, Schauer  PR, Alberti  KGMM,
procedure. Obes Surg 2016 ; 26 : 926–32. Zimmet PZ, et al. Metabolic surgery in the treatment algorithm for
[30] Peraglie C. Laparoscopic mini-gastric bypass in patients age 60 and type 2 diabetes : a joint statement by international diabetes organi-
older. Surg Endosc 2016 ; 30 : 38–43. zations. Diabetes Care 2016 ; 39 : 861–77.

95
Chapitre 9
Dérivation biliopancréatique
en oméga
Single Anastomosis Duodeno-Ileal bypass
with Sleeve gastrectomie (SADI-S)
Maud Robert

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 98
Difficultés techniques spécifiques
et complications peropératoires 104
Complications 105
Résultats à 5 ans 107
Conclusion 107

Chirurgie bariatrique
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III. Interventions en cours de validation

L'un des objectifs principaux de la chirurgie de l'obésité sa composante restrictive, et un temps de court-circuit
est de proposer au patient une technique la plus efficace digestif lui apportant sa composante malabsorptive.
en termes pondéral et métabolique, avec le moins d'effets La gastrectomie longitudinale peut être faite dans un
secondaires possibles. Le parcours de soins personnalisé premier temps, plusieurs mois avant le temps de court-
du patient vise à le préparer pour optimiser les résultats circuit digestif qui est alors différé, ou de façon conco-
de la chirurgie bariatrique qui sont associés à plus de 20 % mitante [9]. L'approche en deux temps (gastrectomie
d'échecs, par perte de poids insuffisante ou par reprise pon- longitudinale première, puis dérivation biliopancréatique
dérale [1, 2]. Ces échecs concernent plus particulièrement secondaire) est particulièrement intéressante chez les
les patients superobèses dont l'indice de masse corporelle patients superobèses chez qui des difficultés techniques
initiale est supérieur ou égal à 50 kg/m2. Dans cette popu- sont envisageables, leur permettant ainsi de perdre du
lation, la dérivation biliopancréatique avec dérivation duo- poids avant le deuxième temps complexe de dérivation
dénale (DBP-DS) est indiquée en raison de sa plus grande et de limiter les risques opératoires. Cette approche
efficacité pondérale et métabolique [3, 4]. Cette procédure en deux temps permet également de sélectionner les
hautement malabsorptive est cependant peu pratiquée patients observants, caractère indispensable avant de
dans le monde (< 2 %) en raison de sa complexité chirur- proposer une intervention malabsorptive qui expose à
gicale, de sa morbidité plus élevée avec notamment son des risques nutritionnels.
risque de carences nutritionnelles postopératoires [5].
Depuis 2007, une nouvelle technique appelée dérivation Installation et position des trocarts
biliopancréatique à une anastomose ou Single Anatomosis
Duodéno-Ileal bypass avec Sleeve Gastrectomy – gastrecto- Le patient et l'équipe chirurgicale requerront des change-
mie longitudinale (SADI-S) a été proposée par une équipe ments de position en peropératoire, selon que l'on aborde
espagnole [6] et correspond à une dérivation biliopancréa- l'étage sus ou sous-mésocolique.
tique simplifiée (avec reconstruction en oméga et une seule La position initiale du patient, lors de l'insufflation, de
anastomose digestive). Le SADI-S, qui a l'avantage d'être plus l'installation des trocarts et de l'abord de l'étage sus-méso-
simple techniquement et potentiellement moins morbide colique, est idéalement la position demi-assise sur table
que la dérivation biliopancréatique standard, semble associé d'obésité. L'opérateur se situe alors entre les jambes du
à d'excellents résultats pondéraux et métaboliques, proches patient, son aide à sa droite et l'instrumentiste à gauche du
de ceux de la DBP-DS (pourcentage de perte d'excès de patient (fig. 9.1). Cette position concerne le temps de gas-
poids allant jusqu'à 95  % à 2  ans), mais avec potentielle- trectomie longitudinale, de dissection duodénale et d'ana­
ment moins de conséquences nutritionnelles [7, 8]. L'autre stomose duodéno-iléale.
avantage de cette technique est la préservation du pylore,
plus physiologique, évitant le dumping syndrome (malaises
postprandiaux) et les hypoglycémies postprandiales, par-
fois difficiles à traiter. Cette technique et ses variantes sont
également décrites dans la littérature sous le nom de pro-
cédures à une anastomose préservatrice du pylore ou Single
Anastomosis Pylorus Preserving Procedure (SAPPP) [7]. La
technique récente du SADI-S, qui semble intéresser de plus
en plus d'équipes bariatriques, pourrait être une option de
choix pour les patients obèses, en optimisant la perte de
poids tout en limitant les effets secondaires et les risques.

Technique opératoire
SADI-S en un ou deux temps
Le SADI-S est une technique qui comprend, comme la Fig. 9.1
DBP-DS, une gastrectomie longitudinale qui lui apporte Opérateur entre les jambes du patient.

98
9. Dérivation biliopancréatique en oméga

Fig. 9.2
Opérateur à gauche du patient.

Lors de l'abord de l'étage sous-mésocolique pour repé-


rage de la dernière anse et mesure de l'anse commune
iléale, le patient est positionné en décubitus dorsal avec
roulis gauche. L'opérateur passe à la gauche du patient et
son aide opératoire à sa gauche, l'instrumentiste entre les
jambes du patient (fig. 9.2).
L'insufflation est réalisée de préférence à l'aiguille de
Verrès chez le superobèse, avec une pression à 15 mmHg. Fig. 9.3
Six trocarts sont utilisés (fig. 9.3) : Position des trocarts.
Dessin : Cyrille Martinet.

un trocart d'optique médian à mi-distance entre
xiphoïde et ombilic (n° 1) ;

2 trocarts de 12 mm de part et d'autre (n° 2 et 5) ;

3 trocarts de 5 mm : un xiphoïdien pour l'écarteur à foie son en main droite (trocart n°  2), la pince permettant
(n°  6), un sous-costal gauche pour la pince à préhension l'exposition tenue par l'aide dans le trocart n°  3. Après
(n° 3) et un dans le flanc gauche utilisé pour le temps sous- la gastrolyse, on passe au temps de section gastrique.
mésocolique (n° 4). Le 1er  consensus international sur la DBP-DS en 2016 a
validé l'utilisation d'une sonde de calibration supérieure
à 40  Fr pour éviter les difficultés alimentaires postopé-
1er temps : gastrectomie ratoires précoces, surtout dans ce contexte de chirurgie
longitudinale (fig. 9.4) malabsorptive. L'agrafage débute à 6 cm du pylore, avec
une agrafeuse linéaire en main gauche (trocart n°  5),
Lorsque le SADI-S est proposé en un temps, la gastrec- appliquée le long de la sonde de calibration descendue
tomie longitudinale est la 1re  étape de l'intervention. dans l'estomac. Il faut toujours prendre garde de ne pas
Elle nécessite d'exposer l'estomac, en rétractant le lobe trop se rapprocher de la petite courbure pour éviter la
gauche hépatique souvent très volumineux avec un sténose médiogastrique. L'utilisation de renfort d'agra-
rétracteur placé dans le trocart xiphoïdien n° 6. On véri- fage semble limiter les risques de saignement et est une
fie que le pilier gauche est accessible et on commence option [10]. Après agrafage, on laisse la sonde de cali-
alors la gastrolyse à 6 cm du pylore, par un décollement bration en place, afin de l'utiliser secondairement pour
gastro-épiloïque au ras de la grande courbure gas- le test d'étanchéité de l'anastomose duodéno-iléale. La
trique. La pince à préhension de l'opérateur est en main pièce de résection gastrique est ensuite positionnée
gauche (trocart n°  5), l'instrument coagulateur à ultra- dans un sac puis extraite secondairement.

99
III. Interventions en cours de validation

Fig. 9.4
Gastrectomie longitudinale guidée par la sonde de calibration.
Dessin : Cyrille Martinet.

2e temps : mesure et ascension il peut être préférable de réaliser une DBP-DS standard
sur anse en Y, où la section des mésos permet de dimi-
de l'anse iléale commune (fig. 9.5 ; nuer cette tension.
vidéo 9.1 ) L'opérateur étant à la gauche du patient, il utilise des
pinces à préhension dans les trocarts n° 3 et 4 pour repérer la
Avant de sectionner le 1er  duodénum, il apparaît sou-
valvule iléo-cæcale. Il déroule ensuite l'iléum afin de position-
haitable de vérifier que l'anse iléale pourra être ascen-
ner un lac tissu à 2,50 ou 3 m de la valvule (selon les centres),
sionnée sans difficultés jusqu'au 1er duodénum. En effet,
permettant d'ascensionner l'anse jusqu'au 1er duodénum. Il
chez les patients superobèses et androïdes, les mésos
faut prendre garde de ne pas twister l'anse sur son méso lors
sont parfois très épais, rendant difficile la réalisation
de cette ascension, qui doit donc se faire sous contrôle de la
d'une anastomose duodéno-iléale sans tension. Il peut
vue. Dans notre centre, nous proposons une anse de 300 cm
parfois être utile de décrocher la corne omentale droite
si l'IMC est inférieur à 50 kg/m2 et une anse de 250 cm à partir
pour faciliter cette ascension. Malgré cet artifice, si
de 50 kg/m2.
l'anastomose duodéno-iléale semble être sous tension,

100
9. Dérivation biliopancréatique en oméga

1er duodénum
3

Anse
iléale

Fig. 9.5
Ascension de l'anse iléale jusqu'au 1er duodénum.
Dessin : Cyrille Martinet.

3e temps : dissection et section Voie antérieure (vidéo 9.2 )


duodénale (fig. 9.6) Elle consiste à passer une pince entre le bord inférieur du
1er duodénum et la tête du pancréas, sur le bord droit de
La section duodénale est le temps le plus délicat de l'inter- la voie biliaire principale. Elle nécessite de commencer par
vention, notamment du fait de la proximité du pédicule la mobilisation du 1er duodénum et du genu superius en
hépatique et de la tête du pancréas. Il peut être particulière- ouvrant le péritoine au crochet monopolaire sur le bord
ment difficile chez le patient androïde à l'IMC très élevé. Les supérieur et inférieur du 1er duodénum. Le passage d'une
antécédents de cholécystite ou cholécystectomie peuvent pince pointue se fait 2 à 3 cm après le pylore, en utilisant
aussi être des facteurs de difficultés supplémentaires dus le trocart n°  2. La manœuvre doit être délicate, la pince
aux adhérences. progressant de façon atraumatique pour éviter les saigne-
L'opérateur repasse entre les jambes du patient, pour ments des petits vaisseaux péripancréatiques parfois diffi-
aborder l'étage sus-mésocolique. Deux voies d'abord sont ciles à contrôler. La pince doit être dirigée vers le haut, et
possibles. La voie antérieure, plus rapide et facile chez les vers la gauche de l'opérateur, en visant la vésicule biliaire
patients dont l'exposition est simple ou qui ont maigri, de façon à rester au ras de la paroi postérieure du duodé-
notamment après un premier temps de gastrectomie num et à ne pas léser les éléments du pédicule hépatique.
longitudinale. La voie postérieure est plus laborieuse mais Il peut être utile de réaliser des mouvements de rotation
a l'avantage de se faire sous contrôle de la vue systéma- de la pince sur son axe, pour faciliter sa progression et per-
tique, préférable chez les patients androïdes et/ou à l'IMC mettre son ­extériorisation en arrière du duodénum. L'aide
très élevé, difficiles à exposer.
101
III. Interventions en cours de validation

Traction
de l'antre

3
Traction
par un lacs
caoutchouc
cravatant
le duodénum

Agrafeuse
linéaire
mécanique

5
2

Fig. 9.6
Dissection et section du 1er duodénum.
Dessin : Cyrille Martinet.

utilise une pince fenêtrée dans le trocart n° 3 en traction façon que décrit précédemment, avec positionnement d'un
sur l'antre gastrique de façon à mettre le duodénum en lac plastique cravatant le 1er duodénum pour agrafage.
tension et faciliter la dissection. Une fois le passage réalisé,
on positionne un lac en plastique (type drain de Kehr)
cravatant le 1er duodénum (trocart n° 5), qui va permettre 4e temps : anastomose duodéno-
de faciliter le passage de l'agrafeuse linéaire (trocart n° 2). iléale (fig. 9.7 ; vidéo 9.4 )
Cette anastomose est manuelle, terminolatérale. Elle
Voie postérieure (vidéo 9.3 ) commence par un point de fixation au fil non résor-
L'intérêt de cette voie d'abord est de réaliser un passage bable 3/0 entre la partie haute de l'agrafage duodénale
rétroduodénal entièrement sous contrôle de la vue. Elle et l'anse iléale de façon à faciliter l'exposition de cette
consiste à poursuivre la gastrolyse de l'antre en direction anastomose. Le lac de suspension de l'iléum peut ainsi
du pylore jusqu'au 1er duodénum, en utilisant l'instrument être retiré et la pince de l'aide (trocart n°  3) peut sus-
coagulateur à ultrasons et en s'arrêtant à l'aplomb de l'artère pendre la future anastomose. Un premier surjet d'ados-
gastro-duodénale. Une pince pointue est alors passée en sement postérieur permet de suturer la rangée d'agrafes
rétroduodénal dans une fenêtre qui s'ouvre sur le bord droit du duodénum à la séreuse de l'iléum à l'aide d'un fil
de la voie biliaire principale. On poursuit ensuite de la même cranté résorbable 3/0. On passe ensuite à l'ouverture
102
9. Dérivation biliopancréatique en oméga

Nœud
de fixation
entre moignon
duodénal
et iléon

Porte-aiguille
avec début
de surjet
anastomotique
Fig. 9.7
Anastomose duodéno-iléale terminolatérale.
Dessin : Cyrille Martinet.

de la muqueuse sur le versant duodénal et iléal : cette Focus


ouverture peut se faire soit au crochet monopolaire, soit
à l'instrument ultrasonique. Un deuxième surjet posté-
rieur réalisant des points totaux consolide le 1er  plan, Faut-il faire une cholécystectomie systématique ?
utilisant un 2e  fil cranté résorbable. On réalise ensuite La cholécystectomie est généralement indiquée
un surjet antérieur avec un 3e fil cranté résorbable per- lors d'une dérivation biliopancréatique standard
mettant de finaliser cette anastomose. La partie haute du fait des risques très élevés de lithiase vésiculaire
de l'anastomose est la zone privilégiée des fistules, pro- consécutifs à la perte de poids massive. Ceci est
bablement du fait de la traction exercée à ce niveau. d'autant plus justifié que l'accès à la voie biliaire
On peut donc consolider cette zone en rajoutant 1 ou principale reste limité par voie endoscopique du
2  points séparés de fil résorbable 3/0. Il est nécessaire fait de la section du 1er duodénum. Compte tenu
de vérifier la perméabilité de l'anastomose mais aussi d'une perte de poids attendue après SADI-S simi-
son étanchéité par un test au bleu qui est injecté par laire à celle de la DBP-DS standard, il nous semble
la sonde de calibration laissée en place. Il convient de que la cholécystectomie devrait également y être
clamper l'anse iléale afférente et efférente par des pinces associée. Cependant, ce geste n'est pas dépourvu
fenêtrées pour réaliser un test efficace. de morbidité et est parfois très difficile chez le

103
III. Interventions en cours de validation

superobèse, l'exposition et la position des tro- la masse graisseuse omentale. Elle doit être encadrée par le
carts n'étant pas toujours optimales. Nous réa- diététicien ou le nutritionniste, et se faire à distance du geste
lisons la cholécystectomie dans notre centre si opératoire [13].
les conditions sont favorables et uniquement si
les risques ne sont pas jugés trop importants en
peropératoire. Risques spécifiques à la gastrectomie
Faut-il fermer l'espace de Petersen ? longitudinale (cf. chapitre 6)
L'espace de Petersen, situé entre l'anse alimen-
taire et le mésocôlon transverse, doit être systé- Les risques de fistule haute sous-cardiale sont tou-
matiquement fermé comme proposé dans une jours possibles mais semblent limités du fait d'une
méta-analyse récente sur le court-circuit gastrique ­gastrectomie calibrée un peu plus large que dans la
en Y [11]. Cet espace est également fermé par la technique standard. L'intérêt d'un calibrage plus large
plupart des équipes réalisant régulièrement des est également de ­diminuer les difficultés alimentaires
DBP-DS. Dans la technique plus récente du court- postopératoires chez ces patients qui ont une compo-
circuit en oméga, il n'était pas décrit initialement sante malabsorptive importante. Les risques hémorra-
de temps de fermeture de cet espace entre l'anse giques sur la rangée d'agrafes restent présents et évalués
en oméga et le mésocôlon transverse, justifié par à environ 1  %. Ces risques semblent cependant dimi-
le fait que l'absence de division du mésentère nués par l'utilisation de matériel de renfort d'agrafage
pourrait protéger de la hernie interne. Force est d'après une méta-analyse récente [10], mais ce matériel
de constater que plusieurs publications récentes a un surcoût significatif.
ont rapporté des épisodes de hernie interne dans
l'espace de Petersen après court-circuit en oméga
[12]. Il semble donc légitime de discuter et propo- Difficultés à ascensionner l'anse
ser la fermeture de cet espace lorsqu'on réalise un
SADI-S. Cette fermeture doit être réalisée avec un
iléale commune
fil non résorbable, et est facilitée par la réalisation L'exposition de la dernière anse iléale est parfois difficile,
d'un surjet au fil cranté. notamment lorsque le volume du pneumopéritoine est
faible. Les antécédents d'appendicectomie peuvent aug-
menter la difficulté du fait d'adhérences localisées. Il peut
être utile d'utiliser la position de Trendelenburg et d'accen-
Difficultés techniques spécifiques tuer le roulis gauche pour faciliter ce geste. Le déroule-
et complications peropératoires ment du grêle, notamment lorsque les mésos sont courts
et épais, expose au risque de plaies digestives qui peuvent
Difficultés d'exposition passer inaperçues et avoir des conséquences graves : il est
important de dérouler l'intestin sous contrôle permanent
Les patients avec IMC supérieur à 50  kg/m2 avec obésité de la vue. On peut utiliser des anses fenêtrées à mors longs
androïde candidats au SADI-S, en particulier les hommes, pour faciliter la préhension du grêle et éviter les plaies
de petite taille, sont difficiles à opérer : séreuses.

le premier facteur est le volume du pneumopéritoine Les mésos très épais rendent l'anastomose duodéno-
obtenu qui est souvent insuffisant, rendant l'espace de tra- iléale difficile du fait de tractions anastomotiques impor-
vail et la vision limités. Il peut alors être utile d'augmenter la tantes qui peuvent conduire à des déchirements du
pression d'insufflation à 18 mmHg si le patient le tolère bien mésentère et des hémorragies, voire des hématomes plus
et avec l'accord de l'équipe d'anesthésie ; ou moins compressifs du tube digestif. Il faut alors envisager

le volume du foie souvent stéatosique et fibreux, et notam- soit de renoncer au temps de dérivation biliopancréatique
ment du lobe gauche hépatique, est un autre facteur gênant et se contenter d'une gastrectomie longitudinale première,
l'exposition de l'estomac, du pilier diaphragmatique gauche soit de réaliser une DBP-DS standard avec anse en Y, ce qui
et du duodénum. Une perte de poids peut être nécessaire facilitera la réalisation de l'anastomose du fait de la section
pour faciliter l'exposition, diminuer le volume hépatique et du mésentère.

104
9. Dérivation biliopancréatique en oméga

Difficultés liées à la dissection Complications


du 1er duodénum
Complications postopératoires
C'est le temps le plus complexe de l'intervention.
L'exposition du 1er  duodénum peut être difficile du précoces (1 à 6 mois)
fait du volume du lobe gauche hépatique ou d'antécé-
dents de cholécystite ou de cholécystectomie. On est
Complications chirurgicales
également souvent gêné par un volumineux ligament En cas de gastrectomie longitudinale concomitante, des
rond que l'on peut être amené à réséquer pour faciliter complications spécifiques à cette intervention peuvent
­l'exposition. La proximité du pédicule hépatique expose survenir. La principale est l'intolérance alimentaire avec
à des risques de plaie vasculaire d'une arcade pancréa- régurgitations et vomissements dus à un twist de la
tique, de l'artère gastroduodénale, de la veine porte, gastrectomie par agrafage « circulaire » de l'estomac. Il
voire de l'artère hépatique. La voie biliaire principale peut également exister une sténose médiogastrique, en
peut également être blessée lors du passage de la pince cas d'agrafage trop serré sur la sonde de calibration au
en rétroduodénal, de même que la tête du pancréas. Les niveau de l'angulus gastrique. La réalisation d'une gas-
manœuvres de traction sur le duodénum peuvent être trectomie longitudinale relativement large permet d'évi-
source de plaies séreuses et il est préférable de manipu- ter ces problèmes. Enfin, il est décrit l'aggravation ou la
ler le duodénum avec des pinces à longs mors. En cas survenue d'un reflux gastro-œsophagien de novo pour
de difficultés importantes, il est préférable de choisir la plus de 30 % des patients et il est préférable de laisser des
voie d'abord postérieure qui permet une dissection sous inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) dans la période
contrôle de la vue. postopératoire.
Les ulcères et sténoses anastomotiques au niveau de
l'anastomose duodéno-iléale sont surtout liés à des pro-
blèmes techniques, notamment ischémiques puisque la
Difficultés liées à l'anastomose localisation post-pylorique la protège de l'acidité gastrique.
duodéno-iléale Des dilatations au ballonnet par voie endoscopique sont
possibles après 1 mois postopératoire. Les occlusions diges-
L'anastomose duodéno-iléale est effectuée manuelle-
tives sont rares durant cette période, notamment du fait
ment par surjets de fils résorbables crantés. Deux sur-
de la voie d'abord cœlioscopique qui limite les adhérences,
jets postérieurs sont réalisés, permettant de consolider
et de l'absence de division du mésentère compte tenu de
cette anastomose. Le pôle supérieur de l'anastomose
l'anse en oméga [7, 8].
est le site préférentiel des fistules qui sont inférieures
à 2  % dans les équipes entraînées [7]. Une tension
excessive est un facteur de risque de fistule et l'ajout Complications médicales
de points séparés renforçant le pôle supérieur de Du fait du court-circuit digestif important, il est sou-
cette anastomose semble souhaitable, permettant en vent signalé des selles plus fréquentes. Des douleurs
outre de soulager la tension. Une sténose anastomo- abdominales, ballonnements et gaz malodorants sont
tique peut également survenir mais est peu fréquente, également signalés et peuvent être améliorées par un
car l'anastomose est post-pylorique et moins expo- régime alimentaire adapté, limitant les crudités, les
sée à l'acidité gastrique. Elle est donc plus volontiers graisses et les sucres.
secondaire à un défaut technique. La réalisation d'un Le risque de dénutrition protéinoénergétique est plus
test d'étanchéité et de perméabilité de l'anastomose élevé après ce type d'intervention, les protéines étant
par injection de bleu doit être systématique pour moins bien digérées et absorbées. Il existe un risque
limiter ces complications. Enfin, les risques d'hémor- d'entéropathie exsudative liée à une pullulation micro-
ragie sur cette anastomose sont faibles puisqu'elle est bienne dans l'anse afférente. Durant la 1re année et sur-
manuelle. En cas d'hémorragie, celle-ci peut souvent tout les 6 premiers mois d'amaigrissement, les carences
être contrôlée par endoscopie si elle ne se tarit pas d'apport en protéines sont un facteur de risque supplé-
spontanément. mentaire. Il est important d'insister auprès des patients

105
III. Interventions en cours de validation

sur la majoration des apports en protéines, voire l'ajout La hernie interne est à évoquer devant des douleurs surve-
de poudres protéiques en compléments. Les carences nant après amaigrissement important (après 12 à 18 mois),
en fer, vitamines liposolubles (A D E K) sont fréquentes en période postprandiale et qui s'accompagnent souvent
et nécessitent d'être contrôlées tous les 3 mois dans la d'un amaigrissement avec intolérance alimentaire. Le dia-
1re année postopératoire. Il faut aussi surveiller les vita- gnostic scanographique est généralement difficile et une
mines B1, B6, B9, B12, C, le zinc, le cuivre et le sélénium. Il laparoscopie exploratrice est le plus souvent indiquée pour
est également préférable de commencer la supplémen- confirmer le diagnostic.
tation vitaminique dans le mois précédent la chirurgie. Les ulcères anastomotiques chroniques sont rares et plu-
tôt de nature ischémique du fait de la moindre exposition
à l'acidité gastrique.
Ordonnance de supplémentation vitaminique
standard postopératoire Complications médicales
Tous les jours La persistance d'un éventuel reflux gastro-œsophagien

Complément multivitaminique : 2 cp/j reste difficile à traiter. Elle peut nécessiter de majo-

Calcium 600 mg : 3 cp/j
rer le traitement par IPP et de réaliser une surveillance

Fer 80 mg : 3 cp/j

Vitamine E : 1 capsule/j
endoscopique régulière pour dépister un éventuel
endobrachyœsophage.
Toutes les semaines
La dénutrition protéique est généralement précoce,

Vitamine A 50 000 UI : 1 capsule une fois par semaine

Si indisponible  : Vitamine A Nepalm® 200 000 UI  : dans les 6 à 12  mois postopératoires mais pas toujours.
1 ampoule à boire par mois le 1er jour du mois Elle est le plus souvent due à une anse iléale commune

Vitamine K1 2 mg/0,2 mL nourrisson : 1 ampoule à courte (≤  250  cm), des apports protéiques insuffisants,
boire une fois par semaine parfois par dégoût de la viande, la malabsorption étant
Tous les 15 jours un facteur favorisant. Il existe alors une hypoalbuminémie

Vitamine D : 1 ampoule à boire tous les 15 jours (< 35 g/L) rapportée dans 3,1 à 13 % des cas, les carences
Tous les mois protéiques étant décrites dans 7,6 à 29 % des cas [8]. Dans

Vitamine B12  : une ampoule par voie orale et par cette situation, il faut également éliminer un comporte-
semaine (1 000 μg) ment anorexique ou une narcodépendance. Les conseils
Pendant 6 mois nutritionnels (renforcer l'apport en protéines animales), la

IPP 40 mg : 1 cp le soir supplémentation protéique en poudre et la prescription
d'enzymes pancréatiques sont souvent nécessaires. En cas
de dénutrition sévère, une alimentation entérale complé-
Les urolithiases (lithiase oxalique) sont également plus mentaire par sonde nasojéjunale peut être indiquée.
fréquentes, dues à la formation de calculs d'oxalate de Des carences en vitamines et sels minéraux peuvent
calcium et à la déshydratation, notamment en cas d'épi- être observées, d'autant plus que la population obèse est
sode de diarrhées. Il faut donc limiter les aliments riches souvent carencée dans la période préopératoire, et si la lon-
en oxalate (chocolat, fruits secs, épinards, betterave rouge, gueur de l'anse commune est courte, mesurant moins de
rhubarbe, etc.) et augmenter la prise de calcium qui chélate 200 cm.
l'oxalate au niveau intestinal, ce qui limite son absorption Les carences les plus fréquentes à rechercher, par analo-
au niveau colique. gie avec la DBP-DS standard, sont celles en :

fer (15  %) avec anémie ferriprive. La supplémentation
préopératoire est nécessaire, et le recours au fer intravei-
Complications tardives (> 6 mois) neux en postopératoire est fréquent ;

calcium et vitamine  D (42 à 46  %), souvent associées
Complications chirurgicales à une augmentation de la parathormone par résorption
La principale complication tardive est le risque d'occlu- osseuse ;
sion intestinale, bien qu'en théorie, l'absence de division ●
vitamine A (45–53  %) pouvant se traduire par des
du mésentère limite le risque de hernie interne. Ce risque troubles de la vision nocturne, une peau sèche, une chute
semble cependant persister, notamment si l'espace de de cheveux  : la supplémentation en postopératoire est
Petersen n'est pas fermé et si la perte de poids est massive. systématique ;
106
9. Dérivation biliopancréatique en oméga


vitamine E, souvent tardive, se traduisant par une ataxie Réinterventions pour échecs
cérébelleuse avec faiblesse musculaire, anémie hémolytique
et brown bowel syndrome ; ou complications

vitamine K, liposoluble, avec chute spontanée du TP ; Il est rapporté dans la littérature certains cas de dénu-

vitamine B12, associée à une anémie macrocytaire, due trition par l'équipe de Sanchez et al. qui a décrit la tech-
à un déficit en facteur intrinsèque et une baisse de l'acidité nique lorsqu'ils ont commencé par une anse commune
gastrique (après gastrectomie longitudinale et utilisation courte de 2 m [6]. Les auteurs rapportent l'allongement
d'IPP). de l'anse commune à 250 cm puis 300 cm afin de dimi-
La carence en thiamine (vitamine B1) est plus rare mais nuer ce risque, ce qui semble confirmé par l'expérience
grave car à l'origine du béribéri avec tableau de polyradi- de Cottam et al. [15]. En cas de dénutrition après SADI-S,
culonévrite, insuffisance cardiaque ou encéphalopathie de il peut être proposé un rallongement de l'anse com-
Gayet-Wernicke. Elle est retrouvée dans les situations de mune par démontage de l'anastomose duodéno-iléale
vomissements prolongés. Elle nécessite une supplémen- et réfection de cette anastomose en rajoutant 1  m de
tation en thiamine, en évitant la perfusion de glucose qui longueur à l'anse commune en oméga. Il peut égale-
aggrave le déficit. ment être proposé un démontage par agrafage de l'anse
D'après 2 revues récentes de la littérature, ces carences en oméga efférente (mesurant 200  cm) et une conver-
semblent cependant moins fréquentes après SADI-S sion en DBP-DS, en réimplantant l'anse efférente 1 m en
qu'après DBP-DS [7, 8]. amont de l'anastomose duodéno-iléale, réalisant ainsi
une anse alimentaire de 1 m et une anse commune de
2 m. Les taux de révision sont évalués de 0,8 à 7 % dans
la littérature [8].
Résultats à 5 ans Le problème du reflux gastro-œsophagien semble le
plus souvent gérable avec des IPP mais dans le cas d'une
Perte pondérale gastrectomie longitudinale première avec symptomatolo-
gie de reflux sévère, il faut s'interroger sur la réalisation d'un
La technique étant récente, les données de la littérature RYGB (Roux-en-Y Gastric Bypass  : dérivation biliopancréa-
notamment à moyen et plus long terme sont pauvres. tique avec anse en Y) plutôt que celle d'un SADI. Il n'est pas
D'après 2 revues récentes de la littérature [7, 8], il est rapporté décrit dans la littérature de réinterventions pour diarrhées
une moyenne de 78,7 % de perte d'excès de poids (PEP) à majeures ni pour ulcère anastomotique chronique. Un cas
1 an (extrêmes 61,6–87 %) et de 92,7 % à 5 ans (extrêmes de hernie interne a été rapporté par Summerhays et al. et
87-98 %), soit 36,8 et 38,4 % de perte de poids totale res- conforte ainsi l'idée que l'espace de Petersen doit être systé-
pectivement. Ces résultats sont comparables à ceux de la matiquement fermé [16].
DBP-DS. L'équipe de Sanchez et  al. a analysé les résultats
de 16 patients ayant bénéficié d'un SADI, comme 2e étape
après une gastrectomie longitudinale, rapportant 72 % de
PEP à 2 ans [9]. Il est encore trop tôt pour pouvoir définir Conclusion
si la longueur de l'anse iléale commune variant de 200 à
300 cm dans la littérature a un effet sur la perte de poids. Le SADI-S est une intervention récente qui semble avoir
l'avantage d'être techniquement moins complexe que
la dérivation biliopancréatique avec dérivation duodé-
Amélioration des comorbidités nale. Elle semble également offrir des résultats pondé-
raux et métaboliques similaires avec de moindres effets
Concernant le diabète de type  2, des taux de rémission et secondaires. Les autres avantages rendant la technique
d'amélioration de 60 et 86 % sont rapportés entre 6 et 12 mois attrayante sont l'anastomose unique post-pylorique sur
postopératoires respectivement [8]. Soixante-dix pour cent des anse en oméga limitant potentiellement les risques de
patients étaient considérés en rémission à 5 ans dans la série de hernie interne. Le recul sur les résultats et les données
Sanchez et al. [14]. L'hypertension artérielle semblait améliorée de la littérature restent cependant insuffisants actuel-
dans 42,4 à 96 % des cas dans les 6 à 12 mois alors que le syn- lement, nécessitant que cette technique soit évaluée
drome d'apnée du sommeil semblait amélioré ou en rémission avant de faire l'objet de recommandations en chirurgie
dans 60 % des cas à 6 mois et 97,6 % des cas à 12 mois [8]. bariatrique.
107
III. Interventions en cours de validation

À retenir [2] Tran DD, Nwokeabia ID, Purnell S, Zafar SN, Ortega G, Hughes K, et al.


Revision of Roux-En-Y gastric bypass for weight regain : a systematic
review of techniques and outcomes. Obes Surg 2016 ; 26(7) : 1627–34.
n
Le SADI-S est une dérivation biliopancréatique [3] Marceau  P, Biron  S, Hould  FS, Lebel  S, Marceau  S, Lescelleur  O,
simplifiée, à une seule anastomose duodéno-iléale et al. Duodenal switch : long-term results. Obes Surg 2007 ; 17(11) :
sur anse en oméga. 1421–30.
n
Le SADI-S est une technique conservatrice du [4] Prachand  VN, Davee  RT, Alverdy  JC. Duodenal switch provides
superior weight loss in the super-obese (BMI >  or =  50  kg/m2)
pylore, limitant potentiellement les risques de compared with gastric bypass. Ann Surg 2006 ; 244(4) : 611–9.
dumping syndrome précoce et/ou tardif. [5] Topart P, Becouarn G, Delarue J. Weight loss and nutritional out-
n
L'anse iléale commune ≥ 2,5  m diminue pro- comes 10  years after biliopancreatic diversion with duodenal
bablement le risque de diarrhées et de carences switch. Obes Surg 2017 ; 27(7) : 1645–50.
[6] Sánchez-Pernaute  A, Rubio Herrera  MA, Pérez-Aguirre  E, García
nutritionnelles comparée à la DBP standard.
Pérez  JC, Cabrerizo  L, Díez Valladares  L, Fernández  C, Talavera  P,
n
Le point technique difficile reste la section du Torres  A. Proximal duodenal-ileal end-to-side bypass with sleeve
1er duodénum sur le bord droit de la voie biliaire gastrectomy : proposed technique. Obes Surg 2007 ; 17(12) : 1614–8.
principale. [7] Martini F, Paolino L, Marzano E, D'Agostino J, Lazzati A, Schneck AS,
n
Le SADI-S est réalisable en un temps avec gas- et al. Single-Anastomosis pylorus-preserving bariatric procedures :
review of the literature. Obes Surg 2016 ; 26(10) : 2503–15.
trectomie longitudinale concomitante, ou en [8] Topart  P, Becouarn  G. The single anastomosis duodenal switch
deux temps quelques mois après une perte de modifications  : a review of the current literature on outcomes.
poids induite par un premier temps de gastrecto- Surgery for Obesity and Related Diseases 2017 ; 13(8) : 1306–12.
mie longitudinale. [9] Sánchez-Pernaute  A, Rubio  MÁ, Conde  M, Arrue  E, Cabrerizo  L,
Pérez-Aguirre E, et al. Single-anastomosis duodenoileal bypass as a
second step after sleeve gastrectomy. Surg Obes Relat Dis 2015 ;
``Compléments en ligne 11(5) : 351–5.
[10] Wang Z, Dai X, Xie H, Feng J, Li Z, Lu Q. The efficacy of staple line
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. reinforcement during laparoscopic sleeve gastrectomy  : A meta-
analysis of randomized controlled trials. Int J Surg 2016 ; 25 : 145–52.
(Ils sont indiqués dans le texte par un picto « ». Ils pro- [11] Stenberg  E, Szabo  E, Ågren  G, Ottosson  J, Marsk  R, Lönroth  H,
posent des vidéos.) Pour voir ces compléments, connectez- et al. Closure of mesenteric defects in laparoscopic gastric bypass :
vous sur http://www.em-consulte/e-complement/475879 a multicentre, randomised, parallel, open-label trial. Lancet 2016 ;
et suivez les instructions. 387 : 1397–404.
[12] Mahawar KK, Himpens J, Shikora SA, Chevallier JM, Lakdawala M,
De Luca  M, et  al. The First Consensus Statement on One
Vidéo 9.1 Anastomosis/Mini Gastric Bypass (OAGB/MGB) using a modified
Mesure de l'anse iléale commune. delphi approach. Obes Surg 2018 ; 28(2) : 303–12.
[13] Thorell  A, MacCormick  AD, Awad  S, Reynolds  N, Roulin  D,
Demartines  N, et  al. Guidelines for perioperative care in baria-
Vidéo 9.2 tric surgery  : Enhanced Recovery After Surgery (ERAS) Society
Dissection duodénale par voie antérieure. Recommendations. World J Surg 2016 ; 40 : 2065–83.
[14] Sánchez-Pernaute A, Rubio Herrera MA, Martín Antona E, Matía P,
Pérez Aguirre E, Torres A. Single-anastomosis duodeno-ileal bypass
Vidéo 9.3
with sleeve gastrectomy (SADI-S). Absolute results at 5 years Surg
Dissection duodénale par voie postérieure. Obes Relat Dis 2016 ; 12(7) : S70–1.
[15] Cottam A, Cottam D, Medlin W, Richards C, Cottam S, Zaveri H,
Vidéo 9.4 et al. A matched cohort analysis of single anastomosis loop duode-
Anastomose duodéno-iléale. nal switch versus Roux-en-Y gastric bypass with 18-month follow-
up. Surg Endosc 2016 ; 30(9) : 3958–64.
[16] Summerhays C, Cottam D, Cottam A. Internal hernia after revisio-
nal laparoscopic loop duodenal switch surgery. Surg Obes Relat Dis
Références 2016 ; 12(1) : e13–5.

[1] Himpens  J, Coromina  L, Verbrugghe  A, Cadière  GB. Outcomes


of revisional procedures for insufficient weight loss or weight
regain after Roux-en-Y gastric bypass. Obes Surg 2012 ; 22(11) :
1746–54.

108
Chapitre 10
Gastrectomie longitudinale
monotrocart
Single-port sleeve gastrectomy
Guillaume Pourcher

PLAN DU C HAPITRE
Notions clés 110
Technique opératoire 111
Difficultés et complications peropératoires 114
Complications 115
Résultats à 5 et 10 ans 116

Chirurgie bariatrique
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III. Interventions en cours de validation

Depuis son introduction dans les années 2000, la gastrectomie


longitudinale (à trocarts multiples) est devenue une technique
de référence, et ne cesse de prendre de l'importance dans la prise
en charge chirurgicale de l'obésité. En 2010, 8 000 gastrectomies
longitudinales et en 2017, plus de 40 000 gastrectomies longitu-
dinales ont été réalisées sur les 59 000 procédures de chirurgie
bariatrique en France [1]. Cette procédure est aussi devenue la
première procédure bariatrique réalisée en France depuis 2011.
La gastrectomie longitudinale est donc une intervention fré-
quente et peut être optimisée aux vues des progrès récents de
la chirurgie mini-invasive. Cette technique est, à ce jour, presque
toujours réalisée par cœlioscopie à trocart multiple (entre 3 et Fig. 10.2
Exemple de pince double courbure et modèle de caméra flexible.
7 trocarts). Dans les années 1990, la minimisation des incisions Source : Olympus France.
cutanées par l'approche laparoscopique des procédures telle
que la cholécystectomie chez des patients obèses ou présen-
Les données de la littérature sur la gastrectomie longitu-
tant un taux de comorbidités élevé a permis une réduction
dinale par trocart unique restent limitées et seules quelques
significative de la morbidité périopératoire [2]. C'est dans cette
séries rétrospectives ou prospectives valident sa faisabilité
philosophie que s'inscrit la chirurgie cœlioscopique par abord
[5–14]. Il n'existe, à ce jour, qu'une seule étude prospective
unique ou monotrocart  : réduire l'invasion et le nombre de
randomisée multicentrique de plus de 100  patients, en
cicatrices. Cette nouvelle approche apparaît comme une évo-
cours d'inclusion et financée dans le cadre des PHRC natio-
lution naturelle de la chirurgie laparoscopique conventionnelle.
naux français : MINIOB (388 patients). Cette technique est
Cette technique repose sur l'utilisation d'un seul trocart
aujourd'hui standardisée et a été publiée en 2012 [6, 7].
(monotrocart) avec une incision d'environ 2,5 cm qui permet
d'introduire 2 à 3 pinces chirurgicales et un trocart optique
adapté permettant de travailler dans la cavité péritonéale O bjectifs et intérêt d'une voie
dans de bonnes conditions de sécurité. Les premiers essais d'abord à une seule incision
ont été réalisés dans les années 1990 mais la commercialisa-
tion des monotrocarts date de 2007 aux États-Unis [3–5].

Diminution des douleurs postopératoires
La technique monotrocart permet de réaliser un grand

Rapidité de récupération postopératoire avec
nombre d'interventions digestives telles que cholécystecto- diminution de la durée d'hospitalisation, reprise
mie, colectomie, résection digestive multiple, hépatectomie, d'activité précoce
appendicectomie, splénectomie, surrénalectomie, ou un

Diminution des complications pariétales
curage lomboaortique à travers une incision unique. Pour

Gain esthétique d'une cicatrice unique de 2,5 cm
être standardisée et sécurisée, une instrumentation modifiée peu visible
est nécessaire à cette voie d'abord (fig. 10.1 et 10.2) [5]. Tous ces avantages restent à démontrer par rap-
port à la technique de référence sous cœlioscopie
qui nécessite 3 à 7 trocarts.

Notions clés
La technique monotrocart nécessite une incision légère-
ment plus importante qu'un simple trocart, passant de 1,5
à 2,5–3 cm. Elle peut s'argumenter dans le cadre d'extrac-
tion de la pièce opératoire avec élargissement nécessaire de
l'orifice chirurgical. Ainsi à chaque fois qu'il y a extraction
d'une pièce opératoire, le chirurgien doit se poser la ques-
tion de l'intérêt du trocart unique ou non.
Fig. 10.1
Avant de se lancer dans la pratique de cette nouvelle
Exemple de trocart adapté avec système d'écarteur d'Alexis et
capuchon multitrocarts.
voie d'abord, le chirurgien doit intégrer deux nouvelles
Source : Olympus France. notions propres à la cœlioscopie par monotrocart [5–7] :
110
10. Gastrectomie longitudinale monotrocart


l'espace pariétal : espace dans lequel tous les instruments Dans ce contexte, la gastrectomie longitudinale est par-
sont introduits, cette notion est directement reliée aux pro- faitement adaptée à l'utilisation d'un trocart unique  : des
blèmes de conflit entre instruments. Il doit être optimisé patients obèses, donc plus fragiles, un axe de travail simple,
en fonction du patient et des conditions locales. Comme un espace de dissection restreint la nécessité de l'extrac-
en cœlioscopie, une incision mal placée rajoute des diffi- tion de la pièce gastrique. Cette technique récente exige
cultés au geste. Il est aussi primordial d'utiliser du matériel des compétences et une formation pour l'utilisation de
adapté (caméra flexible, trocart à écarteur d'Alexis, pince nouveaux instruments (double courbure) et une optique
double courbure). Par exemple, l'utilisation de trocart avec flexible. Cette formation pratique est actuellement limi-
un système comprenant un écarteur d'Alexis est essentielle tée par la rareté des centres de formation. Seules quelques
(cf. fig. 10.1 et 10.2) car il minimise la profondeur et maxi- équipes réalisent en routine des procédures monotrocarts.
mise la largeur de l'espace pariétal ;

le couloir chirurgical : espace dans lequel le chirurgien tra-
vaille dans la cavité péritonéale. Par définition, le chirurgien Technique opératoire
utilisant un trocart unique travaille dans un petit couloir et
n'a donc pas besoin de décoller ou disséquer l'ensemble de (vidéo 10.1 ) [5–7]
la cavité péritonéale. L'axe de ce couloir est déterminé par
l'orientation du plus gros instrument. Certaines interven- Installation du patient et disposition
tions ne sont pas adaptées à une utilisation systématique de l'équipe (fig. 10.3)
du trocart unique. Par exemple, la cholécystectomie qui
nécessite des écartements et une exposition divergente est Le patient est placé en décubitus dorsal, position proclive,
plus dangereuse en trocart unique [15]. demi-assis à 110°, jambes et bras écartés. Le chirurgien se

Fig. 10.3
Installation recommandée pour réaliser une gastrectomie longitudinale par monotrocart.
Dessin : Cyrille Martinet.

111
III. Interventions en cours de validation

positionne entre les jambes du patient, l'aide à sa gauche,


l'instrumentiste à sa droite. L'écran est positionné au niveau
de la tête du patient dans l'axe de vision du chirurgien. Il faut
noter que cette position demi-assise n'est réalisée qu'après
réalisation du pneumopéritoine, elle pourra être modu-
lée durant l'intervention pour optimiser les problèmes de
conflits ou d'exposition liés au monotrocart. Une instru-
mentiste sera toujours nécessaire.

Disposition du trocart unique


Selon la situation anatomique, l'incision sera variable pour
optimiser l'espace pariétal et s'adapter aux limitations de
longueur des instruments et/ou de la caméra.
Après repérage de la distance entre l'appendice xiphoïde
et l'ombilic, on réalise une incision cutanée de 2,5 à 3 cm :

soit dans l'ombilic si la distance est < 18–20 cm de l'ap-
pendice xiphoïde (fig. 10.4) ; Fig. 10.5

soit dans l'hypocondre gauche à quatre travers de doigts Incision dans l'hypocondre gauche si la distance xipho-ombilicale
sous l'appendice xiphoïde et à deux travers de doigts de la est supérieure à 20 cm.
Ce type d'incision est à privilégier en début d'expérience, se
ligne médiane, latéralisé à gauche si la distance est > 20 cm positionner à 12 cm sous l'appendice xiphoïde et à 3–4 cm
de l'appendice xiphoïde (fig. 10.5). latéralement vers la gauche.
Dessin : Cyrille Martinet.
Le pneumopéritoine peut être réalisé par une aiguille de
Verres, introduite dans la même cicatrice ou non, permettant
un abord pariétal plus aisé par mise en tension du péritoine. horizontalement les aponévroses musculaires sur 3 à 4 cm en
Une dissection est effectuée jusqu'au péritoine après avoir incisé disséquant les fibres musculaires. Une fois le péritoine ouvert,
un trocart unique (disponible sur le marché actuel), et composé
d'au moins 2 ports de 5–12 mm et de 2 ports de 10–12 mm,
est mis en place. Une fois l'étanchéité obtenue, l'optique (de 30°
ou de préférence flexible) de 5 ou 10 mm est introduite et doit
absolument être coaxiale, c'est-à-dire dans le même axe pour les
fibres optiques et lumineuses pour ne pas encombrer l'espace
de travail extra-abdominal. Une pince à double courbure fenê-
trée de 5 mm est introduite à la main gauche de l'opérateur et
une pince à énergie de 5 mm est positionnée à sa main droite.
Ce n'est qu'après la réalisation du pneumopéritoine jusqu'à
12–13 mmHg que finalement, le patient est mis en position
demi-assise en commençant par une flexion de la table jusqu'à
110°, puis en position proclive pour obtenir une orientation
opératoire avec le haut de l'abdomen en position verticale
(position du fauteuil). Cette position de trocart permet d'opti-
miser l'espace pariétal ou espace de liberté des instruments
dans la paroi et d'éviter les conflits d'instruments.

Fig. 10.4 Exploration de la cavité abdominale


Incision ombilicale réalisable si la distance xipho-ombilicale est
inférieure à 20 cm.
et repérage
Avec une courbe d'apprentissage validée, la gastrectomie
longitudinale est réalisable par cette voix dans plus de 80 % des cas.
L'optique flexible est positionnée dans le port 12 mm à la
Dessin : Cyrille Martinet. partie inférieure du trocart. Une pince à double courbure
112
10. Gastrectomie longitudinale monotrocart

dans le port de 10 mm gauche et un dissecteur à thermo- (­regardant vers le haut) ou latéralement à la gauche du
fusion dans le port de 10 mm droit sont mis en place. On patient pour optimiser l'espace de travail, la pince à double
repère le pylore et la patte d'oie. Pour ce repérage, le lobe courbure permettant d'exposer la région en saisissant la
gauche hépatique peut-être soulevé, si nécessaire, à l'aide face postérieure de l'estomac qui est relevée en monobloc
de la courbure de la pince à préhension. avec le lobe gauche hépatique. Cette pince remplace l'écar-
teur à foie et une pince d'exposition.
Section du ligament gastrocolique
au ras de la grande courbure Agrafage de l'estomac (fig. 10.7)
(fig. 10.6) Début de l'agrafage
La gastrolyse commence à environ 4–7 cm en amont du Une sonde de 36 Fr est descendue et positionnée sous
pylore afin de préserver les fibres circulaires antrales. La contrôle laparoscopique au contact du pylore. Une agra-
pince à préhension saisit l'estomac qui sera exposé près de feuse endoscopique linéaire avec des agrafes de 3,5 à
la grande courbure. La courbure de la pince à préhension 4,8 mm est introduite dans le port de 12 mm passant sous
permet de soulever en même temps le lobe gauche hépa- et à gauche de l'optique. L'optique est positionnée dans le
tique pour simplifier l'exposition. Une fois l'arrière-cavité port de 10–12  mm le plus bas. Le premier coup d'agrafe
des épiploons ouverte, la section gastro-épiploïque est est donné au contact du tube de calibration en préser-
réalisée au dissecteur à thermofusion en restant proche de vant le ligament gastrique postéro-inférieur de l'antre. Une
l'estomac. rotation du chargeur de l'agrafeuse est effectuée dès que
nécessaire afin de suivre l'axe de la petite courbure et de
préserver l'espace pariétal.
Dissection de la face postérieure
de l'estomac et de l'angle de His Poursuite de l'agrafage
La dissection est la phase la plus importante, elle se pour- Pour ce temps opératoire, le lobe gauche n'a pas besoin
suit vers l'angle de His avec section des vaisseaux gastros- d'être relevé, le mors supérieur de l'agrafeuse se plaçant faci-
pléniques. Le pilier gauche du diaphragme doit être bien lement entre le foie et l'estomac. La pince à double courbure
exposé par une libération complète de la partie postérieure saisit la face postérieure de la partie d'estomac à réséquer
du ligament phrénogastrique et du ligament gastropan- qui peut ainsi être soulevée. Il faut, avant l'agrafage, vérifier
créatique. Les adhérences rétrogastriques sont libérées qu'autant de paroi antérieure que postérieure est réséqué.
à ce niveau en respectant l'artère et la veine gastrique Au moment d'agrafer, la pince à préhension met en traction
gauche mais en sectionnant les pédicules gastriques pos- vers l'extérieur l'estomac réséqué. L'agrafage doit être fait le
térieurs. L'optique se positionne sous les pinces opératrices plus proche de la sonde de calibration sans sténose.

A B
Fig. 10.6
Pince à double courbure qui relève la face postérieure de l'estomac et le lobe gauche (A), pince d'énergie avancée sectionnant le ligament
gastrocolique au ras de l'estomac (B).
113
III. Interventions en cours de validation

Fig. 10.7
Pince à double courbure qui attrape la face postérieure de l'estomac et le tracte, permettant d'optimiser l'exposition durant l'agrafage
gastrique.
Dessin : Cyrille Martinet.

Fin de l'agrafage cart unique dont l'enveloppe de protection permet d'évi-


ter toute contamination. Après extraction, il n'y a pas de
À proximité de l'angle de His, l'optique doit venir par le bas
drainage systématique. Le trocart unique est retiré, puis la
(regardant vers le haut). Le dernier coup d'agrafage se fait
fermeture de l'aponévrose est réalisée par un surjet de fils
à proximité du pilier diaphragmatique gauche en restant
plutôt monofilament, à résorption lente ou non résorbable,
à distance de l'œsophage pour éviter une fistule postopé-
de taille adaptée. Des fermetures sous-cutanée et cutanée
ratoire. Le nombre de recharges d'agrafes ne doit pas être
terminent l'intervention. La mise en place d'une sonde gas-
trop important et semble être un critère de qualité (4 à 7
trique postopératoire n'est pas systématique sauf en cas de
maximum). Un renfort de la ligne d'agrafes ou une suture
décision du chirurgien. La mise en place d'une sonde uri-
peuvent être utilisés selon les habitudes de l'opérateur.
naire n'est pas nécessaire.

Hémostase complémentaire
Un éventuel saignement sur la ligne d'agrafe peut être coa- Difficultés et complications
gulé par des hémostases prudentes à la pince bipolaire ou peropératoires
par des clips. Des points de suture au fil résorbable sont
parfois nécessaires en cas de saignement plus important. Cette voie d'abord et les nouvelles notions qui lui sont
reliées posent principalement deux problèmes qui
Extraction de la pièce et fermeture impliquent des courbes d'apprentissage de l'opérateur
mais aussi de l'aide. Ces courbes sont estimées dans
Véritable intérêt de la chirurgie par monotrocart pour le notre centre à 20 procédures pour un novice en chirur-
chirurgien  : l'extraction de la partie de l'estomac réséqué gie cœlioscopique et entre 5–10 pour un chirurgien
peut se faire en quelques secondes et sans effort par le tro- expérimenté.

114
10. Gastrectomie longitudinale monotrocart

Conflits d'instruments Temps opératoire moyen


La courbe d'apprentissage est essentielle car le chirurgien Il est estimé à 94 minutes [10] et reste très variable selon les
doit préserver l'espace pariétal en gardant un parallélisme études avec une tendance nette vers la diminution pour
entre les différents instruments. Par ailleurs, l'espace extra- les séries les plus récentes. Il n'y a pas de différence signifi-
abdominal doit être optimisé pour permettre les mouve- cative pour les études comparatives entre trocarts unique
ments les plus aisés des mains de l'opérateur et de l'aide. et multiple [8–10, 12, 13, 17] et ce temps opératoire dimi-
Ainsi, il est conseillé une position basse de la main tenant nue après plus de 20  patients en relation avec la courbe
l'optique, alors que les mains de l'opérateur doivent rester d'apprentissage [11]. Cette diminution du temps opératoire
plus centrales avec les poignées des instruments s'orien- se retrouve aussi entre les séries initiales [5] et actuelles [7].
tant vers l'extérieur. La pince opératrice tenue par la main
droite qui est toujours une pince droite doit rester sous
Complications hémorragiques
l'optique à l'intérieur de l'abdomen. Par ailleurs, l'aide
opératoire qui tient l'optique doit rester souple et ne pas et fuite gastrique
bouger la partie axiale pour ne pas donner de la rigidité Leurs taux ne présentent pas de différence significative dans
ou encombrer l'opérateur. Quoi qu'il en soit, l'opérateur la littérature par rapport à l'intervention à plusieurs trocarts
et l'aide doivent faire « le point » à chaque problème de [8, 10, 17, 18]. Les résultats de l'étude prospective rando-
conflit pour comprendre son origine et faire leur courbe misée multicentrique française (MINIOB) permettront de
d'apprentissage. En cas de difficulté ou même durant l'ap- répondre plus formellement à cette question.
prentissage de la technique, l'ajout d'un ou de plusieurs
trocarts peut être nécessaire.
Complications
Hypertrophie hépatique et absence
Complications postopératoires
d'écarteur à foie
précoces (1–6 mois)
L'écarteur à foie est remplacé partiellement par la courbure
de la pince main gauche. Comme pour les techniques par Des revues récentes de la littérature [10, 18] retrouvent un
3 trocarts, le fait de relever la poche gastrique par la face taux de complications précoces de 2,8  % [18]. La compli-
postérieure permet d'avoir une bonne exposition. Dans cation la plus fréquente est l'hémorragie intra-abdominale
notre centre, nous utilisons une préparation du patient avec (0,8 %). Parmi les autres complications significatives, figurent
une alimentation pauvre en graisse et non h­ ypocalorique, des cas de fuite sur la ligne d'agrafes (0,5 %) et de séromes
plusieurs jours avant la chirurgie pour diminuer la surcharge sous-cutanés (0,5 %). Les complications les moins fréquentes
stéatosique [16]. sont l'infection sous-cutanée, la thrombose de la veine porte,
la perforation intestinale, l'embolie pulmonaire, les nausées
et une paresthésie de la main. Le taux de reprise peut être
Ajout de trocart estimé à 0,7 % [10, 18]. La durée moyenne du séjour à l'hôpi-
tal est de 2,5 à 3,7 jours (extrêmes : 1–12 jours) [10, 18].
Le taux d'ajouts de trocart est estimé par une revue de la La morbidité associée au traumatisme abdominal et à
littérature à 7 % [10]. Ce taux est très clairement lié à des l'incision a également suscité un grand intérêt. L'hypothèse
problèmes de conflit d'instrument ou d'exposition, notam- a été que l'utilisation d'une seule incision devait être corré-
ment en cas d'hypertrophie du foie. Il est aussi relié à la lée à un nombre inférieur de complications. De plus, l'inci-
courbe d'apprentissage et décroît avec l'expérience. Ainsi, sion sur la paroi abdominale est plus large et permet donc
pour un début d'expérience, un taux d'ajouts de trocart théoriquement une meilleure vision avec un plus grand
autour de 15–20  % n'est pas rare [5] et passe pour une contrôle des risques de saignement au niveau pariétal et de
équipe entraînée à moins de 2  %. La courbe d'apprentis- la qualité de la fermeture de la cavité péritonéale [10].
sage, pouvant être estimée à une vingtaine de procédures La technique de gastrectomie doit toujours être réali-
pour un novice, est certainement plus faible si le chirurgien sée à l'identique en termes de qualité et de sécurité pour
réalise déjà une technique de gastrectomie longitudinale à les patients par rapport à la technique de référence. Si
3 trocarts. des difficultés ou un doute apparaissent, le chirurgien

115
III. Interventions en cours de validation

doit ajouter un trocart. Ainsi, dans toutes les séries rap- La douleur postopératoire semble être comparable
portées, il n'y a pas de différence qualitative, c'est-à-dire aux techniques multiports même si elle apparaît amélio-
sur l'efficacité de l'intervention et la perte de poids pos- rée dans les 3  premiers jours selon Morales et  al. [9]. Un
topératoire [8–10, 12, 13, 17, 18]. Dans l'étude publiée seul décès a été rapporté (0,06 %) dans la littérature [10].
par Yeung et al. [19] et dans celle de Porta et al. [8], une Ce patient souffrait d'une maladie thromboembolique vei-
échelle visuelle analogique a été utilisée pour évaluer le neuse récurrente et, malgré l'administration d'antithrombo-
résultat cosmétique et l'évaluation des paramètres de tiques, a présenté une embolie pulmonaire postopératoire,
qualité de vie selon le questionnaire SF-36. Ces études conduisant à une insuffisance cardiaque aiguë et au décès
ont mis en évidence un effet statistiquement significatif au 10e jour postopératoire [11].
de l'opération sur les rubriques suivantes  : fonctionne-
ment physique, rôle physique, douleur corporelle, santé Complications tardives (> 6 mois)
générale, vitalité, fonctionnement social, rôle émotionnel
et santé mentale [8]. Le taux de complications global est actuellement estimé à
7,4 %, correspondant à 124 complications postopératoires
à moyen et long terme [10]. La technique par monotrocart
Problème des éventrations réalise avant tout une gastrectomie longitudinale de même
qualité que l'abord par multitrocart. Les complications
C'est une critique habituelle faite à l'abord par attendues sont les mêmes (cf. chapitre 6) et la plupart des
trocart unique [10] car l'incision musculaire et séries publiées à ce jour ne retrouvent pas de différences
cutanée est légèrement plus importante (envi- sur le taux global de complications [8, 10]. Des complica-
ron 3 cm) que celle réalisée pour la mise en place tions postopératoires tardives ont été rapportées chez 1,2 %
des trocarts multiples (1,5 cm). Si l'on regarde les des patients [10, 18] dont des cas d'éventrations, de reflux
données publiées, il n'y a pas de différence concer- gastro-­œsophagien et de cholécystite ou de colique hépa-
nant l'incidence des éventrations dans les études tique [18].
comparatives rétrospectives [8, 12, 13] ou pros-
pectives [9, 17]. Cependant, les effectifs restent
faibles, et l'étude MINIOB permettra probable-
ment de répondre précisément sur ce point car Résultats à 5 et 10 ans
ce sera la seule étude prospective multicentrique
Pour les résultats spécifiques de la gastrectomie monotro-
à fort effectif (388  patients) avec 2  ans de suivi
cart, il faut considérer qu'elle est une procédure ayant des
postopératoire.
résultats fonctionnels similaires à ceux de la laparoscopie
Une série clinique incluant plus de 1 000 interven-
conventionnelle. La perte de poids est comparable avec un
tions monotrocarts avec scanner systématique à
taux de réduction de l'excédent pondéral à plus d'un an
1 an a mis en évidence un taux d'éventrations de
d'environ 70 % [7]. La qualité de vie postopératoire selon le
3,7 %. Ce taux est exhaustif car un scanner abdo-
questionnaire abrégé SF-36 serait similaire à celle du groupe
minal systématique était réalisé à 48 heures pos-
contrôle [8]. Pour ce qui est des résultats à plus long terme,
topératoire et ensuite chaque année [11]. Selon
nous n'avons pas de données publiées objectives concer-
les données actuelles de la littérature, le taux
nant l'abord monotrocart mais cette intervention reste une
d'éventration après chirurgie bariatrique multi-
gastrectomie longitudinale où seule la voie d'abord diffère
trocart semble du même ordre, sachant que chez
(cf. chapitre 6).
les patients obèses, la présence d'une éventration
est très souvent asymptomatique [20]. Ce taux est
estimé pour la chirurgie bariatrique par laparos-
À retenir
copie conventionnelle à 2,7 % avec des variations
entre 0,5 et 5 % [20, 21]. ■
La chirurgie par monotrocart doit être envisa-
Le site de réalisation de l'incision cutanée joue
gée comme une nouvelle voie d'abord et ne doit
probablement aussi un rôle dans la fréquence de
pas altérer la qualité de l'intervention.
survenue des éventrations. Ainsi, le taux d'éven- ■
Deux nouvelles notions doivent être intégrées :
tration était de 0,5 % pour Lakdawala et al. [12, 13]
l'espace pariétal et le couloir chirurgical.
avec une approche transombilicale.
116
10. Gastrectomie longitudinale monotrocart


La procédure de gastrectomie longitudinale est [6] Pourcher G, Tranchart H, Dagher I. Single site laparoscopic sleeve
parfaitement adaptée à la voie d'abord monotro- gastrectomy. J Visc Surg 2012 ; 149(3) : 189–94.
[7] Pourcher G, Ferretti S, Akakpo W, Lainas P, Tranchart H, Dagher I.
cart, contrairement à d'autres interventions. Single port sleeve gastrectomy for super obeses patients. Surg Obes

Cette technique a des contraintes propres Relat Dis 2016 ; 12(3) : 522–7.
nécessitant, pour être utilisée en routine de façon [8] Porta A, Aiolfi A, Musolino C, Antonini I, Zappa MA. Prospective
sécurisée, l'utilisation de matériaux adaptés avec comparison and quality of life for  single-incision and conventio-
nal laparoscopic  sleevegastrectomy in a series of morbidly obese
une courbe d'apprentissage estimée à une ving-
patients. Obes Surg 2017 ; 27(3) : 681–7.
taine de procédures. [9] Morales-Conde  S, Del Agua  IA, Moreno  AB, Macías  MS.

L'ajout d'un trocart ne doit pas être un frein Postoperative pain after conventional laparoscopic versus single-
à sa réalisation et correspond à la période port sleeve gastrectomy  : a prospective, randomized, controlled
d'apprentissage. pilot study. Surg Obes Relat Dis 2017 ; 13(4) : 608–13.
[10] Dimitrokallis  N, Alexandrou  A, Schizas  D, Angelou  A, Pikoulis  E,

Cette procédure est aujourd'hui parfaitement Liakakos T. Single-incision laparoscopic sleeve gastrectomy : review
standardisée d'un point de vue de sa faisabilité et and a critical appraisal. J Laparoendosc Adv Surg Tech A 2017 ;
de son efficacité. 27(3) : 217–26.

Néanmoins, sa pratique reste encore peu [11] Gaillard M, Tranchart H, Lainas P, Ferretti S, Perlemuter G, Dagher I.
Single-port laparoscopic sleeve gastrectomy as a routine procedure
étendue.
in 1000 patients. Surg Obes Relat Dis 2016 ; 12(7) : 1270–7.

Les bénéfices pour les patients doivent être vali- [12] Lakdawala M, Muda NH, Goel S, Bhasker A. Single-incision sleeve
dés par des études prospectives complémentaires gastrectomy versus conventional laparoscopic sleeve gastrectomy –
qui restent nécessaires. a randomised pilot study. Obes Surg 2011 ; 21(11) : 1664–70.
[13] Lakdawala  M, Agarwal  A, Dhar  S, Dhulla  N, Remedios  C,
Bhasker AG. Single-incision sleeve gastrectomy versus laparoscopic
``Complément en ligne sleeve gastrectomy. A 2-year comparative analysis of 600 patients.
Obes Surg 2015 ; 25 : 607–14.
Un complément numérique est associé à ce chapitre. (Il est [14] Varela  JE. Single-site laparoscopic sleeve gastrectomy  : preclinical
use of a novel multi-access port device. Surg Innov 2009 ; 16(3) :
indiqué dans le texte par un picto « 207–10.
Pour voir ce complément, connectez-vous sur http://www. [15] Haueter R, Schütz T, Raptis DA, Clavien PA, Zuber M. Meta-analysis
em-consulte/e-complement/475879 et suivez les instructions. of  single-port versus conventional laparoscopic cholecystectomy
comparing body image and cosmesis. Br J Surg 2017 ; 104(9)  :
1141–59.
Vidéo 10.1 [16] Senovilla L, Vitale I, Martins I, Tailler M, Pailleret C, Michaud M, et al.
Gastrectomie longitudinale par cœlioscopie à trocart unique. An immunosurveillance mechanism controls cancer cell ploidy.
Science 2012 ; 337(6102) : 1678–84.
[17] Hosseini  SV, Hosseini  SA, Al-Hurry  AMAH, Khazraei  H, Ganji  F,
Sadeghi F. Comparison of early results and complications between
Références multi-and single-port sleeve gastrectomy  : a randomized clinical
study. Iran J Med Sci 2017 ; 42(3) : 251–7.
[1] DREES. Chirurgie de l'obésité  : 20 fois plus d'intervention depuis [18] Stefanopoulos  A, Economopoulos  KP, Kalles  V. Single incision
1997 2018 ; 1051. laparoscopic sleeve gastrectomy : a review. Obes Surg 2015 ; 25(8) :
[2] Schauer PR, Ikramuddin S. Laparoscopic surgery for morbid obe- 1502–10.
sity. Surg Clin North Am 2001 ; 81(5) : 1145–79. [19] Yeung Jr. PP, Bolden CR, Westreich D, Sobolewski C. Patient prefe-
[3] Agrawal S, Shaw A, Soon Y. Single-port laparoscopic totally extra- rences of cosmesis for abdominal incisions in gynecologic surgery.
peritoneal inguinal hernia repair with the TriPort system  : initial J Minim Invasive Gynecol 2013 ; 20(1) : 79–84.
experience. Surg Endosc 2010 ; 24(4) : 952–6. [20] Agaba  EA. Incidence of port-site incisional hernia after single-­
[4] Osborne  D, Boe  B, Rosemurgy  AS, Zervos  EE. Twenty-millimeter incision laparoscopic surgery. JSLS 2014 ; 18(2) : 204–10.
laparoscopic cholecystectomy  : fewer ports results in less pain, [21] Basta  MN, Mirzabeigi  MN, Shubinets  V, Kelz  RR, Williams  NN,
shorter hospitalization, and faster recovery. Am Surg 2005 ; 71(4) : Fischer JP. Predicting incisional hernia after bariatric surgery : a risk
298–302. stratification model based upon 2161 operations. Surg Obes Relat
[5] Pourcher  G, Di Giuro  G, Lafosse  T, Lainas  P, Naveau  S, Dagher  I. Dis 2016 ; 12(8) : 1466–73.
Routine single-port sleeve gastrectomy : a study of 60 consecutive
patients. Surg Obes Relat Dis 2013 ; 9(3) : 385–9.

». Il propose une vidéo.)


117
Chapitre 11
Court-circuit gastrique robotique
Robotic gastric bypass
Claire Blanchard, Laurent Brunaud, Tristan Greilsamer

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 120
Difficultés et complications peropératoires 124
Complications 125
Résultats à 5 et 10 ans 126

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
III. Interventions en cours de validation

La chirurgie robotique se développe en France avec  84 après vidange de celui-ci. Une sonde urinaire est installée au
machines disponibles en France en 2015. Cette nouvelle voie cas par cas selon les comorbidités du patient ou en cas de
d'abord nous semble intéressante pour réaliser l'intervention de durée opératoire prévisiblement plus longue (cholécystec-
court-circuit gastrique en Y qui est une procédure relativement tomie ou cure de hernie hiatale dans le même temps).
difficile techniquement. Toutefois, le court-circuit robotique n'a Le robot (fig. 11.3) arrive par la gauche du malade à angle
pas démontré sa supériorité par rapport à l'approche cœliosco- droit. L'aide opératoire se place entre les jambes du malade
pique [1, 2]. Il existe une tendance à un risque plus faible de
fistule dans certaines études [3, 4]. Le seuil à atteindre serait de
84 interventions pour être familier avec cette voie d'abord [5].

Technique opératoire
L'installation du patient est cruciale car, sans table (fig. 11.1)
adaptée au robot Da Vinci Si® (fig. 11.2), il n'est pas possible
de la modifier sans dédocker le robot. Le patient est placé
en proclive à 15°, jambes écartées positionnées dans des
bottes avec des bas de contention à compression intermit-
tente, le bras droit en abduction et le bras gauche dans une
gouttière. Les épaulières ne sont pas nécessaires. Une sonde
nasogastrique est mise en place en début d'intervention Fig. 11.2
afin de permettre une manipulation plus facile de l'estomac Console Da Vinci Si®.

Fig. 11.1 Fig. 11.3
Table d'intervention pour un court-circuit gastrique robotique. Installation du robot.
120
11. Court-circuit gastrique robotique

et l'infirmière à la droite du malade (fig. 11.4). Six trocarts trocart permet de mettre en place soit un écarteur pour
sont utilisés (fig. 11.5 et 11.6) : exposer la région hiatale, soit un bras du robot (fig. 11.7).

un trocart de 12  mm placé en visualisation directe en Le premier temps opératoire consiste à identifier l'angle
flanc gauche ; duodénojéjunal après avoir soulevé l'omentum puis le méso-

les trocarts restants sont placés sous contrôle de la vue : côlon transverse. On déroule le jéjunum afin de laisser l'anse
– un autre trocart de 12 mm en flanc droit, biliaire dans le flanc gauche du malade sur 75 cm et on posi-
– 3 trocarts de 8 mm (trocarts robot) pour le robot placé tionne un lac maintenu par 2 clips métalliques. L'anse biliaire
sur une ligne horizontale passant par le point situé à un tra- est marquée par des clips ou à la monopolaire. Pour ce temps
vers de main sous l'appendice xiphoïde. En cas d'agrafage opératoire, nous conseillons l'utilisation de pinces de type
robotique, il est nécessaire que les deux trocarts de droite cadières ou maryland afin de limiter le traumatisme de pré-
et de gauche de 8 mm soient remplacés par des 12 mm. hension des anses grêles au maximum, notamment en raison
Les 3 trocarts doivent être espacés chacun de 7 cm, de l'absence de retour de force actuellement en chirurgie
– le dernier trocart est placé sur la même ligne horizontale robotique. Une bipartition de l'omentum à l'aide d'un procédé
que les trocarts robotiques à son point le plus latéral à droite d'hémostase ultrasonique peut être réalisée afin de faciliter la
du patient. On peut utiliser, selon les préférences, un trocart montée de l'anse alimentaire. Cette étape permet de vérifier que
de 5 mm pour un 2e assistant (ou un bras articulé fixé à la les mésos ne sont pas trop épais et n'empêcheront pas la mon-
table) ou un trocart de 8 mm en utilisation robotique. Ce tée de l'anse alimentaire jusqu'à la nouvelle poche gastrique.

Fig. 11.4
Installation du malade pour court-circuit gastrique robotique.
IBODE : infirmier de bloc opératoire diplômé d'État.
Dessin : Cyrille Martinet.

121
III. Interventions en cours de validation

Fig. 11.5
Mise en place des trocarts pour court-circuit gastrique robotique.
En vert : trocarts destinés aux bras du robot. En noir : trocarts de
Fig. 11.7
cœlioscopie pour l'aide-opératoire.
Dessin : Cyrille Martinet. Bras du robot.

agrafage 45  mm violet est réalisé de manière horizon-


tale. Nous utilisons les trocarts de 12  mm de cœlio-
scopie pour procéder à l'agrafage. Il est aussi possible
d'utiliser l'agrafeuse du robot. Une sonde de calibration
39  Fr est positionnée afin de réaliser les agrafages sui-
vants de manière verticale jusqu'à l'angle de His. En cas
de deuxième temps après gastrectomie longitudinale,
nous préférons dans notre centre réaliser seulement un
ou des agrafages horizontaux afin de limiter les compli-
cations postopératoires sans modifier le résultat sur la
perte d'excès de poids et la résolution des comorbidités
après échec de la chirurgie antérieure. La sonde de cali-
bration est retirée et remplacée par une sonde gastrique
d'aspiration.
Fig. 11.6
La dissection se poursuit à l'étage sous-mésocolique
Positionnement des trocarts pour court-circuit gastrique
robotique.
pour que l'aide puisse positionner la partie proximale de
l'anse alimentaire à l'aide du lac en regard de la poche
On se porte ensuite sur la région hiatale pour repérer gastrique. On amarre l'anse digestive à la petite poche
l'angle de His, et disséquer son feutrage à l'aide d'une gastrique à l'aide d'un point de Vicryl™ 2/0. L'opérateur la
pince. On confectionne la poche gastrique en ouvrant fixe par un surjet de Monocryl™ 2/0 à l'agrafage horizon-
le petit omentum entre les 2e et 3e vaisseaux de la petite tal de la poche gastrique. La gastrotomie et l'entéroto-
courbure. Une fois arrivé dans la bourse omentale, un mie sont réalisées sur 2 cm. L'anastomose gastrojéjunale

122
11. Court-circuit gastrique robotique

terminolatérale est réalisée de façon manuelle en deux refermée par des bourses de Prolène®  2/0. Pour faciliter
plans totaux de V-lock® 2/0 qui sont noués ensemble. Un ce temps opératoire, il suffit de faire basculer l'anse mon-
test au bleu est réalisé permettant de vérifier l'absence tée sur la gauche du malade pour ouvrir l'espace à refer-
de fuite. mer, et de faire de même avec les anses de l'anastomose
L'anse alimentaire est déroulée sur une longueur de jéjunojéjunale.
120 cm de jéjunum. On place le lac qui était déjà positionné La section du grêle entre les deux anastomoses permet
auparavant à ce niveau. L'anastomose jéjunojéjunale est réa- de compléter le Y après ablation du lac.
lisée au niveau du flanc gauche du malade entre les anses Le site opératoire n'est pas drainé de manière systéma-
grêles 3 (anse commune) et 4 (anse biliaire) (fig. 11.8). Les tique. En cas d'intervention difficile, nous laissons en place
entérotomies sont réalisées de manière décalée, celle sur une lame de Scurasil multitubulée passant derrière l'anas-
l'anse biliaire plus haute que celle de l'anse commune afin tomose gastrojéjunale et sortant à gauche de l'ombilic.
de faciliter le passage de l'agrafeuse Endo-GIA™ chargeur Une suture cutanée exclusive est réalisée après ablation des
vasculaire 60  mm. L'application d'un chargeur vasculaire trocarts sous contrôle de la vue. La cicatrice résultante est
semble diminuer dans notre expérience le risque de méléna illustrée figure 11.10.
postopératoire. L'anastomose est terminée par un surjet de En cas de hernie hiatale significative, une fermeture
V-lock® 2/0. des piliers diaphragmatiques est réalisée après réduc-
La brèche de Petersen, située derrière l'anse alimentaire tion de la hernie hiatale sans mise en place de prothèse.
montée et la brèche intermésentérique (fig.  11.9), est Généralement, 2 à 3 points de suture au fil non résorbable
Mersilène® 0 sont effectués à la partie proximale des piliers
(une sonde de calibration est utilisée afin d'éviter une sté-
nose œsophagienne).

Fig. 11.8
Montage du court-circuit en Y. Fig. 11.9
1. Anse alimentaire au contact de l'anastomose gastrojéjunale. Brèches après court-circuit en Y avec anse alimentaire précolique.
2. Anse alimentaire au contact du pied de l'anse. 3. Anse commune. 1. Brèche de Petersen, derrière l'anse alimentaire montée. 2. Brèche
4. Anse biliaire. intermésentérique, derrière le pied de l'anse.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

123
III. Interventions en cours de validation

Difficultés et complications
peropératoires
Difficultés
Confection de la poche gastrique
C'est un des temps les plus difficiles techniquement, en
particulier en chirurgie robotique, qui facilite surtout par
la suite la confection de l'anastomose gastrojéjunale. Il
convient de se mettre au plus près de l'estomac en res-
tant bien dans un axe vertical pour ne pas se tromper
de plan de dissection. Il convient d'être prudent lors de
cette étape afin de limiter les pertes sanguines qui dimi-
nuent d'autant la lisibilité du champ opératoire. Pour
faciliter cette étape, l'aide-opérateur doit maintenir la
petite courbure de l'estomac vers le haut grâce à une
pince à préhension et de son autre main aspirer le champ
opératoire.

Réalisation de la gastrotomie
Elle peut sembler facile mais peut donner lieu à des dissec-
tions sous-muqueuses qui peuvent compliquer la réalisa-
Fig. 11.10 tion de l'anastomose gastrojéjunale. Il faut veiller à garder
Cicatrice en fin d'intervention. la pointe du crochet dans un axe bien vertical et à ne pas
arrêter le geste avant d'ouvrir la muqueuse.

5 points clés Complications peropératoires



Commencer par dérouler le grêle (vidéo 11.1 ) ●
Les plaies hépatiques sont fréquentes, notamment
à partir de l'angle duodénojéjunal et bipartition- avec le bras écarteur, surtout en cas de NASH, fréquentes
ner le grand omentum afin de s'assurer de la chez l'obèse. La compression du foyer hémorragique à l'aide
bonne montée de l'anse alimentaire. d'une compresse est le plus souvent efficace. Elle peut être

Ouvrir le petit omentum entre les 2e et 3e vais- complétée par une hémostase bipolaire, voire par la mise
seaux dans un plan perpendiculaire et au ras de en place d'une compresse hémostatique. Les plaies splé-
l'estomac afin d'accéder à la bourse omentale niques sont exceptionnelles.
(vidéo 11.2 ). ●
L'agrafage de la sonde de calibration est une

Faire un surjet d'adossement entre le néogastre complication rare mais non exceptionnelle. La seule
(vidéo 11.3 ) et l'anse alimentaire afin de simpli- manière de l'éviter est de bien communiquer avec
fier la confection de l'anastomose gastrojéjunale l'équipe ­anesthésique. Elle nécessite la recoupe de la
(vidéo 11.4 ). zone d'agrafage.

Fermer par un surjet de fil non résorbable la ●
Un test au bleu positif requiert au minimum un ou plu-
brèche intermésentérique (vidéo  11.5 ) et l'es- sieurs points de suture séparés pour renforcer l'anastomose,
pace de Petersen. voire la réfection complète de l'anastomose. Un drainage

Ne pas oublier la section de l'anse biliaire entre abdominal est mis en place dans cette situation dans notre
les deux anastomoses en fin de procédure. centre.

124
11. Court-circuit gastrique robotique

Complications notamment lors de la réalisation d'une anastomose


manuelle (ce qui est le cas dans notre centre). Cette sténose
haute est de diagnostic facile sur un TOGD ou un scanner
Complications postopératoires opacifié. Nous préférons d'abord la traiter médicalement
précoces (1 à 6 mois) par une aspiration digestive et une réhydratation intravei-
neuse avant de procéder à une dilatation par voie endos-
Fistules digestives copique à 2 ou 3 semaines de l'intervention. La sténose sur
Ce sont les principales complications à court terme des l'anastomose jéjunojéjunale est de diagnostic plus difficile
courts-circuits avec une prévalence de 2 %. Elles touchent, car les vomissements sont rares. Le seul traitement est
dans la moitié des cas, l'anastomose gastrojéjunale mais chirurgical avec réfection du pied de l'anse et gastrostomie
peuvent aussi survenir sur l'anastomose jéjunojéjunale, sur sur l'estomac exclu.
la poche gastrique et toutes les autres zones d'agrafage. En
cas de signes généraux, une reprise opératoire en urgence Ulcère anastomotique
s'impose. En règle générale, l'intervention de reprise peut Il est observé chez moins de 5 % des malades. Il survient
être menée par cœlioscopie sauf en cas de fistule anasto- le plus souvent dans les 3 premiers mois mais peut appa-
motique jéjunojéjunale qui induit souvent une péritonite raître plus tard, notamment chez les patients tabagiques
des quatre quadrants. Il convient alors de réaliser une et/ou ne prenant pas d'inhibiteurs de la pompe à protons.
courte laparotomie sus-ombilicale afin de procéder à un Le diag­nostic et le traitement sont les mêmes que chez le
lavage-drainage efficace et de refaire une nouvelle anasto- patient non opéré.
mose. Dans les autres cas, il peut être possible de garder
l'anastomose en fermant la fistule par des points séparés
Maladie thromboembolique veineuse
aux fils non résorbables. Il est aussi envisageable d'intuber
la fistule à l'aide d'un drain de Kehr ou de Pezzer. Nous pré- Même si elle est commune à toutes les chirurgies abdomi-
conisons dans notre centre de réaliser dans le même temps nales, elle ne doit pas être oubliée chez les patients obèses,
opératoire une gastrostomie sur l'estomac exclu afin de bien plus à risque que la population générale. Elle est une
reprendre une nutrition entérale le plus vite possible, sauf des causes de décès en postopératoire précoce par embolie
en cas de fistule sur l'anastomose jéjunojéjunale qui néces- pulmonaire.
site la réalisation d'une jéjunostomie.

Hémorragie digestive Complications tardives (> 6 mois)


Après court-circuit, elle peut être intra-abdominale ou intra- Hernies internes
luminale. Elle concerne moins de 2 % des patients. En cas Elles concernent moins de 5 % des malades. Le délai de
de saignement non extériorisé, un scanner injecté au temps survenue le plus classique se situe entre 18 et 24  mois
artériel est réalisé pour décider de l'indication d'une reprise lorsque la perte d'excès de poids est maximale. Le court-
opératoire si le patient est stable hémodynamiquement. La circuit décrit précédemment selon Olbers peut expo-
fibroscopie œsogastroduodénale est peu utilisée dans notre ser à une hernie interne intermésentérique ou derrière
centre car elle ne permet que l'exploration proximale de l'anse montée (hernie dite de Petersen). Le court-circuit
l'anse alimentaire et rarement jusqu'à l'anastomose du pied gastrique avec une anse alimentaire transmésocolique
de l'anse. De plus, cet examen peut fragiliser l'anastomose expose à un 3e  type de hernie interne. L'absence de
gastrojéjunale. Le plus souvent, une surveillance de la numé- fermeture des brèches augmente le risque de hernie
ration sanguine, parfois associée à une transfusion sanguine interne [6]. La présentation clinique peut être aiguë avec
en culots globulaires, peut être suffisante. Une diète à l'eau des douleurs intenses sans vomissement. La lipasémie
glacée est aussi un bon adjuvant thérapeutique. est très souvent augmentée en raison de la dilatation
de l'anse biliaire. Il convient de réaliser une cœlioscopie
Sténose anastomotique en urgence pour réduire la hernie, refermer la brèche et
Elle a une incidence variable selon les études. Elle est discuter la mise en place une gastrostomie sur l'estomac
beaucoup plus fréquente sur l'anastomose g­ astrojéjunale, exclu afin de vidanger l'anse biliaire. La présentation

125
III. Interventions en cours de validation

peut être plus chronique avec des douleurs abdominales Dumping syndrome
fluctuantes. La sensibilité du scanner étant moyenne, il
Il touche les trois quarts des patients. Ce syndrome est vécu
convient de réaliser une cœlioscopie exploratrice afin de
par le patient comme un garde-fou positif, freinant la prise
s'assurer de l'absence de hernie interne même si l'image-
de produits sucrés. Il est précoce (mécanisme d'hyperos-
rie est normale.
molarité) après l'ingestion d'aliments hyperosmolaires.

Fistule gastrogastrique Hypoglycémie réactionnelle


Elle ne concerne que 1 % des patients et peut rester asymp- Appelée, à tort, dumping tardif par les Anglo-Saxons,
tomatique. Dans le cas contraire, elle peut causer des elle est liée à une augmentation de la sécrétion d'insuline
symptômes de reflux gastro-œsophagien ou une reprise de après ingestion d'aliments à haut index glycémique (pain,
poids. Le traitement nécessite le plus souvent une reprise pommes de terre) et donc pas forcément sucrés.
opératoire pour recoupe du néogastre et/ou de l'estomac
exclu selon sa position. Carences nutritionnelles
Elles sont dues à une diminution des apports ainsi qu'à
Syndrome de candy cane un défaut d'absorption (court-circuit des premières anses
Encore plus rare, il est dû à un moignon de l'anse biliaire jéjunales) et d'assimilation (baisse du facteur intrinsèque
laissé trop long en regard de l'anastomose gastrojéjunale. et de l'acidité gastrique). Il faut donc systématiquement
Ce moignon trop long évoque le segment le plus court supplémenter les patients en multivitamines, vitamine B12
d'un sucre d'orge, d'où le nom donné à ce syndrome. Il peut (à vie), vitamine D (à vie) et, selon les besoins, en fer, zinc,
causer des épigastralgies et une satiété précoce. Le traite- magnésium, protéines, vitamines B1, B9, B12, A, C, D et cal-
ment est chirurgical avec recoupe du moignon. cium (cf. chapitre 14). De nombreux compléments multi­
vitaminiques qui favorisent l'observance sont disponibles
sur le marché.
Éventration postopératoire
Elle est plus limitée depuis l'adoption de la cœlioscopie sans Points clés
open cœlioscopie qui est difficile, voire impossible chez les
patients obèses. Une éventration peut survenir dans les ■
Une instabilité hémodynamique du patient en
délais habituels, notamment sur les trocarts de plus grand postopératoire précoce impose une cœlioscopie
diamètre. Ces éventrations sur orifice de trocart sont à exploratrice à la recherche d'une fistule ou d'une
risque d'étranglement et, sauf contre-indication, accessibles hémorragie digestive.
à une réparation par la mise en place d'une prothèse biface ■
En cas de signe d'alerte clinique ou biologique
par cœlioscopie. sans instabilité hémodynamique, il convient de
réaliser un scanner injecté et ingéré thoraco-­
Lithiase vésiculaire symptomatique abdomino-pelvien afin de poser un diagnostic.

Une douleur abdominale aiguë chez un patient
Son incidence augmente après court-circuit en raison d'une avec un antécédent de court-circuit doit tou-
perte de poids importante 6 à 18 mois après la chirurgie. jours faire penser à une hernie interne qui est une
Des études randomisées ont montré l'intérêt de prescrire urgence chirurgicale.
de l'acide ursodésoxycholique chez tous les patients opé-
rés d'une chirurgie bariatrique pendant 6  mois [7]. Dans
notre centre, nous préférons réaliser une cholécystectomie Résultats à 5 et 10 ans
dans le même temps que le court-circuit en cas de lithiase (tableau 11.1)
vésiculaire préexistante au court-circuit mais cette attitude
n'est pas consensuelle. La voie biliaire principale est d'accès L'intervention de court-circuit est une des interventions de
plus difficile après court-circuit gastrique en Y et son explo- chirurgie bariatrique les plus anciennes [8] et donc celle sur
ration en cas de complication nécessite la réalisation d'une laquelle on dispose du plus grand recul. La perte d'excès de
gastrostomie cœlioscopique pour un geste endoscopique poids (PEP) est définie comme la différence en pourcentage
combiné. entre l'IMC préopératoire et un IMC de 25 kg/m2 [9].
126
11. Court-circuit gastrique robotique

Tableau 11.1 Résultats à moyen et long terme À retenir


du court-circuit en Y.
Critère (%) À 5 ans À 10 ans ■
L'apport robotique permet un confort et une
Perte d'excès 70 60 ergonomie pour le chirurgien.
de poids ■
Nous utilisons cette technique préférentielle-
ment pour les cas difficiles : réinterventions, obé-
Diabète de type 2 80 70
sité androïde importante, fermeture des piliers
Hypertension 80 60 diaphragmatiques associées.
artérielle ■
La technique utilisée dans notre centre est celle
Dyslipidémie 50 40 dérivée de Olbers et al. [14] avec la réalisation d'un
Apnée du sommeil 90 60 court-circuit avec une anse alimentaire montée en
Arthrose 30 20 précolique.

L'anastomose gastrojéjunale est manuelle et
NASH 70 60
l'anastomose au pied de l'anse est mécanique.
RGO 60 50 ■
Des études prospectives complémentaires sont
nécessaires pour définir plus précisément la place
du système robotique (coût/efficacité) lors de la
Après court-circuit en  Y, 20  % des patients sont en réalisation d'un court-circuit gastrique ou d'une
échec de perte pondérale et plusieurs options chirurgi- autre chirurgie bariatrique.
cales peuvent être discutées en réunion de concertation
pluridisciplinaire. Un tiers des patients dans les études à
très long terme serait réopéré. Ces techniques sont mul- ``Compléments en ligne
tiples et encore relativement confidentielles. Il existe
donc peu de données factuelles sur leurs résultats mais Des compléments numériques sont associés à ce chapitre.
comme toute réintervention, elles restent relativement (Ils sont indiqués dans le texte par un picto «  ». Ils pro-
morbides et doivent être précédées d'un bilan nutrition- posent des vidéos.) Pour voir ces compléments, connectez-
nel et d'imagerie complet afin de poser au mieux l'indi- vous sur http://www.em-consulte/e-complement/475879
cation. Les techniques restrictives sont plutôt à proposer et suivez les instructions.
en cas d'échec d'un court-circuit dans un premier temps si
la volumétrie gastrique montre que la poche gastrique est Vidéo 11.1
siège d'une malfaçon (fundus laissé en place par exemple) Déroulement du grêle.
[10]. Ces techniques restrictives consistent à recouper
la poche et/ou refaire l'anastomose, ou bien à poser un Vidéo 11.2
anneau non ajustable autour de l'anastomose. Toutes ces Accès à la bourse omentale.
techniques restrictives de 2e temps ne peuvent faire espé-
rer une perte d'excès de poids supérieure à 30  %. Deux Vidéo 11.3
Surjet d'adossement entre le néogastre et l'anse alimentaire.
autres techniques visent à augmenter la malabsorption : la
distalisation du pied de l'anse et la conversion en dériva-
Vidéo 11.4
tion biliopancréatique/anse en Y. La distalisation du pied
Confection de l'anastomose gastrojéjunale.
de l'anse, pour être efficace, selon la plupart des auteurs,
doit rallonger à la fois l'anse biliaire et l'anse alimentaire et
Vidéo 11.5
ne laisser que 1  m d'anse commune [11, 12]. Toutes ces
Fermeture de la brèche intermésentérique.
réinterventions doivent être discutées au cas par cas et en
réunion multidisciplinaire.
Enfin, l'intervention de court-circuit est théorique-
ment réversible [13]. Les indications de démontage
Références
d'un court-circuit sont rares : dénutrition, hypoglycémie [1] Hubens  G, Balliu  L, Ruppert  M. Roux-en-Y gastric bypass proce-
postprandiale et perte pondérale excessive. Là encore, dure performed with the da Vinci robot system : is it worth it ? Surg
il s'agit de discussions au cas pas cas et en réunion Endosc 2008 ; 22(7) : 1690–6.
multidisciplinaire.

127
III. Interventions en cours de validation

[2] Mohr CJ, Nadzam GS, Alami RS. Totally robotic laparoscopic Roux-en-Y [9] Deitel  M, Greenstein  RJ. Recommendations for reporting weight
Gastric bypass : results from 75 patients. Obes Surg 2006 ; 16(6) : 690–6. loss. Obes Surg 2003 ; 13(2) : 159–60.
[3] Snyder BE, Wilson T, Leong BY. Robotic-assisted Roux-en-Y Gastric [10] Heneghan  HM, Yimcharoen  P, Brethauer  SA. Influence of pouch
bypass  : minimizing morbidity and mortality. Obes Surg 2010 ; and stoma size on weight loss after gastric bypass. Surg Obes Relat
20(3) : 265–70. Dis 2012 ; 8(4) : 408–15.
[4] Rogula T, Koprivanac M, Janik MR. Does robotic Roux-en-Y gastric [11] Rawlins ML, Teel 2nd D, Hedgcorth K. Revision of Roux-en-Y gastric
bypass provide outcome advantages over standard laparoscopic bypass to distal bypass for failed weight loss. Surg Obes Relat Dis
approaches ? Obes Surg 2018 ; 28(9) : 2589–96. 2011 ; 7(1) : 45–9.
[5] Renaud M, Reibel N, Zarnegar R. Multifactorial analysis of the lear- [12] Kalfarentzos F, Skroubis G, Karamanakos S. Biliopancreatic diversion
ning curve for totally robotic Roux-en-Y gastric bypass for morbid with Roux-en-Y gastric bypass and long limbs : advances in surgical
obesity. Obes Surg 2013 ; 23(11) : 1753–60. treatment for super-obesity. Obes Surg 2011 ; 21(12) : 1849–58.
[6] Stenberg E, Szabo E, Ågren G. Closure of mesenteric defects in lapa- [13] Dapri  G, Cadière  GB, Himpens  J. Laparoscopic reconversion of
roscopic gastric bypass : a multicentre, randomised, parallel, open- Roux-en-Y gastric bypass to original anatomy : technique and preli-
label trial. Lancet 2016 ; 387(10026) : 1397–404. 2. minary outcomes. Obes Surg 2011 ; 21(8) : 1289–95.
[7] Uy  MC, Talingdan-Te  MC, Espinosa  WZ. Ursodeoxycholic acid [14] Olbers T, Fagevik-Olsén M, Maleckas A. Randomized clinical trial of
in the prevention of gallstone formation after bariatric surgery : a laparoscopic Roux-en-Y gastric bypass versus laparoscopic vertical
meta-analysis. Obes Surg 2008 ; 18(12) : 1532–8. banded gastroplasty for obesity. Br J Surg 2005 ; 92(5) : 557–62.
[8] Griffen Jr. WO, Young VL, Stevenson CC. A prospective comparison
of gastric and jejunoileal bypass procedures for morbid obesity.
Ann Surg 1977 ; 186(4) : 500–9.

128
Chapitre 12
Gastrectomie longitudinale
avec bipartition du transit
Sleeve gastrectomy with transit bipartition

Philippe Topart, Sergio Santoro, Guillaume Becouarn

PLAN DU C HAPITRE
Technique opératoire 130
Résultats 131
Bénéfices par rapport à la dérivation
biliopancréatique avec anse en Y 132

Chirurgie bariatrique
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III. Interventions en cours de validation

La gastrectomie longitudinale avec bipartition du transit, aussi au bol alimentaire d'emprunter la voie digestive habi-
souvent appelée « bipartition du transit » (BPT), a été déve- tuelle au travers du duodénum et de la totalité du jéjunum
loppée en 2006 comme alternative à la dérivation biliopan- en se mélangeant aux sécrétions biliaires et pancréatiques
créatique (avec anse en Y – Duodenal Switch : DBP-DS) [1]. (fig. 12.1).
Cette intervention récente repose sur le principe désormais Dans notre centre, l'incitation à trouver une technique
acquis selon lequel la chirurgie bariatrique et métabolique chirurgicale moins délétère que la DBP-DS au terme de
est efficace selon un mécanisme, non pas de restriction 15 ans de pratique est venue du taux élevé (10 %) de révi-
ou de malabsorption comme communément admis, mais sions motivées par une dénutrition sévère [5] dont l'issue
par un rassasiement précoce, une satiété renforcée et pro- a parfois été dramatique. Le choix s'est plutôt porté sur la
longée et une diminution de la sensation de faim. La gas- BPT par rapport à l'autre variante possible de la DBP-DS
trectomie longitudinale, du fait d'une diminution du taux qui est la dérivation biliopancréatique à une anastomose
circulant de ghréline, ainsi que l'arrivée précoce du bol ali- ou SADI-S (Single Anastomosis Duodeno-Ileal bypass with
mentaire dans la partie distale de l'intestin grêle responsable Sleeve gastrectomy) ou sa version nord-américaine SIPS
d'une hypersécrétion de PYY et de GLP-1, contribuent à la (Single anastomosis Pylorus-preserving Surgery) en raison
satiété [2, 3]. Tous ces éléments étaient déjà présents dans d'une plus grande facilité d'exécution (pas de section ni
la DBP-DS [4]. Toutefois, la DBP-DS associant un court-­ d'anastomose sur le duodénum) [6].
circuit unique de 2,5  m de grêle distal entre les 2–3  pre-
miers cm du duodénum et le cæcum, couplé à une anse
alimentaire de 1,5 m et une anse commune de 1 m, a été à Technique opératoire
l'origine d'effets secondaires importants tels que diarrhées
et carences nutritionnelles potentiellement graves. Dans le Selon la description initiale par Santoro et al. à Sao Paulo
but de limiter ces effets secondaires de l'effet malabsorptif, (vidéo 12.1 ) [7], la technique repose sur une gastrecto-
tout en conservant l'action sur les incrétines, la BPT a gardé mie longitudinale calibrée sur une bougie de 36 Fr conser-
le principe du court-circuit intestinal mais en permettant vant l'essentiel de l'antre gastrique avec section de l'intestin

Fig. 12.1
Comparaison de la bipartition du transit et de la dérivation biliopancréatique avec anse en Y, d'après [11].
AA : anse alimentaire ; AC : anse commune ; BLP : anse biliopancréatique.
Dessin : Cyrille Martinet

130
12. Gastrectomie longitudinale avec bipartition du transit

grêle 260  cm en amont de la valvule iléo-cæcale. l'anastomose au pied de l'anse est avancée de façon proxi-
L'anastomose latérolatérale au pied de l'anse est réalisée à male, 60  cm sous l'anastomose gastro-iléale laissant ainsi
80 cm de la valvule iléo-cæcale. L'anastomose gastro-iléale, une anse commune plus longue (200 cm).
de 3 à 4 cm de longueur, est réalisée à 2 cm en amont du
pylore et aucune section du duodénum n'est pratiquée.
Habituellement, une cholécystectomie est pratiquée si les
conditions opératoires l'autorisent. Aucun drain n'est laissé Résultats
en place de routine et la réalimentation légère est reprise
dans les heures suivant la chirurgie. La base de données entretenue par Santoro et al. recense
Avec l'expérience de notre centre pour la DBP-DS, nous au total 3 651  patients dont seulement 219 avaient un
avons apporté quelques modifications en gardant les IMC préopératoire supérieur ou égal à 50 kg/m2 et l'opé-
mesures utilisées dans la DBP-DS, c'est-à-dire une calibra- ration a également été effectuée chez 439  patients ayant
tion de 50 Fr pour la gastrectomie longitudinale, une anse un IMC inférieur à 35 kg/m2. Dans notre centre, sur 88 BPT,
alimentaire totale de 250 cm dont une anse commune de la majorité étaient des interventions de 1re  intention et
100 cm (cf. fig. 12.1). En gardant le codage de l'acte « dériva- 4 conversions de gastrectomie longitudinale ont comporté
tion biliopancréatique », nous avons également tenu à res- une réintervention en raison d'un tube gastrique parti-
pecter les indications de la DBP-DS en France, soit un IMC culièrement dilaté (fig.  12.2). Le tableau  12.1 rapporte les
initial supérieur ou égal à 50  kg/m2 ou en recours d'une caractéristiques des 88 patients opérés. La durée de séjour
précédente chirurgie bariatrique. Le nombre et la position
des trocarts (n = 5 : 5 mm sous-xiphoïdien et hypocondre Après gastrectomie longitudinale (4 réinterventions)
12 %
gauche, 12 mm flanc gauche, 15 mm flanc droit et 10 mm Après anneau
5%
ligne médiane entre appendice xiphoïde et ombilic)
demeurent les mêmes. La ligne d'agrafes est habituellement
renforcée par un biomatériel synthétique. Les anastomoses
iléo-iléale et gastro-iléale sont réalisées par agrafeuse linéaire
coupante avec fermeture de l'ouverture digestive par un
surjet de fil cranté 3/0 résorbable. La fermeture de la brèche
mésentérique au pied de l'anse fait appel à un surjet de fil
cranté non résorbable 3/0 (vidéos  12.2 à 4 ). Les
change­ments récents introduits par Santoro et  al. com- 83 %
Intervention de première intention
portent une calibration plus étroite (32 Fr) avec une résec-
tion gastrique débutant dès 5 cm en amont du pylore [7]. Fig. 12.2
Alors que l'anastomose gastro-iléale demeure inchangée, Répartition des indications des 88 bipartitions du transit.

Tableau 12.1 Caractéristiques des 88 patients ayant subi une bipartition du transit, série personnelle.
Caractéristiques N patients Moyenne Minimum Maximum Écart type
IMC initial (kg/m ) 2
88 54,3 45 84 6,56
IMC préopératoire 88 51,6 38 81 6,19
(kg/m2)
Durée opératoire 88 93,2 50 165 19,04
(minutes)
Poids préopératoire 88 144,8 106 201 20,13
(kg)
Âge (ans) 88 40,6 18 66 10,73
Durée de séjour 87 2,3 1 6 1,05
(jours)
Nombre de selles/j 80 2,0 1 9 1,31
IMC : indice de masse corporelle.

131
III. Interventions en cours de validation

moyenne était de 2,3 jours avec actuellement un retour à Carences nutritionnelles


domicile à J1 selon le chemin clinique de notre centre après
chirurgie bariatrique. Comme cela est souvent observé dans les rapports sur la chirur-
gie à tendance « malabsorptive », la littérature demeure assez
évasive sur la supplémentation vitaminique. Dans la publica-
Complications postopératoires tion originale, Santoro et  al. indiquent une supplémentation
précoces (1–6 mois) fréquente en vitamine D, calcium, vitamine B1 [7]. Sept pour
cent des patients ont présenté une hémoglobine inférieure à
Sur 3 651 sujets de la base de données brésilienne mais 12  g/dL mais aucun n'avait d'anémie sévère (hémoglobine
qui regroupe des patients issus de la pratique internatio- < 10 g/dL). D'une manière générale, il semble que le bilan nutri-
nale, 128 (2 %) ont développé une complication « chirur- tionnel demeurait normal simplement avec les multivitamines
gicale » et 1,8 % pour la population de patients avec IMC et aucun cas d'hypoalbuminémie chronique n'a été rapporté.
supérieur ou égal à 50  kg/m2. Si l'on ajoute les 54  com- Dans notre série, si les patients ne reçoivent initialement qu'une
plications « médicales », le taux global de complications gélule de multivitamines identique à celle que nous prescrivons
de la population entière était de 5 % et de 5,5 % pour la après gastrectomie longitudinale ou court-circuit gastrique, lors
population des patients ayant un IMC supérieur à 50 kg/ du bilan sanguin 4 mois après chirurgie, sur 66 patients (5 non
m2. Dans notre centre, nous avons observé 6 complications revus), 41/61 ont reçu une prescription supplémentaire en raison
(6,8 %) parmi les 88 BPT réalisées, dont une ayant néces- de l'apparition de carences non présentes en préopératoire. La
sité une réintervention chirurgicale (complication de grade figure 12.3 décrit la répartition en sachant que l'association la plus
Clavien ≥ 3) pour une sténose au pied de l'anse. Les autres fréquemment prescrite était vitamine A, vitamine D et sélénium.
complications étaient les suivantes  : vomissements, fièvre
inexpliquée, douleurs, hémorragie digestive non transfu-
sée et transfert en réanimation d'une patiente fragile pour
décompensation respiratoire. Aucun décès n'a été observé.
Bénéfices par rapport
à la dérivation biliopancréatique
Complications tardives (> 6 mois) avec anse en Y
Malgré l'importance de la base de données disponible,
les publications demeurent très rares, ce qui constitue un
Concernant les complications
paradoxe troublant. La seule publication d'importance [7] et carences
incluant 1 020  patients rapporte un taux de 21,9  % de
Il n'existe aucune donnée publiée dans la littérature per-
lithiases vésiculaires compliquées (contrairement à la
mettant de comparer les deux techniques. Dans notre
DBP-DS, au SADI-S et au court-circuit gastrique, la BPT
conserve un accès à la papille duodénale), 3,1  % de her-
32
nies incisionnelles (mais 2/3 des opérations ont été réalisées Vit A
11
par laparotomie) et 2,4  % de syndromes occlusifs (hernie Vit B9
interne et adhérences). Une réintervention pour hernie Vit B12 6

hiatale a été observée chez 0,5  % des patients et 35  % Vit D 38


ont eu recours à un traitement médicamenteux du reflux Sélénium 36
­gastro-œsophagien en postopératoire. La base de données 2
Zinc
brésilienne mentionne aussi des effets secondaires associés 4
Potassium
à la BPT, essentiellement à type de troubles digestifs. Nous
2
Calcium
avons observé un cas de diarrhées avec de 4 à 15  selles
3
par jour rebelles au traitement médical et à la réduction Magnésium
9
du calibre de l'anastomose gastro-iléale chez une patiente. Fer
Toutefois, l'un des avantages de la BPT est la possibilité de Multivitamines seules
10

révision, voire de réversion du montage en ne laissant à 0 10 20 30 40


l'extrême que la gastrectomie longitudinale. À l'inverse, la Fig. 12.3
BPT peut aussi, en cas de perte de poids insuffisante, être Prescription vitaminique après bipartition du transit (nombres
convertie en une véritable DBP-DS. de patients).

132
12. Gastrectomie longitudinale avec bipartition du transit

expérience, nous avons pu le faire chez des patients n'ayant vement. Aucun patient n'a présenté d'hypoalbuminémie
eu aucune chirurgie bariatrique au préalable, 71  BPT et inférieure à 35 g/L après BPT contre 12/68 après DBP-DS. À
71 dernières DBP-DS effectuées dans les mêmes conditions. ce jour, 6 patients dans le groupe DBP-DS ont eu besoin d'un
Le tableau 12.2 fait apparaître les caractéristiques des deux allongement de l'anse commune (+ 100 cm) en raison d'une
groupes de patients dont l'IMC initial était significative- dénutrition sévère, essentiellement au terme de la 1re année.
ment plus élevé dans le groupe DBP-DS bien que le poids
soit comparable. La durée opératoire était significativement
Concernant la perte pondérale
réduite pour la BPT avec un geste de 1 h 30 en moyenne.
Les complications précoces n'ont pas été différentes dans Parmi les 219 patients dont l'IMC initial est supérieur ou
les deux groupes (4,2 % dans la DBP-DS versus 5,8 % après égal à 50 kg/m2 dans la base de données brésilienne, aucune
BPT). À 9  mois, la fréquence des selles était significative- information n'est disponible sur le pourcentage de suivi. Les
ment moindre dans le groupe BPT  : 1,8 ±  1,1 versus 3,2 figures 12.4 et 12.5 représentent l'évolution de la perte d'ex-
± 1,3 selles/j après DBP-DS. Cinquante et un pour cent des cès de poids et de l'IMC qui passe en moyenne de 55,7 kg/
patients avaient une fréquence maximale des selles de 1/j, m2 en préopératoire à 31 kg/m2 10 ans plus tard. Dans notre
78 % de 2/j et 11 % de 3/j alors qu'après DBP-DS ces chiffres centre, et avec des données disponibles chez respective-
étaient respectivement de 11, 33 et 36,5 %. ment 69 et 34 patients, il existe une différence significative
Sur le plan nutritionnel, l'albuminémie et la préalbumi- de perte de poids total à 9  mois en faveur de la DBP-DS
némie étaient significativement plus basses dans le groupe avec 34,4 ±  7,23  % pour la BPT et 39,3 ±  7,16  % pour la
DBP-DS (n =  68  patients) qu'après BPT (données prélimi- DBP-DS (p = 0,0017). De même, la perte d'excès d'IMC est
naires disponibles que pour 32 patients) : 38,5 ± 4,5 g/L et 188 significativement plus importante (72,8 ± 13,4 versus 65,8
± 44 mg/L contre 41,3 ± 2,6 g/L et 211 ± 36 mg/L respecti- ± 14,5 %) après DBP-DS (p = 0,017).

Tableau 12.2 Comparaison entre 71 dérivations biliopancréatiques (DBP-DS) et 71 bipartitions du transit (BPT)


de 1re intention, séries personnelles.
Caractéristiques Moyenne Moyenne BPT p N DPB-DS N BPT Écart type Écart
DBP-DS DBP-DS type
BPT
Âge (ans) 42,1 40,1 0,25 71 72 9,7 10,9
Poids préopératoire 146,4 145,3 0,74 70 72 18,8 19,3
(kg)
IMC initial (kg/m2) 55,4 53,5 0,02 71 72 5,0 4,6
IMC préopératoire 53,7 51,5 0,01 71 72 5,2 4,9
(kg/m2)
Durée opératoire 149,1 92,4 0,00 71 72 30,3 14,9
(minutes)
Durée de séjour (jours) 4,5 2,2 0,00 70 72 3,5 1,0
Poids à 9 mois (kg) 90,5 94,5 0,18 69 35 14,5 12,5
IMC à 9 mois (kg/m ) 2
33,2 34,5 0,20 70 35 4,5 4,7
PEIMC (%) 72,8 65,8 0,02 69 34 13,4 14,5
PEP (%) 39,3 34,4 0,00 69 34 7,1 7,2
Albuminémie (g/L) 38,5 41,3 0,00 68 32 4,5 2,6
Pré-albuminémie 187,8 210,7 0,01 68 32 44,0 35,7
(mg/L)
Nombre de selles/j 3,1 1,9 0,00 69 67 1,3 1,1
IMC : indice de masse corporelle ; PEIMC : perte d'excès d'IMC ; PEP : perte d'excès de poids.
Les données indiquées en italique gras sont significativement différentes entre DPB-DS et BPT.

133
III. Interventions en cours de validation

de près de 4 000 sujets, qui comptabilise bien plus


de patients que les revues sur les procédures à une
anastomose [10, 11], les articles publiés sur la BPT
77,4 77
71,9 73 70,9 restent peu nombreux et la base de données brési-
lienne ne révèle pas le pourcentage de suivi, ce qui
54,8 53
est un paradoxe troublant.

Il est encore difficile de juger de l'intérêt que
peut représenter la bipartition comparativement
aux dérivations biliopancréatiques avec anse en Y
ou à une anastomose, sur la perte pondérale mais
surtout sur la rémission des comorbidités, et
notamment du diabète.
6 mois 1 an 3 ans 5 ans 8 ans 10 ans 12 ans 14 ans

Cette opération a surtout été utilisée jusqu'à pré-
sent comme chirurgie bariatrique de 1re  intention
Fig. 12.4
Perte d'excès de poids (%) après bipartition du transit.
chez des patients de tout IMC et l'expérience de notre
centre chez les patients superobèses demeure limitée.

Cependant, le risque de dénutrition semble net-
tement plus faible et l'impact sur le transit intesti-
54,8 nal réduit.
39,3

Cette intervention pourrait représenter une
38
34,5 32,7 33,6 33,4 alternative à la dérivation biliopancréatique qui
38,5 32,2 31
est efficace mais associée à de nombreux effets
33,7
30,7
31,7
33,4 secondaires et dont la pratique est restée confi-
dentielle depuis sa mise au point il y a 40 ans [12].

``Compléments en ligne
L

s
an

10 s

11 s

12 s

13 s

14 s
s
oi

an

an

an

an

an

an

an

an

an

an

an

an

an
IA
m

1
IT

Des compléments numériques sont associés à ce chapitre.


2

9
IN

Fig. 12.5 (Ils sont indiqués dans le texte par un picto «   ». Ils pro-
Évolution de l'IMC (kg/m2) au cours du temps après bipartition posent des vidéos.) Pour voir ces compléments, connectez-
du transit. vous sur http://www.em-consulte/e-complement/475879
et suivez les instructions.
Concernant les comorbidités
Les données limitées de la littérature font état de résultats Vidéo 12.1
encourageants sur le diabète de type 2 qui constitue, dans Animation du montage de la bipartition du transit.
les pays où la BPT est la plus utilisée (Brésil et Turquie), la Fournie par Sergio Santoro.

principale indication, en particulier pour des IMC peu éle-


vés [8, 9]. Vidéo 12.2
Technique de la bipartition du transit : réalisation
de la gastrectomie longitudinale.
À retenir

La bipartition du transit constitue, tout comme Vidéo 12.3
le SADI-S, une technique chirurgicale nouvelle en Technique de la bipartition du transit : mesure de l'intestin grêle,
phase d'évaluation. anastomose au pied de l'anse.

Elle doit donc être réalisée pour le moment seu-
lement dans quelques centres capables de mener à Vidéo 12.4
bien cette évaluation. Malgré une base de données Technique de la bipartition du transit : anastomose gastro-iléale.

134
12. Gastrectomie longitudinale avec bipartition du transit

Références [7] Santoro S, Castro LC, Velhote MC. Sleeve gastrectomy with transit


bipartition  : a potent intervention for metabolic syndrome and
obesity. Ann Surg 2012 ; 256 : 104–10.
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135
Chapitre 13
Comment améliorer la prise
en charge des complications
postopératoires précoces ?
Lionel Rebibo, Simon Msika

PLAN DU C HAPITRE
Épidémiologie 140
Morbimortalité postopératoire 141
Diagnostic des complications 143
Méthodes pour un diagnostic précoce 145
Particularités en cas de court séjour
et chirurgie ambulatoire 146
Conclusion 147

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
IV. Évaluation postopératoire

L'obésité est considérée comme une des plus grandes épidé- et de mortalité postopératoire est faible. Néanmoins, plus
mies du xxe siècle [1]. Il s'agit d'une pathologie qui est asso- cette procédure est simple et moins elle semble être effi-
ciée à une réduction de l'espérance de vie pouvant aller de cace en termes de perte de poids.
6 à 14 ans en fonction de son importance et de ses patholo- La mortalité postopératoire immédiate après anneau
gies associées [2]. L'obésité a également un coût responsable gastrique est ainsi très faible. Dans une étude publiant leur
d'importantes dépenses de santé qui, au fur et à mesure des propre expérience ainsi que les données de la littérature
décennies, ne font qu'augmenter. Actuellement, l'obésité est sur les résultats de la pose d'AGA, O'Brien et al. retrouvent
considérée par les Américains comme un des principaux une mortalité nulle concernant leur propre expérience
problèmes de santé, au même niveau que le cancer [3]. Le sur une durée de 15 ans et portant sur 3 227 patients [8].
seul traitement de l'obésité ayant montré un gain en termes Dans leur analyse de la littérature, la mortalité varie de 0
d'espérance de vie est la chirurgie [4]. Différentes techniques à 0,2 %. Concernant les deux procédures actuellement les
de chirurgie bariatrique existent (restrictive, malabsorptive plus réalisées, Zellmer et al., dans leur méta-analyse regrou-
ou mixte). La chirurgie de l'obésité est en pleine expansion pant 61 études (incluant 15 722 patients), la mortalité post­
ces dernières années [5, 6] et actuellement la gastrectomie opératoire dans les 30 premiers jours est évaluée à 0,19 %
longitudinale (GL) et le court-circuit gastrique (CCG) sont pour la GL et 0,37 % dans le cadre du CCG [9]. Buchwald
les procédures les plus réalisées tandis que la mise en place et al., dans leur méta-analyse évaluent la mortalité dans les
d'anneau ajustable périgastrique (AGA) est en diminution. 30  premiers jours postopératoires après DS entre 0,29 et
La réalisation d'anse en Y (Duodenal Switch – DS) est anec- 1,23 % en cas de chirurgie par laparotomie et entre 0,0 et
dotique en France [5, 7]. 2,7 % lors d'abord cœlioscopique [10].
La morbimortalité après chirurgie de l'obésité est certes La mortalité postopératoire après chirurgie de l'obésité
faible mais elle reste néanmoins trop élevée. En effet, même a aussi globalement diminué au cours des années. Lazzati
si des facteurs de risques de complications et de morta- et  al., dans leur série rétrospective évaluant la mortalité
lité postopératoires sont bien identifiés dans la littérature postopératoire entre  2007 et  2012 en France, montrent
et décrits dans ce chapitre, il ne s'agit que de facteurs de une décroissance de la mortalité toutes procédures
risques. Ainsi, une complication et un décès postopératoires confondues allant de 0,14 % en 2007 à 0,07 % en 2012 [11].
peuvent concerner un patient jeune et sans pathologies/ Lorsqu'on analyse les données dans le détail, la mortalité
comorbidités associées. Une partie de la mortalité post­ a diminué quel que soit le type de procédure chirurgicale
opératoire est due à la présence d'une complication liée (AGA, GL, CCG), allant même jusqu'à être nulle pour
au montage chirurgical. Afin de tendre vers l'objectif d'une l'AGA en 2012.
mortalité nulle, le dépistage précoce des complications post­ Les principales complications précoces suivant ces diffé-
opératoires est indispensable afin d'éviter un retard de prise en rentes procédures sont d'une part les complications d'ordre
charge et de permettre une gestion adaptée et sans délai. général, avec en particulier l'apparition d'une thrombose
L'objectif de ce chapitre est de faire un point sur les com- veineuse et/ou d'une embolie pulmonaire, d'autre part les
plications postopératoires après chirurgie de l'obésité, en complications liées au montage chirurgical, et concernent
particulier dans le cadre de la GL et du CCG, de connaître en majeure partie les fuites digestives (fistule anastomo-
les symptômes devant faire suspecter l'existence et les tique pour le CCG et le DS, fuite gastrique pour la GL, plaie
moyens diagnostiques à mettre en œuvre pour confirmer gastrique et/ou œsophagienne pour l'AGA) et les pro-
puis traiter cette complication. Enfin, un point sera fait sur blèmes hémorragiques en rapport avec des plaies d'organes
les différents éléments pouvant être mis en place et per- pleins (foie, rate) ou en lien avec l'application de rangées
mettant un dépistage plus précoce des complications post­ d'agrafes. Dans la méta-analyse de Zellmer et  al., le taux
opératoires, en particulier dans l'ère de l'hospitalisation de de thrombose veineuse profonde et/ou embolie pulmo-
courte durée, voire d'hospitalisation ambulatoire. naire était faible, entre 0,6 et 0,7 %, mais les complications
thrombotiques avaient la particularité de pouvoir être fou-
droyantes [9] et, dans une étude récente [12], la présence
Épidémiologie d'une embolie pulmonaire postopératoire restait le princi-
pal facteur de risque de mortalité postopératoire avec un
La mortalité après chirurgie de l'obésité varie en fonction risque relatif allant de 34,5 à 252, beaucoup plus importante
des différentes procédures chirurgicales. Globalement, plus que l'existence d'une fistule postopératoire pour laquelle le
la procédure est simple, et plus le taux de complications risque relatif varie entre 25,4 pour le CCG et 35,8 pour la GL.

140
13. Comment améliorer la prise en charge des complications postopératoires précoces ?

Toujours dans l'étude de Zellmer et al., le taux de fistule/ Des études plus récentes suggèrent que cette comorbi-
fuite postopératoire était évalué à 1,9  % dans le CCG et dité, bien prise en charge en préopératoire, ne serait plus
2,3 % dans la GL, tandis que l'incidence du saignement pos- associée à une augmentation du risque de morbimortalité
topératoire était de 3,1 % dans le CCG et 2 % dans la GL [9]. après chirurgie de l'obésité. Cela est probablement lié au
fait que des recommandations de prise en charge préopé-
ratoire du SAOS existent désormais et qu'une chirurgie ne
Morbimortalité postopératoire peut être envisagée que chez un patient ayant un SAOS
appareillé et qu'une fois une bonne adhérence à la CPAP
(Continuous Positive Airway Pressure) obtenue [23].
Facteurs de risques
Plusieurs facteurs de risques de complications postopéra- Autres facteurs préopératoires
toires sont décrits dans la littérature. D'autres facteurs de risque de morbimortalité après chirur-
gie de l'obésité, avec probablement une part moins impor-
Âge tante, existent aussi, tels que la présence d'un diabète, de
L'âge du patient est souvent cité. Pour Sanni et al., dans leur maladie cardiovasculaire, un tabagisme actif ou la présence
évaluation portant sur 20 308  procédures de chirurgie de d'une dénutrition préopératoire [24]. Lazzati et al., dans leur
l'obésité (AGA, GL et CCG), le risque de complications aug- analyse de 133 000  patients opérés en France entre  2007
mentait de 2 % à chaque année de plus du patient [13]. Ce et 2011, confirment l'ensemble de ces données comme fac-
facteur de risque a également été démontré dans l'étude de teurs de risque de mortalité postopératoire [5].
Stroh et al. [14] et il en est de même dans de nombreuses
autres études [15, 16]. Ce facteur de risque de morbimorta- Facteurs chirurgicaux
lité peut s'expliquer par la présence de plus de comorbidi- En dehors des données préopératoires, d'autres facteurs
tés associées à l'obésité qui elles-mêmes vont augmenter le influencent la morbimortalité postopératoire. Les facteurs
risque postopératoire. « techniques/humains » ont une part importante dans le
risque de développer une complication postopératoire
Indice de masse corporelle (IMC) impactant le risque de mortalité à court terme.
C'est également un facteur de risque majeur puisqu'asso- L'augmentation de la durée opératoire, la présence
cié, quelle que soit la procédure chirurgicale, à un geste d'évènements peropératoires [25] ainsi que la conversion
techniquement plus difficile à réaliser. Pour Sanni et al., le en laparotomie font partie d'autres facteurs de risque de
risque de complications augmentait à chaque point d'IMC morbimortalité décrits dans la littérature [5, 26].
supplémentaire [13]. Dans d'autres séries de large effectif, La chirurgie de révision est également un facteur de
ce facteur de risque ressortait systématiquement [14, 17]. risque retrouvé dans les séries avec des chirurgies habituelle-
ment plus difficiles liées aux adhérences intra-­abdominales
Syndrome d'apnée obstructive (vis-à-vis du parenchyme hépatique et/ou splénique). Cette
donnée est importante à connaître car le nombre de pro-
du sommeil
cédures de chirurgie bariatrique effectuées ces dernières
C'est également un facteur de risque de mortalité après années est important et nous rentrons actuellement dans
chirurgie bariatrique retrouvé dans la littérature. La préva- une nouvelle ère qui est la chirurgie de révision après échec
lence du SAOS dans la population bariatrique varie de 15 à d'une chirurgie initiale. En effet, les premiers échecs de la
30 % [18] et se caractérise par un collapsus récurrent des chirurgie de l'obésité apparaissent de façon plus importante
voies aériennes, facilité par le dépôt de tissu adipeux local et pour ces patients, de nouvelles procédures peuvent ou
dans le cou chez les patients obèses résultant en une dimi- doivent être proposées [27].
nution du calibre de la lumière des voies respiratoires supé- L'expérience du chirurgien en chirurgie de l'obésité est
rieures. La majeure partie des études retrouvant le SAOS également une donnée importante à prendre en compte.
comme un facteur de risque de morbimortalité sont pour Plusieurs séries évaluant la courbe d'apprentissage de la GL
la plupart anciennes où probablement la prise en charge et le CCG mettent en évidence le nombre de procédures
préopératoire du SAOS n'était pas standardisée ou non réalisées par centre comme un facteur de risque indépen-
correctement effectuée [19–22]. dant de morbimortalité postopératoire [5].

141
IV. Évaluation postopératoire

Scores prédictifs GL en 2011 et 2012, ont développé un modèle prédictif de


morbimortalité fondé sur un modèle mathématique com-
Finalement, il est assez logique que l'ensemble des modèles plexe [31]. Ce modèle utilisait comme variable à risque un
prédictifs de calcul du risque postopératoire reposent antécédent de décompensation cardiaque, l'utilisation de
pour la plupart sur les facteurs de risques mis en évidence corticostéroïdes, le sexe masculin, l'IMC et les taux de bili-
dans le cadre d'analyse multivariée (tableau 13.1). Coblijn rubine et d'hématocrite préopératoires.
et  al. ont développé un modèle de score permettant
de prédire le risque de complications après GL et CCG
(Bariatric Surgery Index for Complications – BASIC) [28].
Les 6 paramètres qui ressortaient de leur analyse portant Intérêt des scores prédictifs et de la
sur les données rétrospectives de 1 709  patients étaient connaissance des facteurs de risque
la prise d'anticoagulants, la bronchite chronique obstruc-
tive, la dyslipidémie, le sexe masculin, les antécédents psy- Il réside dans le fait que la présence d'un ou plu-
chiatriques et la chirurgie de révision. En se fondant sur sieurs de ces facteurs chez un patient peut contri-
ces paramètres, trois classes de patients ont été décrites buer à la prise de décision chirurgicale. Ainsi, ne
(cf. tableau 13.1). pas opérer un patient du fait d'un risque majeur
DeMaria et  al. ont proposé un score permettant de ou transférer un patient dans un centre avec une
prédire la mortalité après CCG reposant sur 5  variables plus grande expertise et/ou un plateau technique
dont l'IMC supérieur à 50 kg/m2, le sexe masculin, l'hyper- adapté peut et doit être envisagé dans certains cas.
tension artérielle, une variable incluant des facteurs de De même, ces éléments permettent de donner
risques d'embolie pulmonaire et un âge supérieur à 45 ans une information éclairée et objective aux patients,
[29]. En fonction de ces facteurs de risques, trois classes dans une période où la chirurgie de l'obésité est
étaient identifiées avec une mortalité allant de 0,31 % pour souvent perçue comme une chirurgie sans risques.
la classe A à 7,56 % pour la classe C. Ce score ne permet La connaissance de ces facteurs de risques permet
pas en revanche d'évaluer le risque de complications [30]. de faire comprendre aux patients qu'un risque
Aminian et al., dans l'analyse d'une base de données améri- vital peut être engagé et qu'une chirurgie sans
caine (ACS-NSQIP) portant sur des patients ayant eu une risque n'existe pas.

Tableau 13.1 Scores de calcul du risque de mortalité postopératoire, d'après [24].


Score Nombre de patients Facteurs de risque Risque de mortalité
OS-MRS [29] 9 382 IMC ≥ 50 kg/m 2
Mortalité
Sexe masculin Grade A : 0,26 %
Hypertension Grade B : 1,33 %
Facteurs de risque d'embolie Grade C : 4,34 %
pulmonaire
Âge > 45 ans
LABS [15] 4 776 IMC > 60 kg/m2 Complications sévères et mortalité
Facteurs de risque Moyenne : 4,1 %
thromboembolique 3 % si IMC ≤ 50 kg/m2 et absence de
Distance de marche < 60 m facteurs de risque thromboembolique
Chirurgie par laparotomie 10 % si IMC > 70 kg/m2 et présence de
facteurs de risque thromboembolique
University Health System 105 287 Sexe masculin Mortalité
Consortium database [29] Chirurgie par laparotomie Grade I : 0,10 %
Assurance médicale Grade II : 0,15 %
Diabète Grade III : 0,33 %
Âge > 60 ans Grade IV : 0,70 %
IMC : indice de masse corporelle.

142
13. Comment améliorer la prise en charge des complications postopératoires précoces ?

Diagnostic des complications chirurgicale n'a pas d'intérêt dans le diagnostic précoce
d'une complication. De nombreuses études ont montré
son manque d'intérêt dans le dépistage d'une complication
Symptômes postopératoire [37, 38] et le surcoût de la prise en charge
Les principaux symptômes d'alerte peuvent être divisés en hospitalière. Cet examen a pour principal impact de retar-
symptômes digestifs et symptômes extra-digestifs. Les prin- der la reprise de l'alimentation orale et ainsi de décaler la
cipaux symptômes extra-digestifs rencontrés sont la tachy- sortie d'hospitalisation [39, 40]. L'intérêt du transit œsogas-
cardie, la dyspnée et la fièvre. Dans l'étude de Kermarrec troduodénal de façon élective en cas de suspicion de fis-
et al. où la majeure partie des procédures concernaient des tule postopératoire est également limité et ne permet pas
complications suite à la pose d'AGA et à la réalisation de d'écarter le diagnostic avec certitude [39, 41].
CCG, le symptôme extra-digestif le plus rencontré était la Le scanner avec opacification haute est l'examen de
tachycardie (100 % des cas) suivi de la dyspnée (98 % des choix, que ce soit dans la GL ou le CCG. Le signe scano-
cas) tandis que la fièvre survenait dans 74 % des cas [32]. graphique associant les plus hautes sensibilité et spécificité
En effet, la fièvre est en fait un symptôme tardif et signe dans le cadre de la GL est la présence d'un abcès périgas-
de péritonite avancée. En conséquence, ne pas suspecter trique sans extravasation de produit de contraste (sensi-
une complication du fait de l'absence de fièvre peut être bilité  : 56,6  % ; spécificité  : 95  %). Dans le cadre du CCG,
responsable d'un retard de prise en charge. La tachycardie l'interprétation de l'imagerie peut être rendue plus com-
sévère (> 120 bpm) comme 1er symptôme de complication plexe et nécessite l'avis d'un radiologue ayant l'habitude de
a également été retrouvée dans l'étude de Hamilton et al. l'imagerie en chirurgie de l'obésité [41]. Dans certains cas,
[33]. D'autres symptômes comme la présence d'une dys- l'imagerie peut être prise à défaut et une cœlioscopie explo-
pnée et d'une anurie étaient aussi retrouvés de façon signi- ratrice doit alors être réalisée.
ficative. La présence d'une tachycardie sévère était associée
dans cette étude à un risque relatif de fistule anastomotique En cas d'hémorragie/hématome
postopératoire de 23,2. Après GL, l'impact de la tachycar- postopératoire
die pour le diagnostic de fistule postopératoire est moins
Le principal symptôme devant faire évoquer une hémor-
établi et probablement lié au fait que les fistules après GL
ragie est la tachycardie postopératoire. La tachycardie
sont plus tardives qu'après CCG. Néanmoins, la tachycar-
est cyclique tandis que dans le cadre d'une fistule pos-
die postopératoire doit alerter le chirurgien sur des suites
topératoire, elle est constante. L'hémorragie peut être
potentiellement compliquées [34] et faire penser en par-
intra-­abdominale (dans le cadre de la GL et du CCG) ou
ticulier à une hémorragie postopératoire. Parmi les autres
intraluminale (exceptionnellement dans la GL). Une numé-
symptômes digestifs devant faire suspecter une complica-
ration formule sanguine permet de montrer une déglo-
tion après chirurgie de l'obésité, la douleur, en particulier de
bulisation et en l'absence d'instabilité hémodynamique, le
l'hypocondre gauche, doit être recherchée [32]. La présence
diagnostic peut être posé par l'intermédiaire d'un scanner
d'une défense abdominale est uniquement retrouvée dans
abdominal injecté ou d'une fibroscopie œsogastrique dans
30  % des cas et est donc finalement un signe peu fiable
le cadre d'un saignement intraluminale après CCG. En l'ab-
pour faire suspecter une complication postopératoire.
sence de stabilité hémodynamique, une reprise chirurgicale
permet le diagnostic.
Moyens diagnostiques Les hématomes postopératoires se présentent différem-
ment et le principal symptôme est la douleur qui peut être
En cas de fistule postopératoire associée à une déglobulisation en général modérée. Le diag­
En cas de présence d'un drainage abdominal laissé en place, nostic est posé par l'intermédiaire d'un scanner abdominal
la réalisation d'un test au bleu de méthylène oral peut per- qui retrouve une collection de densité hématique dans la
mettre de faire le diagnostic de fistule dans quelque cas. cavité abdominale.
Néanmoins, la tendance actuelle est à limiter la mise en
place de drainage systématique de la cavité abdominale Prise en charge
après chirurgie de l'obésité [35] et même en cas de drainage
abdominal, le test au bleu peut être faussement négatif [36]. La prise en charge des complications après chirurgie
L'intérêt du transit œsogastroduodénal en routine après de l'obésité s'est améliorée, probablement en raison de
GL ou CCG dans les 2 premiers jours suivant l'intervention l'augmentation du nombre de travaux publiés sur cette
143
IV. Évaluation postopératoire

­thématique [42, 43]. Cela a permis, en outre, la mise en ment chirurgical, que ce soit dans le cadre de la GL ou du
place de recommandations internationales concernant les CCG, sont les mêmes et reposent sur le drainage optimal
fistules postopératoires après GL et CCG. Le pronostic de de la fistule, l'antibiothérapie large spectre ainsi que la prise
ces complications postopératoires s'est également amélioré en compte du statut nutritionnel (jéjunostomie d'alimen-
grâce à la part grandissante de l'endoscopie intervention- tation ou sonde nasojéjunale).
nelle et l'utilisation en particulier de prothèses et/ou clips Concernant la prise en charge des hémorragies post­
(couverte, double queue de cochon, etc.) permettant opératoires, une part importante est laissée au traitement
de compléter le traitement chirurgical dans certains cas conservateur en l'absence d'instabilité hémodynamique
ou d'éviter une reprise chirurgicale dans d'autres. Ainsi la [45, 46]. Cependant, le traitement conservateur expose à
Société américaine de chirurgie bariatrique et métabolique un risque de retard de prise en charge avec la possibilité
(ASMBS) a édité en 2015 ses recommandations de prise d'être amené à opérer un patient dans un moins bon état
en charge d'après les données de la littérature disponibles clinique que s'il avait été opéré d'emblée. La présence d'une
à cette date (fig. 13.1 et 13.2) [44]. Les principes du traite- hémorragie/hématome postopératoire pourrait également

Suspicion de fistule

Stabilité hémodynamique

Ou
n i
No

Scanner thoraco-abdominal
Reprise chirurgicale opacifié

Traitement
endoscopique

Fistule bien tolérée,


à distance du geste initial,
sans anomalies sous-jacentes

Fig. 13.1
Recommandations de l'ASMBS pour la prise en charge de fistule après court-circuit gastrique.
D'après [44].

Suspicion de fistule

Scanner thoraco-abdominal opacifié

Stabilité hémodynamique
Oui

n
No Fistule > 5 e jour
postopératoire
Non

Reprise chirurgicale Oui

Traitement
endoscopique

Fig. 13.2
Recommandations de l'ASMBS de prise en charge de fistule après gastrectomie longitudinale.
D'après [44].

144
13. Comment améliorer la prise en charge des complications postopératoires précoces ?

favoriser le développement secondaire d'une fistule posto- alerter (douleurs, tachycardie, fièvre) et nécessiter une consulta-
pératoire [47] qui ne ferait que complexifier encore plus la tion en urgence. Même si aucune étude n'a évalué son impact
prise en charge. Les hématomes intra-abdominaux mesu- à ce jour, il s'agit probablement de la méthode la plus simple à
rant plus de 5 cm de diamètre nécessitent habituellement mettre en place et qui ne nécessite pas de coût particulier.
un drainage radiologique ou chirurgical. La mise en place d'une consultation programmée rap-
prochée, en particulier en cas de chirurgie court séjour,
peut aussi s'avérer intéressante. Dans l'étude de Rebibo et al.
Transfert du patient avec portant sur la réalisation de GL en ambulatoire, une consul-
complications postopératoires tation programmée était effectuée au 4e  jour postopéra-
toire et a permis de diagnostiquer trois complications sur
Le transfert du patient ayant une complication postopéra-
les 100 patients opérés [49]. De façon assez similaire, dans le
toire dans un centre spécialisé ayant l'expérience et le plateau
cadre de la chirurgie hépatique cœlioscopique ambulatoire,
technique pour prendre en charge cette complication se pose
les patients étaient recontactés par téléphone aux 5e et
régulièrement. Il serait raisonnable de penser qu'au vu du taux
15e jours postopératoires [50]. On pourrait ainsi envisager
de complications postopératoire lié au site opératoire qui est
que dans l'avenir, ces consultations ou contacts télépho-
assez faible (2 % en fonction des études et des expériences des
niques pourraient être effectués par une « infirmière  spé-
centres) [48], prendre en charge une complication lorsque le
cialisée » qui d'une part augmenterait la satisfaction des
centre est exposé à la gestion de 3–4 patients par an, insuffisant
patients et d'autre part permettrait peut-être de dépister
pour pouvoir standardiser la prise en charge des complications,
de façon plus précoce des complications postopératoires.
n'est plus acceptable. Le développement de « centres recours »,
D'autres modalités de surveillance sont envisageables
référents dans la gestion des complications après chirurgie de
telles que la réalisation d'une surveillance biologique à domi-
l'obésité, permettrait de diminuer la morbidité et la mortalité
cile avec en particulier l'intérêt du dosage de la C-réactive
des patients ayant une complication postopératoire.
protéine (CRP) dans le dépistage d'une complication post­
opératoire et en particulier de fistule (tableau  13.2). Kroll
et  al., dans leur série évaluant l'impact du dosage de la
Méthodes pour un diagnostic CRP au 1er  jour postopératoire dans le cadre de la détec-
précoce tion de complication postopératoire précoce (7  premiers
jours) portant sur 523  patients (GL et CCG), retrouvent
Le 1er outil est la préparation et surtout l'information des une valeur seuil de 70  mg/L avec une sensibilité et une
patients sur la possibilité de complications postopératoires. Un spécificité respectives de 81,2 et 94,3 % [51]. Albanopoulos
point important est d'expliquer les symptômes qui doivent et al., dans leur série prospective portant sur 177 patients,

Tableau 13.2 Valeurs seuil du dosage de la C-réactive protéine pour le dépistage de complications précoces postopératoires.
Auteur Types Type d'étude Nombre Jour Valeur seuil Sensibilité/
de procédures de patients postopératoire (en mg/L) Spécificité (%)
Ruiz-Tovar et al. [54] GL Prospective, 208 1 90 85/90
monocentrique
Albanopoulos et al. [52] GL Prospective, 177 1 150 83,2/100
monocentrique 3 200 100/100
5 150 83,2/100
Williams et al. [53] CCG Rétrospective, 183 2 127 93/64
monocentrique
Kroll et al. [51] GL, CCG Rétrospective, 523 1 70 81,2/94,3
monocentrique
Munoz et al. [55] GL Prospective, 115 1 70 85/90
monocentrique
CCG : court-circuit gastrique ; GL : gastrectomie longitudinale.

145
IV. Évaluation postopératoire

montrent que la CRP est un meilleur dosage que le taux de sur 11 articles dont 7 concernant la pose d'AGA (moins de
globules blancs ou de polynucléaires neutrophiles pour le 12 heures) et 4 articles sur le CCG en moins de 24 heures.
dépistage des complications à type de fistule [52]. D'autres À cette époque, aucune étude n'était publiée concernant
séries retrouvent des chiffres similaires pour le dépistage de la GL mais depuis la publication de ces recommanda-
fistule postopératoire [53]. Des études récentes évaluent tions, 4  études sont aujourd'hui disponibles [49, 63–65].
également l'intérêt du dosage de la procalcitonine [54, 55]. La majeure partie de ces séries reposent sur les grands
L'intérêt de ces dosages biologiques, qui pourraient être principes visant à limiter le risque de complications pos-
effectués en ville, nécessite également la mise en place de cir- topératoires et, pour certaines, à aider au diagnostic et à la
cuit de consultation postopératoire facilitée. Une partie des prise en charge des complications postopératoires pour ces
patients souffrant de symptomatologie postopératoire ont patients qui ne sont pas hospitalisés et donc non visibles.
tendance à consulter leur médecin traitant avant le chirur-
gien pour des raisons de facilité/disponibilité. Un accès facilité
à une consultation auprès du chirurgien ou d'un membre de Sélections des patients
son équipe permettrait potentiellement de raccourcir le délai Toutes les séries publiées respectaient comme critères d'in-
de diagnostic de la complication et, ainsi, du délai de prise en clusion les critères du National Institutes of Health, c'est-à-dire
charge, en sachant qu'une proportion considérable de des patients avec un IMC supérieur ou égal à 40 kg/m2 ou un
médecins généralistes déclare ne pas avoir suffisamment de IMC supérieur ou égal à 35 kg/m2 en présence de comorbi-
connaissances concernant la chirurgie de l'obésité [56]. dités susceptibles d'être améliorées par la chirurgie de l'obé-
Les outils connectés sont probablement un moyen de sité. Concernant les critères d'exclusion pour une prise en
surveillance à domicile utilisable dans un avenir proche. charge en ambulatoire pour la pose d'un AGA, il s'agissait des
Pour l'instant, ces outils sont en cours d'évaluation et patients avec des comorbidités importantes dans la série de
aucune étude n'a évalué leur intérêt/faisabilité/impact. Wasowicz-Kemp et al. [66], tandis que l'exclusion concernait
Debono et al., de façon assez similaire dans la prise en charge les patients ayant des pathologies cardio-respiratoires, un
chirurgicale de hernie discale en ambulatoire, se sont servi diabète mal équilibré ou des anticoagulants dans l'étude de
d'applications mobiles chez 60  personnes, permettant de Watkins et al. [67]. Concernant la GL, les trois séries publiées
maintenir sous surveillance des patients qui finalement ne ont des critères d'exclusion différents fondés sur une expé-
sont plus dans une enceinte hospitalière [57]. Les résultats rience personnelle [63] ou sur des données de la littérature
en termes de satisfaction étaient excellents et ont permis de [49, 64]. Toutes ont en commun les critères de distance par
minimiser le recours à une consultation non programmée. rapport au centre réalisant la chirurgie et d'accompagnant
pour le soir de la sortie de l'unité d'ambulatoire. Le point
commun aux deux séries se servant de données de la litté-
Particularités en cas de court rature est de reposer sur des études évaluant les facteurs de
risques de morbimortalité après CCG [29, 68] pour détermi-
séjour et chirurgie ambulatoire ner leurs critères d'exclusion. Ainsi, une série utilise comme
critères d'exclusion les critères de DeMaria [29], c'est-à-dire
État des lieux un âge supérieur ou égal à 55 ans et un IMC supérieur ou
Du fait de la simplification des soins, de nombreuses séries égal à 55 kg/m2. Dans une autre série [49], la présence d'une
de chirurgie de l'obésité en court séjour (dans le cadre apnée du sommeil (appareillée ou non) est un critère d'ex-
d'une prise en charge de type réhabilitation améliorée ou clusion fondé sur une étude concernant le CCG où cette
fast-track) ont été décrites. Ces séries ont montré que la apnée du sommeil représente un facteur de risque de mor-
diminution de la durée de séjour n'entraînait pas une aug- bimortalité [68]. Dans les deux autres études, la présence
mentation du taux de complications, en particulier dans le d'une apnée n'est pas un critère d'exclusion.
cadre de la GL [58, 59], tandis que dans le CCG, les résultats
sont contradictoires [60, 61]. De ce fait, l'étape de la chirur- Gestion du risque postopératoire
gie bariatrique en ambulatoire a désormais été franchie
pour des procédures plus complexes que la pose d'AGA. Elle est très différente en fonction du type de procédure
Les recommandations françaises concernant la chirurgie chirurgicale. Concernant les études publiées sur l'AGA, une
de l'obésité en ambulatoire datent de 2011 [62] et n'ont pas seule série fait mention d'une consultation programmée
été réévaluées depuis. Ces recommandations reposaient le lendemain de l'intervention avec une infirmière. L'absence
146
13. Comment améliorer la prise en charge des complications postopératoires précoces ?

de prise en charge spécifique dans le cadre de la pose d'AGA ■


Le scanner abdominal avec injection et inges-
en ambulatoire peut être expliquée par le très faible risque de tion de produit de contraste est l'examen clé
complication immédiate après ce type de procédure. Dans les permettant un diagnostic de la complication
suites d'une GL effectuée en ambulatoire, la réalisation d'un postopératoire.
bilan biologique et d'un transit œsogastroduodénal était systé- ■
La prise en charge des complications postopéra-
matique avant de pouvoir envisager une sortie [49]. Dans une toires nécessite un diagnostic précoce et une prise
autre série, les patients quittaient l'unité d'ambulatoire avec en charge adaptée.
un accès veineux en place et une consultation de contrôle le ■
Des outils sont disponibles pour permettre le
lendemain de l'intervention pour réalisation d'une perfusion diagnostic précoce de complications postopéra-
de solution saline [63]. Concernant le suivi postopératoire toires  : suivi biologique, suivi connecté, parcours
précoce, un appel téléphonique pouvait être effectué le soir de reconsultation postopératoire facilité, etc.
même de l'intervention par le chirurgien [49] et/ou le len- ■
Transférer un patient à haut risque de compli-
demain de l'intervention par une infirmière [49, 64]. Un suivi cation postopératoire ou ayant une complication
par « texto » était également effectué dans une seule étude postopératoire dans un centre spécialisé est une
[49]. La mise en place d'une consultation programmée dans attitude plus que recommandable.
une étude était effectuée au 4e jour postopératoire, d'après la
propre expérience de l'équipe chirurgicale dans l'apparition Références
de fistules gastriques après GL où 50 % de ces dernières appa-
[1] Pêgo-Fernandes PM, Bibas BJ, Deboni M. Obesity : the greatest epi-
raissaient à partir du 5e jour postopératoire [49]. Lors de cette
demic of the 21st century ? Sao Paulo Med J 2011 ; 129 : 283–4.
consultation, un dosage biologique incluant la CRP était réalisé [2] Kitahara  CM, Flint  AJ, Berrington de Gonzalez  A, Bernstein  L,
et a permis de diagnostiquer de façon plus précoce une fistule Brotzman M, RJ MacInnis, et al. Association between class III obe-
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Afin d'améliorer la prise en charge des complications
[5] Lazzati A, Guy-Lachuer R, Delaunay V, Szwarcensztein K, Azoulay D.
précoces, le premier élément est d'essayer de repérer les Bariatric surgery trends in France : 2005–2011. Surg Obes Relat Dis
patients à risques de morbimortalité postopératoire, liés 2014 ; 10 : 328–34.
aux pathologies associées ou aux possibles difficultés opéra- [6] Debs T, Petrucciani N, Kassir R, Iannelli A, Amor IB, Gugenheim J. Trends
toires attendues. Dans ces cas, envisager un transfert dans un of bariatric surgery in France during the last 10 years : analysis of 267,466
procedures from 2005–2014. Surg Obes Relat Dis 2016 ; 12 : 1602–9.
centre spécialisé avec un plateau technique adapté est une [7] Spaniolas  K, Kasten  KR, Brinkley  J, Sippey  ME, Mozer  A,
attitude recommandable. En cas de complications, le dia- Chapman WH, et al. The Changing bariatric surgery landscape in
gnostic précoce est indispensable afin de limiter le risque de the USA. Obes Surg 2015 ; 25 : 1544–6.
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Long-term outcomes after bariatric surgery : fifteen-year follow-up
Transférer un patient avec une complication postopératoire
of adjustable gastric banding and a systematic review of the baria-
dans un centre adapté, ayant l'habitude de gérer ce genre de tric surgical literature. Ann Surg 2013 ; 257 : 87–94.
complications, et dans des délais précoces est nécessaire afin [9] Zellmer JD, Mathiason MA, Kallies KJ, Kothari SN. Is laparoscopic
de limiter le risque de mortalité après chirurgie de l'obésité. sleeve gastrectomy a lower risk bariatric procedure compared with
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147
IV. Évaluation postopératoire

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148
13. Comment améliorer la prise en charge des complications postopératoires précoces ?

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149
Chapitre 14
Complications nutritionnelles

PLAN DU C HAPITRE
Prévention et traitement des carences
en vitamines, minéraux et oligo-éléments
après chirurgie de l'obésité 152
L'essentiel 152
Statut en micronutriments du sujet obèse
avant chirurgie 152
Carences après chirurgie bariatrique :
fréquence, dépistage, stratégie
de supplémentation 153
Particularités des carences après chirurgie
malabsorptive : DBP, DS, court-circuit
gastrique en oméga et SADI 157
Conclusion 158
Catastrophes nutritionnelles : dénutrition
et nutrition artificielle après chirurgie
bariatrique 159
Dénutrition « adaptée » 159
Dénutrition protéinoénergétique avec
hypoalbuminémie 160
Comment mettre en place une nutrition
entérale (NE) après chirurgie bariatrique  161
Conclusion 163

Chirurgie bariatrique
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
IV. Évaluation postopératoire

Prévention et traitement des carences en vitamines,


minéraux et oligo-éléments après chirurgie de l'obésité
Didier Quilliot, Olivier Ziegler, Nicolas Reibel, Marie-Aude Sirveaux

L'essentiel observées sont dues le plus souvent à la malabsorption


créée par le montage chirurgical mais la diminution des
Le patient obèse est un sujet à risque de dénutrition, en apports est également en cause. Après chirurgie restrictive
raison de carences spécifiques ou de sarcopénie. Le risque (anneau ajustable et gastroplastie verticale), on peut obser-
de carence nutritionnelle dépend de l'importance de la ver des carences d'apport liées à la mauvaise tolérance de
perte de poids et du type de chirurgie. La carence en fer certains aliments (comme la viande) ou au déséquilibre ali-
est fréquente après les trois types de chirurgie (anneaux, mentaire généré par la restriction. Les patients privilégient
court-circuit gastrique, gastrectomie longitudinale) et les aliments bien tolérés, qui sont souvent des aliments à
concerne particulièrement les femmes non ménopausées. faible densité nutritionnelle et forte densité énergétique.

Les techniques purement restrictives (anneau gastrique) La grande variabilité de la prévalence des carences obser-
peuvent induire des troubles digestifs, une intolérance pour vées dans les séries publiées illustre la diversité des pratiques,
certains aliments et des comportements alimentaires mal du suivi des patients et de leur prise en charge nutritionnelle
adaptés en rapport avec des troubles du comportement (suivi diététique, suppléments en micronutriments). Les études
alimentaire pré ou postopératoires. Les apports en micro- actuellement disponibles ont un recul insuffisant, notam-
nutriments très réduits pendant la phase d'amaigrissement ment concernant les techniques récentes comme la GL (gas-
justifient une supplémentation systématique en multivita- trectomie longitudinale). Des études à court terme après GL
mines comportant des éléments traces. rapportent une prévalence élevée. Les complications nutrition-

Le court-circuit gastrique (CCG) entraîne de plus une nelles sont incontestablement plus fréquentes et de gravité plus
malabsorption de certains micronutriments. Il augmente importante après chirurgie malabsorptive (dérivation biliopan-
le risque de carences en fer. La supplémentation n'est pas créatique : DBP) ou mixte (CCG) que pour les techniques de
systématique mais pourrait se discuter chez les femmes réduction gastrique. La chirurgie restrictive peut également être
avant la ménopause. Après cette intervention, la malab- responsable de carences ou de complications nutritionnelles.
sorption du calcium et de la vitamine D entraîne un risque Les données actuelles mettent en évidence l'impérieuse néces-
d'ostéoporose accéléré, notamment chez les femmes au sité de prévenir certaines carences, notamment en cas de chirur-
moment de la ménopause. Le risque de carence en vita- gie mixte ou malabsorptive, de formaliser le suivi nutritionnel et
mine  B12 est extrêmement élevé après CCG et justifie de valider une stratégie de supplémentation systématique.
d'une supplémentation systématique. L'encéphalopathie
de Gayet-Wernicke n'est pas rare, notamment en cas
d'intolérance alimentaire et de vomissements prolongés. Statut en micronutriments

La gastrectomie longitudinale semble entraîner un du sujet obèse avant chirurgie
risque de carence moindre qu'après CCG mais significative
à court terme, justifiant un dépistage régulier et souvent La prévalence des déficits en micronutriments pourrait être
une supplémentation. plus élevée chez le sujet obèse. Les plus fréquemment rappor-
Quelle que soit la technique chirurgicale, la surveillance tées concernent les vitamines B1, B12, B9, A, C, D. Ce déficit
nutritionnelle, la prescription de suppléments appropriés en vitamines est généralement attribué à une diminution
et la surveillance de l'adhésion des patients à ces mesures des apports ou à leur inadéquation par rapport aux besoins.
s'imposent. Ces patients doivent donc être suivis régulière- L'alimentation du sujet obèse est en effet générale­ment plus
ment et au long cours. Les résultats de la chirurgie baria- riche en graisse, en produits sucrés et donc à haute densité
trique sur la perte de poids et sur les comorbidités peuvent énergétique et à faible densité nutritionnelle. Ce type d'ali-
faire oublier que cette chirurgie n'est pas dénuée de risque mentation est associé, de façon relative, à une plus faible
de complications métaboliques et nutritionnelles, qui sont teneur en vitamines, en protéines, en minéraux et en fibres [1].
la conséquence de complications fonctionnelles ou qui D'autre part, l'augmentation des apports énergétiques
sont liées au type de montage chirurgical. Les carences majore les besoins en micronutriments, ce qui accentue le
152
14. Complications nutritionnelles

risque de déficit. Les patients obèses seraient donc suscep- Carences après chirurgie
tibles de présenter des déficits ou des carences spécifiques.
Le risque d'excès de supplémentation doit également être bariatrique : fréquence,
pris en compte car il peut aussi avoir des effets délétères. dépistage, stratégie de
À retenir
supplémentation (tableau 14.1)

Un bilan nutritionnel et vitaminique (dosages Carence martiale


d'albumine, hémoglobine, ferritine et coefficient Une carence en fer est très fréquente après chirurgie
de saturation en fer de la transferrine, calcémie, bariatrique. Elle est liée à un déficit d'apports ou à une
25 (OH)-vitamine D, vitamines B1, B9, B12) et une malabsorption en cas de chirurgie malabsorptive ou
correction des déficits éventuels sont recomman- mixte.
dés en préopératoire.

Tableau 14.1 Suivi métabolique et nutritionnel après chirurgie bariatrique.


Complications Explorations Mécanismes et Prévention Traitement – Correction
nutritionnelles facteurs impliqués
Liées aux Complications Complications Ionogramme si intolérance aux Hospitalisation – Correction IV
vomissements hydroélectrolytiques mécaniques liquides > 24 heures
(anneau, GVC) – Hypokaliémie Blocage d'un aliment  ↑ hydratation et arrêt de l'alimen-
– Déshydratation solide tation solide
– Insuffisance rénale Sténose Thérapie comportementale
anastomotique si troubles du comportement
alimentaire
Évolution progressive de la texture
(anneau)
Carence en vit. B1 ↑ risque si perfusion Supplémentation si vomisse- Traitement GW
GW de sérum glucosé ments ou si perfusion de sérum 500 mg/j × 3 jours en
(la vitamine B1 plasma- glucosé (100 mg en IV) 3 prises (hydrochloride de
tique peut être normale) thiamine/100 mL de sérum
× 30 min) puis 250 mg/j
× 5 jours puis 30 mg × 2/j per os
Dénutrition ↓ albumine Facteur d'agression Montage, pullulation, apport Compléments nutritionnels à
protéique ↓ préalbumine ou pullulation ± ali- minimum recommandé en faible index glycémique (CNO
Œdème mentation pauvre en postopératoire : 60 g/j (laitage, pour diabétique)
protéines poisson, œuf, etc.)
Si besoin, compléments nutri-
tionnels à faible index glycémique
(CNO pour diabétique)
Carence en fer Saturation sidérophiline Femme ++ Supplémentation fer + vit. C Carence sévère : fer injec-
(CCG +++, < 20 % (menstruations) (40–65 mg/j) après CCG chez table 500 à 1 500 mg (250 cm3
anneau, Ferritine < 20 μg/L Carence d'apport la femme réglée ou 180 mg/j NaCl 0,9 %) (selon table)
GVC +) (récepteur soluble Malabsorption (CCG × 3 mois si carence
transferrine) et GL)
Déficit en ↓ Vit. B12 plasmatique Malabsorption Supplémentation systématique 1 000 μg/j per os jusqu'à correc-
vitamine B12 (↑ ac. méthyl-malo- (CCG +++, GL +) après CCG tion ou IM × 1/semaine
(CCG +++) nique, ↑ homocystéine, Carence d'apport 1 000 μg/semaine (1 ampoule)
holotranscobalamine II) (anneau) ou 350 μg/j
Ou 250–350 μg/j
Ou IM 1 000 à 3 000 μg/3 mois
(Suite)

153
IV. Évaluation postopératoire

Tableau 14.1 Suite.
Complications Explorations Mécanismes et Prévention Traitement – Correction
nutritionnelles facteurs impliqués
Carence en ↑ PTH +++ Malabsorption +++ Citrate de calcium 1,2 à 2 g/j Jusqu'à 50 000 à 150 000 UI/j si
calcium – ↓ 25(OH)-vit. D (CCG) + vit. D (800 UI/j) carence sévère
Vit. D Densitométrie osseuse Traitement spécifique à discuter
Ostéoporose si T-score < –2,5 déviations
(CCG +++) standards et si fracture
Folates Folates érythrocytaires Grossesse (risque de Multivitamines (400 μg/j) 400 μg à 1 g per os
spina bifida) Supplémentation systématique
Carence d'apport dès l'arrêt de la contraception
(400 μg/j)
Zn-Se-Mg2 +- Dosage plasmatique et Malabsorption +++ Multivitamines contenant Correction spécifique
(Cu2 +) globulaire si suspicion (DBP-DS) des oligo-éléments
clinique Carence d'apport
Vitamines A, Dosage si suspicion Malabsorption (DBP Multivitamines et Correction spécifique
E, K clinique ou DBP ou DS) supplémentations spécifiques
selon bilan
CCG : court circuit gastrique ; CNO : compléments nutritionnels oraux ; DBP : dérivation biliopancréatique ; DS : Duodenal Switch (anse en Y) ; GL :
gastrectomie longitudinale ; GVC = gastroplastie verticale calibrée, GW : syndrome de Gayet-Wernicke ; IV : intraveineux ; PTH : parathormone.
Les multivitamines doivent contenir des oligo-éléments et sont prescrites systématiquement pendant toute la phase d'amaigrissement. Éviter la
vitamine A en cas de désir de grossesse ou de grossesse en cours. Acide ursodésoxycholique recommandé (500 mg/j) les 6 premiers mois.

Avec les différentes techniques Mini-court-circuit gastrique ou court-circuit en oméga


Anneau et court-circuit gastrique Cette intervention, actuellement non recommandée en
France, est à l'évidence davantage malabsorptive que le
La prévalence élevée de la carence en fer (environ un
CCG classique. La stéatorrhée est significativement aug-
tiers des patients après anneau [2] et plus de 50 % après
mentée chez 17  % des patients, alors qu'elle est minime
CCG) justifie une surveillance biologique régulière. C'est
après CCG [4]. Environ 2/3 des patients auraient besoin
en effet la principale cause d'anémie après CCG [3]. Cette
d'une supplémentation en fer après cette intervention [5].
carence en fer est liée à plusieurs mécanismes : pour être
absorbé, le fer inorganique doit être libéré de ses ligands
Gastrectomie longitudinale
et être réduit en fer ferreux. L'acidité gastrique joue un
rôle très important dans cette transformation, or l'aci- Elle n'est pas épargnée par la carence en fer. Les données de
dité gastrique est fortement réduite après CCG. D'autre la littérature sont peu nombreuses. Une chose est claire :
part, le fer ferreux comme le fer héminique (contenu l'absorption du fer héminique comme celle du fer inor-
dans la viande notamment) est principalement absorbé ganique est fortement diminuée après cette intervention
au niveau du duodénum et du jéjunum proximal, partie dans les mêmes proportions qu'après CCG [6]. L'absorption
court-circuitée par le montage chirurgical. La diminu- du fer héminique serait altérée dans les mêmes proportions
tion des apports en fer, liée notamment à la baisse de que le fer inorganique [6]. Dans les études après GL, les sup-
consommation d'aliments riches en fer comme la viande plémentations par multivitamines contiennent des doses
rouge, est fréquente après chirurgie restrictive, entraînant importantes de fer (de 40 à 70 mg). Ces formes sont peu
un risque souvent ignoré mais important de carence ou non disponibles en France. Les prévalences retrouvées
en fer. La consommation de fer est également réduite sont donc sous-estimées par rapport à des patients pre-
après CCG. Enfin, ce risque est accru chez la femme en nant des multivitamines avec une dose de fer moindre, de
raison des menstruations qui entraînent une perte de fer l'ordre des apports nutritionnels conseillés (ANC). À 1 an, la
estimée à 8 à 20  mg de fer par cycle, soit des besoins carence en fer est retrouvée chez 43 % des patients (n = 60)
supplémentaires de 1  mg/j correspondant à un besoin dans une étude [7] et seulement dans 4,9 % des cas dans
supplémentaire de 10 mg/j de fer alimentaire. une autre (n = 61) [8]. À 3 ans, la prévalence varie de 8 %
154
14. Complications nutritionnelles

(n = 66) [9, 10] à 18 % (n = 50) [11–13]. Aucune étude à surveillance doit être prolongée. En effet, les stocks de fer
long terme n'est actuellement disponible après GL. continuent à diminuer 7 et 10 ans après CCG.

Anse en Y Comment la corriger ?


Le risque de carence en fer est très élevé. À 5 ans, dans une Les doses de fer présentes dans les suppléments vitami-
série de patients ayant une anse commune de 100 cm, une niques contenant des minéraux sont insuffisantes pour
perfusion de fer a été nécessaire dans 40 % des cas et une prévenir les carences chez les femmes opérées d'un CCG
transfusion sanguine dans 17,6  % des cas [14]. À 10  ans, et en âge de procréer [3]. Une supplémentation en cas de
dans une série de 153  patients avec une anse commune carence avérée est sans doute ce qu'il faut conseiller après
de 75 à 100 cm, la carence en fer était présente chez 56,5 % chirurgie restrictive et chez l'homme après CCG. Une sup-
des patients prenant une supplémentation et chez 58,8 % plémentation systématique peut être discutée chez les
des patients non supplémentés. Une perfusion de fer a été femmes en âge de procréer ayant subi un CCG car la dimi-
nécessaire chez 37,2 % et une anémie était retrouvée chez nution du stock de fer est, dans ce cas, bien documentée.
30,3 % des femmes [15]. La dose de fer n'est pas établie ; il faudrait 200 mg de fer élé-
ment par jour pour éviter la carence en fer après CCG. Cette
Dérivation biliopancréatique à une anastomose dose permet de maintenir les stocks de fer (correction de
Cette intervention, faisant l'objet d'une analyse prospective la ferritinémie). L'apport de fer par voie intraveineuse peut
en Espagne et actuellement non recommandée en France, être nécessaire en raison de la mauvaise absorption du fer
entraîne un risque accru de carences en micronutriments médicamenteux et/ou quand la carence est sévère, en cas
par rapport à un CCG classique, du fait d'une malabsorp- d'échec et/ou d'intolérance à la supplémentation orale ou
tion. Dans cette série espagnole, le risque de carence en en cas d'anémie ferriprive avérée avec taux d'hémoglobine
micronutriments est très élevé et touche également les inférieur à 10 g/dL.
vitamines liposolubles comme la vitamine A, ce qui traduit
un effet malabsorptif important. À retenir

À retenir En cas de déficit en fer, la supplémentation en fer


est prescrite en 1re  intention par voie orale à la
Quel que soit le type de chirurgie, le risque de défi- dose de 60 à 200 mg de fer, à distance de la prise
cit en fer est très élevé, notamment chez la femme d'aliments inhibant son absorption (thé, végétaux,
réglée, malgré la prise de compléments apportant notamment riches en fibres).
des multivitamines et oligoéléments. Le recours à une supplémentation intraveineuse
en fer est réservé en cas d'échec et/ou d'intolé-
rance à la supplémentation orale, ou en cas d'ané-
Comment la dépister ? mie ferriprive avérée avec taux d'hémoglobine
La ferritine est un indice reflétant l'état du stock en fer de inférieur à 10 g/dL.
l'organisme et représente un bon test de dépistage, mais elle
peut être élevée lorsqu'il existe une cytolyse hépatique, un
syndrome inflammatoire ou une stéato-hépatite dysmétabo- Carence en vitamine B12 [16]
lique. Une valeur inférieure à 20 mg/mL doit alerter, de même
qu'une saturation inférieure à 20 %. Le dosage du récepteur La carence en vitamine B12 doit être évaluée à long terme
soluble de la transferrine est une alternative récente. Son car les réserves hépatiques sont relativement importantes,
intérêt est de permettre de distinguer carence martiale et bien que l'on ne sache pas si l'obésité et/ou la stéatose hépa-
inflammation, notamment en cas de combinaison des deux. tique perturbent ce stockage. La prévalence de carence
avant chirurgie est très variable selon les études (entre 2,3
et 18,1 %).
Quand la dépister ?
Le taux plasmatique de vitamine B12 correspond à la
Après CCG, bilan ferrique, hémogramme et dosage de la somme de la forme inactive (liée à l'haptocorrine) et de la
ferritine sérique paraissent nécessaires à 1, 3, 6, 12, 18 et forme active (liée à la transcobalamine II sous forme d'holo­
24  mois, puis annuellement jusqu'à la ménopause. Cette transcobalamine  II ou holoTCII). Lorsque les apports en
155
IV. Évaluation postopératoire

vitamine  B12 diminuent, c'est d'abord la forme inactive Supplémentation : corriger


qui baisse. Ce n'est que lorsque le déficit est profond ou prévenir le déficit ?
que le taux d'holoTCII diminue et que les stigmates de
la carence cellulaire apparaissent, se traduisant par l'aug- Une supplémentation systématique est indispensable
mentation de l'acide méthyl-malonique, marqueur le plus après CCG. La prévalence très élevée des carences, l'inno-
spécifique. cuité d'une supplémentation orale (absence de risque de

La déficience en vitamine B12 est extrêmement fréquente surdosage) et son coût modéré justifient une supplémenta-
après CCG mais n'est pas rare après chirurgie restrictive. À tion systématique et précoce. Après chirurgie restrictive, le
plus long terme, plusieurs séries publiées concernant des risque est lié à une diminution des apports et au traitement
patients n'ayant pas de supplémentation montrent que 50 par IPP au long cours. Après gastrectomie longitudinale,
à 80 % d'entre eux développent un déficit en vitamine B12, une surveillance systématique est justifiée.
5 à 7 ans après le CCG. Après chirurgie restrictive (anneau
gastrique), la carence en vitamine  B12 n'est pas rare, elle Supplémentation orale ou parentérale ?
peut toucher 10 % des patients. Dès les premières études sur l'absorption de la vitamine B12

Après GL, les données actuelles sont insuffisantes pour après CCG, les auteurs avaient constaté que la vitamine B12
évaluer le risque de carence, même si la prévalence semble prise sous forme cristalline (cyanocobalamine) était absor-
moindre qu'après CCG. Six études avec un nombre restreint bée même en l'absence de facteur intrinsèque. Une méta-
de sujets ont évalué le risque de carence en vitamine B12 analyse regroupant les études ayant comparé voies orale et
après GL avec une prévalence de 0 à 19,6 % et un suivi maxi- parentérale a montré chez un nombre limité de patients
mal de 36 mois [10]. À ce jour, aucune étude avec un suivi (n = 108) gastrectomisés ou achlorhydriques et carencés en
de plus de 3  ans, comportant des données fiables et un vitamine B12 que la voie orale était aussi efficace, voire plus
nombre suffisant de patients, n'est disponible pour évaluer rapide que la voie intramusculaire à condition de donner
ce risque à long terme. 1 000 à 2 000 μg/j de vitamine B12 pendant les premières
semaines, puis de façon hebdomadaire. Des études de
pharmacocinétiques montrent qu'environ 1 % d'une dose
À retenir
supérieure à 25  μg est absorbée de façon passive, soit
10 μg pour une dose de 1 000 μg. Après CCG, les doses de
Après court-circuit gastrique, la prévalence de la
250 μg/j ou 1 000 μg/semaine en une prise hebdomadaire
carence en vitamine B12 est extrêmement impor-
paraissent suffisantes.
tante à long terme et justifie une supplémentation
systématique. Après gastrectomie longitudinale, le
risque de carence pourrait être significatif et justi-
fier d'un contrôle régulier.
Déficit en acide folique [16]
Cette vitamine est très sensible au niveau d'apport car les
Pourquoi le court-circuit gastrique capacités de stockage sont faibles. La cause principale de la
carence en folates est la diminution des apports. Dans une
favorise-t-il la carence en vitamine B12 ? étude rétrospective portant sur 745 patients ayant bénéfi-
L'achlorhydrie en est la principale raison, responsable d'un cié d'un CCG, 12 % ont développé une carence en folates
« syndrome de non-dissociation de la vitamine  B12 ». On mais la prévalence pouvait atteindre 40 % après CCG. Les
observe également une diminution de la sécrétion de fac- différences d'apports alimentaires selon les populations
teur intrinsèque. étudiées peuvent expliquer les grandes variations observées.
Après gastroplastie, la concentration plasmatique en
folates chute également à 6  mois et 1  an, entraînant une
Quand la dépister ? augmentation de l'homocystéinémie. Une dose de 400 μg à
Les réserves hépatiques en vitamine B12 sont importantes 1 mg/j est nécessaire pour corriger cette carence. La supplé-
(2 à 3 ans), mais des taux bas de vitamine B12 sont fréquents mentation en multivitamines permet de prévenir ce déficit.
en préopératoire, le dépistage des carences peut donc être Le risque serait moindre après GL.
commencé 6 mois à 1 an après la chirurgie, renouvelé tous La carence en folates doit surtout être prévenue en cas
les ans et poursuivi à long terme. de désir de grossesse. En effet, plusieurs cas de spina bifida

156
14. Complications nutritionnelles

ont été rapportés après CCG. Une supplémentation pré- Autres carences vitaminiques
ventive est donc conseillée même en l'absence de déficit,
dès l'arrêt de la contraception. Après CCG, une carence en vitamine K est possible mais est
exceptionnelle. Elle est en revanche fréquente après DBP ou
DS, de même que le déficit en vitamine A.
Hypocalcémie, carence en Le déficit en acide nicotinique (vitamine PP ou B3) est
vitamine D et conséquences exceptionnel. Il aboutit dans sa forme extrême à la pellagre
dont un cas a été rapporté 5 ans après une gastroplastie.
osseuses (cf. chapitre 15)
Les risques d'ostéoporose et d'ostéomalacie clinique après Carences en éléments-traces
CCG sont une préoccupation ancienne. Ce risque semble
se confirmer. La densité osseuse est augmentée chez le sujet Zinc
obèse, la déminéralisation osseuse accélérée a donc une
Les carences en zinc sont fréquentes après chirurgie baria-
répercussion très tardive sur le risque fracturaire.
trique, touchant 12 à 33 % des patients dans notre expérience,
malgré une supplémentation systématique [18]. Selon certains
Carence en vitamine B1 [17] auteurs, la carence en zinc pourrait être la principale cause de
chute de cheveux qui touche environ un tiers des patients
La carence en thiamine peut être responsable d'une encé- après gastroplastie. La supplémentation en zinc à des doses
phalopathie de Gayet-Wernicke. Cette encéphalopathie de 200 à 600  mg/j est proposée mais n'a pas fait la preuve
se manifeste par des anomalies oculomotrices, une dys- de son efficacité. D'autres causes nutritionnelles peuvent être
fonction cérébelleuse, une confusion ou une atteinte de impliquées : la carence en fer et la dénutrition protéique.
la mémoire. Les facteurs de risque sont l'alcoolisme et les
vomissements répétés. De nombreux cas d'encéphalo- Sélénium
pathies de Wernicke ont été publiés dans la littérature,
après CCG mais également après chirurgie restrictive. Ces Une diminution du sélénium plasmatique est rapportée
troubles peuvent s'accompagner de signes de neuropathie après CCG. Dans notre expérience, 48 % des patients ont
périphérique. Quelques cas de béribéri cardiaque ont été des concentrations plasmatiques en sélénium inférieures
rapportés. Un facteur iatrogène est souvent en cause dans aux valeurs normales. Cette carence n'a pas de traduc-
la survenue de ce syndrome : la perfusion de sérum glucosé tion clinique et les marqueurs enzymatiques (glutathion-­
sans apport de thiamine chez un patient qui vomit depuis peroxydase), véritable reflet du statut, n'ont pas été analysés
plusieurs jours et qui a épuisé ses réserves en vitamine B1. après chirurgie bariatrique.
La prévention de ce syndrome doit être systématique et
a un enjeu majeur chez tout patient opéré qui présente des Magnésium
troubles digestifs, notamment des vomissements et chez tout La prévalence de carences en magnésium semble faible
patient à risque de syndrome de renutrition inappropriée. après CCG, mais peut aller jusqu'à 13 %.

À retenir
Particularités des carences
La carence en vitamine B1 doit être prévenue sans après chirurgie malabsorptive :
attendre les résultats des dosages plasmatiques
(100 mg dans la perfusion d'hydratation). En cas
DBP, DS, court-circuit gastrique
de signes neurologiques évocateurs, le traitement en oméga et SADI
doit être instauré sans tarder par voie parentérale :
500 mg d'hydrochloride de thiamine dans 100 mL Tous les risques carentiels sont majorés du fait de la malab-
de sérum pendant 30  minutes ×  3/j pendant sorption, notamment le risque d'ostéoporose, l'hyperpara-
3  jours, puis 250  mg/j. Une supplémentation en thyroïdie secondaire étant plus difficile à juguler avec des
magnésium associée est recommandée car c'est doses importantes de vitamine D. Le risque de carence en
un cofacteur de la vitamine  B1 et une cause de vitamines A et K est également important et justifie d'un
résistance au traitement. dépistage systématique (tableau 14.2).
157
IV. Évaluation postopératoire

Tableau 14.2 Suivi biologique après chirurgie de l'obésité.


Court-circuit gastrique (C) et anneau (A)
Dosage 3 mois 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois × 1/an
Ionogramme CA CA CA CA CA CA
Glycémie
Transaminases
NF
Fer/sat/ferritine CA CA CA CA CA CA
Vit. B12 CA CA CA CA
(± ac méthyl-
malonique)
Folate CA CA CA CA CA CA
érythrocytaire
Calcium + C C C C C C
25(OH)-vit. D
PTH C C C C
Densitométrie C 1 ou 2 ans
osseuse
Dérivation biliopancréatique, anse en Y ou suspicion clinique de carence : bilan ci-dessus (× 2/an) +
Dosage 3 mois 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois × 2/an
Vit. A, E, K X X X X
(+ INR)
Albumine – X X X X X X
Transthyrétine
Zn-Se-Mg2 + X X X X
INR : International Normalized Ratio ; NF : numération formule ; PTH : parathormone.
En cas d'anémie inexpliquée : rechercher un déficit en cuivre.

Conclusion en compte dans l'analyse de l'indication. Le devenir à


long terme des patients opérés pourrait poser de graves
Les risques de développement de carences en vitamines problèmes.
et/ou minéraux sont élevés après CCG et justifient la
prescription d'une supplémentation qui devrait être
codifiée actuellement. Après gastroplastie, les risques Références
de carences multiples sont moins connus et pourtant [1] Sanchez A, Rojas P, Basfi-Fer K, Carrasco F, Inostroza J, Codoceo J,
très fréquents. La prévalence de chaque déficit est très et al. Micronutrient deficiencies in morbidly obese women prior to
variable d'une étude à l'autre, probablement en raison bariatric surgery. Obes Surg 2016 ; 26 : 361–8.
des habitudes alimentaires différentes et la prise ou non [2] Kalfarentzos F, Kechagias I, Soulikia K, Loukidi A, Mead N. Weight
loss following vertical banded gastroplasty : intermediate results of
de compléments vitaminiques. Cela requiert un suivi
a prospective study. Obes Surg 2001 ; 11 : 265–70.
médical très régulier sur le long terme, afin de préve- [3] Weng TC, Chang CH, Dong YH, Chang YC, Chuang LM. Anaemia
nir l'apparition de signes et/ou symptômes de déficits and related nutrient deficiencies after Roux-en-Y gastric bypass
nutritionnels. La supplémentation en fer, vitamine  B12, surgery : a systematic review and meta-analysis. BMJ Open 2015 ; 5 :
folates, calcium et vitamine D et un suivi rigoureux du e006964.
[4] Parmar  C, Abdelhalim  MA, Mahawar  KK, Boyle  M, Carr  WR,
statut nutritionnel sont nécessaires. Le patient devra être Jennings  N, et  al. Management of super-super obese patients  :
informé de cette nécessité. L'évaluation de la l'adhésion comparison between one anastomosis (mini) gastric bypass and
thérapeutique du patient est un des éléments à prendre Roux-en-Y gastric bypass. Surg Endosc 2017 ; 31(9) : 3504–9.

158
14. Complications nutritionnelles

[5] Chevallier JM, Arman GA, Guenzi M, Rau C, Bruzzi M, Beaupel N, than after laparoscopic Roux-Y-gastric bypass (LRYGB) – a pros-
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951–8. bypass versus laparoscopic sleeve gastrectomy for the mana-
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nutrient deficiencies after laparoscopic sleeve gastrectomy (LSG) Nutr 2008 ; 87 : 1128–33.

Catastrophes nutritionnelles : dénutrition et nutrition


artificielle après chirurgie bariatrique
Didier Quilliot, Niasha Michot, Claire Nomine-Criqui, Aurélie Malgras

On décrit classiquement deux formes de dénutrition tisme, etc.). Ce risque doit être pris en compte lors d'événe-
(fig. 14.1) : ments intercurrents, notamment lors de la nécessité d'une

la dénutrition secondaire à une perte de poids majeure réintervention.
mais avec une adaptation du métabolisme qui se fait de
façon harmonieuse (cas de l'anorexie mentale par exemple
ou du marasme) ;
Quelle limite de vitesse de perte

et la dénutrition protéinoénergétique, liée à une rupture de  poids ?
de cette adaptation, conduisant à une chute de l'albumi-
De façon générale, en cas de jeûne ou semi-jeûne,
némie et à l'apparition d'œdèmes (tableau identique au
l'organisme s'adapte sans qu'il n'y ait de conséquence
kwashiorkor). Les formes mixtes sont néanmoins les plus
majeure. Néanmoins, plus la perte de poids est rapide,
fréquentes.
plus la perte de masse musculaire est importante, mais
cet effet est moindre chez le sujet ayant une importante
réserve de masse grasse. L'autre conséquence possible
Dénutrition « adaptée » est l'aggravation de la stéatose ou de la NASH (Non-
Alcoolic-Steato-Hepatitis)  : aggravation rapide d'une
La perte de poids est un facteur de fragilisation de l'orga- cytolyse et majoration ou apparition d'une fibrose. Ces
nisme qui, pendant cette phase de catabolisme, est moins complications hépatiques ont été décrites après régimes
à même de lutter contre les agressions (infections, trauma- à basses calories mais surtout après gastroplastie [1].

159
IV. Évaluation postopératoire

Facteurs de
des apports « décompensation »

Facteurs mécaniques Complications chirurgicales


Anneau trop serré Fistule
Sténose de l'anastomose (GBP) Infection profonde
Sténose sur gastrectomie Ulcère, etc.
longitudinale, etc. Complications médicales
Infections
IDM, etc.

Perte de poids Dénutrition protéino-


trop rapide énergétique

Causes de
Insuffisance d'apport en protéines
malabsorption
(facteur aggravant)

Anse borgne – vices de montage


Insuffisance intestinale
Pullulation microbienne
Insuffisance pancréatique
Etc.

Fig. 14.1
Mécanismes de la dénutrition.
CCG : court-circuit gastrique ; IDM : infarctus du myocarde.

Le  seuil de perte de poids a été déterminé à 1,5  kg/ circuit en oméga, une longueur d'anse afférente supérieure
semaine. Après court-circuit gastrique, on constate au à 2 m entraîne aussi un risque de grêle court. L'insuffisance
contraire une constante amélioration de l'hépatopathie intestinale est surtout liée à des erreurs chirurgicales : mini-
et aucun cas d'aggravation de la NASH. court-circuit gastrique avec une anse afférente longue (3 m),
erreur d'anastomoses, anse antipéristaltique, etc.
Quel IMC de sécurité fixer ? Après chirurgie malabsorptive, la dénutrition sévère est
une cause de réintervention et la sévérité de la dénutrition est
Seuil d'alerte : 18,5 kg/m2 corrélée à la longueur de l'anse commune. Après DS, si l'anse
Atteindre un poids idéal n'est pas un objectif en soi. Certains commune est inférieure à 100 cm, ce risque était de 10,2 % à
patients ont néanmoins cette volonté et ajoutent de la restric- 10 ans dans une étude de 153 patients [2] et de 13,8 % dans
tion à l'effet de la chirurgie, engendrant parfois un comporte- une autre (n = 60) [3]. Après DBP avec anse commune de
ment comparable à une anorexie mentale (cf. chapitre 3), qui 100 cm, ce risque était compris entre 4 et 11,9 % et plus impor-
doit alerter. Un IMC inférieur à 18,5 kg/m2 est également un tant si la poche gastrique était réduite (17,8 %). Il est inférieur
seuil de fragilité qui doit conduire à reconsidérer l'ensemble des à 3 % si l'anse commune est supérieure à 100 cm avec une
éléments : tolérance alimentaire, composantes psychologiques anse alimentaire de 250 cm [4]. Une anse biliopancréatique
du comportement alimentaire, malabsorption éventuelle, etc. très longue semble donc augmenter le risque de dénutrition
sévère même après CCG classique (CCG distal) [5].

Situations d'insuffisance intestinale :


grêle court Dénutrition protéinoénergétique
Différentes causes peuvent être identifiées. La longueur avec hypoalbuminémie
moyenne de l'intestin est de 4 à 6 m avec des variations de 3 à
9 m. Des longueurs extrêmes ont été décrites, allant de 160 à La dénutrition protéinoénergétique se manifeste par une
1 510 cm. Après court-circuit gastrique et en cas de longueur hypoalbuminémie, des œdèmes et souvent un cortège de
totale de grêle inférieure à 400 cm, il y a donc un risque de signes carentiels. L'hypoalbuminémie est liée à la diminu-
grêle court (longueur d'anse commune < 2 m). Après court- tion de sa synthèse hépatique en raison de l'orientation
160
14. Complications nutritionnelles

de la synthèse protéique vers d'autres priorités comme son des acides biliaires et l'entéropathie exsudative qui en
les protéines de l'inflammation, mais aussi en raison de découle explique l'hypoalbuminémie et le tableau clinique
l'utilisation des acides aminés pour la synthèse de glucose de dénutrition protéique. La décontamination par antibio-
(néoglucogenèse). C'est donc un indicateur de « stress tique permet de rétablir rapidement l'état nutritionnel de
métabolique ». Il faut toujours en rechercher la cause  : ces patients [12]. On peut traiter la pullulation de l'anse
infection, inflammation, entéropathie exsudative, etc. alimentaire par un antibiotique non absorbé par voie orale,
et l'anse biliopancréatique par un antibiotique ayant un
À retenir passage biliaire. Dans l'expérience de notre centre, la pullu-
lation est associée à une insuffisance pancréatique exocrine
L'hypoalbuminémie est le signe d'une rupture fonctionnelle qui doit aussi être traitée.
de l'adaptation métabolique et non celui d'une
carence d'apport en protéines qui n'est qu'un fac- Apports réduits en protéines : facteur
teur aggravant. Il faut en rechercher la cause. d'aggravation ni nécessaire ni suffisant
Les recommandations fixent un apport minimal de pro-
Au-delà de la période postopératoire, une hypoalbuminé- téines à 60 g/j. Ces apports sont rarement atteints dans les
mie modérée est fréquente après chirurgie malabsorptive (20 % premiers mois après chirurgie.
des cas au cours de la 1re année et dans 10–15 % des cas après
1 an) mais elle est une cause de réintervention dans les cas les
plus graves. Les cas de dénutrition protéinoénergétique sévère Attention
sont essentiellement décrits après interventions laissant une
anse afférente plus ou moins exclue et/ou longue (court-circuit Une dénutrition avec œdèmes liés à une hypoal-
gastrique, SADI, etc.). Le risque est moindre après CCG [6]. buminémie doit impérativement faire rechercher
une cause non nutritionnelle  : infection, fistule,
entéropathie exsudative sur pullulation micro-
Risques de dénutrition majeure : bienne, erreur de montage, etc. Une nutrition par
signes d'alerte, hypoalbuminémie sonde (nutrition entérale) doit être privilégiée
dans l'estomac exclu, associée à une décontamina-
et insuffisance hépatocellulaire tion bactérienne de l'anse exclue et le traitement
Les cas de dénutrition majeure sont liés à différents facteurs d'une insuffisance pancréatique exocrine.
aggravant l'effet de la chirurgie et aujourd'hui identifiés [7,
8]. Ces facteurs sont souvent associés. Cette dénutrition,
lorsqu'elle est associée à une pullulation microbienne et Comment mettre en place une
une stéatose, peut conduire à un tableau d'insuffisance
hépatocellulaire. nutrition entérale (NE) après
chirurgie bariatrique (fig. 14.2)
Causes Les indications de nutrition artificielle se limitent essentielle­
Pullulation microbienne et entéropathie ment aux complications postopératoires et à la dénutrition
sévère. Les indications de nutrition parentérale sont limi-
exsudative tées aux cas où le tube digestif est non fonctionnel ou non
Une pullulation microbienne dans l'intestin grêle est favori- accessible, ce qui reste exceptionnel.
sée par l'absence d'acidité gastrique et par une insuffisance
de péristaltisme (anse borgne ou stagnante). Elle est pré-
sente dans l'anse biliopancréatique mais également dans Après court-circuit gastrique
l'estomac exclu [9]. Elle est également décrite dans l'anse
alimentaire. Sa recherche systématique chez des patients Il y a deux possibilités d'accès au tube digestif :
asymptomatiques à l'aide d'un breath-test au glucose ●
la première consiste à mettre en place une sonde
permet de la retrouver dans 15 à 40  % des cas [10, 11]. nasogastrique passant par le moignon gastrique et
La fermentation des glucides mais surtout la déconjugai- descendant dans l'anse alimentaire. La mise en place
161
IV. Évaluation postopératoire

Fig. 14.2
Nutrition entérale après court-circuit gastrique.
SNG : sonde nasogastrique ; SNJ : sonde nasojéjunale.
Dessin : Cyrille Martinet.

doit être prudente, en utilisant une sonde sans guide chirurgicale et permet de renutrir le patient avant une
pour éviter tout risque de perforation. Dans ce cas, la réintervention ;
nutrition entérale passe par l'anse alimentaire. Le cir- ●
la deuxième consiste à mettre en place une gastros-
cuit du CCG est respecté et entraîne les effets attendus tomie au niveau de l'estomac exclu, par voie chirurgi-
du montage chirurgical  : renforcement de la satiété, cale ou par voie endoscopique rétrograde [13]. L'intérêt
impression de réplétion précoce, dumping syndrome, de passer la nutrition entérale dans l'estomac exclu
risque d'hypoglycémie réactionnelle, etc. Les précau- est  de  permettre une meilleure efficacité nutritionnelle
tions inhérentes à l'instillation de la nutrition entérale en et une meilleure tolérance. Elle peut permettre, très rapi-
site jéjunal doivent être suivies (débit, osmolarité, etc.). dement, de normaliser une insuffisance hépatocellulaire.
Les principales indications sont les troubles moteurs C'est la voie de prédilection en cas de complications sur
œsophagiens ; dans ce cas, l'autosondage est possible. l'anastomose proximale, notamment en cas de fistule, ou
S'il s'agit d'une sténose, le passage d'une sonde à travers lorsque la nutrition entérale doit être poursuivie de façon
l'anastomose est généralement possible avant la reprise prolongée.

162
14. Complications nutritionnelles

Après gastrectomie longitudinale and laparoscopic duodenal switch in patients with body mass index
of 50 to 60 : a randomized clinical trial. JAMA Surg 2015 ; 150 : 352–61.
La complication chirurgicale la plus fréquente après gas- [4] Pitt R, Labib PL, Wolinski A, Labib MH. Iatrogenic kwashiorkor after
distal gastric bypass surgery : the consequences of receiving multi-
trectomie longitudinale est la survenue d'une fistule située national treatment. Eur J Clin Nutr 2016 ; 70 : 635–6.
en haut de la ligne d'agrafage. L'administration de la NE en [5] Mahawar KK, Kumar P, Parmar C, Graham Y, Carr WR, Jennings N,
dessous de la fistule peut être réalisée à l'aide d'une et  al. Small Bowel Limb Lengths and Roux-en-Y Gastric Bypass  :
sonde  nasogastrique poussée jusqu'à l'antre, mais le a Systematic Review. Obes Surg 2016 ; 26 : 660–71.
[6] Suarez Llanos  JP, Fuentes Ferrer  M, Alvarez-Sala-Walther  L, Garcia
risque  de reflux reste élevé. Il est donc généralement Bray B, Medina Gonzalez L, Breton Lesmes I, et al. Protein malnutri-
préférable de pousser la sonde en post-pylorique, en site tion incidence comparison after gastric bypass versus biliopancrea-
jéjunal. Une jéjunostomie chirurgicale est une alternative tic diversion. Nutr Hosp 2015 ; 32 : 80–6.
possible lorsque la durée prévisible de la NE est impor- [7] Martins Tde C, Duarte TC, Mosca ER, Pinheiro Cde F, Marcola MA,
tante, ce qui est généralement le cas en cas de fistule sur De-Souza  DA. Severe protein malnutrition in a morbidly obese
patient after bariatric surgery. Nutrition 2015 ; 31 : 535–8.
gastrectomie longitudinale. [8] Corcos  O, Cazals-Hatem  D, Durand  F, Kapel  N, Guinhut  M,
Stefanescu C, et al. Intestinal failure after bariatric surgery. Lancet
2013 ; 382 : 742.
[9] Woodard  GA, Encarnacion  B, Downey  JR, Peraza  J, Chong  K,
Conclusion Hernandez-Boussard  T, et  al. Probiotics improve outcomes after
Roux-en-Y gastric bypass surgery : a prospective randomized trial.
La prise en charge de la dénutrition sévère est une urgence J Gastrointest Surg 2009 ; 13 : 1198–204.
qui peut relever de centres experts. Elle peut généralement [10] Lakhani  SV, Shah  HN, Alexander  K, Finelli  FC, Kirkpatrick  JR,
Koch TR. Small intestinal bacterial overgrowth and thiamine defi-
être traitée médicalement. La réintervention s'impose ciency after Roux-en-Y gastric bypass surgery in obese patients.
lorsque le montage chirurgical l'exige (anse afférente Nutr Res 2008 ; 28 : 293–8.
longue, erreur de montage, insuffisance intestinale, etc.). [11] Sabate JM, Coupaye M, Ledoux S, Castel B, Msika S, Coffin B, et al.
Consequences of Small Intestinal Bacterial Overgrowth in Obese
Patients Before and After Bariatric Surgery. Obes Surg 2017 ; 27  :
599–605.
Références [12] Machado JD, Campos CS, Lopes Dah Silva C, Marques Suen VM,
Barbosa Nonino-Borges C, Dos Santos JE, et al. Intestinal bacterial
[1] Luyckx FH, Desaive C, Thiry A, Dewe W, Scheen AJ, Gielen JE, et al. overgrowth after Roux-en-Y gastric bypass. Obes Surg 2008 ; 18  :
Liver abnormalities in severely obese subjects : effect of drastic weight 139–43.
loss after gastroplasty. Int J Obes Relat Metab Disord 1998 ; 22 : 222–6. [13] Ross AS, Semrad C, Alverdy J, Waxman I, Dye C. Use of double-
[2] Bolckmans  R, Himpens  J. Long-term (> 10 Yrs) Outcome of the balloon enteroscopy to perform PEG in the excluded stomach
Laparoscopic Biliopancreatic Diversion With Duodenal Switch. after Roux-en-Y gastric bypass. Gastrointest Endosc 2006 ; 64  :
Ann Surg 2016 ; 264 : 1029–37. 797–800.
[3] Risstad  H, Sovik  TT, Engstrom  M, Aasheim  ET, Fagerland  MW, [14] Moon R, Obes Surg. 2013 ; 23 : 216–21
Olsen MF, et al. Five-year outcomes after laparoscopic gastric bypass [15] Strong AT, Surg Obes Relat Dis. 2018 Mar 9. S1550-7289(18)30131-X.

163
Chapitre 15
Complications osseuses
Éric Lespessailles, Adel Abou-Mrad

PLAN DU C HAPITRE
Retentissement de la chirurgie
bariatrique sur les apports en calcium 166
Retentissement de la chirurgie
bariatrique sur la vitamine D 166
Retentissement de la chirurgie
bariatrique sur les paramètres biochimiques
du remodelage osseux 168
Retentissement de la chirurgie
bariatrique sur la densité minérale osseuse 168
Perte osseuse après chirurgie
bariatrique : quels mécanismes en cause ? 168
Risque fracturaire 169
Recommandations de prise en charge 171
Principes de traitement 171
Conclusion 171

Chirurgie bariatrique
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IV. Évaluation postopératoire

Les effets délétères de la chirurgie bariatrique sur la santé carences calciques peuvent résulter d'une diminution des
osseuse ne sont pas encore très bien connus. Les études apports, essentiellement par inappétence des produits lai-
s'étant intéressées à cette problématique ont, pour la plupart, tiers, le lait étant généralement mal toléré car l'absence de
centré leurs investigations sur les paramètres du remodelage pylore favorise une intolérance au lactose. La diminution de
osseux et sur la densité minérale osseuse (DMO). Bien que les l'absorption du calcium représente la raison essentielle en
carences nutritionnelles consécutives à la chirurgie bariatrique cas de court-circuit de la partie proximale de l'intestin grêle.
soient bien documentées, les données publiées soulignent les
faiblesses méthodologiques des études s'intéressant au méta-
bolisme phosphocalcique et au retentissement osseux chez les Retentissement de la chirurgie
patients ayant eu une chirurgie bariatrique [1]. Les limites de bariatrique sur la vitamine D
ces études sont liées le plus souvent à la taille des effectifs, au
manque de consistances des mesures effectuées, et à la préva- Les principales causes déterminant la carence vitami-
lence élevée des perdus de vue dès que le suivi dépasse un an. nique D chez les patients après chirurgie bariatrique sont :
L'hétérogénéité des patients en termes d'âge, de genre, d'eth- ●
la carence en vitamine D initiale, avant toute procédure
nie et de techniques chirurgicales utilisées constitue autant de chirurgicale, des patients obèses (moins d'exposition au
limites. Enfin, dans de nombreuses études, la supplémentation soleil et stockage de la vitamine dans le tissu adipeux) ;
calcique et en vitamine D fait partie de la routine de prise en ●
les supplémentations vitaminiques D inadéquates dans
charge clinique et ne fait souvent l'objet que d'étude ancillaire la situation de perte de poids rapide induite par la chirurgie
au protocole d'étude principal, la persistance et l'observance au bariatrique ;
traitement par vitamine D n'étant pas évaluées [1]. ●
la carence en sels biliaires associée à certaines procédures
Par le passé, du fait des techniques chirurgicales mises de chirurgie bariatrique (l'absorption de la vitamine  D
en œuvre à l'époque, il a pu être observé des conséquences requiert la présence de sels biliaires) ;
osseuses très spécifiques associées aux déficits en vitamine D ●
la malabsorption de la vitamine  D parfois consécutive
et en calcium, comme la constitution d'une tumeur brune aux problèmes de pullulation bactérienne intestinale, res-
(liée à la réorganisation de la matrice osseuse exposée à une ponsable d'une déconjugaison des acides biliaires ;
sécrétion excessive de PTH – parathormone), des cas d'os- ●
l'absorption de la vitamine  D, qui se produit essentiel-
téomalacie, et aussi d'ostéoporose confirmés histologique- lement au niveau du jéjunum et de l'iléum (cf. fig.  15.1),
ment. Cependant, le type de chirurgie bariatrique influence pouvant être affectée par un asynchronisme entre les
aussi le degré de perte de poids, de déficit calorique et de nutriments ingérés et la sécrétion des acides biliaires et des
malabsorption. Lors de la réalisation d'un court-circuit gas- enzymes pancréatiques.
trique, la malabsorption est aussi variable d'un patient à
l'autre, sans doute selon la longueur des différentes anses Après anneau gastrique
digestives, de la longueur totale de grêle, et de l'adaptation
de l'anse commune. C'est l'augmentation de la longueur Après mise en place d'un anneau, il semble qu'en dépit des
de l'anse biliopancréatique qui est probablement le facteur carences en vitamine D préopératoires, ce type de chirurgie
déterminant. Le type et le degré de carence vitaminique ne perturbe pas les taux sériques de vitamine D qui restent
et en minéraux sont également dépendants d'éventuelles stables ou augmentent, de même que le taux de PTH qui
complications postopératoires telles que les problèmes de reste généralement stable.
pullulation microbienne, en particulier dans l'anse biliopan-
créatique, d'intolérance alimentaire ou de vomissements. Après gastrectomie longitudinale
Après gastrectomie longitudinale, il a été montré que 95 %
Retentissement de la chirurgie des patients étaient carencés en vitamine D et avaient des
taux élevés de PTH. Cependant, les taux de 25-hydroxy-
bariatrique sur les apports vitamine  D augmentaient en postopératoire, et ceux de
en calcium PTH diminuaient. Aucune information dans ce travail
n'était disponible concernant l'usage d'une supplémenta-
Le duodénum et la partie proximale du jéjunum sont tion et de son éventuelle observance.
les principaux sites d'absorption du calcium (fig.  15.1) par Une étude prospective espagnole, chez des patients
­diffusion passive, et par les effets de la vitamine  D. Les opérés d'une gastrectomie longitudinale ayant des taux
166
15. Complications osseuses

Fig. 15.1
Lieu d'absorption de la majorité des micronutriments : au niveau gastro-intestinal, dans la partie entre les deux lignes noires, court-
circuitées après l'intervention.
D'après Ferrario C, Giusti V. [How to identify the risk for osteoporosis after bariatric surgery]. Rev Med Suisse. 2013 ; 9 (379) : 674, 676–8. Dessin : Cyrille Martinet.

initiaux plus élevés en vitamine D, a constaté que les taux premières études sur l'effet du RYGB sur la vitamine D
de PTH ne variaient pas en postopératoire et que ceux de ont mis en évidence une prévalence de carence en vita-
la vitamine D augmentaient [2]. Il apparaît qu'à plus long mine D très élevée. Ces données ont conduit à adopter
terme (5 ans de suivi), le taux de PTH était augmenté après une attitude thérapeutique agressive de supplémen-
la gastrectomie longitudinale chez 58,3 % des patients et tation en vitamine  D. Cependant les améliorations
que celui de vitamine D était considéré comme anormal constatées n'ont pas été à la hauteur des supplémen-
chez 42,1 % des patients qui étaient encore suivis. tations proposées. Ainsi, dans une étude où une aug-
mentation de 200  % des apports en vitamine  D était
Après court-circuit gastrique en Y donnée (correspondant en moyenne à des apports
moyens de 658 UI/j en début d'étude et à 1 698 UI/j à
Le métabolisme de la vitamine  D après RYGB (Roux- 12  mois), les concentrations en vitamine demeuraient
en-Y Gastric Bypass  : dérivation biliopancréatique avec stables [3]. Aucune augmentation des concentrations
anse en Y) a été plus étudié. Dès le 3e mois après cette sériques de 25-hydroxy-vitamine  D n'a également été
chirurgie, une malabsorption calcique est observée [3] constatée dans un travail où les doses journalières de
avec réduction de la fraction absorbée du calcium. Les supplémentation étaient voisines de 5 000  UI/j. Si des
167
IV. Évaluation postopératoire

taux respectivement plus bas en vitamine  D et plus tous les sites habituels de mesure (hanche, rachis, radius). En
élevés en PTH ont été observés dans une étude com- effet, les sujets obèses ont une microarchitecture osseuse
parant les effets du RYGB à 3  ans par rapport à 1  an favorable et une plus grande solidité osseuse estimée au
postopératoire, aucune information sur l'adhésion à la niveau tibial par scanner périphérique à haute résolution.
supplémentation n'était précisée. La perte de poids secondaire à des régimes est associée
à une perte osseuse significative plus faible au niveau de la
hanche totale qu'au niveau du rachis lombaire. En revanche,
Après dérivation biliopancréatique après chirurgie bariatrique, une diminution significative de
la DMO est en règle constatée au rachis comme à la hanche
avec ou sans anse en Y (fig.  15.2) [4]. Cette perte osseuse persiste au-delà de la
En dépit d'une supplémentation à fortes doses après déri- 1re année après chirurgie bariatrique et peut atteindre 5 à
vation biliopancréatique, plus de 50 % des patients ont une 10 % avec une prédominance au niveau de la hanche [4].
carence en vitamine D. La comparaison des valeurs de taux Les pertes osseuses constatées varient en fonction du
de 25-hydroxy-vitamine D en postopératoire dans un essai type de chirurgie réalisé ; les taux de pertes osseuses évalués
clinique avec randomisation de la procédure chirurgicale à court terme sont d'amplitudes croissantes après AGA
(RYGB versus DBP – dérivation biliopancréatique) a mon- (anneau gastrique ajustable), GL (gastrectomie longitudi-
tré des déficits plus marqués dans le groupe DBP que dans nale) et RYGB, traduisant le lien fort existant entre la perte
le groupe RYGB. De plus, l'usage de supplémentation vita- de poids et la perte osseuse (fig. 15.3) [5]. Les effets délétères
minique D était plus élevé dans le groupe DBP que dans le de la chirurgie bariatrique sur la santé osseuse ont également
groupe RYGB. pu être appréciés à partir d'études ayant investigué les effets
osseux par scanner. Ces données permettent de mesurer
les pertes osseuses en densité volumique et non surfacique,
comme pour la DXA, et d'estimer la résistance osseuse
Retentissement de la chirurgie [6]. Dans une cohorte prospective de 30 adultes ayant eu
bariatrique sur les paramètres un RYGB comparés à un groupe contrôle non opéré, une
perte osseuse substantielle, une diminution de la résistance
biochimiques du remodelage osseuse mais aussi des altérations microstructurales ont été
osseux constatées après 24 mois de suivi, alors même que la perte
de poids corporel s'était stabilisée à la 2e année de suivi. Un
La chirurgie bariatrique a un effet négatif sur le remode- suivi de la même cohorte montre que les altérations tant
lage osseux qui conduit à une accélération de la perte densitométriques que micro-architecturales se poursuivent
osseuse car l'augmentation du remodelage osseux pré- pendant les 5  années de suivi [6]. La conséquence des
domine sur les mécanismes de résorption [3]. La dimi- modifications du métabolisme phosphocalcique, des pertes
nution de l'absorption de la vitamine  D et du calcium osseuses et des modifications microstructurales se traduit in
conduit à une hyperparathyroïdie secondaire susceptible fine par un risque de fragilité osseuse accru [7].
d'expliquer pour partie l'augmentation du remodelage
osseux [3].
Perte osseuse après chirurgie
Retentissement de la chirurgie bariatrique : quels mécanismes
bariatrique sur la densité en cause ?
minérale osseuse La perte osseuse après chirurgie bariatrique est multifactorielle
(fig. 15.4). Les processus de malabsorption plus au moins pro-
La chirurgie bariatrique est associée à une diminution de noncés des procédures de chirurgie bariatrique ont un impact
la densité minérale osseuse évaluée par absorptiométrie important sur le métabolisme osseux. Les mécanismes par
biphotonique à rayons X (DXA). Bien que l'interprétation lesquels ces procédures chirurgicales retentissent sur le tissu
des examens densitométriques soit difficile chez le patient osseux, la contribution des hormones digestives et des sté-
obèse opéré en raison d'artefacts techniques, les adultes roïdes sexuels ainsi que des adipokines restent à élucider. La
obèses ont des valeurs de DMO plus élevées au niveau de diminution des contraintes mécaniques en ­antagonisant la
168
15. Complications osseuses

Effectif Durée Effectif Durée


Hanche 1er auteur Rachis 1er auteur
de l'étude de l'étude de l'étude de l'étude
Anneau Von mach n=9 2 an
Glusti n = 37 1 an
Gastrectomie longitudinale Giust n = 37 1 an
Court-circuit gastrique en Y
Nogues n=8 1 an
Nogues n=8 1 an
Pluskiewicz n = 29 6 mois
Pluskiewicz n = 29 6 mois
Ruiz-Tovar n = 42 1 an
Nogues n=7 1 an
Von mach n=4 2 an
Carrasco n = 42 1 an
Carrasco n = 42 1 an
Vilarrasa n = 62 1 an
Casagrande n = 22 1 an
Johnson n = 22 1 an
Nogues n=7 1 an
Yu (DXA) n = 30 1 an Johnson n = 14 1 an
Casagrande n = 22 1 an Coates n = 15 9 mois

Stein n = 14 1 an Yu (DXA) n = 30 1 an
Yu (QCT) n = 30 1 an
Carlin n = 30 1 an
Vilarrasa n = 62 1 an
Fleischer n = 23 1 an
Fleischer n = 22 1 an
Coates n = 15 9 mois Carlin n = 30 1 an
Yu (QCT) n = 30 1 an Stein n = 14 1 an

–15 –10 –5 0 5 10 15 –15 –10 –5 0 5 10 15


Variation de la DMO (%) Variation de la DMO (%)
Fig. 15.2
Variations de densité minérale osseuse à la hanche et au rachis après chirurgie bariatrique, d'après [4].
DXA : Dual energy X-ray Absorptiometry ; QCT : Quantitative Computed Tomography.

Perte de poids (%) par rapport au niveau initial Les carences calcique et vitaminique  D associées à la
–40 –35 –30 –25 –20 –15 –10 –5 0 malabsorption induisent une hyperparathyroïdie secon-
0
Perte osseuse à la hanche (%) par rapport au niveau initial

daire qui contribue à la perte osseuse. Les variations de


–2
sécrétions d'entérohormones et des adipokines sont
­probablement impliquées, notamment la chute du taux de
–4
leptine. En revanche, l'augmentation des concentrations en
GLP-1 devrait plutôt favoriser la formation osseuse.
–6

–8
Risque fracturaire
Des études rétrospectives après gastrectomie ont mon-
–10
tré une augmentation du risque de fracture. Néanmoins,
la population concernée est maigre et souvent dénutrie.
–12
Les déterminants de la fragilité osseuse après gastrectomie
sont proches de ceux du RYGB (diminution importante de
–14 l'absorption du calcium et de la vitamine D). Après gastrec-
Fig. 15.3
tomie partielle, le risque de fracture est trois fois plus élevé
Variations de perte osseuse à la hanche en fonction de la perte de
que chez les témoins. Après antrectomie ou gastrectomie
poids, d'après [5]. distale subtotale, il est considéré que le risque de fracture
ostéoporotique (avant-bras, vertèbre, fémur proximal) est
voie de signalisation Wnt/β-caténine est susceptible d'avoir aussi 5 fois plus élevé, de même que le risque de fracture
un retentissement négatif sur la formation osseuse. Aucune périphérique (incluant la hanche).
étude n'a évalué les variations de taux de sclérostine (antago- Après RYGB, il est considéré que près de 8 % des patients
niste de la voie Wnt) selon la perte osseuse. présentent une ostéopénie ou une ostéoporose, 25 % ont
169
IV. Évaluation postopératoire

Variations des
Malabsorption stéroïdes sexuels
et variations Variations des adipokines
Estradiol ↓
des hormones calciotropes
Leptine ↓
Calcium ↓
Adiponectine ↑
Vitamine D ↓
Perte osseuse
PTH ↑ après
chirurgie
bariatrique

Variations des hormones*


digestives
Diminution des
contraintes Variations du
mécaniques (ghréline, GIP, insuline,
microbiote intestinal
amyline, GLP-1, sérotonine)
(Wnt/β-caténine)

Fig. 15.4
Perte osseuse après chirurgie bariatrique : quelles explications ?
* Effets anticipés sur l'os variables d'une hormone digestive à l'autre.
GLP-1 : Glucagon-Like Peptide-1 ; GIP : Glucose-dependent Insulinotropic Peptide ; PTH : parathormone ; Wnt/β-caténine : voie de signalisation
régulant négativement la formation osseuse.

une diminution de leur taille et durant un suivi de 12 à d'incidence standardisée (risque relatif) les plus élevés de 5,5
60  mois, 5  % d'entre eux présentent un évènement frac- (IC 95 % : 1,5–14) et de 5,0 (IC 95 % : 2,2–9,9) concernaient
turaire. Dans une étude de cohorte rétrospective, le risque respectivement le fémur proximal et l'humérus (deux sites de
de fracture a été étudié dans 625 centres de soins primaires fracture ostéoporotique majeure) [9].
au Royaume-Uni après chirurgie bariatrique en les compa- Dans une autre étude, les taux de fractures non verté-
rant à des sujets appariés pour l'âge, le sexe et l'IMC [8]. Ces brales étaient analysés dans une cohorte de sujets opérés
données incluaient 2 079 patients et 26 fractures ostéopo- par RYGB ou AGA entre 2005 et 2013 et appariés sur un
rotiques. Aucune augmentation significative du risque frac- score de propension [10]. Le risque de fracture était signi-
turaire n'était observée chez les patients opérés pendant la ficativement plus élevé après 5 ans de suivi. Finalement, les
période de suivi quel que soit le type d'intervention, anneau patients opérés par RYGB avaient une augmentation du
gastrique (60 %) ou autre procédure dont le RYGB, mais le risque de fracture non vertébrale de 43  % comparés aux
suivi n'était en moyenne que de 2,2 ans. patients traités par AGA. Dans une étude de Taïwan avec
Cependant, des données croissantes indiquent que la un suivi de 12 ans, le risque de fracture était augmenté de
chirurgie bariatrique est associée à une augmentation du 21 % dans le groupe opéré comparé au groupe témoin, de
risque de fracture. S'appuyant sur la base de données de façon plus marquée chez les patients ayant bénéficié d'une
chirurgie bariatrique de la Mayo Clinic [9], les patients (n chirurgie malabsorptive, dont le RYGB [11]. Au Canada,
= 258) ayant eu une première procédure de chirurgie baria- dans une étude rétrospective cas-témoins, il a été montré
trique entre 1985 et 2004 ont été inclus avec un suivi médian que le risque de fracture était augmenté comparé à celui
de 7,7  ans [9]. Les ­évènements fracturaires étaient collectés des obèses non opérés mais aussi par rapport aux sujets
à partir des ­antécédents cliniques et des comptes rendus d'IMC normal [12]. Le risque fracturaire était site osseux-
des radiologues pour chaque fracture clinique incluant les dépendant : les sites fracturés chez les obèses opérés étant
fractures vertébrales cliniques. Dans cette cohorte, le risque ceux qui le sont habituellement chez les patientes ayant
de fracture était multiplié par deux [9]. Les deux ratios une ostéoporose post-ménopausique. Tout récemment,

170
15. Complications osseuses

une méta-analyse ciblant le risque de fracture après chirur- Des recommandations internationales de pratique cli-
gie bariatrique a confirmé que les sujets obèses opérés nique se focalisant sur les patients traités par chirurgie
pour chirurgie bariatrique avaient une augmentation du ­bariatrique existent (tableau 15.1) [13–15] mais font l'objet
risque de fractures toutes confondues (risque relatif = 1,29 ; d'une extrême prudence car certaines mesures préconisées
IC 95 % : 1,18–1,42) [7]. Le temps de suivi des patients est ne reposent pas toujours sur des données médicales fondées
donc déterminant (de 2,2  ans dans l'étude du Royaume- sur les preuves. Ceci est en particulier vrai pour la supplémen-
Uni [8] à 7,7 ans dans celle du Minnesota [9]). tation vitaminique D.

Recommandations de prise Principes de traitement


en charge
Pour la prévention de la perte osseuse, les recommanda-
L'Union nationale des caisses d'assurance maladie a décidé tions de 2013 (AACE/TOS/ASBMS guidelines for manage-
en janvier 2014 de rembourser le dosage de la 25-hydroxy- ment of bone health in patients after bariatric surgery) ont
vitamine  D uniquement dans les seules indications mis l'accent sur la nécessité d'une supplémentation par
retenues par l'HAS (Haute autorité de santé), dont le trai- 1 200–1 500 mg de citrate de calcium par l'alimentation
tement chirurgical de l'obésité. Le résultat du dosage doit et des suppléments, ainsi que par des apports de vita-
figurer dans le dossier du patient. Il est par ailleurs recom- mine  D de 3 000  UI/j avec pour cible des taux sériques
mandé de recourir à une supplémentation en vitamine D supérieurs à 30  ng/mL. Ces mêmes recommandations
systématique après chirurgie malabsorptive. Après chirur- ont été reprises par l'European Association for the Study
gie restrictive, la supplémentation doit se discuter en fonc- of Obesity [13].
tion « du bilan clinique et biologique ». En cas de chirurgie
restrictive, les recommandations européennes indiquent
également que le suivi biologique (pour surveiller l'état Conclusion
nutritionnel et métabolique afin de prévenir les déficits
vitaminiques par une supplémentation appropriée) est L'augmentation spectaculaire de l'incidence de l'obésité à
nécessaire de façon régulière sans en préciser le rythme. l'échelle mondiale a conduit à l'utilisation croissante de la
En revanche, en cas de court-circuit gastrique et de dériva- chirurgie bariatrique. Bien que les procédures chirurgicales
tion biliopancréatique, les tests sanguins pour dosage de la soient associées à des effets bénéfiques indiscutables sur
25-hydroxy-vitamine D doivent être réalisés à 1, 4, 12 mois, de nombreux paramètres cardiaques et métaboliques, de
puis annuellement. possibles effets indésirables sur le métabolisme osseux et

Tableau 15.1 Recommandations de suivi clinique et biochimique des paramètres du remodelage osseux avant et après une
chirurgie bariatrique.
Avant chirurgie 6 mois 12 mois 24 mois Chaque année
après chirurgie après chirurgie après chirurgie par la suite
Calcium × [14] × RYGB [14], DBP [14]
PTH × [14] × [13], RYGB [14, 15], DBP [14, 15] × [13], RYGB [14, × [13], RYGB [14], DBP
15], DBP [14] [14]
Vitamine D × [14, 15] × [13], RYGB [14], × [13], RYGB [14, × [13], RYGB [14, × [13], RYGB [14], DBP
DBP [14] 15], DBP [14, 15] 15], DBP [14] [14]
Ostéocalcine – × RYGB [13], DBP [13]
Calciurie des – × [13], RYGB [15], DBP [15]
24 heures
Densité minérale × [14] – × RYGB [14], DBP × [15], RYGB [14], × RYGB [14], DBP [14]
osseuse (rachis [14] DBP [14]
+ hanche)
DBP : dérivation biliopancréatique ; RYGB : Roux-en-Y Gastric Bypass (court-circuit gastrique en Y).

171
IV. Évaluation postopératoire

leur retentissement à long terme sur la santé du squelette Références


osseux doivent être pris en considération. S'il est particu-
lièrement complexe de mesurer la densité osseuse dans [1] Stein  EM, Silverberg  SJ. Bone loss after bariatric surgery  : causes,
les populations obèses, il est désormais acquis que les consequences, and management. Lancet Diabetes Endocrinol
2014 ; 2(2) : 165–74.
interventions les plus récentes de chirurgie bariatrique
[2] Saif T, Strain GW, Dakin G, Gagner M, Costa R, Pomp A. Evaluation
ont des effets négatifs sur l'homéostasie du tissu osseux of nutrient status after laparoscopic sleeve gastrectomy 1, 3, and
qui persistent plusieurs années après la chirurgie, et qui 5 years after surgery. Surg Obes Relat Dis 2012 ; 8(5) : 542–7.
varient selon la procédure chirurgicale. [3] Lespessailles  E, Toumi  H. Vitamin D alteration associated with
Les effets négatifs sur le tissu osseux du RYGB, de la GL et obesity and bariatric surgery. Exp Biol Med 2017 ; 242(10)  :
1086–94.
de la DBP apparaissent plus importants que ceux associés [4] Yu EW. Bone metabolism after bariatric surgery : bone metabolism
aux procédures chirurgicales purement restrictives tel que after bariatric surgery. J Bone Miner Res 2014 ; 29(7) : 1507–18.
l'AGA. Si la perte osseuse conduit à une augmentation du [5] Scibora  LM, Ikramuddin  S, Buchwald  H, Petit  MA. Examining
risque de fracture de fragilité, en particulier pour les pro- the link between bariatric surgery, bone loss, and osteoporosis : a
review of bone density studies. Obes Surg 2012 ; 22(4) : 654–67.
cédures malabsorptives et mixtes, les mécanismes précis
[6] Greenblatt  L, Lindeman  K, Rourke  C, Bouxsein  M, Finkelstein  J,
qui induisent cette fragilité ne sont pas encore élucidés. Il Yu E. Longitudinal 5-year changes in bone density and microarchi-
existe des recommandations internationales concernant la tecture after Roux-En-Y Gastric Bypass in : 2017. J Bone Miner Res
prise en charge médicale des patients ayant bénéficié d'une 2017 ; 32(S1) : S1–432.
chirurgie bariatrique. Certaines recommandations ciblant le [7] Zhang Q, Chen Y, Li J, Chen D, Cheng Z, Xu S, et al. A meta-analysis
of the effects of bariatric surgery on fracture risk : Bariatric surgery
tissu osseux ont été proposées (cf. tableau 15.1). À l'avenir and fracture. Obes Rev 2018 ; 19(5) : 728–36.
et comme dans d'autres domaines, une meilleure connais- [8] Lalmohamed  A, de Vries  F, Bazelier  MT, Cooper  A, van Staa  TP,
sance des interactions entre l'os, la graisse, le muscle, le cer- Cooper C, et al. Risk of fracture after bariatric surgery in the United
veau et l'intestin permettra une meilleure appréhension de Kingdom : population based, retrospective cohort study. BMJ 2012 ;
345 : . e5085-e5085.
la problématique osseuse après chirurgie bariatrique.
[9] Nakamura KM, Haglind EGC, Clowes JA, Achenbach SJ, Atkinson EJ,
Melton  LJ, et  al. Fracture risk following bariatric surgery  : a
À retenir ­population-based study. Osteoporos Int 2014 ; 25(1) : 151–8.
[10] Yu EW, Lee MP, Landon JE, Lindeman KG, Kim SC. Fracture risk after
bariatric surgery : Roux-en-Y gastric bypass versus adjustable gastric

Les sujets obèses sont à risque de carences nutri- banding : fracture risk after bariatric surgery. J Bone Miner Res 2017 ;
tionnelles multiples, en particulier en vitamine D, 32(6) : 1229–36.
avant la chirurgie bariatrique. [11] Lu CW, Chang YK, Chang HH, Kuo CS, Huang CT, Hsu CC, et al.

La chirurgie bariatrique induit une carence cal- Fracture Risk After Bariatric Surgery : A 12-Year Nationwide Cohort
Study. Medicine (Baltimore) 2015 ; 94(48). e2087.
cique et vitaminique D conduisant à une hyperpa-
[12] Rousseau C, Jean S, Gamache P, Lebel S, Mac-Way F, Biertho L, et al.
rathyroïdie secondaire. Change in fracture risk and fracture pattern after bariatric surgery :

Une augmentation des marqueurs du remo- nested case-control study. BMJ 2016 ; 354 : i3794.
delage osseux est également constatée après [13] Busetto  L, Dicker  D, Azran  C, Batterham  RL, Farpour-Lambert  N,
­chirurgie bariatrique. Les marqueurs de résorption Fried  M, et  al. Practical Recommendations of the Obesity
Management Task Force of the European Association for the Study
sont plus affectés que ceux de la formation, la tra- of Obesity for the Post-Bariatric Surgery Medical Management.
duction est donc une perte osseuse nette. Obes Facts 2017 ; 10(6) : 597–632.

Une perte osseuse, variable selon les procédures [14] Heber  D, Greenway  FL, Kaplan  LM, Livingston  E, Salvador  J,
(corrélée positivement à la perte de poids en Still  C. Endocrine and Nutritional Management of the Post-
Bariatric Surgery Patient  : An Endocrine Society Clinical
excès), est associée à la chirurgie bariatrique.
Practice Guideline. J Clin Endocrinol Metab 2010 ; 95(11)  :

Le risque de fracture est probablement aug- 4823–43.
menté après RYGB et plus important en cas de [15] Mechanick J, Youdim A, Jones D, Garvey W, Hurley D, McMahon M,
procédures malabsorptives. et  al. Clinical Practice guidelines for the perioperative nutritional,

Le risque de fracture pourrait être spécifique de metabolic, and nonsurgical support of the bariatric surgery patient –
2013 Update  : Cosponsored by American Association of Clinical
site osseux. Endocrinologists, The Obesity Society, and American Society for

Une évaluation de la santé osseuse et du risque Metabolic & Bariatric Surgery. Endocr Pract 2013 ; 19(2) : 337–72.
de fracture est à considérer, en particulier chez les
sujets ayant déjà des facteurs de risque de fracture
préexistants.

172
Chapitre 16
Grossesse après chirurgie
bariatrique
Margot Denis, Cécile Ciangura

PLAN DU C HAPITRE
Contexte 174
Impact de la chirurgie bariatrique
sur la grossesse 174
Impact de la grossesse sur la chirurgie
bariatrique 177
Prise en charge en pratique d'une
grossesse après chirurgie bariatrique 178

Chirurgie bariatrique
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IV. Évaluation postopératoire

Contexte et néonatales (prématurité, macrosomie, dystocie des


épaules, malformations dont les anomalies de fermeture du
tube neural, mort fœtale in utero, mortalité périnatale) [1].
Repères épidémiologiques La majoration du risque des complications materno-
En 2015, la prévalence du surpoids chez les femmes en âge fœtales liées à l'obésité dépend de l'IMC prégestationnel,
de procréer (entre 18 et 39 ans) était de 20,5 %, et celle de mais aussi de la prise de poids pendant la grossesse. De plus,
l'obésité de 11,3 % dans la population française. Ces don- le contexte nutritionnel et métabolique auquel est exposé
nées sont cohérentes une enquête de 2016 qui identifiait le fœtus pendant la grossesse pourrait aussi avoir des effets
20 % des femmes ayant accouché avec un IMC prégesta- à long terme avec un risque augmenté de surpoids ou
tionnel supérieur à 25 kg/m2 et 12 % avec un IMC prégesta- d'obésité à l'âge adulte. Concernant les complications de
tionnel supérieur à 30 kg/m2. Par comparaison aux données la grossesse, une perte de poids prégestationnelle modérée
antérieures (cohortes ObÉpi), l'augmentation de la préva- est associée à une réduction du risque de macrosomie et
lence du surpoids semble ralentir et celle de l'obésité paraît de diabète gestationnel, avec une relation inverse en cas
stable dans les dernières études disponibles. de prise de poids. Les interventions diététiques et d'activité
En 2016, le nombre d'interventions bariatriques en physique visant une perte de poids maternelle pendant
France était de 51 760, portant à plus de 450 000 la file la grossesse réduisent significativement le risque de césa-
active de l'ensemble des personnes opérées. L'âge moyen rienne et prééclampsie et, de façon moins démonstrative,
des personnes opérées était de 41  ans, et le sexe ratio l'incidence du diabète gestationnel, de la macrosomie, de la
de  4  pour  1 en faveur des femmes. En revanche, il n'y a dystocie des épaules et de la prématurité, suggérant qu'une
pas de données actuelles précises sur la survenue des gros- perte de poids initiée au cours de la grossesse pourrait être
sesses après chirurgie bariatrique. Même si le nombre de insuffisante par rapport à l'impact de l'obésité prégestation-
mineurs opérés reste encore modéré (114 en 2013), les nelle [1].
adolescentes constituent une population supplémentaire
qui sera concernée par les problématiques spécifiques de
la grossesse. Dans ce contexte d'augmentation de l'obésité
chez les femmes en âge de procréer, avec l'augmentation Impact de la chirurgie
des interventions bariatriques dans cette population et bariatrique sur la grossesse
possiblement chez les adolescentes, on peut s'attendre à
une augmentation prochaine du nombre de grossesses Sur le plan maternel
après chirurgie bariatrique.
Fertilité
Relations entre obésité, Avant la conception, une méta-analyse regroupant plus de
perte de poids et grossesse 2 000 femmes obèses a estimé que l'incidence du syndrome
des ovaires polykystiques diminuait significativement de 45
L'obésité est associée à une réduction de la fertilité par à 6,8 % à 1 an après une chirurgie bariatrique [2]. Ce résul-
anovulation (syndrome des ovaires polykystiques et plus tat est un argument fort pour prescrire une contraception
rarement par hypogonadisme hypogonadotrope), et pos- aux femmes en périopératoire, même en cas d'infertilité. Il
siblement par d'autres mécanismes tels que l'altération de existe un consensus relatif à privilégier les contraceptions
l'implantation utérine et la qualité embryonnaire. Avant la non orales après chirurgie bariatrique comprenant une
conception, la perte de poids, même modérée (5–10 %), est composante malabsorptive. Si la contraception est orale, la
associée à une amélioration de l'ovulation chez les femmes prudence reste aussi de mise quel que soit le type d'inter-
obèses présentant un syndrome des ovaires polykystiques vention en cas de troubles digestifs (vomissements et diar-
[1]. Pendant la grossesse, l'obésité est aussi associée à une rhées). L'utilisation des œstroprogestatifs, quelle que soit la
augmentation du risque (d'un facteur 2 à 4) de compli- voie, ne reste possible que chez les femmes de moins de
cations maternelles (hypertension artérielle gravidique, 35 ans, en l'absence de tout facteur de risque cardiovascu-
prééclampsie, diabète gestationnel, complications throm- laire (dyslipidémie, diabète, migraines avec aura, tabagisme
boemboliques), une augmentation des complications actif) si l'IMC dépasse 30 kg/m2 [3]. L'impact de la chirurgie
obstétricales (césariennes, hémorragie du post-partum, sur les résultats d'aide médicale à la procréation chez les
extractions instrumentales) et des complications fœtales femmes obèses n'a pas réellement été évalué à ce jour.
174
16. Grossesse après chirurgie bariatrique

Complications liées à l'obésité pendant saires pour le développement et la croissance du placenta


la grossesse et du fœtus. La corrélation entre les taux sériques maternels
des vitamines et éléments traces et les taux fœtaux sont
Une méta-analyse récente a colligé des études observation- variables compte tenu de mécanismes physiologiques
nelles disponibles jusqu'à fin 2016 sur l'issue des grossesses imparfaitement connus comme les transferts placentaires
après chirurgie bariatrique [4]. Ces études comprenaient [5]. Dans ce contexte, et hors chirurgie bariatrique, les
toutes un groupe contrôle, pour comparer les femmes opé- apports nutritionnels conseillés en cas de grossesse sont
rées (8 364 au total, tout type d'intervention) à des femmes donc augmentés (tableau  16.1) [6]. De plus, la grossesse
non opérées et appariées soit sur l'IMC prégestationnel, soit augmente le risque carentiel induit par la chirurgie baria-
sur l'IMC préchirurgie. Cela a permis d'apprécier les événe- trique, de même que l'allaitement [7].
ments spécifiquement associés à l'intervention bariatrique La première façon d'éviter les carences chez les femmes
(groupe apparié sur l'IMC prégestationnel) et ceux associés opérées et enceinte est une alimentation la plus équilibrée
à la perte de poids induite par la chirurgie (groupe apparié possible. Cependant, il n'existe pas de recommandations
sur l'IMC préchirurgical). L'incidence du diabète gestationnel diététiques différentes des femmes enceintes non opérées,
(OR [Odds Ratio] = 0,20 ; IC 95 % : 0,11–0,37), de l'hyperten- à savoir une alimentation diversifiée, avec une recomman-
sion artérielle gravidique (OR = 0,38 ; IC 95 % : 0,19–0,76) et de dation d'apports particulière pour certains nutriments :
l'hémorragie de la délivrance (OR = 0,32 ; IC 95 % : 0,08–1,37) ●
consommation quotidienne de protéines d'environ 60 g.
était réduite d'au moins de moitié dans le groupe apparié Il semble en effet qu'un enrichissement excessif du régime
sur l'IMC préchirurgie. Cette diminution des complications maternel en protéines peut se révéler nocif pour le fœtus ;
maternelles n'était plus observée au sein du groupe apparié ●
consommation quotidienne de 3  produits laitiers ou
sur l'IMC prégestationnel. La réduction du risque est donc d'une eau riche en calcium (> 150 mg/L, 1,5 L/j) [8] ;
associée à la perte de poids, au-delà du geste chirurgical. Les ●
consommation d'aliments naturellement riches en iode
césariennes étaient augmentées pour les femmes opérées (fréquence non précisée) : lait et produits laitiers, crustacés,
dans le groupe apparié sur l'IMC prégestationnel (OR = 1,19 ; poissons de mer, œufs et sel iodé afin de limiter le risque de
IC 95 % : 1,05–1,34), ce qui suggère un rôle indépendant de la dysthyroïdie maternelle par une carence iodée [8] ;
chirurgie bariatrique pour le type d'accouchement. ●
limitation des produits à base de soja à 1  unité par
jour telle qu'un yaourt ou 1 verre de lait ou 1 portion de
Statut nutritionnel tofu (risque théorique d'anomalie du développement
La grossesse est caractérisée par une augmentation du des organes génitaux en cas d'exposition aux phyto-­
volume plasmatique, du volume érythrocytaire, de la clai- œstrogènes) [8] ;
rance rénale pour l'élimination des déchets métaboliques ●
éviction de certains poissons gras (risque neurotoxique
fœtaux et maternels (entraînant une augmentation de du méthylmercure contenu notamment dans l'espadon, le
l'excrétion urinaire des vitamines hydrosolubles), et des marlin et le siki) et les produits à base de foie (risque théo-
besoins énergétiques et de la plupart des nutriments néces- rique de surdosage en vitamine A) [8].

Tableau 16.1 Apports nutritionnels recommandés* pendant la grossesse hors chirurgie bariatrique [6].
Vitamines B1 B2 PP B6 B9 B12 C A D E
Femmes 1,8 mg 1,6 mg 16 mg 2 mg 400 μg 2,6 μg 120 mg 700 μg 10 μg 12 mg
enceintes
Femmes 1,1 mg 1,5 mg 11 mg 1,5 mg 300 μg 2,4 μg 110 mg 600 μg 5 μg 12 mg
adultes
Minéraux Ca P Mg Fe Zn I Se
Femmes 1 000 mg 800 mg 400 mg 30 mg 14 mg 200 μg 60 μg
enceintes
Femmes 900 mg 750 mg 360 mg 16 mg 10 mg 150 μg 50 μg
adultes
* Couverture de 97,5 % des besoins d'une population.

175
IV. Évaluation postopératoire

Tableau 16.2 Prise de poids recommandée pendant


la grossesse selon l'IOM (Institute of Medicine). ENCADRÉ 16.1 Propositions
IMC maternel en
début de grossesse
Taux moyen de
gain pondéral
Gain pondéral
total recommandé
de supplémentations
(kg/m2) hebdomadaire (kg) systématique et minimale
pendant les 2e et
3e trimestres (kg)
en vitamines et oligoéléments
l Acide folique : 0,4 à 1 mg dès la période préconcep-
< 18,5 0,5 12,5–18
tionnelle.
18,5–24,9 0,4 11,5–16 l Multivitamines adaptées à la grossesse (vitamine A sous

25,0–29,9 0,3 7–11,5 forme de bêtacarotène de préférence et sans dépasser


5 000 UI/j).
> 30 0,2 5–9 l Vitamine B12 : 1 000 μg/mois IM ou équivalent.

l Fer à adapter selon tolérance digestive et bilan biologique.

l Calcium et vitamine D en fonction du bilan.

Les précautions alimentaires pour la prévention de la


listériose et de la toxoplasmose doivent également être
suivies.
Il n'y a pas de données permettant de conseiller une Sur le plan fœtal et néonatal
prise de poids différente de celle recommandée par
l'Institute of Medicine en fonction de l'IMC prégesta-
Croissance et prématurité
tionnel (tableau 16.2). Il faut noter cependant qu'en cas Les données de la méta-analyse de Kwong et al. est l'une
d'anneau, la prise de poids est plus importante après des études les plus informatives [4]. Ce travail reprend
desserrage qu'en l'absence de desserrage [9], avec une les 20 études observationnelles disponibles à la fin 2016
possible association à une augmentation des pathologies comprenant un groupe contrôle, pour comparer les
maternelles pendant la grossesse. Le desserrage systéma- femmes opérées (8 364 au total, tout type d'interven-
tique de l'anneau n'est donc plus indiqué en dehors de tion) à des femmes non opérées et appariées soit sur
symptômes digestifs de mauvaise tolérance mécanique l'IMC prégestationnel, soit sur l'IMC préchirurgie. Après
(dysphagie, intolérance alimentaire, vomissements ou chirurgie bariatrique, les événements liés à la croissance
reflux invalidant) [9]. du fœtus et à la prématurité étaient similaires quel que
Une surveillance biologique et une supplémentation soit le groupe d'appariement  : réduction de la macro-
vitaminique adaptées aux spécificités de la grossesse sont somie d'au moins de moitié (définie par un poids de
indispensables chez les femmes enceintes opérées de naissance supérieur au 90e  percentile ou > 4  kg), et
chirurgie bariatrique. Les recommandations européennes doublement du risque de petit poids pour l'âge gesta-
et américaines [10, 11] conseillent des suppléments systé- tionnel (défini par un poids de naissance inférieur au
matiques différents, sans distinction du type de chirurgie 10e  percentile). Les procédures malabsorptives étaient
ni du statut nutritionnel de la femme (suivi régulier anté- associées à plus de petits poids pour l'âge gestationnel (p
rieur, préparation de grossesse, troubles digestifs, etc.), et = 0,0466) et à moins de gros poids pour l'âge gestation-
plutôt à fortes doses. Dans la pratique, une supplémen- nel (p < 0,0001) par rapport aux procédures restrictives.
tation adaptée au contexte et à posologie progressive Cependant, aucun détail sur les nombres de procédures
semble raisonnable et suffisante (encadré  16.1). La diffi- par type de chirurgie ni le type d'intervention n'était
culté d'interprétation des résultats est liée à l'absence de donné dans cette étude. Le risque de prématurité avant
normes établies pour la plupart des micronutriments 37 SA (semaines d'aménorrhée) était augmenté avec un
et la variation physiologique des concentrations durant OR à 1,35 (IC  95  %  : 1,02–1,79). La persistance d'une
la grossesse. Ainsi l'hémoglobine, l'albumine, les vita- association significative entre croissance fœtale ou
mines B9, B12, A et D, le zinc, le sélénium, le calcium, la prématurité et chirurgie après appariement sur l'IMC
ferritine, le magnésium et la PTH semblent s'abaisser de prégrossesse était en faveur d'un effet indépendant de
25 à 30 % pendant la grossesse et selon les trimestres, les la chirurgie. Les fausses couches spontanées, décès néo-
taux de vitamine E, cuivre et céruloplasmine augmentent, nataux et admissions en soins intensifs du nouveau-né
et la transthyrétine (préalbumine) ne semble pas varier n'étaient pas significativement modifiés après chirurgie
significativement [12]. bariatrique.
176
16. Grossesse après chirurgie bariatrique

Impact fœtal et néonatal des carences petit poids pour l'âge gestationnel est aussi augmenté après
maternelles gastrectomie longitudinale (14,3 vs 4,2 % dans une série de
119 femmes et 119 contrôles appariés sur l'IMC préchirur-
Le risque de malformations fœtales pourrait théori- gical, l'âge, la parité, le mode d'accouchement et l'année de
quement être augmenté en raison du risque accru de naissance) [14].
carences vitaminiques maternelles, en particulier des ano-
malies de fermeture du tube neural liée à la carence en
vitamine B9. Cela est rapporté dans plusieurs évaluations
[7], mais pas dans les études de cohortes [4]. Les autres
Impact de la grossesse
conséquences des carences maternelles comprennent sur la chirurgie bariatrique
des anémies et anomalies neurologiques sur carence en
vitamine B12, des hypocalcémies néonatales, des compli- Sur le résultat pondéral
cations hémorragiques liées à une carence en vitamine K,
des microphtalmies et microcéphalies liées à une carence Il semble que la grossesse puisse limiter la perte pondé-
en vitamine A [7]. rale postopératoire à moyen terme mais pas à long terme
Concernant les supplémentations vitaminiques chez (5 ans) [15].
la mère, la littérature recommande une relative prudence
pour certaines vitamines et éléments traces en raison
d'une possible toxicité en cas de doses trop importantes.
Sur le plan digestif
Cela concerne notamment la vitamine  A. La dose quo- Le reflux est fréquent chez la femme enceinte avec gas-
tidienne généralement recommandée est de 5 000  UI trectomie longitudinale car ces deux conditions sont des
de vitamine  A dans les multivitamines données systé- facteurs favorisants. Il doit être pris en charge comme chez
matiquement [10] et une dose maximale journalière de les femmes enceintes sans chirurgie bariatrique.
10 000 UI. En cas de surdosage en fer, plusieurs études ont Les symptômes digestifs fréquents pendant la grossesse
rapporté un risque augmenté de petit poids pour l'âge (nausées, vomissements, douleurs déclenchées par l'ali-
gestationnel, notamment quand l'hématocrite dépasse mentation) ne doivent pas être négligés car ils peuvent
40 %. La supplémentation martiale ne doit donc pas être témoigner d'une complication, en particulier une patho-
systématique et doit tenir compte du bilan martial initial logie biliaire secondaire à l'amaigrissement, une hernie
et de son évolution dans le temps. Les femmes opérées de interne après court-circuit gastrique ou un glissement (slip-
chirurgie bariatrique et étant toujours en surcharge pon- ping) de l'estomac sur anneau gastrique [15]. Le moindre
dérale ont aussi un risque potentiel d'hyperferritinémie doute justifie la réalisation d'un scanner abdominal en
métabolique. urgence car le pronostic maternel et fœtal dépend du délai
d'intervention.
Impact du type d'intervention et du délai La prescription d'anti-inflammatoires non stéroïdiens,
entre chirurgie et grossesse fréquente en post-partum, est plutôt à éviter chez les
femmes avec chirurgie bariatrique, surtout après court-cir-
Il n'y a pas de données solides concernant les complications cuit gastrique et dérivation biliopancréatique car la partie
fœtales en fonction du délai entre chirurgie bariatrique et exclue de l'estomac est difficilement explorable par endos-
grossesse. Cependant, la plupart des recommandations pré- copie (risque d'ulcère).
conisent d'attendre 12 à 18 mois après une chirurgie pour
débuter une grossesse, que le poids maternel soit stable
et que les carences en micronutriments soient corrigées. Augmentation de la fréquence
En cas de situation d'âge avancé ou de réserve ovarienne des malaises hypoglycémiques
faible, ce délai peut être discuté [10]. Aucune différence
significative entre les différents types d'intervention n'a été La chirurgie bariatrique, et en particulier les procédures avec
décrite concernant le risque de prématurité mais il semble composante malabsorptive (court-circuit en Y, court-circuit
que les petits poids pour l'âge gestationnel sont plus fré- en oméga, dérivation biliopancréatique), peut être associée
quents après court-circuit et dérivation biliopancréatique à des malaises hypoglycémiques postprandiaux [16]. En pra-
qu'après chirurgie restrictive pure [13]. Cependant, ces tique, il semble que cette symptomatologie soit exacerbée
résultats sont controversés par d'autres séries : le risque de voire révélée dans le contexte d'une grossesse, même après

177
IV. Évaluation postopératoire

gastrectomie longitudinale et même chez des femmes ne ●


de refaire le point radiologique sur l'anneau gastrique si
présentant aucun symptôme en préconceptionnel. nécessaire ;
La conduite à tenir est la même qu'en cas de malaises ●
le dépistage des complications liées à l'antécédent
hypoglycémiques hors grossesse, sous réserve de l'utilisation d'obésité ou l'obésité résiduelle post-chirurgicale telles
de l'acarbose qui n'a pas l'autorisation de mise sur le marché qu'un (pré) diabète de type 2, une hypertension artérielle,
et des difficultés de tolérance de l'HGPO (hyperglycémie un syndrome d'apnée du sommeil ;
provoquée par voie orale) qui sont exacerbées pendant la ●
d'anticiper avec la femme les aspects diététiques et la
grossesse. L'impact des hypoglycémies répétées pendant la gestion du poids, de même que le délai postopératoire
grossesse sur la croissance fœtale n'a pas été clairement étudié. pour débuter la grossesse.

Organisation du parcours de soins


Prise en charge en pratique
Une des difficultés pratiques est d'identifier les interlocu-
d'une grossesse après chirurgie teurs en cas de problème pendant la grossesse :
bariatrique ●
la maternité est-elle adaptée en termes de capacité
d'accueil s'il persiste une obésité résiduelle importante en
Des recommandations françaises pour la pratique clinique postopératoire ?
ont été élaborées en 2018 par le groupe multidisciplinaire ●
en cas de complication chirurgicale, le recours à un
BARIA-MAT selon la méthode de travail de la Haute auto- chirurgien est-il possible en urgence ?
rité de santé et avec le soutien de l'AFERO (Association ●
en cas de complications nutritionnelles, la patiente
française d'étude et de recherche sur l'obésité), SFNCM est-elle suivie par un médecin habitué à la gestion de ces
(Société francophone de nutrition clinique et méta­bolisme), situations ?
SOFFCOMM (Société française et francophone de chirur- L'organisation territoriale des soins en centres spécialisés
gie de l'obésité et des maladies métaboliques) et le CNGOF dans l'obésité doit permettre d'identifier les interlocuteurs,
(Collège national des gynécologues et obstétriciens français) idéalement en amont des difficultés éventuelles de la gros-
(en soumission). Ces recommandations visent à éviter les sesse. Une étude récente montrait que les personnes opé-
situations rares mais catastrophiques telles que les décès rées sont malheureusement régulièrement perdues de vue
maternels suite aux complications chirurgicales diagnos- au-delà de la 1re année postopératoire et soulignait qu'une
tiquées tardivement et difficilement, ou encore certaines grossesse à distance de la chirurgie peut être à haut risque
conséquences maternelles et/ou fœtales des carences nutri- carentiel [17].
tionnelles. Elles visent à optimiser le parcours de soins et Il est important d'indiquer aux femmes en préparation
la prise en charge de ces grossesses à risque dont on peut d'une intervention de chirurgie bariatrique la nécessité de
raisonnablement penser que la fréquence va augmenter. Les programmer une grossesse, et de signaler leur antécédent
conséquences spécifiques de la chirurgie (croissance fœtale de chirurgie bariatrique à tout interlocuteur en cas de gros-
ralentie, prématurité, apports maternels énergétiques et sesse, même en l'absence de complications. Les différents
en micronutriments réduits, etc.) et l'influence de l'obésité acteurs du parcours de soins en maternité, dont le pédiatre,
persistante après chirurgie sont des éléments à prendre en doivent être informés de l'antécédent de chirurgie baria-
compte dans le suivi de ces femmes. trique maternel, et des risques théoriques pour le fœtus en
cas de carences maternelles.
Programmation des grossesses –
Une consultation nutritionnelle
Consultation préconceptionnelle
trimestrielle minimum, y compris
Compte tenu des différents risques décrits ci-dessus, il est
important de programmer les grossesses après chirurgie
pendant l'allaitement
bariatrique. Cette programmation doit permettre : Pour un suivi optimal sur le plan nutritionnel et pondé-

l'ajustement les suppléments en vitamines et éléments ral, une consultation trimestrielle a minima est nécessaire
traces ; avec un médecin nutritionniste, de même qu'un bilan

la prescription de l'acide folique et une multivitamine biologique (tableau  16.3). La prise en charge diététique
adaptée ; paraît initialement indispensable puis doit être adaptée au
178
16. Grossesse après chirurgie bariatrique

tableau clinique. Les femmes opérées ont le plus souvent Dans ce contexte, un dépistage en amont de la gros-
une longue histoire de prise en charge, leurs connaissances sesse lors de la consultation préconceptionnelle, et à
et leur comportement alimentaire peuvent ne pas néces- défaut dès le 1er  trimestre, est nécessaire. Ce dépistage
siter d'aide particulière. En revanche, la grossesse peut doit comporter un dosage de la glycémie à jeun et de
réactiver certains troubles alimentaires, ou induire des l'HbA1c, car la glycémie à jeun peut être particulièrement
difficultés quant à l'image corporelle. La prise de poids liée basse après chirurgie bariatrique et sous-estimer le niveau
à la grossesse peut être mal vécue et nécessiter un accom- glycémique moyen.
pagnement diététique, voire psychologique spécifique. Pour le dépistage entre 24 et 28 SA, plusieurs difficultés
Certaines situations sont à repérer car particulièrement peuvent être rencontrées :
à risque de carences et de dénutrition : absence de supplé- ●
la tolérance de l'HGPO à 75 g de glucose peut être mau-
mentation et de suivi au long cours après la chirurgie, vomis- vaise en raison du volume à ingérer (difficulté mécanique)
sements répétés (qui exposent en particulier à la carence et de la charge en glucose pouvant provoquer un dumping
en vitamine B1), ou de perte de poids. Les femmes opérées ou des hypoglycémies réactionnelles ;
d'une intervention très malabsorptive (dérivation biliopan- ●
le profil glycémique est modifié après court-circuit gas-
créatique, dérivation biliopancréatique à une anastomose) trique, avec une élévation rapide et marquée de la glycémie
doivent être suivies dans des centres habitués à ces procé- entre 30 minutes et 1 heure après la charge en glucose, alors
dures car les doses nécessaires pour prévenir et corriger les que la glycémie à 2 heures est abaissée par rapport à des
carences sont bien plus élevées. Le dépistage (cf. tableau 16.3) femmes non opérées [18].
et la supplémentation (cf. encadré 16.1) des carences doivent L'alternative souvent proposée est alors la surveillance
être particulièrement rigoureux chez ces femmes [10]. de la glycémie capillaire en préprandial, 1 et 2 heures après
le repas. Les critères diagnostiques proposés sont situés à
plus de 20 % des valeurs au-dessus des seuils classiquement
Dépistage spécifique admis :
du diabète gestationnel ●
0,95 g/L à jeun ;

1,40 g/L à 1 heure ;
Même après chirurgie bariatrique et malgré une perte de ●
1,20 g/L à 2 heures.
poids significative, l'IMC résiduel préconceptionnel peut
En cas de diabète gestationnel, la prise en charge est
rester supérieur à 25 voire 30 kg/m2. Ces femmes sont alors
la même que chez les femmes sans chirurgie bariatrique.
toujours à risque de diabète gestationnel.

Tableau 16.3 Propositions de surveillance biologique.


Préconceptionnel Chaque trimestre Autre condition de prescription
au moins
Ionogramme, magnésémie, calcémie, × ×
phosphorémie, 25 (OH)-vitamine D, PTH,
albuminémie, préalbuminémie, NFS, TP, coefficient
de saturation, ferritine, vitamine B12, folates, zinc
Vitamine B1* × Carence initiale ou vomissements répétés
(ne pas attendre le résultat du dosage
pour substituer)
Vitamine A × Carence initiale ou CCG en Y ou oméga/
DBP/SADI
Sélénium* × Carence initiale
Cuivre Anémie réfractaire au fer oral
Vitamines K*, B6, C* et PP* Troubles neurologiques, carences
multiples et profondes, etc.
CCG : court-circuit gastrique ; DBP : dérivation biliopancréatique ; NFS : numération formule sanguine ; PTH : parathormone ; SADI : Single Anastomosis
Duodeno-Ileal bypass (dérivation biliopancréatique à une anastomose) ; TP : taux de prothrombine.
* Non remboursé.

179
IV. Évaluation postopératoire

Elle repose sur l'autosurveillance glycémique, le fraction- [4] Kwong W, Tomlinson G, Feig DS. Maternal and neonatal outcomes
nement des repas voire un traitement par insuline. Un after bariatric surgery ; a systematic review and meta-analysis  :
do  the benefits outweigh the risks ? Am J Obstet Gynecol 2018 ;
contrôle du statut glycémique à distance de la naissance 218(6) : 573–80.
est aussi nécessaire par le dosage d'une glycémie à jeun et [5] Gascoin G, Gerard M, Sallé A, Becouarn G, Rouleau S, Sentilhes L,
d'une HbA1c. et  al. Risk of low birth weight and micronutrient deficiencies in
neonates from mothers after gastric bypass : a case control study.
Surg Obes Relat Dis 2017 ; 13(8) : 1384–91.
À retenir [6] Schlienger JL. Besoins nutritionnels et apports conseillés (adultes,
femmes enceintes, personnes âgées, sportifs). In : Nutrition clinique
pratique. Paris : Elsevier ; 2011. p. 45–60.

La grossesse après chirurgie bariatrique est une [7] Jans  G, Matthys  C, Bogaerts  A, Lannoo  M, Verhaeghe  J, Van der
grossesse à risque. Schueren B, et al. Maternal micronutrient deficiencies and related

Elle nécessite une prise en charge multidiscipli- adverse neonatal outcomes after bariatric surgery  : a systematic
naire : obstétricien, chirurgien de recours, diététi- review. Adv Nutr Bethesda Md 2015 ; 6(4) : 420–9.
[8] Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Le
cien, médecin nutritionniste au minimum. guide nutrition pendant et après la grossesse. Livret d'accompagne-

Elle est associée à une réduction du risque de ment destiné aux professionnels de santé. septembre, 2007.
pathologies maternelles d'environ 50  % mais à [9] Quyên Pham  T, Pigeyre  M, Caiazzo  R, Verkindt  H, Deruelle  P,
une augmentation du risque de prématurité et de Pattou F. Does pregnancy influence long-term results of bariatric
petit poids du fœtus pour l'âge gestationnel. surgery ? Surg Obes Relat Dis 2015 ; 11(5) : 1134–9.
[10] Busetto  L, Dicker  D, Azran  C, Batterham  RL, Farpour-Lambert  N,

Les besoins nutritionnels des femmes opérées Fried  M, et  al. Practical Recommendations of the Obesity
de chirurgie bariatrique sont spécifiques, et néces- Management Task Force of the European Association for the Study
sitent d'adapter les supplémentations systéma- of Obesity for the Post-Bariatric Surgery Medical Management.
tiques et de renforcer la surveillance biologique. Obes Facts 2018 ; 10(6) : 597–632.
[11] ACOG Practice Bulletin No. 105 : Bariatric Surgery and Pregnancy.

Il existe des modalités de dépistage du diabète Obstet Gynecol 2009 ; 113(6) : 1405.
gestationnel spécifiques après court-circuit (into- [12] Abbassi-Ghanavati M, Greer LG, Cunningham FG. Pregnancy and
lérance à l'HGPO). laboratory studies : a reference table for clinicians. Obstet Gynecol

Les complications chirurgicales sont rares 2009 ; 114(6) : 1326–31.
(déplacement de l'anneau gastrique, occlusion sur [13] González I, Rubio MA, Cordido F, Bretón I, Morales MJ, Vilarrasa N,
et  al. Maternal and perinatal outcomes after bariatric surgery  : a
hernie interne après court-circuit, complications Spanish multicenter study. Obes Surg 2015 ; 25(3) : 436–42.
biliaires) mais doivent systématiquement être [14] Rottenstreich A, Elchalal U, Kleinstern G, Beglaibter N, Khalaileh A,
évoquées devant des vomissements ou des dou- Elazary  R. Maternal and perinatal outcomes after laparoscopic
leurs abdominales. sleeve gastrectomy. Obstet Gynecol 2018 ; 131(3) : 451–6.
[15] Chevrot  A, Lesage  N, Msika  S, Mandelbrot  L. Digestive surgical
complications during pregnancy following bariatric surgery  :
Experience of a center for perinatology and obesity. J Gynecol
Obstet Biol Reprod 2016 ; 45(4) : 372–9.
Références [16] Ritz P, Hanaire H. Post-bypass hypoglycaemia : a review of current
findings. Diabetes Metab 2011 ; 37(4) : 274–81.
[1] Kalliala  I, Markozannes  G, Gunter  MJ, Paraskevaidis  E, Gabra  H, [17] Thereaux  J, Lesuffleur  T, Czernichow  S, Basdevant  A, Msika  S,
Mitra  A, et  al. Obesity and gynaecological and obstetric condi- Nocca D, et al. Association between bariatric surgery and rates of
tions : umbrella review of the literature. BMJ 2017 ; 359 : j4511. continuation, discontinuation, or initiation of antidiabetes treat-
[2] Skubleny D, Switzer NJ, Gill RS, Dykstra M, Shi X, Sagle MA, et al. ment 6 years later. JAMA Surg 2018 ; 153(6) : 526–33.
The impact of Bariatric surgery on polycystic ovary syndrome  : [18] Cosson E, Pigeyre M, Ritz P. Diagnosis and management of patients
a systematic review and meta-analysis. Obes Surg 2016 ; 26(1)  : with significantly abnormal glycaemic profiles during pregnancy
169–76. after bariatric surgery  : PRESAGE (Pregnancy with significantly
[3] Société française d'endocrinologie. Contraception hormonale chez abnormal glycaemic exposure — bariatric patients). Diabetes
la femme à risque vasculaire et métabolique ; 2010. Metab 2017 ; 44(4) : 376–9.

180
Chapitre 17
Complications tardives
et suivi – État actuel
et possibilités d'amélioration
Jérémie Thereaux

PLAN DU C HAPITRE
Suivi à moyen et long terme
selon les recommandations françaises 182
Complications chirurgicales 182
Complications psychiatriques 185
État du suivi en France 186

Chirurgie bariatrique
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IV. Évaluation postopératoire

Depuis maintenant plus de 15 ans, la chirurgie bariatrique


se développe dans le monde et en France en particulier. ENCADRÉ 17.1 Objectifs de la
Avec plus de 50 000 procédures par an, la France est actuel-
lement le 3e  pays en volume dans le monde, derrière les
surveillance après chirurgie
États-Unis et le Brésil. En Europe, il s'agit du 1er pays devant bariatrique issus des
l'Allemagne et le Royaume-Uni. Plusieurs raisons peuvent recommandations de l'HAS [4]
expliquer l'attraction pour la chirurgie bariatrique  : de
nombreuses études de hauts niveaux de preuves, dont des • Évaluer la perte de poids et sa cinétique
études randomisées, ont prouvé sa supériorité en termes • Surveiller les comorbidités (diabète de type 2, HTA, dys-
lipidémie, syndrome d'apnée du sommeil, etc.)
de perte de poids sur le long terme [1], d'amélioration de
certaines comorbidités [2] et, plus globalement, de diminu-
• Surveillance du risque d'addiction – dépression –
troubles comportements alimentaires
tion du risque de mortalité sur le long terme toutes causes • Répétition des conseils diététiques
confondues dont la mortalité cardiovasculaire [3]. • Surveillance clinique : complications digestives, dénutri-
Cette amélioration de l'état de santé du patient obèse tion, carence vitaminique (signes d'atteinte neurologique)
prouvée sur le long terme ne doit pas occulter le fait que l'obé- • Dosages biologiques (3 et 6  mois après l'intervention,
sité est aussi une maladie chronique, que les patients aient puis au moins annuellement)  : albumine, préalbumine,
été opérés ou non d'une chirurgie bariatrique. Les risques de hémoglobine, ferritine, coefficient de saturation en fer de
la transferrine, calcémie, vitamine D, PTH, vitamines A, B1,
reprise de poids, de complications chroniques et à long terme
B9, B12, zinc et sélénium
de cette chirurgie, souvent irréversibles, doivent être connus
de tout praticien pouvant prendre en charge un patient
• Adaptation des posologies des traitements en cours
(chirurgie malabsorptive)
anciennement opéré  : chirurgiens digestifs, nutritionnistes/
endocrinologues et psychiatres mais aussi urgentistes, gastro-
entérologues et, au premier plan, médecins généralistes. doit être mené à un rythme annuel en y associant obliga-
Les complications tardives ou chroniques de la chirurgie toirement un bilan biologique vitaminique et nutritionnel.
bariatrique peuvent se résumer à trois grandes parties : les
complications chirurgicales, les complications nutrition-
nelles et les complications psychiatriques. Ces complica- Complications chirurgicales
tions doivent être dépistées précocement et prévenues par
un suivi obligatoire, idéalement à vie tel que préconisé par Reflux gastro-œsophagien
les recommandations françaises de la Haute autorité de
santé en 2009 [4]. Enfin, la France compterait déjà plus de Avec plus de 30 000 procédures réalisées annuellement, la
500 000 patients opérés toutes années confondues selon les gastrectomie longitudinale (GL) est l'intervention la plus
projections de l'assurance maladie [5]. pratiquée en France [6], largement devant le court-circuit
gastrique (CCG) et l'anneau gastrique ajustable (AGA).
Cet engouement est lié à un profil de morbimortalité
Suivi à moyen et long terme actuel très faible [7], à une simplicité de réalisation et à des
résultats sur le moyen terme semblant équivalents à ceux
selon les recommandations du CCG sur la perte de poids mais qui paraissent moins
françaises bons sur la rémission du diabète [8]. Cependant, depuis de
nombreuses années, le risque de voir apparaître un reflux
Les modalités de la prise en charge postopératoire après gastro-œsophagien (RGO) en postopératoire d'une GL
chirurgie bariatrique sont clairement définies par les chez des patients sans RGO initialement a été largement
recommandations de l'HAS [4]. Les objectifs sont multiples décrit [9]. Ce risque de RGO de novo apparaît rapidement
et détaillés dans l'encadré 17.1. Les points les plus impor- après la chirurgie. Ainsi dans une étude française portant
tants sont l'évaluation de la perte de poids et l'évolution sur plus de 50  patients opérés d'une GL ayant bénéficié
d'éventuelles comorbidités, la recherche de complications d'une pH-métrie en préopératoire et à 6 mois postopéra-
nutritionnelles, psychiatriques et chirurgicales. toires, 69 % des patients voyaient développer un RGO de
Ce suivi doit être entrepris à vie et, idéalement, mené par novo pH-métrique [9]. Ces données sont confirmées sur le
l'équipe multidisciplinaire ayant posé l'indication opératoire long terme, puisque dans une étude italienne récente avec
initiale. Après avoir exclu les 2  premières années, ce suivi un suivi moyen de plus de 4 ans, 60 % des patients opérés
182
17. Complications tardives et suivi – État actuel et possibilités d'amélioration

d'une GL présentaient une œsophagite érosive en endosco- être discutée chez les patients ayant une lithiase vésiculaire
pie et 13 % un endobrachyœsophage avec métaplasie [10]. (symptomatique ou non) diagnostiqué en préopératoire [4].
Ces données posent question puisqu'il est établi depuis
longtemps qu'il existe un lien entre RGO, métaplasie et
risque d'adénocarcinome de la jonction œsogastrique avec
Ulcère anastomotique
un risque annuel estimé de dégénérescence de 0,12  % en L'ulcère de l'anastomose gastrojéjunale (ou ulcère marginal)
cas d'endobrachyœsophage [11]. Ce risque est théorique est une complication chronique et fréquente après CCG en Y.
car actuellement aucune étude n'a permis d'établir de façon Il peut siéger sur l'anastomose ou sur la muqueuse intestinale
certaine un lien entre GL et surrisque de cancer de la jonc- juste en aval de l'anastomose. Dans une étude américaine por-
tion œsogastrique. Cependant, il paraît indispensable que les tant sur une base médico-administrative, l'incidence cumulée
patients candidats à une GL soient informés de ce risque de d'ulcères marginaux était calculée à 3,9 % sur 4 ans, sur une
RGO de novo. Les modalités et le rythme de la surveillance, en cohorte de plus de 250 000 patients opérés d'un CCG [19].
particulier par fibroscopie de contrôle, doivent être définis. La Le profil clinique d'un tel ulcère est large, allant de la décou-
prescription d'inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) au long verte fortuite asymptomatique aux formes compliquées
cours chez des patients dépendants pose aussi la question de (hémorragie, perforation) ou à des douleurs épigastriques.
l'innocuité d'un tel traitement sur le long terme [12]. Son diagnostic repose sur une fibroscopie haute associée à
En cas de RGO invalidant, un bilan complet radiologique des biopsies. Dans une autre étude, l'incidence cumulée des
(transit œsogastroduodénal, voire tomodensitométrie formes perforées était évaluée à 0,83 % sur 4 ans sans varia-
[TDM] avec volumétrie gastrique) et endoscopique (fibros- tion au cours du temps, traduisant le caractère relativement
copie haute, pH-métrie des 24 heures et manométrie) doit fréquent, grave et imprévisible d'un tel évènement [20]. Les
être réalisé afin d'authentifier : causes avancées dans la littérature sont [19] :

le reflux acide et sa sévérité (œsophagite, endobrachy­ ●
le caractère ulcérogène d'une anastomose gastrojéjunale
œsophage) ; sur une anse en Y (pas de tamponnement par la bile) ;

la présence d'une hernie hiatale éventuelle ; ●
la présence de corps étrangers comme des agrafes, au

la présence de troubles moteurs œsophagiens et de la sein de l'anastomose ;
jonction œsogastrique. ●
l'ischémie chronique locale en lien avec une anastomose
Ainsi, dans 6 à 10 % des cas [8, 13], la conversion en court- en tension ;
circuit gastrique en Y s'impose, permettant un arrêt du trai- ●
et enfin la prise d'AINS (anti-inflammatoires non stéroï-
tement par IPP dans près de 80 % des cas à court terme [14]. diens) au long cours.
Un tabagisme actif et une infection à Helicobacter pylori (HP)
Lithiase vésiculaire (non éradiquée en préopératoire) sont aussi des facteurs de
risque contrôlables largement retrouvés dans la littérature [19].
Le risque de lithiase vésiculaire après un amaigrissement La prévention de l'ulcère repose sur l'arrêt du tabagisme,
important, quelle qu'en soit l'origine (médicale ou chirurgi- sur l'éradication d'HP et sur l'arrêt des AINS si possible. Il est à
cale), est connu depuis longtemps [15]. La cause évoquée noter qu'aucune technique d'anastomose (linéaire, manuelle
serait la sursaturation en cholestérol secondaire à la perte de ou circulaire mécanique) n'a démontré sa supériorité concer-
poids. Ainsi, le risque estimé de voir apparaître une telle com- nant ce risque [21]. Plusieurs études rétrospectives ont
plication à distance d'une chirurgie bariatrique se situe autour retrouvé un bénéfice à la mise sous IPP systématique, avec un
de 30 % que ce soit après CCG [16] ou GL [17]. Le bénéfice gain ajouté à ouvrir les gélules [22, 23]. Cependant, aucune
d'une mise sous acide ursodésoxycholique a été largement recommandation de dose ni de durée n'est possible au vu
démontré dans des méta-analyses d'essais randomisés [18]. de la littérature concernant la meilleure prophylaxie médica-
Ces résultats sont confirmés par une étude prospective fran- menteuse vis-à-vis de ce type de complication.
çaise récente où le taux de lithiase vésiculaire de novo visible
en échographie chute à moins de 5 % chez des patients sous
acide ursodésoxycholique en postopératoire [16]. Occlusion intestinale – Douleur
Ainsi, la meilleure prévention repose sur la mise sous acide abdominale chronique
ursodésoxycholique pendant 6 mois en postopératoire à la
dose de 600 mg/j chez les patients non cholécystectomisés. Les occlusions postopératoires sont des complications
La cholécystectomie prophylactique pendant l'acte de chirur- graves après CCG. En effet, le caractère exclu de l'estomac et
gie bariatrique ne peut être recommandée en routine et peut le caractère proximal de l'occlusion modifient toute analyse
183
IV. Évaluation postopératoire

s­émiologique classique. L'absence de vomissements et un dence cumulée sur plus de 3  ans de réinterventions pour
transit souvent conservé sont autant de causes à un retard occlusion a été évaluée autour de 5,5  % dans le bras des
diagnostique. Aux formes aiguës avec douleurs abdominales patients ne bénéficiant pas de fermeture de brèche compa-
brutales et incoercibles associées rapidement à une dégrada- rée à 1,0 % pour les patients bénéficiant d'une fermeture de
tion clinique du patient, il faut associer les formes chroniques brèche [24]. Il est à noter, dans cette étude, que les patients
douloureuses, souvent postprandiales et invalidantes, qui sont étaient tous opérés d'un CCG en Y avec un montage préco-
des motifs fréquents de consultation en chirurgie bariatrique. lique et une fermeture de brèche réalisée par un surjet de fil
La cause la plus fréquente d'occlusion intestinale après non résorbable.
CCG est la hernie interne sur une brèche liée directement Cette étude montre qu'il faut donc fermer les brèches
au montage. En fonction du mode d'ascension de l'anse ali- après CCG, malgré l'augmentation rapportée du risque de
mentaire (transmésocolique ou précolique), deux ou trois complications durant la phase d'apprentissage, en particu-
brèches peuvent être responsables d'une telle complication. lier par « capotage » de l'anastomose au pied de l'anse liée à
Si la brèche de Petersen et la brèche intermésentérique sont une fermeture trop serrée de la brèche transmésentérique.
communes à tous les CCG en Y, seule la brèche transméso- L'apparition d'une douleur abdominale aiguë, chronique
colique est associée au montage transmésocolique (fig. 17.1). ou intermittente est un motif fréquent de consultation et
La meilleure prévention d'une occlusion sur hernie d'hospitalisation après CCG auquel tout chirurgien baria-
interne repose sur la fermeture des brèches lors de la chirur- trique est confronté. Dans une étude américaine récente, le
gie initiale. Dans une grande étude randomisée suédoise taux d'admission pour douleurs abdominales (après exclu-
comparant fermeture ou non des brèches après CCG, l'inci- sion des 30 premiers jours postopératoires et des occlusions)

Fig. 17.1
Les trois brèches mésentériques post-court-circuit gastrique en Y à risque de hernie interne.
a. Brèche transmésocolique (anse alimentaire ascensionnée en transmésocolique). b. Brèche de Petersen. c. Brèche transmésentérique.
D'après Chevallier JM. Techniques des bypass gastric pour obésité. EMC – Traité de technique chirurgicale – Appareil digestif ; 2010. Dessin : Cyrille Martinet.

184
17. Complications tardives et suivi – État actuel et possibilités d'amélioration

a été évalué à 15 % avec un recul médian de plus de 4 ans, lar- bli dans la littérature mais le bénéfice d'une telle chirurgie
gement supérieur au taux avant la chirurgie bariatrique [25]. sur une dépression semble admis [30]. Ainsi, dans les diffé-
En plus d'un interrogatoire poussé, le bilan morphologique rentes études publiées à ce sujet, le taux de rémission d'une
repose sur une fibroscopie haute à la recherche d'un ulcère mar- dépression oscillait entre 8 et 74 %, associé aussi à une dimi-
ginal, une échographie abdominale à la recherche d'une lithiase nution des symptômes avec, comme souvent dans la litté-
vésiculaire. Enfin, un scanner abdominopelvien injecté et idéa- rature scientifique, un recul faible [30]. Cette amélioration
lement opacifié à la recherche d'une hernie interne doit être pourrait être la conséquence d'une amélioration de l'estime
réalisé malgré une sensibilité faible [26]. Ainsi, 40 % des patients de soi et d'une meilleure intégration sociale. Cependant
opérés d'un CCG ont eu au moins une TDM abdominopel- une rechute dépressive peut aussi survenir dont les causes
vienne pour recherche d'étiologie de douleurs abdominales sont multiples : complications postopératoires graves, réin-
dans les 8 ans de suivi d'une étude récente [27]. La cœlioscopie tervention, rechute des complications de l'obésité comme
diagnostique reste le meilleur examen dans ce cadre, en parti- le diabète de type 2, déception face à une perte de poids
culier pour le diagnostic de hernie interne. Elle permet de traiter insatisfaisante ou une reprise de poids ; enfin, la malabsorp-
la hernie en fermant la brèche toujours par voie cœlioscopique. tion de certains psychotropes a été évoquée.
Avant toute cœlioscopie exploratrice post-CCG, il est conseillé L'augmentation des conduites suicidaires après chirur-
de connaître le montage réalisé précédemment. Cependant, en gie bariatrique est connue depuis de nombreuses années.
cas de négativité des examens préopératoires, la cœlioscopie ne Ainsi, le risque suicidaire est augmenté chez les patients
s'avère positive que dans 57 % des cas avec un taux similaire de opérés comparés à la population générale, avec des ratios
patients nécessitant un traitement médical au long cours pour reportés oscillant entre 4,1 et 6,6 pour 10 000  personnes/
douleurs chroniques non étiquetées [28]. an dans une large méta-analyse [31] et une large étude
américaine de registre [32], comparés au risque de 1,1
À retenir pour 10 000  personnes/an dans la population générale.
Ce risque a été identifié comme maximal dans les 3  pre-

L'incidence des douleurs abdominales après mières années [32]. Par ailleurs, ce surrisque est toujours
CCG est élevée. significativement augmenté (+ 70  %) concernant le taux

Une lithiase vésiculaire, un ulcère marginal et de tentative de suicide comparé à un groupe de patients
une hernie interne en sont les grandes étiologies. obèses non opérés et sans antécédent psychiatrique [33].

La TDM abdominopelvienne possède une faible Enfin, parmi tous les facteurs prédictifs de risque identifiés
sensibilité concernant les hernies internes. (antécédent de troubles psychiatrique, alcoolisme, détresse

La cœlioscopie exploratoire est l'examen de liée à la restriction alimentaire, récidive des comorbidités,
référence à la recherche d'une hernie interne. mauvais résultat pondéral, etc.), un antécédent de tentative

L'absence de cause spécifique est très fréquente, de suicide avant la chirurgie semble être le plus important
pouvant justifier d'une prise en charge médicale [34]. Tous ces éléments doivent renforcer le message de la
spécifique. nécessité d'une évaluation psychologique en préopératoire
et la nécessité du suivi psychologique dans les années qui
suivent la chirurgie.
Complications psychiatriques
(cf. chapitre 3) Addiction
Dépression et tentative de suicide Le risque d'addiction en postopératoire a aussi été large-
ment rapporté dans la littérature. L'addiction à l'alcool est la
Il est clairement admis qu'il existe un lien bidirectionnel première addiction constatée. Dans l'étude du Longitudinal
entre dépression et obésité [29]. Ainsi, la population de Assessment for Bariatric Surgery (LABS), la prévalence d'une
patients éligibles à une chirurgie bariatrique est plus à risque telle addiction était stable entre le préopératoire et l'année
de présenter une dépression et des troubles du comporte- qui suivait [35]. En revanche, le taux augmentait de façon
ment alimentaire [30] avec des taux de prise d'antidépres- significative à partir de la 2e année pour atteindre 10 %. Les
seurs pouvant aller jusqu'à 22 % au niveau national [5]. Le facteurs de risque d'un tel comportement étaient : le sexe
lien entre moins bonne perte de poids en postopératoire masculin, le jeune âge, les conduites addictives préexis-
et présence d'une dépression n'est pas formellement éta- tantes et non traitées (alcool, tabac, drogues) [35].
185
IV. Évaluation postopératoire

Il a été démontré que les patients opérés d'un CCG avec les recommandations de l'HAS et 36 % une absence
étaient plus à risque de voir développer une addiction à de suivi, c'est-à-dire une absence de remboursement de
l'alcool, avec un risque d'hospitalisation pour alcoolisation consultations avec un spécialiste (chirurgien digestif, nutri-
aiguë doublé comparativement aux patients opérés d'une tionniste/endocrinologue), de supplémentations et de
chirurgie restrictive [35, 36]. De surcroît, ce risque ne semble dosages biologiques recommandés.
pas diminuer avec le temps. Dans l'étude SOS, le taux de Les facteurs de risque d'un mauvais suivi identifiés
patients ayant une consommation moyenne de 40 à 60 g étaient : le sexe masculin, l'âge jeune et le mauvais suivi à
pour les hommes et de 20 à 40 g chez les femmes passe 1 an préopératoire. Fait important, la précarité du patient
de moins de 1  % à plus de 7  % entre le préopératoire et n'était pas un facteur de risque en analyse multivariée.
la 10e année postopératoire [37]. Il a été démontré qu'un Plus précisément, à 5  ans, 15  % des patients avaient eu
patient opéré d'un CCG présentait un pic d'alcoolémie et une consultation avec un spécialiste, moins de 10  % des
un temps de clairance sanguine plus importants en compa- patients avaient annuellement une délivrance de supplé-
raison d'un groupe témoin, à prise d'alcool identique, ce qui mentation (fer ou calcium ou vitamine  D) ou de dosage
pourrait aussi favoriser la dépendance à l'alcool [38]. biologique correspondant. Enfin, moins de 1 % des patients
bénéficiaient d'hôpitaux de jour dédiés annuellement
[5]. Cependant, 85  % des patients avaient au moins une
État du suivi en France consultation par an avec leur médecin traitant, traduisant
l'attachement des patients au système de soins par le biais
Avec une cohorte de plus de 500 000  patients opérés en des médecins généralistes. Enfin, l'apparition de problèmes
cumulant les 20  dernières années, à un rythme annuel professionnels ou familiaux était aussi une cause de rupture
avoisinant les 50 000  patients actuellement, la possibilité de suivi [42].
d'un suivi crédible et efficace sur le long terme fait débat Le défaut de suivi est problématique à plus d'un titre. Il
en France. La sonnette d'alarme a été tirée récemment par empêche la surveillance de la perte pondérale et le dépis-
la CNAMTS (Caisse nationale de l'assurance maladie des tage précoce d'une reprise de poids anormale, la survenue
travailleurs salariés) [39], l'Académie de médecine [40] et d'une addiction ou d'une dépression, la reprise de troubles
l'Académie de chirurgie [41]. du comportement alimentaire, la survenue de carences
En France, 37 centres spécialisés de l'obésité (CSO) ont nutritionnelles, de complications d'ordre chirurgical (ulcère
été créés en 2012 et sont reconnus par les agences régio- anastomotique, reflux gastro-­œsophagien, etc.). De façon
nales de santé pour leur expertise et leur expérience dans la plus générale, cette difficulté de suivi se traduit aussi par
prise en charge des situations d'obésité les plus sévères. Ils un appauvrissement du niveau de preuve scientifique des
ont pour mission : publications dans ce domaine. Une analyse de la littérature

de prendre en charge toutes les situations d'obésité, a permis de conclure qu'en moyenne, les études étaient
notamment les plus complexes ; associées à plus de 30 % de perdus de vue [43].

de permettre un maillage de tous les acteurs de la prise Les recommandations HAS de 2009 et l'organisation
en charge de l'obésité  : structures sanitaires et sociales, du système de soins actuel concernant les patients obèses
professionnels médicaux et paramédicaux libéraux, asso- opérés ne permettent pas un suivi adéquat et à vie de tous
ciations de patients, professionnels de l'activité physique les patients opérés. L'organisation du parcours de soins pos-
adaptée ; topératoire est donc un enjeu majeur. Différents modèles

et de former les acteurs concernés par la prise en charge de suivi ont été mis en place dans différents pays :
de l'obésité afin d'assurer l'harmonisation des pratiques ●
un modèle centré et coordonné par l'équipe pluri­
dans le domaine. disciplinaire ;
Malgré le travail des CSO et la labellisation par les socié- ●
un modèle coordonné par le médecin généraliste en lien
tés savantes de certains centres, le suivi en France reste étroit avec l'équipe pluridisciplinaire ;
faible. Ainsi, un travail récent réalisé au sein de l'assurance ●
un modèle mixte.
maladie issu de la base de données du SNIIRAM (Système Quel que soit le modèle choisi, la formalisation du par-
national d'information interrégime de l'assurance maladie) cours et l'information du patient sur les modalités du suivi
permet de mieux comprendre l'importance du problème sont primordiales.
[5]. Sur la cohorte des patients opérés en 1re intention en Un des exemples les plus intéressants de prise en charge
2009, seuls 14  % présentaient à 5  ans un suivi en accord intégrée de ce type de patients est réalisé aux Pays-Bas. Il

186
17. Complications tardives et suivi – État actuel et possibilités d'amélioration

s'agit de cliniques de l'obésité qui ont seuls l'agrément pour évoqué par les sociétés savantes et aussi par les associa-
réaliser la prise en charge des personnes obèses. Le parcours tions de patients obèses. L'instauration d'un forfait de
de soins est extrêmement strict en préopératoire (6 consul- remboursement spécifique incluant les éléments mini-
tations minimum) et en postopératoire (plus de 28 hospita- maux de suivi (dosage biologique, consultations diverses,
lisations de jour les 2 premières années, puis annuellement) supplémentation, etc.) pourrait être une base de départ
leur permettant d'afficher des taux de perdus de vue très et aurait pour avantage de contrôler la consommation de
faibles à terme, autour de 10 %. Il est à noter aussi, dans cet soins et, par extrapolation, l'observance des patients à un
exemple, le caractère potentiellement coercitif de la prise protocole de suivi. Enfin, le contrôle des bonnes pratiques
en charge (risque de pénalités financières théoriques en doit être intensifié. L'implémentation des recommanda-
cas de défaut de suivi manifeste). Cet exemple européen, tions prenant en compte les données les plus récentes de
quoiqu'efficace, ne semble pas transposable en France du la littérature doit aussi être envisagée, avec en particulier
fait de l'organisation des soins et des volumes réalisés. la nécessité d'un suivi spécifique pour les patients décla-
Plusieurs pistes d'amélioration peuvent cependant être rant un RGO de novo après GL (place de la fibroscopie
évoquées. Le renforcement de l'information préopératoire de contrôle à définir). L'absence de prise en compte de
quant à l'utilité d'un suivi, idéalement à vie, semble indis- ces questions pourrait remettre en question la balance
pensable. La notion d'obésité – maladie chronique doit bénéfice/risque largement favorable quand les patients
être comprise par tous les patients candidats. L'appui des sont suivis. Une réflexion collective associant praticiens,
réseaux sociaux est une piste d'amélioration comme le sug- associations de patients, assureurs, autorités sanitaires
gère une étude sur les utilisateurs de Facebook [44] avec le et sociétés savantes est nécessaire. La formalisation d'un
risque évident de désinformation. Le renforcement du pro- parcours de soins est utile pour mieux intégrer et formali-
tocole de soins postopératoires peut s'aider des nouvelles ser cette prise en charge, en remettant le patient au cœur
technologies  : internet et applications pour smartphones du système de soins.
[45], SMS [46] pour le suivi du poids et le rappel de rendez-
vous et, enfin, objets connectés comme une balance [47].
Plus globalement, la « digitalisation » d'un tel suivi semble À retenir
nécessaire, idéalement à un niveau national, en lien entre ■
L'obésité est une maladie chronique.
les sociétés savantes et l'assurance maladie. Ce dossier per- ■
Les complications chroniques après chirurgie
sonnalisé qui intégrerait données cliniques, biologiques et
bariatrique sont fréquentes.
radiologiques aurait pour avantage de suivre le patient lors ■
Le suivi doit être poursuivi à vie.
de ses changements de domicile ou de praticiens, et d'évi- ■
Une douleur abdominale après CCG doit faire
ter les ruptures de suivi qui en découlent.
rechercher : lithiase vésiculaire, ulcère marginal et
L'étude de l'assurance maladie précédemment citée rap-
hernie interne.
pelle la place du médecin traitant comme pierre angulaire ■
Le risque d'addiction et de tentative de suicide
de la prise en charge médicale des assurés français [5]. Ces
doit être connu.
praticiens ont une connaissance précise de leurs patients ■
La formalisation d'une nouvelle organisation du
et en particulier du contexte psychologique et environne-
suivi en France est indispensable.
mental. Dans une étude française où plus de 200 médecins
traitants ont été interrogés, la grande majorité déclarait
manquer d'information concernant la prise en charge post- Références
chirurgie et se déclarait prête à participer de façon active
au suivi [48]. Leur formation doit donc être intensifiée. Leur [1] Courcoulas  AP, King  WC, Belle  SH, Berk  P, Flum  DR, Garcia  L,
et  al. Seven-year weight trajectories and health outcomes in the
place dans le parcours de soins doit être mieux précisée
Longitudinal Assessment of Bariatric Surgery (LABS) Study. JAMA
dans les recommandations nationales. Enfin, l'institution Surg 2018 ; 153(5) : 427–34.
d'un forfait de suivi par les assureurs permettrait de les [2] Thereaux  J, Lesuffleur  T, Czernichow  S, Basdevant  A, Msika  S,
conforter dans leurs prérogatives. Nocca D, et al. Association between bariatric surgery and rates of
Les autorités sanitaires et les assureurs ont aussi un rôle continuation, discontinuation, or initiation of antidiabetes treat-
ment 6 years later. JAMA Surg 2018 ; 153(6) : 526–33.
à jouer dans l'amélioration du suivi. Le remboursement [3] Adams  TD, Davidson  LE, Litwin  SE, Kolotkin  RL, LaMonte  MJ,
des supplémentations vitaminiques, des consultations de Pendleton RC, et al. Health benefits of gastric bypass surgery after
ville de diététicien ou de psychologue est régulièrement 6 years. JAMA 2012 ; 308(11) : 1122–31.

187
IV. Évaluation postopératoire

[4] Haute autorité de santé. Obésité : prise en charge chirurgicale chez [20] Altieri MS, Pryor A, Yang J, Yin D, Docimo S, Bates A, et al. The natu-
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