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A.U.

:2022-2023/ENSA Marrakech
CP1/Semestre2
Module: Techniques d'Expression et de Communication
Professeur: My AbdellahAIT M’BARK

Approches psychologiques des obstacles à lacommunication

1: l’écoute empathique de Carl Ransom Rogers

Rogers (08 janvier 1902–04 février 1987), s'interrogeant sur l'intérêt que porte un
psychothérapeute comme lui aux problèmes de la communication, souligne le rapport
étroit existant entre la psychothérapie et la communication.

Parle biais d’une relation spéciale entre le névrosé et le thérapeute, la psychothérapie


tend à rétablir, d'abord, la communication intérieure du névrosé avec lui-même puis,
logiquement, sa communication avec les autres. Le névrosé est une personne
inadaptée, émotionnellement, en difficulté, parce qu’il n’arrive plus à communiquer
avec lui-même. Par conséquent, sa communication avec les autres est, également,
perturbée. Une fois cette communication intérieure rétablie, avec l'aide du
psychothérapeute, la personne peut, à nouveau, aspirer à une communication libre
et efficace avec soi, ainsi qu'avec les autres.

Sans communication intérieure saine entre l'individu et lui-même, sa communication


extérieure, avec les autres, demeure affectée, négativement.

Inversement, une communication libre et efficace intra-individuelle (entre l'individu


et soi-même) et interindividuelle (entre l'individu et les autres) est toujours
thérapeutique. Autrement dit, cette communication libre et efficace intra et
interindividuelle fait toujours du bien à l'individu, lui procure un certain bien-être et
un certain épanouissement dans la vie.

Rogers, partant de son expérience en psychologie thérapeutique et en orientation,


énonce l'existence d'un obstacle de taille qui bloque la communication, à savoir la
tendance à évaluer, naturelle aux hommes, et propose un moyen très important pour
le surmonter: l’attention compréhensive.
1- Obstacle majeur: La tendance à évaluer

Les hommes ont une tendance naturelle à juger, à évaluer, à approuver ou à


désapprouver le point de vue des autres.

Quand une personne nous parle, notre attitude naturelle est d'être ou non d'accord
avec elle, d'être pour ou contre ce qu'elle nous dit. C'est une attitude de jugement.
Le jugement peut être positif ou négatif.

A titre d’exemple, nous dit-il, face à quelqu’un qui affirme: «je pense
qu’actuellement les Républicains font preuve de beaucoup de bon sens », il est fort
probable que nous porterons un jugement, que nous approuverons ou
désapprouverons sa proposition, voire que nous porterons un jugement sur sa
personne tel que : «il doit être conservateur » ou « c’est un homme convaincu ».

Nous jugeons, évaluons, apprécions les autres et les choses d’après notre propre
échelle de valeurs, d'après notre propre cadre de référence.

Cette tendance à évaluer l'autre, positivement ou négativement représente, pour


Rogers, le véritable obstacle à la communication.

La personne évaluée se sent, généralement, non comprise, ce qui peut lui être
douloureux. Elle préférerait, alors, arrêter l'échange, le fuir, ou ne s'y investir que
très superficiellement. Dans tous les cas, elle se sentirait frustrée de n'être pas
comprise à sa juste valeur.

Si la personne est sujette à une évaluation systématique et continuelle, elle


tomberait dans la névrose qui peut prendre différentes formes et sa communication
interne et externe en serait, sensiblement, affectée.

2- Moyen: L’attention compréhensive (ou l’écoute empathique)

L’obstacle ci-dessus peut être évité ou surmonté et une communication


authentique peut être établie et maintenue si, au lieu de juger l'autre
favorablement ou défavorablement, on l'écoute avec un souci de compréhension,
uniquement, et non de jugement.

Ecouter l’autre, c’est aller vers l'autre, se mettre à sa place (mais sans oublier
qu'on n'est pas cet autre) pour mieux voir l’idée exprimée par lui, son attitude
d’après son point de vue à lui, pour sentir ce que cela
représente pour lui, saisir sa dimension émotionnelle, saisir sa propre échelle de
valeurs. Faire l'effort d'écouter l’autre de cette façon, c’est libérer chez lui des forces
capables de le changer. En effet, en se sentant écouté et compris, et non jugé et
évalué, l'autre ira plus loin dans sa communication, mettra moins de limites, de
barrières et de refoulements dans son expression car il aurait su que quoiqu'il dise,
il sera respecté et compris et non jugé et évalué, favorablement ou
défavorablement.

En pratiquant une telle écoute, je suis à même de comprendre la haine qu’une


personne puisse porter à son père, à l’entreprise qui l’emploie…je peux comprendre
les raisons de sa crainte à l’égard de la folie, de la guerre…et je pourrais l’aider à
surmonter sa haine, sa peur, à tisser des liens plus harmonieux avec les personnes
et les situations qui lui inspirent ces émotions ou ces sentiments.

Au lieu de juger la personne pour sa haine à l'égard de son père, de l'entreprise,


pour sa crainte de la folie et de la guerre, attitude qui l'amènerait à se taire ou à
en dire moins ou à se révolter…, par l'écoute compréhensive, authentique,
respectueuse de sa façon de voir le monde, je pourrais l'encourager à en parler
sans restriction et, par la suite, à voir clair dans sa situation.

Tant que la personne refoule certaines composantes psychiques dans son


inconscient, tant qu'elle les écarte du domaine de l'attention et du conscient et les
éloigne du centre de décision, son mode de communication aussi bien avec soi
qu'avec les autres connaît des distorsions. La personne souffre ainsi autant à
l'intérieur d'elle-même que dans ses relations interpersonnelles.

Ecouter cette personne sans la juger dans le seul but de la comprendre est le
moyen capable de lui éviter un tel sort et de favoriser chez elle une communication
saine et efficace.

Certains croient pratiquer ce genre d'écoute et se plaignent de ne jamais obtenir


ces résultats. Peut-être alors, nous dit Rogers, que leur écoute n’est pas du tout
du type qu’il décrit.

Pour cela, il propose une petite expérience qui permettra à


chacun d’apprécier la qualité de son écoute et de sa
compréhension: la prochaine fois que vous entamez une
discussion avec votre femme, votre mari, un ami ou un petit
groupe d’amis, avant de présenter votre point de vue, reprenez,
d'abord, le plus fidèlement possible, les idées et les sentiments
de l’autre tels qu'il vous les a exprimés, reformulez-les et
soumettez-les à sa validation. Si l'autre valide votre
compréhension, alors seulement, si vous le souhaitez et si vous y
tenez, réellement, vous pouvez exprimer et présenter votre point
de vue, l'autre serait plus disposé à vous écouter, à son tour.
Par contre, si l'autre conteste votre compréhension, vous aurez alors intérêt à
revoir votre écoute et il serait vain, voire dangereux, de donner votre point de vue,
car l'autre vous résisterait et vous accorderait moins de crédit et de confiance.

Cela veut dire que, pour présenter votre point de vue, il vous faudra, d’abord, saisir
l’échelle de valeurs de votre interlocuteur. Vous n'avez pas forcément la même
échelle de valeurs que lui. On peut, à ce propos, prendre l'exemple d'un athée et
d'un croyant, d'un libéral et d'un communiste. Les priorités, l'ordre des valeurs,
sont différents de l'un à l'autre.

Exprimer son point de vue sans montrer à l'autre qu'on a compris sa position par
une écoute empathique et authentique peut mener à un dialogue de sourds.

En tentant cette expérience, a priori simple, vous vous rendrez compte de son
extrême difficulté.

Toutefois, si vous le faites, si vous comprenez le point de vue de l’autre de cette


façon, l’émotion, le sentiment et la crispation quittent la discussion pour céder la
place aux différences d’ordre rationnel et intelligible.

Ce moyen (l’écoute empathique) s’est révélé d’une très grande richesse, d'une très
grande fertilité en ce qu’il facilite la communication et renforce la relation.

Mais si tel est le cas, si l'écoute empathique a un tel pouvoir révolutionnaire, en


quelque sorte, pourquoi alors ce moyen n’est-il pas essayé et utilisé le plus souvent
et fréquemment entre les individus?

Pour trois raisons, nous dit Rogers:

a- Le manque de courage:

Si vous écoutez et comprenez vraiment une personne, de cette façon


décrite ci-dessus, si vous acceptez de vous introduire dans son monde
intérieur et de saisir sa propre perception de l’existence, sa propre façon
de voir le monde, sans aucun jugement, vous prenez le risque d’être
vous-même changé, de voir avec ses yeux, d’être influencé dans vos
attitudes ou dans votre personnalité. Ce risque d’être changé est l’un des
dangers les plus effrayants qu’il nous soit possible d’affronter. Si je
pénètre dans le monde intime d’un névrosé ou d’un psychopathe, qui me
garantirait de ne pas me perdre? Ne finirais-je pas par voir le monde
d’après leurs points de vue ? La plupart des hommes ne veulent pas
prendre ce risque, ils préfèrent évaluer, juger pour se protéger et écarter
tout risque de changement. Voilà pourquoi le courage est la première
condition requise pour pratiquer une telle écoute. Malheureusement, cette
qualité n’est pas toujours très répandue.

b- L’effervescence des émotions ou des sentiments:

Ce deuxième élément renforce la difficulté et menace la communication. Car, c’est


justement quand les émotions ou les sentiments sont plus forts qu’il devient plus
difficile de saisir l’échelle de valeurs ou le cadre de référence de l’autre personne
ou de l’autre groupe. Et c’est précisément à ce moment que l’écoute empathique
s’avère incontournable et plus précieuse si l’on veut établir et maintenir la
communication.

Rogers soutient que son expérience en psychothérapie l’autorise à déclarer


surmontable cet obstacle. En effet, une tierce personne, neutre, c’est-à-dire
capable de mettre de côté ses propres sentiments et jugements, peut être d’une
aide efficace si elle écoute avec compréhension chacune des deux parties, traduit,
clairement et sans parti pris, à chacune d'elles les positions de l'autre.Ce recours
à une tierce personne fonctionne bien dans les petits-groupes où s’affrontent des
attitudes contradictoires ou antagonistes.

Quand chacune des parties réalise qu’elle a été comprise, ses phrases, ses propos
deviennent moins exagérés et moins défensifs et finit par abandonner cette
attitude de :j’ai raison à 100% et vous avez tort à 100%.

L’influence d’un catalyseur, jouant le rôle d’intermédiaire, finit par rapprocher les
membres d’un groupe de la vérité objective impliquée dans la rencontre. Ainsi une
communication réciproque devient possible et il devient plus facile de trouver un
terrain d’entente au sein du petit- groupe.

c- La taille du groupe:

C'est un obstacle relatif à la taille du groupe. Jusqu’ici, nous dit Rogers,


l’expérience de l'écoute compréhensive n’a porté que sur de petits-
groupes en tête-à-tête, où règnent des tensions dues au travail, à la
religion ou aux différences raciales et sur des groupes réunis pour des
raisons thérapeutiques où se retrouvent beaucoup de tensions
personnelles. L’expérience, confirmée par une recherche limitée, montre
que cette approche (l’écoute compréhensive par l’intermédiaire d’une
tierce personne neutre) fonctionne bien dans des petits-groupes, conduit
à une meilleure communication, à une plus grande acceptation mutuelle
et à des attitudes plus positives et plus orientées vers la recherche d’une
solution, loin d’attitudes défensives, d’énoncés exagérés et de
comportements évaluatifs et critiques.

Peut-on généraliser cette expérience à des groupes plus importants (classes


sociales, nations…) ?

Confirmer la validité de cette solution empirique et l’adapter aux immenses


problèmes de communication à une plus grande échelle nécessite plus d’argent
pour plus de recherches et de créativité. Rogers regrette que les Etats investissent
moins d'argent dans les sciences humaines que dans la production d'une bombe
atomique, par exemple. C'est dire que les Etats ne se rendent pas compte de
l'importance capitale des sciences humaines.

Toutefois, Rogers demeure confiant et soutient que les connaissances acquises et


les expériences menées jusque-là, et quelles que soient leurs limites, permettent
d’imaginer ce que l’on pourrait faire même dans un groupe plus important, plus
large pour améliorer l’attention «avec» l’autre et diminuer le jugement « sur »
l’autre.
de facilitateur) et le patient (Rogers préfère l’appellation de client).
Au contraire, par l’échange, le facilitateur, démystifie son rôle dans la
Relation d’aide évitant ainsi de se donner un statut de supériorité ou de supervision.
Rogers cherche un rapport de pair à pair, un rapport à
structuration horizontale des rôles, pour une aide fraternelle et non
parentale.

L’écoute préconisée par Rogers exige une attention particulière et soutenue à


l’autre et un accompagnement capables de suivre pas à pas l’autre quand il essaye
d’exprimer et d’élucider ses problèmes intérieurs embrouillés et inquiétants.
Pour cela, quelques précautions s’imposent à l’écoutant pour éviter toute
crispation, résistance, impatience ou réactionalité qui corrompraient la qualité de
l’écoute et orienteraient le dialogue vers une suite de répliques mal à propos et
opposées au client: l’écoutant ne doit se laisser aller à aucun préjugé ni à aucune
anticipation, s’attachant seulement à ce que l’autre dit dans l'ici et le maintenant,
en progressant avec lui, en l’acceptant tel qu’il est.

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