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Traité de Sous la direction de

neurologie Jean-Marc Léger, Jean-Louis Mas

Accidents
vasculaires cérébraux
Thérapeutique
Coordinateurs : Jean-Louis Mas, Didier Leys
Collection Traité de Neurologie

Sous la direction de Julien Bogousslavsky, Jean-Marc Léger, Jean-Louis Mas

Affections démyélinisantes. Neuro-immunologie et clinique,


Andréas-J. Steck

Neurogénétique. Affections hérédo-dégénératives,


Alexis Brice, Daniel-F. Schorderet

Interprétation des troubles neurologiques,


Jean-Louis Mas, Jean-Marc Léger, Julien Bogousslavsky

Interprétation des examens complémentaires en neurologie,


Jean-Marc Léger

Pathologie médullaire,
Frédéric Dubas

Neuro-oncologie,
Jerzy Hildebrand

Neuro-infectiologie,
Christian Sindic

Démences,
Charles Duyckaerts, Florence Pasquier

Neuropathies périphériques. Polyneuropathies et mononeuropathies multiples (volumes 1 et 2),


Pierre Bouche, Jean-Marc Léger, Jean-MichelVallat

Migraine et céphalées,
Marie-Germaine Bousser,Anne Ducros, Hélène Massiou

Neuropathies périphériques. Les mononeuropathies (volume 3),


Pierre Bouche

Épilepsies,
Pierre Jallon

Sous la direction de Jean-Marc Léger, Jean-Louis Mas

Accidents vasculaires cérébraux,


Marie-Germaine Bousser, Jean-Louis Mas

Neurogénétique,
Christel Depienne, Cyril Goizet, Alexis Brice

Causes rares des maladies vasculaires cérébrales,


Sonia Alamowitch, KatayounVahedi, Emmanuel Touzé

Démences,
Bruno Dubois, Agnès Michon

Sclérose en plaques
Thibault Moreau, Renaud Du Pasquier

Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique


Jean-Louis Mas, Didier Leys

II /
DOIN ÉDITEURS
Éditions John Libbey Eurotext
127, avenue de la République
92120 Montrouge
e-mail : contact@jle.com
http://www.jle.com

John Libbey Eurotext Limited


34 Anyard Road, Cobham
Surrey KT11 2LA
United Kingdom

© John Libbey Eurotext, Paris, 2018

ISBN 978-2-7040-1583-2
ISSN 1296-4409

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l’éditeur a donné mandat pour le représenter auprès des utilisateurs.

Liste des auteurs


]
Lamine Abdennour, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université
Pierre-et-Marie-Curie, Paris

Sonia Alamowitch, Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris

Pierre Amarenco, Service de neurologie et Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, Hôpital
Bichat, Université Paris-Diderot, Sorbonne-Paris-Cité, Inserm LVTS 1148, Paris

Zahir Amoura, Service de médecine interne 2, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Achille Aouba, Service de médecine interne, CHU, Université Caen-Normandie, Caen

Caroline Arquizan, Département de neurologie, CHU, Montpellier ; Université Paris-Descartes, Paris ;


Inserm 894, Montpellier

Philippe Azouvi, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Raymond-Poincaré, Garches ;


Université de Versailles-Saint-Quentin

Mélanie Barbay, Service de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles (EA 4559), CHU
d’Amiens-Picardie ; Université Picardie Jules Verne, Amiens

Yannick Béjot, Unité de soins intensifs neurovasculaires et Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Wagih Ben Hassen, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-
Descartes, Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Valérie Biousse, Service d’ophtalmologie, neuro-ophtalmologie, Emory Eye Center, Emory University School
of Medicine, Atlanta, Georgia, États-Unis

Christelle Blanc-Labarre, Service de neurologie générale, vasculaire et dégénérative, Registre dijonnais des
AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Régis Bordet, Département de pharmacologie médicale, Faculté de médecine, Inserm U1171, Lille

Benjamin Bouamra, Unité de soins intensifs neurovasculaires, Département de neurologie, Réseau AVC
Franche-Comté, CHRU, Besançon

Marion Boulanger, Service de neurologie, CHU Caen Normandie, UNICAEN, Inserm U1237, Caen

Anne Boulin, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Grégoire Boulouis, Département de radiologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris ; Service


de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Inserm U894, Paris

Hubert de Boysson, Service de médecine interne, CHU, Université Caen-Normandie, Caen

Serge Bracard, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, CHRU, Université de Lorraine,


Inserm U947-IADI, Nancy

Damien Bresson, Service de neurochirurgie, CHU Henri-Mondor, Créteil

/V
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

David Calvet, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Département
hospitalo-universitaire (DHU) Neurovasc Sorbonne – Paris-Cité, Inserm U894, Paris

Catherine Cao, Département de neurochirurgie, CHU, Dijon

Hélène Cébula, Service de neurochirurgie, Hôpital de Hautepierre, CHRU, Strasbourg

Hugues Chabriat, Département de neurologie, Hôpital Lariboisière ; DHU NeuroVasc, Université Paris-7 Denis-
Diderot, Paris

Stéphane Chabrier, Service de médecine physique et de réadaptation pédiatrique, Centre national de référence
de l’AVC de l’enfant, CHU Saint-Étienne ; CIC1408 et Inserm U1090 Sainbiose, Saint-Étienne

James Charanton, Centre ressource francilien du traumatisme crânien, Pavillon Leriche, Paris

Gilles Chatellier, Unité d’épidémiologie et de recherche clinique, Hôpital européen Georges-Pompidou, CIC
Inserm 1418, Paris

Fleur Cohen Aubart, Service de médecine interne 2, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Stéphanie Condette-Auliac, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Arturo Consoli, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Charlotte Cordonnier, Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, CHRU, Inserm U1171, Troubles
cognitifs dégénératifs et vasculaires, Lille

Oguzhan Coskun, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Isabelle Crassard, Service de neurologie, Hôpital Lariboisière, Paris ; Agence régionale de santé, Paris

Sophie Crop, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière –


Charles-Foix, Paris

Vincent Degos, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université Pierre-


et-Marie-Curie, Paris

Benoît Delpont, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Christian Denier, Service de neurologie, Hôpital de Bicêtre, Faculté de médecine Paris-Sud, Le Kremin-Bicêtre ;
Université Paris-Saclay, Inserm U1195

Dominique Deplanque, Département de pharmacologie médicale, Faculté de médecine, Inserm U1171, Lille

Laurent Derex, Service de neurologie, Unité neurovasculaire, Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer,


Hospices civils de Lyon, Bron

Geneviève Derumeaux, Services de cardiologie et physiologie, Hôpital Henri-Mondor, Inserm U955, IMRB,
DHU A-TVB, Créteil

Olivier Detante, Unité neurovasculaire, CHU Grenoble Alpes, Inserm U1216, GIN, Grenoble

Federico di Maria, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Mickael Dinomais, Département de médecine physique et de réadaptation, Centre national de référence de


l’AVC de l’enfant, CHU, Centre Les Capucins, Université d’Angers, Faculté de santé, Angers

Chung-Hi Do, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université Pierre-


et-Marie-Curie, Paris

VI /
Liste des auteurs

Xavier Duval, Université Paris-7 – Denis-Diderot, Paris ; CIC Inserm 1425, Hôpital Bichat ; IAME UMR 1138

Frédéric Faugeras, Hôpital Henri-Mondor, UNV, UPEC, Créteil

José M. Ferro, Department of Neurosciences and Mental Health, Serviço de Neurologia, Centro Hospitalar
Lisboa Norte, and Instituto de Medicina Molecular, University of Lisbon, Lisbon, Portugal

Benoît Funalot, Département de génétique, Université Paris-Est-Créteil, Inserm U955, Institut Mondor
de recherche biomédicale, Créteil

Solène de Gaalon, Service de neurologie, CHU, Nantes

Damien Galanaud, Service de neuroradiologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Matthias Gawlitza, Service de neuroradiologie, Hôpital Maison-Blanche, Reims

Marie Girot, Clinique et service des urgences adultes, Pôle de l’urgence, CHRU, Lille

Maurice Giroud, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Olivier Godefroy, Service de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles (EA 4559), CHU
d’Amiens-Picardie, Université Picardie Jules-Verne, Amiens

Évelyne Guégan-Massardier, Service de neurologie, Hôpital Charles-Nicolle, CHU, Rouen

Benoît Guillon, Service de neurologie, CHU, Nantes

Rabih Hage, Service d’ophtalmologie, Hôpital Pierre-Zobda-Quitman, Fort-de-France

Marie Hervieu-Bègue, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne,
Dijon

Hassan Hosseini, Hôpital Henri-Mondor, UNV, UPEC, Créteil

Emmanuel Houdart, Service de neuroradiologie interventionnelle, Hôpital Lariboisière, Paris

Vincent Jachiet, Service de médecine interne 2, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Alice Jacquens, Département d’anesthésie-réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Université Pierre-


et-Marie-Curie, Paris

Sandrine Jégard, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière-


Charles-Foix, Paris

Isabelle Klein, Département d’imagerie diagnostique, Clinique Alleray-Labrouste, Paris

Manoëlle Kossorotoff, Service de neuropédiatrie, Centre national de référence de l’AVC de l’enfant, Hôpital
universitaire Necker-Enfants-Malades, Paris

Pierre Labauge, Service de neurologie, Hôpital Gui-de-Chauliac, Montpellier

Marc Antoine Labeyrie, Service de neuroradiologie interventionnelle, Hôpital Lariboisière, Paris

Catherine Lamy, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris ; Université Paris-Descartes, DHU
NeuroVasc Sorbonne-Paris-Cité, Inserm UMR S894, Paris

Vincent Larrue, Département de neurologie, Hôpital Pierre-Paul-Riquet, CHU, Inserm U1048, Toulouse

/ VII
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Philippa Lavallée, Service de neurologie et Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, Hôpital
Bichat, Paris ; Université Paris-Diderot, Sorbonne-Paris-Cité, Paris ; Inserm LVTS 1148, Paris

Jean-Paul Lejeune, Service de neurochirurgie, Hôpital Roger-Salengro, Lille ; Université de Lille, Inserm
UMR 1189, CHU de Lille

Didier Leys, Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, Hôpital Roger-Salengro, Lille ; Université
de Lille, Inserm UMR 1171, CHU de Lille

Jacques Luauté, Service de MPR, Hôpital Henri Gabrielle, Lyon ; équipe IMPACT, Inserm U1028, CNRS UMR
5292, Centre de recherche en neuroscience de Lyon (CRNL), plateforme mouvement et handicap, Lyon

Benjamin Maïer, Service de neuroradiologie interventionnelle, Fondation ophtalmologique A.-de-Rothschild,


Paris

Jean-Louis Mas, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris ; Université Paris-Descartes, DHU
NeuroVasc Sorbonne Paris-Cité, Inserm UMR S894, Paris

Mikael Mazighi, Service de neuroradiologie, Fondation Rothschild, Paris ; Service de neurologie, Hôpital
Lariboisière, Paris ; Université Denis-Diderot, Paris ; Inserm U1148, Laboratory for Vascular Translational Science
(LVTS), Hôpital Bichat, Paris

Jean-François Meder, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-


Descartes, Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Elisabeth Medeiros De Bustos, Unité de soins intensifs neurovasculaires, Département de neurologie, Réseau
AVC Franche-Comté, CHRU, Besançon

Patrick Mismetti, Pharmacologie clinique, Inserm U1059 Sainbiose, Université Jean-Monnet, CHU,
Saint-Étienne

Solène Moulin, Clinique neurologique, Unité neurovasculaire, CHRU, Strasbourg

Thierry Moulin, Unité de soins intensifs neurovasculaires, Département de neurologie, Réseau AVC
Franche-Comté, CHRU, Besançon

Charbel Mounayer, Service de neuroradiologie, CHU Dupuytren, Limoges

Klaus Mourier, Département de neurochirurgie, CHU, Dijon

Olivier Naggara, Département de radiologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris ;


Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Inserm U894,
IMABRAIN, Paris

Nathalie Nasr, Département de neurologie, Hôpital Pierre-Paul-Riquet, Toulouse ; Inserm U1048, CHU
de Toulouse

Jean-Philippe Neau, Service de neurologie, Unité neurovasculaire, CHU, Poitiers

Jean-Marc Olivot, Unité neurovasculaire, CHU Toulouse-Purpan, Toulouse

Élodie Ong, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Hospices
civils de Lyon, Bron

Catherine Oppenheim, Service de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes,


Inserm U894, Paris

VIII /
Liste des auteurs

Guy-Victor Osseby, Unité de soins intensifs neurovasculaires ; Unité de télé-AVC, CHU Dijon-Bourgogne, Dijon

Paola Palazzo, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, CHU, Poitiers

Jérémie Papassin, Unité neurovasculaire, Inserm U1216, CHU Grenoble Alpes, GIN, Grenoble

Thomas Papo, Service de médecine interne, Hôpital Bichat, Université Paris-Diderot, Paris

Jean-Luc Pasquié, Département de cardiologie, CHU, PhyMedExp Université Montpellier, Inserm, CNRS, Montpellier

Laurent Pierot, Service de neuroradiologie, Hôpital Maison-Blanche, Reims

Fredérique Poncet, GRC-UPMC no 18 Handicap Cognitif et Réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-


Salpêtrière-Charles-Foix, Paris

Pascale Pradat-Diehl, Service de médecine physique et de réadaptation, GRC-UPMC no 18 Handicap Cognitif


et Réadaptation, Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, Paris

François Proust, Service de neurochirurgie, Hôpital de Hautepierre, CHRU, Strasbourg

Louis Puybasset, Département d’anesthésie-réanimation, Université Pierre-et-Marie-Curie, Groupe hospitalier


Pitié-Salpêtrière, Paris

Victorine Quintaine, Service de médecine physique et de réadaptation, Groupement hospitalier Saint-Louis


– Lariboisière – Fernand-Widal, Université Paris-Diderot, UMR 8257 Paris-Descartes, Paris

Georges Rodesch, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Christine Rodriguez-Régent, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université


Paris-Descartes, Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Charlotte Rosso, Urgences cérébrovasculaires, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

Aymeric Rouchaud, Service de neuroradiologie, CHU Dupuytren, Limoges, France

Martine Roussel, Service de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles (EA 4559), CHU
d’Amiens-Picardie et Université Picardie – Jules-Verne, Amiens

Pierre Seners, Service de neurologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Inserm U894, Paris

Tarek Sharshar, Neuroréanimation, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes, Paris

Igor Sibon, Unité neurovasculaire, CHU, Bordeaux

Stanislas Smajda, Unité de neuroradiologie interventionnelle pédiatrique, Service de neuroradiologie inter-


ventionnelle, Fondation ophtalmologique A.-de-Rothschild, Paris ; Service de neuroradiologie diagnostique et
thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Sébastien Soize, Service de neuroradiologie, Hôpital Maison-Blanche, Reims

Julien Ternacle, Services de cardiologie et physiologie, Hôpital Henri-Mondor, Inserm U955, IMRB, DHU
A-TVB, Créteil

Serge Timsit, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, CHRU, Brest

Marie Tisserand, Service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Foch, Suresnes

Romain Tortuyaux, Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, CHRU, Inserm U1171, Troubles
cognitifs dégénératifs et vasculaires, Lille

/ IX
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Thomas Tourdias, Service de neuro-imagerie diagnostique et thérapeutique, Neurocentre Magendie, CHU,


Inserm U1215, Bordeaux

Emmanuel Touzé, Unité neurovasculaire, Service de neurologie, Université Normandie, UNICAEN, Inserm
U1237, Caen

Denis Trystram, Département de neuroradiologie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Université Paris-Descartes,


Inserm U894, IMABRAIN, Paris

Guillaume Turc, Service de neurologie, Hôpital Sainte-Anne, Paris ; Université Paris-Descartes, DHU Neuro-
Vasc Sorbonne Paris-Cité, Inserm UMR S894, Paris

Benoît Vivien, Service d’anesthésie-réanimation-Samu, Hôpital universitaire Necker-Enfants-malades, Samu


de Paris, Paris

Jean-Jacques Weiss, Centre ressource francilien du traumatisme crânien, Pavillon Leriche, Paris

Éric Wiel, Clinique et service des urgences adultes, Pôle de l’urgence, CHRU, Samu du Nord, Lille

France Woimant, Service de neurologie, Hôpital Lariboisière, Paris ; Agence régionale de santé, Paris

Alain Yelnik, Service de médecine physique et de réadaptation, Groupe hospitalier Saint-Louis – Lariboisière
– Fernand-Widal, Université Paris-Diderot, UMR 8257, Paris

X/

Préface
]

C
e livre, consacré entièrement à la thérapeutique des accidents vasculaires cérébraux
(AVC) et de leurs causes, a été rédigé sous la direction de deux éminents neurologues
vasculaires français, les Professeurs Jean-Louis Mas et Didier Leys. Il démontre s’il en
était besoin, que le nihilisme n’est plus acceptable dans la prise en charge des AVC et
décrit comment les stratégies thérapeutiques de phase aiguë améliorent le devenir des
patients en termes de mortalité et de handicap résiduel, et comment les mesures préventives
permettent de réduire l’incidence des AVC. Ces derniers restent néanmoins très fréquents, en raison
du vieillissement des populations et de l’augmentation du nombre des personnes âgées, qui sont
les plus touchées. En phase aiguë, il ne faut pas perdre de vue que la base de la prise en charge
est l’unité neurovasculaire qui, à elle seule, réduit la mortalité et augmente la proportion de patients
vivant à domicile sans dépendance un an après l’AVC, tant dans les infarctus cérébraux que dans
les hémorragies cérébrales. Cette prise en charge rapide en unité neurovasculaire est aussi le meil-
leur garant d’un accès rapide à l’arsenal thérapeutique disponible dans les infarctus cérébraux, avec
la thrombolyse, la thrombectomie, les antithrombotiques et l’hémicrâniectomie dans les infarctus
étendus. La thrombectomie a été un progrès majeur de ces dernières années amenant à réorganiser
la filière de prise en charge des patients. Les études récentes démontrent que certains patients,
sélectionnés sur la base de critères clinico-radiologiques, peuvent encore tirer bénéfice de techni-
ques de reperfusion au-delà de 6 h, nous obligeant à les prendre en charge comme des urgences
jusqu’à 24 h. Dans les hémorragies, l’unité neurovasculaire apporte le même bénéfice et permet
d’entreprendre au plus vite les mesures de correction d’un éventuel trouble de coagulation et de
contrôle de la pression artérielle, tout en identifiant précocement les rares malades relevant de la
chirurgie. La prévention a aussi fait des progrès importants avec un meilleur contrôle des facteurs
de risque vasculaire, de nouvelles stratégies antithrombotiques et le développement des techniques
endovasculaires. La prise en charge urgente des accidents ischémiques transitoires, qui sont le
meilleur signe avant-coureur d’un infarctus cérébral, est un exemple de l’efficacité des mesures de
prévention secondaire.
Cet ouvrage est un guide précieux pour tous les praticiens impliqués dans la prise en charge des
patients présentant un AVC, car il met en lumière comment prendre au mieux les décisions face
à une situation clinique donnée, que ce soit en phase aiguë ou en prévention, y compris dans des
sous-groupes particuliers de patients ou dans des pathologies rares.

Valeria CASO, MD, PhD, FESO


Présidente de l’European Stroke Organisation

/ XI

Sommaire
]
Liste des auteurs V

Préface XI

Partie 1 ] Organisation de la prise en charge

Chapitre 1/ Filières de prise en charge


France Woimant, Isabelle Crassard 3

Chapitre 2/ Prise en charge préhospitalière et admission 15


Guillaume Turc, Marie Girot, Benoît Vivien, Éric Wiel

Chapitre 3/ Unités neurovasculaires 31


Frédéric Faugeras, Paola Palazzo, Hassan Hosseini, Jean-Philippe Neau,
Serge Timsit

Chapitre 4/ Télémédecine et accident vasculaire cérébral 43


Marie Hervieu-Bègue, Elisabeth Medeiros De Bustos, Benjamin Bouamra,
Benoît Delpont, Guy-Victor Osseby, Maurice Giroud, Yannick Béjot,
Thierry Moulin

Partie 2 ] Phase aiguë

Chapitre 5/ Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques 53


Dominique Deplanque, Régis Bordet

Chapitre 6/ Imagerie de l’infarctus cérébral aigu 65


Thomas Tourdias, Grégoire Boulouis, Catherine Oppenheim

Chapitre 7/ Imagerie de l’hémorragie cérébrale 75


Grégoire Boulouis, Thomas Tourdias, Catherine Oppenheim

Chapitre 8/ Thrombolyse intraveineuse 87


Charlotte Rosso, Igor Sibon, Jean-Marc Olivot

Chapitre 9/ Thrombectomie mécanique 111


Mikael Mazighi, Serge Bracard

Chapitre 10/ Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques 119


Pierre Seners, Benjamin Maïer

/ XIII
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Chapitre 11/ Infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne 131


Didier Leys, Jean-Paul Lejeune

Chapitre 12/ Traitement médical des hémorragies cérébrales 143


Romain Tortuyaux, Charlotte Cordonnier

Chapitre 13/ Traitement chirurgical des hémorragies cérébrales 153


Hélène Cébula, Guillaume Turc, François Proust

Chapitre 14/ Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes 165


Alice Jacquens, Lamine Abdennour, Chung-Hi Do,
Louis Puybasset, Tarek Sharshar, Vincent Degos

Chapitre 15/ Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus 181


Christine Rodriguez-Régent, Catherine Cao, Wagih Ben Hassen,
Grégoire Boulouis, Denis Trystram, Jean-François Meder, Klaus Mourier,
Olivier Naggara

Chapitre 16/ Traitement des thromboses veineuses cérébrales 195


Isabelle Crassard, José M. Ferro

Chapitre 17/ Complications neurologiques et générales à la phase aiguë 209


Didier Leys, Solène Moulin

Chapitre 18/ Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë


et de prévention secondaire 223
Marion Boulanger, David Calvet, Gilles Chatellier, Emmanuel Touzé

Partie 3 ] Prévention

Chapitre 19/ Facteurs de risque vasculaire modifiables 247


Yannick Béjot, Christelle Blanc-Labarre, Benoît Delpont, Maurice Giroud

Chapitre 20/ Pharmacologie des antithrombotiques 269


Patrick Mismetti

Chapitre 21/ Traitements antiplaquettaires 285


Jean-Louis Mas, Didier Leys

Chapitre 22/ Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes 299


Jean-Louis Mas, Guillaume Turc, David Calvet

Chapitre 23/ Athérosclérose intracrânienne 317


Mikael Mazighi, Nathalie Nasr, Isabelle Klein, Vincent Larrue

Chapitre 24/ Maladies des petites artères cérébrales 327


Hugues Chabriat

Chapitre 25/ Fibrillation atriale 341


Caroline Arquizan, Jean-Luc Pasquié, Jean-Louis Mas

Chapitre 26/ Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale) 361


Laurent Derex, Geneviève Derumeaux, Xavier Duval, Solène de Gaalon,
Benoît Guillon, Mikael Mazighi, Élodie Ong, Julien Ternacle,
sous la coordination de Jean-Louis Mas

XIV /
Sommaire

Chapitre 27/ Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus 383
Laurent Pierot, Matthias Gawlitza, Sébastien Soize

Chapitre 28/ Malformations artérioveineuses cérébrales 395


Aymeric Rouchaud, Damien Bresson, Charbel Mounayer, Mikael Mazighi

Chapitre 29/ Cavernomes et anomalies veineuses de développement 413


Christian Denier, Pierre Labauge

Chapitre 30/ Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes 427


Emmanuel Houdart, Marc Antoine Labeyrie

Chapitre 31/ Causes rares 439


Sonia Alamowitch, Zahir Amoura, Achille Aouba, Marion Boulanger,
Hubert de Boysson, David Calvet, Fleur Cohen Aubart, Benoît Funalot,
Damien Galanaud, Vincent Jachiet, Thomas Papo, sous la coordination
de Emmanuel Touzé

Chapitre 32/ Prise en charge des accidents ischémiques transitoires 459


Philippa Lavallée, Pierre Amarenco

Partie 4 ] Aspects particuliers

Chapitre 33/ Accidents vasculaires cérébraux chez la femme 475


Catherine Lamy, Évelyne Guégan-Massardier, Jean-Louis Mas

Chapitre 34/ Infarctus cérébral de l’enfant 495


Manoëlle Kossorotoff, Mickael Dinomais, Stéphane Chabrier

Chapitre 35/ Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant 511


Stanislas Smajda, Georges Rodesch

Chapitre 36/ Malformations vasculaires médullaires 531


Georges Rodesch, Arturo Consoli, Stanislas Smajda, Federico di Maria,
Oguzhan Coskun, Anne Boulin, Stéphanie Condette-Auliac, Marie Tisserand

Chapitre 37/ Ischémie oculaire 551


Rabih Hage, Valérie Biousse

Partie 5 ] Après l’AVC

Chapitre 38/ Rééducation de la motricité après un AVC récent 567


Victorine Quintaine, Alain Yelnik

Chapitre 39/ Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale 581


Christian Denier, Jacques Luauté, Philippe Azouvi

Chapitre 40/ Troubles cognitifs et dépressifs 597


Olivier Godefroy, Martine Roussel, Mélanie Barbay

/ XV
Accidents vasculaires cérébraux – Thérapeutique

Chapitre 41/ Crises épileptiques et épilepsie 609


Catherine Lamy

Chapitre 42/ Thérapie cellulaire 621


Olivier Detante, Jérémie Papassin

Chapitre 43/ Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral 633


Pascale Pradat-Diehl, Sophie Crop, Frédérique Poncet, Sandrine Jégard,
Jean-Jacques Weiss, James Charanton

XVI /

1

En raison de leur fréquence, de leur gravité et de leur coût, les accidents vasculaires cérébraux
(AVC) constituent un des problèmes de santé les plus préoccupants actuellement et pour les
prochaines décennies. L’organisation de leur parcours de santé est un véritable challenge qui ne
se conçoit que dans le cadre d’une filière coordonnée et animée intégrant prévention, soins
hospitaliers, retour et maintien au domicile. Il s’agit d’assurer la prise en charge d’une pathologie
à la fois extrêmement urgente et chronique, et qui touche tous les âges ; en effet, si l’âge moyen
est de 73 ans, l’AVC n’épargne pas les enfants. Aussi, la notion de soins intégrés au sein de
réseaux coordonnées sanitaires et sociaux se développe dans de nombreux pays, en France où
cette notion de parcours de santé est décrite dans le cadre du plan AVC 2010-2014, mais aussi,
et cette liste n’est pas exhaustive, aux Pays-Bas [1], en Allemagne [2], aux États-Unis (Caroline
du Nord [3] et Michigan [4]) ou au Canada [5].

L’AVC : une pathologie fréquente dont le nombre


de patients à prendre en charge ne cesse d’augmenter
En 2014, 141 652 personnes domiciliées en France ont fait l’objet d’au moins une hospitalisation
complète pour AVC (110 438) ou AIT (32 632). Entre 2008 et 2014, le nombre de patients
hospitalisés en France pour AVC ou AIT a augmenté de 13,7 % [6]. L’augmentation la plus
importante concerne les infarctus cérébraux, et en particulier chez les moins de 65 ans pour
lesquels les taux d’hospitalisation ont augmenté de 14,3 % durant la même période. L’augmen-
tation de l’incidence des accidents ischémiques chez les adultes jeunes a également été rapportée
dans le nord du Kentucky [7], au Danemark [8] et en Suède [9].

D’après les enquêtes déclaratives Handicap-Santé-Ménages (HSM) et Handicap-Santé-Institution


(HSI) 2008-2009, la prévalence de l’AVC en France peut être estimée à 1,2 % de la population
(1,3 % chez l’homme et 1,2 % chez la femme), 0,8 % gardant des séquelles. Le nombre de
personnes en France ayant été victimes d’un AVC était alors estimé à 771 000 [10].

/3
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

L’AVC : une pathologie urgente dont l’organisation


des soins à la phase aiguë influence grandement
le devenir des patients
L’admission des patients en unités neurovasculaires (UNV) doit être réalisée très rapidement,
puisque l’efficacité des traitements thrombolytiques et des techniques de revascularisation méca-
nique diminue avec le temps. La prise en charge en urgence des patients victimes d’AVC (infarctus
ou hémorragie) se justifie également par la nécessité de surveiller intensivement pendant les
premières heures les constantes hémodynamiques et l’évolution neurologique, 30 % des AVC
s’aggravent au cours des toutes premières heures, et seule une intervention rapide peut limiter
l’extension des lésions. La prévention des complications générales doit également être débutée
précocement. Une autre urgence est constituée par l’accident ischémique transitoire, dont, par
définition, les symptômes ont régressé lorsque le malade est examiné. Il s’agit d’une urgence de
prévention de récidives, certaines causes relevant d’un traitement urgent : endartérectomie voire
angioplastie carotidienne en cas de sténose carotide serrée, anticoagulants en cas d’embolie
d’origine cardiaque, antiplaquettaires en cas d’accident de cause artérielle (athérome, maladie
des petites artères). Dans les études, le risque de récidives le plus bas est observé lorsque le
traitement immédiat est réalisé dans une unité neurovasculaire [11].

Réduction de la mortalité grâce à la structuration


de l’ensemble de la filière de prise en charge
associée aux progrès thérapeutiques
Entre 2008 et 2013, le taux de mortalité par AVC a diminué de 13,1 % (31 000 décès par AVC
comptabilisés en 2013). Cette diminution concerne les deux sexes et toutes les tranches d’âge
sauf les femmes de 45 à 64 ans et les personnes de 85 ans et plus [12]. Toutefois, l’AVC demeure
la première cause de décès chez la femme, devant le cancer du sein, et la troisième chez les
hommes, derrière le cancer du poumon et les causes externes (accidents de transports, suicides)
[13]. D’importantes disparités régionales étaient observées en 2013, avec des taux élevés de
décès consécutifs à des AVC dans les régions ultramarines, les Hauts-de-France et la Bretagne,
et des taux bas en Île-de-France [14]. Celles-ci peuvent s’expliquer non seulement par des varia-
tions d’incidence des AVC, et de leur gravité, mais aussi par l’offre de soins et la qualité de la
prise en charge.

L’AVC : une pathologie sévère nécessitant


d’organiser la prise en charge des survivants
Deux tiers des personnes ayant été victimes d’AVC gardent des séquelles qui, une fois sur deux,
ne leur permettent pas de réaliser une activité de la vie courante, comme se laver, manger ou
s’habiller [10]. Les enquêtes HSM et HSI permettent de comparer les populations vivant en
France et présentant ou non un antécédent d’AVC ; le score de Rankin est supérieur à 2 chez
34,4 % des personnes ayant un antécédent d’AVC contre 3,9 % des personnes sans antécédent
d’AVC [15]. Ces enquêtes montrent également que parmi les personnes lourdement dépendantes,
avec un Rankin à 5, presque 25 % ont un antécédent d’AVC. Quant aux troubles cognitifs post-
AVC, ils sont observés chez environ 50 % des patients, et leur présence compromet l’autonomie

4/
Filières de prise en charge

fonctionnelle et le maintien au domicile. Ces quelques chiffres montrent la sévérité de l’AVC qui
reste la première cause de handicap acquis de l’adulte.

L’AVC est une pathologie coûteuse


Enfin, compte tenu du handicap chronique qu’il occasionne, l’AVC est actuellement une des
maladies les plus coûteuses. Le coût moyen pour les cas incidents est estimé à 16 686 e par
patient durant la première année. Celui des cas prévalents reste important, estimé à 8 099 e
par patient, ce coût variant avec l’importance des séquelles et du handicap [16].

Toutes les recommandations concernant la prise en charge des AVC publiées en France [17, 18],
en Europe [19] et aux États-Unis [20-22] rappellent qu’une amélioration du pronostic des AVC est
possible à condition que les soins soient organisés dans une filière spécialisée et structurée depuis
le lieu de survenue de l’accident jusqu’au retour au domicile. Cela implique d’une part la création
d’unités neurovasculaires et d’autre part l’organisation de toute la filière d’amont et d’aval. Le
concept d’UNV est apparu dans les années 1970, l’hypothèse étant qu’une prise en charge spéci-
fique en UNV pourrait améliorer le pronostic des patients victimes d’AVC, non seulement en
diminuant la mortalité, mais aussi en réduisant le handicap et le risque d’institutionnalisation. En
France, le plan d’actions national AVC (2010-2014) a encouragé et renforcé l’ensemble du parcours
depuis la prévention, la prise en charge à la phase aiguë et le retour au domicile [23]. Grâce à ce
plan, les Agences régionales de santé se sont mobilisées en lien avec les professionnels et les
patients pour créer les filières de soins et améliorer la coordination entre les acteurs.

Un parcours de santé des patients


qui débute par la prévention
La prévention reste la meilleure stratégie pour réduire l’incidence et les conséquences des AVC.
Le dépistage et le traitement des facteurs de risque sont les principaux éléments de cette pré-
vention de l’AVC et de l’ensemble des maladies vasculaires (maladie coronarienne, artériopathie
oblitérante des membres inférieurs, insuffisance rénale, etc.). Les actions de prévention concer-
nent tous les âges, depuis les enfants (actions dans les écoles) jusqu’aux personnes âgées et
doivent être multiculturelles pour s’adapter à tous. Les actions ciblées de prévention de l’AVC
peuvent être aidées par des actions d’éducation thérapeutique menées si possible en ambulatoire
(par exemple : sur l’hypertension artérielle, principal facteur de risque de l’AVC) ; ces actions
sont d’autant plus aisées à mettre en place, que proposées à proximité du domicile du patient.

La prise en charge préhospitalière


Il est démontré que plus la prise en charge est précoce en UNV, meilleur sera le pronostic
fonctionnel. Cela concerne également les patients non thrombolysés et non thrombectomisés.
La mise en place de cette filière de soins en aigu est proche de celle de l’infarctus du myocarde.

/5
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Mais les délais sont encore plus courts, avec en outre un passage obligatoire en radiologie pour
réaliser une exploration du parenchyme cérébral et des vaisseaux (par scanner ou résonnance
magnétique). De plus, quelques caractéristiques de la pathologie neurovasculaire compliquent
cette prise en charge rapide : le caractère indolore de la plupart des AVC, les troubles cognitifs
et moteurs de l’AVC et l’âge des patients AVC, vivant souvent seuls, d’où l’importance des
campagnes médiatiques d’information du grand public et des professionnels de santé. Leur
objectif est de permettre de reconnaître immédiatement les symptômes de l’AVC, de prendre
conscience de l’urgence à instituer un traitement pour déclencher, sans attendre, l’appel du
centre 15. Celui-ci coordonne les modalités de transport (véhicule médicalisé ou non, hélicoptère)
et d’admission dans les délais les plus brefs vers une structure hospitalière à même de prendre
en charge le patient, c’est-à-dire une structure identifiée dans la filière de soins. La prise en
charge dans des ambulances ayant une équipe médicale spécialisée et disposant d’un scanner
embarqué permettant une thrombolyse préhospitalière [24] est encore à évaluer en France. Elle
permettrait également de sélectionner les patients éligibles à la thrombectomie nécessitant une
admission directe dans les centres appropriés. Cette organisation sera à adapter dans chaque
territoire de santé en fonction des structures présentes.

Le parcours hospitalier des AVC


À la phase aiguë, où chaque minute compte, l’organisation de la prise en charge doit se faire
dans la proximité au sein des UNV. Celles-ci coordonnent la filière de soins avec les autres
services hospitaliers dont ceux des urgences, de radiologie, biologie, réanimation, cardiologie,
médecine physique et réadaptation, gériatrie, sans oublier les soins palliatifs et les coordinations
hospitalières de prélèvement d’organes ; des procédures entre ces différents services et l’unité
neuro-vasculaire doivent être définies.

En France, le nombre d’UNV a augmenté ces dernières années de 77 en 2009 à quasiment 140
en 2017. Parmi ces UNV, presque 40 (appelées UNV de recours) sont situées dans des établis-
sements disposant de services de neurochirurgie et de neuroradiologie interventionnelle et peu-
vent conformément aux décrets ministériels réaliser les actes de thrombectomie (décret
no 2007-366 du 19 mars 2007 relatif aux conditions d’implantation applicables aux activités
interventionnelles par voie endovasculaire en neuroradiologie). Il n’est pas envisageable
d’adresser tous les AVC dans ces centres dits de recours. Aussi, des algorithmes doivent être
élaborés, prenant en compte les résultats des différentes études cliniques, pour préciser quels
patients vont directement vers un centre de recours, quels patients vont vers un centre de
proximité. Bien sûr, tous ces centres doivent être reliés par la télémédecine. De plus, les UNV
ne sont pas toujours situées à moins de 30 minutes du lieu de survenue de l’AVC (Figure 1).
Aussi, la prise en charge initiale des AVC doit pouvoir être réalisée dans des établissements
disposant de services d’urgences, de personnels formés à l’AVC au sein des services d’urgences
et de radiologie, d’un plateau de neuro-imagerie disponible en urgence 24 h/24 et 7 j/7 et d’outils
de télémédecine adaptés [25]. Dans ces établissements disposant de services d’urgences mais
n’ayant pas d’UNV, le traitement initial est décidé par l’urgentiste et le neurologue après une
visioconsultation et transfert de la neuro-imagerie. Une fois le traitement initié, le patient est
transféré en UNV de proximité ou de recours.

Le taux de patients admis en UNV qui a presque doublé entre 2009 et 2015 passant de 25,9 %
[26] à 50 % en 2015 [27]. Ce chiffre atteint 55 % si on prend en compte les patients très graves
admis en réanimation dans les hôpitaux disposant d’UNV. Presque un patient sur deux en France
n’a toujours pas accès à une UNV ; ce chiffre est bien inférieur à celui d’autres pays européens
comme l’Angleterre (96 % en 2016) [28], la Suède (87 % en 2009) [29], l’Écosse (80 % en 2014)
[30] ou l’Allemagne (60 % aux débuts des années 2010) [31]. De plus, d’importantes disparités

6/
Filières de prise en charge

régionales existent en France en rapport avec la densité de neurologues et les capacités en lits
dans les UNV (Figure 2) ; le ratio national est de 3,5 lits pour 100 000 habitants ; il est bas dans
les régions Pays-de-Loire (1,7), Bourgogne - Franche-Comté (1,9), Provence - Alpes - Côte-d’Azur
(2,0) et même égal à 0 en Guyane et à Mayotte. Il est élevé dans les Hauts-de-France (5,5) [27].

FIGURE 1 Temps d’accès aux UNV en France (Source Atlas Santé – Mise à jour 2016).

L’accès aux soins de suite et réadaptation (SSR) en milieu hospitalier après un AVC est très
variable en fonction des pays. Dans le travail de Lynch et al. portant sur 14 pays, l’accès à la
réadaptation en milieu hospitalier varie de 13 % en Suède à 57 % en Israël. Les taux sont de
14,1 % en Corée, 15,1 % en Pologne, 18,5 % en Irlande, 21,5 % aux États-Unis, 30,5 % en Aus-
tralie, 31,5 % en Nouvelle-Zélande, 32,8 % en Suisse, 34 % en France, 40,8 % en Allemagne,
44,3 % au Danemark, 52 % en Italie, 55 % au Canada (Ontario) [32]. Ces différences s’expliquent
en partie par les possibilités d’accès aux prises en charge soutenues à domicile (early supported
discharge) et aux programmes de réadaptation organisés en ville, très variables en fonction des
pays. De plus, les recommandations diffèrent en fonction des pays ; si la majorité recommande
que tous les patients avec un AVC modéré ou sévère puissent avoir accès à la réadaptation en
milieu hospitalier, d’autres ne le recommandent que pour les patients ne pouvant pas regagner
leur domicile.

Pour que la prise en charge en SSR des AVC soit la plus performante possible, il faut que les
patients puissent être accueillis sans délai important, dans des services inclus dans la filière AVC
et situés dans la mesure du possible à proximité de leur domicile ou de celui de leur entourage ;
ces services doivent avoir une parfaite connaissance des ressources médico-sociales et sociales
locales, et permettre un retour au domicile appuyé si nécessaire sur une hospitalisation de jour.

/7
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

FIGURE 2 Taux de séjours AVC en filière UNV ou réanimation au sein d’établissements ayant
une UNV (Données PMSI – MCO 2015 – Diagnostics principaux I 61, I 63 et I 64).

En France, en 2015, 39 % des patients vivants à la fin de la prise en charge en aigu ont été
transférés en soins en soins de suite et de réadaptation : 16 % en SSR spécialisés pour les
affections du système nerveux, 9 % en SSR pour les affections de la personne âgée polypatho-
logique dépendante ou à risque de dépendance, 12 % en SSR polyvalents et 2 % dans d’autres
SSR spécialisés [33] ; le taux de patients transférés en SSR augmente avec la gravité de l’AVC
atteignant 88 % pour les AVC sévères. Des disparités régionales sont également observées pour
l’admission en SSR, avec des taux particulièrement faibles pour les résidents de Mayotte et de
la Guyane (6 et 12 %), contre 39 % à la Réunion et 49 % à la Guadeloupe. En métropole, les
taux les plus bas sont observés en Corse (33 %), Normandie (37 %), dans les Hauts-de-France
(37 %) et en Nouvelle-Aquitaine (38 %). Une admission initiale en UNV et un haut ratio de lits
de SSR neurologiques augmentent les chances d’être admis en SSR neurologiques [27].

8/
Filières de prise en charge

La prise en charge des AVC ne s’arrête pas à la sortie de l’hôpital, mais doit aussi prendre en compte
le retour et le maintien du patient au domicile ce qui amène à considérer la coordination ville-hôpital.
Le retour au domicile est un moment difficile pour le patient et son entourage, qui réalisent le
bouleversement qu’a entraîné l’AVC dans la vie quotidienne, dans la vie familiale et professionnelle.

De nombreux éléments vont conditionner le maintien au domicile des patients. Parmi eux :
■ le degré de handicap physique et cognitif ;
■ la survenue de complications ;
■ la participation de l’entourage ;
■ la formation des aidants ;
■ le soutien psychologique du patient et des différents intervenants.

Différents types de prise en charge


Prise en charge par des professionnels libéraux coordonnée
par le médecin traitant
Elle associe kinésithérapeutes et orthophonistes ayant une expérience dans le traitement des
affections neurologiques, infirmiers et services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour les
patients nécessitant des soins de toilette-nursing associés ou non à des soins infirmiers.

Hospitalisation de jour en SSR


La réinsertion au domicile et la poursuite de la rééducation peuvent être facilitée par une hos-
pitalisation de jour, que ce soit après le séjour en SSR ou en UNV. Elle permet une transition
entre l’hôpital conventionnel et le retour au domicile et une adaptation progressive du patient
à son handicap.

Équipes de soins au domicile coordonnées


par une équipe hospitalière
Une méta-analyse basée sur des données individuelles de 17 essais montre que les services per-
mettant une prise en charge précoce et coordonnée au domicile réduisent chez certains patients
AVC le risque de dépendance à long terme et d’institutionnalisation. Les résultats sont peu
concluants pour des services sans équipe pluridisciplinaire coordonnée [34]. Des expériences sont
menées en France dans ce domaine, par exemple une unité mobile d’évaluation et de suivi des
handicaps à Mulhouse, l’hospitalisation à domicile de réadaptation et de réinsertion en Île-de-
France. Le projet dominant de ces soins coordonnés de réadaptation au domicile est l’acquisition
ou l’amélioration de l’autonomie dans le milieu de vie habituel, en poursuivant la rééducation et
en assurant le transfert des acquis en situation de vie quotidienne. La coordination hospitalière
permet de mettre à disposition des patients, des professionnels de rééducation n’exerçant pas en
ville, tels les ergothérapeutes, les psychologues cliniciens ou neuropsychologues, ainsi que les assis-
tantes sociales ayant la pratique du handicap. De plus, elle permet de former les aidants, l’entourage
et le patient dans son lieu de vie. Il faut toutefois garder à l’esprit le risque potentiel d’une charge
psychologique excessive pour la famille et les soignants informels ou aidants.

/9
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Structures de soins de longue durée et les structures


médicosociales
Du fait de leur handicap, certains patients AVC ne pourront pas regagner leur domicile et doivent
être orientés vers des structures de soins de longue durée ou vers des établissements d’héber-
gement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), des maisons d’accueil spécialisées (MAS)
ou de foyers d’accueil médicalisés (FAM).

Nécessité d’un travail interdisciplinaire concerté


et coordonné entre sanitaire et médicosocial
pour le retour au domicile
Une coopération est donc nécessaire entre les professionnels de soins et d’accompagnement [35] :
■ professionnels de santé libéraux (médecin généraliste, neurologue, infirmier, kinésithéra-
peute, orthophoniste, ergothérapeute, psychologue, assistante sociale, etc.) ;
■ professionnels de santé des centres experts ;
■ aidants et entourage ;
■ professionnels des structures et services pour personnes handicapées : services d’accom-
pagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), services d’accompagnement
à la vie sociale (SAVS), maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ;
■ professionnels des structures et services pour les personnes âgées dont les maisons pour
l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), les centres locaux d’information
et de coordination (CLIC), les équipes médico-sociales de l’allocation personnalisée d’auto-
nomie (APA) ;
■ professionnels des organismes compétents dans la réorganisation du domicile ;
■ sans oublier les associations de patients, dont France AVC, qui ont un rôle important à
jouer dans l’aide à la réinsertion au domicile ou au niveau professionnel.

La prévention des récidives neurovasculaires et de la survenue d’autres événements vasculaires


est intégrée à ces dispositifs de suivi. La mise en place des filières AVC en France a permis
d’améliorer cette prévention. Une étude réalisée à partir des bases médico-administratives du
SNIIR-AM, durant le premier semestre 2008 montrait que seulement 75 % des patients victimes
d’infarctus cérébral achetaient un traitement antithrombotique [36]. En 2012, ce chiffre atteint
96 % [37]. En ce qui concerne les traitements antihypertenseurs, un mois après la sortie de
l’hôpital, ce sont 76 % des patients victimes d’infarctus cérébral qui ont au moins un rembour-
sement d’un médicament antihypertenseur, versus 59,4 % en 2008.

Les publications décrivant ce système intégré de soins post-AVC offrant à tout patient et à son
entourage (famille, aidants), des services d’évaluation, de suivi dans toutes ses composantes
sanitaires (médicales et non médicales) et sociale restent peu nombreuses [1, 5]. De plus, l’orga-
nisation des soins et leurs prises en charge financières varient beaucoup en fonction des pays.
En Angleterre, 49 % des patients victimes d’AVC quittent l’hôpital dans le cadre d’un programme
de rééducation avec une équipe de spécialistes incluant « Early support discharge » ou équipes
de rééducation multidisciplinaire [28].

10 /
Filières de prise en charge

Nouvelles organisations en France permettant


le maintien au domicile
Prado AVC
Ce programme d’accompagnement au retour à domicile pour les personnes atteintes d’AVC mis
en place par l’assurance maladie est en cours de déploiement. Ses objectifs sont de proposer à
la sortie de court séjour, une prise en charge en ville, coordonnée et pluridisciplinaire (médecin
traitant, spécialiste dont le neurologue, infirmière, kinésithérapeute, orthophoniste, aide à la
vie...) et un suivi médico-social.

Les équipes d’évaluation pour améliorer l’interface ville-hôpital


Les évaluations pluriprofessionnelles post-AVC hospitalières permettent de réaliser à distance
de l’accident une évaluation pluriprofessionnelle par une équipe spécialisée dans la pathologie
neurovasculaire et ce, en lien avec les professionnels libéraux. Les objectifs de cette évaluation
sont :
■ faire le point sur la maladie vasculaire, les facteurs de risque vasculaire et assurer la
meilleure prévention secondaire ;
■ réaliser un bilan physique et cognitif afin de définir un programme de suivi rééducatif
personnalisé ;
■ dépister les troubles de l’humeur (la dépression est très fréquente au décours de l’AVC) ;
■ déterminer les capacités de réinsertion sociale et professionnelle ;
■ apprécier la qualité de vie du patient, celle de l’entourage et voir si les aidants ont besoin
d’un soutien ;
■ proposer, si nécessaire, un programme d’éducation thérapeutique ;
■ informer sur les associations de patients.

Ces évaluations s’adressent donc à tous les patients, y compris ceux n’ayant pas ou peu de
séquelles afin de repérer des déficiences passées jusqu’alors inaperçues, mais pouvant être sources
de handicaps et d’une désadaptation professionnelle et/ou sociale.

Les équipes mobiles de soins de suite et réadaptation AVC réalisent des évaluations au domicile,
dans des situations où les difficultés rencontrées peuvent compromettre le maintien au domicile.
Elles sont composées de médecins, d’ergothérapeutes et d’assistantes sociales. Leurs missions
sont d’améliorer le maintien au domicile (évaluation des patients et des aidants), d’éviter des
hospitalisations inutiles ou de préparer si nécessaire les hospitalisations en prévoyant ensuite le
retour à domicile. Les évaluations sont réalisées en lien avec les professionnels libéraux et les
structures médico-sociales. Ces équipes interviennent également au sein des établissements
médico-sociaux.

/ 11
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

L’organisation des parcours de soins des patients victimes d’AVC doit également tenir compte :
■ de l’âge du patient. Pour un enfant, le parcours de soins ne sera pas le même si l’AVC
survient avant la naissance, au cours de premiers jours de vie, chez un enfant ou chez un
adolescent. Le suivi de ces enfants lorsqu’ils deviennent adultes est également à organiser.
Pour les personnes âgées, on estime qu’en 2020, environ 30 % des personnes hospitalisées,
en France, pour AVC auront plus de 85 ans ; les parcours doivent donc s’organiser en lien
avec les filières gériatriques ;
■ de la sévérité des AVC. L’organisation de la prise en charge des accidents ischémiques
transitoires (AIT) est bien différente de celle des AVC sévères. La prise en charge des AIT
doit s’appuyer sur les structures neurovasculaires existantes où sont présents les experts et
le plateau technique. Les explorations cérébrales, vasculaires, cardiaques doivent être réa-
lisées très rapidement pour débuter immédiatement le traitement de prévention. Pour les
AVC sévères admis initialement en réanimation, peuvent se discuter des décisions de limi-
tation de soins, de prélèvement d’organes (l’AVC est la cause principale de décès « en mort
encéphalique »), d’admissions en services de soins palliatifs, en services de rééducation post-
réanimation, en unités de soins de longue durée, en hébergements permanents ou tempo-
raires en structures médicosociales : maison d’accueil spécialisé (MAS), foyer d’accueil médi-
calisé (FAM), en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
La filière AVC doit donc inclure ces structures et assurer la formation de leurs personnels [38].

Les infirmières « coordinatrices » dans le parcours des AVC sont encore trop peu nombreuses
en France. Pourtant, leur rôle est primordial lors du retour au domicile des patients victimes
d’AVC. Leurs principales missions sont d’améliorer l’observance au traitement (médicamenteux
et de rééducation), d’apprendre aux patients et à leur entourage les symptômes évocateurs de
complications, qui lorsqu’elles surviennent, majorent encore le handicap. Ces infirmières appel-
lent les patients après leur retour au domicile et/ou participent à la consultation pluri-
professionnelles de suivi. Elles sont un lien entre les professionnels de ville et de l’hôpital [39].

En cohérence avec le plan AVC 2010-2014, les animateurs de filières AVC contribuent à construire
un parcours de santé de qualité pour les victimes d’AVC. Leurs principales missions sont de :
■ développer, animer et coordonner la filière AVC autour des UNV, afin d’assurer la conti-
nuité des soins, en améliorant les circuits hospitaliers et en organisant les liens avec la ville,
le secteur médico-social et les associations de patients ;
■ accroître la formation de l’ensemble des professionnels intervenant dans la filière ;
■ mener, sur chaque territoire, des actions d’information pour le grand public.

12 /
Filières de prise en charge

La prise en charge du patient atteint d’accident vasculaire cérébral ne se limite pas à l’hospita-
lisation en phase aiguë en unité neurovasculaire puis, si nécessaire, en service de soins de suite
et de réadaptation. C’est l’ensemble du parcours de santé du patient victime d’un AVC qu’il faut
organiser et planifier avec le malade, son entourage et de nombreux professionnels. Ce parcours
doit pouvoir s’organiser dans la proximité au mieux sur le territoire de santé. Structurer l’orga-
nisation territoriale de la prise en charge des AVC permet d’éviter des « ruptures » dans le
parcours de santé des personnes victimes d’AVC, ruptures qui se soldent trop souvent par une
hospitalisation en urgence dans un établissement peu adapté pour prendre en charge le problème.

L’augmentation du nombre de patients admis en UNV et la baisse de la létalité hospitalière ne


doivent cependant pas faire oublier que :
■ presque un patient sur deux en France n’était pas admis en UNV en 2015 ;
■ dans un contexte de vieillissement de la population, le nombre de patients victimes d’AVC
va continuer à augmenter ;
■ l’accès aux UNV et aux SSR neurologiques est très inégal en fonction des régions.

Les prises en charge coordonnées post-AVC offrant à tout patient et à son entourage (famille,
aidants), des services d’évaluation, de suivi dans toutes ses composantes sanitaires (médicales
et non médicales) et sociales se développent. De nouvelles organisations se mettent en place
au domicile ou en institution, dont l’enjeu est d’augmenter le nombre de patients admis dans
les filières post-AVC, en lien avec les professionnels libéraux, afin de réduire le handicap post-AVC
et d’améliorer la qualité de vie des patients et de leur entourage.

Sans oublier la prévention, qui reste la meilleure stratégie pour réduire le handicap lié aux AVC.

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Partie 1 – Organisation de la prise en charge

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14 /
2

En France, la prise en charge préhospitalière de patients pour suspicion d’accident vasculaire


cérébral (AVC) repose sur une régulation téléphonique médicale réalisée par le Samu-Centre 15,
permettant le déclenchement de la réponse la mieux adaptée à l’état du patient et son orien-
tation au sein d’une unité neurovasculaire (UNV). Les difficultés de cet exercice résident dans
la multiplicité des signes cliniques pouvant correspondre à un AVC et leur méconnaissance au
sein de la population générale [1, 2], la fréquence des diagnostics différentiels (stroke mimics)
[3], et la nécessité impérative de réduire au maximum les délais de prise en charge des patients
qui auront besoin d’un traitement de reperfusion (thrombolyse intraveineuse et/ou thrombec-
tomie mécanique) [4, 5]. En outre, la démonstration récente du bénéfice majeur de la throm-
bectomie chez des patients sélectionnés présentant un infarctus cérébral (IC) avec occlusion
artérielle proximale soulève les questions de l’évaluation préhospitalière de la probabilité d’une
occlusion proximale et de la stratégie d’orientation, vers l’UNV de proximité (drip and ship), ou
bien directement vers l’UNV de recours (mothership) [6, 7]. Enfin, l’anticipation de l’arrivée du
patient au sein de la structure hospitalière, préalablement prévenue par le médecin régulateur
du Samu, est un élément crucial pour la réduction du délai symptômes-reperfusion cérébrale [8].

Régulation téléphonique
Il est recommandé d’appeler le Samu-Centre 15 en cas de symptômes pouvant faire évoquer un
AVC, qui peuvent être identifiés par le patient ou ses proches en utilisant l’acronyme VITE
(« Visage paralysé, Inertie d’un membre, Trouble de la parole, En urgence appelez le 15 »), dérivé
de l’échelle anglo-saxonne FAST (« Face Arm Speech Time ») [9]. Cependant, une proportion
importante des suspicions d’AVC diagnostiquées à l’issue de la régulation correspond initialement
à un appel pour un autre motif. La prise d’appel est effectuée par un assistant de régulation
médicale qui doit considérer tout déficit neurologique brutal comme une urgence absolue et

/ 15
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

recueillir l’heure précise de survenue des symptômes, ou à défaut la dernière heure à laquelle le
patient a été vu dans son état habituel [10]. La recherche des 5 signes d’alerte suivants, proposés
par l’American Stroke Association [11], peut être réalisée par téléphone auprès du patient lui-
même ou de ses proches :
■ faiblesse ou engourdissement de la face, du bras et/ou de la jambe ;
■ perte de la vision unilatérale ou bilatérale ;
■ troubles de la compréhension ou du langage ;
■ perte de l’équilibre ou instabilité, si associée à l’un des signes précédents ;
■ céphalée intense d’installation brutale.

La confirmation de la suspicion diagnostique est effectuée téléphoniquement par le médecin


régulateur, selon une procédure standardisée qui comporte fréquemment un questionnaire et/ou
une échelle dédiés [10]. De nombreuses échelles visant à identifier l’AVC en préhospitalier ont
été proposées, sans qu’aucune ne soit universellement employée. Les échelles les plus couram-
ment utilisées sont : FAST, LAPSS (Los Angeles Prehospital Stroke Scale), CPSS (Cincinnati Pre-
hospital Stroke Scale) et ROSIER (Recognition of Stroke in the Emergency Room) [10]. Lors de la
régulation téléphonique, le choix d’une échelle ayant une sensibilité élevée est souhaitable, les
conséquences de la méconnaissance d’une suspicion d’AVC avec une indication de traitement
de reperfusion étant vraisemblablement plus graves que celles d’adresser un patient avec un
stroke mimic en alerte AVC à l’UNV la plus proche. Une revue systématique avec méta-analyse
de la sensibilité et de la spécificité de ces échelles pour l’identification des AVC en milieu urbain
suggère que les échelles LAPSS, CPSS et FAST ont toutes une sensibilité supérieure à 75 % [12].
Ces trois échelles comportent une évaluation succincte de la symétrie du visage, et de la force
musculaire des membres supérieurs, qui peuvent être appréciés téléphoniquement par l’inter-
médiaire d’une personne se trouvant avec le patient (Tableau I). Les échelles CPSS et FAST
comportent en outre une évaluation de la parole [9, 13]. Les données publiées ne permettent
pas de déterminer formellement qu’une de ces échelles présente une meilleure sensibilité que
les autres, et aucune échelle ne présente une sensibilité satisfaisante pour la détection des AVC
vertébro-basilaires [10]. L’échelle LAPSS est celle ayant été validée sur le plus grand nombre de
patients et présentant possiblement la spécificité la plus élevée, de l’ordre d’au moins 90 % [14,
15], en raison de l’existence de critères d’exclusion stringents, comme un âge inférieur à 45 ans,
l’absence d’histoire clinique de crise épileptique, et le fait d’être capable de marcher avant l’AVC
(Tableau I). Bien qu’ils aient une valeur prédictive importante [10], ces critères sont discutables
car leur application stricte peut entraîner un retard diagnostique pour des patients qui bénéfi-
cieraient d’un traitement de reperfusion en cas d’IC [16-18].

Outre les éléments diagnostiques, le médecin régulateur va rechercher rapidement de poten-


tielles contre-indications à la thrombolyse intraveineuse (prise d’un traitement anticoagulant,
chirurgie récente...) et à la réalisation d’une IRM cérébrale (pacemaker) ou d’un angioscanner
(allergie aux produits de contraste iodés) [18]. Enfin, le médecin régulateur doit prendre en
compte le degré d’autonomie ou de dépendance du patient.

Déploiement d’une ambulance


et première évaluation clinique
Le médecin régulateur du Samu-Centre 15 va déclencher ensuite l’envoi d’un moyen de transport
sanitaire adapté à l’état de santé du patient. En présence de signes de gravité, tels qu’une détresse
circulatoire ou respiratoire, un coma, une perte de connaissance ou des convulsions, une équipe
médicale de Smur (unité mobile hospitalière – UMH) est dépêchée auprès du patient. Dans les
autres situations, un transport médicalisé n’est pas nécessaire, et le moyen de transport le plus

16 /
TABLEAU I ▼ Échelles préhospitalières d’identification des accidents vasculaires cérébraux.
FAST CPSS LAPSS

– Demander à la personne de sourire. Le – Visage : Critères de sélection Oui Non


visage paraît-il inhabituel ? Normal : Les deux côtés du visage bougent
– Demander à la personne de lever les de la même manière. – Âge > 45 ans — —
deux bras. Un des bras reste-t-il pendant ? Anormal : Un côté du visage ne bouge pas – Pas d’antécédent de crise d’épilepsie — —
du tout.
– Est-ce que la personne parle – Symptômes neurologiques apparus < 24 h — —
bizarrement ? Demandez-lui de répéter une – Bras : – Patient ambulatoire auparavant — —
phrase simple. Normal : les deux bras bougent de la même – Glycémie capillaire entre 0,6 et 4 g/L — —
manière, ou pas du tout.
Anormal : un bras chute par rapport
à l’autre. Évaluation clinique
Rechercher une asymétrie évidente, et noter pour chaque item l’évaluation
– Parole (dont phrase à répéter) de chaque côté :
Normal : la personne utilise des mots
corrects, sans trouble de la prononciation Normal Droit Gauche
(slurring).
Anormal : trouble de la prononciation, Visage (sourire, grimace) * * chute * chute
mots inappropriés, ou ne parle pas. Poigne (grip) * * faible * faible
* absente * absente
Faiblesse des bras * * dévie vers le bas * chute rapidement
* dévie vers le bas * chute rapidement

À partir de cet examen, est-ce que le patient a une faiblesse uniquement d’un seul côté
(et non des deux côtés) ? * Oui * Non

/ 17
Prise en charge préhospitalière et admission
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

rapide sera privilégié (sapeurs-pompiers, secouristes associatifs ou ambulance privée, en fonction


des conditions locales). Sur les lieux de l’intervention, un premier bilan secouriste est effectué,
en laissant le patient en décubitus dorsal strict. La pression artérielle, la fréquence cardiaque, la
saturation pulsée en oxygène (SpO2) et la glycémie capillaire sont recueillies, tandis qu’un inter-
rogatoire rapide associé à une évaluation clinique simple sont réalisés. L’existence de troubles
de la vigilance est évaluée par le score de Glasgow, en tenant compte d’une éventuelle aphasie.
En l’absence de signes de détresse vitale ou de trouble important de la vigilance, l’évaluation de
l’état clinique du patient doit être brève. Elle peut être aidée par l’utilisation d’une échelle simple
(FAST, LAPSS...) et par conférence téléphonique avec le médecin régulateur, voire avec le neu-
rologue de l’UNV (mise en conférence précoce à 3). La réalisation du score National Institutes
of Health Stroke Scale (NIHSS) est chronophage et peu adaptée à la prise en charge préhospi-
talière [19, 20]. Sur le plan thérapeutique, l’élévation de la pression artérielle, fréquente en cas
d’AVC, doit être respectée, sauf en cas de valeurs supérieures à 220/120 mmHg ou d’affection
justifiant un traitement antihypertenseur immédiat (décompensation cardiaque aiguë, dissection
aortique, encéphalopathie hypertensive) [11, 21]. Toute hypoglycémie doit être corrigée en pré-
hospitalier [10, 11]. En l’absence de contre-indication, une oxygénothérapie sera initiée pour
maintenir une SpO2 supérieure ou égale à 94 % [10, 22]. Aucun traitement antithrombotique
probabiliste ne doit être administré en préhospitalier devant une suspicion d’AVC, la seule éva-
luation clinique ne permettant pas de distinguer de manière fiable ischémie et hémorragie céré-
brales [23]. Le patient sera transporté en décubitus dorsal strict, sauf si la tolérance respiratoire
de cette position est médiocre, ou en cas de vomissements, pour lesquels le décubitus latéral
sera privilégié [10]. Tout au long du transport, une surveillance des paramètres vitaux sera effec-
tuée, avec contact si besoin du médecin régulateur. Une fiche standardisée de recueil des infor-
mations (ou un dossier médical en cas d’intervention d’une équipe de Smur), sera réalisée,
comportant notamment les principaux antécédents, les traitements en cours et l’heure de début
des symptômes.

Dans le cas particulier d’une prise en charge médicalisée, une voie veineuse périphérique est
posée en privilégiant le sérum salé isotonique [11]. Un soluté glucosé ne sera utilisé qu’en cas
d’hypoglycémie ou de décompensation cardiaque. Un électrocardiogramme sera systématique-
ment réalisé [10]. Des prélèvements sanguins comportant notamment hémogramme, bilan
d’hémostase, créatininémie, et ionogramme sont réalisés par certaines équipes, mais la compa-
tibilité des tubes avec le laboratoire du service d’accueil n’est pas constante.

Parallèlement à l’évaluation clinique sur le lieu d’intervention, le médecin régulateur organise


l’orientation du patient, en collaboration avec le neurologue de l’UNV. Tout patient présentant
une suspicion d’AVC survenu dans un délai pouvant permettre un traitement de reperfusion doit
être proposé pour une admission urgente en UNV en vue d’une thrombolyse intraveineuse
(réalisable dans les 4 h 30 [24]) et/ou d’une thrombectomie mécanique (réalisable dans les 6 h
suivant le début des symptômes [25, 26], et même jusqu’à 24 h chez des patients extrêmement
sélectionnés [27, 28]).

18 /
Prise en charge préhospitalière et admission

« Drip and ship » et « mothership »


Concepts
Depuis la fin des années 1990, les filières de prise en charge de l’AVC aigu se sont structurées
grâce à la mise en place d’un maillage territorial d’unités neurovasculaires, avec l’objectif d’un
accès à la thrombolyse intraveineuse à moins de 30 minutes de transport. Jusqu’en 2014, tout
patient présentant une suspicion d’AVC de moins de 4 h 30 était adressé vers le centre le plus
proche permettant de réaliser une thrombolyse intraveineuse (UNV de proximité ou à défaut
centre équipé d’un système télé-AVC permettant la téléthrombolyse). Depuis la démonstration
en décembre 2014 du bénéfice de la thrombectomie mécanique [29], la décision de l’orientation
des patients est devenue plus complexe, pour les raisons suivantes :
■ le traitement de référence de l’IC sans occlusion artérielle proximale reste la thrombolyse
intraveineuse [25] ;
■ le traitement de référence de l’IC associée à une occlusion artérielle proximale est actuel-
lement la thrombolyse intraveineuse suivie d’une thrombectomie (bridging therapy). La
thrombectomie n’est donc indiquée que chez une minorité de patients : ceux présentant
une occlusion artérielle proximale, soit deux fois moins de patients que ceux éligibles à la
thrombolyse [30]. Cependant, le bénéfice de la thrombectomie est absolument majeur chez
ces patients [6] ;
■ moins d’une UNV sur trois dispose d’un plateau de neuroradiologie interventionnelle (UNV
dite de recours, au nombre de 37 en 2017 en France) [31] ;
■ il n’est pas possible, en routine, d’identifier avec certitude l’existence d’une occlusion
proximale en préhospitalier [32] ;
■ chaque minute compte pour débuter la thrombolyse et la thrombectomie [4, 5] ;
■ la thrombolyse intraveineuse permet parfois à elle seule la recanalisation d’une occlusion
artérielle proximale [33].

Deux stratégies de prise en charge ont été proposées quand l’UNV la plus proche du lieu de
l’AVC ne dispose pas d’un plateau de thrombectomie. La première, appelée « drip and ship »,
consiste à adresser tous les patients vers l’UNV de proximité, où la thrombolyse intraveineuse
est débutée lorsqu’elle est indiquée. Seuls les patients présentant une occlusion artérielle proxi-
male objectivée en IRM ou en angioscanner sont secondairement transférés vers l’UNV de recours
pour une thrombectomie complémentaire. La seconde stratégie, appelée « mothership », consiste
à adresser directement tous les patients vers l’UNV de recours, au sein de laquelle la thrombolyse
puis la thrombectomie sont réalisées si indiquées. Par rapport au drip and ship, le mothership a
pour avantages de débuter la thrombectomie plus rapidement et de limiter le nombre de trans-
ferts secondaires, qui mobilisent souvent des ressources paramédicales ou médicales du fait de
la présence d’une seringue électrique d’alteplase et de la nécessité d’un contrôle strict des pres-
sions artérielles pendant la thrombolyse. Le drip and ship a pour avantages de débuter la throm-
bolyse plus rapidement et d’éviter de surcharger l’UNV de recours avec des patients qui n’ont
pas besoin de thrombectomie.

Comparaison des deux stratégies


À ce jour, seules des études observationnelles permettent la comparaison entre mothership et
drip and ship. Une étude française a récemment comparé ces stratégies chez 159 patients pré-
sentant un IC de moins de 6 h avec occlusion proximale de la circulation antérieure traitée par
thrombolyse intraveineuse, en exploitant les registres hospitaliers de deux UNV parisiennes [34].
Le taux de recanalisation artérielle suite à la thrombolyse était de 18 % dans le groupe drip and

/ 19
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

ship, contre 6 % dans le groupe mothership. Chez les patients traités par thrombectomie du fait
d’une occlusion persistante malgré la thrombolyse, la stratégie drip and ship conduisait à une
recanalisation retardée d’une heure (délai médian symptômes-recanalisation : 297 contre
240 minutes, p < 0,001). Cependant, la proportion de patients indépendants à 3 mois n’était pas
différente entre les deux groupes (61 % en drip and ship contre 51 % en mothership, p = 0,26).
Les données du registre prospectif multicentrique américain STRATIS permettent également une
comparaison de ces deux stratégies [35]. Entre 2014 et 2016, 984 patients présentant un IC avec
une occlusion proximale de la circulation antérieure et un déficit neurologique assez important
(score NIHSS 6 8) ont été inclus. Contrairement à l’étude précédente, seuls les patients ayant
bénéficié d’une thrombectomie étaient inclus, ce qui représente un biais de sélection en faveur
du mothership, car environ 20 % des patients avec occlusion proximale thrombolysés en drip
and ship ont eu une recanalisation complète au moment de l’artériographie d’évaluation [34].
Au sein de STRATIS, la stratégie drip and ship conduisait à une recanalisation retardée de deux
heures (délai médian symptômes-recanalisation 311 contre 202 minutes, p < 0,001), et une plus
faible proportion de patients indépendants à 3 mois (52 % contre 60 %, p = 0,02). Ce plus
mauvais pronostic pour les patients drip and ship semblait exclusivement expliqué par le facteur
temporel, sans effet « UNV de recours » indépendant, ni facteur de confusion manifeste. Les
auteurs ont par ailleurs modélisé que pour les patients situés à moins de 32 km d’une UNV de
recours, le mothership correspondrait à retarder la thrombolyse intraveineuse de 7 minutes par
rapport au drip and ship, mais permettrait de réaliser une thrombectomie 94 minutes plus
tôt [35].

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une étude randomisée, ces données semblent plaider fortement en
faveur du mothership. Cependant, adresser en pratique courante tous les patients avec suspicion
d’AVC vers une UNV de recours semble actuellement difficilement envisageable, du fait d’un
risque important de surcharge de ces unités, et du retard au traitement que cela entraînerait
pour tous les patients qui ont une indication à la thrombolyse mais pas à la thrombectomie.

Proportion de patients éligibles, conséquences


pour l’UNV de recours
Parmi les patients admis en UNV pour une suspicion d’AVC datant de moins de 6 h, seuls 60 %
présentent un IC (Figure 1) [36, 37]. Parmi ces derniers, 35 à 40 % seulement seront éligibles à
la thrombolyse intraveineuse, et environ 15 % à une thrombectomie [36, 37]. Au total, seuls 5
à 10 % des patients pour lesquels un AVC de moins de 6 h est suspecté lors de la régulation
téléphonique ont une indication à une thrombectomie. La récente démonstration d’un bénéfice
majeur de la thrombectomie jusqu’à 24 h après le dernier moment auquel le patient a été vu
sans symptômes rend, en outre, l’application systématique du mothership encore plus difficile-
ment tenable en pratique courante. En effet, les critères d’inclusion des études ayant démontré
un intérêt de la thrombectomie dans cette fenêtre horaire étaient extrêmement stricts et néces-
sitaient une imagerie multimodale [27, 38]. Ainsi, au sein de l’étude DAWN, moins de 2 % des
patients avec un IC et vus sans symptômes depuis moins de 24 h remplissaient les critères
d’inclusion. Compte tenu de ces éléments, plusieurs équipes ont développé des scores cliniques
visant à identifier en préhospitalier la présence d’une occlusion artérielle proximale, avec l’objectif
d’appliquer la stratégie mothership pour ces patients, et drip and ship pour les autres.

20 /
Prise en charge préhospitalière et admission

FIGURE 1 Proportion de patients éligibles à un traitement de reperfusion.

IC : infarctus cérébraux ; AIT : accident ischémique transitoire ; UNV : unité neurovasculaire.

Identification préhospitalière des candidats


à la thrombectomie
À ce jour, aucune association de signes cliniques ou score clinique n’a démontré sa supériorité
par rapport au score NIHSS pour prédire une occlusion artérielle proximale [39]. Le NIHSS est
donc considéré comme le gold standard pour la prédiction clinique d’une occlusion proximale.
Cependant, son utilisation pour le triage préhospitalier suppose le choix d’un seuil, ce qui n’est
pas trivial car le seuil optimal pour prédire une occlusion proximale dépend fortement du délai
écoulé depuis l’apparition des symptômes et du territoire artériel (circulation antérieure ou
postérieure) [40]. Même en ne prenant en compte que les études portant sur les infarctus céré-
braux de moins de 6 h au sein de la circulation antérieure, le seuil de NIHSS jugé optimal (à
l’intersection des courbes de sensibilité et de spécificité) varie de 6 à 14 [32]. Par ailleurs, bien
que certaines équipes du Samu utilisent cette échelle en intervention, le NIHSS reste peu adapté
à la prise en charge préhospitalière car il est relativement chronophage (8 minutes en moyenne
[41]) et difficile à réaliser, notamment pour un personnel non spécifiquement formé [36, 42].
De nombreuses échelles alternatives, qui correspondent quasi exclusivement à des versions sim-
plifiées du NIHSS, ont été récemment proposées [36, 43-47]. Les items du NIHSS les plus fré-
quemment associés à la présence d’une occlusion proximale dans la littérature sont la déviation
spontanée du regard, l’existence d’une paralysie faciale, d’un déficit moteur d’un membre supé-
rieur, et les troubles de la parole. Les caractéristiques, forces et faiblesse de 6 échelles récemment
publiées sont présentées dans la Figure 2. Parmi ces échelles, RACE (Rapid Arterial oCclusion
Evaluation, Tableau II) est celle ayant fait l’objet de la validation la plus sérieuse, réalisée pros-
pectivement en préhospitalier avec un personnel paramédical (paramedics) au sein d’une popu-
lation comportant non seulement des patients victimes d’un IC, mais aussi d’hémorragie céré-
brale ou de stroke mimics [36]. Cette échelle nécessite cependant une formation spécifique [36],
et la faisabilité de sa réalisation par un personnel secouriste n’a pas été spécifiquement évaluée.
Plusieurs évaluations comparatives de ces différentes échelles ont été réalisées, notamment au
sein d’une étude australienne dont la population était peu sélectionnée (alertes thrombo-
lyses ^ 6 h, prévalence d’une occlusion proximale de 15 %) [48]. À partir des items du NIHSS
réalisé par un neurologue à l’arrivée du patient aux urgences, les scores de 5 échelles (RACE(36),
LAMS(47), FAST-ED(45), PASS(43) et CPSS(44)) étaient reconstitués. Bien que certaines échelles
soient plus complexes que d’autres (Figure 2), leurs performances diagnostiques étaient tout à

/ 21
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

fait comparables. En particulier, la sensibilité et la spécificité de RACE (échelle sur 9 points,


seuil 6 5) étaient respectivement de 66 % et 90 %, et celle de PASS (échelle sur 3 points,
seuil 6 2) étaient respectivement de 71 et 84 %. Ces résultats suggèrent tout d’abord que
l’utilisation d’un tel outil pourrait effectivement permettre d’améliorer le triage préhospitalier,
car la proportion de classification correcte (accuracy) de ces échelles était de plus de 80 %.
Cependant, elles présentent un taux de faux négatifs (1 – sensibilité) non négligeable. Ainsi,
l’application des seuils publiés (qui privilégient un compromis entre sensibilité et spécificité)
pour le triage préhospitalier conduirait à adresser jusqu’à 30 % des patients ayant une occlusion
artérielle proximale vers l’UNV de proximité [32, 49]. Ces patients nécessiteront ensuite un
transfert secondaire pour pouvoir bénéficier d’une thrombectomie, entraînant un retard à la
reperfusion cérébrale d’une à deux heures, et probablement un moins bon pronostic fonctionnel
[35]. Si l’on voulait limiter ce risque en fixant le taux de faux négatifs à 10 % ou moins [50], les
seuils à utiliser pour les échelles RACE et PASS seraient respectivement 6 1 et 6 0, ce qui
correspondrait schématiquement à adresser tous les patients présentant des symptômes persis-
tants vers l’UNV de recours [32]. Ces limites ne doivent cependant pas être considérées comme
rédhibitoires pour l’utilisation d’une échelle clinique pour le triage préhospitalier, car on ne peut
naturellement attendre d’un tel outil les mêmes performances que celles de l’imagerie cérébrale.
De plus, une proportion importante des patients adressés vers l’UNV de proximité malgré une
occlusion proximale auront probablement un score NIHSS très bas, situation clinique dans
laquelle le bénéfice de la thrombectomie n’est pas à ce jour formellement démontré [51]. En
outre, ces patients auront plus souvent une occlusion plus distale (segment M2), pour laquelle
la probabilité de reperfusion précoce après thrombolyse intraveineuse seule est plus fréquente,
d’environ 40 % [33]. L’essai randomisé RACECAT, actuellement en cours en Catalogne, devrait
FIGURE 2 Comparaison des échelles d’identification de l’occlusion artérielle proximale.

22 /
TABLEAU II ▼ Échelles préhospitalières d’identification des patients présentant une occlusion artérielle proximale.
RACE PASS G-FAST

Items Points Items Points Items Points


(/9) (/3) (/4)

Paralysie faciale Questions (« En quel mois Déviation du regard


– Absente 0 sommes-nous ? » ; « Quel est votre âge ? ») – Non 0
– Légère 1 – Réponse correcte aux 2 questions 0 – Oui 1
– Modérée ou sévère 2 – Réponse incorrecte à au moins 1 question 1
Paralyse faciale
Déficit moteur du membre supérieur Déviation du regard – Non 0
– Absent ou léger 0 – Non 0 – Oui 1
– Modéré 1 – Oui 1
– Sévère 2 Déficit moteur du membre supérieur
Déficit moteur du membre supérieur – Non 0
Déficit moteur du membre inférieur – Non 0 – Oui 1
– Absent ou léger 0 – Oui 1
– Modéré 1 Trouble de la parole
– Sévère 2 – Non 0
– Oui 1
Déviation de la tête et des yeux
– Absente 0
– Présente 1

Parmi les deux items suivants, un seul doit


être côté : aphasie en cas d’hémiparésie
droite ; agnosie en cas d’hémiparésie
gauche.

Aphasie (« fermez les yeux » ; « serrez le


poing »)
– Exécute les 2 tâches correctement 0
– Exécute 1 tâche correctement 1
– N’exécute pas correctement les 2 tâches 2

Agnosie (reconnaître son bras ; être


conscient de son déficit)
– Exécute les 2 tâches correctement 0
– Exécute 1 tâche correctement 1
– N’exécute pas correctement les 2 tâches 2

/ 23
Prise en charge préhospitalière et admission
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

permettre de déterminer formellement si l’envoi direct en UNV de recours des patients avec un
score RACE 6 4 permet d’améliorer le pronostic fonctionnel des patients présentant une suspi-
cion d’infarctus cérébral de moins de 8 h. D’autres essais randomisés sont planifiés, notamment
avec l’échelle PASS au Danemark. En attendant les résultats de ces études, les recommandations
divergent quant à l’emploi de ces échelles pour le triage préhospitalier [52-54].

Environnement urbain et rural


La prise en compte de l’environnement local est un élément fondamental du triage préhospitalier.
Par rapport au milieu rural, le temps de transport jusqu’à une UNV de recours est souvent bien
inférieur en milieu urbain. De plus, les grandes agglomérations disposent fréquemment d’au
moins deux UNV de recours. Ces éléments peuvent favoriser l’emploi plus permissif d’une stra-
tégie mothership en milieu urbain, permettant de limiter le nombre de patients adressés vers
une UNV de proximité malgré l’existence d’une occlusion artérielle proximale. À l’inverse, en
milieu rural, la stratégie mothership pourrait être appliquée uniquement à des patients plus
sélectionnés, car elle aboutirait à retarder de manière plus importante l’initiation de la throm-
bolyse, et serait associée à un risque plus important de surcharge de l’unique UNV de recours
pour des patients qui n’auront pas besoin d’une thrombectomie. Le choix d’une échelle ou d’un
seuil plus sensible pour la détection d’une occlusion proximale pourrait ainsi être envisagé en
milieu urbain, tandis qu’un outil plus spécifique pourrait être proposé en milieu rural [7]. Une
récente étude de simulation suggère que la stratégie drip and ship est supérieure au mothership
dans la plupart des scénarios si le temps de transport entre l’UNV de proximité et l’UNV de
recours est de 90 minutes ou plus, ce qui correspond à la situation de certaines zones rurales
[55]. Dans l’hypothèse d’un temps de transport entre ces deux unités de 30 minutes ou moins
(zone urbaine), le drip and ship n’était supérieur au mothership que si le délai entre l’arrivée du
patient à l’UNV de proximité et le début de la thrombolyse (door-to-needle time) était de
30 minutes ou moins [55, 56].

Autres paramètres
Plusieurs autres éléments peuvent influencer le triage préhospitalier. Si l’âge avancé ne justifie
pas en lui-même de récuser un patient pour un traitement de reperfusion [4, 6], la présence de
comorbidités importantes ou d’un important handicap préexistant est à prendre en compte car
ces éléments faisaient partie des critères d’exclusion de la plupart des essais de thrombectomie
[27, 30, 57-59]. Par ailleurs, la prise d’un anticoagulant incite certaines équipes à adresser le
patient directement en UNV de recours, car une anticoagulation efficace contre-indique la throm-
bolyse intraveineuse mais pas la thrombectomie [25], et certains patients ayant une hémorragie
cérébrale importante sous anticoagulants peuvent relever d’un traitement neurochirurgical. Enfin,
certaines équipes ont récemment décidé d’adresser directement en UNV de recours tous les
patients pour lesquels l’horaire de début des symptômes est inconnu, du fait de la démonstration
récente d’un bénéfice majeur de la thrombectomie au sein de l’étude DAWN [27] tandis qu’aucun
essai randomisé n’a pour l’instant démontré de bénéfice de la thrombolyse dans cette indication.
Cependant, il faut rappeler que les patients de l’étude DAWN étaient extrêmement sélectionnés,
sur la base d’une occlusion proximale associée à un important mismatch clinico-radiologique
(déficit neurologique sévère et cœur nécrotique de faible taille). En outre, la thrombolyse intra-
veineuse chez les patients présentant une ischémie cérébrale d’horaire inconnu est réalisée en
pratique courante au sein de nombreuses UNV sur la base d’un mismatch FLAIR-Diffusion
(ischémie visible en séquence de diffusion mais pas en séquence FLAIR, suggérant un début de
moins de 4 h 30 [60]). Cette approche a fait l’objet d’un essai randomisé, WAKE-UP Stroke, dont

24 /
Prise en charge préhospitalière et admission

les résultats devraient être prochainement révélés [61]. Dans l’intervalle, il paraît essentiel
d’orienter les patients pour lesquels le début des symptômes est inconnu vers une UNV habituée
à réaliser une imagerie multimodale en urgence (IRM cérébrale, ou bien angioscanner associé à
un scanner de perfusion).

Les paragraphes précédents illustrent la complexité d’orienter de manière optimale un patient


présentant une suspicion d’AVC aigu. Afin d’aider à la prise de décision, une application pour
smartphone a été récemment proposée, intégrant les paramètres suivants : délai depuis l’appa-
rition des symptômes, prise d’un anticoagulant, probabilité d’une occlusion artérielle proximale
(évaluée par une échelle clinique simple), délais intrahospitaliers (door-to-needle time), temps
de transport réels (GPS), et nombre de places d’hospitalisations disponibles [62]. Cependant, le
réel intérêt pratique d’une telle approche nécessite d’être évalué prospectivement.

L’admission du patient suspect d’AVC aigu doit être anticipée dès l’appel téléphonique du
médecin régulateur du Samu, ce qui permet de réduire significativement le door-to-needle time
et le délai entre apparition des symptômes et traitement de reperfusion [8, 63, 64]. Le neurologue
doit prévenir sans délai le radiologue de garde, ainsi que l’équipe soignante. Le neuroradiologue
interventionnel doit également être informé en cas de suspicion d’occlusion artérielle proximale.
L’accueil du patient doit être effectué directement en imagerie afin de réduire au maximum les
délais de prise en charge [65]. Il est préférable que le scanner ou l’IRM soient libres au moment
de l’arrivée du patient. L’accueil d’un patient arrivant en alerte AVC est généralement réalisé par
le neurologue, qui va recueillir les éléments médicaux fournis par le secouriste ou le médecin
ayant assuré le transport, interroger rapidement le patient et si besoin son entourage pour
obtenir des précisions sur l’horaire de début des symptômes, le traitement médicamenteux en
cours, et rechercher une contre-indication aux traitements de reperfusion [18]. Le neurologue
va effectuer un examen clinique très bref, qui se limite généralement à la réalisation de l’échelle
NIHSS et à un examen cardiopulmonaire. Parallèlement, l’infirmier va mesurer la pression arté-
rielle aux deux bras, la fréquence cardiaque, la glycémie capillaire, prélever un bilan sanguin (au
minimum : NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, créatininémie, TP, TCA) et poser une voie
veineuse périphérique. Le manipulateur d’électroradiologie va rechercher une contre-indication
à l’IRM ou à l’angioscanner. Le prélèvement sanguin doit être immédiatement envoyé au labo-
ratoire par coursier. Idéalement, l’ensemble de ces étapes doit durer moins de 20 minutes, pour
permettre un door-to-needle time de moins de 45 minutes (et dans tous les cas strictement
inférieur à 60 minutes) à l’issue de l’imagerie et de la préparation du thrombolytique [11, 28,
56].

Dans certains centres, l’accueil des patients suspects d’AVC aigu avec une forte probabilité
d’occlusion artérielle proximale est effectué directement en salle de neuroradiologie interven-
tionnelle, où la réalisation d’un scanner permet d’écarter une hémorragie cérébrale [66, 67]. Ce
type de prise en charge, actuellement marginal, est critiquable compte tenu de la faible propor-
tion des alertes thrombolyse/thrombectomie qui auront réellement une indication à la throm-
bectomie (Figure 1) et de l’importance de l’expertise clinique dans la prise en charge aiguë des
AVC et des stroke mimics.

/ 25
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

De nombreuses pistes de recherche sont en cours d’évaluation ou envisagées dans le domaine


de la prise en charge préhospitalière des AVC. Bien que négative, l’étude FAST-MAG a montré
la faisabilité d’un essai randomisé évaluant l’administration préhospitalière d’un traitement neu-
roprotecteur chez les patients présentant une suspicion d’AVC [18]. Plusieurs stratégies, médi-
camenteuses ou non, visant à « geler » le tissu en pénombre ischémique en attendant une
reperfusion sont en cours d’évaluation et pourraient être testée en préhospitalier à la condition
de ne pas risquer d’aggraver les patients ayant une hémorragie cérébrale ou un stroke mimic
[68]. D’autres approches, visant à favoriser la lyse du thrombus artériel, pourraient être évaluées
en préhospitalier si leur effet n’est pas purement synergique de la thrombolyse intraveineuse et
qu’il n’augmente pas le risque d’hémorragie intracérébrale [69].

UNV mobiles
Deux essais randomisés allemands, réalisés avant la démonstration du bénéfice de la thrombec-
tomie, ont évalué la stratégie de « transporter l’hôpital vers le patient », en utilisant une UNV
mobile. Les investigateurs ont ainsi conçu une ambulance équipée d’un scanner, d’un laboratoire
de première nécessité et d’une solution de télémédecine, afin de pouvoir réaliser une thrombolyse
intraveineuse directement sur le lieu de prise en charge du patient suspect d’IC. La première
étude, conduite en milieu semi-rural chez 100 patients, a montré que comparé à la prise en charge
habituelle, le déploiement d’une UNV mobile avec un médecin formé à la prise en charge des
AVC, un neuroradiologue et un infirmier, permettait une réduction absolue de 41 minutes du délai
médian entre appel des secours et décision thérapeutique concernant la thrombolyse [70]. La
deuxième étude, conduite à Berlin et impliquant une équipe dédiée composée d’un neurologue
vasculaire, un manipulateur radio et un chauffeur-conducteur ambulancier, a démontré une réduc-
tion de 25 minutes du délai moyen entre appel aux secours et thrombolyse intraveineuse grâce
à l’UNV mobile [71]. L’UNV mobile a par ailleurs permis une augmentation importante de la
proportion de patients bénéficiant d’une thrombolyse intraveineuse pour un IC (33 % contre 21 %,
soit une augmentation relative de 57 %) [71]. Bien que ces études ne permettent pas, en raison
de leur effectif ou de données manquantes, de conclure quant au bénéfice concernant le pronostic
fonctionnel, l’utilisation d’une UNV mobile est internationalement considérée comme une stra-
tégie prometteuse [72-74]. Outre la réalisation d’une thrombolyse préhospitalière, elle peut per-
mettre, grâce à l’angioscanner embarqué, l’identification précoce des patients nécessitant une
thrombectomie, et d’organiser leur transfert directement en salle de cathétérisme [75, 76]. Les
essais randomisés en cours ou à venir devraient permettre de déterminer formellement si l’uti-
lisation d’une UNV mobile entraîne une réduction du handicap fonctionnel à l’ère du traitement
combiné thrombolyse intraveineuse-thrombectomie, et si le rapport coût/utilité de cette innova-
tion est acceptable [73]. L’UNV mobile pourrait également être intéressante pour la prise en
charge des hémorragies cérébrales, permettant de débuter très précocement un traitement anti-
hypertenseur, et d’antagoniser un traitement anticoagulant si nécessaire.

La régulation médicale téléphonique des patients présentant une suspicion d’AVC aigu est réa-
lisée par le Samu-Centre 15, selon un arbre décisionnel pouvant inclure une échelle simple d’iden-
tification de l’AVC. Dans la plupart des cas, un transport médicalisé n’est pas nécessaire, et le

26 /
Prise en charge préhospitalière et admission

moyen de transport le plus rapide sera privilégié (sapeurs-pompiers, secouristes associatifs ou


ambulance privée). Une difficulté importante de la prise en charge préhospitalière réside dans
la décision d’orientation du patient vers l’UNV de proximité ou bien directement vers l’UNV de
recours. En effet, la thrombolyse intraveineuse représente le socle du traitement de reperfusion
de l’infarctus cérébral et doit être débutée sans délai, mais la moitié des patients traités par
thrombolyse devront également être traités par thrombectomie, qui doit être débutée tout aussi
rapidement. Plusieurs échelles cliniques simples ont été proposées pour identifier en préhospi-
talier les candidats potentiels à une thrombectomie. Malgré une sensibilité imparfaite, ces
échelles pourraient être utiles pour le triage préhospitalier et certaines font l’objet d’une éva-
luation au sein d’un essai randomisé. L’accueil du patient admis en alerte AVC doit être effectué
directement en imagerie, avec le soin de réduire au maximum les délais avant l’initiation d’un
traitement de reperfusion. Plusieurs stratégies innovantes de prise en charge préhospitalière sont
en cours d’évaluation, comme l’administration de traitements neuroprotecteurs ou visant à favo-
riser la recanalisation artérielle, et le déploiement d’une unité neurovasculaire mobile permettant
la thrombolyse et la visualisation d’une occlusion artérielle proximale sur les lieux mêmes de
prise en charge du patient suspect d’AVC.

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/ 29
3

Les premières unités neurovasculaires (UNV) ont vu le jour dans les années 1980. Elles repré-
sentent le cœur de l’organisation de la filière neurovasculaire. Aujourd’hui encore, l’UNV est la
structure de prise en charge qui permet d’apporter un bénéfice démontré pour le plus grand
nombre de patients.

Aux États-Unis, en 2000, la Brain Attack Coalition a proposé de définir deux types d’UNV [1] :
d’une part les UNV primaires ou Primary Stroke Center (PSC), et d’autre part les unités que l’on
pourrait qualifier de référence, les Comprehensive Stroke Centers (CSC). Selon leur définition, Les
UNV primaires ont le personnel suffisant, l’infrastructure et la formation pour stabiliser et traiter
la plupart des accidents vasculaires cérébraux (AVC) à la phase aiguë. Les unités de référence
(CSC) [2] sont, elles, définies comme un service (ou une organisation) avec le personnel médical
et paramédical adéquat, l’infrastructure, l’expertise et la formation pour diagnostiquer et traiter
des patients sévères ou complexes qui nécessitent des soins médicaux ou chirurgicaux, des exa-
mens très spécialisés ou des thérapies interventionnelles. Les patients qui peuvent bénéficier de
ces centres comprennent ceux qui ont un infarctus étendu, une hémorragie cérébrale, une cause
rare ou ceux ayant besoin d’un examen ou d’une thérapie spécialisée, ou ceux nécessitant une
prise en charge multidisciplinaire. Une autre fonction des centres de références serait aussi de
servir de recours aux UNV primaires. Une étude de 2007 [3], faisant un état des lieux des hôpitaux
ayant un CSC ou PSC en Europe, montrait que seulement 4,9 % d’entre eux remplissaient les
critères pour un CSC et 3,6 % pour un PSC. La situation a énormément évolué en 10 ans. Ces
notions d’UNV primaires et de référence sont toutefois peu utilisées en France ; on parle plutôt
d’UNV de territoire et d’UNV de recours qui recoupent en partie les notions précédentes. Elles
prennent néanmoins tout leur sens depuis le développement de la thrombectomie après les
grandes études cliniques randomisées montrant son efficacité et leur intégration dans un système
de soin gradué. De nombreuses questions restent toutefois en suspens : 1) faut-il envoyer le
patient à un PSC pour réaliser au plus vite la thrombolyse avec le risque d’allonger les délais de
thrombectomie ? (stratégie appelée drip and ship) ; 2) faut-il envoyer directement le patient à
un CSC qui pourra pratiquer à la fois la thrombolyse et la thrombectomie sans perdre le temps

/ 31
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

d’un 2e transfert mais retardant la mise en œuvre de la thrombolyse si le centre est plus éloigné
que le PSC ? (stratégie appelée mothership). Ces questions devraient être résolues dans les années
à venir. À ce jour, on dénombre 135 UNV fonctionnelles en France métropolitaine et outre-mer,
le plan AVC 2010-2014 en prévoyait 140 pour l’ensemble du territoire. Le nombre de centres
réalisant la thrombectomie et dont les UNV peuvent être assimilées à un CSC était de 37 (source
Société française de neuroradiologie – SFNR) en 2017.

Que l’UNV soit dite « de territoire » ou « de recours », elle doit, pour sa reconnaissance, res-
pecter un cahier des charges. Tout d’abord, l’UNV est un des éléments de la filière AVC intégrant
prévention, soins aigus, réadaptation et soutien médico-social. Elle doit correspondre à une unité
fonctionnelle constituée de lits de soins intensifs neurovasculaires et de lits d’hospitalisation
« classiques » dédiés. Ces lits doivent être regroupés géographiquement. En effet, afin d’opti-
miser la qualité des soins et l’utilisation des ressources hospitalières, l’organisation interne de
l’établissement doit éviter de fractionner la prise en charge des AVC en court séjour entre
plusieurs structures ou pôles médicaux ou médico-techniques. Par ailleurs, l’UNV doit faire partie
du pôle ou de la structure médicale prenant en charge les pathologies neurologiques. L’établis-
sement siège d’une UNV doit assurer l’accès sur place aux spécialités suivantes : urgences, neu-
rologie, radiologie, réanimation, cardiologie, et, sur place ou par convention avec un autre éta-
blissement : médecine physique et réadaptation, gériatrie, chirurgie vasculaire, neurochirurgie,
neuroradiologie diagnostique, neuroradiologie interventionnelle, soins palliatifs. Cette UNV est,
par ailleurs, située dans un territoire pour lequel le Schéma régional d’organisation sanitaire
(SROS) préconise l’implantation d’une ou plusieurs unités.

L’UNV vise à réduire la fréquence et la sévérité des séquelles fonctionnelles associées aux AVC.
Elle doit réaliser un véritable maillage du territoire qui l’entoure afin de réduire les délais de
prise en charge des patients AVC/AIT (accident ischémique transitoire), avec un objectif de prise
en charge par un établissement de la filière dans les 30 minutes suivant le déficit neurologique.

L’UNV doit être placée sous la responsabilité d’un médecin neurologue à la formation et
l’expérience en pathologie neurovasculaire reconnues, par exemple par la possession du DIU
de pathologie neurovasculaire, ou un équivalent européen, ou la validation des acquis de l’expé-
rience par le Conseil national pédagogique du DIU de pathologie neurovasculaire. Sur le plan
quantitatif, l’UNV doit assurer la prise en charge, à la phase initiale de leur maladie, d’au moins
300 patients par an, sans discrimination d’âge, de gravité ou de nature (accident ischémique
ou hémorragique).

Missions de l’unité neurovasculaire


L’UNV assure en permanence, 24 h/24, la prise en charge des patients présentant une pathologie
neurovasculaire aiguë, compliquée ou non d’AVC ou d’AIT (infarctus cérébral ou hémorragie
cérébrale), qui lui sont adressés notamment par le dispositif de régulation de la permanence des
soins (Samu-centre 15). Elle prodigue à ces patients l’ensemble des investigations et traitements
immédiatement nécessaires, sous la responsabilité d’un médecin neurologue présent sur place
24 h/24.

32 /
Unités neurovasculaires

L’UNV est un pôle d’expertise diagnostique et thérapeutique permettant :


■ d’effectuer un bilan diagnostique précis et précoce impliquant un accès prioritaire 24 h/24,
7 j/7, à l’imagerie cérébrale (IRM ou, à défaut, TDM cérébral avec visualisation indispensable
des vaisseaux intracrâniens, quelle que soit la modalité) et un accès rapide aux plateaux
techniques de cardiologie (échographie cardiaque transthoracique et transœsophagienne,
holter ECG) et vasculaire (échographie doppler des vaisseaux du cou et transcrânien). Cela
suppose une organisation des filières préhospitalières (urgences médicales, centre 15, hôpi-
taux sans unité spécialisée) ainsi qu’une structuration de la prise en charge intra-hospitalière ;
■ d’assurer la surveillance de l’état neurologique et des différents paramètres – pouls, ten-
sion artérielle, saturation en oxygène, température, glycémie, etc. ;
■ de prévenir au mieux les complications secondaires ;
■ d’informer et de soutenir le patient et sa famille, notamment par le biais d’un psychologue ;
■ de mettre en place, le plus précocement possible, le projet de réadaptation et de réinser-
tion du patient avec la participation des personnels paramédicaux (kinésithérapeute, ortho-
phoniste, ergothérapeute, psychomotricien, assistant sociaux), mais également grâce au pas-
sage régulier d’un médecin de médecine physique et réadaptation et d’un gériatre ;
■ d’assurer une évaluation pluriprofessionnelle des patients 4 à 6 mois après l’accident ;
■ de proposer, si nécessaire, des programmes d’éducation thérapeutique portant sur la pré-
vention des récidives et des complications secondaires par l’intermédiaire d’une infirmière
dédiée et d’une diététicienne notamment,
■ d’effectuer la formation initiale et continue des personnels médicaux et paramédicaux ;
■ de conduire et/ou de participer à des actions de recherche.

Pivot de la filière territoriale, l’UNV assure :


■ la coordination et l’animation de la filière, ce qui passe par des conventions, des protocoles,
des procédures impliquant chaque étape de la prise en charge des patients AVC ou AIT afin
que chaque acteur sache quelle est sa mission et comment la remplir, en maximisant les
chances de récupération et de retour à domicile du patient ;
■ l’optimisation de la prise en charge des patients victimes d’AVC ou d’AIT en raccourcissant
au maximum le délai d’accès au diagnostic initial et au traitement, ce qui peut impliquer
l’utilisation de la télémédecine. En effet, pour des patients habitant à plus de 30 minutes
d’une UNV, la thrombolyse peut être réalisée dans des établissements disposant d’un service
de médecine d’urgence ouvert 24 h/24 avec une équipe de médecins formée et un accès
direct au plateau d’imagerie : IRM ou scanner (à défaut) à condition qu’il existe une liaison
par télémédecine avec l’UNV permettant de réaliser des actes de télémédecine (télé-
diagnostic et accompagnement de l’acte de thrombolyse). Dans la mesure du possible, le
patient sera adressé ensuite à l’UNV de territoire pour un bilan neurologique et multidis-
ciplinaire global dans le délai le plus court possible. Les modalités et les conditions de
transfert seront concertées entre l’UNV et les équipes de proximité mais doivent être, sauf
exceptions du fait de temps de transport très courts (par exemple Paris intramuros), médi-
calisés. L’information du grand public concernant l’appel au 15 en cas de suspicion d’AVC
ou d’AIT permet également de réduire les délais ;
■ l’optimisation de la prise en charge des patients victimes d’AVC ou d’AIT en raccourcissant
au maximum le délai d’accès aux services de soins de suite (service de soins de suite et
réadaptation neurologiques – SSR, gériatriques, unités de soins de longue durée – USLD,
établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD, maisons
d’accueil spécialisées – MAS, foyers d’accueil spécialisés – FAM) en renforçant les liens entre
les établissements au travers de conventions et de protocoles communs ;
■ l’amélioration des conditions de retour et du maintien au domicile, en faisant éventuel-
lement appel aux équipes mobiles réadaptation-réinsertion ainsi qu’aux professionnels

/ 33
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

libéraux, en association éventuelle avec les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD),
les services de soins à domicile, les hospitalisations à domicile (HAD), les structures et
services pour personnes handicapées (services d’accompagnement médico-social – SAMSAH,
services d’accompagnement à la vie sociale – SAVS, maisons départementales des personnes
handicapées – MDPH), les structures et services pour personnes âgées (réseaux géronto-
logiques, missions d’accueil et d’information des associations – MAIA), centres locaux d’infor-
mation et de coordination (CLIC), etc. ;
■ une mission d’expertise et de formation pour l’ensemble des professionnels impliqués
dans la prise en charge des AVC, sans oublier les médecins généralistes qui ont un rôle
essentiel dans l’AVC, que ce soit en prévention primaire (tabac, hypertension artérielle,
diabète, cholestérol, etc.) ou secondaire.

Pour la réalisation de ces missions, les modalités du recours au plateau technique, à l’intervention
et à l’expertise des médecins spécialistes (notamment les neuroradiologues et les neuro-
chirurgiens) et des personnels paramédicaux impliqués dans la prise en charge des AVC, au sein
et en dehors de l’établissement, doivent être formalisées dans un protocole ou une convention.
Ce document doit être validé et cosigné par l’ensemble des acteurs concernés.

Capacité
Il convient de distinguer la capacité de l’unité de soins intensifs neurovasculaires (USINV) de
celle de l’unité de lits classiques dédiés (UNV-non soins intensifs – UNV-nonSI). Le calcul de la
capacité en lits d’une UNV repose sur un certain nombre de données :
■ l’incidence annuelle des AVC et AIT dans l’aire géographique considérée (environ
140 000 AVC ou AIT en France en 2009 pour une population d’environ 65 millions d’habi-
tants [4]) ;
■le coefficient moyen d’occupation optimal, qui est de 90 % en USINV et de 95 % en
UNV-nonSI ;
■ la durée moyenne de séjour idéale qui est de 3 jours en USINV et de 7 jours en UNV-nonSI ;
■le pourcentage de patients ne souffrant pas d’une pathologie vasculaire pris en charge en
USINV ou UNV-nonSI (environ 5 % pour chaque structure).

À partir de ces données, la capacité en lits nécessaires à la prise en charge de l’ensemble des
patients AVC/AIT est d’environ 2,1 lits de soins intensifs pour 100 000 habitants et d’environ
4,6 lits traditionnels dédiés pour 100 000 habitants. Notons, que selon les établissements, et
notamment selon le nombre de médecins de l’UNV pouvant assurer la permanence des soins,
les lits de soins intensifs neurovasculaires peuvent être implantés soit à proximité des lits clas-
siques dédiés AVC dans le service de neurologie, soit à proximité immédiate d’une unité de
spécialité différente disposant d’une permanence médicale (réanimation, unité de soins intensifs
cardiologiques, etc.). Dans ce dernier cas, une astreinte opérationnelle est assurée par l’équipe
de l’UNV. Le médecin d’astreinte doit alors pouvoir répondre immédiatement à tout appel télé-
phonique ou via la télémédecine et se rendre dans l’UNV en moins d’une heure, si nécessaire.
Il se déplace notamment pour tout AVC pouvant justifier d’une surveillance médicale rapprochée,
pour les traitements fibrinolytiques. Il sera également consulté pour les décisions concernant les
patients déjà hospitalisés. Remarquons que des UNV proches géographiquement peuvent mettre
en place une astreinte commune. Les lits classiques dédiés sont le plus souvent localisés dans
le service de neurologie ou, à défaut, dans une unité individualisée et dédiée à la prise en charge
des pathologies neurologiques au sein d’un service de médecine.

34 /
Unités neurovasculaires

Personnel et équipement d’une unité neurovasculaire


Personnel de l’unité neurovasculaire
La caractéristique de l’UNV est de réunir des médecins et des personnels paramédicaux de
plusieurs spécialités (infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, orthophonistes, psycho-
logues, ergothérapeutes, assistants sociaux), expérimentés, stables, motivés, formés à la prise en
charge spécifique des AVC et travaillant en coordination.

Cette équipe pluridisciplinaire doit être en nombre suffisant pour prendre en charge 24 h/24
tous les jours de l’année des patients atteints d’AVC.

L’équipe de l’UNV peut être constituée de personnels exerçant à titre principal au sein de l’éta-
blissement ou en dehors de celui-ci ; les modalités de leur intervention sont formalisées dans
un protocole ou une convention validés et cosignés par l’ensemble des acteurs concernés.

Le personnel de l’UNV est formé et encadré par un cadre soignant au mieux titulaire du DIU
paramédical neurovasculaire.

Les textes réglementaires ne permettent pas de quantifier la composition de l’équipe pluri-


disciplinaire en charge des patients victimes d’AVC à l’exception de celle des soins intensifs
neurovasculaires si nous la rapprochons de celle des soins intensifs cardiologiques. Pour le reste,
nous nous appuierons sur les données publiées par le groupe de travail de la SFNV sous la
direction du Dr Woimant et du Pr Hommel en actualisant les chiffres [5].

Personnel médical
Les textes réglementaires n’apportent pas de précision concernant le nombre de médecins néces-
saires dans une UNV par rapport à la capacité de cette dernière si ce n’est que ces médecins
doivent être en nombre suffisant. Toutefois, un minimum de 4 neurologues équivalents temps
plein nous paraît nécessaire au bon fonctionnement d’une unité de 27 lits comprenant 8 lits de
soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

Personnel paramédical
■ Infirmiers et aides-soignants
Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, le nombre d’infirmiers et d’aides-soignants doit être au
moins équivalent à ceux présents dans une unité de soins intensifs cardiologiques dans la mesure
où plus de malades dépendants sont pris en charge dans les unités de soins intensifs
neurologiques.

Ainsi, l’article D 712-120 du Code de santé publique stipule :

Sous la responsabilité d’un cadre infirmier, l’équipe paramédicale de l’unité de soins intensifs
cardiologiques comprend :
1. De jour, un infirmier ou une infirmière et un aide-soignant pour 4 patients.
2. De nuit, au moins un infirmier ou une infirmière pour 8 patients.

Lorsque, pour 8 patients présents la nuit, un seul infirmier ou une seule infirmière est affecté à
l’unité, est en outre prévue la présence d’un aide-soignant.

/ 35
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Pour l’UNV-nonSI (lits « classiques » dédiés), doivent être effectivement présents :


1. De jour, un infirmier ou une infirmière et 2 aides-soignants pour 10 patients.
2. De nuit, un infirmier ou une infirmière et 2 aides-soignants pour 20 patients.

■ Kinésithérapeutes

Une demi-heure de rééducation est nécessaire, dès l’admission, chaque jour, pour presque tous
les patients ayant présenté un AVC constitué, soit environ 2 kinésithérapeutes pour une unité
de 27 lits comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Orthophonistes

Une demi-heure de rééducation orthophonique est nécessaire, dès l’admission, chaque jour, pour
environ 30 à 50 % des patients ayant présenté un AVC, soit environ un orthophoniste pour une
unité de 27 lits comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Psychologues

Un bilan de troubles cognitifs d’une durée d’une demi-journée est nécessaire chez 30 % des
patients hospitalisés pour AVC.

Par ailleurs, 50 % des patients développent une dépression dans les suites d’un AVC. D’autre
part, les familles ont besoin d’un soutien psychologique.

Les besoins ont été évalués à un neuropsychologue et un psychologue pour une unité de 27 lits
comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Assistantes sociales

Leur rôle est double : orienter les patients vers une structure d’aval adaptée et permettre l’obten-
tion d’aides financières. Au minimum, une assitante sociale à mi-temps est nécessaire pour une
unité de 27 lits comprenant 8 lits de soins intensifs et 19 lits « traditionnels » dédiés.

■ Secrétariat

Un secrétariat dédié à l’UNV chargé de l’accueil et des problèmes administratifs doit être effectif.

Équipement de l’unité neurovasculaire


L’unité de soins intensifs doit être dotée d’un poste central de surveillance et de couloirs per-
mettant le passage d’un lit ou d’un appareil de radiologie mobile. Elle doit avoir des liaisons
fonctionnelles avec les services d’urgence, d’imagerie, d’explorations ultrasonores cervicale et
transcrânienne, d’explorations cardiaque (échographie, holter ECG), de réanimation et avec le
laboratoire d’analyses biologiques.

Elle doit, en outre, posséder :


■ un module de surveillance ECG par lit avec enregistreur automatique et système de
stockage de 24 h au moins ou répétiteur central ou télémétrie ;
■ un module de mesure non invasive de pression artérielle par lit ;
■ des appareils de surveillance multiparamétrique (pouls, TA, saturomètre)/monitorage avec
report d’alarme centralisé ;
■ un saturomètre pour 2 lits ;
■ des lits à hauteur variable ;

36 /
Unités neurovasculaires

■ des fluides médicaux : apport en oxygène et prise de vide ;


■ un ECG numérisé trois pistes ;
■ un chariot avec matériel de réanimation d’urgences et un défibrillateur externe ;
■ des pousse-seringues électriques et des pompes à perfusion ;
■ des pompes à alimentation entérale ;
■ un lève-malade électrique avec option pesage ;
■ un échographe vésical portable ;
■ un appareil de doppler continu et de doppler transcrânien (l’écho-doppler cervical étant
disponible dans l’établissement) ;
■ un respirateur léger de transport.

Évaluation
Une fois crée et reconnue, l’UNV fera l’objet d’une évaluation reposant sur différents indicateurs :

■ le nombre de séjours AVC et AIT, pris en charge dans l’établissement et en UNV ;


■ l’origine géographique des patients ;
■ les modalités d’entrée des patients ;
■ la durée moyenne de séjour des AVC et des AIT ;
■ le pourcentage d’infarctus cérébraux thrombolysés ;
■ le pourcentage de retour au domicile, de transfert en soins de suite-réadaptation et de décès ;
■ le pourcentage de patients évalués entre 4 et 6 mois.

Le concept d’UNV ou de Stroke Unit (SU) des Anglo-Saxons date d’environ 40 ans. Leur objectif
est de diminuer non seulement la mortalité mais aussi de réduire le handicap moteur ou cognitif
et le risque d’institutionnalisation à court, moyen et long termes. Ces UNV, composée d’une
équipe multidisciplinaire, médicale et soignante, dédiée, compétente et spécialisée peut se
décomposer en UNV géographiquement déterminée mais aussi en unités mobiles d’intervention
qui peuvent se déplacer au sein d’une structure hospitalière, mais aussi au domicile du patient
[6], voire, plus récemment, intervenir du lieu de l’AVC jusqu’à l’hospitalisation du patient dans
la structure hospitalière appropriée d’accueil (phase préhospitalière)

Ces UNV sont généralement définies comme des entités géographiquement distinctes au sein
d’un hôpital, composées de lits spécifiquement dédiés aux patients atteints d’AVC (ou suspects
d’AVC). Elles disposent d’une équipe multidisciplinaire ayant un intérêt et une expertise pour la

/ 37
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

prise en charge des AVC. L’efficacité de ces UNV a ainsi été évaluée par de nombreuses études
randomisées contrôlées et par des études observationnelles de cohortes réalisées dans plusieurs
pays, notamment anglo-saxons et européens.

Les résultats de ces essais randomisés contrôlés ont été inclus dans 4 revues systématiques
Cochrane réalisées par la Stroke Unit Trialists’ Collaboration qui ont démontré l’efficacité de
l’hospitalisation des patients dans les UNV en comparaison avec les prises en charge
alternatives [6-10].

En réalité, déjà en 1993, une méta-analyse des essais randomisés contrôlés publiés à partir de
1962, incluant 8 études nord-américaines et européennes, pour un total de 1 586 patients, dont
766 avait été pris en charge dans une UNV et 820 dans un service non dédié spécifiquement
aux AVC, avait montré une diminution significative de la mortalité de 28 % dans les 4 premiers
mois pour les patients hospitalisés dans les UNV (OR 0,72 ; IC95 % : 0,56-0,92 ; p < 0,01) [11].
Cette diminution de mortalité, de l’ordre de 20 %, était confirmée à 12 mois (OR 0,79 ; IC95 % :
0,63-0,99 ; p < 0,05).

En 1997, une méta-analyse de 18 essais cliniques comportant 3 249 patients dont l’admission
était randomisée entre une unité spécialisée dans la prise en charge des AVC et une autre unité
de soins (unité standard de neurologie, de médecine interne ou de gériatrie) avait également
démontré, sur un suivi médian d’un an, une diminution significative de la mortalité de 17 % (OR
0,83 ; IC95 % : 0,69-0,98 ; p < 0,05), de la mortalité ou du handicap de 31 % (OR 0,69 ; IC95 % :
0,59-0,82 ; p < 0,0001) et de la mortalité ou d’une institutionnalisation de 25 % (OR 0,75 ;
IC95 % : 0,65-0,87 ; p < 0,0001) [12].

Les quatre méta-analyses Cochrane ont confirmé que les patients victimes d’AVC pris en charge
dans les UNV ont une probabilité accrue de survie, d’indépendance fonctionnelle et de retour
au domicile à un an [7-10] par rapport à une prise en charge non spécialisée.

La méta-analyse la plus récente a inclus 28 études cliniques pour un total de 5 855 patients [10].
Sur 3 994 patients, inclus dans 21 essais, la mortalité des victimes d’un AVC, à une médiane d’un
an de suivi, était significativement diminuée de 19 % (OR 0,81 ; IC95 % : 0,69-0,94 ; p = 0,005)
chez ceux initialement pris en charge en UNV par rapport aux patients hospitalisés dans des
unités ou services non dédiés [5]. De plus, la probabilité d’être indépendant (score de Rankin
modifié ^ 2 ou index de Barthel > 90) et de retour au domicile était significativement plus élevée
chez les patients traités dans les services dédiés aux victimes d’AVC. Cette méta-analyse objec-
tivait également une diminution significative des critères combinés mortalité ou institutionnali-
sation au long cours de 22 % (OR 0,78 ; IC95 % : 0,68-0,89 ; p = 0,0003) et de mortalité ou
dépendance de 21 % (OR 0,79 ; IC95 % : 0,68-0,90 ; p = 0,0007) démontrant ainsi le bénéfice des
UNV, bien que la durée d’hospitalisation ne soit pas significativement différente [10].

Par rapport à la reproductibilité de ces essais cliniques dans la pratique quotidienne, plusieurs
études observationnelles ont été menées. Une étude observationnelle italienne (Research Project
on Stroke services in Italy, PROSIT), conduite de 2000 à 2004 dans 260 hôpitaux, a comparé le
devenir à long terme de 11 572 patients victimes d’un AVC aigu et hospitalisés dans les 48 h
suivant le début des symptômes, soit en UNV (n = 4 936), soit dans un service conventionnel
(n = 6 636) [13]. Dans cette étude, les UNV étaient définies comme des services hospitaliers
ayant des lits dédiés aux patients victimes d’AVC composés d’une équipe experte, dédiée aux
AVC et constituée d’au moins un médecin et un infirmier ; le service conventionnel étant carac-
térisé par l’absence de lit et d’équipe médicale et paramédicale dédiés à la prise en charge des
AVC. Il s’agissait d’un service hospitalier où les patients victimes d’AVC étaient pris en charge
avec les autres patients (par exemple neurologiques, cardiologiques ou de médecine interne).
L’étude a confirmé que l’hospitalisation en UNV était associée à une réduction significative du
risque de la mortalité intrahospitalière de 22 % (OR : 0,78 ; IC95 % : 0,64-0,95), et à la fin du

38 /
Unités neurovasculaires

suivi de l’ordre de 20 mois, de la mortalité de 21 % (OR : 0,79 ; IC95 % : 0,68-0,91), du critère


combiné de mortalité et de dépendance (score de Rankin modifié > 2) de 19 % (OR : 0,81 ;
IC95 % : 0,72-0,91 ; p = 0,0001) et d’institutionnalisation de 15 % (OR : 0,85 ; IC95 % :
0,74-0,97). L’effet significatif sur la mortalité, surtout important à la phase intrahospitalière, se
maintenait avec le temps montrant l’importance de la prise en charge des AVC dès la phase
aiguë en UNV (Figure 1) [13].

Le bénéfice potentiel restait significatif pour tous les patients, quel que soit l’âge de début, le
type de présentation clinique, à l’exception des patients présentant à la phase aiguë des troubles
de la conscience [13].

FIGURE 1 Courbe de survie des patients admis en UNV ou en service conventionnel de


médecine [13].

De la même manière, une étude prospective multicentrique australienne, en simple aveugle,


(Stroke Care Outcomes : Providing Effective Services, SCOPES), effectuée sur une population
totale de 468 patients recrutée dans hôpitaux australiens, a montré que les recommandations
et les protocoles de soins étaient significativement davantage respectés dans les UNV géo-
graphiquement définies (75 %) que dans les unités mobiles de prise en charge des AVC (65 %)
et les services conventionnels (52 %)[14]. Cette rigueur dans la prise en charge initiale et le
respect des recommandations a pour conséquence une augmentation significative du taux de
survie à la sortie du patient (OR 3,63 ; IC95 % : 1,04-12,66 ; p = 0,043) et, à 28 semaines, une
tendance à une augmentation du taux de retour au domicile (OR 3,09 ; IC95 % : 0,96-9,87 ;
p = 0,058) ainsi qu’à une meilleure autonomie fonctionnelle (OR 2,61 ; IC95 % : 0,96-7,10 ;
p = 0,061) [14].

Une troisième étude observationnelle multicentrique suédoise incluant 14 308 patients présen-
tant un infarctus cérébral ou une hémorragie intraparenchymateuse pris en charge à la phase
aiguë dans 80 hôpitaux a montré (chez les patients indépendants au domicile avant l’AVC et
sans trouble de la vigilance à l’admission aux urgences) une diminution de la mortalité intra-
hospitalière (RR : 0,87 ; IC95 % : 0,79-0,96) et à 3 mois (RR : 0,91 ; IC95 % : 0,85-0,98) des
patients pris en charge en UNV par rapport aux services non dédiés [10]. La probabilité de retour
au domicile était plus élevée (RR : 1,06 ; IC95 % : 1,03-1,10) et l’institutionnalisation moins

/ 39
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

fréquente (RR : 0,94 ; IC95 % : 0,89-0,99). Cependant, l’amplitude du bénéfice était inférieure à
celle observée dans les méta-analyses d’essais randomisés, et aucun bénéfice n’était observé
pour les patients ayant des troubles de la vigilance à l’admission [15].

Enfin, une étude issue des données collectées sur l’année 2001 de 240 hôpitaux au Royaume-Uni
a montré des résultats similaires aux méta-analyses des études randomisées avec une diminution
de la mortalité d’environ 25 % à 30 jours pour les patients hospitalisés dans les UNV [16].

Ainsi, une revue systématique des études observationnelles, dont trois ont été menées en Europe,
a montré que, malgré la présence de possibles biais et d’une hétérogénéité, l’hospitalisation dans
les Stroke Units ou UNV était associée à un bénéfice similaire à celui démontré par les études
randomisées avec une diminution de la mortalité de 21 % (OR 0,79 ; IC95 % : 0,73-0,86 ;
p = < 0,00001) et du critère combiné de mortalité, d’institutionnalisation ou de dépendance de
23 % (OR 0,87 ; IC95 % : 0,80-0,95 ; p = 0,002) à un an [17].

De plus, le bénéfice initial et à moyen termes de la prise en charge des AVC en UNV persistait
à long terme, au-delà de 5 ans et même 10 ans, en termes de survie, d’autonomie fonctionnelle
et de probabilité de retour au domicile [10, 18, 19].

Les analyses en sous-groupes confirmaient que le bénéfice des UNV existait quels que soient
l’âge, le sexe, la sévérité de l’AVC (basée sur le score NIHSS) ou le type d’AVC (ischémique vs
hémorragique), démontrant que ces différents paramètres ne doivent pas entraîner de limitation
d’accès aux UNV.

Cependant, pour les AVC légers (index de Barthel > 50), il n’a pas été démontré de différence
significative pour la mortalité (OR 0,92 ; IC95 % : 0,64-1,31), la mortalité ou institutionnalisation
(OR 0,80 ; IC95 % : 0,59-1,08) ; mais une réduction significative de 25 % (OR 0,75 ; IC95 % :
0,58-0,96) de la dépendance [9].

À l’inverse, les patients non autonomes avant l’AVC ne semblent pas tirer bénéfice d’un séjour
en UNV sur une durée de suivi de 2 ans [20].

Les patients ayant une détérioration intellectuelle préexistante semblent moins souvent admis
en UNV que les patients cognitivement indemnes [21], mais l’absence de bénéfice d’une prise
en charge en UNV reste à prouver [22, 23].

Le bénéfice des UNV dans la prise en charge des patients victimes d’hémorragies cérébrales a
également été démontré dans des études prospectives randomisées [24] de suivi de cohortes
[25] et confirmé une méta-analyse récente [26] avec une diminution significative de la mortalité
de 21 % (RR : 0,79 ; IC95 % : 0,64-0,97) et de la mortalité et de la dépendance de 19 % (RR :
0,81 ; IC95 % : 0,471-0,92) avec une efficacité comparable à celle de la prise en charge des
infarctus cérébraux [26].

Unités mobiles intrahospitalières : ces équipes multidisciplinaires mobiles sont spécialisées dans
la prise en charge des AVC et se déplacent en général dans les différents services de l’hôpital
où se situe l’UNV géographiquement localisée mais dont la capacité s’avère insuffisante pour
accueillir l’ensemble des AVC admis aux urgences de cet hôpital. Peu d’études ont été consacrées
à leur évaluation, mais, sur des données anciennes, leur efficacité sur le décès, la dépendance
ou le risque d’institutionnalisation apparait significativement moindre que lors d’une prise en
charge initiale en UNV [27, 28].

40 /
Unités neurovasculaires

Unités mobiles préhospitalières : de nombreuses et récentes publications rapportent l’efficacité,


à la phase pré-hospitalière, d’une équipe mobile (Mobile Stroke Unit – MSU) localisée dans une
ambulance et dédiée à la prise en charge immédiate au domicile du patient supposé victime
d’un AVC selon les critères de ROSIER modifiés [29], amenant ainsi les compétences de l’UNV
au domicile du patient. Ce concept, développé en 2003, a été étudié dans de nombreux essais
à partir de 2008 [30, 31] essentiellement aux États-Unis et en Allemagne. La composition de
cette MSU est variable (paramédical, médecin spécialisé dans la prise en charge de l’AVC, neu-
roradiologue) et est équipée d’un scanner crânien et d’un laboratoire d’analyses biologiques
permettant un diagnostic précoce de l’AVC et une prise en charge initiale appropriée et notam-
ment la possibilité d’une thrombolyse dans les infarctus cérébraux [32]. Dans d’autres études,
l’équipe médicale spécialisée dans la prise en charge de l’AVC (neurologue et radiologue) était
basée à l’hôpital où se situait l’UNV « mère » géographiquement localisée, guidant ainsi la MSU
dans le diagnostic et la prise en charge adaptée de l’AVC par le biais de la télémédecine [33].
Cette nouvelle prise en charge potentielle entraîne une amélioration significative du délai d’une
prise en charge thérapeutique [32] et notamment de la thrombolyse [34], sans qu’actuellement
une différence significative sur le pronostic fonctionnel à 3 mois (Rankin 0-1) ne soit observée
par rapport à une prise en charge « classique » par l’UNV géographiquement localisée et bien
que la mortalité à 3 mois soit significativement plus basse [35].

Les UNV représentent le traitement le plus efficace des AVC à l’échelon de la population et
assurent une meilleure prise en charge des patients atteints par rapport aux services non dédiés,
comme le montre la diminution de la mortalité à court, moyen et long termes, du handicap et
du risque d’institutionnalisation [36]. Par conséquent, l’hospitalisation des AVC dans les UNV
est mentionnée avec un niveau de preuve maximal dans les recommandations de l’European
Stroke Organisation (ESO) [37] et de l’American Heart Association, y compris pour les hémorragies
intraparenchymateuses [38, 39] et les thromboses veineuses cérébrales [40].

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42 /
4

L’hôpital est entré, au XXIe siècle, dans l’ère des innovations thérapeutiques et technologiques.
Les biotechnologies, les « big data », les sciences cognitives et la télémédecine (TLM) sont quatre
domaines à l’origine de l’essor fulgurant qui transforme notre système de santé et décuple son
efficacité.

La TLM permet un accès équitable aux soins « de partout et à tout moment », de l’urgence
vitale aux soins chroniques. C’est un outil décisif pour améliorer l’accès aux compétences et
combattre la désertification médicale, elle devient progressivement la principale porte d’entrée
du parcours de soins, elle permet le partage sécurisé et traçable de l’information avec respect
de la confidentialité, elle assure le partage des connaissances et des bonnes pratiques à l’ensemble
des professionnels de santé.

S’appuyant en France sur les cinq priorités nationales de déploiement de la TLM définies par
le Plan TLM de 2011-2015 [1] (imagerie, prise en charge de l’accident vasculaire cérébral
– AVC –, maladies chroniques, santé des détenus et soins dans les structures médico-sociales),
les hôpitaux se sont rapprochés les uns des autres grâce au lien construit par la TLM pour
répondre au premier défi lancé par l’entrée de l’AVC dans l’ère thérapeutique curative dont
l’efficacité est amplement démontrée depuis les années 2000. Ces traitements curatifs impo-
sent des contraintes de temps (une fenêtre thérapeutique courte) et de compétences (une
expertise neurovasculaire voire neuroradiologique interventionnelle). L’AVC s’est imposé
comme le modèle qui a réussi un maillage performant grâce à la TLM pour répondre à la
complexité de sa prise en charge.

/ 43
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Plusieurs critères font de l’AVC une maladie emblématique car conjuguant soins en urgence et
prise en charge chronique [2].
– Il est de plus en plus fréquent : 140 000 AVC surviennent en France chaque année, et le nombre
continue d’augmenter (13 % entre 2008 et 2015) malgré une prévention efficace [3], à cause
du vieillissement de la population et surtout à cause de l’augmentation de l’incidence des AVC
chez les jeunes de moins de 55 ans [4].
– Il reste grave : 10 % de décès à 1 mois ; 40 % de handicap à 1 mois ; 20 % d’évolution vers
une démence.
– Les traitements efficaces existent et ils ont fait baisser la mortalité de 20 % et augmenter le
taux de guérison totale de 20 % [2-5].

Ces constats expliquent pourquoi l’AVC est reconnu depuis 2010 par le Plan national AVC comme
une nouvelle urgence médicale [5] dont les contraintes servent de starter et de modèle à l’appli-
cation de la TLM dans la prise en charge des urgences médicales en général et de leur suivi.

La prise en charge de l’AVC est passée d’une ère contemplative à une ère de prise en charge
très active avec plusieurs étapes clé [5, 6].
– Mise en place en 2010 du Plan national AVC avec comme objectif le développement, dans
chaque région sanitaire d’Unités de soins intensifs neurovasculaires (USINV) et d’Unités neuro-
vasculaires (UNV), permettant l’admission et la prise en charge de tous les patients atteints d’un
AVC.
– Hospitalisation en urgence de tout patient suspect d’AVC après appel au centre 15, pour
détermination du type d’AVC avec la réalisation d’une imagerie en urgence, de préférence une
IRM en première intention ou à défaut un scanner cérébral [6].
– Autorisation en France en 2002 de la fibrinolyse intraveineuse par rt-PA effectuée par un
neurologue dans les 4 h 30 suivant l’installation d’un AVC ischémique avant 80 ans et dans les
3 h après 80 ans, évitant un décès ou un handicap majeur pour 4 patients traités [5, 6].
– Contrôle de la pression artérielle en cas d’AVC hémorragique et réversion des anti-
coagulants [5, 7].
– Depuis 2015 : nécessité de diagnostiquer, dès la 1re imagerie cérébrovasculaire, les occlusions
des gros troncs artériels accessibles dans les 6 h à la thrombectomie mécanique (TM) [8].
– Mise en place du Plan TLM dès 2011 avec une priorité accordée au télé-AVC afin qu’un
maximum de patients puisse accéder aux avancées thérapeutiques, notamment à la fibrinolyse,
quel que soit l’hôpital d’admission initial [1, 9-11].

44 /
Télémédecine et accident vasculaire cérébral

Déroulé de l’acte de télé-AVC [12-16]


– L’acte commence par l’activation du réseau par l’urgentiste qui ouvre la téléconsultation et
remplit la fiche-navette, le radiologue qui transfère l’image, le neurologue requis qui télé-
expertise l’imagerie cérébrale et la fiche-navette, et télé-consulte le patient. La téléconsultation
mobilise une équipe composée d’une infirmière, d’un urgentiste, d’un technicien de radiologie,
d’un radiologue et du neurologue de garde.
– Il s’agit d’un dialogue entre 2 médecins (l’urgentiste requérant et l’expert-neurologue) avec,
au centre de cette discussion, le patient. C’est un acte qui nécessite un entraînement et dont la
sécurité du diagnostic et du traitement est décuplée : le neurologue et l’urgentiste réalisent une
synthèse diagnostique et prennent une décision thérapeutique concertée (indication d’une télé-
fibrinolyse, d’une TM, d’une hémicrâniectomie, d’une prise en charge particulière, etc.). Par
exemple, ils tracent ensemble un parcours selon 4 scenarii classiques en cas de décision de
thrombolyse et qui pourront faciliter une évaluation médico-économique en l’absence de cota-
tion spécifique.

Scénario A : le malade est fibrinolysé à distance (« téléfibrinolyse ») sur le site d’urgence, puis il
est transféré, par ambulance médicalisée, pendant la perfusion de rt-PA ou après la fin de la
perfusion, vers l’USINV pour une surveillance au moins pendant 48 h permettant de prévenir et
de traiter les risques de fluctuation des déficits et les complications (hémorragie, arythmie car-
diaque, phlébite et embolie pulmonaire, fausses routes alimentaires, hyperthermie, épilepsie) et
pour effectuer le bilan étiologique et mettre en route la prévention secondaire.

Scénario B : le séjour en USINV est plus bref, et le malade repart vers le site requérant pour y
terminer le bilan étiologique et la prévention secondaire en fonction de ses moyens humains et
logistiques.

Scénario C : après la téléfibrinolyse, le patient reste sur le site requérant à condition que ce
dernier possède une structure permettant une surveillance intensive, un bilan étiologique et la
mise en route de la prévention secondaire. Cette situation doit être évitée car le passage en
UNV a bien démontré son efficacité (cf. infra).

Scénario D : quand l’infarctus n’est éligible ni à la fibrinolyse ni à la TM, si le malade est jeune,
il doit être transféré en USINV au cas où une indication de l’hémicrâniectomie soit nécessaire.
Si le malade est stable, il peut être laissé sur site à condition que le malade soit pris en charge
en soins intensifs et télésurveillé.

Télé-AVC et diagnostic des occlusions


des gros vaisseaux [17, 18]
Le télé-AVC permet facilement d’identifier les indications de la TM (occlusion proximale d’un
gros vaisseau cérébral) par la conjugaison d’un score NIH élevé et de la visualisation d’un
thrombus soit par angioscanner, soit par angio-MR. En fonction des délais, soit le patient est
adressé directement sur l’UNV de recours en lien avec la neuroradiologie interventionnelle (NRI),
soit il bénéficie sur place d’une téléfibrinolyse avant d’être transféré en NRI.

/ 45
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

Télé-AVC et diagnostic des infarctus malins [11]


Le télé-AVC permet facilement d’identifier les indications de l’hémicrâniectomie en cas
d’infarctus cérébral malin par la conjugaison d’un score NIH élevé et de la visualisation d’un
volume lésionnel déterminé en scanner ou en IRM comme supérieur à 145 cm3. En fonction des
délais, le patient est soit adressé directement en neurochirurgie, soit il bénéficie d’une surveil-
lance en USINV avant la décision d’intervention.

Télé-AVC et déficits cérébraux non vasculaires


Le télé-AVC permet de détecter assez souvent des déficits cérébraux aigus non vasculaires comme
les crises d’épilepsie, les tumeurs dont le méningiome, l’hématome sous-dural, sans oublier la
migraine avec aura. Dans tous les cas, le télé-AVC répond à une autre urgence, et l’expertise
déployée est utile pour le patient [19].

De nombreuses études ont démontré que le télé-AVC était aussi efficace dans la prise en charge
des hémorragies cérébrales, en particulier grâce à un diagnostic précoce, la baisse immédiate de
l’hypertension artérielle, au transfert rapide vers une USINV qui diminue les complications [5]
et répond aux éventuelles indications neurochirurgicales, comme l’évacuation de l’hématome, la
dérivation ventriculaire en cas d’hémorragie de la fosse postérieure, ou l’hémicrâniectomie [7].

Selon le modèle de TEMPIS [9], le télé-AVC permet d’adapter la prise en charge des patients
tout au long de leur séjour hospitalier avec la création de véritables unités de neurologie avec
télémédecine en lien avec l’UNV de territoire [14, 19]. Le télé-AVC s’applique aussi parfaitement
à la consultation pluridisciplinaire obligatoire du 6e mois en permettant de généraliser cet acte
dans n’importe quel hôpital connecté, même dépourvu de neurologie ou de médecin neuro-
rééducateur, avec un duo composé de l’expert neurologique de l’USINV, téléconsultant un malade
à distance en présence d’un médecin, d’une infirmière ou d’un kinésithérapeute. Le télé-AVC
permet aussi de donner un avis à distance pour un patient suspect de complications survenant
à distance d’un AVC (spasticité, épilepsie, démence, dépression, fatigue des aidants), à partir
d’un hôpital, d’une EHPAD ou d’une maison de santé [19].

Le Télé-AVC est parfaitement adapté à la prise en charge des autres déficits focaux mimant un
AVC comme la migraine, l’épilepsie, les comas aigus, les paraplégies aiguës, les mouvements
anormaux, réalisant d’autres urgences neurologiques bénéficiant de l’expertise immédiate

46 /
Télémédecine et accident vasculaire cérébral

neurologique et parfois la coopération de neurochirurgiens. La TLM permet aussi de développer


d’autres usages neurologiques comme l’interprétation d’électro-encéphalogramme et d’électro-
myogramme [20] et de Doppler cervicaux ou transcrâniens [19].

Le télé-AVC n’est pas un processus figé et doit être perçu comme adaptable aux organisations
et aux avancées des connaissances mises au service des patients.

Le télé-AVC en préhospitalier : l’organisation comportant le scanner embarqué dans l’ambulance


permet de gagner plus de 30 minutes sur le délai de la fibrinolyse et de donner à un plus grand
nombre de patients des chances de récupération optimale [21-25].

Le télé-AVC a été précurseur par le maillage territorial qui en découle dans la mise en place des
groupements hospitaliers de territoire (GHT) [26]. Ce maillage pourra être étendu vers les EHPAD
et les maisons de santé, conjuguant ainsi activités de proximité et de premier recours.

Enfin, le télé-AVC se prête parfaitement à des projets de recherche ciblés sur son impact médical,
sur les flux de patients, sur le rôle des différentes structures hospitalières et sur l’attractivité des
hôpitaux vis-à-vis des jeunes médecins [27].

Cette nouvelle pratique médicale a été évaluée à de nombreuses reprises avec des résultats concor-
dants, démontrant à la fois un taux d’efficacité mesuré par le score de Rankin, un taux de compli-
cations hémorragiques et un taux de décès à 3 mois similaires aux résultats obtenus dans une USINV
[28-33]. De plus, le télé-AVC a permis de multiplier par 3 l’accès à la fibrinolyse dans les petits
hôpitaux [9]. Cinq paramètres permettent d’évaluer le service rendu aux patients [9, 11, 33] : 1) le
taux de guérison ; 2) le taux de handicap ; 3) le taux de complications hémorragiques et le taux de
décès à 3 mois ; 4) le taux d’accès à la fibrinolyse, à la TM ; 5) le taux de prise en charge en USINV.
En fonction des résultats, la recherche des phases du parcours défaillantes doit être effectuée.

La TLM ne nécessite pas la création de nouveaux droits. Les grands principes classiques du droit
de la santé, comme celui des droits de la personne malade, s’appliquent dans le cadre de cette
nouvelle pratique médicale à distance. Néanmoins, la TLM implique une adaptation des règles
de droit afin de répondre à de nouvelles situations comme l’exercice collaboratif de la médecine,
car le clinicien n’est plus seul, et la relation singulière est partagée à plusieurs.

La mise en œuvre d’un projet de TLM en France est strictement encadrée par le Code de la santé
publique, le Code de déontologie et les normes professionnelles. La TLM, support de l’organisation du
circuit patients, est un acte médical et non une simple prestation de type e-service. Elle s’inscrit ainsi
dans la structuration de l’offre de soins encadrée par les Agences régionales de santé (ARS), et doit
s’articuler avec les projets professionnels, et avec les programmes institutionnels [34].

/ 47
Partie 1 – Organisation de la prise en charge

FIGURE 1 État des lieux du déploiement du télé-AVC en France en 2014.


Schéma adapté du Réseau des urgences neurologiques. www.fc-sante.fr

Le développement du télé-AVC en France (Figure 1) a permis de retenir les conditions nécessaires


pour mettre en place, pérenniser et rendre efficace un réseau de télé-AVC :
■ être inscrit dans un projet médical priorisant les besoins, les attentes ; édicter et évaluer
les bonnes pratiques ; exiger une technologie efficace et robuste ; établir une gouvernance
équilibrée entre l’ARS, les hôpitaux, les neurologues, les urgentistes et les radiologues ; pro-
poser un modèle économique assurant la pérennité de cette pratique qui a démontré son
efficacité médicale et son utilité en santé publique ;
■ construire un projet adapté à la géographie et à la démographie du territoire maillé par
le télé-AVC ; s’adosser sur une expérience préalable et bénéficier d’une interopérabilité et
d’une ergonomie simple permettant de poser rapidement un dialogue clair, puis un bon
diagnostic et une bonne décision thérapeutique ; proposer une formation préalable pluri-
disciplinaire aux professionnels impliqués dans le processus ; être en conformité sur le plan
juridique et règlementaire (rôle de l’ARS, des hôpitaux), et sur le plan technique avec une
infrastructure de type plateforme régionale ;

48 /
Télémédecine et accident vasculaire cérébral

■ en faire un outil du quotidien et non une exception ; ne pas considérer la TLM uniquement
sous l’angle d’une solution aux déserts médicaux qui doivent être vécus au contraire comme
un creuset d’intelligence et d’imagination, et une nouvelle pratique médicale complémen-
taire aux consultations en présentiel ; l’humain doit rester prioritaire avant la technique.

Ainsi, les UNV ont entraîné leur région sanitaire dans une véritable révolution des pratiques
médicales. Elles ont su convertir par la TLM les difficultés d’accès aux soins d’urgences liés à la
grande étendue des régions et aux problèmes de démographie médicale, en une réussite orga-
nisationnelle, en évitant les pertes de chance, en libérant la coopération, le transfert de compé-
tences vers les hôpitaux généraux et en décloisonnant les relations entre professionnels de santé.
Le télé-AVC est bien plus qu’un enjeu technologique car il participe à l’égalité à l’accès aux soins,
à la coordination des soins, à une meilleure utilisation des ressources, à l’amélioration de l’effi-
cacité du système de soins, à l’aménagement du territoire et à la vie économique. Le télé-AVC
est une réponse à une raréfaction des ressources médicales mais aussi une aide face à l’aug-
mentation de la demande et la technicité de prise en charge des patients AVC. Le télé-AVC nous
oblige à repenser une nouvelle organisation du temps médical, du parcours du malade ainsi que
des modalités du financement de la TLM.

■ Références
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50 /

5

L’accident vasculaire cérébral (AVC), plus particulièrement l’infarctus cérébral (IC), est habituel-
lement reconnu comme une pathologie essentiellement aiguë pour laquelle les études physio-
pathologiques ou pharmacologiques se sont focalisées de longue date sur les heures ou les jours
qui en suivent la survenue. Néanmoins, tant l’IC que les hémorragies ne peuvent se résumer à
cette fenêtre physiopathologique ou thérapeutique étroite dans la mesure où ils sont précédés
d’une phase prémorbide qui peut en influencer les conséquences à court et long termes. Par
ailleurs, l’accident aigu est, quant à lui, suivi d’une phase post-AVC dont on peut observer
aujourd’hui l’allongement en lien avec l’augmentation de l’espérance de vie des patients. Dans
le contexte d’une pathologie qui apparaît ainsi chronique, il est nécessaire, au-delà des traite-
ments classiques, d’envisager de nouvelles approches plus intégratives associant prévention pri-
maire et secondaire, traitement de la phase aiguë, facilitation de la réparation et de la récupé-
ration fonctionnelle ainsi que prévention des complications à long terme, en particulier cognitives.

Phase prémorbide
L’IC, de même que les hémorragies cérébrales, ne surviennent pas, le plus souvent, sur un terrain
neutre, compte tenu notamment de l’âge habituel de leur survenue. La phase prémorbide est
ainsi marquée par l’existence de nombreux facteurs de risque qui, au-delà de leur rôle dans la
survenue d’un AVC, peuvent également en influencer la physiopathologie et le pronostic [1, 2].
Les facteurs de risque comme l’hypertension artérielle, le diabète ou l’hypercholestérolémie
créent un contexte oxydatif et inflammatoire systémique. Les effets délétères de ces voies par
ailleurs amplifiés à la phase aiguë contribuent largement à la mort neuronale (Figure 1) [2].

/ 53
Partie 2 – Phase aiguë

FIGURE 1 Principaux mécanismes mis en jeu dans la physiopathologie de l’ischémie cérébrale


(d’après [9]).

À l’inverse, comme nous le détaillons dans l’un des paragraphes suivants, des mécanismes pro-
tecteurs qui limitent la sévérité de l’accident peuvent aussi se mettre en place au cours de cette
phase prémorbide. Ces mécanismes ont notamment été décrits dans le cadre des expériences
de préconditionnement ischémique qui consiste à provoquer des ischémies brèves et sans consé-
quences lésionnelles qui préparent le cerveau à subir une ischémie prolongée dont les consé-
quences sont alors moindres [3, 4]. Comme détaillé ci-dessous, certains de ces mécanismes
pouvant être mis en jeu sous l’effet de traitements médicamenteux, des approches de neuro-
protection préventive sont actuellement discutées (Figure 1).

Un autre impact de cette phase prémorbide concerne le risque cognitif associé aux AVC. En
effet, au moment où survient l’IC, 15 à 20 % des patients ne sont pas indemnes au plan
cognitif [5]. Deux mécanismes, qui peuvent se combiner, ont été mis en évidence : i) l’existence
de lésions vasculaires préexistantes (anomalies de substance blanche, micro-ischémies, micro-
hémorragies), en particulier associées aux facteurs de risque vasculaire comme l’hypertension
artérielle ; ii) l’existence d’un processus dégénératif, du même type que celui observé dans la
maladie d’Alzheimer, dont l’évolution peut être influencée par la survenue d’un AVC. Ainsi, en
matière de pronostic cognitif, l’existence de ces anomalies fonctionnelles et lésionnelles influence
la sévérité de l’AVC ainsi que la survenue d’une démence ultérieure [5].

La phase post-AVC
L’AVC, plus particulièrement l’IC, ne s’arrête pas aux premiers jours ou aux premières semaines
d’évolution, mais devient une véritable maladie chronique du fait du risque de récidive et de
nombreuses autres conséquences à long terme. Le cerveau qui a fait l’objet d’une ischémie reste
ainsi en perpétuel remaniement, ce qui permet à la fois une récupération progressive des fonc-
tions déficitaires mais aussi la genèse d’autres troubles. Les mois et années qui suivent l’accident
aigu sont ainsi marqués par un subtil équilibre entre récupération fonctionnelle et survenue de
complications (épilepsie, dépression, troubles cognitifs), l’ensemble impliquant des mécanismes
cellulaires et moléculaires en lien avec la plasticité cérébrale [6]. Dans ce contexte, le tableau

54 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

déficitaire est loin d’être figé puisque l’amélioration fonctionnelle peut être observée bien à
distance de la phase aiguë. Des travaux expérimentaux montrent qu’une mobilisation spontanée
de cellules souches issues du tissu cérébral ou de la moelle osseuse, est capable d’assurer une
colonisation cellulaire du foyer ischémique et la différenciation en nouveaux neurones assortie
de l’établissement de nouvelles connexions. La libération de facteurs attractants et neuro-
trophiques, comme le Brain Derived Neurotrophic Factor (BDNF), sous-tendent ces mécanismes
cellulaires. Ces phénomènes de plasticité cérébrale permettent également la mise en place de
suppléance par d’autres régions cérébrales qui viennent ainsi compenser la perte de fonction [6,
7].

À l’inverse, des anomalies de ces mécanismes de plasticité, en lien ou non avec la persistance
de phénomènes inflammatoires, peuvent conduire au développement de troubles de l’humeur
ou de troubles cognitifs. Ces derniers surviennent dans les mois ou années qui suivent l’AVC,
sur un terrain préexistant ou non comme le montre la phase prémorbide. La physiopathologie
de ces troubles cognitifs reste néanmoins complexe [5]. Il peut s’agir de l’aggravation ou de
l’accélération d’un processus dégénératif ou vasculaire déjà en cours par sommation ou synergie
lésionnelle. L’ischémie en elle-même peut aussi induire des lésions cellulaires à distance, notam-
ment au niveau du complexe temporal médian, comme le montrent des atrophies localisées ou
des modifications morphologiques des neurones hippocampiques. Des processus de déafféren-
tation, des modifications neurotrophiques et des phénomènes inflammatoires expliquent aussi
ces modifications tissulaires et fonctionnelles [8].

Des mécanismes évolutifs dans l’espace et le temps


Les lésions cérébrales au décours de l’ischémie sont la résultante de mécanismes complexes et
variables dans l’espace et le temps. Cette cascade d’événements cellulaires et moléculaires, qui
sont souvent liés et s’amplifient les uns les autres, a pour conséquence finale la mort neuronale.
Les modèles cellulaires et animaux nous ont appris que les mécanismes physiopathologiques de
la phase aiguë se mettent en place avec une cinétique assez précise, qui ne se limite pas aux
premières heures mais recouvre une fenêtre temporelle de plusieurs jours, voire plusieurs
semaines (Figure 1) [2, 9, 10]. De même, la cascade physiopathologique ne se limite pas aux
seuls neurones, mais concerne l’ensemble des éléments constitutifs de l’unité neuro-
gliovasculaire. Les cellules gliales jouent ainsi un rôle prépondérant dans la libération de média-
teurs délétères. La paroi vasculaire subit les agressions du processus ischémique, avec pour consé-
quence une altération de la réactivité vasculaire et de la perfusion tissulaire. Dans ce contexte,
i) la réactivité des fibres musculaires lisses est modifiée en raison d’une perturbation des canaux
ioniques, en particulier de différents sous-types de canaux potassiques ; ii) une dysfonction endo-
théliale s’installe au décours de l’occlusion artérielle, en raison notamment d’une moindre dis-
ponibilité du NO et d’une atteinte directe de l’endothélium par des médiateurs oxydatifs ou
inflammatoires. Enfin, si elle a des effets bénéfiques pour l’oxygénation tissulaire, la reperfusion
spontanée, pharmacologique ou mécanique peut également avoir des effets délétères en majo-
rant le stress oxydant [11, 12].

/ 55
Partie 2 – Phase aiguë

Calcium et excito-toxicité :
déterminants initiaux de la mort cellulaire
L’une des principales et des plus rapides conséquences de l’ischémie au sein du tissu cérébral est
l’augmentation de la concentration intracellulaire du calcium, conduisant rapidement à la nécrose [2,
9, 10]. Cette destruction cellulaire s’effectue par l’intermédiaire de la mise en jeu de divers systèmes
enzymatiques (protéines kinases, protéases, NO synthétase) responsables d’une inhibition de la syn-
thèse protéique, de la production de radicaux libres ou encore de l’altération des protéines du cyto-
squelette. Si l’invasion calcique est déclenchée par la déplétion énergétique cellulaire et par l’anoxie,
elle est entretenue par la libération massive d’acides aminés excitateurs, en particulier de glutamate.
Cette cascade d’événements va être complétée par la mise en jeu d’autres mécanismes délétères, mais
aussi protecteurs, en rapport notamment avec la synthèse de monoxyde d’azote (NO) (Figures 2 et 3).

Effets délétères du NO et du stress oxydant


De nombreux travaux ont permis de montrer l’implication du NO au cours de l’ischémie cérébrale
[2, 9, 13]. Les effets délétères, mais aussi parfois bénéfiques de celui-ci au cours du processus
ischémique sont dépendants de la mise en jeu respective des différentes isoformes de la NO
synthétase (NOS). L’activation, sous l’effet de l’élévation de la concentration en calcium intra-
cellulaire, de la NOS neuronale (NOS de type I) dans les minutes suivant l’ischémie constitue
un élément déterminant de la toxicité du NO. Dans les heures suivantes, l’augmentation de
l’activité de la NOS inductible (NOS de type II), exprimée par les cellules astrocytaires et gliales,
l’endothélium vasculaire ou les macrophages, va conduire à la majoration des lésions. La synthèse
de NO par les NOS de type I et II va ainsi contribuer au stress oxydant par la formation de
nombreux radicaux libres, en particulier de péroxynitrites qui, au niveau des cellules neuronales
et endothéliales, seront responsables de la peroxydation des lipides membranaires et de l’oxy-
dation des protéines [2, 9, 13] (Figures 2 et 3). En balance de ces effets délétères, l’endothélium
à travers la NOS endothéliale (NOS de type III), joue quant à lui un rôle essentiel tant dans les
conditions physiologiques que lors de la phase initiale de l’ischémie. Le NO ainsi produit pourrait
avoir un rôle protecteur en réduisant l’adhésion leuco-plaquettaire, en contrôlant le tonus vas-
culaire, en modulant le débit sanguin cérébral voire par la mise en jeu de processus antithrom-
botiques et fibrinolytiques à la surface de l’endothélium vasculaire (Figure 3).

Développement d’une inflammation postischémique


Les concentrations intracellulaires élevées en calcium, la production de NO et de radicaux libres
ainsi que l’hypoxie vont contribuer à l’activation de nombreux facteurs de transcription nucléaires,
en particulier du facteur NF-κB [9, 10] (Figure 2). L’activation de ce facteur de transcription a
plusieurs effets délétères : augmentation de la synthèse de NO via la NOS de type II ; expression
de la cyclo-oxygénase de type II (COX II), une enzyme impliquée dans la synthèse de prostanoïdes
toxiques et oxydatifs ; expression de nombreuses cytokines tels que le Tumor Necrosis Factor-α
(TNF-α) et l’interleukine 1-β (IL 1-β), des cytokines impliquées dans l’activation des cellules
gliales et des macrophages (synthèse de NOS de type II et de COX II) et dans les processus
favorisant l’adhésion des polynucléaires et des monocytes à l’endothélium vasculaire (activation
des protéines d’adhésion ICAM-1, P-sélectine, E-sélectine...) ainsi que leur migration au sein du
parenchyme cérébral, contribuant de cette manière à la majoration des lésions ischémiques [9,
10]. La contribution de ces processus inflammatoires à la sévérité de l’ischémie est par ailleurs
démontrée en clinique où le dosage des polynucléaires neutrophiles à la phase aiguë apparaît
comme un excellent marqueur de la morbi-mortalité à court et long terme [14].

56 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

FIGURE 2 Mécanismes cellulaires et moléculaires conduisant à la mort neuronale au décours de


l’ischémie cérébrale.

FIGURE 3 NO et endothélium vasculaire : acteurs clés au cours de l’ischémie-reperfusion


cérébrale.

/ 57
Partie 2 – Phase aiguë

Apoptose et autres formes de mort cellulaire


En dehors des phénomènes de nécrose cellulaire, l’augmentation de la concentration cellulaire en
calcium, la production de NO et de radicaux libres ainsi que les médiateurs de l’inflammation vont
être susceptibles de mettre en œuvre un processus de mort cellulaire programmée, l’apoptose
(Figure 2). Ce phénomène qui est différé dans le temps et prédomine au sein de la zone de pénombre,
fait intervenir des processus biologiques complexes [15]. L’augmentation de la concentration en
calcium, particulièrement lorsqu’elle est secondaire à l’activation des récepteurs glutamate non-
NMDA, va constituer l’un des signaux activateurs principaux de l’apoptose par l’intermédiaire de
l’expression de gènes de réponse immédiate permettant la transformation, par l’activation d’autres
gènes, d’un signal extracellulaire en modifications à plus long terme. Ainsi, l’expression de la p53
va provoquer un déséquilibre entre des facteurs proapoptotiques et antiapoptotiques de la famille
Bcl2 en faveur de l’initiation d’un programme d’apoptose. Les protéines proapoptotiques telles que
Bax et Bcl-x vont contribuer à l’exécution des dernières étapes du programme de mort cellulaire
par l’activation de nombreuses caspases (cysteinyl aspartate specific proteinases), l’ensemble ayant
pour effet de conduire à l’altération de l’ADN cellulaire, la désorganisation du cytosquelette et le
délabrement de la membrane cytoplasmique (Figure 2). D’autres formes de mort cellulaire au décours
de l’ischémie restent actuellement discutées telle la ferroptose [16]. Il convient néanmoins de
constater qu’en dépit de toutes les données expérimentales disponibles, toutes les approches phar-
macologiques visant à interférer avec les mécanismes cellulaires et moléculaires développés au cours
de l’ischémie se sont révélées être de retentissants échecs cliniques [10, 17].

Quelques autres facteurs aggravants :


hyperthermie, hyperglycémie et acidose
Parmi les processus décrits précédemment, certains peuvent être exacerbés par l’hyperthermie,
l’hyperglycémie ou encore l’acidose, autant de situations fréquemment observées en clinique
[18, 19]. La meilleure connaissance des mécanismes délétères potentiellement en jeu dans ces
situations constitue une difficulté. Concernant la température, s’il est établi que celle-ci puisse
être un facteur pronostique de l’ischémie cérébrale, la plupart des travaux cliniques ne permet-
tent pas de distinguer dans quelle mesure l’hyperthermie est le reflet d’une réaction inflamma-
toire systémique ou la résultante d’infections concomitantes [18].

A contrario, les nombreux travaux, tant expérimentaux que cliniques relatifs aux effets poten-
tiellement favorables de l’hypothermie, semblent quant à eux indiquer une interaction avec de
nombreux mécanismes délétères tels que la déplétion énergétique, l’excitotoxicité, le stress oxy-
dant, les processus inflammatoires ou encore l’acidose intracellulaire. En dépit du caractère pro-
metteur d’une telle approche thérapeutique, de nombreuses limitations existent, notamment
celles liées à sa mise en œuvre et à ses complications [20]. Dans ce contexte, l’étude multi-
centrique européenne EUROHYP ne permettra malheureusement sans doute pas de trancher
définitivement la question de l’intérêt de l’hypothermie contrôlée comme traitement à la phase
aiguë de l’ischémie cérébrale [21].

L’étude des effets de la glycémie sur le tissu cérébral au cours de l’ischémie est d’approche tout
aussi difficile. Si l’on dispose de quelques études cliniques aux résultats discordants, les données
expérimentales apportent des arguments en faveur des effets délétères de l’hyperglycémie, en
soulignant notamment le rôle des astrocytes [19]. Les astrocytes contiennent en effet des réserves
en glycogène qui permettent, à la condition que soit préservé le fonctionnement mitochondrial,
la fourniture de glucose pour assurer le métabolisme neuronal. En revanche, lorsque l’ischémie est
sévère, le glycogène astrocytaire est transformé en acide lactique en raison du blocage de la chaîne

58 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

respiratoire mitochondriale. Cette acidose intracellulaire va contribuer à la majoration des lésions


cérébrales et éventuellement être majorée soit du fait d’une hyperglycémie et/ou d’une acidose
systémique Dans ce contexte, les canaux sensibles aux acides (acid-sensing ion channel), canaux
perméables au calcium, pourraient jouer un rôle dans la majoration des lésions [19].

Effets délétères de la reperfusionLe vaisseau :


une cible parfois oubliée
Si l’on considère l’ischémie cérébrale sous un angle purement vasculaire, il apparaît que la reper-
fusion est un élément important pour limiter les lésions neurologiques. Les essais de fibrinolyse
ont été développés dans cet esprit, conduisant à une indication du rtPA aux États-Unis et au
Canada dès 1996 et à l’autorisation de mise sur le marché de ce produit en Europe en 2002
[22]. En dépit des bénéfices de ce traitement et de la démonstration plus récente de l’intérêt de
la thrombectomie [23], la reperfusion n’a cependant pas que des effets favorables. Du fait de la
correction brutale de l’hypoxie, la reperfusion va s’accompagner d’une majoration des processus
oxydatifs [2, 9]. L’ensemble des voies du stress oxydant mis en jeu au cours de l’ischémie est
ainsi exacerbé, concourant à l’aggravation des lésions cérébrales. L’afflux d’éléments figurés du
sang, en particulier de leucocytes et de neutrophiles, va contribuer au développement de l’inflam-
mation et donc à la majoration des lésions cérébrales.

Le développement d’anomalies fonctionnelles au sein de l’endothélium et des cellules muscu-


laires lisses vasculaires au décours de la reperfusion contribuent aussi à cette majoration des
lésions cérébrales [2, 11, 12, 18]. Si l’endothélium, à travers la NOS de type III, joue un rôle
fondamental dans la protection du tissu cérébral vis-à-vis de l’ischémie (Figure 3), la reperfusion
peut en altérer profondément le fonctionnement. La reperfusion va ainsi générer une altération
de la réactivité des vaisseaux cérébraux, contribuant à la perte du tonus vasculaire physiologique,
à la diminution des capacités de contraction à la sérotonine ou encore à l’abolition de la vaso-
relaxation endothélium-dépendante, autant d’éléments à même de limiter les possibilités d’auto-
régulation du débit sanguin cérébral [2, 11, 12].

La reperfusion des vaisseaux cérébraux va aussi altérer le fonctionnement d’un canal potassique,
le canal Kir 2.1, un canal situé sur les cellules musculaires lisses vasculaires qui joue un rôle
essentiel dans les capacités de vasodilatation des artères cérébrales ainsi que dans le couplage
entre le métabolisme et le débit sanguin cérébral [11]. En dehors des aspects hémodynamiques,
l’altération fonctionnelle de ce canal ionique lors de la reperfusion est corrélée à l’aggravation
des lésions du tissu cérébral, apportant des arguments en faveur de l’existence d’une interaction
entre les capacités fonctionnelles du vaisseau cérébral et le développement des lésions du paren-
chyme au décours de l’ischémie à travers la possible augmentation des processus oxydatifs ou
inflammatoires, le développement de lésions de la barrière hémato-encéphalique, la genèse d’un
œdème voire de lésions hémorragiques [11].

Si ces données expérimentales éclairent d’un jour nouveau la physiopathologie de l’ischémie


cérébrale et ouvrent d’éventuelles perspectives thérapeutiques, la répercussion de ces anomalies
en clinique humaine demeure peu explorée. Quelques travaux apportent néanmoins des argu-
ments en faveur d’un rôle possible des anomalies fonctionnelles de la réactivité vasculaire céré-
brale dans la survenue de certains IC, notamment dans le cadre des infarctus dits lacunaires [24,
25]. D’autres travaux mettent quant à eux en lumière l’importance potentielle de la qualité et
de la fonctionnalité des réseaux anastomotiques associés aux artères piales comme éléments
protecteurs [2, 26, 27].

/ 59
Partie 2 – Phase aiguë

Évolution des outils et compréhension


de la physiopathologie
L’évolution des différentes techniques d’imagerie a été un élément déterminant de la compré-
hension des mécanismes mis en jeu au cours de l’ischémie cérébrale. Il est ainsi apparu qu’à
l’échelon individuel, la gravité de l’expression clinique d’une occlusion artérielle était fortement
dépendante de la qualité des réseaux anastomotiques et des capacités de régulation du débit
sanguin cérébral [26, 27]. Plusieurs expériences réalisées chez les primates ou à la phase aiguë
de l’ischémie cérébrale chez l’homme par l’utilisation de la tomographie d’émission de positons
(TEP) ont permis de démontrer l’existence d’une zone centrale d’ischémie dense au sein de
laquelle le débit sanguin est inférieur à 10 mL/min/100 g de tissu cérébral et au pourtour, l’exis-
tence d’une zone de tissu avec un débit intermédiaire entre 20 et 10 mL/min/100 g de tissu, le
débit sanguin normal ayant quant à lui une valeur d’environ 50 mL/min/100 g [28]. Cette zone,
désignée sous le terme de « pénombre ischémique », correspond à la partie du tissu cérébral où
le débit sanguin reste insuffisant à maintenir un fonctionnement cellulaire normal, la survie
cellulaire y demeurant cependant assurée dans un premier temps. Le développement de l’ima-
gerie par résonance magnétique (IRM) a permis ultérieurement de suggérer que la différence
entre les anomalies en imagerie de perfusion et celles observées en imagerie de diffusion puisse
être représentative de cette zone de pénombre, constituant aussi un possible marqueur pour la
sélection des patients les plus à même de bénéficier de traitement comme la thrombolyse [22,
28]. Les données expérimentales animales ou les données obtenues en phase aiguë chez l’homme
ont montré qu’en deçà de 10 mL/min/100 g de tissu cérébral, la zone d’oligémie maximale
tolérable était atteinte. Si cet état d’oligémie se prolonge plus de quelques dizaines de minutes,
le tissu cérébral évolue vers un état de mort cellulaire. De même, la mort cellulaire survient
lorsque le débit sanguin cérébral est maintenu plus de 3 minutes à moins de 10 mL/min/100 g
de tissu cérébral, l’IRM de diffusion s’avérant là encore un outil remarquable pour évaluer pré-
cocement la mort neuronale [28].

Ces dernières années, l’évolution des différentes techniques permettent d’aller encore plus loin.
De nouveaux traceurs en TEP ou plus encore des séquences en IRM évaluant le métabolisme de
l’oxygène et permettant de cartographier l’hypoxie constituent des outils utiles au dévelop-
pement des connaissances physiopathologiques et à la détermination d’éventuelles nouvelles
cibles thérapeutiques [29]. De même, de nombreuses séquences IRM ont été développées ces
dernières années qui permettent d’une part l’évaluation et le suivi de l’inflammation, de l’atteinte
mitochondriale, de l’activation microgliale et, in fine, de la mort neuronale ainsi que le suivi des
processus de réparation et de récupération fonctionnelle [29-31].

Combiner différentes approches


en imagerie pour le soin
Si le développement de l’imagerie a présidé à une meilleure connaissance de la physiopathologie
de l’ischémie cérébrale, la contribution à une meilleure prise en charge des patients a été majeure
et s’est largement amplifiée ces dernières années. Il était bien sûr difficile d’envisager la TEP
comme un outil de diagnostic voire de sélection des patients pour des traitements comme la
thrombolyse. En revanche, d’abord avec le scanner puis avec l’accès facilité à l’IRM, les modalités
de diagnostic à la phase aiguë ont été totalement modifiées. Ainsi, avec l’IRM, l’utilisation de
différentes séquences usuelles comme les séquences de perfusion et de diffusion permet

60 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

aujourd’hui d’effectuer un diagnostic de certitude sur une ischémie en cours et ce y compris


dans des tableaux parfois complexes tel que certains syndromes lacunaires chez des patients
présentant de multiples lésions cérébrales anciennes [28, 32]. L’adjonction de séquences vascu-
laires permet par ailleurs le diagnostic de l’occlusion artérielle facilitant là encore la prise en
charge des patients. L’accès à un plateau d’imagerie permettant de réaliser des examens selon
plusieurs modalités apparaît aujourd’hui d’autant plus important que deux études publiées récem-
ment ont permis de démontrer ce qui était pressenti de longue date à savoir que le retard au
diagnostic, s’il a un impact potentiellement délétère sur le devenir du patient, peut être compensé
à travers l’utilisation de certaines séquences IRM qui, au-delà des délais usuels, permettent de
repérer les individus qui bénéficieront encore de traitements comme la thrombectomie [33-35].
Le développement de biomarqueurs multiples en imagerie cérébrale constitue ainsi un moyen
de progresser dans la prise en charge des patients. Gageons que, dans le futur, cela puisse
permettre d’ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques [32, 33].

Développer une neuroprotection préventive


En dépit de très nombreuses études précliniques encourageantes, force est de constater que la
neuroprotection à la phase aiguë de l’ischémie cérébrale demeure un échec [10, 17]. Cette
inadéquation entre résultats expérimentaux et cliniques pose la question de la pertinence des
modèles animaux (souches et âge des animaux, fenêtre thérapeutique, mode d’évaluation des
lésions) mais aussi celle de la méthodologie des essais cliniques à la phase aiguë [36, 37]. Au-delà
de la nécessaire amélioration de la pertinence des modèles et des méthodes d’évaluation pré-
cliniques et cliniques, la mise au point de nouveaux traitements de l’ischémie cérébrale nécessite
peut-être de revoir les notions classiques de neuroprotection ainsi que les modalités et les délais
d’administration des traitements (Figure 1).

Comme cela a pu être montré à travers différentes modalités de préconditionnement (ischémie


transitoire, hyperthermie, cortical spreading depression, faible dose de lipopolysaccharide ou
d’acide 3-nitro-propionique), une protection retardée peut être induite. Le développement pos-
sible d’une protection retardée apporte un éclairage nouveau sur les mécanismes qui peuvent
se mettre en place au cours de la phase prémorbide de l’AVC, mécanismes qui seraient finalement
susceptibles d’en influencer le pronostic. Des processus antioxydants ou anti-inflammatoires,
une modulation de la voie des caspases ainsi qu’une activation des voies moléculaires de la
plasticité cérébrale sont ainsi mis en place sous l’effet de mécanismes déclencheurs plus immé-
diats (libération de cytokines, de radicaux libres ou de NO) (Tableau I) [3, 38]. Par ailleurs, la
survenue d’un accident ischémique transitoire, l’activité physique régulière, la prise de certains
médicaments peut mimer un effet de préconditionnement, conduisant à une moindre sévérité
de l’IC, et ce via la mise en place de mécanismes de défense vis-à-vis des voies physio-
pathologiques délétères qui s’activent à la phase aiguë ou à travers l’activation des mécanismes
de plasticité qui favorisent la récupération fonctionnelle au cours de la phase post-AVC.

Cette neuroprotection que l’on peut qualifier de préventive serait ainsi la résultante d’un trai-
tement qui permet de limiter les conséquences d’une ischémie, tant sur le plan lésionnel que
fonctionnel, lorsque celle-ci survient en dépit des traitements de prévention usuels [39]. À la
différence de la neuroprotection conventionnelle, la neuroprotection préventive peut être
observée en clinique. En effet, si un antécédent d’accident ischémique transitoire et l’activité

/ 61
Partie 2 – Phase aiguë

physique régulière permettent de réduire la sévérité d’un IC, plusieurs études ont montré par
ailleurs l’effet potentiellement protecteur de diverses molécules, notamment de la prise préalable
à la survenue de l’IC de statines ou de fibrates [38, 40, 41].

TABLEAU I ▼ Principales voies moléculaires impliquées dans la résistance à l’ischémie. D’après [3].
Inducteurs Capteurs Transducteurs Effecteurs

Ischémie, hypoxie HIF JAKs Enzymes anti-oxydantes


LPS, radicaux libres AMPK STATs Arotéines antiapoptotiques
Acide 3-nitropropionique mTOR p38 MAPK IL1-ra
Statines mitoKATP PKB/PI3K EPO
Fibrates PPAR PKC NOS III et NO
IEC... TLR... NFκB... BDNF, VEGF...
AMPK : protéine kinase activée par l’adénosine monophosphate ; BDNF : facteur de croissance neuronal ; EPO : érythropoïétine ;
HIF : facteur inductible par l’hypoxie ; IEC : inhibiteurs l’enzyme de conversion ; IL1-ra : antagoniste du récepteur de l’inter-
leukine-1 ; JAKs : janus kinases ; LPS : lipopolysaccharide ; mitoKATP : canal potassique mitochondrial sensible à l’adénosine
triphosphate ; mTOR : cible de la rapamycine chez le mammifère ; NFκB : facteur de transcription pro-inflammatoire ; NO :
monoxyde d’azote ; NOS III : NO synthétase endothéliale ; PPAR : Peroxisome Proliferator-Activated Receptor ; p 38 MAPK :
protéine kinase activée par le mitogène p38 ; PKB : phosphokinase B ; PI3K : phospho-inositide 3 kinase ; PKC : phosphokinase
C ; STATs : transducteurs de signal et activateurs de la transcription ; TLR : récepteur Toll-like ; VEGF : facteur de croissance
vasculaire endothélial.

Optimiser la reconstruction et la réparation cérébrale


L’observation clinique révèle la capacité extraordinaire du cerveau à pouvoir se réparer. Nombre
de patients ayant présenté un IC vont en effet voir régresser leur symptomatologie déficitaire
dans les semaines et les mois suivants. Si cette récupération spontanée peut être accélérée par
la rééducation, la confrontation des données expérimentales et cliniques, notamment par l’uti-
lisation de l’électrophysiologie et de l’imagerie fonctionnelle, permet d’ores et déjà de mieux en
comprendre les mécanismes et de discuter l’intérêt de traitements spécifiques [6, 7, 42]. De
nombreuses voies cellulaires et moléculaires interviennent dans la reconstruction du cerveau
lésé comme la modulation du facteur de transcription nucléaire cAMP response binding element
(CREB), les récepteurs NMDA et AMPA, de nombreuses kinases, la potentialisation à long terme,
des facteurs de croissances neuronaux et vasculaires, l’ensemble contribuant au développement
de la synaptogenèse voire de la neurogenèse [7, 42-44].

La participation de la neurogenèse au processus de réparation du tissu cérébral constitue un


domaine de recherche particulièrement intéressant. La production et la différenciation de pro-
géniteurs neuronaux sont activées au décours de l’ischémie cérébrale en particulier à partir de
la zone sous-ventriculaire mais aussi à partir de la moelle osseuse [7, 44]. En termes de pers-
pectives thérapeutiques, les mécanismes de synaptogenèse peuvent être amplifiés par la réé-
ducation, la stimulation magnétique cérébrale et les médicaments à même de moduler les
voies monoaminergiques, en particulier dopaminergique et sérotoninergique [42, 43, 45]. Si
l’amélioration de l’efficacité de la neurogenèse par l’utilisation du Granulocyte Colony Stimu-
lating Factor (GCSF), qui semblait prometteur, a été remise en cause du fait du caractère
délétère de la production accrue de neutrophiles notamment lorsque ce traitement est associé
à la thrombolyse [46, 47], l’intérêt de l’apport de cellules souches exogènes reste quant à lui
discuté [7].

62 /
Physiopathologie de l’ischémie cérébrale et cibles thérapeutiques

En dépit des succès indéniables de la reperfusion pharmacologique ou mécanique, la vision inté-


grée de la physiopathologie de l’ischémie cérébrale conduit à envisager des approches pharma-
cologiques et thérapeutiques différentes de tout ce qui a pu être proposé jusqu’à présent à
travers la seule focalisation sur la phase aiguë avec le caractère totalement infructueux que l’on
connaît de la neuroprotection conventionnelle. Une vision moderne pourrait être le dévelop-
pement d’une stratégie plus globale ayant pour but de modifier le cours évolutif de la maladie,
depuis la phase prémorbide jusqu’aux complications à long terme, plutôt que de se focaliser sur
une seule de ces étapes [48]. Une telle approche est d’autant plus justifiée que ces différentes
étapes restent liées les unes aux autres et que de nombreux agents pharmacologiques peuvent
générer des effets suffisamment pléïotropes pour agir sur plusieurs de celles-ci. Le dévelop-
pement de ce concept de Disease Modifier dans l’AVC nécessite cependant un travail de recen-
sement des molécules, l’identification de nouvelles cibles, une réflexion sur les modèles précli-
niques d’évaluation avec notamment l’introduction de modèles à plus long terme ainsi que le
développement de méthodologies plus adéquates pour de futurs essais cliniques.

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Partie 2 – Phase aiguë

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64 /
6

L’imagerie est une étape indispensable dans la prise en charge des patients victimes d’un accident
vasculaire cérébral pour : i) faire le diagnostic ; ii) guider la prise en charge thérapeutique urgente ;
mais aussi iii) apporter des informations étiologiques ; et iv) pronostiques [1]. Ainsi, l’imagerie
du parenchyme couplée à l’imagerie des vaisseaux va permettre rapidement de différencier les
déficits brutaux en lien avec un infarctus cérébral ou une hémorragie cérébrale, d’éliminer cer-
tains diagnostics différentiels non vasculaires [2], et d’apporter des éléments essentiels à l’ins-
tauration d’un traitement. Dans tous les cas, l’imagerie doit être en urgence [3] pour réduire le
délai de début du traitement et améliorer l’évolution à long terme [4, 5].

L’imagerie des infarctus en phase aiguë peut se faire en scanner ou en IRM en fonction du plateau
technique disponible. L’exploration en scanner est de plus en plus multimodale en couplant : i)
scanner sans injection ; ii) angioscanner des troncs supra-aortiques et du polygone de Willis ; et
iii) scanner de perfusion. La disponibilité du scanner, son coût, et la rapidité des informations
obtenues permettant de réduire le délai entre l’arrivée du patient et le début du traitement
thrombolytique [6], ont fait du scanner la méthode la plus utilisée à travers le monde à la phase
aiguë de l’AVC. L’IRM est néanmoins de plus en plus utilisée en première intention à la phase
aiguë essentiellement du fait des performances de l’imagerie de diffusion [7]. Le protocole est
également multimodal avec : i) une imagerie du parenchyme (diffusion, FLAIR, T2*) ; ii) une
angio-IRM des troncs supra-aortiques et du polygone de Willis ; et iii) une imagerie de perfusion.
Les améliorations techniques (echo-planar, imagerie parallèle) permettent maintenant d’obtenir
ces informations en moins de 6 minutes [8] et l’optimisation des organisations permet un tri
efficace et rapide des patients en IRM [9]. Ainsi l’American Academy of Neurology (AAN) indique
dans ses recommandations « qu’une IRM de diffusion devrait être réalisée pour un meilleur
diagnostic d’infarctus en phase aiguë » [10], et la Haute Autorité de santé (HAS) indique aussi
que l’imagerie doit se faire en « privilégiant autant que possible l’IRM » [11].

/ 65
Partie 1 – Phase aiguë

Physiopathologie
Le développement progressif de différentes formes d’œdèmes au cours de l’ischémie conditionne
la visibilité des lésions précoces en imagerie. Dès les premières minutes de l’ischémie, le dys-
fonctionnement de pompes ioniques conduit à une accumulation de sodium et d’eau en intra-
cellulaire dans une phase initiale d’œdème cytotoxique [12]. Il s’ensuit une entrée de sodium
vasculaire pour remplir le compartiment extracellulaire déficient. Ces mouvements ioniques
s’accompagnent de l’entrée d’eau par phénomène osmotique à travers une barrière hémato-
encéphalique encore intacte et imperméable aux protéines plasmatiques. Il s’agit d’une phase
d’œdème ionique qui apparaît suite à une baisse plus prolongée et/ou plus sévère du débit
sanguin cérébral [12]. Plus tardivement la souffrance ischémique de la barrière hémato-
encéphalique induit l’extravasation de protéines plasmatiques dans l’espace extracellulaire qui
aggrave massivement l’entrée d’eau par phénomène de gradient osmotique et hydrostatique : il
s’agit de la phase d’œdème vasogénique [12].

IRM
L’imagerie de diffusion, en quantifiant les mouvements microscopiques de l’eau, est sensible à
l’œdème cytotoxique qui apparait précocement et réduit les mouvements Browniens de l’eau
du fait de la ballonisation cellulaire [13]. L’imagerie de diffusion permet donc de confirmer le
diagnostic d’infarctus très précocement en identifiant des plages systématisées hyperintenses
sur les images de diffusion isotropiques avec des valeurs de coefficient apparent de diffusion
(ADC) abaissées (Figure 1). La distribution des lésions oriente sur l’étiologie, par exemple vers
un mécanisme cardio embolique devant des lésions multiples dans des territoires différents.

La sensibilité de l’IRM de diffusion pour confirmer le diagnostic d’infarctus cérébral est très bonne
(88 % à 100 %) [14, 15] et les lésions d’infarctus sont très spécifiques en diffusion (proche de
100 %) ce qui fait de la diffusion une séquence capitale pour éliminer les diagnostics différentiels
(stroke mimics) [2]. Les faux négatifs en IRM de diffusion sont néanmoins possibles et rapportés
en moyenne dans environ 7 % des cas dans une méta-analyse [16], et jusqu’à 17 % dans une
série [7]), particulièrement dans les infarctus de la circulation postérieure, de petite taille ou très
récents [16].

Le signal en IRM de diffusion est dynamique. L’ADC diminue très précocement pour atteindre
un nadir 24 h-48 h après le début des symptômes [17]. L’ADC ré-augmente ensuite progressi-
vement en rapport avec l’augmentation du contenu en eau d’origine vasculaire et la lyse cellulaire
pour aboutir à un pseudo-normalisation en moyenne 10 jours après le début des symptômes
[17]. Cette dynamique du signal en diffusion peut varier en fonction du mécanisme, de la topo-
graphie de l’infarctus [18] mais aussi de la recanalisation [19]. En revanche, l’imagerie T2/FLAIR
ne se positive que lorsque le contenu net en eau est augmenté (œdème ionique et vasogénique).
Ainsi, en l’absence d’heure précise sur le début des symptômes (AVC du réveil par exemple), un
infarctus en restriction de diffusion mais non visible sur le FLAIR (concept de « mismatch FLAIR-
diffusion ») peut être considéré comme dans les délais de traitement avec une forte spécificité
(88 %) et une forte valeur prédictive positive (95 %) [20].

66 /
Imagerie de l’infarctus cérébral aigu

FIGURE 1 Infarctus cérébral exploré 3 h après le début des symptômes en IRM.


L’imagerie FLAIR (A) identifie des hypersignaux vasculaires en aval de l’occlusion (flèche) et un
hypersignal discret lenticulo-caudé droit. La diffusion (B) montre une plage infarcie (*) avec un
ADC bas (C). En perfusion, le volume sanguin cérébral (D) est diminué en lenticulo-caudé droit
mais la carte de Tmax (E) retrouve des anomalies plus larges. La quantification du cœur de
l’infarctus (rouge : ADC < 600 × 10-6 mm2/s) et de la zone hypoperfusée (jaune : Tmax > 6 s)
révèle un large mismatch diffusion/perfusion et donc la présence d’une large plage de
pénombre (F). L’angio-IRM (G) montre une occlusion en M1 droit.

Même si une partie des lésions en diffusion peut être récupérée en cas de reperfusion pré-
coce [21], les anomalies en restriction de diffusion à la phase aiguë sont classiquement consi-
dérées comme irréversibles. Ainsi, l’étendue des anomalies en diffusion est simplifiée comme
étant le « cœur » de l’infarctus, et l’utilisation d’un seuil à partir duquel l’ADC est considéré
comme significativement abaissé (généralement ADC < 600 × 10-6 mm2.s) limite la possibilité de
réversibilité des lésions [22]. L’étendue de ces anomalies peut être estimée via ASPECTS (Alberta
Stroke Program Early CT Score) qui consiste à retirer 1 point dès qu’une des 10 régions cibles
est touchée [23]. Le score ASPECT appliqué à l’IRM de diffusion est un outil simple et reproduc-
tible [23], mais un même score peut correspondre à des volumes très différents en fonction de
la localisation de l’infarctus car plus de points peuvent être perdus sur un petit territoire en
profondeur par rapport à la superficie [24]. Ainsi, les mesures directes de volume avec un ADC
significativement abaissé, qui sont maintenant possibles en temps réel avec différents logiciels
[25], sont de plus en plus utilisées pour la sélection des patients à recanaliser (Figure 1).

Scanner
Le scanner sans injection peut détecter des signes précoces en rapport avec l’augmentation du
contenu net en eau (stade d’œdème ionique et vasogénique) [12] : plages hypodenses débutantes
particulièrement au niveau du ruban insulaire ou du noyau lenticulaire, perte de la différentiation
substance blanche/substance grise [1]. Ces anomalies qui traduisent des lésions irréversibles
apparaissent de façon moins précoce qu’en IRM de diffusion et de façon beaucoup moins sen-
sible [7]. La détection de ces anomalies est difficile, et leur étendue mesurée selon le score
ASPECT est très variable d’un observateur à l’autre [26].

/ 67
Partie 1 – Phase aiguë

Compte tenu de ces limites, une acquisition en scanner de perfusion est de plus en plus pratiquée
(Figure 2) pour améliorer la sensibilité et la spécificité diagnostiques et permettre une meilleure
estimation du cœur de l’infarctus (mais aussi de la pénombre ; voir plus bas) [27]. La technique
souffre encore de manque de standardisation des paramètres d’acquisition, des méthodes de
post-traitements, des outils logiciels et de valeurs seuils pour différencier le cœur et la pénombre
[27]. Néanmoins, après optimisation, un centre donné peut générer de façon reproductible des
cartes de débit sanguin cérébral (cerebral blood flow : CBF), de volume sanguin cérébral (cerebral
blood volume : CBV), de temps de transit moyen (mean transit time : MTT) et de temps jusqu’au
maximum (Tmax). Le cœur de l’infarctus est défini comme les régions avec un CBV absolu
inférieur à 2,0-2,2 mL/100 g (ce qui traduit la perte de capacité de vasodilatation reflexe du tissu
infarci) [28] ou, le plus souvent, et avec de meilleurs résultats, comme les régions avec un CBF
diminué de 30 % à 50 % par rapport au controlatéral [28]. Un CBF < 30 % par rapport au côté
controlatéral à la phase aiguë a été identifié dans plusieurs travaux comme un très bon prédicteur
des lésions irréversibles même en cas de recanalisation [22, 29, 30]. Cette approche automatique
donne une meilleure évaluation du cœur de l’infarctus que l’évaluation en ASPECTS sur le scanner
sans injection [31].

FIGURE 2 Infarctus cérébral exploré 2 h 30 après le début des symptômes en scanner.


Le scanner sans injection (A) retrouve une artère sylvienne droite spontanément dense (flèche)
sans autre anomalie. En scanner de perfusion, le Tmax (B) est allongé dans un large territoire
sylvien droit sans baisse du volume sanguin cérébral (C) traduisant une large plage de pénombre
(Tmax > 6 s) sans lésion irréversible. L’angioscanner (D) confirme l’occlusion M1 droit (flèche
banche) avec un remplissage en distalité (flèches noires) traduisant un système de collatéralité
qui contribue à maintenir le tissu dans un état de pénombre.

68 /
Imagerie de l’infarctus cérébral aigu

Physiopathologie
La pénombre correspond à une zone dans laquelle la baisse du débit sanguin est suffisamment
marquée pour entraîner une altération de la transmission électrique neuronale et donc des signes
cliniques déficitaires, mais pas suffisamment pour entrainer un déficit énergétique massif ni la
perte de l’homéostasie cellulaire [32]. Il s’agit donc de tissu souffrant de l’ischémie mais poten-
tiellement viable et récupérable en cas de reperfusion, par opposition au cœur de l’infarctus où
l’ischémie est déjà irréversible [32]. La pénombre se développe typiquement autour du cœur de
l’infarctus. En l’absence de recanalisation, le cœur de l’infarctus remplacera progressivement la
pénombre [32]. Le maintien plus ou moins prolongé de la pénombre dépend du site de l’occlusion
et de la collatéralité. Il s’agit de la cible des traitements visant à recanaliser l’artère occluse [5].

Imagerie de perfusion
En IRM, le mismatch diffusion/perfusion est la méthode la plus utilisée pour estimer l’étendue
de la pénombre [1] selon un paradigme simple (Figure 1). Schématiquement, la diffusion repré-
sente les lésions irréversibles (cœur de l’infarctus), et la zone hypoperfusée mais normale en
diffusion correspond à la pénombre. L’IRM de perfusion est basée sur l’analyse des courbes de
chute de signal en T2* lors du premier passage d’un bolus de chélate de gadolinium. L’analyse
point par point de ces séries dynamiques permet de calculer des cartes de CBF, CBV, MTT et
Tmax après déconvolution par une fonction d’entrée artérielle. Les cartes de Tmax > 6 s sont
actuellement les plus utilisées pour identifier l’étendue de la pénombre [33]. Cette définition
reste néanmoins imparfaite et peut surestimer la pénombre en incluant du tissu oligémique
(tissu modérément hypoperfusé sans risque d’évolution vers l’infarctus) [34]. Des efforts de
standardisation (des paramètres d’acquisition, de post-traitement et des seuils identifiant les
anomalies significatives) sont menés pour harmoniser les pratiques entre les sites.

La perfusion sans injection de gadolinium par marquage de spins artériels (ASL) est une alter-
native à la perfusion injectée mais encore peu utilisée du fait d’un faible rapport signal/bruit en
dessous de 3 Tesla et de temps d’acquisition plus longs qu’en perfusion injectée [35].

En scanner, la répétition d’acquisitions dynamiques après injection d’un bolus de produit de


contraste iodé permet d’obtenir les mêmes cartes qu’en perfusion IRM après gadolinium. La
même approche qu’en IRM est utilisée en considérant que le cœur de l’infarctus correspond aux
régions avec un CBV < 2,0-2,2 mL/100 g ou un CBF < 30 %-50 % par rapport au controlatéral,
et que le tissu au-dessus de ces seuils mais avec un Tmax > 6 s définit la pénombre [27, 28]
(Figure 2).

Plusieurs travaux ont défini une pénombre cible (« target mimatch ») comme étant le profil qui
pourrait le plus bénéficier de la recanalisation, y compris au-delà de 6 h. Ce concept reste à être
validé prospectivement, et la définition de la pénombre cible reste à unifier. Une des définitions
inclut un cœur d’infarctus (diffusion ou CBF < 30 %) < 70 mL, un volume de pénombre
(Tmax > 6 s) > 15 mL, un ratio entre volume hypoperfusé et cœur > 1,8 et un volume de lésions
sévèrement hypoperfusées (Tmax > 10 s) < 100 mL [29, 36].

/ 69
Partie 1 – Phase aiguë

Autres méthodes d’évaluation de la pénombre


Compte tenu de difficultés pour standardiser l’imagerie de perfusion, des alternatives sont déve-
loppées pour essayer d’améliorer l’identification de la pénombre. Une approche simple consiste
à identifier une discordance entre une sévérité clinique importante et un volume d’infarctus
irréversible de petite taille (mismatch radioclinique) [37]. Cette approche a été utilisée pour
sélectionner les patients candidats à la thrombectomie entre 6 h et 24 h [38]. Il a été également
proposé de différencier le cœur de la pénombre uniquement sur les données de l’ADC en séparant
automatiquement les valeurs d’ADC les plus basses affectées au cœur et les valeurs d’ADC
diminuées de façon moins franche affectées à la pénombre (mismatch diffusion-ADC) [39]. La
pénombre se caractérise aussi par l’augmentation de l’extraction de l’oxygène pour compenser
la baisse de débit sanguin cérébral. Il en résulte une augmentation du taux de désoxyhémoglobine
dans le compartiment veineux qui apparait en hyposignal sur les séquences T2* et de suscep-
tibilité (mismatch diffusion-susceptibilité) [40]. Enfin, l’étendue des hypersignaux vasculaires en
FLAIR, en distalité de l’occlusion artérielle, peut aussi être une alternative pour détecter une
pénombre ischémique étendue en l’absence de séquence de perfusion [41].

L’analyse vasculaire permet d’identifier le site de l’occlusion, d’estimer la nature du thrombus


et d’évaluer l’importance de la collatéralité. Certaines étiologies comme les dissections peuvent
aussi être identifiées dès ce premier bilan de phase aiguë.

Site de l’occlusion
Visualiser le site de l’occlusion est capital en termes de choix thérapeutiques notamment pour
le recours à la thrombectomie mécanique en cas d’occlusion proximale [5]. L’étude de l’arbre
artériel se fait en angioscanner ou en angio-IRM en fonction des habitudes du centre et de l’accès
au plateau technique. Grâce aux scanners actuels multidétecteurs, l’angioscanner permet une
acquisition très rapide à très haute résolution spatiale qui a plus de 95 % de sensibilité et de
spécificité par rapport à l’angiographie conventionnelle pour identifier le site de l’occlusion [14]
(Figure 2). La sensibilité de l’angio-IRM avec injection de gadolinium est un peu moins bonne,
estimée à 84 %-87 % avec une spécificité de 85 %-95 % [14] (Figure 1). L’angio-IRM en temps
de vol (TOF) est moins performante car les spins circulant sont encodés en fonction de leur
vitesse, et le défaut de visualisation d’une artère peut donc aussi traduire le ralentissement du
flux dans une artère partiellement recanalisée.

Imagerie du thrombus
Le thrombus peut apparaître sous la forme d’une hyperdensité spontanée au sein de l’artère sur
le scanner sans injection (artère blanche) dans environ 40 %-50 % des cas d’infarctus sylviens [1]
(Figure 2). En IRM, le thrombus peut être vu sous la forme d’un hyposignal en T2* (susceptibility
vessel sign). L’hyposignal induit par le caillot est encore plus fréquent et plus marqué en imagerie
de susceptibilité. Ces aspects en scanner ou en IRM ont été associés à la présence de thrombi

70 /
Imagerie de l’infarctus cérébral aigu

riches en globules rouges par opposition aux thrombi riches en fibrine où ce signe est moins
observé [42]. Cette visibilité du thrombus, particulièrement sa largeur en IRM lorsqu’elle dépasse
de façon importante les limites anatomiques du vaisseau par effet de susceptibilité (blooming
artéfact marqué), traduit plus souvent un infarctus d’origine cardioembolique qui induit généra-
lement des caillots plus larges et plus riches en globules rouges [43, 44]. Cette information est
également importante pour la stratégie thérapeutique puisqu’un caillot plus étendu en T2* est
associé à un risque plus élevé de non recanalisation après thrombolyse intraveineuse [45, 46].

Imagerie des collatérales


La pénombre et son maintien dans le temps dépendent notamment de la mise en jeu d’un
système de collatéralité, particulièrement leptoméningé, qui permet le remplissage rétrograde
en distalité de l’occlusion [47]. Un bon système de collatéralité est donc associé au maintien
plus prolongé de pénombre, à un infarctus final plus petit et à un meilleur pronostic après
traitement [47] (Figure 2). L’angiographie conventionnelle a la meilleure résolution spatiale et
temporelle pour quantifier l’importance de la collatéralité. L’angioscanner et l’angio-IRM, même
avec un seul temps d’acquisition, permettent d’inférer la présence de collatérales devant l’opa-
cification de la vascularisation piale en distalité d’un thrombus. L’angio-IRM reste moins résolue
que l’angioscanner et est donc moins sensible à la détection de la collatéralité, et seule
l’angio-IRM avec injection de gadolinium est utile dans cette indication car l’angio-IRM en temps
de vol n’est pas sensible au remplissage distal via des flux lents [47]. Une acquisition dynamique
en angioscanner ou angio-IRM permettrait une meilleure évaluation de la collatéralité que l’acqui-
sition unique [48, 49]. La présence d’hypersignaux FLAIR intravasculaires en distalité du thrombus
est aussi interprétée comme des flux lents (Figure 1). La présence d’hyersiganaux FLAIR intra-
vasculaires au-delà de l’infarctus traduirait donc un remplissage rétrograde via la collatéralité ce
qui est associé à la pénombre et donc à un meilleur potentiel de récupération en cas de reca-
nalisation [50]. La perfusion ASL, en plus de visualiser la pénombre, peut identifier la collatéralité
sous la forme d’hypersignaux linéaires intravasculaires correspondant aux spins marqués n’ayant
pas encore diffusé dans le parenchyme du fait de l’allongement du temps de transit [51].

L’imagerie diagnostique est capitale dans la prise en charge thérapeutique urgente de l’infarctus
cérébral. Un simple scanner sans injection peut être suffisant pour initier un traitement par
thrombolyse intraveineuse si le délai est inférieur à 4 h 30. Il est néanmoins impératif de
compléter l’évaluation par une imagerie vasculaire pour orienter les patients avec une occlusion
proximale (carotide interne, sylvienne portion M1 ou M2) vers un geste de thrombectomie
mécanique qui est maintenant recommandée par la haute autorité de santé si le délai de survenu
des symptômes est < 6 h (https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2624413/fr/evaluation-de-
thrombectomie-des-arteres-intracraniennes-par-voie-endovasculaire). L’évaluation plus précise
des lésions irréversibles et potentiellement réversibles telle que décrite plus haut permet de
discuter au cas par cas le recours à la thrombectomie au-delà du délai de 6 h. Les études les
plus récentes apportent un fort niveau de preuve pour valider ce concept d’un élargissement de
la fenêtre thérapeutique pour le recours à la thrombectomie chez des patients sélectionnés sur
la base d’un mismatch en imagerie (étude DEFUSE 3, bénéfice jusqu’à 16 h [52]) ou d’un mis-
match radioclinique (étude DAWN, bénéfice jusqu’à 24 h).

/ 71
Partie 1 – Phase aiguë

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7

L’hémorragie intracérébrale (HIC) non traumatique correspond à l’irruption de sang au sein du


tissu cérébral par rupture spontanée d’un vaisseau pathologique.

L’enjeu clé de l’imagerie pour l’HIC est le diagnostic étiologique et l’évaluation pronostique qui
déterminent la hiérarchisation thérapeutique, le diagnostic positif étant relativement aisé par
les outils d’imagerie modernes. L’imagerie vasculaire occupe une place clé dans la stratégie
diagnostique et l’orientation thérapeutique.

Nous discuterons ici de la sémiologie scanographique et IRM des HIC, des éléments pronostiques
d’imagerie ainsi que des principales étiologies et de la démarche diagnostique d’imagerie pour
les identifier, pour guider la prise en charge thérapeutique.

Scanner
L’aspect en scanner d’une HIC aiguë dépend notamment de l’hématocrite et la concentration
protéinique intra-hématome. Elle est quasi invariablement caractérisée par la présence d’une
région spontanément hyperdense, expliquée par la plus grande atténuation du sang fraîchement
extravasé par comparaison au tissu cérébral adjacent (en raison de la présence d’hémoglobine
(Hb) au sein des hématies piégées dans l’hématome) [1, 2] (Figure 1).

À la phase hyperaiguë (0-3 h), et en l’absence d’élément modificateur (anticoagulation, troubles


de la crase), l’hémorragie consiste en une masse hétérogène formée d’hématies, de globules blancs,
d’un thrombus riche en plaquettes et de sérum riche en protéines. Rapidement (phase aiguë ;
4 h-4 jours), l’extrusion du plasma (d’atténuation moindre) lors de la « rétraction » de l’hématome,

/ 75
Partie 2 – Phase aiguë

entraîne une homogénéisation et une augmentation de la densité de celui-ci [2]. À ce stade,


l’œdème péri-hématome apparaît et contribue à l’effet de masse sur le parenchyme cérébral adja-
cent (stade subaigu précoce, 4 jours-8 jours). Enfin, l’hématome est progressivement résorbé, lais-
sant place à une cavité liquidienne iso- puis hypodense (subaigu tardif, 1-4 semaines), cerclée d’un
halo œdémateux qui s’atténue, et dont l’aspect peut être trompeur lorsque le scanner est réalisé
à distance de l’installation des symptômes [3]. Au stade chronique, l’hématome ne laisse en scanner
qu’une séquelle cavitaire, typiquement en fente pour les hématomes profonds.

IRM
Les variations du signal au sein des HIC dépendent de plusieurs facteurs, liés aux modifications
dynamiques des composants de l’hématome influencés par les processus catalytiques cellulaires
et moléculaires. À ceux-ci s’ajoutent des modifications osmotiques aiguës, et secondairement
des mécanismes de réparation tissulaire [4].

FIGURE 1 Diagnostic positif d’une hémorragie cérébrale au scanner et en IRM.


Coupes axiales et sagittale (T1). Hémorragie profonde aiguë, lenticulaire gauche, apparaissant
spontanément hyperdense (scanner), en iso-signal T1, hyposignal T2/FLAIR/T2* central avec cou-
ronne périphérique en hypersignal FLAIR/Diffusion (œdème). L’ARM TOF ne montre pas d’ano-
malie vasculaire. La présence de stigmates de microsaignements (microbleeds, têtes de flèches)
et le contexte clinique d’hypertension artérielle chronique oriente vers une microangiopathie
hypertensive.

76 /
Imagerie de l’hémorragie cérébrale

L’analyse du signal sur les séquences T1 et T2 spin-echo est la plupart du temps inutile (l’appa-
rition des symptômes datant le début de l’hémorragie). Celle-ci découle de la modification du
temps de relaxation induite par la cascade de dégradation de l’oxy-Hb et de la variation du
contenu en eau et en protéines au sein de l’hématome. Elle est résumée dans la figure 2. Il est
important de noter qu’un hématome aigu est hypo-intense en T1, l’hyperintensité n’apparaissant
qu’au stade subaigu.

FIGURE 2 Évolution du signal du sang en IRM et scanner.


Représentation schématique de l’évolution du signal du sang en IRM et en scanner.

Hb : hémoglobine ; IC : intracellulaire ; EC : extracellulaire ; Fe : ferritine ; HS : hémosidérine.

La séquence T2* ou ses dérivés (SWAN, SWI, VenoBold) sensibles aux artéfacts de susceptibilité
magnétiques permettent, la plupart du temps, d’établir le diagnostic d’HIC sans équivoque dès
la phase aiguë [5, 7]. Les produits de dégradation de l’oxy-Hb (qui est, elle, diamagnétique) sont
paramagnétiques, et induisent une variation locale du champ magnétique qui résulte en un
hyposignal franc et d’étendue disproportionnée (blooming artifact) permettant de repérer très
tôt les résidus hémorragiques sous la forme d’une couronne autour de l’hématome (puis l’emplis-
sant au stade aigu tardif et subaigu précoce). À la phase chronique, cet hyposignal traduit le
dépôt permanent de ferritine dans les parois de la séquelle de cavité hématique (« tatouage »
hémosidérinique).

La séquence de diffusion est d’analyse difficile à la phase aiguë de l’hémorragie cérébrale, et


montre assez constamment un hypersignal hétérogène avec restriction de la diffusion, pouvant
induire en erreur vers le diagnostic d’ischémie, en l’absence de confrontation aux autres
séquences.

/ 77
Partie 2 – Phase aiguë

La séquence « Fluid Attenuated Inversion Recovery » (FLAIR) est particulièrement utile pour la détec-
tion d’une rupture intraventriculaire, sous-arachnoïdienne ou plus rarement sous durale de l’HIC,
difficilement visible sur les autres séquences, surtout lorsque celle-ci est de faible abondance.
Les séquences vasculaires doivent au minimum inclure une ARM sans injection type Time of
Flight. L’acquisition d’une ARM dynamique permettra d’analyser le passage du bolus gadoliné de
l’espace artériel au secteur veineux, et permet de rechercher des anomalies structurelles et/ou
un shunt artérioveineux. Celle-ci sera complétée par une séquence volumique pondérée T1 avec
injection de produit de contraste.

Une grande partie des éléments pronostiques de l’hémorragie cérébrale sont cliniques (âge, comorbi-
dités, traitement antithrombotique, survenue précoce de troubles de conscience, coma, signes d’hyper-
tension intracrânienne sévères et/ou déficit neurologique sévère). L’imagerie apporte cependant des
éléments pronostiques clés dès la phase aiguë, en identifiant les patients à risque de dégradation
neurologique et/ou susceptibles de nécessiter une prise en charge réanimatoire ou neurochirurgicale.
L’imagerie joue donc un rôle clé dans la stratification de la prise en charge de phase aiguë.

FIGURE 3 Éléments pronostiques. Coupes axiales en scanner et IRM.


A : Hématome irrégulier (à gauche), avec croissance secondaire sur un scanner réalisé à H+8 (droite).
B : Angioscanner, extravasation de produit de contraste : spot sign au sein de l’hématome (tête de flèche).
C : Hématome irrégulier, siège de plusieurs hypodensités avec extension intraventriculaire (astérisque). D :
Hématome lobaire sur probable angiopathie amyloïde cérébrale (stigmates de microsaignements, micro-
bleeds, flèches). La présence d’une sidérose corticale superficielle (rectangles), est un facteur de risque de
récidive hémorragique avec des implications thérapeutiques sur le régime antithrombotique.

78 /
Imagerie de l’hémorragie cérébrale

Localisation, volume initial


Le volume initial d’une HIC est aisément calculé à la console d’acquisition en scanner ou IRM,
en utilisant l’approximation de l’ellipsoïde ABC/2 ou A et B représentent les plus grands diamètres
orthogonaux en coupe axiale et C le diamètre dans le sens crânio-caudal (Figure 1). Au facteur
volumétrique s’ajoute la localisation, les hémorragies sous-tentorielles étant typiquement de
pronostic plus sombre [8].

Extension intraventriculaire/hydrocéphalie
La présence d’une inondation hémorragique intraventriculaire est un facteur de mauvais pro-
nostic, notamment lorsque celle-ci est associée à une hydrocéphalie communicante [8]. Une
dégradation neurologique doit motiver la réalisation d’un contrôle scanographique pour ne pas
retarder la pose d’une dérivation ventriculaire le cas échéant.

Facteurs de risque de croissance secondaire


Le taux important de dégradation neurologique secondaire est en partie lié à la croissance des
hématomes qui survient typiquement sur plusieurs heures et dans environ 30 % des cas après
l’imagerie initiale (croissance secondaire) [9]. La croissance secondaire est un champ d’investi-
gation actif, car contrairement à la localisation et au volume de l’hémorragie à l’arrivée du
patient (qui sont fixés), celle-ci constitue une cible thérapeutique séduisante, car potentiellement
limitable. Bien que les efforts pour la limiter soient actuellement infructueux, il est capital de
pouvoir identifier les patients les plus à risque pour stratifier la prise en charge, évaluer la
nécessité de transfert vers un centre tertiaire, ou en intrahospitalier d’emblée vers un secteur
réanimatoire.

Spot sign
Il correspond à l’extravasation de produit de contraste, dès la phase artérielle, en angioscanner
ou IRM injectée et signe la présence d’une hémorragie active au moment de l’examen [10]
(Figure 3B). C’est l’un des facteurs de risque majeur de croissance secondaire et de mauvais
pronostic des hémorragies intracrâniennes spontanées.

Hétérogénéité/irrégularité
De nombreuses études ont récemment démontré l’importance de l’aspect morphologique de
l’hématome à la phase aiguë [11]. Ainsi, un hématome très hétérogène et/ou très irrégulier est
plus à risque de croissance secondaire qu’un hématome homogène à marges régulières (Figure 3,
A et C). Récemment, il a été montré que la simple présence d’hypodensités au sein de l’hématome
était suffisante pour prédire la croissance secondaire ainsi que le risque de mauvaise issue clinique
[11]. La signification précise des hypodensités/irrégularité est toujours mal comprise, mais pour-
rait refléter la cascade de ruptures vasculaires périphériques déclenchées par le saignement initial
et contribuant à la croissance de l’hématome.

/ 79
Partie 2 – Phase aiguë

Diagnostic positif
Tout déficit neurologique focal et brutal impose la réalisation d’une imagerie en coupes sans
délai. Le protocole d’exploration de première ligne, peut donc être en IRM ou en scanner en
fonction des spécificités locales et de l’état clinique du patient (AHA/ASA classe I, niveau A) [12].

Le scanner sera acquis sans injection, puis après diagnostic positif, complété par une angioscanner
(phase artérielle, détection des anomalies vasculaires et des extravasations actives) et éventuel-
lement un scanner au temps tardif (phase veineuse, détection des prises de contraste tumorales).

L’IRM comprendra une séquence de diffusion (ischémie ? lésion hypercelluaire ? abcès ?), T1, T2*
(résidus sanguins ?), FLAIR (œdème, hémorragie intraventriculaire ou sous-arachnoïdienne), une
angiographie intracrânienne sans injection (Time of Flight, anomalie macrovasculaire ?) et idéa-
lement une angiographie dynamique injectée (shunt artérioveineux ?) complétée par une
séquence volumique T1 après injection de produit de contraste (prises de contraste tumorales ?
spot sign ?).

Bilan étiologique
L’étiologie des HIC non traumatiques est largement dominée par la maladie des petits vaisseaux
et notamment par l’angiopathie amyloïde cérébrale [13] et la microangiopathie hypertensive
[14] qui sont les causes les plus fréquentes d’HIC dans des proportions variables en fonction des
régions géographiques et influences ethnogénétiques [15]. La maladie des petites artères, bien
que très largement prépondérante, représente un diagnostic d’élimination lors de la phase
d’exploration d’une HIC. Cette phase, capitale pour la hiérarchisation thérapeutique et la prise
en charge adaptée d’une éventuelle lésion sous-jacente, aura 2 axes principaux : éliminer sans
délai une lésion macrovasculaire (imagerie vasculaire) à risque de resaignement, identifier le cas
échéant une cible thérapeutique urgente (ectasie, anévrisme) et éliminer une lésion tumorale
sous-jacente potentiellement traitable (imagerie injectée).

En dehors d’une situation très singulière ou la suspicion de microangiopathie hypertensive est


majeure (patient de plus de 65 ans, HTA chronique et autres atteintes microangiopathiques liées
à l’HTA, hématome profond isolé sans atypie), la réalisation d’une imagerie vasculaire est tou-
jours indispensable [12]. Cette exploration pourra être répétée à distance (> 3 mois), après résorp-
tion de l’hématome et de son effet de masse qui pourraient avoir initialement masqué une lésion
sous-jacente.

Lorsque la suspicion clinico-radiologique de lésion vasculaire sous-jacente est forte (patient de


moins de 55 ans, hémorragie lobaire, pas d’histoire d’hypertension, anomalies biologiques ou
d’imagerie suspectes), une artériographie cérébrale par cathéterisme devra être réalisée pour
éliminer la possibilité d’un shunt artérioveineux ou d’une anomalie vasculaire structurelle si
celle-ci est occulte en imagerie non invasive, ou pour la phase thérapeutique.

Lorsqu’un scanner a été réalisé en première ligne, la réalisation d’une IRM à la phase subaiguë
permet : i) de rechercher la présence d’autres marqueurs de microangiopathie (stigmates de
microsaignements, leucopathie, atrophie cortico-sous corticale, lacunes), renforçant, le cas
échéant, l’orientation diagnostique vers une hémorragie sur maladie des petites artères ; et ii) de
rechercher une cause macrovasculaire ou tumorale sous-jacente, notamment par la possibilité
d’acquisitions vasculaires dynamiques et de séquences tridimensionelles avec injection.

80 /
Imagerie de l’hémorragie cérébrale

Maladie des petits vaisseaux


Microangiopathie hypertensive
Également appelée « microangiopathie sporadique non amyloïde », la microangiopathie hyper-
tensive est responsable d’HIC typiquement profondes, touchant les noyaux gris centraux, la
substance blanche profonde, le tronc cérébral et les pédoncules cérébelleux. En IRM, la co-
existence de microsaignements profonds, d’une leucopathie avancée et la dilatation des espaces
périvasculaires profonds viennent renforcer la suspicion clinique (patient de plus de 65 ans, HTA
chronique, hématome profond). Un HIC sur microangiopathie hypertensive impose un bilan
complet des atteintes hypertensives (cœur, vaisseaux, rein, rétine).

FIGURE 4 Étiologie des HIC.


Illustration de plusieurs étiologies secondaires d’HIC. A : Hématome pariétal gauche, hyperaigu.
L’ARM dynamique montre une opacification précoce du sinus longitudinal supérieure et un réseau
vasculaire pathologique, confirmé après injection (têtes de flèches). Diagnostic : malformation
artérioveineuse rompue. B : Lésion hétérogène hémorragique au stade subaigu (hypersignal T1).
Coexistence d’éléments hémorragiques d’âges différents, avec aspect de logettes. On note la
présence d’une autre lésion hémorragique antérieure Diagnostic : cavernomes. C : Lésion tissulaire
en hypersignal T1 connue (à gauche), apparition d’un déficit moteur hémicorporel droit et troubles
phasiques révélant un hématome temporopariétal et important effet de masse. Diagnostic final :
métastase hémorragique de mélanome. D : Infarctus sylvien gauche (scanner, panneau de gauche),
aggravation soudaine du déficit et troubles de conscience. Diagnostic : transformation hémorra-
gique d’un infarctus. E : Hématome frontal gauche et hémorragie intraventriculaire. Artériogra-
phie : anévrisme communicant antérieur (flèche). À noter la valeur localisatrice de l’hématome
en cas d’anévrismes multiples.

/ 81
Partie 2 – Phase aiguë

Angiopathie amyloïde cérébrale


Cette microangiopathie liée au vieillissement est responsable d’hémorragies lobaires chez les
sujets âgés. Ces HIC sont typiquement superficielles, postérieures, et récidivantes. Selon les
critères de Boston, l’angiopathie amyloïde est dite « probable » lorsqu’il existe au moins 2 stig-
mates de microsaignements ou HIC strictement superficiel(le)s en l’absence de cause concur-
rente, chez des patients de plus de 55 ans. La découverte d’une sidérose corticale superficielle,
est un signe de gravité, celle-ci étant liée à un risque majeur de récidive hémorragique [16]
(Figure 3).

Cavernomes
Les cavernomes sont des lésions capillaires non circulantes mêlées à du tissu conjonctif. Le risque
annualisé de récurrence de saignement est d’environ 5 %. Il n’y a pas de données fiables d’inci-
dence brute. Il existe des formes familiales responsables de multiples cavernomes sus- et sous-
tentoriels. Souvent masquée à la phase aiguë, la présence d’une anomalie veineuse de dévelop-
pement ou d’une telangiectasie capillaire au contact fait évoquer le diagnostic. Les HIC
intracavernomateuses peuvent être symptomatiques, et le diagnostic lésionnel sera fait sur la
présence de logettes arrondies siège de saignements d’âge différents (« en poivre et sel ») [17].

Lésions macrovasculaires
Malformations et fistules artérioveineuses
Ces lésions correspondent à des connexions anormales entres des artères et des veines, réalisant
un shunt artérioveineux, entraînant un hyperdébit artériel et une surpression veineuse pouvant
être responsables d’HIC, par rupture de zones de faiblesse vasculaire. Les malformations arté-
rioveineuses sont alimentées par des artères piales tandis que les fistules durales le sont par des
rameaux artériels duraux. L’ARM dynamique permet de détecter le shunt artérioveineux, visualisé
sous la forme d’une opacification précoce du réseau veineux.

L’imagerie vasculaire permettra d’analyser l’ensemble du réseau artériel, le site malformatif et


le drainage veineux et de rechercher des zones de faiblesse potentielles causales (anévrisme
prénidal, ectasie intranidale ou veineuse), qui seront ensuite plus finement caractérisées en angio-
graphie par cathéterisme.

Anévrismes intracrâniens
Les anévrismes artériels peuvent rarement être responsables d’hémorragie intraparen-
chymateuse, dans l’immense majorité des cas accompagnée d’une hémorragie sous-
arachnoïdienne qui oriente le diagnostic. L’hématome a dans ces situations une valeur localisa-
trice (hématome frontal dans les anévrismes communicants antérieurs par exemple).

Vascularites
Les vascularites cérébrales, primitives ou secondaires, bien que rares, sont l’un des diagnostics à
éliminer lors du bilan d’une HIC. L’atteinte vasculaire peut être mal évaluée en imagerie, notam-
ment lorsque celle-ci est microvasculaire [18] et dominée par des anomalies parenchymateuses.
Le contexte clinique est clé.

82 /
Imagerie de l’hémorragie cérébrale

Thromboses veineuses cérébrales


La thrombose veineuse cérébrale est l’une des étiologies d’hémorragie cérébrale dont le pronostic
est très sombre en l’absence de traitement. Bien que l’examen sans injection puisse être normal,
celle-ci est suspectée lorsque l’HIC présente les éléments atypiques suivants :
■ plages d’infarctus veineux sous la forme d’anomalies mal systématisées, possiblement
avec effet de masse, au sein desquelles il existe souvent des remaniements hémorragiques
spontanément hyperdenses, au contact ou à distance de l’HIC principale ;
■ hyperdensité spontanée au sein d’un sinus veineux duremériens (dense cord sign, environ
1/3 des cas dans les 15 premiers jours) ;
■ hématomes multiples ou symétriques parasagittaux.

Le scanner au temps veineux identifie le site de la thrombose qui peut apparaître sous la forme
d’un delta vide avec une prise de contraste limitée aux parois du sinus thrombosé. L’IRM a une
meilleure sensibilité que le scanner pour le diagnostic de thrombophlébite (Figure 5). Les lésions
FIGURE 5 Thrombose veineuse cérébrale.
IRM en coupes axiales (ligne supérieure) et coronale (ligne inférieure) démontrant une lésion en
hypersignal FLAIR hétérogène, avec hyposignal T2* témoignant de la présence d’éléments san-
guins extravasés (hémorragie). En diffusion, l’hémorragie est cerclée d’une plage en hypersignal,
correspondant à l’œdème vasogénique résultant de la gêne au retour veineux.
Après injection de gadolinium, on visualise un défaut d’opacification du sinus longitudinal supérieur et
des veines corticales adjacentes (têtes de flèches), occupés par du matériel hypodense (thrombus).

/ 83
Partie 2 – Phase aiguë

parenchymateuses sont typiquement non systématisées et présentent un ADC augmenté en


rapport à l’œdème vasogénique qui accompagne la gêne au retour veineux. Cet aspect est impor-
tant dans le diagnostic différentiel avec l’infarctus cérébral et traduit généralement des lésions
réversibles. Les remaniements hémorragiques et les hémorragies méningées focales sont fré-
quents. Le signal du thrombus varie en fonction de son âge et est typiquement iso-hypointense
au stade aigu en T1 et T2 puis hyperintense en T1 et en T2 au stade subaigu entre 5-15 jours.

Le diagnostic est confirmé par le défaut de signal du sinus en angio-IRM sans injection (contraste
de phase), ou le défaut de remplissage avec injection (angio-IRM dynamique) ou encore sur les
séquences T13D-écho de gradient après injection de gadolinium. Certaines localisations comme
les thromboses du sinus caverneux peuvent être de diagnostic plus difficile [19]. L’aspect ne doit
pas être confondu avec un sinus hypoplasique ou un défaut d’opacification lié à une granulation
de Pacchioni hypertrophique. Les thromboses isolées de veines corticales peuvent n’apparaître
que sous la forme d’un cordon hypointense en T2*. Le recours à l’angiographie conventionnelle
ne concerne que certains cas difficiles ou pour le recours à une désobstruction
endovasculaire [19].

Transformation hémorragique d’un infarctus


Son diagnostic est usuellement difficile, excepté lorsque la transformation hémorragique est
ultérieure à l’installation des symptômes, et/ou la plage d’ischémie artérielle sous-jacente bien
individualisable. Le contexte clinique, les traitements en cours notamment antithrombotiques
doivent peuvent parfois orienter vers cette étiologie. À noter que les anomalies de signal péri-
hématome en diffusion, fréquentes, ne doivent pas faire porter le diagnostic de transformation
hémorragique à tort.

Tumeurs hémorragiques
En plus du contexte clinique, l’IRM injectée permet, la plupart du temps, le diagnostic de lésion
tumorale sous-jacente. Lorsque la suspicion clinique (contexte néoplasique, installation progressive
de symptômes neurologiques avec dégradation brutale, etc.) ou radiologique (œdème périlésionnel
disproportionné, hématome lobaire, atypies de signal) est importante, l’IRM devra être répétée
après résorption au moins partielle de l’hématome, classiquement à 3 mois. Les mécanismes hémor-
ragiques des tumeurs sont complexes et impliquent notamment un envahissement des vaisseaux
parenchymateux adjacents à la lésion et des phénomènes de nécrose lésionnelle rapide.

Les lésions secondaires de mélanome, tumeurs germinales, carcinome papillaire de la thyroïde


ou hépatocelluaire sont les sous-types histologiques les plus fréquemment responsables
d’HIC [20]. La découverte d’une autre lésion tissulaire intraparenchymateuse, hémorragique ou
non, renforce énormément la suspicion diagnostique de lésion secondaire.

L’imagerie de l’hémorragie cérébrale intraparenchymateuse est le premier élément et la clé d’une


prise en charge thérapeutique adaptée à la sévérité, au risque de dégradation neurologique et à
l’étiologie dont l’identification sera largement guidée par une analyse fine des caractéristiques
radio-sémiologique, l’imagerie vasculaire et l’imagerie injectée.

84 /
Imagerie de l’hémorragie cérébrale

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/ 85
8

Les traitements de l’infarctus cérébral (IC) en phase hyperaiguë visent à recanaliser l’artère
occluse afin de limiter la transformation de la zone de pénombre en infarctus. Parmi les traite-
ments de recanalisation aiguë, la thrombolyse intraveineuse (IV) reste le traitement de référence,
avec pour seul produit thrombolytique approuvé actuellement, le rtPA ou activateur tissulaire
du plasminogène. La fenêtre thérapeutique actuelle est de 4 h 30.

Il existe une occlusion artérielle dans 80 % des infarctus cérébraux à la phase aiguë. Le principe
du traitement fibrinolytique est de lyser le thrombus afin de restaurer le débit sanguin cérébral
et de sauver la pénombre ischémique de l’infarcissement. Le seul traitement fibrinolytique intra-
veineux qui a l’AMM à ce jour est le rtPA.

Principes du traitement fibrinolytique :


recanaliser pour sauver la pénombre
L’IC résulte d’une ischémie focale, liée à une baisse du débit sanguin cérébral (DSC), suffisamment
profonde et durable pour entraîner la nécrose du tissu cérébral. Globalement, la sévérité de
l’ischémie est concentrique. On trouve ainsi le tissu infarci au centre du foyer ischémique, là où
l’ischémie est la plus sévère. Autour de celui-ci, se trouve la zone de viabilité tissulaire ou
pénombre ischémique [1] qui est caractérisée par un destin variable, puis l’oligémie où l’ischémie
est plus modérée. Le mécanisme principal de croissance d’un IC en phase aiguë est la transfor-
mation de la zone de pénombre en infarctus. C’est la cible du traitement thrombolytique
(Figure 1).

/ 87
Partie 2 – Phase aiguë

FIGURE 1 Évolution de la pénombre en fonction du temps.

DSC : débit sanguin cérébral.

Études historiques du rtPA dans l’IC


Nous n’aborderons pas, dans ce chapitre, les études concernant la streptokinase et l’urokinase,
qui ont été négatives [2].

L’étude princeps ayant permis l’obtention de l’AMM en 2002 est l’étude NINDS (1995), ayant
comparé l’administration de rtPA (dose : 0,9 mg/kg) à un placebo pour les accidents ischémiques
cérébraux dans les moins de 3 h du début des symptômes (Tableau I, Annexes 1 et 2) [3]. Les
essais suivants (ECASS I et II, ATLANTIS) étaient négatifs sur le critère de jugement principal
[4-6]. L’étude ECASS I avait un taux de violations de protocole élevé, dû à l’inclusion de patients
ayant des signes d’ischémie déjà étendus sur la tomodensitométrie (TDM) cérébrale, avec une
surmortalité dans le groupe traité. De plus, la dose de rtPA était supérieure à celle utilisée dans
les autres essais (1,1 vs 0,9 mg/kg). Dans les autres études, la mortalité à 3 et 6 mois n’était
pas significativement augmentée. La méta-analyse publiée dans le Lancet en 2004 [7] sur
2 775 patients a permis de mettre en évidence : i) que l’effet du rtPA sur le pronostic fonctionnel
à 3 mois (patients sans handicap avec un modified Rankin Scale – mRS – 0-1) était favorable
chez les patients traités jusqu’à 4 h 30 ; et que ii) malgré cette possible extension de la fenêtre
thérapeutique, l’odds ratio (OR) pour le bon pronostic dans les premières 90 minutes est deux
fois plus élevé que dans la fenêtre thérapeutique 1 h 30-3 h (Figure 2). L’effet du délai d’admi-
nistration du traitement est capital, et ces données reflètent l’existence d’une « golden hour ».

En France, l’AMM pour le rtPa n’a été donnée qu’en 2002 avec deux conditions : la première était
que celle-ci soit temporaire (3 ans) avec obligation de tenir un registre (SITS-MOST) [8] permettant
de vérifier que la thrombolyse en « vie réelle » était aussi sûre et efficace que dans les essais
randomisées. La deuxième, suite aux données de précédentes méta-analyses, était de réaliser un
essai (ECASS III) démontrant que la thrombolyse pouvait être efficace dans la fenêtre thérapeutique
3 h-4 h 30. L’étude ECASS III [9] a confirmé un bénéfice sur le pronostic fonctionnel (sur l’autonomie
mRS 0-2, et l’absence de handicap mRS 0-1), ce qui a permis l’extension de l’AMM à la fenêtre
thérapeutique 3-4 h 30 en 2012. Concernant les registres, les résultats de SITS-MOST

88 /
Thrombolyse intraveineuse

TABLEAU I ▼ Caractéristiques et devenir fonctionnel à 3 mois dans les 5 premiers essais randomisés
rtPA vs placebo, et le registre européen SITS-MOST.
NINDS
ECASS I ECASS II ATLANTIS B ECASS III SITS Most
Part B

Patients (n) 333 620 800 613 821 6 483

Âge* (ans) 67 65 66 66 65 68

Délai* <3h <6h <6h <6h < 4 h 30 <3h

Dose
0,9 1,1 0,9 0,9 0,9 0,9
(mg/kg)

NIHSS* 15 12 12 11 10 12

Imagerie TDM TDM TDM TDM TDM TDM/IRM

mRS 01 39 % 36 % 40 % 42 % 45 % 39 %

mRS 02 50 % 45 % 54 % 54 % 59 % 55 %

mRS 03 60 % 58 % 69 % 67 % 69 % 70 %

Mortalité 17 % 22 % 10 % 17 % 6% 11 %
* Groupe traité par rtPA. Âge et NIHSS sont des moyennes.

FIGURE 2 Odds ratio (OR) pour l’absence de handicap à 3 mois en fonction du délai IC-rtPA dans
la méta-analyse du Lancet.

ont montré des résultats comparables à ceux des essais. SITS-ISTR [10] est un registre avec
11 865 patients traités 3 h à 4 h 30 suivant l’apparition des symptômes (478 centres dans
31 pays dans le monde). La proportion de patients autonomes (scores mRS combinés de 0, 1 et
2) à 90 jours était de 56,3 % (IC95 % : 55,3–57,2 %) chez les patients traités par rtPA, compa-
rables au taux de résultat favorable chez les patients traités dans les 3 h dans les essais
randomisés.

La thrombolyse intraveineuse « en pratique »


Les traitements aigus de l’infarctus cérébral reposent sur une filière bien définie avec au centre,
l’unité de neurovasculaire. En amont, le transport se fait en général par les équipes d’urgence,
Samu ou pompiers. Il est recommandé que le patient arrive le plus vite possible (cf. chapitre 2).

/ 89
Partie 2 – Phase aiguë

ANNEXES 1 ET 2 Pronostic fonctionnel à 3 mois présenté avec le score de Rankin en barres ordi-
nales des études NINDS, ECASS I ECASS II ECASS III ATLANTIS et registre SITS MOST.
Les flèches pointillées montrent les résultats positifs dans les études.

90 /
Thrombolyse intraveineuse

Indications/contre-indications de la thrombolyse IV par rtPA


Les recommandations européennes (ESO) et françaises (SFNV) n’ont pas été mises à jour depuis
2009. Seules les recommandations américaines (ASA) ont fait l’objet de modifications en
2013 [11]. Le traitement par le rtPA est recommandé chez les patients qui présentent les critères
d’inclusion des différents essais et contre-indiqué chez les patients présentant les critères d’exclu-
sion de ces mêmes essais (Tableau II).

TABLEAU II ▼ Indications et contre-indications formelles et relatives du rtPA dans l’IC.


Indications

Déficit neurologique focal dû à un accident ischémique cérébral


Heure vue la dernière fois neurologiquement normal < 4 h 30
Âge supérieur à 18 ans
NIHSS supérieur à 4 (ou aphasie isolée)

Contre-indications

Hémorragie à l’imagerie cérébrale ou diagnostic différentiel (tumeur cérébrale, MAV)


Patient sous traitement anticoagulant :
– par AVK si INR > 1,7, ou par héparine si TCA > 1,5
– par AOD si dernière prise > 48 h et clairance de la créatinine > 50 mL/min OU si dernière prise < 12 h OU si
dernière prise entre 12 et 48 h et dosage de l’AOD défavorable (cf. chapitre 2)
Taux de plaquettes < 100 000/mm3
ATCD d’hémorragie intracrânienne anévrismale
AVC ou traumatisme crânien de moins de 3 mois
Glycémie < 0,5 g/L ou > 4 g/L
Hémorragie digestive ou urinaire au cours des 21 jours précédent
Infarctus du myocarde récent (< 3 mois)
Ponction récente d’un vaisseau non compressible ou massage cardiaque de moins de 7 jours
Hypertension artérielle sévère non contrôlée
Intervention chirurgicale de moins de 15 jours ou saignement exteriorisé
Dissection aortique
Femmes enceintes

Avec plus de 15 ans d’expérience dans l’administration de fibrinolytique dans un infarctus céré-
bral ischémique aigu, plusieurs groupes ont rapporté leurs résultats dans le traitement des
patients « off-label », c’est-à-dire de patients présentant certaines contre-indications reportées
dans les essais randomisés. Citons comme exemple l’utilisation de rtPA chez les patients âgés
(> 80 ans) [12], chez des patients avec un infarctus cérébral mineur, ou ceux qui se sont améliorés
avant l’administration du produit. Dans l’ensemble, les résultats chez les patients traités avec
ces contre-indications étaient meilleurs que chez les patients non traités à partir des données
rapportées. Cela vient à nous interroger sur cinq des critères jusqu’alors inscrits dans les contre-
indications : la crise d’épilepsie lors de l’installation de l’infarctus cérébral ; les sujets de plus de
80 ans ; un NIHSS > 25 ; des symptômes s’améliorant rapidement avant l’injection du produit
et les infarctus étendus.
– Les crises d’épilepsie lors de l’installation de l’IC posent plutôt le problème du diagnostic
différentiel qu’une réelle contre-indication. Dans ces cas, il est recommandé de visualiser
l’ischémie (IRM cérébrale, TDM de perfusion) avant d’administrer le produit.
– L’âge : la thrombolyse IV peut être envisagée après 80 ans. En dessous de 18 ans, les indica-
tions de thrombolyse doivent être discutées au cas par cas avec un neurologue d’une UNV
(accord professionnel). L’essai randomisé IST-3 (rtPA vs placebo) a inclus 3 035 patients dans les
6 h [12]. S’il n’a pas été possible, en raison d’un manque de puissance de l’étude, de préciser
l’éventuel bénéfice clinique du rtPA entre 4 h 30 et 6 h, IST-3 a confirmé que jusqu’à 3 h après
le début des symptômes, les patients de plus de 80 ans, qui représentaient environ la moitié de
l’effectif de l’étude, tiraient profit de la thombolyse dans les mêmes proportions que les patients
plus jeunes (cf. plus bas).

/ 91
Partie 2 – Phase aiguë

– Les patients très sévères (NIHSS > 25). Le bénéfice n’est pas démontré par les études rando-
misées (patients non inclus), mais l’imagerie cérébrale initiale peut aider à prendre une décision
au cas par cas. L’exemple du patient ci-dessous, avec un NIHSS à 26, un infarctus en séquence
de diffusion de petite taille, une occlusion proximale est un cas caractéristique en faveur du
traitement thrombolytique (cf. plus bas) (Figure 3).
– Les patients s’améliorant rapidement avant l’administration du produit : ces patients sont à
considérer au cas par cas, notamment si leur NIHSS reste au-dessus de 4, et/ou s’ils présentent
une occlusion persistante.
– Les infarctus étendus : les données disponibles suggèrent que le risque d’hémorragie cérébrale
grave est particulièrement élevé chez les patients dont le scanner montre des signes étendus
d’ischémie (atténuation de densité ou effet de masse dans plus du tiers du territoire de l’artère
cérébrale moyenne). En attendant des données plus précises sur ce point, nous estimons plus
prudent de considérer ces patients au cas par cas.

FIGURE 3 Patient de 56 ans, admis 2 h 45 après le début des symptômes.


NIHSS 26. IRM cérébrale montrant un infarctus de petite taille. Le mismatch clinico-radiologique
ainsi que l’occlusion proximale (flèche) suggèrent la présence d’une zone de pénombre de grande
importance (pointillés).

Réaliser une thrombolyse en pratique


Quel que soit le mode d’arrivée du patient, l’équipe de neurovasculaire (médecin et infirmière) va
directement à la rencontre du patient, en général directement en radiologie dans la plupart des
centres. Le patient est prélevé et évalué par le score NIHSS avant de réaliser l’imagerie cérébrale.
Avant ou après, la mesure de la tension artérielle (TA) aux deux bras est capitale pour écarter le
diagnostic de dissection aortique. L’ECG est aussi important pour détecter des signes d’infarctus du
myocarde, silencieux ou non.

Le traitement de l’accident ischémique cérébral par le rtPA, moins de 4 h 30 après le début des
symptômes, accroît les chances des patients de regagner leur indépendance, sans augmenter
leur mortalité. La posologie est de 0,9 mg/kg, sans dépasser la dose totale de 90 mg. Le traite-
ment est administré par voie intraveineuse, 10 % de la dose totale en bolus, le reste en perfusion
d’une heure (Rapport HAS. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/
pdf/2009-07/avc_prise_en_charge_precoce_-_recommandations.pdf).

92 /
Thrombolyse intraveineuse

Les traitements antihypertenseurs doivent être utilisés avec prudence dans un contexte
d’ischémie cérébrale aiguë. Toutefois, deux des essais cliniques du rtPA (NINDS et ECASS II)
comportaient un protocole de traitement de l’hypertension artérielle pendant l’administration
du traitement et les 24 h suivantes, ce qui pourrait expliquer la plus faible incidence des hémor-
ragies cérébrales graves dans ces essais. Le traitement de la pression artérielle est donc recom-
mandé pour un objectif de pression artérielle en dessous de 185/110 mmHg au moment de
l’injection de rtPA.

Les résultats obtenus dans le cadre des essais cliniques n’ont été reproduits, en pratique courante,
que dans les centres spécialisés dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux. La
prescription de rtPA dans le traitement de l’infarctus cérébral est actuellement réservée aux
neurologues dont la compétence neurovasculaire est reconnue (AMM) et/ou un médecin titulaire
du DIU de pathologie neurovasculaire (hors AMM). Les établissements recevant des AVC et ne
disposant pas d’UNV doivent structurer une filière de prise en charge des patients suspects
d’AVC en coordination avec une UNV (accord professionnel). Le patient doit être surveillé au
sein de l’UNV (accord professionnel).

La surveillance est rapprochée pendant les 24 premières heures avec prise des constantes toutes
les 15 minutes pendant 1 h puis horaires /24 h, HGT/4 h, surveillance neurologique horaire. Toute
aggravation neurologique pendant l’administration du rtPA impose son arrêt immédiat et la
pratique d’un scanner cérébral.

Aucune étude n’a à ce jour identifié de sous-groupe de patients bénéficiant d’une dose de
0,6 mg/kg.

Vingt-quatre heures après la thrombolyse, et après un contrôle d’imagerie cérébrale, l’introduc-


tion d’antithrombotiques et d’anticoagulants à doses préventives est nécessaire, en l’absence de
transformation hémorragique importante.

Effets secondaires de la thrombolyse intraveineuse


Transformation hémorragique symptomatique
La transformation hémorragique symptomatique (THS) est une complication potentiellement
mortelle de la thrombolyse intraveineuse. Les taux varient selon les études, et ces variations
sont principalement dues à des différences de définition ou de doses de rtPA (ECASS I) [4].

Dans la méta-analyse de Wardlaw et al. [13], l’incidence d’une complication hémorragique symp-
tomatique intracrânienne dans le groupe des patients thrombolysés était de 9,6 % contre 2,6 %
dans le groupe des patients témoins. Ainsi, on peut conclure à une augmentation de 7 % d’hémor-
ragie intracrânienne symptomatique dans le groupe des patients thrombolysés.

Pour illustrer les variations du taux de THS dans les différentes études, voici quelques définitions
utilisées dans la littérature. Elles varient selon le délai d’apparition de l’hémorragie, selon le
critère d’imagerie et celui utilisé pour l’aggravation neurologique.
– Étude NINDS [3] : hémorragie cérébrale associée à une détérioration neurologique (aggravation
du NIHSS 6 1 point) dans les 7 jours. Le taux de THS est de 6 %.
– Étude ECASS II [5] : hémorragie cérébrale associée à une détérioration neurologique (aggrava-
tion NIHSS 6 4 points par rapport à la valeur à l’inclusion ou par rapport au meilleur état
neurologique des 7 premiers jours). La proportion dans l’étude est de 9 %.

/ 93
Partie 2 – Phase aiguë

– Étude ECASS III [9] : hémorragie cérébrale associée à une détérioration neurologique (augmen-
tation sur l’échelle NIHSS d’au moins 4 points par rapport à la valeur à l’inclusion) visualisée sur
le scanner (ou IRM) effectué entre 22 et 36 heures post-thrombolyse. Le taux est de 2,4 %.
– Étude SITS-MOST [8] : hémorragie parenchymateuse de type 2 (hématome intra-infarctus
occupant plus de 30 % de son volume) visualisée au scanner cérébral effectué entre 22 et 36 h
post-thrombolyse, associée à une détérioration neurologique (augmentation sur l’échelle NIHSS
d’au moins 4 points par rapport à la valeur à l’inclusion ou par rapport au meilleur état neuro-
logique des 24 premières heures). Le taux est de 1,9 %.

Œdème angioneurotique
La survenue d’un œdème angioneurotique (OAN), caractérisé par un œdème extensif de l’oro-
pharynx en association avec une urticaire, est identifiée par un examen de la langue et des
téguments. L’OAN aigu est un phénomène transitoire qui peut survenir au cours d’une throm-
bolyse intraveineuse par rtPA dans le traitement d’un AVC à la phase aiguë. C’est un phénomène
rare mais qui met en jeu le pronostic vital. L’analyse de la littérature faite par l’équipe de Lille
a permis d’identifier 18 articles sur le sujet [14]. La prévalence de l’OAN aigu était de 1,8 %, et
le seul facteur prédictif était la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). La localisation
insulaire de l’accident apparait comme un facteur inconstant. Ces risques obligent à disposer de
procédures de dépistage précoce d’un OAN aigu et de procédures de prise en charge préétablies.
Cette situation justifie l’arrêt immédiat de la perfusion et l’injection de corticoïdes et d’antihis-
taminiques.

Facteurs pronostiques/prédictifs de la réponse


au traitement par rtPA
Pronostic fonctionnel à 3 mois
Quels sont les facteurs qui permettent de dire que tel ou tel patient aura un bon pronostic après
la thrombolyse à 3 mois ? Ou, au contraire, peut-on identifier les patients qui ne seront pas des
bons candidats du fait de leur évolution défavorable malgré le traitement ?

La recherche sur les biomarqueurs de réponse au traitement fibrinolytique est un sujet extrê-
mement vaste, dont nous donnerons seulement un aperçu ici.

■ Facteurs cliniques

– Les deux grands facteurs cliniques sont l’âge et la sévérité clinique évaluée par le score NIHSS.
Un des premiers modèles prédictifs a été établi par l’équipe de Weimar et al. [15]. La combinaison
des deux variables prédisait la mortalité avec 87 % de précision et le pronostic fonctionnel avec
74 %.
– Le délai d’administration du rtPA est aussi, comme nous l’avons vu, un facteur majeur sur le
devenir fonctionnel.

■ Facteurs biologiques

– L’hyperglycémie : sa toxicité réside dans l’aggravation de la zone de pénombre et apparaît


pour des seuils « toxiques » bas (7-8 mmol/L).

94 /
Thrombolyse intraveineuse

■ Facteurs radiologiques

– Volume lésionnel et étendue de l’ischémie en séquence de diffusion : la volumétrie quanti-


tative, ou l’appréciation de l’étendue de l’ischémie par le score ASPECT, sont deux variables
corrélées au pronostic.
– Localisation de la lésion : la localisation de l’infarctus est capitale, puisque toutes les zones
du cerveau ne sont pas équivalentes fonctionnellement. Si la volumétrie est un moyen simple
d’apprécier le pronostic, il existera toujours des patients avec des petits infarctus placés dans
des endroits stratégiques, comme la couronne rayonnante ou le faisceau pyramidal, et dont le
pronostic moteur sera compromis du fait de l’atteinte des grands faisceaux.
– Volume et/ou localisation de la pénombre ischémique : de même, le volume de pénombre, qu’il
soit évalué en TDM de perfusion, en arterial spin labeling (ASL) ou avec la perfusion gadolinium en
IRM est associé au pronostic fonctionnel à 3 mois. Une revue récente discute de l’intérêt de l’évaluation
de la localisation, plutôt que du volume en lui-même pour déterminer le devenir à 3 mois [16].
– Type d’occlusion, longueur du caillot : la localisation (proximale vs distale) et la longueur
(mesurée en angioscanner ou en T2*/SWI) sont des facteurs d’échec de la thrombolyse et asso-
ciés à un mauvais pronostic fonctionnel. Le CLOT-BURDEN score associe un nombre de points
en fonction de la localisation, mais celui-ci varie aussi en fonction du nombre de segments
touchés (et donc témoin de la longueur). Un score > 6 serait associé à un meilleur pronostic
(OR : 4,2 dans la publication de Legrand et al., Stroke 2013 [17]).
– Scores combinés : le score DRAGON, évalué sur 10, comprend l’âge, le NIHSS, le délai, la
glycémie, et des variables scannographiques. Il a été validé sur plusieurs cohortes. La spécificité
est bonne sur les cohortes initiales et de validation, mais la sensibilité reste faible.

Transformation hémorragique
De nombreux essais, registres ou cohortes se sont attachés à trouver les facteurs de risque
(cliniques, biologiques et radiologiques) de THS au décours d’une thrombolyse.

Tous sont liés directement ou indirectement à la rupture de barrière hémato-encéphalique, et


donc à la sévérité de l’ischémie. Les principaux facteurs de risque de THS rapportés dans la
littérature sont :

■ Paramètres cliniques

– Sévérité de l’atteinte clinique, mesurée par le score NIHSS, et âge.


– Délai d’administration du rtPA.
– Hypertension artérielle associée.
– Fibrillation atriale.

■ Traitements précédant la thrombolyse

– Anticoagulants oraux classiques (AVK) et nouveaux (AOD).

■ Paramètres biologiques

– L’hyperglycémie, dont le mécanisme d’action reste encore mal connu. Elle semble favoriser
les THS en augmentant l’expression des métalloprotéases (MMP), et accélérant la destruction
de la barrière hémato-encéphalique. Elle est également incriminée dans les lésions de reperfusion
(œdémateuses et hémorragiques) par dysfonction endothéliale.

/ 95
Partie 2 – Phase aiguë

– Un taux bas de LDL cholestérol a été rapporté dans plusieurs études comme facteur de risque
indépendant. Les mécanismes sous-jacents sont là encore mal connus ; néanmoins, il semble que
ce dernier joue un rôle clé dans l’intégrité des microvaisseaux.
– Enfin, un taux bas d’inhibiteur du plasminogène activé ainsi qu’un taux élevé de MMP-9.

■ Paramètres radiologiques

– Signes précoces sur le scanner : un score ASPECT inférieur à 7 a été retrouvé comme facteur
prédictif de manière significativement indépendante dans deux études.
– Volume lésionnel (> 100 cm3) témoin de la sévérité de l’ischémie avec la profondeur de la
baisse du coefficient apparent de diffusion (ADC).
– Leucoaraioise de grade 3 (score de Fazekas et Schmidt).
– Microbleeds : leur présence a été récemment associée à un mauvais pronostic et au risque de
saignement, mais pas spécifiquement au risque de THS.

En 2007, Lansberg et al. [18] ont réalisé une méta-analyse dans le but de déterminer les facteurs
de risque indépendants de transformation hémorragique après traitement fibrinolytique. Aucun
de ces facteurs pris isolément ou même de façon combinée n’est actuellement utilisé comme
contre-indication formelle à une thrombolyse. Certains auteurs ont suggéré des scores prédictifs
à partir de paramètres combinés. La valeur prédictive des différents facteurs de risque combinés
reste modeste, et nécessite d’être amélioré avec d’autres paramètres, et validé sur des cohortes
indépendantes.

Thrombolyse intraveineuse (TIV)


et antithrombotiques
Les antithrombotiques, antiagrégants plaquettaires ou anticoagulants, sont fréquemment pres-
crits chez les sujets âgés, que ce soit en prévention primaire ou secondaire. Ainsi, Xian et al.
rapportent dans une étude rétrospective menée chez 94 474 patients admis pour un infarctus
cérébral (IC) dans un des hôpitaux participants au « Get With the Guidelines-Stroke Program »
(GW-GSP) que 39,9 % recevaient un traitement antiplaquettaire (AAP) et 29,9 % un traitement
anticoagulant (AC) [19]. L’exposition à un traitement par antithrombotique pose la question
d’une modification du rapport bénéfice/risque de la thrombolyse en raison d’une potentielle
augmentation du risque hémorragique cérébral et systémique. Néanmoins, le clinicien ne doit
pas perdre de vue que la survenue d’un IC sous antithrombotique est fréquemment associé à
une inefficacité de ce traitement et ne doit donc pas constituer une contre-indication formelle
à la TIV. À titre d’exemple, près de 65 % des patients traités par warfarine ont, à leur admission
pour un IC, un INR < 2,1.

96 /
Thrombolyse intraveineuse

Thrombolyse et antiagrégants plaquettaires


L’aspirine est l’AAP le plus largement utilisé et a été le plus évalué au sein des différents registres,
comme à un moindre degré le clopidogrel. En revanche, les données concernant la thrombolyse
sous association aspirine-clopidogrel ou sous AAP de nouvelle génération (ticagrelor et prasugrel)
sont plus éparses.

Aucune des études princeps ayant évalué le bénéfice de la TIV n’a exclu les patients sous aspirine
ou clopidogrel, ces deux thérapeutiques ne constituent donc pas une contre-indication à la
thrombolyse. Une large méta-analyse incluant 19 études et 108 588 patients dont plus de 46 000
prenaient un traitement AAP avant la TIV a confirmé, après ajustement sur les facteurs confon-
dants, l’augmentation modérée du risque d’hémorragie intracrânienne symptomatique dans le
groupe prétraité par AAP (OR = 1,21 ; IC95 % : 1,02–1,44). Cette étude n’a en revanche démontré
aucune relation significative entre le traitement AAP antérieur et une évolution clinique défa-
vorable ou une augmentation de la mortalité [20]. Le risque de complications hémorragiques
sous clopidogrel ou dans le cadre de l’association aspirine-clopidogrel est majoré par rapport à
l’aspirine (OR ajusté = 1,88 ; IC95 % : 1,18–3,00), sans pour autant influencer négativement le
pronostic fonctionnel [21].

Paradoxalement, il a été rapporté de meilleurs résultats fonctionnels chez les patients recevant
de l’aspirine avant la TIV (mRS 0-2 ajusté OR = 1,11 ; IC95 % : 1,00–1,24 ; NNT = 43) [21], un
résultat attribué à un moindre risque de réocclusion artérielle post-TIV. De ce constat est né
l’essai thérapeutique ARTIS ayant pour objectif d’évaluer le bénéfice de l’association thrombolyse
et aspirine [22]. Néanmoins, celui-ci a dû être interrompu en raison d’une augmentation de la
fréquence de transformations hémorragiques responsables d’une détérioration neurologique pré-
coce dans le groupe recevant l’association TIV-aspirine.
Au total, l’exposition pré-TIV à un AAP ne doit pas contre-indiquer la TIV. Toutefois, l’augmen-
tation du risque hémorragique chez les patients sous association d’AAP peut amener à discuter
la réalisation d’une TIV à dose réduite (0,6 mg/kg). Une analyse de sous-groupe de l’étude
ENCHANTED suggère que le rtPA administré à faible dose chez les patients prétraités par AAP
pourrait être associé à de meilleurs résultats fonctionnels qu’après administration d’une dose de
0,9 mg/kg [23]. Ces données devront être confirmées par un essai randomisé.

Thrombolyse et anticoagulants
Xian et al. rapportent que 21,1 % des patients présentant un IC sont traités par AVK à leur
admission et que 8,8 % reçoivent un anticoagulant oral direct (AOD) [19]. D’autres études indi-
quent que, parmi les patients éligibles à la TIV, environ 10 % sont sous AC à leur admission.
L’exposition à un traitement AC est fréquemment responsable d’un allongement des délais de
prise en charge intra hospitaliers justifiant le développement de méthodologies d’évaluation
rapide de l’efficacité biologique des différents AC.

■ Patients sous AVK

Parmi ces patients, il faut distinguer ceux ayant un INR supérieur à 1,7, qui ont une contre-
indication formelle à la TIV, de ceux ayant un INR inférieur à 1,7 qui représentent plus de 65 %
des patients et pour lesquels la TIV peut être effectuée [24]. Une méta-analyse de 7 études
ayant inclus plus de 3 600 patients suggère que le risque d’hémorragie intracérébrale est aug-
menté chez les patients ayant un INR < 1,7 (OR = 2,6 ; IC95 % : 1,1–5,9) mais que cela n’altère
pas le pronostic fonctionnel ni augmente la mortalité [25].

/ 97
Partie 2 – Phase aiguë

■ Patients sous AOD

Malgré leur utilisation exponentielle, le nombre d’observations de patients ayant reçu une TIV
alors qu’ils étaient sous AOD est encore limité. Parmi les 251 patients du registre GW-GSP sous
AOD au moment de la TIV, aucune augmentation de risque hémorragique cérébral ou systé-
mique, de mortalité hospitalière ou d’altération du pronostic fonctionnel ne fut observée par
rapport aux patients ne recevant pas d’AC [26]. Cette étude ne fait cependant pas état d’éléments
clés de la décision thérapeutique que sont le moment de la dernière prise, les résultats des bilans
de coagulation standards et spécifiques ainsi que l’usage d’éventuelles stratégies de réversion.
Les recommandations actuelles, uniquement sur la base d’avis d’experts, considèrent que la TIV
est contre-indiquée chez les patients prenant des AOD, à moins que le temps écoulé depuis la
dernière prise soit > 48 h chez un patient non insuffisant rénal ou que les tests de laboratoire
spécifiques ou non spécifiques soient normaux (Figure 4).

FIGURE 4 Proposition de la SFNV et du GFHT sur la thrombolyse intraveineuse chez un patient


sous anticoagulant oral direct.

AD : antidote ; AOD : anticoagulant oral direct ; tPA : thrombolyse IV ; TM : thrombectomie mécanique ; Clcr : clairance de la
créatinine ; NRI : neuroradiologie interventionnelle ; UNV : unité neurovasculaire.

■ Stratégies de réversion

La réversion d’un AC doit répondre à deux impératifs majeurs : d’une part, avoir une efficacité
rapide et d’autre part, ne pas s’accompagner d’un effet rebond ou d’une apparition d’un état
prothrombotique susceptible de contribuer à une récidive ischémique qu’elle soit cérébrale ou
systémique. Concernant les AVK, l’administration du concentré de complexe de prothrombine
et de la vitamine K peut permettre une réversion rapide et prolongée de l’hypocoagulabilité mais
l’innocuité en termes de risque prothrombotique est encore incertaine. Ainsi, malgré quelques
cas rapportés isolément de TIV post-réversion des AVK, cette stratégie n’est pas aujourd’hui
recommandée. Concernant les AOD, à ce jour, seul le dabigatran peut bénéficier d’une réversion
de son activité par l’idarucizumab [27]. De nombreux cas de TIV après réversion ont été publiés
au cours des dernières années ; dans une étude rétrospective menée chez 19 patients ayant

98 /
Thrombolyse intraveineuse

bénéficié de cette stratégie, 79 % ont eu une amélioration médiane de 5 points dans NIHSS sans
qu’aucune complication hémorragique significative ne soit survenue [28]. La SFNV propose
aujourd’hui cette stratégie après discussion collégiale (Figure 5).

FIGURE 5 Proposition de la SFNV et du GFHT sur la thrombolyse intraveineuse chez un patient


sous anticoagulant oral direct en fonction du type et du résultat dosage sanguin.

Thrombolyse et âges extrêmes


Les études princeps ayant évalué la TIV ont exclus les patients de moins de 18 ans et de plus
de 80 ans. Ainsi, ces patients ont été exclus de la prise en charge par TIV pendant de nombreuses
années, jusqu’à ce que soient publiées des études de registre et, pour les patients de plus de
80 ans, l’étude IST-3 qui ont amené à considérer la TIV indépendamment de l’âge des
patients [12].

Thrombolyse de l’enfant
L’incidence annuelle des AVC de l’enfant est estimée entre 2,3 à 13 pour 100 000 enfants. Le
retard diagnostique reste malheureusement encore très fréquent dans cette population. À ce
jour, aucun essai thérapeutique n’a pu être finalisé permettant de valider la TIV chez l’enfant
[29]. L’absence de maturité du système fibrinolytique, la différence du volume de distribution
par rapport à l’adulte et la clairance hépatique plus rapide de l’altéplase sont autant de sources
d’incertitudes de l’efficacité et de la sécurité d’emploi de la TIV dans cette population. Cela rend
compte du fait que moins de 2 % des enfants souffrant d’IC grave sont traités par TIV aux
États-Unis. Néanmoins, de nombreuses études de registres semblent confirmer le bénéfice poten-
tiel de la TIV. Cette prise en charge devrait toutefois s’organiser en collaboration étroite avec
des centres de références capables d’apporter la meilleure stratégie de prise en charge et décider
de l’indication d’une TIV au même titre que de la thrombectomie mécanique. Les suivis de
cohortes et la standardisation des prises en charge restent nécessaires dans cette population.

Thrombolyse du sujet âgé


L’augmentation progressive de la fréquence observée des IC est pour partie liée au vieillissement
de la population. En effet, l’incidence de l’accident vasculaire cérébral augmente avec l’âge et

/ 99
Partie 2 – Phase aiguë

environ 30 % des patients atteints d’AVC ont plus de 80 ans. Il est largement admis que les
patients les plus âgés ont une moindre probabilité de résultat fonctionnel favorable et une
mortalité accrue post-AVC, la probabilité de bons résultats diminuant de 25 % tous les 10 ans
alors que la mortalité à 3 mois augmente de 72 %. Ce plus mauvais résultat fonctionnel n’est
pas la conséquence d’un risque accru de transformation hémorragique mais est lié à un état de
santé précaire avant l’AVC, à une plus grande sévérité clinique à la phase initiale et des compli-
cations aigues post-AVC plus fréquentes (infection pulmonaire, insuffisance cardiaque). Ces don-
nées pronostiques ont longtemps amené à exclure les patients les plus âgés de la filière throm-
bolyse. Les résultats de l’étude IST-3 qui a inclus plus de 1 600 patients âgés de plus de 80 ans
et des différents registres ont permis de modifier les indications. En effet, le bénéfice de la TIV
dans cette population semble supérieur à celui observé dans la population plus jeune contraire-
ment à ce qui avait été précédemment évoqué [30]. Les différentes méta-analyses confortent
ce résultat et suggèrent qu’aucune limite d’âge ne devrait être proposée. Par ailleurs, longtemps
limité à une administration au cours des 3 premières heures suivant le début des symptômes, il
est aujourd’hui admis que le bénéfice persiste jusqu’à 4 h 30 et ce même si le réseau de colla-
téralité est souvent plus précaire chez ces patients âgés et que le risque hémorragique intracé-
rébral peut être majoré dans cette population. Certains scores tels que le SPAN-100 permettent
d’établir une évaluation du rapport bénéfice/risque de la TIV chez les sujets âgés. Ainsi, la somme
d’un score NIHSS et de l’âge du patient supérieur à 100 constituerait un facteur de mauvais
pronostic fonctionnel et de surrisque hémorragique [31]. Pour autant, aucune recommandation
ne préconise à ce jour de ne pas administrer une TIV sur la base de ce critère. Outre l’âge, la
présence de troubles cognitifs est un frein fréquent à l’administration de la TIV dans cette
population. L’étude Ophelie-Cog a confirmé que la présence de troubles cognitifs antérieurs à
l’IC ne modifie pas la probabilité de bon pronostic fonctionnel après TIV et ne doit donc pas
constituer un facteur d’exclusion des patients de la filière de thrombolyse [32]. Une contre-
indication absolue à la TIV chez les sujets âgés pourrait être l’existence d’une angiopathie amy-
loïde. Dans ce contexte, l’IRM à la recherche de multiples microbleeds lobaires ou d’hémorragies
sous arachnoïdiennes focales devrait être privilégiée chez ces patients. Pour autant, l’absence
d’accès à l’IRM dans la phase aiguë ne doit pas conduire à une non-réalisation de la TIV, pas
plus qu’à différer la réalisation de l’examen radiologique dans l’attente de l’IRM car l’influence
du délai « symptôme-traitement » semble encore plus significatif dans cette population.

Thrombolyse et NIHSS extrêmes


Au même titre que les patients ayant des âges extrêmes, ceux présentant des IC peu sévères
(NIHSS < 5) ou à l’inverse très sévères (NIHSS > 25) ont été exclus de la plupart des études
princeps menées sur la thrombolyse.

Infarctus mineurs et régressifs


À partir du registre GW-GSP mené sur 33 995 patients, Romano et al. rapportent que 22,4 %
des patients admis dans les 4 h 30 suivant le début des symptômes ont un NIHSS entre 0 et
5 [33]. En l’absence de TIV, il est important de noter que près de 30 % ont un pronostic fonc-
tionnel défavorable. Pourtant, seuls 13,5 % des patients admis dans les 4 h 30 reçoivent une TIV,
ce qui souligne la réticence persistante de nombre de neurologues à traiter ces patients. Les
données récentes suggèrent l’efficacité de la TIV (OR = 1,48 ; IC95 % : 1,07-2,06) et confirment
le faible risque d’hémorragies cérébrales chez ces patients (1,8 %), même si ce dernier augmente
progressivement par tranche d’âge de 10 ans (OR = 1,35 ; IC95 % : 1,12-1,63). Toutefois, malgré
la TIV, il faut noter que près de 30 % des patients ne sont pas indépendants à la fin de leur
hospitalisation malgré un NIHSS d’entrée faible [34]. Cette détérioration neurologique secondaire

100 /
Thrombolyse intraveineuse

est le plus souvent la conséquence d’une extension de la zone ischémiée en raison de l’existence
d’un thrombus proximal, rapporté dans 20 à 30 % des patients avec NIHSS bas. La proportion
significative de patients atteints d’un IC mineur et d’une occlusion artérielle proximale soulève
la question de l’indication potentielle du traitement intra-artériel dans cette situation.

Thrombolyse et NIHSS sévères


Les IC sévères, définis par un NIHSS > 25, sont heureusement rares. Les études princeps de la
TIV ont identifié une augmentation progressive du risque de transformation hémorragique symp-
tomatique avec la sévérité du NIHSS. Ces éléments ont conduit à une restriction d’utilisation
de l’altéplase dans cette population. L’étude IST-3 et les récentes méta-analyses ont, à l’inverse,
permis d’identifier une amélioration du pronostic fonctionnel chez les patients très sévères ayant
reçu une thrombolyse et une absence de surrisque hémorragique significatif [35]. En effet, il
semble exister un effet « plateau » du risque hémorragique au-delà d’un score NIHSS > 25,
expliquant l’absence de risque accru par rapport aux patients ayant un NIHSS entre 15 et 25.
Ainsi, le plus mauvais pronostic des patients très sévères s’explique par une plus grande sévérité
initiale, une atteinte de la conscience plus fréquente et des délais de prise en charge plus
longs [35].

Si la TIV ne doit pas être contre-indiquée chez ces patients sévères, le bénéfice notable de la
thrombectomie mécanique associé à la TIV chez ces patients ayant fréquemment une occlusion
proximale justifie une optimisation de l’accès à la filière endovasculaire pour ces patients.

Thrombolyse et site d’occlusion


La localisation du thrombus est un élément clé de l’efficacité potentielle de la TIV. Ainsi, deux
situations particulières doivent être considérées : d’une part les IC secondaires à une occlusion
très proximale, associée une faible probabilité de recanalisation et d’autre part les IC non associés
à un thrombus visible. Dans ces deux cas, la pertinence de la TIV est souvent remise en question.

Thrombolyse en l’absence d’occlusion artérielle


L’absence d’occlusion visible sur l’imagerie artérielle à la phase aiguë d’un IC peut signifier que
l’ischémie intéresse les petites artères profondes, que le thrombus est trop distal dans une pour
être visible ou que le thrombus est déjà lysé par la thrombolyse endogène. Il est important de
rappeler que l’identification d’une occlusion artérielle n’est à ce jour pas requise pour porter
l’indication d’une TIV. Au même titre que l’étude princeps NINDS [3], des études multicentriques
rétrospectives récentes ont mis en évidence le bénéfice de la TIV sans occlusion dans les IC
lacunaires (OR : 8,25, p < 0,01) et non lacunaires (OR : 4,90, p < 0,01) et ce malgré une aug-
mentation du risque d’hémorragie cérébrale symptomatique. D’autres travaux ont souligné un
taux plus élevé d’amélioration neurologique précoce chez les patients ayant reçu une TIV malgré
l’absence d’occlusion artérielle identifiable (OR ajusté = 1,99 ; IC95 % : 1,29–3,07, p = 0,002)
[36]. L’ensemble de ces données encourage donc à la réalisation d’une TIV en l’absence d’occlu-
sion artérielle tout en mesurant le risque hémorragique.

Thrombolyse et occlusion proximale


La probabilité de recanalisation par utilisation de la TIV d’une occlusion artérielle proximale est
très faible (4 % pour une artère carotide intracrânienne) [367]. Pour autant, ce résultat ne

/ 101
Partie 2 – Phase aiguë

contre-indique pas la TIV. Il restera toutefois important de ne pas différer l’accès à la throm-
bectomie mécanique par la mise en œuvre de la TIV, qui constitue aujourd’hui le traitement de
référence dans cette indication. En outre, certaines données suggèrent le bénéfice potentiel de
l’administration de l’altéplase dans le potentiel de recanalisation par thrombectomie mécanique.
Les futures études évaluant le bénéfice de l’association thrombectomie mécanique – TIV par
rapport à une thrombectomie mécanique isolée dans cette indication – permettront de mieux
préciser la place de la TIV dans ce cas particulier.

Sélection des patients en imagerie


Les critères de sélection en imagerie des études qui ont permis l’obtention de l’AMM du rtPA
pour le traitement de l’IC dans les 4 h 30 heures, se limitent à l’absence d’hémorragie sur un
scanner cérébral sans produit de contraste (SPC) [38]. Les analyses post hoc de l’étude European
Cooperative Acute Stroke Study (ECASS-I et II) ont suggéré un lien entre le risque de THS et
l’étendue des signes d’ischémie précoce sur le scanner SPC. La présence d’une zone de pénombre
significative en imagerie multimodale (mismatch) est désormais proposée comme critère de
sélection à des études testant contre placebo le rtPA pour le traitement d’IC évoluant depuis
plus 4 h 30. Enfin, la détection d’un œdème cytotoxique en séquence de diffusion (DWI) et
l’absence d’œdème vasogénique en FLAIR ont été retenus comme critère de sélection pour les
études testant contre placebo le rtPA chez les patients victimes d’un AVC du réveil ou d’horaire
indéterminé.

Signes d’ischémie précoce, score ASPECTS


En 2000, le score ASPECTS est proposé comme outil d’évaluation de l’extension des signes
d’ischémie précoces sur le scanner réalisé avant un traitement par thrombolyse IV [39]. Un score
inférieur à 7 est souvent considéré comme un critère d’exclusion à un traitement par thrombo-
lyse IV en pratique courante. De récents travaux ont remis en cause les performances de ce
score. En 2015, les investigateurs de l’étude IST-3 n’ont pas retrouvé, chez les 3 000 patients
inclus, d’interaction significative entre la présence de signes d’ischémie précoce sur le scanner
cérébral et l’effet du rtPA sur la récupération neurologique et le taux de transformation hémor-
ragique [40]. En 2016, une équipe canadienne soulignait l’importante variabilité inter- et intra-
observateur de l’évaluation de ce score et de ses seuils, remettant ainsi en cause sa fiabilité [41].
En conclusion, la variabilité de l’interprétation du score ASPECTS dans les premières heures d’un
IC et son absence d’impact significatif sur le rapport bénéfice risque d’un traitement par rtPA
proposé dans les 4 h 30 ont progressivement rendu son utilisation obsolète dans de nombreux
centres.

Target mismatch/Malignant profile


Le traitement automatisé des données du scanner de perfusion (CTP) et/ou de l’IRM de diffusion
perfusion permet une estimation en temps réel de l’étendue de la zone de pénombre ischémique.

102 /
Thrombolyse intraveineuse

L’étendue de la zone de nécrose estimée par la mesure quantitative du volume (CBV) ou du


débit sanguin cérébral (CBF) en CTP ou du coefficient apparent de diffusion (ADC) en IRM permet
de mesurer l’étendue de la zone de nécrose. Les paramètres TMax ou MTT en CTP ou IRM de
perfusion, permettent d’estimer l’étendue de la zone d’hypoperfusion critique. La différence entre
l’étendue de la zone d’hypoperfusion critique et celle de la zone de nécrose définit un mismatch.
Les résultats des études Echoplanar Imaging Thrombolytic Evaluation Trial (EPITHET) et Diffusion
and Perfusion Imaging Evaluation for Understanding Stroke Evolution (DEFUSE) pour l’IRM puis
les cohortes de patients évalués en CTP en Suisse et en Australie ont permis d’évaluer la réponse
à un traitement par thrombolyse IV dans les 6 h suivant l’installation des symptômes en fonction
de la présence d’un mismatch, les principaux résultats de ces études exploratoires sont les sui-
vants [41-45] :
– En cas de reperfusion, le taux d’amélioration clinique (variation du NIHSS entre l’arrivée et
24 h) est inversement proportionnel à la taille du mismatch initial et à la réversion de la zone
d’hypoperfusion critique.
– En cas de non reperfusion, le taux de croissance de l’IC est proportionnel à la taille du mismatch.
– Le taux de transformation hémorragique après thrombolyse augmente avec la taille de la zone
de nécrose et/ou d’hypoperfusion sévère définissant ainsi un « profil malin » (ou « malignant
profile »).
– Le pronostic d’une cohorte de patients sélectionnés pour un traitement par thrombolyse IV
en imagerie multimodale est meilleur que celui de patients sélectionnés par un scanner SPC.
– Le bénéfice du traitement par thrombolyse ou par thrombectomie persiste au-delà du délai
des fenêtres thérapeutiques actuelles (4 h 30 et 6 h) chez les patients dont l’imagerie retrouve
un mismatch.

Ces travaux ont permis de définir plusieurs profils de mismatch cible caractérisés par leur volume
(> 10 mL) ; le ratio entre le volume de la zone d’hypoperfusion critique et la zone de nécrose de
1,2 à 1,8 et une taille de la zone de nécrose limitée (< 50 ou 70 mL).

Deux études randomisées, multicentriques, European Cooperative Acute Stroke Study-4


(ECASS-4) et Extending the Time for Thrombolysis in Emergency Neurological Deficits (ExTEND)
proposent de tester contre placebo l’efficacité du rtPA administré entre 4 h 30 et 9 h après
l’installation des symptômes. Les critères de sélection en imagerie multimodale (IRM ou CTP)
sont la présence d’un mismatch cible de plus de 10 mL de volume, une zone d’hypoperfusion
critique (TMax > 6 s) 1,2 fois plus étendue qu’une zone de nécrose (0,3 CBF en CTP et ADC < 625
× 10-6 s/mm2 en DWI) d’une taille inférieure à 70 mL (Tableau III).

TABLEAU III ▼ Essais évaluant le rtPA vs Placebo en dehors de la fenêtre thérapeutique admise
des 4 h 30 en utilisant une sélection en imagerie. Mismatch Cible (ECASS-4 et ExTEND) ; Mis-
match DWI/FLAIR (Wake-Up).
Étude Critères d’inclusion Résultats

EXTEND
4,5-9 h
ECASS-4 En cours
Mismatch Cible en CTP ou IRM
rtPA 0,9 mg/kg vs placebo

WAKE-UP Wake up stroke Étude arrêtée le 30/06/2017


rtPA 0,9 mg/kg vs placebo Mismatch DWI-FLAIR (> 500 inclusions)

AVC du réveil-Mismatch DWI-FLAIR


En IRM, la séquence de diffusion détecte l’œdème cytotoxique, dans les minutes qui suivent
l’installation des symptômes. La séquence FLAIR met en évidence, quelques heures plus tard,

/ 103
Partie 2 – Phase aiguë

l’œdème vasogénique. Chez les patients victimes d’un IC dont l’heure de début est connue, la
présence d’un hypersignal en diffusion non visible en FLAIR permet de prédire avec une sensibilité
d’environ 60 % et une spécificité de 80 %, une heure de début des symptômes compatible avec
l’administration d’un traitement thrombolytique (4 h 30) [46]. Le taux de détection d’un hyper-
signal en séquence FLAIR augmente avec les performances de l’IRM (1,5 T vs 3 T), et d’autres
paramètres tels que la sévérité de l’hypoperfusion [47, 48].

L’heure de début des symptômes retenue chez les patients victimes d’un IC du réveil est celle
de leur coucher ou à défaut celle ou une absence de déficit a pu être constatée. En conséquence,
la plupart des patients victimes d’un AVC du réveil ne sont pas éligibles à un traitement par
thrombolyse IV. La présence d’un mismatch FLAIR-/DWI a donc été proposée comme critère de
sélection à un essai évaluant le rapport bénéfice risque du rtPA chez des patients victimes d’un
AVC du réveil (Tableau III). Cet essai prospectif multicentrique randomisé europeen est appelé
« multicenter, randomized, doubleblind, placebo-controlled trial to test efficacy and safety of
magnetic resonance imaging-based thrombolysis in wake-up stroke » (Wake-Up) et vient de
s’arrêter après l’inclusion de plus de 500 patients [49].

Nouvelles stratégies pharmacologiques


Le taux de recanalisation (désobstruction de l’artère occluse) obtenu après thrombolyse est
inversement proportionnel à l’étendue du thrombus. Cette recanalisation peut se compliquer
dans près de 20 % des cas d’un phénomène de ré-occlusion. Enfin, des travaux menés sur des
modèles animaux suggèrent comme cela a été observé dans l’infarctus du myocarde, un phé-
nomène de no-reflow, lié à l’occlusion persistante de la microcirculation d’aval en rapport avec
des phénomènes thrombotiques et inflammatoires. Ainsi, la recanalisation peut être incomplète,
transitoire et ne pas toujours s’accompagner de la reperfusion du territoire d’aval. Afin de pallier
ces limites, plusieurs stratégies sont proposées pour tenter d’améliorer le taux de revascularisa-
tion (recanalisation + reperfusion) sans augmenter le risque de tranformation hémorragique
symptomatique après une thrombolyse IV. Nous retiendrons dans cette liste les stratégies tes-
tées les plus récentes et les plus prometteuses.

Tenectéplase (TNK) vs altéplase


■ Essais comparant la TNK vs altéplase
La TNK est une protéine recombinante, dérivée du tPA endogène. Le remplacement par génie
génétique de 3 acides aminés a renforcé sa fibrino-specificité et sa résistance à la dégradation
par le PAI-1. Contrairement au rtPA, la TNK peut être administrée sous la forme d’un simple
bolus et ne requiert pas de perfusion pendant 1 h.

En 2012, Parsons et al. ont comparé, dans un essai de phase IIB, l’efficacité de la TNK administré aux
doses de 0,1 mg/kg ; 0,25 mg/kg à celle du rtPA (0,9 mg/kg) dans les 6 h suivant l’installation d’un IC
[50]. Cette étude a été conduite chez des patients dont l’IC compliquait l’occlusion d’une artère intra-
crânienne (ACM, ACP ou ACA) documentée en angioscanner et dont le CTP révélait la présence d’un
mismatch cible (ou « target mismatch »). Le traitement par TNK (0,1 mg/kg, n = 25 et 0,25 mg/kg n
= 25) était, par rapport à l’altéplase (n = 25), associé à une augmentation significative de :
■ taux de reperfusion (56 % vs 79 %, p = 0,04) ;
■ taux de régression du déficit neurologique mesuré par la variation du score NIHSS entre
0 et 24 h (amélioration du score NIHSS à 24 h [3 vs 8, p < 0,001]) ;
■ du taux de récupération neurologique à 3 mois, définie par un score mRS 0-2 (44 vs 72 %,
p = 0,02).

104 /
Thrombolyse intraveineuse

À l’inverse, les taux de THS étaient similaires (12 vs 4 %, p = 0,33).

Enfin, la comparaison des 2 groupes de patients traités par TNK montrait une augmentation du
taux de récupération neurologique à 24 h avec la dose 0,25 mg/kg vs 0,1 mg/kg sans surrisque
hémorragique. Les résultats de cette étude ont permis de lancer l’essai international randomisé
Tenecteplase vs Alteplase for Stroke Thrombolysis Evaluation (TASTE), comparant la TNK
0,25 mg/kg vs rtPA 0,9 mg/kg 4 h 30 après l’installation des symptômes. À nouveau, les patients
seront sélectionnés sur la présence d’un mismatch cible en CT de perfusion ou IRM DWI/PWI.
Le critère de jugement principal est le taux de récupération neurologique (mRS 0-1) à 3 mois.

Un essai randomisé de phase II (Alteplase-Tenecteplase Trial Evaluation for Stroke Thrombolysis


– ATTEST) [51] a comparé rtPA (0,9 mg/kg) et TNK (0,25 mg/kg) administré 4 h 30 après le début
des symptômes. Cent quatre patients (52 dans chaque groupe) ont été inclus. Si un CTP était
réalisé pour chaque patient, la présence d’un mismatch ou d’une occlusion artérielle n’était pas
retenus comme critères de sélection. Le critère de jugement primaire était le taux de régression
de la zone de pénombre mesuré par la différence entre le volume de la zone d’hypoperfusion
critique sur le CTP avant le traitement et celui de l’IC mesurée sur un scanner de contrôle à
24-48 h. Les taux de réversion de la pénombre et de THS dans les 2 groupes étaient similaires :
taux de réversion de la pénombre (68 % vs 68 %, p = 0,8) ; et THS (4 % vs 2 %, p = 0,5).

La méta-analyse des 2 études de phase II ATTEST 2 et TASTE a confirmé le bénéfice de la TNK chez
les patients dont l’imagerie initiale documentait une occlusion vasculaire et un mismatch cible tel
que défini dans l’étude australienne, confirmant ainsi dans une population sélectionnée la supériorité
de l’effet biologique observé avec la TNK vs rtPA [52, 53]. En octobre 2016, les investigateurs
d’ATTEST ont débuté une étude de phase III (ATTEST-3), comparant le bénéfice du traitement par
rtPA 0,9 mg/kg vs tenecteplase 0,25 mg/kg administré dans les 4 h 30 suivant l’installation des
symptômes sur la base d’un scanner cérébral SPC avec pour objectif l’inclusion de 1 870 patients.

Enfin, l’étude Norwegian tenecteplase stroke trial (NOR-TEST), terminée en 2017, a comparé,
dans le cadre d’un essai randomisé multicentrique, le taux de récupération neurologique à 3 mois
chez des patients traités dans les 4 h 30 après l’installation de leurs symptômes par rtPA vs
tenecteplase 0,4 mg/kg chez 1 107 patients [54]. La présentation des premiers résultats lors du
congrès de l’ESOC en 2017 a montré l’absence de bénéfice associé à la TNK (Tableau IV, synthèse
des essais de phase II et III évaluant la TNK).

■ TNK et AVC mineurs

L’utilisation d’un traitement par thrombolyse IV est souvent débattue en cas de déficit neuro-
logique mineur ou rapidement régressif. Ces 2 situations constituent une contre-indication rela-
tive à son administration. Cependant, il a été démontré qu’une proportion non négligeable de
ces patients, dont l’imagerie révélait la persistance d’une occlusion artérielle, avait un risque de
détérioration de l’ordre de 20 à 30 % en l’absence de traitement. L’étude de phase II, Tenecte-
plase-tissue-type-plasminogen activator evaluation for minor stroke with proven occlusion
(TEMPO-1), a évalué, chez 50 patients victimes d’un IC mineur (NIHSS ^ 5) avec une occlusion
vasculaire documentée ou une zone d’hypoperfusion focale compatible avec les symptômes du
patients, la sécurité de l’administration de TNK à la dose de 0,25 mg/kg (n = 25) et 0,1 mg/kg
(n = 25) dans les 12 h suivant l’installation des symptômes. Le taux de THS était de 2 % (1 patient
ayant reçu 0,25 mg/kg), les taux de recanalisation complète de 52 % après 0,25 mg/kg et 39 %
après 0,1 mg/kg. Enfin l’obtention d’une recanalisation partielle ou complète était associée avec
une augmentation significative du taux de récupération neurologique (RR : 1,65, p = 0,026) [55].
Les résultats de cette étude ont permis de lancer l’étude TEMPO-2, comparant l’administration
du TNK à la dose de 0,25 mg/kg dans les 12 h vs placebo chez le même type de patient. Cette
étude multicentrique internationale (Canada, Europe, Asie, Australie, etc.) a débuté en 2016,
avec pour objectif l’inclusion de 1 300 patients.

/ 105
Partie 2 – Phase aiguë

TABLEAU IV ▼ Essais randomisés de phase IIb et phase III comparant TNK vs rtPA.
Étude Critères d’inclusion Résultats (rtPA vs TNK)

TASTE-phase 2 Reperfusion 56 % vs 79 %,
TNK 0,25 et 0,1 mg/kg IC < 6 h p = 0,004
rtPA 0,9 mg/kg Occlusion artère intracrânienne Amélioration NIHSS à 24 h
<6h Mismatch cible en CTP (3 vs 8, p < 0,001)
N 25/groupe THS 3 % vs 2 %, p = 0,33

ATTEST2-phase 2 Taux de régression pénombre :


IC < 4 h 30
TNK 0,25 mg/kg vs tPA 0,9 mg/kg 68 % vs 68 %, p = 0,81
CT SPC
N = 104 THS 6 % vs 8 %, p = 0,59

TASTE phase 3 En cours


IC < 4 h 30
TNK 0,25 mg/kg Endpoint : taux de récupération
Mismatch cible en CTP/IRM
vs rtPA 0,9 mg/kg neurologique (mRS 0-1 à 3 mois)

ATTEST 3-phase 3 En cours


IC < 4 h 30
TNK 0,25 mg/kg Endpoint : taux de récupération
CT SPC
vs rtPA 0,9 mg/kg neurologique (mRS 0-1 à 3 mois)

Étude terminée, mais résultats non


NOR-TEST-phase 3
IC < 4 h 30 publiés au 29 juin 2017
TNK 0,4 mg/kg
CT SPC Endpoint : taux de récupération
vs rtPA 0,9 mg/kg, N = 1 107
neurologique (mRS 0-1 à 3 mois)

Thrombolyse en association
■ rtPA + anti-GpIIbIIIa
L’eptifibatide est un inhibiteur du récepteur plaquettaire GpIIbIIIa. En 2015, les investigateurs
ont proposé une méta-analyse des 3 essais de phase II ayant comparé au rtPA les associations
suivantes : 75 μg/kg d’eptifibatide + rtPA 0,3 mg/kg et 0,45 mg/kg (n = 69) ; 75 μg/kg d’eptifi-
batide + rtPA 0,6 mg/kg (n = 126) ; 75 μg/kg d’eptifibatide + rtPA 0,9 mg/kg (n = 27) [56]. Les
taux d’hémorragie symptomatique dans les groupes de patients traités par eptifibatide et rtPA
étaient respectivement de 1,4 %, 2 % et 3,7 %. Le taux de récupération neurologique défini par
la proportion de patient avec un score mRS 0-1 à 3 mois était respectivement de 30 %, 49,5 %
et 63 %. D’autres analyses sont en cours afin de définir la dose optimale de rtPA à associer
l’eptifibatide dans le cadre d’un essai de phase III.

■ rtPA + anticoagulants
L’argatroban est un heparinoïde habituellement proposé dans le traitement des thrombopénies
induites par l’héparine. Des travaux menés chez l’animal suggèrent que son association avec le rtPA
pourrait améliorer le taux de recanalisation, prévenir la réocclusion et prévenir le no-reflow. Ce
traitement a donc été testé dans un essai randomisé (phase IIb, Argatroban with Recombinant Tissue
Plasminogen Activator for Acute Stroke – ARTSS-2), comparant un traitement par rtPA conventionnel
à son association avec une faible (1 μg/kg/min après bolus) et une forte dose (3 μg/kg/min après
bolus) d’argatroban [57]. Cette étude a inclus 30 patients dans chaque bras. Elle n’a pas documenté
de surrisque hémorragique associé à l’argatroban (10 % rtPA seul vs 13 % faible dose vs 7 % forte
dose), et l’analyse estime à 79 % la possibilité d’une supériorité de l’association rtPA + argatroban
vs rtPA seul. Ces résultats doivent donc être validés par un essai prospectif de phase III.

La thrombolyse à l’ère de la thrombectomie


L’avènement de la thrombectomie a, en 2015, bouleversé la prise en charge des patients victimes
d’un IC en aval d’une occlusion l’artère carotide interne ou de la portion proximale de l’artère
cérébrale moyenne. Les résultats de la méta-analyse HERMES ont montré que cet effet

106 /
Thrombolyse intraveineuse

thérapeutique persistait chez les patients n’ayant pas reçu de traitement par thrombolyse IV
avant la thrombectomie et que le taux de THS était similaire dans les 2 bras des essais rando-
misés [37]. D’autres études de cohorte ont retrouvé les mêmes résultats [58]. Ces deux résultats
questionnent donc sur la nécessité de réaliser une thrombolyse avant un traitement par throm-
bectomie chez les patients éligibles. Cette hypothèse va être testée dans des essais de non
infériorité tels que Swift Direct (Solitaire with the Intention for Thrombectomy Plus Intravenous
t-PA vs DIRECT solitaire Stent-retriever thrombectomy in Acute Anterior Circulation Stroke)
comparant, chez des patients éligibles à la thrombectomie, le rapport bénéfice/risque d’un trai-
tement par thrombolyse IV vs placebo avant une thrombolyse.

Pendant 20 ans, la thrombolyse IV par rtPA est restée le seul traitement de revascularisation
validé à la phase aiguë de l’IC. L’avènement de la thrombectomie, en 2015 a révolutionné la
prise en charge des infarctus cérébraux au point de remettre en cause l’indication de la throm-
bolyse IV chez les patients éligibles à un traitement endovasculaire. Cependant, l’accès à la
thrombectomie reste limité à quelques pays. Le remplacement du rtPA par la TNK d’une utili-
sation plus simple et l’élargissement de la fenêtre thérapeutique grâce à l’imagerie multimodale
à des IC mineurs et/ou d’arrivée tardive semblent être les voies d’évolution les plus prometteuses
pour ce traitement.

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Thrombolyse intraveineuse

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/ 109
9

La thrombectomie mécanique (TM) en association à la thrombolyse intraveineuse (IV) est le traitement


de référence de l’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCi) consécutif à l’occlusion des artères
de large calibre de la circulation antérieure (c’est-à-dire des artères carotides internes – ACI – et
cérébrales moyennes – ACM) [1]. Cette stratégie thérapeutique doit être entreprise dans les 4 h 30
pour la thrombolyse IV et dans les 6 h pour la TM. Ces recommandations font suite à la publication
de six études randomisées [2-7] entre 2015 et 2016, montrant la supériorité de la TM associée au
meilleur traitement médical (incluant la thrombolyse IV) par rapport au traitement médical seul
(Tableau I). Il s’agit là d’un changement majeur, car en 2013, trois études (IMS – Interventional Mana-
gement of Stroke – III [8], MR RESCUE – Magnetic Resonance and REcanalization of Stroke Clots Using
Embolectomy – [9] et SYNTHESIS expansion – Intra-arterial Versus Systemic Thrombolysis for Acute
Ischemic Stroke – [10]) évaluant l’approche endovasculaire n’avaient pas montré de bénéfice de la TM
à la phase aiguë de l’AVCi. Elles avaient aussi présenté un certain nombre de limites ainsi que des
critiques méthodologiques qui faisaient entrevoir une place pour l’approche endovasculaire. Parmi les
limites de ces trois études, il faut noter des délais importants entre le début des symptômes et la
TM, une sélection des patients parfois inadaptée (absence d’occlusion artérielle intracrânienne docu-
mentée systématiquement), et l’utilisation de dispositifs de TM d’ancienne génération.

Sur 8 essais randomisés publiés à partir de 2015, 6 ont apporté la preuve du bénéfice de la TM
dans le traitement de reperfusion des AVCi consécutif à une occlusion des artères de large calibre
de la circulation antérieure. L’effet positif de la TM est majeur avec un nombre de patient
nécessaire à traiter (NNT) de 2,5 [11]. Le score NIHSS médian a été de 17, soulignant que les
patients traités dans les études étaient sévères. Toutefois, la majorité des patients inclus n’avaient
pas des gros volumes d’AVCi [2, 5, 7, 11]. Il convient de noter que ce bénéfice a été observé
pour les différents sous-groupes de patients et notamment pour les patients de plus de 80 ans.

/ 111
Partie 2 – Phase aiguë

TABLEAU I ▼ Résumé des principales caractéristiques des études MR CLEAN, ESCAPE, EXTEND
IA, REVASCAT, THRACE, SWIFT – PRIME.
MR CLEAN ESCAPE EXTEND IA REVASCAT THRACE SWIFT-PRIME

N (TM/C) 233/267 165/150 35/35 103/103 204/208 98/98

NIHSS* (TM/C) 17/18 17/16 17/13 17/17 18/17 17/17

Site
d’occlusion, % 26/64/8 27/70/3 31/53/5 26/64/8 15,5/82,5/0,5 17/72/10
(ICA, M1/M2)

TT 6h 12 h 8h 8h 6h 6h

TIV, % 89 73 100 73 100 100

Temps TIV
87/85 125/110 127/145 117/105 150/153 110/117
(TM/C)

Temps TM, min 332 241 248 355 250 252**

Reperfusion, % 59 72 89 66 69 83

mRS 0-2
33/19 53/29 7140 44/28 53/42 60/35
(TM/C), %

Hém.
(TM/C), 3,6/2,7 0/2 1,9/1,9 2/2 0/3
%v7,7/6,4

Mortalité
21/22 10/19 9/20 18/16 12/13 9/12
(TM/C), %
N : nombre de patients inclus dans les études ; TM : thrombectomie mécanique ; C : groupe contrôle ; Site d’occlusion exprimé
en % (artère carotide interne : ICA, segments proximaux de l’artère cérébrale moyenne = M1/M2) ; TIV : % de patients ayant
reçus la thrombolyse IV ; TT : fenêtre thérapeutique en heures ; Temps TM : temps de réouverture de l’artère, ** : temps du
premier déploiement du stent retriever ; Reperfusion : taux de TICI 2b/3. *, NIHSS median ; Hém. : % hémorragies intracrâ-
niennes symptomatiques

La première étude publiée à montrer le bénéfice de la TM dans les 6 h a été MR CLEAN (Multi-
center Randomized Clinical trial of Endovascular Treatment in the Netherlands) [3]. Sur
500 patients randomisés avec un AVCi par occlusion proximale de la circulation antérieure et
un score NIHSS 6 2, 233 ont été traités par thrombolyse IV associée à la TM versus 267 traités
par thrombolyse IV seule. Dans MR CLEAN 89 %, des patients ont été traité par thrombolyse IV,
et le stent retriever (SR) a été le dispositif utilisé dans 81,5 %. Sur le critère de jugement principal
à 3 mois (score de Rankin modifié-mRS-0-2), 32,6 % des patients du groupe thrombolyse IV
associée à la TM ont eu une évolution favorable versus 19,1 % dans le groupe thrombolyse IV
seule (OR : 1,67 ; IC95 % : 1,2-2,3).

L’étude ESCAPE (Endovascular treatment for Small Core and Anterior circulation Proximal occlu-
sion with Emphasis on minimizing CT to recanalization times) [6] a été arrêtée prématurément
après l’inclusion de 316 patients à la suite d’une analyse intermédiaire. Les patients randomisés
qui ont été inclus dans les 12 h, devaient avaient avoir un NIHSS > 5, une occlusion confirmée
à l’angioscanner de la terminaison carotide, de l’ACM (M1 et/ou M2), une bonne collatéralité
sur l’angioscanner multiphase et un score Alberta Stroke Program Early CT Score (ASPECTS) > 5.
L’évolution favorable (mRS 0-2) à 90 jours a été de 53 % dans le bras TM et 29,3 % dans le bras
contrôle (OR : 2,6 ; IC95 % : 2,0-4,7), avec un NNT de 4. À noter, qu’il s’agit de la seule étude
avec un effet significatif sur la mortalité (10,4 % versus 19 %, p = 0,04). Trois quarts des patients
ont reçu la thrombolyse IV, et les SR ont été utilisés dans 86,1 % des cas.

L’étude SWIFT PRIME trial (SolitaireTM With the Intention For Thrombectomy as PRIMary treat-
ment for acute ischemic strokE) [5] a également été arrêtée prématurément après l’inclusion de
196 patients. Les patients randomisés devaient avoir reçu la thrombolyse IV dans les 4 h 30, un

112 /
Thrombectomie mécanique

NIHSS entre 8 et 29, un angioscanner ou une ARM montrant une occlusion de l’ACI ou de l’ACM
(segment M1), l’absence d’occlusion de la carotide extracrânienne, un ASPECTS > 6, et une TM
dans les 6 h. L’évolution favorable (mRS 0-2) à 90 jours a été de 60,2 % dans le bras TM et
35,5 % pour les contrôles (p < 0,001) avec un NNT de 4. Il n’y avait pas d’effet significatif sur
la mortalité.

Comme les études précédentes, EXTEND-IA trial (EXtending the time for Thrombolysis in Emer-
gency Neurological Deficits with Intra-Arterial therapy) [7] a été arrêtée avant terme sur la base
d’une analyse intermédiaire et après la randomisation de 70 patients. Tous les patients dans
EXTEND-IA ont reçu la thrombolyse IV dans les 4 h 30, un angioscanner ou ARM montrant une
occlusion de carotide ou de l’ACM (M1 ou M2), un mismatch sur l’IRM ou le scanner de perfusion
(utilisation du logiciel RAPID), et une TM réalisable dans les 6 h. À 90 jours, le taux de mRS 0-2
a été de 71 % dans le bras TM et 40 % pour les contrôles (p < 0,01), avec un NNT de 3. Là
encore, pas de réduction significative de mortalité même s’il existe une tendance.

REVASCAT (Randomized Trial of Revascularization with Solitaire FR Device versus Best Medical
Therapy in the Treatment of Acute Stroke Due to Anterior Circulation Large Vessel Occlusion
Presenting within Eight Hours of Symptom Onset) [4], a été impactée directement par la publi-
cation des études précédentes avec une perte d’« équipoise ». Sur 690 patients initialement
prévus, 206 âgés de 18 à 80 ans, avec un NIHSS 6 6, pouvant être traités dans les 8 h, ont été
inclus avec une occlusion documentée de la circulation antérieure et un AVCi dont les critères
en imagerie devaient répondre aux critères suivants : score ASPECTS 6 7 sur scanner cérébral
et 6 6 sur l’IRM cérébrale. Au total, 68 % des patients ont été traités par thrombolyse IV dans
le bras TM et 78 % pour les contrôles. À 90 jours, 43,7 % dans le bras TM ont eu une évolution
favorable (mRS 0-2) versus 28,2 % pour les contrôles (OR : 2,1 ; IC95 % : 1,1-4,0).

Dans l’étude française THRACE (Trial and Cost Effectiveness Evaluation of Intra-arterial Throm-
bectomy in Acute Ischemic Stroke) [2], la thrombolyse IV devait débuter dans les 4 h et la TM
dans les 5 h, en utilisant les dispositifs autorisés en France. L’étude a été arrêtée après l’inclusion
de 414 patients suite à une deuxième analyse intermédiaire. Les résultats de THRACE ont montré
un taux d’évolution favorable (mRS 0-2) de 54,2 % dans le bras TM et 42,1 % dans le bras
thrombolyse IV (OR : 1,55 ; IC95 % : 1,05-2,30).

L’étude THERAPY (THE Randomized, concurrent controlled trial to Assess the Penumbra sYstem’s
safety and effectiveness in the treatment of acute stroke) [12], a évalué le système d’aspiration
PenumbraTM en association à la thrombolyse IV versus la thrombolyse IV seule dans les 6 h.
THERAPY a été arrêtée après l’inclusion de 108 patients (55 dans le bras TM et 53 thrombo-
lyse IV) sur 692 patients prévus en raison de la perte d’« équipoise » à la suite des publications
précédentes. L’analyse en intention de traiter a été en faveur du bras TM sans atteindre la
significativité (OR : 1,76 ; IC95 % : 0,86-3,59).

PISTE (Pragmatic Ischaemic Thrombectomy Evaluation) [13] est une étude britannique pragma-
tique qui a évalué la thrombolyse IV dans les 4 h 30 seule versus la thrombolyse IV associée à
la TM chez les patients avec une occlusion documentée de la circulation antérieure sur l’angio-
scanner. Cette étude a également été arrêtée prématurément après l’inclusion de 65 patients.
Probablement en raison du faible nombre de patient inclus, il n’y a pas eu différence significative
entre les deux groupes concernant le taux de critère de jugement principal (mRS 0-2) a été de
51 % versus 40 % à 90 jours (OR : 2,12 ; IC95 % : 0,65-6,94, p = 0,204).

/ 113
Partie 2 – Phase aiguë

L’évolution rapide des dispositifs de TM a impacté les résultats des études, expliquant en partie
les résultats de celles publiées en 2013. En effet, alors que le recrutement des études IMS 3,
SYNTHESIS, MR RESCUE se poursuivait, deux études SWIFT (Solitaire flow restoration device
versus the Merci Retriever in patients with acute ischaemic stroke) [14] et TREVO-2 (Trevo
versus Merci retrievers for thrombectomy REvascularisation of large Vessel Occlusions) [15],
qui ont comparé les ST SOLITAIRE™ et TREVO™ au MERCI™ (dispositif d’ancienne génération),
ont montré une supériorité de la recanalisation (critère de jugement principal) avec les deux
SR ainsi qu’une réduction du handicap (critère de jugement secondaire) par rapport aux dis-
positifs d’ancienne génération comme le MERCI™. Les recommandations soulignent l’utilisa-
tion en première intention des SR, car ces dispositifs ont été le plus souvent utilisés dans les
études publiées à partir de 2015. Les données issues de méta-analyses sont clairement en
faveur de l’utilisation des SR et suggèrent de ne plus utiliser de dispositif d’ancienne génération
comme le dispositif MERCI™. Parmi les dernières évolutions, les systèmes d’aspiration de TM
sont actuellement utilisés en pratique courante. L’étude française ASTER [16], récemment
publiée, évaluant l’approche par aspiration versus l’utilisation d’un SR n’a pas montré de supé-
riorité de l’aspiration avec comme critère de jugement principal la reperfusion. L’aspiration est
devenue une technique couramment utilisée au cours des procédures de TM en association
avec les SR.

Le rôle du délai est clairement souligné dans les recommandations, qui précisent notamment
que la thrombolyse IV ne doit pas retarder la TM. L’effet bénéfique de la TM a été temps-
dépendant dans MR CLEAN avec un OR diminuant de 3,0 (IC95 % = 1,6-5,6) à 3 h 30, à 1,5
(IC95 % : 1,1-2,2) à 6 h. Des résultats similaires avaient déjà été rapportés dans IMS 3, où le
temps de reperfusion avait eu un impact sur le pronostic [17]. Les patients avec le meilleur taux
d’évolution favorable (mRS 0-2 à 3 mois) ont été ceux pour lesquels le temps de reperfusion
était inférieur à 4h30 comme dans les études SWIFT PRIME, EXTEND IA, et ESCAPE [18]. Les
dernières données suggèrent qu’un bénéfice de TM reste envisageable jusqu’à plus de 7 h après
le début des symptômes. Sur des populations très sélectionnées (sur l’âge, le score NIHSS et en
imagerie de perfusion), une étude plus récente (Diffusion Weighted Imaging – DWI – or Compu-
terized Tomography Perfusion – CTP – Assessment With Clinical Mismatch in the Triage of Wake
Up and Late Presenting Strokes Undergoing Neurointervention – DAWN) montre un effet positif
de la TM sur le handicap jusqu’à 24 h après le début des symptômes [19]. DAWN a étudié
l’efficacité et la tolérance de la TM entre 6 et 24 h après le début des symptômes. Cette étude
a été arrêtée après une analyse intermédiaire suivant l’inclusion de 206 patients avec une occlu-
sion d’une artère intracrânienne de large calibre de la circulation antérieure. Il faut noter que la
population a été sélectionnée sur l’âge et le volume de l’AVCi (calculé sur l’IRM en diffusion ou
le scanner de perfusion). Les patients éligibles devaient remplir les conditions suivantes : un
âge 6 80 ans et un score NIHSS 6 10 et un volume inférieur à 21 cc ; un âge inférieur à 80 ans
et un score NIHSS 6 10 et un volume inférieur à 31 cc ; ou encore un âge inférieur à 80 ans et
un score NIHSS 6 20 et un volume inférieur à 51 cc. Le taux d’évolution favorable (mRS 0-2) à
3 mois a été de 49 % dans le bras TM versus 13 % dans le bras contrôle. Il s’agit là de l’effet
plus important observé avec la TM par rapport aux études précédentes. Une autre étude DEFUSE 3

114 /
Thrombectomie mécanique

(Endovascular Therapy Following Imaging Evaluation for Ischemic Stroke 3 ; ClinicalTrials.gov :


NCT02586415), qui a étudiée la TM chez des patients sélectionnés sur l’imagerie de perfusion,
entre 6 et 16 h, après l’AVCi, doit être publiée début 2018.

Si la fenêtre thérapeutique actuelle reste limitée à 6 h dans les recommandations, c’est parce
que la majorité (> 80 %) des patients inclus dans les essais l’ont été dans les 6 h. Les études
comme ESCAPE [6] ou REVASCAT [7] incluant des patients jusqu’à 8 h et 12 h respectivement,
n’ont inclus qu’une minorité de patients au-delà des 6 h (22,5 % pour REVASCAT et 15,5 % pour
ESCAPE). Avec les résultats récents de l’étude DAWN, la fenêtre thérapeutique va devoir évoluer.

Le bénéfice de la TM est d’autant plus important que l’occlusion est proximale. L’effet de la TM est
clairement établi pour les occlusions de l’ACI et de l’ACM dans son segment M1, avec un impact
de la TM supérieur pour les occlusions de la carotide par rapport à celles du segment M1 isolées
[11]. Le bénéfice pour les occlusions plus distales, comme les segments M2 de l’ACM n’apparaît pas
de façon significative. Des études randomisées sont donc nécessaires dans ces situations pour
confirmer le rapport bénéfice-favorable dans les procédures de revascularisation dans ces situations.

D’autres topographies d’occlusion artérielle font l’objet de débats. Les occlusions en tandem
(occlusion extracrânienne associée à une occlusion intracrânienne) ont été faiblement représen-
tées dans les études. Dans MR CLEAN, 29 % des patients avaient une occlusion en tandem avec
un effet de la TM non significatif. Les occlusions en tandem posent, par ailleurs, la problématique
du traitement de la lésion extracrânienne qui peut justifier l’implantation d’un stent et donc
d’un traitement antithrombotique supplémentaire associé à un sur risque hémorragique. La prise
en charge endovasculaire et pharmacologique de ces lésions extracrâniennes n’est actuellement
pas établie.

Certaines topographies d’occlusion artérielle ont été exclues des études. Par exemple, aucune
étude n’a inclus de patients avec une occlusion artérielle du tronc basilaire, en dehors de THRACE
[2] avec 4 patients. Même si les occlusions du tronc basilaire sont éligibles à la TM [1], il n’est
pas possible d’extrapoler les résultats obtenus dans la circulation antérieure à ceux de la circu-
lation postérieure. En effet, sur les anciennes données du registre BASICS [20] où plus de
500 patients ont été inclus, il n’y avait pas de différence entre les approches thérapeutiques
évaluées (traitement antithrombotique, thrombolyse IV, traitement endovasculaire). Il importe
de souligner ici que, au-delà des limites inhérentes aux registres, les patients dans le groupe
endovasculaire étaient les plus graves, et que la majorité avaient été traité avec des dispositifs
de dernière génération. À noter également que tous les patients traités au-delà de 9 h, ont eu
un pronostic défavorable. Une étude dédiée pour évaluer la TM dans les occlusions du TB est
actuellement en cours (Basilar artery international cooperation study – BASICS) [21].

Le type d’anesthésie pour les procédures de TM est également discuté. Sur la base des données
des études randomisées, les patients sous anesthésie générale ont été ceux avec le moins bon
pronostic. Dans une analyse post-hoc de MR CLEAN, les patients avaient un meilleur pronostic

/ 115
Partie 2 – Phase aiguë

en cas de sédation consciente. Plusieurs essais thérapeutiques sont actuellement en cours pour
répondre cette question. Les premiers résultats apportés par l’étude SIESTA [22] comparant
l’anesthésie générale versus la sédation vigile chez les patients éligibles à la TM ne montre pas
de différence sur le critère clinique, score NIHSS, à 24 h. Le type d’anesthésie est donc à adapter
à chaque situation clinique avec pour objectif de ne pas retarder la procédure de TM. Certaines
sociétés savantes [23] proposent actuellement, une sédation consciente en première intention
en dehors de situations spécifiques comme l’agitation, les troubles de la vigilance (avec un score
de Glasgow < 8), une détresse respiratoire aiguë.

Les conclusions d’une méta-analyse sur les 7 études ayant montré le bénéfice de la TM menée
par le groupe HERMES [24], suggèrent que l’anesthésie générale, telle qu’elle est pratiquée dans
les centres experts, ayant participé aux essais randomisés, est associée à un mauvais pronostic,
indépendamment des comorbidités présentées par les patients. Sous anesthésie générale, les
patients bénéficient toutefois de la TM. Par conséquent, la réalisation d’une anesthésie générale
pour une détresse respiratoire ou une agitation, ne doit pas être empêchée la mise en œuvre
d’une TM. L’anesthésie générale doit être conduite en minimisant les délais pour commencer la
procédure de TM au plus vite, avec un contrôle des paramètres physiologiques comme la pression
artérielle, pour limiter les variations tensionnelles potentiellement délétères.

Comme précisé en introduction, la thrombolyse IV en association avec la TM est le traitement


de référence pour les AVCi de la circulation antérieure avec occlusion des artères de large calibre.
Dans les études publiées en 2015 plus de 70 % des patients avaient reçu la thrombolyse IV et
dans l’étude française THRACE [2] publiée en 2016, il s’agissait de 100 % d’entre eux. Une des
dernières méta-analyses sur données individuelles incluant 6 756 patients dans 9 études rando-
misées comparant la thrombolyse IV avec l’alteplase au placebo, a confirmé le bénéfice de l’alte-
plase sur le pronostic fonctionnel, avec un bénéfice d’autant plus important que le traitement
était administré précocement [25]. Ce bénéfice est présent malgré un excès de risque d’hémor-
ragique la première semaine. Il est intéressant de noter que dans l’étude THRACE [2], près de
30 % des patients randomisés dans bras endovasculaire en association à l’alteplase IV n’ont pas
eu de procédure de revascularisation, en raison d’une amélioration clinique et/ou angiographique
significative suggérant une place pour la thrombolyse IV. Des données rétrospectives, rapportent
que la thrombolyse IV permet de réduire les temps de procédure et le nombre de passage pour
revasculariser l’artère occluse [26]. Sur un plan théorique, il est facile de concevoir que la throm-
bolyse IV permet de traiter les thrombus non accessibles à la TM comme ceux de la micro-
circulation. Cela demande à être démontré et des études sont actuellement en cours pour évaluer
la TM seule versus la TM associée à la thrombolyse IV.

L’imagerie parenchymateuse, utilisée dans les études décrites précédemment, pour éliminer une
hémorragie cérébrale a été principalement le scanner. À noter qu’il n’y a pas eu de comparaison
systématique entre le scanner et l’IRM dans les études. En dehors de MR CLEAN, toutes les

116 /
Thrombectomie mécanique

études avaient un critère d’exclusion pour les scores ASPECTS les plus bas. Dans EXTEND IA, les
patients avec des anomalies sur plus tiers du territoire de l’ACM ont été exclus. Dans ESCAPE
et SWIFT PRIME, des ASPECTS plus pas ont été utilisés pour l’IRM, avec des scores de 5 et 6
respectivement. Des critères d’imagerie supplémentaires ont été utilisés dans certaines études
comme l’imagerie de perfusion pour SWIFT Prime et EXTEND IA, ou une imagerie des collatérales
dans ESCAPE, alors que REVASCAT a utilisé l’imagerie de perfusion pour les patients inclus à
plus de 4 h 30 après le début des symptômes. À noter que dans toutes les études, une occlusion
des artères de large calibre de la circulation antérieure devait être documentée avant toute
randomisation.

Les patients avec une occlusion du segment M1 de l’ACM étaient inclus dans toutes les études,
ce qui n’était pas le cas pour les patients avec des occlusions plus distales (M2), ou des occlusions
carotides. Trois études (ESCAPE, EXTEND IA et SWIFT prime) ont utilisé de l’imagerie multi-
modale pour déterminer la présence de tissu cérébral à sauver défini par des cœurs ischémiques
de petites tailles (SWIFT PRIME et EXTEND IA) et/ou une collatéralité adéquate comme dans
l’étude ESCAPE. Dans EXTEND IA et SWIFT PRIME, la détection du tissu cérébral à sauver a été
effectuée en utilisant un logiciel dédié dans respectivement 100 % et 81 % des cas. Dans
REVASCAT, le même logiciel a été utilisé pour les premiers 71 patients avant de passer au score
ASPECT pour les centres n’ayant pas l’imagerie de perfusion. Dans ESCAPE, l’angioscanner mul-
tiphase a été utilisé pour sélectionner les patients avec une collatéralité bonne à modérée (définie
par un remplissage d’au moins 50 % du territoire de l’ACM). Une sous-analyse du scanner de
perfusion à partir des données de MR CLEAN a montré que cette méthode pouvait être utile
pour prédire le pronostic fonctionnel mais pas pour identifier les patients pouvant bénéficier de
la TM. Les conclusions du groupe HERMES précisent d’ailleurs qu’il n’est pas possible d’exclure
des patients sur la seule base des données de l’imagerie.

Le traitement de reperfusion à la phase aiguë de l’AVCi évolue très vite. La TM en association


à la thrombolyse IV est le traitement de référence depuis 2015. Plusieurs zones d’ombres deman-
dent être éclaircies comme la place de la TM chez les patients avec un déficit mineur, les AVCi
de large volume ou les occlusions artérielles distales. Le temps de reperfusion reste la priorité,
même si la fenêtre thérapeutique actuelle de 6 h théorique va progressivement laisser la place
à une prise en charge individualisée centrée sur l’existence de parenchyme cérébral pouvant être
sauvé dans de bonnes conditions de tolérance.

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118 /
10

Les premières heures suivant la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) sont détermi-
nantes pour le pronostic fonctionnel neurologique final, car la sévérité du déficit neurologique
peut fluctuer de manière très rapide et significative au cours de cette période, que ce soit vers
une amélioration ou une dégradation [1]. Ainsi, la prise en charge thérapeutique à la phase aiguë
de l’AVC doit combiner tous les moyens thérapeutiques disponibles pour permettre une amé-
lioration de l’état neurologique, éviter une aggravation clinique et la survenue de complications.
En cas d’ischémie cérébrale (IC), l’objectif thérapeutique est de sauver la zone de pénombre (à
savoir, le tissus sévèrement hypoperfusé mais dont l’évolution vers l’infarctus n’est pas irrémé-
diable), afin de limiter la taille de la nécrose cérébrale finale (l’infarctus) et ainsi d’améliorer le
pronostic fonctionnel. Si les traitements de reperfusion cérébrale (thrombolyse et/ou thrombec-
tomie mécanique) sont la pierre angulaire de la prise en charge visant cet objectif, la prise en
charge de facteurs systémiques (hyper/hypotension artérielle, hyper/hypoglycémie, hyperthermie
et hypoxie) est importante car ces facteurs sont associés à un mauvais pronostic fonctionnel.
En cas d’hémorragie cérébrale (HC), la prise en charge des facteurs systémiques (principalement
l’hypertension) font actuellement partie des principales armes thérapeutiques pour limiter
l’expansion de l’hémorragie et ainsi améliorer le pronostic des patients.

Dans ce chapitre, nous détaillerons les données disponibles et les recommandations de prise en
charge à la phase aiguë des AVC des principaux facteurs systémiques pouvant influer sur le
pronostic neurologique.

/ 119
Partie 2 – Phase aiguë

Ischémie cérébrale
Hyperglycémie : un facteur de mauvais pronostic à la phase aiguë
L’hyperglycémie est constatée chez près de 50 % des patients à la phase aiguë de l’IC, que ce
soit chez des sujets diabétiques ou non [2, 3]. Des anomalies préexistantes du métabolisme du
glucose et l’hyperglycémie dite « de stress » dont les mécanismes sont complexes expliquent
l’hyperglycémie chez les sujets non diabétiques [4]. L’hyperglycémie est associée de manière
indépendante à un plus volumineux infarctus final, un plus mauvais pronostic neurologique et
un risque accru de mortalité [4]. À noter cependant que ces associations ne reflètent pas néces-
sairement son rôle causal sur le pronostic neurologique, car il est possible qu’elle soit simplement
le reflet de la sévérité d’une ischémie. En cas de traitement de reperfusion (thrombolyse et/ou
thrombectomie), l’hyperglycémie est également un facteur de mauvais pronostic fonctionnel et
un facteur prédictif indépendant de transformation hémorragique [5, 6]. Les mécanismes de la
toxicité de l’hyperglycémie sur l’ischémie cérébrale ne sont que très partiellement élucidés et
restent encore débattus [4, 7]. Les principales données expérimentales et chez l’homme suggèrent
que l’hyperglycémie i) limiterait la recanalisation artérielle et la reperfusion cérébrale [4, 8] ;
ii) accélèrerait la transformation de la zone de pénombre vers l’infarctus cérébral en favorisant
l’accumulation de lactates au sein du tissu cérébral ischémié [9] ; et iii) favoriserait la survenue
de lésions de reperfusion cérébrale [10].

L’insulinothérapie intensive à la phase aiguë est-elle utile ?


L’association entre hyperglycémie et mauvais pronostic neurologique a conduit à des essais
thérapeutiques randomisés, comparant une insulinothérapie intensive à la phase aiguë, à une
prise en charge plus permissive de celle-ci. Les caractéristiques et les résultats des principaux
essais sont résumés dans le tableau I [11-16]. Le traitement intensif consistait, dans tous ces
essais, en une insulinothérapie par voie intraveineuse avec le plus souvent un objectif glycémique
< 7 mmol/L (soit 1,26 g/L), tandis que la prise en charge dans le groupe contrôle variait selon
les études (principalement insulinothérapie sous-cutanée administrée à des intervalles temporels
variables et avec des objectifs glycémiques variables ; parfois aucun traitement ; cf. Tableau I).

Aucun des essais réalisés n’a montré de bénéfice clinique de l’insulinothérapie intensive, que ce
soit en terme de handicap neurologique à 3 mois ou de décès, ce que confirme une méta-analyse
récente [17]. Toutes ces études ne comportaient qu’un faible effectif, à l’exception de GIST-UK
(N = 933) mais qui incluait une population très hétérogène (mélange d’infarctus et d’hémorragies
cérébrales notamment), et il reste ainsi envisageable qu’un faible bénéfice de l’insulinothérapie
intensive existe, nécessitant d’être étudié sur une très large population. La plupart des essais
sont critiquables car les patients étaient inclus jusqu’à 24 h après l’apparition des symptômes.
Ainsi, l’effet potentiel du traitement de l’hyperglycémie sur la protection de la zone de pénombre
– et donc le bénéfice clinique – aurait pu être manqué dans ces études car la pénombre ne survit
que quelques heures chez une majorité de patients. L’étude INSULINFARCT menée à la Pitié-
Salpêtrière arrive néanmoins aux mêmes conclusions, malgré une inclusion des patients dans les
6 h suivant l’installation des symptômes [15].

Concernant l’extension de l’infarctus cérébral entre l’admission et 24 h, l’étude INSULINFARCT


a montré une croissance plus importante dans le groupe traité par insulinothérapie intensive
[15]. Cet effet délétère du traitement intensif a également été constaté dans le sous-groupe de
patients avec occlusion artérielle persistante de l’essai SELESTIAL [14].

120 /
Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques

TABLEAU I ▼
Principaux essais randomisés étudiant l’effet de l’insulinothérapie intensive à la
phase aiguë de l’accident vasculaire cérébral.
Nombre de sujets
Étude Intervention Résultats principaux
et critères d’inclusion

Insuline IV pendant 24 h
N = 933
(objectif glycémie Pas de différence
IC (70 %)/HC (14 %)
Gray 2007 [12] 4-7mmol/L) pour mortalité
< 24 h
GIST-UK Vs NaCl (insuline possible ou handicap
Glycémie
si glycémie à 3 mois
6,0-17,0 mmol/L
> 17 mmol/L)

Insuline IV (objectif
glycémie < 7,2 mmol/L)
Pas de différence
N = 46 pendant 72 h
Bruno 2008 [11] pour mortalité
IC < 12 h vs insuline SC toutes les
THIS ou handicap
Glycémie 6 8,3 mmol/L 2 h selon protocole
à 3 mois
gradué (objectif
< 11,1 mmol/L)

Insuline IV (objectif
glycémie 3,8-6 mmol/L)
pendant 72 h
vs insuline IV (objectif Pas de différence
N = 74
Johnston 2009 [13] glycémie 3,8-11 mmol/L) pour mortalité
IC < 24 h
GRASP pendant 72 h ou handicap
Glycémie > 6 mmol/L
vs pas d’insuline IV à 3 mois
(objectif glycémie
3,8-16,5 mmol/L)
pendant 72 h

Pas de différence
pour mortalité
Insuline IV (objectif ou handicap
N = 40
McCormick 2010 [14] glycémie < 7 mmol/L) à 3 mois
IC < 24 h
SELESTIAL pendant 24 h-72 h
Glycémie > 7 mmol/L
vs NaCl Pas de différence
pour la croissance
de l’infarctus*

Insuline IV (objectif
glycémie 4,5-7 mmol/L)
N = 50 pendant 24 h Pas de différence
IC < 12 h vs insuline SC/4 h selon pour mortalité
Staszewski 2011 [16]
Glycémie 6 7 mmol/L protocole gradué ou handicap
et < 10 mmol/L (objectif glycémie à 1 mois
< 10 mmol/L) pendant
24 h

Pas de différence
pour mortalité
Insuline IV (objectif
ou handicap
glycémie 5,5-7 mmol/L)
N = 180 à 3 mois
Rosso 2012 [15] pendant 24 h
IC < 6 h, quelle que soit
INSULINFARCT vs insuline SC/4 h selon
la glycémie initiale Croissance
protocole gradué
de l’infarctus
(objectif < 7 mmol/L)
plus importante
dans le groupe insuline IV
* Une sous-analyse du groupe de patients avec occlusion artérielle persistante montrait une croissance plus importante de
l’infarctus dans le groupe traité par insulinothérapie intensive.
N : nombre de patients inclus ; IV : intraveineuse ; SC : sous-cutanée ; IC : infarctus cérébral ; HC : hémorragie cérébrale.

/ 121
Partie 2 – Phase aiguë

Enfin, toutes les études montrent un risque majoré d’épisodes d’hypoglycémies, y compris symp-
tomatiques, chez les patients traités par insulinothérapie intensive, malgré une surveillance très
rapprochée dans le cadre d’essais thérapeutiques [17].

Recommandations de prise en charge


Compte tenu de l’ensemble de ces données, l’European Stroke Organisation recommande de ne
pas utiliser l’insulinothérapie intensive intraveineuse à la phase aiguë de l’ischémie cérébrale [17].
Le niveau de preuve est néanmoins considéré comme faible, compte tenu du faible nombre de
données disponibles, et des limites méthodologiques de la plupart des essais. Les recommanda-
tions américaines de 2018 proposent de traiter l’hyperglycémie avec un objectif entre 1,40 et
1,80g/l (soit entre 7,7 et 10,0 mmol/L), et de monitorer très régulièrement la glycémie afin de
prévenir les hypoglycémies [18]. Il est recommandé de traiter tout épisode d’hypoglycémie (défini
commue une glycémie < 0,6 g/L, soit 3,3 mmol/L) [18]. Par ailleurs, l’hypoglycémie et l’hyper-
glycémie très sévère pouvant être à l’origine de symptômes neurologiques évocateurs d’AVC, il
est recommandé de les rechercher en urgence devant toute suspicion d’AVC [18].

Hémorragie cérébrale
Plusieurs études prospectives observationnelles ou des analyses post-hoc d’essais thérapeutiques
sur la prise en charge de l’hypertension ont montré une association entre l’hyperglycémie à la
phase aiguë de l’HC et un mauvais pronostic fonctionnel ou un décès [17, 19].

Un seul essai randomisé apporte des données sur l’intérêt d’une insulinothérapie intraveineuse
à la phase aiguë de l’hémorragie, sur un très faible effectif (18 patients avec hématomes intra-
parenchymateux et 7 avec hémorragie sous-arachnoïdienne), chez des patients admis en réani-
mation [20]. Aucune différence n’était constatée sur le pronostic neurologique à 3 mois ou le
décès.

En conséquence, les recommandations européennes vont contre l’utilisation d’une insulino-


thérapie intensive à la phase aiguë de l’HC, avec un niveau de preuve jugé très faible [17].

Ischémie cérébrale
Épidémiologie et physiopathologie
La réponse aiguë hypertensive (définie par une pression artérielle systolique (PAS) > 140 mmHg
et une pression artérielle diastolique (PAD) > 90 mmHg) est très fréquente à la phase aiguë de
l’IC, constatée chez près de 70 % admis aux urgences pour IC [21]. Cette réponse hypertensive
a tendance à diminuer spontanément (sans intervention pharmacologique) durant les jours sui-
vants l’IC, une diminution de 20 mmHg pour la PAS et de 10 mmHg pour la PAD étant décrite
pour les AVC à 10 jours du l’ictus [22]. Cette diminution est d’autant plus importante que le
traitement permet la recanalisation artérielle [23], faisant évoquer le caractère physiologique de
la réponse aiguë hypertensive face à l’occlusion artérielle.

122 /
Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques

La physiopathologie de la réponse hypertensive à la phase aiguë de l’IC est complexe. Au-delà


d’une réponse physiologique probable visant à assurer une pression de perfusion aussi bonne
que possible en aval d’une occlusion artérielle et de la réponse sympathique au stress, d’autres
facteurs interviennent comme la déshydratation, la douleur, de même que le processus lésionnel
sur les voies du système nerveux autonome et la localisation précise de l’IC [24].

Pronostic
De nombreuses études ont pu montrer une association en U entre la pression artérielle (PA) à
l’admission et le mauvais pronostic fonctionnel des patients à 3 mois ou la mortalité, à savoir
un moins bon pronostic fonctionnel pour des PA basses et élevées [24, 25]. Le seuil optimal de
PAS à l’admission associé à un bon pronostic fonctionnel est aux alentours de 140-160 mmHg
dans la plupart de ces études. Cependant, ces travaux sont limités par l’inclusion de populations
assez hétérogènes : statut d’occlusion artérielle inconnu (à l’admission et post-traitement de
reperfusion si réalisé), étiologies d’IC variables, mélange dans certaines études d’IC et d’hémor-
ragies cérébrales, et il est ainsi possible que les relations décrites soit différentes dans certaines
situations. En cas d’IC traité par thrombolyse intraveineuse, l’HTA à la phase aiguë est également
associée à une augmentation du risque de transformation hémorragique symptomatique [25].

Peu de données sont actuellement disponibles chez les patients traités par traitement endo-
vasculaire, recommandé depuis 2015 en cas d’occlusion artérielle proximale. Les données sur la
PA à l’admission vont dans le même sens que les études précédemment décrites, avec une
relation en U entre la PA et le handicap à 3 mois ou la mortalité [26, 27]. Le seuil optimal de
PAS à l’admission associé à un bon pronostic est cependant variable selon les études. Dans les
24 h post-thrombectomie, chez les patients pour lesquels une reperfusion cérébrale a été
obtenue, l’HTA est associée de manière indépendante à un mauvais pronostic fonctionnel, et
une PA < 160/90 mmHg est associée à une meilleure évolution clinique [28].

Il est important de rappeler que les associations décrites ci-dessus ne reflètent pas nécessaire-
ment le rôle causal de la PA sur le pronostic neurologique. En effet, il est possible que l’HTA
sévère (ou l’hypotension) soit le reflet de la sévérité de l’IC ou des comorbidités du patient.

Un traitement hypotenseur à la phase aiguë est-il utile ?


Une dizaine d’essais randomisés ont évalué l’intérêt de la diminution de la PA à la phase aiguë
de l’AVC avec différentes molécules (candesartan, telmisartan, trinitrate de glycéril en patch
transdermique, labetalol ou lisinopril, nimodipine, association de plusieurs molécules), ou l’intérêt
du maintien du traitement antihypertenseur. Cependant aucun d’entre eux n’a montré un béné-
fice sur le pronostic neurologique [29]. Une méta-analyse récente confirme l’effet neutre du
traitement antihypertenseur introduit à la phase aiguë sur le risque de décès ou de dépendance
à 3 mois (risque relatif = 1,04, IC95 % : 0,96–1,13 ; p = 0,35), ainsi que sur le risque de récidive
d’IC ou d’événement vasculaire à 3-6 mois [29]. Le risque d’effets indésirables n’était cependant
pas majoré par le traitement antihypertenseur [29]. Il est important de préciser que ces essais
ont inclus les patients tardivement après l’installation des symptômes (jusqu’à 72 h ; en moyenne
plus de 15 h après l’installation des symptômes), et il est donc impossible d’en tirer des conclu-
sions sur la prise en charge de la PA à la phase hyperaiguë (< 6-8 h). Par ailleurs, la plupart de
ces essais sont limités par l’inclusion d’IC et d’HC, ou encore l’absence d’information sur le statut
artériel.

Une analyse post-hoc de l’essai randomisé ENOS testant le bénéfice de l’introduction d’un trai-
tement hypotenseur par donneur de monoxyde d’azote (trinitrate de glycéryl par voie trans-
dermique) s’est intéressée au sous-groupe de patients inclus dans les 6 h suivant l’installation

/ 123
Partie 2 – Phase aiguë

des symptômes (77 % d’IC et 22 % d’hémorragies cérébrales) et suggère un bénéfice du traite-


ment sur le pronostic fonctionnel [30]. Un essai randomisé est actuellement en cours visant à
confirmer ce résultat.

En cas de traitement de reperfusion, aucune étude n’a testé l’intérêt d’un traitement anti-
hypertenseur à la phase aiguë. Un large essai randomisé international est actuellement en cours,
étudiant l’effet d’une réduction de la PA par un traitement intraveineux chez les patients traités
par thrombolyse intraveineuse (objectif de PAS 130-140 mmHg dans l’heure suivant la rando-
misation vs < 180 mmHg dans le groupe contrôle) sur le pronostic fonctionnel à 3 mois et la
transformation hémorragique à 24 h (Enhanced Control of Hypertension and Thrombolysis Stroke
Study, ENCHANTED, NCT01422616). Chez les patients traités par thrombectomie mécanique,
l’essai français BP-TARGET (Blood Pressure Target in Acute Stroke to Reduce hemorrhaGe After
Endovascular Therapy, NCT 03160677) teste actuellement l’effet d’un traitement antihyperten-
seur intraveineux débuté une fois la reperfusion cérébrale obtenue (objectif de PAS < 130 mmHg
vs < 185 mmHg dans le groupe contrôle), sur le risque de transformation hémorragique cérébrale
à 24 h.

L’induction d’une hypertension à la phase aiguë est-elle utile ?


Quelques études ont évalué l’intérêt de l’induction d’une HTA à la phase aiguë de l’IC, mais
comprennent de très petits effectifs et d’importants biais méthodologiques limitant fortement
leur interprétation. Dans l’étude pilote de Rordorf et al., la phényléphrine a été utilisée chez des
patients hors délais de thrombolyse présentant des IC dans le territoire sylvien, avec comme
objectif une PAS entre 160 mmHg et 200 mmHg ou une augmentation 20 % par rapport à la
PAS initiale [31]. Parmi les 13 patients inclus, 7 ont vu leur NIHSS s’améliorer de 2 points. Aucune
complication neurologique ou systémique n’était rapportée. Une deuxième étude pilote a ran-
domisé la phényléphrine chez des patients présentant un IC avec un important mismatch diffu-
sion-perfusion (9 patients groupe traitement et 6 groupe placebo) [32]. Les patients sous phé-
nyléphrine présentaient une amélioration neurologique sur le NIHSS à 3 jours et à 6-8 semaines,
ainsi qu’une amélioration des scores cognitifs, en comparaison au groupe non traité [32]. Un
essai de plus grande envergure est actuellement en cours en Asie.

Recommandations de prise en charge


Les recommandations américaines parues en 2018 n’ont que très peu été modifiées en l’absence
de données récentes sur la prise en charge de la PA à la phase aiguë [18]. Elles sont résumées
sur la Figure 1.

Les patients éligibles à une thrombolyse intraveineuse et présentant une PA élevée doivent
bénéficier d’un traitement antihypertenseur prudent afin d’atteindre l’objectif d’une PAS
< 185 mmHg et PAD < 110 mmHg (classe I). Il est recommandé de ne pas administrer de throm-
bolyse intraveineuse si la PA reste au dessus de ces objectifs malgré un traitement anti-
hypertenseur. Une PA < 180/105 mmHg doit être maintenue pendant 24 h après la thrombolyse.
Les options pharmacologiques proposées sont le labétalol IV, la nicardipine IV, la clévidipine IV,
et d’autres agents potentiels tels que l’hydralazine ou l’enalaprilat (classe IIb). Une surveillance
rapprochée de la PA est recommandée les 24 premières heures : toutes les 15 minutes les 2
premières heures, puis toutes les 30 minutes les 6 heures suivantes et toutes les heures pour les
16 heures restantes.

La PA recommandée pour les patients allant recevoir un traitement endovasculaire mais ne


recevant pas de thrombolyse intraveineuse est également inférieure à 185/110 mmHg avant
ponction fémorale (classe IIa). À noter que cette recommandation repose uniquement sur les

124 /
Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques

FIGURE 1 Objectifs de pression artérielle recommandés à la phase aiguë de l’AVC.

critères d’inclusion des principaux essais thérapeutiques ayant démontrés la supériorité de l’asso-
ciation de la thrombectomie mécanique après la thrombolyse intraveineuse vs thrombolyse intra-
veineuse seule. Très peu d’études se sont intéressées à la PA pendant et après thrombectomie
mécanique. Les recommandations proposent donc une PA inférieure à 180/105 mmHg pendant le
geste endovasculaire et les 24 premières heures suivant le geste (classe IIa), surtout en cas de
recanalisation artérielle (classe IIb). Des recommandations européennes (European Recommenda-
tions on Organisation of Interventional Care in Acute Stroke – EROICAS –), proposent de maintenir
la PA pendant la thrombectomie mécanique inférieure à 180/110 mmHg et d’éviter toute chute
brutale de PA pendant le geste endovasculaire [33]. Ces dernières recommandations sont basées
sur 2 études observationnelles ayant respectivement montré qu’une chute de plus de 10 % et
40 % de la PA moyenne était un prédicteur indépendant de mauvais pronostic à 3 mois [34, 35].

Chez les patients ne recevant aucun traitement de reperfusion, présentant une PA < 220/120 mmHg
et ne présentant aucune condition associée urgente pouvant nécessité l’introduction d’un traite-
ment de la PA (syndrome coronarien aigu, dissection aortique, etc.), l’introduction ou la reprise
d’un traitement antihypertenseur dans les 48 à 72 premières heures suivant l’IC ne diminue pas
le handicap ou la mortalité et n’est donc pas recommandé (classe III). La mise en place d’un
traitement antihypertenseur durant les 48 à 72 premières heures pour les patients présentant une
PA 6 220/120 mmHg et ne recevant aucun traitement de reperfusion est incertaine et il est
considéré comme raisonnable de diminuer de 15 % la PA durant les 24 premières heures (classe IIb).

En cas d’hypotension artérielle ou d’hypovolémie, il est recommandé de les corriger afin de


maintenir une perfusion systémique globale correcte. Aucune donnée n’est actuellement dispo-
nible concernant le volume de fluide à administrer ni la durée ou l’objectif de PA minimale à
atteindre. Aucune modification des recommandations concernant l’utilisation de drogues vaso-
presseurs dont l’efficacité n’est pas établie (classe IIb).

Enfin, l’introduction ou la reprise du traitement antihypertenseur de prévention secondaire


concernant les patients neurologiquement stables et présentant une PA > 140/90 mmHg paraît
raisonnable et sûre avant la sortie du patient de l’hôpital afin d’améliorer le pronostic à long
terme (classe IIa).

/ 125
Partie 2 – Phase aiguë

Hémorragie cérébrale
L’hypertension artérielle est extrêmement fréquente à la phase aiguë de l’HC, et associée de
manière indépendante à un risque d’expansion de l’hémorragie et un mauvais pronostic neuro-
logique [36].

La prise en charge de l’HTA à la phase aiguë de l’HC n’est pas détaillée ici, un chapitre spécifique
de cet ouvrage présentant la prise en charge médicale des HC. Les recommandations européennes
[37] et américaines [38] préconisent une réduction intensive de la PA en cas d’HC de moins de
6 h, avec un objectif de pression artérielle systolique inférieure à 140 mmHg obtenu en 1 h.

L’hyperthermie : un facteur
de mauvais pronostic à la phase aiguë
L’hyperthermie à la phase aiguë de l’AVC est fréquente, une température supérieure à 37,5 oC
étant constatée chez près d’un quart des patients admis dans les 6 h suivant l’ictus et chez un
tiers des patients dans les 24 premières heures suivant l’installation des symptômes [39, 40].
Cette hyperthermie peut être la conséquence directe des lésions cérébrales ou être secondaire
à une infection associée. Des données expérimentales chez l’animal suggèrent que l’élévation de
la température a des effets délétères sur la pénombre ischémique et majore les lésions isché-
miques via une augmentation des besoins métaboliques, un relargage de neurotransmetteurs, la
production de radicaux libres et une rupture de la barrière hémato-encéphalique [41]. Chez
l’homme, l’hyperthermie à l’admission [39] ou l’élévation de la température dans les 24 h [42]
suivant l’admission est associée de manière indépendante à un mauvais pronostic fonctionnel,
que ce soit après une HC ou un IC. Ici encore, cette association ne témoigne pas nécessairement
du rôle causal de l’hyperthermie sur le pronostic fonctionnel.

La prévention de l’hyperthermie
à la phase aiguë est-elle utile ?
Compte tenu des éléments présentés ci-dessus, plusieurs essais thérapeutiques ont testé l’intérêt
d’un traitement préventif de l’hyperthermie par paracétamol à la phase aiguë de l’AVC. L’étude
PAIS (Paracetamol [Acetaminophen] In Stroke) a randomisé 1 400 AVC dans les 12 h suivant la
survenue des symptômes (88 % d’IC et 12 % d’hémorragies) présentant une température à
l’admission entre 36,0 et 39,0 oC, pour recevoir du paracétamol 1 g 6 fois par jour pendant 3 jours
ou du placebo [43]. Il n’existait aucune différence sur le pronostic fonctionnel à 3 mois entre les
deux groupes. Les analyses de sous-groupe montraient des résultats similaires selon le type
d’AVC (IC ou HC) ou le délai d’inclusion (< 6 h ou 6-12 h), mais suggéraient un bénéfice du
paracétamol chez les patients présentant une température à l’admission entre 37,0 et 39,0 oC
[43]. Ce dernier résultat a conduit les auteurs à la réalisation d’une seconde étude (PAIS-2),
n’incluant cette fois que les patients avec une température supérieure à 36,5 oC à l’admission
(critères d’inclusion et intervention par ailleurs similaires à PAIS) [44]. L’étude a été arrêtée
précocement faute de financement disponible (250 patients/1 500 prévus), et ne montre aucune
différence entre les 2 bras de traitement. Les méta-analyses sur les essais ayant étudiés l’intérêt

126 /
Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques

du paracétamol à la phase aiguë de l’AVC montrent toutes un effet neutre du traitement, y


compris chez les patients avec hyperthermie à l’admission [44, 45].

L’hypothermie thérapeutique
améliore-t-elle le pronostic ?
Plusieurs essais thérapeutiques ont étudié l’intérêt de l’induction d’une hypothermie à la phase
aiguë de l’IC, compte tenu de résultats très encourageant des études chez l’animal que ce soit
en cas d’HC ou d’IC. Globalement, tous ces essais vont dans le même sens en ne montrant pas
de bénéfice clinique, mais un surrisque d’événements indésirables, et notamment de pneumo-
pathies d’inhalations [45, 46]. Cependant, ces essais comportaient des effectifs faibles (entre 20
et 120 patients), et de plus larges études sont attendues. Aucune étude n’a étudié le bénéfice
de l’hypothermie à la phase aiguë de l’hémorragie cérébrale, un essai est actuellement en cours
(Safety and Feasibility Study of Targeted Temperature Management After ICH [TTM-ICH],
NCT01607151).

Recommandations de prise en charge


L’European Stroke Organization recommande de ne pas utiliser d’antipyrétiques en prévention
de l’hyperthermie à la phase aiguë de l’IC, et ne se prononce pas quant à leur utilisation en cas
d’hyperthermie [45]. Les recommandations américaines stipulent d’introduire un traitement anti-
pyrétique à la phase aiguë de l’IC en cas de température supérieure à 38 oC, et de chercher
l’origine de cette hyperthermie (recommandation de classe I, basée sur un consensus d’experts
et non sur des preuves scientifiques) [18].

Compte-tenu des données sur l’hypothermie thérapeutiques présentées plus haut, les recom-
mandations européennes et américaines stipulent de ne pas la réaliser à la phase aiguë de l’AVC
[18, 45]. Celle-ci doit être proposée uniquement dans le cadre d’essais thérapeutiques [18].

L’hypoxie : un facteur de mauvais pronostic


L’hypoxie est fréquente à la phase aiguë de l’AVC, près de 50 % des patients présentant des
épisodes de désaturation < 90 % pendant plus de 5 minutes, essentiellement nocturnes [47, 48].
La survenue d’épisodes d’hypoxie est associée à un mauvis pronostic neurologique [47]. L’hypo-
thèse physiopathologique principale pour expliquer cette association est l’effet délétère de
l’hypoxie sur la zone de pénombre, et donc sur la survie de celle-ci. Ainsi, une oxygénothérapie
pourrait, en améliorant l’oxygénation de la zone de pénombre, prolonger la survie de celle-ci en
attendant la survenue de la reperfusion cérébrale [49].

/ 127
Partie 2 – Phase aiguë

L’oxygénothérapie à la phase aiguë


de l’AVC est-elle utile ?
Plusieurs essais ont étudié l’intérêt d’une oxygénothérapie préventive administrée à la phase
aiguë de l’AVC sur le pronostic neurologique. Ces essais incluaient presque exclusivement des
IC, et il n’existe pas de données fiables chez les patients avec HC. Certains ont testé l’oxygéno-
thérapie normobare à faible débit (2-3 L par minutes), administrée chez des patients victimes
d’AVC à la phase aiguë (< 24 h), pendant 72 h, mais n’ont pas montré de bénéfice sur le pronostic
neurologique, y compris une étude de phase III incluant 8 000 patients [50, 51]. Compte-tenu
de données précliniques et observationnelles chez l’homme encourageantes, d’autres essais ont
testé (sur de très petits effectifs) l’oxygénothérapie normobare à très haut débit (30-45 L/min),
sans montrer de bénéfice clinique [49]. Cependant, cette piste thérapeutique reste actuellement
à l’étude dans une population très sélectionnée : l’essai PROOF (Penumbral Rescue by Normobaric
O = O Administration in Patients With Acute Ischaemic Stroke and Target Mismatch ProFile ;
EudraCT 2017-001355-31) teste actuellement l’oxygénation normobare à haut débit sur une
large population de patients présentant un IC avec occlusion proximale < 3 h et une large zone
de pénombre sur l’imagerie de perfusion, administrée jusqu’à ce que la reperfusion par throm-
bectomie soit obtenue. Aucun essai thérapeutique n’a étudié l’effet de l’oxygénothérapie hyper-
bare, celle-ci était excessivement complexe à mettre en œuvre à la phase aiguë de l’AVC (accès
difficile à un caisson hyperbare).

Recommandations de prise en charge


Les recommandations américaines de 2018 stipulent d’administrer une oxygénothérapie à la
phase aiguë de l’IC pour obtenir une SaO2 > 94 % (classe I, faible niveau de preuve) [18]. En
revanche, il n’est pas recommandé d’administrer une oxygénothérapie chez le patient non
hypoxique [18]. L’oxygénation hyperbare n’est pas recommandée, à l’exception des rares cas
d’infarctus cérébraux liés à une embolie gazeuse.

L’hypertension artérielle, l’hyperglycémie, l’hyperthermie et l’hypoxie sont fréquemment


constatés à la phase aiguë de l’AVC, et sont tous des facteurs de mauvais pronostic. Les nombreux
essais réalisés à ce jour n’apportent cependant pas d’arguments en faveur d’un traitement intensif
de l’hypertension et de l’hyperglycémie, ou d’un traitement préventif par antipyrétique ou oxy-
génothérapie. Cependant, de nouveaux essais sont en cours sur des populations mieux sélec-
tionnées que celles auparavant, et apporteront peut-être de nouveaux éléments de prise en
charge permettant d’améliorer le pronostic de nos patients.

128 /
Pression artérielle, glycémie et constantes biologiques

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130 /
11

Les patients qui développent un infarctus étendu du territoire de l’artère cérébrale moyenne (ACM)
ont généralement une présentation clinique initiale sévère avec hémiplégie massive, déviation de
la tête et des yeux, et négligence visuospatiale ou aphasie globale selon le côté atteint [1-3]. Le
terme d’infarctus malin a été introduit en 1996 par Hacke et al. [4] pour décrire l’évolution ultime
chez la plupart des patients qui ont un infarctus étendu du territoire de l’ACM, avec un tableau
clinique sévère évoluant secondairement vers une hernie temporale en 2 à 5 jours. Toutefois, il n’y
a pas de définition claire de l’infarctus malin avant que la hernie survienne. Non traités, les patients
développent une altération de la vigilance dans les 24 à 72 premières heures, et nécessitent pré-
cocement le recours à une ventilation mécanique en raison d’un trouble de la commande respi-
ratoire [4]. Le traitement de l’infarctus malin a fait débat pendant longtemps, en raison de l’absence
de preuve d’un bénéfice clinique des approches pharmacologiques visant à diminuer la formation
de l’œdème, et aussi de considérations éthiques concernant les traitements invasifs [2, 5-7]. Trois
essais randomisés européens [1, 7, 8] et leur méta-analyse [9] ont mis en évidence une réduction
majeure de la mortalité chez les patients traités par chirurgie décompressive (hémicrâniectomie),
au prix parfois de séquelles importantes chez certains survivants, et ont entraîné une modification
majeure dans la prise en charge des infarctus étendus de l’ACM.

Comme dans tout infarctus cérébral, la cascade ischémique comprend une phase d’excitotoxicité,
suivie d’une dépolarisation péri-ischémique, d’un phénomène inflammatoire favorisant l’apop-
tose et la formation d’un œdème extracellulaire [10]. En raison du volume important de l’infarctus
et de l’œdème, la zone infarcie se comporte comme un processus occupant de l’espace et refoule
rapidement les structures de voisinage. La compression secondaire des artères cérébrales anté-
rieures et postérieures sur les structures intracrâniennes fixes (faux du cerveau, tente du cervelet)
contribue à l’extension de l’ischémie au-delà du territoire de l’ACM. La compression des veines
corticales auto-entretient l’œdème. Finalement, le décès survient par compression du tronc céré-
bral sur la tente du cervelet en général entre le 2e et le 5e jour, dans plus de 70 % des cas [9].

/ 131
Partie 1 – Phase aiguë

En comparaison aux autres patients ayant un infarctus cérébral, les patients qui développent un
infarctus malin du territoire de l’ACM ont plus rarement déjà eu un premier épisode ischémique
et sont plus fréquemment des femmes [2]. Ils sont également plus jeunes et ont plus souvent
un infarctus qui englobe le territoire de l’artère choroïdienne antérieure [11]. La survenue d’un
infarctus malin est plus fréquente chez les patients qui présentent des variantes anatomiques
telles qu’une hypoplasie ou une atrésie d’une partie du polygone de Willis, ou en l’absence de
collatérales leptomeningées [11, 12]. C’est néanmoins le volume d’infarctus qui est le meilleur
prédicteur de l’évolution maligne, la plupart des patients ayant un infarctus touchant à la fois
les territoires superficiels et profonds de l’ACM et mesurant plus de 145 cm3.

Les infarctus du territoire de l’ACM suffisamment graves pour évoluer vers la malignité sont
responsables d’un déficit neurologique sévère dès l’admission, avec un score au National Institute
of Health Stroke Scale (NIHSS) supérieur à 15 [13]. Dans un délai de 24 à 48 h, pouvant excep-
tionnellement s’étendre jusqu’au 5e jour après le début des signes, s’installe une détérioration
rapide de la vigilance en rapport avec l’œdème cérébral [13]. Des phénomènes d’autorégulation
permettent pendant longtemps le maintien d’une pression intracrânienne normale, mais la
décompensation est ensuite rapide, voire brutale. Cela explique que la prise de pression intra-
crânienne comme outil de dépistage de l’infarctus malin soit inutile [4], car son élévation est
trop tardive et brutale. Par ailleurs, contrairement à une croyance très répandue, la survenue
d’un œdème extensif peut être responsable d’un effet de masse majeur, sans pour autant
s’accompagner d’une augmentation importante de pression intracrânienne [4]. La destruction
secondaire de structures cérébrales initialement épargnées par l’infarctus définit l’infarctus malin
(Figure 1). Le pronostic est mauvais avec plus de 70 % de mortalité en dehors de tout traitement
[9, 14]. C’est l’imagerie cérébrale qui est le meilleur prédicteur d’évolution vers un infarctus
malin. Un volume d’anomalie de diffusion > 145 cm dans les 24 à 48 premières heures (Figure 2)
est associé à un risque élevé d’évolution maligne [15, 16]. L’absence ou la rareté des collatérales
est également associée à un risque plus élevé d’infarctus malin [15]. Lorsque l’exploration par
IRM n’est pas possible, le scanner cérébral permet aussi de prédire l’évolution maligne : les
scanners répétés montrent un infarctus d’au moins les deux tiers du territoire de l’ACM concer-
nant à la fois les territoires superficiels et profonds.

Ainsi, de nos jours, la présentation classique est-elle celle d’un sujet jeune, qui présente un
tableau clinique initial sévère avec un score NIHSS > 15, dont l’infarctus cérébral est étendu, et
en rapport avec une occlusion de la terminaison de la carotide interne ou du territoire proximal
de M1. Ce patient peut soit avoir reçu, sans succès, tout l’arsenal thérapeutique disponible en
phase aiguë (thrombolyse, thrombectomie), soit avoir été admis hors délai pour toute mesure
de recanalisation.

132 /
Infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne

FIGURE 1 Infarctus cérébral malin survenu au 3e jour après l’installation des signes chez un patient
jeune ayant une occlusion en T de la terminaison de l’artère carotide interne sur dissection, n’ayant
eu ni thrombolyse intraveineuse ni thrombectomie mécanique (dossier de 1996).

FIGURE 2 Séquences de diffusion en IRM montrant des signes d’ischémie étendus du territoire
superficiel et profond de l’artère cérébrale moyenne, et dans une moindre mesure de l’artère
cérébrale antérieure. Volume d’anomalies de diffusion mesuré à 188 cm3 16 h après l’installation
des signes, malgré thrombolyse intraveineuse et thrombectomie mécanique.

Études animales
Plusieurs études menées chez l’animal ont montré que la crâniectomie décompressive précoce
est corrélée avec une meilleure reperfusion et une taille finale d’infarctus réduite [17], mais ce

/ 133
Partie 1 – Phase aiguë

bénéfice n’existe pas lorsque la crâniectomie est tardive après l’occlusion artérielle [18]. Une
hypothermie modérée en plus de la crâniectomie apporte un bénéfice supplémentaire chez le
rat [19]. Le bénéfice observé pourrait être en rapport avec 4 mécanismes : (i) un effet neuro-
protecteur global ; (ii) une amélioration du retour veineux, compromis lors d’une hypertension
intracrânienne et aggravant l’œdème ; (iii) une amélioration de la microcirculation artérielle,
artériolaire et veineuse ; et surtout (iv) un effet préventif sur la compression secondaire de
structures saines comme l’hémisphère controlatéral, et les artères cérébrales antérieures et pos-
térieures ipsilatérales.

Techniques chirurgicales chez l’homme


L’objectif de l’hémicrâniectomie est de permettre au tissu cérébral œdématié de s’étendre en
dehors du crâne, sans refouler la ligne médiane et le ventricule latéral [20]. La normalisation de
la pression intracrânienne permet alors d’améliorer le débit sanguin cérébral et la pression de
perfusion, aboutissant à une meilleure oxygénation du tissu cérébral [7, 21].

La chirurgie décompressive consiste en une hémicrâniectomie large associée à une plastie


durale [22]. Après une large incision en « point d’interrogation » du cuir chevelu, un volet osseux
d’un diamètre d’au moins de 12 cm est effectué, incluant en partie l’os frontal, pariétal, temporal
et occipital. Le volet doit être de taille suffisante pour prévenir la survenue de lésions ischémiques
additionnelles (Figure 3). Un volet de taille insuffisante peut favoriser des thromboses veineuses
sur la marge du volet, aggravant l’œdème [23]. Après ouverture de la dure-mère, une plastie
durale d’élargissement est mise en place. Il ne faut pas pratiquer de résection de tissu céré-
bral [20]. Le volet ainsi retiré peut-être placé dans sous la peau de l’abdomen, dans une banque
des os, ou éventuellement sous la peau de l’autre côté du crâne. La remise en place du volet,
ou éventuellement une crânioplastie, sera effectuée dans un délai de 6 semaines à 6 mois après
l’intervention. Une complication possible de l’hémicrâniectomie, avant la repose du volet ou la
crânioplastie, est le « sinking skin flap syndrome » parfois appelé « syndrome de la tréphine »
caractérisée au plan clinique par une somnolence et parfois une aggravation des signes focaux
en position assise, et en imagerie par une « hernie cérébrale inverse » [24]. Les symptômes
disparaissent généralement très vite à la repose du volet. D’autres complications sont rares :
hématome sous-dural, infection et nécrose cutanée ou musculaire.

FIGURE 3 Scanner postopératoire après hémicrâniectomie large.

134 /
Infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne

L’hémicrâniectomie peut être faite après une thrombolyse intraveineuse sans excès de compli-
cations [25]. En revanche, sans représenter pour autant une contre-indication, un traitement
antiplaquettaire en cours est associé à un excès de risque hémorragique [26].

Études observationnelles
Les études observationnelles sont pour la plupart rétrospectives. Elles ont toutefois eu le mérite
de montrer que l’hémicrâniectomie décompressive est réalisable en pratique courante, et
s’accompagne d’une diminution nette de la mortalité, avec un pronostic fonctionnel acceptable
chez la plupart des survivants [27-29]. Les résultats de la plupart de ces études ont été comparés
à des témoins mal appariés, souvent plus âgés, avec plus de comorbidités, ou à des témoins
historiques pris en charge plusieurs mois ou années auparavant.

Les études observationnelles ont identifié plusieurs facteurs prédictifs de mortalité et de mauvais
pronostic fonctionnel : l’âge est le prédicteur de mauvais pronostic le plus important, suivi par
l’altération de la vigilance, l’atteinte d’autres territoires que celui de l’ACM, une anisocorie, une
détérioration neurologique rapide, une occlusion de la carotide interne, ou une pathologie coro-
naire associée [30-33]. Peu d’études ont évalué le devenir fonctionnel à long terme des patients
traités par hémicrâniectomie. Elles suggèrent toutefois une qualité de vie acceptable et un accord
rétrospectif pour le geste à la fois chez les patients et leur entourage [1]. En revanche, la dépres-
sion est fréquente chez les survivants [28]. Cette constatation, dans l’étude HAMLET, était tou-
tefois aussi fréquente chez les patients non opérés [1].

Essais cliniques randomisés


À la suite des résultats prometteurs d’études animales et de petites séries observationnelles non
randomisées, cinq essais contrôlés randomisés ont été menés depuis 2000. Parmi eux, les trois
essais européens dont les résultats ont été publiés d’emblée sous forme de méta-analyse [9] ont
montré une réduction importante de la mortalité chez les patients opérés, sans augmentation
des patients ayant un Rankin à 5, mais une augmentation significative des patients ayant un
Rankin à 4. Néanmoins, il suffit d’opérer 2 patients pour avoir un survivant avec un Rankin ^ 4
supplémentaire (critère de jugement principal) et 4 pour avoir un survivant avec un Rankin ^ 3
supplémentaire [9]. Les protocoles des essais randomisés sont résumés dans le Tableau I et leurs
résultats dans le Tableau II.

L’originalité des essais cliniques évaluant l’hémicrâniectomie décompressive pour infarctus malin
est que la première publication démontrant l’efficacité du traitement a d’emblée été celle de la
méta-analyse des patients inclus dans DESTINY, DECIMAL et HAMLET qui ont été randomisés
dans les 48 h. La réduction absolue de risque de décès à 1 an était de 49,9 % avec la chirurgie,
ce qui donne un survivant de plus pour 2 patients traités. La réduction absolue de risque de
décès ou Rankin 5 à 1 an était de 41,9 % avec la chirurgie, ce qui donne un survivant de plus
pour un peu plus de 2 patients traités. Il y avait aussi une tendance vers un bénéfice de la
chirurgie pour les Rankin 0 à 3, avec une réduction absolue de 16,3 % (de - 0,1 à + 33,1 %, soit
1 patient sur 6).

Les essais randomisés et leurs méta-analyses ont ainsi démontré un bénéfice important de l’hémi-
crâniectomie décompressive sur la survie et sur ce que l’on qualifie d’évolution catastrophique,
c’est-à-dire « mort ou Rankin 5 ». Ces résultats ont été une avancée majeure dans la prise en
charge des infarctus étendus du territoire de l’ACM. Toutefois, il convient d’avoir une analyse
plus nuancée concernant le bénéfice fonctionnel. En effet, un Rankin modifié à 4, considéré

/ 135
Partie 1 – Phase aiguë

comme un résultat favorable dans les essais, est néanmoins le témoin d’un handicap sévère et
d’une dépendance fonctionnelle majeure, avec une incapacité à marcher sans aide, et à gérer
seul les besoins personnels essentiels (se laver, aller aux toilettes, s’alimenter, etc.). Les études
sur la qualité de vie sont insuffisantes et difficilement interprétables.

TABLEAU I ▼ Protocole des essais randomisés comparant hémicrâniectomie vs traitement


conservateur.
Nombre
Critère
Dates de Délai de
Nom de l’essai Critères d’inclusion de jugement
recrutement d’inclusion patients
principal
inclus

18-75 ans
NIHSS > 17
NIHSS item 1a < 2
mRS 0-5 vs 6
HeADDFIRST [45] 2000-2003 > 1/2 du territoire de 0-96 h 24
(6 mois)
l’ACM < 5 h
ou tout le territoire
< 48 h

18-60 ans
NIHSS > 18 (hémisphère
mRS 0-3 vs 4-6
DESTINY [46] 2004-2005 non dominant) ou > 20 0-36 h 32
(12 mois)
(hémisphère dominant)
NIHSS item 1a > 0

18-55 ans
NIHSS > 15
mRS 0-3 vs 4-6
DECIMAL [8] 2000-2005 NIHSS item 1a > 0 0-43 h 38
(6 mois)
> 1/2 territoire ACM et
DWI > 145 mL

18-60 ans
NIHSS > 15 (hémisphère
non dominant) ou > 20
(hémisphère dominant) mRS 0-3 vs 4-6
HAMLET [1] 2002-2007 0-100 h 64
GCS < 14 (hémisphère (12 mois)
non dominant) ou < 10
(hémisphère dominant)
> 2/3 territoire de l’ACM

Méta-analyse [9]
Inclusion dans une des mRS 0-4 vs 5-6
DECIMAL/HAMLET/ 2007 0-48 h 93
3 études dans les 48 h (12 mois)
DESTINY

18-80 ans
Zhao et al. 2012 GCS < 10 mRS 0-4 vs 5-6
2008-2011 0-48 h 47
[47] > 2/3 territoire ACM (12 mois)
et œdème en formation

> 60 ans
NIHSS > 15 (hémisphère
mRS 0-4 vs 5-6
DESTINY II [48] 2009-2012 non dominant) ou > 20 0-48 h 112
(6 mois)
(hémisphère dominant)
> 2/3 territoire ACM

Les familles doivent être prévenues avant la chirurgie que l’amélioration majeure du pronostic
vital a pour prix une augmentation du risque de handicap. Elles doivent aussi être prévenues que
les récupérations de bonne qualité (Rankin modifié 0 à 2) sont rares, mais quand même 3 fois
plus fréquentes après chirurgie.

136 /
Infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne

TABLEAU II ▼Résultats des essais randomisés comparant hémicrâniectomie vs traitement


conservateur.
Bon résultat fonctionnel (%) Mortalité à 12 mois (%)

Traite-
Traitement RAR
Nom de l’essai Hémicrâniectomie ment RAR (%) Hémicrâniectomie
conservateur (%)
conservateur

HeADDFIRST [45] 79 60 19

DESTINY [46] 47 27 20 18 53 36

DECIMAL [8] 25 6 19 25 78 53

HAMLET [1] 25 25 ?0 22 60 38

Méta-analyse [9]
DECIMAL/ 75 24 51 22 71 50
HAMLET/DESTINY

Zhao et al. 2012


67 17 49 17 70 53
[47]

DESTINY II [48] 38 18 20 43 76 33

Études observationnelles post-essais randomisés


Les résultats des essais randomisés ont été confirmés par la suite dans des séries non randomisées
colligées dans des centres en phase d’apprentissage et ne sont donc pas des résultats excep-
tionnels obtenus uniquement dans des centres pionniers [34].

Ils n’ont pas beaucoup d’intérêt, d’une part parce qu’ils n’ont jamais été démontrés efficaces ou
n’ont pas été évalués dans des essais randomisés, et d’autre part, parce que de nos jours, la
stratégie de première intention est l’hémicrâniectomie dès que les critères de prédiction d’évo-
lution vers la malignité sont présents.

Approches pharmacologiques
De nombreuses approches pharmacologiques ont été proposées afin de limiter le développement
de l’œdème [6] : mannitol, glycérol, sérum salé hypertonique semblent diminuer un peu l’œdème
sans apporter de bénéfice clinique au patient dans des essais randomisés [6, 7]. Les autres appro-
ches telles que les barbituriques, l’hyperventilation, l’alcalinisation, l’indométacine, les stéroïdes,
et les diurétiques n’ont pas permis de montrer un bénéfice clinique des traitements testés, mais
au contraire un effet délétère, sans doute en raison de leur effet sur l’hémisphère sain [6, 35-37].

Hypothermie
L’association entre une fièvre et un mauvais pronostic au cours d’une ischémie cérébrale [38]
a permis de générer l’hypothèse selon laquelle une hypothermie modérée entre 33 et 35 oC
serait bénéfique [39]. L’hypothermie réduit le métabolisme cérébral et stabilise la barrière

/ 137
Partie 1 – Phase aiguë

hémato-encéphalique. Elle diminue la synthèse de radicaux libres et le relargage de neuro-


transmetteurs excitateurs, atténuant ainsi le risque d’œdème, d’inflammation postischémique
et d’apoptose [40]. Nous ne disposons toutefois pas pour le moment d’essais randomisés
démontrant un bénéfice chez l’homme, mais seulement d’études animales, dans lesquelles le
risque de complication n’est pas réellement pris en compte, et d’études de cas et de petites
séries chez l’homme [40, 41]. L’essai randomisé Eurohyp [42] pourrait apporter des éléments
de réponse, mais tous les patients inclus dans cet essai n’ont pas le profil de ceux qui vont
développer un infarctus malin.

Les recommandations les plus récentes sur la prise en charge des infarctus malins sont les
recommandations conjointes des Sociétés allemandes de neurologie intensive et de médecine
d’urgence, publiées en 2015 [43]. Elles sont résumées ci-dessous :
– Nous recommandons d’utiliser la survenue de signes précoces d’ischémie sur le scanner ou
l’IRM comme critère de prédiction d’infarctus malin (recommandation forte ; niveau d’évidence
faible). À noter que dans la recommandation à proprement parler, il n’est pas fait état d’un
volume seuil au-delà duquel la crâniectomie est indiquée, mais il est indiqué que le seuil de
145 cm3 est en général celui qui déclenche l’hémicrâniectomie.
– Nous recommandons l’hémicrâniectomie décompressive pour améliorer la survie dans les
infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne, indépendamment de l’âge du
patient (recommandation forte ; haut niveau d’évidence).
– Chez les patients de plus de 60 ans, nous recommandons de prendre en considération le
souhait de la famille et du patient, en prenant en compte le fait qu’à cet âge l’hémicrâniectomie
décompressive réduit la mortalité, mais au prix d’une probabilité élevée de handicap sévère
(recommandation forte ; niveau d’évidence modéré).
– Il n’y a aucune raison valable récuser l’hémicrâniectomie décompressive sur la base du côté
atteint (recommandation forte ; niveau d’évidence modéré).
– Nous recommandons une taille minimale de volet de 12 cm de diamètre. Les volets plus larges,
de 14 à 16 cm semblent associés à une évolution plus favorable (recommandation forte ; niveau
d’évidence modéré).
– Nous recommandons de ne pratiquer de lobectomie ou de plastie durale que sur la base
d’options individuelles (recommandation faible ; niveau d’évidence faible).
– Nous recommandons de ne réséquer le muscle temporal que sur la base d’options individuelles
(recommandation faible ; niveau d’évidence faible).
– Nous recommandons de ne pas utiliser les corticoïdes (recommandation forte ; niveau d’évi-
dence faible).
– Nous recommandons de ne pas utiliser les barbituriques (recommandation forte ; niveau d’évi-
dence faible).
– Nous suggérons de considérer la possibilité d’un traitement par hypothermie chez les patients
non éligibles pour l’hémicrâniectomie (recommandation faible ; niveau d’évidence faible).
– Si l’hypothermie est utilisée, nous recommandons une température cible entre 33 oC et 36 oC
pendant 24 à 72 h (recommandation faible ; niveau d’évidence faible).
– Nous recommandons la position horizontale pour la plupart des patients, et une surélévation
de la tête à 30o en cas d’hypertension intracrânienne (recommandation faible ; niveau d’évidence
très faible).

138 /
Infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne

– Nous recommandons le mannitol et le sérum salé hypertonique pour réduire un œdème céré-
bral patent (recommandation forte ; niveau d’évidence faible).
– La quantité de sérum salé hypertonique administrée doit être guidée par l’osmolalité et la
natrémie (recommandation forte ; niveau d’évidence faible).
– Le mannitol doit être utilisé prudemment chez l’insuffisant rénal (recommandation forte ;
niveau d’évidence modéré).

Quel timing optimal pour la chirurgie ?


Les essais randomisés avaient autorisé des fenêtres thérapeutiques larges. Sur la base de ces
essais, la comparaison chirurgie précoce vs chirurgie différée, montre que le bénéfice est plus
important avec la chirurgie précoce, dans les 24 h, voire dans les 6 h [1]. Il n’est donc pas
recommandé d’attendre dès lors que le patient a les critères prédictifs d’évolution maligne.

Quel âge limite pour la chirurgie ?


Chez les patients de plus de 60 ans, l’hémicrâniectomie décompressive réduit la mortalité, mais
au prix d’une probabilité élevée de handicap sévère [44]. La famille doit en être informée avant
que la décision ne soit prise.

Faut-il tenir compte du côté dans la décision ?


Cette controverse reposait sur le fait que garder une aphasie altère plus la qualité de vie que de
garder un syndrome de l’hémisphère non dominant. Rien n’est moins sûr. Ce critère de sélection
n’est pas approprié et n’apparaît pas dans les recommandations.

Y a-t-il une place pour une stratégie


« wait and see » ?
Il n’y a pas de place pour une stratégie qui consisterait à attendre la survenue d’un effet de
masse, d’un œdème ou d’une aggravation clinique pour poser l’indication d’un hémicrâniectomie,
car (i) l’hémicrâniectomie est efficace chez les patients ayant les critères définis plus haut ; (ii)
l’efficacité est d’autant plus importante que le traitement est précoce ; et (iii) quand l’aggravation
survient, l’hémicrâniectomie est peu efficace et d’indication plus discutable.

Les trois essais européens ont totalement changé les modalités de prise en charge des infarctus
étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne. Le dépistage précoce des patients à risque
d’infarctus malin sur des critères radiologiques liés au volume d’infarctus permet la réalisation

/ 139
Partie 1 – Phase aiguë

précoce d’une hémicrâniectomie décompressive préventive des complications de l’infarctus


malin. La mortalité a chuté de 70-80 % à 20 % sans augmenter la proportion de patients ayant
score de 5 à l’échelle de Rankin modifiée. Néanmoins, de nombreuses questions restent encore
actuellement sans réponse et nécessitent des études complémentaires, en particulier concernant
le délai optimal pour la chirurgie et les prédicteurs de pronostic chez les patients de plus de
60 ans. Les travaux à venir vont devoir se focaliser sur ces deux aspects.

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/ 141
12

L’hémorragie intracérébrale (HIC) représente 15 % des accidents vasculaires cérébraux (AVC) [1].
La mortalité à un mois reste stable avec une médiane à 40,4 % (intervalle interquatile
13,1-61,0 %) [2] contrairement à celle de l’infarctus cérébral qui diminue [3]. La proportion de
patients avec un handicap fonctionnel sévère est importante : seulement un patient sur 4 ayant
eu une HIC redevient indépendant à terme [2].

Contrairement à l’infarctus cérébral, l’hémorragie cérébrale n’a pas connu de révolution théra-
peutique. Elle a bénéficié, dans la continuité des infarctus, de la qualité de la prise en charge
spécialisée des unités neurovasculaires.

Son traitement est axé sur la lutte contre l’expansion de l’hémorragie cérébrale. La neutralisation
d’un traitement antithrombotique doit être réalisée en urgence, imposant une parfaite connais-
sance de leurs mécanismes d’action et des possibilités thérapeutiques à disposition. Au sein des
unités neurovasculaires, les patients bénéficient d’une expertise diagnostique et étiologique, d’un
dépistage précoce des complications neurologiques et extraneurologiques ainsi que d’un contrôle
intensif et strict de leur pression artérielle.

Surveillance en unité
de soins intensifs neurovasculaires
Les unités de soins intensifs neurovasculaires réduisent le risque de mortalité et de dépendance
chez les patients présentant une hémorragie cérébrale. En effet, une méta-analyse de 13 essais
contrôlés, regroupant 3 570 patients, a permis de mettre en évidence une réduction du risque
de mortalité et de dépendance secondaire aux accidents vasculaires cérébraux (risque relatif [RR]

/ 143
Partie 2 – Phase aiguë

0,81 ; IC95 % : 0,47-0,92) [4]. À noter que, dans l’analyse en sous-groupe, le bénéfice était
comparable pour les hémorragies cérébrales (RR 0,79 ; IC95 % : 0,61-1,00) et les infarctus céré-
braux (RR 0,82 ; IC95 % : 0,70-0,97).

Les patients admis en unité de soins intensifs neurovasculaires bénéficient d’une surveillance
rapprochée par une équipe multidisciplinaire spécialisée dans la prise en charge des AVC. Les
agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) comme l’hyperthermie et les
dysglycémies sont surveillées et prises en charge précocement. Une attention particulière est
assurée concernant le dépistage précoce d’une détérioration neurologique et des complications
secondaires à la défaillance neurologique aiguë.

Initialement conçu pour évaluer l’efficacité des traitements dans des essais cliniques, le score
NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale) permet une évaluation régulière, standardisée
et simplifiée de l’examen neurologique [5]. Ce score, à travers ses 15 items, est adapté aux AVC
hémisphériques avec une sous-estimation de la sévérité des AVC de fosse cérébrale postérieure.
Bien qu’aucun seuil n’ait été formellement validé, une aggravation du score de 4 points ne peut
pas être expliquée par la variabilité intra et interobservateur et justifie la réalisation d’une ima-
gerie encéphalique en urgence. L’utilisation de ce score comme outil de surveillance clinique ne
dispense pas d’un raisonnement sémiologique au lit du malade, car une aggravation de 4 points
n’a pas la même signification selon que l’on passe de 1 à 5 ou de 22 à 26. L’expansion de
l’hémorragie s’accompagne le plus souvent d’une détérioration clinique, elle est à redouter par-
ticulièrement au cours des 4 heures suivant le début des symptômes [6]. Utilisés pour lutter
contre la composante œdémateuse et l’augmentation de la pression intracrânienne, les cortico-
stéroïdes (dexaméthasone) n’ont pas permis de mettre en évidence de différence significative
versus placebo concernant le pronostic fonctionnel et la mortalité à 1 mois [7]. De même, le
mannitol n’influence pas la mortalité à 1 mois et le pronostic fonctionnel à 3 mois [8]. L’utilisa-
tion des corticostéroïdes et du mannitol n’est donc pas recommandée [9, 10].

Concernant les crises convulsives, leur survenue précoce (dans les 7 jours) est fréquente et est
observée dans 14 % des cas (IC : 11-17 %) [11]. La localisation corticale de l’HIC est l’unique
facteur de risque de crise précoce (odds ratio [OR] 2,06 ; IC95 % : 1,28-3,31) [11]. Leur présence
n’influence pas le pronostic fonctionnel et la mortalité à 6 mois [11]. Les recommandations
internationales actuelles déconseillent l’usage d’antiépileptique à visée prophylactique, et ce
quelle que soit la localisation de l’HIC [9, 10, 12].

Un point essentiel concerne la prévention et la gestion du risque thromboembolique veineux.


Les patients hospitalisés pour une hémorragie cérébrale, avec une perte de la mobilité d’un
membre inférieur, ont un haut risque de thrombose veineuse profonde. L’utilisation d’une anti-
coagulation à visée prophylactique n’est pas recommandée au cours des premières 24 h [10].
Dès l’admission, il existe une alternative efficace par la compression pneumatique intermittente
qui a prouvé son efficacité au sein d’un essai randomisé contrôlé avec une réduction du risque
de thrombose veineuse poplitée ou fémorale, symptomatique ou asymptomatique, dans les
30 jours, dans le sous-groupe des hémorragies cérébrales (OR 0,36 ; IC95 % : 0,17-0,75) [13]. Un
relai par une anticoagulation à visée prophylactique (par exemple, héparine de bas poids molé-
culaire) peut être débuté après s’être assuré de la stabilité de l’hémorragie cérébrale, clinique-
ment et éventuellement morphologiquement, dans les 1 à 4 jours après le début de l’hémorragie
[10, 14]. En cas d’embolie pulmonaire ou de thrombose veineuse profonde à risque embolique
important (inter et suprapoplité), la pose d’un filtre cave peut être une alternative à l’anti-
coagulation pour prévenir une nouvelle embolie pulmonaire. Cependant, il n’existe pas de stra-
tégie clairement définie, et la prise en charge doit rester individuelle avec une estimation de la
balance bénéfice-risque [15].

La prise en charge spécialisée permet de lutter de manière précoce contre la progression de


l’hémorragie, facteur indépendant de mortalité et de handicap [16].

144 /
Traitement médical des hémorragies cérébrales

Gestion des traitements antithrombotiques


Antivitamine K
La réversion du traitement par antivitamine K (AVK) est une urgence médicale. En effet, cette
association favorise l’extension de l’hémorragie cérébrale et ainsi l’aggravation clinique, ce qui
augmente le risque de décès et de handicap [17, 18]. Cette situation représente 15 % (IC95 % :
12-18 %) des hémorragies cérébrales [17].

Au moindre doute sur la prise d’un traitement par AVK, l’International Normalized Ratio (INR) doit
être mesuré en urgence. Devant un INR supérieur à 1,5, le Groupe d’étude sur l’hémostase et la
thrombose (GEHT) et la Haute Autorité de santé (HAS) recommandent l’administration de 10 mg
de vitamine K par voie intraveineuse, sans dépasser 1 mg par minute devant le risque de choc
anaphylactique [19]. Cependant, la vitamine K a une efficacité différée car elle permet la synthèse
de nouveaux facteurs vitamine K dépendants (II, VII, IX et X), sans pallier immédiatement ce déficit.
Ainsi, doivent être administrés également des facteurs vitamine K dépendants présents au sein
d’un concentré de complexe prothrombinique (CCP) non activé ou activé. Ils permettent la nor-
malisation de l’INR dans les 10 minutes [20]. L’administration de plasma frais congelé (PFC) n’est
pas recommandée car le CCP corrige plus rapidement l’INR (^ 1,3) à 30 minutes (62,2 % du
groupe CCP versus 9,6 % pour le groupe PFC) [21]. Un délai d’obtention (délai médian entre le
diagnostic et l’administration du PFC : 3,0 h [1,5-4,5]) est nécessaire du fait d’une compatibilité
ABO requise et d’un volume important à délivrer, ce qui est difficilement envisageable en phase
aiguë d’une hémorragie cérébrale [22]. Par ailleurs, son administration expose à un risque de compli-
cations circulatoires, pulmonaires (Transfusion-Related Acute Lung Injury, TRALI), allergiques et
infectieuses [21, 22]. Les habitudes de réversion diffèrent d’un pays à l’autre [23].

L’efficacité du CCP ne remet pas en cause l’administration concomitante de vitamine K devant


leur action transitoire avec une ascension de l’INR et une baisse des facteurs vitamine K dépen-
dants dans les 12 à 24 h suivant l’administration de CCP seul [20]. La dose de CCP est guidée
par l’INR. Les posologies de CCP non activé (Kanokad®) sont présentées dans le Tableau I. L’INR
doit être contrôlé 30 minutes après l’injection de CCP. Si l’INR est toujours supérieur à 1,5, la
procédure doit être répétée.

TABLEAU I ▼ Neutralisation de l’effet d’un traitement par antivitamine K.


Administration de 10 mg de vitamine K

INR Dose de CCP non activé (UI facteur IX/kg)

Inconnu 25

> 3,5 32

2,5 < INR ^ 3,5 25

1,5 ^ INR ^ 2,5 18

Objectif : INR inférieur à 1,5.


Contrôle à 30 minutes et 6 h. Si INR > 1,5 : nouvelle injection de CCP selon INR

Anticoagulants oraux directs


Les anticoagulants oraux directs sont utilisés dans la maladie thromboembolique veineuse et
dans la prévention des embolies cérébrales et systémiques secondaires à une fibrillation atriale
d’origine non valvulaire. On retrouve deux grandes classes thérapeutiques : les « gatran » ayant

/ 145
Partie 2 – Phase aiguë

une activité anti-thrombine (anti-IIa) comme le dabigatran (Pradaxa®) et les « xaban » avec une
activité anti-Xa, comme le rivaroxaban (Xarelto®), l’apixaban (Eliquis®) et l’edoxaban (Lixiana®).

Les anticoagulants oraux directs présentent certaines spécificités. La première est liée à leur sur-
veillance. Leur effet anticoagulant n’est pas surveillé. Celui-ci peut être évalué par le dosage de leur
concentration plasmatique mais n’est pas disponible en routine dans tous les centres accueillant
des hémorragies cérébrales. Leur métabolisme est essentiellement rénal, en particulier pour le dabi-
gatran dont l’élimination est rénale à 85 %. Il existe un antidote spécifique pour le dabigatran
(idarucizumab, Praxbind®) avec une autorisation de mise sur le marché pour le traitement des
hémorragies menaçant le pronostic vital et/ou fonctionnel d’un organe et la prévention des saigne-
ments avant un acte invasif urgent (ne pouvant pas être différé plus de 8 h) [24, 25]. Deux antidotes
des xabans (andexanet alpha et ciraparantag) sont en phase clinique de développement [26, 27].
Dans leur attente, l’utilisation de CCP non activé ou activé est la seule alternative disponible.

Les préconisations de 2016 de la Société française neurovasculaire (SFNV) [28], en cohérence


avec les dernières recommandations de l’European Stroke Organisation (ESO) [12] sont :
■ d’évaluer en urgence la fonction rénale ;
■ de confirmer l’anticoagulation en réalisant un bilan d’hémostase et en informant le labo-
ratoire de la suspicion d’un traitement par anticoagulant oral avec, si possible, sa classe
ainsi que l’heure de la dernière prise. La mesure de la concentration plasmatique de l’anti-
coagulant oral direct est possible avec un résultat dans les 30 minutes mais uniquement
dans certains centres. Les tests de coagulation (temps de céphaline avec activateur, TCA ;
taux de prothrombine, TP ; INR ; temps de thrombine, TT ; activité anti-Xa non spécifique)
peuvent fournir une orientation vers la classe thérapeutique, voire une estimation semi-
quantitative : le dabigatran entraîne un allongement du temps de thrombine et les
« xabans » une activité anti-Xa non spécifique augmentée (Tableau II) [29, 30] ;
■ de neutraliser l’effet anticoagulant. Il n’est pas nécessaire d’attendre les résultats biolo-
giques, si la prise d’anticoagulant oral direct est probable ou confirmée dans les dernières
24 heures (Tableau III).

TABLEAU II ▼ Modifications des tests de la coagulation par les anticoagulants directs, d’après
[29, 30].
Test de coagulation Dabigatran Apixaban Edoxaban Rivaroxaban

TCA FF Rr F RràF

TP f Rr f fàff

INR F RràF F FàFF

TT ffff Rr Rr Rr

Activité anti-Xa non spécifique Rr FFF FFF FFF

TABLEAU III ▼ Neutralisation d’un traitement par anticoagulant oral direct.


Optimisation de la fonction rénale

Anticoagulant oral direct Neutralisation

Dabigatran Idarucizumab : 2 injections IV de 2,5 g à 15 minutes d’intervalle

Xaban ou dabigatran si idarucizumab CCP non activé : 50 UI/kg en IV lente OU CCP activé 30
non disponible à 50 UI/kg en IV lente

Objectif : Stabilisation clinique et radiologique


Nouvelle injection de CCP en fonction de l’évolution

146 /
Traitement médical des hémorragies cérébrales

Il convient d’optimiser la fonction rénale en corrigeant une éventuelle insuffisance rénale aiguë,
qui contribuera à l’élimination de l’anticoagulant oral. La surveillance est clinique et morpholo-
gique avec discussion de la répétition de l’algorithme thérapeutique selon l’évolution.

Héparine
Le sulfate de protamine permet de former avec l’héparine un complexe inactif stable. Son uti-
lisation est recommandée [9, 10] en urgence dans le cadre des hémorragies cérébrales survenant
sous héparinothérapie. Son utilisation n’est pas dénuée de risque et est contre-indiquée en cas
d’hypersensibilité connue à la protamine. Elle nécessite une estimation rigoureuse de la balance
bénéfice/risque.

En dehors des recommandations de 2012 de l’American College of Chest Physicians [31], il existe
peu de données concernant la dose précise en fonction du délai entre l’injection d’héparine et
l’utilisation de sulfate de protamine ou en cas d’administration continue d’héparine non frac-
tionnée (HNF), ni sur la surveillance biologique de leur efficacité. Il est cependant nécessaire de
tenir compte de la pharmacocinétique des héparines.

Il doit être administré à la dose de 1 mg (100 unités anti-héparine [UAH]) pour 100 UI d’héparine
à réverser [31, 32]. L’administration doit être lente, sur 10 minutes, sans dépasser 50 mg devant
le risque de réaction anaphylactique et d’hypertension artérielle pulmonaire [31-33]. Les patients
traités par insuline combinée à de la protamine, présentant une « allergie au poisson » ou un
antécédent de vasectomie – souvent associée au développement d’anticorps antiprotéines du
sperme dont la protamine – seraient davantage exposés au risque anaphylactique et pourraient
bénéficier d’une prémédication par antihistaminique [31, 33]. Concernant l’administration intra-
veineuse continue d’HNF, la quantité d’UI d’HNF à considérer varie selon les protocoles de la
dose horaire à la dose administrée dans les 4 dernières heures [34]. Considérer la quantité admi-
nistrée dans les 2,5 dernières heures paraît être un bon compromis [31]. Elle est à diviser par 2
si l’administration intraveineuse est arrêtée depuis 1 h et par 4 si depuis 2 h [32]. Du fait d’un
risque hémorragique en cas de surdosage (anti-agrégation plaquettaire, consommation), il est
conseillé de ne pas avoir tendance à surdoser et de surveiller l’efficacité entre 10 et 15 minutes
avant éventuelle réinjection (TCA, activité anti-Xa, temps de thrombine) [32].

Concernant les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), l’efficacité est plus discutée. Des doses
similaires sont recommandées [10] avec une réversion pouvant être incomplète, en particulier liée
à la persistance d’une activité anti-Xa [35]. Dans les 8 h, il faut considérer la dose injectée avec
une dose de sulfate de protamine de 100 UAH pour 100 UI d’HBPM [31]. Une seconde injection,
à demi-dose, peut être nécessaire si persistance du saignement. Au-delà de 8 h, la dose doit être
plus faible [31], par exemple de l’ordre de la demi-dose de sulfate de protamine [34], sans délai
maximal précisé [31] mais probablement inférieur à 12 h depuis l’injection [34]. La demi-vie plus
longue des HBPM peut faire discuter une réinjection de sulfate de protamine avec nécessité d’un
contrôle à 1 heure et à 3 heures (activité anti-Xa, temps de thrombine) [32, 34].

À noter que le sulfate de protamine ne forme pas de complexe avec le fondaparinux et qu’une
réversion par facteur VII activé recombinant peut être discutée [31, 36].

Antiagrégant plaquettaire
La gestion d’un traitement par antiagrégant plaquettaire chez un patient présentant une hémorragie
cérébrale se pose dès la phase aiguë. Dans les pays développés, environ un quart des patients
présentant une hémorragie cérébrale sont traités par un antiagrégant plaquettaire [37, 38].

/ 147
Partie 2 – Phase aiguë

Il n’existe actuellement pas de thérapeutique spécifique recommandée. La transfusion de concentré


plaquettaire ne l’est pas non plus. En effet, une étude contrôlée randomisée récente de 190 patients
présentant une hémorragie cérébrale sous antiagrégant plaquettaire a permis de montrer une
augmentation significative de la mortalité ou de la dépendance à 3 mois dans le groupe transfusion
de plaquette (OR 2,05 ; IC95 % : 1,18-3,56) en comparaison à une prise en charge
conventionnelle [39].

Contrôle de la pression artérielle


Suite à INTERACT-2, les recommandations européennes [9] et américaines [10] suggèrent une
réduction intensive de la pression artérielle, dans les six heures, avec un objectif de pression
artérielle systolique inférieure à 140 mmHg obtenu en une heure. Il n’y a pas de type de trai-
tement spécifiquement recommandé [40]. Cependant, cette pratique intensive qui a pour but
de limiter l’expansion de l’hémorragie est remise en cause par l’étude ATACH-2. Cette dernière
n’a pas mis en évidence de bénéfice de cette prise en charge sur la mortalité et le handicap
comparé à un contrôle tensionnel standard entre 140 et 179 mmHg [41]. Lorsque l’on compare
les niveaux tensionnels des bras de traitement intensifs dans ces 2 études, on note que dans
ATACH-2, le bras intensif avait une pression artérielle systolique moyenne à 129 mmHg à 2 h
vs 139 mmHg à 6 h dans INTERACT-2. L’objectif de pression artérielle était obtenu plus rapide-
ment dans ATACH-2 avec des pressions artérielles plus basses. En contrepartie, les complications
rénales étaient plus fréquentes dans le bras intensifs (9,0 vs 4,0 %, p = 0,002). Ces 2 études
suggèrent qu’une pression artérielle systolique cible entre 130 et 140 mmHg peut être bénéfique,
mais qu’en dessous, le bénéfice est contrebalancé par les complications, en particulier rénales.

Recherche d’une étiologie


Trouver la cause de l’hémorragie cérébrale est crucial dans la prise en charge initiale. En effet,
certaines étiologies comme la thrombose veineuse cérébrale, sont des urgences thérapeutiques
avec des traitements spécifiques et efficaces. Le profil des hémorragies cérébrales s’est modifié.
En effet, du fait du vieillissement de la population avec une utilisation plus fréquente d’agents
antithrombotiques, il y a davantage d’hémorragie lobaire chez les sujets âgés, notamment symp-
tomatique d’une angiopathie amyloïde cérébrale. En parallèle, la proportion d’hémorragie céré-
brale profonde du sujet jeune imputable à la maladie des petites artères a diminué grâce à un
meilleur contrôle des facteurs de risque vasculaire [37, 42].

Quel est le risque de récidive ?


Le risque de récidive hémorragique est évalué entre 1,3 et 7,4 % par an [43]. Ce risque devrait
être évalué en fonction de l’étiologie de l’hémorragie cérébrale. Toutefois, les critères diagnos-
tiques étant imparfaits à ce jour, la localisation de l’hémorragie est bien souvent considérée
comme un critère intermédiaire permettant de déterminer la cause la plus probable. On oppose
les hémorragies lobaires (souvent associées à l’angiopathie amyloïde cérébrale) aux hémorragies
non lobaires (profondes supratentorielles et infratentorielles, souvent liées à une vasculopathie
des artères perforantes profondes). On observe ainsi un risque de récidive plus important dans

148 /
Traitement médical des hémorragies cérébrales

les hémorragies lobaires par rapport aux non-lobaires [44-46], à rapporter à l’angiopathie amy-
loïde cérébrale [47]. Dans cette population de patients avec de nombreux facteurs de risque
vasculaire [37, 42], le risque ischémique cérébral et extracérébral n’est pas négligeable mais reste
mal connu [43].

Quel est l’objectif de pression artérielle ?


L’essai randomisé contrôlé Perindopril Protection Against Recurrent Stroke Study (PROGRESS)
s’est intéressé à l’impact de la réduction de la pression artérielle, par l’utilisation de périndopril
4 mg éventuellement associé à de l’indapamide 2,5 mg sur le risque de récidive d’un AVC [48].
Dans le bras traitement, on observait une réduction du risque de récidive de 28 % (IC95 % :
17-38 %) [48]. Une analyse en sous-groupe a démontré une réduction du risque de récidive
d’une HIC de 50 % (IC95 % : 26-67 %) [49]. Une analyse post-hoc de PROGRESS, s’intéressant
aux différents types d’HIC, semble suggérer que le bénéfice de la baisse tensionnelle se confirme
quelle que soit la localisation de l’HIC : réduction du risque de 77 % (IC95 % : 19-93 %) dans
les HIC liées à une angiopathie amyloïde cérébrale probable selon les critères de Boston et de
46 % (IC95 % : 4-69 %) dans les hémorragies profondes [50].

Les recommandations internationales préconisent ainsi de contrôler au long cours la pression


artérielle avec un objectif tensionnel inférieur à 130/80 mmHg [9, 10].

Faut-il reprendre les traitements


antithrombotiques ?
La première question à se poser est : le traitement antithrombotique est-il formellement indiqué ?
S’il existe une indication validée, il n’y a pas de recommandation de haut grade sur la conduite
à tenir. Il est nécessaire d’évaluer la balance bénéfice/risque. L’hypothèse des études randomisées
en cours est que le risque d’événements ischémiques cérébraux et extracérébraux est souvent
sous-estimé devant la peur d’une récidive, souvent grave, d’hémorragie cérébrale. L’identification
de la maladie vasculaire sous-jacente (en y intégrant certains biomarqueurs, notamment radio-
logiques comme les microsaignements ou la sidérose superficielle) pourrait contribuer à une
meilleure quantification de la balance bénéfice/risque.

Concernant les antivitamines K, les recommandations américaines de l’AHA/ASA suggèrent que


la reprise d’un traitement par AVK nécessite un délai d’au moins 4 semaines après l’hémorragie
cérébrale [10]. En cas de fibrillation atriale, se pose la question de l’attitude thérapeutique avec
l’évaluation de la balance bénéfice-risque entre la prévention des événements ischémiques et le
risque de récidive hémorragique. Il n’existe pas de données d’études randomisées contrôlées
concernant la conduite à tenir après une HIC. Différentes études sont en cours afin d’évaluer
différentes stratégies : pas de traitement antithrombotique ou traitement antiplaquettaire vs
AVK ou AOD ou fermeture de l’auricule (APACHE-AF NCT02565693, NASPAF-ICH
NCT02998905, STATICH NCT03186729, A3ICH NCT03243175, SoSTART NCT03153150).

Qu’en est-il du traitement par statine ?


Les données de la littérature sont insuffisantes pour établir un lien de causalité entre l’usage de
statines et le risque de récidive de l’hémorragie cérébrale. Les dernières recommandations de l’ESO
en 2016 suggèrent une utilisation raisonnée des statines, avec des doses modérées et de s’intéresser

/ 149
Partie 2 – Phase aiguë

à l’étiologie de l’HIC avec un risque de récidive plus important dans les hémorragies lobaires
attribuées à l’angiopathie amyloïde cérébrale que dans les HIC reliée à la maladie des petites
artères [12, 51]. Ainsi, une analyse par modélisation théorique de Markov suggère que l’arrêt des
statines doit être considéré chez les patients atteints d’une angiopathie amyloïde cérébrale [52].

Dans tous les cas, il est nécessaire d’évaluer l’indication de la statine et d’estimer la balance
bénéfice/risque.

Un suivi cognitif est-il nécessaire ?


Des troubles cognitifs peuvent préexister à la survenue de l’hémorragie cérébrale. Dans la cohorte
lilloise de 417 patients ayant une hémorragie cérébrale, 14 % (IC95 % : 11-18 %) avaient des
troubles cognitifs préexistant sans démence, et 16 % (IC95 % : 12-19 %) présentaient une
démence préexistante [53]. Chez les patients sans trouble cognitif, le risque d’en développer
après une hémorragie cérébrale est estimé à 28,3 % (IC95 % : 22,4-34,5 %) à 4 ans [54]. Il peut
ainsi être intéressant d’évaluer l’état cognitif préexistant par la réalisation de l’IQCODE auprès
des proches, puis de régulièrement tester les fonctions cognitives au cours du suivi.

Une meilleure compréhension de la physiopathologie de l’hémorragie cérébrale nous permettra


de mettre en place des traitements spécifiques. Différents mécanismes lésionnels sont retrouvés
dans l’hémorragie cérébrale. Comprendre leur physiopathologie permet d’explorer différentes
pistes thérapeutiques dans l’optique d’une thérapeutique ciblée.

Actuellement, le rationnel thérapeutique se base sur les dommages cérébraux imputés, de


manière mécanique, à l’irruption brutale de sang dans le parenchyme cérébral. L’objectif est de
lutter contre la persistance et l’extension de l’hémorragie cérébrale.

Cependant, ces thérapeutiques n’ont pas permis de diminuer la mortalité précoce survenant dans
les 48 premières heures, avec une fréquence stable autour de 14,9 % (IC95 % : 11,8-17,9 %)
[55]. La réaction inflammatoire secondaire à cette irruption de sang dans le parenchyme cérébral
est de plus en plus étudiée avec l’émergence de nouvelles pistes thérapeutiques. La souffrance
de la barrière hémato-encéphalique serait un événement majeur, contribuant à la promotion de
la réponse inflammatoire par recrutement de cellules pro-inflammatoires et à la formation d’un
œdème vasogénique [56]. L’exposition au complément plasmatique mais aussi au fer issu de la
dégradation de l’hémoglobine pourrait contribuer à intensifier la réponse inflammatoire [57].

Le traitement médical des hémorragies cérébrales se base sur une gestion de l’urgence qu’est la
baisse de la pression artérielle, la neutralisation d’un éventuel traitement antithrombotique ainsi
qu’une hospitalisation en unité de soins intensifs neurovasculaires afin d’apporter au patient une

150 /
Traitement médical des hémorragies cérébrales

prise en charge globale visant à la fois à limiter l’extension de l’hémorragie cérébrale et des
lésions cérébrales mais aussi à comprendre l’origine de ce saignement. Il nous manque aujourd’hui
un traitement spécifique efficace.

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152 /
13

L’hémorragie cérébrale (HIC) non traumatique est un une irruption spontanée de sang dans le
parenchyme cérébral compliquée parfois de diffusion dans les espaces ventriculaires et plus
rarement en sous-arachnoïdien [1-3]. L’HIC représente 10-30 % des accidents vasculaires céré-
braux (AVC) hospitalisés dont la mortalité est estimée entre 30 et 50 % à 6 mois. En outre, l’HIC
induirait une perte d’autonomie de 80 % des patients à 6 mois [1, 4], responsable d’un coût
socio-économique majeur.

L’HIC survient essentiellement dans les noyaux gris centraux, le thalamus, les lobes cérébraux,
le tronc cérébral et le cervelet. Elle détermine des lésions primaires par la destruction neuronale
et la désorganisation de la connectique intercellulaire, par son effet de masse et les anomalies
locorégionales de microperfusion [5]. Elle détermine aussi des lésions cérébrales secondaires en
lien avec la réaction inflammatoire, la neurotoxicité des produits de dégradation du caillot (hémo-
globine et fer).

Le traitement chirurgical de l’HIC sera guidé par le syndrome d’hypertension intracrânienne, les
caractéristiques de l’HIC, la vasculopathie responsable de sa survenue, l’encéphalopathie vascu-
laire sous-jacente et enfin la comorbidité systémique dans le cadre d’une stratégie multi-
disciplinaire impliquant neurochirurgiens, neurologues vasculaires, neuroradiologues et
neuroréanimateurs.

/ 153
Partie 2 – Phase aiguë

Les cibles du traitement chirurgical de l’HIC sont doubles. La première, l’ablation du caillot,
impacte sur les mécanismes primaires et secondaires de lésions cérébrales liées à l’HIC. La seconde
est le traitement de la cause de l’HIC, parfois nécessaire en cas de lésion vasculaire qui expose
au resaignement ou lors de tumeur cérébrale sous-jacente dont le pronostic oncologique dépend
de la résection microchirurgicale.

Ablation du caillot
L’ablation du caillot a un effet sur les mécanismes primaires de la présence de l’HIC. La levée
de l’effet de masse, quel que soit le procédé, microchirurgical, endoscopique ou stéréotactiques,
résous l’hypertension intracrânienne [6-8]. Malgré des résultats controversés, l’ischémie péri-
hématique serait diminuée après ablation par amélioration de la microperfusion cérébrale régio-
nale, par amélioration du métabolisme d’extraction d’oxygène en réduisant les dommages mito-
chondriaux [9, 10]. Enfin, lutter contre une expansion précoce volumétrique de l’HIC serait
souhaitable car elle est observée chez 1/3 des patients lorsque la TDM crânio-encéphalique
initiale était pratiquée dans les 3 h du saignement initial. Cette expansion volumétrique précoce
est un facteur indépendant de détérioration fonctionnelle et de mortalité [11]. De multiples
microvaisseaux seraient impliqués selon un mécanisme d’étirement des structures vasculaires
lié à la présence de l’HIC dont témoigne le « spot sign » (extravasation de produit de contraste
révélé par l’angioscanner). D’autres mécanismes de cette expansion sont discutés dans la litté-
rature : hyperhémie régionale, rupture de barrière hémato-encéphalique (BHE), et coagulopathie
locale transitoire.

L’effet sur les mécanismes secondaires de l’ablation du caillot est plus complexe. La thrombine,
rôle central dans l’hémostase, aurait des effets variables selon la concentration : à basse concen-
tration, elle serait neuroprotectrice, et, à haute concentration, responsable de lésions cérébrales.
Ainsi, l’effet de la thrombine dépendrait du volume de l’hématome [12]. En outre, cette ablation
interromprait l’effet indésirable des produits de la dégradation de la fibrine sur le parenchyme
périhématique matérialisé par l’œdème cérébral [5]. Une réaction inflammatoire – sous la dépen-
dance de la microglie, d’un afflux de leucocytes par rupture de la BHE, et la production de
médiateurs inflammatoires [5] – aurait un important rôle dans le déterminisme de lésions céré-
brales mais aussi dans la récupération. Ainsi, réduire l’œdème cérébral secondaire périhématique
par l’ablation du caillot serait un objectif du traitement chirurgical [13].

Analyser et traiter la cause


Évaluer les caractéristiques et déterminer l’étiologie de l’HIC sont deux étapes essentielles pour
inscrire au mieux le traitement chirurgical dans les propositions médico-chirurgicales.

Parmi les différentes causes responsables d’HIC, certaines seront l’objet d’un traitement chirur-
gical en raison d’un risque de resaignement de certaines malformations vasculaires, ou en raison
d’un pronostic oncologique. Détaillé dans le Tableau I, les angiopathies sont les plus fréquemment
responsables d’HIC, suivies des transformations hémorragiques d’occlusion artérielle ou veineuse,
puis des malformations vasculaires et, rarement des tumeurs cérébrales.

154 /
Traitement chirurgical des hémorragies cérébrales

TABLEAU I ▼ Causes des hémorragies cérébrales et argumentaires d’un traitement.


Arguments
Causes Calibre Caractéristiques d’indication
chirurgicale ?

Vasculopathies

Lipohyalinose des artères perforantes 50-700 μm Profond, HTA, mbds profonds

Angiopathie amyloïde 20-700 μm Lobaire, en nappe, mbds lobaires


Resaignement
Anévrisme supraclinoïdien 0,8-3 mm HSA associé

Inflammatoires

Anévrisme mycotique 0,5-1 mm HSA associé, septique Resaignement

Vascularite 0,3-0,8 mm

Angiopathie de Moya-Moya 1-3 mm Collatéralité, néovascularisation Revascularisation

Substance blanche, contexte,


Toxique (cocaïne, cannabis) 100-700 μm
sujet jeune

Syndrome de vasoconstriction
Céphalée, vasospasme cortical
réversible

Transformation hémorragique
infarctus

Infarctus artériel / Hétérogène territoire artériel

Thrombose veineuse, territoire


Thrombose veineuse cérébrale /
parasagittal

Malformations vasculaires

Nidus, anévrisme veineux,


Malformation artérioveineuse 2-4 mm Resaignement
atrophie

Fistule cortico-durale 2-4 mm HSA, dilatation veineuse Resaignement

Cavernome / Épilepsie, calcifications, T2*

Néoplasie

Tumeurs gliales Néovx Hématome nodulaire, cortical Oncologie

Métastases Néovx Rein, mélanome Oncologie

Coagulopathie acquise
Antiagrégants, anticoagulants
ou constitutionnelle*
HIC : hématome intracérébral ; HSA : hémorragie sous-arachnoïdienne ; mbds : microbleeds.
* Les coagulopathies acquises ou constitutionnelles sont classiquement considérées comme des causes mais elles n’en sont
pas à proprement parler. Ce sont des facteurs de prédisposition et des facteurs d’aggravation. Leur existence ne dispense pas
de la recherche approfondie d’une autre cause.

Analyser la vasculopathie en cause est adapté à la réflexion thérapeutique [14]. Celle-ci concerne
des vaisseaux de calibre divers : de 50 μm jusqu’à plusieurs mm [2]. La vasculopathie des artères
perforantes profondes liée à l’hypertension artérielle et l’angiopathie amyloïde cérébrale totali-
sent 70 % des causes d’HIC [15]. Dans l’hypertension artérielle, les artères perforantes
(50-700 μm) provenant des artères du cercle de Willis sont mis en causes, sièges de lésions
pariétales de la limitante élastique (fractures), de la média (atrophie, dégénérescence granulaire
ou vésiculaire), de l’endothélium (nécrose fibrinoïde) [16] et responsable d’HIC profond associé
à des micro saignements profonds. À l’inverse, l’angiopathie amyloïde est caractérisée par le
dépôt de peptides β-amyloïdes (microanévrismes, dissection concentrique, infiltrats inflamma-
toires, nécrose fibrinoïde) dans la paroi de capillaires, artérioles et artères corticales lobaires ou
du cervelet [17] responsable d’HIC lobaire « en nappe » associé à des microsaignements et

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Partie 2 – Phase aiguë

micro-infarctus lobaires. Plus rares sont les HIC liées à des malformations vasculaires (caver-
nomes, malformations artérioveineuses, fistules durales artérioveineuses), à des vascularites
inflammatoires ou infectieuses, à un syndrome de vasoconstriction réversible, à une tumeur
cérébrale sous-jacente, à une transformation hémorragique d’une ischémie secondaire à une
obstruction artérielle ou une thrombophlébite [2].

Cette revue concerne uniquement les HIC « spontanées » sans cause dite figurée comme l’ané-
vrisme cérébral ou les malformations vasculaires. Nous envisageons les procédures indiquées
pour uniquement une ablation de l’HIC sans avoir à intervenir sur une étiologie. Depuis l’avè-
nement de l’imagerie parenchymateuse, les procédures chirurgicales d’ablation d’HIC se sont
sophistiquées sans qu’aucune d’entre elles n’apparaisse déterminante sur l’évolution clinique des
patients.

Microchirurgie après crâniotomie


HIC supratentoriel
Cette procédure consiste en une approche transgyrale sous magnification optique par la réali-
sation d’un volet. Par usage conjugué de l’hydrodissection et d’une aspiration douce, l’HIC est
évacué sous contrôle optique. Les parois de la cavité sont inspectées soigneusement afin d’éli-
miner toute malformation vasculaire qui serait passé inaperçue sur l’imagerie. Ce geste réalisé
sous anesthésie générale nécessite parfois l’aide d’une neuronavigation pour centrer au mieux
le volet et la gyrotomie sous-jacente en tenant compte de la topographie de l’HIC, de celui des
régions éloquentes ainsi que des voies associatives. Simple à mettre en œuvre, cette procédure
est d’une excellente efficacité (réduction de 90 % de l’HIC chez 80 % des patients) avec une
vérification peropératoire de la résolution de l’hypertension intracrânienne.

Malgré sa simplicité d’exécution, son efficacité clinique reste controversée. Fernandes et al. [18],
dans sa méta-analyse groupant des essais randomisés, rapportaient une tendance de réduction
de la mortalité et dépendance après traitement chirurgical [OR 0,63 ; IC95 % : 0,35–1,14]. Ces
résultats discordants ont conduit au développement de l’étude STICH [19]. En 2005, l’essai
randomisé STICH I représente une étude centrale l’HIC spontané à cause de la taille de l’échan-
tillon (n = 1 033) et une méthode originale d’évaluation du résultat en tenant compte des pos-
sibilités pronostiques propres à chaque patient inclus. Aucune différence significative n’était
observée puisque la proportion de survie à 6 mois était identique et l’évolution favorable chez
26 % du groupe chirurgical vs 24 % du bras médical. L’unique sous-groupe favorable à un trai-
tement chirurgical était celui avec HIC situé à moins de 1 cm du cortex. Fort de ces résultats,
l’essai STICH II avait pour objectif d’évaluer l’intérêt de l’ablation précoce de l’HIC lobaire 10 à
100 mm3 situé à 1 cm de la surface corticale chez un patient conscient. Cet essai a permis de
randomiser 307 patients dans un bras de chirurgie précoce d’HIC lobaire (12 h de randomisation),
et 286 dans un bras de traitement conservateur [7]. L’évolution défavorable à 6 mois était sans
différence significative entre les 2 bras (OR : 0,86, p = 0,36), respectivement 59 % et 62 %.

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Traitement chirurgical des hémorragies cérébrales

Cependant, dans ces 2 essais internationaux, le critère d’inclusion essentiel était l’indécision du
neurochirurgien quant au bénéfice d’une évacuation de l’HIC, car les patients pour lesquels
l’indication chirurgicale ne posait pas de doute étaient exclus de l’étude. Ainsi, les résultats sont
valides pour ce groupe de patient après avoir exclu ceux dont l’évidence du syndrome d’hyper-
tension intracrânienne faisait retenir une indication. Ainsi, après traitement chirurgical 40 % des
patients présentent une évolution favorable à long terme [20]. Actuellement, l’intérêt de la
crâniectomie décompressive sans ablation de l’HIC est en cours d’étude [21].

HIC infratentoriel
Dans cet espace infratentoriel, les HIC cérébelleux sont à distinguer des HIC du tronc cérébral
car ces derniers ne sont pas évidemment pas du recours d’un traitement chirurgical hormis les
exceptionnelles indications à la dérivation externe du liquide cérébrospinales (LCS). En revanche,
les HIC cérébelleux doivent être l’objet d’une réflexion soigneuse en raison d’un pronostic ouvert
malgré une détérioration neurologique rapide liée à la compression du tronc cérébral. D’une
revue de littérature [22], les 8 études rétrospectives concernant l’HIC infratentoriel ne permet-
tent pas d’en tirer des règles d’application ; cependant, les patients ayant une ablation du caillot
combiné à un drainage ventriculaire externe semblent présenter une évolution favorable.

Les objectifs du traitement chirurgical d’un HIC cérébelleux est triple : l’ablation de l’HIC, la
résolution de l’hydrocéphalie obstructive liée à la compression des voies d’écoulement et l’obten-
tion d’une détente cérébrale de la fosse postérieure.

■ Drainage ventriculaire externe

Par implantation initiale d’un drain de dérivation ventriculaire externe en corne frontale droite,
l’hypertension intracrânienne de l’étage supratentoriel liée à l’hydrocéphalie obstructive est
résolue ; cependant l’hypertension de l’étage infratentoriel demeure. L’efficacité de cette procé-
dure isolée n’est pas démontrée pour ces HIC de fosse postérieure [23] et expose à processus
de hernie cérébelleuse paradoxale. Pour ces raisons, l’association d’une ablation de l’HIC est
recommandée.

■ Crâniotomie sous-occipitale

Par une approche sous-occipitale médiane sous anesthésie générale, une large crâniotomie
permet sous magnification optique une ablation du caillot et l’obtention d’une détente de la
fosse postérieure. Le choix de l’approche transgyrale est décidé selon la taille et la topographie
de l’HIC, mais classiquement une approche paravermienne. Si la minicrâniotomie est proposée
par certains [24] sans différence avec un débridement large chirurgical, l’essentiel étant d’obtenir
une détente pérenne de la fosse postérieure.

Cependant, des critères morphologiques d’indication chirurgicale semblent se dégager lors de dégra-
dation neurologique secondaire que sont une taille d’HICS de plus de 3 cm, un effet de masse sur
le 4e ventricule et l’apparition d’une hydrocéphalie triventriculaire obstructive. L’évolution serait
favorable chez 70-88 % des patients dans le cas de citernes quadrigeminales peu comprimées [25].

Procédures dites mini-invasives


Avant la réalisation des essais randomisés STICH [7, 19] concernant l’ablation de l’HIC par crânio-
tomie, procédure de référence, ont été développées des procédures endoscopiques ou stéréotaxiques
[26]. Réputées moins invasives que la classique crâniotomie, elles exposent à 2 problèmes : la moindre
efficience d’évacuation de l’hématome et le bénéfice fonctionnel que l’on peut en attendre.

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Partie 2 – Phase aiguë

La stéréotaxie, une efficacité relative ?


L’évacuation d’un HC spontané selon une approche stéréotaxique est rapportée depuis les années
1970 [27]. Cette procédure consiste en l’utilisation d’un cadre stéréotaxique fixé sur la voûte
du crâne afin de placer selon des données tomodensitométriques une canule dans l’hématome.
Cette voie d’accès permet l’instillation dans l’hématome de thrombolytique destinés à le liquéfier
puis le lavage par aspiration. Cette procédure aujourd’hui classique, permettrait d’améliorer la
qualité de vie et la proportion de survie des patients, malgré des délais d’interventions divers,
par comparaison avec un traitement médical [28].

Différentes études de faisabilité ont montré l’efficacité de cette procédure pour réduire signifi-
cativement le volume de l’HC limitant les conséquences de l’effet de masse initial par le volume
de l’HC mais aussi secondaire lié à l’œdème périhématique réactionnel. Si les premières tenta-
tives de cette procédure peu invasive consistaient en une aspiration simple, l’instillation de
substances liquéfiant l’HC a amélioré son efficacité sans majorer les effets adverses. L’usage de
thrombolytique comme l’urokinase est rapporté depuis les années 1990 [29, 30]. Montes et
al. [30], sur une série prospective monocentrique de 12 patients avec HC profond ou lobaire,
observaient une réduction de 57 % du volume après instillation d’urokinase suivie d’une aspira-
tion lavage. D’autres auteurs [31] proposaient l’instillation d’un activateur du plasminogène (rtPA)
avant l’aspiration-lavage de l’HC, ils rapportaient un volume prétraitement de 52 mL chez
27 patients traités d’HC profond et un volume post-traitement de 17 mL. Une autre méthode
d’optimisation de l’aspiration-lavage à l’aiguille sous stéréotaxie serait de la précéder d’une
fragmentation du caillot à l’aide d’ultrasons focalisés guidés en IRM [32].

Quoiqu’il en soit, cette procédure peu invasive est efficace sur le volume de l’HIC et l’effet de
masse sur le parenchyme, mais aucun de ces travaux ne démontraient une efficacité clinique
fonctionnelle. Ces résultats non concluants déterminaient le développement d’essais randomisés
comparant procédure stéréotaxique et traitement médical.

Zucarello et al. [33], en randomisant précocement (2 h) 20 patients avec HC, observaient aucune
différence significative de morbidité et mortalité entre un groupe de patient traité médicalement
et un autre par aspiration-lavage stéréotaxique réalisée en moyenne 8 h après le saignement.
Teernstra et al. [34], en randomisant 70 patients en groupe médical ou groupe aspiration-lavage
après instillation d’un activateur du plasminogène, confirmaient l’absence de différence de la
mortalité entre les 2 groupes et l’inexistence de facteurs pronostiques péjoratifs. Ainsi, malgré
une réduction du volume de l’hématome, aucun bénéfice fonctionnel n’est démontré à propos
de l’aspiration-lavage en condition stéréotaxique.

L’essai randomisé MISTIE [35], incluant 96 patients sur 7 ans, permettait de confirmer l’efficacité
de la procédure stéréotaxique associé à l’alteplase par comparaison à un traitement médical
conventionnel malgré la majoration des resaignements asymptomatiques.

Cette technique est attrayante par son caractère peu invasif. Cependant, plusieurs problèmes la
concernant sont à souligner. L’efficacité sur la réduction du volume de l’HC est évidente, mais
elle reste partielle et les résidus d’HC sont importants. Le problème majeur est celui de la
précocité de l’aspiration-lavage. La mise en route de cette procédure impose une disponibilité
de la tomodensitométrie, une utilisation du cadre de stéréotaxie, un contrôle par imagerie de la
bonne situation du cathéter et un délai pour activité de la substance instillée. Cette procédure
est donc peu compatible avec une intervention précoce, voire ultra-précoce, à l’instar de ce qui
est recommandé dans l’accident vasculaire cérébral ischémique du sujet jeune.

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Traitement chirurgical des hémorragies cérébrales

L’endoscopie, une approche attrayante


Cette approche consiste en l’utilisation d’un endoscope rigide dont l’extrémité est située dans
l’HIC pour en pratiquer une aspiration-lavage. La chemise large de l’endoscope constitue un
chemin d’accès plus large que le cathéter utilisé lors d’une procédure stéréotaxique. En outre,
elle permet, par le contrôle de la vue et la modification d’angle de l’endoscope, d’adapter l’aspi-
ration-lavage aux caractéristiques morphologiques de l’HIC. Proposée depuis les années
1990 [36], sa simplicité de mise en œuvre en fait une procédure de choix dans l’évacuation
précoce, voire ultra-précoce de l’HIC, aidée de nouveaux outils comme la neuronaviguation pour
les topographie profondes [37], une micro-fragmentation (système Apollo, Penumbra inc.) per-
mettant d’utiliser des chemises de petit calibre [8] ou l’aide d’une imagerie peropératoire [38].
Depuis les années 2000, quelques études de faisabilité sur des petits échantillons de patients
avec HIC profonds ont été rapportées [39-41]. Nishihara et al. [41] insistaient sur l’utilisation
d’une chemise transparente plastique de diamètre interne 6 mm en rapportant une réduction de
plus de 80 % du volume de l’HIC chez 9 patients. Ces auteurs soulignaient le contrôle sur l’inter-
face entre HIC et parenchyme qu’offrait ce type de chemise résolvant la limite du champ opé-
ratoire qu’offre toute approche endoscopique. Hsieh et al. [39], en étudiant 9 patients traités
de leur HIC par endoscopie rigide, notait l’excellente efficacité de la procédure réduisant 90 %
du volume de l’HIC. Ces auteurs mettaient l’accent sur le point d’entrée frontale de l’endoscope,
la qualité de l’image obtenue en l’absence d’irrigation par du sérum physiologique et la possibilité
d’une électrocoagulation du foyer. Ces études de faisabilité concernent toutes une procédure
réalisée en période précoce, voire ultra-précoce, après le saignement. L’efficacité de l’endoscopie
pour réduire le volume de l’HIC est excellente, probablement supérieure à l’approche stéréo-
taxique. Li et al. [42], comparant chez 112 patients le traitement endoscopique au traitement
stéréotaxique de l’HIC des noyaux gris centraux, rapportaient une meilleure efficacité d’ablation
de l’HIC après endoscopie, mais une morbidité procédurale supérieure à l’approche stéréotaxique.

Une seule étude randomisée analysait l’endoscopie vs le traitement médical. Auer et al. [36], en
comparant 50 patients traités dans les 48 h par approche endoscopique à un autre groupe de
50 patients traités médicalement, observaient une réduction significative de la mortalité à 6 mois
après chirurgie mais une qualité de vie similaire dans les 2 groupes. Ces résultats concernaient
une série consécutive de patients traités dans les 48 h.

Au total, ce traitement par endoscopie est réalisable à la période ultra-précoce du saignement


et se solde par une excellente réduction du volume de l’HIC. Cependant, aucune étude rando-
misée récente n’a pu en démontrer le bénéfice clinique et fonctionnel, à l’instar de la procédure
microchirurgicale par crâniotomie.

En résumé
Les procédures mini-invasives aidées d’artifices de plus en plus sophistiqués, certes séduisantes,
réduisent probablement le coût du traitement chirurgical en raccourcissant la durée d’hospita-
lisation uniquement en milieu neurochirurgical mais aujourd’hui n’apportent pas de bénéfice
clinique à moyen et long termes par comparaison avec un traitement médical. Néanmoins, deux
essais randomisés d’évaluation des procédures mini-invasives sont en cours.

Actuellement en cours d’inclusion de 222 patients à partir de 30 centres, l’essai randomisé


contrôlé INVEST était conçue pour comparer l’efficacité et la sureté de l’ablation endoscopique
de l’HIC au traitement médical [8]. Le second essai randomisé est MISTICH, conçu pour comparer
les 2 procédures mini-invasives à la crâniotomie conventionnelle [43].

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Partie 2 – Phase aiguë

Timing du traitement chirurgical


Le délai du traitement chirurgical de l’HIC reste une donnée controversée, variant entre 4 et
96 h selon les études [7, 35, 44]. L’analyse en sous-groupe réalisée dans STICH II révélait une
tendance à l’amélioration de l’évolution lorsque la chirurgie était pratiquée dans les 21 h de la
constitution de l’HIC [7]. Une méta-analyse récente incluant 2 186 patients permettait de
constater une amélioration de l’évolution lorsque le patient était randomisé dans les 8 h suivant
le saignement initial [45].

Cependant, une chirurgie trop précoce expose le patient à un resaignement symptomatique


soldée d’une éventuelle détérioration. Morgenstern et al. [46] rapportaient 40 % de resaignement
si une chirurgie était pratiquée dans les 4 premières heures de la constitution de l’HIC.

En résumé, le traitement chirurgical doit s’appliquer en théorie le plus tôt possible car cet effort
améliore l’évolution des patients. Cependant, le risque de resaignement secondaire à une ablation
du caillot trop précoce devrait nous orienter vers l’utilisation de méthodes médicales associées
réduisant le risque hémorragique.

La difficulté du traitement chirurgical de l’HIC reste l’indication, car les résultats de nos procédures
sont finalement à ce jour peu convaincantes malgré des protocoles techniques sûrs. Cette indication
doit être l’objet multidisciplinaire à mener avec nos collègues neurologues vasculaires et adapté à
chaque patient. C’est par l’analyse de quelques éléments comme l’hypertension intracrânienne, les
caractéristiques de l’HIC, la cause, l’existence d’une encéphalopathie vasculaire sous-jacente et d’une
vasculopathie systémique que sera prise la décision d’évacuer cette HIC sans que l’on puisse fixer
des recommandations avec critères. Nous détaillons ces différents éléments décisionnels.

Hypertension intracrânienne
Sa part de responsabilité dans la présentation clinique doit être déterminée à côté du syndrome
de destruction cortico-sous-cortical lié au développement de l’HIC. En effet, sa résolution chi-
rurgicale permettra une amélioration (conscience par exemple) et surtout d’éviter les consé-
quences hémodynamiques axiales d’une hypertension intracrânienne non résolue.

Caractéristiques de l’HIC
Les caractéristiques morphologiques de l’HIC en imagerie sont un élément décisionnel crucial.

Topographie
Par comparaison avec les HIC profonds ou thalamo-striés, les hématomes lobaires, capsulaires
extrêmes ou externes sont des indications chirurgicales soldées d’un meilleur pronostic [7, 19].
La distance de 1 cm de la surface corticale de l’HIC en fait une indication pertinente du traitement
chirurgical avec amélioration significative de l’évolution clinique à long terme. L’efficacité des
procédures mini-invasives pour les HIC profonds est significative sur le volume de l’HIC sans
majoration de la morbidité.

160 /
Traitement chirurgical des hémorragies cérébrales

Volume
Si les HIC de petite taille n’ont aucune indication chirurgicale, un diamètre supérieur à 3 cm
d’HIC doit faire discuter l’indication pour améliorer l’altération de la microperfusion péri-
hématique. Dans l’espace confiné infratentoriel, ce seuil de 3 cm est un des critères d’indication
affiché dans les recommandations (Stroke, 2015). En supratentoriel, l’effet de masse sur la ligne
médiane, l’existence d’un œdème périhématique, et le respect des zones éloquentes doivent
emmener vers des propositions d’ablation afin d’améliorer les conditions de perfusion loco-
régionales du parenchyme.

Cause
Certaines causes sont à traiter en urgence afin d’éviter des processus de resaignement comme
les anévrismes et les fistules durales. Leur traitement se fait « en passant ». Les autres malfor-
mations vasculaires (malformation artérioveineuse, cavernome) exposent rarement au re-
saignement. D’autres seront à traiter secondairement comme une tumeur cérébrale sous-jacente
traitée dès que le diagnostic est suspecté. Quoi qu’il en soit, cette éventualité impose de pra-
tiquer des biopsies de paroi de la cavité d’HIC lors d’approche chirurgicale.

Encéphalopathie vasculaire sous-jacente ?


L’évaluation de la vasculopathie sous-jacente est un élément décisionnel en analysant l’existence
d’une leucoariose, de microbleeds, d’une atrophie corticale. En effet, la crâniotomie et la décom-
pression déterminent une hypotension intracrânienne associée à une pneumocéphalie. Ce dé-
séquilibre pressionnel intracrânien peut être à l’origine d’une anomalie de perfusion hémodyna-
mique parenchymateuse susceptible de décompenser lors de l’ablation du caillot. En outre,
l’interruption d’une prévention primaire ou secondaire par antiagrégants ou anticoagulants in-
hérente au traitement chirurgical peut se solder d’un événement thrombotique artériel
secondaire.

Comorbidité
La comorbidité sera déterminante dans les capacités de récupération du patient chez lequel un
handicap fonctionnel se greffe, source de décompensation d’appareils. En particulier, la vascu-
lopathie systémique, fréquente dans ce contexte, devra être évaluée soigneusement.

Les procédures chirurgicales utilisées pour traiter l’HIC sont efficaces sur le volume de l’héma-
tome, qu’elles soient microchirurgicales ou mini-invasives. Cependant, l’ablation du caillot dis-
cuté à partir d’essais cliniques randomisés semble améliorer l’évolution des patients lorsque ce
geste est réalisé dans les 8 h du saignement initial malgré la majoration du risque hémorragique.
Cette indication difficile à poser doit être évaluée pour chaque patient dans le cadre d’une
réflexion multidisciplinaire.

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Partie 2 – Phase aiguë

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/ 163
14

L’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA, aussi appelée hémorragie méningée) correspond le plus


souvent à la rupture d’un anévrisme artériel intracrânien responsable de l’irruption de sang dans
les espaces sous-arachnoïdiens. Les études épidémiologiques estiment que l’incidence annuelle
de cette pathologie varie entre 5 et 15 pour 100 000 habitants [1]. Au total, 42 % des patients
en décèdent, dont environ 20 % avant toute prise en charge médicale [2]. Cette urgence neu-
rovasculaire touche préférentiellement les sujets jeunes, de sexe féminin et en bonne santé. Les
principales complications vitales sont l’hydrocéphalie aiguë, qui doit être gérée dès son dia-
gnostic, même avant la sécurisation de l’anévrisme, et le resaignement précoce. Le vasospasme
(ou « ischémie retardée ») et les lésions qui en découlent sont responsables d’une grande partie
des évolutions défavorables.

L’HSA est définie par l’irruption de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens, due dans la majorité
des cas à la fissuration d’une paroi artérielle anormale. Spontanée, elle est majoritairement liée
à une rupture anévrismale. Les anévrismes sont localisés au niveau des gros vaisseaux (artères)
intracrâniens de la base du crâne, et plus particulièrement au niveau de leurs bifurcations
(Tableau I). Dans 80 % des cas environs, ils concernent la circulation cérébrale antérieure : artère
communicante antérieure, artère communicante postérieure, terminaison de l’artère carotide
interne, artère péricalleuse, artère cérébrale moyenne. On décrit classiquement l’anévrisme céré-
bral par un sac et un collet (base d’implantation sur l’artère porteuse) (Figure 1). Les localisations
multiples sont observées dans 20 à 30 % des cas. Lors de la rupture anévrismale, l’issue brutale
de sang entraîne une augmentation rapide de la pression intracrânienne à l’origine d’un ralen-
tissement, voire d’une interruption brève du flux sanguin. La rupture anévrismale entraîne la
formation d’un caillot intra-anévrismal, qui empêche la poursuite du saignement. La diminution

/ 165
Partie 2 – Phase aiguë

TABLEAU I ▼ Répartition des anévrismes intracrâniens selon leur localisation vasculaire


d’après [6].
Artère communicante antérieure 30 %

Artère communicante postérieure 24 %

Artère cérébrale moyenne 20 %

Artère carotide interne 7,5 %

Tronc basilaire 7%

Artère péricalleuse 4%

Artère cérébelleuse postéro-inférieure (PICA) 3,5 %

Autres 4%

FIGURE 1 Hémorragie sous-arachnoïdienne d’origine anévrismale.


A : Scanner cérébral sans injection typique d’une hémorragie méningée compliquée d’une hydro-
céphalie aiguë et d’une inondation ventriculaire (niveau dans les cornes postérieures). B : Recons-
truction par angioscanner d’un anévrisme de la communicante postérieure. C : Artériographie du
même anévrisme que sur l’image B). D : Photo peropératoire d’un anévrisme intracrânien.

de la pression intracrânienne ainsi qu’une augmentation de la pression artérielle permet secon-


dairement la restauration d’une pression de perfusion compatible avec un retour à la conscience.
C’est l’évolution habituellement observée chez les patients en grade I et II de la classification de
la World Federation of Neurosurgeons (WFNS – Tableau II) présentant un tableau clinique peu
sévère. En cas d’hémorragie méningée massive, d’inondation ventriculaire, d’hématome intra-
parenchymateux ou d’hypotension artérielle, la faillite des mécanismes de compensation et/ou
l’effet de masse aboutissent à la persistance d’une hypertension intracrânienne qui se traduit
cliniquement par des troubles de la conscience et/ou l’existence d’un déficit moteur : grades III,
IV et V de la classification de la WFNS avec un taux de mortalité et de morbidité

166 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

considérablement augmenté [3]. Le niveau de pression intracrânienne est corrélé au grade cli-
nique du patient : normal ou légèrement élevé chez les patients en grade I et II et habituellement
élevé chez les patients en grade IV et V. Au contact du liquide céphalorachidien (LCR), les
éléments figurés du sang et principalement les globules rouges et les plaquettes subissent l’effet
d’une hémolyse qui libère leur contenu. L’hémoglobine contenue dans les hématies se dégrade
progressivement pour donner l’oxyhémoglobine, substance toxique pour les vaisseaux, puis des
pigments biliaires qui vont colorer en jaune le LCR. On dit alors que le liquide est devenu
xanthochromique. Discrète à la première heure, cette hémolyse est visible dès la 6e h et atteint
son maximum au 3e jour pour durer encore 8 à 10 jours. La libération de l’oxyhémoglobine et
d’autres produits de dégradation des éléments figurés du sang est responsable d’une agression
de la paroi des vaisseaux. Elle est présente et entretenue durant toute la durée de l’hémolyse,
soit du 3e au 12-15e jour.

TABLEAU II ▼ Score WFNS (World Federation of Neurosurgeons).


Grade Glasgow Déficit moteur

1 15 Absent

2 13-14 Absent

3 13-14 Présent

4 7-12 Présent ou absent

5 3-6 Présent ou absent

Dans le même temps, une fibrinolyse spontanée va dégrader la fibrine. Plus l’hémorragie aura
été abondante, plus il y aura présence de fibrine dans les espaces sous-arachnoïdiens, et plus il
y aura risque de blocage des voies d’écoulement du LCR. Ce phénomène est présent dès la 3e h
après le début de l’hémorragie. Dans les jours suivants, ce risque diminue théoriquement du fait
de l’action de la fibrinolyse, mais sans disparaître du fait de l’installation d’une l’inflammation
cicatricielle de l’arachnoïde entretenue par la présence de débris fibrineux et de restes des héma-
ties hémolysées.

Ces phénomènes physiopathologiques, proportionnels à la quantité de sang épanché, sont pré-


sents, quelle que soit la cause de l’hémorragie méningée et vont durer de 10 à 15 jours en
moyenne.

Le tableau clinique est souvent évocateur : la céphalée brutale est le signe cardinal, elle survient
le plus souvent au cours d’un effort (coït, défécation, activité sportive), fréquemment accompa-
gnée de nausées, de vomissements et d’un syndrome méningé apyrétique. Les troubles de la
conscience sont variables, allant d’une conscience normale au coma profond. L’apparition brutale
de ce tableau chez un sujet jeune, auparavant en bonne santé, est très évocatrice d’hémorragie
méningée anévrismale. Les signes neurologiques focaux et les crises convulsives ne sont pas
rares. Ils peuvent être présents d’emblée, évocateurs d’un hématome intracérébral associé, ou
apparaître secondairement, et dans ce cas, être plus évocateurs d’un vasospasme. L’hémiplégie
est de diagnostic facile mais il faut s’attacher à retrouver également une aphasie, une hémia-
nopsie, des troubles sensitifs, dont le diagnostic est difficile chez les patients confus. Une para-
lysie de la 3e paire crânienne (diplopie, mydriase unilatérale) doit aussi être recherchée car elle
est évocatrice d’une rupture d’un anévrisme localisé sur l’artère communicante postérieure ou,

/ 167
Partie 2 – Phase aiguë

plus rarement sur l’artère cérébelleuse supérieure. Des formes graves d’emblée peuvent exister
avec coma voire mort subite par inondation massive des espaces sous-arachnoïdiens. Des ano-
malies du fond d’œil peuvent aider au diagnostic : hémorragies rétiniennes ou vitréennes (syn-
drome de Terson) ou un œdème papillaire témoin de l’hypertension intracrânienne.

Scanner cérébral
Le scanner cérébral sans injection de produit de contraste reste le premier examen à réaliser en
urgence devant toute suspicion d’hémorragie méningée (Figure 1). Il permet d’établir le dia-
gnostic positif en mettant en évidence une hyperdensité spontanée des espaces sous-
arachnoïdiens. Il offre également la possibilité d’évaluer l’importance de cette hémorragie que
l’on peut apprécier par la classification de Fisher (Tableau II), prenant en compte la quantité de
sang présent dans les espaces sous-arachnoidiens, les citernes et les ventricules. Enfin, son inter-
prétation s’attachera également à rechercher une complication cérébrale initiale : hydrocéphalie
aiguë, hématome intracérébral, infarctus cérébral associé. En cas de doute d’interprétation, les
images doivent faire l’objet d’une télétransmission vers un centre de référence. Le scanner se
normalise en quelques jours par effet de lavage des espaces sous-arachnoïdiens. Ainsi, plus le
scanner est réalisé précocement, plus il est sensible. Un scanner normal n’élimine pas le diag-
nostic d’hémorragie méningée. Le scanner peut être négatif à la phase aiguë, notamment lors
des HSA de faible abondance. Certains auteurs envisagent une angio-TDM pour les patients ayant
un scanner cérébral sans injection normal et un tableau clinique typique, des facteurs de risque
(crise comitiale, déficit neurologique, antécédent de MAV, HSA), une maladie génétique (type
Marfan ou polykystose ou consommation de cocaïne) ou en s’aidant du score d’Ottawa (âge
> 40 ans, douleur ou rigidité nucale, syncope, céphalée à l’effort, flexion nucale limitée, céphalée
en coup de tonnerre) afin de limiter l’utilisation des ponctions lombaires. Cette démarche est
en cours d’évaluation.

Ponction lombaire
Un tableau clinique évocateur avec un scanner normal impose la réalisation d’une ponction
lombaire (PL) atraumatique, par un opérateur entraîné. Le recueil de LCR clair élimine définiti-
vement le diagnostic. À l’inverse, la présence de LCR xanthochromique et incoagulable témoigne
d’une hémorragie méningée. Toute nouvelle dégradation neurologique dans les heures suivant
la PL impose la réalisation d’un nouveau scanner à la recherche d’un resaignement.

Imagerie par résonance magnétique (IRM)


L’imagerie par résonance magnétique (IRM) couplée à l’angiographie par résonance magnétique
(ARM), est une alternative, en particulier chez les patients présentant un scanner cérébral normal
et chez lesquels la réalisation d’une ponction lombaire s’avère risquée (prise d’anticoagulants,
aspirine) ou bien chez la femme enceinte. Les séquences FLAIR et T2* sont particulièrement sen-
sibles pour détecter un saignement intracrânien. L’IRM en coupe axiale peut montrer la dilatation
anévrismale (vide de signal pour la partie circulante, signal hétérogène dans une partie thrombosée).
Les ARM actuelles sont capables d’identifier des anévrismes de quelques millimètres.

168 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

Angioscanner
L’angioscanner avec reconstruction tridimensionnelle prend une place croissante, pour préciser
la taille, la forme du sac et du collet et les rapports de l’anévrisme avec les structures vasculaires
adjacentes (Figure 1). Il permet de visualiser les anévrismes de plus de 2 à 3 mm avec une
sensibilité et une spécificité satisfaisantes, de les mesurer même s’ils sont partiellement throm-
bosés, et d’évaluer leurs rapports anatomiques en obtenant des données tridimensionnelles. En
revanche, sa nature opérateur dépendant, rend parfois nécessaire le transfert des images natives
au neuroradiologue référent pour une relecture voire une nouvelle reconstruction.

Angiographie cérébrale
Une fois le diagnostic d’HSA établi, son étiologie sera précisée grâce à la réalisation, en urgence,
d’une angiographie cérébrale (Figure 1). Elle sera alors réalisée dans le premier temps du traite-
ment endovasculaire. Elle comporte une étude de quatre axes nourriciers du polygone de Willis
(artères carotides et vertébrales + tronc basilaire) avec des incidences multiples. Elle met en
évidence l’anévrisme artériel (image d’addition opacifiée au temps artériel précoce), précise son
volume, ses rapports avec les axes vasculaires, sa forme et le siège du collet.

Les facteurs de mauvais pronostic sont : un âge supérieur à 60 ans, un haut grade clinique à la
prise en charge, établi selon la classification de la WFNS (Tableau II), un score tomodensitomé-
trique de Fisher élevé (Tableau III), un resaignement, la taille et la localisation de l’anévrisme [4].
L’âge et l’hydrocéphalie à l’admission sont des critères pronostics associés [5].

TABLEAU III ▼ Score de Fisher. TDM : tomodensitométrie.


Grade Aspect TDM

1 Pas de sang

2 Hémorragie diffuse, peu dense, pas de caillot

3 Hémorragie dense, caillot scissural ou cisternal

4 Présence de sang dans le système ventriculaire ou hématome intracérébral

La protéine S100 bêta est sécrétée par le système nerveux central et peut être retrouvée dans
le plasma après lésion de la barrière hémato-encéphalique. Sa concentration est corrélée à la
gravité de l’atteinte cérébrale au cours des hémorragies méningées anévrismales. Son dosage
quotidien permet un dépistage des lésions ischémiques secondaires et fait partie des outils du
monitorage multimodal dédié aux patients souffrant d’une hémorragie méningée anévrismale [6].

Enfin, la combinaison du score de Glasgow, de la valeur de troponine I et de la protéine S100


beta permet d’obtenir un score pronostic appelé le score ABC (Admission Bio-Clinical Score) qui
permet de prédire le pronostic des malades à 1 an dès leur admission [7].

/ 169
Partie 2 – Phase aiguë

Tout patient présentant une hémorragie méningée anévrismale doit être hospitalisé dans un
centre de référence comprenant des neurochirurgiens, des neuroréanimateurs et des neuro-
radiologues. Il doit être pris en charge en neuroréanimation ou dans une réanimation polyvalente
ayant une compétence spécifique en neuroréanimation. La prise en charge pluridisciplinaire a
pour but de prévenir et/ou de traiter les complications précoces, de surveiller et de traiter le
vasospasme. Le traitement précoce dans les 72 premières heures du sac anévrismal s’impose. Il
a pour objectifs d’éviter le resaignement et de permettre d’optimiser la pression de perfusion
cérébrale (PPC) ainsi que de prévenir les conséquences ischémiques de l’hypertension intra-
crânienne (HTIC).

Le traitement curatif précoce de l’anévrisme visualisé à l’angiographie cérébrale initiale consiste


à exclure le sac anévrismal de la circulation cérébrale, soit chirurgicalement soit par voie endo-
vasculaire. Le choix de l’option thérapeutique doit résulter d’une discussion entre chirurgiens,
neuroradiologues interventionnels et neuroanesthésistes. Celui-ci doit tenir compte de la loca-
lisation de l’anévrisme, de son aspect morphologique, de l’état clinique et des antécédents du
patient. La disponibilité et l’expérience des équipes chirurgicale et neuroradiologique sont des
critères qui interviennent dans la discussion.

Traitement endovasculaire
Depuis l’étude ISAT [8], le traitement endovasculaire est la technique recommandée lorsqu’elle est
possible. Son objectif est d’occlure l’anévrisme par des coils à détachement contrôlé, introduits par
voie endovasculaire, dans le sac anévrismal. Il se déroule en deux phases : microcathétérisme du
sac anévrismal et occlusion de la poche anévrismale (Figure 2). Les limites du traitement endovas-
culaire tiennent avant tout à la taille du collet surtout lorsqu’il est large. Néanmoins, la technique
de « remodeling », consistant à gonfler de façon temporaire un ballonnet en regard du collet
anévrismal lors du déploiement des coils, permet de traiter la plupart des anévrismes présentant
un collet large. La survenue d’une thrombose en cours d’embolisation doit faire envisager un
traitement par un fibrinolytique in situ ou par un agent antiplaquettaire. En cas de déficit neuro-
logique apparaissant dans les suites de la procédure, une exploration tomodensitométrique sera
impérativement réalisée afin d’éliminer un resaignement. Une thrombolyse peut se discuter dans
les 6 h suivant la constitution de la thrombose. Une dérivation ventriculaire externe (DVE) peut
être mise en place après l’embolisation. La pose se fera soit après l’arrêt et élimination de l’héparine
circulante, soit après antagonisation par protamine, ce qui n’est pas sans danger. Cela explique
pourquoi il est particulièrement indiqué de poser la DVE avant l’embolisation.

Traitement neurochirurgical
En cas d’engagement cérébral sur hématome, la réalisation d’une artériographie ne peut être
envisagée. Un angioscanner de qualité suffisante autorise, sans attendre, la prise en charge de
l’anévrisme. Dans ces formes graves, le pronostic dépend de la précocité du traitement chirurgical
qui consiste en la pose d’un clip sur le collet de l’anévrisme, précédée d’une évacuation de
l’hématome. Lorsque les malades présentent des signes cliniques (trouble de vigilance) ou para-
cliniques (scanner, doppler transcrânien) évocateurs d’œdème cérébral, la chirurgie devra être
évitée tant que possible car le risque de lésions liées aux écarteurs est trop important. En
revanche, la localisation sylvienne chez un malade classé WFNS 1 reste une indication intéres-
sante de chirurgie (Figure 2). Si le malade est pris en charge tardivement entre le 4e et le 8e jour

170 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

après le saignement, ou si l’artériographie et/ou le scanner retrouve des signes de vasospasme,


la chirurgie ne pourra pas être proposée, la manipulation des vaisseaux en peropératoire majorant
de manière franche le risque de vasospasme postopératoire. Pour ces malades, si la technique
endovasculaire est impossible, il sera alors proposé de repousser au 8e jour le geste d’exclusion
chirurgicale.

FIGURE 2 Exclusion du sac anévrismal.


En haut : Artériographie mettant en évidence un anévrisme du tronc basilaire avant et après la
procédure de « coiling » par voie endovasculaire. En bas : Artériographie mettant en évidence un
anévrisme termino-carotidien avant et après la procédure de « clipping » par voie
neurochirurgicale.

Traitement différé
Lorsque les constantes vitales ne sont pas stabilisées dans les suites d’une cardiomyopathie
adrénergique ou bien d’un œdème pulmonaire neurogénique sévère, l’exclusion anévrismale sera
repoussée. Parfois, une abstention thérapeutique sera choisie si les lésions cérébrales initiales
consécutives à la rupture anévrismale sont trop importantes ou si le patient présente des signes
de gravité extrêmes (engagement cérébral) dans un contexte de coma profond.

/ 171
Partie 2 – Phase aiguë

Hypertension intracrânienne et hydrocéphalie aiguë


L’hémorragie méningée anévrismale s’accompagne fréquemment d’une HTIC chez les patients
en grade clinique élevé et résulte le plus souvent d’un ou plusieurs des mécanismes suivants :
■ un hématome intracérébral pouvant accompagner l’HSA dans 20 % des cas et être direc-
tement responsable d’une HIC. Dans ce cas, on discutera de son évacuation chirurgicale en
y associant le traitement chirurgical de l’anévrisme lui-même. En cas d’engagement cérébral
et si la localisation de l’hématome au scanner est suffisamment accessible, le traitement
chirurgical de l’anévrisme peut être réalisé sans angiographie diagnostique car dans ces
formes graves, le pronostic dépend de la précocité du traitement chirurgical ;
■ un œdème cérébral peut s’installer dans les heures qui suivent l’HSA. Il impose un moni-
torage de la pression intracrânienne (PIC), au mieux par cathéter intraventriculaire ;
■ une hydrocéphalie résultant du trouble de la résorption du liquide cérébrospinal induite
par le sang présent dans les espaces sous-arachnoïdiens peut survenir rapidement. Les signes
radiologiques de dilatation ventriculaire sont discrets dans les premières heures. Les signes
scanographiques devant faire évoquer une hydrocéphalie sont l’apparition d’une dilatation
des cornes temporales ou l’augmentation de l’index bicaudé, ainsi que la présence de signes
de résorption transépendymaires. Elle impose la mise en place d’une DVE en urgence. Dans
ce cas, et si un geste endovasculaire est envisagé, la DVE devrait être posée avant l’embo-
lisation car l’héparinothérapie per- et postembolisation gênera sa pose ultérieure. Le niveau
de drainage de la poche sera déterminé par l’exclusion ou non de l’anévrisme. Avant la
sécurisation de l’anévrisme, le maintien d’une contre-pression sur le sac anévrismal par un
niveau de drainage haut (> 15 cm d’eau), permet d’éviter un drainage excessif, source d’HTIC,
favorisant le resaignement.

Les facteurs prédictifs de l’hydrocéphalie sont l’âge, l’hémorragie intraventriculaire, l’importance


de l’HSA et la localisation de l’anévrisme sur la circulation postérieure.

Le doppler transcrânien (DTC) permet d’objectiver des signes suggérant une HTIC. En effet, la
technique a été décrite au début des années 1980. En utilisant l’effet doppler, on peut mesurer
la vélocité des globules rouges dans certains gros troncs artériels cérébraux. Le DTC est l’outil
de choix pour dépister les patients à risque d’ischémie cérébrale par HTIC et cibler les théra-
peutiques. Il n’y a pas vraiment de valeur seuil de vélocité ou d’index de pulsatilité [IP = (VS-
VD)/VM] définies dans la littérature ; cependant, certains travaux montrent qu’une vitesse dias-
tolique inférieure à 20 cm/s à l’arrivée à l’hôpital prévoit une évolution défavorable avec une
bonne sensibilité et spécificité. La diminution globale des vélocités intracérébrales et l’augmen-
tation de l’IP sont corrélées aux grades cliniques élevés et donc à une baisse de la perfusion
cérébrale [9]

L’hypertension artérielle (HTA), qui s’inscrit dans le cadre d’un réflexe de Cushing (hypertension
artérielle avec bradycardie et ataxie respiratoire) contribue au maintien d’un niveau minimal de
la pression de perfusion cérébrale (PPC) lors du saignement. Dans ces conditions, le traitement
de cette HTA relève d’un nécessaire compromis entre le risque de resaignement et celui d’hypo-
perfusion cérébrale.

172 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

Resaignement précoce
L’objectif premier du traitement de l’anévrisme est d’éviter la récidive hémorragique par une
exclusion précoce. Le resaignement s’accompagne d’une mortalité de plus de 70 %. C’est la
raison pour laquelle les anévrismes doivent être traités, autant que faire se peut, dans les 48
premières heures. Le pronostic est considérablement aggravé par la survenue d’un resaignement.
Ce risque est maximal durant les 24 premières heures et concerne 5 à 22 % des patients selon
les études. Il existe un pic d’incidence durant les 2 premières heures de la prise en charge et
près d’un tiers des resaignements se produisent en préhospitalier. La fissuration anévrismale est
favorisée par les variations de pression transmurale définie par la différence entre la pression
régnant à l’intérieur du sac et la pression entourant l’anévrisme. À la phase initiale de la prise
en charge, le but de la réanimation est donc d’éviter les variations importantes de cette pression
transmurale, dont les deux déterminants sont la pression artérielle systolique et la pression
intracrânienne. Ainsi le drainage excessif d’une hydrocéphalie aiguë peut occasionner un resai-
gnement en diminuant rapidement la PIC, et le risque existe également lors d’une poussée
hypertensive. Mais la prévention du resaignement repose surtout sur l’exclusion précoce du sac
anévrismal.

Lésions cérébrales ischémiques retardées


et vasospasme
L’ischémie cérébrale retardée (ICR) est une complication non provoquée par le mécanisme pri-
maire de l’HSA ou par un événement systémique ; elle survient à distance (quelques jours) de
l’hémorragie méningée. Elle entraîne une détérioration neurologique qui se traduit par un déficit
neurologique focal ou à la perte d’au moins deux points au niveau du score de Glasgow pendant
au moins une heure et qui n’était pas présente après l’occlusion de l’anévrisme. Le terme de
vasospasme est réservé à la description radiologique [10]. Certains travaux ont montré que
plusieurs mécanismes étaient impliqués dans la genèse de l’ICR comme le développement de
microthrombi [11], ou une atteinte de la microcirculation avec un dysfonctionnement endo-
thélial [12]. L’ICR survient dans 30 % des cas et notamment entre J3 et J14 suivant le saigne-
ment [10] Le vasospasme artériel cérébral constitue l’une des complications les plus graves de
l’hémorragie méningée anévrismale. Il correspond à une réduction localisée ou diffuse du dia-
mètre de la lumière des artères cérébrales ; son mécanisme est encore discuté, on accuse la
présence d’oxyhémoglobine, un épaississement de la paroi vasculaire, une contraction musculaire
par augmentation du calcium intracellulaire [13] ; sa survenue est associé à une mortalité doublée
dans les 2 semaines suivant la rupture anévrismale. Le vasospasme est d’autant plus fréquent
que le patient est jeune, hypertendu, tabagique, qu’il présente un grade de Fisher élevé, un haut
grade clinique (WFNS IV et V) et une atteinte myocardique avec bas débit [14]. Cette compli-
cation survient préférentiellement entre le 4e et le 12e jour d’évolution et touche non seulement
les artères proximales mais également les artères distales. Ce temps d’installation explique la
nécessité d’un dépistage rapide reproductible au lit du patient et non invasif par doppler
transcrânien.

Diagnostic du vasospasme
Le diagnostic de vasospasme est suspecté devant l’apparition d’une fièvre, de troubles de la
conscience, d’un déficit moteur ou sensitif, associés à une accélération des vélocités moyennes
du réseau vasculaire cérébral au doppler transcrânien [16]. Les valeurs seuils dépendent de chaque
territoire vasculaire, et la valeur seuil retenue pour l’artère cérébrale moyenne est de 120 cm.s-1

/ 173
Partie 2 – Phase aiguë

après normalisation, le cas échéant, de la capnie et de la volémie [17]. Ce tableau impose la


réalisation d’un scanner cérébral en urgence afin d’éliminer une ischémie cérébrale constituée,
une hydrocéphalie, un hématome intraparenchymateux ou un resaignement, puis d’une imagerie
vasculaire (angioscanner ou angiographie cérébrale). L’angiographie cérébrale reste l’examen
diagnostic de référence. Le dosage de la protéine S100B peut également avoir une valeur pro-
nostique ; en effet, son augmentation signe la sévérité et la nature ischémiante du vasos-
pasme [6]. L’utilisation d’un biomarqueur telle que la protéine S100 beta peut également être
intéressante et orienter vers le diagnostic de vasospasme [15].

Prise en charge
Sa prévention repose sur l’utilisation de la « H thérapie » et d’un traitement anticalcique à
tropisme cérébral. La « H thérapie » associe hypertension artérielle, en conservant une normo-
volémie, avec un débit cardiaque normalisé. Le traitement vasoconstricteur par noradrénaline
est administré en réanimation, sous monitorage continu approprié, comportant au minimum la
mesure invasive de la pression artérielle. La triple « H » thérapie anciennement préconisée, qui
associe l’hémodilution, l’hypervolémie et l’hypertension artérielle n’a pas fait la preuve de son
efficacité et n’est ainsi plus considérée comme une stratégie adéquate [18]. L’administration
d’un anticalcique à tropisme cérébral, la nimodipine, est systématique pendant 21 jours, per os
et par voie intraveineuse au moindre doute sur le transit et l’absorption gastrique. Il s’agit d’un
inhibiteur calcique voltage-dépendant doté d’un effet vasodilatateur sur la microcirculation, qui
favorise le développement de la circulation collatérale et également d’un possible effet protec-
teur sur le parenchyme cérébral [19]. Un traitement par des faibles doses quotidiennes de statine
a aussi été proposé en prévention du vasospasme avec des diminutions significatives de concen-
tration de PS100 beta mais aucune preuve statistique d’amélioration du pronostic [20, 21].

En cas d’échec du traitement médical et en l’absence d’ischémie cérébrale trop étendue, un


traitement endovasculaire de type mécanique (angioplastie) ou pharmacologique (chimiodilata-
tion intra-artérielle par nimodipine, milrinone, etc.) (Figure 3) sera discuté. Des études ont sug-
géré l’efficacité de la nimodipine intra-artérielle [22]. Plus récemment, plusieurs travaux ont
montré l’efficacité de la milrinone, inhibiteur de la phosphodiestérase, en intra-artériel associé
à une perfusion intraveineuse [23-25]. L’utilisation de ces traitements peut avoir un effet assez
important sur l’hémodynamique générale en générant une baisse de la pression artérielle, avec
la nécessité de recourir aux vasopresseurs intraveineux en parallèle [26].

Convulsions
Des crises convulsives peuvent survenir à divers moments après l’hémorragie méningée. Elles
sont dites précoces ou tardives selon leur apparition avant ou après les 12 à 24 premières heures.
Les convulsions précoces, présentes dans 6 à 25 % des cas, peuvent résulter de l’hypoperfusion
cérébrale lors du saignement initial et sont associées à un mauvais pronostic. Les convulsions
tardives peuvent apparaître suite à un resaignement [27]. Enfin, une maladie épileptique s’installe
chez 7 à 12 % des patients avec, comme facteurs prédictifs indépendants retrouvés, la présence
d’un hématome sous-dural ou d’un infarctus cérébral.

Répercussions cardiovasculaires
L’hyperstimulation du système sympathique lors de la rupture d’anévrisme responsable d’un
« orage » adrénergique, entraîne souvent des perturbations cardiovasculaires et respiratoires
avec parfois des conséquences majeures du point de vue pronostique. Des troubles du rythme

174 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

FIGURE 3 Artériographie effectuée 6 jours après une hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture
d’anévrisme, présentant une accélération franche des vitesses au Doppler transcrânien et mettant
en évidence un vasospasme avant (photo de gauche) et après le traitement par nimodipine in
situ (photo de droite).

cardiaque sont présents dans 50 % des cas au décours d’une HSA [28, 29]. Des anomalies du
rythme et de la conduction à l’étage supraventriculaire et ventriculaire sont fréquemment obser-
vées. Les anomalies intéressant le segment ST, l’onde T et l’intervalle QT sont les plus fréquentes.
Néanmoins, ces modifications sont rarement symptomatiques et souvent spontanément réso-
lutives. L’apparition d’un bloc auriculo-ventriculaire ou sino-auriculaire est exceptionnelle. Ces
troubles peuvent mettre en jeu le pronostic vital et justifier parfois la pose d’un stimulateur
endocavitaire (pacemaker). Les anomalies ECG ne sont pas prédictives de survenue d’ischémie
cérébrale ou de mauvais devenir neurologique [30]. L’« orage catécholaminergique » lors de la
rupture anévrismale et de la montée brutale et sévère de la PIC se caractérise, au niveau car-
diaque, par un relargage massif de catécholamines dans la paroi myocardique à partir des ter-
minaisons nerveuses sympathiques. Il en résulte une sidération myocardique responsable d’une
insuffisance ventriculaire gauche connue sous le nom de « myocardite adrénergique ». Le tableau
clinique est celui d’un état de choc cardiogénique d’origine centrale ou neurogène, accompagné
de modifications électrocardiographiques non-spécifiques à type de troubles de la repolarisation
d’une surcharge pulmonaire à la radiographie, d’une élévation de la troponine Ic et du BNP
(peptide natriurétique). Les données de l’échocardiographie confirment le diagnostic en objec-
tivant une altération segmentaire ou globale de la fonction ventriculaire gauche. L’insuffisance
cardiaque aiguë aggrave souvent le pronostic neurologique des patients et complique leur prise
en charge. La durée de l’insuffisance cardiaque est très variable : de quelques heures à 5 jours.
Son évolution est le plus souvent favorable sous traitement tonicardiaque avec récupération ad
integrum de la fonction myocardique. L’augmentation de la troponine Ic est fréquente au cours
de l’HSA. Elle ne s’accompagne pas toujours d’une défaillance ventriculaire gauche. Elle ne résulte
pas d’une insuffisance coronaire mais d’une atteinte directe des cellules myocardiques par la
vidange massive in situ des catécholamines. Aucune exploration radiologique cérébrale ou geste
sur l’anévrisme (hormis TDM ou DVE) ne peuvent être autorisés avant stabilisation
hémodynamique.

/ 175
Partie 2 – Phase aiguë

Répercussions pulmonaires
L’atteinte respiratoire est double. La première composante est l’altération de la mécanique ven-
tilatoire qui associe des troubles de la commande centrale de la respiration à l’obstruction
possible et inopinée des voies aériennes supérieures avec chute de langue et régurgitation-
inhalation, caractéristiques des états comateux. Cette situation est plus fréquente chez les
patients en grade neurologique élevé (IV et V). Cette situation nécessite de recourir à l’intubation
et à la mise sous ventilation mécanique.

La seconde composante est l’atteinte alvéolo-capillaire qui se manifeste par un œdème aigu
pulmonaire lésionnel dit neurogénique qui résulte de la rupture de la membrane alvéolo-capillaire
et de processus inflammatoires. Les alvéoles sont alors inondées d’un liquide riche en protéines.
L’œdème aigu pulmonaire neurogénique peut parfois s’associer à l’œdème aigu pulmonaire car-
diogénique. S’il est plus fréquent chez les patients en grade élevé de la WFNS, il peut toutefois
s’observer chez les bas grades [29]. Bien que corrélées au risque de survenue d’un vasospasme,
ces complications n’influencent pas le devenir neurologique des patients [31].

Hypovolémie
Le jeûne prolongé, les nausées, les vomissements, l’altération de la vigilance, le « Cerebral Salt
Wasting Syndrome », ou CSWS (syndrome de perte de sel d’origine centrale) sont responsables
d’une hypovolémie. L’usage de produits de contraste lors des examens radiologiques, de même
que le recours à l’osmothérapie, en particulier le mannitol, pour traiter l’hypertension intra-
crânienne et/ou l’engagement, responsables d’une polyurie osmotique, est une cause iatrogène
d’hypovolémie.

Dysnatrémie
L’incidence de l’hyponatrémie se situe entre 30 et 40 %. Elle est le plus souvent due à un CSWS.
Ce syndrome décrit en 1950 [32] est caractérisé par une fuite importante d’eau et sodium dans
les urines. Ce syndrome est la conséquence d’une hypersécrétion centrale de peptide natriu-
rétique, analogue du peptide natriurétique atrial. Il associe une hyponatrémie de déplétion et
une hypovolémie. Ces conditions augmentent la vulnérabilité cérébrale, surtout en cas de vaso-
spasme, pouvant générer ou étendre les lésions ischémiques. Longtemps considéré comme la
cause principale d’hyponatrémie, le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiuré-
tique (SIADH), décrit pour la première fois en 1957, est en réalité nettement moins fréquent
que le CSWS lors de l’HSA. Le SIADH associe une hyponatrémie de dilution et un état d’hyper-
volémie. L’hyponatrémie, quel qu’en soit le mécanisme, peut aggraver l’état neurologique en
majorant l’œdème cérébral. Ces différences entre ces deux syndromes ne sont pas toujours
faciles à mettre en évidence, l’évaluation de la volémie pouvant être difficile dans un contexte
de réanimation. Néanmoins, les prises en charges s’opposent diamétralement. La surveillance au
moins quotidienne du bilan hydro-sodé et l’appréciation permanente de la volémie conditionnent
l’équipement du malade.

En cas de CSWS, le traitement consiste à restaurer le volume circulant avec des cristalloïdes et
la natrémie avec du NaCl iso-ou hypertonique de façon progressivement croissante. La perte de
sel persiste longtemps imposant des apports adaptés pendant plusieurs jours. On pourra utiliser
de la fludrocortisone ou de l’hemi-succinate d’hydrocortisone. Quant au traitement du SIADH,
il est basé sur la restriction hydrique qui peut avoir des répercussions catastrophiques en cas
d’erreur diagnostique.

176 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

Une insuffisance corticotrope par atteinte de l’axe hypothalamo-hypophysaire peut, dans cer-
tains cas, être une cause d’hyponatrémie. Elle doit être recherchée par un dosage du cortisol
plasmatique.

L’hypernatrémie peut être secondaire à un diabète insipide compliquant une atteinte de l’axe
hypothalamo-hypophysaire. Un dérèglement des osmorécepteurs centraux avec modification des
seuils de régulation pourrait aussi expliquer une partie des hypernatrémies observées. Un apport
massif de solutions riches en sodium est une cause iatrogène fréquente d’hypernatrémie s’accom-
pagnant dans ce cas d’une hyperchlorémie. Le diabète insipide se caractérise par une polyurie
hypo-osmolaire (densité urinaire proche de celle de l’eau), une hypernatrémie et une hypona-
triurèse à l’origine d’une déshydratation intracellulaire et d’un état d’hypovolémie. Il se traite
par compensation des pertes hydriques par des solutés hypotoniques, voire de l’eau lorsque c’est
possible et par l’administration de l’hormone antidiurétique (Minirin®).

Hydrocéphalie chronique
Une hydrocéphalie peut persister dans les semaines qui suivent la rupture anévrismale. Elle est
liée à la fibrose des espaces sous-arachnoïdiens et à une prolifération inflammatoire des cellules
des villosités arachnoïdiennes. Elle est plus fréquente chez les patients en grade élevé (WFNS).
Au plan clinique, les troubles de la conscience et les troubles psychiatriques organiques dominent.
C’est une hydrocéphalie communicante qui nécessitera la mise en place d’une dérivation
ventriculo-atriale ou ventriculo-péritonéale et peut transitoirement être traitée par la réalisation
de ponctions lombaires évacuatrices.

Reperméabilisation du collet
Une recirculation de l’anévrisme peut survenir au niveau de son collet dans les mois suivant le
traitement. Son incidence est devenue faible avec les nouveaux matériaux d’embolisation. Néan-
moins, sa recherche impose la réalisation de contrôles répétés (la plupart du temps en ARM)
chez les patients embolisés. La fréquence de ces examens ira en décroissant avec le temps en
cas de normalité.

La sédation des patients présentant une HSA grave gêne la surveillance clinique et impose un
monitorage continu des paramètres hémodynamiques, respiratoires (dont le CO2 expiré) et la
mesure continue de la pression intracrânienne et de la pression de perfusion cérébrale (PPC). Un
vasospasme sera recherché sur le DTC quotidien et au moindre doute, on réalisera un angio-
scanner, voire une angiographie (réalisée à titre systématique quelles que soient les données du
DTC à J7). Le traitement hémodynamique à haut niveau de PAM du vasospasme peut être un
facteur favorisant le développement d’un œdème cérébral vasogénique dans les zones saines, et
il est à noter que le traitement pharmacologique du vasospasme peut compromettre la PPC en

/ 177
Partie 2 – Phase aiguë

augmentant la PIC et diminuant la PAM. Un monitorage métabolique peut s’imposer afin de


mesurer l’impact du traitement entrepris. On citera par exemple la mesure de la saturation
veineuse jugulaire en oxygène (SvjO2), la pression tissulaire en oxygène (PtiO2) ou la microdialyse.

La pression tissulaire en oxygène reflète l’apport et la diffusion de l’oxygène dans le milieu


interstitiel. La mesure est corrigée en fonction de la température cérébrale. Elle se fait de manière
invasive dans le cortex et la substance blanche et nécessite une mise en place précise. Le seuil
de PtiO2 correspondant à une hypoxie tissulaire reste encore discuté. Le seuil ischémique critique
paraît être aux alentours de 15 à 20 mmHg [33]. La survenue de lésions ischémique est aussi
associée au temps passé en dessous d’un seuil hypoxique. La meilleure position de la PtiO2 reste
encore un débat. Elle est corrélée au débit sanguin cérébral local, à la pression de perfusion
cérébrale et à la pression artérielle en oxygène ; la réactivité à l’hyperoxie est souvent observée.
La PtiO2 trouve son intérêt dans la prévention de l’ischémie cérébrale à PPC normale. Elle peut
être utilisée dans la détermination d’un objectif de PPC optimal, c’est-à-dire la PPC minimale
pour laquelle la PtiO2 est au-dessus du seuil ischémique. Cette stratégie permet une prise en
charge individualisée [34]. La microdialyse cérébrale permet l’étude in vivo du milieu extra-
cellulaire cérébral.

Elle nécessite l’introduction, dans le cerveau, d’une sonde contenant une membrane semi-per-
méable à l’eau et aux petites molécules, permettant l’échange dans les deux directions par simple
diffusion et le recueil d’un liquide reflétant le milieu extracellulaire. Chez l’homme, au décours
d’un accident vasculaire cérébral ischémique, on observe, dans le territoire cérébral correspon-
dant à l’artère occluse, une augmentation massive du glutamate, de l’aspartate, du rapport
lactate-pyruvate et du glycérol [35]. Ces perturbations s’aggravent en cas d’hypertension intra-
crânienne associée [36]. La microdialyse cérébrale permet également le monitorage de l’ischémie
cérébrale retardée après HSA [37] ; certaines études ont même montré que les variations du
profil ischémique apparaissaient en moyenne 11 heures avant l’apparition du vasospasme symp-
tomatique [38]. Il s’agit d’une méthode invasive de monitorage locale et discontinue ; son impact
sur le devenir des patients n’est pas encore clairement démontré.

L’hémorragie méningée par rupture anévrismale est une pathologie grave, de survenue brutale
chez des sujets le plus souvent jeunes et sans antécédent. Son diagnostic est urgent et doit
conduire au transfert du patient dans un centre neurochirurgical. La prise en charge spécifique
de cette pathologie implique une collaboration entre l’urgentiste qui accueille le patient, le
neurochirurgien, le neuroradiologue et l’anesthésiste réanimateur (Figure 4). Les conséquences
de la rupture anévrismale peuvent affecter différents organes avec une morbidité et une mor-
talité élevées. L’amélioration de la formation de tous les intervenants dans la chaîne de prise en
charge est le moyen le plus efficace pour améliorer le pronostic des patients. Pour cela, des
recommandations claires et précises sont régulièrement élaborées par les sociétés savantes [39].

178 /
Traitement médical des hémorragies sous-arachnoïdiennes

FIGURE 4 Prise en charge HSA à la phase aiguë.

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180 /
15

L’incidence globale de l’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA), par rupture d’anévrisme intracrânien


(AIC), est de 4 à 10/100 000 [1]. L’HSA constitue la forme la plus rare d’accident vasculaire cérébral
(AVC) [2]. Elle comporte une morbi-mortalité élevée [3], qui affecte une population plus jeune que
celle victime d’AVC ischémique. Les recommandations nord-américaines et européennes [4, 5] concer-
nant le traitement à la phase aiguë d’un AIC rompu soulignent l’importance d’une discussion pluri-
disciplinaire quant au choix de la technique d’occlusion, chirurgicale par clip ou endovasculaire par
embolisation. Neurochirurgiens vasculaires et neuroradiologues interventionnels évaluent ainsi, au cas
par cas, le type de traitement le plus adapté, à partir d’éléments liés à l’anévrisme (taille et morphologie
du collet, anatomie) et au patient (âge, comorbidités, présence d’un hématome parenchymateux
compressif). Les objectifs de ce chapitre sont de décrire les différentes techniques, chirurgicales et
endovasculaires, permettant le traitement d’un AIC à la phase aiguë de sa rupture.

Prévenir un resaignement
La complication la plus redoutée à court terme après la rupture d’un AIC est la survenue d’un
resaignement précoce. Une telle récidive hémorragique est associée à une mortalité d’environ
50 % [6] et est constatée chez 15 % des patients, au cours des premières heures après l’hémor-
ragie initiale [7], le plus souvent avant toute prise en charge hospitalière (durant le transport
préhospitalier ou en intrahospitalier, avant tout traitement de l’AIC).

/ 181
Partie 2 – Phase aiguë

Le moment de survenue d’un resaignement et les facteurs de risque d’une telle complication
ont été étudiés. Van Donkelaar et al. [8] ont constaté, parmi 1 205 patients inclus entre 1998
et 2014, la survenue de 70 resaignements (5,8 %) dans les 24 h suivant l’admission du patient,
avec un taux de mortalité de 57 %. Une méta-analyse récente [9], incluant près de 6 000 patients
(14 cohortes), montre que la plupart des resaignements surviennent au cours des 6 premières
heures suivant la rupture initiale. Les facteurs de risque de resaignement seraient une pression
artérielle systolique élevée, un grade clinique de Hunt et Hess élevé, un anévrisme dont la taille
est supérieure à 10 mm et une localisation au niveau de la circulation postérieure [9] (Tableau I).
Dans cette méta-analyse, le risque cumulatif de resaignement est de 35 à 40 % tant que l’ané-
vrisme rompu n’est pas traité, avec une mortalité d’environ 40 %. Après 4 semaines, le risque
de resaignement n’est plus que d’environ 3 %/an [10].
Une méta-analyse a évalué l’impact clinique d’un traitement précoce chirurgical (J0-J3), semi-
précoce (J4-J7) et retardé (J7-J10) de l’AIC rompu [11]. L’observation de 1 814 patients présen-
tant une hémorragie méningée anévrismale montre que le traitement précoce des anévrismes
rompus (dans les 72 h après l’HSA) offre, chez des patients présentant un bon grade clinique à
l’admission (WFNS 1-3), une meilleure évolution clinique. Une tendance similaire est constatée
chez les patients avec des grades cliniques plus graves (WFNS 4-5) [11]. Il est recommandé
aujourd’hui de traiter les anévrismes rompus des patients présentant une HSA avec un grade
WFNS 1-4 ou Hunt Hess grade I-IV dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans les premières 72 h
après le saignement initial. Chez les patients présentant des anévrismes intracrâniens multiples,
le traitement des anévrismes non rompus, additionnels, dépendra de l’évolution clinique du
patient après l’HSA, de l’âge du patient, de la taille, de l’emplacement et de la configuration de
l’anévrisme.

Traiter l’anévrisme rompu


et permettre la prévention du vasospasme
Le vasospasme artériel intracrânien est une complication redoutée de l’HSA anévrismale. Avec
un pic d’incidence à la fin de la première semaine après la rupture anévrismale (J5-J7), un
traitement médical préventif est recommandé. Outre un traitement par inhibiteur calcique et le
maintien d’une volémie élevée, une hypertension artérielle doit être respectée voire peut être
induite par l’utilisation de drogues vasopressives [5]. Or, l’hypertension artérielle augmente le
risque de resaignement de l’anévrisme rompu ; aussi, elle ne pourra être tolérée ou induite
qu’après traitement de l’anévrisme. La prévention du vasospasme est donc un argument sup-
plémentaire de traitement précoce de l’anévrisme rompu [5].

TABLEAU I ▼ Facteurs de risque de resaignement précoce d’un anévrisme rompu, d’après Tang
et al. [9].
Odds ratio 95 % CI

Pression artérielle systolique > 160 mmHg 2,39 1,49–3,84

Grade Hunt et Hess III-IV 3,43 2,33–5,05

Saignement intraventriculaire ou intraparenchymateux (Fisher 4) 1,65 1,33–2,05

Anévrisme de la circulation postérieure 2,15 1,32–3,49

Taille de l’anévrisme > 10 mm 1,70 1,35–2,14

182 /
Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus

L’objectif principal du traitement de l’anévrisme rompu est son exclusion de la circulation arté-
rielle. Pour cela, deux options thérapeutiques principales sont possibles : l’exclusion neuro-
chirurgicale par mise en place d’un clip et le traitement endovasculaire par embolisation.

Embolisation par spires détachables (coils)


Serbinenko est considéré comme le pionnier du traitement endovasculaire des AIC, réalisant la
première occlusion d’un anévrisme intracrânien en utilisant un ballon amené au sein du sac
anévrismal, tout en préservant le vaisseau porteur [12]. Par la suite, Guglielmi a révolutionné
l’abord endovasculaire au début des années 1990 en proposant des spires de platine (coils) dont
le détachement était contrôlable par impulsion électrique (Guglielmi Detachable Coils –
GDCs) [13, 14]. Depuis, les progrès considérables de cette technique font de l’embolisation le
traitement de première intention de la majorité des AIC rompus.

La technique consiste à réaliser un cathétérisme de l’axe supra-aortique afférent à l’anévrisme


(artère carotide interne ou vertébrale) à l’aide d’un cathéter porteur introduit par voie fémorale.
Ce cathéter porteur, dont le diamètre peut varier de 5 à 8 French, est positionné, en s’aidant
d’un guide, au niveau de l’artère carotide interne cervicale sous pétreuse ou au niveau de la
jonction des segments V2-V3 de l’artère vertébrale, en fonction de la localisation de l’anévrisme.
On introduit alors, dans la lumière du cathéter porteur, un microcathéter, sur un microguide,
que l’on va positionner prudemment au sein du sac anévrismal. On fait alors progresser au sein
de la lumière du microcathéter les spires de platine (coils), dont la souplesse, le diamètre et la
longueur de déploiement seront choisies en fonction des caractéristiques de l’anévrisme cible
(orientation, profondeur et petit diamètre du sac, largeur du collet). Ces différentes informations
anatomiques sont obtenues après réalisation d’une acquisition 3D par rayons X, synchronisée à
l’injection intra-artérielle depuis le cathéter porteur d’un bolus d’une vingtaine de millilitres de
produit de contraste iodé. Les reconstructions de cette acquisition permettent, outre une analyse
précise de la lésion à traiter et des structures artérielles environnantes, de définir une vue 2D
de référence (incidence de travail) qui sera utilisée pour les étapes suivantes du traitement.
Lorsque les spires du premier coil sortent du microcathéter, elles se déploient d’une paroi à
l’autre de l’anévrisme et réalisent une cage (Figure 1) dont la stabilité et l’absence de débord
vers l’artère sur laquelle est implanté l’anévrisme sont vérifiées. On voit l’intérêt qui existe dans
la possibilité de retirer et de repositionner le coil autant de fois que cela s’avère nécessaire,
avant le détachement définitif. D’autres coils, de diamètre dégressif, seront successivement
implantés, afin de densifier l’intérieur de la cage créée par le premier coil. L’ensemble de la
procédure est réalisé sous contrôle en temps réel par rayons X et la radio-opacité du produit de
contraste iodé, sur la ou les incidences de travail. Le traitement de l’anévrisme est complet
lorsqu’il n’existe plus d’opacification du sac anévrismal par le produit de contraste. Deux parti-
cularités de l’embolisation de l’AIC rompu sont décrites. Afin d’éviter une nouvelle rupture en
cours d’embolisation, tout particulièrement sur les anévrismes rompus de 3 mm et moins [15],
l’opérateur peut privilégier l’utilisation de spires très souples afin de diminuer les contraintes
qu’exercent le coil lors de son déploiement, sur la paroi anévrismale. En outre, l’utilisation d’un
ballon de remodeling (voir infra) peut être utile, permettant de faire une hémostase rapide par
son gonflement, en cas de rupture per procédurale. Le second risque principal de l’embolisation
d’un anévrisme rompu est la survenue d’une complication thromboembolique, depuis le sac
anévrismal ou au collet de celui-ci. Cette complication est prévenue par l’utilisation systématique
d’une héparinothérapie à dose efficace par voie intraveineuse en cours d’embolisation. Toutefois,

/ 183
Partie 2 – Phase aiguë

FIGURE 1 Embolisation d’un anévrisme carotidien droit par spires détachables.


A : Anévrisme communicant postérieur droit rompu. B : Anévrisme occlus à l’aide de coils, non opacifié
après injection de produit de contraste. C : Premier coil déployé au sein de l’anévrisme, s’appuyant sur
les parois de l’anévrisme. D : Coils en fin d’intervention remplissant l’ensemble du sac anévrismal.

la possibilité d’instaurer un traitement anticoagulant peut être limitée, tout particulièrement en


cas d’hématome cérébral associé. En outre, l’utilisation d’un traitement antiagrégant plaquet-
taire, courante pour le traitement endovasculaire d’un anévrisme non rompu, n’est pas souhai-
table à la phase précoce d’une HSA. Afin de réduire ce risque thromboembolique, le maillage
des spires au sein de l’anévrisme rompu peut être moins dense qu’il ne le serait lors du traitement
d’un anévrisme non rompu, afin de limiter le risque de débord de spire et l’extension de throm-
bose depuis le sac anévrismal vers la lumière artérielle.

Outre la rupture du sac anévrismal et la migration thromboembolique, un bris de coil, une


dissection artérielle sont les principales complications décrites [16]. La morbidité et la mortalité
du traitement par coiling simple sont inférieurs à 5 % [16]. L’efficacité à court terme du traite-
ment par coiling simple est proche de 97 % [17]. À distance, une recanalisation précoce (< 3 ans)
ou tardive (> 10 ans) [18] est constatée dans 10-20 % des cas, rendant nécessaire un suivi au
long court par IRM. Si ces récidives angiographiques conduisent à un retraitement dans près de
10 % des cas (seconde embolisation), le taux de resaignement annuel après embolisation par
coiling d’un anévrisme rompu est faible, inférieur à 1 % [18].

Technique de remodeling par ballon


La technique d’embolisation des anévrismes par coiling simple n’est parfois pas possible, en
particulier lorsque l’anévrisme présente un collet large. On considère qu’un collet mesuré à
4 mm ou plus ou un rapport collet/profondeur du sac > 1,5 définissent un anévrisme à large

184 /
Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus

collet. En effet, une telle configuration anatomique ne permet pas de combler le sac anévrismal
par constitution d’une cage, du fait d’une bascule de celle-ci dans l’artère porteuse, au travers
du large collet. Moret et al. ont décrit la première série de cas contournant cette difficulté
anatomique en gonflant de manière itérative et temporaire un ballon en regard du collet, afin
de « soutenir » le déploiement des coils et éviter leur bascule dans la lumière de l’artère
porteuse [19]. On parle de technique de remodeling. Le ballon de remodeling est intégré dans
l’extrémité distale d’un microcathéter, coaxial sur un microguide. Il navigue, comme le micro-
cathéter d’embolisation, dans un cathéter porteur, est placé en face du collet de l’anévrisme
et gonflé à l’aide d’un mélange radio-opaque permettant une visualisation très précise de son
inflation/déflation.

Si le gonflement du ballon permet de limiter le débord des spires dans la lumière artérielle
sur laquelle est implanté le sac anévrismal, il entraine nécessairement une occlusion transitoire
du vaisseau porteur. Le gonflement doit donc être contrôlé, limité dans le temps et accom-
pagné d’une héparinothérapie efficace afin de limiter la constitution de thrombi, principale
complication de cette technique. L’utilisation de cette technique permet un taux d’oblitération
des anévrismes à large collet proche de celui obtenu pour les anévrismes à collet étroit [20].
La morbidité et la mortalité de cette technique ont évolué au cours du temps, comme pour
le traitement des anévrismes non rompus [21]. La série de Sluzewski et al. [22], incluant plus
de 800 anévrismes traités avant 2006, décrit une morbi-mortalité de 14 % dans le groupe
remodeling versus 3 % dans le groupe coiling simple alors que l’étude CLARITY [20], plus
récente et qui inclue plus de 700 patients, décrit des chiffres de morbidité et de mortalité de,
respectivement, 2,5 % et 1,3 % dans le groupe remodeling. Malgré une morbidité considérée
comme supérieure à celle du traitement par coiling simple, cette technique de remodeling par
ballon a permis d’élargir le champ des indications du traitement endovasculaire des anévrismes
rompus.

Traitement endovasculaire par stent


La préoccupation de protéger la lumière artérielle sur laquelle est implantée un anévrisme à large
collet peut conduire à positionner un stent en regard de celui-ci. Il s’agit alors d’une technique
de remodeling par mise en place d’un dispositif définitif. Le comblement du sac anévrismal par
des coils peut être précédé ou être complété par la dépose d’un stent dans la lumière de l’artère
porteuse, de part et d’autre du collet. Ces stents comportent des mailles larges, permettant à
un microcathéter de passer au travers des mailles du stent ou d’être positionné en parallèle du
stent entre la paroi artérielle et le stent (technique de « jailing »). L’utilisation de stents permet
de traiter des anévrismes à très larges collets et réduit le risque de recanalisation secondaire de
l’anévrisme [23]. Toutefois, son utilisation à la phase aiguë d’une HSA, pour le traitement d’un
anévrisme rompu est limitée par la nécessité d’un traitement double par antiagrégants plaquet-
taires (aspirine + clopidogrel le plus souvent) [24], destiné à diminuer le risque thrombo-
embolique, incluant l’occlusion intrastent. En effet, à la phase aiguë de l’HSA, des gestes théra-
peutiques complémentaires (mise en place de capteur de pression intracrânienne, d’une
dérivation ventriculaire externe) peuvent être nécessaires. Leur réalisation sous double anti-
agrégation plaquettaire est associée à un risque plus élevé de complication hémorragique. L’uti-
lisation de stents intracrâniens doit donc être discutée et limitée au traitement des anévrismes
rompus les plus complexes et non traitables par voie chirurgicale, parfois par une utilisation
temporaire, semblable à celle du ballon de remodeling [25] (Figure 2).

/ 185
Partie 2 – Phase aiguë

FIGURE 2 Traitement d’un anévrisme de l’artère basilaire par deux stents et coils.
A : Anévrisme sacci-fusiforme du tiers proximal de l’artère basilaire rompu chez une patiente de 64 ans.
B : Mise en place de deux stents intra-artériels dans l’artère basilaire et les segments V4 des deux artères
vertébrales, permettant le déploiement strictement intra-anévrismal des coils. C : Opacification de l’artère
basilaire par une injection de produit de contraste iodé dans les deux artères vertébrales. Bonne perméa-
bilité de l’artère basilaire et persistance d’une opacification du collet de l’anévrisme.

Traitement endovasculaire par diversion de flux


Une autre technique de traitement des anévrismes à large collet consiste en l’utilisation d’une
forme de stent à mailles très serrées, permettant une diversion du flux sanguin (« flow diverter »,
FD). Ce maillage dense redirige le flux sanguin de manière plus importante dans l’artère porteuse
et perturbe le flux sanguin au sein de l’anévrisme conduisant à la formation d’un thrombus au
sein du sac [26] et à l’occlusion de l’anévrisme. Les études histologiques après déploiement d’un
FD mettent en évidence une endothélialisation du stent et une reconstruction du vaisseau por-
teur sur toute sa longueur y compris en regard du collet de l’anévrisme. La pose de ces FD doit
également être associée à une double antiagrégation plaquettaire. Leur utilisation dans le trai-
tement des anévrismes rompus comporte donc les mêmes limites que pour les stents. Il convient
de limiter leur utilisation au traitement des anévrismes à collet très large, voire fusiformes, non
chirurgicaux, comme les anévrismes disséquants ou de type blister [27] (Figure 3).

Traitement endovasculaire par flow disrupteur


Le flow disrupteur est un dispositif sacculaire tressé en nitinol à détachement électrothermique,
qui va être implanté dans le sac anévrismal, à l’aide d’un microcathéter [28] (Figure 4). Ce
dispositif représente une alternative innovante pour le traitement des anévrismes à collet très
large d’une bifurcation artérielle. Il présente l’avantage de ne pas nécessiter de traitement anti-
agrégant. Sa place dans la prise en charge des anévrismes intracrâniens rompus reste encore à
définir, le recul étant encore limité [29].

Cas particuliers
Anévrismes multiples
Lorsqu’il existe plusieurs anévrismes artériels intracrâniens découverts simultanément lors du
bilan d’une hémorragie sous-arachnoïdienne, il convient d’identifier l’anévrisme rompu, afin de
le traiter en priorité. Pour cela, la topographie du saignement sur le scanner ou l’IRM est d’une

186 /
Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus

FIGURE 3 Traitement d’un anévrisme disséquant de la terminaison carotide droite par diversion
de flux.
A : Angioscanner intracrânien, anévrisme disséquant de la face postérieure de la terminaison de
la carotide interne droite (têtes de flèches). B : Acquisition 3D de l’angiographie : visualisation de
la naissance de l’artère choroïdienne antérieure droite (têtes de flèches) de l’anévrisme disséquant.
C : Mise en place de deux flow diverters (têtes de flèches) dans la lumière de la carotide interne
droite et le segment M1 de l’artère cérébrale moyenne droite. D : Opacification de la carotide et
de l’anévrisme en fin d’intervention. E : Angioscanner de contrôle. Visualisation des deux flow
diverters hyperdenses au scanner et thrombose de l’anévrisme disséquant.

grande aide. En revanche, lorsque l’hémorragie sous-arachnoïdienne est semi-récente, diffuse ou


très abondante, il est parfois difficile d’identifier l’anévrisme rompu. Une IRM haute résolution
de la paroi anévrismale a été proposée chez des patients en bon grade clinique, lors de l’examen
d’admission. Une séquence volumique pondérée en T1 avec injection de chélates de gadolinium
peut permettre de mettre en évidence un rehaussement circonférentiel épais au niveau de la
paroi de l’anévrisme rompu, non constaté au niveau de la paroi des anévrismes additionnels [30].
Omodaka et al. [31] ont mis en évidence, chez 26 patients porteurs de 62 anévrismes avec
hémorragie méningée, un lien entre l’existence d’une prise de contraste de la paroi de l’anévrisme
et son caractère rompu. Lors de la réalisation de l’artériographie, certains éléments architecturaux
peuvent également permettre d’identifier l’anévrisme rompu, son caractère irrégulier, une phlyc-
tène, un sac « fille », ou la stagnation du produit de contraste dans la poche anévrismale. Lorsqu’il
persiste un doute sur le site de rupture, il convient de traiter tous les anévrismes dès la phase
aiguë. En revanche, lorsque l’anévrisme rompu est identifié, le traitement des autres anévrismes
intracrâniens pourra être réalisé à distance de la phase aiguë.

/ 187
Partie 2 – Phase aiguë

Anévrisme disséquant – blister


Les anévrismes disséquants de type blister représentent 0,5 %-2 % des anévrismes intracrâniens
rompus et sont caractérisés par une morbi-mortalité particulièrement élevée [32]. Ils se déve-
loppent sur la paroi de l’artère carotide interne supraclinoïdienne dans plus de 90 % des cas [33],
correspondent à une lacération de la paroi artérielle et apparaissent en imagerie angiographique
comme des irrégularités focales, fusiformes, sans collet [34]. Leur identification peut être difficile
au cours de la première artériographie, en raison de la petite taille de la lésion, qui apparaît plus
évidente quelques jours après le saignement, du fait d’une croissance assez rapide. Le traitement
de ces anévrismes est un véritable challenge en raison de leur petite taille, leur collet mal défini
et leur paroi friable [35]. Plusieurs traitements ont été proposés dans la littérature, et le pronostic
des patients serait meilleur dans le groupe endovasculaire par rapport au groupe chirurgical selon
une méta-analyse récente [33]. Les traitements endovasculaires décrits sont très variés : occlu-
sion du vaisseau porteur, mise en place de flow diverters, de stent(s) plus ou moins associés à
un coiling. En cas d’utilisation de stent ou de FD, il n’y a pas de consensus sur l’utilisation de la
double antiagrégation plaquettaire à la phase aiguë, du fait de la rareté de la pathologie.

FIGURE 4 Traitement d’un anévrisme de la bifurcation sylvienne droite à l’aide d’un flow
disrupteur.
A : Anévrisme de la bifurcation sylvienne droite à collet large visible en angiographie soustraite.
B : Mise en place du flow disrupteur au sein du sac anévrismal, visible en scopie. C : Vérification
de la bonne position du dispositif après injection de produit de contraste iodé, respectant les
branches de l’artère cérébrale moyenne.

Pseudo-anévrisme mycotique ou anévrisme infectieux


Le pseudo-anévrisme mycotique est une complication rare des endocardites infectieuses (2-4 %)
mais probablement sous-estimée du fait de la présence d’anévrismes silencieux qui peuvent
régresser sous antibiothérapie adaptée [36]. Ils sont la conséquence de microembols septiques
qui migrent au sein de branches artérielles distales, deviennent occlusifs et détruisent la paroi
artérielle [37, 38]. Bien que rares, ils peuvent se compliquer d’une hémorragie sous-arachnoï-
dienne ou d’une hémorragie cérébrale. Le dépistage des anévrismes mycotiques peut être réalisé
en angioscanner ou en angiographie par résonance magnétique, mais l’examen de référence est
l’artériographie en raison de la localisation distale et de la taille souvent modeste de ces ané-
vrismes. Leur prise en charge reste controversée, et il n’existe pas aujourd’hui de recommanda-
tion. Bien que certains anévrismes régressent sous antibiothérapie, certains augmentent de taille

188 /
Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus

ou se rompent malgré une antibiothérapie adaptée [39]. Le traitement endovasculaire consiste


en l’occlusion du vaisseau porteur à l’aide d’un agent embolisant liquide plus souvent que de
coils. La complication principale, outre la rupture en cours d’embolisation d’un anévrisme sans
paroi vraie, est l’ischémie du territoire d’aval de l’artère sur laquelle est implantée la lésion [40].
Si l’anévrisme mycotique rompu est responsable d’un effet de masse ou si l’artère porteuse
vascularise une zone cérébrale éloquente, la chirurgie semble être la technique à privilégier en
urgence. En revanche, dans les autres cas, l’occlusion du vaisseau porteur par voie endovasculaire
apparaît comme une technique efficace comportant peu de complications [40].

Anévrisme artériel afférent à une MAV cérébrale


Les anévrismes artériels visibles sur une artère afférente à une malformation artérioveineuse
cérébrale seraient la conséquence de l’hyperdébit présent au sein de cette artère. Ils sont consi-
dérés, chez l’enfant comme chez l’adulte [41, 42], comme un facteur de risque d’hémorragie
intracrânienne, risque croissant avec les dimensions de l’anévrisme. Le traitement de ces ané-
vrismes reste controversé dans la littérature car il a été décrit des situations d’involution de
l’anévrisme d’hyperdébit après traitement de la malformation artérioveineuse. Lorsqu’une indi-
cation de traitement est retenue, l’anévrisme sera le plus souvent traité avant la MAV.

Jusque dans les années 1980, avant l’apparition des coils détachables, la chirurgie représentait
la seule méthode d’exclusion des anévrismes. Il s’agissait jusqu’à récemment de la technique de
référence.

Traitement chirurgical pour l’exclusion


de l’anévrisme rompu : aspect technique
Une planification préopératoire est indispensable avec étude de l’angiographie digitalisée céré-
brale et reconstructions 3D de manière à évaluer :
■ la localisation de l’anévrisme (quelle est l’artère porteuse ? se situe-t-il au niveau d’une
bifurcation ?) ;
■ sa forme, son orientation (par rapport à la voie d’abord chirurgicale) ;
■ la taille de l’anévrisme, le rapport sac/collet, la longueur du collet afin d’anticiper la taille
du clip à utiliser ;
■ la présence ou non de branches artérielles naissant du sac anévrismal.

Le traitement chirurgical d’un anévrisme se fait sous anesthésie générale. Le patient est monitoré
entre autres par un capteur de pression artérielle invasif. Cela permet de gérer la pression artérielle
systémique en fonction des événements cérébraux chirurgicaux (rupture peropératoire...). Ce moni-
torage est indispensable car il faut éviter les hypotensions et bas débits cérébraux, de même que
les poussées hypertensives, sources de resaignements. Il s’agit d’une anesthésie générale nécessitant
un médecin anesthésiste expérimenté et présent en salle opératoire en permanence. On réalise
alors une crâniotomie (ouverture de la boîte crânienne osseuse) en rapport avec la localisation
anévrismale. Pour un anévrisme du polygone ou sylvien, un abord ptérional ipsilatéral sera réalisé.
La crâniotomie est élargie sur l’arête sphénoïdale, de manière à exposer au mieux la partie proximale

/ 189
Partie 2 – Phase aiguë

de la vallée sylvienne en diminuant l’écartement sur le parenchyme cérébral. La dure-mère est


ensuite ouverte le long des berges du volet osseux avec une charnière sphénoïdale. On peut alors
effectuer une vidange de liquide cérébrospinal (LCS) pour diminuer la pression intracrânienne. Ce
temps est fondamental et doit être complété par des mesures anesthésiques de façon à obtenir
une détente cérébrale permettant d’accéder à l’anévrisme sans provoquer de dégâts avec les écar-
teurs. On accède à l’anévrisme par voie proximale en remontant à partir de la carotide interne ou
à contre-courant à partir de la distalité, ou encore en transparenchymateux selon la présence ou
non d’un hématome. La dissection peut être rendue difficile à cause de l’HSA en elle-même car la
présence de sang rend l’arachnoïde adhérente. Les différentes faces du sac anévrismal seront expo-
sées pour comprendre l’architecture de l’anévrisme avant d’envisager de clipper celui-ci au collet.
Au cours de l’intervention, le principal événement à craindre est une rupture de l’anévrisme. L’évé-
nement est d’autant plus contrôlable qu’il survient tardivement lorsque l’artère porteuse et le collet
ont été isolés et qu’un clampage temporaire est possible. Cet abondant saignement doit être
contrôlé au plus vite, en trouvant la source et avec des mesures anesthésiques adjuvantes (baisse
de la pression artérielle moyenne – PAM). Parfois un clippage temporaire du vaisseau porteur est
nécessaire, et il faudra alors augmenter la PA pour maintenir une perfusion cérébrale suffisante.
Le rôle du médecin anesthésiste est donc primordial en peropératoire. Outre les pertes sanguines
et incidents hémodynamiques, la rupture peropératoire rend l’occlusion sélective de l’anévrisme
plus difficile avec, en définitive, des complications ischémiques par occlusion involontaire de bran-
ches perforantes ou distales périanévrismales. Les complications ischémiques représentent du reste
la principale complication procédurale de cette chirurgie. Ce risque ischémique est tel que la
chirurgie est en général temporairement contre-indiquée en cas de vasospasme patent (en général
entre J4 et J12 postrupture).

Évacuation d’hématome
La chirurgie est la seule méthode thérapeutique permettant l’évacuation d’un hématome intra-
parenchymateux. Celui-ci se présente sous la forme d’une collection de sang cailloté au sein du
parenchyme cérébral. Il imprime un effet de masse sur les structures cérébrales adjacentes,
pouvant avoir un retentissement clinique (déficit neurologique focal, coma). En cas d’hyperten-
sion intracrânienne majeure ou menaçante, la chirurgie reste la meilleure solution pour réaliser
en urgence et dans le même temps opératoire l’évacuation de l’hématome et l’exclusion de
l’anévrisme.

Drainage de liquide céphalorachidien


Au cours d’une HSA en phase aiguë, il existe fréquemment une hydrocéphalie soit obstructive
par caillotage ventriculaire, soit communicante, les espaces sous-arachnoïdiens étant comblés
de sang frais. Elle est suspectée en cas d’aggravation clinique ou de signe d’hypertension intra-
crânienne précoce. Elle concerne 25 % des patients tous stades confondus. En particulier, l’hydro-
céphalie est présente chez 45 % des grades IV WFNS. Les facteurs prédictifs de l’apparition d’une
hydrocéphalie aiguë sont un âge élevé, l’importance de l’hémorragie, la présence d’une hémor-
ragie intraventriculaire, et une localisation postérieure de l’HSA. Le diagnostic est confirmé par
un scanner cérébral qui met en évidence des ventricules avec des cornes temporales « trop »
visibles mais l’hydrocéphalie peut être masquée par un œdème cérébral. La mise en place d’une
dérivation interne est contre-indiquée en raison du risque élevé de caillotage intraluminal. Il est
réalisé en pratique courante une dérivation ventriculaire externe (DVE) qui permettra en plus

190 /
Traitement des anévrismes artériels intracrâniens rompus

de monitorer la pression intracrânienne (PIC). La DVE est un geste chirurgical consistant en la


pose d’un cathéter intraventriculaire permettant la dérivation du LCS vers un système externe
(sac) de recueil stérile (Figure 5). Ce geste peut être réalisé en pré ou postopératoire, mais en
cas d’anévrisme traité par voie endovasculaire, il est souvent réalisé avant l’embolisation car
cette dernière est souvent suivie de l’administration de traitements antithrombotiques.

FIGURE 5 Dérivation ventriculaire externe.


A : Scanner cérébral non injecté, en coupe axiale montrant une hydrocéphalie. B : Mise en place
d’une DVE (1) et d’un capteur de PIC (2), d’après [43].

Crâniectomie décompressive
L’HSA s’accompagne parfois d’un important œdème cérébral et une crâniectomie décompressive
est alors discutée. Une augmentation du volume cérébral (œdème cérébral) dans une boîte
crânienne osseuse fermée entraîne une augmentation de la pression intracrânienne (PIC). Cette
augmentation de la PIC peut entraîner un coma voire un décès. La crâniectomie décompressive
permet d’augmenter le volume de la boîte crânienne puisqu’elle ouvre la boîte osseuse. Le
parenchyme cérébral peut alors faire son expansion sous la peau tant que cela est nécessaire.
Une plastie de reconstruction est toujours possible à distance (crânioplastie). Il n’y a pas de
recommandation ni de niveau de preuve élevé quant à l’efficacité de ce geste.

Un seul essai randomisé a comparé le traitement endovasculaire et neurochirurgical en cas


d’anévrisme rompu. L’étude ISAT (International Subarachnoid Aneurysm Trial) [44, 45], essai
international, a inclus des patients porteurs d’un anévrisme rompu depuis moins d’un mois,
pouvant être traité indifféremment par l’une des deux techniques ; 2 143 patients ont été inclus,
et le suivi clinique était réalisé à 2 mois et à un an du traitement. Il a été décrit une diminution
de 6,9 % du risque absolu de décès-handicap à un an dans le groupe embolisation par rapport
au groupe chirurgie (décès-handicap constaté chez 23,7 % des patients embolisés versus 30,6 %
dans le groupe chirurgical). Cette différence entre les deux groupes persiste à 7 ans. Le risque

/ 191
Partie 2 – Phase aiguë

de saignement per-procédure est équivalent dans les deux groupes. En revanche, le risque de
resaignement tardif, au-delà d’un an, s’il est présent dans les deux types de traitement, est plus
élevé dans le groupe endovasculaire (7/1 073 vs 2/1 070 dans le groupe chirurgical). Ce resai-
gnement était la conséquence plus souvent d’une recanalisation de l’anévrisme traité que de la
rupture d’un anévrisme additionnel ou de novo. Un retraitement a été nécessaire pour 17,4 %
des patients du groupe endovasculaire et pour 3,8 % des patients du groupe chirurgie. L’âge
jeune, l’occlusion incomplète initiale de l’anévrisme et la taille de l’anévrisme sont les facteurs
de risque de recanalisation identifiés dans cet essai. Ce risque plus important de recanalisation
anévrismale justifie une surveillance plus étroite des patients traités par embolisation, sans qu’il
existe de recommandation quant au rythme du suivi. Le protocole le plus répandu consiste en
un suivi par IRM annuelle pendant 5 ans puis à long terme [46].

Si ISAT demeure le seul essai comparatif, son résultat principal guide aujourd’hui les indications
thérapeutiques, le traitement endovasculaire étant l’option envisagée en première intention. ISAT
comporte toutefois un certain nombre de limites, outre son caractère ancien (inclusion entre
1995 et 2002). Une des critiques principales de l’étude est la sous-représentation des anévrismes
de l’artère cérébrale moyenne (14 %), des anévrismes de la circulation postérieure (3 %) et des
patients avec un grade clinique sévère (90 % de patients Hunt et Hess 1-2). Les autres critiques
concernent des critères de sélection larges et imprécis, un manque d’exigence concernant l’exper-
tise des chirurgiens participants, des délais plus longs avant le traitement dans le bras chirurgical,
associés à plus de resaignements. La généralisation des résultats est donc considérée par certains
comme limitée.

Le traitement chirurgical va pouvoir être proposé en première intention en cas d’hématome


compressif mal toléré, le plus souvent en rapport avec un anévrisme de l’artère cérébrale
moyenne ou en cas de collet large, sauf dans certaines localisations plus difficiles d’accès pour
le chirurgien (carotide interne ophtalmique, artère basilaire). Le traitement endovasculaire sera
privilégié dans les autres cas et en particulier pour les anévrismes de la circulation postérieure
ou en cas de vasospasme.

En cas d’anévrisme rompu, une exclusion doit pouvoir être proposée le plus rapidement possible,
afin de limiter le risque de resaignement et permettre d’optimiser le traitement médical de
réanimation, visant notamment à prévenir le vasospasme cérébral. Le traitement endovasculaire
est proposé en première intention dans la majorité des anévrismes rompus. Une durée d’inter-
vention réduite, la faible morbi-mortalité, les progrès techniques, rendent la quasi-totalité des
anévrismes traitables sans nécessiter le recours à la chirurgie. Toutefois, un traitement neuro-
chirurgical doit pouvoir être proposé, tout particulièrement en cas d’hématome parenchymateux
compressif associé, ou lorsqu’il existe une anatomie très complexe de l’anévrisme. La prise en
charge optimale d’un anévrisme rompu est donc naturellement pluridisciplinaire.

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Partie 2 – Phase aiguë

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194 /
16

Bien que considérée comme une variété rare d’accident vasculaire cérébral (AVC), la thrombose
des sinus duraux et des veines cérébrales ou thrombose veineuse cérébrale (TVC) a une incidence
de 1,32/100 000/année dans les pays à revenu élevé, comparable à celle de de la méningite
bactérienne chez l’adulte [1]. L’incidence de la TVC est plus élevée dans les pays à niveau de vie
plus faible [2, 3]. La TVC est plus fréquente chez les nourrissons et les enfants, de même que
chez les adultes jeunes, particulièrement les femmes, surtout durant la grossesse et le post-
partum [4-6]. Les thromboses d’origine septiques sont actuellement devenues rares dans les pays
à revenu élevé. La mortalité due aux TVC diminue d’autant plus que des formes moins sévères
sont diagnostiquées plus souvent [7], grâce à l’utilisation de l’IRM et l’exploration plus fréquente
des patients souffrant de céphalée récente inhabituelle ou de crise épileptique de novo. La TVC
se présente rarement comme les autres AVC. Les présentations les plus fréquentes sont des
céphalées isolées, un syndrome d’hypertension intracrânienne, des crises épileptiques, un déficit
focal ou une encéphalopathie [8]. Ces présentations varient selon l’âge du patient, le délai diag-
nostique, la présence de lésions du parenchyme, la topographie de la thrombose et les étiolo-
gies/facteurs de risques. La confirmation du diagnostic repose sur la mise en évidence du
thrombus dans les sinus et/veines occlus sur l’IRM cérébrale combinée à l’angioRM veineuse ou
sur l’angioscanner veineux (Figure 1). Les différentes séquences d’IRM combinées à l’angioRM
veineuse peuvent considérablement améliorer la précision du diagnostic (Figure 2) [9, 10]. La
thrombose se complique dans environ 2/3 des cas d’un infarctus veineux, souvent en partie
hémorragique (Figure 3). Les infarctus veineux associent des lésions d’œdème cytotoxique et
vasogénique et peuvent être réversibles. Les facteurs de risque ou étiologiques les plus fréquents
des TVC sont les thrombophilies congénitales, le syndrome des antiphospholipides ou autres
causes acquises prothrombotiques telles que cancer, contraception œstroprogestative, grossesse
et post-partum, infections et traumatismes [11, 12]. Aucun facteur de risque n’est identifié dans
environ 15 % des cas chez l’adulte. Parfois, la cause peut se révéler des semaines ou des mois
après l’épisode aigu. Le pronostic des TVC est habituellement favorable, le taux de mortalité
étant habituellement inférieur à 5 % et celui de décès ou handicap de seulement 15 % [8, 13].
La principale cause de décès à la phase aiguë des TVC est l’engagement cérébral dû à une
importante lésion hémorragique [14]. Après la phase aiguë, les décès sont principalement liés à
la cause sous-jacente. Les facteurs suivants sont associés à un pronostic défavorable : coma,
cancer, thrombose du système veineux profond, troubles de la conscience, hémorragie

/ 195
Partie 2 – Phase aiguë

FIGURE 1 Angioscanner veineux.


Absence de visibilité du sinus latéral gauche (tiers externe du sinus transverse, sinus sigmoïde) et de
la veine jugulaire interne en faveur d’une thrombose veineuse cérébrale sur la reconstruction volu-
mique (A) et les coupes dans les 3 plans de l’espace, en axial (B et C), coronal (D) et sagittal (E).

FIGURE 2 Imagerie cérébrale par résonance magnétique et angiographie par résonance magnétique.
Thrombose étendue avec atteinte du sinus sagittal supérieur (1, flèche jaune), des veines corticales
(2, flèche blanche courbée), du sinus droit et système veineux profond (3, flèche blanche) et du
sinus latéral droit (4, flèche blanche pleine), visualisées sur les différentes séquences d’IRM : A –
coupe sagittale T1 (1,3), B et C – axiale T2* (1,2,3), D – axiale Flair (4), E – SagT1 MPRAGE (1,3)
et sur l’angio-RM post gadolinium (F – reconstruction volumique).

196 /
Traitement des thromboses veineuses cérébrales

intracrânienne et sexe masculin [15]. Malgré une apparente bonne récupération clinique, certains
patients se plaignent de troubles psychocognitifs résiduels tels que syndrome anxiodépressif,
troubles cognitifs ou du langage légers. Certains ne peuvent retourner à leur vie professionnelle
antérieure [16].

FIGURE 3 Différents aspects de lésions du parenchyme cérébral au cours des thromboses vei-
neuses cérébrales.
A et B. Lésion œdémato-hémorragique fronto-temporale. Figures en scanner et en IRM séquence
T2*. C et D. Atteinte bithalamique compliquant une thrombose du système veineux profond sur
IRM, séquences Flair et SWI.

Le traitement des TVC inclut la prise en charge à la phase aiguë, ainsi que la prévention et le
traitement, si nécessaire, des complications survenant au décours de la thrombose. L’évolution
à la phase aiguë étant imprévisible, avec une proportion d’aggravation non négligeable, ce
traitement doit être débuté dès le diagnostic confirmé. Il associe diverses modalités : i) le
traitement étiologique ; ii) le traitement antithrombotique ; iii) le traitement symptomatique ;
iv) la prévention et/ou le traitement des complications ; v) et, enfin, des recommandations de
style de vie.

Cette prise en charge a fait l’objet de recommandations américaines [17] et européennes [18]
datant respectivement de 2011 et 2017. En raison du manque d’essais cliniques randomisés, la
plupart des recommandations sont basées sur des études observationnelles et sont de faible
niveau de preuve (Tableau I).

/ 197
Partie 2 – Phase aiguë

TABLEAU I ▼ Recommandations de l’European Stroke Organisation pour le traitement des throm-


boses veineuses cérébrales [18].
Grade
Niveau
Sujet Recommandation de recom-
de preuve
mandation

Le traitement par héparine des patients adultes présentant


Traitement
une TVC à la phase aiguë est recommandé, incluant ceux Modéré Fort
anticoagulant
qui présentent des formes hémorragiques à l’admission

Le traitement des patients par HBPM plutôt qu’HNF est


recommandé pour les patients avec une TVC à la phase aiguë.
Type d’héparine
Cela ne s’applique pas aux patients avec une contre-indication
à la phase aiguë Bas Faible
aux HBPM ou dans les situations pour lesquelles une réversion
de la TVC
rapide de l’effet anticoagulant est nécessaire (par exemple :
patients qui doivent avoir une intervention neurochirurgicale)

Thrombolyse
et
thrombectomie Pas de recommandation Très bas Incertain
à la phase aiguë
de la TVC

Le traitement par anticoagulants oraux (antivitamines K)


Durée de pendant une période variable (3-12 mois) est recommandé
Très bas Faible
l’anticoagulation pour prévenir le risque de nouvel événement thrombotique
veineux (TVC ou autre localisation)

Nouveaux L’utilisation des AODs n’est pas recommandée pour


Très bas Faible
anticoagulants le traitement des TVC, particulièrement à la phase aiguë

Ponction
lombaire Pas de recommandation Très bas Incertain
thérapeutique

Nous proposons de ne pas utiliser l’acetazolamide chez


Acétazolamide
les patients présentant une TVC à la phase aiguë pour prévenir Bas Faible
et diurétiques
les décès ou pour améliorer le pronostic fonctionnel

Les corticoïdes ne sont pas recommandés à la phase aiguë de la TVC


Corticoïdes Bas Faible
pour prévenir le décès ou améliorer le pronostic fonctionnel

Prévention
des crises Le traitement antiépileptique est recommandé chez
épileptiques les patients présentant des lésions parenchymateuses
Bas Faible
et traitement supratentorielles et des crises d’épilepsie pour prévenir
par la récidive de crises épileptiques précoces
antiépileptique

TVC durant Le traitement par HBPM des TVC pendant la grossesse


Bas Faible
la grossesse ou en post-partum est recommandé

Contraception
Les femmes en âge de procréation et ayant présenté une TVC
œstro-proges-
doivent être informées des risques de la contraception Très bas Faible
tative après une
œstroprogestative et de leur contre-indication
TVC

Pour toutes les femmes ayant eu une TVC, nous suggérons


d’informer sur les risques absolus et relatifs d’événements
Bas Faible
thrombo-emboliques veineux et de fausses couches et de ne pas
Grossesse contre-indiquer de futures grossesses à cause de l’antécédent de TVC
après une TVC Une prophylaxie par HBPM est recommandée chez les femmes
enceintes ayant eu une TVC et sans contre-indication pour un
Bas Faible
traitement prophylactique ou indication d’un traitement
anticoagulant à dose thérapeutique
TVC : thrombose veineuse cérébrale ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée ; AODs :
anticoagulants oraux directs

198 /
Traitement des thromboses veineuses cérébrales

Traitement des causes et facteurs de risque


L’antibiothérapie est primordiale en cas d’infection, méningite ou autre infection intracrânienne
ou en cas d’infection de voisinage telle qu’otite, mastoïdite ou infection cutanée. Le traitement
chirurgical est parfois indiqué, par exemple en cas de mastoïdite, otite ou sinusite compliquées.
Pour certaines pathologies associées comme la maladie de Behcet, le lupus ou d’autres patho-
logies inflammatoires, le traitement par corticoïdes est conseillé [18]. En cas de cancer, le trai-
tement associe chimiothérapie ou immunothérapie, chirurgie ou radiothérapie selon les recom-
mandations spécifiques, en sachant que certaines chimiothérapies peuvent avoir des effets
procoagulants (i.e. L-asparaginase).

Traitement antithrombotique
Anticoagulation
Le traitement antithrombotique recommandé à la phase aiguë de la thrombose est l’héparine
(héparine non fractionnée – HNF – ou héparine de bas poids moléculaire – HBPM), suivie d’une
anticoagulation orale par traitement antivitamine K (AVK).

Les héparines sont supposées agir en prévenant la propagation du thrombus d’un sinus à l’autre
et en particulier vers les veines émissaires et les veines corticales, dont la thrombose est la
principale cause des lésions du parenchyme cérébral. Les héparines préviennent également
l’embolie pulmonaire qui représente une cause non négligeable de décès à la phase aiguë de la
TVC. Elles pourraient aussi augmenter le taux de recanalisation, bien que cela ne soit cependant
pas prouvé par des études observationnelles ou interventionnelles.

L’héparine à la phase aiguë de la TVC a fait l’objet de 4 essais [19]. Deux de ces études ont des
limitations majeures : l’une utilisait uniquement le scanner pour confirmer le diagnostic de TVC
et l’autre a été publiée seulement sous forme d’abstract. La méta-analyse des 2 autres essais
[20, 21] qui incluait 79 patients a montré une réduction non significative du risque de décès de
0,33 (IC95 % ; 0,08-1,21) et du risque combiné de décès et de dépendance de 0,46 (IC95 % ;
0,16-1,31), sous traitement anticoagulant comparé au placebo. Si les 2 premiers essais avaient
été inclus, le risque relatif de décès aurait été de 0,33 et la différence statistiquement significative
(IC95 % ; 0,14-0,78).

Une question importante est celle de la sécurité de l’anticoagulation chez les patients avec une
hémorragie intracérébrale. Trente-quatre des 79 patients (43 %) inclus dans les essais berlinois
[20] et hollandais [21] avaient une hémorragie cérébrale avant la randomisation. Aucun des
patients randomisés dans le bras héparine n’a présenté de nouvelle hémorragie intracérébrale,
contrairement au bras placebo où 3 patients ont développé ce type de complication. Parmi les
patients avec une nouvelle hémorragie intracérébrale, seul un d’entre eux avaient une hémorragie
avant la randomisation [19]. Enfin, plusieurs études observationnelles ont montré que le traite-
ment par héparine était bien toléré et pouvait être prescrit chez les patients présentant une
hémorragie intracrânienne à la phase aiguë.

Concernant le choix de l’HNF ou de l’HBPM à la phase aiguë, l’HBPM a plusieurs avantages, en


dehors du coût. La thrombopénie survient plus fréquemment avec l’héparine IV. Les HBPM ont
une demi-vie plus longue, une pharmacocinétique et une réponse clinique plus prévisible et enfin
moins d’interaction avec les plaquettes comparées à l’héparine standard. Elles sont cependant

/ 199
Partie 2 – Phase aiguë

scontre-indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère. Deux essais à petits effectifs et avec des
problèmes méthodologiques [22, 23] ainsi qu’une étude observationnelle [24] suggèrent que
l’HBPM est au moins aussi efficace, voire supérieure à l’héparine IV pour le traitement des TVC,
avec un risque moins important d’hémorragie.

Si une ponction lombaire, un autre geste invasif ou un traitement chirurgical doivent être réalisés,
il est préférable de choisir l’HNF, à cause de la demi-vie plus courte. Si le patient est sous HNF,
l’héparine est arrêtée 4-6 h avant le geste afin que les paramètres de coagulations soient rede-
venus normaux (TCA). Si le patient est traité par HBPM, le traitement doit être interrompu 12 h
avant la procédure. L’HNF ou l’HBPM peuvent être réintroduites immédiatement après la réali-
sation d’une ponction lombaire ou d’autres gestes associés à un risque faible de saignement. En
cas de gestes plus invasifs, le délai est discuté selon le risque inhérent de saignement (24 h pour
la neurochirurgie).

Thrombolyse endovasculaire et thrombectomie


La plupart des patients ont une évolution clinique et un pronostic favorables sous traitement
anticoagulant. Cependant, quelques patients continuent à s’aggraver ou ne s’améliorent pas après
anticoagulation, tandis que d’autres sont admis avec des formes aiguës très sévères. Pour ces
patients, des traitements plus agressifs sont nécessaires. La thrombolyse endovasculaire et/ou la
thrombectomie, dont les buts sont de dissoudre le thrombus veineux et de rouvrir les sinus occlus,
pourraient être une alternative au traitement par héparine dans les formes sévères d’emblée ou
s’aggravant malgré le traitement anticoagulant bien conduit. La thrombolyse endovasculaire
consiste en l’administration locale de rtPA ou urokinase (thrombolyse chimique), après cathété-
risme des sinus sigmoïde, transverse et sagittal supérieur par l’intermédiaire de la veine fémorale
ou par voie jugulaire directe. La thrombectomie mécanique par destruction, extraction ou aspi-
ration du caillot grâce à différents dispositifs endovasculaires peut être réalisée seule ou en asso-
ciation avec la thrombolyse locale. De multiples études, cependant, sous forme de séries de cas,
rapportent de bons résultats. Une revue systématique de 15 études incluant 156 patients a montré
que, malgré ce traitement, le taux de décès était de 9 % [25]. La thrombolyse se compliquait
d’un taux non négligeable de 10 % de saignement sévères, incluant 8 % d’hémorragies intra-
crâniennes, dont 58 % ont été fatales. Une revue de 185 patients traités par thrombectomie, dont
47 % avaient une altération de la conscience, a montré un taux de recanalisation important
(95 %, dont recanalisation partielle dans 21 %), un taux de 10 % de nouvelle ou d’aggravation
d’hémorragie intracérébrale, un pronostic favorable dans 84 % et un taux de mortalité de 12 %.
Cette revue conclue que la thrombectomie chez les patients avec une forme sévère de TVC est
raisonnablement sûre, mais qu’une réponse définitive sur l’efficacité et la sécurité de cette prise
en charge ainsi que sur le type de patients qui pourraient en bénéficier nécessite une étude
randomisée [26]. Toujours concernant la thrombectomie, une revue plus récente a inclus 17 études
avec 235 patients [27]. Quarante pour cent des patients avaient une encéphalopathie ou un coma.
Le taux de mortalité était de 14 % tandis que 35 % des patients avaient une récupération clinique
complète. La recanalisation complète était observée chez 69 % des patients. Une nouvelle hémor-
ragie ou une aggravation d’hémorragie intracrânienne était détectée chez 9 % des patients. La
thrombolyse chimique associée n’entraînait pas de bénéfice ou de complications supplémentaires.
Les auteurs ont conclu que ce geste représente une thérapeutique envisageable chez les patients
avec des TVC sévères ne répondant au traitement par héparine.

Un essai randomisé (Thrombolysis Or Anticoagulation For Cerebral Venous Thrombosis – TO-ACT)


comparant le traitement endovasculaire (thrombolyse avec urokinase ou rtPA et/thrombectomie)
au traitement par héparine (HNF ou HBPM) chez des patients avec une TVC récente et au moins
un facteur de risque de mauvais pronostic (troubles de la vigilance, coma, lésion hémorragique
intracérébrale, thrombose du système veineux profond) [28] a récemment été arrêté pour futilité

200 /
Traitement des thromboses veineuses cérébrales

après l’inclusion de 67 patients sur les 164 prévus. Les résultats préliminaires ont été présentés
en mai 2017 [29]. Treize (19 %) des 67 patients avaient un coma. La procédure endovasculaire
la plus utilisée était la thrombectomie mécanique (91 %). Elle était associée à la thrombolyse
chimique chez 52 % des patients, mais aucun patient n’a été traité par thrombolyse chimique
seule. Le critère de jugement principal (score de Rankin 0-1) n’était pas différent entre les
2 groupes : 22/32 dans le groupe anticoagulation et 22/31 dans le groupe endovasculaire. Il n’y
avait pas non plus de différences pour les critères de jugement secondaires (récupération
complète, mortalité de toute cause) ainsi que pour les critères de sécurité (hémorragies sévères,
incluant les hémorragies intracrâniennes). Bien que l’analyse complète et la publication des
résultats soient toujours en attente, la conclusion de cet essai est que le traitement endo-
vasculaire n’améliore pas le pronostic de patients présentant une TVC sévère.
Les recommandations européennes [18] n’ont pas pu conclure quant à l’utilisation du traitement
endovasculaire à la phase aiguë des TVC, en dehors du fait que ces traitements ne doivent pas
être utilisés chez les patients avec un faible risque de mauvais pronostic. Les recommandations
américaines [17] établissent que ce traitement peut être considéré si une aggravation est
constatée malgré une anticoagulation efficace. Cela est particulièrement le cas pour les patients
avec une thrombose du système veineux profond et sans lésion hémisphérique importante avec
effet de masse et risque imminent d’engagement cérébral. Ces guidelines devront être mis à
jour après la publication de l’étude TO-ACT.

Anticoagulants oraux directs


Les anticoagulants oraux directs (AODs) ont un mode d’action différent des AVK en inhibant
directement le facteur Xa ou la thrombine. Les essais randomisés chez des patients avec fibril-
lation auriculaire, thrombose veineuse des membres inférieurs et embolie pulmonaire ont montré
que les AODs avaient une efficacité antithrombotique identique mais avec une réduction du
risque relatif de 50 % des hémorragies intracrâniennes comparés à l’anticoagulation conven-
tionnelle. Les AODs ne sont pas seulement plus sûrs, mais leur utilisation est également beaucoup
plus facile pour les patients en raison de l’absence de contrôle biologique et d’ajustement de
posologie. Ils ont également moins d’interactions avec l’alimentation et les autres médicaments.

Les publications concernant les AODs chez les patients avec TVC sont peu nombreuses, surtout
à la phase aiguë. Il y a quelques cas rapportés et de petites séries de patients traités avec le
dabigatran et le rivaroxaban [30, 31]. Il n’y a pas eu de complications hémorragiques sévères.
Cependant, le niveau de preuve pour l’utilisation des AODs est actuellement très faible, les
études publiées jusqu’à présent étant observationnelles avec un risque de biais important (petite
taille d’échantillon, pas de randomisation, évaluation en ouvert des événements, biais de publi-
cation). Une étude contrôlée randomisée exploratoire (RESPECT-CVT) comparant le dabigatran
et la warfarine après 5 à 15 jours de traitement par héparine chez les patients présentant une
TVC est actuellement en cours [32]. Les résultats sont attendus pour 2018. Actuellement, les
recommandations européennes [18] ne préconisent pas l’utilisation des nouveaux AODs, parti-
culièrement à la phase aiguë.

Traitement de l’hypertension intracrânienne


Il y a peu d’études disponibles sur les interventions pour réduire la pression intracrânienne (PIC)
et ce sont surtout des séries de cas. De plus, les données peuvent être de mauvaise qualité,
notamment en ce qui concerne le soulagement des céphalées et la prévention de la baisse
d’acuité visuelle. Les possibilités thérapeutiques disponibles en pratique courante incluent : la
ponction lombaire, les traitements diurétiques, la corticothérapie, l’osmothérapie, la sédation, la
ventilation mécanique et la chirurgie décompressive.

/ 201
Partie 2 – Phase aiguë

Il n’y a pas d’étude évaluant l’efficacité de la ponction lombaire évacuatrice sur le pronostic,
les céphalées et les troubles visuels chez les patients avec TVC. Dans notre pratique, chez les
patients qui présentent un syndrome d’hypertension intracrânienne isolée, avec des céphalées
sévères et un œdème papillaire, l’hypertension intracrânienne peut être rapidement contrôlée
et les céphalées soulagées par une ponction lombaire avec mesure de pression et évacuation
de LCR, sans risque [33]. Cette pratique est en accord avec les recommandations européennes
récentes [18] qui soulignent que la ponction lombaire évacuatrice peut être réalisée chez des
patients avec TVC et des signes d’hypertension intracrânienne isolée à cause du potentiel
effet bénéfique sur la baisse d’acuité visuelle et/ou des céphalées, si le profil de sécurité est
acceptable.

Les diurétiques inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et donc réducteurs de la production de


LCR, comme l’acetazolamide ou le topiramate, sont parfois utilisés dans le but de réduire la PIC
pour améliorer les céphalées et la fonction visuelle. Une étude cas-contrôle a cependant échoué
à montrer un effet de l’acétazolamide sur le pronostic ou le décès [34]. Les recommandations
européennes [18] suggèrent donc de ne pas utiliser ce traitement dans le but de diminuer les
décès ou d’améliorer le pronostic. Néanmoins, ce traitement peut être utilisé chez des patients
avec une hypertension intracrânienne isolée secondaire à une TVC, responsable de céphalées
sévères ou de troubles visuels menaçants.

Les corticoïdes peuvent réduire l’œdème vasogénique qui est la forme prédominante d’œdème
cérébral dans les TVC. Ils ont cependant également une activité prothrombogène. Une étude cas
contrôle comparative observationnelle a montré que le traitement par corticoïdes n’améliorait
pas le pronostic à la phase aiguë des TVC. Il est donc suggéré de ne pas les utiliser dans le but
de réduire la PIC ou de diminuer le risque de décès ou de handicap. En revanche, ils sont très
utiles en cas de maladie inflammatoire sous-jacente (i.e. maladie de Behcet, lupus).

Les patients comateux sont admis en service de réanimation pour intubation, sédation et ven-
tilation mécanique et parfois monitoring de la PIC. La valeur ajoutée de cette dernière est dis-
cutable. L’osmothérapie (mannitol, sérum salé hypertonique) est utilisée, le plus souvent sous
forme de bolus, pour réduire la PIC.

La dérivation (réalisée sans chirurgie décompressive) dans le but de réduire la PIC a fait l’objet
d’une revue systématique qui a montré qu’elle ne prévenait pas le décès ou le mauvais pronostic
[35]. L’hydrocéphalie symptomatique est rare au cours des TVC [36]. Quelques cas ont été traités
par la mise en place d’un shunt avec des résultats très variables. Selon les recommandations,
les interventions type ventriculostomie ou dérivation ventriculo-péritonéale ne sont pas utiles
à la phase aiguë des TVC et ne peuvent pas remplacer un traitement chirurgical décompressif.
Une exception concerne les patients qui présentent une hydrocéphalie aiguë symptomatique
sans lésion cérébrale nécessitant une chirurgie décompressive.

Comme pour les infarctus cérébraux d’origine artérielle, la chirurgie décompressive (hémi-
crâniectomie décompressive et/ou évacuation de l’hématome) est utilisée pour prévenir l’enga-
gement cérébral mortel chez les patients comateux avec d’importantes lésions du parenchyme
cérébral et effet de masse. En effet, l’engagement cérébral avec un effet de masse unilatéral est
la principale cause de décès au cours des TVC [14]. Pour les patients présentant un engagement
cérébral secondaire aux lésions parenchymateuses, quelques séries monocentriques, un registre
multicentrique et une revue systématique des patients opérés [37], ainsi que 2 petites études
non randomisées (comparant traitement chirurgical vs pas de traitement chirurgical) [8, 38], ont
montré que la chirurgie décompressive permettait non seulement la survie mais aussi une récu-
pération fonctionnelle remarquable, et ce indépendamment de l’âge, de la présence d’un coma,
d’une aphasie, d’une mydriase non réactive ou de lésions bilatérales. Dans ces études, pour les
patients traités chirurgicalement (hémicrâniectomie ou évacuation de l’hématome), le taux de
décès était de 18 %, celui de décès ou de handicap de 32,2 %, celui de dépendance sévère de

202 /
Traitement des thromboses veineuses cérébrales

seulement 3,4 %. Le taux de récupération complète était de 30,7 %. Il est donc recommandé de
proposer cette chirurgie chez les patients avec TVC responsables de lésions du parenchyme
entraînant un effet de masse afin de prévenir le décès.

Traitement et prévention
des crises épileptiques symptomatiques aiguës
Elles sont définies comme survenant dans les 15 jours après le diagnostic de TVC. Elles peuvent
évoluer vers un état de mal et être une cause de décès. Les facteurs de risques pour ces crises
épileptiques précoces symptomatiques aiguës sont les crises avant ou à l’admission ainsi que les
lésions supratentorielles du parenchyme cérébral particulièrement si elles sont hémorragiques.
Le risque est plus grand chez les patients associant les 2 facteurs de risque. Il n’y a pas d’étude
randomisée concernant la prescription des traitements antiépileptiques à visée prophylactique.
Quatre études observationnelles ont comparé des patients recevant ou non des traitements
antiépileptiques à la phase aiguë [39-42]. Une de ces études montrait une réduction du risque
de récidive de crises épileptiques précoces symptomatiques aiguës chez les patients ayant eu
une ou plusieurs crises épileptiques symptomatiques avant ou à l’admission et des lésions supra-
tentorielles avec un OR = 0,006, mais sans influence sur le pronostic (décès ou pronostic fonc-
tionnel) [40]. Les recommandations européennes [18] proposent que les patients avec une lésion
supratentorielle et une crise (avant, au moment, ou après l’admission) soient traités par traite-
ment antiépileptique pour prévenir des crises ultérieures. Les guidelines américains recomman-
dent également l’utilisation du traitement antiépileptique chez les patients ayant présenté une
crise unique sans lésion du parenchyme cérébral [17].

En cas d’état de mal survenant au cours des TVC, le traitement doit suivre les recommandations
spécifiques pour la prise en charge de l’état de mal. Le levetiracetam IV est une bonne option
à cause de sa bonne tolérance et de son absence d’interaction avec le traitement par AVK.

Récidive d’événement thrombotique veineux


(cérébral ou autre)
Le risque de récidive d’un événement thrombotique veineux après une TVC est de 4,1 par 100 per-
sonnes-années et celui de thrombose veineuse cérébrale est de 1,5 par 100 personnes-années
[43]. Le traitement par AVK est donc recommandé après la phase aiguë de TVC afin de prévenir
une nouvelle thrombose. Chez l’adulte, les facteurs de risque de récidive de TVC sont le sexe
masculin, les syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie de Vaquez et thrombocytémie essen-
tielle) et les thrombophilies sévères telles que le syndrome des antiphospholipides, les déficits
en inhibiteurs physiologiques de la coagulation (antithrombine, protéine C et protéine S) ou
l’association de plusieurs thrombophilies [43-45]. Le risque de récidive n’est pas aussi important
chez les patients porteurs d’une thrombophilie mineure telle que mutation à l’état hétérozygote
du facteur V Leiden ou du gène de la prothrombine. La durée optimale du traitement anticoa-
gulant n’a jamais été évaluée dans un essai randomisé. Elle fait l’objet d’une étude en cours
EXCOA-CVT (EXtending Oral Anticoagulant treatment after acute Cerebral vein Thrombosis) [46].

/ 203
Partie 2 – Phase aiguë

Actuellement, les recommandations européennes suggèrent de poursuivre le traitement par AVK


pendant 3 à 12 mois selon le risque thrombotique individuel, avec un INR cible entre 2 et 3.
Pour les Américains, si la TVC est liée à un événement transitoire, le traitement par AVK peut
être arrêté après une plus courte période (3-6 mois), tandis qu’en cas de thrombophilie mineure
ou de TVC idiopathique, il doit être maintenu plus longtemps (6-12 mois), et indéfiniment en
cas de thrombophilie majeure ou de récidive de thrombose veineuse. Ces recommandations sont
cependant établies à partir de l’expérience et des études dans les thromboses veineuses des
membres inférieurs et dans les embolies pulmonaires. Malgré des facteurs de risque similaires,
le choix de baser la décision de la durée du traitement sur ces données peut être discuté sachant
que les TVC ont une physiopathologie et une évolution particulières.

En attendant les résultats des essais randomisés en cours, les AODs ne sont pas recommandés
en remplacement du traitement par AVK [18].

Céphalées
Les céphalées sont une plainte fréquente au cours du suivi des patients ayant présenté une TVC.
En général, il s’agit de céphalées primaires, céphalées de tension ou migraine, sans relation avec
la thrombose. Chez les patients qui ont des céphalées sévères ou persistantes, l’imagerie (IRM
et angioRM ou angioscanner) doit être répétée pour comparaison avec l’imagerie antérieure. La
présence d’acouphènes pulsatiles doit faire éliminer une fistule durale compliquant la thrombose.

Si les céphalées persistent malgré la normalité de l’imagerie, une ponction lombaire à visée
diagnostique et thérapeutique peut s’avérer nécessaire pour rechercher une hypertension intra-
crânienne et la traiter. En cas de persistance d’une hypertension intracrânienne isolée, le traite-
ment consiste en la perte de poids, l’acétazolamide ou le topiramate, la ponction lombaire
évacuatrice éventuellement répétée et exceptionnellement le stenting du sinus transverse ou le
shunt lombo-péritonéal [47].

Une attention toute particulière doit être portée à la surveillance de la fonction visuelle (bilan
neuro-ophtalmologique avec acuité visuelle et champs visuel) chez les patients avec un œdème
papillaire ou une plainte visuelle, afin d’éviter la baisse sévère d’acuité visuelle, devenue néan-
moins rare à notre époque. La prise en charge rapide de la TVC et le traitement de l’hypertension
intracrânienne sont les principales mesures pour prévenir la baisse d’acuité visuelle. La fenestra-
tion de la gaine du nerf optique [48] s’avère rarement nécessaire et doit alors être réalisée dans
les centres avec l’expérience de cette procédure.

Épilepsie
Les crises épileptiques tardives (survenant plus de 2 semaines après le diagnostic de TVC) affec-
tent 5 à 32 % des patients. La plupart surviennent durant la première année de suivi. Les facteurs
de risque de survenue d’une crise tardive sont la survenue d’une crise épileptique à la phase
aiguë, la présence d’une lésion supratentorielle et hémorragique sur l’imagerie à l’admission et
une parésie [49]. Il n’y a pas d’essais randomisés ou d’études observationnelles sur le traitement
pour la prévention des crises épileptiques survenant à distance de la phase aiguë de la TVC. En
raison du manque de données, les guidelines européens n’émettent pas de recommandations
sur ce point [18]. Selon les recommandations américaines, un traitement antiépileptique est
habituellement prescrit pour une durée déterminée (habituellement 1 an), chez les patients ayant
présenté une crise précoce et une lésion du parenchyme cérébral. Cette attitude est également
retenue chez les patients ayant présenté une crise sans lésion du parenchyme [17].

204 /
Traitement des thromboses veineuses cérébrales

Contraception et futures grossesses


La contraception orale et le traitement hormonal substitutif (sauf ceux contenant de façon
exclusive des progestatifs) sont définitivement contre-indiqués. La contraception d’urgence est
également contre-indiquée. Les méthodes contraceptives autres que celles orales ou parentérales
peuvent être utilisées [18].

La TVC, même survenue au cours de la grossesse ou en post-partum, n’est pas une contre-
indication à la survenue d’une grossesse ultérieure [18]. Bien que la grossesse et le post-partum
soient des facteurs prédisposant à la TVC, le risque absolu de complications au cours d’une
grossesse survenant chez des femmes ayant eu une TVC est bas. Dans une revue systématique
récente de 13 études, sont survenus seulement un épisode de TVC au cours de 217 grossesses
(0,9 %) et 5 événements thrombotiques veineux d’autre localisation au cours de 186 grossesses
(soit 2,7 %). Ce risque est cependant un peu plus important que dans la population générale. Le
taux de fausse couche n’est pas différent de celui de la population générale [50].

Bien que le niveau de preuve soit faible, un traitement prophylactique par HBPM est prescrit
pendant la grossesse et le post-partum chez les femmes ayant présenté une TVC. En cas de TVC
survenant au cours de la grossesse ou en post-partum, un traitement par HBPM est préféré et
doit être poursuivi au moins pendant 6 semaines après l’accouchement. Le traitement par war-
farine est tératogène et ne doit pas être prescrit pendant le premier trimestre de grossesse. Les
anticoagulants oraux peuvent aussi provoquer des hémorragies fœtales ou placentaires, princi-
palement pendant le dernier trimestre de grossesse et au moment de l’accouchement, à cause
de leur passage placentaire [18].

La majorité des avancées récentes dans le domaine des TVC a été possible grâce à la collaboration
de multiples centres, permettant l’évaluation de grandes cohortes de patients. L’analyse de sous-
groupes particuliers a également été possible grâce à ces cohortes. Il reste cependant des ques-
tions non résolues et des points à améliorer pour la prise en charge des patients. Ce sont par
exemple :
■ le développement ou l’amélioration de séquences d’IRM pour augmenter la précision du
diagnostic et éviter les erreurs diagnostiques mais également pour réduire le coût de confir-
mation du diagnostic des TVC par la neuro-imagerie ;
■ l’identification de nouveaux marqueurs génétiques pour stratifier la prédisposition à la
TVC ;
■ la réalisation d’études observationnelles (registres multicentriques, revues de donnée des
bases administratives) et expérimentales (essais cliniques randomisés) pour évaluer l’effi-
cacité et la tolérance des prises en charge qui ne sont pas actuellement reconnues avec des
niveaux de preuve suffisants et pour identifier les patients qui en bénéficieraient au mieux
ou non.

À cause de la rareté de la TVC, les collaborations multicentriques académiques et les partenariats


avec l’industrie sont indispensable pour améliorer notre connaissance de cette pathologie.

/ 205
Partie 2 – Phase aiguë

Dans les prochaines années, les résultats de diverses études sur des questions non résolues
(comme l’intérêt de la thrombolyse endovasculaire/thrombectomie, la durée de l’anticoagulation,
l’utilisation des anticoagulants oraux, de la chirurgie décompressive, la grossesse après TVC)
seront disponibles et augmenteront le niveau de preuve des prises en charge, permettant de
proposer le traitement le plus approprié pour les patients.

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/ 207
17

Les complications générales sont fréquentes dans les suites d’un accident vasculaire cérébral
(AVC). Elles sont une cause importante de mortalité dans les premières semaines, ainsi que de
prolongations d’hospitalisations et de surcoût [1, 2]. Elles sont favorisées par l’état préalable du
patient, en particulier l’âge et les pathologies préexistantes, et la sévérité du déficit neurolo-
gique [1, 2]. Ces complications générales limitent les capacités de récupération, en raison i) d’un
effet délétère de l’hyperthermie, l’hyperglycémie, l’hypoxie, ou d’un syndrome inflammatoire ;
ii) de l’effet délétère de certaines thérapeutiques utilisées pour traiter ces complications ; et iii)
des perturbations qu’elles induisent sur la rééducation [1]. Elles peuvent survenir dès les pre-
mières heures ou après quelques jours ou semaines, comme c’est le cas pour les pneumopathies,
les escarres, et les accidents thromboemboliques [3]. Elles peuvent souvent être évitées, et doi-
vent être traitées rapidement quand elles se produisent : le bénéfice de la prise en charge en
unité neurovasculaire s’explique en partie par la réduction de ces complications [4].

Nous n’aborderons pas les crises épileptiques, les récidives précoces, l’infarctus malin, la trans-
formation hémorragique des infarctus, l’augmentation de volume des hémorragies, et les compli-
cations des traitements administrés en phase aiguë, car ces sujets sont traités dans d’autres
chapitres.

/ 209
Partie 2 – Phase aiguë

Les complications neurologiques sont moins fréquentes que les complications générales. Elles
surviennent dans les premières 72 h, plus précocement que les complications générales [3,5], et
contribuent fortement à la mortalité des premiers jours [1]. Elles sont énumérées dans le
Tableau I.

TABLEAU I ▼ Complications neurologiques précoces après un AVC.


Communes à tous types d’AVC Spécifiques Spécifiques
à l’ischémie cérébrale à l’hémorragie cérébrale

Confusion mentale Récidive ischémique cérébrale Augmentation de volume


Céphalées Transformation hémorragique de l’hémorragie
Douleurs centrales Infarctus cérébral malin Œdème périhémorragique
Troubles du sommeil
Hydrocéphalie
Crises épileptiques
Hypertension intracrânienne

Confusion mentale
Une confusion mentale survient chez un patient sur 4 après un AVC [6]. Elle se définit par une
perturbation aiguë de la conscience et une intensité fluctuante au cours de la journée. Elle est
rarement en relation directe avec la lésion cérébrale, mais est favorisée par un déclin cognitif
préalable et une affection intercurrente (fièvre, infection urinaire ou pulmonaire, rétention d’urine
ou constipation, trouble métabolique), une prise médicamenteuse ou un sevrage médicamen-
teux [6]. Il n’y a pas d’essai randomisé conduit spécifiquement dans une population d’AVC pour
préciser le traitement le plus approprié. Les recommandations reposent donc sur des études
menées en dehors des AVC. Il est recommandé avant tout de détecter la cause de la confusion
et de la traiter (infection urinaire ou pulmonaire, trouble métabolique, surdosage ou sevrage
thérapeutique, lobe vésical, fécalome etc.). En raison de leurs effets délétères potentiels sur la
récupération fonctionnelle, les sédatifs doit être évités à chaque fois que le seul recours au
traitement de la cause est suffisant.

Céphalées
Les céphalées sont plus fréquentes dans les hémorragies cérébrales où elles dépendent du volume
de lésion, que dans les ischémies, où elles dépendent plus de la cause que du volume lésionnel
[7]. Elles sont plus fréquentes chez les jeunes, les femmes, les accidents vertébro-basilaires, et
les patients ayant des céphalées préexistantes [7]. Elles sont plus fréquentes dans les dissections,
le syndrome de vasoconstriction réversible et les thromboses veineuses cérébrales [7], et sont
très rares dans les infarctus lacunaires. Certaines céphalées ont un caractère migraineux et peu-
vent survenir indépendamment d’antécédent de migraine. Les plus répandues ont toutefois les
caractéristiques de céphalées de tension et durent jusqu’à une semaine [8]. Il n’y a pas d’essai
randomisé conduit spécifiquement dans le contexte d’un AVC. Les céphalées post-AVC sont
généralement d’intensité modérée et disparaissent spontanément en quelques jours ou avec des
antalgiques comme le paracétamol.

210 /
Complications neurologiques et générales à la phase aiguë

Douleurs centrales
Des douleurs centrales, connues sous le nom de syndrome de Dejerine-Roussy, peuvent survenir
dans les lésions du noyau ventro-postéro-latéral du thalamus [9], de la capsule interne, ou du bulbe.
En fait, toute lésion qui touche les voies spinothalamiques et épargne la sensibilité lemniscale, peut
entraîner ce type de douleur. Elles apparaissent généralement après quelques jours, mais un début
plus tardif est possible [10]. Amitriptyline, lamotrigine et prégabaline sont recommandés en 1re
intention, mais peu d’études se sont intéressées spécifiquement aux douleurs centrales post-AVC.
Les traitements médicamenteux recommandés sont détaillés dans le Tableau II. Les résistances aux
traitements médicamenteux sont fréquentes, et dans certains cas, la stimulation cérébrale profonde
ou la stimulation magnétique transcrânienne apportent un soulagement [11].

TABLEAU II ▼ Traitements des douleurs centrales post-AVC. Modifié d’après Balami et al. [1]. Les
niveaux d’évidence sont ceux de l’Oxford Centre for Evidence-based medicine [62].
MÉDICAMENTS NIVEAU DE PREUVE REMARQUE

Antidépresseurs Doivent être utilisés en 1re intention


Amitryptilline 2B Efficace. Bien tolérée.
Fluvoxamine 2B Efficace

Antiépileptiques
Lamotrigine 1B Efficacité modérée. Bien tolérée
Gabapentine 3C Peu efficace. Bien tolérée
Prégabaline 3C Semble efficace. Bien tolérée. Faible niveau de preuve

Opiacés
Morphine et naloxone 2B Inefficaces et responsables d’effets secondaires

Anesthésiques Efficaces pour une période limitée dans le temps


Lidocaïne 2B Efficace
Propofol et pentothal 3C Efficaces
Mexilétine 3C Inefficace et responsable d’effets secondaires

Troubles du sommeil
Les troubles du sommeil se rencontrent chez près d’un patient sur deux et se caractérisent
principalement par une tendance à l’hypersomnie, une somnolence diurne excessive et parfois
une insomnie nocturne [12]. Des perturbations prolongées du cycle veille-sommeil se rencontrent
dans les infarctus thalamo-sous-thalamiques paramédians, les infarctus du tronc cérébral et les
infarctus hémisphériques étendus [12]. Ils peuvent aussi être favorisés par une dépression, une
anxiété, des douleurs, des troubles respiratoires, certains traitements, des complications urinaires,
et en milieu hospitalier, le bruit et la lumière [12]. Une atteinte de la réticulée activatrice peut
être responsable de somnolence [12]. Il est recommandé d’agir autant que possible sur ces
facteurs favorisants, et de traiter un éventuel syndrome d’apnée du sommeil, un syndrome
dépressif, avant d’envisager des traitements médicamenteux dont aucun n’a fait l’objet d’une
évaluation spécifique dans le post-AVC. La miansérine pourrait être utile dans les insomnies et
le modafinil dans les hypersomnies, mais le niveau de preuve est faible.

Hydrocéphalie
Une hydrocéphalie aiguë peut survenir dans les infarctus et les hémorragies du cervelet. Dans
les infarctus du cervelet, elle peut survenir jusqu’au 4e jour, et est consécutive à un volumineux
infarctus œdémateux qui entraîne une compression du tronc cérébral, une hernie transforaminale

/ 211
Partie 2 – Phase aiguë

ou transtentorielle, et finalement une hydrocéphalie obstructive [13]. Le petit volume et l’inex-


tensibilité de la fosse cérébrale postérieure expliquent que la décompensation puisse être très
rapide. Un trouble de vigilance, une paralysie de verticalité du regard vers le haut, et des cépha-
lées en sont les signes les plus précoces [13]. La bradycardie et le hoquet sont plus tardifs [13].
Il est préférable de dépister l’hydrocéphalie par une imagerie avant l’aggravation : un effet de
masse sur le 4e ventricule et les espaces sous-arachnoïdiens en regard d’un infarctus étendu du
cervelet, ou une dilatation progressive des ventricules doivent faire se poser la question de la
chirurgie. La prise en charge nécessite une position tête légèrement surélevée à 20 à 30o afin de
favoriser le drainage veineux et une correction des facteurs d’aggravation telle l’hypoxie ou
l’hypercapnie. Une dérivation ventriculaire externe et un abord direct de la fosse postérieure
sont nécessaires pour limiter les conséquences de l’hydrocéphalie et de la compression directe
du tronc cérébral. Le même phénomène peut survenir dans les hémorragies cérébelleuses, mais
dans un délai beaucoup plus rapide, se comptant en heures et non plus en jours [14].

Complications cardiaques
Les complications cardiaques observées en phase aiguë des AVC ont deux origines différentes :
i) la décompensation de pathologies cardiaques préexistantes, parfois à l’origine de l’AVC ; et
ii) la survenue de troubles cardiaques de novo favorisés par l’AVC [15, 16].

La plupart des complications cardiaques, en particulier les plus graves, surviennent précoce-
ment [17]. Les patients ayant une insuffisance cardiaque congestive, un diabète, un AVC sévère,
une insuffisance rénale, ou un QT long sur l’ECG sont ceux qui sont le plus à risque de compli-
cations cardiaques [17, 18].

Infarctus du myocarde
Le risque d’infarctus du myocarde en phase aiguë est élevé [17]. Cela pourrait s’expliquer par la
dysrégulation du système nerveux autonome et la réponse au stress [2]. Les troponines ont
souvent un taux sérique élevé après un AVC, témoignant d’une souffrance myocardique infra-
clinique [19], qui peut être la conséquence de l’AVC [2], en particulier lorsque la lésion vasculaire
touche l’insula [20]. Les taux de troponine ne sont pas aussi élevés que dans l’infarctus du
myocarde, mais il est difficile de déterminer le seuil au-delà duquel il convient de pratiquer des
investigations complémentaires à visée coronaire.

Arythmies cardiaques
Divers types d’arythmies peuvent s’observer en phase aiguë d’un AVC, principalement la fibril-
lation atriale. Ces arythmies peuvent être responsables d’une instabilité hémodynamique, voire
de décès [18]. Il est parfois difficile, dans les ischémies cérébrales, de déterminer si l’arythmie
est la cause ou la conséquence de l’AVC, en particulier dans les lésions étendues incluant la
région insulaire [18]. Les lésions insulaires sont plus fréquemment associées à des anomalies de
repolarisation, et à une mort vasculaire [15], et dans les lésions de l’insula droite, à une fibrillation
atriale [21]. La responsabilité de la lésion insulaire dans la survenue d’arythmies cardiaques

212 /
Complications neurologiques et générales à la phase aiguë

secondaires est plus facile à établir dans les hémorragies cérébrales, et dans les hémorragies
sous arachnoïdiennes, surtout quand ces pathologies surviennent chez des sujets jeunes [16].

Insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque a été peu étudiée à la phase aiguë des AVC, et, généralement, les insuf-
fisances cardiaques de novo n’ont pas été individualisées. Elle est pourtant associée à un risque
élevé de décès précoce [17]. Elle peut être la conséquence directe d’un infarctus du myocarde,
d’une fibrillation atriale rapide, ou d’un sevrage thérapeutique intempestif. Une surcharge
hydrique, souvent iatrogène, peut également y contribuer. Une forme particulière est le syn-
drome de Takotsubo, qui se rencontre dans un peu plus de 1 % des AVC en phase aiguë [22].
Celui-ci représente une cardiomyopathie de stress avec une insuffisance cardiaque, une surélé-
vation du segment ST, une élévation des concentrations sériques en peptide natriurétique, un
ballonnement apical du ventricule gauche, et des marqueurs biologiques d’ischémie myocardique
normaux ou peu élevés [23].

Complications respiratoires
Pneumopathies
Les pneumopathies sont les complications les plus fréquentes après un AVC, et une cause majeure
de décès en phase aiguë [24]. La cause la plus fréquente est un trouble de déglutition, favorisant
l’inhalation des bactéries présentes au niveau de la cavité buccale et du pharynx. Elles surviennent
plus fréquemment chez les patients les plus âgés, dans les AVC les plus graves en particulier
avec coma, en présence d’une pathologie respiratoire préexistante, et lorsqu’une ventilation
assistée est nécessaire [24, 25]. Les troubles cognitifs sont plus fréquents chez les patients qui
développent une pneumopathie [26]. Les anomalies radiologiques sont souvent retardées par
rapport aux données cliniques.

La prévention de ces pneumopathies est cruciale. Elle repose sur la détection des troubles de
déglutition, l’alimentation par sonde nasogastrique et la kinésithérapie respiratoire si la toux est
rendue difficile en raison de la faiblesse des muscles expiratoires [27]. Le nursing, avec les soins
de bouche, et les soins dentaires si besoin, permettent de limiter le risque de pneumopathie.
Une prophylaxie par antibiotique à large spectre ne semble pas apporter de bénéfice supplé-
mentaire par rapport à ces mesures générales [28] et expose aux risques de résistance aux
antibiotiques et de colite infectieuse. Une fois déclarées, les pneumopathies nécessitent une
antibiothérapie adaptée aux bacilles Gram négatif, et aux Cocci Gram positif [2].

Désaturation en oxygène sans pneumopathie


ou embolie pulmonaire
Certains patients développent, dans les 48 premières heures, une désaturation en oxygène en
dehors de toute pneumopathie ou embolie pulmonaire, souvent peu sévère et transitoire, parfois
plus grave et prolongée [29]. Elle peut être délétère au niveau de la zone de pénombre. Ses
causes de cette désaturation sont multiples : i) dysfonctionnement de la régulation centrale de
la respiration, avec apnées du sommeil ; ii) faiblesse des muscles respiratoires ; iii) atélectasies
favorisées par un défaut de toux : et iv) perte de capacité vitale en position allongée, les alvéoles
les plus déclives n’étant plus fonctionnelles. Bien que le niveau de preuve soit faible, il est
néanmoins recommandé de surveiller la saturation en oxygène en phase aiguë des AVC et de
maintenir un niveau de saturation supérieur à 92 % [25].

/ 213
Partie 2 – Phase aiguë

Troubles respiratoires au cours du sommeil


Les troubles respiratoires au cours du sommeil, en particulier les apnées obstructives du sommeil,
et la respiration périodique centrale du sommeil, sont fréquents au cours de la phase aiguë des
AVC [30]. Ils induisent fréquemment une hypoxie, une baisse de débit cardiaque et des modifi-
cations de pression artérielle, qui peuvent aggraver les lésions cérébrales. Les facteurs favorisant
ces troubles respiratoires sont des facteurs individuels préexistants à l’AVC, comme le surpoids
[31]. La présence de ces troubles respiratoires en phase aiguë est associée à un plus mauvais
pronostic [31], mais chez la plupart des patients ces troubles sont transitoires et s’améliorent
avec le temps [32]. Il est possible que le traitement des apnées du sommeil en phase aiguë
favorise la récupération, et à terme, améliore le pronostic [2], mais le niveau de preuve est faible
en raison de la petite taille des études.

Complications digestives
Dysphagie
La prévalence des troubles de déglutition en phase aiguë des AVC est variable selon les études,
dépendant du case-mix, de la sévérité, et surtout des méthodes mises en place pour les dépister.
Elle est estimée entre 37 % et 78 % [33]. Les troubles de déglutition sont plus fréquents dans
les lésions du tronc cérébral, mais ils se rencontrent aussi dans les lésions hémisphériques, en
particulier quand elles sont bilatérales. Une étude menée au Canada chez un peu plus de
1 000 patients admis pour une hémorragie cérébrale a identifié un défaut de dépistage systé-
matique des troubles de déglutition chez un tiers d’entre eux, et ce défaut de dépistage était
associé à un plus mauvais pronostic [34]. Les troubles de déglutition peuvent entraîner 3 compli-
cations majeures [34] : les pneumopathies, la déshydratation et la dénutrition. Chez la plupart
des patients, la déglutition s’améliore avec le temps, spontanément, et les séquelles définitives
sont rares [35]. Le dépistage des troubles de déglutition est souvent effectué par les orthopho-
nistes. Il peut aussi être effectué par les infirmières qui présentent l’avantage d’être présentes
24 h/24. Une étude autrichienne [36] a montré que le dépistage des troubles de déglutition par
des infirmières formées utilisant le Gugging Swallowing Screen (GUSS) [37], comparé au dépis-
tage par les orthophonistes, réduit significativement le délai de la première évaluation (7 h vs
20), le taux de pneumopathies (4 % vs 12 %) et la durée d’hospitalisation (8 jours vs 9). Ce test,
lorsqu’il est administré par des infirmières, a une sensibilité de 100 % pour le dépistage des
troubles de déglutition et une bonne reproductibilité d’un évaluateur à l’autre [37]. Sa spécificité
n’est que de 69 %, mais dans le cas présent c’est la sensibilité qui est recherchée. Ce test
comprend 2 parties (Tableau III) : une évaluation indirecte, et une évaluation directe, elle-même
divisée en 3 sous-tests. Des points sont attribués, de 0 (plus mauvaise performance) à 5 (meil-
leure performance). Ce maximum de 5 doit être atteint pour passer au test suivant. Sinon, si un
sous-test aboutit à un score inférieur à 5 points, l’examen est arrêté et un régime oral spécial
et/ou une exploration plus approfondie par vidéo-fluoroscopie ou endoscopie est recommandée
(Tableau IV) [37].

En présence d’une dysphagie, l’apport nutritionnel nécessite généralement la pose d’une sonde
nasogastrique, ou, lorsque la dysphagie dure plusieurs semaines, une gastrostomie. Aucune de
ces 2 méthodes ne permet d’éviter de façon certaine la survenue d’une pneumopathie. Dans
l’essai FOOD [38], interrompu en raison d’un manque de financement, et manquant donc de
puissance statistique, aucune différence significative ne fut identifiée selon que l’alimentation

214 /
Complications neurologiques et générales à la phase aiguë

TABLEAU III ▼ Gugging Swallowing Screen (GUSS) [37].


1re phase. Évaluation préliminaire : test indirect de déglutition
OUI NON
Vigilance
1p 0p
(Le patient doit être éveillé pendant au moins 15 minutes)
Toux volontaire et liberté du pharynx
1p 0p
(Le patient doit tousser ou s’éclaircir la gorge 2 fois)
Déglutition de la salive* : normale 1p 0p
Déglutition de la salive* : bavage 0p 1p
Déglutition de la salive* : modification de la voix 0p 1p
Sous-total —/5
* Si le patient est incapable de produire suffisamment de salive à cause d’une
0 à 4 : arrêter le test
sécheresse de la bouche, on peut s’aider d’une pulvérisation d’eau ou d’une très
5 : passer à la 2e phase
petite quantité d’eau (1 mL correspond à l’équivalent d’une déglutition de salive).

2e phase. Test direct de déglutition directe. Matériel nécessaire : cuillère à café (5 mL), eau, épaississant
alimentaire, pain, cuillère à café 5 mL
Respecter l’ordre suivant —> 1 —> 2 —> 3 —>
Semi solide* Liquide** Solide***
Déglutition
Impossible 0p 0p 0p
Avec délai
(> 2 sec pour les liquides 1p 1p 1p
et > 10 sec pour les solides)
Normale 2p 2p 2p
Toux (involontaire) avant, pendant ou après la déglutition (jusqu’à 3 minutes)
Oui 0p 0p 0p
Non 1p 1p 1p
Bavage
Oui 0p 0p 0p
Non 1p 1p 1p
Modification de la voix (Écouter la voix avant et après la déglutition)
Oui 0p 0p 0p
Non 1p 1p 1p
Sous-total —/5 (c) —/5 (d) —/5
0 à 4 : investiguer‡ 0 à 4 : investiguer‡ 0 à 4 : investiguer‡
5 : continuer liquides 5 : continuer solides 5 : normal
TOTAL
—/20
(a + b + c + d)
* L’eau est épaissie avec un épaississant alimentaire instantané ayant la consistance du pudding. L’infirmière commence avec 1/3 à 1/2
cuillère à café, puis 5 demi-cuillères à café supplémentaires. L’infirmière doit observer le patient après chaque cuillérée. L’investigation est
interrompue si 1 des 4 signes suivant est observé : impossibilité de déglutir, toux lors de la déglutition, bavage ou changement de voix.
** Commencer avec 3 mL d’eau, puis le test se poursuit avec des quantités croissantes de 5, 10, 20 et 50 mL d’eau. Au cours
du test à 50 mL, il est demandé au patient de boire aussi vite que possible
*** Celle-ci s’effectue avec un petit morceau de pain sec, puis le test, s’il est réussi, est répété 5 fois. Le délai maximum pour
déglutir un petit morceau de pain sec est 10 secondes, y compris pour la phase de préparation orale du bol alimentaire

Vidéo-fluoroscopie, endoscopie ou tout autre méthode équivalente

/ 215
Partie 2 – Phase aiguë

entérale était précoce (< 7 jours) ou différée (> 7 jours), et selon qu’elle se fasse par sonde
nasogastrique ou par gastrostomie percutanée. Il y avait une tendance vers une moindre mor-
talité dans le groupe « alimentation précoce », au prix de séquelles plus lourdes, et une mortalité
légèrement plus élevée avec la gastrostomie comparée à la sonde nasogastrique [38]. L’alimen-
tation par sonde nasogastrique est donc préférable, laissant ainsi aux patients le temps de la
récupération spontanée, et la gastrostomie percutanée doit être réservée à ceux qui n’ont pas
récupéré une déglutition satisfaisante après quelques semaines.

TABLEAU IV ▼
Recommandations pour l’alimentation selon les résultats du Gugging Swallowing
Screen (GUSS) [37].
Score Résultat au GUSS Signification Recommandation pour l’alimentation
au GUSS

20 Déglutition normale Pas de dysphagie Régime normal


au GUSS pour Risque minime Boissons à volonté (sous la surveillance
les semi-solides, d’inhalation d’un professionnel pour la 1re fois)
liquides et solides

15-19 Déglutition normale Discrets troubles Régime adapté aux dysphagiques avec purées
au GUSS pour de déglutition Boire lentement, une gorgée à la fois
les semi-solides Risque d’inhalation Évaluation par endoscopie
et les liquides faible ou vidéo-fluoroscopie
mais pas pour les solides Adresser à l’orthophoniste

10-14 Déglutition normale Troubles Régime adapté aux dysphagiques


au GUSS pour de déglutition modérés avec aliments semi-solides (pots pour bébés)
les semi-solides avec risque d’inhalation et alimentation complémentaire
mais pas les liquides parentérale ou par sonde nasogastrique
Toutes les boissons doivent être épaissies
Les médicaments doivent être écrasés
et mixés avec les boissons épaissies
Pas de médicaments liquides
Évaluation par endoscopie
ou vidéo-fluoroscopie
Adresser à l’orthophoniste

0-9 Phase préliminaire Dysphagie sévère Aucune alimentation orale autorisée


du GUSS impossible avec risque d’inhalation Évaluation par endoscopie
ou déglutition important ou vidéo-fluoroscopie
de semi-solides Adresser à l’orthophoniste
impossible

Hémorragies digestives
La fréquence des hémorragies digestives après un AVC a été rapportée dans quelques études
observationnelles, avec peu de détails sur leur sévérité et leurs facteurs de risques [39]. Dans
une étude relativement ancienne de 600 patients ayant un AVC ischémique ou hémorragique
leur fréquence était de 3 % [40], et la moitié était sévère [40]. Dans une autre étude à plus
grande échelle (6 853 patients, infarctus cérébraux exclusivement), 1,5 % ont présenté une
hémorragie digestive pendant leur hospitalisation [41]. Ce risque pourrait être plus élevé chez
les Asiatiques, dans les AVC plus sévères, et en présence d’un antécédent d’ulcère, d’un cancer,
d’un sepsis, d’une insuffisance rénale ou d’anomalies du bilan hépatique [40].

Dans l’étude FOOD, les patients alimentés par sonde nasogastrique avaient une incidence d’hémor-
ragies digestives plus élevée que les patients alimentés par gastrostomie [38]. Les raisons les plus
probables sont un délai augmenté de vidange gastrique, le développement d’ulcères de stress, et
l’irritation de la muqueuse gastrique par la sonde [41]. La survenue d’une hémorragie digestive a
un effet délétère sur l’AVC avec une augmentation de mortalité et morbidité, une augmentation
du risque de récidive, d’accident thromboembolique veineux, et d’infarctus du myocarde, probable-
ment liés à l’instabilité hémodynamique ou à l’arrêt des traitements antithrombotiques [41].

216 /
Complications neurologiques et générales à la phase aiguë

Une revue systématique [42] des diverses stratégies thérapeutiques visant à prévenir les ulcères
de stress chez des patients en état grave, a montré qu’une prophylaxie par inhibiteurs de la
pompe à protons était plus efficaces pour prévenir les hémorragies gastro-intestinales graves,
comparée aux antagonistes des récepteurs histamine 2 (OR, 0,38 ; IC95 % : 0,20–0,73), au sucral-
fate (OR, 0,30 ; IC95 % : 0,13–0,69) et au placebo (OR, 0,24 ; IC95 % : 0,10–0,60). Le sucralfate
et les antagonistes des récepteurs histamine 2 ne réduisent pas le risque d’hémorragie digestive
comparés au placebo. Les inhibiteurs de la pompe à proton sont associés à une augmentation
du risque de pneumopathie, comparés aux antagonistes des récepteurs histamine 2 (OR, 1,27 ;
IC95 % : 0,96–1,68), au sucralfate (OR, 1,65 ; IC95 % : 1,20–2,27), et au placebo (OR, 1,52 ;
IC95 % : 0,95–2,42) mais la qualité des études est faible. C’est l’effet antiacide qui favoriserait
la survenue de pneumopathies. Un autre inconvénient des inhibiteurs de la pompe à protons
pourrait être une perte d’efficacité du clopidogrel, mais cela ne semble pas se confirmer [43].

Troubles du transit intestinal


Il est fréquent d’observer une simple constipation après un AVC, favorisée par l’alitement les
traitements et la déshydratation [44]. Un tableau d’occlusion intestinale fonctionnelle est pos-
sible, en rapport avec un dysfonctionnement du système nerveux autonome [44]. Ce tableau
clinique peut, même en l’absence d’obstacle anatomique, favoriser une perforation colique, avec
péritonite et sepsis [45]. Le tableau clinique comprend des douleurs abdominales et des vomis-
sements avec un arrêt du transit, parfois masqué par une diarrhée due à la prolifération bacté-
rienne [45]. Le traitement comprend essentiellement des mesures d’ajustement hydro-électro-
lytiques, et l’arrêt de certains médicaments comme les anticholinergiques, les sédatifs et les
antagonistes du calcium qui réduisent la motricité intestinale. La marche lorsqu’elle est possible
à un effet favorable. La néostigmine a une certaine efficacité si l’on est certain de l’absence
d’obstacle anatomique. Si une exploration endoscopique n’est pas possible, la chirurgie peut être
indiquée dans certains cas soit en cas de complication, soit en cas de résistance au traitement
médical.

Incontinence anale
Une incontinence fécale est présente chez 1 patient sur 3 [45]. Elle est le plus souvent transitoire
[45] et associée à une incontinence urinaire [45]. Les principaux facteurs associés à l’incontinence
anale sont l’âge, la sévérité de l’AVC, et la présence d’un trouble de la vigilance [45]. Les patients
les plus à risque d’incontinence anale persistante au-delà de 3 mois, sont ceux qui présentent
un handicap moteur les empêchant de se présenter aux toilettes, une perte de dextérité manuelle,
un trouble de vision ou un trouble cognitif [45]. L’utilisation d’anticholinergiques augmente
significativement le risque d’incontinence anale après un AVC (OR, 3,1 ; IC95 % : 1,1–10,2) [45].
Il est recommandé d’éviter la déshydratation et la polymédication, d’améliorer l’accessibilité aux
toilettes, et d’apporter toute modification de régime qui permettrait de faciliter le contrôle anal.

Complications urinaires
Infections urinaires
Les infections urinaires sont fréquentes après un AVC [3]. Elles sont favorisées par l’âge, l’utili-
sation de cathéters urinaires, et la sévérité de l’AVC [46]. Dans la plupart des cas, il s’agit
d’infections non compliquées [3]. Les infections urinaires sont associées à un plus mauvais pro-
nostic [3], mais cette association disparait lorsque l’on ajuste sur l’âge, la sévérité de l’AVC et
l’état préalable [3]. Éviter les cathétérismes inutiles, le respect d’une asepsie rigoureuse, et

/ 217
Partie 2 – Phase aiguë

éventuellement l’utilisation de cathéters à revêtement antimicrobien, réduisent le risque d’infec-


tions urinaires associées aux cathéters. Elles sont généralement causées par Escherichia Coli ou
des entérocoques.

Incontinence urinaire
Chez les patients les plus âgés, les troubles mictionnels sont souvent préexistants à l’AVC.
Toutefois, même chez des patients préalablement asymptomatiques, des troubles du contrôle
urinaire peuvent survenir dans les suites d’un AVC [47]. L’incontinence peut nuire au moral et
à l’estime de soi et imposer un fardeau supplémentaire à leurs aidants. Les facteurs associés
sont l’âge, la sévérité de l’AVC, le diabète, l’hypertension artérielle, et les troubles urinaires
préalables [47]. Aucune étude randomisée n’a clairement établi quelle était la prise en charge
optimale.

Complications thromboemboliques
Thromboses veineuses profondes
Les thromboses veineuses profondes (TVP) sont une préoccupation majeure, en particulier chez
les patients ayant un membre inférieur immobile. Des études anciennes qui ont utilisé le dépis-
tage au fibrinogène marqué à l’iode 125 ont trouvé 50 % de TVP dans les 2 premières semaines
chez les patients hémiparétiques sans prophylaxie [48]. Cette proportion est plus faible dans les
études qui ont utilisé la phlébographie ou les ultrasons [49]. La plupart des TVP se développent
tôt, dès la première semaine [49]. Les principaux facteurs de prédisposition sont l’âge, la sévérité
du déficit et la déshydratation [50].

Embolies pulmonaires
L’embolie pulmonaire est une cause importante de décès après un AVC. Son incidence est très
variable selon les études [49] et semble diminuer en raison d’une utilisation plus répandue de
la thromboprophylaxie. La plupart des embolies pulmonaires fatales surviennent dans le premier
mois [3]. Le diagnostic peut être difficile, en particulier en cas de coexistence d’une infection
respiratoire. La scintigraphie de ventilation/perfusion, et l’angiographie pulmonaire sont des exa-
mens utiles au diagnostic, mais l’angioscanner pulmonaire est de plus en plus utilisé pour le
diagnostic. La prophylaxie par héparine non fractionnée sous-cutanée (HNF) ou héparine de bas
poids moléculaire (HBPM) est efficace pour prévenir les TVP et les embolies pulmonaires, mais
en augmentant le risque hémorragique. Une méta-analyse de 16 essais portant sur
23 043 patients a montré que l’HNF à dose élevée (6 15 000 UI par jour) réduisait l’incidence
des embolies pulmonaires mais augmentait le risque d’hémorragies intracrâniennes, alors que
l’HNF à faible dose (< 15 000 UI) diminuait le risque de TVP mais pas celui d’embolie pulmonaire
ou d’hémorragie [51]. Les fortes doses d’HBPM (> 6 000 UI par jour) diminuent l’incidence des
TVP et de l’embolie pulmonaire en augmentant celui des hémorragies, alors que les faibles doses
(< 6 000 UI par jour) réduisent l’incidence des TVP et de l’embolie pulmonaire sans augmenter
celui d’hémorragies intracrâniennes ou systémiques [51]. Un essai ouvert conduit chez
1 762 patients ayant présenté un infarctus cérébral avec un déficit moteur du membre inférieur
a montré que l’énoxaparine (HBPM) 40 mg par voie sous-cutanée une fois par jour était plus
efficace que l’héparine non fractionnée 5 000 UI par voie sous-cutanée tous les jours pour réduire
les accidents thromboemboliques veineux lorsqu’elle est débutée dans les 48 h [52]. Les HBPM
semblent avoir une plus grande efficacité dans la prévention des TVP que l’HNF aux doses
utilisées, mais elles sont associées à un risque plus élevé d’hémorragie extracrânienne. Les

218 /
Complications neurologiques et générales à la phase aiguë

recommandations actuelles sont d’utiliser une anticoagulation sous-cutanée préventive avec soit
l’HNF soit une HBPM chez tous les patients qui sont immobiles ou qui ont d’autres facteurs de
risque de TVP [25].

La prise en charge des TVP et de l’embolie pulmonaire est plus compliquée chez les patients
présentant une hémorragie intracrânienne. Il existe peu de données sur les risques et les avan-
tages de l’anticoagulation chez les patients présentant une hémorragie intracrânienne [53]. La
pose d’un filtre cave est une option pour prévenir l’embolie pulmonaire chez les patients à haut
risque, mais cette approche pourrait favoriser la formation de TVP [54]. L’utilisation précoce
d’héparine à faible dose pourrait favoriser l’expansion de l’hémorragie. Les données d’un essai
randomisé ancien et de petite taille conduit chez des patients ayant une hémorragie intracrâ-
nienne ont montré que la prophylaxie par héparine initiée le deuxième jour est bien tolérée et
est plus efficace pour prévenir l’embolie pulmonaire qu’une initiation différée entre le 4e et le
10e jour [55]. Un grand essai multicentrique (CLOTS) n’a pas montré de bénéfice des bas de
contention en prévention des TVP, de l’embolie pulmonaire ou de la mortalité [56]. Leur utili-
sation augmente même le risque de complications cutanées [56]. En revanche, la compression
pneumatique intermittente réduit le risque de TVP [57].

Fractures du col du fémur


Les fractures du col du fémur ont un risque multiplié par 7 dans l’année qui suit un AVC, et
parfois survenir en phase aiguë. Elles sont associées à une morbidité et une mortalité élevées
[58]. Elles sont favorisées par les chutes, et l’existence d’une ostéopénie liée à l’âge. La reprise
précoce de la marche et le traitement de l’ostéoporose semblent être utiles pour prévenir ces
fractures.

Fièvre
Une fièvre inexpliquée est fréquente en phase aiguë des AVC [59], surtout si l’AVC est sévère
et hémorragique. Dans la plupart des cas, l’hyperthermie est peu élevée. La fièvre peut être
causée par une altération de la thermorégulation centrale dans les AVC du tronc cérébral. Elle
peut exacerber les lésions neuronales en augmentant les besoins métaboliques dans la zone de
pénombre. Un essai multicentrique de phase III a évalué l’effet de l’administration régulière de
paracétamol dans les 12 h suivant l’apparition des symptômes [60] : aucune différence n’a été
observée entre les groupes placebo et paracétamol, mais une analyse post-hoc conduite chez
les patients ayant une température corporelle initiale entre 37 et 39 oC suggère un effet favorable
du paracétamol qui nécessite d’être validé dans un essai spécifique.

Escarres
Les patients victimes d’un AVC sont susceptibles de développer des escarres de décubitus, en
particulier ceux qui sont alités pendant des périodes prolongées [2]. La faible mobilité, l’incon-
tinence et la dénutrition augmentent le risque. Le sacrum, les fesses et les talons sont les sites
habituels des escarres et doivent être examinés fréquemment. La mobilisation précoce, le retour-
nement des patients toutes les 2 h, l’utilisation de bottes à talon rembourré et de matelas
pneumatiques spéciaux peuvent empêcher leur développement [2].

/ 219
Partie 2 – Phase aiguë

Outre la prise en charge spécifique de l’AVC, visant à recanaliser une artère occluse, ou à limiter
l’expansion d’une hémorragie, les mesures de prévention et de prise en charge des complications
neurologiques et générales de l’AVC restent cruciales. Elles font partie des critères de qualité
dans les unités neurovasculaires, car il existe une relation forte entre le respect de ces mesures
générales et le pronostic [61].

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/ 221
18

Le niveau de preuve le plus élevé de l’évaluation d’un traitement est obtenu grâce aux résultats
des essais randomisés contrôlés. La prise en charge bien codifiée que nous connaissons aujourd’hui
des patients ayant un infarctus cérébral (IC) ou un accident ischémique transitoire (AIT) a ainsi
été établie suite aux résultats d’études successives. Toutefois, il est d’importance que l’essai
randomisé soit de qualité méthodologique suffisante (pour minimiser les biais) et que la pré-
sentation des résultats soit honnête et complète pour que l’étude puisse être considérée comme
valide et pertinente pour la pratique clinique. Afin de limiter les biais inhérents à toute étude
et améliorer la qualité des essais randomisés, le groupe CONSORT a établi des critères destinés
à améliorer la qualité de la publication d’un essai clinique randomisé [1, 2]. Ces critères et les
explications fournies sur le site http://www.consort-statement.org/ peuvent largement aider la
conception d’un essai. Par ailleurs, il existe maintenant des recommandations CONSORT adap-
tées à de nombreux types d’essai (voir le site EQUATOR http://www.equator-network.org/).

Dans ce chapitre, nous détaillerons d’abord les différents types d’essais randomisés contrôlés,
puis nous proposerons une grille de lecture critique. Ensuite, nous expliquerons le calcul du
nombre de sujets à inclure, les différentes méthodes d’analyse du score de Rankin modifié, qui
est le critère de jugement principal privilégié dans les essais thérapeutiques de phase aiguë.
Enfin, nous aborderons les critères de jugement composites (ou combinés), les analyses inter-
médiaires et les analyses de sécurité. Nous présenterons des exemples issus d’essais thérapeu-
tiques de phase aiguë et de prévention secondaire.

/ 223
Partie 2 – Phase aiguë

Un nouveau traitement à l’étude se doit d’être plus bénéfique qu’un placebo ou que le traitement
de référence pour être utilisé en pratique clinique. Les bénéfices du nouveau traitement par
rapport au traitement de référence peuvent se concevoir en termes d’efficacité, de sécurité
d’emploi (meilleure tolérance avec moins d’effets indésirables sévères) ou de facilité d’adminis-
tration (voie per os versus intraveineuse).

Essai de supériorité
Une étude de différence (ou essai de supériorité) sera envisagée si l’on souhaite montrer que
l’un est supérieur à l’autre en termes d’efficacité ou de tolérance. Les bénéfices de l’aspirine
(essais IST [3], CAST [4]), de la thrombolyse (essais NINDS [5], ECASS III [6]) et de la thrombec-
tomie mécanique (essais MRCLEAN [7], ESCAPE [8], REVASCAT [9], SWIFT PRIME [10], EXTEND-
IA [11] et THRACE [12]) ont été démontrés grâce à des essais de ce type. Pour la prévention
secondaire, plusieurs essais de supériorité ont montré que les antivitamines K (AVK) étaient plus
efficaces que les antiplaquettaires pour prévenir les récidives dans le cas d’un IC d’origine cardio-
embolique, en particulier celles liées à une fibrillation atriale [13]. Chez les patients ayant pré-
senté un IC ou un AIT lié à une sténose carotide serrée, plusieurs études ont montré la supériorité
d’un geste de revascularisation par chirurgie (endarterectomie) associé au traitement médical
par rapport au traitement médical seul [14, 15].

Dans un essai de supériorité, le but du test statistique est de tester la vraisemblance de l’hypo-
thèse nulle Ho selon laquelle il n’existe pas de différence d’efficacité entre les deux traitements
(efficacité du nouveau traitement - efficacité du traitement de référence = 0). L’hypothèse alter-
native est qu’il existe une différence d’efficacité entre les deux traitements (efficacité du nouveau
traitement – efficacité du traitement de référence ( 0). Le degré de significativité (p) obtenu
par le test statistique représente le risque de rejeter à tort l’hypothèse nulle (erreur de type I
ou risque alpha, ou risque de première espèce). Autrement dit, « p » représente le risque de
conclure faussement à une différence d’efficacité entre les deux traitements alors que ces deux
traitements ont un effet comparable. Par convention, il sera conclu à la supériorité du nouveau
traitement si p est < 0,05, le risque d’erreur de type I étant alors considéré comme suffisamment
faible.

Essai de non infériorité


Quand l’objectif de l’évaluation d’un nouveau traitement est de déterminer s’il est plus sûr ou
mieux toléré ou de plus simple utilisation que le traitement de référence, sans perte importante
d’efficacité, un essai de non infériorité est adapté. Par exemple, dans le cas de la prévention
secondaire d’un IC sur une fibrillation auriculaire non valvulaire, les AVK, bien que très efficaces,
présentent un certain nombre d’effets secondaires et d’inconvénients. Aussi, était-il justifié d’éva-
luer de nouveaux traitements anticoagulants, ou anticoagulants directs, ayant potentiellement
un meilleur profil de tolérance et une plus grande facilité d’utilisation que les AVK par des essais
de non infériorité, sans pour autant avoir une efficacité supérieure sur la prévention des événe-
ments emboliques [16-18]. Par ailleurs, chez les patients ayant une sténose carotidienne récem-
ment symptomatique, l’angioplastie-stenting carotide a l’avantage d’éviter les complications
générales et locales de la chirurgie. L’angioplastie a donc été évaluée par comparaison à la
chirurgie dans des essais de non infériorité afin de déterminer si elle pouvait être considérée
comme une alternative raisonnable à la chirurgie [19].

224 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

Dans un essai de non infériorité, le problème le plus délicat est de définir la limite de non
infériorité (Δ), c’est-à-dire la différence maximale d’effet entre le nouveau traitement et le
traitement de référence (Figure 1). Cette différence définie préalablement au début de l’étude
s’interprète comme la plus grande perte d’efficacité acceptable pour établir que le nouveau
traitement est « non inférieur » au traitement de référence. Δ doit être suffisamment faible pour
ne pas avoir de signification clinique. Pour l’interprétation des résultats d’un essai de non infé-
riorité, l’intervalle de confiance de la différence d’efficacité des deux traitements est utilisé pour
tester l’hypothèse nulle. L’hypothèse nulle est que le nouveau traitement est inférieur au trai-
tement de référence (efficacité du nouveau traitement - efficacité du traitement de référence
^ -Δ). L’hypothèse alternative est que le nouveau traitement est non inférieur au traitement
de référence (efficacité du nouveau traitement - efficacité du traitement de référence > -Δ). Si
l’intervalle de confiance de la différence d’efficacité entre les deux traitements ne dépasse pas
-Δ (à droite de -Δ dans la Figure 1), l’hypothèse nulle peut être rejetée et il sera conclu à la non
infériorité du nouveau traitement. Il sera conclu à une infériorité du nouveau traitement si
l’intervalle de confiance est inférieur à -Δ (se situant à gauche de -Δ dans la Figure 1) ou à une
supériorité si l’intervalle de confiance est supérieur à -Δ (se situant à droite de -Δ dans la
Figure 1). En revanche, si l’intervalle de confiance inclut -Δ, il n’est alors pas possible de conclure
sur l’effet du nouveau traitement. Il est préférable d’utiliser un intervalle de confiance bilatéral
plutôt que l’approche unilatérale où seule la borne inférieure de l’intervalle de confiance est
considérée [20]. Notons que dans un essai de non infériorité avec un risque d’erreur alpha de
rejeter faussement l’hypothèse nulle, un intervalle de confiance bilatéral à 1-2*alpha doit être
utilisé. Ainsi, dans le cas d’un risque alpha de 5 %, comme communément accepté dans un essai
de non infériorité [21], il conviendra de calculer un intervalle de confiance bilatéral à 90 %.

FIGURE 1 Présentation des différents scénarios des résultats d’un essai de non infériorité.

-Δni : marge de non infériorité définie a priori.

De la non infériorité à la supériorité et vice versa


Dans le cas d’un essai de non infériorité ayant démontré la non infériorité du nouveau traitement,
il est méthodologiquement correct de tester la supériorité du nouveau traitement avec les
méthodes habituelles, selon le principe de l’intention de traitement (ITT) [22-24]. Idéalement,
cette stratégie doit être prévue dans le protocole. À l’inverse, dans le cas d’un essai de supériorité
n’ayant pas démontré la supériorité du nouveau traitement, il est incorrect de conclure à une

/ 225
Partie 2 – Phase aiguë

non infériorité post hoc, sauf si une marge de non infériorité était préalablement définie, en
complément de l’hypothèse de supériorité. L’analyse de non infériorité doit être réalisée avec la
population per protocole avec un test ou un intervalle de confiance adapté. Il convient également
de vérifier que la puissance du test de non infériorité (avec la population per protocole) est
suffisante.

Encadré 1. Essai de non infériorité EVA-3S [19]


Essai de non infériorité EVA-3S comparant le stenting carotidien (nouveau traitement) et l’endar-
tériectomie (traitement de référence) chez les patients ayant une sténose carotidienne 6 60 %
récemment symptomatique. Le critère de jugement principal était le taux d’AVC ou décès dans
les 30 jours suivant la revascularisation. Les hypothèses de départ étaient un taux d’AVC-décès
attendu dans les 30 jours de 5,6 % dans le bras chirurgical et de 4 % dans le bras stenting. La
marge de non infériorité était fixée à 2 %. L’hypothèse nulle H0 est formulée de la façon
suivante : H0 : taux d’AVC/décès à J30 bras stenting – taux d’AVC/décès à J30 bras chirurgie ^
-Δ.
Les résultats étaient les suivants :
Intervalle de confiance à 95 %
Chirurgie Stenting de la différence entre stenting
et chirurgie

Critère de
3,9 % 9,6 % 2,1 %-9,3 %
jugement principal

Comme l’intervalle de confiance à 95 % de la différence observée n’incluait pas les 2 % pré-


définis comme la différence maximale acceptable, il était possible de démontrer la non infériorité
du stenting sur la chirurgie, et de conclure en fait à la supériorité de la chirurgie sur la base
d’un test de supériorité.

Après avoir déterminé le type d’essai thérapeutique, il convient de réaliser une lecture critique
de l’étude pour apprécier sa qualité et donc la pertinence des conclusions des auteurs. Plusieurs
guides de lecture ont été écrits par l’Evidence-Based Medicine Working Group [25-27], résumés
dans le Tableau I. Une lecture critique d’un essai consiste en l’examen de 3 grandes parties.
– Juger de la validité des résultats (ou validité interne) : les résultats peuvent-ils être considérés
comme scientifiquement corrects ou ont-ils été faussés par des bais ?
– Juger de l’importance des résultats (ou quantité de l’effet) : la taille et la précision de l’effet
de l’intervention sont-elles cliniquement importantes ?
– Juger de l’utilité de l’étude (ou validité externe) : l’étude est-elle applicable en pratique
clinique ?
Cela fait référence à la médecine fondée sur le niveau de preuve (Evidence-Based Medicine en
anglais).

226 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

TABLEAU I ▼ Grille de lecture critique d’un essai randomisé contrôlé.


Identification de biais limitant la validité de l’étude, autrement dit est-ce que les
Validité interne
résultats sont valides ?

– L’allocation au traitement était-elle randomisée (i.e. tirée au sort) ?


– Tous les patients randomisés sont-ils pris en compte dans l’analyse ?
– Tous les patient inclus ont-ils été suivis jusqu’au terme de l’étude ?
– L’analyse a-t-elle été réalisée en intention de traitement ou non ?
– Est-ce que l’essai a été effectué en double aveugle ?
– Les groupes étaient-ils comparables au début de l’étude ?
– Les groupes ont-ils été traités de la même manière, à l’exception du traitement en
évaluation ?

Quels sont les résultats ?


Quantité d’effet – Quelle est la taille de l’effet du traitement ?
– L’estimation de l’efficacité du traitement est-elle précise ?

Les résultats sont-ils utiles pour la pratique clinique ?


– Les résultats sont-ils applicables dans la prise en charge de mes patients ?
– Tous les critères de jugement pertinents pour la pratique clinique ont-ils été
Validité externe
analysés ?
– Les bénéfices justifient-ils les risques et les coûts, autrement dit les bénéfices du
traitement ont-ils supérieurs à ses inconvénients et les coûts sont-ils acceptables ?

Validité interne de l’étude


L’allocation au traitement était-elle randomisée ?
La randomisation est le fait que l’allocation au traitement est tirée au sort pour chaque patient.
C’est le seul moyen de répartition aléatoire des patients dans chacun des groupes de traitement
étudiés, c’est-à-dire indépendamment des caractéristiques initiales du patient. Toute autre
méthode peut entraîner un biais d’attribution du traitement.

Tous les patients randomisés sont-ils pris en compte


dans l’analyse ?
Cela fait référence aux éventuelles déviations du protocole de l’étude, c’est-à-dire aux patients
chez qui l’intervention n’est pas exactement celle prévue dans le protocole. Il peut s’agir de
patients randomisés dans le groupe A mais recevant le traitement du groupe B, de patients ayant
des effets indésirables non anticipés dans le protocole pouvant entraîner une violation de
l’aveugle. Il convient d’apprécier que ces violations de protocole soient équilibrées entre les
groupes de randomisation.

Tous les patient inclus ont-ils été suivis jusqu’au terme de l’étude ?
La durée du suivi est inscrite dans le protocole de l’étude. Habituellement, tous les patients
doivent être suivis pendant une période de temps minimale, inscrite dans le protocole. Le taux
de perdus de vue doit être le plus faible possible (et largement inférieur à l’incidence du critère
de jugement principal) et comparable entre les groupes. Si tel n’est pas le cas, les auteurs doivent
fournir un commentaire ou une explication, et le prendre en compte dans l’analyse statistique.

/ 227
Partie 2 – Phase aiguë

L’analyse a-t-elle été réalisée en intention


de traitement (ITT) ou non ?
La méthode d’analyse dépend du type d’essai thérapeutique. L’analyse en intention de traite-
ment (ITT) consiste à analyser l’ensemble des patients selon leur groupe de randomisation, quelle
que soit l’adhérence au traitement alloué et le traitement effectivement pris. Ce type d’analyse
est recommandé dans l’essai de supériorité. L’analyse en ITT reste conforme à la randomisation
et évite ainsi les biais d’attrition (biais liés à des différences entre les groupes initiaux et les
groupes finaux, liés à des sorties d’essai ou des interruptions de traitement) et les biais de
sélection (en maintenant la comparabilité initiale des groupes randomisés). Cette approche est
également plus réaliste et se rapproche de la pratique clinique (les patients pouvant arrêter
prématurément un traitement prescrit du fait d’effets secondaires ou ne pas suivre le précisé-
ment protocole du fait d’une mauvaise observance). Enfin, la puissance est plus élevée car la
totalité des patients inclus est analysée.

Dans l’essai de non infériorité, l’analyse en ITT entraînant une augmentation du risque d’erreur
de type I, il convient d’utiliser une méthode d’analyse incluant uniquement les patients qui ont
pris le traitement alloué par la randomisation et conformément au protocole (analyse
perprotocole).

Est-ce que l’essai a été effectué en double aveugle ?


L’usage du double aveugle (autrement appelé double insu), où la nature du traitement allouée
n’est connue ni du patient ni de l’investigateur, vise à limiter les biais d’information, en particulier
les biais liés à la subjectivité de l’investigateur et du patient. Cependant, la mise en place du double
aveugle n’est pas toujours réalisable, notamment dans les traitements non pharmacologiques, en
particulier s’il s’agit d’évaluer une intervention invasive (thrombectomie) ou une stratégie globale
(filières de soins). Prenons l’exemple de la thrombectomie mécanique : il paraît peu éthique
d’exposer le groupe de patients non alloué à la thrombectomie mécanique aux risques de l’arté-
riographie sans effectuer le geste thérapeutique. Dans une telle situation où le double aveugle
n’est pas envisageable, il est d’usage d’opter pour une méthode où l’évaluation des critères de
jugement est réalisée par un comité indépendant, en aveugle de la nature du traitement reçu par
chacun des groupes. Cette méthode appelée PROBE (Prospective Randomized Open Blinded End-
Point) implique, après randomisation initiale, un traitement et un suivi des patients en ouvert selon
les principes médicaux validés ou acceptés à l’époque de l’étude et une évaluation des critères de
jugements en aveugle, permettant une comparaison non biaisée des traitements et des résultats
de l’étude [28]. La méthode PROBE et l’essai en double aveugle partagent la randomisation et la
fiabilité de l’évaluation des critères de jugement en aveugle. Un des avantages de la méthode
PROBE est son moindre coût par rapport à l’essai en double aveugle. De plus, la méthode PROBE
est considérée plus proche de la pratique clinique et l’adhérence des patients meilleure que dans
l’essai en double aveugle [28]. Cependant, les biais liés à l’investigateur ne peuvent être exclus
dans la méthode PROBE. Il convient donc d’assurer le contrôle de la comparabilité de l’évaluation
et de suivi dans les différents groupes pour minimiser ce biais. Cela est facilement appréhendé par
un protocole détaillé définissant les modalités de suivi et les indications d’éventuels traitements
concomitants, qui doivent être parfaitement similaires entre les groupes.

Les groupes étaient-ils comparables au début de l’étude ?


Les patients recevant les traitements comparés doivent être les plus semblables possibles, c’est-
à-dire qu’ils doivent être comparables en termes des facteurs pronostiques principaux (âge,
sévérité de l’AVC, comorbidités, etc.). Idéalement, la seule différence entre les groupes de patients

228 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

devrait être le traitement alloué. Dans le cas d’un essai avec un effectif suffisamment large, la
randomisation assure une comparabilité initiale des groupes. Cependant, dans un essai de petite
taille, il est possible que la randomisation n’assure pas une distribution symétrique des facteurs
pronostiques. Si un tel scénario est prévisible, il est possible d’envisager une randomisation
stratifiée en fonction de critères pronostiques prédéfinis lors du protocole de l’étude, afin
d’assurer la comparabilité initiale des groupes, au minimum sur ces facteurs. La randomisation
est alors réalisée séparément au sein de chaque liste de facteurs pronostiques. Dans le cas d’un
essai où la distribution des principaux facteurs pronostiques ne s’avère pas équilibrée entre les
groupes, il est possible de contrôler ces facteurs lors de l’analyse statistique, processus appelé
« ajustement », par diverses méthodes (standardisation ou analyse multivariée). La comparabilité
des caractéristiques initiales des patients entre les groupes de randomisation est réalisée à l’œil
nu (eye balling) et non à l’aide d’un test statistique [29, 30]. Réaliser un tel test est dépourvu
de sens. Un test statistique évalue la probabilité qu’une différence entre les groupes soit survenue
du fait du hasard alors qu’en réalité il n’existe pas de différence. Or, dans un essai où la rando-
misation a été réalisée correctement, une différence sur les caractéristiques initiales des patients
entre les deux groupes sera par définition due à la chance. De plus, en cas de faible échantillon,
une différence importante pourrait ne pas être détectée par un test, et, à l’inverse, en cas de
grand échantillon, une différence minime pourrait être statistiquement significative.

Les groupes ont-ils été traités de la même manière,


à l’exception du traitement en évaluation ?
Les patients des groupes comparés doivent recevoir la même prise en charge (en termes de
traitement concomitant, suivi, etc.) à l’exception du traitement évalué. Cela permet de s’assurer
que la différence de l’incidence du critère de jugement entre les groupes ne soit attribuée qu’aux
traitements comparés et non biaisée par une asymétrie de prise en charge entre les groupes. Par
exemple, dans un essai de phase aiguë comparant la thrombectomie au traitement médical seul,
les patients des deux groupes doivent recevoir la même prise en charge médicale (contrôle
tensionnel, thrombolyse selon les mêmes critères d’éligibilité). De même, dans le cas d’un essai
de prévention secondaire, les taux de traitement antihypertenseur, antithrombotique ou hypo-
lipidémiant et le suivi doivent être comparables entre les groupes.

Quantité d’effet
L’effet du traitement doit toujours être rapporté en termes de quantité (taille d’effet) avec une
estimation de sa précision, c’est-à-dire un intervalle de confiance suffisamment étroit.

Quelle est la taille de l’effet du traitement ?


La taille de l’effet du traitement par comparaison au traitement contrôle peut s’exprimer de
différentes manières (Tableau II).

■ Indices multiplicatifs (force de l’association)

Le risque relatif (RR) est le rapport des incidences du critère de jugement dans le groupe inter-
vention (PI) et dans le groupe contrôle (RC) : RR = PI/PC.

Un RR strictement supérieur à 1 indique le nouveau traitement est associé à une augmentation


significative du risque de survenue du critère de jugement par comparaison au groupe contrôle.
Un RR strictement inférieur à 1 indique une diminution significative du risque de survenue du

/ 229
Partie 2 – Phase aiguë

critère de jugement avec le nouveau traitement par comparaison au groupe contrôle. Un RR


strictement égal à 1 indique une absence de différence entre les groupes.

L’odds ratio (OR) (ou rapport des cotes) = (a/b)/(c/d) = (ad)/(bc).

L’odd (ou la cote) d’un événement (le critère de jugement) dans un groupe donné est le nombre
de patients présentant l’événement par rapport à ceux qui ne le présentent pas. L’odd du critère
de jugement est a/b pour le groupe expérimental et c/d pour le groupe contrôle.

L’OR est une approximation du RR, à condition que la fréquence de l’événement soit faible (en
pratique inférieure à 10 %). Si la fréquence est > 10 %, l’OR surestime d’autant plus le RR que
l’incidence est élevée.

Le hazard ratio (HR) est le rapport des risques instantanés obtenu à partir d’un modèle de Cox
(analyse de survie). Le HR s’interprète comme le RR.

■ Indices additifs (impact du facteur)

La réduction relative du risque n’a de sens que si l’on connaît la valeur du risque absolu.

La réduction relative du risque (RRR) est la proportion de réduction du risque :


■ pour un critère de jugement binaire : RRR = (PI-PC)/PC = 1 – RR ;
■ pour un critère de jugement numérique : RRR= (X – Y)/Y.

La réduction absolue du risque (RAR) est la différence de la probabilité de l’événement entre


le groupe contrôle et le groupe intervention pour un critère de jugement binaire ou la différence
absolue des valeurs entre les groupes intervention et contrôle pur un critère de jugement
numérique :
■ pour un critère de jugement binaire = PI – PC ;
■ pour un critère de jugement numérique = X – Y.

Le nombre de sujets à traiter (NST) est le nombre moyen de sujets nécessaires de traiter pour
éviter un événement pendant la durée de l’essai. Le NST est l’inverse de la réduction absolue du
risque : NST = 1/RAR.

TABLEAU II ▼ Présentation des résultats du critère de jugement.


B. Critère
A. Critère de jugement binaire
de jugement continu

Présent Absent

Intervention a b X

Contrôle c d Y
a, b, c, d : nombres de patients avec et sans le critère de jugement dans les groupes intervention et contrôle ; X et Y : valeurs
(par exemple médiane ou moyenne) du critère de jugement dans les groupes intervention et contrôle ; Contrôle : placebo ou
traitement de référence ; PI : Incidence (= risque absolu) de l’événement dans le groupe intervention = a/a+b ; PC : Incidence
de l’événement dans le groupe contrôle = c/c+d.

230 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

Encadré 2. Essai de de supériorité NASCET [14]


L’essai de supériorité NASCET comparait chirurgie et traitement médical chez les patients ayant
une sténose carotidienne symptomatique modérée à sévère sur le critère de jugement binaire
d’AVC ipsilatéral à 5 ans. Nous rapportons ici les résultats pour les patients ayant une sténose
de 50 à 69 %.
Les résultats étaient les suivants :
Réduction Réduction Nombre
Traitement
Chirurgie relative absolue de sujets
médical
du risque (RRR) du risque (RAR) à traiter (NST)*

Critère de jugement (15,7-22,2)/22, 22,2-15,7


22,2 % 15,7 % 1/6,5 = 15
principal 2 = 29 % = 6,5 %
* nombre de sujets à traiter par chirurgie pour éviter un AVC ipsilatéral à la sténose à 5 ans = 1/RAR.

L’estimation de l’efficacité du traitement est-elle précise ?


L’objectif d’un essai est de déterminer la valeur véritable de l’effet du traitement. La valeur la
plus probable est obtenue par le calcul des métriques adaptées : RR, OR, moyennes, etc. dans
l’échantillon de l’étude. Cependant, du fait des fluctuations d’échantillonnage, la valeur obtenue
dans l’étude peut s’éloigner de la vraie valeur de l’effet du traitement. Pour cette raison, il
convient de présenter l’effet avec son intervalle de confiance. Plus l’intervalle de confiance est
étroit, plus l’estimation de l’effet du traitement est précise.

Validité externe
Les résultats sont-ils applicables dans la prise en charge
de mes patients ?
Afin que les résultats de l’étude puissent être applicables en pratique clinique, l’échantillon de patients
inclus dans l’étude se doit d’être représentatif de la population à qui l’on souhaite généraliser les
résultats de l’étude. Autrement dit, la population de l’étude est-elle similaire à celle de ma pratique
clinique ? Il convient de vérifier que les critères d’éligibilité de l’essai n’entraînent pas de biais de
sélection, i.e. que l’échantillon de patients inclus ne soit pas particulièrement sélectif, en termes
d’âge, ethnicité, sévérité de l’AVC, comorbidités, etc., restreignant l’applicabilité du traitement à une
population spécifique. Idéalement, les critères d’inclusion devraient être les plus larges possibles.

Tous les critères de jugement pertinents pour la pratique clinique


ont-ils été analysés ?
Le critère de jugement principal est le critère sur lequel l’effet des traitements est évalué. Les
critères de jugement secondaires estiment les effets venant compléter le résultat principal tels
des résultats sur la qualité de vie, le coût, les effets secondaires, etc. Les conclusions de l’essai
sont définies sur le critère de jugement principal, quels que soient les résultats obtenus avec les
critères secondaires. Le calcul du nombre de sujets à inclure est basé également sur le critère
principal. Les critères de jugement (principal et secondaire) doivent être clairement définis. Un
critère de jugement idéal doit être pertinent cliniquement et sensible (pour détecter de petites
différences) et le plus objectif et reproductible possible pour assurer sa fiabilité. Ainsi, le critère
de jugement principal communément choisi dans les essais évaluant l’efficacité d’un traitement
en pathologie neurovasculaire est le score de Rankin modifié (mRS) [31, 32] qui est un score

/ 231
Partie 2 – Phase aiguë

ordinal mesurant l’état de santé selon 7 catégories, allant de 0 (aucun symptôme) à 5 (handicap
sévère nécessitant une aide constante) à 6 (décès, Tableau III) (voir plus loin les différents types
d’analyses du score de Rankin).

Les bénéfices justifient-ils les risques et les coûts,


autrement dit les bénéfices du traitement sont-ils supérieurs
à ses inconvénients, et les coûts sont-ils acceptables ?
Les auteurs doivent rapporter, outre les critères de jugement principal et secondaires, le taux
d’effets indésirables (attendus et inattendus) permettant d’estimer la balance bénéfice/risque du
nouveau traitement. L’évaluation économique du nouveau traitement a également son impor-
tance pour juger de son applicabilité en pratique clinique. Elle est parfois réalisée dans le même
temps que l’essai thérapeutique.

Le nombre de sujets à inclure doit être calculé avant le début de l’essai pour s’assurer que l’étude
aura la puissance suffisante pour détecter la différence de l’effet du traitement entre les groupes.
Le nombre de sujets à inclure est une fonction mathématique dépendant de 4 paramètres : i) la
différence d’effet que l’on souhaite mettre en évidence entre les groupes ; ii) la variance (critère
quantitatif) ou l’incidence (critère qualitatif) du critère de jugement principal ; iii) le risque de
première espèce alpha ; et iv) le risque de deuxième espèce bêta. Dans la pratique, on utilise plus
souvent la puissance que le risque bêta. La puissance d’une étude correspond à la capacité de
détecter une différence entre les groupes testés, lorsque que cette différence existe. La puissance
est égale à (1 - bêta), où bêta et correspond à la probabilité de conclure à une différence entre les
groupes lorsque cette différence existe. Le risque de deuxième espèce bêta le plus utilisé est de
20 %, par convention, donnant donc une puissance de 80 %. Ainsi, le nombre de sujets à inclure
sera plus élevé quand le risque de première espèce diminue, la puissance augmente, la différence
que l’on souhaite mettre en évidence décroît, l’incidence du critère de jugement (critère quantitatif)
décroît, ou la variance du critère de jugement (critère quantitatif) croît.

TABLEAU III ▼ Score de Rankin modifié (mRS).


0 Asymptomatique

1 Symptômes minimes, restriction de certaines activités de la vie courante, mais patient autonome

Handicap mineur, restriction de certaines activités de la vie quotidienne ne permettant pas une
2
autonomie totale

Handicap modéré, restriction significative des activités de la vie quotidienne ne permettant pas une
3
autonomie totale

4 Handicap modérément sévère, restriction notable de l’autonomie, mais sans nécessité d’une aide permanente

5 Handicap sévère, grabataire et incontinent, nécessité d’un nursing permanent

6 Décédé

232 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

Bien qu’étant un score ordinal, le score de Rankin peut s’analyser selon différentes approches :
l’analyse dichotomisée, l’analyse ordinale simple et le score de Rankin pondéré.

Analyse dichotomisée
L’efficacité du nouveau traitement basée sur le score de Rankin peut être analysée selon une
dichotomisation, où les 7 catégories du score sont reclassées en 2 états de santé (mRS 0 à 1
versus 2 à 6 ou 0 à 2 versus 3 à 6). Le seuil de dichotomisation mRS ^ 2 étant généralement
défini comme une évolution favorable et le score > 2 comme une évolution défavorable. Cette
méthode est appelée analyse binaire ou dichotomisée (« binary analysis » ou « dichotomization »
en anglais). La proportion de patients ayant une évolution favorable après traitement est
comparée entre les groupes de l’étude via un test de chi2. En cas d’ajustement pour contrôler
les facteurs confondants, l’analyse est réalisée par régression logistique permettant d’obtenir un
odds ratio (OR) ajusté.

Analyse ordinale
L’analyse ordinale (« ordinal or shift analysis » en anglais) utilise la totalité des catégories du
score et la distribution post-traitement des patients selon les 7 catégories est habituellement
illustrée par une figure. Le résultat de l’analyse statistique est rapporté par un odds ratio (OR)
commun (« common OR »), indiquant l’odds (ou chance) d’amélioration d’un point du score
grâce au traitement. Par exemple, dans l’essai MRCLEAN, l’OR commun de la thrombectomie
comparé au traitement médical conventionnel était de 1,66 (intervalle de confiance à 95 %
1,22–2,28, Tableau II, Figure 2). Cela s’interprète de la façon suivante : comparée au traitement
conventionnel, la thrombectomie est associée à une augmentation significative du risque de
gagner un point sur le score de Rankin de 66 %. L’intervalle de confiance exprime l’incertitude

FIGURE 2 Évolution des patients selon les 7 catégories du score de Rankin (analyse ordinale)
dans le groupe thrombectomie (intervention) et traitement médical (contrôle) dans l’essai
MRCLEAN [7].

/ 233
Partie 2 – Phase aiguë

et indique que l’augmentation peut varier entre 22 % et 223 %. L’OR commun et son intervalle
de confiance strictement > 1 ou < 1 indiquent un effet statistiquement significatif de la throm-
bectomie comparé au traitement contrôle. Une autre possibilité est de présenter les médianes
et les valeurs extrêmes du mRS de chacun des groupes de randomisation avant et après inter-
vention. Un effet significatif du traitement est ensuite déterminé par la différence du score
médian entre chaque groupe selon Cochran-Armitage trend test ou Wilcoxon test.

Choix du type d’analyse


entre analyse dichotomisée et ordinale
L’analyse ordinale permet d’appréhender l’ensemble des changements de catégories du mRS
tandis que l’analyse dichotomisée mRS 0-2 versus 3-6 ne capte que les passages d’un score 3-6
vers un score 0-2 et inversement. Ainsi, les changements du score pré- et post-traitement au
sein de la même catégorie (0-2 ou 3-6) ne sont pas pris en compte. Par exemple, un patient
ayant un score mRS qui serait de 4 sans intervention et de 3 en cas d’intervention ne sera pas
comptabilisé. De façon similaire, un patient se dégradant et passant d’un score 3 à 5 ne sera
pas pris en compte. Or, cette transition peut présenter des effets pertinents au plan des patients,
des praticiens et de la société. S’il est communément accepté qu’une évolution favorable soit
définie par un handicap modéré (mRS ^ 2), un patient ayant un mRs préalable à l’IC égal à 3
pourrait espérer rester au même stade de handicap post-intervention et ne pas nécessiter davan-
tage d’aide, le succès de l’intervention étant l’absence de dégradation du score mRS initial. Par
ailleurs, l’analyse ordinale tend à être meilleure au plan statistique que l’approche dichotomisée.
Le seuil de significativité de l’analyse ordinale est plus faible (p-value) pour un même effectif et
une même puissance. De plus, pour une puissance et un seuil de significativité similaire, l’analyse
ordinale permet d’inclure un effectif de plus petite taille [33]. Il est à noter que l’analyse ordinale
assume que l’effet du traitement est constant dans l’ensemble du spectre des patients, c’est-
à-dire que le risque de passer sous un certain score de mRS est le même pour chaque point du
score de mRS. Or, il est possible, dans certains cas, que le traitement ait à la fois un effet
bénéfique dans une extrémité du score et un effet néfaste dans l’autre extrémité. Cette hypo-
thèse de proportionnalité de l’effet du traitement peut être testée. Au contraire, l’analyse dicho-
tomisée a l’avantage d’être facile d’interprétation, mais le défaut d’être sélective. Les patients
avec un mRS préalable à l’IC > 2 sont exclus de l’essai, de tels patients ne pouvant atteindre le
critère d’efficacité de l’essai.

L’analyse ordinale est plus appropriée que l’analyse dichotomisée dans le cas d’un effet modeste
et uniforme du traitement, se distribuant de façon similaire dans l’ensemble des stades de sévé-
rité ou si le profil du traitement n’est pas prévisible avant le début de l’étude [34]. À l’inverse,
l’analyse dichotomisée est plus adaptée si le bénéfice du traitement est restreint à un sous-
groupe. Il peut être parfois judicieux de rapporter les deux types d’analyses du mRS, comme
rapportés par les essais randomisés évaluant l’effet de la thrombectomie mécanique à la phase
aiguë d’un IC [7-12]. Par exemple, l’essai MRCLEAN [7] rapportait un critère de jugement principal
basé sur une analyse ordinale du mRS, et les critères de jugements secondaires testaient plusieurs
seuils de dichotomisation du mRS (0-1 vs 2-6, 0-2 vs 3-6 et 0-3 vs 4-6). L’ensemble des analyses
montrait un bénéfice de la thrombectomie sur le traitement médical (Tableau IV).

234 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

TABLEAU IV ▼ Résultats des critères de jugements basés sur plusieurs méthodes d’analyse du
score de Rankin (mRS) dans l’essai de supériorité MR CLEAN7 comparant thrombectomie et
traitement médical seul dans l’infarctus cérébral.
Les données sont des médianes (interquartile) ou taux (%), sauf autrement spécifiés.
Le critère de jugement principal était basé sur une analyse ordinale du mRS. La médiane et
l’interquartile du mRS après traitement sont rapportés dans chacun des groupes. La compa-
raison entre thrombectomie et traitement médical est réalisée via le calcul de l’odds ratio
(OR) commun brut et ajusté (après contrôle des facteurs confondants par ajustement).
Les trois critères de jugements secondaires étaient basés sur une analyse dichotomisée du
mRS selon différentes valeurs seuil : 0-1 versus 2-6, 0-2 versus 3-6 et 0-3 versus 4-6, respec-
tivement. Les taux de patients ayant un mRS post traitement inférieur à chacune des valeurs
seuil sont rapportées. La comparaison s’effectue à l’aide de l’odds ratio.
L’intervalle de confiance de l’OR commun était strictement supérieur à 1, indiquant que la
thrombectomie est significativement associée à une diminution du score de Rankin par rapport
au traitement médical. L’essai est donc positif. Rappelons que ce sont les résultats du critère de
jugement principal qui conditionnent les conclusions de l’étude, le nombre de sujets à inclure
pour déterminer une différence à une puissance donnée ayant été calculé sur le critère de
jugement principal. Par ailleurs, les critères de jugements secondaires sont également significatifs.
Valeur brute
Valeur ajustée
ou non ajustée
Critères Traitement Mesure (intervalle
Thrombectomie (intervalle
de jugement médical de l’effet de confiance
de confiance
à 95 %)
à 95 %)

1. Principal

Analyse Odds ratio (OR)


3 (2-5) 4 (3-5) 1,66 (1,21-2,28) 1,67 (1,21-2,30)
ordinale commun

2. Secondaire

mRS 0-1 27 (11,6) 16 (6,0) OR 2,06 (1,08-3,92) 2,07 (1,07-4,02)

mRS 0-2 76 (32,6) 51 (19,1) OR 2,05 (1,36-3,09) 2,16 (1,39-3,38)

mRS 0-3 119 (51,1) 95 (35,6) OR 1,89 (1,32-2,71) 2,03 (1,36-3,03)

Score de Rankin pondéré : analyse bayésienne


Le score de Rankin pondéré, se voulant davantage centré sur le patient que l’analyse ordinale
simple, consiste à mesurer l’effet de l’intervention en tenant compte de la perception de la
qualité de vie (ou utilité) de chacun des états de santé correspondant aux catégories du score
de Rankin des patients. Cette méthode est appelée « utility-weighted analysis » ou « patient-
centered analysis » en anglais.

L’analyse ordinale simple du score de Rankin présuppose que chaque passage à la catégorie
inférieure du score reflète une amélioration de l’état de santé par rapport à la catégorie précé-
dente et attribue la même valeur à chacune des catégories. Autrement dit, le passage d’un score
1 à 0 après intervention a autant de poids que le passage d’un score 5 à 4 ou 4 à 3. Or, il est
parfois jugé que le passage d’un état de confinement permanent au lit à une autonomie partielle
(passage de la catégorie 5 à 4) ou qu’acquérir une mobilité (passage d’un score 4 à 3) a plus de
poids (au plan sociétal) que le retour à ses activités normales (passage d’un score 2 à 1). De
plus, l’évolution vers un état de handicap sévère, avec alitement et incontinence, nécessitant un
nursing permanent (catégorie 5) est considérée, par certains patients, comme un état de santé
équivalent ou pire que la mort. Une des limites du Rankin pondéré est que la perception de
chaque état de santé est le reflet de l’impact sociétal et personnel du handicap et peut varier
selon des principes religieux, culturels et géographiques.

/ 235
Partie 2 – Phase aiguë

À chaque état de santé correspondant aux catégories du score de Rankin est attribué un score
d’utilité, variant entre 0 (équivalent à la mort) et 1 (la parfaite santé). L’utilité (ou valeur attribuée
à l’état de santé) a été déterminé par plusieurs études auprès de patients et de cliniciens (patient-
centered and clinician-centered studies) [35-37]. Le score de Rankin pondéré (ou « utility-
weighted modified Rankin scale ») est déterminé de la façon suivante : chaque catégorie du score
de Rankin est ajusté par son utilité en multipliant le nombre de patients au sein de chacune des
catégories par son utilité (Tableau V). La moyenne du score Rankin pondéré est ensuite comparée
entre chaque intervention par un test statistique.

L’essai de supériorité DAWN [38] incluant des patients ayant un IC depuis plus de 6 heures, a
évalué l’effet de la thrombectomie au traitement médical seul. Le critère de jugement principal
était un critère combiné basé sur le score de Rankin à 90 jours évalué d’une part par le score
de Rankin pondéré et d’autre part par le taux de patients fonctionnellement indépendants, définis
par un score de mRS de 0 à 2.

TABLEAU V ▼ Méthode de calcul du score de Rankin pondéré.


Score de Rankin modifié 0 1 2 3 4 5 6

Score d’utilité 1 0,91 0,76 0,65 0,33 0 0

Nombre de patients a b c d e f g

Score de Rankin pondéré a X 10 b X 9,1 c X 7,6 d X 6,5 e X 3,3 fX0 g X0


La moyenne du score de Rankin pondéré post-traitement est déterminée pour chaque groupe d’intervention. On compare
ensuite l’effet de chaque intervention en calculant la différence des moyennes (et son intervalle de confiance) selon le test
statistique approprié (t test ou Mann-Whitney U-test pour deux groupes d’intervention ou analyse de variance (ANOVA) dans
le cas de trois groupes ou plus).

Un critère de jugement composite est un critère de jugement composé de plusieurs événements


cliniques, le plus souvent binaires. L’occurrence d’un des éléments du critère composite est
comptabilisée comme une seule manifestation du critère de jugement. De même, la survenue
successive de plusieurs composantes du critère composite est comptée comme une seule occur-
rence du critère de jugement. Le choix d’un critère composite doit réunir les conditions suivantes :

■ il est nécessaire d’utiliser des événements ayant une importance similaire d’un point de
vue clinique ;
■ la fréquence d’occurrence de chacune des composantes du critère de jugement doit être
relativement proche ;
■ la réponse biologique au traitement doit être semblable pour chacune des composantes
du critère de jugement, autrement dit, les composantes doivent partager des mécanismes
biologiques et cliniques proches ;
■ chacune des composantes du critère de jugement sera analysée séparément comme un
critère de jugement secondaire, afin de juger de l’effet du traitement sur chaque événement.
Les avantages d’un critère de jugement composite par rapport à un critère de jugement
unique sont les suivants :
■ augmenter la probabilité de survenue du critère de jugement ;
■ augmenter la puissance statistique de l’essai ;

236 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

■ diminuer le nombre de sujets à inclure ou détecter des différences plus faibles d’effet du
traitement entre les groupes de randomisation pour une même puissance statistique (via
l’augmentation du nombre d’événements attendus) ;
■ mesurer la balance bénéfice/risque du traitement, en combinant les effets bénéfiques et
néfastes attendus du traitement dans le critère de jugement.

Par exemple, les essais ARISTOTLE [17] et RELY [16] comparant un nouvel anticoagulant oral
(apixaban ou dabigatran, respectivement) contre la warfarine (AVK) ont utilisé comme critère
principal de jugement un critère d’efficacité composite combinant le risque d’AVC ou d’embolie
systémique et un comme critère de jugement secondaire un critère de tolérance composite
regroupant le risque d’AVC, embolie systémique, hémorragie majeure ou décès permettant
d’estimer le bénéfice net du nouvel anticoagulant oral.

Les critères composites peuvent amener à des difficultés d’interprétation, principalement quand
l’effet du traitement n’est pas uniforme (en termes d’amplitude ou de direction) sur toutes ses
composantes. En cas de regroupement d’événements de pertinence clinique variable, le critère
global sera principalement le reflet des événements de moindre importance si ces derniers sont
les plus fréquents.

TABLEAU VI ▼ Résultats du critère de jugement combiné principal basé sur le score de Rankin
modifié (mRS) à 90 jours dans l’essai DAWN [38] comparant thrombectomie et traitement
médical seul chez les patients ayant un infarctus cérébral depuis plus de 6 h.
Après traitement, la moyenne du score de Rankin pondéré était de 5,5 points dans le groupe
thrombectomie et de 3,4 points dans le groupe traitement médical. La différence des moyennes
entre les deux groupes était de 2,1 points avec un intervalle de confiance de 1,2 à 3,1.
Après traitement, le taux de patients fonctionnellement indépendants était de 49 % dans le
groupe thrombectomie et de 13 % dans le groupe traitement médical, avec une différence
absolue de 36 %.
Les intervalles de confiance de la différence des moyennes du score de Rankin pondéré et du
taux de patients fonctionnellement indépendants étant strictement supérieurs à 1, il peut être
conclu à la supériorité de la thrombectomie sur le traitement médical seul dans la population
de l’étude incluse.
Différence absolue
Critère de jugement Thrombectomie Traitement medical (intervalle de confiance
à 95 %)

Score de Rankin pondéré


5,5 +/-3,8 3,4 +/-3,1 2,1 (1,1–3,0)
(moyenne +/-écart type)

mRS 0-2
52 (49) 13 (13) 36 (24–47)
(nombre (%))

Les analyses intermédiaires sont des analyses des données effectuées avant la date prévue de
la fin de l’étude, soit avant la fin de l’inclusion du nombre total envisagé de patients soit avant
la fin de la période de suivi considérée. L’objectif d’une étude intermédiaire est de détecter un
effet du traitement avant la fin de l’étude. Il peut s’agir de vouloir confirmer au plus tôt un effet
bénéfique du traitement ou de détecter au plus tôt les effets délétères du traitement et ainsi
limiter le nombre de patients exposés à ses risques. Le protocole de l’étude doit notifier si une
analyse intermédiaire est prévue. L’analyse intermédiaire est réalisée par un comité indépendant,
le plus souvent en aveugle des groupes de randomisation, pour s’affranchir du risque de bais

/ 237
Partie 2 – Phase aiguë

d’information. Au vu des résultats d’une analyse intermédiaire, deux possibilités peuvent être
envisagées : i) poursuivre le recrutement des patients selon le protocole ; ii) interrompre l’étude
à ce stade pour ne pas exposer les patients d’un groupe à un risque inutile (en cas d’effet néfaste
du traitement) ou entraîner une perte de chance (en cas d’effet bénéfique du traitement).

Le principal problème des analyses intermédiaires est la répétition des analyses statistiques, entraî-
nant une augmentation du risque de première espèce. En cas d’analyses indépendantes répétées
(dans les analyses intermédiaires et les analyses de sous-groupes), le risque d’obtenir un résultat
faussement positif augmente avec le nombre de tests réalisés. Cela soulève le problème de la mul-
tiplicité des tests qui entraîne une inflation du risque d’erreur alpha. Pour k analyses indépendantes
effectuées avec un risque d’erreur alpha choisi à 5 % pour chaque test, le risque global d’erreur alpha
pour l’ensemble des analyses est de 1 – (1-0,05)k. Ainsi, pour 10 tests réalisés, le risque global d’erreur
alpha est égal à 1 – (1-0,05)10 soit 40 %. Autrement dit, il y a 40 % de risque d’obtenir au moins
un résultat faussement positif et de rejeter à tort au moins une des hypothèses nulles. Par ailleurs,
il faut garder à l’esprit que ces analyses sont faites dans une situation de faible puissance : un résultat
prématurément positif peut bien sûr révéler un effet fort, mais aussi être un faux positif.

Les analyses intermédiaires exposant au risque d’inflation du risque d’erreur alpha, elles doivent
être prédéfinies dans le protocole pour contrôler cet effet. De nombreuses méthodes ont été
développées (méthode de Bonferroni-Holm, de Peto-Haybittle, de Pocock, etc.) pour maintenir
la probabilité cumulée de conclure à tort à l’efficacité du traitement au seuil habituel de 5 %.
La méthode de correction de Bonferroni [39], méthode la plus souvent utilisée, consiste à diviser
le seuil de significativité global par le nombre (k) de tests à pratiquer pour obtenir le risque
d’erreur alpha de chacun des tests. Pour un risque global d’erreur alpha choisi à 5 %, le seuil de
significativité corrigé de chaque étude intermédiaire est de 0,05/k.

En guise d’exemple, définissons un essai randomisé où trois analyses intermédiaires du critère


de jugement sont prévues en plus de l’analyse finale (Tableau VII). Le nombre total d’analyses
s’élève à quatre. Si l’on choisit un seuil global de significativité à 5 %, le seuil ajusté de chaque
test selon la méthode de Bonferroni doit être de 5 %/4 soit 1,25 %. Si la valeur de « p » d’une
des analyses est inférieure à 1,25 %, il est alors possible de tirer les conclusions de l’essai.

TABLEAU VII ▼ Tableau VII. Valeurs de p à chaque analyse.


Analyse Analyse Analyse
Situation Analyse finale
intermédiaire 1 intermédiaire 2 intermédiaire 3

A 0,5 0,010

B 0,5 0,25 0,03 0,011

C 0,6 0,3 0,1 0,06

Dans la situation A, la valeur de p obtenue à l’analyse intermédiaire 2 (0,010) est inférieure au


seuil de significativité corrigé pour les quatre analyses (0,0125). Il est alors possible d’arrêter
l’essai prématurément à ce stade. Notons toutefois que la conclusion de l’étude sera établie au
seuil de significativité global (soit 5 %) et non au seuil de significativité de l’analyse intermédiaire.

Dans la situation B, la valeur de p de l’analyse intermédiaire 3 (0,03) est inférieure au seuil de


significativité global (0,05) mais est supérieure au seuil ajusté pour les quatre analyses (0,0125).
Il n’est donc pas possible de conclure à une différence significative au stade de l’analyse inter-
médiaire 3. L’essai est poursuivi jusqu’à son terme. Lors de l’analyse finale, le p-value (0,011)
est inférieur au seuil de significativité ajusté, il est donc conclu à un effet significatif du traite-
ment. Notons que si la valeur de p de l’analyse finale avait été inférieure au seuil de significativité
global mais supérieure au seuil ajusté pour les quatre analyses, il n’aurait pas été possible de
conclure à une différence significative.

238 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

Dans la situation C, la valeur de p obtenue aux trois analyses intermédiaires est supérieure au
seuil de significativité ajusté (0,0125). L’étude est poursuivie jusqu’à son terme. Le seuil de
significativité ajusté n’est pas atteint lors de l’analyse finale. Il n’est pas conclu à une différence
significative de l’essai. Ce résultat peut être expliqué soit par le fait qu’il n’existe pas, en réalité,
de différence significative (l’hypothèse nulle serait donc vraie), soit que l’étude manque de puis-
sance pour mettre en évidence une différence au seuil de significativité choisi.

Le comité de surveillance indépendant (CSI), Data Monitoring Safety Board (DSMB) en anglais,
est une équipe d’experts indépendants chargée de la surveillance des risques encourus par les
patients tout au long de l’étude. Le CSI évalue périodiquement les données de l’étude concernant
la conduite de l’étude, son progrès, la sécurité des patients, et les effets déterminants de l’effi-
cacité des traitements sont évalués tout au long de l’étude (inclusions, sorties d’études, dévia-
tions au protocole, effets indésirables). Ce comité a également un rôle de conseil pour la modi-
fication, poursuite ou arrêt de l’étude. Non obligatoire, la constitution d’un CSI reste la décision
du promoteur. En effet, le comité peut être inutile dans certains cas (pathologie non sévère,
durée d’étude courte ou lors de la comparaison de stratégies de soin qui ne comporte pas d’effet
indésirable propre).

Une analyse de sous-groupes consiste à évaluer l’effet du nouveau traitement par rapport au groupe
contrôle au sein de différents sous-groupes (ou strates) de patients définis avant la randomisation
(par exemple le sexe, l’âge, la sévérité de la maladie, etc.). Il est souhaitable que les hypothèses de
départ énoncent le critère de jugement utilisé, la direction et la magnitude de l’effet attendu pour
chacun des sous-groupes et l’analyse statistique testant l’interaction entre sous-groupes.

Les principales indications des études de sous-groupes sont les suivantes :


– Déterminer s’il existe une hétérogénéité (effet différentiel ou interaction) de l’effet du trai-
tement entre sous-groupes. L’hétérogénéité peut s’envisager en termes d’amplitude (hétérogé-
néité quantitative) ou de direction (hétérogénéité qualitative). Dans le premier cas, l’intensité
de l’effet (positif ou négatif) du traitement varie mais la direction de l’effet reste similaire entre
les sous-groupes. Dans le second cas, le traitement est bénéfique dans certains sous-groupes
mais défavorable dans d’autres. Si la première situation se rencontre assez fréquemment en
recherche, la seconde s’avère relativement rare. Cette hétérogénéité entre sous-groupes peut
s’expliquer par une variation du risque d’exposition à la maladie ou du risque de développer
l’événement avec et sans le traitement entre les sous-groupes. Par exemple, dans le cas de la
fibrillation auriculaire, les patients âgés sous traitement anticoagulant sont exposés à un risque
hémorragique plus important mais ils présentent également un risque embolique sans traitement
plus élevé que les plus jeunes. L’hétérogénéité de l’effet du traitement peut également être liée
à la physiopathologie de la maladie. En cas de mécanisme de maladie hétérogène (différents
variants génétiques pouvant conduire à la même maladie, par exemple) ou si différentes maladies
conduisent au même syndrome, analyser la réponse biologique du traitement séparément dans
les différents sous-groupes de patients paraît alors pertinent.

/ 239
Partie 2 – Phase aiguë

– Apporter des réponses concernant des problématiques liées à l’applicabilité du traitement, tels
le délai optimal de l’instauration du traitement, le caractère homogène ou non de l’effet selon
les stades de sévérité de la maladie ou en présence de comorbidités. Un des exemples historiques
est la démonstration du bénéfice maximal de l’endartérectomie carotidienne dans les 15 jours
d’un IC par rapport à une prise en charge retardée [40].
– Confirmer que l’effet du traitement est semblable dans un sous-groupe de patients dont le
bénéfice semble a priori incertain ou chez qui le traitement est sous-utilisé. C’était le cas, par
exemple, de la thrombolyse chez les personnes âgées de plus de 80 ans ou du traitement anti-
hypertenseur chez les patients après un IC ayant des valeurs tensionnelles dans les normes dont
les bénéfices étaient jugés moindres que chez les autres patients.

FIGURE 3 Résultats des études de sous-groupes préspécifiées issues de la méta-analyse des don-
nées individuelles des essais de thrombectomie MRCLEAN [7], ESCAPE [8], REVASCAT [9], SWIFT
PRIME [10], EXTEND-IA [11] sur le score de Rankin à 90 jours.
Les résultats des tests d’interaction (pinteraction) des sous-groupes étaient tous > 0,05 indiquant que
le bénéfice de la thrombectomie sur le traitement médical seul était semblable selon les sous-
groupes d’âge, du score aspects, d’injection d’alteplase, de localisation de l’infarctus cérébral, du
score NIHSS, du délai entre symptômes et randomisation, du sexe et de la présence d’une occlu-
sion en tandem.

240 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

Les études de sous-groupes non planifiées comportent des limites, rendant leur interprétation
hasardeuse. Aussi, il est préférable de définir les analyses de sous-groupes au préalable, dans le
protocole de l’étude (analyses préspécifiées ou pre-hoc) plutôt qu’après examen des données
(analyses appelées post-hoc). Les trois principales limites des analyses de sous-groupes sont le
manque de puissance, l’inflation du risque d’erreur de type I (alpha) et le manque de compara-
bilité des sous-groupes. Le manque de puissance est essentiellement dû au faible effectif, expo-
sant à un risque non négligeable d’erreur de type II (bêta). La multiplicité d’analyses indépen-
dantes explique le risque d’inflation du risque d’erreur alpha (notion abordée précédemment lors
des analyses intermédiaires). Excepté le cas d’une randomisation stratifiée par sous-groupes
ayant un effectif suffisamment large, comme vu précédemment, dans le cas d’un faible effectif,
il est possible que la randomisation n’entraîne pas de distribution parfaitement équilibrée des
facteurs de confusion entre les groupes. Les sous-groupes souffriront d’un manque de compa-
rabilité. L’interprétation des résultats des analyses de sous-groupes nécessite donc de vérifier la
distribution des principaux facteurs de confusion connus dans les sous-groupes. Cette étape ne
passe pas par un test statistique formel, mais par une comparaison de la prévalence des facteurs
de confusion potentiels entre les sous-groupes avec un œil critique aidé du jugement clinique.
En cas d’effectif suffisamment large au sein de chaque sous-groupe, il est possible d’ajuster les
analyses de sous-groupes sur les facteurs de confusion par analyse multivariée.

L’interprétation des analyses de sous-groupes peut prêter à confusion. La recherche d’une inter-
action représente la méthode de choix pour l’analyse des sous-groupes [41, 42]. Il est incorrect
est d’examiner et de comparer la significativité (p-value) de l’effet du traitement dans chacun
des sous-groupes. Il faut utiliser un test d’interaction qui teste l’hypothèse nulle selon laquelle
l’interaction par sous-groupes est absente, c’est-à-dire que l’effet du traitement est semblable
parmi l’ensemble des sous-groupes. Un tel test étant peu puissant, un p < 0,10 est généralement
accepté. Notons qu’obtenir une différence d’effet d’un traitement entre des sous-groupes, même
statistiquement significative, n’a de valeur que si la physiopathologie soutenant l’action du trai-
tement est effectivement différente entre les sous-groupes. Rappelons également que le meilleur
test soutenant la véracité d’un effet différentiel entre des sous-groupes est la reproduction des
résultats par d’autres études indépendantes.

Si un effet différentiel du traitement est attendu en fonction des sous-groupes, il est souhaitable
de réaliser une randomisation stratifiée par sous-groupes. Cependant, cette option est rarement
envisageable car nécessite un effectif suffisamment large dans chacun des sous-groupes.

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242 /
Lecture critique des essais thérapeutiques de phase aiguë et de prévention secondaire

[41] Rothwell PM. Treating individuals 2. Subgroup analysis Pour de plus amples informations sur les essais de non infé-
in randomised controlled trials: importance, indications, and riorité, analyses en sous-groupes et les critères composites,
interpretation. Lancet 2005 ; 365 : 176-86. le lecteur pourra se référer aux articles suivants :
[42] Brookes ST, Whitley E, Peters TJ, Mulheran PA, Egger Elie C, Touzé E. Les essais de non infériorité. Sang Vaisseaux
M,Davey Smith G. Subgroup analyses in randomised Thrombose 2012 ; 24 : 93-9.
controlled trials: quantifying the risks of false-positives and Touzé E, Trinquart L. Essais thérapeutiques : interprétation
false negatives. Health Technol Assess 2001 ; 5 : 1-56. des analyses en sous-groupes et des critères composites.
Sang Vaisseaux Thrombose 2011 ; 23 : 416-25.

/ 243

19

En médecine, un risque se définit comme un indice qui quantifie la probabilité de devenir malade
durant une période de temps donnée. On appelle facteur de risque une caractéristique indivi-
duelle qui permet de partager la population en catégories présentant des valeurs distinctes du
risque, sans nécessairement que le facteur soit la cause de la maladie. Les études d’épidémiologie
analytique (études de cohortes, études cas-témoins, études transversales, et méta-analyses)
visent à rechercher des associations entre un facteur de risque et une maladie.

Ce chapitre aborde les facteurs de risque modifiables (ou potentiellement modifiables) des acci-
dents vasculaires cérébraux (AVC) et leur prise en charge thérapeutique.

La pression artérielle constitue le facteur de risque modifiable le plus important des AVC, qu’ils
soient ischémiques ou hémorragiques. Ainsi, dans l’étude cas-témoins INTERSTROKE ayant inclus
environ 13 000 patients victimes d’un AVC et 13 000 sujets contrôles, le risque attribuable d’AVC
dans la population lié à l’hypertension artérielle (définie comme un antécédent auto-déclaré
d’hypertension artérielle ou une pression artérielle mesurée > 140/90 mmHg) était de 48 %
(46 % pour les infarctus cérébraux et 56 % pour les hémorragies intracérébrales) (Figure 1) [1].
Ce risque était particulièrement élevé chez les femmes (52 % contre 45 % chez les hommes).
Cependant, il n’y a pas de seuil réel de niveau de pression artérielle systolique ou diastolique lié
au risque d’AVC, mais plutôt une relation continue. D’après la méta-analyse Prospective Trials
Collaboration, cette relation existe dès 115/75 mmHg et est log-linéaire : chaque augmentation
de la pression systolique de 20 mmHg ou de la pression diastolique de 10 mmHg est globalement
associée à un doublement du risque d’AVC (Figure 2) [2].

Alors que le niveau moyen de la pression artérielle a longtemps été considéré comme le para-
mètre clé du risque vasculaire, le concept de variabilité tensionnelle a émergé au cours de ces
dernières années. La variabilité tensionnelle individuelle se définit comme la différence de pres-
sion artérielle entre deux mesures successives (d’une consultation à une autre, lors de l’auto-
mesure par le patient ou sur un enregistrement ambulatoire). Ainsi, il a été démontré que la

/ 247
Partie 3 – Prévention

FIGURE 1 Analyse multivariée de la prévalence de 10 facteurs de risque vasculaire, des odd-ratios


(OR) et du risque attribuable dans la population (RA) à partir de l’étude INTERSTROKE. D’après [1].

248 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

variabilité tensionnelle systolique était associée à une augmentation du risque d’AVC, mais aussi
d’événements coronariens et de mortalité cardiovasculaire, indépendamment du niveau moyen
de pression artérielle [3, 4].

FIGURE 2 Mortalité (échelle logarithmique) par AVC dans chaque décennie d’âge en fonction de
la pression artérielle systolique ou diastolique. D’après [2].

Les essais thérapeutiques ainsi que les études de cohortes ont largement démontré l’effet béné-
fique des traitements hypotenseurs sur la réduction du risque d’AVC. À ce sujet, plusieurs méta-
analyses ont montré des résultats concordants [5-7]. La plus large de ces méta-analyses récentes
regroupant 123 essais randomisés totalisant environ 613 000 participants a ainsi mis en évidence
une réduction significative de 27 % du risque d’AVC pour chaque baisse de pression artérielle
systolique de 10 mmHg [5]. Il était également observé une diminution de 17 % du risque d’évé-
nements coronariens, de 28 % du risque d’insuffisance cardiaque, de 13 % de la mortalité toutes
causes, et de 20 % du risque d’événements vasculaires majeurs (infarctus du myocarde, AVC,
mort subite cardiaque, revascularisation, insuffisance cardiaque) (Figures 3 et 4). Il n’y avait en
revanche pas d’effet bénéfique sur le risque d’insuffisance rénale. L’effet observé était similaire
chez les patients en situation de prévention primaire et chez ceux qui avaient un antécédent de
maladie vasculaire.

/ 249
Partie 3 – Prévention

FIGURE 3 Effets de la réduction de la pression artérielle sur la survenue de différents critères de


jugement à partir d’une méta-analyse d’essais thérapeutiques. D’après [5]. Risques relatifs (RR)
exprimés pour chaque réduction de 10 mmHg de la pression artérielle systolique.

FIGURE 4 Méta-régression montrant la réduction du risque d’événements vasculaires majeurs


(infarctus du myocarde, AVC, mort subite cardiaque, revascularisation, insuffisance cardiaque) en
fonction de la diminution de pression artérielle à partir d’une méta-analyse d’essais thérapeuti-
ques. D’après [5].

L’effet bénéfique de la réduction de la pression artérielle existe également chez le sujet âgé [2,
7]. Dans l’étude HYVET ayant inclus 3 845 patients âgés de plus de 80 ans, une réduction de la
pression artérielle sous le seuil de 150/80 mmHg par indapamide et éventuellement perindopril
était ainsi associée à une diminution significative de 34 % de l’ensemble des événements vas-
culaires (AVC, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, fatals ou non) comparativement
au placebo [8]. Le traitement réduisait de 30 % (p = 0,06) le risque d’AVC (fatals ou non) et de
39 % (p = 0,046) celui de décès par AVC. Cette étude incluait des patients en situation de
prévention primaire et secondaire (près de 7 % avaient un antécédent d’AVC et 12 % de maladie
cardiovasculaire).

250 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

Le seuil d’intervention de pression artérielle a longtemps fait débat. Une analyse post-hoc de
l’étude PRoFESS, essai qui utilisait le telmisartan chez des patients victimes d’un infarctus cérébral
non cardioembolique récent et qui n’avait pas montré de différence significative avec le placebo
sur le risque de récidive d’AVC après un suivi moyen de 2,5 ans, suggérait une augmentation de
29 % du risque d’AVC chez les patients ayant une pression artérielle systolique < 120 mmHg,
comparés à ceux ayant une pression entre 130 et 140 mmHg [9]. Ces données rejoignaient ainsi
le phénomène de courbe en J observé dans la pathologie coronarienne [10]. L’étude randomisée
en ouvert SPS3 (Secondary Prevention of Small Subcortical Strokes), conduite chez des patients
ayant un antécédent d’infarctus lacunaire symptomatique confirmé en IRM, comparait deux
interventions selon un plan factoriel : d’une part, clopidogrel et aspirine versus aspirine seule et
d’autre part deux niveaux cibles de pression artérielle systolique (pression artérielle systolique
< 130 mmHg vs 130-149 mmHg) [11]. Après un suivi moyen de 3,7 ans, le taux annualisé de
récidive d’AVC était de 2,25 % dans le groupe avec niveau cible de pression artérielle systolique
bas contre 2,77 % dans le groupe avec le niveau plus élevé (p = 0,08). Le taux annualisé d’hémor-
ragie intracérébrale était significativement réduit dans le groupe avec niveau bas (0,11 % contre
0,29 %, p = 0,03). Aucune différence significative n’était notée pour le taux de mortalité annua-
lisé et les effets secondaires qui étaient rares. Dans la méta-analyse portant sur les 123 essais
randomisés, l’effet bénéfique de la réduction de pression artérielle sur le risque d’AVC ou
d’infarctus du myocarde était identique, quel que soit le niveau tensionnel initial, même si un
nombre limité d’essais avaient inclus des patients ayant une pression artérielle systolique
< 130 mmHg [5].

On considère habituellement qu’aucune classe thérapeutique n’est supérieure aux autres pour
la prévention des AVC. Néanmoins, il a été récemment suggéré que la réduction du risque d’AVC
serait plus forte avec les inhibiteurs calciques, et moins importante avec les bêtabloquants [5,
7]. Une raison expliquant ce résultat pourrait être un effet classe sur la variabilité tensionnelle.
Ainsi, l’étude ASCOT-BPLA ayant inclus 19 257 patients hypertendus âgés de 40 à 79 ans avec
au moins 3 autres facteurs de risque vasculaire sans pathologie coronaire, comparait un régime
thérapeutique par amlodipine ± perindopril à un traitement par atenolol ± bendroflumethiazide
[12]. Une réduction significative du risque d’AVC a été observée dans le groupe traité par l’inhi-
biteur calcique. Cette réduction n’était pas expliquée par la baisse des valeurs moyennes de la
pression artérielle, et les auteurs ont rapporté une réduction de la variabilité tensionnelle indi-
viduelle (d’une visite de contrôle à l’autre, au cours d’une même visite, ou sur les enregistrements
tensionnels continus de 24 h) plus forte sous inhibiteur calcique que sous bêtabloquants. Ces
résultats sont concordants avec ceux issus d’une méta-analyse de 389 essais thérapeutiques dans
laquelle la variabilité tensionnelle interindividuelle était analysée en l’absence de données dis-
ponibles sur la variabilité individuelle [13]. Les résultats ont montré que globalement, une moindre
variabilité s’accompagnait d’une réduction du risque d’AVC, indépendamment de la réduction
de la pression artérielle moyenne et que les inhibiteurs calciques, et dans une moindre mesure
les diurétiques à l’exclusion des diurétiques de l’anse, diminuaient la variabilité tensionnelle
interindividuelle à l’inverse des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, des
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, et des bêtabloquants qui l’augmentaient [13].
Ces résultats incitent donc à prendre en compte l’effet des traitements sur la variabilité ten-
sionnelle dans les futurs essais thérapeutiques.

/ 251
Partie 3 – Prévention

Cholestérol total et LDL-cholestérol


Contrairement aux études épidémiologiques concernant l’infarctus du myocarde qui ont montré
une relation continue et indépendante de l’âge entre le risque de survenue de cette pathologie
et l’élévation du cholestérol, les données concernant l’AVC ont été longtemps discutées. Dans
une méta-analyse conduite sur données individuelles de 61 études épidémiologiques incluant
environ 900 000 sujets, il existait une association entre taux élevé de cholestérol et risque de
décès par AVC [14]. Cette relation était faible, présente uniquement pour les infarctus cérébraux
et chez des sujets d’âge moyen (40-69 ans). Plusieurs raisons pourraient expliquer cette asso-
ciation limitée, en particulier le fait de n’avoir considéré que les AVC mortels et de ne pas avoir
pris en compte l’hétérogénéité étiologique des infarctus cérébraux. Par ailleurs, un effet de survie
résultant de risques compétitifs pourrait compter pour ce résultat, les patients avec des taux
élevés de cholestérol étant à risque d’infarctus du myocarde et de décès prématuré, atténuant
ainsi une potentielle association avec les AVC. Enfin, ces études ne distinguaient pas l’effet
propre du LDL-cholestérol. L’analyse des données de plus de 302 430 sujets indemnes de maladie
vasculaire issus de 68 études observationnelles (The Emerging Risk Factors Collaboration) mon-
trait une association entre niveau de cholestérol non-HDL et risque d’infarctus cérébral [15]
(Figure 5). Ainsi, pour chaque augmentation d’une déviation standard, le risque augmentait de
12 % (HR = 1,12 ; IC95 % : 1,04-1,20). Cette augmentation était toutefois d’amplitude quatre
fois inférieure à celle observée pour les infarctus du myocarde. En revanche, il n’était pas observé
d’association entre cholestérol non-HDL et risque d’AVC hémorragique ou d’AVC de nature
indéterminée. Enfin, alors qu’une relation inverse entre niveau de HDL-cholestérol et risque
d’infarctus du myocarde était notée, cette association n’était pas retrouvée pour les infarctus
cérébraux.

FIGURE 5 Associations entre niveau de triglycérides, HDL-cholestérol et cholestérol non-HDL et


risque d’infarctus cérébral. D’après la méta-analyse The Emerging Risk Factors Collaboration [15].

Les données issues de plusieurs méta-analyses d’essais thérapeutiques offrent des résultats
encore plus convaincants. Dans une méta-analyse d’essais de prévention primaire et secondaire
incluant plus de 266 000 patients, il existait une réduction significative de 12 % du risque de
survenue d’AVC chez les patients traités, toute stratégie thérapeutique confondue [16]. Ainsi,
une réduction de 10 % du LDL-cholestérol était associée à une diminution de 4 % du risque
d’AVC. Néanmoins, en analyses de sous-groupes, seuls les essais ayant utilisé une statine, repré-
sentant la très grande majorité des études, montraient une efficacité sur la réduction du risque

252 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

d’AVC. En effet, les stratégies thérapeutiques basées sur les fibrates ou le régime seul ne mon-
traient pas de bénéfice significatif. De plus, les réductions observées concernaient les AVC non
fatals, alors qu’aucune association n’était observée pour les AVC fatals, rejoignant ainsi les résul-
tats des études épidémiologiques. Dans une méta-analyse ayant inclus les études dans lesquelles
moins de 10 % des patients avaient un antécédent de maladie vasculaire (infarctus du myocarde,
angor ou AVC), les statines réduisaient de 31 % le risque d’AVC non fatal, sans effet là encore
sur le risque d’AVC fatal [17].

L’effet bénéfique des statines est lié à la réduction du risque d’infarctus cérébral, sans excès de
risque d’hémorragies cérébrales [18, 19] qui avait été suggéré par quelques données issues
d’études épidémiologiques observationnelles. De plus, il n’a pas été démontré d’association entre
le niveau de LDL-cholestérol et le risque d’hémorragie cérébrale dans une méta-analyse
récente [18].

Dans le cadre de la prévention secondaire, l’étude SPARCL a montré que l’atorvastatine (dose
de 80 mg/jour) réduisait le risque de récidive d’AVC de 16 % (réduction absolue d’environ 2 %)
après 5 ans de suivi, chez des patients sans antécédent coronarien ayant présenté un infarctus
cérébral ou un AIT non cardioembolique, et ayant un taux de LDL-cholestérol entre 1 et 1,9 g/L
[20]. De plus, il était également observé une réduction du risque d’événements coronariens. Le
bénéfice était particulièrement marqué chez les patients porteurs d’une sténose carotide. La
méta-analyse de SPARCL et des sous-groupes de patients issus d’autres études de prévention
secondaire et dont l’événement qualifiant était un AVC, a confirmé une réduction significative
du risque de nouvel AVC sous statine [21].

Les données concernant l’ézétimibe sont plus limitées. L’essai IMPROVE-IT ayant inclus plus de
18 000 patients victimes d’un infarctus du myocarde de moins de 10 jours comparait l’associa-
tion ézétimibe 10 mg + simvastatine 40 mg à simvastatine 40 mg seule [22]. Après un suivi
médian de 6 ans, une réduction significative du risque de survenue du critère principal de juge-
ment (décès d’origine cardiovasculaire, événement coronarien majeur ou AVC non fatal) a été
observée sous bithérapie (HR = 0,94 ; IC95 % : 0,89-0,99). Le risque d’infarctus cérébral était
réduit de 21 % (3,4 % contre 4,1 % ; HR = 0,79 ; IC95 % : 0,67-0,94), sans augmentation signi-
ficative du risque d’hémorragies cérébrales (0,8 % contre 0,6 % ; HR = 1,38 ; IC95 % : 0,93-2,04).

Triglycérides
L’association entre niveau de triglycérides plasmatiques et risque d’AVC, et notamment
d’infarctus cérébral, reste controversée. Une revue systématique des études épidémiologiques
montrait une augmentation du risque d’AVC avec les taux de triglycérides (RR pour 1 SD
= 1,10 ; IC95 % : 1,07-1,13) [23]. De plus, dans une méta-analyse des essais thérapeutiques,
chaque augmentation du taux initial de triglycérides de 10 mg/dL était associée à une hausse
de 5,5 % du risque d’AVC au cours du suivi [24]. Néanmoins, une autre méta-analyse d’études
prospectives chez des individus indemnes de maladie vasculaire à l’inclusion n’a pas montré
d’association entre triglycérides et risque d’infarctus cérébral ou d’hémorragie intracérébrale
après ajustement sur les facteurs de risque vasculaire [15] (Figure 5). Enfin, le bénéfice des
stratégies thérapeutiques visant à réduire les taux de triglycérides sur le risque d’AVC n’est
pas démontré [16, 24].

/ 253
Partie 3 – Prévention

Autres
Contrairement à l’infarctus du myocarde, le rôle bénéfique de taux élevés de HDL-cholestérol
sur le risque d’AVC n’est pas clairement établi, les études ayant produit des résultats divergents
[15, 25]. Des taux élevés de lipoprotéine a Lp(a), un complexe lipide-protéine aux actions pro-
athérogène et prothrombotique, sont associés à une augmentation du risque d’infarctus cérébral
cependant de manière plus modeste que l’association observée avec la pathologie coronarienne
[26]. Enfin, une augmentation du rapport ApoB/ApoA semble également augmenter le risque
d’infarctus cérébral [1].

Les patients diabétiques ont un risque d’AVC significativement augmenté par rapport aux sujets
sains. Dans une méta-analyse d’études prospective portant sur environ 700 000 individus, ce
risque était multiplié par 2,2 pour les infarctus cérébraux et 1,6 pour les hémorragies intracé-
rébrales, après ajustement sur les autres facteurs de risque cardiovasculaire [27]. Cet excès de
risque semble plus important chez les sujets âgé de 40 à 59 ans (HR = 3,74 ; IC95 % : 3,06-4,58),
ainsi que chez les femmes comparativement aux hommes (HR = 2,83 ; IC95 % : 2,35-3,40). Dans
la cohorte UK-GPRD, les taux d’AVC étaient de 11,9 pour 1 000 personnes-année dans le groupe
des sujets diabétiques contre 5,5 dans le groupe des sujets sains [28]. Le risque attribuable d’AVC
dans la population lié au diabète est évalué entre 5 et 12 % [1, 27].

Plusieurs facteurs influencent le risque d’AVC en cas de diabète. Tout d’abord, le type de diabète,
avec un risque plus fort retrouvé chez les patients diabétique de type 1 par rapport à celui
observé chez les patients atteints de diabète de type 2 [29]. Ensuite, la sévérité du diabète semble
jouer un rôle important. Ainsi, dans l’étude ARIC, les patients diabétiques ayant une hémoglobine
glyquée élevée (tertile supérieur : HbA1C > 9 %) voyaient leur risque d’AVC multiplié par 2,3
par rapport aux patients ayant une hémoglobine glyquée basse (tertile inférieur : HbA1C < 5,2 %)
[30]. La relation continue entre taux d’hémoglobine glyquée et risque d’AVC était également
observée chez les patients non diabétiques. Enfin, la présence d’une micro-albuminurie multiplie
par 2,5 le risque d’AVC chez le patient diabétique [31].

Le bénéfice d’un contrôle glycémique intensif chez les patients diabétiques sur la réduction
du risque d’événements macrovasculaires, incluant les AVC, reste controversé. Une méta-
analyse portant sur 13 essais thérapeutiques conduits chez des patients diabétiques de type 2
n’a pas montré de réduction du risque d’AVC (fatal ou non) dans le groupe traitement intensif,
alors qu’il existait une réduction de 15 % du risque d’infarctus du myocarde et de 10 % de
celui de microalbuminurie [32]. Une méta-analyse antérieure avait, quant à elle, conclu à un
bénéfice chez les diabétiques de type 1 [33]. Plus récemment, une méta-analyse a suggéré
un bénéfice d’un contrôle glycémique intensif sur la réduction du risque d’AVC chez les
patients diabétiques obèses (index de masse corporel (IMC) > 30) (RR = 0,86 ; IC95 % :
0,75-0,99) [34].

Le contrôle de la pression artérielle chez le patient diabétique est enjeu majeur de prévention.
À partir d’une méta-analyse de 13 essais incluant 37 736 patients présentant un diabète de
type 2, une hyperglycémie à jeun ou intolérance au glucose, une réduction intensive de la
pression artérielle systolique (cible ^ 135 mmHg) était associée à une diminution du risque
d’AVC (OR = 0,83 ; IC95 % : 0,73-0,95) et de mortalité (OR = 0,90 ; IC95 % : 0,83-0,98) en
comparaison avec une réduction standard (^ 140 mmHg), sans effet significatif sur les autres

254 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

atteintes macro- ou microvasculaires [35]. Une réduction encore plus intensive (^ 130 mmHg)
réduisait encore davantage le risque d’AVC mais au prix d’une augmentation des effets indé-
sirables graves.

L’obésité représente un problème de santé publique majeur, en particulier dans les pays indus-
trialisés. Environ 10 % des adultes sont obèses dans le monde. L’obésité est classiquement définie
par un IMC (poids divisé par la taille au carré) 6 30 kg/m2, et le surpoids par un IMC compris
entre 25 et 29,9 kg/m2. L’obésité abdominale est mesurée par le rapport tour de taille (ou
périmètre abdominal) sur tour de hanches, ou par le tour de taille seul. Un tour de taille 6 80 cm
chez la femme et 6 94 cm chez l’homme est considéré comme élevé, et un tour de taille
6 102 cm chez les hommes et 6 88 cm chez les femmes définit l’obésité abdominale.

Dans une étude prospective américaine portant sur des hommes, un IMC > 30 kg/m2 était associé
à un risque doublé d’AVC, comparé aux sujets ayant un IMC < 23 kg/m2, après un suivi moyen
de 12,5 ans [36]. Il existait une relation linéaire, chaque augmentation d’un point d’IMC étant
associée à une augmentation de 6 % du risque d’AVC. Cette association n’était que partiellement
expliquée par l’hypertension artérielle, la dyslipidémie ou le diabète car elle persistait après
ajustement sur ces facteurs confondants. Dans l’étude INTERSTROKE, les patients ayant un
rapport taille/hanche dans le tertile supérieur de la distribution avaient un risque d’AVC aug-
menté de 44 % [1]. Enfin, une étude chez des femmes chinoises a montré une augmentation de
2 % du risque d’AVC pour chaque point d’augmentation de tour de taille [37].

Une analyse de 97 études prospectives regroupant 1,8 millions de participants a montré que
chaque augmentation de l’IMC de 5 kg/m2 était associée à une augmentation du risque d’AVC
(HR = 1,18 ; IC95 % : 1,14-1,22) et d’événements coronariens (HR = 1,27 ; IC95 % : 1,23-1,31).
De plus, 76 % de l’excès de risque observé pour les AVC et 46 % de celui pour les événements
coronariens étaient médiés par 3 facteurs de risque vasculaire : hypertension artérielle, hyper-
cholestérolémie et diabète [38]. Il n’y a pas d’étude disponible concernant la réversibilité du
risque en cas de prise en charge visant à la perte de poids.

Le syndrome métabolique est une entité clinique et biologique caractérisée par la combinaison
de plusieurs facteurs de risque parmi lesquels l’insulino-résistance et l’obésité abdominale sont
vraisemblablement au centre du processus. Différentes définitions ont été proposées, rendant
parfois difficile la comparaison d’une étude à l’autre [39-42]. Dans une méta-analyse portant
sur 87 études ayant utilisé les critères NCEP, le syndrome métabolique était associé à un risque
augmenté d’AVC (RR = 2,27 ; IC95 % : 1,80-2,85) [43]. Cet excès était également retrouvé chez
les patients sans diabète de type 2 (RR = 1,86 ; IC95 % : 1,10-3,17). Néanmoins, il existe un
débat autour de la question de la réalité de ce syndrome ou d’une simple conjonction des facteurs
de risque qui le composent.

/ 255
Partie 3 – Prévention

Tabac
La consommation de tabac, un facteur bien documenté d’athérosclérose, est globalement asso-
ciée à un risque doublé d’infarctus cérébral [44], avec une relation dose-effet claire mais non
linéaire, le risque vasculaire augmentant très rapidement pour des petites expositions [45, 46].
Concernant les hémorragies intracérébrales, l’association reste débattue et apparaît plus
faible [47]. En revanche, le tabagisme constitue le principal facteur de risque modifiable des
hémorragies méningées, multipliant le risque par 2 à 3, avec une relation dose-effet [44]. De
plus, le tabagisme passif est également associé à un risque accru d’AVC lui aussi
dose-dépendant [48].

Une étude observationnelle anglaise portant sur 1,2 millions de femmes âgée de 50 à 69 ans
recrutées entre 1996 et 2001 a mis en évidence un risque de décès d’origine cérébrovasculaire
à 12 ans multiplié par 3 en cas de tabagisme actif en comparaison avec l’absence d’antécédent
de consommation [49]. Ce risque augmentait avec la quantité de cigarettes consommées par
jour (Figure 6). De manière intéressante, l’excès de risque n’était pas retrouvé chez les femmes
ayant cessé la consommation de tabac avant l’âge de 45-54 ans en comparaison avec les femmes
n’ayant jamais fumé, indiquant ainsi l’effet bénéfique du sevrage tabagique sur la réduction du
risque vasculaire cérébral, à condition qu’il ait lieu assez tôt (Figure 7).

FIGURE 6 Risque de décès d’origine cérébrovasculaire à 12 ans chez les fumeuses en fonction du
nombre de cigarettes consommées par jour. D’après [49].

Outre ses effets propres, la consommation de tabac exerce un véritable effet synergique avec
la contraception orale œstroprogestative sur le risque d’infarctus cérébral. Ainsi, une étude a
rapporté une augmentation de ce risque très importante chez les femmes fumeuses sous contra-
ception orale (OR = 7,2 ; IC95 % : 3,2-16,1) [50]. Ce risque serait encore plus fort chez les
patientes migraineuses.

256 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

FIGURE 7 Risque de décès d’origine cérébrovasculaire à 9 ans chez les ex-fumeuses en fonction
de leur âge au moment du sevrage tabagique. D’après [49].

Après arrêt du tabac, le risque d’infarctus semble diminuer rapidement. Certaines études ont
montré que ce risque rejoignait celui des non fumeurs dans les 5 années qui suivent l’arrêt, mais
d’autres suggèrent que ce risque restait modérément plus élevé que celui des non fumeurs [51].

Un sevrage tabagique est recommandé après un AVC et peut nécessiter une prise en charge
spécialisée [52, 53]. Les traitements nicotiniques de substitution peuvent être utilisés pour aider
au sevrage [53]. Concernant la cigarette électronique de nicotine, l’Afssaps/ANSM recommande
de ne pas l’utiliser, les données sur la preuve de leur efficacité et de leur innocuité restant
insuffisantes. Une étude récente portant sur 657 fumeurs n’a pas montré de supériorité de l’uti-
lisation de cigarettes électroniques (avec ou sans nicotine) sur les taux d’abstinence à 6 mois
comparée au traitement par patchs nicotiniques [54].

Alcool
L’effet délétère de l’alcool sur le risque d’AVC varie en fonction du type d’AVC. Une méta-analyse
de 35 études observationnelles a montré une association entre consommation régulière d’alcool
élevée (équivalent à > 60 g/J) et risque à la fois d’infarctus cérébral (RR = 1,7 ; IC95 % : 1,3-2,2)
et d’AVC hémorragique (incluant les hémorragies intracérébrales et les hémorragies méningées)
(RR = 2,2 ; IC95 % : 1,5-3,2), en comparaison avec des sujets non consommateurs [55]. Alors
que cette relation semble linéaire pour les AVC hémorragique, il existerait une courbe en J pour
les infarctus cérébraux, une consommation modérée d’alcool (12-24 g/J) semblant être associée
à une réduction du risque d’IC (RR = 0,7 ; IC95 % : 0,6-0,9) [55]. Néanmoins, cet effet protecteur
est contesté. Une analyse récente de l’étude ARIC n’a ainsi pas mis en évidence d’association
inverse entre consommation modérée et risque d’infarctus cérébral [56].

Alimentation
L’impact direct des habitudes alimentaires sur le risque AVC est difficile à étudier car l’alimen-
tation module ce risque via ses conséquences sur d’autres facteurs de risque tels que la pression
artérielle, le diabète ou l’hypercholestérolémie.

/ 257
Partie 3 – Prévention

Dans l’étude Nurses’ Health Study ayant inclus près de 75 000 femmes âgées de 38 à 63 ans,
l’adhésion à un régime méditerranéen était associée à une réduction de 13 % du risque d’AVC
après un suivi moyen de 20 ans [57]. Cette même étude avait également montré qu’une consom-
mation d’une part supplémentaire de fruits et de légumes par jour était associée à une diminution
relative de 3 à 5 % du risque d’infarctus [58]. À l’inverse, un régime occidental (riche en viandes
rouges, aliments frits, sodas et sucres) augmentait de 58 % le risque d’AVC et de 56 % celui
d’infarctus cérébral après un suivi moyen de 14 ans [59]. Une consommation régulière de poisson
(6 1 fois par mois) est associée à une diminution de 40 à 50 % du risque d’infarctus cérébral
chez les hommes et les femmes [60, 61].

Certaines études observationnelles ont suggéré qu’un apport en vitamine C, vitamine D, caro-
tène, omega-3, ou encore flavonoïdes pourraient réduire le risque d’AVC, mais aucune étude
interventionnelle n’a confirmé ces résultats [62-66]. L’effet d’une supplémentation en acide
folique reste controversé. Dans une méta-analyse récente regroupant 22 essais thérapeutiques
et 82 000 sujets, la supplémentation était associée à une réduction significative de 11 % du
risque d’AVC, avec un effet bénéfique uniquement retrouvé dans les régions asiatiques où les
taux de folates sont faibles [67]. Plusieurs études de cohorte ont montré qu’une consommation
élevée de sodium ou une consommation faible de potassium augmentaient le risque d’AVC [68,
69]. Enfin, dans l’étude INTERSTROKE, le risque attribuable d’AVC dans la population lié à un
score de risque alimentaire élevé était de 23 % [1].

Activité physique
Toute comme l’alimentation, les liens entre activité physique et risque d’AVC impliquent l’effet
de celle-ci sur de nombreux facteurs notamment une réduction de la pression artérielle, une
perte de poids, et une amélioration de la glycémie. À partir d’une méta-analyse de 31 études
observationnelles il a été montré qu’une activité physique régulière était associée à une réduction
de 22 % du risque d’infarctus cérébral et de 26 % de celui d’hémorragie intracérébrale, avec une
relation dose-effet généralement observée [70]. Une autre méta-analyse portant sur 174 études
de cohorte a mis en évidence une augmentation de 26 % du risque d’infarctus cérébral chez les
sujets ayant une activité physique insuffisance (définie par une activité inférieure à 600 équiva-
lents métaboliques – MET – minutes par semaine) comparés aux sujets ayant une activité intense
(6 8 000 MET minutes/semaine) [71]. De plus, il existait une relation dose-effet en fonction du
niveau d’activité. Il n’existe pas actuellement de donnée issue d’études de prévention secondaire
de qualité.

Consommation de drogues
De nombreuses drogues ont été incriminées dans la survenue potentielle d’AVC, mais du fait du
caractère illicite de leur usage, les études épidémiologiques de qualité sont difficiles à réaliser.
Dans une étude cas-témoins, l’usage d’amphétamines multipliait par 5 le risque d’hémorragie
cérébrale, tandis que la prise de cocaïne augmentait le risque à la fois d’infarctus cérébral (OR
= 2,03 ; IC95 % : 1,48-2,79) et d’AVC hémorragique (OR = 2,33 ; IC95 % : 1,74-3,11) [72]. Enfin,
il existe une accumulation de données suggérant un lien entre la consommation de cannabis et
risque d’infarctus cérébral, en particulier pour des consommations importantes [73].

258 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

Contraception orale
La contraception orale œstroprogestative est associée à un risque accru d’AVC ischémique. Ainsi,
dans une méta-analyse récente, le risque relatif d’infarctus cérébral chez les utilisatrices de pilule
œstroprogestative était de 1,7 (IC95 % : 1,5-1,9) [74]. Ce risque ne semblait pas être influencé
par la génération de pilule ou le type de progestatif associé. En revanche, il existait une relation
entre le dosage de l’œstrogène et l’augmentation du risque. Ainsi, un risque relatif de 2,4 (IC95 % :
1,8-3,3) était retrouvé en cas d’utilisation de pilule contenant une dose d’œstrogènes > 50 μg.
Plusieurs mécanismes pourraient expliquer ces résultats, notamment une augmentation de
l’inflammation systémique, des troubles de la vasoréactivité, et une hypercoagulabilité induits
par les œstrogènes. Néanmoins, compte tenu de la faible incidence des AVC dans la tranche
d’âge des femmes qui utilisent les contraceptifs oraux, le risque attribuable aux contraceptifs et
l’excès de risque absolu sont faibles. Le risque d’accidents hémorragiques sous contraceptif oral
reste mal connu avec des résultats contradictoires des études [75, 76]. Après un AVC, une
contraception orale par œstroprogestatif est contre-indiquée.

Traitement hormonal substitutif


À partir d’une méta-analyse de 16 essais randomisés, il a été démontré que le traitement hor-
monal substitutif (THS) de la ménopause, par œstroprogestatifs ou par œstrogènes seuls, aug-
mente de 29 % le risque d’infarctus cérébral, sans effet sur le risque d’AVC hémorragique et
d’AIT [77]. Cet excès de risque concernerait particulièrement les AVC les plus sévères. De plus,
en prévention secondaire, l’étude WEST qui comparait un THS par œstrogènes au placebo chez
664 femmes ménopausées ayant présenté un AVC ou un AIT n’a pas mis en évidence de réduc-
tion du risque de récidive d’AVC non mortel ou de décès [78]. En revanche, le risque d’AVC total
dans les 6 premiers mois doublait sous traitement, de même que celui d’AVC mortel. Ces données
suggèrent donc d’éviter un THS chez les patientes à risque vasculaire, et de le contre-indiquer
après un AVC ou AIT.

Durée du sommeil
Une méta-analyse a mis en évidence une association entre durée de sommeil et risque d’AVC
[79]. À partir d’études de cohortes, un temps de sommeil court (défini comme inférieur à 4 h,
5 h ou 6 h selon les études) était associé à une augmentation de 13 % du risque d’AVC. De
même, un temps de sommeil long (défini comme supérieur à 8 h, 9 h ou 10 h selon les études)
augmentait de 40 % ce risque. Ces résultats rejoignent ceux d’autres travaux ayant démontré
une association entre durée de sommeil et diabète, obésité, hypertension artérielle ou encore
maladies cardiovasculaires [80-83]. D’autres facteurs pourraient expliquer le lien entre durée de
sommeil et AVC. Ainsi, des temps de sommeil courts seraient associés à une intolérance au
glucose, une augmentation des taux de cortisol, de l’activité du système nerveux sympathique,
et des marqueurs de l’inflammation ainsi qu’une baisse de la production de leptine [79]. Des
temps longs pourraient refléter un syndrome dépressif ou un état de santé précaire.

/ 259
Partie 3 – Prévention

Syndrome d’apnées obstructives du sommeil


Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est un facteur de risque d’AVC mainte-
nant bien établi. Dans une méta-analyse de 12 études de cohorte incluant plus de 25 000 sujets,
la présence d’un SAOS sévère (défini par un index apnée-hypopnée > 30) multipliait par 2,1 ce
risque [84]. Les relations entre SAOS et AVC restent controversées, notamment parce que les
deux affections surviennent sur le même terrain, et qu’il est donc difficile de bien prendre en
compte tous les facteurs de confusion dans les analyses. D’un point de vue physiopathologique,
plusieurs mécanismes pourraient contribuer à l’excès d’AVC chez les patients porteurs d’un
SAOS : augmentation de la pression artérielle, développement de l’athérome, hypercoagulabilité,
ou encore ouverture d’un foramen ovale perméable par pression négative intrathoracique favo-
risant les embolies paradoxales [85]. L’efficacité du traitement du SAOS par ventilation nocturne
en pression positive sur la réduction du risque d’AVC n’a pas été spécifiquement étudiée. Les
essais contrôlés chez des patients victimes d’AVC ont montré que ce traitement pourrait avoir
un effet bénéfique sur la récupération neurologique et les symptômes dépressifs [85].

Les patients dépressifs ont un risque accru d’AVC. Dans une méta-analyse récente portant sur
28 études prospectives de cohortes regroupant près de 320 000 individus, la dépression était
associée à une augmentation de 45 % du risque d’AVC [86]. L’augmentation observée était de
55 % pour les AVC fatals, et 25 % pour les infarctus cérébraux. Des résultats similaires ont été
notés dans l’étude INTERSTROKE [1]. Cette étude a également mis en évidence un excès de
risque chez les patients présentant un stress chronique, résultat également observé dans une
autre étude de cohorte américaine [87].

L’inflammation chronique favorise le développement de l’athérome et ses complications athé-


rothrombotiques aiguës. De très nombreux marqueurs biologiques de l’inflammation ont été
identifiés comme associés à un risque accru d’infarctus cérébral, parmi lesquels la protéine C-
réactive (CRP), le fibrinogène plasmatique, les interleukines ou encore les leucocytes ont été les
plus étudiés [88]. Il existe également une relation entre maladies inflammatoire chronique et
AVC. Ainsi, une méta-analyse a montré une augmentation de 29 % du risque d’AVC chez les
patients porteurs d’une maladie inflammatoire digestive [89]. Par ailleurs, les patients porteurs
d’un lupus ont un risque doublé d’AVC, tandis que la polyarthrite rhumatoïde augmente celui-ci
de 60 % [90].

Les infections chroniques augmenteraient également le risque d’AVC, par l’intermédiaire de l’acti-
vation des processus inflammatoires, d’une pathogénicité direct de l’agent infectieux sur la paroi
artérielle, du déclenchement d’une réaction auto-immune, d’un effet procoagulant, ou d’une
interaction avec les facteurs de risque traditionnels. Les parodontopathies représentent un
modèle d’infection chronique associée à une augmentation du risque d’AVC de 60 % d’après
une méta-analyse des études de cohorte [91].

260 /
Facteurs de risque vasculaire modifiables

Pollution et AVC
Il existe une littérature croissante faisant état d’une association entre pollution atmosphérique
(impliquant différents polluants dont CO, NO2, SO2, O3, et surtout particules fines) et risque
d’AVC [92]. L’excès de risque concerne avant tout les infarctus cérébraux et serait en relation
avec différents processus physiopathologiques dont l’inflammation chronique et le stress nitro-
oxydant pouvant être à l’origine d’une dysfonction endothéliale, de la progression ou de l’ins-
tabilité de la plaque athéromateuse, d’un effet pro-arythmogène et prothrombotique.

Travail et AVC
Une large méta-analyse portant sur plus de 600 000 individus a mis en évidence un lien entre
durée de travail et risque d’AVC [93]. En comparaison avec à une durée hebdomadaire moyenne
de travail de 36-40 h, les sujets travaillant plus de 49 h avaient un risque accru de 30 %. De
plus, une durée hebdomadaire de moins de 35 h était associée à une augmentation non signi-
ficative de 20 % de ce risque (p = 0,07).

Le type d’horaires de travail pourrait également influencer la survenue d’AVC. Une étude de
cohorte a ainsi montré un risque relatif d’infarctus cérébral de 1,04 (IC95 % : 1,01-1,07) pour
chaque période de 5 ans d’exposition au travail posté [94]. L’effet délétère des horaires postés
a été également rapporté par plusieurs études en ce qui concerne le risque de cardiopathie
ischémique [95].

Niveau socio-économique
Plusieurs études ont montré qu’il existait une relation inverse entre niveau socio-économique
et risque d’AVC [96, 97]. Cette relation pourrait en partie s’expliquer par des différences concer-
nant la distribution des facteurs de risque vasculaire et l’accès à la prévention primaire et secon-
daire au sein des populations en fonction du niveau socio-économique.

Prise en charge des principaux facteurs de risque


vasculaire en prévention secondaire des AVC
Les principales mesures de prévention secondaire des infarctus cérébraux et accidents ischémi-
ques transitoires sont résumés dans le Tableau I. Concernant les hémorragies cérébrales, la pré-
vention secondaire repose avant tout sur la réduction de la pression artérielle ainsi que l’éviction
des autres facteurs de risque.

/ 261
TABLEAU I ▼ Prise en charge des facteurs de risque vasculaire en prévention secondaire des infarctus cérébraux et AIT.
Facteur Cible Traitement Mesures associées – remarques

Pression artérielle PA < 140/90 mmHg Traitement initial par diurétiques Niveau de PA à moduler selon âge,
Partie 3 – Prévention

262 /
thiazidiques, IEC, inhibiteurs calciques présence d’une sténose > 70 % (critères
(dihydropyridines) NASCET) ou d’une occlusion des artères
PA < 130/80 mmHg chez les diabétiques Autres classes médicamenteuses choisies cervicales ou intracrâniennes, comorbidités
et insuffisants rénaux selon comorbidités, tolérance et niveau Mesurer le niveau et la variabilité
de PA visé de la pression artérielle par l’auto-mesure
ou la MAPA
Réduction consommation sel
Réduction de poids
Activité physique
Dépistage de l’apnée du sommeil

Lipides LDL-cholestérol < 2,6 mmol/L (1 g/L) ou Statines Chez les patients > 80 ans : dose faible
LDL-cholestérol < 1,8 mmol/L (0,7 g/L)* initiale et contrôler pour arriver
progressivement à la cible
Mesures hygiéno-diététiques associées
Proposer ézétimibe en cas de mauvaise
tolérance des statines

Diabète HbA1c ^ 8 % dans les 6 mois suivant Metformine en première intention en Cible HbA1c plus élevée chez les personnes
l’AVC/AIT monothérapie dans le diabète type 2 âgées fragiles
HbA1c ^ 7 % au-delà des 6 mois Insulinothérapie dans le diabète type 1 Statine quel que que soit le niveau
Stratégies médicamenteuse selon de LDL-cholestérol ; cible LDL < 1,8 mmol/L
recommandations spécifiques [99] Cible PA < 130/80 mmHg
Mesures hygiéno-diététiques associées

Tabac Sevrage complet Prise en charge spécialisée si nécessaire Éviction du tabagisme dans
Soutien psychologique en face à face l’environnement du patient
ou en groupe et thérapies Place de la cigarette électronique : données
cognitivo-comportementales (TCC) sur la preuve de leur efficacité et de leur
Entretien motivationnel innocuité non suffisantes
Traitements nicotiniques de substitution
Accompagnement téléphonique
Autosupport y compris par Internet

Alcool Réduction ou arrêt de la consommation Prise en charge spécialisée


chez : en cas d’alcoolo-dépendance
– hommes consommant > 3 verres/j
(3 unités d’alcool par jour ou 30 g/j)
– femmes consommant > 2 verres/j
(2 unités d’alcool par jour ou 20 g/j)
TABLEAU I ▼ Prise en charge des facteurs de risque vasculaire en prévention secondaire des infarctus cérébraux et AIT (suite).
Facteur Cible Traitement Mesures associées – remarques

Obésité Perte de poids Prise en charge spécifique à partir d’un IMC Régime alimentaire
> 25 ou tour de taille 6 80 cm chez la Activité physique
femme et 6 94 cm Chirurgie bariatrique à discuter
à partir d’un IMC > 40

Activité physique Activité > 600 MET minutes/semaine§ Prescription désormais possible d’APA
chez les patients en ALD

Alimentation Adaptation du régime alimentaire Favoriser la consommation de fruits, Supplémentation en vitamine B non
légumes, céréales complètes, fruits secs, recommandée en dehors d’une
viande blanche et huile d’olive (régime hyperhomocystéinémie documentée
méditerranéen)
Limiter la consommation de graisses
(acides gras saturés et trans), de sucre,
de sel, et de viande rouge$

COP Arrêt et contre-indication Contraception alternative possible


par progestatif seul (microprogestatifs
ou implant ou dispositif intra-utérin
au lévonorgestrel)

THS Arrêt En cas de symptômes altérant la qualité


de vie de la patiente ou de risque élevé
d’ostéoporose chez une patiente
intolérante aux autres thérapeutiques
de prévention de cette affection, une
reprise éventuelle du THS peut être
discutée
* Les recommandations de la HAS de juillet 2014 (mise à jour février 2015) relatives à la prévention secondaire des infarctus cérébraux/AIT mentionnent un traitement par statine chez les patients ayant
un infarctus cérébral ou AIT non cardioembolique et ayant un LDL-cholestérol 6 2,6 mmol/L, avec une cible à atteindre LDL-cholestérol < 2,6 mmol/L et un traitement par statine quel que soit le niveau
de LDL-cholestérol en cas de diabète, ou de coronaropathie (cible LDL-cholestérol < 1,8 mmol/L). Un traitement par statine est envisageable chez les patients ayant un LDL-cholestérol < 2,6 mmol/L et
un infarctus cérébral ou AIT associé à une maladie athéroscléreuse symptomatique [53]. Les recommandations de la HAS de février 2017 relatives aux dyslipidémies mentionnent un traitement par statine
chez les patients à risque vasculaire très élevé (défini par un score SCORE > 10 %, incluant les patients aux antécédents d’infarctus cérébral/AIT) avec une cible LDL-cholestérol < 1,8 mmol/L [98].
$ D’après les recommandations de l’OMS (http://www.who.int/dietphysicalactivity/diet/fr/) et de l’American Heart Association/American Stroke Association [100].
§ Recommandations de l’OMS. Correspond à 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente
d’activité d’intensité modérée et soutenue. Il est indiqué que pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé, les adultes devraient augmenter la durée de leur activité
d’endurance d’intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine ou pratiquer 150 minutes par semaine d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité
d’intensité modérée et soutenue.

/ 263
ALD : affection longue durée ; APA : activité physique adaptée ; COP : contraception œstroprogestative ; MAPA : mesure ambulatoire de la pression artérielle ; MET : metabolic equivalent task (équivalent
métabolique) ; PA : pression artérielle ; THS : traitement hormonal substitutif.
Facteurs de risque vasculaire modifiables
Partie 3 – Prévention

Bien que de nouveaux facteurs de risque soient décrits chaque années, environ 90 % des AVC
sont expliqués par les facteurs traditionnels dont la plupart sont modifiables. Ainsi, ces facteurs
doivent être la cible majeure des interventions de prévention primaire et secondaire, pour les-
quelles les outils de médecine connectée représentent une perspective intéressante.

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/ 267
20

L’hémostase est un système dynamique complexe impliquant trois entités distinctes mais par-
faitement interconnectées, à savoir l’hémostase primaire correspondant à l’activation et l’agré-
gation plaquettaire, la coagulation aboutissant à la formation de fibrine, les deux participant à
la formation du thrombus, et enfin le système de la fibrinolyse pour dissoudre le thrombus formé.
Les stratégies antithrombotiques actuelles, notamment dans le domaine cardiovasculaire, font
appel à des médicaments agissant spécifiquement sur chacune de ces trois entités avec les agents
antiplaquettaires (AAP) pour inhiber l’hémostase primaire, les anticoagulants pour inhiber la
coagulation et les fibrinolytiques pour activer le système de la fibrinolyse.

De façon simpliste, on considérait les AAP pour les pathologies athérothrombotiques (activation
plaquettaire prépondérante en condition circulatoire rapide : artères), les anticoagulants pour les
pathologies cardioemboliques et la maladie veineuse thromboembolique (activation prépondé-
rante de la coagulation en condition circulatoire plus lente : cavités cardiaques et veines) et les
fibrinolytiques pour toutes les situations aiguës engageant immédiatement et gravement le
pronostic fonctionnel et vital des patients comme le syndrome coronarien aigu (SCA), l’infarctus
cérébral (IC) et l’ischémie aiguë de membre inférieur.

La situation se complexifie aujourd’hui par la nécessité relativement fréquente d’associer parfois


ces antithrombotiques entre eux, soit pour renforcer leur efficacité antithrombotique, soit du
fait de l’association de plusieurs indications potentielles. L’exemple le plus fréquent est repré-
senté la survenue d’un SCA chez un patient ayant présenté un IC sur fibrillation atriale, ces deux
entités nécessitant de poursuivre le traitement anticoagulant et d’y associer 2 AAP pendant au
moins 1 mois [1].

De nombreux médicaments antithrombotiques ont été développés ces dernières années, exigeant
de la part des cliniciens des connaissances pharmacologiques et thérapeutiques optimales du
fait : i) du nombre de molécules disponibles dans nos pharmacies ; ii) de la variabilité de réponse
à ces médicaments ; iii) de leur index thérapeutique étroit (marge entre des posologies inefficaces
en terme de risque thrombotique et des posologies excessives en terme de risque hémorragique) ;
et iv) de la variabilité du risque thrombotique et du risque hémorragique d’une indication à
l’autre, voire au cours du temps du temps pour une même indication.

Cela nécessite des ajustements posologiques parfois fréquents en fonction : i) de la pathologie


(type d’événement et moment de prise en charge...) ; ii) des caractéristiques des patients
(poids corporel, âge, fonction rénale...) ; iii) d’un suivi biologique éventuel (INR pour les

/ 269
Partie 3 – Prévention

antivitamines K...) ; et iv) de leur association avec d’autres antithrombotiques (dose réduite
d’anticoagulant en association avec un AAP...).

Des connaissances pharmacologiques s’avèrent donc essentielles pour préciser les conditions de
prescription de ces médicaments pour sécuriser les cliniciens dans leur démarche thérapeutique.

Mécanismes d’actions des AAP


Nous proposons ci-après un schéma, certes réducteur mais suffisant, de l’hémostase primaire
pour permettre une approche simple des mécanismes d’action des AAP (Figure 1). Ainsi, l’hémo-
stase primaire résulte de l’activation plaquettaire et de l’agrégation plaquettaire. L’activation
plaquettaire se fait selon 3 voies d’activation : la voie du thrombaxane A2 (TXA2) avec son
récepteur membranaire spécifique, la voie de l’ADP avec son récepteur membranaire spécifique
P2Y12, la voie de la thrombine avec le récepteur membranaire Protease Activator Receptor 1
(PAR1). La fixation de chacun de ces ligands (TXA2, ADP, thrombine) sur son récepteur plaquet-
taire stimule des voies de signalisation intraplaquettaire, impliquant notamment des phospho-
di-estérases (PDE), le tout aboutissant à :
■ la sécrétion de granules contenant notamment de l’ADP, du TXA2 nécessaire au recrute-
ment et à l’activation d’autres plaquettes sanguines ;
■ l’externalisation en surface d’une glycoprotéine GP2b3a, récepteur au fibrinogène et à la fibrine.

FIGURE 1 Mécanismes d’action des agents antiplaquettaires.


L’aspirine interfère avec la voie d’activation plaquettaire du thromboxane A2 (TXA2) en inhibant
la cyclooxygénase. Les inhibiteurs du récepteur P2Y12 permette d’inhiber avec la voie d’activation
de l’adenosine diphosphate (ADP). La voie de la thrombine peut être inhibée directement par
l’inhibiteur du récepteur PAR1 par le vorapaxar ou indirectement par inhibition de la synthèse de
la thrombine par les anticoagulants. Le diprydamole interfère avec les phosphodiesterase (PDE),
inhibant la signalisation intraplaquettaire via l’AMPc). Enfin, les inhibiteurs du récepteur glyco-
protéique GP2b3a inhibent l’agrégation plaquettaire en inhibant la fixation du fibrinogène.

270 /
Pharmacologie des antithrombotiques

L’agrégation plaquettaire résulte de la fixation de ponts de fibrinogène entre les récepteurs


GP2b3a de différentes plaquettes. L’activation de la coagulation permet de transformer le fibri-
nogène en fibrine et de solidifier l’agrégat plaquettaire initialement formé.

Ce schéma simpliste permet de classer aisément les AAP actuellement disponibles selon leur
mécanisme d’action :
– inhibiteurs de la voie du TXA2 :
■ inhibiteur de la synthèse de TXA2 par inhibition de la cyclooxygénase : aspirine,
■ inhibiteur du récepteur au TXA2 dont le développement a été interrompu ;

– inhibiteurs de la voie de l’ADP/inhibiteurs du P2Y12 :


■ thiénopyridines : ticlopidine, clopidogrel et prasugrel,
■ analogues de l’ATP : ticagrelor et cangrelor ;

– inhibiteurs de la voie de la thrombine :


■ inhibiteurs du PAR1 : vorapaxar,
■ inhibiteurs de la formation de thrombine : anticoagulants ;

– zinhibiteurs des PDE :


■ dipyridamole,
■ cilostazole.

Propriétés pharmacologiques des antiplaquettaires


Le tableau I résume les principales propriétés pharmacologiques des AAP les plus utilisés en
pratique clinique.

Inhibiteur de la voie du TXA2


L’aspirine à faible dose (75 à 325 mg/j) inhibe la synthèse du TXA2 par inhibition irréversible de
la cyclooxygénase plaquettaire essentiellement de type 1 (COX1) [2].

L’aspirine ou acide acétylsalicylique subit, dans un premier temps, une hydrolyse plasmatique
avec formation d’acide salicylique inactif sur la plaquette, puis l’acide salicylique subit un méta-
bolisme hépatique complexe.

L’effet de l’aspirine sur l’activité plaquettaire présente une variabilité interindividuelle importante
avec 10 à 60 % de « non répondeurs » selon les tests utilisés pour évaluer l’activité plaquettaire.
Parmi les sources de variabilité, plusieurs polymorphismes ont été étudiés et à ce jour, seul un
polymorphisme de COX2 et possiblement du récepteur glycoprotéique GPIIIa semble avoir un
impact clinique.

Le principal effet indésirable de l’aspirine est représenté par le risque hémorragique et notam-
ment gastro-intestinal. Ce dernier est dose-dépendant, justifiant qu’on utilise des doses le plus
faible possible allant de 75 à 325 mg × 1/jour, avec plutôt 160 à 325 mg/jour en monothérapie
et 75 mg/jour en association avec un inhibiteur de la voie de l’ADP, voire 25 mg × 2/jour en
association avec le dipyridamole.

/ 271
Partie 3 – Prévention

TABLEAU I ▼ Principales propriétés pharmacologiques des antiplaquettaires.


Inhibiteur de la voie du TXA2 Inhibiteur de la voie de l’ADP/récepteur
P2Y12

Médicament Aspirine Clopidogrel Prasugrel Ticagrelor

Mécanisme Inhibition Prodrogue Prodrogue Inhibition


d’action irréversible avec inhibition avec inhibition réversible
de COX1 irréversible irréversible par ticagrelor
préférentiellement par métabolite par métabolite + métabolite actif
actif actif

Pharmacocinétique Absorption médiée Absorption Absorption médiée


par indépendante par
P-glycoprotéine de P-glycoprotéine P-glycoprotéine
+++

Métabolisme Métabolisme Métabolisme Métabolisme


par hydrolyse hépatique hépatique hépatique
plasmatique puis par CYP 3A4/5 par CYP 3A4, 2B6 par CYP 3A4
métabolisme et 2C19 et 2C19
hépatique (avec 2 étapes) (1 étape)

Variabilité/non 5 à 60 % > 30 % < 10 % < 10 %


réponse

– Sources Polymorphisme Polymorphisme Polymorphisme Pas d’impact


de variabilité de COX2 et P-glycoprotéine CYP2C19 possible des polymorphismes
avec impact possiblement et CYP 2C19 étudiés à ce jour
clinique démontré du récepteur GPIIIa et possiblement
3A5

Onteraction avec Interaction avec Interaction avec Interaction avec


autres AINS modulateurs 2C19 modulateurs 3A4 modulateurs 3A4

Délai d’arrêt requis


pour récupérer
une hémostase 0 à 3 jours 5 à 7 jours 3 à 5 jours 0 à 1 jour
suffisante
pour un geste
invasif
COX : cyclooxygénase ; CYP : cytochrome P450.

Compte tenu du caractère irréversible de l’inhibition de COX par l’aspirine et du fait que les
plaquettes sont dépourvues de noyau et donc de la possibilité de renouveler les COX inhibées,
il faut environ 10 jours pour retrouver une hémostase primaire normale (durée de vie d’une
plaquette sanguine). Cependant, compte tenu d’un effet relativement modeste de l’aspirine, la
plupart des gestes invasifs peuvent être réalisés malgré la poursuite de l’aspirine ou après seu-
lement 3 jours d’arrêt.

Inhibiteur de la voie de l’ADP


■ Les thiénopyridines : inhibiteurs irréversibles du P2Y12
La ticlopidine n’est pas développée dans ce chapitre car ce médicament est aujourd’hui très peu
utilisé en raison d’effets indésirables hématologiques graves et relativement fréquents (granulo-
pénies), nécessitant une surveillance régulière de la NFS pendant les premiers mois de traitement.
– Le clopidogrel est une prodrogue inactive dont l’absorption est fortement dépendante d’un
transporteur transmembranaire, la P-glycoprotéine. C’est le métabolite actif du clopidogrel
obtenu par biotransformation hépatique qui est capable d’inhiber de façon irréversible le récep-
teur P2Y12. Outre les cytochromes P450 (CYP) 3A4/5, ce métabolisme hépatique implique le
CYP 2C19 lors de 2 étapes enzymatiques successives.

272 /
Pharmacologie des antithrombotiques

Le clopidogrel présente une variabilité de réponse importante avec au moins 30 % à 50 % de


répondeurs selon les tests utilisés pour évaluer l’activité plaquettaire. Cette variabilité de réponse
est en partie due à un polymorphisme génétique affectant à la fois le gène du CYP2C19 et de
la P-glycoprotéine. Ces 2 polymorphismes ont un impact clinique significatif en terme d’événe-
ments thrombotiques et hémorragiques. Coprescrits avec le clopidogrel, des modulateurs de
l’activité du CYP 2C19 peuvent être à l’origine de cette variabilité par interaction médicamen-
teuse (certains inhibiteurs de la pompe à protons comme l’oméprazole).
Compte tenu du caractère irréversible de l’inhibition du P2Y12 et de la puissance d’action du
clopidogrel, un délai d’arrêt de 5 jours est généralement recommandé avant la plupart des gestes
invasifs à risque hémorragique.
– Le prasugrel est également une prodrogue nécessitant une biotransformation hépatique for-
mant un métabolite actif qui inhibe de façon irréversible le P2Y12. Dans le cas du prasugrel, ce
métabolisme hépatique fait appel principalement au CYP 3A4 et 2B6 et dans une moindre mesure
au CYP2C19, mais lors d’une seule étape enzymatique [2]. Par rapport au clopidogrel, la variabilité
de réponse au prasugrel est moindre et l’effet antiplaquettaire mesuré in vivo est plus puissant.
Un polymorphisme du CYP 2C19 pourrait avoir un impact significatif sur l’efficacité clinique du
prasugrel [2].
Compte tenu du caractère irréversible et de la puissance de l’effet antiplaquettaire, un délai
d’arrêt d’environ 7 jours est recommandé avant un geste invasif à risque hémorragique.
En association avec l’aspirine dans la prise en charge du syndrome coronaire aigu, il a été
montré un risque hémorragique majoré avec le prasugrel comparé au clopidogrel en cas
d’antécédent d’AVC [3]. Aussi le prasugrel est aujourd’hui contre-indiqué en cas d’antécédent
d’AVC.

■ Les analogues de l’ATP : inhibition réversible du P2Y12


– Le ticagrelor inhibe directement le P2Y12 sans nécessiter obligatoirement de biotransforma-
tion hépatique. Cependant, un de ses métabolites, obtenu sous l’effet du CYP3A4, est également
actif sur le récepteur P2Y12. L’absorption semble dépendre en partie de la P-glycoprotéine. La
puissance inhibitrice du ticagrelor est plus importante que celle du clopidogrel et cette inhibition
est moins variable. À ce jour, aucun polymorphisme n’a été associé à une modification de l’effi-
cacité clinique du ticagrelor. À l’inverse, la coprescription de modulateurs du CYP 3A4 peut
modifier l’effet antiplaquettaire du ticagrelor. Malgré ces propriétés pharmacologiques, le tica-
grelor ne s’est pas montré plus efficace que le clopidogrel dans la prise en charge des IC [4].
Compte tenu du caractère réversible de l’effet du ticagrelor mais tenant compte de sa puissance
d’action, une durée d’arrêt de 3 à 5 jours est généralement nécessaire en cas de geste invasif à
risque hémorragique.
– Le cangrelor ne sera pas développé ici, car il est n’utilisable que par voie parentérale dans le
cadre d’un syndrome coronaire aigu nécessitant une angioplastie.

Inhibiteur de la voie de la thrombine


– Le vorapaxar inhibe de façon réversible le récepteur à la thrombine PAR1. Le vorapaxar a été
évalué dans l’artériopathie (IDM, AVC, AOMI) en association avec d’autres AAP, et son indication
est a priori limitée à la prise en charge de l’AOMI [5].
– Les anticoagulants oraux directs (AOD) peuvent être prescrits à de très faibles posologies pour
minimiser le risque hémorragique et obtenir malgré tout une inhibition de la synthèse de throm-
bine capable de renforcer l’effet antiplaquettaire d’autres AAP. Dans le cas du rivaroxaban,

/ 273
Partie 3 – Prévention

les posologies « antiplaquettaires » sont de 2,5 mg × 2/jour alors que les posologies anticoagu-
lantes utilisées dans la FA sont 4 fois plus élevées, soit 20 mg × 1/jour. La pharmacologie des
AOD sera développée dans un prochain paragraphe [6].

Inhibiteur de voie de signalisation intraplaquettaire :


inhibiteurs des PDE
– Le dipyridamole inhibe les phosphodiestérases responsables de la dégradation de l’AMP cyclique
et entraîne une inhibition plaquettaire et un effet vasodilateur. L’effet antiplaquettaire du dipy-
ridamole a été cliniquement démontré avec une posologie de 200 mg × 2/jour [7]. Son efficacité
est renforcée par l’association avec de l’aspirine à la posologie de 25 mg × 2/jour. Cette asso-
ciation s’est montrée plus efficace que l’aspirine seule, mais sa comparaison au clopidogrel n’a
pas permis de conclure à sa non infériorité par rapport à cette molécule [7]. Cependant, cette
association est relativement peu prescrite, notamment en France, en raison des effets vaso-
dilatateurs parfois prononcés, responsables de céphalées voire de flush en début de traitement.
– Le cilostazole, également inhibiteur des PDE, est utilisé en association avec d’autres AAP, et
les résultats cliniques obtenus avec cette molécule le font réserver à la prise en charge de l’AOMI.

Intérêt des associations d’antiplaquettaires


en prévention secondaire après un infarctus cérébral
L’effet antiplaquettaires des AAP peut être renforcé par leur association entre eux comme nous
l’avons déjà vu avec l’association aspirine + dipyridamole après un IC et, comme cela été
démontré, dans la prise en charge du syndrome coronaire aigu avec l’association aspirine + clo-
pidogrel [8], aspirine + prasugrel [3] et aspirine + ticagrelor [9].

L’association d’aspirine et de clopidogrel en prévention secondaire à long terme après un IC ne


s’est pas avérée supérieure à l’aspirine seule ou au clopidogrel seul, tout en comportant un
surrisque hémorragique [10]. Cependant, prescrite dans les 24 h d’un IC mineur ou d’un accident
ischémique transitoire (AIT) et pour une durée d’un mois, cette association semble apporter un
bénéfice supérieur à celui de l’aspirine seule [11].

Plus récemment, une nouvelle stratégie thérapeutique associant l’aspirine à de très faibles doses
d’un AOD inhibant la voie de la thrombine comme le rivaroxaban à la dose 2,5 mg × 2/jour a
été développée dans la prévention secondaire des événements vasculaires majeurs (infarctus du
myocarde, AVC ou décès de cause vasculaire) chez des patients ayant une affection athéro-
thrombotique stable. Cette association semble présenter un rapport bénéfice/risque favorable
comparé à l’aspirine seule [6]. Cependant, le surrisque hémorragique nécessitera une sélection
appropriée des patients relevant de cette stratégie.

Sur le plan pharmacologique, il est intéressant de noter que l’inhibition simultanée des 3 voies
d’activation principale de la plaquette, voie du TXA (aspirine), voie de l’ADP (clopidogrel) et voie
de la thrombine (très faible dose de rivaroxaban) est plus efficace que l’association aspirine
+ clopidogrel dans la prévention secondaire après un syndrome coronaire aigu [12]. Cependant,
là encore, le risque hémorragique de cette triple thérapie est trop important pour l’envisager
dans l’IC.

274 /
Pharmacologie des antithrombotiques

Mécanismes d’actions des anticoagulants


Comme pour l’hémostase primaire et les antiplaquettaires, nous proposons un schéma simplifié
de la coagulation, mais suffisant pour appréhender les mécanismes d’actions des différents anti-
coagulants. La coagulation résulte d’une succession de réactions enzymatiques partant de l’acti-
vation du facteur VII de la coagulation par le facteur tissulaire, lui-même activant le facteur X,
responsable de l’activation du facteur II (ou thrombine), lui-même capable de transformer le
fibrinogène en fibrine. L’organisme humain produit plusieurs inhibiteurs physiologiques dont
l’antithrombine, inhibiteur physiologique des facteurs X et II activés.

Sur ce modèle simple, nous pouvons placer les différents anticoagulants actuellement disponi-
bles, en distinguant les anticoagulants administrés par voie parentérale des anticoagulants admi-
nistrés par voie orale.

Anticoagulants administrés par voie parentérale (Figures 2 et 3)


– Inhibition indirecte des facteurs II et/ou X activés par renforcement de l’activité de
l’antithrombine :
■ héparines non fractionnée (HNF) ;
■ héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ;
■ danaparoïde ;
■ fondaparinux.

– Inhibition directe du facteur II activé :


■ hirudines : lépirudine, bivalirudine ;
■ argatroban.

L’activité enzymatique physiologique de l’antithrombine est multiplée par 250 en présence d’un
pentasaccharide spécifique constituant le fondaparinux (origine synthétique) ou contenu dans
les mélanges polysaccharidiques constituant l’HNF, les HBPM et le danaparoïde (origine animale).
Pour que l’antithrombine soit 250 fois plus active sur le facteur X activé, seule la fixation du
pentasaccharide est nécessaire alors que pour le facteur II, il est nécessaire que le pentasaccharide
soit intégré dans une chaine d’au moins 18 saccharides pour permettre l’ancrage du facteur II
activé (Figure 3). Ainsi, l’HNF composée de façon équivalente de chaînes courtes (> 18 sucres)
que de chaînes longues (> 18 sucres) est autant antifacteur X activé (aXa) qu’antifacteur II activé
(aIIa). Les HBPM, majoritairement composés de chaînes courtes, sont 2 à 4 fois plus aXa qu’aIIa,
de même que le danaparoïde 20 fois plus aXa qu’aIIa. Le fondaparinux, pentasaccharide de
synthèse, a donc une activité aXa pure sans activité aIIa.

/ 275
Partie 3 – Prévention

FIGURE 2 Anticoagulants administrés par voie parentérale.

FIGURE 3 Héparines et dérivés – mécanismes d’action indirecte.


L’antithrombine est un inhibiteur physiologique inhibant les facteurs IIa et Xa de la coagulation.
En présence d’un pentasaccharide spécifique contenu dans les héparines ou le fondaparinux, l’anti-
thrombine est 250 fois plus active.
Cependant, pour inhiber le facteur IIa, le pentascharride doit être intégré à une chaîne polysac-
charidique suffisamment longue (6 18 sucres) pour former fixer le facteur IIa. À l’inverse, pour
inhiber le facteur Xa, seule la fixation du pentasccharide est nécessaire.
Ainsi, le fondaprinux (pentasaccharide de synthèse) a une activité anti-Xa exclusive alors que
l’héparine non fractionnée qui possède autant de chaînes longues (6 18 sucres) que de chaînes
courtes a une activité anti-IXa identique à son activité anti-IIa.
Les héparines de bas poids moléculaire qui possèdent 2 à 4 fois plus de chaînes courtes que de
chaînes longues ont une activité anti-Xa 2 à 4 fois supérieure à leur activité anti-IIa.

276 /
Pharmacologie des antithrombotiques

Anticoagulants administrés par voie orale (Figures 4 et 5)


– Inhibition indirecte par inhibition de la synthèse hépatique des facteurs II,VII, IX et X :
■ les antivitammines K : warfarine, acénocoumarol, fluindione.

– Inhibition directe des facteurs X ou II activés : les AOD


■ inhibition du facteur X activé : apixaban, edoxaban, rivaroxaban ;
■ inhibition du facteur II activé : dabigatran.

Les AVK inhibent la synthèse hépatique des facteurs II, VII, IX et X en inhibant les enzymes
vitamines K et KO réductases nécessaires à la réduction de la vitamine K en vitamine KH2. La
vitamine K est le cofacteur d’une carboxylase hépatique qui permet la transformation des pré-
curseurs hépatiques des facteurs de la coagulation (non carboxylés) en facteurs de la coagulation
proprement dits (carboxylés) (Figure 5). En effet, les groupements carboxyliques sont nécessaires
à la fixation des facteurs de la coagulation sur les supports phospholipidiques nécessaires à leur
activation.

Tous les inhibiteurs directs de facteur de la coagulation, IIa (dabigatran) et Xa (apixaban,


betrixaban, edoxaban, rivaroxaban) agissent en bloquant le site catalytique de ces facteurs, les
rendant ainsi inactifs.

FIGURE 4 Anticoagulants administrés par voie orale.

/ 277
Partie 3 – Prévention

FIGURE 5 Mécanisme d’action des antivitamines K.


La carboxylase hépatique permet la transformation des précurseurs hépatiques des facteurs de
la coagulation en facteurs de la coagulation proprement dits, en permettant la carboxylation de
résidus glutamiques. Cette carboxyaltion permet la fixation des facteurs sur des supports phos-
pholipidiques nécessaires à leur activation.
La carboxylase nécessite un cofacteur, la vitamine K sous sa forme réduite (KH2). Les AVK inter-
fèrent avec le cycle permettant de régénérer la vitamine K oxydée en vitamine KH2 en inhibant
les vitamines K réductases.

Propriétés pharmacologiques des anticoagulants


Anticoagulants administrés par voie parentérale
Le Tableau II résume les principales propriétés pharmacologiques des anticoagulants administrés
par voie parentérale. L’HNF est éliminée par voie cellulaire dans le cadre du système réticulo-
endothélial alors que les HBPM sont principalement éliminées par voie rénale. Le fondaparinux
est éliminé exclusivement par voie rénale. L’HNF, les HBPM et le fondaparinux sont utilisés soit
à faibles doses pour la prévention de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) (doses
prophylactiques) soit à fortes doses pour le traitement des thromboses (doses thérapeutiques).
Aux doses thérapeutiques, la variabilité de réponse à l’HNF est extrêmement importante et
malgré un ajustement des posologies au poids corporel, un suivi biologique fréquent est néces-
saire pour ajuster les doses. Cette surveillance se fait soit par le temps de céphaline avec acti-
vateur (TCA), reflet de l’activité aIIa de l’HNF, soit directement par la mesure de l’activité aXa.
À dose thérapeutique, les HBPM et le fondaparinux ont une variabilité réduite et ne nécessitent
pas de suivi biologique dans les conditions habituelles de prescription et seul un ajustement des
doses au poids corporel est nécessaire. Enfin, aux doses prophylactiques, l’HNF, les HBPM et le
fondaparinux se prescrivent à dose fixe sans suivi biologique.

L’HNF et les HBPM exposent à un risque de thrombopénie induite par héparine (TIH), responsable
d’une hyperactivation plaquettaire et de l’hémostase, responsable de thromboses le plus fré-
quemment. Le risque de TIH impose un suivi régulier de la numération plaquettaire sous HNF
et HBPM. Ce phénomène est exceptionnel avec le fondaparinux et une surveillance de la NFP
n’est pas requise. En cas de TIH, il est nécessaire de recourir à d’autres anticoagulants administrés
par voie parentérale comme le danaparoïde, l’argatroban ou la lépirudine.

278 /
Pharmacologie des antithrombotiques

TABLEAU II ▼
Principales propriétés pharmacologiques des anticoagulants administrés par voie
parentérale.
HNF HBPM Danaparoïde Fondaparinux Lépirudine Argatroban

Activité aXa = aIIa aXa = aXa = aXa pur aIIa pur aIIa pur
2 à 4 × aIIa 20 × aIIa

Élimination Réticuloendothéliale Rénale Rénale Rénale Hépatique Hépatique


= 80 %

Demi-vie 1-1 h 30 2-4 h 20 h 17-20 h ‰h 1h

Voie IV SC SC IV SC SC IV IV

Risque +++ ++ 5% Exceptionnel – –


de TIH allergie
croisée
avec HNF

Ajustement posologique

Poids Oui Oui Oui Oui Oui Oui


corporel

Biologie TCA – aXa – TCA, ECT TCA, ECT


aXa ou aIIa ou aIIa
HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; aXa : activité antifacteur activé, aIIa : activité
antifacteur II activé ; IV : intraveineux ; SC : sous-cutanée ; TIH : thrombopénie induite par héparine ; TCA : temps de céphaline
avec activateur ; ECT : Ecarine time.

Dans la mesure où les TIH représentent une situation rare relevant d’une prise en charge hautement
spécialisée, nous ne détaillerons pas ici les propriétés pharmacologiques des autres anticoagulants
administrés par voie parentérale car ces produits quasiment réservés à cette indication.

Anticoagulants administrés par voie orale


Le Tableau III résume les principales propriétés pharmacologiques des anticoagulants administrés
par voie orale.

En France, les AVK sont représentés par les coumariniques (acénocoumarol et warfarine) et un
dérivé des indanediones (fluindione). En raison d’effets secondaires rénaux et cutanés potentiel-
lement graves, la Haute Autorité de santé (HAS) vient de considérer que la fluindione ne devait
être prescrite qu’en 2e intention, derrière les coumariniques. Aussi nous ne détaillerons précisé-
ment que la pharmacologie des coumariniques, sachant qu’il existe beaucoup de similitudes
entre les 3 produits. Les AVK sont parfaitement absorbés (bisponibilité proche de 100 %), très
fortement fixés aux protéines plasmatiques (> 95 %) et sont éliminés par le foie, notamment
par le CYP 2C9, avec une demi-vie d’effet supérieure à 48 h. Du fait de leur mécanisme d’action,
les AVK présentent un délai de réponse prolongé, supérieur à 48 h, ce qui impose qu’ils soient
prescrits en relais d’un traitement parentéral en cas de situations aiguës. Ils présentent une
variabilité de réponse extrêmement importante et un index thérapeutique étroit. Ces 2 phéno-
mènes expliquent la nécessité d’une surveillance biologique et d’un ajustement posologique
fréquent. Ce suivi biologique se fait par la mesure du temps de Quick, exprimé en International
Normalized Ratio (INR), qui tient compte de la variabilité des réactifs utilisés pour la mesure de
ce temps. Dans la plupart des indications, l’INR recommandé doit être entre 2 et 3. Les sources
de cette variabilité sont d’ordre génétique avec principalement un polymorphisme des vitamine
KO réductases (VKORC1), un polymorphisme du CYP 2C9, et plus accessoirement du CYP 4F2,
ce dernier étant responsable du métabolisme de la vitamine K elle-même. L’impact clinique de
ces polymorphismes est tel qu’il est suggéré de faire un génotypage des patients qui présente-
raient une variabilité de réponse inhabituelle [2]. La variabilité de réponse aux AVK relève

/ 279
Partie 3 – Prévention

également de très nombreuses interactions médicamenteuses d’ordre pharmacocinétiques


(modulation des CYP et fixation protéique) et pharmacodynamiques. Cette réponse dépend aussi
des apports en vitamine K exogène par l’alimentation et surtout endogène avec la synthèse de
vitamine K par la flore bactérienne intestinale. Enfin, de très nombreuses conditions physio-
pathologiques peuvent modifier l’effet des AVK comme l’âge avancé, les pathologies hépatiques
et digestives et les dysthyroïdies.

TABLEAU III ▼ Principales propriétés pharmacologiques des anticoagulants administrés par voie orale.
Anticoagulant Effet indirect Effet direct : AOD
par voie orale sur synthèse
Sur facteur Xa Sur facteur IIa

AVK* Apixaban Edoxaban Rivaroxaban Dabigatran

Bidisponibilité 95 % 60 % 50 % 80 % < 10 %

– transporteur – P-gp/BCRP P-gp P-gp P-gp


impliqué

Fixation protéique 98 % 85 % 55 % 95 % 35 %

Élimination 100 % 75 % 50 % 33 % –
hépatique

– Enzyme impliquée CYP 2C9 CYP 3A4/5 Hydrolyse CYP 3A4 – 2J2 –
CES1

Élimination rénale – 25 % 50 % 66 % > 85 %

Délai d’action > 48 h 2à4h

Demi-vie d’effet > 48 h 12 h

Variabilité d’effet +++ ++

Index thérapeutique Très étroit Étroit

Adaptation à Oui : INR Non nécessaire


biologie

Facteur de variabilité

– Polymorphisme CYP 2C9 – ? ? ? CES1 et P-gp


significatif VKORC1
et CYP 4F2

– Interaction > 200 inter- 3A4 et P-gp modulateurs puissants P-gp


médicamenteuse actions modulateurs
connues puissants

– Facteur Dose initiale – Âge > 80 ans – ClCr – ClCr – Âge > 80 ans
de réduction ajusté à – Créat. < 50 mL/mn < 50 mL/mn – Vérapamil
posologique l’âge... > 133 μmol/L – Poids < 60 kg
– Poids < 60 kg

Contre-indication/ – ClCr ClCr ClCr ClCr


rein < 15 ml/mn < 15 mL/mn < 15 mL/mn < 30 mL/mn
* Données concernant essentiellement la warfarine et l’acénocoumarol.
P-gp : P glycoprotéine ; BCRP : Breast Cancer Resistance Proteine ; CYP : cytochrome P450 ; INR : International Normalized Ratio ;
VKORC : Vitamin K EpOxid Reductase Complex ; CES : carboxyestérase ; Créat : créatininémie ; ClCr : clairance de la créatinine.

280 /
Pharmacologie des antithrombotiques

Les AOD présentent en commun une absorption rapide et un délai d’action court avec un effet
maximal obtenu en 2 à 4 h après administration, permettant leur administration en cas de
situations aiguës à la différence des AVK. Leur demi-vie est d’environ 12 h, compatible avec un
rythme d’administration en 1 ou 2 fois/jour.

Nous ne détaillerons pas la pharmacologie du betrixaban puisque ce dernier AOD n’a pas encore
d’AMM européenne et qu’il n’a été développé à ce jour que dans la prévention de la MTEV en
milieu médical [13].

Tous les AOD ont une absorption et/ou une élimination dépendante de transporteurs transmem-
branaires comme la P-glycoprotéine et vraisemblablement la Breast Cancer Resistance Proteine,
au moins pour l’apixaban.

Le dabigatran est une prodrogue (dabigatran étéxylate) transformée en dabigatran par une
carboxy-estérase plasmatique (CES1). Le dabigatran a une biodisponibilité limitée, inférieure à
10 %, et une élimination principalement rénale (> 85 %). Il est faiblement fixé aux protéines
plasmatiques ce qui permet une élimination par épuration extra-rénale en cas de surdosage.

À l’inverse, les xabans (aXa) présentent une biodisponibilité supérieure à 50 %, une fixation aux
protéines plasmatiques plus importante que pour le dabigatran, une élimination mixte, rénale
et hépatique avec l’intervention principalement des CYP 3A4 pour l’apixaban et le rivaroxaban
et des réactions d’hydrolyse (CES1...) pour l’edoxaban.

Ainsi, parmi les AOD, les xabans peuvent être prescrits en cas d’insuffisance rénale sévère (clai-
rance de la créatinine > 15 mL/mn), alors que le dabigatran est contre-indiqué en cas de clairance
de la créatinine inférieure à 30 mL/mn.

Les AOD présentent une variabilité de réponse importante mais un index thérapeutique plus
large que celui des AVK. Ainsi, une surveillance biologique avec ajustement des doses à ce suivi
n’est pas nécessaire. Les sources de cette variabilité pourraient être d’ordre génétique, notam-
ment pour le dabigatran, avec un impact clinique significatif des polymorphismes de CES1 et de
la P-glycoprotéine. Des études sont en cours pour les autres AOD (rôle des polymorphismes de
la P-glycoprotéine de la BCRP, du CYP 3A5...) [2]. Des interactions médicamenteuses significatives
sont décrites avec les AOD mais nettement moins nombreuses que pour les AVK et ne concernent
que les modulateurs puissants du CYP 3A4 et de la P-glycoprotéine. Enfin et surtout, l’âge, le
poids corporel, la fonction rénale des patients sont une source de variabilité importante justifiant
une adaptation posologique spécifique à chaque AOD, protocoles d’ajustement décrit dans le
Tableau III.

Les stratégies antithrombotiques de demain feront appels à des associations AAP-anticoagulants


dans 2 situations :
■ soit parce que les patients ont 2 pathologies relevant d’un AAP et d’un anticoagulant.
C’est le cas des patients avec une FA avec un score de CHADS2 ou CHA2DS2-VASc élevé
nécessitant un traitement anticoagulant et d’un syndrome coronaire aigu relevant d’un
traitement par AAP. Ces associations ont été récemment validées avec les AOD

/ 281
Partie 3 – Prévention

avec les études RE-DUAL PCI [14] pour le dabigatran en association avec un anti-P2Y12 et
PIONNER AF PCI [15] pour le rivaroxaban en association avec 1 ou 2 AAP. Dans les deux
cas, les doses d’AOD ont été réduites ;
■ soit parce que l’anticoagulant est prescrit à très faible dose pour optimiser l’effet anti-
plaquettaire des AAP en inhibant la voie d’activation plaquettaire par la thrombine comme
dans l’étude COMPASS [6].

Au total, la prévention secondaire après un IC athérothrombotique repose aujourd’hui sur un


AAP en monothérapie soit par l’aspirine soit par le clopidogrel [16, 17]. La place du ticagrelor en
monothérapie reste à évaluer malgré des résultats initiaux non favorables [4]. L’association de
2 AAP dans l’IC a été validée avec l’aspirine et le dipyridamole [18]. La supériorité d’une bithérapie
aspirine-clopidogrel par rapport à l’aspirine seule dans les 24 h d’un IC mineur ou d’un AIT pour
une durée de 3 mois a été démontré dans une population asiatique [11]. Elle est en cours d’éva-
luation dans une population non asiatique. L’association d’un AAP avec de très faible dose d’un
AOD semble prometteuse [6].

Les IC d’origine cardioembolique relèvent d’un traitement anticoagulant par AVK ou AOD. Ces
derniers représentent aujourd’hui la thérapeutique de première intention chez les patient ayant
une fibrillation atriale, en dehors des prothèses valvulaires cardiaques mécaniques [1, 19].

La variabilité de réponse aux traitements antithrombotiques est un facteur limitant qui impose
aux cliniciens d’avoir des connaissances pharmacologiques pour optimiser le bon usage de ces
médicaments, notamment dans l’IC où le risque hémorragique n’est pas négligeable en termes
d’incidence et surtout de pronostic vital et fonctionnel. Ce bon usage concerne le moment
optimal d’introduction de ces traitements par rapport à l’IC, la posologie optimale tenant compte
des caractéristiques des patients et des associations d’antithrombotiques entre eux, la durée
optimale du traitement et notamment des associations. À moyen terme, l’individualisation de
ces traitements pourrait passer par un génotypage compte tenu de l’impact de certains poly-
morphismes sur l’efficacité et la sécurité d’emploi de ces médicaments.

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282 /
Pharmacologie des antithrombotiques

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/ 283
21

Les médicaments antiplaquettaires sont un des piliers de la prévention des infarctus cérébraux,
à côté du contrôle de leurs facteurs de risque et du traitement de la cause quand il est possible.
La prévention, qu’elle soit primaire ou secondaire, a pour objectifs de prévenir non seulement
la survenue d’un infarctus cérébral (IC), mais aussi celui d’autres événements vasculaires comme
l’infarctus du myocarde (IM). C’est pourquoi l’efficacité d’un traitement s’évalue non seulement
sur le risque de récidive d’IC, mais aussi sur un critère composite, souvent utilisé comme critère
de jugement principal, comportant l’accident vasculaire cérébral (AVC), l’IM et le décès de cause
vasculaire. Le critère AVC est utilisé pour prendre en compte l’IC et l’hémorragie cérébrale,
complications possibles de tout traitement antithrombotique. Le bénéfice des médicaments anti-
plaquettaires doit en effet être mis en balance avec leur risque hémorragique cérébral ou extra-
cérébral, en particulier digestif. Si en prévention secondaire, le bénéfice/risque est généralement
très en faveur de leur utilisation, en revanche, en prévention primaire, les risques spontanés
étant plus faibles, le bénéfice attendu peut être plus facilement contrebalancé par les effets
délétères. Le risque de récidive d’IC étant particulièrement élevé dans les suites d’un premier
événement, la mise en route d’un traitement antiplaquettaire doit être considérée comme une
mesure urgente.

Prévention primaire chez des sujets à faible risque


Essais randomisés et méta-analyses
Seule l’aspirine a été étudiée dans des essais randomisés de prévention primaire chez des sujets
à faible risque.

Une revue systématique de l’US Preventive Services Task Force [1] a identifié 11 essais randomisés
[2-12] ayant évalué l’aspirine en prévention primaire des événements vasculaires (IM, IC et mort
vasculaire). Parmi ces essais, 2 étaient de bonne qualité et 9 de qualité acceptable selon des
critères préspécifiés. Combinés, ils ont inclus 118 445 personnes (1 276 à 39 876 par essai) avec
un suivi moyen de 3,6 à 10,1 ans. Huit essais ont testé des doses d’aspirine inférieures à 100 mg/j.

/ 285
Partie 3 – Prévention

Trois essais ont été conduits exclusivement chez des hommes [6, 7, 9] et un chez des femmes
[11]. L’âge moyen des participants variait de 55 à 70,5 ans, et les participants les plus âgés
avaient 85 ans [1]. Quatre études de prévention primaire ont été menées chez des sujets ayant
des facteurs de risque vasculaire dont le diabète ou une artériopathie oblitérante des membres
inférieurs [4, 5, 8, 10].

Les analyses combinées toutes doses d’aspirine confondues ont montré que l’aspirine réduisait
le risque d’IM non fatal (risque relatif [RR] 0,78 ; IC95 % : 0,71-0,87 ; p = 0,005) [1]. En revanche,
l’aspirine ne réduisait pas le risque d’AVC non fatal (RR 0,95 ; IC95 % : 0,85-1,06). Une seule
étude [11] a montré un bénéfice de l’aspirine : cette étude de bonne qualité a été menée exclu-
sivement chez des femmes relativement jeunes (âge moyen 55 ans, seulement 10 % ayant plus
de 65 ans).

L’aspirine ne réduit pas significativement la mortalité vasculaire (RR 0,94 ; IC95 % : 0,83-1,03).
Seules 2 études ont montré une réduction de mortalité vasculaire, une de qualité moyenne
incluant 2 639 diabétiques au Japon, dans laquelle il n’y a eu que 11 décès vasculaires [4], une
autre de meilleure qualité [2] dont les résultats n’étaient que marginalement significatifs, uni-
quement après ajustement sur les facteurs pronostiques. Les 11 essais [2-12] n’ont montré qu’un
bénéfice marginal sur la mortalité toutes causes confondues (RR 0,94 ; IC95 % : 0,89-0,99 ;
p = 0,996). Les études de sous-groupes ont montré un bénéfice plus important chez les sujets
les plus âgés, mais pas de différence selon le sexe et la dose d’aspirine [1].

À côté d’un effet bénéfique marginal, concernant plus l’IM que l’IC, l’aspirine réduit la mortalité
par cancer de 24 % (RR 0,76 ; IC95 % : 0,66-0,88 à 7 % [RR 0,93 ; IC95 % : 0,84-1,03]) selon la
durée de suivi [13]. Toutefois, le risque d’hémorragie gastro-intestinale est augmenté de 37 %
(RR 1,37 ; IC95 % : 1,15-1,62) et celui d’hémorragie cérébrale de 32 à 38 % [13].

Recommandations
Les recommandations de l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) sont les suivantes pour la
prescription d’aspirine en prévention primaire chez des sujets à faible risque [14] :
■ de faibles doses d’aspirine sont recommandées chez les adultes de 50 à 59 ans qui ont
un risque d’événement cardiovasculaire de 10 % ou plus à 10 ans, un risque hémorragique
faible, une espérance de vie d’au moins 10 ans, et qui acceptent de prendre de faibles doses
d’aspirine pendant au moins 10 ans (recommandation de niveau B) ;
■ la décision d’initier un traitement par faible dose d’aspirine en prévention primaire chez
des adultes de 60 à 69 ans qui ont un risque d’événement cardiovasculaire de plus de 10 %
à 10 ans doit être individuelle. Les personnes qui n’ont pas de risque augmenté d’hémorragie,
une espérance de vie d’au moins 10 ans, et acceptent de prendre de l’aspirine, en tireront
probablement bénéfice. Celles chez lesquelles le bénéfice potentiel sur les événements isché-
miques est plus important que le risque hémorragique peuvent être traitées par de petites
doses d’aspirine (recommandation de niveau C) ;
■ il n’y a pas suffisamment d’arguments pour recommander l’aspirine en prévention primaire
avant 50 ans ou après 70 ans.

286 /
Traitements antiplaquettaires

Prévention primaire chez les patients à haut risque


Fibrillation atriale
■ Essais randomisés et méta-analyses
La fibrillation atriale est une cause potentielle d’IC, en particulier chez les sujets âgés. La méta-
analyse des essais randomisés ayant inclus des patients suivis pendant au moins 3 mois a montré
que l’aspirine réduisait le risque d’IC (RR 0,78 ; IC95 % : 0,65-0,94) chez des patients ayant une
fibrillation atriale non valvulaire [15]. Toutefois, la warfarine (INR cible 2,0-3,0) est beaucoup
plus efficace que l’aspirine pour réduire le risque d’AVC (RR 0,36 ; IC95 % : 0,26-0,51) [15].
Comparés aux antivitamines K, les anticoagulants oraux directs sont plus efficaces, ou mieux
tolérés, ou les deux [16]. Les études WASPO [17] et BAFTA [18] ont montré que la warfarine
restait supérieure à l’aspirine chez les sujets âgés.

L’étude ACTIVE W [19] a montré qu’une bithérapie pas aspirine et clopidogrel était moins efficace
que la warfarine et exposait au même risque hémorragique.

L’étude AVERROES [20] a montré que chez des patients ayant une contre-indication aux anti-
vitamines K (supposée par leur médecin ou eux-mêmes sur la base de critères mal définis),
l’apixaban était supérieur à l’aspirine.

■ Recommandations

L’European Society of Cardiology [21] a émis, en 2016, une recommandation selon laquelle
l’aspirine n’a plus de place en prévention primaire au cours de la fibrillation atriale, en raison
d’un bénéfice trop faible en termes de réduction de risque embolique en regard de son risque
hémorragique.

Sténose carotide asymptomatique


Un traitement par aspirine (75-325 mg) est recommandé pour le risque d’IM et autres événe-
ments vasculaires [22, 23] chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique. À vrai
dire, les patients chez lesquels une sténose carotide asymptomatique est découverte sont en
général des patients porteurs d’une autre localisation de la maladie athéroscléreuse chez lesquels
l’aspirine est indiquée, indépendamment de la sténose carotide (voir aussi le chapitre 22 : Sté-
noses carotides et vertébrales extracrâniennes).

Patients diabétiques
La méta-analyse des essais de prévention primaire chez les diabétiques suggère une réduction
relative de risque modeste (9 %) d’IC, d’IM et de mort vasculaire chez les diabétiques recevant
quotidiennement 75 à 162 mg d’aspirine et n’ayant pas un risque élevé de complications hémor-
ragiques. L’American Heart Association et l’American Diabetes Association [24] proposent de fai-
bles doses d’aspirine (75-162 mg) chez les diabétiques ayant un risque vasculaire évalué à 5-10 %
à 10 ans et n’ayant pas de risque hémorragique excessif.

/ 287
Partie 3 – Prévention

Infarctus cérébral ou AIT non cardioembolique


Les antiplaquettaires constituent le traitement antithrombotique de choix chez les patients ayant
un IC dit « non cardioembolique » ou « d’origine artérielle » [25, 26]. Ce terme désigne en fait
une catégorie très hétérogène de patients, incluant des patients dont l’IC est dû à une maladie
des grosses artères (athérosclérose) ou à une maladie des petites artères cérébrales (artério-
sclérose), et des patients dont la cause n’a pu être déterminée. Dans la plupart des grands essais
randomisés, ces patients ont été regroupés.

Plusieurs études [25, 26] ayant comparé les antivitamines K (AVK) aux antiplaquettaires n’ont
pas montré de bénéfice des AVK chez les patients ayant un IC non cardioembolique. Les AVK
étaient en revanche associées à une augmentation des complications hémorragiques compara-
tivement aux antiplaquettaires. Il n’y a donc pas actuellement d’indication des AVK en prévention
secondaire chez les patients ayant un IC non cardioembolique [25, 26].

Monothérapie antiplaquettaire
■ Aspirine
L’aspirine est le médicament ayant fait l’objet du plus grand nombre d’études de prévention
secondaire après un IC ou un AIT.

Prévention des récidives précoces

Une méta-analyse [27] des deux grands essais randomisés (40 000 patients) publiés en 1997 a
montré que l’aspirine (160 à 300 mg) débutée dans les 48 h d’un IC réduisait le risque de récidive
précoce (2-4 semaines) d’IC (1,6 % contre 2,3 %) et de décès (5,0 % contre 5,4 %) au prix d’une
faible augmentation du risque d’hémorragie cérébrale (1,0 % contre 0,8 %). Au total, pour
1 000 patients traités, 7 IC et 4 décès sont évités, contre 2 hémorragies cérébrales supplémen-
taires, soit un gain net de 9 AVC ou décès. Une autre méta-analyse [28] a montré une réduction
relative de 5 % en termes de décès ou dépendance, soit un gain net de 13 événements évités
pour 1 000 patients traités.

Prévention à long terme

Dans une méta-analyse [29] portant sur 10 études et 6 170 patients, l’aspirine réduisait de 17 %
le risque annuel d’événements vasculaires graves, de 21 % le risque d’événements coronaires,
de 17 % le risque d’IC, compensant largement l’augmentation des risques d’hémorragie cérébrale
ou d’hémorragie extracrânienne majeure (Figure 1). Dans une autre étude [30] limitée aux
patients victimes d’un AIT ou d’un IC non invalidant, l’incidence du critère combinant IC, IM ou
mort vasculaire était réduit de 13 % sous aspirine.

Effet de l’aspirine en fonction du temps et sur la sévérité des AVC

Une nouvelle méta-analyse [31] portant sur les données individuelles de 15 778 participants et
12 études a évalué l’effet de l’aspirine sur le risque et la sévérité des récidives, en fonction
du temps. Cette étude montre que l’aspirine réduit le risque de récidive d’IC à 6 semaines
d’environ 60 % (84/8 452 patients sous aspirine contre 175/7 326 dans le groupe contrôle ;

288 /
Traitements antiplaquettaires

FIGURE 1 Méta-analyse des données individuelles des patients ayant un IC ou un AIT inclus dans
les essais de prévention secondaire par aspirine [29].

HR 0,42 ; IC95 % : 0,32-0,55, p < 0,0001) et d’IC invalidant ou mortel d’environ 70 % (36/8 452
contre 110/7 326 ; 0,28, 0,20-0,42, p < 0,0001). Le bénéfice était plus important chez les patients
ayant un AIT ou un infarctus mineur (à 2 semaines : 2/6 691 patients sous aspirine contre
23/5 726 dans le groupe contrôle ; HR 0,07 ; IC95 % 0,02-0,31, p < 0,0004 ; à 6 semaines :
14/60 patients, 0,19, 0,11-0,34, p < 0,0001).

Cette étude montre en outre un effet important de l’aspirine sur la sévérité des récidives (à
6 semaines, score de Rankin > 2 : OR 0,40, 0,23-0,71, p = 0,0017). Un autre point important de
cette étude est que l’effet de l’aspirine était maximum dans les toutes premières semaines puis
s’atténuait pour devenir non significatif après 12 semaines. Parmi les 7 essais d’aspirine et dipy-
ridamole contre aspirine (n = 9 437 patients), l’adjonction de dipyridamole à l’aspirine n’avait
pas d’effet sur le risque ou la sévérité des récidives ischémiques cérébrales dans les 12 semaines,
mais réduisait le risque par la suite, en particulier des AVC invalidants ou mortels.

Posologie et risque hémorragique

Le bénéfice clinique de l’aspirine versus placebo a été montré pour des doses allant de 50 mg à
1,3 g, sans qu’il y ait de différence significative d’efficacité selon les doses, mais les données sur
les doses < 75 mg sont limitées [25, 30, 32]. En ce qui concerne la tolérance, la toxicité gastro-
intestinale (ulcère gastrique ou hémorragie digestive) est dose-dépendante, augmentant avec la
posologie et l’âge.

Une étude prospective récente en population générale [33] portant sur 3 166 patients, âgés de
plus de 75 ans ou plus pour la moitié d’entre eux, a évalué la sévérité des hémorragies sous
antiplaquettaires (principalement de l’aspirine) pour un premier IC, AIT ou IM, sans utilisation
quotidienne d’inhibiteurs de la pompe à protons. Sur une période de 10 ans (13 509 patient-
années de suivi), 405 patients ont eu un premier épisode hémorragique gastro-intestinal (n
= 218), intracrânien (n = 45) ou autre (n = 142). Contrairement aux saignements mineurs, les

/ 289
Partie 3 – Prévention

saignements majeurs augmentaient rapidement avec l’âge (6 75 ans : HR 3,10 ; IC95 % :


2,27-4,24 ; p < 0,0001), en particulier pour les hémorragies mortelles (5,53, 2,65-11,54 ;
p < 0,0001). Le constat était identique pour les hémorragies digestives hautes (6 75 ans :
HR 4,13 ; 2,60-6,57 ; p < 0,0001), en particulier pour les hémorragies invalidantes ou mortelles
(10,26, 4,37-24,13 ; p < 0,0001). Au-delà de 75 ans, les hémorragies digestives hautes majeures
étaient pour la plupart invalidantes ou mortelles (45/73 patients contre 101/213 récidives d’IC),
et dépassaient le nombre d’hémorragies cérébrales invalidantes ou mortelles (n = 45 contre
n = 18), avec un risque absolu de 9,15 (IC95 % : 6,67-12,24) pour 1 000 patient-années. Les
auteurs ont estimé que le nombre de patients à traiter pour éviter une hémorragie digestive
haute sur 5 ans était de 338 avant 65 ans et de 25 à partir de 85 ans.

■ Clopidogrel

CAPRIE [34] a comparé le clopidogrel (75 mg) à l’aspirine (325 mg) chez 19 185 patients ayant
un IC ou un AIT récent, un IM récent ou un artériopathie symptomatique des membres inférieurs.
Pendant une durée moyenne de suivi de 1,9 ans, le clopidogrel a entraîné une diminution sta-
tistiquement significative du critère composite « IC, IM ou décès vasculaire » de 8,7 % en inten-
tion de traitement, correspondant à une réduction de 5 événements vasculaires majeurs pour
1 000 patients traités pendant 1 an. Concernant les effets secondaires graves, le risque hémor-
ragique était similaire dans les deux groupes (environ 1,5 %), les hémorragies digestives étaient
significativement plus fréquentes sous aspirine (0,7 contre 0,5 %), les rashs cutanés (0,3 contre
0,1 %) sous clopidogrel.

■ Autres antiplaquettaires

Ticagrelor

SOCRATES [35] a comparé le ticagrelor (180 mg à J1, puis 90 mg 2 fois par jour de J2 à J90) à
l’aspirine (300 mg à J1, puis 100 mg par jour de J2 à J90) chez 13 199 patients ayant un IC
mineur ou un AIT à haut risque d’IC. À 3 mois, il n’y avait pas de différence concernant l’incidence
du critère de jugement principal (AVC, IM ou décès) (HR 0,89 ; IC95 %, 0,78 à 1,01 ; p = 0,07),
ou celle de l’IC (HR 0,87 ; IC95 % : 0,76-1,00). Il n’y avait de différence concernant le risque
d’hémorragie majeure.

Dans une analyse exploratoire [36], le ticagrelor réduisait significativement par rapport à l’aspi-
rine l’incidence du critère combiné à 3 mois chez les patients ayant un AIT ou un IC associé à
une sténose athréroscléreuse homolatérale (HR 0,68 ; IC95 % : 0,53-0,88 ; p = 0,003).

Dipyridamole

Le dipyridamole à fortes doses (400 mg) a un effet modeste par rapport au placebo, réduisant
de 18 % le risque de récidive d’AVC, mais sans diminution du risque d’IM, décès de cause vas-
culaire, ni de l’ensemble des événements vasculaires [37]. Ces résultats positionnent le dipyri-
damole comme un antiplaquettaire mineur, nettement inférieur à l’aspirine ou au clopidogrel.

Ticlopidine

La ticlopidine n’est pratiquement plus utilisée en raison de ses effets secondaires, notamment
hématologiques avec risque de cytopénie grave. Sa supériorité par rapport au placebo et à
l’aspirine (A) a été démontré [38].

290 /
Traitements antiplaquettaires

D’autres antiplaquettaires ont été évalués (triflusal, sarpogrelate, cilostazol) [25, 26]. Aucun n’a
l’autorisation de mise sur le marché en France en prévention secondaire après un AVC.

Bithérapie antiplaquettaire
■ Aspirine + dipyridamole
Alors que les études les plus anciennes utilisant le dipyridamole à faible dose et à libération
immédiate n’avaient montré aucun bénéfice d’une bithérapie aspirine et dipyridamole par rapport
à l’aspirine seule sur le risque d’AVC après un IC ou un AIT non cardioembolique, les études plus
récentes utilisant le dipyridamole à libération prolongée à la dose de 400 mg par jour [39, 41]
ont montré la supériorité de la bithérapie sur l’aspirine seule. ESPS2 [39] a comparé le dipyri-
damole LP (400 mg/j), l’aspirine (50 mg/), l’association des deux et le placebo chez 6 602 patients
ayant un IC ou un AIT récent. Au bout de 2 ans, le risque d’AVC était diminué de 18 % sous
aspirine seule, de 16 % sous dipyridamole seul et de 37 % sous bithérapie par aspirine et dipy-
ridamole. La différence était significative versus placebo pour les trois groupes et en faveur de
l’association par rapport à chaque agent utilisé seul. Elle était aussi significative pour le critère
AVC ou décès.

ESPRIT [40] : cette étude randomisée mais « ouverte » a montré, après un suivi moyen de 3,5 ans,
chez des patients ayant un IC ou un AIT d’origine artérielle datant de moins de 6 mois, une
différence significative en faveur de la bithérapie par aspirine (50 mg/j) et dipyridamole
(400 mg/j) comparativement à l’aspirine (30 à 325 mg/j) sur le critère principal (AVC, IM, mort
vasculaire ou hémorragie majeure) : 13 % versus 16 % ; HR = 0,80, 0,66-0,98). Le taux de sortie
d’essais était plus élevé avec la bithérapie (34 %) essentiellement en raison de céphalées, qu’avec
l’aspirine seule et, curieusement, il y avait moins de saignements avec la bithérapie qu’avec
l’aspirine seule. La méta-analyse accompagnant cette étude montrait une réduction de 18 %
(RR, 0,82 ; IC95 %, 0,74-0,91) sous aspirine-dipyridamole comparativement à l’aspirine seule.

PROFESS [41] a été conçue initialement pour comparer la bithérapie par aspirine et dipyridamole
à la bithérapie par aspirine et clopidogrel, mais l’aspirine a été interrompue dans le bras aspirine-
clopidogrel après les résultats de MATCH [42], après l’inclusion de 1 920 patients. Cette étude
de non infériorité a donc essentiellement comparé la bithérapie par aspirine (50 mg/j) et dipy-
ridamole (400 mg/j) au clopidogrel (75 mg/j) ; elle a porté sur 20 332 patients âgés de 66,1 ans
en moyenne avec prépondérance masculine (64 %), inclus soit moins de 90 jours après un IC ou
un AIT s’ils avaient plus de 55 ans ou 50 à 54 ans avec 2 facteurs de risque vasculaire, soit entre
90 et 120 jours à condition qu’ils aient au moins 2 facteurs de risque vasculaire. La pathologie
artérielle sous-jacente était l’athérosclérose dans 28 % des cas, une maladie des petites artères
dans 52 % et indéterminée chez les autres. Avec un taux d’AVC de 9 % sous aspirine-
dipyridamole et 8,8 % sous clopidogrel (HR, 1,01 ; IC95 %, 0,92-1,11), la non infériorité n’a pu
être établie. Le critère secondaire (AVC, IM ou décès) était identique dans les 2 groupes (13,1 %).
Les hémorragies majeures et les hémorragies intracrâniennes étaient plus fréquentes sous aspi-
rine-dipyridamole que sous clopidogrel seul.

■ Clopidogrel + aspirine

Prévention à moyen terme

MATCH [42] a comparé une bithérapie par aspirine [75 mg/j] et clopidogrel [75 mg/j] au clopi-
dogrel seul [75 mg/j] chez 7 599 patients ayant eu un IC ou un AIT non cardioembolique datant
de moins de 3 mois et ayant au moins un des facteurs de risque suivants : IM, angor, antécédent
d’IC, diabète ou artériopathie des membres inférieurs. L’artériopathie causale était l’athérosclérose
dans 34 % des cas, une maladie des petites artères dans 52,5 % et indéterminée dans 10 % des
cas. Après un suivi moyen de 17,5 mois, il y avait une réduction non significative de 6,4 % (– 4,6

/ 291
Partie 3 – Prévention

à 16,3 % ; p = 0,24) du critère principal (IC, IM, mort vasculaire ou réhospitalisation pour un
événement vasculaire) sous clopidogrel-aspirine, contrebalancée par un triplement du risque de
saignement majeur (p < 0,001). En nombres absolus, le résultat était nul avec une diminution de
40 événements ischémiques, une augmentation de 47 événements hémorragiques et un nombre
identique (n = 201) de décès dans les 2 groupes. Les raisons de l’efficacité modeste de la bithérapie
par aspirine et clopidogrel dans MATCH (réduction de risque de 6 %) par rapport à celle (20 %)
observée dans l’étude CURE [43] de prévention après un événement précoce sont mal connues.
En revanche, le pourcentage élevé de patients ayant un infarctus lacunaire (52 %) a pu jouer un
rôle puisque la réduction de risque était de 12 % chez les patients non lacunaires et seulement
de 1 % chez les lacunaires, suggérant une plus grande efficacité de la bithérapie dans l’athérome
que dans les maladies des petites artères.

CHARISMA [44] a comparé une bithérapie par d’aspirine (75 à 162 mg) et clopidogrel (75 mg/j)
et à l’aspirine seule (75-162 mg/j) dans une population hétérogène de 15 603 patients de plus
de 45 ans dont 79 % étaient symptomatiques (coronaropathie, IC non cardioembolique ou arté-
riopathie des membres inférieurs). Les autres patients (21 %) n’avaient que des facteurs de
risque. Le résultat global est négatif, avec pour le critère principal (AVC, IM ou décès vasculaire)
à 28 mois un taux de 6,8 % sous bithérapie par clopidogrel et aspirine et 7,3 % sous aspirine
seule (RR = 0,93, 0,83-1,05). Il existait, de plus, une augmentation (non significative) du risque
d’hémorragie sévère : 1,7 % versus 1,3 % sous aspirine seules (RR = 1,25, 0,97-1,6). L’analyse par
sous-groupes a cependant montré une réduction significative du critère principal dans le groupe
dit « symptomatique » (6,9 % versus 7,9 % aspirine seule [RR = 0,88, 0,77-0,99]), mais pas dans
le groupe asymptomatique (6,6 % versus 5,5 % pour l’aspirine seule).

SPS-3 [45] n’a pas montré de réduction du risque de récidive d’AVC sous bithérapie par clopi-
dogrel (75 mg/j) et aspirine (325 mg/j) comparativement à l’aspirine seule (325 mg/j) chez des
patients ayant un IC lié à une maladie des petites artères cérébrales (2,5 % versus 2,7 % par an ;
HR 0,92 ; IC95 % : 0,72-1,16). La bithérapie augmentait significativement le risque d’hémorragie
majeure (2,1 % versus 1,1 % par an ; HR 1,97 ; 1,41-2,71) et de décès (HR 1,52 ; 1,14-2,04).

ARCH [46] a comparé une bithérapie par d’aspirine (75 à 150 mg/j) et clopidogrel (75 mg/j) à
la warfarine (INR 2-3), chez des patients ayant un IC un AIT ou une embolie périphérique et une
plaque aortique athéromateuse 6 4 mm. Après l’inclusion de 349 patients et un suivi médian
de 3,4 ans, l’incidence du critère de jugement principal (IC, IM, embolie périphérique, mort vas-
culaire, hémorragie intracrânienne) était de 7,6 % avec la bithérapie antiplaquettaire et de 11,3 %
sous anticoagulant (HR 0,76 ; IC95 % : 0,36-1,61 ; p = 0,5). Cette étude arrêtée prématurément
n’avait pas la puissance statistique suffisante pour mettre en évidence une différence significative
entre les deux traitements.

En résumé, les données disponibles concernant la bithérapie par aspirine et clopidogrel n’indi-
quent pas de bénéfice à moyen terme chez les patients ayant eu un IC non cardioembolique
comparativement à l’aspirine ou au clopidogrel seuls. Cette association augmente le risque
d’hémorragie majeure.

Prévention à court terme

FASTER [47] a suggéré qu’une bithérapie par aspirine et clopidogrel pourrait être plus efficace
que l’aspirine seule lorsqu’elle était administrée dans les 24 h après un IC mineur ou un AIT. Cette
étude a comparé une bithérapie par aspirine (162 mg, puis 81 mg/j) et clopidogrel (300 mg puis
75 mg/j) à l’aspirine seule mais a malheureusement été interrompue prématurément après l’inclu-
sion de 392 patients. Le risque d’AVC à 90 jours était moindre sous clopidogrel-aspirine que sous
aspirine seule (10,8 %), mais la différence n’était pas significative (RR 0,7 ; IC95 % : 0,3-1,2).

292 /
Traitements antiplaquettaires

CHANCE [48] a comparé une bithérapie par aspirine (75-300 mg, puis 75 mg/j pendant
3 semaines) et clopidogrel (300 mg, puis 75 mg/j pendant 3 mois) à l’aspirine (75-300 mg, puis
75 mg/j pendant 3 mois) dans une population de 5 170 Chinois ayant présenté dans les 24 h
précédentes un IC mineur ou un AIT à haut risque d’IC. L’incidence du critère de jugement
principal (AVC) était plus faible sous bithérapie que sous aspirine seule (8,2 % versus 11,7 % ;
HR 0,68 ; IC95 % : 0,57-0,81 ; p < 0,001). Les taux d’hémorragie majeure et d’hémorragie céré-
brale étaient identiques dans les deux groupes.

Ce résultat est renforcé par une méta-analyse montrant qu’une bithérapie de courte durée
( < 3 mois) réduisait le risque d’AVC (RR 0,68 ; IC95 % : 0,59-0,81), sans augmentation du risque
d’hémorragie cérébrale (RR 1,23 ; IC95 % : 0,50-3,04). En revanche, un traitement à plus long-
terme (> 1 an) ne réduisait pas le risque de récidive d’AVC (RR 0,92 ; IC95 % : 0,83-1,03), mais
augmentait celui d’hémorragie cérébrale (RR 1,67 ; IC95 % : 1,10-2,56). D’autres études (ex. :
POINT) sont en cours pour confirmer les résultats de CHANCE [48]. Des études complémentaires
sur les patients inclus dans CHANCE [48] ont montré que la bithérapie était efficace uniquement
chez les patients non porteurs des allèles de CYP2C19 associés à une perte de fonction [49] et
que le bénéfice net de la bithérapie (réduction des IC versus augmentation des hémorragies
modérées à sévères) concernait les deux premières semaines de traitement [50].

SAMMPRIS [51] a montré, chez 450 patients ayant un IC et un AIT en rapport avec une sténose
intracrânienne athéroscléreuse de 70-99 %, qu’un traitement médical agressif comportant une
bithérapie par aspirine (325 mg/j) et clopidogrel (75 mg/j) pendant 3 mois, associé à un contrôle
strict des facteurs de risque était supérieur au traitement endovasculaire (stent Wingspan) associé
à un traitement médical agressif. Pendant un suivi moyen de 32,4 mois, le critère de jugement
principal (AVC ou décès dans les 30 jours de l’inclusion ou du traitement endovasculaire ou IC
après J30 post-inclusion dans le territoire de la sténose qualifiante) est survenu chez 34 (15 %)
des 227 patients du groupe médical et 52 (23 %) des 224 patients du groupe stenting (p = 0,025).
Les AVC et les hémorragies majeures étaient significativement plus fréquents dans le groupe
stenting.

Trithérapie antiplaquettaire
TARDIS [53] a comparé une trithérapie par aspirine (75 mg), clopidogrel (75 mg) et dipyridamole
(200 mg, 2 fois par jour) au clopidogrel seul ou à une bithérapie par aspirine et dipyridamole
chez 3 096 patients ayant un AIT ou un IC (dû à une maladie des petites artères dans 42 % des
cas, à l’athérosclérose dans 16 % des cas). Cet essai n’a pas montré de bénéfice de la trithérapie
sur l’incidence et la sévérité des récidives d’IC ou d’AIT (OR 0,90 ; IC95 % : 0,67–1,20 ; p = 0,47),
mais a montré une augmentation du risque d’hémorragies majeures (OR 2,54 ; IC95 % : 2,05–3,16
; p < 0,0001).

Recommandations
Selon les recommandations de l’AHA-ASA 2014 [25], une monothérapie par aspirine (50-325 mg)
(classe I, niveau A) ou une bithérapie par aspirine (25 mg, 2 fois/j) et dipyridamole à libération
prolongée (200 mg, 2 fois/j) (classe I, niveau A) ou une monothérapie par clopidogrel (75 mg/j)
(classe IIa, niveau B) sont recommandés après un IC ou un AIT non cardioembolique. La HAS
2015 [26] recommande l’aspirine (75 à 325 mg/j) ou le clopidogrel (75 mg/j) en première
intention.

Une bithérapie aspirine-clopidogrel peut être envisagée dans les 24 h d’un IC mineur ou d’un
AIT pour une durée de 3 mois (classe IIb, niveau B). Cette association n’est pas recommandée
en prévention à long terme car elle augmente le risque d’hémorragies (classe III, niveau A).

/ 293
Partie 3 – Prévention

Une bithérapie par aspirine (75 mg) et clopidogrel (75 mg) peut être envisagée pour une durée
de 3 mois chez les patients ayant un IC récent (< 30 jours) en rapport avec une sténose serrée
(70-99 %) d’une artère intracrânienne majeure (classe IIb, niveau B).

En cas d’IC cérébral ou d’AIT sous aspirine, il n’existe pas de preuve que l’augmentation des
doses d’aspirine ou le changement d’antiplaquettaire en mono- ou bithérapie apporte un bénéfice
supplémentaire (classe IIb, niveau C).

Chez les patients ayant un IC ou un AIT et un athérome de la crosse aortique, un traitement


antiplaquettaire est recommandé (classe I, niveau A).

Infarctus cérébral ou AIT cardioembolique


Les sources cardiaques d’embolie cérébrale sont très diverses et le risqué de premier AVC ou
d’AVC récidivant très variable d’une source à l’autre. La prévention secondaire après un infarctus
cardioembolique varie en fonction de la cardiopathie sous-jacente.

Antiplaquettaires
Les recommandations de prévention secondaire de l’AHA/ASA 2014 [25] préconisent un traite-
ment antiplaquettaire en l’absence de fibrillation auriculaire ou d’autre indication à un traitement
anticoagulant, chez les patients ayant une valvulopathie aortique native ou mitrale non rhuma-
tismale, (classe I, niveau C), des calcifications de l’anneau mitral (classe I, niveau C), ou un pro-
lapsus valvulaire mitral (classe I, niveau C). Un traitement par aspirine (75 à 100 mg/j) est recom-
mandé plutôt qu’un traitement anticoagulant chez les patients ayant une bioprothèse aortique
ou mitrale et des antécédents d’IC ou d’AIT avant son insertion, en l’absence d’indication à un
traitement anticoagulant au-delà des 3 à 6 mois suivant la pose de la bioprothèse (classe I,
niveau C). Enfin, chez les patients en rythme sinusal ayant une cardiomyopathie dilatée (fraction
d’éjection ventriculaire <= 35 %) ou une cardiomyopathie restrictive sans thrombus auriculaire
ou ventriculaire, l’efficacité des anticoagulants par rapport à un traitement antiplaquettaire est
incertaine et le choix du traitement devrait être individualisé (classe IIb, niveau B).

Association des antiplaquettaires aux AVK


Chez des patients à très haut risque de récidive cérébrovasculaire, les recommandations de
l’AHA-ASA 2014 [25] préconisent l’adjonction d’aspirine en prévention secondaire chez les
patients ayant une valvulopathie mitrale rhumatismale, en cas d’IC/AIT survenus sous traitement
par AVK bien conduit (classe IIb, niveau C) et chez les patients ayant une prothèse valvulaire
mécanique, en cas d’IC/AIT survenus avant son insertion (75 à 100 mg/j) (classe I, niveau B).
Chez les patients ayant une prothèse valvulaire mécanique, il est préconisé d’augmenter la dose
d’aspirine à 325 mg/j ou d’augmenter la cible de l’INR, en fonction du risque de saignement, en
cas d’IC malgré un traitement antithrombotique bien conduit (classe IIa, niveau C). Chez les
patients ayant une bioprothèse aortique ou mitrale, l’adjonction d’AVK (INR de 2-3) à l’aspirine
est préconisée, en cas d’IC/AIT malgré un traitement antiplaquettaire bien conduit (classe IIb,
niveau C).

Environ un quart des patients ayant un infarctus et une fibrillation auriculaire ont aussi une autre
cause potentielle d’IC. Les antithrombotiques de choix sont les anticoagulants oraux dans la
fibrillation atriale et les antiplaquettaires dans les maladies artérielles. Il n’existe cependant, à
ce jour, aucune étude randomisée permettant d’évaluer le rapport bénéfice/risque d’une telle
association, et les données présentement disponibles vont dans le sens d’une augmentation du

294 /
Traitements antiplaquettaires

risque hémorragique sans preuve de diminution du risque ischémique. De façon générale, l’adjonc-
tion d’un antiplaquettaire aux anticoagulants oraux prescrit pour la fibrillation auriculaire doit
être évitée, en raison de l’augmentation du risque hémorragique. Une association d’anti-
coagulants et d’antiplaquettaires se justifie en revanche en cas de survenue d’un syndrome
coronaire aigu ou de pose d’un stent coronaire.

Plusieurs études ont montré que les taux annuels de récidive d’AVC ont diminué au cours des
dernières décennies. Une baisse de la pression artérielle et l’utilisation croissante d’antithrom-
botiques y ont très certainement contribué de façon majeure [54]. Cependant, les progrès en
matière de prévention doivent être accompagnés de stratégies visant à améliorer l’observance
des traitements par les patients [25].

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/ 297
22

Plusieurs essais randomisés ont montré que la chirurgie carotide associée au traitement médical
de prévention vasculaire diminuait significativement l’incidence des infarctus cérébraux homo-
latéraux, chez les patients ayant une sténose carotide athéroscléreuse serrée. Le bénéfice est
particulièrement important chez les patients ayant une sténose carotide symptomatique supé-
rieure à 70 %. Ce statut de traitement de référence des sténoses carotides serrées a été récem-
ment remis en question, aussi bien pour les sténoses symptomatiques que pour les sténoses
asymptomatiques, en raison du développement du stenting carotide d’une part et des avancées
du traitement médical d’autre part. Le bénéfice de la revascularisation des sténoses de l’artère
vertébrale extracrânienne est en cours d’évaluation.

Qu’un geste de revascularisation soit ou non indiqué, le traitement médical de prévention vas-
culaire est indispensable pour diminuer non seulement le risque d’événement cérébrovasculaire,
mais aussi plus généralement celui d’événement cardiovasculaire. Ce chapitre traite des résultats
des essais randomisés de revascularisation chez les patients ayant une sténose carotide ou ver-
tébrale extracrânienne, sans aborder les aspects techniques de la procédure.

Environ 3 % des hommes et 2 % des femmes ont une sténose carotide de plus de 50 %. Après
80 ans, la prévalence est d’environ 10 % chez les hommes et 6 % chez les femmes [1]. Compte
tenu du vieillissement de la population et d’un accès facilité à l’imagerie vasculaire, un nombre
croissant de sténoses carotides asymptomatiques est identifié.

/ 299
Partie 3 – Prévention

Essais randomisés comparant


la chirurgie carotide au traitement médical
Deux essais randomisés [2, 3] (ACAS et ACST-1) ont montré que, comparativement au traitement
médical seul, la chirurgie carotide réduisait d’environ 50 % le risque à 5 ans d’AVC homolatéral
(ACAS) ou de tout AVC (ACST-1), incluant les AVC et décès liés à l’intervention (par convention
survenant dans les 30 jours suivant l’intervention), chez les patients ayant une sténose carotide
asymptomatique 6 60 % ou 70 % (Tableau I). Dans l’étude ACST-1 [3], les patients âgés de plus de
75 ans (n = 650) ne bénéficiaient pas de la chirurgie. Chez les patients de moins de 75 ans, la réduction
du risque d’AVC à 5 ans n’était pas significative chez la femme, mais rejoignait celle de l’homme à
10 ans (réduction absolue du risque de 5 à 6 %) [3]. Contrairement aux études faites chez les patients
ayant une sténose carotide récemment symptomatique, ACAS [2] et ACST-1 [3] n’ont pas montré,
dans le groupe médical, d’augmentation du risque d’AVC avec la sévérité de la sténose carotide, y
compris chez les patients ayant une sténose carotide bilatérale ou une occlusion controlatérale.

TABLEAU I ▼
Sténose carotide asymptomatique : essais comparant la chirurgie carotide au trai-
tement médical.
Événements à 5 ans

Risque d’AVC
Risque Risque d’AVC
groupe RRR chirurgie RAR chirurgie
N opératoire groupe
chirurgical (%) (%)
(%) médical (%)
(%)

ACAS1 1,662 2,3 11,03 5,13 54 5,9


2 4 4
ACST 3,120 2,8 11,8 6,4 46 5,4
1
Patients âgés de moins de 80 ans ayant une sténose carotide de 60 à 99 %. Les patients ont été inclus entre 1987 et 1993
et suivis jusqu’en 1997.
2
Patients sans limite d’âge (> 75 ans : 20 %) ayant une sténose carotide de 70 à 99 %. Les patients ont été inclus entre 1993
et 2003 et suivis jusqu’en 2008.
3
AVC homolatéral.
4
Tout AVC.
RRR : réduction relative de risque ; RAR : réduction absolue de risque

Essais randomisés comparant


le stenting à la chirurgie carotide
Le stenting carotide a été développé dès les années 1980 comme une alternative à la chirurgie,
moins invasive que cette dernière, avec comme avantages potentiels un risque plus faible de
complications locales et générales. Deux essais randomisés [4, 5] ont comparé le stenting à la
chirurgie carotide chez des patients ayant une sténose carotide asymptomatique 6 60-70 %
selon la méthode de mesure NASCET (Figure 1). L’étude CREST [4] qui a porté sur 2 502 patients
ayant une sténose symptomatique ou asymptomatique (47,2 %), n’a pas montré de différence
significative concernant le critère de jugement principal (AVC, décès ou infarctus du myocarde
à J30 ou AVC homolatéral après J30) entre les deux groupes (11,8 % vs 9,9 % pour la chirurgie ;
HR 1,10 ; IC95 % : 0,83-1,44). En revanche, il existait une différence en faveur de la chirurgie
(11,0 % vs 7,9 % pour la chirurgie ; HR 1,37 ; IC95 % : 1,01-1,86 ; p = 0,04) sur le critère classique
(AVC ou décès à J30 ou AVC homolatéral après J30) (voir « Sténoses carotides symptomatiques »
pour discussion sur l’inclusion de l’infarctus du myocarde dans le critère de jugement principal).
Si l’on s’intéresse aux 1 181 patients asymptomatiques, le risque d’AVC ou décès à J30 était de
2,5 % après stenting et de 1,4 % après chirurgie (HR 1,88 ; IC95 % : 0,79-4,42). Passé J30, le
risque d’infarctus cérébral homolatéral à 10 ans ne différait pas selon les groupes.

300 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

FIGURE 1 Mesure du degré de sténose par les méthodes NASCET et ECST.

Dans l’étude ACT I [5], portant sur 1 453 patients âgés de moins de 80 ans, le risque d’AVC ou
de décès opératoire était de 2,9 % après stenting et de 1,7 % après chirurgie (p = 0,33). Les
auteurs ont conclu à la non infériorité du stenting par rapport à la chirurgie pour le critère
jugement principal (AVC, décès ou infarctus du myocarde à J30 ou AVC homolatéral après J30)
dont l’incidence était de 3,8 % et 3,4 % à 1 an, respectivement. La critique majeure à l’encontre
de ces études est l’absence d’un groupe contrôle de patients sous traitement médical optimal
seul. Seule l’étude SPACE-2 [6] a comparé les 3 stratégies thérapeutiques, mais cette étude a
malheureusement été arrêtée prématurément en raison d’un recrutement insuffisant. Le risque
d’AVC ou décès à J30 était de 1,97 % chez les 203 patients randomisés dans le groupe chirurgie
et de 2,54 % chez les 197 patients randomisés dans le groupe stenting. Aucun AVC n’est survenu
dans les 30 jours de la randomisation chez les 113 patients randomisés dans le groupe traitement
médical optimal seul. Une revue systématique récente de registres administratifs (> 1,5 million
d’interventions) a confirmé le surrisque opératoire du stenting qui dépassait 3 % (limite maxi-
male recommandée par l’AHA/ASA pour envisager une revascularisation carotide chez des
patients asymptomatiques) dans 40 % des registres [7].

Controverse sur le bénéfice


de la revascularisation carotide
Malgré deux essais randomisés positifs, le bénéfice de la chirurgie des sténoses carotides asymp-
tomatiques a toujours été controversé. En témoigne la proportion très variable d’un pays à
l’autre des endartériectomies carotides réalisées pour une sténose carotide asymptomatique
[8]. La controverse repose sur le fait que les patients ayant une sténose carotide asymptoma-
tique ont un faible risque d’infarctus homolatéral ne permettant d’escompter qu’un bénéfice
modeste de la chirurgie. Dans les bras médicaux d’ACAS [2] et d’ACST-1 [3], le risque annuel
d’AVC homolatéral était d’environ 2 % et la réduction absolue de risque par la chirurgie de
1 % par an (Tableau I). En d’autres termes, environ 100 patients devaient être opérés par an
pour éviter un AVC.

/ 301
Partie 3 – Prévention

La controverse sur l’utilité de la chirurgie carotide asymptomatique s’est accentuée récemment


car plusieurs études ont montré que le risque annuel d’AVC et d’infarctus cérébral homolatéral
chez les patients traités médicalement a nettement diminué depuis l’époque à laquelle les essais
randomisés ont été mis en place (patients inclus entre 1983 et 2003) [9-11]. Cette diminution
du risque d’AVC avec le temps était apparente au sein même des essais thérapeutiques. Ainsi,
le risque annuel d’AVC chez les patients traités médicalement était de 3,5 % dans l’étude ACAS
publiée en 1995, de 2,4 % dans les 5 premières années de l’étude ACST-1 publiée en 2004 et
de 1,4 % par an dans les 5 dernières années de cette dernière étude [3, 10]. Les risques annuels
d’AVC homolatéral étaient ici respectivement de 2,2 %, 1,1 % et 0,7 % [10]. L’ensemble des
données suggèrent que le risque annuel d’infarctus cérébral homolatéral à une sténose carotide
asymptomatique se situerait actuellement entre 0,5 et 1 % [9-11], soit un risque très proche de
celui observé après chirurgie ou stenting (à l’exclusion des AVC liés à l’intervention) dans deux
essais contemporains, CREST [4] et ACT I [5]. Le déclin du risque d’AVC homolatéral à une sténose
carotide asymptomatique est très vraisemblablement à mettre sur le compte des progrès du
traitement médical de prévention vasculaire, en particulier une utilisation plus large des statines,
mais également un contrôle plus strict de la pression artérielle et une diminution du taba-
gisme [4]. Les risques de la chirurgie ont aussi diminué avec le temps. Ils étaient de 2,3 % et
2,8 % dans ACAS [2] et ACST-1 [3] et de 1,4 % et 1,7 % dans CREST [4] et ACT I [5], sachant
que les risques des procédures interventionnelles sont globalement plus élevés en pratique cou-
rante [7].

Indications de la revascularisation carotide


Plusieurs essais randomisés – ECST-2 (ISRCTN 97744893), CREST-2 (NCT02089217) et ACTRIS
(NCT02841098) – sont en cours ou sur le point de démarrer pour réévaluer le bénéfice d’une
stratégie de revascularisation par rapport à un traitement médical moderne seul. En attendant
les résultats de ces essais et le développement d’algorithmes validés de sélection des patients à
haut risque d’infarctus cérébral homolatéral, la décision d’une revascularisation carotide est à
prendre au cas par cas en se basant sur les éléments suivants.

Espérance de vie
L’espérance de vie du patient est un facteur clé de décision d’une revascularisation carotide.
Compte tenu du faible risque absolu d’AVC sous traitement médical et du risque d’AVC lié au
traitement, une espérance de vie d’au moins 5 ans est généralement recommandée pour consi-
dérer que la revascularisation carotide pourrait apporter un bénéfice. De plus, les patients ayant
une espérance de vie limitée sont souvent à plus haut risque de revascularisation, du fait des
comorbidités. Des algorithmes ont été proposés pour évaluer l’espérance de vie à 5 ans après
chirurgie carotide pour une sténose asymptomatique. Dans l’un d’entre eux [12], les facteurs
suivants étaient associés à une diminution de l’espérance de vie : âge avancé, diabète, tabagisme,
insuffisance cardiaque, bronchopneumopathie chronique obstructive, insuffisance rénale, non
utilisation de statines, sténose carotide controlatérale. Selon le nombre et le type des facteurs
de risque, trois profils de risque – élevé, moyen ou faible – ont été définis. Les patients ayant
un profil de risque élevé avaient une probabilité de survie à 5 ans de 51 %, contre 94 % et 80 %
pour les patients à risque faible et intermédiaire, respectivement.

302 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

Facteurs associés à un risque plus élevé


d’infarctus cérébral homolatéral
Dans la mesure où le bénéfice global de la revascularisation carotide est, au mieux, marginal, il
est crucial d’identifier les patients porteurs d’une sténose carotide asymptomatique ayant un
risque d’infarctus homolatéral plus élevé que la moyenne qui pourraient bénéficier d’une revas-
cularisation carotide. Les principaux facteurs [13-23] associés à un risque plus élevé d’infarctus
cérébral compliquant une sténose carotide asymptomatique figurent dans le Tableau II.

TABLEAU II ▼
Facteurs associés à un risque d’AVC plus élevé que la moyenne chez les patients
ayant une sténose carotide asymptomatique traités médicalement. D’après [24].
Risque annuel d’AVC OR/HR (IC95 %)
Marqueur de risque
homolatéral P

Infarctus silencieux au scanner [13] Oui = 3,6 % HR = 3,0 (1,5-6,3)


(60-99 %) Non = 1,0 % P = 0,002

Progression de la sténose, US [14] Oui = 2,0 % RR = 1,9 (1,1-3,3)


(50-99 %) Non = 1,1 % p = 0,05

Stable HR = 1,0
Progression de la sténose, US [15]
Progression 1 classe = 1,6 (1,1-2,4)
(70-99 %)
Progression 2 classes = 4,7 (2,3-9,6)

< 40 mm2 = 1 % HR = 1,0


Surface de la plaque, US [16]
40-80 mm2 = 1,4 % = 2,1 (1,1-4,1)
(70-99 %)
> 80 mm2 = 4,6 % = 5,8 (2,7-12,7)

< 4 mm2 = 0,4 %


Zone noire juxta-luminale, US [17] 4-8 mm2 = 1,4 % Tendance
(50-99 %) 8-10 mm2 = 3,2 % p < 0,001
> 10 mm2 = 5,0 %

Hémorragie intra-plaque, IRM [18] HR = 4,6 (2,9-7,2)


Oui vs non
Méta-analyse (50- 99 %) P < 0,01

Diminution de la réserve cérébrovasculaire [19] OR = 6,1 (1,3-29,5)


Oui vs non
Méta-analyse (70- 99 %) P = 0,02

Prédominance
Hypoechogénéicité de la plaque, US [20] OR = 2,6 (1,5-4,6)
Hypoéchogène = 4,2 %
Méta-analyse (50- 99 %) P = 0,001
Échogène= 1,6 %

Signaux micro-emboliques, DTC [21] HR = 6,6 (2,9-15,4)


Oui vs non
Méta-analyse (50- 99 %) P < 0,001

Signaux micro-emboliques, DTC [22]


Oui = 8,9 % HR = 10,6 (3,0-37,8)
et plaque hypoéchogène
Non = 0,8 % P < 0,001
(70-99 %)

AIT/AVC controlatéral [23] Oui = 3,4 % OR = 3,0 (1,9-4,7)


(50- 99 %) Non = 1,2 % P < 0,001
US : ultrasons ; DTC : Doppler transcrânien.

Risques de l’intervention
Un autre facteur à prendre en compte est le risque de l’intervention elle-même. L’étude SAPPHIRE
[25] n’a pas montré de différence significative entre stenting et chirurgie carotide chez des
patients avec une sténose (70-99 %) à « haut risque chirurgical », défini par la présence d’au
moins un des facteurs suivants : cardiopathie (insuffisance cardiaque congestive, test de stress
anormal, nécessité d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert) ; maladie pulmonaire sévère ; oc-
clusion carotide controlatérale ; paralysie controlatérale du nerf laryngé ; antécédent de chirurgie

/ 303
Partie 3 – Prévention

radicale cervicale ; radiothérapie cervicale ; resténose après chirurgie ; âge > 80 ans. La majorité
(70 %) des patients de SAPPHIRE étaient asymptomatiques, et les risques d’AVC ou décès à J30
étaient de 5,8 % après stenting et 6,1 % après chirurgie. À ce niveau de risque, un bénéfice de
la revascularisation ne peut être escompté ; un traitement médical paraît donc préférable.

La Figure 2 montre l’algorithme de prise en charge des sténoses carotides asymptomatiques


proposé en 2017 par l’European Society of Cardiology et approuvé par l’European Stroke Orga-
nisation [24]. Chez un patient ayant une sténose carotide asymptomatique de 60-99 %, une
endartérectomie carotide devrait être envisagée en présence d’au moins un facteur associé à un
risque plus élevé d’infarctus cérébral homolatéral, sous réserve que l’intervention puisse être
réalisé avec un risque d’AVC ou décès à J30 < 3 % et que l’espérance de vie du patient soit
supérieure à 5 ans (classe IIa, niveau B). Chez ces patients, le stenting peut être une alternative
à la chirurgie, notamment si le patient est considéré à haut risque chirurgical, sous réserve que
l’intervention puisse être réalisé avec un risque d’AVC ou décès à J30 < 3 % et que l’espérance
de vie du patient soit supérieure à 5 ans (classe IIa, niveau B).

La participation des patients aux essais thérapeutiques en cours ou en préparation est capitale
pour résoudre les incertitudes actuelles sur le bénéfice de la revascularisation des sténoses caro-
tides asymptomatiques.

FIGURE 2 Prise en charge des sténoses carotides asymptomatiques. D’après [24].

304 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

Essais randomisés comparant


la chirurgie carotide au traitement médical
Les essais randomisés – NASCET, ECST et SVACS – ont montré que la chirurgie carotide associée
au traitement médical de prévention vasculaire diminuait significativement l’incidence des
infarctus cérébraux chez les patients ayant une sténose carotide athéroscléreuse récemment
symptomatique (dans les 6 mois précédents). La méta-analyse de ces essais [26, 27] a clairement
montré que le bénéfice de la chirurgie dépend du degré de sténose carotide. La chirurgie n’apporte
pas de bénéfice par rapport au traitement médical seul chez les patients ayant une sté-
nose < 50 %. Le bénéfice de la chirurgie devient significatif lorsque la sténose carotide atteint
50 % et devient très important à partir de 70 %, à l’exclusion des patients ayant une quasi
occlusion carotide (« near occlusion », correspondant à une sténose de 95 à 99 % associée à
une réduction importante du calibre de la carotide post-sténotique) (Figure 3).

FIGURE 3 Sténose carotide symptomatique : réduction absolue du risque d’infarctus cérébral à


5 ans en fonction du degré de sténose. Méta-analyse des études ESCT, NASCET et SVACS [26].

* Mesuré selon la méthode NASCET


RAR : réduction absolue de risque

Les principaux facteurs cliniques associés à un bénéfice accru de la chirurgie carotide sont l’aug-
mentation de l’âge, le caractère récent des symptômes (< 2 semaines), le sexe masculin, le type
de symptômes (hémisphérique vs oculaire) et le type d’infarctus cérébral (cortical vs lacunaire).
Outre l’augmentation du degré de sténose, les principaux facteurs en imagerie sont l’aspect de
la sténose (irrégulière vs lisse), une occlusion carotide controlatérale, et l’absence de recrutement
du réseau de suppléance artérielle intracrânien [26-28].

/ 305
Partie 3 – Prévention

Essais randomisés comparant le stenting


à la chirurgie carotide
La méta-analyse des essais comparant le stenting à la chirurgie carotide chez des patients ayant
une sténose carotide récemment symptomatique [29] repose principalement sur 3 essais rando-
misés européens – EVA3S [30], SPACE [31], ICSS [32] et un essai américain CREST [4]. Elle montre
que le stenting comporte un risque d’AVC ou de décès lié à l’intervention plus élevé que la
chirurgie (8,2 % vs 5,0 % ; OR 1,72, IC95 % : 1,29-2,31, p = 0,0003). Cet excès de risque d’AVC
du stenting a également été constaté en soins courants en dehors des essais thérapeutiques. Une
analyse de 18 registres administratifs [7] a ainsi montré un risque d’AVC ou décès significative-
ment plus élevé après stenting qu’après chirurgie dans 11 des 18 (61 %) registres examinés. Dans
13 des 18 (72 %) registres, le risque du stenting était supérieur à la limite maximale de 6 %
recommandée pour envisager une revascularisation carotide chez des patients symptomatiques.
Ces AVC surnuméraires du groupe stenting sont principalement mais pas uniquement des AVC
non invalidants, survenant pendant ou dans les 24 h suivant l’intervention [29]. À l’inverse, le
stenting comporte un risque plus faible de paralysie de nerfs crâniens (OR 0,08, IC95 % : 0,05-0,14,
p < 0,01), d’hématome au point d’accès (OR 0,37, IC95 % : 0,18-0,77, p < 0,01) et d’infarctus du
myocarde (OR 0,44, IC95 % : 0,23-0,87, p = 0,02) [29]. Ces essais ont aussi montré que, passée
la période de l’intervention, les deux techniques ont une efficacité similaire pour prévenir le
survenue d’un infarctus cérébral homolatéral [4, 33] (Figure 4). Le risque résiduel d’AVC homo-
latéral est faible quelle que soit la technique [4, 29, 33]. L’analyse du critère combinant sécurité
(AVC ou décès à J30) et efficacité (AVC homotéral après J30) plaide en faveur de la chirurgie :
OR 1,39, IC95 % : 1,10 à 1,75, p < 0,01 [29]. Contrairement aux craintes initiales, le stenting n’est
pas associé à un risque plus élevé de resténose sévère que la chirurgie [4].

Une définition différente du critère évaluant la sécurité de la procédure de revascularisation


entre les études européennes et l’étude américaine a conduit à des conclusions différentes selon
les études. Les études européennes ont utilisé le critère classique : AVC ou décès dans les 30 jours
de la procédure et AVC homolatéral pendant le suivi et ont conclu à une supériorité de la
chirurgie. L’étude américaine [4] a aussi pris en compte la survenue d’un infarctus du myocarde
dans les 30 jours du traitement, dont la fréquence plus élevée chez les patients traités par
chirurgie a « compensé » en partie l’excès de risque d’AVC du stenting, amenant les auteurs à
conclure à l’équivalence du stenting et de la chirurgie. L’inclusion de l’infarctus du myocarde
péri-interventionnel dans le critère de jugement principal, motivée par une augmentation de la
mortalité tardive associée à cette complication, a été critiquée car : i) la réduction absolue du
risque d’infarctus du myocarde périopératoire chez les patients stentés est largement compensée
par l’augmentation du risque absolue d’infarctus cérébral associée à cette technique, lui aussi
associée à une augmentation du même ordre de la mortalité tardive ; ii) les infarctus du myocarde
observés dans CREST étaient asymptomatiques dans 40 % des cas et sans retentissement sur la
qualité de vie, contrairement aux AVC liés aux procédures, ce qui revient à mettre sur le même
plan un infarctus du myocarde asymptomatique et un AVC sévère ; iii) si l’on inclut les infarctus
du myocarde asymptomatiques dans le critère de jugement, il faudrait aussi inclure les infarctus
cérébraux asymptomatiques qui sont nettement plus fréquents avec le stenting qu’avec la chi-
rurgie [34] (voir [28] pour revue).

Dans la mesure où toute la différence entre le stenting et la chirurgie se joue au moment de


l’intervention, il est important d’identifier les facteurs liés au patient ou à l’intervention elle-
même qui sont associés à un plus haut risque d’AVC chez les patients traités par stenting. Le
facteur le mieux démontré est l’âge du patient. Une méta-analyse des 4 grands essais randomisés
a montré que le risque d’AVC périprocédural du stenting augmente avec l’âge du patient, contrai-
rement à celui de la chirurgie [35]. L’excès de risque d’AVC du stenting devient significatif
après 70 ans. Avant 70 ans, les deux techniques ont un profil bénéfice/risque identique.

306 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

D’autres facteurs comme la présence d’importantes anomalies de la substance blanche à l’IRM


cérébrale [36], l’anatomie artérielle, le matériel utilisé (type de stent...), l’expérience du médecin
interventionnel, et la précocité de l’intervention (dans les 7 premiers jours) ont été associés à
l’excès de risque d’AVC du stenting carotide [28, 37].

FIGURE 4 Étude EVA3S [30, 33]. Probabilité cumulée d’AVC ipsilatéral (incluant les AVC et décès
jusqu’à J30).

Délai de l’intervention après le début des symptômes


Chirurgie, stenting
La chirurgie carotide est d’autant plus efficace qu’elle est réalisée dans les 14 jours suivant le
début des symptômes chez les patients ayant un AIT ou un AVC non invalidant, car le risque de
récidive est particulièrement élevé pendant cette période. En l’absence d’intervention sur la
carotide, le risque d’AVC après un AIT est de 5 à 8 % à 48 h, 4 à 17 % à 72 h, 8 à 22 % à 7 jours,
et 11 à 25 % à 14 jours (voir [28] pour revue). Certaines études ont suggéré que le risque d’AVC
ou de décès dans les 30 jours de l’intervention pourrait être plus élevé si l’intervention est réalisée
dans les 48 h, mais cela n’a pas été confirmé par d’autres études [28].

À l’inverse, le bénéfice du stenting carotide pourrait être moindre si l’intervention est réalisée
précocement. Dans une méta-analyse sur données individuelles des patients inclus dans les prin-
cipaux essais thérapeutiques (CREST, ICSS, EVA-3S, SPACE), le surrisque d’AVC ou de décès à
J30 du stenting par rapport à la chirurgie était plus élevé chez les patients traités dans les 7 jours
du début des symptômes (8,3 % vs 1,3 %, RR ajusté 6,7 ; IC95 % : 2,1-21,9) que chez ceux traités
après 7 jours (7,1 % vs 3,6 %, RR ajusté 2,0 ; IC95 % : 1,5-2,7) [37].

/ 307
Partie 3 – Prévention

AVC invalidant, AVC en évolution


Le bénéfice plus important de la chirurgie carotide lorsque le patient bénéficie d’une endarté-
rectomie dans les 14 jours provient d’une méta-analyse sur données individuelles des patients
inclus dans ECST et NASCET dont le score de Rankin à l’inclusion était inférieur à 3. Il est
recommandé que la revascularisation soit différée chez les patients ayant un infarctus invalidant
(score de Rankin modifié 6 3), dont le volume de l’infarctus excède un tiers du territoire de
l’artère cérébrale moyenne, ou qui présentent des troubles de la vigilance, afin de minimiser les
risques d’hémorragie cérébrale postopératoire (classe I, niveau C) [28].

La chirurgie carotide comporte classiquement un risque élevé d’AVC ou décès à J30 estimé à
20,2 % (IC95 % : 12,0-28,4) en cas d’AVC en évolution et à 11,4 % (IC95 % : 6,1-16,7) en cas
d’AIT « crescendo » [38]. Cependant, chez des patients sélectionnés (infarctus < 1/3 du territoire
de l’artère cérébrale moyenne), une endartérectomie en urgence (de préférence dans les 24 h)
semble pouvoir être réalisée avec des taux d’AVC ou décès à J30 de 2 à 8 % en cas d’AVC en
évolution et de 0 à 2 % en cas d’AIT « crescendo » [28].

Thrombolyse, thrombectomie
Une endarterectomie précoce (dans les 14 jours) devrait être envisagée après une thrombolyse
intraveineuse chez des patients ayant une sténose carotide symptomatique en cas d’amélioration
neurologique rapide (Rankin ^ 2), si la zone d’infarctus est inférieure à 1/3 du territoire de
l’artère cérébrale moyenne, si une occlusion homolatérale du tronc de l’artère cérébrale moyenne
a été recanalisée et s’il n’existe pas d’hémorragie et/ou d’œdème cérébral significatifs (classe IIa,
niveau C) [28]. Le délai optimal de la chirurgie n’est pas connu. Un traitement par héparine IV
ou antiplaquettaire doit être suspendu pendant 24 h après la thrombolyse IV. Un traitement
antiplaquettaire doit être repris avant l’intervention. Un contrôle strict de la pression artérielle
doit être assuré pour réduire le risque d’hémorragie cérébrale.

En cas de thrombectomie, il n’existe pas suffisamment de données pour savoir si une revascu-
larisation carotide par chirurgie ou stenting doit être recommandée de façon simultanée ou
retardée.

Indications de la revascularisation carotide


La Figure 5 montre l’algorithme de prise en charge des sténoses carotides symptomatiques pro-
posé en 2017 par l’European Society of Cardiology et approuvé par l’European Stroke Organisation
[24]. Une revascularisation carotide est recommandée chez les patients ayant présenté, dans les
6 mois précédents, un AIT ou un infarctus cérébral en rapport avec une sténose carotide de 70
à 99 % (mesure NASCET), à condition que cette intervention puisse être réalisée avec un taux
d’AVC ou décès < 6 % (classe I, niveau A). Elle devrait aussi être envisagée dans les mêmes
conditions chez les patients ayant une sténose comprise entre 50 et 69 % (classe IIa, niveau A).

Après 70 ans, la revascularisation d’une sténose carotide de 50-99 % récemment symptomatique


(< 6 mois) devrait être réalisée par chirurgie plutôt que par stenting (classe I, niveau A). Avant
70 ans, le stenting peut être envisagé comme une alternative à la chirurgie, à condition que
cette intervention puisse être réalisée avec un taux d’AVC ou décès < 6 % (classe IIb, niveau A).

Une revascularisation n’est pas recommandée mais pourrait être envisagée en cas de symptômes
récidivants, malgré un traitement médical optimal, en cas de sténose carotide récemment symp-
tomatique, quasi occlusive (« near occlusion ») (classe III, niveau C) ou < 50 % (classe IIb,
niveau C).

308 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

Le stenting peut aussi être envisagé comme une alternative à la chirurgie chez les patients à
haut risque chirurgical, en raison de facteurs anatomiques ou cliniques augmentant la morbidité
ou la mortalité de la chirurgie, à condition que cette intervention puisse être réalisée avec un
taux d’AVC ou décès < 6 % (classe IIa, niveau B). Parmi les facteurs augmentant le risque chi-
rurgical (cardiopathie ou pneumopathie sévère, paralysie du nerf récurrent controlatéral, etc.),
certains comme un âge > 80 ans, un antécédent de radiothérapie cervicale ou un resténose après
endartériectomie font l’objet de controverses.

Lorsqu’une revascularisation est envisagée, il est recommandé de la réaliser dans les 14 jours
suivant le début des symptômes (classe I, niveau A) si le score de Rankin est < 3. Un traitement
chirurgical est préférable au stenting chez les patients qui doivent être revascularisés dans les
14 jours du début des symptômes (voir « délai de l’intervention ») (classe I, niveau A).

FIGURE 5 Prise en charge des sténoses carotides asymptomatiques. D’après [24].

Traitement médical optimal de prévention


des événements vasculaires
Un traitement médical optimal de prévention des événements vasculaires est un aspect majeur
de la prise en charge chronique des patients ayant une sténose carotide extracrânienne,

/ 309
Partie 3 – Prévention

symptomatique ou asymptomatique, pour diminuer non seulement le risque d’événements céré-


brovasculaires, mais aussi celui d’événements cardiovasculaires. Il est détaillé dans d’autres cha-
pitres de cet ouvrage et comporte notamment, outre l’arrêt du tabac, une activité physique
régulière et une alimentation appropriée, un contrôle strict de la pression artérielle
(PA < 140/90 mmHg), un traitement par statine (LDL < 0,7 g/L), le traitement d’un diabète et
une monothérapie antiplaquettaire.

Récemment, l’étude COMPASS [39] a montré qu’une bithérapie par rivaroxaban (2,5 mg, 2 fois
par jour) et aspirine (100 mg) réduisait le risque d’événements vasculaires majeurs (décès car-
diovasculaire, infarctus du myocarde ou AVC) comparativement à l’aspirine seule (100 mg) chez
des patients ayant une artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou un antécédent de
revascularisation carotide ou une sténose carotide asymptomatique > 50 %. Cette étude a porté
sur 7 470 patients suivis pendant une médiane de 21 mois. L’incidence des événements vascu-
laires majeurs était de 5 % chez les patients recevant la bithérapie vs 7 % chez ceux sous aspirine
seule (HR 0,72 ; IC95 % : 0,57–0,90, p = 0,005), mais celle des hémorragies majeures était
augmentée : 3 % vs 2 % sous aspirine seule (HR 1,61 ; IC95 % : 1,12–2,31, p = 0,009). La place
de cette bithérapie, dont le bénéfice net est faible, reste à préciser.

Traitement médical entourant


la revascularisation carotide
Traitement antiplaquettaire
Chez les patients traités par chirurgie, un traitement antiplaquettaire par aspirine (75-325 mg)
est recommandé pendant la période périopératoire (classe I, niveau B). Une bithérapie anti-
plaquettaire (aspirine 75 mg + clopidogrel 75 mg) est recommandée chez les patients traités par
stenting (classe I, niveau B). Le moment d’introduction du clopidogrel en association à l’aspirine
et la durée optimale de la bithérapie ne sont pas connus. Certains recommandent d’ajouter le
clopidogrel 3 jours avant l’intervention ou sous forme d’une dose de charge de 300 mg si ce
délai ne peut être respecté. Ce traitement doit être poursuivi pendant au moins 4 semaines après
l’intervention, puis remplacé par une monothérapie antiplaquettaire au long cours.

Une bithérapie antiplaquettaire (aspirine 75 mg + clopidogrel 75 mg) peut être envisagé pour
réduire le risque de récidive précoce après un AIT ou un infarctus mineur chez les patients en
attente de l’intervention chirurgicale (classe IIb, niveau C).

Le bénéfice de l’héparine à dose curative par rapport aux antiplaquettaires en prévention de la


progression ou de la récidive précoce chez des patients ayant un infarctus cérébral ou des AIT
répétitifs liés à une sténose carotide n’a pas été spécifiquement évalué [28].

Statines
Plusieurs études ont rapporté une réduction du risque d’AVC ou décès à J30 chez les patients
recevant un traitement par statines débuté avant l’intervention de revascularisation par chirurgie
ou stenting [28]. Il est recommandé de débuter un traitement par statines avant une endarté-
riectomie ou un stenting carotide, et qu’un traitement par statines ne soit pas stoppé pendant
la période périopératoire (classe I, niveau B) [28].

310 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

Resténose carotide
Les resténoses carotides liées à une hyperplasie intimale surviennent habituellement 3-6 mois après
l’intervention. Les sténoses constatées dans les 4 à 6 semaines après une endartérectomie corres-
pondent généralement à des lésions athéroscléreuses résiduelles. Les resténoses se développant
au-delà de 24 mois correspondent aussi à une récidive des lésions athéroscléreuses. Les facteurs
de risque de resténose sont le tabac, le sexe féminin, le diabète, une carotide de petit diamètre,
une sténose résiduelle et une fermeture directe de l’endartérectomie. Une méta-analyse portant
sur 11 essais randomisés a montré un taux de resténose supérieur à 70 % ou d’occlusion carotide
après endartérectomie ou stenting de 5,8 % sur une période moyenne de 48 mois [40]. Les taux
de resténose sont similaires que le patient ait été traité par chirurgie ou stenting [29]. Le lien entre
resténose et récidive d’infarctus cérébral est débattu. Une étude récente suggère que le risque de
récidive sur resténose serait plus élevé après chirurgie (5,2 % sur une période de 37 mois) qu’après
stenting (0,8 % sur une période de 50 mois). Dans les deux cas, la grande majorité des récidives
d’AVC homolatéral est survenue chez des patients n’ayant pas de resténose [40].

Le bénéfice d’un dépistage systématique d’une sténose asymptomatique est probablement trop
faible pour être recommandé. Une réintervention pourraît être envisagée chez un patient ayant
une resténose asymptomatique de 70-99 % postendartérectomie, après discussion multi-
disciplinaire (classe IIb, niveau B). Un traitement médical est recommandé chez un patient ayant
une resténose asymptomatique de 70-99 % post-stenting (classe I, niveau A). Une surveillance
à la recherche d’une sténose asymptomatique > 70 % est recommandée chez les patients ayant
présenté une mauvaise tolérance au clampage ou à l’inflation du ballonnet lors de l’intervention
initiale, car ces patients seraient plus à risque de développer un infarctus en cas d’occlusion
carotide (classe I, niveau C) [28].

Sténose carotide et chirurgie majeure


Pontage aorto-coronaire
Les pontages aorto-coronaires (PAC) se compliquent d’un AVC dans 1 à 2 % des cas. Près de
10 % des patients traités par PAC ont une sténose carotide > 50 %. Les patients traités par PAC
et porteurs d’une sténose > 50 % ou d’une occlusion carotide ont un risque d’AVC postopératoire
de 7 %, augmentant à 11 % en cas d’occlusion carotide. Si l’on exclut les patients ayant une
sténose carotide symptomatique (qui sont à haut risque de récidive d’infarctus cérébral) et ceux
ayant une occlusion carotide (qui ne peuvent être revascularisés), le risque d’AVC est ^ 2 % en
cas de sténose carotide asymptomatique unilatérale de 50-99 %. En cas de sténose carotide
bilatérale, le risque d’AVC est de 6,5 %, et celui d’AVC ou de décès de 9,1 %. Jusqu’à 95 % des
AVC compliquant un PAC ne peuvent être attribués à une sténose carotide. Ils relèvent le plus
souvent d’une autre cause, notamment d’un athérome de la crosse aortique. Les facteurs de
risque d’AVC post-PAC sont l’âge du patient, un antécédent d’AIT/AVC, une sténose carotide,
des antécédents d’artériopathie des membres inférieurs, un angor instable, une CEC prolongée
et une FA postopératoire. Les facteurs associés à la découverte d’une sténose carotide sont l’âge,
un souffle carotide, des antécédents d’AIT/AVC et une sténose du tronc commun [28, 41].

Compte tenu du faible risque d’AVC post-PAC, de la diversité des causes d’AVC et de l’absence
de relation causale claire avec une sténose carotide, un dépistage systématique d’une sténose
carotide n’est pas recommandé (classe III, niveau C). Un dépistage devrait être envisagé chez les

/ 311
Partie 3 – Prévention

patients de plus de 70 ans en cas d’antécédent d’AIT/AVC, de souffle carotide ou de sténose du


tronc commun pour informer au mieux les patients des risques d’AVC post-PAC en cas de sténose
carotide (classe IIa, niveau C).

Une intervention carotide (plutôt par chirurgie que par stenting) synchrone ou décalée dans le
temps devrait être considérée chez les patients ayant une sténose carotide de 50 à 99 % et un
antécédent d’AIT/AVC dans les 6 mois précédents (classe IIa, niveau B).

Une intervention carotide synchrone ou décalée n’est pas recommandée chez les patients ayant
une sténose carotide asymptomatique unilatérale de 70 à 99 % (classe III, niveau B), mais pour-
rait être envisagée chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique bilatérale de
70 à 99 % ou une sténose asymptomatique de 70 à 99 % et une occlusion controlatérale
(classe IIb, niveau C). Le choix entre chirurgie ou stenting carotide repose sur plusieurs facteurs
comme l’urgence de la chirurgie coronaire, la stratégie antiplaquettaire pendant le PAC, les
caractéristiques du patient et l’expertise locale.

Chirurgie non cardiaque


Le risque d’AVC périopératoire est globalement < 1 %. Les principaux facteurs de risque sont
l’âge avancé et des antécédents d’AVC/AIT [28]. Un screening systématique avant une chirurgie
programmée non cardiaque à la recherche d’une sténose carotide asymptomatique n’est pas
recommandé (classe III, niveau B). Chez les patients ayant une sténose carotide asymptomatique,
une revascularisation carotide prophylactique par chirurgie ou stenting n’est pas recommandée
avant une chirurgie majeure non cardiaque et non vasculaire (classe III, niveau B). En cas d’anté-
cédent d’AVC ou d’AIT lié à une sténose carotide 50-99 % dans les 6 mois précédents, la revas-
cularisation carotide devrait être réalisée avant la chirurgie programmée non cardiaque (classe I,
niveau A). Le traitement antiplaquettaire et par statines devrait, si possible, être maintenu en
cas de chirurgie non vasculaire chez des patients ayant une sténose carotide asymptomatique
(classe III, niveau B).

Sténose de l’artère carotide primitive ou du TABC


L’histoire naturelle de ces sténoses est mal connue. La revascularisation n’est pas recommandée
chez les patients asymptomatiques (classe III, niveau C). Chez un patient symptomatique, la
plupart des sténoses proximales de l’artère carotide commune et celles du tronc artériel bra-
chio-céphalique devraient être traités par angioplastie et stenting par voie rétrograde (classe IIa,
niveau C) [28].

Environ 1 infarctus cérébral sur 5 concerne le territoire vertébro-basilaire. L’athérosclérose des


artères vertébrales et du tronc basilaire rend compte de 20-25 % des infarctus vertébro-basilaires
[28]. Les sténoses siègent préférentiellement à l’origine des artères vertébrales, sur les segments
distaux des artères vertébrales et le tronc basilaire. Les sténoses intracrâniennes sont plus fré-
quentes chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne et d’Asie de l’Est. Les infarctus
cérébraux sont d’origine thromboembolique beaucoup plus souvent qu’hémodynamique [28].

312 /
Sténoses carotides et vertébrales extracrâniennes

Le risque de récidive d’infarctus cérébral vertébro-basilaire est plus élevé qu’on ne le pensait
auparavant. Il serait de 16 % à 3 mois en cas de sténose vertébrale extracrânienne et de 33 %
à 3 mois en cas de sténose vertébrale intracrânienne ou de sténose du tronc basilaire [42].

Un traitement médical est recommandé en cas de sténose vertébrale asymptomatique ou symp-


tomatique. La place de la revascularisation vertébrale dans la prévention des récidives reste
cependant mal définie.

Chirurgie
Aucun essai clinique randomisé n’a évalué le bénéfice des différentes techniques de revascula-
risation chirurgicale des sténoses vertébrales proximales ou distales. Les études non contrôlées
font état de taux de complications de 0 à 25 %, avec des taux de mortalité périopératoires de
0 à 4 % ; la mortalité atteignant 2 à 8 % pour les interventions artérielles distales [28].

Stenting
Quelques essais thérapeutiques ont comparé le stenting au traitement médical optimal seul.
L’étude VAST [43] est une étude de phase II qui a porté sur 115 patients ayant eu un AIT ou un
infarctus mineur en rapport avec une sténose vertébrale extra- ou intracrânienne d’au moins
50 %. Le critère de jugement principal était la survenue d’un AVC, d’un décès vasculaire, ou d’un
infarctus du myocarde dans les 30 jours du traitement. Le critère de jugement principal est
survenu chez 3 des 57 patients randomisés dans le groupe stenting (5 %, IC95 % : 0 à 11 %) et
chez 1 des 58 patients randomisés dans le groupe médical (2 %, 0-5). Pendant un suivi médian
de 3 ans, 7 patients du groupe stenting (12 %, IC95 % : 6-24) et 4 (7 %, 2-17) du groupe médical
ont eu un AVC dans le territoire de l’artère vertébrale symptomatique, 11 (19 %) patients du
groupe stenting et 10 (17 %) du groupe médical ont eu un AVC, un infarctus du myocarde ou
un décès vasculaire. Dans cet essai, le stenting d’une sténose symptomatique de l’artère verté-
brale était associé à un risque de complications vasculaires majeures chez 1 patient sur 20, alors
que le risque de récidive sous traitement médical seul était faible.
L’étude VIST [44] a comparé l’angioplastie stenting au traitement médical seul chez 182 patients
ayant une sténose vertébral symptomatique 6 50 % intra- ou extracrânienne. Chez 3 patients,
le suivi n’était pas disponible, laissant 91 patients randomisés dans le groupe stenting (dont seuls
61 ont été stentés) et 88 dans le groupe médical seul. Parmi les 61 patients stentés, 48 (78,7 %)
avaient une sténose extracrânienne et 13 (21,3 %) une sténose intracrânienne. Il n’y a pas eu
de complications avec le stenting extracrânien ; 2 AVC sont survenus pendant le stenting intra-
crânien. Pendant un suivi de 3,5 ans, un AVC fatal ou non (critère de jugement principal) est
survenu chez 5 patients dans le groupe stenting versus 12 dans le groupe médical (hazard ratio
0,40, IC95 % : 0,14-1,13 ; p = 0,08). Cette étude qui a été arrêté prématurément suggère que le
stenting des sténoses vertébrales extracrâniennes comporte un faible risque de complications ;
elle ne montre pas de réduction significative du risque de récidive, mais elle manquait de pré-
cision pour exclure un bénéfice du stenting.

Dans l’attente de nouvelles données provenant d’études randomisées, le stenting peut être envi-
sagé chez des patients ayant des AVC vertébro-basilaires récidivants malgré un traitement
médical optimal et une sténose 6 50 % de l’artère vertébrale extracrânienne (classe IIb, niveau B)
[25, 28].

/ 313
Partie 3 – Prévention

La chirurgie associée à un traitement médical de prévention vasculaire reste le traitement de


référence des sténoses carotides symptomatiques, en particulier chez les patients âgés de plus
de 70 ans. Le stenting carotide semble constituer une option raisonnable avant 70 ans et en cas
de contre-indication à la chirurgie. De nouveaux essais thérapeutiques sont en cours pour évaluer
le bénéfice de la revascularisation des sténoses carotides asymptomatiques, comparativement à
un traitement médical moderne de prévention vasculaire. En attendant les résultats de ces essais,
la décision d’une revascularisation carotide asymptomatique ne semble devoir être envisagée
que chez des patients ayant des caractéristiques cliniques et en imagerie associés à un risque
plus élevé que la moyenne d’infarctus cérébral homolatéral, et une espérance de vie permettant
d’envisager un réel bénéfice du traitement. L’évaluation du stenting des sténoses des artères
vertébrales extracrâniennes est en cours.

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/ 315
23

La proportion d’infarctus cérébraux (IC) liés à l’athérosclérose intracrânienne varie selon l’ethnie :
élevée chez les Asiatiques, elle est relativement faible chez les Caucasiens. La prévalence des
lésions d’athérosclérose intracrânienne est cependant sous-estimée lorsque l’imagerie vasculaire
est limitée à une angiographie. L’utilisation de l’IRM haute résolution permet de reconnaître les
plaques non sténosantes et de préciser les mécanismes des IC qu’elles ont provoqués. Les patients
porteurs de lésions d’athérosclérose intracrânienne symptomatiques sont exposés à un haut
risque de nouvel accident vasculaire cérébral (AVC) mais aussi d’accidents cardiovasculaires. La
prévention secondaire repose avant tout sur un traitement médical associant antiagrégants pla-
quettaires et prise en charge rigoureuse des facteurs de risque. L’efficacité du traitement endo-
vasculaire n’est pas établie.

La prévalence des lésions d’athérosclérose intracrânienne est fortement corrélée à l’âge. Rares
avant 40 ans, ces lésions sont fréquentes chez les sujets âgés de plus de 80 ans [1]. L’athéro-
sclérose intracrânienne apparaît et se développe à un âge plus avancé que l’athérosclérose des
artères cervicales [2]. Il existe des différences importantes selon l’ethnie, la prévalence étant plus
élevée chez les Asiatiques et, dans une moindre mesure, chez les Afro-Américains que chez les
Caucasiens [3-5].

Dans les séries autopsiques, les principaux facteurs associés à l’athérosclérose intracrânienne
sont l’âge, le diabète et, dans une étude chinoise, l’hypertension artérielle [3, 6, 7]. Les études
de population utilisant le Doppler transcrânien ou l’angio-IRM (ARM) donnent des résultats

/ 317
Partie 3 – Prévention

comparables. Les facteurs associés à la présence d’une sténose intracrânienne sont, dans les
études de populations occidentales, l’âge, le diabète et le syndrome métabolique, et, dans les
études réalisées en Asie, l’âge, le diabète et l’hypertension artérielle [8-12].

Selon une série autopsique hollandaise récente, les plus fréquentes localisations des plaques
d’athérosclérose sont, par ordre décroissant, la carotide interne, le tronc basilaire, l’artère ver-
tébrale, l’artère cérébrale postérieure et l’artère cérébrale moyenne. L’artère cérébrale antérieure,
les artères communicantes et les artères cérébelleuses sont moins touchées [7].

La proportion d’IC attribués à l’athérosclérose intracrânienne varie selon l’ethnie. Elle est faible
dans les populations occidentales, élevée dans les populations orientales. Dans une série d’autop-
sies française incluant 339 sujets décédés à la suite d’un AVC (259 IC, 80 hémorragies cérébrales),
une lésion d’athérosclérose intracrânienne a été décelée dans 62,2 % des cas d’IC et dans 48,8 %
des cas d’hémorragie cérébrale. Cependant, la lésion d’athérosclérose intracrânienne n’a été jugée
responsable de l’IC (plaque ulcérée ou thrombus sur plaque) que dans 15 cas sur 259 (5,7 %)
[6]. L’étude chinoise multicentrique CICAS a concerné des patients hospitalisés à la suite d’un
IC et explorés par ARM. Après exclusion de 325 patients porteurs d’une cardiopathie emboligène,
2 864 dossiers ont été analysés. Une sténose artérielle 6 50 % était présente dans 51,5 % des
cas et il s’agissait principalement de sténoses intracrâniennes [13].

Les mécanismes des IC liés à athérosclérose intracrânienne sont multiples. Le plus fréquent est
l’embolie d’artère à artère, suivi de l’occlusion de l’ostium d’une branche par la plaque, et de
l’occlusion thrombotique in situ. Un mécanisme hémodynamique, par diminution de la pression
de perfusion en aval de la sténose, est rarement en cause [14]. L’IRM haute résolution, qui permet
d’identifier les plaques non sténosantes, montre que la fréquence des IC par occlusion de l’ostium
d’une branche est sous-estimée lorsque le diagnostic ne repose que sur l’ARM [15].

La technique de référence pour le diagnostic des sténoses artérielles intracrâniennes est l’arté-
riographie cérébrale. Celle-ci n’est cependant plus guère utilisée dans ce but en raison des progrès
de l’imagerie non invasive.

Doppler et écho-doppler transcrânien


L’écho-doppler transcrânien (EDTC) est nettement plus performant que le doppler transcrânien
(DTC) pour le diagnostic de sténose artérielle intracrânienne, en raison de la visualisation du
trajet de l’artère à l’EDTC et de la correction qui peut être appliquée pour obtenir un alignement
de l’axe de tir des ultrasons avec le trajet de l’artère examinée. L’EDTC permet l’examen du
polygone de Willis et des artères cérébrales dans leurs deux premiers segments.

Le diagnostic repose exclusivement sur des critères hémodynamiques au DTC comme à l’EDTC.
En effet, le luminogramme en EDTC est une modélisation du flux en couleur. Le diamètre artériel
ne peut être mesuré, les parois de l’artère n’étant pas visibles en mode B. Une sténose 6 50 %
doit être évoquée lorsqu’une accélération focale associée à des anomalies spectrales avec une
déviation de l’énergie du spectre vers les basses fréquences est détectée sur un segment artériel
linéaire (Figure 1). L’opérateur doit tenir compte dans l’interprétation des résultats de la présence

318 /
Athérosclérose intracrânienne

d’une sténose serrée ou d’une occlusion extracrânienne d’amont qui peuvent se traduire par une
diminution des vitesses circulatoires d’aval et la sous-estimation d’une sténose intracrânienne.

FIGURE 1 Écho-doppler transcrânien (a) et ARM (b) : sténose serrée du tronc de l’artère cérébrale
moyenne.

TABLEAU I ▼Valeurs seuils du pic de vitesse systolique en cm/s pour le diagnostic des sténoses
intracrâniennes à l’écho-doppler transcrânien [16].
Sténose < 50 % Sténose 6 50 %

Artère cérébrale antérieure 6 120 6 155

Artère cérébrale moyenne 6 155 6 220

Artère cérébrale postérieure 6 100 6 145

Tronc basilaire 6 100 6 140

Artère vertébrale 6 100 6 120

Baumgartner et al. ont comparé, chez 310 patients, la performance l’EDTC à celles de l’artério-
graphie dans le diagnostic des sténoses 6 50 % ou < 50 %. Pour les sténoses 6 50 % la sen-
sibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive des seuils de vitesses sélectionnés étaient
de 100 % et la valeur prédictive négative était comprise entre 91 et 100 % selon les artères [16].
Les valeurs seuils de pic de vitesse systolique pour les différentes artères cérébrales sont indi-
quées dans le Tableau I. Ces seuils ont permis de détecter les patients qui ont récidivé après un
AIT lié à une lésion intracrânienne sténo-occlusive, avec une concordance parfaite entre l’EDTC
et l’ARM [17]. L’étude prospective multicentrique SONIA a montré de moins bonnes perfor-
mances du DTC pour le diagnostic de sténose 6 50 % (valeur prédictive positive 55 %, valeur
prédictive négative 83 %) [18].

Les principales limites de l’EDTC sont l’absence de fenêtre acoustique temporale dans 10 % des
cas et l’impossibilité de quantifier les sténoses sur certains segments artériels (carotide intra-
crânienne et partie supérieure du tronc basilaire).

/ 319
Partie 3 – Prévention

Angio-IRM et angioscanner
L’ARM et l’angioscanner sont utilisés en pratique courante et dans le cadre d’essais cliniques
pour la détection, la quantification et le suivi des sténoses intracrâniennes. Le risque associé à
une sténose repose principalement sur le degré de la sténose artérielle comme l’ont montré les
études Warfarin-Aspirin Symptomatic Intracranial Disease (WASID) et Groupe d’Étude des Sté-
noses Intra-Crâniennes Athéromateuses symptomatiques (GESICA) [19, 20]. L’étude WASID a
cependant montré un risque de récidive annuel d’environ 10 % dans le cas de sténoses modérées,
comprises entre 50 % et 69 % [19]. Au-delà du degré de sténose, certaines études ont montré
l’importance du degré de collatéralité, du retentissement et de la réserve hémodynamiques dans
l’évaluation du risque d’une sténose intracrânienne [21-23]. D’autres critères comme la morpho-
logie et la composition de la lésion athéroscléreuse permettraient de mieux caractériser les
lésions instables [24]. L’imagerie de la sténose intracrânienne s’élargit ainsi progressivement vers
une imagerie de la lésion d’athérosclérose intracrânienne afin d’en stratifier le risque et d’établir
une stratégie thérapeutique optimale.
L’ARM en temps de vol (TOF) apporte une information hémodynamique. La résolution spatiale
standard à 1,5 T et 3 T est de l’ordre de 0,9 mm3 permettant de visualiser les artères proximales
jusqu’aux 3es branches de division. L’ARM 3D TOF en haute-résolution (0,1 mm3) à 3 T permet
de visualiser des artères de plus petit calibre comme les artères lenticulo-striées au prix de temps
d’acquisition plus longs.

L’utilisation de gadolinium en ARM permet d’acquérir un volume artériel plus large et de s’affran-
chir en partie des artéfacts de flux. Aucune étude n’a encore comparé les performances diagnos-
tiques de l’ARM 3D TOF à celles de l’ARM avec gadolinium dans l’évaluation des sténoses
intracrâniennes.

L’angioscanner des artères cérébrales est moins sensible aux flux lents et aux mouvements ; sa
résolution spatiale est d’environ 0,5 mm3. Cette technique permet la détection des plaques cal-
cifiées qui peuvent a contrario limiter la quantification des sténoses, à l’instar des structures
osseuses de la base du crâne au niveau des segments intrapétreux et intracaverneux de la carotide.

L’étude SONIA, prospective, multicentrique et standardisée, réalisée chez 407 patients, a rap-
porté la faible performance diagnostique de l’ARM dans la détection des sténoses intracrâniennes
de 50 à 99 %, avec une valeur prédictive positive de 66 % et une valeur prédictive négative de
87 % [18]. Dans cette étude, la mesure du degré de sténose était calculée à partir du diamètre
de sténose maximale rapporté au diamètre normal proximal de l’artère selon la formule :
(1-diamètre sténose maximale/diamètre normal) × 100 [25].

L’imagerie de la paroi artérielle haute résolution est une technique relativement récente per-
mettant de visualiser directement les lésions d’athérosclérose intracrânienne [26, 27]. Les études
post-mortem et les rares études de corrélation anatomopathologiques montrent la potentialité
de cette technique pour identifier et caractériser les lésions d’athérosclérose intracrânienne [28,
29]. Dans les IC de cause inconnue, l’imagerie de paroi permettrait d’identifier des lésions athé-
roscléreuses non détectables en angiographie, suggérant un mécanisme de remodelage artériel,
comme pour les plaques coronariennes ou carotides (Figure 2) [30].

320 /
Athérosclérose intracrânienne

FIGURE 2 Lésion excentrée athéroscléreuse ou athérothrombotique du tronc basilaire en imagerie


de paroi HR en pondération T2 (flèches noires) sans sténose en ARM.

Le degré de sténose est probablement insuffisant dans l’évaluation du risque emboligène et


hémodynamique de l’athérosclérose intracrânienne. Bien que de larges études prospectives res-
tent nécessaires, l’imagerie de paroi pourrait détecter des marqueurs de plaque vulnérable comme
l’hémorragie intraplaque ou la présence d’un cœur nécrotico-lipidique [31, 32].

Le retentissement hémodynamique d’une sténose comme un faible réseau collatéral était un


facteur de risque de récidive ischémique dans les études WASID et GESICA [19, 21]. Les récents
développements de l’imagerie de perfusion par Arterial Spin Labelling (ASL) permettent d’acquérir
des cartographies sélectives du flux cérébral par artère et de quantifier le flux collatéral [33].
Au-delà du retentissement hémodynamique, la défaillance de la réserve vasculaire et des méca-
nismes d’autorégulation cérébrale serait prédictive de complication ischémique. L’évaluation de
la réserve vasculaire cérébrale peut s’effectuer par des séquences d’IRM de perfusion au repos
et sous stimulation vasodilatatrice. En cas d’épuisement des capacités de réserve vasculaire, le
débit sanguin cérébral chute malgré une augmentation attendue du volume sanguin cérébral et
de la fraction d’extraction d’oxygène [34]. Deux techniques d’IRM de perfusion sont actuellement
utilisées. L’IRM de perfusion de premier passage avec injection de chélates de gadolinium et l’ASL
sans injection d’agent de contraste. La vasodilatation artérielle peut être obtenue à l’aide de
l’acétazolamide. D’autres techniques d’étude de la vasoréactivité cérébrale sont utilisées comme
l’IRM BOLD avec inhalation de CO2 (BOLD carbogen) [35]. Plus récemment des techniques non
invasives en angioscanner et en ARM de mesure de la fraction de flux de réserve inspirées de la
cardiologie ont été proposées pour l’évaluation de l’impact hémodynamique et de la réserve
associée [36].

Le traitement médical de l’athérosclérose intracrânienne vise d’une part à prévenir les compli-
cations thrombotiques et d’autre part à éviter la progression de la sténose par le contrôle des
facteurs de risque de l’athérosclérose.

Le traitement anticoagulant n’a pas montré d’efficacité supérieure à celle de l’aspirine. L’essai
randomisé WASID a comparé la warfarine (INR cible 2 à 3) à l’aspirine (1 300 mg par jour) chez
des patients qui avaient présenté un AIT ou un IC lié à une sténose intracrânienne comprise

/ 321
Partie 3 – Prévention

entre 50 et 99 % dans les 90 jours précédents. L’essai a été interrompu prématurément, après
inclusion de 569 patients, en raison d’un excès de mortalité, d’hémorragie majeure et d’infarctus
du myocarde chez les patients traités par warfarine. L’incidence des IC dans le territoire de
l’artère symptomatique après un suivi moyen de 1,8 ans était de 15,0 % dans le groupe aspirine
et de 12,1 % dans le groupe warfarine (p = 0,31) [19].

L’essai randomisé FISS-tris a comparé l’efficacité d’une héparine de bas poids moléculaire à celle
de l’aspirine chez des patients asiatiques qui présentaient un IC lié à une sténose athéroscléreuse
(intracrânienne dans 98 % des cas) et évoluant depuis moins de 48 h. Le traitement a consisté
en nadroparine (0,4 mL deux fois par jour) pendant 10 jours puis aspirine 80 à 300 mg par jour,
ou aspirine 160 mg par jour pendant 10 jours puis aspirine 80 à 300 mg par jour. Cet essai n’a
pas montré de différence significative entre les deux groupes de randomisation en termes d’indé-
pendance fonctionnelle à 6 mois [37].

L’étude Stenting and Aggressive Medical Therapy for Preventing Recurrent Stroke in Intracranial
Stenosis (SAMMPRIS) avait pour objectif de comparer traitement médical et traitement
médical plus traitement endovasculaire chez des patients porteurs d’une sténose intracrâ-
nienne symptomatique comprise entre 70 et 99 %. L’incidence des AVC dans le groupe
médical était près de deux fois inférieure à celle attendue d’après les résultats de WASID.
Cette différence est interprétée comme la conséquence d’une prise en charge médicale plus
rigoureuse dans SAMMPRIS. Les patients inclus dans WASID étaient traités par aspirine ou
warfarine, et le reste de la prise en charge médicale était déterminé par chaque médecin
investigateur. Dans SAMMPRIS, le traitement médical était prédéfini et associait de l’aspirine
(325 mg par jour) pendant toute la période de suivi et combinée au clopidogrel (75 mg par
jour) pendant les 90 premiers jours, la prise en charge des facteurs de risque vasculaire visant
une pression artérielle systolique inférieure à 140 mmHg (130 mmHg pour les patients dia-
bétiques) et un LDL cholestérol inférieur à 0,7g/L, le traitement du diabète, la prise en charge
du tabagisme, du surpoids et de la sédentarité à l’aide d’un programme de modification du
style de vie supervisé par un éducateur [38].

Un cas particulier concerne les sténoses dont les symptômes répondent à un mécanisme hémo-
dynamique (à la mise en orthostatisme, à l’effort ou lors de la majoration d’un traitement
antihypertenseur). Ces sténoses nécessitent de moduler le traitement antihypertenseur [20].

L’essor du traitement endovasculaire des sténoses intracrâniennes s’est produit en raison du


risque élevé de récidive d’IC sous traitement antithrombotique. Dans les années 2000, la litté-
rature sur les sténoses intracrâniennes symptomatiques supérieures à 70 % faisait état de taux
de récidive d’AVC de 22 % à 1 an [39-41]. C’est dans cette population de patients à plus haut
risque de récidive que le traitement endovasculaire a été évalué dans une première étude ran-
domisée, l’étude SAMMPRIS [38]. Les patients étaient randomisés dans le bras « traitement
médical seul » ou le bras « traitement médical associé à un traitement endovasculaire ». Sur un
plan technique, l’approche endovasculaire utilise une angioplastie seule, ou en association à
l’implantation de stents auto-expansibles ou sertis sur ballon. Dans le cas de l’étude SAMMPRIS,
il s’agissait d’une angioplastie au ballonnet suivie de l’implantation d’un stent auto-expansible
Wingspan (stent à mémoire de forme atteignant son calibre lors du retrait de sa gaine sans
nécessité de gonfler un ballonnet calibré).

322 /
Athérosclérose intracrânienne

Le taux d’AVC et de décès à 30 jours (critère de jugement principal) était de 14,7 % dans le bras
endovasculaire et de 5,8 % dans le bras traitement médical seul. Il convient de noter que le taux
d’AVC/AIT à 30 jours dans le bras médical était près de 50 % inférieur à celui rapporté dans
l’étude WASID, alors que le taux d’AVC/AIT dans le groupe stenting était le double de ceux
observés dans des registres antérieurement publiés [19, 42]. Plus de 30 % des complications dans
le bras endovasculaire étaient des hémorragies cérébrales symptomatiques, alors qu’il n’y en
avait aucune dans le bras médical. Trois quarts des complications du bras endovasculaire sont
survenues dans les 24 h suivant la procédure. Les hypothèses retenues pour ce surcroît d’hémor-
ragies cérébrales étaient les plaies artérielles lors du cathétérisme et le syndrome de reperfusion
(lié à la revascularisation de territoires en aval de sténoses serrées et dont la microcirculation a
perdu ses capacités de vasoréactivité pour s’adapter à un débit sanguin plus important après
l’intervention). Le taux de complications était similaire dans les centres peu actifs et dans les
centres expérimentés incluant un grand nombre de patients. Au-delà des 30 jours suivant l’inter-
vention, le taux d’IC non fatal dans le territoire de l’artère sténosée était équivalent dans les
deux groupes.

Les résultats de l’étude SAMMPRIS ont montré un taux de complications périprocédurales plus
élevé qu’attendu. En effet, les registres sur le stent Wingspan ont rapporté des taux de compli-
cations entre 4,4 % et 9,6 % [41, 42]. Au-delà des limites méthodologiques inhérentes aux
registres, les patients inclus dans les registres avaient des sténoses intracrâniennes entre 50 et
99 % et des symptômes survenus plus de 30 jours avant la réalisation du geste endovasculaire.
Lorsque les interventions endovasculaires sont réalisées dans les premiers jours suivants l’AVC
ou l’AIT, les complications peuvent toucher jusqu’à 50 % des patients [43]. Dans l’étude
SAMMPRIS, le délai médian d’inclusion après la survenue de l’événement clinique était de 7 jours ;
les patients étaient donc traités plus précocement que dans les registres [38].

Le niveau de risque de la procédure dépend aussi de la topographie de la sténose. Le traitement


des sténoses du tronc basilaire serait plus risqué que celui des sténoses des vertébrales intra-
crâniennes [44]. Certains segments artériels comme le tronc basilaire ou l’artère cérébrale
moyenne proximale donnent des artères perforantes qui peuvent être occluses lors de la pro-
cédure endovasculaire. Les sténoses intracrâniennes siégeant sur des segments artériels libres de
toute artère perforante et responsables de lésions ischémiques dans le territoire d’aval sont
certainement des situations à moindre risque de complications périprocédurales.

Une deuxième étude, Vitesse Stent Ischemic Therapy (VISSIT), évaluant l’angioplastie-stenting avec
des stents sertis sur ballon (stents déployés à l’aide de ballonnet d’angioplastie calibré) a été arrêtée
suite à l’arrêt de SAMMPRIS et après l’inclusion de 112 patients sur 250 prévus. Le critère de
jugement principal (IC ou AIT à 1 an) était plus fréquent dans le bras traitement endovasculaire que
dans le bras médical, respectivement 36,2 % et 15,1 %. La fréquence du critère de jugement de
tolérance (AVC, décès à 30 jours) était de 24,1 % dans le bras endovasculaire et de 9,4 % dans le
bras médical. Comme dans SAMMPRIS, seuls les patients traités par voie endovasculaire ont eu des
hémorragies intracrâniennes à 30 jours, avec un taux de 8,6 % [45].

Quel que soit le type de dispositif implantable utilisé, la procédure endovasculaire apparaît donc
délétère dans cette population. Actuellement, le traitement endovasculaire des sténoses intra-
crâniennes n’est pas recommandé en dehors d’études randomisées. Il n’est envisagé en pratique
clinique que dans des situations réfractaires au traitement médical maximal. Des sténoses avec
retentissement hémodynamique pourraient par exemple représenter des indications particulières
du traitement endovasculaire, mais cela demande encore à être démontré.

/ 323
Partie 3 – Prévention

Un essai randomisé de revascularisation chirurgicale par anastomose entre l’artère temporale


superficielle et l’artère cérébrale moyenne incluant 1 377 patients suivis pendant 55,8 mois a
montré une plus grande incidence d’AVC dans le groupe chirurgical [46]. L’efficacité des tech-
niques de revascularisation chirurgicale indirecte (par encéphalo-duro-artério-synangiose ou par
trous de trépan multiples) n’a pas été évaluée.

L’athérosclérose intracrânienne symptomatique est associée à un risque élevé de récidive d’AVC,


avec un taux pouvant atteindre plus de 20 % à 1 an [39-41], alors que le risque associé à des
lésions d’athérosclérose intracrânienne asymptomatiques n’est que de 1 à 2 % par an [47]. Les
récidives surviennent précocement, après un délai médian de 2 mois [20]. Le risque de récidive
est plus élevé en cas de sténose serrée, entre 70 et 99 %, et si les circonstances de survenue
des symptômes évoquent un mécanisme hémodynamique (symptômes à l’effort, au changement
de position, à l’introduction/majoration d’un traitement antihypertenseur) [20].

L’athérosclérose intracrânienne semble être un marqueur de diffusion de la maladie athéroma-


teuse. D’après les données d’autopsies de patients décédés d’un AVC, les antécédents d’infarctus
du myocarde sont associés significativement à l’athérosclérose intracrânienne [5]. Dans l’étude
française GESICA, plus de 30 % des patients inclus dans l’étude avaient une coronaropathie
associée et près de 20 % des patients ont eu un syndrome coronaire aigu ou une artériopathie
oblitérante des membres inférieurs symptomatique dans un délai de 20 mois [20]. D’autres
équipes ont montré que plus de 50 % des patients porteurs de sténoses intracrâniennes symp-
tomatiques sans maladie coronaire déclarée avaient des défauts de perfusion à la scintigraphie
myocardique [48]. Les patients ayant des lésions d’athérosclérose intracrânienne symptomatique
sont ainsi à haut risque vasculaire cérébral à court terme et cardiaque à moyen terme.

Les patients porteurs de lésions d’athérosclérose intracrânienne symptomatiques sont exposés


à un haut risque de nouvel accident cardiovasculaire, AVC ou infarctus du myocarde. La préven-
tion secondaire repose sur des mesures médicales énergiques : traitement antiagrégant plaquet-
taire, initialement combiné, traitement par une statine en visant un LDL-cholestérol < 0,7 g/L,
traitement de l’hypertension artérielle et du diabète, arrêt du tabagisme, mesures hygiéno-
diététiques. L’efficacité du traitement endovasculaire n’est pas établie. Les progrès de l’imagerie
neurovasculaire permettent l’analyse individuelle des mécanismes athérothrombotiques ou
hémodynamiques de l’AVC et pourraient conduire à l’identification d’un sous-groupe de patients
à très haut risque de récidive malgré le traitement médical.

324 /
Athérosclérose intracrânienne

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326 /
24

Les maladies des petites artères cérébrales sont extrêmement fréquentes [1]. Elles seraient res-
ponsables d’un quart des accidents ischémiques cérébraux (AIC) et de plus de deux tiers des
hémorragies intracérébrales. Leur spectre clinique ne se limite par ailleurs pas à la survenue
d’AVC, elles sont aussi responsables de troubles de la marche ou de l’équilibre, de troubles
moteurs, de dépression et de déclin cognitif pouvant conduire jusqu’à une démence et un état
grabataire dans leurs formes extrêmes [2, 3].

Malgré leur grande fréquence, les études de prévention dans le cadre des maladies des petites
artères cérébrales sont encore aujourd’hui peu nombreuses pour plusieurs raisons. Ces affections
évoluant le plus souvent très lentement, les essais préventifs dans ce cadre doivent être réalisés
sur de très longues durées, souvent incompatibles avec l’intérêt économique des laboratoires
pharmaceutiques. Les maladies sous-jacentes sont hétérogènes, expliquant l’évolution et les ris-
ques variables observés au cours de ces affections et leur histoire naturelle difficile à préciser.
Leur évolution peut être insidieuse, responsable de modifications minimes de l’état cognitif ou
au plan moteur qui ne sont pas toujours évalués dans le cadre des essais cliniques classiques
après un accident vasculaire cérébrale (AVC). L’imagerie cérébrale permet par ailleurs aujourd’hui
de mieux les caractériser et de mesurer leur progression au niveau du tissu cérébral avant même
que des modifications puissent être observées au plan clinique. L’utilisation de l’imagerie reste
cependant réduite dans les essais en raison de la relative complexité des mesures à mettre en
œuvre et de leur coût.

En imagerie par résonance magnétique cérébrale (IRM), les maladies des petites artères cérébrales
sont responsables, selon les critères STRIVE [4] récemment établis, de petits infarctus récents
sous-corticaux visibles en imagerie de diffusion, de lacunes d’origine présumée vasculaire visibles
en imagerie 3D-T1 ou FLAIR, d’hypersignaux de la substance blanche d’origine vasculaire observée
en T2 ou FLAIR, d’espaces périvasculaires identifiés en 3DT1 ou T2 sur des coupes fines milli-
métriques, de microsaignements cérébraux ou microbleeds observés sur les séquences SWI ou
T2*, d’hémorragie intracérébrale lobaire ou profonde ou encore d’atrophie cérébrale.

/ 327
Partie 3 – Prévention

Dans la grande majorité des essais de prévention, les maladies des petites artères cérébrales
n’ont pas été isolées des autres affections cérébrovasculaires. Notre revue concerne les travaux
réalisés pour prévenir la récidive d’AVC, la survenue du déclin cognitif ou de handicap après un
événement ischémique ou hémorragique en rapport avec une maladie des petites artères céré-
brales. La prévention en présence de marqueurs d’imagerie cérébrale en l’absence de manifes-
tations clinique est envisagée. La prévention dans le cadre des maladies rares ou héréditaires
des petits vaisseaux cérébraux n’est pas abordée.

Prévention à la phase subaiguë (moins de 6 mois)


Traitements antiplaquettaires (Tableau I)
Nous ne disposons actuellement d’aucune étude spécifique concernant la prévention précoce
dans les 6 mois des événements ischémiques ou hémorragiques survenant chez des patients
ayant une maladie des petites artères cérébrales au décours d’un petit infarctus récent sous-
cortical défini selon les critères diagnostiques STRIVE (accident ischémique de type lacunaire ou
AILac).

Un sous-groupe de patients pouvant répondre à ces critères peut être cependant identifié dans
différents essais réalisés après la survenue d’un accident ischémique cérébral récent. Dans les
études IST, CAST, FASTER et PRoFESS, une large proportion des patients inclus avaient eu pro-
bablement un AILac (proportion variant de 29 % à 59 %).

Dans les études IST [5] et CAST [6], comprenant plusieurs milliers de patients, une réduction
significative de la survenue d’un nouvel AVC est observée globalement sous aspirine compara-
tivement au placebo. L’analyse en sous-groupe ne montre par contre aucune différence signifi-
cative entre l’aspirine et le placebo pour les patients ayant eu un AILac à 1 ou 6 mois. Dans
l’étude FASTER, aucun bénéfice significatif n’est observé avec le clopidogrel en plus de l’aspirine
à 3 mois [7]. Dans l’étude PRoFESS comprenant un tiers d’AILac, aucune différence n’est observée
non plus concernant le risque de récurrence à 3 mois d’AVC entre l’aspirine associée au dipyri-
damole et le clopidogrel [8]. L’intérêt du cilostazol associé à l’aspirine n’est pas par ailleurs
démontré dans la petite étude ECLIPse dont l’objectif principal était d’évaluer des modifications
de la pulsatilité artérielle au doppler transcrânien [9].

Nous ne disposons malheureusement d’aucune analyse concernant l’étude CHANCE plus récente
qui comprenait un très large nombre d’AIT ou d’AIC mineur pouvant être en rapport avec un
petit infarctus cérébral, le sous-groupe des AILac n’a pas été analysé de façon spécifique [10].

Dans les études IST et CAST, la différence minime observée concernant le critère combinant la
survenue du décès ou de la dépendance n’atteint pas le seuil de significativité. Dans une des
sous-études de l’étude PRoFESS comparant l’aspirine et le dipyridamole au clopidogrel, aucune
différence n’est observée non plus concernant le score de handicap de Rankin à 3 mois.

328 /
Maladies des petites artères cérébrales

TABLEAU I ▼ Antiplaquettaires en prévention des AVC à la phase subaiguë après un AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

IST 1997 [5] AIC Aspirine vs 19 435 6 mois AVC 2,8 vs 3,9 %
(AILac 24 %) placebo (p < 0,001)

CAST 1997 AIC Aspirine vs 21 106 1 mois AVC 1,6 % vs 2,1 %


[6] (AILac 30 %) placebo (p < 0,01)

FASTER 2007 AVC Aspirine + 392 3 mois AVC 7,1 % vs 10,8 %


[7] mineur/AIT clopidogrel vs (p = 0,19)
(AILac 29 %) aspirine

PRoFESS AIC Aspirine + 1 360 3 mois AVC 6,4 % vs 6,6 %


2008 [8] (AILac 59 %) dipyridamole (p = 0,19)
vs clopidogrel

ECLIPse 2013 AILac Aspirine + 203 3 mois AVC 1,0 %


[9] cilostazol
vs aspirine

Traitements antihypertenseurs (Tableau II)


Dans l’étude SCAST, comparant l’effet du candesartan au placebo administré dans les 7 premiers
jours de l’AVC ischémique ou hémorragique [11], un AILac était rapporté initialement chez 27 %
des patients traités et 31 % des patients sous placebo. Aucune différence n’était observée concer-
nant le risque de décès (DC) d’origine vasculaire, d’AVC, d’infarctus du myocarde (IDM) entre
les deux groupes. Dans une sous-étude de l’essai PRoFESS [12, 13] comprenant plus de la moitié
des patients ayant un AILac, le risque de nouvel AVC à 6 mois n’est pas modifié par l’utilisation
du telmisartan.

TABLEAU II ▼ Antihypertenseurs en prévention des AVC à la phase subaiguë après un AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

SCAST 2011 AIC or ICH Candesartan 2 029 6 mois DC+AVC+IDM OR 1,17


[11] (AILac 29 %) vs placebo (1,00–1,38)

Sous-étude AIC (AILac Telmisartan 1 360 3 mois AVC OR 1,40


PRoFESS [12, 59 %) vs placebo (0,68–2,89)
13]

Traitements par statines (Tableau III)


L’utilisation des statines est aujourd’hui commune après la survenue d’un accident ischémique
cérébral (AIC). Leur intérêt pour réduire immédiatement le risque de récurrence après la survenue
d’un AIC en rapport avec une maladie des petites artères cérébrales reste mal connu. Dans l’étude
FASTER, l’intérêt des statines était testé sur le risque de nouvel AVC dans les 3 mois, un quart
des patients avait eu un AILac. Aucun avantage de la simvastatine n’était observé dans cet essai
interrompu en raison de difficultés importantes de recrutement.

/ 329
Partie 3 – Prévention

TABLEAU III ▼ Statines en prévention des AVC à la phase subaiguë après un AILac.
Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

FASTER 2007 AVC Simvastatine 392 3 mois AVC RR 1,5


[7] mineur/AIT vs placebo (0,8–2,8)
(AILAC 29 %)

Prévention à la phase chronique (plus de 6 mois)


Traitements anticoagulants (Tableau IV)
Dans certaines études, comme dans l’étude SPIRIT, comparant la warfarine avec un objectif d’INR
compris entre 3 et 4,5 à l’aspirine à faible dose, les patients ayant un AILac n’ont pas été
distingués de l’ensemble des patients ayant une pathologie présumée d’origine artérielle. Une
augmentation globale du risque hémorragique est observée après la survenue d’un infarctus
cérébral au cours d’un suivi de 14 mois [14], ce risque est plus que doublé sous warfarine, il est
multiplié par 7,5 en présence de lésions de la substance blanche visibles au scanner cérébral (HR
7,5 ; IC95 % : 3,4–16) en rapport avec une maladie des petites artères cérébrales.

À l’inverse, dans l’étude WARSS [15] et dans l’étude ESPRIT [16], les patients ayant présenté un
AILac ont bien été identifiés mais n’ont pas été analysés séparément. Dans l’étude WARSS
comprenant plus de la moitié des patients ayant une atteinte présumée des petites artères
cérébrales (55 % et 56 % dans les groupes warfarine et aspirine respectivement), la survenue
de nouveaux événements ischémiques ne diffère pas entre le groupe traité par warfarine (INR
entre 1,5 et 3) et le groupe traité par aspirine (325 mg). Dans l’étude ESPRIT, l’analyse du
sous-groupe des AILac ne montre pas non plus de bénéfice de la warfarine comparativement à
l’aspirine sur la survenue d’un décès ou d’un événement vasculaire. L’anticoagulation est res-
ponsable d’une augmentation triple du risque hémorragique.

TABLEAU IV ▼ Anticoagulants en prévention au long cours des AVC après un AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

WARSS AIC Warfarine 2 206 24 mois AVC HR = 1,15


2001 [15] (AILac 56 %) vs aspirine (0,88, 1,52)

ESPRIT 2007 AIC Warfarine 1 068 55 mois A = DC, HR = 0,91


[16] mineur/AIT vs aspirine AVC, IDM, H (0,61–1,37)
(AILac 48 %) B=H HR = 2,97
(1,33–6,64)

Traitements antiplaquettaires (Tableau V)


L’étude des antiplaquettaires suggère une réduction du risque d’AIC au cours des maladies des
petites artères cérébrales. Dans l’étude AICLA, une diminution significative des AVC est observée
dans le groupe des patients ayant un AIC profond de petite taille sous aspirine ou sous aspirine
associé au dipyridamole comparativement au placebo [17]. Cette diminution ne diffère pas, que
l’aspirine soit associée au non au dipyridamole. Une réduction similaire du risque est aussi
observée lorsque le cilostazol est comparé au placebo [18, 19].

Dans les études AASPS [20] et l’étude CSPS-2 [21] comparant respectivement l’aspirine à la
ticlopidine ou au cilostazol, l’analyse du sous-groupe des patients ayant un AILac ne montre pas
de différence entre les traitements antiplaquettaires.

330 /
Maladies des petites artères cérébrales

TABLEAU V ▼ Antiplaquettaires en prévention au long cours des AVC après un AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats

AICLA 1983 AIC Aspirine + 604 36 mois AVC si AILac 7,8 %


[17] (AILac 16 %) dipyridamole initial vs 26 %
vs aspirine (p = 0,017)
vs placebo

CSPS 2000 AIC Cilostazol 1 095 22 mois AVC si AILac RR 0,57


[18, 19] (AILAC 74 %) vs placebo initial (0,33–0,97)

AAASPS 2003 AIC Ticlopidine 1 809 18 mois AVC si AILac 4,2 % vs


[20] (AILAC 68 %) vs aspirine initial 4,2 % (NS)

MATCH 2004 AIC/AIT Aspirine + 7 599 18 mois AVC RR 0,98


[22] (AILac 53 %) clopidogrel (0,84–1,14)
vs clopidogrel

ESPRIT 2006 AVC Aspirine + 2 739 42 mois AIC HR 0,84


[27] mineur/AIT dipyridamole (0,64–1,10)
(AILac 50 %) vs aspirine

PRoFESS AIC Aspirine + 20 332 30 mois AVC HR 1,01


2008 [8] (AILac 52 %) dipyridamole (0,92–1,11)
vs clopidogrel

CSPS-2 2010 AIC Cilostazol 2 757 29 mois AVC si HR 0,75


[21] (AILac 65 %) vs aspirine AICLac initial (0,54–1,04)

PERFORM AIC Terutroban 19 120 28 mois AVC HR 1,01


2011 [23] (AILac 10 %) vs aspirine (0,92–1,12)

SPS3 2012 AILAC Aspirine + 3 020 41 mois AVC HR 0,92


[24] (100 %) clopidogrel (0,72–1,16)
vs aspirine

Triple AP AIC Aspirine 17 17 mois AVC 25 vs 0 %


2008 [26] (AILac 71 %) + clopidogrel Hémorragies
+ dipyridamole
vs aspirine

TIMI 2013 AIC Vorapaxar 4 883 36 m A = DC A = HR 1,03


[25] (AILac 47 %) vs placebo + IDM + AVC (0,85–1,25)
B = HIC B = HR 2,52
(1,46–4,36)

Dans de nombreux essais avec les antiplaquettaires, la population des patients ayant eu un
infarctus de petite taille variait entre 53 % dans l’étude MATCH [22] et 10 % dans l’étude
PERFORM [23], plus récente. Dans toutes ces études, aucun bénéfice n’est observé pour prévenir
la survenue d’un AVC (AIC) lorsque le clopidogrel seul est comparé à l’aspirine associée au
dipyridamole (PRoFESS) ou lorsque l’aspirine seule est comparée au dipyridamole ajouté à l’aspi-
rine (ESPRIT), au terutroban (PERFORM) ou au clopidogrel combiné à l’aspirine (MATCH).

En 2012, Benavente et al. rapportent les résultats de l’étude SPS3 concernant les traitements
antiplaquettaires dans une population sélectionnée de 3 020 patients ayant une maladie des
petites artères de forme sporadique, selon les critères les plus actualisés confirmés à l’aide de
l’imagerie cérébrale [24]. Après un suivi moyen de 3,4 ans, ils observent que la fréquence des AVC
ne diffère pas sous aspirine (2,7 % par année) comparativement à l’aspirine associée au clopidogrel
(2,5 % par année). À l’inverse, le risque d’hémorragie grave est doublé sous bithérapie (2,1 % par
année versus 1,1 % par année), et la mortalité apparaît augmentée pour des raisons indépendantes
du risque d’hémorragie fatale survenue dans 9 cas sous bithérapie comparativement à 4 cas sous
aspirine. L’intérêt d’un traitement double antiplaquettaire apparaît donc définitivement écarté. La
bithérapie antiplaquettaire ne peut donc être recommandée dans cette pathologie.

/ 331
Partie 3 – Prévention

L’intérêt d’un nouvel antiplaquettaire, le voroxapar, antagonisant l’activation par la thrombine


du récepteur PAR1 des plaquettes en plus d’un antiplaquettaire standard a été testé dans un
essai comprenant une large population de patients ayant une possible maladie sporadique des
petits vaisseaux. Il est annulé par l’augmentation du risque hémorragique comparativement au
placebo [25]. L’utilisation d’une triple thérapie antiplaquettaire semble aussi très risquée pour la
même raison dans la petite étude de Briggs comparant l’association aspirine + dipyridamole
+ clopidogrel à l’aspirine seule [26].

Traitements antihypertenseurs (Tableau VI)


Dans l’étude PRoFESS, un plan factoriel a permis l’analyse comparative des patients ayant eu un
AIC, dont presque 60 % avaient eu un AILac. Après une durée moyenne de 2 ans et demi, avec
une réduction moyenne de 3,8 mmHg de la PA systolique et de 2 mmHg de la PA diastolique,
le risque de survenue d’un nouvel AVC ne différait pas sous telmisartan, comparativement au
placebo. Ces résultats étaient identiques lorsque le traitement était institué dans les 3 jours
après l’AVC initial [13]. Les résultats étaient comparables pour l’ensemble des événements vas-
culaires survenus pendant l’étude.

Dans l’étude SPS3, malgré une réduction de la pression artérielle systolique moyenne de 9 mmHg
obtenue après une année de suivi entre deux groupes dont l’objectif tensionnel différait dès
l’inclusion (138 mmHg versus 127 mmHg pour la pression artérielle systolique), aucune diffé-
rence significative n’était observée concernant la survenue de nouveaux AVC de tous les types,
d’infarctus du myocarde ou de décès d’origine vasculaire. Une réduction significative de la fré-
quence des hémorragies intracérébrales est, en revanche, détectée avec cette même réduction
tensionnelle (HR 0,37, 0,15-0,95, p = 0,03).

TABLEAU VI ▼ Antihypertenseurs en prévention au long cours des AVC après un AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

PRoFESS 2008 AIC (AILac Telmisartan 20 332 30 mois A = AVC A = HR 0,95


[28] 52 %) vs placebo (1 814) (0,86–1,04)
B= MMSE B = RR 0,95
chute > 3 (0,87–1,05)

SPS3 2013 AILac (100 %) Réduction PA 3 020 44 mois AVC si AILac HR 0,81
[29] vs Std (0,64–1,03)

Traitements hypocholestérolémiants (Tableau VII)


L’utilisation des statines est commune aujourd’hui après la survenue d’un AIC. Leur intérêt pour
réduire le risque de récurrence au long cours après la survenue d’un AIC en rapport avec une
maladie des petites artères cérébrales a été peu étudié.

Dans l’étude SPARCL, comprenant un quart de patients ayant un infarctus cérébral de petite
taille présumé en rapport avec une maladie des petites artères cérébrales, une réduction globale
du risque de récurrence d’événements vasculaires, en particulier du risque d’AVC était observée
(HR 0,84 [0,71–0,99]). Aucune différence significative n’était en revanche détectée avec l’ator-
vastatine 80 mg/jour dans le sous-groupe des AILac.

332 /
Maladies des petites artères cérébrales

TABLEAU VII ▼ Hypocholesterolémiants en prévention au long cours des AVC après un AILac.
Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

SPARCL 2009 AVC Atorvastatin 4 731 59 mois AVC si HR 0,90


[30, 31] (AILac 30 %) vs placebo AILac (0,72–1,13)
initial

Traitements vitaminiques (Tableau VIII)


En raison de l’augmentation de l’homocystéinémie, fréquente chez les patients ayant une maladie
des petites artères cérébrales, de l’association déjà observée entre cette augmentation et le
risque d’événements vasculaires majeurs, 8 614 patients ayant eu un AIC, une HIC ou un AIT
ont été randomisés pour recevoir 2 mg d’acide folique + 25 mg de vitamine B6 + 0,5 mg de
vitamine B12 ou un placebo dans l’étude VITATOPS. Dans la population des AIC inclus dans
l’étude, 38 % avaient une maladie des petites artères cérébrales. Aucune différence significative
n’est observée globalement concernant le risque d’AVC, d’IDM ou de décès d’origine vasculaire
dans l’ensemble de la population. Après un suivi moyen de 3,4 années, une différence significative
est détectée chez les patients ayant une maladie des petites artères cérébrales concernant le
critère composite, avec une réduction de 20 % du risque d’AVC, d’IDM ou de décès d’origine
vasculaire. Une limite importante dans l’interprétation des résultats de cet essai concerne l’arrêt
de la supplémentation survenue chez presqu’un tiers des patients inclus au cours de l’étude.

TABLEAU VIII ▼ Vitamines en prévention au long cours des AVC après un AILac.
Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats

VITATOPS Recent B6, B12, 1 374 41 mois DC + AVC 0,80 (0,67–0,96)


2010 [32] AVC/AIT folate + IDM si
AILac (31 %) vs placebo AICLac initial

Les données concernant la prévention du déclin cognitif après un AIC chez les patients ayant
une maladie des petites artères cérébrales sont extrêmement limitées. De telles données ont
été recueillies dans l’étude PRoFESS, dans laquelle la moitié environ des patients avait un AILac.
Aucune différence n’était observée sur la chute du score MMSE entre le groupe traité par aspirine
et dipyridamole et le groupe traité par clopidogrel.

Dans l’étude SPS3 réalisée exclusivement après la survenue d’un AILac, une batterie de tests
(Cognitive Abilities Screening Instruments) a été utilisée de façon répétée chez 3 020 patients.
Aucun impact au plan cognitif n’a été observé au cours du suivi avec la baisse tensionnelle
obtenue ou avec l’association aspirine-clopidogrel comparativement au groupe standard. La durée
de l’étude était cependant limitée à 30 mois.

/ 333
Partie 3 – Prévention

TABLEAU IX ▼ Antiplaquettaires en prévention au long cours du déclin cognitif après un AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

PRoFESS AIC (AILac Aspirine 20 332 30 mois MMSE chute RR 0,91


2008 [8] 52 %) + dipyridamole >3 (0,83–1,00)
vs clopidogrel

SPS3 2013 AILac 100 % A 3 020 30 mois Cognitive Z score X temps,


[33] = Réduction Abilities A : p = 0,5
PA Screening B : p = 0,9
B = aspirine Instrument
+ clopidogrel
vs aspirine

Nous ne disposons d’aucun essai de prévention de l’extension des hypersignaux de la substance


blanche (HSB) réalisé dans une population bien définie de maladie des petites artères cérébrales
et dont le diagnostic repose sur l’imagerie cérébrale. Dans la littérature, des études de sous-
groupes en imagerie cérébrale ont été réalisées, le plus souvent au décours d’un AVC comme
dans l’étude PROGRESS [34, 35], PRoFESS [36] ou l’étude VITATOPS ou dans des groupes à haut
risque vasculaire [37] comme dans l’étude PROSPER [37] ou en présence d’une sténose de l’artère
cérébrale moyenne dans l’étude ROCAS [38, 39].

Dans l’étude PROGRESS, dont l’objectif était d’évaluer l’addition du périndopril associé éven-
tuellement à l’indapamide au traitement standard utilisé après la survenue d’un AVC, une réduc-
tion significative du risque d’AIC et d’hémorragie intracérébrale (HIC) était observée globalement
dans la population traitée [40]. Dans une sous-étude sur 192 patients, une réduction significative
de la progression des hypersignaux de la substance blanche cérébrale était notée dans le groupe
traité (0,4 versus 2 mm3) en faveur du traitement antihypertenseur [34].

En revanche, aucune modification significative des HSB n’était observée avec le telmisartan dans
l’étude PRoFESS, avec une moindre réduction de la PA [36].

L’addition de vitamines B6 ou B12 après un AVC ne semble pas non plus modifier l’extension
des HSB dans une sous-étude de l’essai VITATOPS [41]. Le nombre de lacunes incidentes n’est
pas modifié avec le traitement vitaminique [41].

Le traitement pas statines ne semble pas modifier non plus la progression des HSB en présence
d’une sténose de l’artère cérébrale moyenne avec la simvastatine [38, 39] ou en présence de
facteurs de risque vasculaire avec la pravastatine [42].

334 /
Maladies des petites artères cérébrales

À l’inverse, une réduction de la PA chez des patients hypertendus diminue significativement la


survenue des AILac et des hémorragies intracérébrales dans l’étude SHEP [43], réalisée chez des
hypertendus en l’absence d’AVC initial.

Une diminution de l’extension des HSB est par ailleurs observée avec un traitement par vita-
mine E comparé au placebo chez des sujets sains ayant des anomalies à l’IRM, suggérant une
atteinte des petites artères cérébrales mais tous les patients n’ont pas été suivis jusqu’à la fin
de l’essai [41].

TABLEAU X ▼ Différents traitements testés en prévention au long cours de l’extension des HSB.
Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats

Dufouil 2005 AVC/AIT Perindopril 192 37 mois A A = 8/89


[34] (HSB 56 %) vs placebo = nouveaux vs 16/103
(sous-étude HSB (p = 0,17)
PROGRESS B = volume B = 0,4 vs 2,0 mm3
[40]) HSB (p = 0,012)

Weber 2012 AIC Telmisartan 771 28 mois HSB score/ 0,14 (– 0,12, 0,39)
[36] (AILac 54 %) vs placebo diamètre et – 0,35 mn
(sous-étude (-3/-1,3 mmHg) (-1v-0,31 mm)
PRoFESS p = 0,30
[28])

Cavalieri AVC/AIT B6, B12, folate 359 25 mois A = HSB A = 0,08 vs


2012 [44] vs placebo (volume) 0,13 mm3(p = 0,42)
(sous-étude B = lacunes B = 8,0 vs 5,9 %
VITATOPS incidt (p = 0,43)
[32])

PROSPER Haut risque Pravastatine 535 33 mois HSB 1,1 vs 1,1 cm3
2005 [37] (AVC 11 %) vs placebo (volume) (p = 0,73)
(sous-étude
[42])

ROCAS 2009 Sténose ACM Simvastatine 208 24 mois HSB 14 vs 17 mm3


[38, 39] vs placebo (volume) (p = 0,61)

SHEP 2000 HTA isolée Chlorthalidone 4 736 54 mois AILac RR 0,53


[43] ± atenolol HIC (0,32-0,88)
± reserpine RR 0,46
vs placebo (0,21-1,02)

Vitamine E HSB + facteurs Vitamine E 121 24 mois Volume -29 vs + 380 mm3
Tocotrienol de risques vs placebo HSB (p = 0,019)
[41] vasculaires

Dans de rares études, l’impact de certains traitements préventifs sur la vasoréactivité cérébrale
a été exploré dans le cadre d’une maladie des petites artères cérébrales, après la survenue d’un
AILac. Dans une étude de 94 patients, Lavallée et al. n’ont pas observé de modifications signi-
ficatives après 3 mois de traitement par atorvastatine de la vasoréactivité mesurée à l’aide du

/ 335
Partie 3 – Prévention

doppler transcrânien. Dans une autre étude de Dawson et al., les modifications observées à
3 mois ne diffèrent pas significativement entre les patients traités par allopurinol (réduisant
l’acide urique et inhibant la xanthine oxydase), comparativement aux patients traités par placebo.

TABLEAU XI ▼ Différents traitements testés sur la vasoréactivité après AILac.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
d’inclusion

Lavallée 2009 AILac récent Atorvastatin 94 3 mois Vasoréactivité Dif : -2,3 %


[45] vs placebo cérébrale (-7,6–2,9)

Dawson 2009 AILac récent Allopurinol 50 3 mois Vasoréactivité 0,89 % vs


[46] vs placebo cérébrale -0,68 %
(p = 0,64)

Traitements antihypertenseurs (Tableau XII)


Nous ne disposons actuellement d’aucun essai préventif réalisé spécifiquement après la survenue
d’une hémorragie intracérébrale en rapport avec une maladie des petites artères cérébrales. Les
données disponibles dans la littérature suggèrent cependant que le contrôle du niveau de pression
artérielle serait essentiel pour prévenir la récidive après une hémorragie intracérébrale, qu’elle
soit due à une angiopathie amyloïde cérébrale ou à un artériolopathie favorisé par l’hypertension
artérielle et le vieillissement.

Dans l’essai PROGRESS, un traitement combinant périndopril et indapamide a été proposé à tous
les patients ayant eu un AVC récent, qu’ils soient hypertendus ou non ; 11 % des patients avaient
eu une hémorragie intracérébrale à l’inclusion. Les résultats montrent une réduction significative
des accidents ischémiques cérébraux mais aussi des hémorragies intracérébrales avec une bithé-
rapie antihypertensive. Lorsque le périndopril est associé à l’indapamide permettant une réduc-
tion moyenne de 12 mmHg de la PA systolique et de 5 mmHg de la PA diastolique, une dimi-
nution de 76 % du risque d’hémorragie intracérébrale est observée. L’analyse détaillée de l’étude
PROGRESS montre que cette réduction est observée à la fois pour les hémorragies intracérébrales
répondant aux critères de Boston d’angiopathie amyloïde cérébrale [RR : -77 % (-19 %–-93 %)]
et pour les hémorragies présumées en rapport avec l’hypertension artérielle [RR : -46 %
(-4 %–-69 %)] [47]. Une association étroite entre le niveau de pression artérielle et le risque de
récidive hémorragique après la survenue d’une hémorragie lobaire liée à une angiopathie amy-
loïde cérébrale a été confirmée dans une étude observationnelle récente comprenant un large
nombre de patients [48].

336 /
Maladies des petites artères cérébrales

TABLEAU XIÌ ▼ Prévention de la récidive hémorragique après HIC par antihypertenseur.


Études Critères Comparaison N Durée Évaluation Résultats
inclusion

Sous-étude AIC ou HIC Périndopril 6 105 48 mois HIC 12 vs 49 :


PROGRESS (11 %) + indapamide – 76 % [55–87]
[35, 47] vs placebo

Intérêt de la reprise d’un traitement


antithrombotique au long cours
En dehors de la prévention des complications thrombotique propres à la phase aiguë et subaiguë
de l’hémorragie intracérébrale (thrombose des veines profondes, embolie pulmonaire), la ques-
tion pratique de la reprise d’un traitement antithrombotique par antiplaquettaires ou anti-
coagulant à dose efficace avec une indication établie préalablement au décours d’une hémorragie
cérébrale et au long cours reste posée. Plusieurs essais randomisés ont débuté pour répondre à
ces questions, mais nous ne disposons pas d’informations suffisantes en 2018 pour évaluer, à
l’échelle individuelle, la balance bénéfice/risque des patients concernés [49].

De façon globale, le risque moyen de survenue d’AIC en rapport avec une fibrillation auriculaire
non valvulaire est estimé à 4,5 % par année, le risque moyen d’hémorragie extracrânienne serait
de 1,4 % par année sous anticoagulant (AVK) dont l’efficacité est en moyenne de 68 %, de 0,6 %
par année sous antiplaquettaire dont l’efficacité est estimée à environ 21 %. Après la survenue
d’une hémorragie intracérébrale lobaire, le risque de récidive d’hémorragie intracérébrale est
estimé dans certaines cohortes à environ 15 % par année s’il s’agit d’une hémorragie lobaire, il
serait de seulement 2,1 % par année après une hémorragie profonde [50]. À partir d’un modèle
prédictif et de l’évaluation de la durée de vie ajustée sur la qualité (QALYS), un traitement
anticoagulant après la survenue d’une hémorragie lobaire ne devrait pas être envisagé compte
tenu du risque hémorragique excessif, l’usage de l’aspirine serait bénéfique si le risque relatif de
récurrence hémorragique au niveau cérébral n’est quasiment pas augmenté. Pour les hémorragies
profondes, les anticoagulants pourraient être proposés si le risque d’AIC est estimé supérieur à
6,5 % par année, le risque de récurrence hémorragique devant être inférieur à 1,4 % par année
[50]. L’estimation du risque ischémique et du risque hémorragique à l’échelle individuelle est
l’enjeu de différentes études en cours prenant compte des marqueurs IRM comme la localisation
et le nombre de microsaignements, le niveau de contrôle de la pression artérielle, le type d’anti-
thrombotique utilisé et le risque thrombotique.

Nous ne disposons actuellement d’aucun essai randomisé dont l’objectif est d’évaluer la réduc-
tion du risque d’événements vasculaires ou de lésions cérébrales chez des patients asymptoma-
tiques présentant des anomalies évocatrices de maladie des petites artères cérébrales à l’imagerie
par résonance magnétique. De nombreuses études permettent pourtant d’établir clairement que

/ 337
Partie 3 – Prévention

la présence de lésions étendues de la substance blanche double ou triple le risque de survenue


d’AVC, même si le risque absolu correspondant dans la population générale reste faible. De la
même façon, la présence d’un infarctus silencieux à l’imagerie cérébrale est associée à une
augmentation du risque d’AVC, mais nous ne disposons d’aucune étude permettant de confirmer
l’intérêt d’un traitement antithrombotique préventif dans cette situation. En pratique, les déci-
sions doivent donc être prises au cas par cas, en fonction du bilan effectué dans ces situations.
En présence de microbleeds, le risque hémorragique semble lié à leur nombre et leur localisation
et les données des études en cours permettront de mieux stratifier demain la valeur de ces
marqueurs IRM en termes de risque hémorragique ou ischémique.

Après la survenue d’un AILac, dans les premiers mois suivant l’événement, nous ne disposons
d’aucune preuve de réduction du risque d’AVC avec la prise d’un antiplaquettaire, d’un anti-
hypertenseur ou de statines. Au long cours, les anticoagulants augmentent à l’évidence le risque
hémorragique sans apporter de bénéfice évident sur le risque ischémique. À l’inverse, l’usage
d’un antiplaquettaire unique semble bien réduire significativement le risque de récidive isché-
mique au plan cérébral. L’intérêt d’une bithérapie voire d’une trithérapie antiplaquettaire n’est
en revanche pas étayé alors que le risque hémorragique est clairement augmenté par l’association
de plusieurs antiplaquettaires. Après un AILac, la diminution du risque de récidive d’AIC ou de
déclin cognitif par l’usage d’un traitement antihypertenseur en plus du traitement standard n’est
pas démontrée. L’intérêt préventif des statines, d’un traitement par vitamine B6 ou B12 n’a pas
non plus été mis en évidence.

La réduction de la pression artérielle semble en revanche diminuer de façon très significative le


risque hémorragique cérébral après un AIC ou une HIC. Des données préliminaires suggèrent par
ailleurs qu’une diminution significative de la pression artérielle permettrait aussi de réduire
l’extension des hypersignaux de la substance blanche cérébrale après un AVC.

L’utilisation des marqueurs IRM pour mieux stratifier le risque ischémique comparativement au
risque hémorragique pourrait faciliter nos décisions thérapeutiques dans l’avenir en pratique
quotidienne en présence d’une maladie des petits vaisseaux cérébraux.

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Maladies des petites artères cérébrales

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Partie 3 – Prévention

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340 /
25

La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent. Par convention,
le terme de FA non valvulaire correspond à toute FA survenant en l’absence de rétrécissement
mitral ou de prothèse valvulaire. Si la présence d’une cardiopathie, quelle qu’elle soit, augmente
le risque de FA, cette dernière peut survenir de façon isolée sur cœur sain. La prévalence de la
FA non valvulaire est d’environ 3 % dans la population générale ; elle augmente avec l’âge, allant
de moins de 1 % chez les sujets de moins de 60 ans à près de 9 % chez les sujets âgés de plus
de 80 ans [1]. La FA est un puissant facteur de risque d’infarctus cérébral (IC), le multipliant par
5 [2]. La FA étant à la fois une affection fréquente et un puissant facteur de risque d’IC, le risque
d’IC attribuable à cette cardiopathie est important, en particulier chez le sujet âgé.

La FA est actuellement la cardiopathie emboligène de loin la plus fréquente. Environ 15 % des


patients ayant un IC sont en FA, et cette proportion dépasse 30 % chez les sujets âgés. Les
patients en FA ont des IC plus sévères que chez les patients sans FA, avec une mortalité initiale
plus élevée et un handicap résiduel plus sévère [3]. La FA est aussi associée à un risque élevé
d’insuffisance cardiaque et de mortalité, qui est doublé par rapport aux patients en rythme
sinusal [4]. Dans la mesure où la FA est souvent identifiable avant la survenue d’un accident
embolique, les IC liés à la FA peuvent largement être prévenus grâce au traitement anticoagulant
oral (ACO) dont l’efficacité est bien établie.

La FA est caractérisée par une désorganisation électrique atriale aboutissant à une perte de la
fonction contractile des oreillettes [4]. Sur l’électrocardiogramme (ECG), cette désorganisation
de l’activité électrique se traduit par la disparition des ondes P, remplacées par des oscillations
anarchiques de la ligne isoélectrique. Du fait de l’architecture des fibres myocardiques, certaines
zones peuvent être plus organisées et plus régulières que d’autres. En particulier, le voltage de
l’activité atriale apparaît toujours plus important et plus régulier en V1. La variation permanente
de la morphologie et de la fréquence de l’activité électrique permet de différencier formellement
la FA de circuits plus organisés (tachycardies fluttériennes). La cadence ventriculaire est toujours
totalement irrégulière ; il n’y a pas deux intervalles RR consécutifs de même durée. Plus la
fréquence ventriculaire est rapide, plus cette irrégularité est difficile à objectiver.

Le flutter atrial commun est un trouble du rythme organisé dont le circuit de macro-réentrée
se situe exclusivement dans l’oreillette droite. Le circuit existe chez tous les individus mais ne
peut se pérenniser que s’il existe un ralentissement supplémentaire de la conduction, le plus

/ 341
Partie 3 – Prévention

souvent à l’occasion d’une augmentation chronique modérée des pressions droites (pathologies
pulmonaires). Sur l’ECG, le flutter atrial commun est défini par l’absence de retour à la ligne
isoélectrique de l’activité atriale avec un aspect particulier à prédominance de négativité dit en
« dents de scie » ou en toit d’usine (dans les dérivations DII, DIII et aVF) appelées ondes F. La
fréquence moyenne de l’activité atriale d’un flutter commun est de 300/min, d’autant plus lente
que l’oreillette droite est plus dilatée. Sur un nœud auriculo-ventriculaire normal, la conduction
en 2/1 aboutit à une fréquence ventriculaire à 150/min. Le flutter commun isolé est plus rare
que la FA (< 1 pour 10), mais il est extrêmement fréquent de passer de FA en flutter et réci-
proquement en fonction des variations de tonus du système nerveux autonome et des théra-
peutiques [4].

La FA est une maladie chronique dont l’évolution, non linéaire, est difficile à prévoir. Dans sa
forme typique, la FA évolue par accès spontanément résolutifs, de plus en plus longs, puis devient
permanente. On classe en pratique de manière un peu artificielle la FA en fonction de son mode
de présentation [4]. Une FA est dite paroxystique si l’épisode se réduit spontanément ou après
cardioversion chimique ou électrique en moins de 7 jours (et souvent moins de 48 h), sachant
que, la plupart du temps, les accès sont de brève durée [4]. La FA est dite persistante si l’épisode
est soutenu pendant plus de 7 jours, incluant les épisodes de FA réduits par cardioversion après
ce délai. La FA est dite persistante de longue durée si la FA dure plus d’un an, avec une stratégie
de contrôle du rythme. La FA devient permanente en cas d’échec de la cardioversion ou si l’on
décide de tolérer cette FA et ne pas la réduire. Ces définitions s’appliquent aux épisodes de FA
symptomatiques ayant duré par convention plus de 30 secondes, en l’absence de cause réver-
sible [4]. Depuis peu, on y ajoute les tachyarythmies atriales asymptomatiques (« AHRE : atrial
high rate episodes ») identifiées dans les mémoires des prothèses électroniques implantables
(pacemakers et défibrillateurs cardiaques), définies par une fréquence atriale supérieure à
180/min pendant plus de 5-6 minutes consécutives. Ces épisodes doivent être confirmés par un
enregistrement ECG pour affirmer la FA [4].

Il est important de ne pas confondre les causes réversibles temporaires de FA aiguë et les facteurs
favorisant un accès de FA chez un patient ayant une FA paroxystique [4]. En effet, une embolie
pulmonaire ou une autre maladie pulmonaire aiguë, une péricardite, une myocardite ou une
chirurgie en particulier cardiaque ou thoracique, une électrocution, ou un syndrome coronarien
aigu peuvent provoquer une FA qui peut ne jamais se reproduire. En revanche, chez une personne
génétiquement prédisposée à la FA, toutes les causes d’hypertonie vagale peuvent déclencher
un accès (sieste, sommeil en deuxième partie de nuit, distension gastrique lors de repas inha-
bituellement copieux ou gras ou alcoolisés ou boissons gazeuses, vomissements, surentraînement
sportif en endurance, etc.).

Le risque absolu d’IC chez les patients atteints de FA non valvulaire est en moyenne de 5 % par
an [4]. Cependant, ce risque varie de moins de 1 % à plus de 10 % en fonction de l’âge, de
facteurs de risque vasculaires, des antécédents emboliques (principalement accident ischémique
transitoire – AIT – ou IC), du type de cardiopathie sous-jacente et de certaines caractéristiques
échographiques. Ces facteurs de risque indépendants d’IC ont pu être identifiés grâce à l’analyse
des caractéristiques individuelles des groupes contrôles de 5 grands essais thérapeutiques [5].

342 /
Fibrillation atriale

Facteurs de risque cliniques


Un antécédent d’AIT ou d’IC constitue, chez les patients en FA, le facteur de risque indépendant
d’IC le plus puissant, avec un risque relatif d’environ 3 [4]. Dans l’étude EAFT [6], principal essai
thérapeutique consacré spécifiquement aux patients ayant présenté un AIT ou un IC mineur
récent, le risque annuel de récidive d’IC était de 12 % dans le groupe contrôle. La FA est moins
souvent responsable d’un AIT que d’un IC. Cependant, le risque d’IC après un AIT associé à une
FA est élevé (environ 7 % par an), bien que légèrement inférieur à celui de récidive après un IC
(environ 11 % par an) [7]. L’âge est également un facteur prédictif majeur d’IC, avec un risque
relatif qui augmente pour chaque décennie [5]. Enfin, un antécédent d’hypertension artérielle
(HTA), de diabète ou une insuffisance cardiaque constituent d’autres facteurs de risque indé-
pendants d’IC [5]. Le sexe féminin seul n’apparaît pas comme un facteur de risque indépendant
d’événements thromboemboliques [4].

Facteurs de risque échographiques


La dysfonction ventriculaire gauche est le principal facteur de risque échographique indépendant
d’accident thromboembolique chez les patients en FA. Un thrombus auriculaire gauche, le plus
souvent situé dans l’auricule gauche, présent chez 10 % des patients en FA et chez 30 % de ceux
ayant un accident thromboembolique récent, augmente le risque thromboembolique [8]. Le
contraste spontané (aspect hyperéchogène en « volutes de fumée » en échographie) est un
marqueur de stase sanguine et d’augmentation de la thrombogénicité dans l’OG [4]. Sa présence
est associée à celle d’un thrombus auriculaire gauche, à la survenue de manifestations thrombo-
emboliques [8] et pourrait être associée à des IC plus sévères [9], peut-être du fait de fibrinolyse
(endogène ou non) moins efficace [10]. La présence de plaques aortiques ulcérées de plus de
4 mm d’épaisseur ou associées à un thrombus mobile est aussi un facteur de risque d’IC chez
les patients en FA [8]. La relation entre dilatation de l’OG et risque embolique a été inconstam-
ment observée [4]. La diminution du flux de vidange de l’auricule gauche a aussi été associée à
la présence d’un contraste spontané, d’un thrombus et de complications emboliques [4]. Seule
la dysfonction ventriculaire gauche est prise en compte dans les scores de stratification du risque
actuellement utilisés. Il n’est pas établi que l’absence de facteurs de risque échographiques
identifie un sous-groupe de patients à faible risque d’IC, chez qui les anticoagulants oraux ne
seraient pas bénéfiques, ce qui limite la valeur de l’échographie dans la décision thérapeutique
en cas de FA [4]. La valeur prédictive des facteurs de risque échographiques sur le risque throm-
boembolique de patients sous anticoagulants oraux est aussi incertaine. Ainsi, dans une étude
ancillaire d’ARISTOTLE [11], la présence d’un contraste spontané (17 % des patients étudiés),
d’un thrombus de l’oreillette gauche (10 % des patients) ou d’une plaque de l’aorte (19 %) chez
des patients traités par anticoagulants oraux n’augmentait pas de manière significative le risque
embolique. La valeur pronostique de tous ces facteurs pourrait être moins importante chez les
patients ayant eu un AIT ou IC qui sont à très haut risque de récidive.

Facteurs rythmologiques
Environ un tiers des IC associés à une FA survient chez des patients en FA paroxystique. Le type
de FA (paroxystique ou permanente) n’apparaît pas comme un facteur prédictif embolique dans
les modèles de stratification du risque [4]. Dans les essais thérapeutiques comparant les ACO
directs à la warfarine, la réduction relative du risque embolique sous traitement anticoagulant
était identique chez les patients ayant une FA paroxystique et ceux en FA permanente.

/ 343
Partie 3 – Prévention

Le risque thromboembolique chez les patients en flutter auriculaire est moins bien établi que
pour la FA, mais il semble supérieur au risque des patients en rythme sinusal [4]. En fait, certaines
études suggèrent que l’excès de risque associé au flutter auriculaire est en grande partie expliqué
par une évolution vers une FA paroxystique ou permanente [12], alors que pour d’autres le flutter
serait un facteur de risque indépendant d’IC [13]. Il est donc recommandé d’utiliser le même
schéma de stratification du risque que chez les patients en FA [4].

Biomarqueurs
La troponine (ultrasensible T ou I) et le BNP (Peptide Natriurétique N-terminal pro B type)
apparaissent comme des facteurs prédictifs de risque thromboembolique chez les patients en FA
et pourraient être intégrés dans de futurs scores de risque [14]. Enfin, certaines mutations ou
polymorphismes génétiques sont associées à la survenue d’IC chez les patients atteints de FA [15].

Stratification du risque embolique


Le score CHA2DS2VASc (Cardiac Failure, Hypertension, Age [doubled], Diabetes, Stroke [doubled],
Vascular disease) est actuellement recommandé pour individualiser des sous-groupes de patients
en FA à risque faible, modéré ou élevé de complications emboliques [4] (Tableau I). La valeur
prédictive de ce score a été évaluée initialement dans une population danoise de patients âgés
de 65 à 95 ans non traités par anticoagulants [16], puis largement utilisée dans plusieurs popu-
lations [17].

TABLEAU I ▼ Risque d’AVC et d’embolie systémique chez des patients avec FA non traités par
anticoagulants en fonction du score CHA2DS2VASc, d’après [16].
Critères score CHA2DS2VASc Score

Insuffisance cardiaque
1
(Symptomatique ou diminution de la fraction d’éjection)

HTA (PA > 140/90 à 2 reprises ou traitement antihypertenseur) 1

Âge 6 75 ans 2

Âge 65-75 ans 1

Diabète
1
(Glycémie > 125 mg/dL – 7 mmol/L – ou traitement antidiabétique)

Antécédent d’AIT ou d’IC ou d’embolie systémique 2

Sexe féminin 1

Maladie vasculaire
(Antécédent d’infarctus du myocarde, d’artérite des membres inférieurs 1
ou plaque aortique)

344 /
Fibrillation atriale

Score Proportion de patients Risque d’AVC ajusté


CHA2DS2VASc (n = 73 538) (%/an) (IC95 %)

0 8% 0,8 %(0,6-1,0)

1 12 % 2 % (1,7-2,4)

2 18 % 3,7 % (3,3-4,1)

3 23 % 5,9 % (5,5-6,3)

4 19 % 9,3 % (8,7-9,9)

5 12 % 15,3 % (14,3-16,2)

6 6% 19,7 % (18,2-21,4)
7 2% 21,5 % (18,7-24,6)
8 0,4 % 22,4 % (16,3-30,8)
9 0,1 % 23,6 % (10,6-52,6)

À côté des conséquences hémodynamiques, la perte de la fonction contractile de l’OG au cours


de la FA non valvulaire entraîne une stase sanguine, favorisant la formation d’un thrombus
fibrino-cruorique, siégeant le plus souvent dans l’auricule gauche [4]. La migration de ce thrombus
est la cause principale des complications thromboemboliques. L’HTA favorise la dilatation de
l’OG, vraisemblablement par l’induction d’une dysfonction ventriculaire gauche diastolique, qui
aggrave la stase et augmente le risque embolique. Mais la stase n’est probablement pas suffisante
pour expliquer, à elle seule, la formation d’un thrombus auriculaire. D’autres facteurs, notamment
hémorhéologiques et prothrombotiques semblent aussi jouer un rôle important, mais sont actuel-
lement mal identifiés. Le plus souvent, la formation d’un thrombus nécessite la persistance de
la FA pendant au moins 48 h, mais des thrombi ont aussi été observés en ETO après des périodes
de FA plus courtes [4].

Si la grande majorité des IC survenant chez les patients en FA est d’origine cardioembolique,
d’autres mécanismes peuvent être en cause. La FA peut dans certains cas être non pas la cause
mais la conséquence de l’IC, par l’intermédiaire présumé d’une hyperactivité sympathique. Des
observations avec un enregistrement Holter de la période entourant la survenue de l’IC ont
documenté ce mécanisme [18]. Si certains facteurs, comme le caractère transitoire, la courte
durée et l’absence de récidive de la FA, l’absence de cardiopathie associée ou le siège insulaire
de l’IC, suggèrent que la FA est la conséquence de l’IC et non sa cause, il est difficile en pratique
d’affirmer que la FA est la conséquence de l’IC et ne justifie pas un traitement anticoagulant.
L’IC peut aussi être dû à une autre cause associée à la FA, en particulier chez le sujet âgé, chez
qui la FA et les maladies artérielles sont fréquentes. Environ 10 % de ces patients ont une sténose
carotide athéroscléreuse, 15 % un athérome de l’aorte compliqué et 50 % une HTA [4]. On
estime que jusqu’à un tiers des IC associés à une FA pourrait relever d’un mécanisme non
cardioembolique [4].

/ 345
Partie 3 – Prévention

En l’absence de FA préalablement connue ou constatée lors de l’IC, le diagnostic peut être


suspecté face à des antécédents de symptômes cardiaques évocateurs, comme des palpitations
ou une dyspnée. Toutefois, dans la majorité des cas, ce trouble du rythme est totalement asymp-
tomatique [4]. La probabilité de dépister une FA paroxystique augmente avec la durée de l’enre-
gistrement [4], mais la durée optimale d’enregistrement n’est pas connue. Diverses méthodes
sont disponibles et la technologie évolue rapidement. Dans une méta-analyse [19] portant sur
près de 12 000 patients admis pour un IC sans FA connue, les auteurs ont évalué l’apport de
4 phases séquentielles de dépistage de la FA : phase 1 (ECG d’admission), phase 2 intra-
hospitalière (ECG répétés, monitorage continu, télémétrie, Holter ECG), phase 3 ambulatoire
(holter ECG), phase 4 ambulatoire (télémétrie, holter EEG externe de longue durée, holter implan-
table). La proportion de patients avec FA découverte à chaque phase était de 7,7 % en phase 1 ;
5,1 % en phase 2 ; 10,7 % en phase 3, et 16,9 % en phase 4. La combinaison séquentielle de
ces phases permettrait de détecter une FA (> 30 secondes) chez environ un quart des patients.
La rentabilité du dépistage augmente avec l’âge et d’autres facteurs comme une extrasystolie
auriculaire, une élévation de la BNP, une dilatation ou une diminution de la contractilité de
l’oreillette gauche [20]. La meilleure stratégie de dépistage de la FA face à un IC cryptogénique
n’est pas établie. En pratique, après un AIT ou un IC, il est recommandé de faire au minimum
un ECG suivi d’un holter ECG durant au moins 72 h [4]. Dans un second temps, des enregistre-
ments holter prolongés, implantables ou non, peuvent être envisagés [4]. Les nouvelles techno-
logies (smartphone, montres connectées, fibres de tissu « intelligentes », etc.) pourraient aussi
être intéressantes dans l’avenir.

Le dépistage des tachyarythmies atriales asymptomatiques (« AHRE : atrial high rate episodes »)
dans les mémoires des prothèses implantables (pacemakers, défibrillateurs cardiaques) est plus
controversé, car le risque thromboembolique des FA ainsi détectées pourrait être plus faible que
celui des FA symptomatiques [4]. Des essais thérapeutiques sont en cours pour évaluer le bénéfice
des anticoagulants oraux directs dans cette population.

Le traitement comporte 2 axes : la prévention des complications thromboemboliques et le trai-


tement du trouble du rythme.

Traitements antithrombotiques
Antiplaquettaires versus placebo
La méta-analyse des essais randomisés montre que, comparativement au placebo, l’aspirine, à
des doses variant de 50 mg à 1 300 mg par jour, ne diminue pas de manière significative le
risque d’AVC (RR 0,79 ; IC95 % : 0,65–1,1) [21]. La réduction de risque d’AVC est de 22 % (OR,
0,78 ; IC95 % : 0,65–0,94) lorsque l’ensemble des études (quel que soit l’antiplaquettaire ou
association d’antiplaquettaires) est prise en compte. Il n’y a pas de données suffisantes quant
à une éventuelle supériorité d’un antiplaquettaire par rapport à un autre. L’étude ACTIVE A,
non incluse dans cette méta-analyse, n’a pas montré de bénéfice net d’une bithérapie par

346 /
Fibrillation atriale

clopidogrel et aspirine par rapport à l’aspirine seule, chez les patients ayant une contre-indica-
tion aux antivitamines K (AVK), la diminution du risque étant contrebalancée par le risque
hémorragique [22].

Antivitamines K versus antiplaquettaires ou placebo


La supériorité des AVK comparés aux antiplaquettaires en prévention primaire ou secondaire des
AVC chez les patients en FA a été largement démontrée par plusieurs essais thérapeutiques [21].
La dernière méta-analyse de ces essais montre que, comparativement au placebo, les AVK (INR
2 à 3) réduisent le risque d’AVC, qu’ils soient invalidants ou non, de 64 % (RR 0,36 ; IC95 % :
0,26–0,51) et celui des IC de 67 % (RR 0,33 ; IC95 % : 0,23–0,46). Comparés aux antiplaquet-
taires, la réduction du risque d’AVC sous AVK est de 37 % (RR 0,63 ; IC95 % : 0,52–0,77) [21].
Cette analyse inclue l’étude ACTIVE W [23] qui a été arrêtée prématurément, en raison d’une
nette supériorité de la warfarine sur l’association de clopidogrel (75 mg) et d’aspirine (75 à
100 mg). La réduction du risque absolu d’AVC sous AVK (versus placebo) est de 2,7 % par an en
prévention primaire (soit 37 patients à traiter pendant 1 an pour éviter un événement) et de
8,4 % par an en prévention secondaire (soit 12 patients à traiter pendant 1 an pour éviter un
événement) [21]. Le niveau optimal d’anticoagulation recommandé est un lNR cible à 2,5 (INR
entre 2 et 3), aussi bien en prévention primaire que secondaire [4]. Le bénéfice du traitement
disparaît lorsque l’INR est inférieur à 1,6 et le risque hémorragique augmente à partir de 3
(l’augmentation devenant linéaire au-delà d’un INR à 4) [21].

Le risque d’événements hémorragiques majeurs est augmenté par les AVK, même s’il est net-
tement inférieur au bénéfice de ce traitement [21]. Dans l’analyse poolée des essais randomisés
sur la FA comparant les AVK au placebo ou à l’aspirine, le risque annuel d’hémorragie extra-
crânienne majeure était de 1,3 % (contre 1 % dans le groupe contrôle) et celui d’hémorragie
intracrânienne de 0,3 % (0,1 % dans le groupe contrôle) [5]. Dans l’essai EAFT, portant sur des
patients ayant un AIT ou un IC mineur récent, l’incidence annuelle des saignements majeurs
sous AVK était de 2,8 % ; il n’y a pas eu d’hémorragie cérébrale dans cet essai [6].

En pratique, le traitement par AVK nécessite de nombreux ajustements et une surveillance biologique
rapprochée, et expose à des complications hémorragiques et à une moindre efficacité du traitement,
en cas de mauvaise équilibration de l’INR. Les inconvénients des AVK expliquent sa sous-utilisation,
y compris chez les patients à haut risque [24]. Cela a conduit au développement de nouveaux
anticoagulants et de nouvelles stratégies de prévention des IC chez les patients en FA.

Anticoagulants oraux directs (AOD) versus antivitamines K


Les AOD, inhibiteurs directs de la thrombine (dabigatran) ou du facteur Xa (rivaroxaban, apixaban,
edoxaban) ont été comparés à la warfarine dans 4 essais thérapeutiques chez des patients ayant
une FA sans rétrécissement mitral ou prothèse valvulaire mécanique [25-28]. Les caractéristiques
des 4 essais thérapeutiques et des patients sont détaillées dans le Tableau II. La proportion de
patients ayant un antécédent d’AIT ou d’AVC était d’environ 20 %, sauf dans un essai où elle
atteignait 50 % [26]. Toutefois, aucune de ces études ne concernait des patients ayant un IC
récent, car le délai requis d’inclusion dans l’essai après l’IC variait de 7 à 15 jours selon les études
et de 3 à 6 mois en cas d’IC sévère.

La méta-analyse de ces essais montre que, comparativement aux AVK, les AOD réduisent le
risque d’AVC (ischémique ou hémorragique) ou d’embolie systémique [29] (Tableau II). La dimi-
nution du risque d’AVC est essentiellement due à une diminution de 51 % du risque d’hémorragie
cérébrale. En revanche, la diminution du risque d’IC n’est pas significative. La mortalité toutes
causes est diminuée de 10 %. Il n’y a pas de différence concernant le risque d’infarctus du

/ 347
TABLEAU II ▼ Caractéristiques des essais thérapeutiques et des patients comparant un AOD à la warfarine [25-28].
Partie 3 – Prévention

348 /
RE-LY1 ROCKET-AF2 ARISTOTLE2 ENGAGE AF-TIMI 482
n = 18 113 N = 14 264 N = 18 201 N = 21 105

AOD Dabigatran 1 Rivaroxaban 2 Apixaban 2 Edoxaban 2


Posologie 150 ou 110 mg 2 ×/jour 20 mg 1 ×/jour 5 mg 2 ×/jour 60 mg ou 30 mg 1 ×/j

60 mg diminué à 30 mg
2,5 mg si au moins
et 30 mg diminué à 15 mg si :
2 facteurs :
15 mg si ClCr – ClCr 30-50 mL/mn
Ajustement dose Non – âge 6 80
30-49 mL/mn – poids ^ 60 kg
– poids ^ 65 kg
– vérapamil, quinidine
– créatinine 6 1,5 mg/dL
ou dronédarone

Âge (en années) 71,5 +/- 8,7 (moyen) 73 (65-78) (médian) 70 (63-76) médian 72 (64-78) médian

Sexe masculin (%) 63,6 60,3 64,5 61,9

CHADS moyen 2,1 3,5 2,1 2,8

Risque d’AVC Dabigatran 150 mg Edoxaban 60 mg


0,88 (IC95 % : 0,75-1,03) 0,80 (IC95 % :0,67-0,95)
et d’embolie systémique 0,66 (IC95 % : 0,53-0,82) 0,88 (IC95 % : 0,75-1,02)

Dabigatran 150 mg Edoxaban 60 mg


Saignement majeur 1,03 (IC95 % : 0,90-1,18) 0,71 (IC95 % : 0,61-0,81)
0,94 (IC95 % : 0,82-1,07) 0,80 (IC95 % : 0,71-0,90)
1
Inhibiteur direct thrombine ; 2 Inhibiteur direct Xa.
Fibrillation atriale

myocarde (Tableau III). Le risque d’hémorragie majeure n’est pas réduit de façon significative,
mais celui de saignement gastrointestinal est augmenté par les AOD (Tableau III). Seul l’apixaban
a été comparé à l’aspirine chez des patients en FA ayant une contre-indication aux AVK et
diminuait de 55 % le risque d’AVC et d’embolie systémique, sans augmentation significative du
risque d’hémorragie majeure et intracrânienne [30].

TABLEAU III ▼
Efficacité et tolérance des AOD comparés aux AVK, d’après la méta-analyse des
essais randomisés comparant les AOD aux AVK [29].
RR (IC95 %) p

Efficacité

Infarctus cérébral 0,92 0,83-1,02 0,10

Hémorragie cérébrale 0,49 0,38-0,64 < 0,001

Infarctus du myocarde 0,97 0,78-1,20 0,77

Mortalité de toute cause 0,90 0,85-0,95 0,0003

Tolérance

Saignement intracrânien 0,48 0,39-0,49 0,001

Saignement digestif 1,25 1,01-1,55 0,043

Il existe des différences de résultats entre les essais. Concernant le critère de jugement principal
(AVC ou embolie systémique), le dabigatran 150 mg et l’apixaban 5 mg sont supérieurs aux
AVK ; le dabigatran 110 mg et le rivaroxaban 20 mg sont non inférieurs aux AVK. Concernant
le risque de saignement majeur, comparativement aux AVK, il n’y a pas de différence avec le
dabigatran 150 mg et le rivaroxaban, mais une diminution du risque avec l’apixaban et l’edoxaban
60 mg (Tableau II). Le dabigatran 110 mg diminue aussi le risque de saignement majeur [25].
Toutefois, l’absence de comparaison directe des AOD entre eux ne permet pas de conclure à la
supériorité de l’un ou plusieurs d’entre eux.

L’analyse limitée aux patients inclus dans ces essais randomisés avec un antécédent d’AVC ou
d’AIT montre des résultats similaires à ceux observés sur l’ensemble des patients [31]. De même,
les résultats en termes d’efficacité ou de risque de saignement majeur sont similaires chez les
patients âgés de plus de 75 ans et chez ceux de moins de 75 ans [32]. Si les patients inclus dans
les essais cliniques sont sélectionnés et très bien suivis, des études de vraie vie montrent que
ces résultats sont bien reproduits en pratique clinique [33-35].

Facteurs de risque hémorragique


sous anticoagulants oraux
L’âge et l’intensité de l’anticoagulation sont les principaux facteurs prédictifs de complications
hémorragiques sous AVK [21]. Les autres facteurs de risque indépendants sont des facteurs
individuels (antécédent d’AVC, d’hémorragie), l’association à un antithrombotique et la durée
du traitement [4]. D’autres facteurs ont été rapportés : l’HTA, l’insuffisance cardiaque, le diabète,
l’insuffisance hépatique, rénale, l’alcoolisme ou une néoplasie [4], et plus récemment, des bio-
marqueurs (troponine, Growth differentiation factor-15) [36] (Tableau IV). Les facteurs prédictifs
de saignement majeur sous AOD sont l’âge, l’HTA, l’association à l’aspirine, l’antécédent de
saignement digestif, et une anémie [37]. Plusieurs modèles de stratification du risque hémor-
ragique ont été développés pour estimer le risque annuel d’hémorragie majeure, essentiellement
chez des patients sous AVK, comme le score HAS-BLED (hypertension, anomalie du bilan

/ 349
Partie 3 – Prévention

TABLEAU IV ▼Facteurs de risque modifiables et non modifiables d’hémorragie majeure chez des
patients avec FA sous warfarine, en fonction des scores de risque hémorragique, d’après [4].

HTA (en particulier PAS > 160 mmHg)

INR labile ou cible atteinte < 60 % du temps chez patients sous AVK

Médicament favorisant un saignement (AINS/antiagrégants plaquettaires)

Excès d’alcool (6 8 verres/semaine)

Anémie

Insuffisance rénale

Insuffisance hépatique

Thrombopénie ou thrombopathie

Âge (> 65 ans) (6 75 ans)

Antécédent de saignement majeur

Antécédent d’AVC

Dialyse ou transplantation rénale

Cirrhose hépatique

Cancer

Facteurs génétiques

Troponine ultrasensible

Growth differentiation factor-15

Créatinine/clairance de la créatinine

rénal/hépatique, AVC, antécédent d’hémorragie, INR labile, âge > 65 ans, alcool/médicaments)
[38] (Tableau V). Toutefois, certains facteurs de risque hémorragique importants sont communs
avec les facteurs de risque embolique du CHA2DS2VASc (comme l’âge et l’antécédent d’AVC),
ce qui rend difficile d’individualiser des patients dont le risque hémorragique est nettement plus
élevé que le risque embolique, chez lesquels les anticoagulants seraient contre-indiqués. Concer-
nant le risque d’hémorragie cérébrale sous AVK, la présence d’anomalies de la substance blanche
[39] et/ou de microbleeds en IRM [40], témoignant d’une microangiopathie ou d’une angiopathie
amyloïde sous-jacentes, pourraient être associée à un risque accru de saignement sous AVK.
Dans ce cas, les AOD sont privilégiés, bien qu’il n’existe pas de données sur le risque hémorra-
gique cérébral des AOD dans cette population. En pratique, l’évaluation des facteurs de risque
hémorragique doit être réalisée avant l’introduction du traitement anticoagulant (Tableau IV),
même si ces facteurs ne constituent pas à eux seuls des critères d’exclusion à un traitement qui
reste globalement efficace. Les facteurs de risque modifiables doivent être recherchés et traités
pour diminuer le risque hémorragique [4] (Tableau IV). Il s’agit de contrôler la pression artérielle,
d’éviter les surdosages chez le patient sous AVK et d’éviter l’association avec l’aspirine, y compris
chez les patients ayant une athéromatose [4]. La combinaison d’anticoagulants et d’aspirine
majore fortement le risque de saignement et n’est pas recommandée [4].

350 /
Fibrillation atriale

TABLEAU V ▼ Score HAS-BLED, d’après [38].


H : Hypertension 1

A : Anomalie bilan hépatique ou rénal (1 point chacun) 1 ou 2

S : AVC 1

B : Antécédent d’hémorragie 1

L : INR labile 1

E : Âge > 65 ans 1

D : Médicament (AAP, AINS) ou alcool (1 point chacun) 1 ou 2

Indications du traitement antithrombotique


Les recommandations de l’European Society of Cardiology approuvées par l’European Stroke Orga-
nisation concernant l’indication des anticoagulants oraux sont basées sur le score CHA2DS2VASc,
le risque hémorragique individuel et les préférences du patient [4] (Figure 1). Un traitement par
anticoagulant oral (ACO) est recommandé en cas de score CHA2DS2VASc 6 2 chez l’homme et
6 3 chez la femme (classe I, grade A), sauf contre-indication ; il doit être envisagé en cas de
score = 1 chez l’homme et de score = 2 chez la femme, en prenant en compte les caractéristiques
individuelles et les préférences du patient (classe IIa, grade B). L’aspirine n’est pas recommandée
quand un traitement anticoagulant n’est pas instauré [4].

FIGURE 1 Prévention des AVC chez les patients ayant une FA (d’après les recommandations
de l’European Society of Cardiology) [4].

ACO : anticoagulant oral ; AAP : antiagrégant plaquettaire.


* incluant les femmes sans autre facteur de risque.
** chez l’homme ayant un score à 1 et chez la femme ayant un score à 2.

/ 351
Partie 3 – Prévention

Après un syndrome coronarien aigu ou pose de stent chez un patient en FA, la triple thérapie
(ACO, aspirine, clopidogrel) est indiquée pour une courte durée (1 mois minimum jusqu’à 6 mois
selon le risque hémorragique) avec un relai par bithérapie (ACO associé à l’aspirine ou le clopi-
dogrel) jusqu’à 12 mois (voire 6 mois en cas de stent sans SCA) puis les ACO seuls sont main-
tenus au long cours [4].

Une mauvaise observance prévisible, un risque très élevé de chute (évalué au mieux par un gériatre),
une épilepsie mal contrôlée ou un saignement non contrôlé sont autant de contre-indications à
un traitement anticogulant oral [4]. Si l’âge élevé constitue un facteur de risque de saignement,
les patients âgés ont un bénéfice des anticoagulants, que ce soit avec les AVK [42] ou les AOD [32].
Les AOD étant contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère, la fonction rénale est à évaluer
systématiquement avant la mise en route du traitement par un AOD. Il existe des abaques des
dosages en fonction de la clairance de la créatinine (en mL/mn) selon la formule Cockcroft-Gault
(1,23 × [140-âge (années)] × poids (kg) [× 0,85 pour les femmes]/créatininémie [micromol/L]).

Le choix entre les AVK (INR cible 2 à 3) et les AOD tient compte du rapport bénéfice/risque
individuel, de l’âge, de la fonction rénale et des préférences du patient. Les dernières recom-
mandations européennes privilégient les AOD en première intention [4], à l’exception des patients
ayant une sténose mitrale modérée à sévère ou une prothèse mécanique, chez qui les AVK sont
recommandés. Chez un patient déjà sous AVK, ayant une mauvaise équilibration de l’INR ou
supportant mal les contraintes, un relai par AOD peut être envisagé [4]. Pour le choix de l’AOD,
aucun essai thérapeutique n’ayant comparé les AOD entre eux, la décision repose sur un certain
nombre de facteurs comme l’âge, la fonction rénale, les antécédents d’AVC ou de saignement
digestif [42] (Tableau VI). Concernant les faibles doses des AOD, seul le dabigatran a été spéci-
fiquement évalué contre les AVK [25]. Dans les autres essais, la diminution de la dose n’était
prévue principalement qu’en cas d’insuffisance rénale. La dose d’AOD tient compte de l’âge du
patient, de la fonction rénale et de l’âge (Tableau II).

La surveillance du traitement anticoagulant est primordiale. Pour les AVK, la surveillance de l’INR
se fait au minimum toutes les semaines jusqu’à obtention de la cible puis tous les mois [4]. Pour
les AOD, la surveillance de la clairance de la créatinine selon la formule Cockroft-Gault se fait
à une fréquence variable, en fonction de la clairance initiale. Une méthode simple pour décider
du rythme de suivi annuel est de diviser par 10 la clairance de la créatinine ; par exemple, pour
une clairance de 40 ml/mn, le contrôle de la fonction rénale se fera au minimum tous les 4 mois.
Si une détérioration de la fonction rénale est avérée ou suspectée (ex. en présence d’une hypo-
volémie, d’une déshydratation ou d’une association avec certains médicaments), et de manière
générale chez les patients de plus de 75 ans, les surveillances seront plus rapprochées, afin
d’adapter si nécessaire la posologie.

Mise en route du traitement anticoagulant


après un infarctus cérébral
Le taux de récidive dans les 2 semaines suivant un IC associé à une FA non rhumatismale est
inférieur à 5 %. Un traitement anticoagulant peut accentuer une transformation hémorragique
spontanée de l’infarctus et provoquer un hématome intra-infarctus, responsable d’une détério-
ration sévère de l’état neurologique, voire du décès du patient [43]. Ces hématomes intra-
infarctus sous anticoagulants surviennent le plus souvent dans les premiers jours suivant l’IC et
dans les 24 h suivant la mise en route des anticoagulants. En pratique, le délai optimum de mise
en route des ACO n’est pas défini et doit mettre en balance le risque de récidive précoce d’IC
en l’absence de traitement et le risque de transformation hémorragique sous ACO. Les recom-
mandations européennes recommandent de différer le traitement anticoagulant en fonction de
la sévérité de l’IC [4] (Figure 2). Après un AIT, un traitement immédiat est possible. Après un IC

352 /
Fibrillation atriale

mineur, l’introduction des anticoagulants peut être précoce. Il semble raisonnable de retarder la
mise en route de ce traitement de 72 h (au-delà du pic de survenue des transformations hémor-
ragiques spontanées). En revanche, après un IC plus sévère à risque de transformation hémor-
ragique, le délai exact restant individuel, il est recommandé de répéter le scanner cérébral et de
tenir compte d’autres facteurs hémorragiques, comme l’âge ou la présence d’une HTA non
contrôlée. Il est possible de débuter l’aspirine dans l’intervalle [4].
TABLEAU VI ▼ Indications suggérées des AOD dans différentes situations, d’après [42].
Médicament Remarques

Préférence du patient

Dose unique Rivaroxaban, edoxaban

Caractéristiques du patient

Dabigatran 150 mg : excès


Dabigatran 110 mg, apixaban,
Âge 6 80 ans d’hémorragie ; pas d’alerte
rivaroxaban, edoxaban
pour les autres

Apixaban : meilleure reduction


de risque
ATCD d’AVC Apixaban, rivaroxaban
Rivaroxaban : plus de patients
avec ATCD d’AVC

Seul AOD avec diminution


ATCD d’hémorragie des hémorragies
Apixaban
gastro-intestinale gastro-intestinales, comparé
aux AVK

Risque élevé d’AVC, faible risque Plus grande réduction du risque


Dabigatran 150 mg
hémorragique d’IC

Diminution du risque
Risque élevé d’AVC, risque Dabigatran 110 mg, apixaban,
hémorragique signification
hémorragique élevé edoxaban
par rapport aux AVK

Seul AOD avec diminution


Coronaropathie associée Rivaroxaban
de la mortalité après un SCA

Élimination rénale respective


Insuffisance rénale associée Apixaban, rivaroxaban, edoxaban
de 25 %, 35 % et 50 %

Seul essai prospectif


Cardioversion programmée Rivaroxaban
comparant un AOD aux AVK
SCA : syndrome coronarien aigu ; ATCD : antécédent.

Anticoagulants et cardioversion
La cardioversion électrique ou pharmacologique a pour objectif de restaurer le rythme sinusal
mais ne prévient pas les récidives de FA. Cependant, elle peut se compliquer d’un accident
thromboembolique classiquement appelé « embol de régularisation » lié à la reprise de l’activité
mécanique atriale succédant après un délai variable à la reprise de l’activité électrique et qui
peut favoriser la migration d’un thrombus. Ce stunning est maximal immédiatement après la
cardioversion, puis la fonction auriculaire s’améliore dans un délai allant de quelques heures à
quelques semaines, en fonction entre autres de la durée de la FA. Ainsi, près de 80 % des
accidents thromboemboliques surviennent dans les 3 jours et presque tous dans les 10 jours
suivant la cardioversion [4]. Un traitement anticoagulant est donc recommandé au moins
3 semaines avant la cardioversion et 4 semaines après chez les patients ayant une FA depuis
plus de 48 heures ou de durée inconnue, ce qui est souvent le cas après un IC [4]. Si une
cardioversion plus rapide est indiquée, elle peut être réalisée après une ETO ne montrant pas de
thrombus dans l’OG, en démarrant immédiatement les anticoagulants [4].

/ 353
Partie 3 – Prévention

FIGURE 2 Recommandations d’introduction des anticoagulants à la phase aiguë d’un infarctus


cérébral, d’après les recommandations de la Société européenne de cardiologie [4].

Hémorragie cérébrale sous anticoagulants


Antagonisation du traitement anticoagulant
La survenue d’une hémorragie cérébrale chez un patient traité par AVK, impose d’antagoniser
les AVK le plus vite possible, sans attendre le résultat de l’INR, jusqu’à normalisation de l’INR,
bien qu’il n’y ait pas d’essais thérapeutiques démontrant l’efficacité clinique d’une telle mesure
[44]. Ces recommandations viennent du fait que 30 à 40 % des hémorragies cérébrales augmen-
tent de volume dans les premières 12 à 36 h de leur formation, avec un risque d’aggravation
neurologique, qu’il est probable qu’un INR élevé aggrave cette expansion de l’hémorragie et que
des études observationnelles sont en faveur du bénéfice de l’antagonisation des AVK [44]. Dans
une étude portant sur 853 patients ayant une hémorragie cérébrale sous AVK, l’obtention d’un
INR < 1,3 et d’une pression artérielle systolique inférieure à 160 mmHg dans les 4 h de l’admis-
sion des patients étaient associés à une diminution d’expansion de l’hématome (présente dans
36 % des cas) et une diminution de la mortalité hospitalière de 40 % [45].

L’antagonisation des AVK repose sur la restauration des facteurs de coagulation par le plasma frais
congelé ou le concentré prothrombique humain non activé (CCP) [44]. Un essai thérapeutique récent
est en faveur de la supériorité du CCP sur le plasma frais congelé, tant pour la normalisation précoce
de l’INR que pour la diminution de l’expansion de l’hématome à 3 h et à 24 h [46]. En pratique, il
est recommandé d’antagoniser les AVK en urgence, sans attendre le résultat de l’INR, avec une
injection d’une ampoule (10 mg) de vitamine K sur 30 mn associé à du CCP (25 UI/kg). Une dose
supplémentaire de CCP est administrée si l’INR contrôlé 30 mn après est supérieur à 1,5.

354 /
Fibrillation atriale

Des antidotes sont disponibles ou en cours de développement pour les AOD. L’idarucizumab est
un anticorps monoclonal spécifique du dabigatran disponible, avec une affinité avec le dabigatran
350 fois plus forte qu’avec la thrombine. L’administration de 5 g en bolus permet l’élimination
du complexe par le rein complète et immédiate chez des volontaires sains, sans effet pro-
coagulant [47]. Une potentielle amélioration clinique n’a pas été évaluée. L’andexanet alfa est
un antidote spécifique des inhibiteurs du facteur Xa, en cours de développement. L’administration
de facteurs de coagulation est recommandée en l’absence d’antidote spécifique pour les anti-Xa
[4], même si le bénéfice d’une telle attitude reste incertain, tant sur la diminution de l’expansion
de l’hématome que sur l’évolution clinique à 3 mois [48].

Reprise du traitement anticoagulant


Passé la phase aiguë, le clinicien est confronté au dilemme de la reprise ou non des anticoa-
gulants chez un patient à haut risque embolique. Si des études observationnelles sont généra-
lement en faveur de la reprise [48, 49], aucun essai thérapeutique n’a évalué le rapport béné-
fice/risque d’une réintroduction des anticoagulants après une hémorragie cérébrale. Les patients
ayant un antécédent d’hémorragie cérébrale étaient exclus des essais thérapeutiques comparant
les AVK aux AOD. La Figure 3 montre les recommandations de la Société européenne de
cardiologie pour la reprise d’un traitement anticoagulant après une hémorragie cérébrale.

FIGURE 3 Initiation ou réintroduction d’un ACO après un saignement intrâcranien (d’après [4]).

/ 355
Partie 3 – Prévention

Avant toute réintroduction des anticoagulants, le clinicien doit tenir compte de l’âge du patient,
de son risque de récidive, du type d’hémorragie cérébrale et de l’anticoagulant oral (AVK ou
AOD) ayant provoqué l’hémorragie intracrânienne. Outre les facteurs de risque classiques
d’hémorragie cérébrale (Tableau IV), la localisation lobaire de l’hémorragie, la présence de nom-
breux microbleeds (par ex. > 10) seraient à plus haut risque de récidive (possiblement du fait
d’une angiopathie amyloïde associée) et constituerait une contre-indication relative à sa
reprise [4]. Il paraît légitime, en cas d’hémorragie sous AVK et en l’absence de contre-indication,
de privilégier les AOD du fait d’un risque hémorragique intracrânien plus faible [4]. Toutefois, le
risque hémorragique des AOD n’a pas été évalué dans cette population à haut risque. Des essais
thérapeutiques sont en cours pour évaluer la place des AOD et de la fermeture de l’auricule dans
cette population.

Lorsqu’une reprise des anticoagulants est envisagée, le délai de reprise des anticoagulants est
inconnu. Les recommandations européennes préconisent un délai d’au moins 4 à 8 semaines et
un traitement de la cause et des facteurs associés hémorragiques [4].

Fermeture/occlusion de l’auricule gauche


L’auricule gauche est la zone élective de formation des thrombi en cas de FA. Deux essais
randomisés chez des patients ayant une FA non valvulaire, un risque modéré embolique et
l’absence de contre-indication aux AVK ont montré que l’occlusion percutanée de l’auricule
gauche n’était pas inférieure aux AVK sur le critère combiné décès, AVC et embolie systémique,
avec une possible diminution du risque hémorragique [50, 51]. Les patients avaient en post-
procédure un traitement par AVK pendant 45 jours, suivi d’une bithérapie antiplaquettaire (75 mg
d’aspirine et 75 mg de clopidogrel) pendant 6 mois, puis une monothérapie antiplaquettaire
(aspirine 75 mg) au long cours. Cette option thérapeutique non pharmacologique pourrait aussi
diminuer le risque d’AVC chez les patients en FA ayant une contre-indication aux AVK [52] ou
présentant une récidive cardioembolique sous ce traitement [53]. Dans le registre ORBIT-AF,
parmi les 10 130 patients ayant une FA et une indication à un traitement ACO, 13 % avaient
une contre-indication à ce traitement à l’inclusion (dont 5 % pour antécédent d’hémorragie
cérébrale) [54].

L’occlusion percutanée de l’appendice auriculaire est réalisée via un cathétérisme trans-septal.


L’évaluation anatomique de l’auricule, en raison d’une grande variabilité interindividuelle, et la
recherche d’un éventuel thrombus contre indiquant la procédure sont indispensables et relève
d’une imagerie échographique réalisée par des opérateurs entraînés. Une imagerie tomogra-
phique en coupe par un scanner cardiaque est maintenant souvent utilisée en complément de
l’échographie. Cette procédure comporte un risque de complications potentiellement graves
pouvant nécessiter une prise en charge urgente par l’équipe interventionnelle et/ou chirurgicale
[53]. Des données récentes sont toutefois rassurantes dans un grand registre européen, portant
sur 1 021 patients, avec un succès d’implantation dans 98 % des cas et un risque de la procédure
à 30 jours de 4 % [55].

L’occlusion ou l’exclusion de l’auricule gauche par voie chirurgicale peut être réalisée soit lors
d’une procédure d’exclusion chirurgicale de la FA, soit en complément d’une chirurgie cardiaque
valvulaire ou non, ou plus rarement en procédure dédiée par thoracotomie. Des essais théra-
peutiques sont nécessaires pour évaluer le potentiel bénéfice sur le risque embolique [4].

Des essais randomisés sont en cours pour évaluer la place de l’occlusion percutanée de l’auricule
gauche en comparaison aux AOD, en particulier chez les patients à haut risque hémorragique
cérébral ou en cas de saignement sous AVK. Se posera aussi la question de son intérêt chez les

356 /
Fibrillation atriale

patients présentant une récidive cardioembolique sous anticoagulants. Le traitement antithrom-


botique mis en place après la fermeture, ainsi que sa durée, doivent aussi être évalués.

En pratique, en attendant les résultats des essais thérapeutiques, l’indication, parfois difficile à
porter, doit résulter d’une décision pluridisciplinaire cardio-neurologique évaluant au cas par cas
le rapport bénéfice/risque [4].

Traitement de la fibrillation auriculaire


et de ses facteurs de risque
L’ancien débat : contrôle du rythme ou de la fréquence cardiaque
Les indications du contrôle du rythme cardiaque (« maintenir le rythme sinusal à tout prix ») et
du contrôle de la fréquence cardiaque (« se contenter de ralentir la FA ») sortent du cadre de
ce chapitre. Les études disponibles n’ont pas montré de bénéfice du contrôle du rythme cardiaque
sur la mortalité ou le risque embolique [56]. En effet, la mortalité liée aux traitements anti-
arythmiques vient annuler l’effet bénéfique d’être en rythme sinusal. Actuellement, les traite-
ments antiarythmiques n’ont pour objectif que de contrôler les symptômes liés à la FA dont se
plaignent les patients ou en présence d’une mauvaise tolérance hémodynamique.

Aujourd’hui : ablation de la fibrillation atriale


et maîtrise des facteurs de risque
Les techniques ablatives, principalement par voie endocavitaire, consistent en une destruction
de la zone myocardique auriculaire (autour des veines pulmonaires) responsable du trouble du
rythme par application d’énergie électrique (radiofréquence) ou thermique (cryoablation).
Comme les antiarythmiques, ces techniques permettent de restaurer le rythme sinusal et restent
un traitement des symptômes mais ne permettent en aucun cas à ce jour d’arrêter le traitement
anticoagulant oral [4]. Elles sont actuellement parfaitement validées pour la FA paroxystique et
peuvent être proposées en première intention sur cœur sain avec une efficacité supérieure à
n’importe quel traitement antiarythmique et un taux de complications similaire [4]. Aucun
consensus n’apparaît sur l’approche technique à utiliser et reste du domaine de la recherche
clinique et réservée à des centres experts [4]. Chez certains patients avec FA et réponse ventri-
culaire rapide malgré les médicaments bradycardisants ou ne les tolérant pas, une ablation du
nœud auriculo-ventriculaire associée à l’implantation d’un stimulateur cardiaque permet de
contrôler les symptômes liés à la FA, sans réduire le risque thromboembolique.
D’autre part, la maîtrise de certains facteurs de risque comme l’obésité et le syndrome d’apnée
du sommeil est recommandée [4]. Dans un essai randomisé, la perte de poids intensive (objectif
de perte de 10 à 15 kg), associée à la prise en charge des autres facteurs de risque, comparée à
une prise en charge classique, était associée à une diminution des récidives de FA et des symp-
tômes liés à la FA [57]. Des études observationnelles suggèrent que le traitement par pression
continue positive des patients ayant un SAOS, a un effet bénéfique sur la FA, en diminuant le
risque de récurrence et en améliorant les symptômes [58].

/ 357
Partie 3 – Prévention

La fibrillation atriale est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent et un puissant facteur
de risque d’IC. Le traitement doit être adapté au niveau de risque individuel de chaque patient.
Les anticoagulants ont une efficacité majeure en termes de prévention des complications throm-
boemboliques, qu’il s’agisse des AVK ou des AOD. Les AOD sont recommandés en première
intention du fait de la diminution du risque hémorragique cérébral. La place de la fermeture de
l’auricule n’est pas encore parfaitement définie.

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Partie 3 – Prévention

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360 /
26

À côté de l’athérosclérose et des maladies des petites artères, les embolies d’origine cardiaque
figurent parmi les trois principales causes d’infarctus cérébral (IC). La fibrillation atriale est de
loin la première cause cardioembolique suivie par les causes valvulaires, les anomalies du septum
interauriculaire et les causes plus rares. Certaines cardiopathies sont associées à un risque absolu
élevé d’IC dont le mécanisme cardioembolique est bien documenté (ex. : fibrillation atriale). À
l’inverse, d’autres anomalies cardiaques, souvent fréquentes dans la population générale, ne
comportent qu’un risque absolu faible d’IC dont le mécanisme est souvent mal élucidé. Le lien
de causalité avec l’IC est ici beaucoup plus incertain et ne se discute qu’après exclusion de toutes
les autres causes. Une autre difficulté est que dans un nombre non négligeable de cas (qui peut
atteindre 25 % chez le sujet âgé), il existe une autre cause potentielle d’accident ischémique
cérébral associée à la cardiopathie et il est alors souvent très difficile de dire laquelle a été
responsable de l’IC.

Ce chapitre traite de la prévention secondaire après un IC ou un accident ischémique transitoire


(AIT) lié à une cardiopathie emboligène, en dehors de la fibrillation atriale.

Endocardite infectieuse (1)


L’endocardite infectieuse (EI) est une pathologie rare dont l’incidence annuelle est de 3 à 10
pour 100 000 personnes [1]. Elle est définie par l’infection de l’endocarde d’une valve cardiaque
native ou d’un matériel cardiaque implanté. Cette lésion conduit à la formation d’un thrombus

(1) Chapitre rédigé par Laurent Derex, Xavier Duval, Mikaël Mazighi, Élodie Ong.

/ 361
Partie 3 – Prévention

plaquettaire fibrineux permettant l’adhérence des bactéries et la formation de végétations [1].


L’EI est une maladie grave associée à une mortalité hospitalière de 20 % et un taux de compli-
cations neurologiques élevé. Le diagnostic repose sur les critères de Duke modifiés (Tableau I) [2].
Afin d’améliorer la sensibilité diagnostique, un scanner corps entier et une IRM cérébrale peuvent
compléter le bilan à la recherche de lésions silencieuses en faveur du diagnostic [2]. L’IRM encé-
phalique est très sensible pour détecter des lésions cérébrales asymptomatiques à la phase aiguë
des EI [3]. Le pattern d’imagerie le plus fréquent est la présence de lésions ischémiques récentes
et de microsaignements. À chaque augmentation d’un millimètre de la taille de la végétation
correspond une augmentation de 10 % du nombre de lésions ischémiques détectées en IRM en
séquence de diffusion. Les microsaignements, quant à eux, sont présents dans plus de 50 % des
cas d’EI sur les séquences T2 écho de gradient [4]. Les microsaignements observés dans les EI
sont souvent plus larges, plus hétérogènes, avec des formes irrégulières avec plusieurs couches
de signal différent, par rapport à ceux observés dans la maladie des petits vaisseaux associée au
vieillissement et autres facteurs de risque vasculaire ou l’angiopathie amyloïde cérébrale.

TABLEAU I ▼ Critères de Duke pour le diagnostic d’endocardite infectieuse.


Endocardite certaine Endocardite possible
– Preuve histologique et/ou microbiologique – 1 critère majeur et 1-2 critère(s) mineur(s)
d’infection lors d’une chirurgie ou à l’autopsie – 3-4 critères mineurs
– 2 critères majeurs
– 1 critère majeur et 3 critères mineurs
– 5 critères mineurs

Endocardite exclue
– Pas d’arguments en faveur d’une endocardite lors d’une chirurgie ou à l’autopsie chez un patient ayant reçu une
antibiothérapie pendant 4 jours
– Diagnostic alternatif confirmé
– Résolution de la maladie avec une antibiothérapie pendant ^ 4 jours
– Ne répond pas aux critères d’une endocardite possible

Critères majeurs
Hémocultures positives pour une endocardite
– Micro-organismes typiques pour une endocardite, isolés de 2 hémocultures séparées :
– Streptocoques viridans, Streptococcus bovis, Staphylococcus aureus, groupe HACEK
– Entérocoques acquis dans la communauté en l’absence d’un foyer infectieux primaire
– Micro-organismes compatibles avec une endocardite, isolés à partir d’hémocultures positives aux conditions
suivantes :
– Au moins 2 hémocultures positives obtenues 6 12 h d’intervalle
– Plus de 4 hémocultures positives, dont le premier et le dernier prélèvement obtenus à 6 1 h d’intervalle
– 1 seule hémoculture positive pour Coxiella burnetii ou un titre d’anticorps IgG élevé à > 1:800

Preuve d’une atteinte de l’endocarde


– Échocardiographie positive pour une endocardite, définie comme :
– Masse intracardiaque oscillant sur la valve ou les structures adjacentes sur le trajet d’un flux turbulent,
régurgitant ou sur du matériel implanté en l’absence d’explication anatomique alternative
– Abcès
– Déhiscence partielle recouverte sur une valve prothétique
– Régurgitation valvulaire nouvelle (un souffle préexistant, s’aggravant ou se modifiant, n’est pas suffisant)

Critères mineurs
– Cardiopathie prédisposante ou toxicomanie intraveineuse
– Température > 38o
– Phénomènes vasculaires : embolie artérielle majeure, infarctus pulmonaire septique, anévrisme mycotique,
pétéchies, hémorragie intracrânienne ou conjonctivale, lésions de Janeway
– Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrite, nodules d’Osler, lésions de Roth, facteur rhumatoïde
– Preuve microbiologique : hémoculture positive ne remplissant pas les critères majeurs ou preuve sérologique
d’une infection active par un organisme responsable d’endocardite

362 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

Les complications neurologiques sont plus fréquemment observées en cas d’EI du cœur gauche
et concernent jusqu’à 80 % des patients quand on considère aussi les complications asympto-
matiques découvertes à l’occasion d’une IRM cérébrale systématique [5, 6]. Les principaux fac-
teurs de risque associés à la survenue d’une embolie cérébrale en cas d’EI sont une infection à
Staphylococcus aureus, des végétations mesurant plus de 10 mm de diamètre en échographie
cardiaque, l’atteinte de la valve mitrale, et la survenue d’embolies extracérébrales [7].

Les données les plus récentes montrent que les événements cérébrovasculaires (IC/AIT, AVC
hémorragique, microsaignements) représentent plus de 65 % de ces complications neuro-
logiques [7, 8]. L’identification précoce des patients présentant des événements neurologiques
est capitale car elle va modifier la gestion de l’antibiothérapie, des antithrombotiques, et des
interventions qu’elles soient endovasculaires ou chirurgicales. Deux tiers des complications neuro-
logiques symptomatiques surviennent avant le diagnostic d’endocardite qui doit être évoqué
devant tout AVC chez un patient fébrile et/ou présentant un souffle cardiaque, des signes d’insuf-
fisance cardiaque, ou un syndrome inflammatoire.

FIGURE 1 Artériographie de profil montrant un anévrisme mycotique (cercle blanc) sur une
branche corticale de l’artère cérébrale moyenne. Encadré : Cliché après injection avec un micro-
cathéter (*) permettant d’opacifier l’anévrisme mycotique (**).

Traitement
■ Antibiothérapie
La prévention des embolies cérébrales repose sur l’antibiothérapie précoce et adaptée. Les réci-
dives emboliques sont rares dès lors que l’infection est contrôlée. L’antibiothérapie doit être
initiée dès que le diagnostic est suspecté, après le prélèvement de 6 flacons d’hémoculture, en
dehors du sepsis grave où 2 flacons suffisent. Elle doit être bactéricide et prolongée. Les

/ 363
Partie 3 – Prévention

recommandations précisent les choix des antibiotiques, les modalités d’administration et la durée,
généralement supérieure à 4 semaines. Sur la base de données observationnelles, on considère
que l’antibiothérapie réduit les risques emboliques chez les patients présentant des végétations
valvulaires volumineuses (> 10 mm). En cas de complications cérébrales, il faut veiller à choisir
des antibiotiques à bonne diffusion cérébrale [2].

■ Traitements antithrombotiques

Les recommandations pour la poursuite ou l’arrêt des anticoagulants sont basées sur un faible
niveau de preuve et les décisions individualisées doivent être prises de manière collégiale [2]. En
cas d’hémorragie intracrânienne, les anticoagulants doivent être arrêtés (classe I niveau C).

La thrombolyse intraveineuse est contre-indiquée en présence d’un EI en raison du risque important


d’hémorragie intracrânienne lié à la rupture d’anévrismes mycotiques (AM) (classe III, niveau C) [2,
9]. La thrombectomie reste une option thérapeutique, mais les données sont limitées.

La prévention des accidents emboliques par l’administration d’aspirine n’a pas montré son intérêt
dans un essai prospectif, arrêté de façon prématurée en raison de la survenue d’AVC hémor-
ragiques sous aspirine [10]. Les décisions sur les traitements antithrombotiques doivent être
individualisées et reposent sur des consensus pluridisciplinaires.

■ Anévrismes mycotiques

Jusqu’à 30 % des cas d’EI se compliquent d’AVC hémorragiques. L’hypothèse de la rupture d’un
anévrisme mycotique est souvent évoquée. Les anévrismes mycotiques sont multiples dans 20 %
des cas et siègent fréquemment aux bifurcations distales des artères intracrâniennes. Leur pré-
valence est estimée à 2 % à 4 % mais reste mal connue, car le diagnostic peut en être difficile
du fait de leur petite taille et de leur localisation sur les artères distales [11]. Il n’y a pas de
recommandations fortes sur traitement de ces lésions. En cas d’anévrisme rompu, un traitement
visant à exclure la lésion artérielle doit être entrepris par voie endovasculaire ou chirurgicale.
Pour les anévrismes non rompus, un traitement médical est le plus souvent retenu. En effet, les
anévrismes mycotiques peuvent régresser et disparaître sous antibiothérapie. L’intervention,
qu’elle soit chirurgicale ou endovasculaire, sera envisagée en cas d’échec de l’antibiothérapie ou
si une chirurgie cardiaque est indiquée. Le rapport bénéfice-risque de l’intervention, qui peut
aboutir au sacrifice de l’artère porteuse, avec un risque d’IC lié à la procédure, dépend de la
taille, de la localisation, de la croissance et des caractéristiques anatomiques de l’anévrisme [2].

■ Chirurgie valvulaire

La chirurgie de remplacement valvulaire à la phase aiguë de l’EI est effectuée dans 50 % des cas,
avec pour objectif la réparation des dégâts valvulaires, le contrôle de l’infection et la prévention
des accidents emboliques. La chirurgie à la phase aiguë chez les patients en insuffisance cardiaque
non contrôlée par le traitement médicamenteux permet de réduire la mortalité. L’intervention
chirurgicale la plus courante est le remplacement valvulaire par une valve mécanique ou une
bioprothèse, mais les techniques conservatrices visant à réparer la valve se développent.

Les indications chirurgicales sont les suivantes :


■ défaillance hémodynamique liée à la destruction valvulaire (insuffisance ou sténose val-
vulaire sévère avec œdème pulmonaire réfractaire ou signes de mauvaise tolérance
hémodynamique) ;
■ infection non contrôlée (abcès valvulaire ou paravalvulaire, fièvre persistante, hémo-
cultures positives > 7 jours, pathogènes réfractaires : Coxiella burnetii, Brucella, champi-
gnons, certains staphylocoques) ;
■ développement d’abcès ou de fistules par extension périvalvulaire de l’infection ;

364 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

■ endocardite sur valve prothétique (particulièrement en phase postopératoire précoce) ;


■ végétations de grande taille à haut risque embolique (> 10 mm, mobiles) ;
■ végétations dont la taille augmente en dépit d’une antibiothérapie adaptée.

En dehors d’une insuffisance cardiaque réfractaire au traitement médical qui nécessite une inter-
vention en extrême urgence, le délai optimal de la chirurgie reste débattu. En effet, la circulation
extracorporelle et l’anticoagulation nécessaires au remplacement valvulaire sont sources d’aggra-
vation neurologique, avec la survenue de nouvelles lésions cérébrovasculaires ou l’aggravation
de lésions existantes (par exemple, transformation hémorragique d’un IC conduisant à différer
la chirurgie chez ces patients. À l’inverse, une chirurgie différée expose à la survenue d’une
insuffisance cardiaque et aux récidives emboliques, associées à une augmentation de la morbi-
mortalité. Des études anciennes suggéraient qu’une chirurgie précoce (entre la deuxième et la
quatrième semaine suivant le diagnostic d’EI) chez des patients avec un infarctus ou une hémor-
ragie cérébrale, modérés à sévères, était associée à un surrisque d’aggravation neurologique et
de mortalité [7]. Les données les plus récentes montrent que la chirurgie précoce réalisée dans
la semaine suivant le diagnostic d’EI n’est pas associé au surrisque précédemment souligné. Plus
particulièrement, chez les patients les plus graves admis en réanimation, il n’existe pas de lien
démontré entre le délai de la chirurgie cardiaque et la mortalité. Enfin, une étude randomisée,
publiée en 2012, montre que chez les patients ayant une EI du cœur gauche et une insuffisance
valvulaire sévère, la chirurgie réalisée dans les 48 h est associée à une réduction des événements
emboliques sans augmentation de la mortalité ou des rechutes [12].

Selon les recommandations de l’ESC, après un accident ischémique cérébral, la chirurgie ne


devrait pas être retardée si elle est indiquée en raison d’une insuffisance cardiaque, d’une infec-
tion non contrôlée, ou d’un risque embolique élevé ; si le patient n’est pas comateux et si une
lésion ischémique sévère a été exclue (classe IIa, niveau B). En cas d’AIT ou d’IC silencieux, la
chirurgie est recommandée sans délai (classe I niveau B). Après une hémorragie intracrânienne,
la chirurgie doit être reportée en général d’au moins un mois (classe IIa, niveau B).

Endocardites non bactériennes (2)


L’endocardite marastique ou endocardite thrombotique non bactérienne (ETNB) est caractérisée
par la présence de végétations de fibrine stériles sur une ou plusieurs valves cardiaques [13].
Environ 50 % des ETNB provoqueraient des embolies cérébrales. Ces végétations seraient la
conséquence d’une hypercoagulabilité liée au cancer associée à une lésion des cellules endo-
théliales des valves cardiaques [13].

Dans une série de 51 patients atteints de cancer examinés par échographie transœsophagienne
pour un IC, une ETNB a été détectée dans 18 % des cas [14]. Dans une étude conduite chez
9 patients avec ETNB, la réalisation séquentielle d’une IRM cérébrale en séquence de diffusion a
montré des lésions ischémiques multiples de petite ou grande taille dans des territoires vascu-
laires différents [15].

Un traitement anticoagulant est recommandé pour lutter contre l’hypercoagulabilité liée au


cancer [16]. L’héparine serait plus efficace que la warfarine pour prévenir l’hypercoagulabilité
associée aux cancers [16]. Ce traitement par héparine pourrait réduire le taux d’IC liés aux ETNB
sans augmenter le risque de transformation hémorragique [17].

(2) Chapitre rédigé par Laurent Derex et Élodie Ong.

/ 365
Partie 3 – Prévention

Les indications de remplacement valvulaire sont celles des endocardites infectieuses : dysfonction
cardiaque sévère, embolies récurrentes sous traitement médical bien conduit, végétations de
plus de 10 mm [18]. En cas de doute diagnostique entre ETNB et endocardite infectieuse, la
chirurgie avec analyse anatomopathologique de la végétation peut être utile [18].

L’endocardite de Libman-Sacks (végétations stériles) a été décrite chez des patients atteints de
lupus compliqué d’un IC, tout particulièrement chez ceux ayant un syndrome des antiphospho-
lipides [19]. Elle touche particulièrement la valve mitrale [19]. Il n’existe pas de traitement d’effi-
cacité démontrée. Les anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires ne permettraient pas de
faire régresser la taille de ces lésions [20]. Les corticoïdes initialement considérés comme béné-
fiques pourraient aggraver les lésions [21]. Il n’y a pas de corrélation évidente entre la prise d’un
traitement immunosuppresseur et l’évolution des lésions valvulaires [22]. La chirurgie cardiaque
est à haut risque dans ce contexte, mais elle semble indiquer en cas de défaillance cardiaque
avec une préférence pour un remplacement valvulaire mécanique chez ces patients souvent
anticoagulés au long cours [23].

L’endocardite fibroblastique de Loeffler est liée à un épaississement des fibres endocardiques


conséquence d’une hyperéosinophilie. Le traitement repose sur les corticoïdes et les traitements
cytotoxiques comme l’hydroxyurée, l’aziathropine ou les interférons alpha [24].

Prothèses valvulaires (3)


Le risque thromboembolique des prothèses valvulaires nécessite, dans la majorité des cas, la
prescription d’une anticoagulation, allant de quelques mois pour certaines bioprothèses, à la vie
entière pour les prothèses mécaniques. Pour les bioprothèses, le traitement anticoagulant repose
sur les AVK ou les anticoagulants oraux directs (AOD) pendant 3 mois. En cas de bioprothèse
aortique, le traitement anticoagulant peut être évité au profit de faibles doses d’aspirine [25].

Le risque thromboembolique des valves mécaniques est évalué à 1 % par an sous traitement anti-
coagulant bien conduit ; il est quatre fois supérieur en son absence [26]. Le risque est plus élevé en
position mitrale qu’en position aortique. Les AOD n’ont pas fait la preuve de leur efficacité en
prévention du risque embolique dans ce contexte et seuls les AVK peuvent être utilisés. Les objectifs
en termes d’INR sont définis en fonction du risque thrombogène relatif au type de prothèse méca-
nique, sa localisation et la présence de facteurs prothombogènes liés au patient (Tableau II) [25].

TABLEAU II ▼ Prothèses valvulaires mécaniques : objectifs en termes d’INR.


Thrombogénicité de la prothèse Facteurs de risqué liés au patienta

Aucun 6 1 facteur de risque


b
Basse 2,5 3,0
c
Moyenne 3,0 3,5
d
Élevée 3,5 4,0
a
Valve en position mitrale ou tricuspide ; antécédent thromboembolique ; fibrillation atriale ; rétrécissement mitral quel qu’en
soit le degré ; fraction d’éjection du ventricule gauche < 35 %.
b
Carbomedics, Medtronic Hall, ATS, Medtronic Open-Pivot, St Jude Medical, o,-X, Sorin Bicarbon.
c
Autres valves à double ailette avec données insuffisantes.
d
Lillehei-Kaster, Omniscience, Starr-Edwards (ball cage), Bjork-Shiley et autres valves à disque.

(3) Chapitre rédigé par Solène de Gaalon et Benoît Guillon.

366 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

En cas de survenue d’un IC chez un patient ayant une valve mécanique, une thrombolyse par
voie intraveineuse n’est possible que si l’INR est inférieur à 1,7, témoignant d’un sous-dosage
en AVK. Dans les autres cas, une thrombectomie mécanique sera proposée en présence d’un
thrombus proximal.

Une embolie cérébrale chez un patient porteur d’une valve impose la recherche d’une thrombose
de la prothèse par échocardiographie transthoracique ou, au mieux, transœsophagienne, en
urgence s’il existe des signes d’insuffisance cardiaque et des embolies dans d’autres territoires.
Elle est en règle associée à un sous-dosage en AVK. Par la suite, s’il n’y a pas nécessité de
remplacement de prothèse, l’ajout d’aspirine 75 à 100 mg doit être discuté au cas par cas du
fait du surrisque hémorragique, mais peut être indiqué en cas de maladie vasculaire athéro-
mateuse associée ou en cas de complication thromboembolique survenant sous AVK avec INR
bien équilibré [25].

Valvulopathies mitrales et aortiques (4)


Le rétrécissement mitral (RM) est quasi exclusivement d’origine rhumatismale, réalisant une
fusion des commissures des valves mitrales antérieure et postérieure et aboutissant à la création
d’un obstacle au remplissage diastolique du ventricule gauche. La principale cause d’IC en cas
de RM est une FA associée, bien qu’un IC puisse survenir avant son installation. Après un premier
accident embolique, le risque de récidive est très élevé allant de 30 à 65 % selon les séries ; la
majorité des récidives surviennent la première année. Bien que l’efficacité des antithrombotiques
n’ait pas fait l’objet d’un essai randomisé, il existe un large consensus pour utiliser un traitement
anticoagulant (INR 2-3) en cas de RM compliqué de FA, d’IC ou d’AIT, ou de thrombus auriculaire
gauche. Il peut aussi être envisagé en cas de dilatation auriculaire gauche 6 55 mm en écho-
cardiographie. L’adjonction d’un antiplaquettaire au traitement anticoagulant peut être envisagée
en cas d’IC ou d’AIT sous AVK [27]. En l’absence de FA, l’insuffisance mitrale n’est probablement
pas associée à une augmentation significative du risque d’IC initial ou récidivant [27].

Le prolapsus valvulaire mitral (PVM) est défini par la protrusion d’une ou des deux valves mitrales
dans l’oreillette gauche au cours de la systole. Les résultats d’une étude de population réalisée
dans le comté d’Olmsted, Minnesota, chez 777 patients porteurs d’un PVM suggèrent que le
PVM est associé à un faible excès de risque d’AVC : 0,7 %/an, soit 2 fois plus que la population
générale (RR, 2,2 ; IC95 % : 1,5–3,2) [28]. Les facteurs de risque de survenue d’un AVC étaient
un âge 6 50 ans, un épaississement des feuillets de la valve mitrale et la nécessité d’une chirurgie
valvulaire. Les rares études consacrées au risque de récidive après un premier AVC ischémique
associé à un PVM suggèrent que le PVM n’est pas un facteur de risque de récidive. En l’absence
d’une autre anomalie justifiant un traitement anticoagulant, un traitement antiplaquettaire est
généralement utilisé en prévention secondaire [27].

La calcification de l’anneau mitral (CAM) correspond à une dégénérescence fibreuse avec calci-
fication de l’anneau supportant la valve mitrale. Cette anomalie qui touche le sujet âgé (75 ans
en moyenne) est plus fréquente chez la femme. La CAM peut provoquer un IC par embolie de
matériel calcaire ou thrombotique à partir de l’anneau mitral, mais l’IC peut aussi être secondaire
à une embolie à point de départ auriculaire gauche en cas de FA ou de valvulopathie associées,
ou encore répondre à un mécanisme athérothrombotique, chez des patients âgés ayants très
fréquemment des facteurs de risque et un athérome aortique ou des troncs supra-aortiques.
L’association entre CAM et risque d’AVC observée dans certaines études pourrait donc relever
d’une communauté de facteurs de risque plutôt que d’un lien direct [27]. L’impact de la CAM
sur le risque de récidive d’IC et le bénéfice des antithrombotiques en prévention secondaire n’ont

(4) Chapitre rédigé par Jean-Louis Mas.

/ 367
Partie 3 – Prévention

pas été évalués de façon adéquate. En l’absence d’une autre anomalie justifiant un traitement
anticoagulant, un traitement antiplaquettaire est généralement utilisé en prévention
secondaire [27].

Dans les pays industrialisés, le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est la valvulopathie la plus
fréquente de l’adulte. Le RAC comporte des formations calcaires plus ou moins volumineuses au
sein des valvules qui en limitent les mouvements. Ces nodules calcaires représentent une source
théorique d’embolie dans la circulation artérielle, notamment coronaire et cérébrale. Bien que des
microembolies calcaires cérébrales et rétiniennes soient parfois observées à l’autopsie ou au fond
d’œil chez des patients porteurs d’un RAC, les complications cliniques semblent très rares, et une
étude prospective cas-témoins n’a pas identifié le RAC comme un facteur de risque indépendant
d’AVC [29]. En outre, les patients ayant un RAC ont très souvent une cause alternative d’IC (athéro-
sclérose carotide ou aortique, FA). En revanche, un remplacement valvulaire aortique par voie
endovasculaire comporte un risque élevé d’événement cérébrovasculaire postinterventionnel [30].
En l’absence d’une autre anomalie justifiant un traitement anticoagulant, un traitement anti-
plaquettaire est généralement utilisé en prévention secondaire [27].

Le foramen ovale perméable (FOP) est un vestige de la circulation fœtale qui est présent chez
environ 25 % des personnes [31]. Il est fréquemment associé à un anévrisme du septum inter-
auriculaire (ASIA) qui est défini par une protrusion (> 10 mm) du septum interauriculaire dans
l’une et/ou l’autre oreillette durant le cycle cardiaque. Le FOP permet une communication entre
les oreillettes (shunt droit-gauche) et le passage possible d’un thrombus veineux dans la circu-
lation systémique (embolie paradoxale). Plusieurs études cas-témoins ont montré que la préva-
lence du FOP était plus élevée chez les patients ayant un IC cryptogénique comparativement à
des témoins sans IC ou avec un IC de cause identifiée [32]. L’association entre FOP et IC crypto-
génique est plus forte chez les patients jeunes (OR = 5,1 [3,3–7,8] avant 55 ans versus
2,0 [1,0–3,7] après 55 ans) [32], chez ceux ayant un anévrisme du septum interauriculaire (ASIA)
associé [33] et, de façon plus inconstante, chez ceux ayant un shunt droit-gauche important ou
un FOP de grand diamètre [34].

Le FOP étant fréquent dans la population générale, il peut être découvert de façon fortuite chez
un patient atteint d’un IC cryptogénique. La probabilité d’une association causale entre un FOP
et un IC cryptogénique est d’autant plus élevé que le patient est jeune, indemne de facteurs de
risque vasculaire classique, et porteur d’un FOP associé à un ASIA ou d’un FOP large ou avec
shunt important. Le score RoPE permet d’estimer une l’imputabilité du FOP sur la base de l’âge,
des facteurs de risque vasculaire classiques et de la topographie de l’IC, mais sans prendre en
compte les caractéristiques échocardiographiques [35]. L’étude FOP-ASIA [36] a montré que le
risque de récidive d’IC sous traitement antiplaquettaire est plus élevé chez les patients ayant un
FOP et un ASIA que chez ceux avec FOP sans ASIA ou n’ayant pas d’anomalie septale. Elle a aussi
montré que le risque de récidive en cas de FOP isolé n’est pas influencé par le degré du shunt et
n’est pas différent de celui des patients sans anomalie septale [37]. Le mécanisme des IC associés
à un FOP est incertain et probablement non univoque. L’embolie paradoxale est souvent invoquée,
mais ce mécanisme reste hypothétique en l’absence de source veineuse d’embolie identifiée dans
la grande majorité des cas. Les autres mécanismes invoqués sont la formation d’un thrombus à

(5) Chapitre rédigé par Jean-Louis Mas.

368 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

la surface d’un ASIA associé, dans le tunnel du FOP ou dans l’oreillette gauche par l’intermédiaire
d’une FA paroxystique ou d’une dysfonction auriculaire gauche, mais ces hypothèses restent à
mieux documenter.

Ces mécanismes potentiels suggèrent que la fermeture du foramen ou les anticoagulants oraux
devraient permettre de réduire les récidives d’IC. Cinq essais thérapeutiques ont comparé la
fermeture du FOP au traitement antithrombotique, chez des patients âgés de 18 à 60 ans ayant
un IC sans autre cause potentielle qu’un FOP. Les trois premiers essais [38-40] – CLOSURE1, PC,
RESPECT – publiés en 2012 et 2013, n’ont pas montré de bénéfice de la fermeture du FOP sur
le risque de récidive d’IC comparativement à un traitement antithrombotique (antiplaquettaire
ou anticoagulant oral selon le choix de l’investigateur) (Tableau III). Contrastant avec ces résul-
tats négatifs, deux études – CLOSE [41] et REDUCE [42] ont récemment montré la nette supé-
riorité de la fermeture du FOP par voie endovasculaire suivi d’un traitement antiplaquettaire
comparativement à traitement antiplaquettaire seul. La prolongation du suivi de l’étude
RESPECT [40] a aussi permis de conclure en faveur de la fermeture du FOP. Ces études ont inclus
des patients ayant un FOP sans autre critère que le shunt droit-gauche, sauf l’étude CLOSE [41]
qui a sélectionné des patients ayant un FOP associé à un ASIA ou un FOP avec shunt important
(> 30 microbulles). Il est intéressant de noter que dans l’étude RESPECT [40], les sous-groupes
de patients qui ont bénéficié le plus de la fermeture du FOP sont ceux qui avaient un ASIA
associé au FOP ou un shunt substantiel (avec ou sans ASIA). Dans CLOSE [41], le bénéfice était
particulièrement important chez les patients ayant un FOP et un ASIA dont le risque de récidive
sous traitement antiplaquettaire seul était nettement plus élevé que celui des patients ayant un
FOP avec shunt important sans ASIA. Des complications de la procédure de fermeture sont
survenues dans 1,5 à 5,9 % des cas selon les études, mais aucune n’a conduit à un handicap
permanent. La fermeture du FOP était significativement associée à un risque de FA, le plus
souvent transitoire (et péri-interventionnelle).
Seule l’étude CLOSE [41] a comparé les anticoagulants oraux aux antiplaquettaires. La réduction
du risque d’AVC sous anticoagulants oraux n’était pas significative (HR 0,44 ; IC95 % : 0,11–1,48 ;
p = 0,18), possiblement par manque de puissance statistique. Des études observationnelles ont
aussi suggéré que les anticoagulants oraux pourraient être plus efficaces que les antiplaquettaires
pour réduire le risque de récidive d’IC chez les patients ayant un FOP [41].

Les nouvelles recommandations concernant la fermeture du FOP chez les patients ayant un IC
cryptogénique sont en cours d’élaboration. La fermeture du FOP devrait en toute logique devenir
le traitement de référence chez les patients de moins de 60 ans ayant un IC cryptogénique. Des
données suggèrent que le bénéfice est probablement plus important chez les patients ayant un
FOP et un ASIA que chez ceux ayant un FOP isolé [36, 37, 41] notamment si le shunt est minime
à modéré. D’autres questions attendent aussi des réponses, comme la place des anticoagulants
oraux comparativement à la fermeture du FOP, la durée optimale du traitement antiplaquettaire
après fermeture, ou le pronostic des FA induites par la fermeture du FOP.

Des lésions athéromateuses de la crosse de l’aorte sont présentes chez 25 % des patients ayant
une maladie cérébrovasculaire, contre 5 % dans une population contrôle avec troubles neuro-
logiques d’autre nature [43]. Elles peuvent être à l’origine d’embolies cérébrales à partir de

(6) Chapitre rédigé par Solène de Gaalon et Benoît Guillon.

/ 369
Résultats des essais cliniques randomisés comparant la fermeture de FOP par voie endovasculaire au traitement médical chez des patients
TABLEAU III ▼
Partie 3 – Prévention

âgés de 18 à 60 ans ayant un FOP et un IC par ailleurs inexpliqué.

370 /
Étude N Comparaison1 Suivi (années) Critère Hazard ratio
(année de jugement (IC95 %^^)
de publication) AVC P value
N

CLOSURE 1 (2012) 909 Fermeture du FOP2 vs traitement médical3 2 12 vs 13 0,90 (0,41–1,98)


p = 0,79

PC trial (2013) 414 Fermeture du FOP2 vs traitement médical3 4,1 1 vs 5 0,20 (0,02–1,72)
p = 0,14

RESPECT (2013) 2,1 9 vs 16 0,49 (0,22–1,11)


Fermeture du FOP2 vs traitement médical3 p = 0,08
----------------------------- 980 -------------------------------------------------------------------------------------------
RESPECT (2017) 5,9 18 vs 28 0,55 (0,31–0,999)
p = 0,046

REDUCE (2017) 664 Fermeture du FOP2 vs traitement antiplaquettaire4 3,2 6 vs 12 0,23 (0,09–0,62)
p = 0,002

Fermeture du FOP2 vs traitement antiplaquettaire4 5,3 0 vs 14 0,03 (0,00–0,26)


p < 0,001
CLOSE (2017) 663 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Anticoagulants oraux vs traitement antiplaquettaire4 5,4 3 vs 7 0,44 (0,11–1,48)
p = 0,18
1
Les patients ont été randomisés selon un ratio 1:1 pour être traités par fermeture du foramen ou recevoir le comparateur, sauf dans REDUCE où les patients ont été randomisés selon un ratio 2:1.
2
Les patients traités par fermeture du FOP ont reçu du clopidogrel pendant 6 mois et de l’aspirine pendant 2 ans (CLOSURE 1), de l’aspirine pendant au moins 5 à 6 mois et de la ticlopidine ou du
clopidogrel pendant 1 à 6 mois (PC trial), du clopidogrel pendant 1 mois et de l’aspirine pendant 6 mois, puis un antiplaquettaire à la discrétion du site investigateur (RESPECT), du clopidogrel 300 mg
avant ou après l’intervention, puis du clopidogrel 75 mg pendant 3 jours, puis un traitement antiplaquettaire jusqu’à la fin de l’étude (REDUCE), du clopidogrel et de l’aspirine pendant 3 mois, puis un
traitement antiplaquettaire jusqu’à la fin de l’étude.
3
Les patients randomisés dans le groupe médical ont reçu un traitement antiplaquettaire ou un traitement anticoagulant suivant le choix du médecin en charge du patient jusqu’à la fin de l’étude.
4
Les patients randomisés dans le groupe antiplaquettaire ont reçu un traitement antiplaquettaire jusqu’à la fin de l’étude.
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

plaques ulcérées de l’aorte ascendante ou de l’arche aortique par flux antérograde ou, plus
rarement, de l’aorte descendante, par flux rétrograde lors de la diastole, notamment s’il existe
une bradycardie ou une insuffisance aortique [44]. La responsabilité de ces lésions est parfois
difficile à établir, en particulier s’il existe une colocalisation athéromateuse cervico-encéphalique
ou une cardiopathie emboligène.

Le diagnostic de ces lésions repose sur l’imagerie vasculaire en coupes (angio-TDM ou angio-IRM)
ou sur l’ETO. Certains critères morphologiques ou échographiques des plaques sont associés à
un risque élevé de récidive d’IC et d’événements vasculaires : épaisseur supérieure à 4 mm, aspect
ulcéré, composante mobile, aspect hypoéchogène, progression entre 2 examens [45]. Dans le
suivi d’une cohorte prospective publiée en 1996, le risque annuel de récidive d’IC et d’événements
vasculaires était évalué respectivement à 12 % et 26 % [45].

Les statines semblent pouvoir réduire le risque d’embolie systémique chez les patients ayant un
athérome aortique sévère [46], ainsi que le volume des plaques [47].

L’étude ARCH (Aortic Arch Related Cerebral Hazard) [48], seul essai thérapeutique randomisé de
prévention secondaire, a comparé l’association aspirine-clopidogrel à la warfarine (INR 2-3), chez
des patients avec un IC récent ou une embolie périphérique et une plaque aortique athéroma-
teuse 6 4 ou une plaque < 4 mm mais avec composante mobile. Après l’inclusion de 349 patients
et un suivi médian de 3,4 ans, l’incidence annuelle du critère de jugement principal composite
(IC, infarctus du myocarde, embolie périphérique, mort vasculaire, hémorragie intracrânienne)
était de 7,6 % dans le groupe double antiagrégant et de 11,3 % dans le groupe anticoagulant ;
la moitié des événements était des IC. Cette étude, arrêtée prématurément, n’avait pas la puis-
sance statistique suffisante pour mettre en évidence une différence significative entre les deux
traitements.

En pratique, l’association d’un traitement antiplaquettaire (classe I, niveau A) et d’une statine à


forte dose (classe I, niveau B) est préconisée chez les patients ayant un IC et des plaques athé-
romateuses à risque [27]. Dans certains cas, en particulier en cas de plaque mobile ou de thrombus
flottant, un traitement anticoagulant de quelques semaines à quelques mois peut être proposé,
sans preuve formelle d’un bénéfice. Il n’y a pas d’indication à un traitement chirurgical ni endo-
vasculaire en prévention secondaire (classe III, niveau C).

Chirurgie cardiaque et circulation extracorporelle


La fréquence des AVC en postopératoire d’une chirurgie cardiaque est globalement de 3 %,
variant de 1,5 % pour le pontage coronarien à plus de 6 % pour la chirurgie de l’aorte [49, 50].
Environ la moitié des IC sont constatés au réveil de l’anesthésie ; ces IC peropératoires sont
principalement d’origine embolique lors de la manipulation du cœur et de l’aorte, et parfois
d’origine hémodynamique, liés aux conditions anesthésiques ou à la circulation extracorporelle
(CEC). Dans les autres cas, les IC surviennent après 24 h et sont principalement dus à une FA
postopératoire, à un bas débit cérébral, ou à une hypercoagulabilité liée à l’état inflammatoire
postopératoire [49, 50]. Dans tous les cas, un IC périopératoire altère le pronostic du patient :

(7) Chapitre rédigé par Solène de Gaalon et Benoît Guillon.

/ 371
Partie 3 – Prévention

la mortalité hospitalière est multipliée par 6, la durée d’hospitalisation est multipliée par 4, et
le taux des autres complications majeures est nettement accru [49]. Les principaux facteurs de
risque d’IC, outre le type de chirurgie, sont l’âge > 65 ans, une intervention en contexte d’urgence,
une CEC prolongée (> 110 minutes), et l’association à des comorbidités (valvulopathie aortique,
antécédent de FA et/ou d’AVC, athérome périphérique, diabète...). Une sténose carotide non
symptomatique en préopératoire est aussi un facteur de risque d’IC, mais sa responsabilité directe
est rarement en cause car la majorité des IC postopératoires ne sont pas en rapport avec la
sténose carotide [51].

La constatation d’un déficit neurologique en postopératoire d’une chirurgie cardiaque doit


conduire à la réalisation d’une imagerie cérébrale en urgence, pour confirmer le diagnostic,
éliminer une complication hémorragique liée à la CEC par exemple et envisager les possibilités
thérapeutiques. Néanmoins, l’identification d’un déficit hémicorporel, d’une aphasie ou d’autres
symptômes plus subtils peut être difficile lors du réveil progressif de l’anesthésie, et le délai
entre la survenue de l’IC et son diagnostic clinique est parfois long. Une fibrinolyse par voie
intraveineuse est contre-indiquée en raison de la chirurgie majeure récente, mais s’il existe un
thrombus proximal, une thrombectomie mécanique doit être discutée [52]. Les techniques d’ima-
gerie de perfusion cérébrale (scanner et IRM) peuvent permettre de sélectionner des patients
pouvant tirer bénéfice d’une recanalisation tardive, en particulier lorsque l’horaire de survenue
n’est pas connue (pénombre réversible).

Le traitement antithrombotique ultérieur doit être adapté au geste chirurgical réalisé et au


mécanisme supposé de l’AVC.

Procédures endovasculaires
Toute procédure endovasculaire cardio-interventionnelle peut se compliquer d’un IC. Les coro-
narographies ont un risque global faible, de l’ordre de 0,4 %, plus marqué en procédure théra-
peutique que diagnostique [53]. L’IC est la conséquence du fractionnement mécanique d’une
plaque athéromateuse par le cathéter, ou plus rarement d’une dissection iatrogène.

Les interventions cardiaques par voie endovasculaire sont en pleine expansion, et souvent réa-
lisées chez des patients âgés, à haut risque vasculaire. Les valvuloplasties aortiques au ballon et
les remplacements percutanés de la valve aortique (TAVI : Transcatheter Aortic Valve Implanta-
tion) réalisées par voie artérielle ou transapicale, les réparations valvulaires sur fuites mitrales
(Mitraclip, annuloplasties, etc.) et les fermetures de l’auricule gauche peuvent se compliquer d’IC
symptomatiques, dans 1 à 2 % des cas environ [54].

Les procédures de rythmologie interventionnelle, en particulier l’ablation par radiofréquence de


la FA, se compliquent dans moins de 0,5 % des cas d’un IC [55]. Habituellement, les signes
déficitaires neurologiques sont constatés à la fin du geste et un traitement de recanalisation
doit être envisagé en fonction de l’indication de la procédure initiale et du bilan radiologique en
urgence qui va confirmer la nature ischémique des symptômes et localiser le thrombus. Une
thrombolyse intraveineuse est possible en l’absence de risque hémorragique (la seule ponction
artérielle ou fémorale n’étant pas une contre-indication absolue, mais les remplacements de
valve et les valvuloplasties ont un risque d’hémopéricarde). Une thrombectomie mécanique doit
rapidement être envisagée s’il existe un thrombus proximal.

372 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

Les tumeurs cardiaques primitives sont rares, avec une incidence estimée entre 0,02 et 0,05 %
mais elles représentent une source potentielle d’embolie cérébrale, parfois grave [56]. L’accident
ischémique cérébral peut être révélateur de la tumeur cardiaque, le plus souvent un myxome
ou un fibroélastome papillaire. Un diagnostic précoce et une prise en charge rapide sont essentiels
pour prévenir le risque de récidive embolique ; le traitement repose sur la résection chirurgicale
de la tumeur, si possible sans remplacement valvulaire [57].

Myxome cardiaque
Les myxomes représentent la moitié des tumeurs primitives cardiaques et siègent dans la majo-
rité des cas dans l’oreillette gauche (75 à 80 % des cas), plus rarement dans l’oreillette droite
(15 à 20 %) ou dans les ventricules (< 5 %) [58].

L’incidence annuelle est de 0,5 par million d’habitants. Le plus souvent uniques, ils peuvent être
multiples, notamment dans les formes familiales (7 % des cas). Il existe une prépondérance
féminine (2 femmes pour 1 homme). Les myxomes s’implantent généralement sur le septum
interauriculaire par un pédicule, les formes sessiles étant plus rares. Leur taille est variable, de
quelques millimètres à plusieurs centimètres.

La majorité des myxomes cardiaques sont symptomatiques. Les signes peuvent être de nature
obstructive (insuffisance cardiaque congestive rapidement progressive, syncope voire mort
subite), en lien avec un processus embolique, ou de nature systémique (fièvre, fatigue, perte de
poids notamment). Les myxomes sont habituellement découverts chez l’adulte jeune mais des
découvertes tardives aux environs de la soixantaine ont été décrits.

Les accidents emboliques cérébraux résultent de la migration d’un fragment de la tumeur car-
diaque. Accidents ischémiques transitoires (manifestation neurologique initiale la plus fréquente)
et amauroses fugaces ont fréquemment été décrits, des infarctus médullaires exceptionnelle-
ment. La survenue de l’accident embolique lors d’un effort physique est souvent rapportée. La
récidive embolique est fréquente avant résection chirurgicale de la tumeur.

L’infiltration de la paroi des artères cérébrales par des embolies cérébrales myxomateuses peut
conduire au développement d’anévrismes fusiformes susceptibles de se rompre, même après
résection chirurgicale du myxome, entraînant une hémorragie cérébrale ou sous-arachnoïdienne.

L’échocardiographie transthoracique permet le diagnostic rapide et non invasif du myxome, avec


une sensibilité d’environ 95 %. On distingue les myxomes arrondis, de forme circulaire, bien
délimitée, peu mobiles (52 % des cas) et les myxomes polypoïdes, de forme irrégulière, mobiles
(48 %). La nature polypoïde de la lésion est un facteur prédictif indépendant d’embolie systé-
mique. L’échocardiographie transoesophagienne est utile en cas de myxome de petite taille ou
pour évaluer l’existence d’un thrombus au contact de la tumeur.

Un traitement chirurgical rapide doit être proposé pour prévenir le risque élevé d’accident embo-
lique voire de mort subite. La résection chirurgicale complète du myxome sous circulation extra-
corporelle assure généralement un excellent pronostic à long terme, la récidive d’un myxome
sporadique étant inhabituelle, survenant dans 1 à 3 % des cas [59].

(8) Chapitre rédigé par Laurent Derex et Élodie Ong.

/ 373
Partie 3 – Prévention

Fibroélastome papillaire
Les fibroélastomes papillaires cardiaques (FEP) sont des tumeurs cardiaques bénignes rares.

Ils sont de siège valvulaire dans 80 % des cas, principalement localisés sur la valve aortique et
plus rarement sur la valve mitrale [60]. Le risque d’embolie systémique est particulièrement
important si le FEP siège sur la valve mitrale [61]. Les FEP intéressent moins souvent les cavités
atriales ou les veines pulmonaires. Ils peuvent s’étendre à l’ostium coronaire lorsqu’ils sont situés
sur les sigmoïdes aortiques. Les FEP sont portés par un pédicule, parfois court, ou sont sessiles.
La mobilité du FEP dépend de la taille du pédicule d’insertion et conditionne son potentiel
emboligène. Leur longueur varie de 0,1 à 4 cm, mais le plus souvent elle n’excède pas 1 cm. Les
FEP sont rarement multiples, ils simulent alors les végétations de l’endocardite infectieuse.

La majorité de ces tumeurs sont asymptomatiques mais elles peuvent entraîner des complica-
tions emboliques graves, ou plus rarement une dysfonction valvulaire. Ces tumeurs sont extrê-
mement rares chez l’enfant.

Les manifestations neurologiques sont l’expression la plus fréquente des FEP localisés aux cavités
gauches : accidents ischémiques cérébraux transitoires ou constitués, occlusion de l’artère cen-
trale de la rétine. Les autres complications telles que la mort subite, l’infarctus du myocarde, le
bloc auriculo-ventriculaire ou les embolies systémiques sont plus rares. Dans les localisations
droites, dyspnée et embolie pulmonaire ont été rapportées.

Le FEP apparaît comme un réseau formant un point d’appel thrombotique à risque de migration
embolique. Il est exceptionnel que le FEP se détache en bloc et soit retrouvé au cours d’une
désobstruction comme cela a été rapporté au niveau de l’artère poplitée. L’échographie cardiaque
par voie transœsophagienne assure le diagnostic et permet d’éliminer d’autres lésions morpho-
logiquement voisines : végétations d’endocardite infectieuse, fibrome ou thrombus pédiculé,
myxome de petite taille, fenestrations commissurales des sigmoïdes aortiques. La lésion écho-
cardiographique apparaît ronde ou ovalaire d’apparence irrégulière, aux limites bien identifiées,
et le plus souvent mobile.

Dans les formes asymptomatiques, la taille de la tumeur et sa mobilité sont des facteurs à
prendre en compte dans la décision chirurgicale éventuelle. Pour certains auteurs, la chirurgie
est conseillée en présence d’un FEP de découverte fortuite si sa taille est 6 1 cm, en particulier
chez un sujet jeune à faible risque de complications chirurgicales et particulièrement s’il existe
d’autres anomalies cardiaques.

Si la lésion est symptomatique, le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale par sternotomie,
mini-thoracotomie ou chirurgie mini-invasive assistée par robotique, le plus souvent en conser-
vant la valve native [62, 63]. L’évolution après exérèse chirurgicale est le plus souvent favorable,
avec un risque de récidive de 1,6 % à 6 ans [62]. L’efficacité des traitements antithrombotiques
dans la prévention des récidives emboliques est incertaine.

Les cardiomyopathies sont classées en cinq grandes familles : cardiomyopathies dilatées, hyper-
trophiques, restrictives, arythmogènes du ventricule droit et non classées [64]. Seules seront

(9) Chapitre rédigé par Julien Ternacle et Geneviève Derumeaux.

374 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

envisagées les cardiopathies à risque de complication thromboembolique. Pour la majorité d’entre


elles, il n’existe pas de recommandations officielles concernant la gestion du risque thrombo-
embolique et la prescription des traitements anticoagulants.

L’échocardiographie transthoracique (ETT) est l’examen clé pour le diagnostic. En cas de mauvaise
échogénicité ou de doute sur une image d’addition au sein de ventricule gauche (VG), il est
essentiel d’injecter un produit de contraste ultrasonore qui permet de rehausser les cavités
intracardiaques. Si un doute diagnostique persiste ou dans certaines cardiomyopathies, il est
nécessaire de réaliser une imagerie en coupe par scanner ou IRM cardiaques. La Figure 2 propose
un algorithme diagnostique des cardiomyopathies à haut risque thromboembolique à partir de
l’ETT.

FIGURE 2 Algorithme diagnostique des cardiomyopathies à risque thromboembolique.

CMD : cardiomyopathie dilatée ; VG : ventricule gauche ; CMH : cardiomyopathie hypertrophique.

Cardiopathie ischémique
La cardiopathie ischémique est définie par une dysfonction myocardique en rapport avec des
lésions des artères coronaires. Elle est la première cause d’insuffisance cardiaque. En l’absence
de FA associé, l’IC et les complications thromboemboliques sont peu fréquents (2 % à la phase
aiguë). Ils sont liés à la formation d’un thrombus intracavitaire au sein du VG en regard d’une
zone séquellaire non contractile. Ce thrombus peut se constituer tardivement, notamment
lorsqu’il existe une altération de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG), mais aussi
dans les heures qui suivent un infarctus myocardique étendu ou apical. Cette cause doit donc
être systématiquement évoquée chez les patients admis pour un AVC et ayant un antécédent
d’infarctus du myocarde, a fortiori en cas d’altération de la FEVG (< 35 %) ou si un thrombus
intra-VG avait déjà été identifié antérieurement. De même, le dépistage d’un thrombus intra-VG
doit être systématique pour tout patient admis en cardiologie pour un infarctus du myocarde
pour prévenir le risque d’une complication embolique. L’ETT permet de visualiser directement le
thrombus (image d’addition échogène) au contact d’une zone non contractile du VG, le plus
souvent au niveau de l’apex. Ce thrombus peut être plan ou pédiculé. L’injection de contraste
ultrasonore est indispensable en cas de doute diagnostique ou de mauvaise échogénéicité. En
cas de doute persistant, le scanner cardiaque ou l’IRM cardiaque permettent de confirmer le
diagnostic.

Lorsqu’un thrombus intra-VG est identifié, a fortiori s’il est responsable d’une complication
embolique, il faut instaurer un traitement anticoagulant par AVK avec un objectif d’INR entre 2
et 3 pour une durée 6 3 mois en l’absence de contre-indication [27]. Les anticoagulants oraux

/ 375
Partie 3 – Prévention

directs (AOD) ne sont pas recommandés en première intention en raison du faible niveau de
preuve scientifique ; cependant, ils sont à considérer lorsqu’il n’est pas possible d’instaurer un
traitement par AVK pour une autre raison que le risque hémorragique [27]. Il n’y a pas de
recommandation sur la poursuite au long cours du traitement anticoagulant ; cependant, il est
impératif de surveiller l’absence de récidive d’un thrombus si le traitement est interrompu. En
cas de complication embolique dans un contexte d’infarctus aigu du myocarde avec anomalie
sévère de la contractilité apicale du VG, il est recommandé d’instaurer un traitement anti-
coagulant par AVK pour 3 mois, même en l’absence de thrombus identifié. En revanche, il n’est
pas recommandé d’instaurer un traitement anticoagulant en prévention primaire chez un patient
ayant une séquelle ventriculaire gauche sans dysfonction VG sévère (FEVG < 35 %) et sans
thrombus identifié.

Cardiomyopathie dilatée
La cardiopathie dilatée (CMD) est définie par une dilatation du ventricule gauche associée à une
altération variable de la FEVG (< 50 %). Il existe de nombreuses causes de CMD comme la cardio-
pathie ischémique évoluée, l’arythmie chronique, l’éthylisme, les causes génétiques et idio-
pathiques [65]. De même que pour la cardiopathie ischémique (en l’absence de FA), l’IC est lié à
la migration d’un thrombus provenant du VG. En effet, le sang a tendance à stagner et thromboser
en cas de FEVG très basse, notamment à l’apex. Le diagnostic de CMD est généralement déjà
connu car sa révélation par une complication thromboembolique n’est pas fréquente. Cependant,
le diagnostic doit être recherché en cas de dyspnée ou de signe d’insuffisance cardiaque chez un
patient admis pour un IC. Le diagnostic de CMD est confirmé par l’ETT mais d’autres examens
comme l’IRM cardiaque sont souvent nécessaires pour rechercher sa cause [65]. De même que
pour la cardiopathie ischémique, un traitement anticoagulant par AVK (INR entre 2 et 3) doit
être instauré en cas de thrombus intra-VG avéré, qu’il soit ou non responsable d’une complication
embolique. Le traitement antithrombotique (antiagrégant plaquettaire versus anticoagulant) à
instaurer chez un patient présentant une complication embolique et ayant une FEVG < 35 % sans
thrombus identifié est discuté, notamment en raison du risque de complications hémorragi-
ques [27]. Il n’est actuellement pas recommandé d’instaurer un traitement anticoagulant en pré-
vention primaire chez un patient ayant une dysfonction VG isolée.

Non-compaction du ventricule gauche


Cette cardiomyopathie héréditaire rare (prévalence : 0,05 %) est la conséquence d’une altération
de la structure du myocarde secondaire à une embryogenèse incomplète. Elle est caractérisée
par la présence de profondes trabéculations des parois latérale et inférieure du ventricule gauche
dans les régions moyennes et apicale. Plusieurs complications sont associées à la non compaction
du VG comme l’arythmie supraventriculaire ou ventriculaire, l’insuffisance cardiaque (évolution
vers une CMD) ou les complications thromboemboliques [66]. Le risque d’AVC chez ces patients
est estimé à 1-2 % par an, et le risque thromboembolique global est d’environ 20 %. En dehors
de la survenue de FA, les complications thromboemboliques sont liées à la formation d’un
thrombus dans le VG, notamment entre les trabéculations. Ce risque thrombotique est majoré
en cas d’altération de la FEVG. L’instauration d’un traitement anticoagulant par AVK (INR entre
2 et 3) est conseillée en cas de thrombus avéré mais également en cas de complication embolique
sans thrombus avéré. En revanche, il n’existe pas de recommandation en prévention primaire,
mais compte tenu du risque thromboembolique élevé, une anticoagulation est fréquemment
instaurée, surtout en cas d’altération de la FEVG chez un patient ayant un risque hémorragique
faible.

376 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

Cardiomyopathies hypertrophiques
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est définie par une augmentation de l’épaisseur de
la paroi du VG mesurée en ETT 6 15 mm ou 6 13 mm en cas d’antécédent familial [67].
Lorsqu’une CMH est diagnostiquée en ETT, il est indispensable de réaliser une IRM cardiaque
pour en rechercher une cause acquise ou héréditaire. Parmi elles, certaines sont plus à risque de
complication thromboembolique. C’est le cas de la CMH sarcomérique et de l’amylose cardiaque.

La CMH sarcomérique est une cardiopathie héréditaire liée à la mutation de protéines des cardio-
myocytes. Le diagnostic repose sur l’ETT (hypertrophie VG asymétrique) et la génétique avec
enquête familiale. Les complications de l’hypertrophie myocardique sont l’obstruction intra-VG,
la mort subite, l’insuffisance cardiaque et les arythmies. Le risque thromboembolique de la CMH
sarcomérique est principalement lié à la survenue de FA, alors que le risque de thrombus intra-VG
concerne principalement les formes avec anévrisme apical. Il est recommandé de dépister la FA
par un holter ECG de 24 h tous les 6 à 12 mois lorsque le diamètre de l’oreillette gauche dépasse
45 mm [67]. En cas de FA, les AVK (INR entre 2 et 3) sont recommandés en première intention,
mais les AOD peuvent être utilisés si les AVK sont difficiles à équilibrer. En cas d’anévrisme
apical, une anticoagulation par AVK doit être instaurée si un thrombus est identifié.

L’amylose cardiaque est caractérisée par une accumulation extracellulaire de protéines au sein
du myocarde entraînant un épaississement de la paroi du VG avec une altération de sa contrac-
tion et de sa capacité à se relâcher (cardiopathie hypertrophique et restrictive). Le diagnostic
d’amylose tissulaire est confirmé par la positivité du Rouge Congo en histologie à partir d’une
biopsie. Le diagnostic d’amylose cardiaque repose sur la positivité d’une biopsie cardiaque ou
sur un aspect typique en imagerie (ETT, IRM cardiaque et scintigraphie aux marqueurs osseux)
avec une biopsie périphérique positive (graisse sous-cutanée ou glandes salivaires). Il existe plu-
sieurs types d’amylose cardiaque selon la protéine qui se dépose comme l’amylose à trans-
thyrétine non mutée (amylose sénile), l’amylose à transthyrétine mutée, l’amylose AL (dépôt de
chaines légères d’immunoglobuline) et l’amylose AA (inflammatoire). Quel que soit le type,
l’amylose cardiaque est à haut risque thromboembolique lié à la survenue d’une FA ou d’une
thrombose dans l’oreillette gauche secondaire à l’infiltration de sa paroi et à la perte de sa
contractilité. La détection de thrombi dans l’oreillette gauche est très difficile en ETT ; l’IRM
cardiaque est plus sensible. En l’absence de contre-indication, l’instauration d’un traitement
anticoagulant par AVK (INR entre 2 et 3) est indiquée en cas de thrombus intracardiaque avéré
ou de complication embolique sans thrombus identifié. L’anticoagulation en prévention primaire
est très controversée et nécessite une évaluation individuelle multidisciplinaire car le risque
hémorragique de ces patients est également augmenté, notamment pour ceux avec une atteinte
cérébrale ou vasculaire [68].

Cardiomyopathie du péripartum
La cardiomyopathie du péripartum est définie par la survenue d’une dysfonction VG en fin de
grossesse (dernier trimestre) ou après l’accouchement (jusqu’à 6 mois après) chez une patiente
sans cardiopathie connue. Elle concerne environ 1 accouchement sur 1 000 à 4 000. La principale
complication est l’insuffisance cardiaque qui peut aller de la dyspnée au choc cardiogénique et
au recours à la transplantation. Les complications thromboemboliques sont fréquentes surtout
durant les 6-8 semaines qui suivent l’accouchement. Le diagnostic repose sur le contexte clinique
et l’ETT ; il doit être systématiquement être évoqué en cas d’IC du péripartum. Une anti-
coagulation curative est recommandée jusqu’à normalisation de la FEVG en cas de thrombus
avéré ou en cas de complication embolique. Il n’y a pas de recommandation sur la durée du
traitement chez les patientes conservant une dysfonction VG. Concernant la prévention primaire,

/ 377
Partie 3 – Prévention

il n’y a pas de recommandation formelle, mais il est conseillé d’instaurer une anticoagulation
curative durant la grossesse et les 2 mois qui suivent l’accouchement, surtout lorsque la FEVG
est abaissée [69, 70].

Cardiomyopathie de Takotsubo
La cardiomyopathie de Takotsubo, ou cardiomyopathie de stress, ne concernant qu’environ 2 %
des patients admis pour un syndrome coronaire aigu (SCA). Elle touche principalement les
femmes ménopausées (90 % des cas) et elle survient le plus souvent après un stress physique
ou psychologique. La présentation clinique est celle d’un SCA associant douleur thoracique,
modification ECG et augmentation de la troponine. Il est indispensable de réaliser une corona-
rographie afin d’éliminer une lésion coronaire. Les critères diagnostiques de la Mayo Clinic sont
les suivants : i) dysfonction VG réversible avec troubles de la cinétique segmentaire non limité
à une territoire coronaire ; ii) exclusion d’une atteinte coronaire du type rupture de plaque ou
obstructive par coronarographie ; iii) modifications ECG et/ou élévation de la troponine ; iv)
absence de traumatisme crânien ou d’hémorragie intracrânienne récente, de phéochromocytome,
de myocardite ou de cardiomyopathie hypertrophique. Plusieurs formes caractéristiques sont
identifiables en ETT, la plus fréquente étant une large akinésie du VG avec uniquement la col-
lerette basale qui se contracte. La certitude diagnostique repose sur la récupération complète
en ETT dans le mois qui suit. Les complications thromboemboliques ne sont pas rares, notamment
durant la phase aiguë où une large partie de l’apex VG est akinétique, ce qui est propice à la
formation de thrombi. En cas de thrombus avéré ou complication embolique à la phase aiguë,
il est recommandé d’instaurer un traitement anticoagulant curatif par AVK (INR entre 2 et 3)
jusqu’à récupération. En prévention primaire, il est conseillé d’instaurer un traitement par AVK
si la FEVG est abaissée, jusqu’à normalisation [71].

Cardiomyopathie à éosinophiles
Une hyperéosinophilie est définie par un taux d’éosinophiles > 1 500/mm3. Les complications
cardiaques surviennent surtout lorsque que ce taux est > 5 000/mm3. Il y a de nombreuses
causes d’hyperéosinophilie comme les cancers (essentiellement hématologiques), les infections
chroniques (notamment parasitaires), les pathologies inflammatoires chroniques et les formes
idiopathiques. L’atteinte cardiaque se situe au niveau de l’endocarde, et évolue selon trois phases
successives : i) myocardite sous-endocardique avec nécrose cellulaire ; ii) thrombotique au
contact de l’endothélium lésé ; et iii) cicatricielle avec fibrose extensive. C’est surtout à la phase
thrombotique qu’une complication embolique peut survenir (4 % à 29 % des patients). Les deux
ventricules peuvent être atteints, initialement à l’apex puis en regard des parois inférieure et
latérale. Le diagnostic est fait par l’ETT et surtout l’IRM cardiaque montrant un comblement
intraventriculaire au contact de l’endocarde parfois associé à une insuffisance mitrale secondaire
à l’engainement de la petite valve par la fibrose. Il est conseillé d’instaurer un traitement anti-
coagulant par AVK (INR cible à 3,0) à la phase thrombotique [72].

378 /
Cardiopathies emboligènes (hors fibrillation atriale)

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/ 381
27

Les anévrismes intracrâniens non rompus (AINR) ont une prévalence élevée (3,2 %) et sont
diagnostiqués de plus en plus fréquemment par les techniques d’imagerie moderne, notamment
l’angioscanner et l’angio-IRM [1]. La prise en charge d’un patient porteur d’un anévrisme intra-
crânien non rompu est une question délicate puisqu’elle met en balance les risques de rupture
anévrismale et les risques des différentes méthodes thérapeutiques qui peuvent être proposées
pour leur prise en charge. Il n’existe pas d’étude clinique, notamment randomisée, ayant évalué
et comparé les différentes modalités de prise en charge des anévrismes intracrâniens. L’étude
randomisée TEAM (Trial on Endovascular Aneurysm Management) qui comparait le coiling des
anévrismes non rompus au traitement conservateur, initiée en 2006, a été interrompue en 2009
du fait d’un recrutement insuffisant de patients. Les décisions thérapeutiques sont donc essen-
tiellement prises au cas par cas par des équipes multidisciplinaires comportant des neurologues,
des neurochirurgiens et des neuroradiologues interventionnels. Les points suivants seront abordés
dans ce chapitre : épidémiologie, facteurs de risque, histoire naturelle, traitement chirurgical,
traitement endovasculaire, stratégie thérapeutique et dépistage des AINR.

/ 383
Partie 1 – Prévention

Les AINR ont une prévalence élevée (3,2 %), sont rencontrés de façon plus fréquente chez la
femme et ont un pic d’incidence entre 40 et 60 ans [1]. Les anévrismes intracrâniens sont volon-
tiers multiples (15 à 20 % des patients). Les principales localisations anévrismales sont, par ordre
de fréquence, l’artère carotide interne, l’artère cérébrale moyenne, le complexe cérébral antérieur
(artères cérébrale antérieure et communicante antérieure) et le système vertébrobasilaire. La
prévalence des anévrismes intracrâniens est augmentée chez les patients présentant une histoire
familiale d’anévrisme intracrânien et chez ceux présentant une polykystose rénale [2-5]. Une
forme familiale d’anévrisme est définie à partir du moment où deux parents au premier degré
sont porteurs d’un anévrisme intracrânien non rompu et/ou ont présenté une hémorragie sous-
arachnoïdienne anévrismale. Dans une étude de cohorte, Bor et al. ont détecté une fréquence
élevée (11 %) d’anévrismes intracrâniens, dans les formes familiales [2]. Dans l’étude Familial
Intracranial Aneurysm, 19,1 % des parents au premier degré étaient porteurs au moins d’un
anévrisme intracrânien, avec un risque plus élevé chez les femmes, chez les fumeurs et chez les
patients hypertendus [3].

L’anomalie vasculaire la plus fréquente chez les patients porteurs d’une polykystose rénale auto-
somique dominante est l’anévrisme intracrânien. La prévalence des anévrismes intracrâniens dans
cette pathologie est estimée entre 9 et 12 %. La fréquence est plus élevée chez les patients
ayant un contexte familial d’anévrisme intracrânien. Dans une étude récente, Flahault et al. ont
détecté un AINR chez 14 % des patients présentant une polykystose rénale et une histoire
familiale d’anévrisme et chez 6 % des patients n’ayant pas de contexte familial [4, 5]. Le taux
de rupture anévrismale rapporté dans cette série est pour les deux groupes (avec et sans contexte
familial) de 2,0 pour 1 000 patients/années.

Deux facteurs de risque modifiables jouent un rôle extrêmement important en pathologie ané-
vrismale : la consommation tabagique et l’hypertension artérielle. De nombreuses études, y
compris les plus récentes ont montré que la consommation actuelle de tabac, l’intensité de la
consommation tabagique et la durée de la consommation tabagique sont significativement asso-
ciées avec le risque d’hémorragie sous-arachnoïdienne d’origine anévrismale [6, 7]. Les résultats
sont en revanche un peu contradictoires quant au bénéfice de l’arrêt de la consommation taba-
gique. Il faut noter que la consommation tabagique joue probablement un rôle à la fois dans la
croissance anévrismale et dans la rupture. L’hypertension artérielle non contrôlée est également
associée avec un risque accru de formation et de rupture des anévrismes intracrâniens, comparée
aux sujets ayant une tension artérielle normale ou une hypertension artérielle contrôlée par le
traitement médical [8].

Le rôle de la consommation alcoolique en pathologie anévrismale intracrânienne est un peu plus


confus. Elle semble jouer un rôle dans la survenue d’une rupture anévrismale mais les données
sont relativement inconsistantes quant à l’existence ou non d’un seuil de consommation [9, 10].
Les données concernant le diabète sont également confuses. En effet, certains travaux ont sug-
géré un effet protecteur du diabète sur la rupture anévrismale [11]. Cependant, un travail récent
ne montre pas de lien entre les niveaux de l’hémoglobine glycosylée et la rupture anévrismale,
alors que l’utilisation d’agents hypoglycémiants lui est significativement associée [12].

384 /
Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus

Le risque principal des anévrismes intracrâniens et leur rupture conduisant à une hémorragie
sous-arachnoïdienne ou intraparenchymateuse dont les conséquences cliniques sont souvent
sévères. L’incidence globale d’hémorragie sous-arachnoïdienne d’origine anévrismale est
d’environ 9 pour 100 000 personnes-années, avec une grande hétérogénéïté d’un pays à l’autre.

Dans les études les plus récentes, le risque global de rupture anévrismale est de l’ordre de 1,0 %
par an [13-15]. Les facteurs associés aux risques de rupture d’un anévrisme intracrânien ont été
évalués dans plusieurs études, y compris l’étude International Study of Unruptured Intracranial
Aneurysms (ISUIA). Ces facteurs sont la grande taille de l’anévrisme, sa localisation postérieure
(système vertébro-basilaire), la morphologie avec en particulier le caractère multilobulé de l’ané-
vrisme et l’antécédent d’hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale chez les patients porteurs
d’anévrismes intracrâniens multiples (Tableau I) [13-15]. Basé sur ces différents facteurs, le score
PHASES (Population, Hypertension, Age, Size of aneurysm, Early subarachnoid hemorrhage from
another aneurysm, Site of aneurysm) a été récemment proposé pour évaluer le risque de rupture
anévrismale à 5 ans à l’échelon individuel et prend en compte différents facteurs liés au patient
ou à l’anévrisme [16].

Les anévrismes intracrâniens peuvent avoir d’autres modes de révélation, notamment des phé-
nomènes compressifs, plus volontiers rencontrés en cas d’anévrismes larges et géants, avec
paralysie de certains nerfs crâniens ou épilepsie (en fonction de la localisation) [17]. Certains
anévrismes sont également responsables d’accidents ischémiques cérébraux, notamment les ané-
vrismes intracrâniens partiellement thrombosés.

TABLEAU I ▼
Taux de rupture anévrisme sur 5 ans selon la taille et la localisation d’anévrismes
non rompus.
< 7 mm 7-12 mm 13-24 mm 6 25 mm

HM -* HM+*

ACI
0 0 0 3,0 % 6,4 %
caverneuse

ACA/ACM/ACI 0 1,5 % 2,6 % 14,5 % 40,0 %

VB/CommP 2,5 % 3,4 % 14,5 % 18,4 % 50,0 %


ACA : artère cérébrale antérieure ; ACI : artère carotide interne ; ACM : artère cérébrale moyenne ; CommP : artère communi-
cante postérieure ; HM : hémorragie méningée ; VB : système vertébro-basilaire. * Hémorragie méningée en rapport avec un
autre anévrisme absente (-) ou présente (+).

La principale option neurochirurgicale pour les AINR est le clipping. Dans une récente méta-
analyse évaluant la sécurité du traitement chirurgical des anévrismes intracrâniens non rompus,
une évolution clinique défavorable a été observée dans 6,7 % des cas avec une mortalité de
1,7 % [18]. Comme le souligne cette même publication, l’efficacité du traitement chirurgical est
difficile à évaluer puisque l’occlusion postopératoire de l’anévrisme n’est pas évaluée dans la
grande majorité des cas et ne l’est jamais dans le long terme.

/ 385
Partie 1 – Prévention

Clipping et traitement endovasculaire par coiling ont été comparés de façon directe dans le
groupe des anévrismes rompus, dans l’étude ISAT, et celle-ci a montré la supériorité en termes
d’évolution clinique du traitement par coiling à court comme à long terme [19, 20]. En revanche,
le traitement chirurgical et le traitement endovasculaire des AINR n’ont pas été réellement
comparés dans une étude randomisée menée à son terme. Une étude est en cours au Canada,
pour laquelle des résultats partiels ont été publiés [21]. Dans celle-ci, une inclusion totale de
260 patients est prévue, mais du fait d’un recrutement lent, une analyse intermédiaire a été
réalisée après une inclusion de 136 patients. Dans ce petit groupe de patients, la morbi-mortalité
à un an chez les patients traités par clipping est de 4,2 % et 3,6 % chez ceux traités par coiling.

Le traitement endovasculaire des anévrismes intracrâniens non rompus ne se résume pas au


coiling [22-23]. En effet, au fil du temps, différentes techniques endovasculaires complémentaires
ou alternatives ont été développées, notamment pour les anévrismes difficiles à traiter par coiling
simple et pour prévenir le risque de recanalisation.

Coiling (Figure 1)
L’apparition des coils à détachement électrique GDC (Guglielmi Detachable Coil) en 1991 a
réellement ouvert l’ère du traitement endovasculaire des anévrismes intracrâniens (rompus ou
non rompus). Le coil, un fil de platine se déroulant en spires, étant détachable, cela permet de
contrôler de façon précise son positionnement au sein de la poche anévrismale voire de le retirer
si sa taille ou sa position n’est pas adaptée. Cela a contribué à améliorer de façon très importante
la sécurité des procédures, ce qui a été démontré dans de nombreuses études, dont l’étude
française ATENA, dans laquelle le traitement des anévrismes intracrâniens par coiling était associé
à une morbidité et une mortalité basses (respectivement, 1,7 % et 1,4 %) [24, 25]. Celles-ci sont
essentiellement liées à la survenue de complications thromboemboliques, observées dans 7,1 %
des procédures et aux ruptures anévrismales observées dans 2,6 %.

Les coils ont des tailles et des formes multiples (sphérique, hélicoïdale, etc.) qui permettent une
bonne adaptation à l’anatomie de chaque anévrisme. Plusieurs coils sont en général nécessaires
pour le traitement d’un anévrisme. L’objectif est d’obtenir un remplissage aussi dense que pos-
sible du sac anévrismal. Il faut cependant noter que le remplissage du volume anévrismal par
les coils n’excède habituellement pas 25 à 30 %.

Cependant, le traitement par coiling simple rencontre un certain nombre de limites, notamment
le risque de recanalisation anévrismale qui, dans la méta-analyse de Naggara et al., est observé
dans 24,4 % des patients avec un taux de retraitement de 9,1 % [25]. Un suivi régulier, de
préférence par IRM, des anévrismes traités par coiling et plus généralement par voix endo-
vasculaire est donc nécessaire [26].

Pour améliorer la stabilité du traitement par coils des anévrismes, des coils « bio-actifs », comme
les coils Matrix ou Cerecyte, couverts d’une substance bioactive (polyglycolic/polylactic acide),
ont été développés. Les différentes études qui leur ont été consacrées (CLARITY, MAPS) n’ont
pas montré de véritable bénéfice de ces coils, notamment en terme de recanalisation [27-29].
En revanche, les hydrocoils (coils recouverts de filaments de protéoglycane, gonflant au contact
du sang) pourraient être associés à un taux de recanalisation moindre, comparés aux coils

386 /
Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus

standards (étude GREAT) [30]. En effet, dans cette étude, le taux de recanalisation majeure est
plus élevé avec les coils standards (18 %) qu’avec les hydrocoils (12 %). Par ailleurs, le taux de
retraitement est moindre avec les hydrocoils (3 %), comparé aux coils standards (6 %).

FIGURE 1 Patiente âgée de 63 ans. Anévrisme de l’artère communicante antérieure mesurant


5 mm. A : Angiographie 2D. Flèche montrant l’anévrisme. B : Angiographie 3D. Flèche montrant
l’anévrisme. C : Traitement par coils. Flèche montrant les coils. D : Le contrôle angiographique en
fin de procédure montre une occlusion complète de poche anévrismale. Flèche montrant l’ané-
vrisme complètement occlus.

Technique de remodeling
La technique de remodeling a été initialement développée pour répondre aux difficultés de
traitement de certains anévrismes à l’anatomie complexe, notamment ceux présentant un collet
large (défini par une longueur supérieure ou égale à 4 mm) [31-33]. En effet, dans ce groupe
d’anévrismes, il peut être difficile de stabiliser les coils au sein de la poche anévrismale, qui
peuvent donc faire protrusion dans le vaisseau porteur. Afin de stabiliser les coils au sein de la
poche anévrismale, un ballon est gonflé de façon transitoire en regard du collet de l’anévrisme
lors du déploiement de chaque coil, puis est retiré en fin de procédure.

/ 387
Partie 1 – Prévention

Les études multicentriques ont montré que cette technique ne s’accompagnait pas d’un taux de
complication ou d’une morbi-mortalité plus élevée que la technique de coiling standard [21-33].

Stenting
Le stenting des anévrismes intracrâniens s’est initialement développé comme une technique
alternative à la technique de remodeling, le stent permettant de maintenir en place les coils au
sein de la poche anévrismale, notamment en cas de collet large. De nombreux stents sont
disponibles pour le traitement des anévrismes intracrâniens. La mise en place du stent au sein
du vaisseau porteur de l’anévrisme nécessite l’utilisation d’une bithérapie antiplaquettaire, qui
doit être mise en route quelques jours avant la procédure et poursuivie plusieurs mois après. En
l’absence d’études randomisées, il est difficile de comparer la sécurité et l’efficacité du traitement
par stenting + coiling et par coiling simple. Cependant, il semble que le taux de complications
et la morbi-mortalité du stenting + coiling soient plus élevés que ceux du coiling [34, 35].
L’utilisation d’un stent pourrait en revanche prévenir partiellement le risque de recanalisation
anévrismale, mais ceci reste à démontrer dans une étude randomisée.

Flow diversion (Figure 2)


Les flow diverters sont une nouvelle génération de stents dont la caractéristique principale est
d’avoir des mailles plus serrées, ce qui entraîne une modification importante du flux intra-
anévrismal et secondairement une thrombose intra-anévrismale [36]. Ce type de traitement
nécessite également l’utilisation préopératoire et postopératoire d’une bithérapie antiplaquet-
taire. La thrombose anévrismale est obtenue de façon retardée en quelques semaines ou mois.
Cette technique a une grande efficacité puisque dans les séries les plus larges, un taux d’occlusion
complète de l’anévrisme intracrânien est obtenu à six mois dans 85.5 % des cas [37]. Dans
l’étude PUFS (Pipeline for Uncoilable or Failed Aneurysm Study) une occlusion anévrismale
complète est obtenue dans 95,2 % à 5 ans du traitement [38]. Cela se fait au prix d’une sécurité
moindre comparé au coiling mais également au stenting + coiling, puisque la méta-analyse
publiée par Brinjikji et al. en 2013, la morbidité est de 5 % et la mortalité de 4 % [39]. Récem-
ment, Kallmes et al. [37] ont rapporté des chiffres similaires, avec une morbidité à 5,7 % et une
mortalité à 3,3 %, à propos d’une large série de patients.
Les complications sont essentiellement représentées comme pour les autres techniques endo-
vasculaires par les complications thromboemboliques et la rupture peropératoire du sac ané-
vrismal. Sont également observées des complications plus spécifiques à ce type de traitement,
comme la rupture retardée de l’anévrisme, qui serait due à la thrombose aiguë de l’anévrisme
et à une réaction inflammatoire de la paroi anévrismale et des hémorragies retardées à distance
de l’anévrisme, de mécanisme discuté [40-42]. Ces complications sont observées dans 1 à 2 %
des cas et s’associent à une morbi-mortalité relativement élevée. Pour prévenir la rupture
retardée de l’anévrisme, certains ont suggéré le placement associé au flow diverter de coils dans
la poche anévrismale ou l’utilisation de corticoïdes, mais aucune de ces mesures n’a réellement
fait la preuve de sa pertinence.

Les indications du traitement par flow diversion reconnues par la Haute Autorité de santé sont
les anévrismes larges et géants et les anévrismes recanalisés. Les indications se sont cependant
progressivement élargies, y compris à des anévrismes de plus petite taille.

388 /
Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus

FIGURE 2 Patiente âgée de 56 ans. Large anévrisme du siphon carotidien droit (18 mm). A : Angio-
graphie 2D. Flèche montrant l’anévrisme. B : Angiographie 3D. Flèche montrant l’anévrisme. C :
Traitement par flow diverter. Quelques coils ont été placés dans le sac anévrismal pour prévenir
une rupture retardée. Flèche montrant les coils. Têtes de flèche montrant le flow diverter. D : Le
contrôle angiographique 6 mois après la procédure montre une occlusion complète de poche
anévrismale. Flèche montrant l’anévrisme complètement occlus.

Flow disruption (Figure 3)


Ce traitement récemment développé [43] consiste à placer un dispositif intrasacculaire, en forme
de cage ovoïde ou cylindrique qui modifie le flux intra-anévrismal et induit une thrombose au sein
du dispositif et du sac anévrismal. Contrairement à la flow diversion, l’utilisation d’une bithérapie
antiplaquettaire n’est pas indispensable. Un seul dispositif est actuellement disponible pour ce type
de traitement (WEB, Microvention, Aliso Viejo, Californie, États-Unis). Ce dispositif a été évalué
dans de larges séries cliniques européennes et nord-américaines. Il est associé à une très grande
sécurité du traitement, avec une mortalité à 0,0 % et morbidité entre 0,7 et 3 % selon les études
[44-50]. Il semble également avoir une efficacité plus grande que le coiling standard, avec un taux
d’occlusion complète et de collet résiduel (occlusion adéquate) plus importante qu’avec le coiling

/ 389
Partie 1 – Prévention

standard. Ce type de traitement s’adresse essentiellement aux anévrismes de bifurcation à collet


large, qui sont particulièrement difficiles à traiter par voie endovasculaire, du fait de la largeur du
collet et de la naissance fréquente de certaines branches, à proximité ou au niveau du collet.

FIGURE 3 Patient âgé de 34 ans. Anévrisme de 6 mm de la bifurcation sylvienne gauche. A :


Angiographie 2D. Flèche montrant l’anévrisme. B : Angiographie 3D. Flèche montrant l’anévrisme.
C : Traitement par flow disrupter (WEB). Flèche montrant le WEB. D : Le contrôle angiographique
1 an après la procédure montre une occlusion complète de poche anévrismale. Flèche montrant
l’anévrisme complètement occlus.

La découverte d’un AINR est une circonstance relativement fréquente, liée au développement
des techniques d’imagerie récente comme l’angioscanner et l’angio-IRM. La découverte doit
conduire le patient vers une consultation spécialisée de neuroradiologie interventionnelle, au
cours de laquelle les conséquences de cette découverte, l’éventuelle poursuite des explorations
et la stratégie thérapeutique doivent lui être précisément expliquées [51]. Cette consultation

390 /
Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus

initiale doit s’efforcer de dédramatiser la situation et de communiquer au patient des informa-


tions pertinentes, sachant qu’il sera partie prenante de la décision de stratégie thérapeutique.
Le patient doit dès la première consultation spécialisée, recevoir une information détaillée sur
la pathologie anévrismale, sur les risques de l’anévrisme intracrânien (rupture environ 1 % par
an) et sur les modalités de prise en charge (surveillance, traitement chirurgical, traitement endo-
vasculaire). Il est important de vérifier que le patient comprend l’information qui lui est fournie.
En effet, dans la mesure où il n’y a pas d’étude ayant montré la supériorité d’une prise en charge
sur une autre et où il n’y a donc pas de recommandations précises en matière d’AINR, il est clair
que la proposition thérapeutique qui est faite par l’équipe multidisciplinaire ne s’impose pas au
malade, qui reste libre de sa décision. Il importe avant tout d’identifier les éventuels facteurs du
risque de pathologie anévrismale modifiables, c’est-à-dire principalement la consommation taba-
gique et l’hypertension artérielle. Le lien étant fort entre consommation tabagique et pathologie
anévrismale, il est important de recommander de façon extrêmement précise au patient, d’arrêter
celle-ci, voire de se faire aider si cela s’avère nécessaire. De la même manière, et en lien avec le
médecin traitant, il est important d’avoir un contrôle satisfaisant de la tension artérielle chez
les patients hypertendus.

La stratégie thérapeutique ne peut pas, chez la plupart des malades, être définie sans le recours
à l’artériographie cérébrale, sauf en cas d’anévrisme de très petite taille détecté par l’angio-
scanner ou l’angio-IRM, ou chez les patients très âgés, où l’abstention thérapeutique est d’emblée
évidente. Dans le cas contraire, le recours à l’artériographie est nécessaire pour caractériser au
mieux l’anévrisme diagnostiqué et pour vérifier le caractère unique ou multiple de la pathologie
anévrismale.

Sur la base des données de l’imagerie, dans un cadre multidisciplinaire, associant au mieux les
neurochirurgiens, les neurologues, les neuroanesthésistes et les neuroradiologues intervention-
nels, les modalités de prise en charge des malades doivent être prises en fonction des caracté-
ristiques du patient, notamment son âge, les caractéristiques de l’anévrisme (taille, localisation,
morphologie, etc.), les comorbidités et les traitements en cours (notamment antiagrégants et
anticoagulants). Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de biomarqueurs permettant de déterminer
quels sont les anévrismes présentant un risque élevé de se rompre et ceux présentant au contraire
un risque faible. Des études sont en cours pour évaluer la signification de la prise de contraste
observée au niveau de la paroi de certains anévrismes et qui pourraient témoigner d’un plus
grand risque de rupture [52, 53]. La première étape est de décider si un traitement de l’anévrisme
par chirurgie ou traitement endovasculaire est indiqué. Si tel est le cas, il faut ensuite définir la
modalité du traitement. Dans le cas où une attitude thérapeutique active (traitement endo-
vasculaire ou chirurgie) n’est pas retenue, une surveillance sera réalisée par réalisation à intervalle
régulier espacé d’au moins un an voire plus, d’examens de contrôle visant à détecter une éven-
tuelle croissance anévrismale qui pourrait modifier la stratégie thérapeutique. Dans ce cadre,
l’IRM est préférable puisqu’elle n’utilise pas de rayons X et de produit de contraste iodé et que
le contrôle peut être réalisé sans injection de gadolinium (ARM 3D-TOF).

Une attitude thérapeutique active sera d’autant plus volontiers décidée que le sujet est jeune
et que l’anévrisme est volumineux et irrégulier. Des échelles ont été définies pour aider à la prise
de décision thérapeutique dans ce domaine [54]. En pratique, les indications restent assez varia-
bles d’une équipe à l’autre. L’attitude sera plutôt conservatrice chez un sujet âgé de plus de
70 ans, sauf s’il s’agit d’un anévrisme large ou géant, en particulier s’il est responsable un syn-
drome compressif. Chez les sujets de moins de 70 ans, les indications thérapeutiques font habi-
tuellement référence à l’étude ISUIA qui a montré que les anévrismes de 7 mm ou plus ont un
risque majoré de rupture. En l’absence d’études randomisées comparant le traitement chirurgical
et le traitement endovasculaire, le choix de la modalité thérapeutique se fait au cas par cas sur
la base des données connues de la prise en charge des anévrismes rompus (ISAT) et des données
de la littérature, en ce qui concerne la morbi-mortalité des différents traitements. De façon

/ 391
Partie 1 – Prévention

schématique et selon les recommandations de la HAS pour l’anévrisme rompu, le traitement de


première ligne est, sauf cas particulier, le traitement endovasculaire. Cependant, le traitement
chirurgical conserve quelques rares indications, notamment certains anévrismes de l’artère céré-
brale moyenne.

Il est important de donner certaines recommandations au patient, notamment de ne pas utiliser


d’aspirine pour calmer des céphalées qui pourraient être le symptôme d’une rupture anévrismale,
l’aspirine étant alors susceptible d’augmenter l’importance du saignement. Il faut noter à ce
propos qu’il existe un faisceau d’arguments suggérant que l’aspirine en prise chronique pourrait
jouer un rôle dans la prévention de la rupture anévrismale, notamment en réduisant les phéno-
mènes inflammatoires au niveau de la paroi anévrismale. Il n’existe cependant pas de confirma-
tion clinique de cette efficacité et donc pas de recommandation à l’utilisation de ce
traitement [55].

Malgré sa prévalence élevée, il n’y a pas actuellement de recommandation de dépistage systé-


matique des anévrismes intracrâniens. En pratique, cette question ne se pose que dans deux
groupes de patients : ceux faisant partie de familles de patients porteurs d’anévrismes (au moins
deux parents au premier degré porteurs d’un anévrisme intracrânien non rompu ou ayant pré-
senté une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale) et les patients porteurs d’une poly-
kystose rénale. Le dépistage doit commencer à l’âge adulte (18-20 ans) compte tenu de la rareté
des anévrismes de l’enfant et de l’adolescent.

Récemment, Bor et al. [3] ont montré qu’un screening systématique par ARM ou angioscanner
chez 458 personnes ayant une histoire familiale d’anévrisme, a permis d’identifier des anévrismes
intracrâniens dans 11 % des cas. Si le dépistage initial était négatif, un nouveau dépistage pouvait
être réalisé après cinq ans. Lors du deuxième dépistage, 8 % des patients étaient porteurs d’un
anévrisme intracrânien, et 5 % lors des troisième et quatrième dépistages. Dans leur conclusion,
les auteurs proposent un dépistage systématique et répété à intervalles réguliers des formes
familiales d’anévrismes, par ARM ou angioscanner.

Comme pour les formes familiales, la réalisation d’un dépistage semble indiquée chez les patients
présentant une polykystose rénale [4]. La répétition des examens de dépistage n’est peut-être
pas nécessaire [5].

Les anévrismes intracrâniens ont une prévalence élevée, et leur prise en charge thérapeutique
doit mettre en balance les risques de l’histoire naturelle avec ceux d’un éventuel traitement
(chirurgical ou endovasculaire). Lorsque l’anévrisme est de petite taille (< 5 mm), une simple
surveillance de préférence par ARM est indiquée afin de dépister d’éventuelles modifications
morphologiques du sac (élargissement, contours devenant irréguliers). Lorsqu’il a une taille plus
importante (et en fonction de l’âge), un traitement peut être proposé, plus volontiers endovas-
culaire, différentes modalités thérapeutiques pouvant êtres mises en œuvre selon le type
d’anévrisme.

392 /
Prise en charge des anévrismes artériels cérébraux non rompus

Dans tous les cas, il est important de bien informer le patient de sa pathologie et des modalités
de prise en charge, de façon à ce qu’il puisse participer à la prise de décision le concernant avec
une information précise et bien comprise. Il est également tout à faire nécessaire de corriger les
facteurs de risque modifiables, tout particulièrement le tabagisme et l’hypertension artérielle.

Seuls des essais thérapeutiques bien conduits, comparant différentes modalités de prise en charge
des AINR permettront de définir au mieux les indications thérapeutiques.

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Device Treatment of complex internal carotid artery aneu- rupture of intracranial aneurysms. J Neurointerv Surg 2017
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Analysis of Delayed Intraparenchymal Hemorrhage after rupture. Neurosurgery 2017 ; 80 : 114-8.

394 /
28

Les malformations artérioveineuses cérébrales (MAVc) sont des lésions vasculaires cérébrales
constituées par un ensemble de vaisseaux anormaux qui connectent directement les secteurs
artériels et veineux, excluant ainsi le réseau capillaire. Il s’agit d’une communication (« shunt »)
artérioveineuse anormale entre des artères piales et une ou des veines via un réseau de vaisseaux
dysplasiques appelé nidus, sans interposition de tissu cérébral sain [1]. Cette communication à
haut débit a pour conséquence une augmentation des vitesses et des pressions circulatoires dans
les veines de drainage qui reçoivent précocement du sang artériel à haute pression, exposant le
patient au risque de saignement intracrânien [2, 3]. Actuellement, la survenue d’une hémorragie
cérébrale est l’événement principal qui conditionnera la réalisation d’une intervention en raison
du risque de récidive hémorragique.

La prévalence des MAVc dans la population générale est difficile à établir étant donné la rareté
de la maladie et la grande proportion de patients asymptomatiques [4, 5]. Elle est estimée à
environ 10 pour 100 000 habitants (0,01 %) [4]. L’incidence des MAVc, c’est-à-dire la proportion
de la population dans laquelle une MAV est nouvellement diagnostiquée, est connue avec plus
de précision. Ainsi, une étude prospective sur 15 mois dans la population de New York a identifié
284 MAVc incidentes sur une population de 9 429 541 habitants, soit une incidence annuelle de
1,34 (IC95 % : 1,18-1,49) pour 100 000 personnes [6]. De façon similaire, une étude écossaise a
identifié, en 2 ans, 92 cas de MAVc sur une population de 4 110 956 habitants, soit une incidence

/ 395
Partie 3 – Prévention

annuelle de 1,12 (IC95 % : 0,90-1,37) pour 100 000 habitants par an [7]. Il n’y a pas de prédo-
minance de sexe [5]. L’âge moyen lors du diagnostic est compris entre 30 et 40 ans [8] ; il serait
plus jeune (28 ans) en cas de présentation hémorragique [6].

Les MAVc sont classiquement considérées comme une anomalie congénitale de développement
in utero pendant l’embryogenèse au stade 40-80 mm [1, 9]. Cependant, il est de plus en plus
probable que les MAVc puissent être des lésions acquises et de développement postnatal [10].
En effet, aucun cas de véritable MAVc avec un nidus n’a été rapporté après IRM anténatale. Ces
éléments suggèrent que les MAVc se développent en postnatal, ou bien qu’elles sont présentes
in utero mais de très petite taille, les rendant indétectables en imagerie [10]. Par ailleurs, plusieurs
cas de MAVc de novo ont été rapportés [11], avec apparition de MAVc chez des patients ayant
préalablement eu une exploration cérébrale (IRM, scanner ou artériographie cérébrale) qui n’avait
pas mis en évidence de MAVc. Ces éléments sont donc en faveur de la possibilité d’un dévelop-
pement postnatal, voire à l’âge adulte.

Les MAVc seraient ainsi secondaires à un événement congénital, mais seraient occultes à la
naissance et ne deviendraient apparentes au cours de la vie qu’avec la combinaison d’un ou
plusieurs facteurs déclenchants (traumatique, thrombotique, hémodynamique, hypoxique) [12],
l’hyperpression ou la thrombose dans le secteur veineux pourrait être un des moteurs du déve-
loppement des MAVc [11, 13].

Dans la grande majorité des cas, les MAVc sont sporadiques, sans association familiale ni géné-
tique particulière. Des études récentes suggèrent que des mutations génétiques pourraient consti-
tuer des facteurs de risque familiaux de développer des MAVc [14]. Seuls quelques cas familiaux
ont été rapportés dans la littérature [15]. En cas de MAVc chez plusieurs membres d’une même
famille, la détection systématique d’autres cas est recommandée.

Les MAV peuvent parfois s’intégrer dans des maladies syndromiques et être, dans ce cas, mul-
tiples. Elles sont associées à des anomalies cutanées ou à des anomalies vasculaires extra-
crâniennes, notamment dans la maladie de Rendu-Osler (télangiectasies hémorragiques hérédi-
taires – THH) ou le syndrome de Wyburn-Mason [16].

La maladie de Rendu-Osler est une angiodysplasie rare, autosomique dominante, dont la pré-
valence est estimée entre 2 et 40 pour 100 000 [17]. Elle se caractérise par une dysplasie vas-
culaire multisystémique avec des épistaxis récidivantes, des hémorragies cutanées, pulmonaires,
cérébrales ou du tractus gastro-intestinal [17]. La prévalence des MAVc chez les patients pré-
sentant une maladie de Rendu-Osler est estimée autour de 10 % [18], sans caractéristiques
spécifiques concernant leur localisation et leur angioarchitecture, mais elles sont multiples dans
30 % des cas [19]. Leur risque de saignement est nettement plus faible que chez les patients ne
présentant pas de maladie de Rendu-Osler [20]. Des mutations génétiques spécifiques ont été
identifiées chez les patients présentant une maladie de Rendu-Osler, notamment sur les gènes
ENG (codant l’endoglin, chromosome 9q), ALK1 (codant l’activin receptor-like kinase 1,

396 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

chromosome 12q13) et SMAD4 (chromosome 18q) [21-24], qui sont des cibles intéressantes
pour la compréhension et le traitement des MAVc [27]. Une consultation génétique peut donc
être envisagée chez ces patients.

D’autres entités sont décrites mais non associées à un surrisque hémorragique comme :
■ le syndrome de Bonnet-Blanc-Dechaume (syndrome de Wyburn-Mason), qui correspond
à l’association d’une angiocmatose rétinienne unilatérale, d’un hémangiome cutané dans le
territoire trigéminé ipsilatéral et d’une MAVc mésencéphalique [15] ;
■ la mutation du gène RASA-1, qui associe des MAVc et des malformations capillaires
cutanées planes [26]. Dans ce cas, les MAVc sont habituellement uniques.

Environ 15 à 20 % des MAVc sont asymptomatiques au moment du diagnostic [3]. Les circons-
tances et symptômes amenant à leur découverte sont par ordre de fréquence l’hémorragie
intracrânienne (42 %), l’épilepsie (25 %), d’autres symptômes (6 %) et une découverte fortuite
(21 %) [7]. Le mode de révélation est déterminant pour la suite de la prise en charge et notam-
ment interventionnelle.

Hémorragie intracérébrale
C’est la manifestation la plus grave et la plus fréquente. Le saignement est intraparenchymateux
ou intraventriculaire, lié à une rupture au sein du nidus ou sur une veine drainage parfois ané-
vrismale. La tolérance et le pronostic des saignements de MAVc sont souvent meilleurs que dans
les hémorragies consécutives à une maladie des petits vaisseaux, sauf pour les MAVc de la fosse
postérieure ou du mésencéphale. Ce pronostic peut être évalué par le score RAP (Ruptured AVM
Prognosis) (Tableau I) qui prend en compte la présence ou l’absence d’un saignement
TABLEAU I ▼ Score RAP (Ruptured AVM Prognosis).
Critère Nombre de points

Hémorragie intraventriculaire

Oui 4

Non 0

Score de Glasgow

3-4 4

5-12 2

13-15 0

Volume de l’hématome en mL

> 90 3

60-90 2

30-60 1

< 30 0

/ 397
Partie 3 – Prévention

intraventriculaire, le score de Glasgow à l’admission et le volume du saignement [27]. Les rup-


tures de MAVc s’accompagnent d’une mortalité de 12 % à 20 % et d’une morbidité de 40 %,
nettement inférieures à celles des hématomes intraparenchymateux spontanés, évaluées à 61 %
et 83 % respectivement [6, 27-29]. À la phase aiguë, la rupture de MAVc s’accompagne rarement
d’un vasospasme [27-29]. Une complication plus fréquente des ruptures de MAVc est l’hydro-
céphalie qui est associée à l’inondation ventriculaire. Le facteur déclenchant du saignement est
souvent méconnu, très rarement lié aux efforts, en dehors de blockpnées importantes élevant
la pression veineuse de manière brutale et massive. Le versant veineux du drainage est parfois
en cause par hypertension veineuse en amont d’une sténose ou d’une thrombophlébite. Les
anévrismes sur le réseau afférent peuvent se rompre (hémorragie sous-arachnoïdienne anévris-
male classique), tout comme les anévrismes intra- ou paranidaux.

Épilepsie
Son risque annuel est d’environ 1,1 % [30]. L’épilepsie est secondaire aux contraintes qu’exerce
la MAVc ou sa veine de drainage sur les structures cérébrales adjacentes. Elle peut être partielle
ou généralisée et prendre différentes formes cliniques en fonction de sa localisation. Les crises
comitiales sont souvent les manifestations cliniques des MAVc corticales ou de leur saignement.
Partielle, simple ou complexe, ou bien généralisée, elle peut aussi s’observer lors d’une hémor-
ragie ou en cas de thrombophlébite sur le réseau de drainage de la MAVc avec un œdème cortical
associé.

Déficit neurologique transitoire


Ce symptôme transitoire durant habituellement quelques minutes pourrait correspondre à des
épisodes épileptiques déficitaires ou à des phénomènes de vols vasculaires locaux. En effet, les
vitesses circulatoires élevées dans la MAVc provoquent un effet aspiratif responsable d’un effet
de vol [31]. Le tissu cérébral adjacent pourrait en souffrir, expliquant certaines manifestations
ischémiques aiguës, souvent transitoires.

Céphalées
Elles sont rapportées dans environ 15 % des MAVc, mais il est difficile de savoir si les céphalées
sont dues à la MAVc ou si cette dernière est de découverte fortuite lors de la réalisation d’un
examen complémentaire à l’occasion de crise céphalalgique. Les céphalées sont plus fré-
quentes en cas de MAVc corticale, souvent de volume important. La douleur est considérée
comme consécutive au contact dural du nidus ou alors au battement systolo-diastolique de
la veine de drainage lors de son abouchement dural. Les céphalées peuvent être liées à une
modification du drainage de l’anomalie, comme une thrombose au sein de la MAVc ou sur le
réseau de drainage.

398 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

La description anatomique d’une MAVc doit tenir compte de ses différents compartiments, arté-
riel, nidal et veineux [27, 29, 32] (Figure 1). Cette anatomie ou angioarchitecture des MAVc
conditionne leur risque hémorragique et les possibilités de traitement que ce soit par voie endo-
vasculaire, chirurgicale ou par radiochirurgie [33].

La taille des MAV est difficile à mesurer précisément et on parlera plutôt de plus grand diamètre
du nidus et non de son volume car la frontière avec les veines de drainage est souvent diffici-
lement identifiable, notamment en cas de MAVc de grande taille. Trois centimètres est une
valeur importante dans la prise en charge de la MAVc. En effet, un nidus dont le plus grand
diamètre est inférieur à cette valeur peut raisonnablement être proposé pour un traitement
radiochirurgical. Selon une série rétrospective de 150 patients, Spetzler et al. ont rapporté une
incidence hémorragique plus élevée dans le groupe des MAVc de petite taille [31]. Ce concept
a été ultérieurement sujet à controverses et d’autres auteurs ont rapporté qu’il n’existe aucune
corrélation entre la taille de la malformation et le risque de saignement.

FIGURE 1 Schémas illustratifs de MAVc. (Adaptés de Mayo Foundation for Medical Education
and Research.)

/ 399
Partie 3 – Prévention

Afférences artérielles
Les artères afférentes au nidus représentent les voies d’accès pour le traitement endovasculaire.
Les MAVc peuvent avoir un ou plusieurs types d’afférences artérielles parmi : des branches piales
des artères cérébrales, des branches perforantes des artères cérébrales, des artères méningées
et des artères transosseuses issues des branches de la carotide externe. Les artères afférentes,
uniques ou multiples, sont soumises à un régime d’hyperdébit lié à la faible résistance d’aval.
Ces modifications hémodynamiques ont pour conséquence un élargissement de la lumière arté-
rielle, le développement d’anévrismes d’hyperdébit du polygone de Willis (anévrismes proximaux)
et des pédicules afférents (anévrismes distaux) [34], voire l’évolution vers une angiopathie sté-
nosante et occlusive. La présence d’un anévrisme artériel a été démontrée dans certaines études
comme étant un facteur de risque indépendant de saignement intracrânien [34]. Les artères
afférentes peuvent alimenter exclusivement le nidus ou irriguer également du parenchyme céré-
bral sain, constituant ainsi des afférences dites « en passage ».

Nidus
Le nidus, pial ou intraparenchymateux, est composé d’un enchevêtrement de vaisseaux dysplasi-
ques et de tissu glial. Au sein du nidus, la paroi des artères peut être amincie de manière focale,
avoir une limitante élastique interne dégradée ou dédoublée et présenter une fibrose de la media.
On y retrouve également des veines artérialisées présentant des caractéristiques embryonnaires.
Le nidus est aussi le siège de vaisseaux de nature ambiguë dont la paroi est strictement fibreuse
ou présente simultanément des caractères artériels et veineux [32]. Le nidus peut être compact
ou dispersé avec interposition de parenchyme cérébral sain [35] et peut être de siège sulcal, gyral
ou mixte [36]. Il peut être mono- ou multicompartimenté. Il peut contenir des ectasies vasculaires
focales (anévrismes intranidaux) dont la nature artérielle ou veineuse est incertaine [37, 38]. Les
anévrismes sont dits intranidaux lorsqu’ils sont visibles au temps précoce de l’angiographie, avant
l’opacification de la veine de drainage. Le nidus peut également comprendre des shunts intranidaux
artérioveineux directs dits fistuleux. Un retour veineux angiographique de 2 secondes a été proposé
comme valeur seuil pour distinguer les shunts intranidaux à haut et bas débit.

Efférences veineuses
Le drainage veineux d’une MAVc peut être unique ou multiple. En sus tensoriel, on peut les
diviser en deux groupes : superficielles corticales drainant le prosencéphale ou profondes drainant
le mésencéphale et le diencéphale. Nous verrons ultérieurement qu’un drainage veineux profond
exclusif a été retenu par certaines études comme facteur de risque hémorragique d’une MAVc [34,
39]. Il peut être superficiel cortical, vers le système veineux profond ou mixte. Le shunt artério-
veineux entraîne une artérialisation du flux d’aval. Ces modifications hémodynamiques engen-
drent des dilatations focales ou globales des veines efférentes ainsi que des sténoses veineuses
focales. Par ailleurs, les shunts artérioveineux fistuleux peuvent s’accompagner d’une congestion
du drainage veineux du parenchyme sain.

Évolution de l’angioarchitecture
L’angioarchitecture des MAVc est dynamique. Elle est soumise à des variations de forme et de
taille. De nombreux cas de croissance de MAVc, de régression, d’oblitération spontanée [40] et
de récidive postopératoire après angiographie de contrôle négative sont rapportés. D’après

400 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

Hashimoto et al., environ 50 % des MAVc progressent et 10 % régressent sur une période
moyenne de suivi de 8 ans [41]. L’oblitération spontanée semble intéresser environ 1 % des
MAVc dans des populations sélectionnées. L’oblitération spontanée est le plus souvent associée
à un petit nombre d’artères afférentes, un petit nidus, une veine de drainage unique et une
présentation hémorragique. La fréquence des anévrismes artériels pédiculaires et des ectasies
veineuses augmente avec l’âge des patients, évoquant un lien de causalité entre stress hémo-
dynamique prolongé et apparition de ces anomalies angioarchitecturales.

Formes atypiques
Il existe des formes atypiques de MAVc notamment les MAV associées à des anomalies veineuses
de développement (AVD) et à des cavernomes ou des malformations artérioveineuses mixtes
(MAVc-AVD) qui sont des MAVc drainées dans des AVD [11].

L’angiopathie cérébrale proliférative, précédemment nommée MAVc diffuse ou holohémi-


sphérique [35, 42] est caractérisée sur le plan angioarchitectural par des afférences artérielles et
efférences veineuses multiples de petits calibres sans vaisseau dominant, l’absence d’anévrisme
d’hyperdébit, le faible shunt artérioveineux en comparaison avec le volume lésionnel et l’inter-
position de parenchyme cérébral sain entre les vaisseaux. L’angiopathie cérébrale proliférative
touche des sujets en moyenne plus jeunes (âge moyen 22 ans) avec une prédominance féminine
(67 %). L’attitude recommandée devant ces lésions est un traitement ciblé des points de faiblesse
à risque hémorragique [42].

Les fistules artérioveineuses piales sont des shunts artérioveineux cérébraux sans nidus macro-
scopique. Il peut s’agir de micro-MAVc ou de fistules artérioveineuses (FAV) piales. Les micro-
MAVc ont un nidus de moins d’un centimètre ou qui n’est individualisable qu’en angiographie
hypersélective [43]. Les FAV piales sont rares et caractérisées par une communication directe
entre une ou plusieurs artères cérébrales piales et une veine corticale, sans interposition de lit
capillaire ou de nidus [44]. Elles sont le plus souvent rencontrées dans la population pédiatrique
et favorisées par la maladie de Rendu-Osler.

L’artériographie cérébrale soustraite est l’examen de référence pour l’évaluation de l’angioar-


chitecture des MAVc, car elle présente une très bonne résolution spatiale et permet une étude
dynamique [33, 44, 45]. Le signe radiologique majeur est le retour veineux précoce : une ou
plusieurs veines sont visibles sur un temps angiographique artériel, alors que le produit de
contraste opacifie encore les grosses artères. Le bilan précise le nombre d’afférences et le type
de drainage veineux, estime la taille des communications artérioveineuses, recherche des ané-
vrismes artériels associés à distance, ou bien au sein de la MAVc (anévrisme intranidal). De plus,
le développement des acquisitions tridimensionnelles et de segmentation permettent de mieux
explorer les MAV et leurs différents compartiments [46, 47]. Ce temps d’analyse est une étape
importante pour préciser les différents temps opératoires lorsque l’indication d’une intervention
est retenue.

/ 401
Partie 3 – Prévention

L’angioscanner recherche les rapports de la MAVc avec le saignement pour essayer de localiser
un éventuel point de faiblesse (anévrisme intranidal ou ectasie focale d’une veine de drainage)
à cibler en cas d’indication à un traitement partiel.

L’IRM cérébrale est également très utile pour la caractérisation d’une MAVc permettant notam-
ment en T2* d’identifier des dépôts d’hémosidérine correspondant à des microhémorragies cli-
niquement silencieuses et signant le caractère rompu d’une MAV à haut risque de resaigne-
ment [48]. Ce dernier élément est critique pour l’indication d’une intervention. La présence de
stigmates hémorragiques fera envisager une intervention. L’IRM fonctionnelle (IRMf) est égale-
ment de plus en plus utilisée pour l’évaluation des rapports entre la MAVc et les zones éloquentes
du cerveau, permettant de mieux préciser les risques du traitement. Les angioscanners et
angio-IRM dynamiques ont été récemment développées pour l’analyse de l’angioarchitecture et
de la dynamique de flux au sein des MAVc mais ne remplacent pas encore l’artériographie qui
l’imagerie de référence pour définir l’intervention endovasculaire [45, 49, 50].

La rupture hémorragique faisant la gravité des MAVc, il est très important de pouvoir estimer
individuellement ce risque. Ce risque de saignement est estimé globalement à 1-4 % pour une
lésion n’ayant jamais saigné auparavant, mais ce taux ne tient pas compte de formes de MAVc
complexes beaucoup plus à risque (drainage veineux profond, anévrisme) [34].

Plusieurs critères ont été identifiés comme facteurs de risque d’hémorragie chez les patients
porteurs d’une MAVc.

Le principal facteur de risque hémorragique est l’antécédent de rupture de la MAVc avec un risque
annuel de saignement de 4,5 % contre 2,2 % pour une MAVc non rompue [51]. Dans la méta-analyse
de Gross et al., le risque de resaignement dans la première année était de 18 % contre 2 % par an
pour les MAVc n’ayant jamais saigné [51]. La localisation profonde de la MAVc et le drainage veineux
profond exclusif sont également des facteurs de risque d’événements hémorragiques [39].

D’autres facteurs sont discutés comme étant associés à un surrisque hémorragique, mais n’ont pas été
confirmés dans une méta-analyse récente tels que : l’âge élevé, la petite taille (< 3 cm) de la MAVc [51].

Des critères anatomiques de l’angioarchitecture des MAVc constituent également des facteurs
de risque de saignement tels que la présence d’anévrismes intra- ou juxtanidaux ou une sténose
de la veine de drainage principale, compromettant le drainage de la MAVc.

D’après Stapf et al., le risque hémorragique annuel varie de 0,9 % pour les patients sans antécédent
de saignement, ni localisation profonde de la MAVc, ni drainage veineux profond exclusif, à 34,4 %
pour ceux qui présentent la combinaison de ces 3 facteurs de risque [39]. Ce risque individuel
conditionne les indications de traitement qui doit tenir compte de l’évaluation bénéfices/risques.

Il faut distinguer le traitement symptomatique d’éventuelles céphalées ou crises d’épilepsie du


traitement étiologique, dont l’objectif est l’éradication complète et définitive de la MAVc afin
d’éliminer le risque de saignement ultérieur [52]. Un traitement incomplet d’une MAVc ne peut

402 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

pas garantir une réduction du risque de saignement. Au contraire, une occlusion partielle de la
zone nidale pourrait même un surrisque hémorragique. Le traitement d’une MAV cérébrale ne
doit donc être envisagé que si l’on a la quasi-certitude de pouvoir obtenir son exclusion
complète [52, 53]. La taille de la MAVc est un facteur limitant pour toutes les techniques.

Le traitement étiologique interventionnel peut être réalisé par 3 modalités thérapeutiques dif-
férentes et complémentaires : l’embolisation par voie endovasculaire, la chirurgie ou la radio-
thérapie stéréotaxique.

Quelles que soient les techniques utilisées, le risque du traitement est non négligeable et l’indi-
cation doit être bien posée après une concertation pluridisciplinaire incluant neuroradiologues
interventionnels, neurochirurgiens, radiothérapeutes et neurologues vasculaires afin de mettre
en balance le risque thérapeutique et le risque hémorragique [54]. Qu’elle soit uni- ou multi-
modale, la stratégie thérapeutique dépend du risque hémorragique de la MAVc, de la faisabilité
de chaque modalité thérapeutique et du risque associé [54].

L’hémorragie est la principale source de morbi-mortalité des MAVc, et l’antécédent d’hémorragie


est également le principal facteur de risque de rupture future dans l’histoire naturelle des
MAVc [39]. De ce fait, le traitement des MAVc précédemment rompues est généralement
recommandé [54].

L’indication de traitement des MAVc non rompues est, au contraire, rarement retenue, quelle
que soit la modalité thérapeutique envisagée. Cette attitude est soutenue par les résultats de
l’étude ARUBA qui est une étude multicentrique randomisée comparant le traitement invasif des
MAVc non rompues avec le traitement conservateur [55]. Le but d’ARUBA était de comparer la
survenue à 5 puis 10 ans, d’un décès ou événement neurologique chez des patients présentant
une MAVc non rompue chez des patients randomisés entre un bras interventionnel (chirurgie,
traitement endovasculaire, radiochirurgie ou traitement combiné) et un bras de traitement
médical. Cette étude a été interrompue prématurément après un suivi moyen de 33 mois à
cause d’une différence importante entre les deux groupes, en faveur du traitement médical. En
effet, dans le groupe interventionnel, 35/114 patients (30,7 %) patients ont présenté un événe-
ment clinique (24,5 % hémorragique, 11,2 % ischémique) contre 11,1 % en cas de traitement
médical avec un risque relatif de 0,27 (IC95 % : 0,14–0,54) [55]. L’étude SIVMS a également
montré la supériorité du traitement médical en comparaison avec le traitement interventionnel
des MAVc non rompues [56]. Cependant, les résultats de l’étude ARUBA ont été largement
débattus car elle ne distinguait pas les MAV en fonction du risque opératoire. Par ailleurs, le
bras intervention regroupait différentes modalités de traitement, le critère de jugement principal
était composite, et le délai de suivi inférieur à 3 ans [57-60]. Ces résultats restent la source de
controverse car ils s’opposent à des résultats en faveur d’une intervention dans des populations
sélectionnées [61-64].

Des recommandations européennes ont récemment été publiées en juin 2017 [65], suite aux
résultats d’ARUBA et aux controverses que ceux-ci ont engendrées. Ces recommandations sti-
pulent que les résultats d’ARUBA ne peuvent pas être applicables à toutes les MAVc non rompues,
ni à toutes les modalités thérapeutiques. Ces recommandations proposent le traitement des
MAVc non rompues grades 1 et 2 de Spetzler–Martin (Tableau II). L’indication du traitement des
MAVc non rompues de plus haut grade doit faire l’objet d’une discussion au cas par cas, après
discussion multidisciplinaire. Enfin, ces recommandations rappellent qu’en cas d’indication à un
traitement de MAVc non rompue, la stratégie doit être discutée de façon multidisciplinaire avec
l’objectif de l’éradication complète de la MAVc. Ces recommandations ont également proposé
la tenue d’un registre prospectif européen afin d’évaluer le bénéfice du traitement.

/ 403
Partie 3 – Prévention

TABLEAU II ▼ Classification de Spetzler-Martin.


Critère Nombre de points

Taille du nidus

Petite (< 3 cm) 1

Moyenne (3-6 cm) 2

Large (> 6 cm) 3

Localisation du nidus

Zone éloquente* 1

Zone non éloquente 0

Drainage veineux profond

Présent 1

Absent 0
* La localisation éloquente est définie comme étant une zone de commande sensitivo-motrice, du langage, visuelle ou le
thalamus, l’hypothalamus, la capsule interne, le tronc cérébral, les pédoncules cérébraux et les noyaux gris centraux.

En phase aiguë d’une hémorragie et en cas d’hypertension intracrânienne majeure (hydro-


céphalie, hématome compressif), le traitement chirurgical de décompression (évacuation d’héma-
tome) prime dans tous les cas sur la prise en charge endovasculaire. En fonction de l’état clinique,
la chirurgie pourra être précédée d’une embolisation partielle de la MAV pour limiter le risque
hémorragique peropératoire. Cependant, le traitement complet d’une MAV cérébrale n’est que
rarement envisagé en phase aiguë, car l’hématome peut comprimer une partie du nidus entraî-
nant le risque de méconnaître une portion du nidus et débouchant sur un traitement partiel de
la MAV et donc sur un surrisque hémorragique.

L’évaluation du risque du traitement peut être estimée grâce à la classification de Spetzler-Martin


(Tableau II), initialement développée pour le traitement chirurgical mais également largement
utilisé pour le risque du traitement endovasculaire et radiochirurgical [66]. La classification de
Spetzler-Martin permet d’établir 5 grades, du grade I (petite MAV à drainage veineux superficiel
dans une zone muette) au grade V (grande MAV à drainage veineux profond située dans une
zone fonctionnelle).

Traitement endovasculaire
par neuroradiologie interventionnelle
En l’absence d’indication chirurgicale urgente, on réalisera une artériographie diagnostique dans
les meilleurs délais, à la recherche d’un anévrisme intra- ou prénidal au contact de l’hémorragie.
Un traitement sélectif ciblé de cette lésion en phase aiguë sera alors réalisé [67]. En l’absence
de cible ou après traitement de la cible en phase aiguë, un traitement complet pourra être
proposé après résorption de l’hématome, donc le plus souvent à trois mois de l’hémorragie, en
fonction des caractéristiques de la MAVc (Figure 2).

404 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

FIGURE 2 Traitement endovasculaire en deux temps chez un patient de 12 ans ayant présenté
une céphalée brutale.
A. IRM Flair, montrant l’hématome frontal droit en hypersignal (grande flèche) et un hyposignal
vasculaire (petite flèche). B. En urgence, une artériographie cérébrale est réalisée montrant une
MAVc frontale gauche avec un nidus de 3 cm de plus grand diamètre (petites flèches), alimenté
par les branches frontales antéro-internes de l’artère cérébrale antérieure gauche. Il se draine par
de multiples veines corticales frontales gauches. L’hématome frontal droit est expliqué par une
veine de drainage frontale droite anévrismale (grande flèche). C. Un traitement ciblant la compo-
sante nidale se drainant par cette veine est réalisé en urgence. Sur cette image crânienne non
soustraite de face, notons la densité de l’Onyx® dans la portion nidale (petites flèches) et dans
la veine concernée (grande flèche). D. Trois mois plus tard, le traitement de la MAVc est complété.
E. Contrôle angiographique final montrant la totale exclusion de la MAVc.

Le traitement endovasculaire des MAV cérébrales a beaucoup évolué ces 10 dernières années.
Le progrès technique majeur vient du développement conjoint d’une solution gélifiante, l’Onyx®,
et de microcathéters à extrémité détachable. Les agents emboliques liquides utilisés pour le
traitement par voie endovasculaire sont la colle cyanoacrylique Glubran (GEM™) et l’Onyx (Covi-
dien™) et plus récemment le PHIL (Microvention™) et le SQUID (Balt™) [68, 69]. Il est possible,
grâce à une solution gélifiante, de contrôler, au moins en grande partie, le passage veineux du
matériel d’embolisation, et ce point est crucial dans le traitement des MAV. En effet, l’occlusion

/ 405
Partie 3 – Prévention

involontaire de la veine de drainage des MAV était l’une des causes principales d’hémorragie
postembolisation. Les cathéters à extrémité détachable sont indispensables à l’utilisation de la
solution gélifiante, car celle-ci reflue toujours sur l’extrémité distale du microcathéter. En
l’absence de cathéter dont l’extrémité peut se sectionner au-delà d’une certaine traction, le
retrait pouvait occasionner une rupture vasculaire. Le taux d’oblitération des MAVc par embo-
lisation est très variable entre les séries, probablement du fait des objectifs différents de l’embo-
lisation en fonction des équipes et de par la technique d’embolisation. L’embolisation à la colle
acrylique permet des taux d’oblitération autour de 10 %, à l’exception de la série de Valavanis,
rapportant un taux de 40 % dans un groupe de MAVc sélectionnées [70]. L’embolisation à l’Onyx®
permet des taux d’oblitération supérieurs, de 10 à 50 % environ selon les auteurs [71-73].

Dans les séries récentes de patients embolisés de MAVc avec de l’Onyx®, le taux de morbidité
permanente en post-embolisation varie de 7 à 10 %, et le taux de mortalité s’élève à environ
2-3 % [76-78]. D’après une méta-analyse de la littérature par Van Beijnum et al., la médiane du
taux de complications associées à une morbidité sévère ou une mortalité après embolisation est
de 6,6 % (de 0 à 28 %) [63]. Le risque varie en fonction de plusieurs critères, dont les principaux
sont la taille de la MAV, le nombre d’artères afférentes, leur type profond ou cortical, le caractère
terminal ou « en passage » de l’alimentation artérielle. La configuration idéale pour le traitement
endovasculaire est une MAV cérébrale de diamètre inférieur à 30 mm, alimentée exclusivement
par des artères corticales autorisant un long reflux d’Onyx®. Dans cette disposition, le taux de
guérison est très élevé avec un risque thérapeutique faible. Dans la mesure du possible, le traite-
ment endovasculaire doit viser à occlure la totalité de la MAV en un seul temps d’embolisation.
Le traitement en un temps vise à prévenir le risque de rupture hémorragique de compartiment
restant de la MAV lorsqu’une occlusion partielle est réalisée. À l’inverse, la situation la plus défa-
vorable est celle des malformations profondes, en zone très hautement fonctionnelle. Les MAV de
la partie profonde des hémisphères ou du tronc cérébral sont celles dont le traitement est le plus
risqué [74]. Le traitement par voie endovasculaire nécessite parfois des techniques complémentaires
telles que la « pressure-cooker technique » ou l’embolisation par double cathéterisme [75, 76]
(Figure 3). Enfin, même si la voie artérielle est habituellement celle qui est préconisée, il peut être
utile, dans certaines conditions anatomiques et à condition d’être certain de définitivement occlure
la MAVc lors de cette session, d’utiliser le traitement endovasculaire par voie veineuse [77].

Neurochirurgie
La chirurgie des MAVc est rare en France et requiert une expérience chirurgicale importante
dans le domaine de la neurochirurgie vasculaire. La chirurgie présente un intérêt important en
phase aiguë de rupture de la MAVc, car en plus du traitement étiologique de la MAVc, elle
permet d’évacuer l’éventuel hématome et décomprimer le cerveau [78, 79].

L’artériographie est indispensable pour l’analyse préopératoire des afférences principales et


des veines de drainage. L’angioscanner tridimensionnel est également utilisé pour pouvoir, via
un système de neuronavigation, centrer le volet osseux, mais surtout repérer les artères, le
nidus et les veines de drainage. L’ouverture durale peut se faire au microscope opératoire, car
il peut exister des veines cortico-durales impliquées dans le drainage de la MAVc, qui doivent
être initialement respectées. Après l’ouverture durale vient le temps d’analyse de la malfor-
mation. Il conviendra de précisément repérer les veines de drainage (souvent corticales), qu’il
faut à tout prix respecter jusqu’à déafférentation complète du nidus, puis les afférences super-
ficielles et le nidus. La dissection de la MAVc consiste ensuite en une déconnection séquentielle
des afférences artérielles de façon circonférentielle sous microscope opératoire. Les veines de
drainage doivent être épargnées jusqu’à la fin de l’intervention pour limiter le risque de rupture
peropératoire. Le but est d’isoler le nidus en coagulant toutes les afférences artérielles au ras

406 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

FIGURE 3 Traitement endovasculaire un temps par double cathétérisme artériel d’une MAVc
rompue chez un patient de 23 ans.
Le scanner sans injection montre une hémorragie intraventriculaire pure (A). L’angioscanner céré-
brale met en évidence une MAV pariétale droite avec anévrisme intranidal (flèche jaune) localisé
dans le ventricule latéral gauche (B). L’angiographie roationnelle 3D montre la MAVc avec l’ané-
vrisme intranidal (flèche jaune) (C). Fusion d’images entre le scanner sans injection et l’angio-
graphie rotationnelle 3D confirmant la localisation intra-anévrismale de l’anévrisme intranidal
(flèche jaune) (D). Angiographie 2D confirmant la MAV pariétale droite avec veine de drainage
précoce (flèches bleues) visualisée au temps artériel (E). Traitement endovasculaire par technique
de double cathétérisme artériel (F). Contrôles angiographiques 2D montrant l’opacification de la
MAVc et de l’anévrisme intranidal (flèche jaune) par le matériel d’embolisation et l’exclusion
complète de la MAVc (G).

/ 407
Partie 3 – Prévention

de la malformation jusqu’à ce qu’il ne soit plus pédiculé que sur la ou les veines de drainage.
Celles-ci sont coagulées et coupées en fin de geste. La vidéoangiographie peropératoire au vert
d’indocyanine aide significativement le chirurgien dans l’analyse de la malformation et la pro-
gression de la dissection [80].

La chirurgie peut être proposée en première intention ou succéder à une embolisation pré-
opératoire dans le contexte d’une stratégie multimodale [81]. L’avantage indéniable de la chi-
rurgie est le taux d’oblitération complète extrêmement élevé, de 96 % en moyenne selon la
méta-analyse de Van Beijnum [63]. En revanche, la morbi-mortalité est très variable selon les
patients et les présentations [82].

Radiochirurgie stéréotaxique
Elle consiste en l’utilisation d’une irradiation focalisée par Gamma-Knife pour créer une réaction
radiobiologique pour obtenir une oblitération du nidus par les dommages induits sur l’endo-
thélium et la média avec la formation d’un thrombus conduisant à la fibrose de la paroi du
vaisseau [83]. Ce processus serait cumulatif dans le temps, et 1 à 5 ans sont nécessaires pour
obtenir une occlusion complète de la MAVc [84-86]. Des IRM de suivi permettent de surveiller
la décroissance du nidus. C’est cependant l’angiographie numérisée qui confirmera l’oblitération
complète. Le taux d’exclusion complète d’une MAVc après traitement radiochirurgical varie entre
54 et 92 % [84-86]. Étant donné son délai d’action, la radiochirurgie n’est pas indiquée en
première intention pour la prévention du risque de resaignement des MAVc initialement rompues
car le risque maximal est dans la première année post-hémorragie.

Certains facteurs ont été rapportés comme étant prédictifs d’un bon résultat après radiochirurgie
comme la petite taille du nidus, le drainage veineux unique, le faible grade dans la classification
de Spetzler et Martin, la haute dose marginale ou maximale, le sexe masculin, et l’histoire d’un
saignement antérieur [86, 87]. Une haute dose d’irradiation pourrait augmenter le taux d’obli-
tération de la MAVc mais induit plus de complications radio-induites [88]. Ces dernières peuvent
inclure l’épilepsie, les céphalées, le déficit neurologique et des lésions cérébrales comme l’œdème,
la nécrose et la formation kystique. La morbidité post-radiochirurgie varie de 0,4 à 20,6 % [84-87].
Comme pour les autres modalités de traitement, la radiochirurgie stéréotaxique rapporte de
bons résultats dans le cas de petites MAVc localisées dans des zones non fonctionnelles. Pour
des malformations d’important volume, les résultats sont très controversés, les études rapportent
25 à 35 % de totale oblitération à 2-3 ans [89].

Choix de la technique
Chacune des techniques comporte des avantages et des inconvénients respectifs [53].
– La radiothérapie est la moins invasive des trois techniques, mais elle ne permet d’obtenir la
guérison que pour les MAV cérébrales dont le diamètre n’excède pas 20 mm. Elle agit de façon
retardée dans un délai qui varie de 1 à 5 ans pendant lesquels le patient n’est donc pas protégé.
Son indication au décours d’une hémorragie n’est donc pas logique, sauf cas particulier.
– La chirurgie est, parmi les trois techniques, celle qui a le plus long recul et qui permet l’éra-
dication d’une MAV cérébrale volumineuse en un temps. C’est la technique la plus invasive.
– L’embolisation est la technique qui permet d’éradiquer la MAVc de façon immédiate avec
probablement moins d’aléa que la chirurgie.

Le choix de la technique de traitement varie beaucoup d’un pays et d’un centre à l’autre et
repose toujours sur une évaluation multidisciplinaire.

408 /
Malformations artérioveineuses cérébrales

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/ 411
29

L’avènement de l’IRM a permis de décrire les histoires naturelles des cavernomes cérébraux
comme des anomalies veineuses de développement. Alors que ces dernières sont des variations
anatomiques le plus souvent asymptomatiques, les cavernomes sont classés dans le groupe des
malformations vasculaires, volontiers révélés par des crises d’épilepsie, des céphalées ou un déficit
focal secondaires à une hémorragie intracérébrale, justifiant d’une prise en charge thérapeutique
adaptée.

Les cavernomes du système nerveux central sont des malformations vasculaires caractérisées
histologiquement par des cavités capillaires anormalement élargies sans interposition de tissu
cérébral (à l’inverse des télangiectasies où il existe une telle interposition) [1, 2]. Il existe volon-
tiers au sein de ces cavités des thrombi d’âges différents, souvent associés à des calcifications,
des éléments inflammatoires et des dépôts d’hémosidérine dans les parois. Macroscopiquement,
les cavernomes ont un aspect multilobulé, « muriforme », dont la taille est généralement de 2
à 3 cm. Des formes microscopiques comme géantes ont aussi été rapportées. Leur localisation
est avant tout supra-tentorielle, mais un quart d’entre elles siège dans la fosse postérieure et
moins de 10 % au niveau médullaire. La prévalence des cavernomes cérébraux dans la population
générale est comprise entre 0,1 % et 0,5 % [3, 4].

/ 413
Partie 3 – Prévention

Cavernomes sporadiques et familiaux


La première description des cavernomes familiaux est due à Kufs en 1927 [5]. La fréquence de
ces formes est estimée autour de 10 à 20 % de l’ensemble des cavernomes, sur tous les conti-
nents [6, 7]. Parmi les particularités des formes familiales, la présence de lésions multiples est
caractéristique, à l’opposé des formes sporadiques qui sont généralement uniques [8]. Les symp-
tômes révélateurs des cavernomes familiaux ne sont pas spécifiques. Il faut toutefois noter la
possibilité d’observer dans ces formes familiales des localisations extraneurologiques, rétiniennes
et cutanées. Les localisations rétiniennes sont le plus souvent unilatérales, asymptomatiques et
non évolutives ; leur fréquence est estimée à 5 % des patients avec cavernomes familiaux [9].
La fréquence des lésions cutanées est estimée à 10 % des formes familiales. Différents types de
lésions cutanées ont été décrits : nodules bleuâtres, angiomes plans, angiokératomes multi-
ples [10, 11] et surtout un type très particulier d’angiome cutané, l’angiome hyperkératotique
capillaro-veineux (HCCVM), qui en est la lésion la plus spécifique [10].

Les cavernomes familiaux sont des affections héréditaires mendéliennes transmises sur un mode
autosomique dominant, dont la pénétrance clinique comme radiologique est incomplète [7].
L’absence d’antécédents familiaux ne permet pas d’éliminer une forme génétique du fait de cette
pénétrance incomplète et de l’existence de néomutations [8]. Des études génétiques de liaison
à partir de grandes familles de cavernomatoses familiales ont permis de localiser, puis d’identifier
trois gènes : CCM1/KRIT1 localisé en 7q, CCM2/MGC4607 en 7p, et CCM3/PDCD10 en 3q, qui
sont impliqués dans l’intégrité des jonctions entre cellules vasculaires endothéliales. Quand on
crible des patients porteurs de cavernomatoses multiples, moyennant un séquençage complet
des gènes CCM1, CCM2, CCM3 et une recherche de délétion de grande taille, une mutation
germinale d’un des trois gènes est identifiée dans environ 75 % des cas [4, 7]. Cette mutation
héritée n’est pas suffisante pour entraîner l’apparition de lésions multifocales : elle doit s’associer
à une mutation somatique supplémentaire au niveau endothélial, encore appelée « double hit »,
pour entraîner l’apparition d’un cavernome. Aucune mutation CCM1, CCM2 ou CCM3 n’est
détectée si on crible l’ADN génomique des cas sporadiques avec lésion cavernomateuse unique
[12]. Un cavernome peut aussi apparaitre de novo [13] ou après irradiation [14].

Explorations neuroradiologiques
Le scanner cérébral peut être normal, en particulier dans les petits cavernomes. L’injection de
produit de contraste ne rehausse pas en général ces lésions. L’intérêt de l’injection d’iode est de
mettre en évidence l’association à une anomalie veineuse de développement (AVD), avec le
classique aspect en « tête de méduse », dans 8 % à 44 % des cavernomes uniques [15], encore
plus fréquemment avec des IRM à très haut champ [16].

L’IRM est l’examen clé en mettant en évidence l’aspect typique représenté par l’association d’un
hypersignal et d’un hyposignal sur les séquences pondérées T2 (Figures 1 et 2b), d’aspect en
« pop-corn » ou « poivre et sel ». L’hyposignal correspond à des dépôts d’hémosidérine (saigne-
ments anciens), l’hypersignal à des saignements récents ou à des calcifications. Cet aspect est
pratiquement spécifique ; le seul diagnostic différentiel est représenté par les métastases hémor-
ragiques. D’autres aspects en IRM ont été décrits : hypersignal isolé en T1/T2, témoignant d’une
hémorragie récente (Figure 2a) hyposignaux en T1/T2 (Figure 2c), hyposignaux visibles seulement
en écho de gradient /T2* (Figure 2d ; Tableau I). Dans ces cas, le diagnostic peut être difficile à
établir. La mise en évidence d’un hypersignal isolé peut imposer la chirurgie pour établir le
diagnostic définitif. Si une décision chirurgicale n’est pas retenue, le suivi neuroradiologique est
déterminant : l’apparition ultérieure d’un hypo- et hypersignal permettra de rattacher l’hémor-
ragie à un cavernome.

414 /
Cavernomes et anomalies veineuses de développement

FIGURE 1 Cavernomes frontaux d’aspect typique, associant d’un hypersignal et d’un hyposignal
sur les séquences pondérées FLAIR, T2 et T2*, avec un aspect en « pop-corn » ou « poivre et sel »
(réticulé, en hyper et hypo / T1 et T2).

TABLEAU I ▼ Types de cavernomes en IRM.


Type de cavernomes Aspect en IRM

Hyper-T1 et hyper-T2, entouré d’une couronne d’hyposignal


Cavernome de type I
(Saignement aigu/subaigu)

Association d’hyper et d’hyposignal en T1 et T2


Cavernome de type II (Caractéristiques d’hémorragies et phénomènes thrombotiques d’âges
différents, avec gliose voire calcifications)

Iso/hyposignal en T1 et hyposignal T2
Cavernome de type III
(Stigmates d’hémorragies chroniques)

Cavernome de type IV Hyposignal sur les séquences en écho de gradient, en isosignal en T1 et T2

Dans les formes familiales, les séquences en écho de gradient (T2*) montrent 3 fois plus de
lésions que les séquences en T2. De nouvelles séquences en IRM remplacent progressivement
l’écho de gradient, car plus sensibles à la détection de l’hémosidérine, notamment le SWI (Sus-
ceptibility Weighted Imaging) et le R2* (mesure quantitative du temps de relaxation). Dans les
formes familiales, ces séquences identifient presque deux fois plus de lésions qu’en T2* [17, 18].
Si la pénétrance neuroradiologique est très élevée dans les formes familiales de cavernomes, elle
n’est cependant pas complète : des IRM normales ont été observées chez des sujets transmetteurs
obligatoires ou porteurs d’une mutation CCM1, CCM2 ou CCM3 [19, 20].

Les études neuroradiologiques des cavernomes familiaux ont montré une corrélation entre le
nombre de lésions et l’âge. Plusieurs études ont estimé la fréquence d’apparition de nouvelles
lésions à une par décennie ; 1/3 des sujets ayant de nouvelles lésions sur un suivi IRM de 2 ans,
généralement asymptomatiques. Le caractère dynamique est également présent au sein de
chaque lésion, avec possibilité d’augmentation ou de diminution de taille, de modifications du
type de signal, de remaniements hémorragiques [4, 21].

Actuellement, les délais optimaux des suivis neuroradiologique restent incertains, basés sur la
clinique et l’évaluation au cas par cas, en l’absence de recommandations internationales [4]. Un
rythme annuel puis tous les 2 ans est généralement admis après un événement clinique (sachant
que la mise en évidence de modifications asymptomatiques n’est pas à considérer comme une
indication opératoire formelle), et en urgence en cas de nouvelle manifestation.

/ 415
Partie 3 – Prévention

FIGURE 2 Type de cavernomes rencontrés dans les formes familiales de cavernomes : en hyper-T1
et T2, entouré d’une couronne d’hyposignal (type 1 ; en haut à gauche), association d’hyper et
hyposignal T1 et T2 (type II ; en haut à droite), hyposignal en T1 et T2 (type III ; en bas à gauche),
isosignal en T1 et T2, visible en hyposignal en écho de gradient (type IV ; en bas à droite).

Histoire naturelle des cavernomes et pronostic


Les cavernomes sont très volontiers asymptomatiques. Dans la série rétrospective de Otten et
al., seuls 5 % des sujets porteurs de cavernomes (diagnostiqués à partir de 20 000 autopsies
consécutives) avaient présenté de symptômes cliniques en rapport avec cette malformation [3].
La pénétrance clinique des formes familiales, estimée autour de 50 % à 50 ans, est plus élevée
que celle des formes sporadiques [8].

Les symptômes dépendent de la topographie des lésions, incluant céphalées isolées, déficits
focaux liés ou non à une hémorragie focale et crises d’épilepsie. Dans les formes sporadiques
avec un cavernome unique, les symptômes les plus fréquents sont les crises d’épilepsie (40 % à

416 /
Cavernomes et anomalies veineuses de développement

70 % ; partielles ou généralisées, le plus souvent pharmaco-sensibles), les hémorragies (25-30 %),


le plus souvent parenchymateuses (parfois méningées ou endoventriculaires), les céphalées (10 %
à 30 %) et les signes focaux (10 %), d’installation progressive ou aiguë [7, 22]. L’âge moyen de
début est entre 20 et 40 ans. Néanmoins, des formes infantiles comme périnatales ont été
rapportées [4].

Parmi les manifestations cliniques, le risque de crise d’épilepsie est évalué autour de 1,5 % et
2,4 % par an [23, 24]. Le risque hémorragique annuel global varie de 0,8 % à 4,2 %, par patient
et de 0,7 % à 1 % par lésion [23-25]. Les 2 facteurs de risque d’hémorragie les mieux établis
sont un antécédent d’hémorragie symptomatique antérieure (4,5 % par an versus 0,5 %) et la
topographie infratentorielle [21]. D’autres ont longtemps été discutés (sexe, âge jeune, caractère
multiple, grossesse, exposition à des traitements anticoagulants et taille de la lésion). Récem-
ment, deux études ont permis de préciser ce risque hémorragique à partir de grandes cohortes.
Flemming et al. [27] ont rapporté une série de 292 adultes chez qui le taux annuel d’hémorragie
symptomatique était de 6,2 % en cas d’antécédent hémorragique, de 2,2 % par an en l’absence
de saignement préalable et à 0,3 % par an en cas de cavernome de découverte fortuite. En
analyse multivariée, seuls le sexe masculin et le caractère multiple des cavernomes augmentaient
ce risque. Jeon et al. [28] ont rapporté un taux annuel de saignement symptomatique à 4,46 %
dans une série de 366 patients, avec comme facteurs de risque un antécédent de saignement
(× 6,3), une localisation profonde (× 2,6) ; le sexe, l’âge, le caractère multiple, la taille et la
coexistence d’une AVD ne modifiaient pas le risque. Le risque hémorragique variait selon le type
de lésion en IRM, avec des risques évalués à 27,6 % pour des lésions de type I (donc des hémor-
ragies récentes), 15,4 % pour des lésions de type II, et 5,4 % pour des lésions de type III
(p < 0,001). Par ailleurs, il a été montré que le risque de récidive hémorragique décroit avec le
temps [29]. Ainsi, ces dernières études permettent de retenir comme facteurs de risque impor-
tants et consensuels de saignement un antécédent de saignement et/ou une localisation au
niveau du tronc cérébral, facteurs confortés par une méta-analyse récente basée sur des données
de suivi individuelle. Cette méta-analyse a aussi montré que le risque de saignement sympto-
matique chez les patients porteurs d’un cavernome de découverte fortuite était de 0,08 % par
patient-année [27].

Les facteurs pronostiques dans les formes familiales de cavernomes sont mal connus. Les études
sont peu nombreuses, avec des méthodologies variables (étude rétrospective ou prospective,
absence d’utilisation systématique de l’écho de gradient...). Le facteur principal qui conditionne
l’évolution au long cours en termes de handicap semble être la topographie des lésions dans le
tronc cérébral. Les facteurs de risque hémorragique sont les mêmes que dans les formes spora-
diques, à savoir essentiellement un antécédent d’hémorragie symptomatique et les localisations
dans le tronc cérébral. Enfin, il apparaît que si le pronostic clinique des cavernomes multiples
est variable, il existe des corrélations génotypes – phénotypes quand on regroupe les patients
selon le gène impliqué : les mutations du gène CCM1 ont un meilleur pronostic que celles de
CCM2 ou CCM3, ces dernières étant associées à un début symptomatique précoce et plus volon-
tiers hémorragique [30-32].

En raison du caractère potentiellement évolutif, un suivi clinique et neuroradiologique est néces-


saire. Le suivi en IRM permet de détecter des modifications neuroradiologiques le plus souvent
asymptomatiques : augmentation ou diminution de taille, hémorragie asymptomatique, appari-
tion de nouvelles lésions. Ces nouvelles lésions peuvent survenir spontanément, ou à la faveur
de facteurs environnementaux, le plus connu étant la radiothérapie externe [14].

/ 417
Partie 3 – Prévention

Traitements
Cavernomes et céphalées
Des céphalées sont fréquemment rapportées (jusqu’à 52 %) chez les patients porteurs de caver-
nomes [4]. Lorsqu’il s’agit de migraine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces.
Les triptans n’ont pas été étudiés spécifiquement dans ce contexte [4]. Une céphalée inhabituelle
peut aussi révéler une hémorragie, justifiant la réalisation d’une imagerie cérébrale.

Cavernomes et épilepsie
Des crises d’épilepsie surviennent chez 40 % à 70 % des patients ayant un cavernome sympto-
matique. Dans plus de la moitié des cas, l’épilepsie est la première manifestation du cavernome
(Figure 3), liée à des microhémorragies locales, une gliose ou une inflammation lésionnelle.
FIGURE 3 Première crise d’épilepsie partielle de type phasique avec mise en évidence d’un caver-
nome de type II (séquence FLAIR en haut) et 4 autres de type IV (clichés en bas), en T2*.

418 /
Cavernomes et anomalies veineuses de développement

Une crise d’épilepsie révélant un cavernome justifie un traitement antiépileptique (niveau de


preuve de classe I, niveau B) [4]. Le risque de première crise a été évalué à 6 % à 5 ans chez les
porteurs symptomatiques (95 % CI : 0 %–14 %) et à 4 % chez les porteurs de découverte fortuite
(95 % CI : 0 %–10 %). Il s’agit généralement de crises d’épilepsie pharmaco-sensibles, contrôlées
par un traitement de première ligne dans 60 % des cas. En cas de pharmacorésistance, la neu-
rochirurgie permet un contrôle des crises dans 70 % à 90 % des cas. Certains suggèrent donc
d’opérer dès l’échec d’une première ligne de traitement antiépileptique [4]. Une crise d’épilepsie
ou une augmentation de la fréquence des crises peut aussi révéler une hémorragie locale, et
plaider en faveur d’un geste neurochirurgical.

Cavernomes et hémorragies
Lorsque le cavernome a été responsable d’une hémorragie symptomatique, l’indication chirur-
gicale est généralement retenue (niveau de preuve IIb, classe B) [4]. Il est rare que l’intervention
ait lieu juste après l’hémorragie. Le plus souvent, elle est réalisée 3 mois après l’événement, afin
d’attendre une diminution du volume de l’hémorragie et de permettre une chirurgie la plus
fonctionnelle possible. Certaines formes peuvent être très évolutives et continuer à saigner durant
les semaines suivant l’hémorragie initiale ; elles imposent une chirurgie à la phase précoce.

Si la chirurgie des cavernomes supratentoriels est relativement sûre, celle des cavernomes pro-
fonds (thalamiques, des noyaux gris centraux et sous-thalamiques) et du tronc cérébral est grevée
d’un risque d’aggravation postopératoire et de handicap (morbidité de 5 % à 18 % et mortalité
de 2 %) [4]. Les indications des lésions du tronc cérébral sont à apprécier au cas par cas ; certaines
localisations pédonculaires, centro-pontiques ne peuvent être opérées qu’avec un risque majeur
de handicap. Des recommandations récentes suggèrent d’opérer les cavernomes hémorragiques
du tronc cérébral, en raison du risque important de morbi-mortalité en cas de récidive hémor-
ragique (niveau de preuve IIb, classe B) [4].

Le traitement par rayonnement (gamma-unit, radiochirurgie par « Gamma Knife ») reste contro-
versé et n’est pas à l’heure actuelle reconnu comme un traitement validé. Il doit être réservé
aux formes cliniquement évolutives (hémorragies, épilepsies réfractaires) au-dessus de toute
ressource chirurgicale, notamment dans les localisations du tronc cérébral inopérables (niveau
de preuve III, classe C ; avis d’experts) [4].

Cavernomes asymptomatiques
Il est admis que la chirurgie n’est pas indiquée dans les cavernomes asymptomatiques (généra-
lement de découverte fortuite). Cependant, des recommandations nord-américaines récentes
considéraient que la chirurgie pourrait être envisagée en cas de cavernome facilement accessible
en zone peu fonctionnelle afin d’éviter suivis itératifs et retentissement psychologique (niveau
de preuve IIb, classe C ; avis d’experts). En effet, un suivi IRM régulier est la plupart du temps
recommandé. En général, une IRM est réalisée au bout d’une année puis tous les 2 ans, même
si la mise en évidence au cours du suivi de modifications neuroradiologiques asymptomatiques
n’est pas non plus clairement considérée comme une indication opératoire.

Cavernomes médullaires
Considérés comme rares, leur prévalence et leur histoire naturelle sont mal connues. Ils siègent
essentiellement dans la moelle dorsale et cervicale, plus rarement lombaire. Même au sein de
formes familiales, les cavernomes médullaires sont le plus souvent uniques [33]. Une étude
multicentrique a montré que ces cavernomes médullaires peuvent se manifester soit de manière

/ 419
Partie 3 – Prévention

aiguë, le plus souvent en rapport avec une hématomyélie, soit de manière progressive, pseudo-
tumorale, en rapport avec un mécanisme compressif [34]. Un contexte favorisant précédait les
symptômes dans 26 % des cas : traumatisme, grossesse, accouchement [34]. Le risque hémor-
ragique a été évalué à 2,1 % par an (IC95 % : 1,3-3,3 %). Les symptômes cliniques sont ceux
d’une atteinte médullaire, avec des douleurs, notamment par atteinte cordonale postérieure, qui
constituent un des symptômes les plus fréquents. Le signal en IRM est le même que celui des
formes cérébrales. Les indications chirurgicales sont fonction des symptômes et de la topogra-
phie. Les lésions asymptomatiques doivent être respectées. La survenue d’une hématomyélie
oriente vers un traitement chirurgical, en raison du risque de récidive. Il en est de même d’une
forme compressive. La moitié des malades opérés est améliorée au long cours par la chirurgie.
Le principal facteur prédictif de handicap est la topographie antérieure ou postérieure du caver-
nome : une situation postérieure est un facteur de bon pronostic au long cours ; une situation
antérieure contre-indique la chirurgie, en raison du risque d’aggravation postopératoire. En
l’absence de signes d’appel clinique, il n’y pas lieu de faire une IRM médullaire de dépistage de
cavernomes asymptomatiques.

Cavernomes de l’enfant

La littérature repose sur des cas isolés ou de petites séries [4]. Alors que des études anciennes
suggéraient des formes plus graves ou hémorragiques chez l’enfant, des études récentes rappor-
tent des risques hémorragiques similaires à l’adulte [35].

Cavernomes, grossesse et accouchement

La grossesse n’apparaît pas dans les grandes séries comme un facteur de risque de saignement
des cavernomes, mais quelques cas d’aggravation au cours de grossesse ont mené à une contro-
verse [36]. Une étude récente fait état d’un risque d’hémorragie symptomatique de 3 % par
grossesse, avec 5 hémorragies parmi 168 grossesses, révélées par 4 crises d’épilepsie et un déficit
focal régressif [37]. Les recommandations récentes concluent à l’absence de risque neurologique
accentué lors d’une grossesse (classe IIa, niveau B) [4]. Chez des patientes épileptiques, il convient
surtout de prévoir à l’avance le traitement antiépileptique le plus approprié et le moins térato-
gène. L’accouchement par voie basse reste la règle. Toutefois, la prise en charge de patientes
porteuses de cavernomes relève parfois d’une approche multidisciplinaire, notamment en cas de
localisation dans le tronc cérébral, d’antécédent d’hémorragie symptomatique ou de taille lésion-
nelle très importante, qui peuvent faire conseiller un accouchement par césarienne pour éviter
les efforts de poussée. Une grossesse peut parfois même être déconseillée en cas de lésion du
tronc cérébral inopérable.

Cavernomes, antithrombotiques
(antiagrégants et anticoagulants) et fibrinolytiques

La plupart des études ont rapporté une sécurité d’emploi des antiagrégants plaquettaires et des
anticoagulants [26, 38]. Toutefois, ces études restent non contrôlées avec des effectifs de petite
taille (niveau de preuve de classe III, niveau C, avis d’experts). Après thrombolyse intraveineuse,
de rares cas de saignements intracérébraux ont été rapportés chez des patients porteurs de
cavernomes, à partir de cohortes de trop petite dimension pour conclure définitivement (niveau
de preuve de classe III, niveau C, avis d’experts) [4, 39, 40].

420 /
Cavernomes et anomalies veineuses de développement

Cavernomes et conseil génétique


En raison de l’identification des gènes mutés à l’origine de cette affection, plusieurs questions
se posent : quelle est l’influence du gène muté sur la prise en charge des patients et apparentés ?
Qui doit bénéficier d’une recherche de mutation ? Quelle est la place de la recherche de mutation
ou de la réalisation d’une IRM chez des membres asymptomatiques de la famille ? Un algorithme
décisionnel a été proposé [7]. La première étape est d’établir un arbre généalogique, sur 3 géné-
rations si possible :
■ cas sporadique avec une lésion unique en T2 – T2* et SWi. La recherche d’une mutation
d’un des gènes CCM n’est pas indiquée en l’absence d’apparentés connus atteints et de
lésion unique en IRM, car le risque est alors très faible le risque d’avoir une mutation ;
■ sujets symptomatiques avec lésions multiples et au moins un apparenté connu atteint. La
nature génétique de cette affection déjà établie et la mise en évidence d’une mutation ne
modifiera pas la prise en charge de ces patients. La recherche d’une mutation ne semble
donc pas utile, hormis en cas de demande de conseil génétique. La connaissance ultérieure
d’éventuelles corrélations génotypes-phénotypes fines pourrait cependant modifier cette
attitude ;
■ dans les formes multiples sans apparenté connu atteint, une mutation peut être détectée
dans environ deux tiers des cas, permettant d’établir le caractère génétique. La prise en
charge du cas index n’en sera pas modifiée, mais l’établissement du caractère génétique
permettra de préciser la prise en charge familiale. En revanche, il faut prévenir que l’absence
de mutation identifiée n’excluera pas la nature génétique de cette affection... ;
■ chez les apparentés asymptomatiques à risque, l’intérêt d’un diagnostic prédictif est de
pouvoir mieux suivre les sujets à risque. La plus grande prudence s’impose toutefois chez
ces sujets asymptomatiques chez qui la révélation d’un statut de porteur d’une mutation
peut être délétère, avec un bénéfice individuel difficile à estimer. Le diagnostic présympto-
matique repose soit sur la génétique moléculaire si la mutation causale est présente dans
la famille, soit sur l’IRM. La normalité d’une IRM n’exclut cependant pas que le sujet soit
porteur et donc transmetteur de la maladie, ce qui requiert dans ce cas une confirmation
moléculaire (pénétrance neuroradiologique incomplète [20]) ;
■ chez les mineurs asymptomatiques à risque, le diagnostic présymptomatique (IRM ou
moléculaire) n’est pas recommandé de manière habituelle ; il est parfois réalisé de manière
très prudente en raison des conséquences psychologiques et de l’absence de consensus
neurochirurgical des formes pédiatriques asymptomatiques ;
■ le diagnostic prénatal ne doit être envisagé qu’avec la plus grande prudence du fait du
caractère incomplet de la pénétrance clinique, de l’expressivité variable de la maladie et du
début le plus souvent à l’âge adulte (moins de 50 % des sujets porteurs de mutations ayant
présenté des symptômes à l’âge de 50 ans). L’expérience montre qu’une telle demande est
rare, et essentiellement observée dans les formes familiales où l’atteinte clinique de la
pathologie a été sévère.

Les anomalies veineuses du développement (AVD), anciennement appelés « angiomes veineux »,


sont des variants anatomiques de la normale, assurant un drainage fonctionnel du tissu cérébral
adjacent. L’aspect histologique correspond à des dilatations veineuses, avec interposition de tissu
cérébral [41, 42]. Ces dilatations véhiculent du sang à basse pression, et se jettent dans un collecteur

/ 421
Partie 3 – Prévention

veineux, puis dans un sinus dural [41, 42]. Leur localisation est ubiquitaire, pouvant siéger au niveau
des hémisphères cérébraux ou en sous-tentoriel. Isolées, les AVD sont avant tout asymptomatique,
mises en évidence de manière le plus souvent fortuite. Elles peuvent être mises en évidence sur
le scanner cérébral avec injection d’iode (ou l’IRM après gadolinium), sous la forme d’une hyper-
densité (ou d’un hypersignal) le plus souvent linéaire se jetant dans un collecteur d’un gros diamètre
transcortical, donnant le nom d’aspect en « tête de méduse » (Figure 4).

Les AVD représentent probablement la plus fréquente des anomalies vasculaires cérébrales, avec
une prévalence estimée entre 0,4 % à 9,6 % [41-45]. Leur prévalence est beaucoup plus faible
chez les enfants de moins d’un an que chez des sujets plus âgés (1,5 % vs 7,1 %), suggérant que
des modifications architecturales du drainage veineux pourraient contribuer à leur apparition et
leur développement, expliquant leur plus grande fréquence à l’adolescence et l’âge adulte [45].

Lorsqu’une AVD est mise en évidence, il importe de rechercher un cavernome à proximité par
les séquences IRM adaptées (T2*, SWI) : 10 % à 40 % des cavernomes sont associés à une AVD
de voisinage de (Figure 5) [46, 47]. De plus, l’étude de cavernomes en IRM à ultra haut champ
(7 T), a montré la présence d’AVD associés dans tous les cavernomes uniques sporadiques, et
dans aucun des cavernomes d’origine génétique prouvée [16].

Histoire naturelle des AVD et pronostic


Les AVD ont longtemps été tenues pour responsables d’hémorragies cérébrales, de céphalées ou
épilepsie. En fait, l’avènement de l’IRM a permis de montrer que les AVD sont des variants
anatomiques de découverte le plus souvent fortuite, généralement sans relation directe avec le
motif de réalisation de l’examen d’imagerie cérébrale.

AVD et hémorragie
La survenue d’une hémorragie cérébrale doit faire rechercher une lésion cavernomateuse associée
[44, 46]. Ces cavernomes associés seraient responsables de l’immense majorité des complications
hémorragiques à proximité d’une AVD [44, 46].

FIGURE 4 Exemples de 2 anomalies veineuses de développement (AVD) isolées, de siège tem-


poral, de découvert fortuite.

422 /
Cavernomes et anomalies veineuses de développement

FIGURE 5 Cavernome protubérantiel (en séquences T1, T2, FLAIR, T2*) associé à une anomalie
veineuse de développement visualisée après injection de gadolinium.

/ 423
Partie 3 – Prévention

AVD et thrombose
Rarement, une AVD peut se compliquer d’une thrombose [40]. Il faut alors rechercher des facteurs
prédisposants associés (locorégionaux, généraux et de coagulation/thrombophilie) comme pour toute
thrombose veineuse cérébrale. Une anticoagulation efficace est justifiée, que la thrombose soit compli-
quée ou non d’un infarctus veineux, même si l’infarctus est hémorragique (Figure 6) [48].

FIGURE 6 Exemple d’une AVD thrombosée, révélée par des céphalées inhabituelles, avant et
après un an d’anticoagulation (respectivement en haut et en bas).

AVD et épilepsie
Si les AVD sont souvent identifiées lors d’un bilan de crise épileptique, elles ne sont qu’excep-
tionnellement à l’origine des crises. Seule une vingtaine de cas a été rapportée dans la littérature
[44]. Avant de conclure que la crise d’épilepsie est liée à une AVD « isolée », il est essentiel de

424 /
Cavernomes et anomalies veineuses de développement

toujours faire un bilan IRM complet (incluant les séquences T2* et mieux SWI), d’étudier la
corrélation clinico-radiologique et, au mieux, d’obtenir un enregistrement EEG durant une crise
montrant des anomalies électriques concordantes avec la localisation de l’AVD. Les crises sont
souvent liées à une lésion épileptogène associée : en particulier un cavernome, mais parfois aussi
une dysplasie corticale, des lésions de la substance blanche adjacente ou une atrophie cérébrale
locorégionale en regard de l’AVD, ou une complication de celle-ci (comme une séquelle d’infarctus
veineux) [44]. Dans ces cas, il n’y a pas de traitement antiépileptique particulier à favoriser : le
choix se fait en tenant compte de l’âge et des comorbidités. La seule différence avec les autres
épilepsies d’origine focale est que les AVD ne doivent pas bénéficier d’un traitement neuro-
chirurgical, car elles ont un rôle fonctionnel et leur exérèse est source d’infarctus veineux [42,
46].

AVD et neurochirurgie
Les AVD ne doivent pas être opérées, en raison d’un risque d’infarctus veineux hémorragique
particulièrement élevé et parfois mortel [42, 46]. En cas d’exérèse d’un cavernome associé jus-
tifiant d’une chirurgie, il importe d’éviter de toucher à l’AVD lors du geste opératoire.

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426 /
30

Les fistules artérioveineuses durales (FAVD) intracrâniennes sont des communications artério-
veineuses développées dans l’épaisseur de la dure-mère du crâne. Dans l’immense majorité des
cas, une FAVD se développe dans la dure-mère constitutive de la paroi d’un sinus. Chez les
Caucasiens, les localisations les plus fréquentes sont le sinus latéral, puis le sinus caverneux. Si
l’on exclut les très rares fistules durales de l’enfant, ce sont des lésions dont on sait avec certitude
qu’elles apparaissent chez l’adulte à partir de la troisième décennie. Il est bien établi que le
pronostic neurologique des FAVD dépend de leur drainage veineux : les FAVD dont le drainage
emprunte une veine leptoméningée sont celles qui exposent à un risque d’hémorragie ou
d’œdème cérébral. Le traitement des FAVD est presque exclusivement endovasculaire. Nous
verrons successivement les aspects physiopathologiques, la classification et les principes et par-
ticularités thérapeutiques des FAVD en fonction de leur mode de révélation.

Données épidémiologiques
Les FAVD de l’adulte sont des lésions acquises. Nous disposons en effet de plusieurs observations
de patients atteints de FAVD qui avaient eu, antérieurement à l’apparition de leurs symptômes,
une exploration IRM qui ne montrait pas de FAVD. L’âge est le seul facteur de risque de déve-
loppement des FAVD. Le seul facteur déclenchant clairement identifié (mais très rarement
retrouvé) est la thrombose sinusienne qui peut évoluer vers une FAVD après reperméation du
sinus. Les FAVD représentent classiquement 10 à 15 % des lésions artérioveineuses

/ 427
Partie 3 – Prévention

intracrâniennes [1], les autres étant les malformations artérioveineuses (MAV) cérébrales. Cette
statistique a été établie en 1969, à une époque où l’IRM n’existait pas et où la symptomatologie
clinique des FAVD était très mal connue. La fréquence des FAVD est en réalité beaucoup plus
importante. Dans un service comme celui de Lariboisière, elle de 40 % et celle MAV cérébrales
de 60 %.

Physiopathologie
Si le facteur déclenchant la formation des communications artérioveineuses dans la dure-mère
reste inconnu, les conséquences de ces communications artérioveineuses sont maintenant bien
comprises : une FAVD est une pathologie veineuse cérébrale déterminée par une communication
artérioveineuse.

Lorsque le drainage veineux d’une FAVD n’emprunte que la lumière d’un sinus, il n’existe aucun
risque de complication parenchymateuse car la paroi de la dure-mère résiste parfaitement au
flux artériel. Lorsque le drainage veineux de la FAVD emprunte des veines leptoméningées, il
existe un risque d’hémorragie ou d’œdème cérébral dans le territoire de ces veines [2]. Cette
règle s’applique quelle que soit la localisation de la FAVD.

L’artérialisation d’une veine leptoméningée, dont la paroi est beaucoup plus fragile que celle de
la dure-mère, peut conduire à sa rupture, c’est-à-dire à une hémorragie qui peut être sous-durale
ou sous-arachnoïdienne. La fistule qui est anatomiquement contenue dans la dure-mère, c’est-
à-dire dans une membrane très résistante et extraparenchymateuse devient, par l’intermédiaire
de son drainage veineux leptoméningé, une lésion artérioveineuse intradurale : l’hémorragie pro-
vient de la veine de drainage et non des communications artérioveineuses.

Dans certains cas, l’hyperpression veineuse détermine une élévation de la pression dans les veines
intrinsèques du parenchyme. Suivant le modèle de Starling, lorsque la pression hydrostatique
augmente et que la pression oncotique reste inchangée, il se constitue un œdème dans le ter-
ritoire cérébral soumis à l’hyperpression. Cet œdème détermine des manifestations critiques ou
déficitaires variables selon le territoire veineux impliqué (Figures 1 et 2).

Classification angiographique
Les classifications les plus pertinentes sont d’ordre pronostique, comme celles de Borden [3] et
de Cognard [4] (Tableau I). Nous détaillerons cette dernière en prenant l’exemple d’une FAVD
du sinus latéral.

Cette classification présente quelques limites. La première est que les quatre premiers types
avaient pour objet de stratifier le risque hémorragique, seule complication reconnue dans les
années 1970. En l’absence d’IRM cérébrale, les complications œdémateuses ne sont devenues
patentes que dans le cadre des myélopathies. C’est ainsi qu’un nouveau type fistuleux a été
décrit dans les années 1980, le type V, qui correspondait à une FAVD intracrânienne se drainant
dans une veine spinale [5]. Cependant, le type V n’est pas associé à un risque hémorragique
supérieur au type IV et il rompt avec l’intention originelle de la classification. Avec le dévelop-
pement de l’IRM cérébrale, il est apparu que les manifestations œdémateuses n’étaient pas
l’apanage de la moelle mais pouvaient également être observées à l’étage encéphalique.

428 /
Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes

Ces manifestations non hémorragiques peuvent occasionner toute forme de déficit neurologique
central et, plutôt que de les désigner par un type particulier, il serait plus cohérent de parler de
FAVD à drainage leptoméningé responsable d’une myélopathie, d’une encéphalopathie focale ou
d’une encéphalopathie bihémisphérique.

FIGURE 1 Aspects IRM des complications œdémateuses médullaires de FAVD à drainage


leptoméningé.
A : Coupe T2 sagittale chez un patient présentant un syndrome bulbaire et une tétraparésie et
qui était porteur d’une FAVD à drainage médullaire. Notez l’hypersignal de la moelle cervicale et
du bulbe qui s’arrête de façon nette à la protubérance (flèche blanche). Notez également l’absence
de dilatation vasculaire périmédullaire et l’absence d’élargissement du cordon médullaire. Une
telle image qui peut en imposer pour une « myélite » doit conduire à réaliser rapidement une
artériographie cérébrale.
B : Artériographie de l’artère vertébrale droite chez le même patient montrant une FAVD de la
tente alimentée par une artère méningée postérieure et se drainant dans les veines spinales (têtes
de flèche noires).

TABLEAU I ▼ Classification des FAVD de Cognard.


Type I Drainage antérograde dans le sinus (Borden 1)

Type IIA Drainage dans le sinus avec reflux dans un autre sinus (Borden 1)

Type IIB Drainage dans le sinus avec reflux dans les veines corticales (Borden 2)

Type IIA + IIB Drainage dans le sinus avec reflux dans les veines corticales et un autre sinus

Type III Drainage direct dans une veine corticale sans ectasie veineuse (Borden 3)

Drainage direct dans une veine corticale avec une ectasie veineuse (> 5 mm et 3 fois
Type IV
supérieure au plus large diamètre de la veine) (Borden 3)

Type V Drainage dans une veine périmédullaire

/ 429
Partie 3 – Prévention

La seconde limite est terminologique : une fistule de type III (se drainant dans une veine lepto-
méningée) peut devenir un type IV si elle porte une ectasie ou un type V si le drainage emprunte
une veine spinale, ce qui conduit à une impossibilité logique. Il serait là encore plus logique de
parler de FAVD à drainage leptoméningé, avec ou sans ectasie veineuse, et de préciser le territoire
veineux de son drainage.

Au total, le facteur pronostique essentiel d’une FAVD est l’existence d’un drainage veineux
leptoméningé qui doit être recherché par l’artériographie cérébrale car c’est le point qui condi-
tionne les indications thérapeutiques.

FIGURE 2 Aspects IRM des complications œdémateuses cérébrales de FAVD à drainage


leptoméningé.
A : Patient présentant des crises motrices brachio-faciales droites. La coupe FLAIR avant l’embo-
lisation montre un hypersignal rolandique gauche sous-cortical. B : Même patient en séquence T1
gadolinium montrant l’absence de néo-formation mais l’opacification de multiples vaisseaux
transparenchymateux. Cet aspect est caractéristique d’une FAVD à drainage leptoméningé et
impose la réalisation d’une artériographie cérébrale. C : Artériographie de la carotide externe
droite chez ce patient retrouvant une FAVD du sinus sagittal supérieur à drainage veineux lepto-
méningé. D : Séquence FLAIR à 3 mois de l’embolisation montrant la régression complète de
l’hypersignal parenchymateux. E : Séquence T1 gadolinium à 3 mois de l’embolisation montrant
la régression partielle des dilatations des veines transparenchymateuses. F : Radiographie du crâne
montrant le remplissage par l’Onyx du sinus sagittal supérieur.

Histoire naturelle
Le risque hémorragique ou œdémateux d’une FAVD à drainage leptoméningé semble plus élevé
que celui d’une MAV. Le risque hémorragique d’une MAV non rompue est de 2 % par an [6],
alors que celui des FAVD à drainage leptoméningé est de 3 % à 8 % par an [7] et s’élève jusqu’à
27 %/an s’il existe une dilatation veineuse [8]. Le risque de récidive hémorragique précoce était
de 35 % dans les quinze premiers jours dans une étude [9], justifiant que le traitement d’une
FAVD rompue soit entrepris assez rapidement après une première hémorragie.

430 /
Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes

Le potentiel évolutif des FAVD se distingue de celui des MAV. Les FAVD peuvent changer de
type de drainage veineux et passer d’un type bénin à un type dangereux. Cela a été constaté
surtout dans les cas où une sténose du sinus dural ou de la veine jugulaire était visible sur
l’artériographie initiale [10]. Enfin, les FAVD peuvent, de façon non exceptionnelle, s’occlure
spontanément [11].

Circonstances de découverte des FAVD


Les symptômes associés aux fistules durales intracrâniennes dépendent du territoire de drainage
veineux de la fistule et non de sa topographique sur la dure-mère. Leur spectre est extrêmement
large, expliquant que de nombreux spécialistes puissent être confrontés à une FAVD : neuro-
chirurgien, neurologue, ORL, ophtalmologue et radiologue.

Hémorragies intradurales
L’hémorragie peut être cérébrale (Figure 3), sous-arachnoïdienne ou plus rarement sous-durale ;
elle est exclusivement associée à des FAVD à drainage leptoméningé. Si l’artériographie cérébrale
est communément indiquée devant toute hémorragie lobaire ou sous-arachnoïdienne de cause
indéterminée à l’imagerie non invasive, il faut savoir aussi porter l’indication de cet examen
devant tout hématome sous-dural aigu du sujet de moins de 50 % lorsqu’il n’existe ni facteur
de risque hémorragique, ni facteur traumatique.

FIGURE 3 FAVD à drainage leptoméningé avec ectasie veineuse responsable d’une hémorragie
cérébrale.
A : IRM séquence FLAIR montrant une hémorragie temporale gauche centrée sur une ectasie
veineuse (flèche blanche). B : ARM 3DTOF montrant une artérialisation d’une volumineuse ectasie
veineuse au centre de l’hématome. C : Artériographie de la carotide commune gauche montrant
une FAVD de la dure-mère du sinus latéral gauche se drainant directement dans une veine
leptoméningée porteuse d’une ectasie. D : Cathétérisme sélectif de l’artère méningée moyenne
pour embolisation à l’Onyx. E : Radiographie du crâne montrant le remplissage par l’Onyx des
artères méningées et de l’ectasie veineuse. F : Artériographie de contrôle de la carotide commune
gauche montrant la cure angiographique de la FAVD.

/ 431
Partie 3 – Prévention

Myélopathies œdémateuses
Leur présentation clinico-radiologique est comparable à celle des fistules durales rachidiennes.
La topographie de fistule est toutefois intracrânienne et non rachidienne.

Il s’agit de fistules de type IIb ou III mais dont la veine leptoméningée intracrânienne rejoint les
veines spinales et entraine une hyperpression des veines intrinsèques médullaires. La clinique
est celle d’une myélopathie ascendante progressive qui peut débuter par une paraparésie ou par
une tétraparésie associée à des signes bulbaires à type de troubles de la déglutition [18]. L’IRM
retrouve sur les séquences pondérées en T2 un hypersignal de la moelle qui peut affecter la
moelle dans son ensemble ou de façon plus caractéristique, se limiter à la moelle cervicale.
L’image qui doit toujours faire évoquer ce diagnostic est un hypersignal médullaire cervical
remontant dans le bulbe et s’arrêtant de façon nette à la jonction bulbo-protubérantielle. Les
dilatations vasculaires périmédullaires sont le plus souvent manquantes et l’hypersignal FLAIR
décrit suffit à indiquer la réalisation d’une artériographie cérébrale des 4 axes.

Encéphalopathies œdémateuses localisées


Toute FAVD dont le drainage veineux emprunte une veine leptoméningée peut occasionner une
hyperpression des veines de l’encéphale qui se traduira par un œdème dans la portion de paren-
chyme drainée par cette veine. Les signes cliniques sont déficitaires ou critiques et variables
selon le territoire parenchymateux. Le signe essentiel est un hypersignal en séquence FLAIR ayant
les caractéristiques d’un œdème vasogénique. Il est sous-cortical avec un coefficient ADC normal.
La règle essentielle est donc d’évoquer la possibilité d’une FAVD devant tout hypersignal FLAIR
vasogénique non expliqué par une néoformation.

Encéphalopathies bihémisphériques
avec tableau pseudo-démentiel
Elle se manifeste par un tableau pseudo-démentiel rapidement progressif. Cette forme est essen-
tielle à reconnaître car les troubles sont réversibles après traitement de la FAVD. En IRM, il existe
un hypersignal FLAIR des deux centres semi-ovales avec un coefficient ADC normal. La FAVD
peut siéger en tous points mais sa caractéristique angiographique est d’entraîner un reflux dans
les sinus médians (sinus sagittal supérieur et sinus droit) et leurs veines leptoméningées respec-
tives [19]. L’hyperpression qui en résulte affecte les territoires veineux profonds des deux hémi-
sphères rendant compte du tableau pseudo-démentiel.

Acouphène pulsatile
L’acouphène pulsatile est l’apanage des FAVD du sinus latéral. Les caractéristiques de l’acouphène
sont dans ce cas bien précis : acouphène unilatéral, le plus souvent audible à l’auscultation de
la région mastoïdienne ipsilatérale sous la forme d’un souffle continu à renforcement systolique
et enfin, artériel c’est-à-dire supprimé par la compression de l’artère carotide commune au cou.

Manifestations ophtalmologiques
Elles sont le plus souvent l’apanage des FAVD du sinus caverneux se drainant dans la veine
ophtalmique. Les signes cliniques sont d’apparition progressive et associent de façon variable
une injection conjonctivale unilatérale étiquetée « conjonctivite traînante », une exophtalmie et
une diplopie [20]. L’examen retrouve une atteinte oculomotrice non systématisée car ce sont

432 /
Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes

les muscles oculomoteurs qui sont œdématiés dans leur ensemble. À un stade plus avancé, il
peut apparaître une hypertension oculaire et une baisse de l’acuité visuelle. La dilatation de la
veine ophtalmique en IRM (axial T2 passant par les orbites, ou 3DT1 après injection) doit faire
évoquer le diagnostic. Dans certains cas, le drainage fistuleux emprunte la veine sylvienne super-
ficielle : la fistule se transforme en type IIb avec un risque neurologique.

FIGURE 4 FAVD du sinus latéral droit responsable d’un acouphène pulsatile invalidant.
A : Séquence 3DTOF montrant l’hypersignal des artères méningées (flèche blanche) du côté de la
FAVD. B : Artériographie de l’artère carotide externe droite montrant la FAVD et son drainage
dans le sinus sigmoïde et la veine jugulaire interne homolatérale. C : Temps veineux de l’artério-
graphie de l’artère carotide interne droite montrant que le sinus n’est plus fonctionnel pour le
drainage veineux hémisphérique droit. D : Radiographie du crâne après embolisation par voie
veineuse du sinus à l’aide de coils. E : Artériographie de contrôle montrant l’occlusion complète
de la FAVD.

Hypertension intracrânienne chronique


Il s’agit d’une manifestation rare des FAVD de type IIa, c’est-à-dire se drainant à contre-courant
dans un sinus. On retrouve les signes classiques d’hypertension intracrânienne chronique : cépha-
lées, troubles visuels, œdème papillaire au fond d’œil. Il est capital de savoir évoquer le diagnostic
de FAVD devant un tableau d’HTIC sans néoformation à l’IRM car, à la différence des hyper-
tensions intracrâniennes dites idiopathiques, la ponction lombaire est totalement contre-indiquée
dans cette pathologie. Dans notre série, cet examen a été source d’aggravation clinique brutale
conduisant à un état comateux chez trois patients.

/ 433
Partie 3 – Prévention

Découverte radiologique fortuite


Il s’agit d’une éventualité devenue non exceptionnelle avec la banalisation des examens IRM. Les
fistules retrouvées sont celles à drainage veineux leptoméningé car c’est la veine de drainage de
la FAVD qui est visible à l’intérieur du parenchyme sous la forme d’une dilatation vasculaire vide
de signal prenant le produit de contraste [21]. Dans ce contexte, le patient est habituellement
adressé en consultation de neuroradiologie avec le diagnostic de MAVc.

Diagnostic radiologique des FAVD


L’angiographie cérébrale conventionnelle est l’examen de référence. Cependant, il s’agit d’un
examen spécialisé qui n’est entrepris de première intention que devant une hémorragie cérébro-
méningée. En dehors de cette situation, l’examen non invasif essentiel est l’IRM cérébrale ; l’arté-
riographie cérébrale étant ensuite discutée en consultation de neuroradiologie interventionnelle.

L’IRM cérébrale doit être réalisée notamment :


■ en séquence ARM 3DTOF sans injection qui doit couvrir tout l’encéphale (et non juste le
polygone de Willis) qui met en évidence des artères méningées anormalement visibles à la
face interne ;
■ en séquence 3DT1 après injection de Gadolinium permettant de mettre en évidence des
dilatations veineuses à la surface de l’encéphale ou de la moelle cervicale.

L’angiographie conventionnelle doit explorer les 2 artères carotides externes, les 2 artères caro-
tides internes et les 2 artères vertébrales. Cette exploration peut être d’emblée hypersélective
mais nous recommandons toujours de débuter l’examen par une série angiographique opacifiant
la carotide commune.

Le bilan doit préciser :


■ le type de drainage veineux de la fistule qui conditionne le risque neurologique ;
■ les relations de la fistule avec le système veineux drainant le cerveau sain car les veines
leptoméningées normales doivent être toujours respectées lors du traitement ;
■ l’origine des artères afférentes qui conditionne la faisabilité de l’embolisation artérielle ;
■ le siège sinusien de la fistule qui conditionne la faisabilité de l’embolisation par voie veineuse.

Modalités du traitement
Le traitement des FAVD est avant tout endovasculaire. Contrairement au traitement des mal-
formations artérioveineuses cérébrales, la cure angiographique est très souvent obtenue en un
seul temps d’embolisation. Deux grandes étapes ont marqué le traitement endovasculaire des
FAVD : le traitement par voie veineuse à l’aide de coils initié dans les années 1980 [12, 13] et
plus récemment le traitement par voie artérielle à l’aide de solutions gélifiantes.

434 /
Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes

Embolisation par voie veineuse


Elle consiste à occlure le compartiment veineux dans lequel convergent les communications
artérioveineuses en le remplissant de spirales de platine (coils) [14]. Cette voie d’abord a pour
avantage d’éviter les risques inhérents à l’embolisation par voie artérielle : ischémie des nerfs
crâniens, embolisation erratique de territoires cérébraux par ouverture d’anastomoses. Elle ne
s’applique qu’aux fistules siégeant sur un sinus car la progression veineuse du cathéter ne se fait
sans danger qu’à l’intérieur d’un sinus dont la paroi est beaucoup plus résistante que celle d’une
veine leptoméningée.

Embolisation par voie artérielle


L’embolisation par voie artérielle a été pendant des années un pis-aller utilisé seulement lorsque
l’embolisation par voie veineuse n’était pas réalisable. Les matériaux d’embolisation dont nous
disposions jusqu’au début des années 2000 se prêtaient en effet mal à cette voie d’abord. Depuis,
est apparu un embole, EVOH Copolymer – DMSO solvent ou Onyx (EV3, Medtronic), qui a modifié
les indications de cette voie d’abord [15]. Il s’agit d’une solution gélifiante, c’est-à-dire d’un poly-
mère mis en suspension dans un solvant. Lors de son injection dans l’artère, le solvant très volatile
s’échappe dans le flux artériel et le polymère se dépose dans la lumière artérielle. En pratique, la
progression de l’embole est très précisément contrôlée et il est possible par interruption momen-
tanée de son injection de rediriger l’embole dans une autre direction que celle qu’il a prise initia-
lement. Il est devenu possible de traiter grâce à cet embole des FAVD ayant de multiples apports
artériels car l’Onyxo a la capacité de diffuser dans les artères avant d’atteindre la veine de drainage.
On peut donc également envisager le traitement de certaines fistules durales en respectant la
perméabilité du sinus dural ce qui était pratiquement impossible jusqu’alors.

Autres traitements
Le traitement chirurgical n’est plus indiqué que pour des fistules se drainant directement dans
une veine leptoméningée et pour lesquelles le traitement par voie endovasculaire (artérielle ou
veineuse) n’est pas possible [16]. Cette situation ne concerne dans notre expérience que 5 %
des FAVD.

La radiothérapie stéréotaxique n’est qu’exceptionnellement proposée dans les FAVD en raison


de sa faible efficacité et de son délai d’action qui ne permet pas ou la suppression des signes
liés à une hyperpression veineuse.

Résultats du traitement endovasculaire


Ne sont vraiment pertinentes pour l’évaluation des résultats du traitement endovasculaire que
les séries récentes lorsque les opérateurs disposaient de coils à détachement contrôlé pour la
voie veineuse et d’Onyxo pour la voie artérielle. La cure de la fistule est en règle générale obtenue
après un seul temps d’embolisation dans plus de 90 % des cas. Les complications graves sont
peu fréquentes et sont presque exclusivement le fait des FAVD à drainage leptoméningé. Les
complications hémorragiques cérébrales sont interprétées comme la conséquence d’une exten-
sion de la thrombose aux veines leptoméningées adjacentes à celles drainant la fistule. Dans une
série ancienne de 24 patients traités par voie veineuse, nous avons rapporté une seule compli-
cation de cet ordre [14]. Dans une série de 31 patients traités par voie veineuse, aucune compli-
cation permanente n’a été rapportée [17]. L’éventualité d’une extension de thrombose veineuse
justifie l’institution d’un traitement anticoagulant au décours de l’embolisation, traitement que

/ 435
Partie 3 – Prévention

nous maintenons habituellement pendant un mois. À côté de ces complications hémorragiques,


il est possible après embolisation artérielle d’observer des paralysies d’un nerf crânien. Ces para-
lysies sont liées à une ischémie des nerfs dont la vascularisation dépend des artères méningées
traitées par embolisation. La branche pétreuse de l’artère méningée moyenne expose ainsi au
risque de paralysie du VII. Dans une série de 40 cas de FAVD embolisées au travers de l’artère
méningée moyenne, une paralysie faciale périphérique régressive a été constatée dans 2 cas en
raison d’un reflux dans la branche pétreuse de l’artère méningée [15]. Le tronc neuro-méningé
de l’artère pharyngienne ascendante vascularise les nerfs mixtes et, de ce fait, n’est jamais
embolisée à l’aide d’Onyx dans notre centre.

Modalités de traitement en fonction


des formes particulières de FAVD
FAVD du sinus caverneux ou du golfe jugulaire
Ces fistules sont caractérisées par des afférences provenant de l’artère pharyngienne ascendante
et de la carotide interne. L’embolisation par voie artérielle comporterait un risque d’ouverture
d’anastomoses artérielles dangereuses avec le siphon carotidien et l’artère ophtalmique, et ferait
courir le risque d’une paralysie des nerfs mixtes (IX, X, XI). La voie veineuse est donc la seule
voie d’abord utilisée à Lariboisière pour le traitement des FAVD du sinus caverneux et du golfe
jugulaire en raison du risque lié à l’embolisation des artères méningées dans ces deux localisations.

FAVD de type III ou IV


Elles incluent les FAVD de l’étage antérieur, ou de la tente du cervelet qui sont caractérisées par
un abouchement des afférences artérielles directement dans les veines leptoméningées qui ne
sont pas caractérisables. L’embolisation ne peut se faire que par voie artérielle.

FAVD multiples
Les FAVD de l’adulte sont le plus souvent uniques, c’est-à-dire que les communications artério-
veineuses quelle que soit leur étendue n’atteignent qu’une zone de la dure-mère. Plus rarement,
il est possible de constater deux zones fistuleuses bien distinctes sur la dure-mère et qui seront
traitées séparément.

FAVD de l’enfant ou de l’adolescent


Beaucoup plus rares que celles de l’adulte, les FAVD de l’enfant sont très différentes par leur
angioarchitecture et leur pronostic. Il s’agit de communications artérioveineuses disséminées qui
atteignent non pas un seul sinus mais le plus souvent plusieurs sinus. Elles sont à très haut débit
et peuvent se manifester par une insuffisance cardiaque à débit cardiaque élevé, une hypertension
intracrânienne. Leur pronostic est sombre même après traitement des communications artério-
veineuses car ces FAVD ont un potentiel évolutif que n’ont pas celles de l’adulte.

436 /
Fistules artérioveineuses durales intracrâniennes

Indication du traitement en fonction


de la présentation clinique
FAVD avec signes neurologiques ou ophtalmologiques
L’indication du traitement est systématique lorsqu’il existe des signes neurologiques ou ophtalmo-
logiques. Le traitement doit être réalisé en urgence lorsqu’il s’agit d’une hémorragie intradurale
ou d’une manifestation œdémateuse.

FAVD pauci- ou asymptomatiques


À la différence des MAVc non rompues pour lesquelles les indications de traitement sont de plus
en plus réduites, il est habituellement proposé un traitement endovasculaire aux FAVD à drainage
leptoméningé même asymptomatiques en raison du plus faible risque rattaché à leur traitement,
et de leur risque potentiel de rupture.

FAVD de type I avec un acouphène pulsatile


Dans le cas particulier des formes sans reflux leptoméningées compliquées d’un acouphène pul-
satile (typiquement les FAVD de type 1 du sinus latéral), le traitement n’est proposé que si
l’acouphène est invalidant. Les FAVD de type I ne comportent aucun risque neurologique. Leur
traitement n’a donc qu’un but symptomatique : supprimer l’acouphène. L’indication du traite-
ment dépend donc exclusivement du retentissement fonctionnel de l’acouphène. Certains
patients le tolèrent parfaitement une fois qu’ils ont été rassurés sur la bénignité de leur affection
et le traitement n’est alors pas indiqué. Chez la plupart des patients, l’intolérance est manifeste
et se traduit par des troubles du sommeil (endormissement impossible), de la concentration et
finalement de l’humeur à type de dépression et d’irritabilité. Le traitement est, dans ce cas,
justifié. Il n’est réalisé en pratique que par voie endovasculaire.

Les FAVD intracrâniennes sont des lésions artérioveineuses dont la fréquence est sous-estimée.
Leur diagnostic nécessite encore le recours à l’artériographie cérébrale conventionnelle. Leur
traitement est endovasculaire dans l’immense majorité des cas et relève d’un centre spécialisé
de neuroradiologie interventionnelle.

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Partie 3 – Prévention

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438 /
31

Les causes des maladies neurovasculaires sont très nombreuses (plus d’une centaine). Cependant,
en dehors de l’athérosclérose, des cardiopathies emboligènes fréquentes comme la fibrillation
atriale, et de la maladie des petites artères liées aux facteurs de risque vasculaire, les autres
causes sont individuellement rares. Nous avons consacré un ouvrage à ces maladies [1]. Dans ce
chapitre dédié aux traitements de ces maladies rares, nous nous focaliserons sur les maladies
pour lesquelles le neurologue peut être directement concerné par le traitement.

Sarcoïdose (1)
La sarcoïdose est une granulomatose multisystémique de cause inconnue, caractérisée par l’infil-
tration d’organes variés par des granulomes épithélioïdes sans nécrose caséeuse. Elle touche pré-
férentiellement les adultes jeunes (20-40 ans). L’atteinte médiastino-pulmonaire est présente dans
90 % des cas. Les atteintes neurologiques sont rares (de l’ordre de 5 % des cas) [2] et parmi elles,
les atteintes vasculaires cérébrales sont exceptionnelles. Une quarantaine de cas certains, directe-
ment liés à la sarcoïdose ont été décrits dans la littérature, comportant essentiellement des acci-
dents ischémiques cérébraux, plus exceptionnellement des hémorragies intracrâniennes ou des
thromboses veineuses cérébrales. L’âge médian des patients décrits dans la littérature est de 40 ans,
avec une prédominance féminine (3/1) et des signes d’atteintes extraneurologiques dans 90 % des
cas. Un point intéressant est que l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) quand elle est réalisée,
est dans 90 % des cas anormale, montrant une méningite lymphocytaire. L’IRM cérébrale montre,
en plus des signes ischémiques ou hémorragiques, un rehaussement leptoméningé dans la moitié
des cas, qui doit faire évoquer le diagnostic de granulomatose. Des sténoses focales étagées sont
observés dans la moitié des cas. Les lésions ischémiques en imagerie concernent autant la circu-
lation antérieure que postérieure, les deux étant parfois associées.

(1) Chapitre rédigé par Fleur Cohen Aubart, Vincent Jachiet et Zahir Amoura.

/ 439
Partie 3 – Prévention

La présentation neurovasculaire rare se distingue de l’atteinte vasculaire non rare documentée


en histologie [3]. En effet, bien qu’il n’y ait pas de vascularite à proprement parler (pas de nécrose
de la paroi des vaisseaux notamment), les granulomes ont un tropisme pour les vaisseaux san-
guins et lymphatiques. Les données histologiques du tissu cérébral sont rares chez les patients
ayant des manifestations vasculaires cérébrales au cours d’une sarcoïdose. Les granulomes sont
trouvés autour des vaisseaux (artères et/ou veines) dans 90 % des cas, avec, dans 60 % des cas,
des sténoses ou occlusions de ces vaisseaux. Dans tous les cas où la méninge était étudiée, des
granulomes étaient présents, démontrant la sensibilité de cette localisation dans la
neurosarcoïdose.

L’atteinte vasculaire cérébrale étant fréquemment révélatrice de la maladie, les patients avaient
rarement des traitements au moment de la manifestation neurologique. Lorsque c’était le cas,
ils avaient une faible dose de corticoïdes et pas d’immunosuppresseur. Il est en effet rare qu’une
nouvelle manifestation, notamment neurologique, survienne chez des patients suffisamment
traités. Après la survenue de la manifestation vasculaire cérébrale, les patients étaient essentiel-
lement traités par des corticoïdes et des immunosuppresseurs, un antiagrégant plaquettaire et
parfois un anticoagulant. La moitié des patients ont gardé des séquelles neurologiques. Il n’est
pas possible de tirer des conclusions formelles sur l’efficacité des traitements dans ces formes
particulières d’atteintes neurologiques. Toutefois, on peut réaliser une extrapolation à partir de
ce qui est connu dans les atteintes neurologiques de la sarcoïdose [4]. Les corticoïdes constituent
la pierre angulaire du traitement, les granulomes étant très sensibles à la corticothérapie. La
localisation au système nerveux central nécessite toutefois de fortes doses initiales, avec parfois
réalisation de perfusions intraveineuses pour une action plus rapide. L’ajout d’un immuno-
suppresseur est la règle, en raison de la durée prolongée nécessaire des traitements. Le risque
de rechute est en effet de 50-80 % [5]. Les progrès récents sont venus de l’utilisation des agents
anti-TNF-alpha, en particulier l’infliximab, dont l’efficacité n’a pas pu être démontrée prospec-
tivement dans les neurosarcoïdoses mais pour lesquelles on dispose actuellement d’une littéra-
ture étayée [6, 7]. Il n’y a pas de démonstration formelle de leur supériorité par rapport au
méthotrexate ou à l’azathioprine en première intention, ils sont actuellement plutôt réservés
aux échecs de ces traitements de première ligne.

En conclusion, les atteintes vasculaires cérébrales au cours de la sarcoïdose sont rares mais des
atteintes spécifiques sont toutefois bien décrites. Le traitement repose sur celui des granulomes,
soit une corticothérapie, généralement associée à un immunosuppresseur.

Maladie de Behcet (2)


La maladie de Behcet (MB) est une maladie multisystémique touchant typiquement les adultes
jeunes (20-40 ans), avec une prédilection pour les pays de la route de la soie (Turquie, Iran, Irak)
et les populations d’Asie. En Europe, la MB est plus fréquente dans les pays du Sud (Italie,
Portugal). Caractérisée par la présence constante d’aphtes buccaux, qui ne présentent pas de
différences avec des aphtes banals en dehors d’une étendue et d’une fréquence plus importantes,
d’autres signes d’accompagnement sont plus spécifiques du diagnostic : aphtes génitaux,
atteintes oculaire, cutanée et articulaire (arthralgies ou arthrites), plus rarement des atteintes
digestives ou orchiépididymites. Il n’existe pas de test sanguin ou histologique spécifique de la
maladie, et le diagnostic repose sur au minimum la présence d’aphtes buccaux et parfois d’autres
signes évocateurs [8]. Les atteintes vasculaires et les atteintes neurologiques stricto sensu font
toute la gravité de la maladie. Les manifestations neurologiques de la MB sont classées en 2
groupes : manifestations « parenchymateuses » et « non parenchymateuses » (Tableau I) [9]. Les

(2) Chapitre rédigé par Fleur Cohen-Aubart, Damien Galanaud et Zahir Amoura.

440 /
Causes rares

atteintes vasculaires cérébrales relèvent de ces 2 groupes puisqu’elles sont responsables typi-
quement de manifestations ischémiques (par vascularite des vaisseaux extra- ou intracrâniens)
ou de thromboses veineuses cérébrales [10], et participent aux atteintes parenchymateuses par
l’atteinte inflammatoire des petits vaisseaux qui est caractéristique de la maladie.

En dehors de la thrombose veineuse cérébrale, le diagnostic de MB doit être considéré devant


un accident ischémique cérébral du sujet jeune [11, 12]. L’imagerie des vaisseaux extra- ou
intracrâniens, par scanner ou imagerie par résonnance magnétique (IRM) met en évidence des
sténoses multifocales et typiquement des anévrismes vasculaires (véritables « aphtes » vascu-
laires). Les atteintes vasculaires cérébrales sont parfois asymptomatiques et découvertes dans
le bilan d’extension d’une atteinte vasculaire de la maladie de Behcet.

Il n’existe pas d’essai thérapeutique de bonne qualité permettant de guider la prise en charge
des atteintes neurologiques de MB [13]. Le traitement des atteintes vasculaires cérébrales de la
MB repose sur une corticothérapie, souvent associée à la colchicine. Un traitement antiplaquet-
taire ou une anticoagulation (en cas de thrombose veineuse cérébrale) est généralement associé
à la phase aiguë des manifestations cérébrovasculaires [14]. Il faut noter que même en cas d’une
thrombose veineuse cérébrale, le traitement de la composante inflammatoire est indispensable,
le caillot n’étant qu’une conséquence de la vascularite veineuse. L’indication et la durée des
anticoagulants sont débattues, le risque hémorragique théorique lié à la rupture (rare) d’ané-
vrisme intracérébral doit être considéré [14]. L’utilisation des immunosuppresseurs est utile dans
les formes parenchymateuses en raison d’un risque élevé de rechute survenant dans un tiers des
cas [9]. L’azathioprine, qui a été étudiée dans les atteintes ophtalmiques, est utilisée par simili-
tude et en raison d’une bonne tolérance globale (même si le risque de myélodysplasie est mul-
tiplié par 7) [15]. Le cyclophosphamide et les agents anti-TNF-alpha (infliximab et adalimumab)
sont également utilisés, avec un bénéfice soutenu dans le temps pour les derniers. La cyclo-
sporine, qui est utilisée dans les formes ophtalmologiques de MB, a en revanche été associée à
un risque plus élevé d’atteintes neurologiques parenchymateuses.

TABLEAU I ▼ Manifestations neurologiques au cours de la maladie de Behcet.


Parenchymateuses Non parenchymateuses

Type de manifestations – Atteintes du tronc cérébral (dont – Thromboses veineuses


(certaines formes sont mixtes atteinte des nerfs crâniens) cérébrales
parenchymateuses/non ou du cervelet – Syndrome d’hypertension
parenchymateuses) – Atteintes des hémisphères intracrânienne
cérébraux – Méningite aseptique
– Atteintes médullaires – Céphalées
– Neuropathies optiques – Atteintes vasculaires
– Atteintes multifocales extracrâniennes (anévrisme,
dissection) ou intracrâniennes

Type de lésions en IRM Lésions iso ou hypo-intenses Thrombose veineuse cérébrale


en T1, hyper-intenses en T2 sur le scanner ou l’IRM
Fréquent réhaussement IRM normale en cas d’hypertension
par le gadolinium* intracrânienne
Hyperintensité en sequence ou méningite aseptique
de diffusion avec restriction
de l’ADC*
Disparition possible
des hyperintensités T2
au cours de l’évolution
Formes pseudotumorales
possibles**
IRM imagerie par résonnance magnétique – ADC coefficient apparent de diffusion.
* En IRM, l’association d’une lésion prenant le contraste et hyperintense en diffusion avec restriction de l’ADC est particuliè-
rement évocatrice de maladie de Behcet.
** Les formes pseudotumorales nécessitent dans la plupart des cas d’obtenir une documentation histologique pour écarter les
diagnostics différentiels, dont les tumeurs ou les infections.

/ 441
Partie 3 – Prévention

Artérite à cellules géantes (maladie de Horton) (3)


Mis à part les rarissimes complications coronariennes aiguës dues à l’artérite à cellules géantes
(ACG) et les dissections aortiques, qui sortent du cadre de cet ouvrage, les principales situations
d’urgence thérapeutiques dans l’ACG sont les ischémies rétiennes ou cérébrales. Les AVC associés
à l’ACG concernent le territoire vertébro-basilaire de façon privilégiée, et les lésions artérielles
sont surtout localisées sur la partie extradurale des artères vertébrales. En effet, ces segments
artériels d’amont sont les seuls pourvus d’une limitante élastique interne typiquement touchée
au cours de l’ACG. Au niveau carotidien, la règle d’une atteinte préférentielle des segments
extraduraux y est aussi respectée. Mais en cas d’atteinte pan-artéritique, les segments intrapé-
treux et intracaverneux sont touchés. Une imagerie des parois artérielles peut aider au diagnostic
de vascularite. L’intensité des prises de contraste et l’absence de calcifications intracrâniennes
au niveau des sténoses artérielles orienteront plutôt vers une ACG. Ainsi, la distinction entre
ACG et athérosclérose reste difficile, surtout que les 2 pathologies peuvent coexister chez les
sujets âgés [16].

Traitement initial
Les glucocorticoïdes restent la pierre angulaire du traitement de l’ACG et doivent être débutés
dès que la suspicion diagnostique est forte, et donc sans attendre les résultats de la biopsie de
l’artère temporale si le diagnostic de CGC n’est pas déjà connu. Habituellement très efficaces
sur la clinique et le syndrome inflammatoire biologique, les GC doivent être maintenus, à l’issue
de la phase aiguë, pendant plusieurs mois avec des doses progressivement décroissantes.

Il n’y a pas d’étude prospective spécifiquement dédiée à l’évaluation de stratégies thérapeutiques


en cas d’ischémie cérébrale ou rétinienne au cours de l’ACG. Les recommandations d’experts
français proposent une corticothérapie orale dégressive (prednisone) à 1 mg/kg/j volontiers pré-
cédée d’un bolus intraveineux de méthyl-prednisone (15 mg/kg/jour × 3 jours) [17]. En cas
d’atteinte ophtalmologique, le programme national (français) de diagnostic et de soins (PNDS)
recommande la méthylprednisolone intraveineuse (500-1 000 mg/jour (pendant 1 à 3 jours) avec
un relais par prednisone 1 mg/kg/jour ou prednisone 1 mg/kg/jour). Le traitement doit être
débuté immédiatement. L’aspirine 75 à 300 mg/jour est aussi recommandée [18].

Une anticoagulation efficace a parfois été proposée, notamment en cas d’atteinte des artères
intracrâniennes, mais son intérêt n’a jamais été démontré. En fait, les atteintes étendues et
sténosantes des artères intracrâniennes sont rares. C’est dans ces seuls derniers cas que certains
auteurs discutent une double antiagrégation plaquettaire ou une anticoagulation efficace [16].

La démonstration de l’efficacité récente du ciblage de l’interleukine (IL)-6 par le tocilizumab


(Roactemra®) dans l’ACG est pour le moment surtout établie pour l’épargne cortisonique qu’il
procure [19, 20]. Ces résultats font néanmoins discuter l’intérêt de cette molécule à la phase
initiale de la maladie, via une éventuelle synergie avec la cortisone pour une efficacité clinique
maximale et plus rapide pour ces deux complications, les plus sévères de la maladie.

Des succès anecdotiques d’angioplastie/stenting ont été rapportés sur des sténoses artérielles
montrant un retentissement hémodynamique et une régression trop lente sous corticothérapie
[21]. Il n’y a pas de données sur la thrombolyse intraveineuse [16].

(3) Chapitre rédigé par Achille Aouba et Hubert de Boysson.

442 /
Causes rares

Conduite du traitement après la phase aiguë


En cas de corticodépendance, un traitement d’épargne cortisonique en association à la réaug-
mentation transitoire des doses de cortisone peut se discuter. Ce choix reposait classiquement
sur le méthotrexate oral qui est la seule molécule ayant pu montrer un certain bénéfice [17].
Actuellement, c’est le tocilizumab qui doit être discuté dans cette indication [19, 20]. D’autres
molécules anti-IL-6, et d’autres biothérapies anti-Jak-1, anti-IL-17, anti-Il-12/23 ou anti-IL-1 sont
en cours d’évaluation. Citons enfin le développement très avancé des molécules synthétiques
agonistes des récepteurs des GC, qui sans en avoir les effets secondaires spécifiques, pourraient
montrer une efficacité comparable dans les pathologies inflammatoires à traiter au long cours.

Vascularites du SNC (4)


Les vascularites du système nerveux central (SNC) regroupent un ensemble hétérogène et poly-
morphe de maladies, essentiellement inflammatoires et infectieuses, dont la caractéristique
commune est d’entrainer une inflammation de la paroi des vaisseaux du SNC [22]. À défaut
d’une biopsie qui reste l’unique moyen de démontrer formellement la vascularite, le diagnostic
est le plus souvent évoqué devant un tableau neurologique complexe et la démonstration à
l’imagerie d’une atteinte vasculaire multi-territoriale. Que le diagnostic de vascularite soit
démontré sur une biopsie ou évoqué devant une atteinte vasculaire multiple à l’imagerie, un
large bilan est requis pour rechercher une maladie inflammatoire, infectieuse, ou néoplasique
[22]. Dans cette situation, la vascularite du SNC représente une atteinte spécifique d’une maladie
plus générale qu’il conviendra aussi de prendre en charge avec les spécialistes adéquats. Si le
bilan est négatif, la vascularite est alors isolée au SNC, ce qui rentre dans le cadre des vascularites
primitives du SNC (VPSNC).

L’introduction du traitement est conditionnée par deux éléments : le degré d’urgence et la cer-
titude diagnostique. La présentation clinique peut être insidieuse et évoluer sur plusieurs jours
ou semaines, laissant ainsi le temps d’effectuer un bilan exhaustif. À l’inverse, si l’installation
des troubles est très aiguë et que l’atteinte neurologique (ou une atteinte extraneurologique
dans le cadre d’une vascularite secondaire) est d’emblée sévère, le traitement doit être introduit
en urgence dès que le diagnostic est évoqué. Que la vascularite soit primitive ou secondaire à
une autre maladie, le traitement en urgence repose principalement sur les glucocorticoïdes,
éventuellement associés à un immunosuppresseur en fonction du diagnostic. Si la vascularite
est secondaire, le traitement étiologique est indispensable.

Corticothérapie
En raison de la rareté de ces maladies, aucun essai prospectif n’a été conduit pour déterminer le
traitement optimal. Le traitement des vascularites du SNC est souvent copié ou adapté de ce qui
est fait dans les vascularites systémiques, pour lesquelles des essais prospectifs randomisés ont été
réalisés. Les glucocorticoïdes (prednisone) sont indispensables au traitement et introduits dès que
possible. La dose initiale habituellement utilisée est de 1 mg/kg, maintenue au moins 15 jours. La
décroissance doit être progressive et adaptée à l’état clinique du patient. Aucune étude ne permet
de déterminer la durée optimale de traitement mais une durée d’au moins 1 an (voire 18 à 24 mois)
semble raisonnable au vu du risque de rechute à l’arrêt trop prématuré des glucocorticoïdes. Les
vascularites secondaires à des infections ou maladies malignes peuvent probablement bénéficier
d’un traitement moins long, l’essentiel de la prise en charge reposant sur le traitement étiologique.

(4) Chapitre rédigé par Hubert de Boysson et Emmanuel Touzé.

/ 443
Partie 3 – Prévention

Les glucocorticoïdes oraux peuvent éventuellement être précédés de bolus intraveineux de


methylprednisolone (250 à 1 000 mg par bolus pendant 1 à 5 jours). Leur efficacité ou utilité
n’a jamais été démontrée que ce soit dans les vascularites systémiques primitives ou dans les
vascularites du SNC. Toutefois, il est courant d’y recourir lorsque le tableau clinique est grave,
en particulier lorsque le SNC est concerné [23-25].

Immunosuppresseurs
La sévérité initiale du tableau clinique impose souvent de traiter rapidement et efficacement
l’inflammation vasculaire, justifiant alors d’intensifier le traitement d’attaque en adjoignant aux
glucocorticoïdes un immunosuppresseur. La place de ces traitements est surtout connue dans
les vascularites systémiques. Quelques données suggèrent également leur utilité dans les VPSNC
[26-28]. Leur place dans les vascularites secondaires à une infection, une maladie maligne, une
prise de toxique ou certaines maladies systémiques non vascularitiques est moins connue et
repose sur une discussion au cas par cas [23-25].

Dans les vascularites systémiques, l’adjonction d’un immunosuppresseur aux glucocorticoïdes a


montré son efficacité pour le contrôle de la maladie et la prévention de la rechute. Historique-
ment, le cyclophosphamide est le traitement utilisé depuis le plus longtemps. Préféré par voie
orale dans les pays anglo-saxons (2 à 3 mg/kg/jour), il est plutôt utilisé par voie intraveineuse
en France. Plusieurs schémas sont possibles. Dans les vascularites systémiques, les essais du
groupe français d’étude des vascularites suggèrent de réaliser les 3 premiers bolus à 15 jours
d’intervalle à la dose de 0,6 g/m2, puis d’espacer les perfusions par la suite toutes les 3 semaines
à la dose de 0,7 g/m2. D’autres schémas proposent de réaliser les bolus sur un rythme mensuel
à la dose de 0,7 g/m2. En fonction de l’évolution, 6 à 12 perfusions peuvent être réalisées. En
raison d’une toxicité vésicale, ce traitement est contre-indiqué en cas d’antécédent de néoplasie
urologique. Une protection vésicale par uromitexan est probablement préférable [29].

Depuis maintenant près de 10 ans, le rituximab, un anticorps monoclonal anti-CD20, historique-


ment utilisé dans le traitement des lymphomes B, a montré son efficacité en traitement d’attaque
dans certaines vascularites systémiques (vascularites associées aux ANCA, vascularites cryoglo-
bulinémiques). Seuls quelques cas publiés rapportent son efficacité dans des VPSNC [30, 31]. Il
peut être utilisé selon un schéma « hématologique » (1 perfusion par semaine pendant
4 semaines à la dose de 375 mg/m2 par perfusion) ou « rhumatologique » (1 000 mg à J1 et
J15). Le rituximab pourrait donc être une alternative au CYC dans les vascularites systémiques
avec une atteinte du SNC, ou éventuellement dans les VPSNC.

La place en traitement d’attaque des autres immunosuppresseurs oraux (méthotrexate, azathio-


prine, mycophénolate mofetil) n’est pas connue chez l’adulte. Dans une série pédiatrique de
VPSNC, le mycophénolate mofetil semble montrer des résultats intéressants qui mériteront une
confirmation chez l’adulte [32]. Enfin, certaines observations, trop sporadiques pour pouvoir être
concluantes, ont rapporté l’efficacité de certaines biothérapies en association avec les GC (toci-
lizumab [anti-IL-6], infliximbab [anti-TNF] [33]).

Traitement d’entretien
Passée la phase aiguë, et le traitement d’attaque, un maintien de la réponse au traitement est
le plus souvent nécessaire afin d’éviter une rechute de la maladie et de poursuivre la décroissance
des glucocorticoïdes, tout en maintenant une efficacité sur la maladie. Cette attitude peut être
adoptée dans les vascularites du SNC, particulièrement dans les formes compliquant une maladie
de système ayant nécessité un traitement d’attaque initial par immunosuppresseur ou dans les
VPSNC. Le choix se porte habituellement sur l’azathioprine (2 mg/kg) ou sur le méthotrexate

444 /
Causes rares

(0,3 mg/kg par semaine) [34]. Ce dernier est connu pour bien passer la barrière hémato-
encéphalique. Peu de données existent chez l’adulte sur la place du mycophénolate mofetil [35].
Chez l’enfant, ce traitement semble bénéfique en termes de maintien de la réponse et de pré-
vention de la rechute [32]. La place du rituximab en entretien est établie dans les vascularites
systémiques (une perfusion de 500 mg tous les 6 mois ou en fonction de la réapparition des
CD19 témoignant d’une disparition de l’effet rémanent du rituximab) [36]. Dans les vascularites
du SNC, sa place n’est pas connue. En l’absence de recommandations, le traitement d’entretien
doit être introduit dans les quelques semaines suivant la dernière perfusion du traitement
d’attaque et maintenu probablement au moins 18 mois.

Traitement étiologique
Si le bilan initial de la vascularite du SNC a révélé l’existence d’une maladie sous-jacente pouvant
avoir un tropisme vasculaire cérébral, cette maladie doit être prise en charge spécifiquement.
Plus d’une cinquantaine de maladies peuvent se compliquer d’une atteinte neurovasculaire [37].
Une collaboration avec le spécialiste est alors indispensable. Notons que la survenue d’une
atteinte neurovasculaire au cours d’une maladie chronique (pathologie maligne, infection chro-
nique, maladie inflammatoire non vascularitique) doit faire rechercher une atteinte spécifique
de la maladie au niveau des vaisseaux du SNC, un syndrome satellite de la maladie (ex. : syn-
drome paranéoplasique éventuellement médié par des anticorps dosables dans le sang ou le
LCR), une infection opportuniste, une toxicité des traitements utilisés, un trouble de la coagu-
lation associé à la maladie ou une éventuelle vascularite.

Concernant les infections, schématiquement, de nombreuses infections bactériennes, virales,


parasitaires ou fongiques peuvent se compliquer de vascularite cérébrale. Certains agents infec-
tieux ont un tropisme particulier pour les cellules endothéliales (rickettsie, CMV, aspergillose),
ce qui peut être le facteur déclenchant d’une vascularite. L’atteinte des vaisseaux du SNC peut
aussi se faire par dissémination hématogène ou par contact avec un foyer contigu qu’il convient
de chercher et traiter. Les vascularites infectieuses du SNC doivent faire rechercher une immu-
nodépression sous-jacente [37].

Le traitement fait appel le plus souvent à une corticothérapie (plus ou moins associée à un
immunosuppresseur) en association au traitement étiologique s’il existe.

Mesures associées
En raison de la durée prolongée prévisible de prescription des glucocorticoïdes, des mesures
adjuvantes sont indispensables pour limiter les effets secondaires du traitement. L’ostéoporose
cortico-induite doit être prévenue par une supplémentation calcique et en vitamine D ainsi que
par la prescription d’un bisphosphonate (forme quotidienne, hebdomadaire ou annuelle). La toxi-
cité gastrique peut être limitée par un inhibiteur de la pompe à protons. Les troubles ioniques,
en particulier l’hypokaliémie, doivent être surveillés sur les premiers jours sur l’ionogramme.
Enfin, une surveillance régulière des glycémies est nécessaire en raison du risque de diabète
cortico-induit. L’activité physique permettra également de lutter contre l’amyotrophie
cortico-induite.

Si un immunosuppresseur est associé à la corticothérapie, une vaccination contre le pneumo-


coque est nécessaire. La pneumocystose peut être prévenue par la prescription de cotrimoxazole
ou pentacatinat si allergie, sauf en cas de prescription concomitante de méthotrexate.

/ 445
Partie 3 – Prévention

La place des antiagrégants plaquettaires et des anticoagulants dans ce contexte n’est pas connue
et doit probablement être adaptée au cas par cas. La prise en charge optimale des facteurs de
risque vasculaires apparait primordiale.

En fonction de la présentation neurologique, des traitements antiépileptiques peuvent être


nécessaires.

Cas particulier des vascularites primitives


du système nerveux central (VPSNC)
Le cas des VPSNC doit probablement être abordé séparément car ces maladies sont aujourd’hui
mieux individualisées et ont bénéficié ces dernières années de nombreuses avancées dans leur
description [27, 28, 38, 39]. En particulier, nos connaissances sur ces maladies reposent sur la
description de deux cohortes adultes, une américaine, l’autre française, et une cohorte pédia-
trique canadienne [26, 28, 40]. Bien que leur prise en charge repose en grande partie sur tout
ce qui a été abordé dans les paragraphes précédents, certains éléments méritent d’être décrits
séparément.

Le traitement d’attaque repose comme pour beaucoup de vascularites systémiques sur l’asso-
ciation de glucocorticoïdes et d’un immunosuppresseur. Dans la cohorte française, la mortalité
est inférieure à 10 %, ce qui est deux fois moindre que celle observée dans la cohorte américaine
[34] Bien que les deux cohortes soient probablement assez hétérogènes, une des explications de
cette différence de mortalité pourrait venir de l’utilisation d’un immunosuppresseur en associa-
tion avec la cortisone chez plus de 80 % des patients français, contre 54 % dans la cohorte
américaine. Pour l’heure, c’est avec le cyclophosphamide qu’il existe le plus de recul. Le rituximab
a montré dans des petites séries de cas son efficacité et peut donc probablement être une
alternative en cas d’échec ou contre-indication au cyclophosphamide [30, 31].

La place du traitement d’entretien a été peu étudiée. Dans la cohorte française, les patients qui
recevaient un traitement d’entretien (azathioprine pour la plupart) avaient significativement
moins de rechutes, moins de séquelles neurologiques et des doses de cortisone moindres au long
cours, en comparaison avec ceux ne recevant pas de traitement d’entretien. Ces données, bien
qu’évaluées rétrospectivement, suggèrent de recourir à un traitement d’entretien après le trai-
tement d’attaque [34]. Dans la série pédiatrique, des résultats similaires ont été observés avec
le mycophénolate mofetil [32]. Trop peu de données existent chez l’adulte pour recommander
le mycophénolate mofetil en première intention.

Un traitement adapté à la forme de la maladie a été proposé par certains auteurs. En effet, les
VPSNC regroupent différents sous-groupes dont la présentation initiale et l’évolution seraient
différentes (atteinte isolée des petits vaisseaux, formes pseudo-tumorales, formes avec dépôts
β amyloïdes...). Ainsi, les patients avec une atteinte des petits vaisseaux (se traduisant clinique-
ment par une présentation plus encéphalopathique et moins déficitaire) répondraient extrême-
ment bien aux glucocorticoïdes seuls ce qui pourrait permettre de ne pas proposer systémati-
quement un immunosuppresseur en association [39, 41]. Cette attitude est à pondérer puisque
d’autres études ont montré que ces patients rechutaient davantage [26, 34]. Pour l’heure, il est
donc difficile d’établir des recommandations d’adaptation du traitement à la forme de la maladie.

446 /
Causes rares

Syndrome de Sneddon (5)


Le syndrome de Sneddon est une vasculopathie rare non inflammatoire définie par l’association
d’un livedo non infiltré, ramifié et généralisé et d’accidents ischémiques cérébraux. On distingue
trois formes de syndrome de Sneddon : une forme associée à un lupus érythémateux disséminé,
une forme associée à des anticorps antiphospholipides et une forme sans lupus et sans anticorps
antiphospholipides [42, 43]. Nous ne traiterons ici que de la forme sans anticorps et sans lupus,
la prise en charge thérapeutique des 2 autres formes s’intègre respectivement dans le traitement
du lupus avec complications cérébrovasculaires et du syndrome des antiphospholipides.

Le syndrome de Sneddon affecte le plus souvent la femme jeune avec facteurs de risque vas-
culaire. Une valvulopathie cardiaque est présente chez environ 50 % des patients, il peut s’agir
de végétations s’intégrant dans le cadre d’une endocardite de Liebman-Sacks ou d’un simple
épaississement valvulaire. Les accidents ischémiques cérébraux, ne sont pas causés par l’atteinte
cardiaque mais par une artériopathie affectant les artères intracrâniennes de moyen et/ou de
petit calibre [44].

Il n’existe pas d’étude randomisée permettant de définir avec un niveau de preuve élevé
l’approche thérapeutique. Dans les données issues de registres rétrospectifs, il n’y a pas de
différence significative entre le taux de récidive d’infarctus cérébral sous antiagrégant et le taux
anticoagulant [44]. On estime que sous traitement antithrombotique, le taux de récidive
d’infarctus cérébral est faible autour de 3 % par an. Ainsi, le traitement repose sur le contrôle
des facteurs de risque vasculaire, très fréquemment présents, et sur un traitement antiagrégant
plaquettaire au long cours. Le syndrome de Sneddon quand il est isolé est une vasculopathie
non inflammatoire et il n’y a donc pas d’indication à des traitements à visée immunologique.

Syndrome de Susac (6)


Rappels
Le syndrome de Susac est microvasculopathie de mécanisme mystérieux, touchant le cerveau,
la rétine et la cochlée survenant chez des femmes jeunes [45]. Considérée initialement comme
une entité vasculaire rarissime, sa spécificité est de mieux en mieux reconnue. Les caractéristi-
ques principales sont bien qualifiées : i) encéphalopathie subaiguë parfois pseudo-psychiatrique
souvent précédée d’une migraine ophtalmique atypique ; ii) méningite biologique fréquente ;
iii) imagerie cérébrale évocatrice, centrée par des lésions multiples et bilatérales de la substance
blanche et des noyaux gris, et surtout une atteinte du corps calleux quasi constante, avec dans
la phase précoce des lésions en hypersignal en séquence diffusion et une prise de contraste
diffuse d’allure leptoméningée ; iv) atteinte bilatérale des branches de l’artère centrale de la
rétine avec des occlusions mais essentiellement une prise de contraste vasculaire pariétale sur
les temps tardifs de l’angiographie à la fluorescéine ; v) une atteinte cochléo-vestibulaire bila-
térale cliniquement banale mais comportant une hypoacousie de perception qui prédomine sur
les fréquences basses [45-47].

L’évolution est marquée par des poussées récurrentes qui peuvent toucher un ou plusieurs des
3 organes. La durée totale de cette phase « chaude » ou active est de l’ordre de 2 ans (extrêmes
de 2 à 84 mois). La survenue d’une grossesse parait délétère avec un risque de poussée dans le
post partum [48]. Ultérieurement, l’évolution est dissociée : une rémission est obtenue dans la
sphère céphalique et ORL. À ce niveau, les séquelles sont souvent modérées, permettant le retour

(5) Chapitre rédigé par Sonia Alamowitch.


(6) Chapitre rédigé par Thomas Papo.

/ 447
Partie 3 – Prévention

à une vie « normale » dans la majorité des cas. Une cophose ou une démence sévère sont
exceptionnelles. En revanche, la pathologie rétinienne a une durée apparemment indéfinie, de
façon peu ou pas symptomatique avec en règle une conservation de l’acuité visuelle. Cette phase
« froide » se traduit par des anomalies rétiniennes angiographiques quasi exclusivement repré-
sentées par une fuite capillaire sur des temps tardifs de la fluorescéine, sans occlusion artériolaire,
à la fois susceptibles de régresser sans aucun traitement et de récidiver de façon complètement
imprévisible et souvent infraclinique [16].

Traitement
Sachant qu’il n’y a pas de démonstration histologique ou biologique formelle dans le sens d’une
vascularite ou d’un phénomène thrombotique, le traitement est immunodulateur (corticoïdes,
immunosuppresseurs, biothérapie anti-CD20 ou anti-TNF, échanges plasmatiques, immuno-
globulines polyvalentes par voie intraveineuse) et antithrombotique (anticoagulation orale, hépa-
rine, aspirine) voire antispastique (inhibiteurs des canaux calciques), sans oublier la possibilité
d’hyperoxie en caisson hyperbare [49, 50]. Il n’y a pas d’efficacité absolument démontrée des
différentes thérapeutiques lorsque l’on considère les fluctuations spontanées et la guérison, pos-
sibles en dehors de tout traitement et surtout l’absence d’essai thérapeutique méthodologique-
ment satisfaisant.

Le schéma thérapeutique de la « phase chaude » fait l’objet d’une controverse. Aux États-Unis,
certains prônent un traitement agressif, intégrant d’emblée corticothérapie, immunosuppresseurs
et anti-CD20 sans utiliser d’anticoagulation [51-53]. Le rationnel de ce traitement lourd s’appuie
sur des données anatomopathologiques non publiées (présentées par le docteur Cynthia Magro
dans un symposium sur le syndrome de Susac, Ohio State University, 2005), qui font un parallèle
entre les lésions cérébrales observées dans le syndrome de Susac et les anomalies musculaires
de la dermatomyosite [49]. En Europe, le traitement est gradué et associe en première ligne une
corticothérapie à forte doses et un antiagrégant. En cas d’inefficacité, une anticoagulation peut
être ajoutée. En troisième ligne, le cyclophosphamide par voie intraveineuse est introduit, puis
en cas d’échec les immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuse, voire le rituximab [54].

La corticothérapie est souvent commencée sous forme de bolus de méthylprednisolone de


500 mg à 1 g par jour sur 3 jours suivie par une corticothérapie orale (prednisone entre 0,7 et
1 mg/kg) continue, à dose décroissante par paliers mensuels ou bimensuels. Au cours des
rechutes, fréquentes dans la phase initiale, il est fréquent de recourir à de nouvelles perfusions
de méthylprednisolone sur 3 jours, qui permettent parfois de « passer un cap » sans reprendre
la totalité du programme de corticothérapie orale.

Le cyclophosphamide est utilisé comme traitement d’induction de la rémission selon un proto-


cole habituel dans les vascularites (6 perfusions au total sur 4 à 6 mois), avec un relais par un
traitement d’entretien per os visant au maintien de la rémission par azathioprine (2,5 mg/kg)
ou mycophénolate mofetil (entre 2 et 2,5 g/jour). La durée totale de la corticothérapie et de
l’immunosuppression n’est pas codifiée, en pratique située entre 1 et 3 ans.

Les immunoglobulines sont utilisées à la dose de 2 g/kg par cure sur 3 à 5 jours toutes les 3 à
4 semaines pour un minimum de 3 cures. Les échanges plasmatiques sont exceptionnellement
nécessaires. Le rituximab (anti-CD20) est utilisé an cas d’échec primaire ou de poussée sous
traitement immunosuppresseur par voie intraveineuse à la dose de 1 g J1 et J14, sans stratégie
d’entretien, semestrielle le plus souvent.

Dans notre expérience, au cours de la « phase froide » la survenue tardive et isolée d’anomalies
non occlusives (porosité pariétale) des artérioles rétiniennes justifient une surveillance rappro-
chée et un bilan ORL et cérébral systématique, sans nécessiter le plus souvent d’inflation

448 /
Causes rares

thérapeutique car ces phénomènes sont presque toujours de rétrocession spontanée et sans
impact fonctionnel durable [54].

Les traitements psychotropes sont parfois indispensables, sachant que les antipsychotiques sont
peu efficaces et que la prescription d’une anxiolyse par benzodiazépines ou d’un traitement
antidépresseur transitoire est de pratique courante. Parfois, une prothèse auditive ou la mise en
place d’implants cochléaires sont nécessaires [55].

Une prise en charge non médicamenteuse, structurée et multidisciplinaire, est organisée préco-
cement, surtout en cas d’encéphalopathie : psychologue, psychiatre, orthophoniste, assistante
sociale... La participation active de l’entourage, dont la demande est habituellement forte y
compris en éducation thérapeutique, est un appoint crucial.

La surveillance est trimestrielle la première année, semestrielle pendant 3 ans, puis annuelle et
comprend systématiquement : IRM cérébrale, fond d’œil voire angiographie rétinienne, champ
visuel, audiogramme. La ponction lombaire n’est pas systématique au cours du suivi [54].

L’une des caractéristiques des maladies mitochondriales est leur caractère multisystémique et
pléomorphe. Nous aborderons uniquement la prise en charge des épisodes « pseudo-vasculaires »
(« stroke-like episodes »), qui peuvent compliquer diverses maladies mitochondriales. Ces épisodes
pseudo-vasculaires se rencontrent habituellement chez des sujets porteurs de mutations de l’ADN
mitochondrial – en particulier la mutation m.3243A > G du syndrome MELAS (Mitochondrial Ence-
phalomyopathy with Lactic Acidosis and Stroke-like episodes) – et souvent déjà symptomatiques
(surdité, diabète sucré, cardiomyopathie hypertrophique, myopathie proximale...). Ces épisodes
peuvent être spontanément résolutifs mais leur répétition aboutit habituellement à des déficits
persistants, une atteinte cognitive, un handicap croissant et un décès prématuré.

Les épisodes pseudo-vasculaires corticaux étant des manifestations peu fréquentes de maladies
mitochondriales elles-mêmes rares, les études randomisées font défaut et la plupart des recom-
mandations reposent sur des observations relativement limitées. Cependant, une étude mono-
centrique en simple aveugle contre placebo a été effectuée chez des patients japonais présentant
un épisode pseudo-vasculaire en évolution, et a mis en évidence un effet de la L-arginine en
perfusion (500 mg/kg) sur les symptômes de l’épisode (céphalées et déficits focaux) [56]. Par la
suite, la même équipe a rapporté un effet préventif de la prise de L-arginine par voie orale (150
à 300 mg/kg/jour) sur la survenue de nouveaux épisodes pseudo-vasculaires [57]. Ces études
initiales, ainsi que l’expérience clinique des praticiens prenant en charge des patients MELAS avec
épisodes pseudo-vasculaires, ont conduit à la publication de recommandations pour le traitement
de ces patients par L-arginine par un groupe américain multidisciplinaire [58]. Le mécanisme
d’action de la L-arginine n’est pas encore très bien compris. La molécule est un donneur de NO
et l’un de ses effets est d’entraîner une vasodilatation. De ce fait, l’amélioration clinique pourrait
être liée (au moins en partie) à l’action bénéfique du traitement sur la microcirculation cérébrale
(une angiopathie mitochondriale a été rapportée chez des patients MELAS) [58].

Les épisodes pseudo-vasculaires des maladies mitochondriales s’associent très souvent à des
manifestations épileptiques, cliniques ou infracliniques (détectées par l’EEG). Il est communé-
ment admis que les décharges épileptiques aggravent le déficit énergétique des neurones

(7) Chapitre rédigé par Benoit Funalot.

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Partie 3 – Prévention

corticaux, avec pour conséquence une majoration des manifestations cliniques. Certains auteurs
pensent même que les crises épileptiques focales pourraient être le déclencheur des épisodes
aigus pseudo-vasculaires [59]. Il est indispensable de rechercher la présence de crises épileptiques
cliniques ou infracliniques chez tout patient présentant un épisode pseudo-vasculaire et, le cas
échéant, de les traiter [60]. On évite habituellement le valproate, qui a un effet délétère sur le
métabolisme mitochondrial, de même que la carbamazépine, la phénytoïne et le phénobarbital,
à un moindre degré. Le lévétiracétam est souvent utilisé en première intention du fait de son
efficacité sur les crises partielles et du peu d’effets secondaires chez ces patients.

En pratique pédiatrique, les perfusions intraveineuses de corticoïdes à forte dose sont réguliè-
rement utilisées lors d’épisodes aigus pseudo-vasculaires. Un effet bénéfique est allégué, même
si les publications sur le sujet sont rares. L’effet de ce traitement pourrait être lié à une action
des corticoïdes sur la barrière hémato-encéphalique, permettant ainsi de faire régresser un
œdème vasogénique [59].

L’effet de différentes molécules à visée mitochondriale (coenzyme Q10, idébénone, riboflavine...)


sur la prévention des épisodes pseudo-vasculaires a été rapportée dans des cas isolés, mais aucun
n’a fait la preuve de son efficacité. Il n’existe pas d’argument pour les prescrire à la phase aiguë
d’un épisode pseudo-vasculaire.

Drépanocytose (8)
La drépanocytose (ou hémoglobinose S) est actuellement la maladie génétique la plus fréquente
en France. Elle est autosomique récessive due à une mutation sur le gène de la β-globine.

Seuls les patients ayant un syndrome drépanocytaire majeur (homozygote SS, ou hétérozotie
composite SC ou S-β-thalassémie) ont des complications graves de la maladie, en particulier
neurovasculaire. C’est une cause fréquente d’AVC (ischémique dans 75 % des cas) chez l’enfant,
qui représente une complication majeure de cette maladie. Le mécanisme le plus fréquent est
une vasculopathie spécifique qui affecte les artères intracrâniennes de gros et moyens calibres,
en particulier la carotide dans son segment supraclinoïdien ainsi que ses branches proximales.
Cette vasculopathie, présente chez environ un patient drépanocytaire sur 5, débute le plus sou-
vent dans la petite enfance et est à l’origine d’une part de sténoses et d’occlusions pouvant
conduire à un syndrome de Moya-Moya et d’autre part d’anévrisme intracrânien [61].

Le traitement de la phase aiguë de l’AVC repose sur les échanges transfusionnels en urgence,
justifiant d’une étroite collaboration entre neurologues et spécialistes de la drépanocytose.
L’objectif de l’échange transfusionnel est l’obtention d’une HbS < 30 %. Si ce dernier ne peut
pas être réalisé immédiatement, une transfusion d’attente pourra être réalisée mais il convient
alors de vérifier que l’Hb ne dépasse pas 9 g/dL avant la transfusion du fait du risque d’hyper-
viscosité. En cas d’infarctus cérébral, une procédure de recanalisation (intraveineuse et/ou asso-
ciée à un geste de thrombectomie) peut être envisagée dès lors que la présence d’une vasculo-
pathie cérébrale sévère associée à la présence d’un réseau Moya-Moya peut être éliminée en
urgence [62, 63].

(8) Chapitre rédigé par David Calvet.

450 /
Causes rares

En prévention, essentiellement primaire, les échanges transfusionnels ont prouvé leur efficacité pour
diminuer le risque d’AVC chez les patients présentant une vasculopathie cérébrale même minime.
En effet, l’essai randomisé STOP I a montré une forte réduction de 92 % du risque de premier AVC
chez les enfants drépanocytaires ayant des vitesses pathologiques au doppler transcrânien (vitesse
supérieure à 200 cm/s) traités par échanges transfusionnels [64]. Il est ainsi désormais recommandé
de réaliser un doppler transcrânien annuel chez les enfants drépanocytaires SS ou S/Bêta0 de 2 ans
à 16 ans. Le programme transfusionnel doit être mise en place en cas de vitesse pathologique et le
contrôle doppler rapproché en cas de vitesses intermédiaires (170-200 cm/s). La place de
l’hydroxyurée, en relais ou comme alternative, n’est pas encore connue [61].

Plus récemment, il a également été montré qu’un programme d’échanges transfusionnels chez
les enfants présentant des infarctus silencieux en IRM diminue le risque d’AVC ou de nouvel
infarctus silencieux [65]. Compte tenu de la forte prévalence de telles lésions silencieuses, du
moindre risque d’AVC comparativement aux patients ayant une vasculopathie cérébrale et de
la complexité du maintien d’un programme transfusionnel dans la durée, la place des alternatives
thérapeutiques est encore en cours de discussion.

Il existe beaucoup moins de données chez les adultes drépanocytaires pour lesquels les causes
d’AVC, en particulier ischémique, sont plus diverses justifiant d’un bilan détaillé notamment
cardiaque [66]. Le suivi des adultes drépanocytaires pose des problèmes particuliers tels que la
tolérance du programme d’échange transfusionnel ou les troubles cognitifs secondaires aux ano-
malies perfusionnelles [37].

L’efficacité de la transplantation de moelle osseuse, traitement curatif de la drépanocytose, n’a


pas été spécifiquement évaluée chez les patients ayant un antécédent d’AVC en particulier ceux
ayant une vasculopathie évoluée [61]. À l’avenir, la thérapie génique pourrait également être
une alternative à la greffe [67].

Syndrome des antiphospholipides (9)


Le syndrome des anticorps antiphospholipides est défini par l’association d’un critère clinique de
thrombose (artérielle, veineuse ou petit vaisseau) ou d’atteinte obstétricale, et d’un critère bio-
logique : présence d’un anticorps anticardiolipines (> 40 GPL), d’un anticorps antiβ2Gp1 ou d’un
anticoagulant circulant à taux élevé contrôlé positif à 2 reprises à 12 semaines d’intervalle [68].
Les infarctus cérébraux causés par cette coagulopathie sont fréquents (environ 30 % des
patients), souvent dans le territoire des artères de gros ou moyens calibre [69]. Des essais ran-
domisés comparant les antiagrégants et les anticoagulants ont été réalisés chez des patients
avec infarctus cérébral et anticorps antiphospholipides, mais les données chez les patients avec
authentique syndrome des antiphosholipides sont plus rares. Dans une étude rétrospective, le
taux de récidive sous antiagrégant plaquettaire, était élevé autour de 50 % par an alors qu’il
était rapporté à 6 % par an sous anticoagulant [42]. Après un premier événement thrombotique
cérébral, le traitement repose classiquement sur les antivitamines K [69, 70]. Il n’y a pas de
données issues d’essais randomisés pour identifier quelle est la cible optimale d’INR : niveau
usuel (INR : 2 à 3) versus haut niveau d’anticoagulation (INR : 3 à 4). Des interrogations persistent
aussi sur le bénéfice éventuel d’y associer un antiagrégant plaquettaire. Des études sont en cours
pour évaluer la place des anticoagulants oraux directs dans cette indication.

Le syndrome catastrophique des anticorps antiphospholipides constitue une entité à isoler, il


s’agit d’une atteinte microangiopathique aiguë responsable d’une atteinte multiorganes : rein,
cerveau, poumon et atteinte hématologique [71]. À partir de données observationnelles, il est

(9) Chapitre rédigé par Sonia Alamowitch.

/ 451
Partie 3 – Prévention

admis que le traitement repose sur une combinaison d’un traitement anticoagulant et de trai-
tements à visée immunologique (corticothérapie, échanges plasmatiques, immunoglobulines...)
dans le cadre d’une concertation multidisciplinaire.

Dissection des artères cervicales et intracrâniennes (10)


La dissection des artères cervicales représente une des causes majeures d’accident ischémique
du sujet jeune. Les mécanismes, facteurs étiologiques, et présentations cliniques sont décrits
dans de nombreuses revues récentes [72, 73].

Prise en charge en phase aiguë


Les recommandations actuelles ne contre-indiquent pas la thrombolyse intraveineuse chez un
patient ayant une dissection cervicale [74]. En dépit du risque théorique d’aggraver l’hématome
mural, les études observationnelles ne suggèrent pas de risque particulier [73, 75]. Lorsqu’une
thrombectomie mécanique est indiquée devant une occlusion intracrânienne proximale, elle peut
être rendue compliquée par la dissection cervicale [76]. C’est pourquoi une imagerie des artères
extracrâniennes est particulièrement importante dans cette situation. En cas de sténose, voire
d’occlusion, extracrânienne associée à une occlusion intracrânienne (lésions en tandem), la majo-
rité des acteurs proposent la mise en place d’un stent extracrânien afin de permettre le passage
du matériel de thrombectomie et d’éviter une occlusion post-intervention [73]. Cependant, il
n’y a pas de méthode unique, les cas rapportés faisant état de techniques très diverses [73].

En dehors du traitement de revascularisation, la principale question posée est celle du traitement


antithrombotique. Le risque d’événements ischémiques est plus élevé dans les 15 jours du début
des symptômes, justifiant un traitement antithrombotique [77]. Si pendant très longtemps le
traitement anticoagulant (AVK) a été largement préconisé en France, des données récentes
invitent à revoir cette attitude systématique. L’étude CADISS est le seul essai randomisé ayant
comparé le traitement anticoagulant à l’aspirine en phase aiguë d’une dissection cervicale extra-
crânienne carotidienne ou vertébrale (250 sujets randomisés en moyenne 3,65 jours après le
début des symptômes) [78]. À 3 mois, il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes sur le
critère infarctus cérébral ou décès. Cette étude de phase II a aussi conclu qu’un essai de phase
III ne serait pas faisable en raison du faible taux d’événements. Ce résultat est aussi en accord
avec les nombreuses études observationnelles qui n’ont jamais suggéré la supériorité d’un trai-
tement par rapport à l’autre sur des critères cliniques [73], ou de récidives silencieuses à l’ima-
gerie [79]. Ainsi, les recommandations actuelles indiquent qu’un traitement antithrombotique
par antiplaquettaire ou anticoagulant est raisonnable pendant 3 à 6 mois [74]. Si l’option anti-
coagulant oral est choisie, il est tentant de proposer un anticoagulant oral direct, beaucoup plus
facile d’utilisation et associé à un moindre risque d’hémorragie intracrânienne, chez ces sujets
jeunes. Les expériences publiées restent limitées, mais ne suggèrent pas de risque ou inconvénient
particulier, bien qu’une étude ait suggéré une plus grande fréquence d’aggravation de la sténose
(asymptomatique) chez les patients recevant un anticoagulant oral direct [80].

(10) Chapitre rédigé par Emmanuel Touzé.

452 /
Causes rares

Prévention après une dissection des artères cervicales


La durée du traitement antithrombotique recommandée est de 3 à 6 mois [74]. Cependant, chez
les patients qui gardent des anomalies artérielles (occlusion, anévrisme post-dissection, ou plus
rarement sténose), les pratiques peuvent varier. Certains proposent le maintien d’un traitement
antiplaquettaire, mais les arguments restent empiriques [81]. Les anévrismes post-dissection
sont observés chez 13 à 49 % des patients [82]. Toutes les études observationnelles montrent
que le risque de récidive d’événements ischémiques dans le territoire des lésions anévrismales
est très faible sous traitement médical simple [82]. Ainsi, en l’absence d’événements récidivants
malgré un traitement médical bien conduit, un traitement endovasculaire n’est pas indiqué chez
les patients ayant des lésions artérielles post-dissections persistantes [74].
En l’absence de lien établi entre cholestérol et risque de dissection, il n’y a pas d’indication à
proposer un traitement par statine, en dehors de ce qui peut être indiqué en prévention
primaire [74].

Cas particulier des dissections intracrâniennes


Les options thérapeutiques reposent sur de très faibles niveaux de preuve [83]. Chez les patients
qui présentent une forme compliquée d’hémorragie sous-arachnoïdienne, un traitement endo-
vasculaire ou chirurgical est souvent proposé en raison d’un risque élevé de resaignement (évalué
jusqu’à 40 %), si l’état clinique du patient le permet [84]. Chez les patients qui présentent une
forme avec anévrisme, mais non compliquée d’hémorragie sous-arachnoïdienne, la meilleure
option reste très discutée, mais le traitement invasif (endovasculaire surtout) semble devoir être
réservé aux patients ayant des événements ischémiques récidivants malgré le traitement médical
ou, plus rarement, un anévrisme compressif [83]. Les traitements chirurgicaux ou endovasculaires
sont divers et incluent l’exclusion de l’anévrisme (mais pas toujours faisable en raison de l’absence
fréquente de collet bien individualisé), la mise en place d’un stent dit « flow diverter », et le
sacrifice du vaisseau porteur, exposant alors au risque d’ischémie cérébrale.

Dans les formes compliquées d’ischémie cérébrale, l’utilisation d’une fibrinolyse n’a que rarement
été rapportée et son intérêt reste indéterminé. Le diagnostic de dissection intracrânienne ne
pouvant pas toujours être établi en urgence, ce traitement risque d’être utilisé sans connaissance
du diagnostic. Si l’utilisation d’un antiplaquettaire semble raisonnable en phase aiguë, l’utilisation
d’anticoagulants semble risquée, ce d’autant qu’il n’y a pas d’avantage démontré dans les dis-
sections cervicales [83].

Dysplasie fibromusculaire (11)


La dysplasie fibromusculaire (DFM) est une artériopathie non athéromateuse, non inflammatoire
d’étiologie inconnue, pouvant entraîner des tortuosités, sténoses, occlusions, anévrismes, et dis-
sections artérielles [85-87]. L’atteinte des artères cervicales et intracrâniennes est habituelle dans
la dysplasie fibromusculaire (DFM). Bien qu’elle soit probablement souvent asymptomatique, ou
d’évolution bénigne, des manifestations cérébrovasculaires graves peuvent être observées (dis-
section artérielle cervicale, infarctus cérébral, hémorragie méningée).

En l’absence d’études randomisées ou même d’études observationnelles suffisamment larges, les


stratégies thérapeutiques médicales et interventionnelles sont essentiellement fondées sur des
recommandations d’experts [85, 86]. À la différence de la DFM rénale pour laquelle la prise en

(11) Chapitre rédigé par Emmanuel Touzé et Marion Boulanger.

/ 453
Partie 3 – Prévention

charge de l’hypertension artérielle et la nécessité de préserver les reins peuvent constituer une
indication à traiter la DFM, les indications thérapeutiques pour la DFM cervicale et intracrânienne
sont beaucoup moins claires. Devant une DFM asymptomatique, l’histoire naturelle semble
bénigne. Cependant, un traitement préventif antiplaquettaire peut se discuter [85]. Par ailleurs,
il a été montré que la fréquence des fumeurs était plus importante dans la population avec DFM
que dans la population contrôle, et même si le lien entre tabac et DFM reste mal compris, le
sevrage tabagique est à privilégier systématiquement chez les patients avec DFM [85]. L’usage
des statines n’est préconisé qu’en cas de dyslipidémie associée, la DFM n’étant pas une pathologie
athéromateuse. La prévalence de la DFM étant plus importante chez la femme que chez l’homme,
la question d’un possible effet hormonal sur la progression de la maladie a été soulevée mais
les données de la littérature sur le sujet sont insuffisantes pour affirmer que la poursuite d’une
contraception orale ou traitement substitutif ait un rôle délétère.

En cas de dissection cervicale aiguë ou d’hémorragie méningée par rupture d’anévrisme, le trai-
tement ne diffère pas de celui recommandé en général. Une revascularisation chirurgicale ou
endovasculaire n’est pas recommandée chez un patient porteur d’une DFM cervicale asympto-
matique. Si une variété de procédures chirurgicales a pu être proposée dans le passé sans compli-
cations majeures, ces approches ne sont plus recommandées, sauf en cas de diaphragme carotidien
qui peut nécessiter une endartérectomie [87] ou un traitement endovasculaire [88]. Chez certains
patients ayant des complications hémodynamiques, des accidents ischémiques récidivants, ou des
acouphènes pulsatiles invalidantes, une angioplastie (avec ou sans endoprothèse) peut être pro-
posée, même si la littérature reste pauvre sur ce sujet [86, 89]. L’indication d’un traitement
chirurgical ou endovasculaire d’un anévrisme intracrânien ne diffère pas du cadre général.

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/ 457
32

L’accident ischémique transitoire (AIT) est un épisode neurologique déficitaire de survenue bru-
tale dont la cause supposée est une ischémie focale du cerveau ou de la rétine, dont les symp-
tômes durent typiquement moins d’une heure. C’est une urgence neurologique car le risque
précoce d’infarctus cérébral (IC) est élevé [1]. La prise en charge en urgence des patients pré-
sentant un déficit neurologique transitoire a pour objectifs de confirmer le diagnostic d’AIT, car
les présentations cliniques sont variables et les diagnostics différentiels nombreux, et de prévenir
la survenue d’un IC. Cette prise en charge par des neurologues, dans des structures d’accueil
organisées et spécialisées, permet de diminuer jusqu’à 80 % le risque d’IC [2-5]. L’AIT est donc
un signe d’alarme et une opportunité majeure de diminuer le risque d’IC puisque environ 20 %
des IC sont précédés d’un AIT (17 % le jour de l’IC, 9 % le jour précédent et 43 % au cours de
la semaine précédente) [6].

La définition de l’AIT a évolué au cours du temps avec l’évolution de nos connaissances cliniques
et les progrès de l’imagerie. L’AIT a été reconnu comme symptôme d’alerte d’IC au tout début
du XXe siècle, mais c’est dans les années 1970 que l’AIT a été pour la première fois défini, à une
époque où les techniques d’imagerie ne permettaient pas de visualiser le parenchyme cérébral.
Arbitrairement, la différence entre un IC et un AIT avait été fixée à 24 h. Au cours des décennies
suivantes les données épidémiologiques se sont accumulées montrant que la plupart des AIT
duraient moins d’une heure et que la probabilité de récupération après 24 h était très faible si
les symptômes étaient toujours présents au-delà d’une heure. Par la suite, l’amélioration des

/ 459
Partie 3 – Prévention

techniques d’imagerie cérébrale et notamment l’arrivée de l’IRM de diffusion a permis de montrer


la présence d’un IC récent chez environ 30 % des patients qui avaient un AIT selon la définition
classique qui reposait uniquement sur des critères cliniques (disparition des symptômes) et tem-
porels (< 24 h). En conséquence, une nouvelle définition a été proposée en 2002, incluant les
résultats de l’imagerie cérébrale : « L’AIT est une dysfonction cérébrale ou rétinienne d’origine
ischémique régressant typiquement en mois d’une heure et sans signe d’IC récent. » Cette défi-
nition est peu utilisée en pratique car la plupart des médecins en première ligne dans la prise
en charge des AIT (médecins généralistes, cardiologues ou urgentistes) n’ont pas d’imagerie
cérébrale disponible quand ils voient le patient (ou au maximum un scanner très peu sensible).
Dans la pratique et dans les essais thérapeutiques, on continue à parler d’AIT quand les symp-
tômes sont transitoires en précisant si l’imagerie cérébrale montre un infarctus récent ou pas
(AIT DWI+ ou AIT DWI-).

Risque précoce d’infarctus cérébral après un AIT


L’estimation précise du risque d’IC après un AIT est difficile car tous les patients présentant un
AIT ne consultent pas, surtout s’ils n’ont pas eu d’IC au décours, et les patients ayant un IC
précédé d’un AIT ne sont pas toujours inclus dans les études. Enfin, il n’existe pas d’étude
d’histoire naturelle des AIT (où aucun patient n’aurait reçu de traitement). Néanmoins, nous
disposons maintenant de plusieurs cohortes hospitalières et en population dont les résultats
concernant le risque précoce d’IC après un AIT sont relativement concordants [7-16] (Figure 1).
Une méta-analyse incluant ces études et portant sur plus de 1 700 patients, rapporte un risque
d’AIT à 2, 30 et 90 jours de 3,5 %, 8 % et 9,2 %. Le risque était plus important (respectivement
9,9 %, 13 % et 17,3 %) si seules les études où les patients étaient systématiquement interrogés
en face à face à 3 mois par un médecin ou une infirmière étaient prises en compte, en excluant
celles reposant sur une base de données administratives qui tend à sous évaluer les récidives [1].

Facteurs prédictifs du risque


d’infarctus cérébral après un AIT
Les AIT représentent un groupe de patients hétérogènes en termes de facteur de risque vasculaire,
de symptômes, de causes et donc de risque. De nombreuses études ont essayé de trouver des
facteurs permettant d’identifier les sujets à haut risque d’IC.

Score ABCD2
Cinquante pour cent des patients adressés pour un AIT par des médecins non spécialistes ont
en fait une autre pathologie. Si le risque d’IC après un AIT est de 10 % à 7 jours, 95 % des
patients adressés pour un AIT n’auront pas d’IC dans ce laps de temps. Afin de permettre un
triage des patients présentant une suspicion d’AIT par les médecins non spécialistes, souvent en
première ligne, et ne pas saturer les unités neurovasculaires non organisées pour recevoir un
grand volume de patients, des scores cliniques simples ont été développés à l’attention des non
neurologues pour dépister les patients à haut risque d’IC justifiant une prise en charge immédiate.
Le score le plus utilisé est le score ABCD2 [17]. Il permet d’évaluer le risque d’IC 2, 7 et 90 jours

460 /
Prise en charge des accidents ischémiques transitoires

FIGURE 1 Forest plot du risque d’infarctus cérébral à 2 (A), 30 (B) et 90 (C) jours après un
accident ischémique transitoire.

/ 461
Partie 3 – Prévention

après un AIT en attribuant 0, 1 ou 2 points à différentes variables cliniques (Tableau I). Il permet
de classer les patients en 3 groupes : haut risque d’IC (score 6-7, risque à 2 jours de 8,1 %),
risque intermédiaire (score 4-5, 4,1 %), faible risque (score 0-3, 1,0 %). Plusieurs recommanda-
tions d’experts [18, 19] ont adopté le score ABCD2 comme système de triage et préconisent
une prise en charge spécialisée immédiate des AIT si le score est 6 4 et dans la semaine si le
score est < 4 [17]. Depuis, plusieurs études ont montré les limites de ce score. Sa reproductibilité
entre neurologues vasculaires et non spécialistes est limitée [20], expliquant peut-être la faible
sensibilité et spécificité rapportées dans certaines études où le score était utilisé par des non
spécialistes en population [21] ou aux urgences [22]. Un patient sur cinq adressé pour une
suspicion d’AIT avec un score ABCD2 < 4 patients a une source d’embolie à haut risque de
récidive (sténose athéroscléreuse > 50 % ou source majeure d’embolie cardiaque) [23].

TABLEAU I ▼ Le score ABCD2.


Âge 6 60 ans = 1 point

PAS 6 140 mmHG


Pression artérielle
et/ou PAD 6 90 mmHG = 1 point

Déficit moteur unilatéral = 2 points


Signes cliniques
Trouble du langage sans déficit moteur = 1 point

6 60 minutes = 2 points
Durée des symptômes
10-59 minutes = 1 point

Diabète 1 point

Cause de l’AIT
Le risque d’IC après un AIT dépend de la cause sous-jacente. Le risque est majeur pour les AIT
d’origine athéroscléreuse (20 % à 3 mois), et plus modéré pour les autres causes (cardio-
embolique 11,5 %, inconnue 4,5 %, lacunaire 1,5 %) [25].

Le risque d’IC après un AIT semble plus faible actuellement probablement grâce à une prise en
charge urgente et des stratégies de prévention secondaire plus efficaces néanmoins, le risque
des sténoses d’origine athéroscléreuse reste deux fois plus élevé que celui des autres causes [24].

IRM cérébrale
La présence d’un IC sur la séquence de diffusion (DWI) après un événement neurologique tran-
sitoire augmente le risque de survenue d’un IC indépendamment du score ABCD2. Dans une
méta-analyse, le risque d’IC à 7 jours était de 7 % si la DWI était positive et de 0,5 % si la DWI
était normale [26].

Score clinico-radiologique : ABCD3-I


Plusieurs scores clinico-radiologiques intégrant l’impact de l’IRM et de l’existence d’une sténose
artérielle sur le risque d’IC ont été développés avec des résultats relativement similaires. Le score
ABCD3-1 (Tableau II) intègre, en plus des critères cliniques, des données d’imagerie artérielle et
cérébrale. Il permet une meilleure prédiction du risque que le score ABCD2 à 3 mois. Les patients
sont considérés à faible risque pour un score 0-3, un risque intermédiaire pour un risque 4-7 et
à risque élevé pour un score 8-13.

462 /
Prise en charge des accidents ischémiques transitoires

TABLEAU II ▼ Le score ABCD3-I.


Âge 6 60 ans = 1 point

PAS 6 140 mmHG


Pression artérielle
et/ou PAD 6 90 mmHG = 1 point

Déficit moteur unilatéral = 2 points


Signes cliniques
Trouble du langage sans déficit moteur = 1 point

6 60 minutes = 2 points
Durée des symptômes
10-59 miinutes = 1 point

Diabète 1 point

Survenue d’un autre AIT dans les 7 jours 1 point

Imagerie carotide Sténose carotide 6 50 % = 2 points

Imagerie de diffusion Présence d’un infarctus récent = 2 points

Le premier temps de la prise en charge des patients adressés pour un AIT est de confirmer le
diagnostic. C’est un exercice souvent difficile car il repose sur l’interrogatoire du patient ; les pré-
sentations cliniques sont très variées et les diagnostics différentiels nombreux. Le diagnostic d’AIT
n’est retenu par le neurologue que chez 40 % des patients adressés par un médecin non spécialiste
[28, 29], et, même entre neurologues, la reproductibilité interobservateur est médiocre (kappa = 0,77)
[30]. L’IRM de diffusion et des études épidémiologiques récentes ont confirmé que l’AIT pouvait
prendre des formes trompeuses et que le diagnostic devait être envisagé même devant des signes
cliniques considérés jusque-là comme non compatibles, si le mode d’installation est brutal (classi-
quement en moins de 2 minutes) et le territoire compatible avec une occlusion artérielle [31-33].

Les déficits moteurs unilatéraux, les troubles du langage et les troubles sensitifs unilatéraux sont
les plus fréquents. Ils peuvent survenir de façon isolée ou associés entre eux.

Déficit moteur
Il peut être complet ou partiel et toucher un hémicorps complet ou simplement la face, un
membre ou un segment de membre. Il signe habituellement une atteinte du faisceau cortico-
spinal et n’a donc pas de valeur localisatrice, sauf si la paralysie est bilatérale signant une ischémie
dans le territoire vertébro-basilaire. Le patient se plaint parfois d’un engourdissement ou d’une
maladresse qu’il est difficile de distinguer d’une ataxie ou d’un trouble sensitif sur les seules
données d’interrogatoire.

Troubles sensitifs
Comme pour les troubles moteurs, le déficit peut être hémicorporel ou localisé. La plainte sen-
sitive est rarement isolée, le patient se plaint plus souvent de dysesthésies ou d’engourdissement,
que d’une perte de la sensibilité. L’origine psychogène est fréquente. Quand ils sont localisés à
un segment de membre, il faut penser à une compression nerveuse radiculaire ou tronculaire.

/ 463
Partie 3 – Prévention

Troubles du langage et dysarthrie


L’aphasie motrice et la dysarthrie sont difficiles à distinguer sur un simple interrogatoire.

La dysarthrie est rarement isolée, souvent associée à un déficit moteur des extrémités et/ou de
la face. Elle n’a pas de valeur localisatrice car elle peut traduire une atteinte des voies cortico-
spinales, extrapyramidales ou cérébelleuses. Tous les types d’aphasie peuvent être rencontrés,
mais les symptômes sont généralement trop brefs pour établir un diagnostic précis. L’aphasie
signe dans la majorité des cas une atteinte carotidienne gauche.

Troubles visuels
La cécité monoculaire transitoire (CMT) est un AIT dans le territoire carotide. Les symptômes
sont variables : perte complète et brusque de l’ensemble de la vision d’un œil, impression d’un
rideau qui monte ou qui descend rapidement entraînant une perte visuelle complète ou limitée
à la partie supérieure ou inférieure, flou visuel monoculaire, vision grise... Chez un sujet de plus
de 50 ans, une CMT doit faire toujours rechercher une maladie de Horton. Exceptionnellement,
la CMT s’installe de façon plus progressive en quelques minutes, lors de situations particulières
(exposition à une lumière vive, lors d’un exercice physique, une hypotension). Le mécanisme est
alors hémodynamique, traduisant une sténose très serrée ou une occlusion de la carotide. Enfin
certains patients présentent des CMT à répétition sur plusieurs jours ou semaines sans que l’on
puisse identifier de cause. Différentes hypothèses ont été soulevées, notamment un spasme sur
l’artère rétinienne ou ophtalmique. L’évolution est toujours favorable.

L’hémianopsie latérale homonyme (HLH) isolée est rare, secondaire à une ischémie vertébro-
basilaire et plus souvent d’origine cardioembolique [30]. Elle est souvent très difficile à distinguer
d’une CMT surtout si le patient n’a pas pensé à fermer alternativement un œil puis l’autre. La
difficulté à la lecture, la difficulté à voir la partie droite ou gauche des mots, la perte de vision
latérale ou verticale oriente vers une HLH. La distinction entre une première aura visuelle et un
AIT peut être difficile, car les signes habituels de la crise migraineuse (comme l’installation
progressive du déficit, les phénomènes visuels positifs ou les céphalées) peuvent manquer ou ne
pas avoir été remarqués par le patient. C’est parfois a postériori, en cas de récidive, que le
diagnostic de migraine est rétabli. À l’inverse, certains AIT se présentent comme des aura migrai-
neuses. La moindre atypie pour une migraine ou un âge de début tardif doit pousser à la prudence
et envisager le diagnostic d’AIT.

Les cécités bilatérales isolées sont exceptionnelles. La cécité bilatérale est plus souvent secondaire
à une atteinte bi-occipitale (AIT vertébro-basilaire) qu’à une atteinte bicarotidienne simultanée.

La diplopie binoculaire, c’est-à-dire disparaissant à l’occlusion alternative d’un œil, peut être
secondaire à un AIT vertébro-basilaire, surtout si elle est associée à d’autres signes neurologiques.
C’est un signe rarement rapporté (3 %) [32]. Isolée, la diplopie doit faire rechercher d’abord
d’autres diagnostics notamment une hétérophorie décompensée, ou une myasthénie, mais elle
se rencontre aussi dans d’authentiques AIT [31, 32].

Vertiges et instabilité
Le vertige, sensation que l’environnement tourne autour du patient, est une manifestation cli-
nique rare d’AIT vertébro-basilaire (1,5 %, s’il survient isolément) [33]. Il doit faire rechercher
en priorité un vertige positionnel paroxystique bénin ou plus rarement une maladie de Ménière
ou une névrite vestibulaire quand il est isolé ou associé à des troubles auditifs.

464 /
Prise en charge des accidents ischémiques transitoires

L’instabilité posturale est un symptôme neurologique transitoire fréquent. Ses causes peuvent
être très variées (hypotension, hypoglycémie, anxiété) incluant l’AIT. Les modalités d’apparition
(circonstances, caractère soudain ou progressif) et les signes associés aident au diagnostic.

Céphalées
Des céphalées sont rapportées dans 20 à 30 % des AIT, accompagnant les signes déficitaires.
Elles sont habituellement minimes sauf dans certaines circonstances particulières (dissection
d’une artère cervico-céphalique, maladie de Horton).

Enfin, d’autres manifestations cliniques ont été rapportées, mais leur description dépasse le cadre
de ce chapitre. Pour la pratique, si les déficits moteurs et sensitifs, les troubles du langage et les
CMT posent peu de problème diagnostics, l’origine ischémique de certains signes cliniques comme
les diplopies, les vertiges/instabilités ou certains troubles visuels est plus difficile à affirmer. Il
faut d’abord rechercher d’autres causes plus fréquentes par un interrogatoire et un examen
clinique orienté, parfois aidé de spécialistes (ORL, ophtalmologue). En l’absence de cause extra-
neurologique au terme de l’examen clinique initial, un bilan d’AIT doit être réalisé à la recherche
d’une source d’embolie. Si le bilan est négatif, l’AIT est souvent qualifié de possible. C’est parfois
lors des visites de suivi que le diagnostic est rétabli.

IRM cérébrale
L’IRM cérébrale avec séquences de DWI, Flair, T2* et temps de vol (TOF) doit être réalisée en
urgence. C’est le nouveau « gold standard » de l’évaluation de l’AIT. Autant le scanner est suf-
fisant, voire souhaitable car rapide, pour l’évaluation d’une alerte thrombolyse, autant l’IRM de
diffusion est indispensable à l’évaluation d’un AIT, car la découverte d’un spot ischémique (non
vu sur un scanner) permet souvent d’authentifier l’accident ischémique lorsque la sémiologie
est douteuse. La séquence de DWI quand elle est réalisée en urgence montre un hypersignal
dans 34 % des cas [34] (Figure 2), confirmant l’origine ischémique des symptômes. Dans 25 %
des cas, ces lésions n’apparaissent pas sur la séquence FLAIR, lorsqu’une IRM de contrôle est
réalisée, d’où l’importance de réaliser cet examen en urgence [35]. Si la DWI est normale, l’IRM
de perfusion utilisant un agent de contraste (PWI) ou en utilisant une technique de marquage
de spin artériel (ASL) montre une hypoperfusion focale chez 16-34 % des patients [36]. La
séquence T2* permet d’éliminer une hémorragie cérébrale (hémorragie méningée corticale,
hématome sous-dural ou plus rarement hématome intracérébral) qui peut parfois se manifester
par des signes neurologiques transitoires (Figure 3). La séquence FLAIR permet d’éliminer certains
diagnostics différentiels, mais aussi de rechercher des flux lents dans les sillons témoins d’une
occlusion artérielle. L’IRM permet aussi de stratifier le risque d’IC puisque la présence d’une
ischémie récente sur la séquence de DWI augmente le risque d’IC [27, 28]. La présence d’une
lésion en DWI peut conduire à une modification de la prise en charge [37, 38].

/ 465
Partie 3 – Prévention

FIGURE 2 IRM cérébrale. Patient de 55 ans admis pour une paralysie faciale droite et une dys-
arthrie régressive en 30 secondes.
A : Hypersignal dans le territoire de l’artère cérébrale moyenne gauche visible sur l’IRM de DWI
(flèche) confirmant la nature ischémique des symptômes. B : Sténose serrée du siphon carotide
gauche visible sur la séquence temps de vol (flèche).

FIGURE 3 IRM cérébrale. Patiente de 85 ans adressée pour 3 épisodes d’aphasie transitoire et
d’engourdissement de la main droite régressive en 1 à 3 minutes.
Hyposignal dans les sillons (flèche) visible sur la séquence T2* en rapport avec une hémorragie
méningée. Le scanner cérébral était normal.

466 /
Prise en charge des accidents ischémiques transitoires

Si l’IRM n’est pas disponible ou contre-indiquée, le scanner permet d’éliminer une hémorragie
cérébrale ou un processus expansif intracrânien, mais il est beaucoup moins sensible pour détecter
les ischémies récentes.

Imagerie des artères cérébrales


intra- et extracrâniennes
Elle doit être réalisée en urgence car l’existence d’une sténose artérielle 6 50 % ou d’une occlu-
sion augmente le risque d’IC par un facteur 2 ou 3 [23-25, 27, 39] et conditionne la prise en
charge [37, 38]. Le type d’examen dépend des disponibilités locales (angiographie par résonance
magnétique, angioscanner, échographie Doppler des vaisseaux cervicaux couplés au Doppler
transcrânien). Chez le sujet jeune et/ou s’il existe des céphalées/cervicalgies, le bilan doit être
complété par une IRM cervicale axiale en saturation de graisse à la recherche d’une dissection
artérielle.

Explorations cardiaques
L’ECG est réalisé en urgence à la recherche d’une fibrillation atriale. Il doit être complété par un
holter ECG longue durée si le bilan étiologique est négatif. Si le patient est hospitalisé, une
surveillance continue de l’ECG doit être mise en place.

L’échographie cardiaque doit être réalisée en urgence quand on suspecte une cardiopathie à haut
risque de récidive ou mettant en jeu le pronostic vital ou cardiaque (ex. : thrombose d’une valve
mécanique, endocardite, dissection aortique). Dans les autres cas, elle peut être programmée
dans un second temps. La voie transœsophagienne est plus sensible que la voie transthoracique.

Bilan biologique
Numération formule sanguine, CRP, ionogramme sanguin complètent les explorations initiales.
En l’absence de cause identifiée par ce premier bilan, d’autres examens seront réalisés selon les
cas : ponction lombaire, tests immunologiques, examen de l’hémostase.

La recherche de facteurs de risques vasculaires est systématique (HTA, bilan lipidique et


glycémique).

La Figure 4 résume le bilan et les modalités de prise en charge proposés dans une clinique d’AIT
ayant montré une réduction du risque d’IC de 80 % après un AIT [40].

Le traitement repose principalement sur le traitement antithrombotique, la prise en charge des


facteurs de risque vasculaire et l’éducation thérapeutique.

/ 467
Partie 3 – Prévention

FIGURE 4 Prise en charge des patients suspects d’AIT dans la Clinique d’AIT de l’hôpital Bichat,
Paris.

Traitement antithrombotique
AIT non cardioembolique
Jusqu’à récemment, le traitement antithrombotique des AIT non cardioemboliques reposait sur
l’administration d’aspirine 300 mg en dose de charge relayé par un antiplaquettaire (aspirine 75
à 325 mg/j, clopidogrel 75 mg/j ou association aspirine 25 mg-dipyridamole 200 mg deux fois
par jour).

Les résultats de deux essais thérapeutiques sont venus modifier notre attitude thérapeutique.
CHANCE [37] est un essai thérapeutique, randomisé, en double aveugle contre placebo ayant
comparé une association d’aspirine (75 mg/j) et de clopidogrel (300 mg/j à J1 puis 75 mg/j)
pendant 21 jours, suivie d’un traitement par clopidogrel 75 mg jusqu’à J90 à une association de
placebo et d’aspirine (75 mg/j) pendant 90 jours. Cette étude réalisée dans 114 centres chinois
a porté sur 5 170 patients de plus de 40 ans ayant présenté un AIT à risque de récidive modéré
à élevé (ABCD26 4) ou un IC mineur (NIHSS < 4), non cardioembolique et datant de moins de
24 h. Le critère de jugement primaire (survenue d’un IC ou d’une hémorragie cérébrale dans les
90 jours) était diminué de 32 % dans le groupe aspirine-clopidogrel par rapport au groupe aspi-
rine-placebo (8,2 % versus 11,7 % ; HR 0,68 ; IC95 % : 0,57-0,81 ; p < 0,001). Le risque d’hémor-
ragie cérébrale était faible (0,3 %) et identique dans les 2 groupes. SOCRATES [38] est un essai
thérapeutique international, conduit en double aveugle, incluant 13 199 patients avec un AIT à
risque modéré à élevé de récidive (ABCD2 6 4 ou sténose artérielle symptomatique intra- ou
extracrânienne) ou un IC mineur (NIHSS ^ 5). Cette étude a comparé le ticagrelor (180 mg en
dose de charge puis 90 mg 2 fois/j) à l’aspirine (300 mg puis 75 mg) pendant 90 jours. Le critère
de jugement primaire (décès, AVC ou infarctus du myocarde dans les 90 jours) était diminué
dans le groupe ticagrelor par rapport au groupe traité par aspirine, mais de façon non significative

468 /
Prise en charge des accidents ischémiques transitoires

(6,7 % versus 7,5 %, HR 0,89 ; IC95 % : 0,78-1,01 ; p = 0,07). La réduction du nombre d’infarctus
cérébraux était elle aussi non significative (5,8 % versus 6,7 %, HR 0,87 ; IC95 % : 0,76-1,00). Il
n’y avait pas d’augmentation du risque hémorragique. Dans une analyse exploratoire prédéfinie
de SOCRATES, le ticagrelor a été comparé à l’aspirine chez des patients présentant un AIT ou
AIC mineur d’origine athéroscléreuse possible (sténose intra- ou extracrânienne < 50 % homo-
latérale à l’événement ischémique ou plaque d’athérosclérose 6 4 mm sans thrombus sur la
crosse de l’aorte) ou certaine (sténose intra- ou extracrânienne 6 50 % homolatérale à l’évé-
nement ischémique ou plaque d’athérosclérose 6 4 mm avec thrombus sur la crosse de l’aorte)
aux AIT d’origine non athéroscléreuse. Le risque d’AVC, IDM ou décès dans les 90 jours était
diminué de 32 % dans le groupe ticagrelor par rapport au groupe aspirine (respectivement 6,7 %
versus 9,6 %, HR 0,68 ; IC95 % : 0,53-0,88 ; p = 0,003) sans augmentation du risque hémorra-
gique [41].

L’étude POINT, dont le design est identique à celui de CHANCE mais qui inclut des patients en
Europe et aux États-Unis a été arrêtée prématurément cette année, et les résultats devraient
être connus courant 2018. Les inclusions dans l’étude THALES dont le design est similaire à
l’étude SOCRATES mais qui teste l’association aspririne-ticagrelor versus aspirine viennent de
commencer.

Pour la pratique, l’association aspirine-clopidogrel pendant 3 semaines pendant 90 jours, relayée


par un traitement classique (clopidogrel 75 mg/j, aspirine 75-325 mg/j ou aspirine 50 mg plus
dipyridamole 200 mg, 2 fois/j) semble une attitude raisonnable chez les patients présentant un
IC mineur ou un AIT à haut risque de récidive, surtout s’il existe une sténose artérielle athéros-
cléreuse symptomatique. Le ticagrelor à la phase aiguë de l’AIT n’a pas reçu l’autorisation de
mise sur le marché. Dans tous les cas, l’aspirine doit faire partie du traitement des 90 jours
suivant l’AIT, car une méta-analyse récente a montré que dans cette période, l’aspirine réduisait
le risque d’IC, du myocarde ou de décès de 40 %, et le risque d’AVC handicapant ou fatal de
30 % comparativement aux autres traitements antithrombotiques.

AIT cardioembolique
Pour les AIT secondaires à une fibrillation atriale non valvulaire, un traitement par anticoagulant
(antivitamine K visant un INR entre 2 et 3, apixaban, dabigatran ou rivaroxaban) doit être débuté
immédiatement. Les avantages et les risques de ces traitements sont traités dans un autre
chapitre. En cas de fibrillation auriculaire d’origine valvulaire, seul un traitement anticoagulant
par AVK doit être utilisé. En cas de suspicion de thrombus intracardiaque ou de thrombose de
valve un traitement par héparine non fractionnée doit être discuté en urgence avec un
cardiologue.

Endartérectomie carotide
En cas d’AIT ou d’IC mineur secondaire à une sténose de la carotide interne extracrânienne
d’origine athéroscléreuse 6 50 %, une endartérectomie doit être envisagée le plus tôt possible
dans les 15 jours suivant l’événement ischémique.

Prise en charge des facteurs de risque vasculaire


Les facteurs de risque vasculaires doivent être dépistés et traités comme pour tout IC. Les
modalités sont rapportées dans d’autres chapitres de ce livre.

/ 469
Partie 3 – Prévention

Éducation thérapeutique
L’AIT et son risque d’IC imminent restent très mal connus du grand public. La prise en charge
initiale doit comprendre un temps d’explication sur les mécanismes des symptômes, les causes
potentielles, les risques et les symptômes d’alerte qui doivent conduire le patient à appeler le
15 immédiatement.

La prise en charge des patients présentant une suspicion d’AIT est difficile. Les difficultés du
diagnostic et l’urgence de la prise en charge nécessitent, outre une consultation neurologique,
un plateau technique spécialisé comprenant au minimum une imagerie cérébrale, une imagerie
artérielle et un ECG. Une telle prise en charge ne peut se faire que dans une structure organisée
par des neurologues comme c’est le cas pour les infarctus cérébraux dans les unités neuro-
vasculaires. En 2007, deux études ont montré que ce type de structure, appelé clinique d’AIT,
permettait de diminuer le risque d’IC jusqu’à 80 % [2, 3]. Ce bénéfice a été bien mis en évidence
dans une méta-analyse réalisée sur 18 cohortes indépendantes et plus de 10 000 AIT. Dans
cette étude, le risque global d’IC à 7 jours était de 5,2 % (IC95 % : 3,9-6,5) mais ce risque était
hétérogène, variant de 0 à 12,8 % en fonction des études. Cette hétérogénéité était expliquée
par le type d’étude, le type de structure d’accueil et le traitement. Le risque le plus faible était
observé quand les patients étaient reçus en urgence, dans des unités spécialisées (0,9 %
[IC95 % : 0,0-1,9], 4 études) alors que le risque le plus élevé était observé dans les études en
population quand il n’y avait pas de prise en charge immédiate de ces patients (11 % [IC95 % :
8,6-13,5], 3 études) [4]. Plus récemment, ces résultats ont été confirmés dans un registre inter-
national incluant 4 789 patients présentant un AIT ou un IC mineur < 7 jours pris en charge
dans des cliniques d’AIT. Le risque d’IC à 2, 7 et 30 jours était respectivement de 1,5 ; 2,1 et
2,8 % [5].

L’hospitalisation systématique des patients ne semble pas nécessaire si les explorations sont
faites immédiatement et permettent de prendre une décision thérapeutique. Dans les deux études
montrant le bénéfice des cliniques d’AIT [2-3], seuls 25-30 % des patients évalués dans la clinique
d’AIT étaient hospitalisés. L’hospitalisation systématique des patients en milieu spécialisé, c’est-
à-dire en unité neurovasculaire, n’est pas réaliste puisqu’on estime le nombre d’AIT à
40-50 000/an en France. Elle prolonge la durée hospitalisation à 5 jours en moyenne, contre
moins de 1 jour lorsque l’admission n’est pas systématique pour les patients évalués dans une
clinique d’AIT. Elle peut être envisagée si le risque d’IC est particulièrement élevé, par exemple
s’il existe des IC sur l’IRM de diffusion [5], que le score ABCD2 est 6 6 [5], s’il existe une
pathologie sous-jacente à haut risque de récidive (ex. : thrombus intracardiaque, sténose athé-
roscléreuse extra- ou intracrânienne 6 70 %), si une fibrillation atriale paroxystique est forte-
ment suspectée (l’hospitalisation permet une surveillance télémétrique) ou si l’état du patient
ne permet pas une prise en charge ambulatoire (ex : démence, terrain fragile). Les modalités de
prise en charge des patients suspects d’AIT dans la clinique SOS-AIT est décrit dans la Figure 4 [2].

470 /
Prise en charge des accidents ischémiques transitoires

Sous son apparente bénignité, l’AIT est un signe d’alerte majeure de survenue imminente d’un
IC. Sa prise en charge en urgence par des neurologues dans des structures spécialisée est parti-
culièrement efficace puisqu’elle permet de diminuer de 80 % le risque d’IC grâce à la mise en
route immédiate d’un traitement adapté à la cause sous-jacente. Beaucoup reste à faire pour
améliorer la prise en charge des patients. L’éducation d’abord, à la fois des patients qui ne
connaissent pas ou peu les signes et les risques d’un AIT [41] mais aussi des médecins non
spécialistes, souvent en première ligne, qui sous-estiment souvent la gravité de ce signe d’alerte
[42]. Mais il faut également améliorer l’offre de soin qui reste limitée, notamment en France.

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Partie 3 – Prévention

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472 /

33

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent une cause majeure de handicap et de
mortalité chez la femme. Leur prévalence est en constante augmentation [1]. Les AVC de la
femme ont des particularités étiologiques, cliniques et évolutives, dépassant le cadre des diffé-
rences hormonales [2]. La prise de conscience de ces spécificités a conduit à la rédaction de
recommandations spécifiques de prise en charge des AVC de la femme [3].

L’incidence des AVC est globalement plus élevée de 34 % chez l’homme [4] et augmente avec
l’âge dans les deux sexes [5]. En France, de 1987 à 2012, 53,1 % des 4 614 premiers AVC de
tous types colligés dans le registre dijonnais des AVC étaient des femmes [6]. L’incidence était
plus faible chez la femme que chez l’homme (112 versus 166 pour 100 000/an ; p < 0,001), aussi
bien pour les infarctus cérébraux que pour les hémorragies cérébrales. L’analyse par groupes
d’âge confirmait une incidence plus faible chez la femme pour toutes les décennies entre 45 et
84 ans ; l’incidence était plus élevée chez la femme que chez l’homme avant 35 ans et ne différait
pas entre les sexes dans les tranches d’âge 35 à 44 ans et 85 ans ou plus [6]. De 1987 à 2012,
l’incidence des AVC est restée stable, sans modification de l’écart entre les sexes pour les infarctus
cérébraux comme pour les hémorragies cérébrales. Une augmentation discrète de l’incidence
des infarctus cérébraux a été observée dans les deux sexes. L’incidence des hémorragies sous-
arachnoïdiennes était initialement plus basse chez la femme, mais cette différence s’est estompée
avec le temps [6].

/ 475
Partie 4 – Aspects particuliers

La prévalence des AVC est en revanche plus élevée chez la femme du fait d’une espérance de
vie supérieure à celle de l’homme. Dans le registre dijonnais des AVC, la moyenne d’âge au
moment de la survenue de l’AVC était de 76,4 ± 15,4 ans chez les femmes, 71,4 ± 14,1 ans chez
les hommes [6]. Compte tenu de l’évolution prévisible de la démographie, une forte progression
du nombre d’AVC est donc à prévoir dans les années à venir, en particulier chez la femme
âgée [3].

La mortalité par AVC augmente avec l’âge et, du fait de leur longévité, plus de femmes que
d’hommes meurent d’AVC. Ainsi, en France en 2013, les AVC constituaient la première cause de
mortalité chez les femmes et la troisième chez les hommes [7]. Les taux de mortalité par AVC ont
cependant diminué dans les deux sexes entre 2000 et 2008. De 2008 à 2013, la mortalité a cessé
de diminuer chez les femmes de 45 à 64 ans et chez les personnes de plus de 85 ans, faisant
craindre un excès de décès supplémentaires chez les femmes âgées dans les décennies à venir [7].

Le pronostic des AVC est considéré comme plus défavorable chez la femme. La plus grande
sévérité du pronostic semble surtout liée à un âge de survenue plus élevé et une moins bonne
autonomie antérieure au moment de l’AVC [3]. L’étude INSTRUCT, méta-analyse portant sur le
pronostic de près de 17 000 AVC, a confirmé que le taux brut de décès était plus élevé chez les
femmes que chez les hommes à 1 an (RR 1,35, IC95 % : 1,24-1,47) et à 5 ans (RR 1,24 ; IC95 % :
1,12-1,38). Cependant, après ajustement sur l’âge, l’autonomie fonctionnelle antérieure, la sévé-
rité de l’AVC et la présence d’une fibrillation atriale, ces différences s’inversaient (RR à 1 an
0,81 ; IC95 % : 0,72-0,92 et à 5 ans 0,76 ; IC95 % : 0,65-0,89) [8]. Ces données sont similaires,
quels que soient la période et le pays considérés. Concernant le pronostic fonctionnel, les résul-
tats de la cohorte OXVASC, portant sur 2 552 AIT ou AVC (dont 50,6 % de femmes), vont dans
le même sens [9]. Le pronostic fonctionnel à 5 ans était comparable chez l’homme et chez la
femme lorsqu’il était ajusté à l’âge et l’état d’autonomie antérieur à l’AVC.

La fibrillation atriale est un facteur de pronostic péjoratif des AVC, à la fois sur le plan vital et
fonctionnel dans les deux sexes ; son impact sur le risque de décès et la sévérité du handicap
est significativement plus important chez la femme, indépendamment des autres facteurs pro-
nostiques [10]. L’hypothèse d’un moindre recours aux anticoagulants chez la femme, en parti-
culier âgée, a été évoquée (voir plus bas) [11].

Le sexe ne semble pas être un facteur prédictif de survenue de dépression post-AVC malgré
quelques controverses [12]. Le taux de dépression de novo après un infarctus cérébral était de
21,4 % dans les 5 ans suivant un AVC parmi 1 424 femmes ménopausées de la cohorte WHI
[13]. Un risque plus élevé de fractures liées aux chutes lors de la rééducation post-AVC a été
mis en évidence chez la femme à partir de 65 ans (HR 1,62, IC95 % : 1,21-2,17, p = 0,001), il
s’agit le plus souvent de fractures du col du fémur ou vertébrales [14]. L’impact d’un AVC sur
la sexualité est mal connu ; peu d’études s’y sont intéressées, et la part consacrée aux femmes
y est mineure. Une petite étude australienne souligne les conséquences potentielles d’un AVC
sur toutes les composantes de la sexualité féminine [15].

476 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

Le bénéfice de la prise en charge en urgence en unité neurovasculaire est démontré, quels que
soient l’âge, le sexe ou le type d’AVC. Bien que la connaissance des symptômes de l’AVC soit
meilleure chez les femmes, les délais de prise en charge préhospitaliers et intrahospitaliers sont
plus longs que chez les hommes, tout au moins dans certaines études [1, 2]. Plusieurs études
suggèrent, en outre, une prise en charge à la phase aiguë de moins bonne qualité chez les
femmes, après prise en compte de l’âge, des facteurs de risque et des comorbidités [2, 16, 17].
Les différences les plus fréquemment constatées étaient une fréquence moins élevée de throm-
bolyses et des explorations (imagerie cérébrale, explorations artérielles ou cardiaques, recherche
de dyslipidémie).

L’impact du sexe sur l’efficacité et la tolérance de la thrombolyse IV a été débattu. L’étude VISTA
(Virtual International Stroke Trials Archive), portant sur les données des études randomisées de
thrombolyse IV, n’a pas montré de différence d’efficacité ou de tolérance entre les sexes [18].
Les données disponibles concernant l’efficacité de la thrombectomie mécanique ne permettent
pas d’analyse comparative en fonction du sexe [19]. On peut souligner que la représentation
féminine était faible dans les essais cliniques, même les plus récents.

Traitement antiplaquettaire
L’étude WHS a comparé un traitement par aspirine à la dose de 100 mg 1 jour sur 2 à un placebo
chez 39 876 femmes sans antécédent vasculaire âgées de 45 ans ou plus, suivies en moyenne
pendant 10 ans [20]. Il n’y avait pas de réduction significative du risque d’événement vasculaire
majeur (infarctus du myocarde non fatal, AVC ou décès cardiovasculaire). En revanche il existait
une réduction de 24 % du risque d’infarctus cérébral (RR 0,76 ; IC95 % 0,63-0,93). Le bénéfice
était atténué par une augmentation non significative du risque d’hémorragie cérébrale (RR 1,24 ;
IC95 % : 0,82-1,87) et une augmentation du risque d’hémorragie gastro-intestinale nécessitant
une transfusion (RR 1,40 ; IC95 % : 1,07-1,83 ; p = 0,02). Au total, il existait une réduction de
17 % du risque d’AVC (RR 0,83 ; IC95 % : 0,69-0,99 ; p = 0,04). Le bénéfice le plus net concernait
les femmes de plus de 65 ans, chez qui la réduction du risque d’événement vasculaire majeur
était de 26 % (RR 0,74 ; IC95 % : 0,59-0,92 ; p = 0,008), incluant une réduction de 30 % du
risque d’infarctus cérébral.

Une revue systématique récente de l’US Preventive Services Task Force (USPSTF), portant sur 11
essais randomisés, a montré que l’aspirine en prévention primaire réduisait le risque d’infarctus
du myocarde non fatal et la mortalité toutes causes confondues, mais pas le risque d’AVC non
fatal ou la mortalité cardiovasculaire. L’analyse des 8 essais ayant testé une dose faible d’aspirine
(^ 100 mg/j) a montré une réduction du risque d’AVC non fatal, en dépit d’une discrète aug-
mentation du risque d’AVC hémorragique [21]. Les recommandations de l’USPSTF varient en
fonction de l’âge et du niveau de risque vasculaire, mais ne sont pas différenciées en fonction
du sexe (voir chapitre « Traitements antiplaquettaires »).

En prévention secondaire, il n’a pas été mis en évidence de différence d’efficacité des anti-
plaquettaires selon le sexe. Pourtant, les traitements de prévention secondaire restent souvent

/ 477
Partie 4 – Aspects particuliers

moins prescrits, chez la femme, en particulier âgée, y compris à la sortie de l’hôpital au décours
d’un infarctus cérébral, comme l’attestent les données issues de certains registres hospitaliers
(canadien, suédois ou écossais en particulier) [22].

Revascularisation carotide
Le bénéfice de la chirurgie des sténoses carotides athéroscléreuses est plus important chez
l’homme que chez la femme, qu’il s’agisse de sténoses symptomatiques ou asymptomatiques.
Cette différence est probablement liée à un risque de complications périopératoires plus élevé
du fait de différences anatomiques (artère carotide interne de plus petit calibre) et de particu-
larités de la plaque carotide chez la femme [23]. Pour autant, le sexe ne doit pas être considéré
comme un élément déterminant pour retenir ou non l’indication d’une revascularisation carotide
[3], qui repose avant tout sur la nature symptomatique ou asymptomatique de la sténose et,
notamment pour les sténoses asymptomatiques, sur l’existence de marqueurs de haut risque
d’infarctus cérébral ipsilatéral et l’espérance de vie du patient. Lorsqu’une décision de revascu-
larisation carotide chirurgicale est prise, le patient est opéré précocement, dans les 15 premiers
jours suivant l’événement qualifiant, si ce dernier est un accident ischémique transitoire ou un
infarctus cérébral peu sévère (Rankin ^ 2) [24].

Les femmes victimes d’un AVC sont plus âgées que les hommes lors de sa survenue (4 ans en
moyenne) [2]. Les explications avancées sont l’espérance de vie plus élevée chez la femme et
l’augmentation de l’incidence des AVC avec l’âge. Certains d’entre eux sont plus fréquents ou
ont un impact plus important chez la femme.

Hypertension artérielle
L’hypertension artérielle (HTA) est le facteur de risque d’AVC modifiable le plus fréquent dans
les deux sexes et celui ayant le risque attribuable le plus élevé. La prévalence de l’HTA est plus
faible chez la femme que chez l’homme avant 45 ans, puis elle s’inverse progressivement pour
devenir plus élevée chez la femme ménopausée après 55 ans. Toutes les études de prévention
primaire et secondaire, ainsi qu’une méta-analyse récente portant sur 31 essais randomisés [25],
ont montré que l’abaissement de la pression artérielle diminuait dans les mêmes proportions le
risque d’AVC quels que soient le sexe et l’âge. Les recommandations concernant le dépistage et
le traitement de l’HTA sont donc les mêmes dans les deux sexes [3]. Pourtant, l’HTA est fré-
quemment mal contrôlée chez femmes les plus âgées : 23 % seulement des femmes de plus de
80 ans ont une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg versus 38 % chez les hommes de
même âge [26].

Fibrillation atriale
L’incidence ajustée à l’âge de la fibrillation atriale, est plus faible chez la femme que chez l’homme
mais sa prévalence augmente significativement avec l’âge [27]. Compte-tenu de l’espérance de

478 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

vie plus élevée chez la femme, après 75 ans, 60 % environ des patients souffrant de fibrillation
atriale sont des femmes.

Le risque annuel d’infarctus cérébral lié à la fibrillation atriale augmente avec l’âge, allant de
1,5 % entre 50 et 59 ans à près de 25 % après 80 ans [27]. Les femmes ayant une fibrillation
atriale et des facteurs de risque additionnels ont un risque d’AVC plus élevé que les hommes [27].
L’explication de ce surcroît de risque d’AVC n’est pas univoque : l’utilisation moins systématique
des traitements anticoagulants, qu’il s’agisse d’antivitamine K ou d’anticoagulants oraux directs,
chez la femme pourrait y contribuer [3, 27]. Cependant, le surrisque semble persister même en
cas de traitement anticoagulant par warfarine [27]. Le sexe féminin fait partie des critères du
score CHA2DS2-VASc dont l’usage est recommandé pour estimer le risque embolique et déter-
miner le recours à un traitement anticoagulant. Toutefois, le sexe féminin ne semble pas aug-
menter le risque d’infarctus cérébral de façon suffisante pour justifier, à lui seul, en l’absence
d’autre facteur de risque vasculaire, la mise en route d’un traitement anticoagulant au long
cours. Ainsi, les dernières recommandations européennes préconisent d’instaurer un traitement
anticoagulant chez la femme à partir d’un score CHA2DS2-VASc de 3 (classe I, niveau A) ou de
2 (classe IIa, niveau B) en prenant en compte les caractéristiques individuelles et les préférences
du patient [27].

Lorsqu’un traitement anticoagulant est débuté, les anticoagulants oraux directs, en l’absence de
contre-indication, sont recommandés, selon les recommandations de la Société européenne de
cardiologie, de préférence aux AVK, sans différence selon le sexe ; les essais cliniques randomisés
n’ayant pas montré de différence d’efficacité ou de tolérance entre l’homme et la femme [3].
L’évaluation de la fonction rénale doit être réalisée chez les sujets âgés au minimum 3 fois par
an, et en cas de situation à risque de déshydratation, en particulier en cas de petit poids (moins
de 50 kg), car le risque de surdosage est accru [28].

Autres facteurs de risque


L’obésité abdominale est fréquente chez les femmes ménopausées ; sa fréquence augmente aussi
chez les femmes préménopausées [3]. Plusieurs études ont démontré une augmentation graduelle
du risque d’AVC avec l’augmentation du périmètre abdominal. Le risque d’AVC lié à l’obésité
abdominale et au syndrome métabolique est plus élevé chez la femme que chez l’homme [2].
Le tabagisme féminin est en expansion ; sa fréquence devenant proche de celle observée chez
l’homme [1-3]. Il potentialise le rôle d’autres facteurs de risque vasculaire comme la contracep-
tion œstroprogestative et la migraine avec aura. En cas de diabète, le risque d’AVC est un peu
plus élevé chez la femme que chez l’homme [2]. Le risque d’AVC chez les patients déprimés
semble un peu plus élevé chez la femme que chez l’homme [18].

Les recommandations concernant l’hygiène de vie sont les mêmes dans les 2 sexes : activité
physique régulière, consommation modérée d’alcool, absence de tabac, maîtrise du poids et de
l’alimentation [3].

La migraine est une céphalée primaire affectant 15 à 20 % de la population ; elle est 3 à 4 fois
plus fréquente chez la femme que l’homme [29]. Le risque d’AVC est multiplié par deux environ
par la migraine avec aura ; une seule étude a rapporté une augmentation du risque pour la
migraine sans aura [30]. Le surrisque concerne plus particulièrement les femmes de moins de

/ 479
Partie 4 – Aspects particuliers

45 ans. Le risque d’infarctus cérébral est multiplié par 9 si la migraine avec aura est associée à
un tabagisme et par 7 si elle est associée à une contraception œstroprogestative [31]. Le risque
absolu d’infarctus cérébral demeure cependant faible chez la femme jeune migraineuse. Ainsi,
dans la cohorte Women’s Health Study (WHS), la migraine avec aura n’était responsable que de
4 infarctus cérébraux additionnels pour 10 000 femmes par an [29].

Les mécanismes expliquant l’association migraine et événements vasculaires ont initialement été
centrés sur le risque d’infarctus migraineux qui repose sur les critères diagnostics rigoureux de la
classification internationale des céphalées. Les liens entre migraine et infarctus cérébral sont
aujourd’hui jugés beaucoup plus complexes [29]. De nombreuses hypothèses ont été évoquées parmi
lesquelles figurent l’hypercoagulabilité, la dysfonction endothéliale, l’augmentation du risque de
dissection artérielle, l’association à une prévalence élevée de facteurs de risque vasculaire classiques
et l’inflammation. Les migraineux pourraient aussi avoir une sensibilité accrue à l’ischémie aiguë
[32]. L’ensemble de ces connaissances a conduit aux recommandations suivantes en prévention
primaire [3] : arrêt du tabac et contre-indication aux œstrogènes en cas de migraine avec aura,
dépistage et prise en charge précoce des facteurs de risque vasculaire. Bien que la fréquence des
crises de migraines ait été identifiée comme facteur de risque d’infarctus cérébral, l’instauration
d’un traitement de fond antimigraineux ou d’un traitement antiplaquettaire n’a pas fait la preuve
d’un impact sur une réduction du risque vasculaire.

La plupart des études ont conclu à une augmentation du risque vasculaire cérébral chez les
femmes utilisant des contraceptifs oraux, le risque dépendant de la dose d’éthynilestradiol. Dans
la méta-analyse la plus récente, réalisée en 2015, portant sur 3 études de cohorte et 15 études
cas-témoins, le risque relatif d’un premier infarctus cérébral chez les utilisatrices actives de
contraception orale était de 2,47 (IC95 % : 2,04-2,99), comparativement aux non utilisatrices Le
risque diminuait en fonction de la dose d’éthynileestradiol utilisée : 6 50 μg (OR 3,28 ; IC95 % :
2,49-3,32) ; 30-40 μg (OR 1,75 ; IC95 % : 1,61-1,89) ; 20 μg (OR 1,56 ; IC95 % : 1,36-1,79). Le
risque d’infarctus cérébral était augmenté quel que soit le progestatif utilisé pour les pilules
œstroprogestatives. En revanche, il n’y avait d’augmentation significative de risque pour les
pilules progestatives pures (OR 0,99 ; IC95 % : 0,71-1,37) [33]. Une étude danoise, portant sur
une cohorte d’environ 1,6 millions de femmes suivies de 1995 à 2009, a montré que le risque
était aussi augmenté pour les anneaux vaginaux et la voie transdermique (RR d’infarctus cérébral
2,5 et 3,2 respectivement) [34].
Le risque absolu de thrombose artérielle chez les femmes utilisatrices de contraceptifs œstro-
progestatifs est cependant très faible (10 à 20 événements additionnels pour 100 000 femmes
par an) [34]. En revanche, le risque est notablement accru par la présence d’autres facteurs de
risque : HTA, tabagisme, diabète, migraine, en particulier avec aura, hypercholestérolémie, mais
aussi obésité et thrombophilie (Tableau I) [35].

Les données concernant le risque d’hémorragie cérébrale et sous-arachnoïdienne sont moins


nombreuses. Dans l’étude cas-témoins WHO, le risque d’hémorragie cérébrale et sous-
arachnoïdienne était discrètement augmenté dans les pays en voie de développement en cas de
contraception œstroprogestative active par rapport aux non-utilisatrices (OR 1,76 ; IC95 % :
1,34-2,30). Cet excès de risque ne concernait que les femmes de plus de 35 ans. Le risque était
en revanche accru dans tous les pays chez les femmes hypertendues et fumeuses. Le risque
d’hémorragie cérébrale ou sous-arachnoïdienne n’était pas modifié par une contraception
ancienne, la dose d’œstrogène ou le type de progestatif [36].

480 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

TABLEAU I ▼Facteurs majorant le risque d’AVC


en cas de contraception orale.
Type de contraceptif
Dose élevée d’œstrogènes

Facteurs de risques vasculaires


Hypertension artérielle
Hyperlipidémie
Obésité
Âge (< 35 ans)
Tabagisme
Migraine avec aura

Thrombophilies héréditaires
Facteur V Leiden
Prothrombine G20210A
MTHFR C677T
F13A1Tyr204Phe

Anticorps antiphospholipides

La contraception œstroprogestative multiplie globalement par 3 le risque d’événement thrombo-


embolique veineux, incluant les thromboses veineuses cérébrales. Le risque dépend de la dose
et du type de progestatif [37]. Pour des doses de 30 à 40 μg d’éthynilestradiol, le risque est
environ 2 fois plus élevé avec les pilules contenant un progestatif de 3e génération (désogestrel,
gestodène, norgestimate) ou de 4e génération (drospirénone) qu’avec celles contenant un pro-
gestatif de 2e génération (lévonorgestrel). Le risque est plus important lors des premiers mois
d’utilisation, mais persiste ensuite [3]. Les thrombophilies constitutionnelles majorent le risque
de thrombose veineuse associé à la contraception œstroprogestative (risque multiplié par 5 à
15 selon la thrombophilie). Le risque absolu est toutefois faible. La recherche systématique de
ces thrombophilies avant toute prescription d’une contraception œstroprogestative n’est pas
recommandée, en raison de leur faible prévalence [3]. Les études récentes ne montrent pas
d’augmentation du risque de thrombose veineuse liée à la contraception progestative seule par
voie orale, implant ou dispositif intra-utérin [37].

Au total, tous les contraceptifs œstroprogestatifs sont associés à une augmentation du risque d’acci-
dent thromboembolique artériel ou veineux. Le risque absolu reste faible mais est accru par l’asso-
ciation à d’autres facteurs de risque [3]. Selon les recommandations françaises, il est indispensable
de rechercher, avant leur prescription, des facteurs de risque thromboembolique personnels ou
familiaux [38]. Selon les mentions légales, la contraception œstroprogestative est contre-indiquée
en cas d’antécédent de thrombose veineuse ou artérielle, de thrombophilie constitutionnelle, d’HTA
sévère, de diabète compliqué d’une micro- ou d’une macro-angiopathie ou d’association de plusieurs
facteurs de risque. Du fait de leur moindre risque thromboembolique veineux pour une efficacité
comparable, les contraceptifs oraux de première ou deuxième génération doivent être préférés à
ceux de 3e génération [38]. Le rapport bénéfice/risque des contraceptifs œstroprogestatifs doit être
réévalué à partir de 35 ans. Enfin, les utilisatrices doivent être informées des signes évocateurs d’AVC
et les facteurs de risque vasculaire doivent être traités de façon optimale.

Les AVC gravido-puerpéraux sont heureusement rares mais potentiellement dramatiques par le
risque de handicap et de décès chez la mère et les conséquences éventuelles chez l’enfant. La
crainte d’effets délétères pour l’enfant, en particulier en période d’embryogenèse, de certains
examens complémentaires, en particulier radiologiques, et de certains médicaments, ne doit pas

/ 481
Partie 4 – Aspects particuliers

conduire à une attitude contemplative. Les femmes enceintes étant exclues des essais théra-
peutiques, il existe peu de données issues de la médecine basée sur des preuves. Des recom-
mandations existent néanmoins, aussi bien pour la prise en charge à la phase aiguë [39], que
pour la prévention secondaire [40].

La grossesse est classiquement considérée comme un facteur de risque d’AVC de tout type. Il
existe, en effet, pendant la grossesse des modifications physiologiques susceptibles d’augmenter
le risque d’événement vasculaire : état d’hypercoagulabilité, maximal à l’approche du terme [41],
augmentation du débit cardiaque et du volume sanguin total et modifications de structure de
la média artérielle [3].

Épidémiologie
On estime que le risque d’AVC est globalement multiplié par 3 au cours de la grossesse et du
post-partum par rapport à celui des femmes de même âge en dehors de la grossesse [42]. Il ne
paraît pas augmenté de façon notable pendant la grossesse elle-même, alors que la période du
post-partum est associée à un risque accru d’infarctus, d’hémorragie et de thrombose veineuse
cérébrale. Le risque semble maximal des 2 derniers jours de la grossesse au 1er jour du post-
partum [43]. À la différence de ce qui est observé en dehors de la grossesse, la fréquence des
hémorragies cérébrales est proche de celle des infarctus cérébraux.

Une augmentation du nombre d’hospitalisations pour AVC gravido-puerpéraux entre 1994 et 2007
a été constatée aux États-Unis, en particulier pour les AVC du post-partum, peut-être en partie
du fait d’une prévalence accrue des pathologies hypertensives ou cardiaques associées [44]. La
mortalité maternelle liée à AVC représenterait 5 à 10 % de la mortalité maternelle totale [45].

Facteurs de risque et causes des AVC


gravido-puerpéraux
Hormis les facteurs de risque vasculaire classiques, les principaux étant l’HTA et l’âge maternel,
des facteurs de risque « spécifiques » d’infarctus au cours de la grossesse ont été identifiés
(Tableau II).

TABLEAU II ▼
Facteurs de risque et pathologies associés aux AVC de la grossesse et du post-
partum [42].
Facteurs de risque non spécifiques Facteurs de risque « spécifiques »

Âge maternel supérieur à 35 ans Prééclampsie


HTA HTA gravidique
Tabac Parité
Diabète Grossesse multiple
Migraine Hémorragie du post-partum
Race noire Infection du post-partum
Cardiopathies Transfusions
Drépanocytose Troubles hydro-électrolytiques
Lupus érythémateux disséminé Césarienne
Thrombophilie

Le diagnostic étiologique est une étape indispensable à une prise en charge thérapeutique
adaptée. L’imagerie cérébrale est indispensable pour affirmer le diagnostic d’AVC et préciser son
type. Tous les examens sont possibles quel que soit le stade de la grossesse, y compris ceux

482 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

utilisant les rayons X s’ils sont jugés indispensables (angiographie cérébrale dans le bilan d’une
malformation vasculaire par exemple). L’IRM couplée à l’ARM est dans la plupart des cas l’examen
de choix au cours de la grossesse.

Causes spécifiques de la grossesse


La prééclampsie (HTA, protéinurie après 20 semaines de grossesse) et l’éclampsie (HTA, protéi-
nurie, crises épileptiques) se compliquent d’un AVC dans 1 % des cas seulement, mais elles sont
les causes les plus fréquentes d’infarctus et d’hémorragie cérébrales au cours de la grossesse
[46, 47]. Des déficits focaux d’apparition brutale sont fréquemment observés au cours de
l’éclampsie, associés aux signes classiques que sont les céphalées, les crises épileptiques et les
troubles visuels. Face à ces déficits focaux, l’IRM avec séquences de diffusion, permet de diffé-
rencier les infarctus cérébraux, pouvant compliquer une éclampsie, des lésions d’encéphalopathie
postérieure réversible beaucoup plus fréquemment observées (hypersignaux en FLAIR et T2 à
l’IRM, bilatéraux et symétriques, à prédominance postérieure, touchant le cortex et la substance
blanche sous-corticale, en rapport avec un œdème vasogénique). Cette distinction est essentielle
pour la prise en charge thérapeutique, en particulier le contrôle de la pression artérielle. Des
hémorragies intracrâniennes de sévérité variable sont plus rares, souvent associées à un pronostic
maternel et fœtal défavorable.
La prise en charge de la prééclampsie repose sur un contrôle rapide et strict de la pression
artérielle, associé à l’administration de sulfate de magnésium en prévention ou en traitement
des crises épileptiques [48], et sur la mise en œuvre, dès que possible, de l’accouchement. Les
modalités (voie basse ou césarienne) et la date de l’accouchement étant décidées en fonction
de la gravité clinique et du terme, par les obstétriciens. Les molécules utilisées dans le traitement
de l’HTA au cours de la grossesse sont le labétalol, la nifédipine, l’hydralazine et la méthyldopa.
L’aténolol et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine sont contre-indiqués [3].

Plusieurs études de cohorte ont mis en évidence une augmentation à long terme de la morbidité
cardio- et cérébrovasculaire chez les femmes ayant un antécédent d’éclampsie [3]. Un suivi à
long terme de ces patientes et la mise en œuvre de mesures de prévention est donc nécessaire.

Un syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible peut survenir dans le post-partum (ancien-


nement appelé angiopathie du post-partum), le plus souvent au cours de la première semaine,
après une grossesse normale. Son incidence est mal connue. Dans 2 séries récentes de 67 et
139 cas de syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible, 8 % et 9 % des cas respectivement
étaient survenus en post-partum [49, 50]. La prise de médicaments vasoconstricteurs (ocyto-
ciques, bromocriptine, sympathomimétiques) est fréquente et doit être recherchée. Le diagnostic
doit être évoqué devant toute céphalée aiguë du post-partum, typiquement en coup de tonnerre
et récidivante. Il repose sur la mise en évidence à l’imagerie artérielle (doppler transcrânien,
ARM, angiographie conventionnelle en cas de doute) de spasmes des artères cérébrales, de moyen,
parfois de gros calibre, réversibles en quelques semaines, 3 mois au maximum. Le traitement du
syndrome de vasconstriction cérébrale réversible associe, outre le traitement symptomatique
des céphalées, l’arrêt des médicaments vasoconstricteurs et le contrôle de la pression artérielle.
Le traitement par nimodipine par voie intraveineuse est souvent efficace sur les céphalées ; un
relais per os est habituellement pris après quelques jours. Les doses et le schéma thérapeutique
sont ceux utilisés dans la prévention des spasmes au cours des hémorragies sous-arachnoïdiennes
[48]. Son efficacité n’a toutefois pas été démontrée dans le syndrome de vasoconstriction céré-
brale réversible ; il n’empêche pas toujours l’aggravation clinique. Des traitements par nimodipine
par voie intra-artérielle ont été rapportés dans quelques cas graves échappant aux traitements
habituels [51].

/ 483
Partie 4 – Aspects particuliers

Les autres causes spécifiques de la grossesse sont beaucoup plus rares. La cardiomyopathie du
péripartum est caractérisée par l’apparition de signes d’insuffisance cardiaque gauche pendant
le dernier mois de la grossesse ou dans les 5 premiers mois du post-partum, en l’absence de
cardiopathie préexistante. Le volume cardiaque revient à la normale dans plus de la moitié des
cas dans les 6 mois suivant l’accouchement, mais des récidives sont possibles lors de grossesses
ultérieures. Sa pathogénie est mal connue. La fréquence des embolies systémiques a été estimée
entre 25 et 40 % ; celle des infarctus cérébraux, parfois révélateurs, à environ 5 %. La prise en
charge se fait en unité de soins intensifs cardiologiques et doit être multidisciplinaire si la cardio-
pathie débute avant l’accouchement. Elle repose sur le traitement de l’insuffisance cardiaque ;
les inhibiteurs du système rénine-angiotensine sont contre-indiqués pendant la grossesse. Un
traitement anticoagulant est recommandé lorsqu’il existe un thrombus intracardiaque, ou en cas
d’embolie systémique [52].

L’embolie amniotique peut survenir durant le travail ou au décours immédiat d’une grossesse
ou d’un avortement. Elle est plus fréquente chez les multipares âgées de plus de 30 ans, après
un travail prolongé, en cas de déchirure vaginale ou cervicale. Le tableau habituel comporte une
dyspnée brutale avec cyanose, choc, parfois des convulsions liées à une hypoxie sévère. Des
troubles de l’hémostase (coagulation intravasculaire disséminée) sont fréquents. Des signes
neurologiques focaux dus à une hypoperfusion cérébrale ou à une embolie amniotique gagnant
la circulation cérébrale sont possibles. Le diagnostic est difficile, même à l’autopsie. La prise en
charge est essentiellement symptomatique, axée sur le contrôle des défaillances d’organe res-
ponsables de la mortalité [48].

Le choriocarcinome est une tumeur d’origine trophoblastique. Elle est rare dans les pays occi-
dentaux. Des métastases cérébrales surviennent dans environ 1 cas sur 5. L’envahissement de la
paroi vasculaire par le tissu trophoblastique et la survenue d’embolies tumorales peuvent
entraîner des infarctus cérébraux, précédant parfois de plusieurs mois la survenue d’un syndrome
tumoral. Le traitement repose sur la chimiothérapie [48].

Causes non spécifiques de la grossesse


La plupart des causes d’infarctus cérébral de l’adulte jeune ont été décrites au cours de l’état
gravido-puerpéral, telles que les cardiopathies, les dissections, les coagulopathies, les angéites.
La grossesse augmente le risque de thrombose veineuse profonde mais la fréquence des embolies
paradoxales via un foramen ovale perméable est inconnue. Dans 20 à 40 % des cas, la cause de
l’infarctus reste incertaine, et on ne sait pas dans quelle mesure l’état gravido-puerpéral a joué
un rôle dans la survenue de l’AVC [46, 53].

Prise en charge de l’infarctus cérébral aigu


La prise en charge d’un infarctus cérébral aigu au cours de la grossesse doit se faire en urgence,
au mieux en unité neurovasculaire, en lien avec les obstétriciens. Les données concernant l’uti-
lisation de la thrombolyse intraveineuse ou de la thrombectomie mécanique sont limitées à
quelques séries de cas. Il n’a pas été montré de tératogénicité ou de fœtotoxicité chez l’animal
à des doses d’1 mg/kg. Les risques principaux sont liés aux risques hémorragiques maternels et
fœtaux [39, 54]. Les données sont trop limitées pour chiffrer le risque fœtal ; quelques avorte-
ments spontanés ont été rapportés, aussi bien que des évolutions fœtales normales [39, 54].
Dans le registre américain « Get with the guidelines », portant sur près de 25 000 femmes ayant
un infarctus cérébral aigu, un traitement de revascularisation a été aussi souvent entrepris, qu’il
y ait ou non une grossesse (11,8 % versus 10,5 % ; p = 0,42), mais il s’agissait plus souvent d’une

484 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

thrombectomie seule. Les femmes enceintes (n = 338) recevaient moins fréquemment de l’acti-
lyse (4,4 %) que les femmes en dehors de la grossesse (n = 24,641) [7,9 % ; p = 0,003), malgré
un déficit plus sévère. Il n’a pas été mis en évidence d’augmentation du risque d’hémorragie
systémique. Il n’y avait pas de données concernant le pronostic fœtal. Une augmentation non
significative du risque d’hémorragie cérébrale symptomatique a été observée chez les femmes
enceintes ou en post-partum traitées par actilyse. Le taux de décès durant l’hospitalisation, de
retour à domicile et de marche indépendante à la sortie était comparable chez les patientes
ayant bénéficié d’un traitement de revascularisation qu’elles soient enceintes ou non [55].

La grossesse était considérée comme une contre-indication relative à la thrombolyse dans les
recommandations américaines jusqu’en 2013 [39]. Les recommandations, modifiées en 2016,
indiquent que le risque hémorragique maternel doit être mis en balance avec le bénéfice maternel
en cas d’infarctus modéré ou sévère. La thrombectomie semble une alternative préférable à la
thrombolyse intraveineuse en cas de risque hémorragique maternel élevé [39]. En pratique, le
traitement de revascularisation ne doit donc pas être récusé uniquement du fait de la grossesse,
si les autres critères sont par ailleurs réunis. L’indication et les modalités (thrombolyse intra-
veineuse seule et/ou thrombectomie mécanique) doit être portée au cas par cas, après infor-
mation de la patiente [2, 3].

La prise en charge de l’infarctus cérébral aigu est par ailleurs similaire à celle mise en œuvre en
dehors de la grossesse. Le monitoring de la pression artérielle doit être particulièrement soigneux
pour éviter les modifications hémodynamiques potentiellement délétères sur le fœtus.

En prévention secondaire, le traitement antithrombotique le plus souvent proposé en cas de


risque thromboembolique faible ou modéré est l’aspirine. Après le 1er trimestre, l’aspirine peut
être utilisée à dose faible (50 à 150 mg par jour) sans effet délétère sur la mère, le fœtus ou le
nouveau-né, les doses plus élevées étant contre-indiquées. La prise d’aspirine n’augmente ni la
fréquence ni la sévérité des hémorragies du post-partum et ne contre-indique pas le recours à
une analgésie péridurale [56]. Il persiste des incertitudes quant à son risque tératogène pendant
le premier trimestre. Certaines études cas-témoins, mais pas toutes, ont conclu à un risque accru
de gastrochisis et d’anophtalmie/microphtalmie. Son utilisation pendant la période d’organo-
genèse reste donc discutée. Il n’y a pas de données disponibles sur le risque des autres anti-
plaquettaires chez l’homme. Pour ces raisons, les recommandations américaines considèrent
comme acceptables pendant le premier trimestre, dans une situation où le traitement en dehors
de la grossesse serait l’aspirine, l’héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire, l’aspirine
à faible dose (^ 150 mg/24 h), ou encore l’abstention thérapeutique [56]. En pratique clinique,
dans cette situation, l’aspirine à faible dose est le traitement le plus largement prescrit [57]. En
cas de situation à haut risque qui justifierait une anticoagulation à dose curative en dehors de
la grossesse (ex. : cardiopathies emboligènes majeures), les héparines de bas poids moléculaire
sont considérées comme le traitement de choix car elles ne traversent pas la barrière hémato-
placentaire, sont plus faciles à utiliser que l’héparine non fractionnée et ont un risque moindre
de thrombopénie. Les AVK sont tératogènes et réservées à des indications d’exception (valves
mécaniques, par exemple, pour lesquelles le risque thromboembolique pourrait être plus élevé
sous héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire [40]). Le risque d’embryo-
pathie est maximal entre la 6e semaine de grossesse et la fin du premier trimestre. Il n’y a pas
de données sur les anticoagulants oraux directs qui doivent être interrompus pendant la gros-
sesse. Trois schémas thérapeutiques sont possibles : a) héparine de bas poids moléculaire en
2 injections par jour pendant toute la grossesse, la dose étant ajustée à l’activité anti-Xa recom-
mandée, mesurée 4 h après l’injection ; b) héparine non fractionnée sous-cutanée toutes les 12 h,
la dose étant ajustée pour obtenir un TCA 6 2 fois le témoin ou un activité anti-Xa entre 0,35
et 0,7 UI/mL ; ou c) héparine NF ou héparine de bas poids moléculaire comme ci-dessus jusqu’à
la 13e semaine, suivie d’un relais par AVK ; reprise de l’héparine à l’approche du terme. Il est
recommandé d’arrêter le traitement par héparine de bas poids moléculaire à dose hypocoagulante

/ 485
Partie 4 – Aspects particuliers

au moins 24 h avant le début du travail ou la césarienne [56]. Le traitement anticoagulant par


héparine non fractionnée, héparine de bas poids moléculaire ou AVK peut être repris 24 h après
l’accouchement, en l’absence de contre-indications.

Les héparines de bas poids moléculaire et la warfarine sont compatibles avec l’allaitement
maternel [58]. Le lait de mères traitées par coumadine ne contient pas de taux détectable de
coumadine et aucun effet anticoagulant n’a été observé chez les enfants. L’innocuité des autres
AVK est moins claire. L’héparine non fractionnée ne passe pas dans le lait ; les héparines de bas
poids moléculaire sont détectables à des taux très faibles, mais la biodisponibilité de l’héparine
par voie orale est trop faible pour qu’elle ait un effet clinique chez l’enfant. L’aspirine à forte
dose ne paraît pas compatible avec l’allaitement (risque d’acidose métabolique, de saignement
et de syndrome de Reye) mais l’aspirine à faible dose peut être utilisée [40, 56].

Thromboses veineuses cérébrales


La majorité des thromboses veineuses cérébrales (TVC) gravido-puerpérales survient dans le
post-partum, au décours d’accouchements normaux, tout au moins dans les pays occidentaux.
Les thromboses veineuses cérébrales de la grossesse sont plus rares et peuvent survenir à
n’importe quel trimestre. Le rôle direct de l’état gravido-puerpéral dans la survenue des throm-
boses veineuses cérébrales est bien établi [59, 60], mais un bilan d’hémostase à la recherche
d’une thrombophilie est conseillé, à distance de la grossesse.

En cas de thrombose veineuse cérébrale survenant pendant la grossesse, un traitement par


héparine de bas poids moléculaire à dose curative, est indiqué pendant toute la grossesse, et
poursuivi pendant au moins les 6 premières semaines du post-partum, avec relais éventuel par
des AVK (INR cible entre 2 et 3), pour une durée minimum de 6 mois [3]. Le traitement des
thromboses veineuses du post-partum est le même que le traitement en dehors de la grossesse.

Hémorragies intracrâniennes
La principale cause des hémorragies sous-arachnoïdiennes au cours de la grossesse est la rupture
d’une malformation vasculaire, en particulier d’un anévrisme artériel. Les données concernant
les hémorragies cérébrales sont limitées [45, 61-64] ; les causes sont dominées par les ruptures
de malformation vasculaire, en particulier artérioveineuses, l’éclampsie, l’HTA et les troubles de
coagulation. La fréquence relative des causes plus rares telles que les angéites, la toxicomanie,
le syndrome de Moya-Moya n’est pas connue. Le rôle favorisant de la grossesse sur la rupture
d’une malformation vasculaire reste controversé [16, 65]. Comme pour les infarctus cérébraux,
la prise en charge doit se faire en milieu spécialisé, neuroréanimation et unité neurovasculaire,
et comporte, outre les mesures symptomatiques, un contrôle strict de la pression artérielle. Les
décisions de traitement endovasculaire d’une malformation vasculaire rompue doit reposer sur
les mêmes critères neurologiques et neuroradiologiques qu’en dehors de la grossesse. La nimo-
dipine est à éviter du fait d’un possible risque tératogène [48].

Quel que soit le type d’AVC, les modalités d’accouchement doivent reposer sur des critères
obstétricaux ; il n’a pas été montré de bénéfice d’une césarienne systématique [40].

486 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

Grossesse chez une femme ayant un antécédent d’AVC


Le risque de récidive au cours de grossesses ultérieures n’est pas connu avec précision. Au cours
d’une étude multicentrique française [66] portant sur les données de 441 femmes ayant un
antécédent d’accident cérébral ischémique, suivies dans 9 centres français, 187 grossesses ont
été observées. Treize récidives d’AVC sont survenues dont 2 seulement au cours d’une grossesse.
Le risque de récidive d’infarctus cérébral n’était pas augmenté pendant la grossesse elle-même,
la période du post-partum était en revanche associée à un risque accru de récidive [RR 9,7 ;
IC95 % : 1,2-78,9). La période du post-partum semble être ainsi la période la plus à risque qu’il
s’agisse d’un premier AVC ou d’une récidive. Les seules récidives observées étaient liées à une
cause définie d’infarctus. De même, le risque de récidive de TVC au cours de grossesses ulté-
rieures paraît faible [3]. Dans une revue systématique portant sur 9 études dont l’étude
ISCVT2-pregnancy, le taux de récidive de TVC était de 7 pour 1 000 grossesses (IC95 % : -6-19).
L’analyse stratifiée en fonction du traitement antithrombotique préventif n’était pas significative,
mais il existait une tendance en faveur d’un bénéfice possible du traitement préventif.
Un antécédent d’infarctus cérébral ou de TVC n’est donc pas une contre-indication de principe
à une grossesse ultérieure. La décision doit être prise au cas par cas après information de la
patiente des risques et des incertitudes [40].

Hyperstimulation ovarienne
La survenue de thromboses veineuses ou artérielles est possible au cours de procédures d’assis-
tance médicale à la procréation. Leur incidence est mal connue.

Les thromboses veineuses représentent environ 2/3 des cas publiés. Des thromboses veineuses
cérébrales ont été rapportées, elles peuvent survenir pendant le processus d’assistance médicale
à la procréation, ou plus tard, en début de grossesse. Une thrombophilie biologique a été détectée
dans environ 30 % des cas où elle a été recherchée.

Les thromboses artérielles sont rares ; une cinquantaine de cas ont été publiés [67]. Il s’agissait
en majorité d’infarctus cérébraux, plus rarement d’infarctus du myocarde ou d’occlusion artérielle
des membres. Elles sont plus précoces que les thromboses veineuses, surviennent quelques jours
après le transfert d’embryon. Elles sont associées, dans près de 80 % des cas, à un syndrome
d’hyperstimulation ovarienne sévère, associant vomissements, diarrhée, oligurie, dyspnée, ascite
augmentation de taille des ovaires, hémoconcentration, anomalies biologiques hépatiques et,
dans les cas les plus graves, détresse respiratoire et insuffisance rénale aiguë, et à une grossesse
dans environ 40 % des cas [67].

Des facteurs de risque cliniques ou biologiques sont parfois présents (antécédents personnels ou
familiaux de thrombose, thrombophilies héréditaires, syndrome des antiphospholipides). La pré-
vention du syndrome d’hyperstimulation ovarienne sévère et la détection des femmes à risque
devraient permettre de limiter leur survenue [68]. Il n’y a pas de données disponibles sur le
risque d’une stimulation ovarienne en cas d’antécédent d’AVC [40]. Selon les recommandations
françaises, en cas d’antécédent personnel de thrombose artérielle ou veineuse, la décision doit
être prise après réunion de concertation multidisciplinaire ; en cas d’antécédent d’infarctus céré-
bral, l’assistance médicale à la procréation est fortement déconseillée [69].

/ 487
Partie 4 – Aspects particuliers

L’incidence des maladies cardiovasculaires est plus faible chez la femme non ménopausée que
chez l’homme alors qu’elle augmente rapidement après la ménopause, suggérant ainsi un rôle
protecteur des œstrogènes. En fait, il est difficile de faire la part du risque lié à l’âge et du risque
lié à la carence œstrogénique secondaire à la ménopause. Les principales conséquences de l’hypo-
œstrogénie de la ménopause sont les symptômes climatériques, l’ostéoporose et le syndrome
métabolique. Le rôle de la ménopause sur la pression artérielle est plus controversé. Un âge
précoce de survenue de la ménopause augmente le risque vasculaire. Dans une méta-analyse
portant sur 32 études observationnelles (310 329 femmes), un début de ménopause avant 45 ans
augmente le risque relatif de coronaropathie (RR 1,5 ; IC95 % : 1,28-1,76), d’AVC (RR 1,11 ;
1,03-1,20) et de mortalité cardiovasculaire (RR 1,19 ; IC95 % : 1,08-1,31) [2].

En 2003, environ 30 % des femmes françaises ménopausées avaient reçu un traitement hormonal
substitutif pendant au moins une année. En France, l’œstrogène majoritairement utilisé est le
17β estradiol, le plus souvent administré par voie transdermique. Cette voie, du fait de l’absence
de premier passage hépatique, abaisse moins le LDL cholestérol que les œstrogènes par voie
orale, mais n’élève pas le taux de triglycérides. Elle n’aurait en outre pas d’effet délétère sur la
coagulation, les taux de protéine C-réactive et la taille des particules LDL [70]. L’association à
un progestatif, nécessaire chez les femmes non hystérectomisées pour diminuer le risque de
cancer de l’endomètre, diminue l’effet bénéfique des œstrogènes sur le HDL-cholestérol, cet
effet étant toutefois variable en fonction du type de progestatif utilisé. La progestérone micro-
nisée, très utilisée en France, ne semble pas avoir d’effets métaboliques délétères.

Alors que les études observationnelles suggéraient un bénéfice de l’hormonothérapie substitutive


en prévention du risque coronaire, les études randomisées (Tableau III) ont montré que le trai-
tement hormonal substitutif œstroprogestatif (études WHI et HERS) ou par œstrogènes seuls
(étude WHI) est dépourvu d’effet protecteur sur la maladie coronaire ou cérébrovasculaire, aussi
bien en prévention primaire (étude WHI) qu’en prévention secondaire (études HERS et WEST).
Il semble, au contraire, exister une majoration du risque coronaire et cérébrovasculaire dans une
population n’ayant pas d’antécédent cardio- ou cérébrovasculaire. Une méta-analyse récente
[71], portant sur 28 essais randomisés et 39 769 patientes, a globalement confirmé ces résultats
en montrant une augmentation du risque d’AVC de 29 % (IC95 % : 1,13-1,47), liée à un risque
accru d’infarctus cérébral, le risque d’hémorragie cérébrale n’étant pas modifié par le traitement
TABLEAU III ▼ Risque d’AVC et traitement hormonal substitutif. Principaux essais randomisés.
Type Critères de jugement
Étude Nb femmes Âge moyen RR/HR (IC95 %)
de THS principaux

Infarctus cérébral RR 1,18 (0,83-1,67)


HERS 2 763 66,7 OCE/AMP AVC fatal RR 1,61 (0,73-3,55)
AVC non fatal RR 1,18 (0,83-1,66)

AVC ou décès RR 1,10 (0,80-1,40)


AVC non fatal RR 1,00 (0,70-1,40)
WEST 664 71 17β œstradiol
Infarctus cérébral RR 1,00 (0,60-1,40)
AVC fatal RR 2,90 (0,90-9,00)

Infarctus cérébral HR 1,44 (1,09-1,90)


WHI 16 608 68,3 OCE/AMP
AVC fatal HR 1,20 (0,58-2,50)

AVC HR 1,39 (1,10-1,77)


WHI 10 739 OCE AVC non fatal HR 1,39 (1,05-1,84)
AVC fatal HR 1,13 (0,54-2,34)
OCE : œstrogènes conjugués équins ; AMP : acétate de médroxyprogestérone ; RR : risque relatif ; HR : Hazard ratio.

488 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

hormonal substitutif. Ces résultats étaient homogènes quels que soient le type de traitement
hormonal substitutif (œstroprogestatif ou œstrogènes seuls) et la durée du suivi ou qu’il s’agisse
d’études de prévention primaire ou secondaire. Une durée prolongée du traitement hormonal
substitutif en continu est aussi associée à un risque d’AVC plus élevé. Ainsi, après 3 ans de
traitement hormonal substitutif, le risque d’AVC augmente de 6 à 12 pour 1 000 femmes trai-
tées ; après 7 ans d’utilisation, il augmente jusqu’à 25 à 40 pour 1 000 femmes traitées [2].

Un certain nombre de questions restent néanmoins posées.

Délai entre le début de la ménopause


et le traitement hormonal substitutif
Dans les études observationnelles, le traitement hormonal substitutif était généralement débuté
lors des premiers signes de ménopause, alors que l’âge moyen des femmes incluses dans les
essais cliniques randomisés était de 63 ans, soit plus de 10 ans après la ménopause. Cette dif-
férence suggère un effet du traitement hormonal substitutif sur le système vasculaire variable
en fonction de l’âge de début (the « timing hypothesis »). Le traitement hormonal substitutif
débuté tardivement après la ménopause semble plus délétère que bénéfique, mais l’hypothèse
d’un effet bénéfique chez des femmes plus jeunes, n’ayant pas ou peu de lésions athéroscléreuses,
reste envisageable. Une analyse secondaire de l’étude WHI a effectivement montré que chez les
femmes traitées moins de 10 ans après le début de la ménopause, le risque coronaire n’était pas
augmenté alors qu’il l’était lorsque le délai d’instauration du traitement hormonal substitutif
était supérieur à 20 ans [3]. En revanche, le risque d’AVC était augmenté par le traitement
hormonal substitutif, quel que soit le délai entre le traitement et la ménopause.

Les résultats de l’étude ELITE (Early versus Late Intervention Trial with Estradiol) comparant l’effet
d’un traitement hormonal substitutif œstrogénique par voie orale, donné précocement (^ 6 ans)
ou tardivement (6 10 ans) après la ménopause, montrent, comparativement au placebo, une
moindre progression des lésions d’athérosclérose chez les femmes traitées tôt alors que la pro-
gression était similaire dans l’étude KEEPS (Kronos Early Estrogen Prevention Study), étude compa-
rant un traitement par œstrogène par voie orale à faible dose ou par œstrogène par voie trans-
dermique au placebo, administré moins de 3 ans après le début de la ménopause chez des
femmes à faible risque vasculaire [3].

Influence des molécules et des doses utilisées


Il existe des différences notables entre les molécules utilisées aux États-Unis et en Europe, qu’il
s’agisse du type d’œstrogène (œstrogènes conjugués équins versus œstradiol), de progestatif,
des doses ou de la voie d’administration (orale versus transdermique). L’administration des œstro-
gènes par voie transdermique pourrait en effet limiter les effets pro-inflammatoires des œstro-
gènes par voie orale et pourrait diminuer le risque thrombotique aussi bien veineux qu’artériel.

Une étude cas-témoins française, l’étude ESTHER [72], suggère un moindre risque thrombo-
embolique veineux du le traitement hormonal substitutif par voie transdermique. Concernant le
risque artériel, deux études cas-témoins françaises ont montré que le risque d’infarctus cérébral
n’était pas augmenté chez les utilisatrices de traitement hormonal substitutif par voie trans-
dermique par rapport aux non-utilisatrices, contrairement au traitement hormonal substitutif
par voie orale. Dans la première étude, portant sur 15 710 cas d’AVC appariés à près de
60 000 témoins, le traitement par œstradiol transdermique à faible dose (^ 50 μg), seul ou
combiné, était comparé à un traitement transdermique à forte dose et à un traitement par voie

/ 489
Partie 4 – Aspects particuliers

orale. Un effet-dose était constaté ; le risque n’était pas augmenté pour les doses faibles d’œstra-
diol transdermique (^ 50 μg) comparativement aux non-utilisatrices, alors qu’il l’était pour les
doses supérieures [73]. La deuxième étude cas-témoin, portant sur 3 144 femmes, âgées de 51
à 62 ans, hospitalisées pour un infarctus cérébral, identifiées à partir d’une base nationale, a
montré que le type de progestérone associé aux œstrogènes était important. En effet, le risque
n’était pas augmenté pour le progestatif, les dérivés prégnane et nortestostérone, alors qu’il
l’était avec les dérivés norprégnane [74]. Les résultats d’une cohorte nationale danoise sont
également concordants. Dans cette cohorte, 36 % des 980 003 femmes, âgées de 51 à 70 ans,
utilisaient un traitement hormonal substitutif. Seul le traitement hormonal substitutif par voie
orale, augmentait le risque d’AVC de 29 %, de façon comparable à ce qui était observé dans les
essais randomisés. Cet excès de risque ne s’appliquait qu’aux infarctus cérébraux, pas aux hémor-
ragies cérébrales. Le traitement hormonal substitutif par voie transdermique n’augmentait pas
le risque d’AVC, l’administration d’œstrogènes par voie vaginale le réduisait [75]. Des essais
randomisés sont toutefois nécessaires pour conclure.

Les essais randomisés portant sur des alternatives thérapeutiques au traitement hormonal subs-
titutif, telles que des traitements modulateurs spécifiques des récepteurs œstrogéniques ou des
stéroïdes ayant un effet œstrogénique (raloxifène, tamoxifène et tibolone) ont montré un excès
de risque d’AVC pour la tibolone et d’AVC fatal pour le raloxifène [3]. Parmi les perspectives
futures, on peut aussi envisager l’identification de marqueurs génétiques susceptibles de moduler
le risque vasculaire sous traitement hormonal substitutif. Il a ainsi été montré que certains
polymorphismes du gène codant pour le récepteur œstrogénique α amplifiaient l’effet favorable
du traitement hormonal substitutif sur le HDL cholestérol [76].

En pratique
Selon les recommandations américaines, le traitement hormonal substitutif par voie orale ne
doit pas être utilisé en prévention primaire ou secondaire coronaire ou cérébrovasculaire [3]. Il
doit être interrompu à la phase aiguë d’un AVC et la reprise du traitement doit être fortement
déconseillée. Une reprise éventuelle ne peut être envisagée qu’individuellement en fonction des
symptômes et des pathologies associées, après une information claire sur les risques encourus.
Pour les femmes à faible risque vasculaire ayant des troubles climatériques, la décision doit être
prise en fonction des facteurs de risque vasculaire, de l’âge et du délai par rapport à la ménopause.
Le traitement doit être instauré précocement, pour une durée courte. Le traitement hormonal
substitutif par voie transdermique, en utilisant la plus faible dose d’œstrogène possible associée
à de la progestérone micronisée est probablement la meilleure option actuellement [77].

Les AVC tuent plus de femmes que d’hommes, laissent des séquelles dévastatrices chez plus de
femmes que d’hommes, et constituent une cause de démence chez plus de femmes que
d’hommes. Cette tendance ira vraisemblablement en s’aggravant en raison du vieillissement de
la population, notamment dans les pays industrialisés. Cette épidémie d’AVC chez les femmes
âgées risque de créer un problème majeur de société, celui de la prise en charge des femmes
très âgées, vivant le plus souvent seules et restant handicapées ou démentes après un ou plu-
sieurs AVC. La mise en œuvre de mesures thérapeutiques adaptées aux spécificités des femmes
est donc nécessaire.

490 /
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme

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492 /
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/ 493
34

La physiopathologie et la classification générale des AVC (hémorragie, infarctus artériel et throm-


bose veineuse) s’appliquent naturellement en pédiatrie. Le mécanisme et la présentation clinique
très spécifiques au nouveau-né ont cependant justifié l’individualisation d’une nosographie
propre : l’infarctus cérébral périnatal. Du fait de la symptomatologie, de l’imagerie et des réseaux
de soins aigus particuliers à cette tranche d’âge, ce groupe sera surtout abordé d’un point de
vue rééducatif. L’infarctus cérébral néonatal est en effet un modèle de développement post-
cérébrolésion focale précoce [1]. Mais le lecteur intéressé aux autres aspects pourra se référer
au récent numéro dédié des Archives de Pédiatrie [2].

On concède communément une triple spécificité aux AVC de l’enfant : épidémiologique, étio-
logique/diagnostique et survenue chez un être en développement. Les deux premières expliquent
la méconnaissance de la pathologie par le grand public et les professionnels. Encore en 2017, la
conscience de la réalité de l’AVC chez l’enfant reste le déterminant principal de l’efficience des
filières aiguës et a fortiori hyperaiguës. Quant à la spécificité développementale, elle requiert
l’actualisation régulière des conséquences de l’accident et donc de l’objectif des soins de suite.

Une incidence faible


Le Tableau I montre qu’un millier d’enfants ont un AVC chaque année en France, également
répartis entre hémorragies et infarctus. Cette spécificité épidémiologique, extrapolée jusqu’alors
à partir de données internationales [3-5], est désormais validée par une analyse de la Caisse
nationale d’assurance maladie et le registre dijonnais [6, 7]. La première enfance est l’âge de
survenue habituel, suivi d’un nadir vers 7-8 ans. L’incidence augmente ensuite pour rejoindre
celle du jeune adulte.

/ 495
TABLEAU I ▼ Épidémiologie descriptive pédiatrique de l’AVC adaptée à la France.

496 /
Événements
Incidence Principales causes Mortalité* Récidive* Séquelles
annuels attendus
Partie 4 – Aspects particuliers

TFCA : 25 %
Cardiopathie emboligène (malformation congénitale
Infarctus artériel cyanogène, myocardiopathie dilatée acquise) : 25 %
(hors 1-2/100 000 par an 150-300 Artériopathie cérébrale chronique (Moya-Moya, 5-10 % 5-10 % > 70 %
nouveau-nés) drépanocytose) : 10 %
Artériopathie vertébrale, dissection : 10 %
Autre cause, cryptotogénique : 30 %

Malformation vasculaire (MAV > cavernome > anévrisme) :


50 %
Hémorragie 1-2/100 000 par an 150-300 Trouble de l’hémostase : hémophilie, purpura 5-10 % 5% > 50 %
thrombopénique idiopathique
Tumeur

Anoxie perpartum chez le nouveau-né


Thrombose 0,25-0,67/100 000 Cause locale (mastoïdite, méningite...) chez le nourrisson
50-100** 2% 5% 30 %
veineuse par an** Cause plus générale (syndrome néphrotique, maladie
de système) chez le plus grand

Infarctus
35-65/100 000 naissances 300-500 Embolie placento-cérébrale 2% <2% > 70 %
périnatal
Données à ajuster localement. La drépanocytose, plus fréquente dans certaines régions, expose au risque d’infarctus cérébral > 200 fois celui de la population générale. La prévalence pédiatrique de
l’angiopathie de Moya-Moya est multipliée par 20 dans la population d’origine est-asiatique.
* Tenant compte d’une prise en en charge optimale. ** Probablement sous-estimé. TFCA : artériopathie cérébrale focale transitoire ; MAV : malformation artérioveineuse.
Infarctus cérébral de l’enfant

La répartition des causes est parallèlement bimodale avec des mécanismes typiquement pédia-
triques chez le jeune enfant (artériopathie cérébrale focale transitoire (TFCA [8]) postinfectieuse,
cardiopathie malformative, malformation artérioveineuse, thrombose veineuse sur infection de
contiguïté), tandis qu’on glisse progressivement vers des causes plus adultes chez l’adolescent
(dissection artérielle, vasoconstriction cérébrale réversible, anévrisme/cavernome, thrombose
veineuse sur inflammation systémique).

Une mortalité faible


mais une morbidité importante à terme
L’amélioration de la prévention, de la prise en charge aiguë et des soins de suite a permis une
baisse régulière des récidives et de la mortalité. Comme progrès notables, citons les transfusions
itératives chez le drépanocytaire, l’accessibilité des malformations vasculaires et de l’angiopathie
de Moya-Moya aux nouvelles techniques de neuroradiologie interventionnelle, de neurochirurgie
et de radiothérapie ciblée, l’usage des antithrombotiques (anticoagulants et thrombose veineuse,
aspirine et infarctus artériel ; voir tableau II) [3, 5, 9-11]. À long terme cependant, la majorité
des enfants gardent une limitation fonctionnelle (voir Tableau I). Espérance de vie élevée et forte
prévalence des séquelles expliquent que plusieurs dizaines de milliers de personnes de tous âges
ont en France une déficience résiduelle d’AVC survenu dans l’enfance.

Les obstacles au diagnostic


Les causes/facteurs favorisants principaux étant silencieux (malformation vasculaire) jusqu’à
l’accident ou d’allure banale (infection), la majorité des accidents surviennent chez des enfants
en bonne santé jusqu’alors (voir Tableau I). La prévention primaire n’est ainsi accessible que dans
de rares circonstances pour certaines maladies cardiaques, hématologiques ou métaboliques.

De plus, l’AVC est peu envisagé par les professionnels de l’urgence pédiatrique. Nombre d’études
montrent ainsi un délai diagnostique > 24 h, alors que les mêmes symptômes alerteraient aus-
sitôt chez l’adulte [12-16]. Un déficit transitoire est encore plus souvent négligé ou attribué à
une cause autre [17]. A posteriori, les familles soulignent pourtant souvent que l’enfant avait
déjà eu des épisodes régressifs similaires qui n’avaient alerté ni l’entourage ni les soignants.

La présentation clinique est cependant typique avec dans 90 % des cas la survenue soudaine
d’un déficit moteur hémicorporel associé ou non à des troubles du langage [14, 15]. Une pré-
sentation fluctuante sur plusieurs jours est évocatrice d’artériopathie cérébrale chronique (dré-
panocytose, Moya-Moya) ou de TFCA [17, 18]. De même, doivent alerter les atteintes transitoires
et migrantes des paires crâniennes associées ou non à une dysmétrie, une ataxie et/ou des
vertiges, caractéristiques d’un infarctus de la fosse postérieure dont l’évolution peut être rapi-
dement dramatique [19, 20].

L’accident est d’autant plus fréquemment associé à une crise d’épilepsie que l’enfant est jeune.
Chez le nouveau-né, la clinique est ainsi réduite à des crises focales itératives des premiers jours
de vie tandis que les symptômes déficitaires apparaîtront au fil du développement. Chez le plus
grand par contre, un déficit focal postcritique durable reste un signe d’AVC, et on ne doit pas
s’arrêter au simple diagnostic de paralysie de Todd. Une céphalée hyperaiguë très intense et une
altération de la vigilance associées ou non aux signes précédents évoquent une hémorragie
cérébrale [15].

/ 497
TABLEAU II ▼ Consensus professionnel pour la prise en charge pédiatrique aiguë de l’AVC et l’usage des antithrombotiques en fonction du mécanisme de
l’accident.

498 /
Royal College American College American Heart Association
EPNS/SFNP (2011) [9]
Partie 4 – Aspects particuliers

of Physicians (2004) of Chest Physicians (2008-2012) (2008) [29]

Mesures générales Maintien continu de l’homéostasie, lutte contre les agressions cérébrales secondaires et la douleur, prévention des facteurs systémiques
(Société de réanimation de langue thrombogènes et hémorragiques, traitement de la cause et des complications de l’AVC (convulsions, douleurs, hypertension intracrânienne...),
française 2010) [30] rééducation précoce

Thrombose veineuse Héparine* (non fractionnée ou de bas poids moléculaire)

Héparine* ou aspirine jusqu’à Héparine* une semaine ou


Infarctus cérébral Aspirine exclusion d’une cardioembolie ou jusqu’à détermination de la cause
Non abordé
(situation générale) 1-5 mg.kg-1/jour dissection, puis aspirine puis aspirine
1-5 mg.kg-1/jour 3-5 : mg.kg-1/jour

Drépanocytose Échange transfusionnel en urgence (pour HbS<30 %), puis transfusions régulières
Non abordé

Anticoagulation* en discussion Héparine de bas poids Héparine de bas poids


Cardioembolie Non abordé
avec les cardiopédiatres moléculaire* moléculaire* ou antivitamines K

Anticoagulation* si pas Héparine de bas poids Héparine*, antivitamines K


Dissection cervicale** Non abordé
d’hémorragie associée moléculaire* ou aspirine

Récidive d’un infarctus artériel Clopidogrel


Considérer l’anticoagulation* Non abordé Non abordé
sous aspirine ou anticoagulation*
La place de la thrombolyse est discutée dans le texte. En cas de thrombophilie majeure l’attitude thérapeutique doit être évaluée au cas par cas.
* A : Dose thérapeutique. L’infarctus cérébral artériel étendu est une contre-indication à l’anticoagulation. ** Chez l’adulte, l’anticoagulation n’a pas été montrée supérieure à l’aspirine. En cas de dissection
carotidienne, elle est probablement aussi efficace. EPNS : European Paediatric Neurology Society ; SFNP : Société française de neuropédiatrie.
Infarctus cérébral de l’enfant

Ces signes doivent conduire sans délai à l’IRM cérébrale [22] avec coupes axiales B1000 + carte
ADC, T2*, T1 puis Flair (ou T2SE si < 3 ans). L’ARM temps de vol 3D est réalisée en général entre
les séquences T2* et T1 par une boîte centrée sur le polygone de Willis puis sur la région cervicale.
Ces séquences peuvent être acquises en moins de 20 minutes sans sédation ni injection – les
jeunes enfants sont davantage terrorisés par la piqûre que par l’IRM – si une attitude calme,
protectrice et rassurante impliquant les parents est en place.

De par la diversité des causes simulant l’AVC (migraine avec aura et autres syndromes neuro-
logiques paroxystiques de l’enfant, déficit postcritique, paralysie faciale, maladies métaboliques,
troubles somatoformes), un scanner X en première intention induit trop souvent fausse réassu-
rance et retard diagnostique [16, 22]. Certains diagnostics différentiels (encéphalites, tumeurs),
nécessitant une prise en charge adaptée, sont aussi corrigés par l’IRM. Enfin, l’IRM oriente dès
le début la démarche étiologique permettant : i) une information homogène et argumentée à
l’entourage ; ii) d’éviter examens et traitements inadaptés voire iatrogènes ; et iii) la mise en
place immédiate d’une surveillance intensive pour maintien de l’homéostasie générale et trai-
tement de la cause et des complications.

Alors que la prise en charge aiguë chez l’adulte suit des recommandations internationales à haut
niveau de preuve, il n’en est pas de même pour l’enfant. Du fait de la rareté des AVC, les études
interventionnelles sont difficiles à organiser, et l’intérêt des unités neurovasculaires n’a pas été
étudié. Les pédiatres oscillent donc entre les recommandations de l’adulte, au risque qu’elles ne
soient pas appropriées et les seules thérapeutiques validées en pédiatrie, au risque d’une prise
en charge limitée. Ils optent la plupart du temps pour une voie médiane synthétisant données
chez l’adulte et spécificités de l’enfant [23, 24].

Cette attitude pragmatique s’appuyant sur des référentiels multiprofessionnels communs régu-
lièrement actualisés et évalués, a été validée dans d’autres situations neuropédiatriques urgentes :
traumatisme crânien, encéphalopathie néonatale [25, 26]. Il a aussi été montré qu’une procédure
de type Alerte AVC – déclenchée dès qu’un enfant se présente avec des signes compatibles
(exemple http://www.chu-st-etienne.fr/avcpediatrie/LesRessourcesUrgences.aspx) – structure la
filière et diminue les délais diagnostiques et thérapeutiques intrahospitaliers [16, 21, 27-30]. Elle
améliore aussi l’efficience de l’ensemble des soins aigus neuropédiatriques [29].

L’étape première est la mise en place d’une filière de diagnostic rapide et de soins à court,
moyen et long termes. La collaboration des échelons pré-, intra- et posthospitaliers (libéraux,
centre 15, urgentistes, réanimateurs, radiologues diagnostiques et interventionnels,
(neuro)pédiatres, soins de suite...) est ainsi indispensable à la déclinaison de la filière régionale
comme recommandé par les tutelles (circulaire DGOS/R4/R3/PF3 2012-106 du 6 mars 2012)
et la littérature [27].

Il est cependant illusoire de bâtir un maillage territorial d’unités neurovasculaires uniquement


pédiatriques. L’objectif est de développer à partir de l’existant – les services d’urgence, de soins
continus et de réanimation pédiatriques (et de neurochirurgie ou de neurovasculaire adultes
pour les adolescents) – un partenariat adapté aux ressources locales, consensuel et formalisé en
amont (i.e. l’alerte AVC). Compte tenu de leur expérience de cette urgence médicale, le dialogue
doit être constant entre les spécialistes d’adultes (notamment neuroradiologues et neurologues
vasculaires) et les équipes pédiatriques, quel que soit le lieu d’hospitalisation. Le protocole
d’accueil des adolescents en unité neurovasculaire doit cependant préciser les limites d’âge/poids

/ 499
Partie 4 – Aspects particuliers

et rappeler la nécessité d’un consentement signé des représentants légaux pour tout soin, même
non interventionnel. Dès que possible, le jeune sera transféré en pédiatrie pour prendre en compte
ses besoins spécifiques en termes de prévention secondaire et de rééducation.

Les filières de soins ont montré l’importance de la régulation téléphonique dès les premiers
signes. Chez l’adulte, cette démarche est meilleure qu’une arrivée directe au service d’urgence
par moyen propre pour réduire les délais diagnostiques/thérapeutiques pré- et intrahospitaliers.
L’appel rapide au 15 nécessite cependant une sensibilisation de l’entourage. L’ensemble des
publicités grand public ont jusqu’à présent visé la population adulte, sans être évaluées en pédia-
trie. Le défi des prochaines années sera d’implémenter l’alerte AVC enfant dès la phase
préhospitalière.

L’intérêt d’un accès 24/7 immédiat à l’IRM pour tout enfant suspect d’AVC doit être reconnu
par chacun. L’incidence faible, une indication bien documentée, un dialogue constant entre ser-
vices d’urgence et d’imagerie et la rapidité des séquences proposées doivent permettre l’inclusion
de l’examen dans le programme radiologique réglé. Cette procédure idéale se heurtera inévita-
blement à des difficultés spécifiques à l’enfant (agitation) et aux conditions locales (nuit/week-
end, matériel en maintenance, pas d’IRM sur site...). L’attitude est à alors adapter au cas par
cas : scanner X, sédation/anesthésie, transfert, etc.

Mesures non spécifiques


Ces mesures font l’objet de recommandations pédiatriques (voir Tableau II) [31, 32] :
■ Hospitalisation en unité de soins continus pédiatrique ou unité neurovasculaire adulte
selon l’âge et les protocoles locaux.
■ Maintien de l’homéostasie pour la prévention des lésions cérébrales secondaires : tempé-
rature, hydratation, SaO2, glycémie, etc.
■ Pas de prévention systématique de la thrombose veineuse profonde avant la puberté.
■ Prévention, diagnostic et traitement des complications : douleur, crise d’épilepsie, fausses
routes, hypertension intracrânienne (évacuation d’hématome, crâniectomie décompressive),
attitudes vicieuses ostéoarticulaires, escarres.
■ Traitement de la cause de l’AVC si trouble de l’hémostase, méningite, etc.

Prévention secondaire de l’infarctus cérébral artériel


Même si elles ne reposent pas sur des études contrôlées, les différentes recommandations sont
concordantes pour l’emploi des antithrombotiques dès la phase aiguë. Elles diffèrent cependant
quant à la molécule première à utiliser : aspirine ou héparine [33]. Nous sommes favorables à
l’utilisation de l’aspirine d’emblée hors cause embolique patente (cardiaque ou transcardiaque,
dissection/artériopathie vertébrale) (voir plus bas) :
– Les études chez l’adulte n’ont pas montré la supériorité d’une anticoagulation précoce versus
antiplaquettaires.
– Si l’attitude consensuelle est de proposer une anticoagulation pour les dissections cervicales
carotidiennes, l’aspirine est probablement aussi efficace.

500 /
Infarctus cérébral de l’enfant

– La TFCA, d’origine inflammatoire probable, étant la première cause d’infarctus cérébral chez
l’enfant en bonne santé jusqu’alors, les propriétés anti-inflammatoires de l’aspirine sont possi-
blement complémentaires de l’effet antiplaquettaire.

À long terme, la prévention des récidives est au traitement de la cause si celle-ci est curable
(ex. : cardiopathie emboligène). Les accidents sur TFCA ont également une tendance naturelle à
récidiver dans les premiers mois ; aux alentours de 25 % dans les séries historiques. Les quelques
études rétrospectives comparant les enfants sous aspirine à l’abstention trouvent aussi une
tendance à une meilleure évolution et à un moindre risque de récidive chez les enfants traités
[5, 8, 33]. Avec l’habitude, désormais largement partagée par les neuropédiatres, de traiter les
enfants par aspirine, la récidive est devenue rare [4, 34-36].

Ces récidives prédominent dans les premiers mois, tandis que risque devient très faible dès lors
que l’imagerie montre que l’artériopathie cesse d’évoluer (i.e. régresse ou se stabilise) ; ce qui
est habituellement le cas dans la première année [8, 33, 35]. Ce triple critère : i) absence de
récidive clinique et sur l’imagerie ; ii) pas de progression de l’artériopathie cérébrale ; et iii) temps
depuis l’accident initial est utilisé pour décider de l’arrêt de l’aspirine, soit en moyenne 18-24 mois
après l’infarctus.

Les infarctus cryptogéniques de l’enfant partagent en grande partie les facteurs de risque, la
présentation clinique, l’imagerie parenchymateuse et l’évolution des infarctus sur TFCA [35]. Et
beaucoup considèrent qu’ils sont dus à une artériopathie cérébrale très focale, non mise en
évidence par l’imagerie diagnostique ou au cours du suivi. C’est à partir de ce rationnel que la
même attitude thérapeutique est adoptée : aspirine 18 mois à 2 ans [33]. Du fait de l’origine
inflammatoire probable des TFCA, certains proposent une corticothérapie initiale (± aciclovir
dans les formes postvaricelle) [36]. Cette question va faire l’objet d’une étude interventionnelle
française.

Quant au nouveau-né, du fait du mécanisme des infarctus survenant à cet âge (embolie
placento-cérébrale), une prévention secondaire n’est pas proposée hors contexte clinique spéci-
fique, cardiopathie par exemple [2].

Place des thérapeutiques de recanalisation


L’évaluation des thérapeutiques de revascularisation (thrombolyse intraveineuse ou intra-
artérielle, thrombectomie et leur association) est limitée par le délai diagnostique et l’absence
de filière de soins, notamment préhospitalière (voir ci-dessus). De fait, aucune étude interven-
tionnelle pédiatrique hyperaiguë n’a abouti. L’essai TIPS (Trombolysis In Pediatric Stroke) multi-
centrique a été stoppé prématurément par manque d’inclusions. Les auteurs ont alors conclu
que la première étape pour accéder aux thérapeutiques de recanalisation était la mise en place
de l’alerte AVC [27].

À défaut de données d’efficacité, il existe des données de sécurité rassurantes [37]. Il est ainsi
recommandé d’envisager au cas par cas et en concertation pluridisciplinaire temps réel (pédiatre
+ neurologue + radiologue) une revascularisation pour les enfants et, a fortiori, les adolescents,
qui ont les critères d’éligibilité de l’adulte, surtout s’ils présentent l’un des signes suivants [32,
33] :

/ 501
Partie 4 – Aspects particuliers

■ occlusion d’un gros tronc artériel ;


■ thrombophilie majeure ;
■ embolie cardiaque, transcardiaque ou artério-artérielle sur dissection cervicale ;
■ occlusion du tronc basilaire avec signes cliniques ou radiologiques de gravité [24].

La quasi impossibilité d’un essai randomisé rend la collection longitudinale et systématique des
actes de recanalisation particulièrement pertinente. L’expérience francilienne de 13 actes de
thrombolyse intraveineuse et/ou de thrombectomie en 3 ans montre la faisabilité d’une filière
AVC de l’enfant et son efficacité à réduire les délais diagnostiques [30]. Des effectifs plus impor-
tants, au travers d’enquêtes d’envergure et du registre national des thrombectomies, sont néces-
saires pour conclure quant à l’efficacité.

Drépanocytose
Le risque d’AVC chez l’enfant drépanocytaire homozygote est 200 fois plus élevé que celui de
la population générale, et la moitié des enfants développent une artériopathie intracrânienne
sténosante progressive avant 10 ans. Elle se manifeste cliniquement par des infarctus cérébraux
jonctionnels et territoriaux et radiologiquement par des infarctus punctiformes ou en plage de
la substance blanche. L’artériopathie peut être initialement unilatérale puis évoluer jusqu’à
l’angiopathie de Moya-Moya.

Le dépistage annuel est donc systématique après 18 mois, par doppler transcrânien. Les enfants
à haut risque (stratifié par la vitesse du flux dans l’artère cérébrale moyenne) sont inclus dans
un programme d’échanges transfusionnels mensuels. L’arrêt de ces transfusions et le relais par
hydroxycarbamide est envisageable chez les patients sans sténose intracrânienne avec vitesse
normalisée depuis plusieurs années.

La survenue d’un infarctus cérébral artériel nécessité la réalisation urgente d’un échange trans-
fusionnel en milieu de surveillance continue, avec un objectif d’Hbs < 30 %. Lorsqu’il est prévi-
sible que la mise en place sera longue (nécessité de mise en place d’un cathéter central), on
peut de débuter par une transfusion simple si l’hémoglobinémie est < 10 g/dL [38].

Le risque hémorragique augmente avec l’âge et devient maximal chez le jeune adulte. Il est lié
à : i) des d’anévrismes intracrâniens, souvent multiples de la circulation postérieure et plus pré-
coces que dans la population générale ; et ii) à la rupture des néovaisseaux du Moya-Moya [39].

L’angiopathie de Moya-Moya pédiatrique


La prévalence pédiatrique de l’angiopathie de Moya-Moya en France métropolitaine est < 20 fois
celle du Japon [40]. On y observe par ailleurs davantage de syndromes à mécanisme génétique
identifié ou non, que de maladies (i.e. idiopathique) de Moya-Moya. La recherche de signes
associés est donc nécessaire au diagnostic étiologique [40]. Le risque ischémique prédomine
tandis que les manifestations hémorragiques sont rares [41].

Les techniques de revascularisation neurochirurgicales indirectes reposent sur le développement


d’une néovascularisation centripète issue du réseau carotide externe en contact avec le paren-
chyme hypoperfusé. En raison du calibre artériel réduit, elles sont préférées aux anastomoses
directes. Par sa morbidité faible et sa remarquable efficacité – pas de récidive d’AVC dans 90 %
des cas à 4 ans –, la technique la plus utilisée en France est la multicrâniostomie [11].

502 /
Infarctus cérébral de l’enfant

Avec comme objectif la préservation du parenchyme cérébral, les indications de cette chirurgie
sont larges et précoces. Néanmoins, il est primordial qu’elle ne soit faite qu’après évaluation
pluridisciplinaire dans un service référent pour ce type d’intervention et entourée de précautions
drastiques du fait du risque anesthésique et peropératoire majeur. Des précautions similaires
doivent être respectées dans la vie quotidienne (sport, voyage en avion) et en cas de maladie
aiguë (déshydratation), prise médicamenteuse (vasoconstricteurs notamment cachés) ou anes-
thésie locale et générale pour éviter les accidents hémodynamiques. Elles sont formalisées dans
le protocole national de diagnostic et de soins : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/
c_2660521/fr/maladie-et-syndrome-de-moyamoya-de-l-enfant-et-de-l-adulte. Le port d’une
carte patient individuelle est recommandé.

Une spécificité pédiatrique : l’artériopathie vertébrale


Cause la plus fréquente d’infarctus vertébro-basilaires, a fortiori lorsqu’il s’agit d’accidents
répétés, cette artériopathie vertébrale est très spécifique à l’enfant [42, 43]. Elle prédomine chez
le garçon (sexe ratio 9/1) d’âge médian 8 ans. La présentation typique est faite de céphalées
(45 %) associées à des signes focaux liés à des infarctus multiples d’âges différents, localisés au
territoire postérieur, identifiés dès la première imagerie : hémiplégie (60 %), amputation du
champ visuel (20 %), signes cérébelleux (35 %).

Les sténoses et dilatations artérielles focales ne sont pas toujours vues à la phase aiguë mais
apparaissent alors au cours du suivi. Elles intéressent les segments V2 et V3, la jonction V3-V4
et le segment V4 proximal. L’artère vertébrale pathologique s’occlut souvent dans les semaines
suivantes, tandis qu’apparaît un réseau artériel de suppléance et que l’artère controlatérale
s’hypertrophie. Lorsque l’artère est occluse, le risque embolique d’aval disparaît.

En l’absence de traitement, la majorité des enfants ont une ou plusieurs récidives. Le traitement
antithrombotique par aspirine ne protégeant pas suffisamment, cette artériopathie vertébrale
est quasiment la seule indication (avec les cardiopathies emboligènes) à une anticoagulation
prolongée. Dans certaines situations avec récidives d’accidents ischémiques transitoires ou
d’infarctus avérés, une anticoagulation par héparine intraveineuse continue est parfois nécessaire
pendant 10-20 jours avant l’anticoagulation ambulatoire. Cependant, cette phase aiguë très
active finit par se stabiliser, et on n’observe plus de récidives après quelques semaines. Il est
alors d’usage de relayer l’anticoagulation par aspirine [42].

Cette artériopathie a longtemps été qualifiée de dissection. Cependant, l’absence de traumatisme


cervical significatif, de visualisation de lambeau pariétal ou d’hématome mural et l’évolution sur
plusieurs semaines (comparable à celle des TFCA qui intéressent la terminaison carotidienne)
font évoquer une origine inflammatoire.

La lésion survenant sur un cerveau en développement, nombre de conséquences motrices, intel-


lectuelles, comportementales, psychologiques, adaptatives, etc. ne se manifesteront que lorsque
les fonctions cérébrales élaborées seront matures et que les sollicitations environnementales
augmenteront, c’est-à-dire parfois après plusieurs années. De fait, le cerveau se développe/
l’enfant se construit autour de sa lésion/de sa déficience. Au fil de l’évolution « l’enfant ne doit
[donc] pas être comparé à ce qu’il était mais à ce qu’il aurait dû devenir en l’absence de lésion

/ 503
Partie 4 – Aspects particuliers

cérébrale » [44], surtout à certaines périodes charnières : acquisition de la marche, du langage,


entrée en cours préparatoire, au collège, adolescence... afin d’actualiser les objectifs (ré)éducatifs
et le parcours de vie.

Il reste ancré dans l’imaginaire collectif qu’une lésion cérébrale survenue précocement est asso-
ciée à une meilleure évolution fonctionnelle. Mais la neuroplasticité – base neurale de cet apho-
risme – ne permet cependant pas aux enfants de récupérer mieux que les adultes ; elle leur
permet de récupérer différemment [45-47]. Dans notre expérience de la cohorte AVCnn, les
enfants avec infarctus cérébral artériel néonatal acquièrent une marche autonome et un langage
informatif, y compris après infarctus cérébral moyen gauche étendu, mais les séquelles se mani-
festent dans d’autres domaines [48]. Le Tableau I montre ainsi que la majorité des enfants
gardent des séquelles post-AVC : un tiers avec séquelles importantes, un tiers avec séquelles
légères et un tiers sans séquelles visibles [4, 5, 34, 48].

Vulnérabilité précoce, fenêtres de plasticité


et effet d’éviction
La plasticité, « processus continu permettant des modifications de l’organisation synaptique pour
une meilleure efficacité des réseaux neuronaux », permet au cerveau d’adapter son organisation
en fonction des événements internes et extérieurs pour le rendre plus efficient [1, 47, 49, 50].
Elle sous-tend les processus physiologiques d’apprentissage et de mémorisation comme de réor-
ganisation postlésionnelle.

À l’inverse, la vulnérabilité cérébrale théorise l’impossibilité pour le cerveau en développement


de construire de nouveaux acquis si les fondations de ces apprentissages ne sont pas en place
ou ont été détruits [46]. L’exemple caractéristique est la privation sensorielle. Un enfant doit
reconnaître, différencier puis sélectionner les sons de sa langue maternelle au cours de sa pre-
mière année. Sans cette étape, le langage ne peut être acquis correctement, alors qu’une surdité
plus tardive aura des conséquences différentes.

Bien que coextensives, plasticité et vulnérabilité concourent donc en sens opposé à l’évolution
postlésionnelle (voir Figure 1). Il existe ainsi des fenêtres de plasticité au cours du développement,

FIGURE 1 Plasticité versus vulnérabilité : un continuum probable (adapté de [43, 46]).

504 /
Infarctus cérébral de l’enfant

durant lesquelles une fonction a plus de chances d’être favorable si l’aire cérébrale initialement
prévue pour l’héberger est lésée. Ces fenêtres concordent globalement avec la formation et la
sélection synaptique physiologique du cortex correspondant.

Schématiquement, plus une fonction est archaïque et dépendant d’aires cérébrales primaires
(motrices, sensitives, visuelles) et neuralement simples (fonction filaire), plus la fenêtre se ferme
tôt. Par exemple dans la cohorte AVCnn, le développement d’une hémiplégie dans les premières
années de vie est quasi mécaniquement lié à une lésion de la voie motrice [51]. De même pour
la sensibilité lemniscale ou la vision primaire [52]. Un système neuronal plus élaboré de type
associatif (fonction réseau), a une période d’ouverture/fermeture plus large et plus tardive. Nous
n’avons ainsi pas trouvé de corrélation entre l’évaluation orthophonique à 7 ans des enfants de
la cohorte AVCnn et le côté ou le territoire de l’infarctus [44]. Inversement, en cas de lésion plus
tardive du cortex langagier, la plasticité ne permet plus le transfert du langage vers une zone
corticale autre [53]. Pour des activités comme la cognition sociale, la période de fermeture est
encore plus tardive.

Enfin, si le jeune cerveau est plastique, il n’est pas extensible, et la réorganisation corticale se
fait ainsi aux dépens ou en parallèle de la fonction que cette aire était censée initialement
assumer. Toute plasticité se paye ainsi à crédit sur d’autres items développementaux [46, 47,
49]. Cet effet d’éviction (crowding effect) expliquerait que dans un monde d’immédiateté, de
mobilité et de communication ces activités soient privilégiées par rapport à l’attention, l’orien-
tation visuospatiale, la mémoire, etc. Dès lors, immergé dans un milieu normatif faisant spéci-
fiquement appel à ces compétences (l’école), l’enfant cérébrolésé y sera logiquement en diffi-
culté, même si son intelligence globale est normale. C’est ce que l’on constate dans cohorte
AVCnn, avec un quart d’enfants en difficulté dès le cours préparatoire [48]. Et cette proportion
ne fait que croître avec le niveau scolaire.

Au final, parler de lésion focale cérébrale sur un cerveau en cours de maturation n’a pas de sens
développemental ; une lésion précoce entraînant de fait une réorganisation structurelle et fonc-
tionnelle globale à l’échelle des deux hémisphères.

La pression environnementale
Historiquement, les troubles du développement ont surtout été étudiés par le prisme des élé-
ments délétères (taille et localisation de la lésion, âge de survenue, épilepsie...), alors que les
facteurs protecteurs ont été peu ciblés. Le milieu familial est pourtant prédictif du développe-
ment. Ainsi, dans la cohorte AVCnn (comme par ailleurs [45]), langage et intelligence globale
sont corrélés au niveau socioéconomique. Un environnement familial, scolaire, amical, rééducatif
porteur est ainsi déterminant chez l’enfant cérébrolésé.

Il y a par ailleurs discordance entre vision professionnelle (health professional-centered view des
Anglo-Saxons) et vision parentale (patient- ou family-centered view) de la pathologie chronique
et du handicap. La première semble davantage corrélée à l’impact des séquelles sur la vie quo-
tidienne. Cet impact sur la vie de tous les jours et la manière dont la famille s’adapte (le coping
ou « faire avec » des Anglo-Saxons) est un facteur décisif des trajectoires développementales et
comportementales [54, 55]. Cette attitude n’est cependant pas toujours aisée avec des senti-
ments négatifs (« il n’y arrivera pas ») et de culpabilité (« c’est de ma faute ») inévitables [44].
Inversement, stimuler, favoriser et accepter ne doit pas conduire à des objectifs irréalistes, au
prix d’une surcharge cognitive insupportable pour l’enfant, pouvant même induire un véritable
burnout scolaire ou rééducatif [44].

/ 505
Partie 4 – Aspects particuliers

La difficulté pour l’enfant, sa famille et les rééducateurs (le plus souvent en structure médico-
sociale) est de trouver l’équilibre juste au sein d’une nouvelle réalité. C’est l’objet de la médecine
qualitative, dont l’objectif est d’offrir aux enfants et familles la meilleure prise en compte de
leur différence et de leurs potentialités.

Un parcours de vie régulièrement actualisé


La modulation positive de la plasticité par la rééducation est efficiente dès le déficit avéré [45,
50]. À l’inverse, aucune donnée ne permet de conclure à l’effet préventif d’une intervention
précoce en l’absence de troubles moteurs authentifiés. L’élaboration du projet thérapeutique
personnalisé (coordonné par un spécialiste du développement et des apprentissages), la ré-
éducation pluridisciplinaire, l’orientation vers des filières adaptées et l’information doivent donc
être discutées régulièrement entre l’enfant, la famille, les équipes de soins, le secteur éducatif,
tout en considérant le contexte de vie. La fréquence des évaluations est d’autant plus rapprochée
qu’il existe des déterminants défavorables. Elles associent le médecin de médecine physique et
de réadaptation référent avec les professionnels spécialisés ((neuro)pédiatre, pédopsychiatre,
orthopédiste, orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, orthoptiste, psychologues, kiné-
sithérapeute, assistant des services sociaux...) pour un suivi multidimensionnel : motricité, cogni-
tion, comportement, autonomie, réussite scolaire, participation, conséquences psychologiques,
qualité de vie...

En cas de déficience, une rééducation pluridisciplinaire précoce favorise la plasticité et prévient


les complications secondaires. Au membre supérieur, la kinésithérapie et l’ergothérapie (neuro-
développementale, par contrainte induite et par thérapies bimanuelles), associée aux postures
et aux injections de toxine botulinique aide aux stratégies de compensation et à la prévention
orthopédique. Elle participe à l’autonomisation et aux adaptations du domicile, de l’école et des
loisirs. Au membre inférieur, la kinésithérapie, les orthèses et les injections de toxine botulinique
améliorent la fonction et diminuent les complications orthopédiques. La rééducation ortho-
phonique est indiquée dès 3 ans en cas de retard de parole ou de langage, voire avant en cas
de dyspraxie buccale avec bavage excessif et troubles de la mastication/déglutition. L’ergothé-
rapie, la psychomotricité et la remédiation neuropsychologique sont proposées en cas d’atteinte
cognitive. Les troubles visuoperceptifs doivent être cherchés car trop souvent méconnus ; ils sont
une indication à la rééducation de la cognition visuelle par orthoptie.

Pour être efficace, une technique doit être appliquée de façon répétée, même si des recomman-
dations en matière de fréquence ne peuvent être précises. C’est ce qui conduit à proposer des
périodes de rééducation intensive en centre de rééducation pédiatrique. Les contraintes des
différentes propositions rééducatives doivent cependant s’intégrer dans un parcours de vie global
de l’enfant et de la famille. Un accompagnement psychologique, voire une thérapie peuvent
s’avérer nécessaire en cas de troubles anxieux et émotionnels.

Le défi actuel est l’évaluation des différentes rééducations notamment motrices, via des pro-
cessus de recherche médicale formalisés afin de développer et prioriser les techniques de utiles
vs des méthodes peu efficaces voire délétères, même si elles sont ancrées dans l’expérience.

Le droit à compensation
La loi du 11 février 2005, « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyen-
neté des personnes handicapées » a ouvert le champ du droit à la compensation et à de nouveaux
modes d’interventions professionnelles.

506 /
Infarctus cérébral de l’enfant

C’est par ces termes que la loi charge la société d’évaluer et de compenser les conséquences
sociales, familiales, techniques, éducatives, financières et autres (le handicap) induites à l’enfant
et à sa famille par l’AVC. Créée par la même loi, la Maison départementale des personnes
handicapées (MDPH, ou autres abréviations : MLA pour Maison Loire autonomie dans le dépar-
tement 42 par exemple) est la porte d’entrée unifiée pour bénéficier des prestations, biens et
services identifiés comme nécessaires. Composée de professionnels de l’enfance et de représen-
tants du conseil départemental, la commission départementale de l’autonomie en est l’organe
décisionnel. Elle évalue les besoins en établissant un projet de vie et un plan personnalisé de
compensation, spécifique à chaque situation.

Le soutien peut prendre une forme financière pour les soins non couverts par l’assurance maladie
(ergothérapie, psychomotricité), les aménagements techniques (logement, véhicule) et les ser-
vices. Les parents peuvent bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale, financée
par la caisse d’allocations familiales et opposable à l’employeur.

Le plan personnalisé de scolarité prépare l’accueil à l’école en milieu ordinaire ou spécialisé. Le


projet pédagogique y est adapté aux capacités d’apprentissage et permet les aménagements
éducatifs, humains et structurels. À partir de l’adolescence, le parcours de vie prendra progres-
sivement une nouvelle orientation (objectifs professionnels, permis de conduire) avec un néces-
saire accompagnement de cette transition par le milieu médicosocial. L’objectif est d’accompa-
gner le futur adulte, vers une vie personnelle autonome, choisie et de qualité.

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/ 509
35

Les pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes pédiatriques présentent des caracté-


ristiques nosologiques, angioarchitecturales et évolutives propres qui les distinguent de celles
décrites dans la population adulte [1]. Parler de « population pédiatrique » ne doit pas faire
oublier que l’enfant n’est pas un adulte en miniature, et que chaque âge pédiatrique a sa spé-
cificité propre. De même, la neuroradiologie interventionnelle pédiatrique n’est pas une minia-
turisation des techniques adaptables à l’enfant : elle a des règles propres de prise en charge, et
son objectif principal sera de préserver la maturation normale du cerveau afin d’obtenir un
développement neurologique normal, fût-ce au prix d’un reliquat laissé en place au moment de
la prise en charge initiale, et qui pourra éventuellement être considéré au plan thérapeutique
dans un temps secondaire.

L’impact sur le cerveau d’une malformation vasculaire, et par conséquent la symptomatologie


qui en découle, seront variables selon l’âge de présentation, illustrant le concept d’« hôte »
développé par P. Lasjaunias et A. Berenstein [2]. Ce concept définit le fait qu’une même lésion
vasculaire localisée à des endroits identiques aura une expression pathologique et clinique dif-
férente chez deux individus différents, confirmant que ce n’est pas le « shunt qui est agressif,
mais l’hôte qui est faible » [2]. De même, le potentiel de récupération d’un enfant est différent
de celui d’un adulte.

/ 511
Partie 4 – Aspects particuliers

Une compréhension précise du shunt artérioveineux et de son impact sur le parenchyme cérébral
est donc primordiale avant d’envisager toute prise en charge. Ce chapitre abordera successive-
ment les mécanismes à l’origine des malformations vasculaires responsables de shunts artério-
veineux, puis détaillera les différents types de shunts, leur présentation clinique et leur prise en
charge thérapeutique.

Lasjaunias et al. [3, 4] ont décrit plusieurs étapes dans la constitution d’une malformation vas-
culaire intracrânienne. La première étape est le stade biologique ou prémorphologique. Durant
la période embryonnaire, un événement délétère de nature le plus souvent méconnue (infectieuse
ou autre) interfère sur la vasculogenèse. Cet événement n’implique pas la formation de la mal-
formation vasculaire en tant que telle mais l’impact locorégional est mémorisé et transmis sur
un mode migratoire ou clonal. La seconde étape est le stade morphologique, qui constitue la
formation de la malformation vasculaire en elle-même. Ce stade peut survenir à différentes
périodes de la vie : anténatal pour les malformations anévrismales de l’ampoule de Galien ou
les malformations des sinus duraux (qui sont dès lors les « vraies » malformations vasculaires
congénitales), postnatal le plus souvent pour les malformations artérioveineuses piales. L’évé-
nement déclenchant le passage de la première à la seconde étape est d’origine incertaine, mais
pourrait être de nature génétique, infectieuse voire mécanique.

La troisième étape correspond au stade clinique ou symptomatique qui peut être provoquée par
divers mécanismes notamment des modifications angiopathiques et/ou la perte des mécanismes
de compensation hémodynamiques.

La chronologie et l’intensité de ces différents événements sont déterminantes dans le type, le


degré et l’âge d’expression de la malformation.

Déterminants génétiques
Les mécanismes génétiques, moléculaires et cellulaires qui sont à l’origine des malformations
vasculaires sont partiellement connus mais sont un champ d’exploration en pleine expansion [5,
6]. Si on considère actuellement que la majorité des malformations vasculaires cérébrales sur-
vient spontanément, une partie d’entre elles peut être associée à des mutations génétiques.
Dans ces derniers cas, même si la plupart du temps des mutations héréditaires sont évoquées,
des facteurs environnementaux sont aussi mis en cause en cas de mutation allélique unique [7].

La maladie de Rendu-Osler-Weber (ROW)


La ROW ou télangiectasies hémorragiques héréditaires (la hereditary hemorrhagic telengiectasia
– HHT – des Anglo-Saxons) est une atteinte génétique héréditaire autosomique dominante dont
l’incidence est estimée à 1/100 000 et causée par une insuffisance dans les gènes ENG, ACVRL1
et SMAD4 de la voie de signalisation TFGβ. Les patients présentent des télangiectasies muqueuses
associées à des malformations vasculaires périphériques et du SNC dans 9 à 25 % des cas.
L’atteinte neurologique est relativement hétérogène et peu fréquente (entre 3,7 % [8] et 9-16 %
[9]) sans corrélation génophénotypique [10]. L’anomalie vasculaire la plus fréquente est la mal-
formation capillaire sans shunt artérioveineux [10], suivie des malformations artérioveineuses
(MAV). Des fistules durales, des cavernomes et des malformations anévrismales de l’ampoule de

512 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

Galien (MAVG) ont été décrits mais sont beaucoup plus rares [8]. L’expression phénotypique des
MAV associées au ROW est variable : toutefois, en présence de MAV multiples, le diagnostic de
HHT doit être systématiquement suspecté [11]. De même, il est à évoquer devant des fistules
artérioveineuses à haut débit se drainant dans des ectasies veineuses (macrofistules) souvent
pathognomoniques de ce syndrome.

Syndrome malformations capillaires-malformations


artérioveineuses (CM-AVM)
Les mutations du gène RASA1 sont responsables du syndrome capillary malformation-arteriove-
nous malformation (CM-AVM). Ce syndrome est phénotypiquement hétérogène, caractérisé par
l’association de multiples malformations capillaires cutanées et de malformations vasculaires
cutanées, sous-cutanées, intramusculaires (avec une forte association de syndrome de Parkes
Weber des membres), intra-osseuses, spinales ou cérébrales intracrâniennes [12]. Le gène RASA1
code pour la Ras GTPase-activating protein 1 qui a une activité suppressive sur la voie Ras/
MAPK [6]. Le phénotype exprimé dans les mutations de RASA1 est hétérogène. Dans la série de
Revencu et al. [12], 97 % des patients présentaient des malformations capillaires cutanées et
23 % étaient porteurs de MAV dont seulement 42,6 % étaient localisées dans le SNC.

Syndromes cérébro-faciaux
Ces syndromes consistent en une atteinte cérébro-faciale multifocale dont la distribution répond
à une atteinte segmentaire métamérique [13-15]. L’atteinte se produit au niveau des cellules de
la crête neurale et du mésoderme céphalique avant leur migration et leur différentiation. Lorsque
les anomalies prédominent sur le versant artériel, celles-ci sont classées dans l’entité « syndrome
métamérique artérioveineux cérébro-facial » (CAMS). Ces syndromes peuvent être subdivisés en
3 groupes selon la localisation prosencéphalique ou rhombencéphalique de l’atteinte : CAMS 1 :
atteinte prosencéphalique médiale caractérisée par des lésions de la région hypothalamique et
nasale ; CAMS 2 : atteinte prosencéphalique latérale avec atteinte du lobe occipital, du thalamus
et du maxillaire ; CAMS 3 : atteinte rhombencéphalique latérale avec atteinte du cervelet, du
pont et de la mandibule. Dans le cas d’une atteinte du compartiment veineux tel que celui décrit
dans le syndrome de Sturge Weber, on parle de « syndrome métamérique veineux cérébro-
facial » (CVMS).

Classifications
Les shunts artérioveineux pédiatriques peuvent être classifiés en fonction de leur localisation
anatomique, de leur angioarchitecture et de l’âge du patient lors de la découverte la
malformation.

/ 513
Partie 4 – Aspects particuliers

Localisation anatomique
Selon leur localisation primitive, les shunts auront des conséquences différentes sur le paren-
chyme cérébral et sur son drainage veineux :
■ les MAV sont localisées dans les espaces sous-piaux et se drainent via les veines sous-piales
et sous-arachnoïdiennes ;
■ les shunts artérioveineux duraux sont localisés dans les espaces duraux/épiduraux et se
drainent primitivement via les sinus veineux ou les veines épidurales ;
■ les MAVG sont localisées dans la fissure choroïde et se drainent via la veine médiale du
prosencéphale embryonnaire, ou des veines choroïdiennes courtes rejoignant secondaire-
ment la veine médiane du prosencéphale.

Le drainage veineux lésionnel et cérébral apparait comme un élément capital dans la compré-
hension des malformations vasculaires pédiatriques. Celui-ci va dépendre de la localisation pri-
mitive de la lésion, de ses caractéristiques anatomiques mais aussi du degré de maturation de
l’ensemble des structures crânio-encéphaliques. Chez l’enfant, le développement physiologique
normal de la substance blanche et l’homéostase du LCR sont intimement liés au système vei-
neux [2]. Des études ont mis en avant le rôle des capillaires veineux dans la régulation du LCR
et relégué au second plan les granulations de Pacchioni [16, 17]. La maturation veineuse cérébrale
s’effectue jusqu’à l’âge de 2 ans et nécessite un environnement vasculaire libre de toute hyper-
pression. Toute atteinte du drainage veineux cérébral normal pourra donc être responsable d’une
perturbation de l’équilibre hydrique intracérébral avec pour conséquences des dommages céré-
braux potentiellement gravissimes et irréversibles qui peuvent dans certains cas aboutir à une
destruction du parenchyme cérébral en rapport avec une encéphalomalacie qui peut être globale
(melting brain syndrom) ou focale (Figure 1). Lors de toute étude angiographique, une description
anatomique précise du shunt couplée à une compréhension dynamique des répercussions vei-
neuses permet d’identifier les lésions à risque évolutif.

FIGURE 1 Nouveau-né. Décompensation cardiorespiratoire sévère sur malformation anévrismale


de la veine de Galien.
IRM (coupe axiale en séquence T2) montrant une encéphalomalacie de type « melting brain »
typique bilatéral, contre-indiquant tout traitement.

514 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

Type de shunt et angioarchitecture


L’analyse de l’architecture vasculaire des lésions permet de les classifier comme suit :
– Le premier groupe comprend les MAV nidales et fistuleuses. Ces lésions sont localisées dans
l’espace sous-pial. Les premières sont constituées d’un réseau malformatif pathologique inter-
posé entre artères et veines, les secondes consistent en une ou des communications directes
entre une artère et une veine. Leurs afférences vasculaires primaires sont des artères piales. Ces
lésions peuvent présenter des apports duraux accessoires.
– Le deuxième groupe comprend les lésions durales, incluant les malformations des sinus
duraux (MSD), les fistules artérioveineuses durales juvéniles (FAVDJ) et les fistules artério-
veineuses de type adulte (FAVD). Localisées dans l’espace dural ou épidural, ces lésions sont
caractérisées par un apport vasculaire issu des artères durales des carotides externes, internes
et vertébrales.
– Le troisième groupe reprend les malformations anévrismales de la veine de Galien (MAVG)
qui sont localisées au niveau de la fissure choroïde, dans l’espace choroïdien ou sous-arachnoï-
dien. Les afférences artérielles seront donc essentiellement assurées au dépend des artères
choroïdiennes.

La description angioarchitecturale des malformations vasculaires précisera le nombre d’affé-


rences artérielles, les différents compartiments qui forment la malformation, la présence de
facteurs de risque tels des anévrismes intranidaux ou pédiculaires, et les caractéristiques du
drainage veineux.

Âge
La fréquence des lésions en fonction de l’âge est résumée dans le Tableau I. La variabilité de
fréquence des lésions en fonction de l’âge suggère que la plupart malformations artérioveineuses
ne sont pas congénitales et apparaissent en postnatal vraisemblablement après l’âge de deux
ans [2]. Ne seront dès lors considérées comme vraies malformations congénitales que celles
découvertes en anténatal, à savoir les MAVG et le MSD [18]. Les décisions thérapeutiques seront
différentes selon qu’une lésion est découverte chez un nouveau-né, un nourrisson ou un enfant
car chaque âge présente des caractéristiques physiologiques cérébrales particulières. Ainsi, la
maturation cérébrale qui est en jeu dans les groupes d’âge précoce doit absolument être
préservée.

Spécificités thérapeutiques
Puisque chez l’enfant, le but de tout traitement dans sa phase initiale sera de permettre une
croissance et une évolution neurologique normale [3, 19], certaines lésions ne seront délibéré-
ment traitées que partiellement à la phase aiguë en ciblant les facteurs de risques fonctionnels
ou hémorragiques, afin de rétablir un équilibre hémo- et hydrodynamique entre la malformation
et le cerveau, voire l’organisme (stabiliser les insuffisances cardiaques par exemple) en évitant
les dégâts focaux ou généraux pouvant être crées par la lésion. Le traitement curateur de la
malformation s’effectuera secondairement selon une stratégie établie en fonction de l’évolution
clinique du patient. Le calendrier des sessions de traitement endovasculaire devra donc anticiper
l’histoire naturelle et éviter l’apparition de séquelles irréversibles. Exclure totalement en une
seule session une malformation vasculaire sans risque cérébral spontané immédiat représente
une prise de risque non justifiée sauf si l’architecture lésionnelle le permet. À l’inverse, ne pas
traiter sous le seul argument du caractère « asymptomatique » d’une lésion chez un nouveau-né

/ 515
Partie 4 – Aspects particuliers

ou un nourrisson expose à la constitution de lésions cérébrales par la suite irréversibles. En


fonction de ces éléments, une fenêtre thérapeutique optimale est établie en concertation pluri-
disciplinaire, ayant pour but un développement neurologique normal.

Dans ce contexte, l’examen clinique et neuropédiatrique vise d’une part à apprécier l’état neu-
rologique et le développement neurocognitif, et d’autre part, les techniques préférentielles d’ima-
gerie non invasive par IRM et ARM doivent faire partie intégrante du bilan initial et du suivi.
L’angiographie diagnostique ne sera la plupart du temps réalisée qu’au moment du geste thé-
rapeutique endovasculaire.

TABLEAU I ▼
Classification des lésions vasculaires intracrâniennes en fonction de l’âge par ordre
de fréquence.
Âge Type de malformation Présentation clinique

MAVG Décompensation cardiaque,


In utero Malformation des sinus duraux macrocrânie, ventriculomégalie,
Fistule piale, MAV (rare) « melting brain »

MAVG Décompensation cardiaque,


MSD décompensation multiviscérale,
Nouveau-né (jusqu’à 1 mois) MAV consommation des facteurs
Cavernome de coagulation, hémorragies
Anévrisme intracrâniennes, crise d’épilepsie

MAVG Troubles hydroveineux :


MSD macrocrânie, hydrocéphalie, crise
Nourrisson (de 1 mois à 2 ans) MAV d’épilepsie, retard
Cavernome développemental, hémorragie
Anévrisme intracrânienne

Céphalées, hémorragie IC, déficit


MAV neurocognitif, crise d’épilepsie
Cavernome MAVG : malformation anévrismale
Enfant (de 2 à 15 ans) Anévrisme de l’ampoule de Galien ; MSD :
Fistule durale malformation des sinus duraux ;
MAVG MAV : malformation
artérioveineuse

Les MAVG sont des shunts artérioveineux choroïdiens qui se développent entre la 8e et 11e
semaine de gestation, provoquant un arrêt du développement embryologique du système vei-
neux cérébral profond à un stade précis [19]. Ces malformations se caractérisent par la présence
d’un collecteur veineux médial dilaté qui correspond non pas à la veine de Galien en elle-même
mais à son précurseur embryologique, la veine médiane du prosencéphale dite de Markowski
[19]. Le développement d’un shunt entre les vaisseaux choroïdiens primitifs et cette veine per-
turbe la régression spontanée de cette structure embryonnaire veineuse et empêche le dévelop-
pement normal de l’ampoule de Galien et de ses collecteurs qui drainent le réseau veineux
profond. Sauf rares exceptions [20, 21], il n’y a donc pas de confluence entre le réseau veineux
profond et l’ampoule de Galien malformative. Le territoire cérébral profond se draine via des
voies alternatives. Au stade précoce, le drainage veineux cérébral est indépendant du shunt
artérioveineux et se fait essentiellement par voie postérieure puisque les sinus caverneux sont
encore immatures et non fonctionnels [22]. La maturation du système veineux se poursuit après
la naissance et habituellement à l’âge de quelques mois, les sinus caverneux vont collecter les

516 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

veines sylviennes. Ce phénomène, appelé « capture caverneuse », apportera une voie de drainage
alternative et offrira donc une « protection » supplémentaire au cerveau puisque son drainage
veineux ne sera plus exclusivement dirigé postérieurement vers le torcular, mais pourra utiliser
cette voie alternative antérieure.

On distingue deux types d’angioarchitecture dans les MAVG. Les MAVG de type mural consistent
en des fistules directes dans la paroi de la veine prosencéphalique médiane (Figure 2).

FIGURE 2 Nourrisson. Macrocrânie et hydrocéphalie. Forme murale de malformation de l’ampoule


de Galien.
A : IRM axiale en séquence T2 montrant l’ectasie malformative et la dilatation ventriculaire avec
résorption sous-épendymaire. B : L’injection vertébrale gauche vue de face retrouve deux shunts
directs dans la paroi de l’ampoule (flèches) vascularisés par des artères circonférentielles longues.
C : Occlusion du shunt gauche par injection de colle acrylique pure. Le même type d’occlusion
aura lieu sur le pédicule droit. D : Contrôle angiographique vertébral gauche montrant la guérison
de la malformation.

/ 517
Partie 4 – Aspects particuliers

Les MAVG de type choroïdien se caractérisent par un réseau vasculaire pathologique complexe
dans la fissure choroïdienne, interposé entre les afférences artérielles et les collecteurs veineux
(Figure 3). Selon la littérature, 56-76 % des VGAM sont de type choroïdien [23].

FIGURE 3 Nourrisson de 19 mois.


A : Macrocrânie progressive. B : IRM coronale injectée montrant une forme choroïdienne de mal-
formation de l’ampoule de Galien avec nombreux vaisseaux pathologiques dans la fissure choroïde
et dans la région sous-épendymaire. C : Artériographie vertébrale gauche, face. On retrouve la
touffe de vaisseaux choroïdiens pathologiques (flèches) se drainant dans la veine médiane du
prosencéphale (astérisque).

Les apports artériels dans l’un et l’autre cas sont ceux de la fissure choroïdienne, incluant les
contributeurs subfornical, choroïdien antérieur et sous-épendymaires.

Le drainage veineux se fait par définition vers la veine médiane du prosencéphale dilatée
– nommée de ce fait erronément « anévrisme de l’ampoule de Galien » – et emprunte ensuite
en général un sinus falcoriel pour rejoindre le tiers postérieur du sinus sagittal supérieur. Cette
dernière ne draine pas les veines profondes et n’assure le drainage que de la malformation.

Les « vraies » MAVG doivent être distinguées des autres entités qui se manifestent par une
dilatation de la veine de Galien. Dans ces derniers cas, la veine de Galien correspond à la structure
veineuse mature qui draine les structures cérébrales profondes. La dilatation peut soit être consti-
tutionnelle dans le cadre d’anomalies veineuses, soit résulter de la présence d’un shunt localisé
dans un territoire d’un collecteur de la veine de Galien. Celle-ci est dilatée à cause du flux sanguin
pathologique, et/ou d’un obstacle au drainage veineux. Ces dilatations sont la plupart du temps
secondaires à une MAV profonde ; elles sont le plus souvent retrouvées chez des enfants plus
âgés que ceux qui présentent une MAVG. Il est important de distinguer ces deux entités étant
donné que ces pathologies ont des histoires naturelles différentes et requièrent des stratégies
thérapeutiques différentes. L’analyse du drainage veineux permet de reconnaître les deux patho-
logies et de proposer le traitement adéquat au meilleur moment.

Présentation clinique
Les MAVG peuvent avoir des répercussions systémiques hémodynamiques et cérébrales, aiguës
ou chroniques, en fonction de l’importance du shunt et de l’âge de l’enfant.

Lasjaunias et al. [2] ont développé un algorithme de prise en charge basé essentiellement sur la
présentation clinique qui classe chaque patient selon son stade évolutif permettant d’anticiper
son évolution clinique. Ce schéma est un outil pour déterminer la meilleure fenêtre thérapeutique
(Figure 4).

518 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

FIGURE 4 Évolution naturelle des malformations anévrismales de l’ampoule de Galien.

Le diagnostic prénatal des MAVG est possible par US ou IRM, habituellement durant le 3e tri-
mestre de la grossesse. Un diagnostic in utero, sans signe de dysfonction multiviscérale ou
d’atteinte parenchymateuse cérébrale, n’est pas indicatif en soi d’un mauvais pronostic. En
revanche, l’identification in utero de signes d’insuffisance cardiaque avec extrasystoles supra-
ventriculaires, insuffisance valvulaire tricuspide, une tachycardie supérieure à 200 battements
par minute, est de mauvais pronostic car associée à une dysfonction multiviscérale sévère à la
naissance et à des dommages cérébraux irréversibles [24, 25].

Chez les nouveau-nés, la décompensation cardiaque est la manifestation la plus fréquente [26].
Elle est de gravité variable. Lorsque des manifestations systémiques surviennent, elles doivent
être prises en compte dans la stratégie thérapeutique. Un score d’évaluation néonatal spécifique
vérifiant les fonctions neurologiques, cardiaques, respiratoires rénales et hépatiques a également
été développé [27, 28]. Cette échelle d’évaluation est utile pour déterminer la fenêtre thérapeu-
tique optimale au cours de laquelle le traitement devra être proposé (Tableau II). Selon Lasjau-
nias, un score inférieur à 8 sur 21 indique un état clinique global et neurologique précaire irré-
versible associé à des défaillances neurologiques et multi-organes tel qu’il n’y a pas d’indication
de traitement endovasculaire. Un score entre 8 et 12 reflète des répercussions systémiques trop
importantes que pour espérer une amélioration sous traitement médical et nécessite un traite-
ment endovasculaire rapide. Un score supérieur à 12 suggère que la situation peut être gérée
médicalement à court terme, jusqu’à stabilisation du patient, afin de pouvoir le traiter entre
5-6 mois d’âge de vie sous couvert d’une surveillance clinique et radiologique régulière (voir
ci-dessous).

Chez le nourrisson, les désordres hydrodynamiques sont la manifestation la plus fréquente quand
le diagnostic de MAVG n’a pas été fait plus tôt, car l’augmentation de pression veineuse intra-
crânienne causée par la MAVG perturbe le drainage de LCR. La macrocrânie observée chez cer-
tains patients correspond à une des premières manifestations de désordre hydroveineux et ne
doit pas être méconnue car elle représente un vrai signe clinique, a priori lorsqu’associée à un
souffle intracrânien et à des veines maxillo-faciales dilatées. Ces dernières représentent une voie

/ 519
Partie 4 – Aspects particuliers

TABLEAU II ▼ Score néonatal de Lasjaunias.


Fonction État Fonction Fonction Fonction
Points
cardiaque neurologique respiratoire hépatique rénale

5 Normale Normal Normale - -

Surcharge, pas Anomalies Tachypnée


4 de traitement infracliniques mais finit - -
médical isolées à l’EEG son biberon

Insuffisance
Signes Pas
cardiaque Tachypnée,
neurologiques d’hépatomé-
3 stable sous ne finit pas Normale
intermittents galie, fonction
traitement son biberon
sans convulsion normale
médical

Insuffisance
cardiaque Ventilation Hépatomé-
Convulsions Anurie
2 instable sous assistée, galie, fonction
isolées transitoire
traitement FiO2 < 25 % normale
médical

Insuffisance
Ventilation Diurèse
Ventilation Crises hépatique
1 assistée, instable malgré
assistée d’épilepsie modérée ou
FiO2> 25 % traitement
transitoire

Coagulation
Réfractaire Déficits/signes Ventilation
anormale,
0 au traitement neurologiques assistée, Anurie
enzymes
médical permanents désaturation
élevées
Score maximal : 21. FiO2 : Fraction d’oxygène inspirée ; EEG : électroencéphalogramme.

de dérivation spontanée de sang veineux cérébral lorsqu’une capture caverneuse a pu avoir lieu :
le drainage s’effectue alors vers la veine ophtalmique supérieure, la veine angulaire et la veine
faciale, créant dès lors ce lacis vasculaire bleuté typique. La congestion de la veine ophtalmique
supérieure peut également être responsable d’épistaxis chez l’enfant. Ces dernières s’expliquent
par le fait que cette veine draine anatomiquement la fosse nasale, et toute hyperpression vei-
neuse peut congestionner la muqueuse de cette dernière et créer des saignements de nez. La
macrocrânie est le résultat d’une adaptation veineuse et est possible aussi longtemps que les
fontanelles sont ouvertes. Dans ces conditions, l’accumulation de LCR a initialement peu de
conséquences. De tels désordres peuvent cependant également être observés chez les fœtus ou
nouveau-nés du fait de la défaillance précoce de la physiologie du LCR. Les désordres hydro-
dynamiques de la fosse postérieure se manifestent par un prolapsus tonsillaire créé par la conges-
tion veineuse cérébelleuse : les amygdales sont engagées dans le trou occipital. Ce prolapsus
donne exceptionnellement lieu à une syringomyélie. Il est de plus réversible : l’embolisation du
shunt permet de diminuer la pression au niveau de la fosse postérieure et favorise la remontée
des amygdales en intracrânien. La congestion veineuse de la substance blanche mènera à une
atrophie subépendymaire et une ventriculomégalie passive reconnaissable à la persistance asso-
ciée de sillons corticaux larges. Une hydrocéphalie vraie avec résorption transépendymaire de
LCR pourra survenir en cas de perte de la compliance veineuse. La compression mécanique de
l’aqueduc du mésencéphale est rarement la cause principale d’hydrocéphalie, l’aqueduc étant
perméable chez la plupart des patients [29]. Il est important de différencier l’hydrocéphalie (avec
signes de résorption subépendymaire, augmentation de la pression intracrânienne, effacement
des sillons corticaux, bombement fontanellaire) d’une ventriculomégalie (élargissement passif
des ventricules, sans résorption sous épendymaire de LCR et larges sillons corticaux) étant donné
qu’ils requièrent une prise en charge différente. En cas d’hydrocéphalie, une prise en charge
endovasculaire précoce est recommandée afin d’améliorer la physiologie du LCR en diminuant
l’hyperpression veineuse : c’est l’embolisation des shunts principaux de la lésion qui permet la

520 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

diminution de la pression et le rétablissement d’un équilibre hydroveineux, avec la régression


ou la stabilisation des symptômes. La pose d’un drain ventriculaire doit être évitée car ce geste
ne corrige pas les troubles hydroveineux, voire les aggrave, en altérant la circulation physio-
logique du LCR. De plus, elle se complique fréquemment d’hémorragie, de déficit ou d’épilepsie
[29]. Si l’embolisation ne peut être réalisée rapidement, la réalisation d’une ventriculocisterno-
stomie représente une alternative intéressante et devrait donc être réalisée soit juste avant
l’embolisation, soit comme traitement complémentaire dans un délai rapide si les symptômes
liés à l’hydrocéphalie ne régressent pas rapidement.

Les occlusions ou sténoses des sinus duraux à la jonction sigmoïdo-jugulaire sont souvent obser-
vées dans les MAVG et sont un élément évolutif déterminant. Elles sont en rapport avec un
défaut de maturation des golfes jugulaires et ont pour conséquence une aggravation de la conges-
tion veineuse supra- et infratentorielle. Étant donné la persistance fréquente du sinus occipital
dans les MAVG, la plupart des efférences du torcular sont redirigées médialement et ne stimulent
pas le développement des sinus sigmoïdes qui restent fins en distalité [22]. La discordance entre
la croissance de la base de crâne et de la voûte liée à la macrocrânie jouerait également un rôle
dans la dysmaturation des bulbes jugulaires.

Ce processus occlusif est habituellement progressif et peut se développer sans symptôme sur
une longue période. Pour cette raison, le pronostic d’une MAVG dépend aussi de la perméabilité
des golfes jugulaires. La situation est particulièrement instable si les sténoses sont complètes et
bilatérales, a fortiori s’il n’y a pas de capture caverneuse : le cerveau dans ces conditions ne peut
se drainer que vers le torcular, et le sang ne peut s’évacuer aisément hors de la boîte crânienne
du fait de ces sténoses, ce qui accentue l’hyperpression veineuse et peut majorer les dégâts
parenchymateux.

À des stades plus avancés chez le plus grand enfant, si le traitement n’a pas été réalisé dans la
fenêtre thérapeutique optimale, ou si la lésion a été méconnue, la présentation clinique reflète
les manifestations subaiguës et chroniques de l’ischémie veineuse et des désordres hydro-
dynamiques : calcifications, atrophie subépendymaire, crises d’épilepsie et retard mental, voire
hémorragies.

Prise en charge
La prise en charge doit être pluridisciplinaire, associant les équipes de réanimation pédiatrique,
de neuroradiologie et de neuropédiatrie et nécessite une évaluation diagnostique précise dont
dépendront le choix thérapeutique et la fenêtre temporelle pour le réaliser.

En anténatal, le diagnostic de MAVG n’est pas en soi une indication à une interruption théra-
peutique de grossesse lorsqu’aucun signe de défaillance cardiaque ou d’atteinte cérébrale n’est
décelé. Si le diagnostic est posé par une échographie au cours de la grossesse, il importe de
réaliser une IRM anténatale pour bien préciser le parenchyme cérébral. Une atteinte précoce de
celui-ci, souvent associée à une défaillance multisystémique, doit faire discuter une interruption
de la grossesse.

Chez le nouveau-né présentant une insuffisance cardiaque liée à la MAVG, le premier traitement
doit rester médical, associant souvent tonicardiaques et diurétiques. En cas de non réponse au
traitement, l’enfant sera hospitalisé en réanimation où tout sera mis en œuvre pour stabiliser
la situation hémodynamique : intubation et ventilation, agents inotropes, etc. Dans tous les cas,
il importe dans ces conditions de faire le bilan complet de la situation hémodynamique et de
troubles multisystémiques, afin de construire le score néonatal permettant de définir l’urgence
de prise en charge thérapeutique (voir Tableau II), et d’analyser par une IRM cérébrale, aux

/ 521
Partie 4 – Aspects particuliers

premiers jours de vie, le cerveau et l’architecture de la malformation à la recherche de dégâts


du parenchyme à type de fonte cérébrale focale ou générale irréversible quel que soit le traite-
ment effectué car évoquant, dans ce dernier cas, une apoptose cellulaire non contrôlable. Cela
représentera une contre-indication thérapeutique. En cas de normalité du parenchyme et de
contrôle clinique de la situation hémodynamique, le traitement endovasculaire sera idéalement
réalisé lorsque l’enfant sera âgé de 5-6 mois, au cours de la fenêtre thérapeutique optimale qui
est le bon compromis entre la situation clinique, le poids de l’enfant (vu la quantité de contraste
qui est permise à cet âge) et la taille de l’artère fémorale qui sera ponctionnée. Ces mois seront
mis à profit pour surveiller l’enfant cliniquement et contrôler le parenchyme cérébral : le patient
sera revu mensuellement en neuropédiatrie pour vérifier son évolution et bénéficiera tous les
deux mois d’une IRM de contrôle. Les fonctions neurocognitives peuvent être évaluées par les
tests de Denver et Brunet-Lezine [30]. Tout échappement clinique ou radiologique fera anticiper
le geste endovasculaire.
Si l’insuffisance cardiaque n’est pas stabilisée médicalement, une embolisation en urgence pourra
être proposée. Celle-ci visera à occlure les shunts principaux responsables de la surcharge cardiaque
droite, sans chercher à guérir la malformation sauf si sa forme anatomique le permet. Habituel-
lement, ce geste partiel suffit à stabiliser la situation hémodynamique. Des embolisations complé-
mentaires seront réalisées secondairement jusqu’à aboutir à la guérison de la MAVG (Figure 5).

Chez le nourrisson et l’enfant, le traitement endovasculaire doit anticiper ou résoudre les désor-
dres hydroveineux. Tout signe évocateur d’un déséquilibre à ce niveau devra être reconnu et
devra être régulièrement évalué car il pourra nécessiter un traitement endovasculaire rapide :
majoration trop importante du périmètre crânien, retard neurocognitif, signes IRM d’hyper-
pression intraventriculaire, etc. Le bénéfice du traitement peut être perdu si l’embolisation est
réalisée en dehors de la fenêtre thérapeutique optimale.

Une occlusion spontanée des MAVG a été décrite [31], mais ce phénomène est imprévisible et
tend à se produire souvent tardivement quand les dommages cérébraux sont déjà irréversibles.

Les malformations artérioveineuses sont divisées en MAV fistuleuses, dites « fistules piales » et
MAV nidales.

Les fistules correspondent à des shunts directs entre une artère piale et une veine corticale. Ils
peuvent être unique ou multiples et sont subdivisés en deux types en fonction de leur taille :
microfistules ou macrofistules, ces dernières étant caractérisées par l’ectasie veineuse drainant
primitivement le shunt. Ces malformations sont toujours superficielles, quelle que soit leur loca-
lisation (supra- ou infratentorielle). Les macrofistules sont le plus souvent observées dans la popu-
lation pédiatrique [32, 33] (Figure 6). Ces lésions peuvent provoquer des désordres hydroveineux
mais aussi se présenter comme des masses pulsatiles qui compriment le parenchyme cérébral
normal. Chez les patients porteurs de ce type de lésion, d’autant plus si les lésions sont multiples,
le diagnostic de HHT ou de mutation RASA1 doit être systématiquement recherché [12].

Les MAV nidales se caractérisent par une communication anormale entre une artère et une veine
piale à travers un conglomérat de vaisseaux anormaux formant un nidus dont la taille est extrê-
mement variable.

Les lésions multiples se rencontrent deux fois plus chez l’enfant que chez l’adulte (17,2 % versus
9 %) [1]. La multiplicité des lésions doit faire rechercher une HHT [9].

522 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

FIGURE 5 Nouveau-né. Insuffisance cardiaque non contrôlable malgré un traitement réanima-


toire poussé. Cerveau normal à l’IRM.
A : Injection vertébrale gauche, vue latérale. Forme choroïdienne de malformation de l’ampoule
de Galien, vascularisée par de nombreuses artères choroïdiennes et sous-épendymaires. B : Embo-
lisation du pédicule principal fistuleux de la malformation par colle acrylique pure. Amélioration
de l’état hémodynamique et sevrage progressif des drogues tonicardiaques permettant l’extuba-
tion du bébé. C : Contrôle angiographique vertébral gauche effectué 4 mois plus tard montrant
le résidu malformatif et l’affaissement de l’ectasie veineuse du fait de la réduction de flux obtenu
par l’embolisation précédente. Poursuite à ce stade du traitement endovasculaire. D : Contrôle en
fin de traitement montrant la guérison de la malformation.

Présentation clinique
Les MAV piales se manifestent chez le nouveau-né dans près de 50 % des cas par une insuffisance
cardiaque, ou par des hémorragies (37,5 %). Chez le nourrisson, l’hémorragie (30 %) et la macro-
crânie (27 %) sont plus fréquentes que l’insuffisance cardiaque (23 %). Chez l’enfant, les lésions
se manifestent sur un mode hémorragique dans 50 % des cas, suivi d’épilepsie (16,6 %), d’un
déficit neurologique (15 %) et de céphalées (15 %) [3, 32].

/ 523
Partie 4 – Aspects particuliers

FIGURE 6 Enfant de 3 ans présentant une macrocrânie évolutive avec dilatation de veines
maxillo-faciales.
A : IRM en coupe sagittale, séquence T2. Volumineuse ectasie veineuse supra-calleuse exerçant
un effet de masse sur les structures avoisinantes et correspondant au drainage initial d’une fistule
artérioveineuse cingulaire, évocatrice de maladie de Rendu-Osler-Weber. L’interrogatoire familial
retrouve par ailleurs des épistaxis familiaux. B : Artériographie carotidienne droite, vue de face.
On retrouve la fistule piale à haut débit et shunt unique (flèche) se drainant dans l’ectasie vei-
neuse. C : La lésion est occluse par dépose de coils sur le site fistuleux. D : Le contrôle en carotide
droite retrouve l’exclusion totale de la fistule et confirme la perméabilité des vaisseaux de voi-
sinage. Des contrôles à distance seront programmés pour vérifier si l’hyperhémie adjacente à la
fistule (B et D : astérisque) correspond à du parenchyme comprimé ou à une MAV nidale associée.

Si les répercussions systémiques de ces lésions visibles dans la population néonatale s’apparen-
tent à celles décrites dans les MAVG, les répercussions cérébrales sont toutefois différentes du
fait de l’espace anatomique dans lequel se trouvent les lésions et leurs veines de drainage. Les
décisions thérapeutiques sont différentes en fonction de l’âge de l’enfant et ce quels que soient
les symptômes cliniques.

524 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

Traitement
Une lésion découverte chez le nouveau-né surtout, voire le nourrisson, même de façon fortuite
ou devant des symptômes mineurs comme une macrocrânie, doit impérativement être traitée
précocement pour éviter des atteintes parenchymateuses irréversibles pouvant se développer
rapidement. En effet, la congestion de veines sous-piales chez le nouveau-né est rapidement
responsable de perturbations veineuses locorégionales aboutissant à un « melting brain » focal.
Ce risque est diminué si le drainage s’effectue principalement dans des veines sous-arachnoï-
diennes. Cela illustre le rôle des veines sous-piales et de la substance blanche dans la maintenance
et le développement de celle-ci. Les veines sous-piales communiquent en effet avec les veines
sous-épendymaires au travers de veines médullaires et peuvent ainsi interférer avec l’équilibre
de l’eau et du LCR. L’importance de l’analyse du drainage veineux sous-pial et de ses modifica-
tions pathologiques a été décrite dans les travaux de Yoshida et Weon [32, 33]. Les veines
sous-arachnoïdiennes rejoignent les espaces péricérébraux et n’ont que peu d’impact sur le cer-
veau tant que les sinus sont perméables. Si le drainage de la MAV s’effectue directement dans
un sinus, les troubles observés seront ceux d’une surcharge veineuse globale. Une évaluation des
répercussions parenchymateuses est dès lors indispensable par IRM. L’artériographie diagnostique
ne sera réalisée qu’au cours de la session endovasculaire thérapeutique, l’ARM apportant actuel-
lement suffisamment de renseignements importants pour évaluer correctement la lésion.

Le but du traitement endovasculaire sera donc de réduire rapidement les répercussions veineuses
en ciblant l’embolisation sur les zones de shunts principales congestionnant le système de drai-
nage. Cela améliorera l’homéostasie locale et évitera les conséquences délétères sur le cerveau.
Comme dans les MAVG, il n’est pas besoin chez le tout petit de rechercher une guérison ana-
tomique coûte que coûte de la lésion : assurer la maturation cérébrale normale reste l’objectif
principal du traitement. L’éradication de la MAV se fera au cours de sessions complémentaires
différées dans le temps.

L’étude ARUBA [34] ne peut être appliquée à la population pédiatrique. On ne peut laisser évoluer
une MAV « asymptomatique » chez le nouveau-né ou le nourrisson sans risquer des atteintes céré-
brales majeures aux conséquences cliniques graves. De même, en l’absence d’étude « ARUBA pédia-
trique », il paraît difficile de concevoir de ne pas traiter une MAV asymptomatique chez l’enfant du
fait de l’espérance de vie longue de celui-ci et des risques à long terme que lui fait prendre la lésion.
Les décisions thérapeutiques chez le grand enfant seront prises en considérant les symptômes
cliniques, la localisation de la lésion, son architecture et son drainage veineux (Figure 7).

Les malformations durales pédiatriques sont rares [35, 36] et ne sont pas comparables aux shunts
décrits dans la population adulte.

Le diagnostic d’un shunt dural chez un enfant amène à poser le diagnostic différentiel de la
lésion et de discuter les diverses stratégies thérapeutiques en fonction de l’âge du patient et du
type de lésion. Quel que soit l’âge, l’examen clinique, l’IRM et l’angio-IRM restent absolument
nécessaires en première analyse, l’angiographie étant un examen à effectuer en préthérapeutique.
Le pronostic initial de ces lésions n’est pas lié exclusivement au flux, et la perméabilité des sinus,
ainsi que l’absence de reflux vers les veines cérébrales, jouent des rôles majeurs également dans
le pronostic de ces lésions.

/ 525
Partie 4 – Aspects particuliers

FIGURE 7 Enfant de 6 ans présentant un déficit hémicorporel sensitivo-moteur avec hémianopsie


gauche.
A : IRM coupe axiale, séquence T2. Volumineuse MAV de type nidal des noyaux gris centraux et
de la capsule interne droite, se drainant dans une ectasie veineuse comprimant les structures de
voisinage. B : Le bilan angiographique complet (ici, injection carotidienne interne droite de face)
montre la vascularisation étendue de la lésion aux dépens d’artères perforantes, avec un drainage
veineux profond. C : Plusieurs embolisations sont effectuées déconnectant de nombreux compar-
timents malformatifs. La réduction de la trame malformative artérioveineuse et la décongestion
veineuse obtenue améliorent cliniquement l’enfant qui récupère de façon satisfaisante bien que
partielle de son déficit. Des contrôles et traitements ultérieurs sont prévus en fonction de l’évo-
lution de l’enfant, la lésion restant au-delà de toute ressource thérapeutique à ce stade du fait
de sa localisation et de son architecture.

Trois différentes entités pathologiques sont reconnues :


■ les malformations des sinus duraux qui sont des lésions congénitales vraies dues à un
désordre embryologique qui touche primitivement un sinus dural, avec apparition secondaire
éventuelle de shunts artérioveineux ;
■ les fistules durales juvéniles, à haut débit et basse pression, souvent multifocales qui se
drainent dans des sinus larges ;
■ les fistules durales de type adulte, plus rares, souvent localisées au niveau caverneux, dont
les caractéristiques ne seront pas détaillées dans ce chapitre.

Malformations des sinus duraux


Les malformations des sinus duraux (MSD) sont des malformations congénitales se présentant
comme des sinus duraux focalement dilatés [37, 38] (Figure 8). Ces poches géantes sont consti-
tuées d’endothélium immature sur lesquelles peuvent se développer secondairement des shunts
artérioveineux muraux [39]. Ces shunts sont à flux lent et n’ont que de rares répercussions
hémodynamiques systémiques. En revanche, ils peuvent compromettre le drainage des veines
cérébrales qui s’abouchent dans le sinus malformatif. Ce processus peut être aggravé s’il existe
des restrictions sur le drainage veineux sinusien cérébral, et les répercussions seront d’autant
plus graves si les sinus caverneux n’ont pas encore capturé les veines sylviennes.

Les troubles hydroveineux éventuellement associés à une thrombose spontanée des lacs veineux
des MSD peuvent mener à des désordres hydroveineux aigus avec atrophie, hydrocéphalie,
infarctus veineux et hémorragies intraparenchymateuses. Aussi longtemps que les voies vei-
neuses de sortie sont perméables, les manifestations cliniques telles que la macrocrânie sont
limitées.

526 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

Le pronostic des MSD est donc déterminé par l’impact obstructif sur les voies veineuses de sortie
et dépend de la capacité du système veineux cérébral à trouver des voies de drainage alternatives
susceptibles d’éviter une surcharge veineuse. Dans certains cas, la thrombose spontanée de la
MSD peut induire sa guérison pour autant que celle-ci soit distincte de la circulation veineuse
cérébrale normale. Une consommation des facteurs de coagulation est également une compli-
cation rare mais redoutée. L’histoire naturelle des MSD dépendra de la localisation primitive de
la malformation durale. Les lésions médianes ont souvent un pronostic péjoratif étant donné
l’implication du drainage veineux profond dont les thromboses spontanées vont mener à des
infarctus hémorragiques. Les formes latérales ont l’avantage du drainage veineux collatéral et
sont de meilleur pronostic que les lésions médianes.

FIGURE 8 Nouveau-né admis en réanimation car présentant une insuffisance cardiaque sévère.
A et B : IRM en coupes sagittale (A) et axiales (B) T2 montrant une volumineuse malformation
du sinus longitudinal supérieur (astérisques). C : L’ARM démontre des artères méningées moyennes
dilatées (flèches) vascularisant des fistules artérioveineuses à haut débit se drainant dans le sinus
malformé (astérisque). D : L’angiographie, afin de limiter la quantité de contraste permise vu le
petit poids de l’enfant, est réalisée en se concentrant sur les shunts principaux considérés comme
responsables des troubles hémodynamiques. L’injection carotidienne primitive droite montre la
différence de taille entre l’artère méningée moyenne (flèche) et l’artère sylvienne (tête de flèche)
témoignant des différences de débit liées à la malformation. Les embolisations des fistules prin-
cipales à la colle acrylique permettent de faire régresser l’insuffisance cardiaque. E et F : Des
sessions ultérieures aboutissent à la guérison de la lésion et au remodelage du sinus malformé.
L’enfant actuellement âgé de 6 ans garde néanmoins des séquelles neurocognitives nécessitant
une prise en charge adaptée, malgré le traitement effectué rapidement initialement.

/ 527
Partie 4 – Aspects particuliers

Présentation clinique
Environ 20 % des cas sont diagnostiqués in utero [40-42]. Des détections par US et l’IRM ont
été rapportées au plus tôt à 20 semaines, avec visualisation de structures « kystiques » dans la
fosse postérieure en rapport avec les malformations durales. Le plus souvent, la symptomatologie
survient dans les premiers mois de vie. En postnatal immédiat, les manifestations hémo-
dynamiques sont rares et le plus souvent modérées. Chez les nouveau-nés, ces lésions peuvent
se manifester par une macrocrânie, un souffle crânial, une hydrocéphalie, des hémorragies intra-
parenchymateuses et des crises d’épilepsie. Chez les nourrissons, la macrocrânie est la manifes-
tation la plus fréquente avec l’HTIC. Dans la série publiée par Barbosa et al. [37], l’hémorragie
cérébrale était rapportée dans 26,7 % des cas, et l’IRM montrait des dommages cérébraux dans
20 % des cas. Le pronostic de ces lésions dans les séries publiées est réservé : 26-37 % de décès,
3-26 % de déficit neurologique majeur, 30-37 % de déficit neurologique modéré, 7-10 % seu-
lement sans déficit neurologique [36, 37].

Traitement
L’approche endovasculaire transartérielle à l’aide de colle acrylique est le traitement préférentiel
de ces lésions durales avec shunts artérioveineux. Un traitement partiel peut être proposé en
première intention pour éviter le risque de dommage cérébral focal, en réduisant les flux patho-
logiques et supprimant le reflux vers des veines cérébrales. Dans certaines conditions, un abord
transveineux occluant sélectivement à l’aide de coils le reflux veineux peut être envisagé
(Figure 8). Le traitement endovasculaire doit éventuellement être associé à un traitement anti-
coagulant afin d’éviter la thrombose spontanée brutale de ces lésions qui peut se révéler catas-
trophique. Comme pour les autres lésions, la compréhension de leur histoire naturelle, l’appré-
ciation de la situation clinique, leur évolutivité et l’analyse du parenchyme cérébral sont
indispensables dans la décision thérapeutique même en cas de découverte in utero. Après appa-
rition des premiers symptômes, la fenêtre thérapeutique peut être étroite étant donné la sur-
venue rapide de séquelles parenchymateuses.

Fistules artérioveineuses durales juvéniles


Les FAVD juvéniles sont les lésions durales les plus fréquentes dans la population pédiatrique.
Ce sont des shunts à haut débit et basse pression, souvent multifocaux, se drainant dans des
sinus qui sont élargis mais non malformatifs et qui restent perméables. Ces lésions sont souvent
associées à la présence de shunt piaux induits localisés à la surface cérébrale adjacente aux
shunts duraux. Les nouveau-nés et les nourrissons peuvent rarement présenter une insuffisance
cardiaque secondaire à ces shunts et lorsqu’elle survient, elle est rarement sévère. À cet âge, il
n’y a pas de déficit neurologique aussi longtemps que le sinus incriminé est perméable, que le
flux sanguin est crâniofuge et que les interférences hydrodynamiques sont minimes. Cela explique
pourquoi la majorité des lésions est détectée chez des enfants plus âgés.

Deux types de progression ont été décrits [2] :


■ la persistance d’un haut débit avec restriction progressive des sorties veineuses pourrait
être à l’origine des shunts piaux par « effet Venturi ». La régression de ces shunts piaux
peut survenir après correction des shunts à haut débit ;
■ l’apparition de multiples fistules, unilatéralement ou bilatéralement tant en infra- qu’en
supratentoriel est très vraisemblablement le plus souvent due à une angiogenèse anormale.

528 /
Pathologies vasculaires malformatives intracrâniennes de l’enfant

Les conséquences de ce type de progression dépendent du retentissement veineux et de l’impact


du phénomène aspiratif considéré comme pouvant être responsable de signes cliniques. Les
déficits des nerfs crâniens peuvent être les symptômes initiaux [1], mais au cours du temps,
l’effet aspiratif et l’ischémie veineuse relative peuvent être responsables d’une macrocrânie et
d’un retard cognitif. En cas d’implication du sinus caverneux, un ptosis, une paralysie oculo-
motrice, et un élargissement des veines faciales peuvent également survenir. Enfin, des troubles
hydroveineux peuvent apparaître en cas de restriction du retour veineux. Le pronostic général
de ces lésions est habituellement réservé même en cas de traitement endovasculaire qui échoue
au final à maitriser les shunts multiples et l’activité angiogénique diffuse en rapport avec la
maladie.

Le spectre des malformations vasculaires pédiatriques est large et de gravité très variable. Ces
malformations se développent sur un système vasculaire en cours de maturation, évolutif, et la
compréhension physiopathologique est plus importante dans leur prise en charge que les clas-
sifications rigides. Cet élément apparaît comme crucial dans la stratégie thérapeutique qui aura
pour objectif un développement neurocognitif normal de l’enfant.

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530 /
36

Les malformations vasculaires médullaires sont des maladies rares [1], si l’on compare leur pré-
valence dans la population française (environ 0,1 %) à celle des anévrismes cérébraux (environ
1 %) ou des malformations artérioveineuses cérébrales (environ 0,01 %). Ces lésions ont une
mauvaise réputation, liée à une histoire naturelle considérée comme péjorative, à l’éloquence
neurologique de la moelle, et à l’anatomie vasculaire médullaire souvent mal comprise. Le fait
que la plupart du temps une équipe traitante est rarement confrontée à ces lésions contribue
encore au fait que les malformations vasculaires médullaires sont regardées avec inquiétude.

De telles lésions peuvent siéger à divers segments de l’arbre vasculaire, à l’instar de ce que l’on
peut constater dans d’autres organes. On pourra ainsi décrire sur le versant artériel des ané-
vrismes et sur le secteur veineux des cavernomes, vraies malformations n’intéressant que ce
compartiment vasculaire. Ces lésions sont des malformations sans shunt artérioveineux. Elles
s’opposent aux lésions avec shunts artérioveineux qui se déclinent en fonction de l’espace ana-
tomique dans lequel elles se situent [2].

Outre les données fournies par le scanner et l’IRM, l’analyse de l’anatomie artérielle et veineuse
qui constituent la malformation vasculaire permet de reconnaître cet espace et de définir la
façon dont la lésion est construite (c’est-à-dire décrire son architecture). Ce premier pas per-
mettra de séparer les lésions en quatre groupes distincts [2] :
■ les shunts artérioveineux paraspinaux (ShAVPS), localisés en dehors du rachis, et pouvant
avoir des conséquences neurologiques soit du fait de compression des structures nerveuses
intracanalaires par des ectasies veineuses liées au drainage des ShAVPS, soit par reflux dans
des veines médullaires provoquant dès lors une myélopathie ischémique veineuse ;
■ les shunts artérioveineux épiduraux (ShAVE), situés entre la surface externe de la dure-mère et
la face interne des vertèbres, dont le drainage veineux initial engorge les plexus épiduraux qui,
s’ils sont fortement dilatés, peuvent comprimer les structures intracanalaires ou éventuellement
refluer dans des veines médullaires et provoquer le même type de myélopathie veineuse ;

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Partie 4 – Aspects particuliers

■ les shunts artérioveineux duraux (ShAVD) dont la communication artérioveineuse se situe


dans l’épaisseur de la dure-mère habituellement au niveau de l’aisselle d’une racine nerveuse,
et qui se draine directement dans une veine radiculaire ou émissaire vers les veines extrin-
sèques et intrinsèques de la moelle, ce qui sera là aussi responsable du même type de
myélopathie ;
■ les shunts artérioveineux intraduraux (ShAVID) qui seront classifiés selon la structure ner-
veuse qu’elles concernent en lésions médullaires, radiculaires ou du filum terminal.

Il faut garder à l’esprit que les examens neuroradiologiques ne donnent qu’un « instantané » de
la malformation. Ces malformations représentent des désordres actifs de la biologie vasculaire [3]
et, de ce fait, peuvent évoluer dans le temps [4]. Leur architecture peut ainsi se modifier, se
simplifier par des phénomènes de thrombose ou s’aggraver de façon angiogénique. Tout shunt
artérioveineux non traité ou traité incomplètement devra donc être suivi régulièrement pour
s’assurer de sa stabilité ou de son évolution, cette dernière pouvant amener à des symptômes
cliniques d’apparition brutale. Par exemple, une MAV médullaire intradurale sur la trame de
laquelle se développera un anévrisme au cours de la « quatrième dimension » que représente le
fil du temps, deviendra à risque hémorragique potentiel du fait de cette fragilité vasculaire
nouvellement apparue [4].

Ce chapitre concernera l’ensemble de ces pathologies vasculaires vues à Foch depuis mars 2002
jusqu’à septembre 2017. La classification de ces lésions et les symptômes qu’elles peuvent
générer sont regroupés dans la Figure 1.

FIGURE 1 Classification des divers types de lésions vasculaires médullaires avec les examens
neuroradiologiques permettant leur diagnostic et les possibilités de symptômes liés à ces
malformations.

532 /
Malformations vasculaires médullaires

Le centre embryonnaire de ces malformations est la notochorde, dont les artères segmentaires
et les plexus veineux vertébraux sont à considérer comme les composantes vasculaires de la
notochorde spinale : ce sont donc des lésions parachordales [5]. Elles sont plus fréquentes au
niveau thoracique, les régions cervicale et lombaire étant moins habituelles. Du fait de l’aspect
intersegmentaire des artères vertébrales (qui relient et « pontent » entre elles de trois à huit
artères segmentaires), les shunts artérioveineux vascularisés par les artères vertébrales peuvent
être considérés comme segmentaires parachordaux. Ces ShAVPS peuvent faire partie d’un syn-
drome métamérique où plusieurs sites malformatifs sur le même métamère peuvent être ren-
contrés. Il importe alors de comprendre quel est le site responsable des plaintes cliniques du
patient pour traiter efficacement ce dernier.

Les symptômes cliniques peuvent débuter de façon insidieuse, rendant le diagnostic difficile. Le
tableau clinique est généralement lié à la congestion veineuse créée par le shunt artérioveineux.
Le patient peut présenter des douleurs locales avec à l’examen clinique un thrill ou un souffle à
l’auscultation de la région pathologique. Les symptômes neurologiques sont dûs à la compression
de la moelle ou des racines nerveuses par des ectasies veineuses (Figure 2), ou à une myélopathie
ischémique créée par le reflux de sang pathologique dans les veines intradurales, pouvant aboutir
dans les cas évolués à une atrophie médullaire. Bien que rares, des hémorragies intradurales ou
épidurales par rupture des veines de drainage dans l’espace anatomique correspondant peuvent
aussi survenir [6]. Chez le nouveau-né ou le nourrisson, des insuffisances cardiaques ont été
décrites liées à des malformations artérioveineuses paraspinales se drainant à l’intérieur de sys-
tèmes veineux de pression basse et de faible résistance telles les veines jugulaires ou azygos [5].

Dans la plupart des cas, la présence d’un shunt paraspinal est asymptomatique puisque le drai-
nage anatomique des plexus paraspinaux et épiduraux est caractérisé par des anastomoses axiales
et longitudinales permettant la redistribution de sang à l’intérieur du système vasculaire rachi-
dien. L’angioarchitecture des malformations paraspinales est variable, faite de nidus ou de fistules
directes avec des anomalies principalement localisées sur le versant veineux de la lésion (sté-
noses, ectasies), moins fréquemment décrites sur le versant artériel (des anévrismes dysplasiques
ou de débit sont surtout observés chez l’adulte). Des malformations paraspinales ont été décrites
dans un contexte de pathologie du collagène ou de maladie de Rendu-Osler.

Le diagnostic est confirmé par le scanner ou l’IRM avec angio-IRM (Figure 2). Ces imageries
démontrent la masse vasculaire pathologique sur le site paraspinal, ainsi que les répercussions
sur les structures avoisinantes : destruction osseuse par des ectasies veineuses pulsatiles érodant
l’os, compression de la moelle et des racines, engorgement et myélopathie veineuse avec le
classique et non spécifique hypersignal en imagerie pondérée en T2.

Le traitement de ces malformations paraspinales est principalement endovasculaire, mais ce


dernier peut être difficile du fait de l’architecture de la lésion [5]. Dans tous les cas, il est
fondamental d’analyser non seulement l’anatomie lésionnelle (les artères et les veines de la
malformation), mais aussi l’anatomie régionale en étudiant la vascularisation médullaire : y a-t-il
une participation d’artères médullaires à la vascularisation du ShAVPS ? Y a-t-il une lésion vas-
culaire de la moelle associée métamériquement à celui-ci ? Les veines médullaires sont elles
entreprises par le ShAVPS ? Les réponses à ces questions permettent de comprendre les effets
de la malformation, et de préciser la prise en charge thérapeutique en évitant des complications
neurologiques pouvant être graves. En cas de fistule directe simple, l’embolisation permet l’occlu-
sion du shunt et la décongestion du système veineux de draînage, améliorant dès lors les symp-
tômes du patient et favorisant sa récupération. Si la lésion paraspinale est de type nidus mal-
formatif complexe, il est souvent impossible de la guérir en totalité et le traitement

/ 533
Partie 4 – Aspects particuliers

FIGURE 2 Shunt paraspinal.


Patient de 37 ans présentant une paraparésie progressive. A : IRM en coupe frontale. Mise en
évidence d’une lésion vasculaire paraspinale thoracique basse. B : CT en coupe axiale. La lésion
paraspinale gauche érode largement la vertèbre et pénètre dans le canal rachidien, comprimant
la moelle (C : IRM coupe sagittale) et étant donc responsable du déficit du patient.

endovasculaire doit s’attacher à maîtriser les zones pathologiques considérées comme respon-
sables des symptômes cliniques. Comme toujours dans les malformations vasculaires et princi-
palement dans les lésions artérioveineuses médullaires, ce concept de sémiologie angioclinique
doit être pris en considération.

À Foch, ces lésions sont les plus rares parmi le groupe des shunts artérioveineux médullaires que
nous avons été amenés à traiter (6 cas, 4 hommes, 2 femmes, de 22 à 67 ans : âge moyen
44 ans). Quatre ont été pris en charge par notre équipe avec une guérison obtenue dans un cas
d’architecture simple fistuleuse, les trois autres cas ayant été partiellement traités avec maîtrise
entre 50 et 75 % de la lésion et amélioration des symptômes cliniques des patients. L’emboli-
sation a eu lieu à l’aide de colle acrylique dans tous les cas. Deux patients asymptomatiques
n’ont pas été traités et restent sous surveillance.

Les ShAVE peuvent siéger à tous les niveaux rachidiens [2, 7-9]. La vascularisation artérielle de
ce type de lésion se fait par des artères ostéo-épidurales provenant d’artères segmentaires. On
reconnaît les ShAVE par le fait qu’ils se drainent de façon primaire dans un plexus épidural dilaté
(Figure 3). Trois types de ShAVE peuvent ainsi être décrits en fonction du type de plexus entrepris
par la malformation : antérieur (rétro-corporéal vertébral), latéral (au contact du pédicule) ou
postérieur (accolé à l’arc postérieur) [10]. Initialement, les ShAVE peuvent être asymptomatiques
ou ne se révéler que par des douleurs liées à la congestion veineuse. En cas de thrombose
spontanée d’une portion du plexus épidural ou de flux important dans le système malformatif,
un reflux rétrograde dans des veines émissaires peut survenir aboutissant à la compression des
structures nerveuses de voisinage, ou, plus fréquemment, à la myélopathie ischémique veineuse
par reflux dans les veines médullaires extrinsèques et intrinsèques (Figure 3). La rupture de la
malformation amène à des hématomes épiduraux, ou à des hémorragies intradurales [11].

L’IRM et l’angio-IRM sont les examens de choix pour diagnostiquer ces ShAVE : elles vont montrer
la dilatation des plexus épiduraux pathologiques et lier les symptômes neurologiques à la
compression médullaire ou à la myélopathie congestive. La présence de veines périmédullaires
dilatées sous forme de structures tubulaires circulantes est habituellement associée à un hyper-
signal de la moelle en imagerie T2, confirmant la souffrance du parenchyme nerveux [12].

534 /
Malformations vasculaires médullaires

FIGURE 3 Shunt épidural.


Patiente de 66 ans. Après un épisode initial de paraparésie rapidement régressif 2 semaines avant
son hospitalisation, la patiente présente brutalement une récidive sévère de ce déficit (psoas 0/5,
ischio-jambiers, jambiers antérieurs et quadriceps 2/5 bilatéralement).
Une IRM est réalisée en urgence qui retrouve sur les coupes sagittales en T2 un hypersignal de
souffrance médullaire sans mise en évidence franche de vaisseaux périmédullaires dilatés (A). Une
angio-IRM (B) met en évidence une veine dilatée de façon pathologique, à direction crâniale
(flèche) suspecte de drainer une lésion vasculaire. Une angiographie (C) réalisée immédiatement
au décours de l’IRM du fait de la rapidité d’installation des symptômes retrouve au niveau L2
gauche un shunt se drainant dans un plexus épidural lombaire partiellement thrombosé (pointe
de flèche) et refluant dans une veine spinale antérieure (flèche longue) rejoignant les veines
extrinsèques de la moelle (petites flèches pointillées) et responsable de la myélopathie veineuse.
Un cathétérisme sélectif du pédicule nourricier du shunt épidural est réalisé au cours de l’angio-
graphie diagnostique (D) et retrouve le plexus épidural (pointe de flèche) et l’origine de la veine
de drainage (flèche longue). L’embolisation à la colle acrylique (E) occlut totalement le lac épidural
(pointe de flèche) et la partie proximale de la veine de drainage (flèche longue), guérissant ainsi
la lésion. La patiente récupère rapidement de son déficit au décours du geste endovasculaire. Un
contrôle IRM en coupes sagittales T2 réalisé 4 mois plus tard (F) confirme la disparition de l’hyper-
signal médullaire. L’examen neurologique est à ce moment normal, hormis des impériosités mic-
tionnelles en voie d’amélioration.
Le fait que l’IRM initiale ne montre pas de vaisseaux périmédullaires dilatés est expliqué par le
drainage exclusif dans la veine spinale antérieure : celle-ci est anatomiquement localisée au fond
du sillon ventral, recouverte par la linea splendens qui est une épaisse pie-mère. La dilatation de
la veine spinale antérieure est « contenue » dans cet espace sous-pial, engorge les veines intrin-
sèques de la moelle mais n’est pas décelable souvent à l’IRM non injectée. L’angio-IRM est l’examen
de choix comme dans ce cas pour déceler la fistule.

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Partie 4 – Aspects particuliers

Le traitement est principalement endovasculaire et peut être difficile du fait de la taille de la


lésion et de son architecture. Son but sera d’occlure le shunt artérioveineux afin de déconges-
tionner le système veineux, libérer les structures nerveuses de leur compression par les structures
dilatées, et supprimer le drainage pathologique vers la moelle si celui-ci existe. Dans ce cas, il
sera nécessaire en effet d’occlure conjointement le lac épidural et la veine de drainage rejoignant
la circulation extrinsèque médullaire (Figure 3). Le traitement doit donc être, dans tous les cas,
ciblé sur le phénomène physiopathologique responsable de la symptomatologie. En cas d’échec
de l’embolisation ou de contre-indication anatomique à cette dernière (en cas de naissance au
même niveau d’une artère à destinée médullaire), la chirurgie doit permettre le clippage de la
veine de drainage refluant vers la moelle et supprimer ainsi la myélopathie veineuse ischémique.
La série de Foch comprend 12 shunts épiduraux (6 hommes, 6 femmes, de 13 à 86 ans, âge
moyen : 59 ans). Deux lésions asymptomatiques sans drainage intradural sont surveillées. Les
dix autres malades ont été traités par voie endovasculaire (9 à la colle acrylique, 1 par coils) :
tous sont guéris de leur lésion, et 9 sont cliniquement améliorés ou normalisés ; un malade
embolisé dans un état grave initial est resté stable malgré l’occlusion totale du shunt épidural.

Ils sont souvent dénommés « fistules durales », car l’architecture de la lésion peut être effecti-
vement une communication directe entre une artère et une veine (forme spiralaire). Ce type de
shunt peut toutefois aussi correspondre à un micronidus enfoui dans l’épaisseur de la dure-mère
rachidienne (forme glomérulaire). Cet aspect variable est lié à la vascularisation artérielle de la
dure-mère spinale qui peut prendre de tels aspects différents.

Les fistules durales se rencontrent au niveau thoracique, lombaire ou sacré. Leur localisation
cervicale reste controversée, et les shunts qui y sont décrits sont le plus souvent soit épiduraux,
soit radiculaires. Il peut exister toutefois des vraies fistules durales à la jonction cervico-occipitale
à drainage veineux intradural [7].

Les fistules durales sont des lésions acquises atteignant le plus souvent le sujet mâle âgé de plus
de 50 ans [13-15]. Leur présentation n’est jamais hémorragique, mais la plupart du temps insi-
dieuse, les symptômes débutant de façon fruste et amenant souvent le malade et son médecin
à ne pas les considérer comme signes d’alarme d’une lésion médullaire à potentiel d’aggravation.
Les symptômes d’apparition brutale sont rares. Une telle présentation est dans ces cas habituel-
lement considérée comme étant liée à une thrombose veineuse aiguë et requiert une prise en
charge thérapeutique urgente pour permettre une récupération des signes cliniques.

L’évolution de ces lésions est habituellement progressive. Les symptômes vont s’aggraver petit
à petit, le tableau clinique se complétera et finira, si la lésion n’est pas reconnue et non traitée,
par aboutir à un tableau sévère de dépendance neurologique associant troubles moteurs, sensitifs
et sphinctériens. Ces symptômes sont toujours liés à la congestion des veines extrinsèques et
intrinsèques de la moelle, créée par le reflux du sang pathologique depuis le shunt dural vers
une veine radiculaire ou émissaire rejoignant la moelle elle-même. Il s’ensuit une ischémie vei-
neuse par engorgement, aisément diagnostiquée par l’IRM [12, 16]. Celle-ci dévoilera un hyper-
signal médullaire témoin de la souffrance du parenchyme, associé le plus souvent à des dilata-
tions vasculaires tubuliformes périmédullaires correspondant aux veines extrinsèques dilatées.
Une prise de contraste au sein de l’hypersignal peut se voir en images pondérées T1, témoignant
d’une rupture de barrière hémato-méningée dans les cas évolués. Les veines périmédullaires
peuvent toutefois ne pas être visibles : la présence d’un hypersignal médullaire isolé dans le
cadre d’un tableau clinique progressif évocateur de pathologie vasculaire médullaire peut se voir

536 /
Malformations vasculaires médullaires

lorsque le reflux veineux s’effectue à flux lent au travers d’une veine rejoignant la veine spinale
antérieure. Celle-ci pourra alors être peu dilatée et mal visible car la veine spinale antérieure est
localisée en profondeur dans le sillon médullaire ventral et dans un espace sous-pial recouvert
par une membrane piale épaisse (la « linea splendens »). L’angio-IRM confirme le diagnostic dans
tous les cas, montrant la veine de drainage dilatée. Si l’artère nourricière est de trop petit calibre
pour être détectée, la localisation de la lésion est aisément déterminée par le niveau d’origine
de la veine de drainage radiculaire ou émissaire [12].

Le traitement de ces lésions est soit endovasculaire, soit chirurgical en fonction des équipes
prenant le patient en charge. L’embolisation est contre-indiquée en cas de naissance sur le site
lésionnel d’une artère à destinée médullaire du fait du risque d’occlusion de cette dernière
(Figure 4). Si l’embolisation est décidée, elle doit impérativement occlure, à l’aide d’embole
liquide définitif (colle acrylique, voire Onyx®), le shunt et la partie initiale de sa veine de drainage
afin de supprimer le reflux veineux et ainsi la myélopathie veineuse ischémique. Toute occlusion
proximale ou à l’aide de matériel instable dans le temps (telles les particules) n’aboutit pas à la
guérison de la lésion et à la résolution ou l’amélioration des symptômes. En cas d’échec ou de
contre-indication au traitement endovasculaire, la chirurgie doit être proposée. Son but reste le
même : déconnection de la veine de drainage radiculaire ou émissaire. Il ne faut pas entreprendre
le shunt dural lui-même, ni procéder à l’ablation des veines médullaires dilatées à la surface de
la moelle : le clippage et l’interruption en intradural de la veine malformative suffit à guérir le
ShAVD [17].

Quel que soit le traitement proposé, le malade doit rapidement présenter une amélioration de
ses symptômes. Si cela n’est pas le cas dans les 4-6 semaines après le traitement, une nouvelle
évaluation IRM est à prévoir afin d’exclure une deuxième lésion méconnue initialement, une rare
recanalisation du ShAVD, ou déceler une thrombose progressive ou extensive des veines médul-
laires [13]. Une anticoagulation est, de ce fait, souvent proposée comme traitement adjuvant
en postembolisation de ces lésions pour prévenir ce type de complication grave.

Vingt-cinq malades porteurs de fistules durales spinales ont été pris en charge à Foch
(19 hommes, 6 femmes, de 31 à 83 ans, âge moyen : 65 ans) ; 20 présentaient une fistule isolée
(âge moyen 65 ans) et 5 une fistule associée à une malformation médullaire intradurale (âge
moyen 33 ans). Une embolisation à la colle acrylique a été effectuée chez 19 patients (16 fistules
isolées et 3 associées), ce qui a permis d’exclure dans tous les cas la lésion. L’embolisation
incomplète dans un cas de fistule isolée a nécessité une chirurgie complémentaire, et chez
9 autres patients avec fistule unique une chirurgie a été effectuée du fait d’échec technique dans
le cathétérisme, ou de naissance au même niveau malformatif d’une artère à destinée médullaire.
Les 15 malades embolisés avec des fistules uniques et les 10 malades opérés se sont améliorés
ou normalisés neurologiquement ; un autre malade embolisé est resté cliniquement stable. Trois
des 5 malades présentant des fistules durales associées à des MAVs ont pu être guéris par
embolisation de leur fistule durale, ce qui a apporté une amélioration transitoire de leur état
neurologique progressivement déficitaire du fait de la décongestion du système veineux ; le
traitement de la MAV médullaire a eu lieu secondairement et a pu continuer d’améliorer les
patients dans tous les cas. Chez une patiente présentant une MAV hémorragique et une fistule
durale conjointe, l’équipe référente a opéré les deux lésions en phase aiguë. La patiente garde
néanmoins de lourdes séquelles de son hématomyélie. Enfin, dans un cas de fistule durale asso-
ciée à une MAV médullaire, le shunt dural partageant le même drainage veineux que la MAV,
l’exclusion de cette dernière a induit une thrombose secondaire spontanée de la lésion durale.

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Partie 4 – Aspects particuliers

FIGURE 4 Shunt dural.


Homme de 44 ans présentant un tableau de souffrance médullaire se complétant rapidement en 6
mois avec troubles moteurs, sensitifs et sphinctériens. Une IRM (non montrée) fait suspecter une
fistule durale. L’artériographie dévoile un shunt dural dans l’aisselle de la racine Th7 gauche (tête de
flèche) se drainant dans des veines médullaires dilatées (petites flèches) responsables de la myélo-
pathie veineuse. La naissance au même niveau que la lésion de l’artère radiculo-médullaire du
renflement lombaire (artère d’Adamkiewicz : flèches pointillées) représente une contre-indication à
une embolisation du fait des risques liés à la procédure. Le patient est opéré et récupère de son déficit.

Toute structure nerveuse dans l’espace intradural peut être le siège d’une lésion artérioveineuse :
le filum terminal, une ou plusieurs racines nerveuse(s), la moelle épinière.

Filum terminal
Les shunts artérioveineux du filum terminal sont toujours exclusivement vascularisés par l’artère
spinale antérieure : l’artère du filum est la continuité de cette dernière sous la corbeille vasculaire
représentée par l’anastomose entre les deux artères spinales postérieures et l’artère spinale

538 /
Malformations vasculaires médullaires

antérieure au niveau du cône terminal. Le shunt est habituellement de type fistuleux et se draine
dans la veine du filum de façon crâniale vers la moelle, avec engorgement secondaire des veines
extrinsèques et intrinsèques médullaires. Les symptômes cliniques sont dès lors progressifs, liés
à la myélopathie veineuse ; des hémorragies n’ont pas été rapportées dans ces lésions [18]. L’IRM
montre la veine du filum dilatée sous le cône terminal, les veines extrinsèques de la moelle
congestives et l’hypersignal de souffrance médullaire. L’angio-IRM montrera la localisation pré-
cise du shunt et permettra le diagnostic différentiel avec les autres lésions vasculaires à drainage
veineux intradural [12].

Le traitement de ces lésions peut se faire par voie endovasculaire si l’artère spinale antérieure
est suffisamment large pour permettre un cathétérisme distal, au-delà du cône [19, 20]. L’embo-
lisation doit, pour être permanente, être effectuée à l’aide d’un matériel liquide stable et per-
manent. Si la navigation intra-artérielle n’est pas possible pour des raisons anatomiques, ces
lésions du filum sont traitables par voie chirurgicale car localisées sous la moelle [18].

Dans la série de Foch, 2 patients présentaient un shunt artérioveineux du filum terminal, révélés
par des déficits neurologiques non hémorragiques. Un patient a été embolisé car l’architecture
lésionnelle et l’anatomie de l’artère spinale antérieure étaient favorables à une approche endo-
vasculaire, et l’autre a été opéré. Les deux malades sont guéris de leur malformation et se sont
neurologiquement améliorés de façon significative.

Racines nerveuses
Les shunts radiculaires isolés sont rares. Ils peuvent être fistuleux ou correspondre à des nidus
de petite taille. Ils sont le plus souvent associés à des lésions artérioveineuses médullaires, dans
le cadre d’un syndrome métamérique [21]. Leur présentation clinique peut être liée à des douleurs
radiculaires dans le territoire de la racine entreprise par la malformation vasculaire liée à
l’ischémie veineuse radiculaire plutôt qu’à un vol vasculaire artériel, à des symptômes neuro-
logiques progressifs si la lésion radiculaire congestionne secondairement des veines médullaires,
ou par des hémorragies sous-arachnoïdiennes par rupture de veines de drainage circulant dans
l’espace sous-arachnoïdien [7]. Le diagnostic différentiel avec des lésions durales se drainant
dans des veines radiculaires est difficile à l’IRM ou l’angio-IRM [12] : si la symptomatologie
radiculaire qui n’existe pas dans les fistules durales peut orienter le diagnostic, c’est surtout
l’artériographie qui va confirmer celui-ci en démontrant l’anatomie vasculaire de la lésion qui
est vascularisée par une artère radiculaire, voire radiculo-piale ou radiculo-médullaire : le site
malformatif est dans ces derniers cas sur le trajet radiculaire de l’artère à destinée médullaire.
De plus, le traitement endovasculaire de ces lésions peut être difficile du fait du calibre de l’artère
nourricière et donc d’un cathétérisme difficile à réaliser, de la vascularisation médullaire pouvant
être en provenance de l’artère porteuse, de la taille et de l’individualisation du shunt lui-même.
L’exclusion par voie neurochirurgicale est souvent préférable dans ces conditions.

Dans la série de Foch, 4 patients présentaient un shunt radiculaire (1 hémorragie, 1 douleur


cervicale, 2 découvertes fortuites au cours de bilan pour une autre pathologie). La malade qui
avait saigné a été traitée par embolisation, et sa lésion (de grande taille) a été réduite à 90 % ;
des contrôles ultérieurs sont prévus afin d’arriver à éradiquer le shunt en totalité. Une malade,
adressée pour avis, a été prise en charge dans son pays d’origine, une abstention thérapeutique
a été décidée pour les 2 autres patients du fait de l’absence de symptômes et de l’architecture
lésionnelle paraissant à faible risque.

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Partie 4 – Aspects particuliers

Moelle
Il est important de bien reconnaître les divers types de shunts artérioveineux médullaires, car
les possibilités thérapeutiques qui leur sont liées sont variables et dépendent du type lésionnel
en cause. Plusieurs classifications de ces lésions existent [22-31] mais leurs différences apportent,
du fait de leur subjectivité d’analyse, des confusions dans la compréhension de ces maladies.
Afin de simplifier cette dernière, nous proposons de distinguer les shunts artérioveineux médul-
laires non seulement en fonction de leur morphologie et architecture, mais aussi en fonction du
compartiment anatomique dans lequel ils sont localisés [1] (Figure 1).

On décrira alors :
■ des microfistules artérioveineuses : ce sont des communications artérioveineuses de petite
taille, vascularisées par une ou plusieurs artères radiculo-piales ou radiculo-médullaires
modérément élargies, et se drainant directement dans des veines médullaires engorgées
sans interposition de réseau vasculaire pathologique (Figure 5).
■ des macrofistules artérioveineuses : ce sont des communications artérioveineuses de plus
grande taille, vascularisées par des artères radiculo-piales ou radiculo-médullaires larges, se
jetant dans une volumineuse ectasie veineuse. Cette dernière est caractéristique de ces
lésions et va congestionner secondairement les veines de la moelle (Figure 6).
Quel que soit le type de fistule, ces lésions sont toujours localisées dans l’espace sous-pial
à la surface de la moelle [2]. L’étude de la vascularisation médullaire régionale reconstruisant
les continuités artérielles de voisinage et de la vascularisation lésionnelle permet de définir
la localisation antérieure ou postérieure de la fistule ;
■ des malformations vasculaires de type nidus : dans ces cas, il existe un réseau vasculaire
anormal entre les artères nourricières radiculo-piales ou radiculo-médullaires, et les veines de
drainage congestives. Ces nidus peuvent être superficiels, enchassés parfois dans les cordons
médullaires, ou intramédullaires. Dans ces derniers cas, ils sont toujours vascularisés par des
artères perforantes centripètes ou centrifuges émanant respectivement d’artères radiculo-
piales et radiculo-médullaires qui pénètrent à l’intérieur de la moelle et vascularisent le nidus
pathologique (Figures 7 et 8). L’étude de l’anatomie vasculaire permet de préciser le type de
lésion et sa localisation précise. Le drainage veineux peut être à direction crâniale ou caudale,
il peut être ventral ou dorsal, et ce, quelle que soit la localisation du shunt, du fait de la
richesse du réseau anastomotique intrinsèque et extrinsèque de la moelle. De plus, une lésion
intramédullaire peut se révéler être plus simple anatomiquement qu’il n’y paraît : par exemple,
un petit nidus peut recruter une circulation collatérale faite de vaisseaux de voisinage intrin-
sèques, créer une angiogenèse sur caillots ou sur ischémie veineuse, congestionner de façon
importante les veines du myélomère pathologique et donc prendre un aspect différent de ce
qu’il est en réalité (Figure 4). Cela a des implications thérapeutiques car le traitement endo-
vasculaire ne devra considérer que la « vraie » malformation et ne pas emboliser les vaisseaux
réactionnels sous peine de créer des déficits neurologiques pouvant être irréversibles.

Les shunts artérioveineux médullaires peuvent être unique ou multiples. La multiplicité doit faire
évoquer un syndrome métamérique, surtout si elle rentre dans le cadre des syndromes de Cobb,
Parkes Weber (Figure 8), Klippel Trenaunay ou Cloves [32-35]. Contrairement aux MAVs céré-
brales multiples qui orientent vers un diagnostic de maladie de Rendu-Osler-Weber (ROW, le
« Hemorrhagic Hereditary Telengiectasia : HHT des Anglo-Saxons) [36, 37], la multiplicité des
lésions médullaires évoque plutôt un trouble génétique embryonnaire ayant créé un désordre
métamérique [38]. Le ROW est plutôt caractéristique des macrofistules médullaires [4] (Figure 6).
Ces dernières peuvent se rencontrer également dans les syndromes malformation capillaire-
malformation artérioveineuse dus à des mutations hétérozygotes du gène RASA1 (5q13.3) codant
pour la forme active de la protéine p21 RAS [39, 40].

540 /
Malformations vasculaires médullaires

FIGURE 5 Micro FAV médullaire.


Femme de 42 ans. Possible hémorragie sous-arachnoïdienne au cours du 3e trimestre de la gros-
sesse. Paresthésies et impression de brûlure dans le membre supérieur droit. Une IRM montre
une lésion artérioveineuse à la face postérieure de la moelle en regard de C4 à droite considérée
comme une malformation de type nidus.
Une artériographie vertébrale droite de face (A) et de profil (B) confirme le shunt artérioveineux
prenant un aspect de nidus pris en charge par une artère radiculo-piale, créant une congestion
veineuse myélomérique avec des veines enchâssées dans les cordons postérieurs droits et refluant
dans les veines de la moelle cervicale (C).
Le cathétérisme sélectif du pédicule nourricier démontre que la lésion est une microfistule à trou
unique entre l’artère et la veine congestionnant les veines intrinsèques et extrinsèques sur le
myélomère pathologique (D). Elle est embolisée à la colle acrylique qui colmate tout le shunt (E).
Un contrôle angiographique réalisé 4 mois plus tard confirme la guérison du shunt et le remo-
delage des vaisseaux médullaires (F). La patiente récupère de ses symptômes initiaux ne gardant
que des paresthésies de la main droite non gênantes au quotidien.

Symptômes
Ils peuvent être aigus ou chroniques, progressifs, et font partie de l’histoire naturelle des shunts
artérioveineux médullaires.

Cette histoire naturelle est décrite à partir de quatre grandes séries initiales de la littérature
[41-44]. Selon ces résultats, 40-69 % des malades souffrent d’une détérioration neurologique
progressive rythmée par des épisodes aigus hémorragiques dans plus de 50 % des cas. Des
nouveaux saignements surviendraient dans 10 % des patients au cours du premier mois, et dans

/ 541
Partie 4 – Aspects particuliers

FIGURE 6 Macro fistule médullaire.


Fille de 9 ans. Antécédents familiaux de maladie de Rendu-Osler. Paraplégie brutale. Mise en
évidence à l’IRM d’une macrofistule médullaire postérieure avec hématomyélie. L’artériographie
de face (A et B) confirme une macrofistule avec ectasie veineuse initiale (astérisque) vascularisée
principalement par une artère radiculo-piale issue de Th7 gauche (flèche), croisant la ligne médiane
pour aboutir au shunt fistuleux. Secondairement, le drainage veineux est congestif sur la circu-
lation veineuse extrinsèque postérieure, à direction principalement crâniale (B : flèches pointillées)
et accessoirement caudale (B : tête de flèche). C : L’approche endovasculaire se fait à l’aide d’un
microcathéter souple épousant toutes les tortuosités vasculaires (flèches), croisant la ligne
médiane et atteignant le point fistuleux. D : La fistule est occluse à l’aide de colle pure déposée
in situ. E : le contrôle postembolisation par Th7 gauche retrouve l’occlusion de la fistule (asté-
risque) et le reflux artério-artériel dans les vaisseaux collatéraux supra- et sous-jacents qui par-
ticipaient indirectement à la vascularisation lésionnelle (flèches). L’enfant récupère au long cours
de sa paraplégie initiale en centre de revalidation.

40 % des cas au cours de la première année suivant l’accident hémorragique initial, et pouvant
amener à des issues fatales (chez 6 % des patients après la première hémorragie et chez 18 %
après la seconde). La progression des symptômes aboutit à un état de dépendance avec troubles
neurologiques sévères dans les 6 ans suivant la manifestation initiale chez ces patients.

542 /
Malformations vasculaires médullaires

FIGURE 7 MAV de type nidus.


Homme de 35 ans présentant des céphalées et une hémi-hypoesthésie gauche. Une IRM cervicale en
coupe axiale T2 retrouve une MAV de type nidus intramédullaire occupant la partie antérolatérale
gauche de la moelle en regard de C2 (A). Une artériographie confirme le nidus sous la forme du
peloton vasculaire pathologique. Il est vascularisé par l’artère spinale antérieure issue de la vertébrale
droite (B : flèche), dupliquée par non fusion embryonnaire des précurseurs de l’artère (B : flèches
pointillées). Au sein du nidus s’individualisent des anévrismes artériels qui représentent des points de
fragilité de la trame malformative (astérisques). L’angiographie vertébrale gauche (C) montre l’artère
spinale latérale (doubles flèches) participant à la vascularisation lésionnelle. Le nidus est ainsi vascu-
larisé anatomiquement par des artères centrifuges sulcales bien démontrées en vue sagittale sur des
reconstructions XperCT (D : flèches) issues de l’artère spinale antérieure (tête de flèche) vascularisant
la partie la plus médiane de la lésion, tandis que des branches perforantes centripètes de l’artère
spinale latérale, bien visualisées lors des reconstructions XPerCT au moment des injections sélectives
dans ce pédicule (E) vascularisent sa portion au sein des cordons antéro-latéraux.
Plusieurs pédicules vascularisant la lésion seront cathétérisés sélectivement et les compartiments
pathologiques dépendant de ceux-ci, en priorité ceux porteurs des anévrismes artériels, seront
embolisés à la colle acrylique. Les contrôles postembolisation en vertébrale droite (F) et gauche
(G) montrent la réduction significative de la malformation, confirmée par les coupes axiales T2
en IRM qui montrent la thrombose des compartiments du nidus embolisés (H). Le malade est
actuellement asymptomatique et est suivi cliniquement et radiologiquement.

Les symptômes aigus sont liés soit à des hémorragies, soit à des thromboses veineuses [4].

Les hémorragies sont soit intramédullaires avec une hématomyélie, pouvant être responsable de
signes neurologiques graves d’emblée selon le site exact du saignement, et pouvant laisser de
lourdes séquelles, soit sous-arachnoïdiennes. Dans ce dernier cas, elles sont le plus souvent liées
à des ruptures de veines spinales postérieures, les seules à se trouver dans l’espace sous-
arachnoïdien au contraire de la veine spinale antérieure qui se trouve enfouie au fond du sillon
médullaire ventral, et recouverte dès lors par une épaisse membrane piale, la linea splendens.
Les hémorragies méningées donnent le plus souvent lieu à une sidération médullaire transitoire
avec bonne récupération au long cours.

Dans la population pédiatrique, le taux d’hémorragies est élevé [45, 46], et globalement identique
entre hématomyélies et hémorragies sous-arachnoïdiennes, au contraire de l’adulte chez qui les
shunts médullaires hémorragiques sont plus fréquemment liés à des hémorragies méningées

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Partie 4 – Aspects particuliers

FIGURE 8 MAV de type nidus – syndrome métamérique (Parkes Weber).


Patient de 25 ans. Hématomyélie. Récupération clinique. L’IRM montre une MAV intramédullaire
antérieure en regard de C6-C7.
L’examen clinique montre des signes de malformation artérioveineuse du membre supérieur
gauche, confirmé par l’artériographie humérale (A). L’artériographie vertébrale droite (B) retrouve
le nidus malformatif (astérisque) pris en charge par des branches perforantes de l’artère spinale
antérieure dont les contributeurs radiculo-médullaires sont issus de la vertébrale droite (flèche)
et de la vertébrale gauche (flèche pointillée ; artère opacifiée par reflux). Un faux anévrisme
pointant vers le site de rupture hémorragique est annexé au nidus (tête de flèche). Le cathétérisme
du compartiment porteur du faux anévrisme dépendant d’une branche piale de l’artère spinale
antérieure (C) permet une embolisation sélective à la colle acrylique.
Les contrôles angiographiques témoignent de l’exclusion de ce compartiment (D). Le patient est
neurologiquement normal, le nidus résiduel sera abordé par embolisations complémentaires au
cours de sessions ultérieures.

544 /
Malformations vasculaires médullaires

(peut être liées au vieillissement des veines spinales postérieures). De plus, les shunts médullaires
cervicaux sont plus souvent sujets à des hémorragies que ceux d’autres localisations, ce qui
s’explique probablement par leur siège supracardiaque avec des conditions hémodynamiques
proches des lésions intracrâniennes, contrairement aux lésions thoraciques ou lombaires.

Les thromboses veineuses peuvent intéresser des veines extrinsèques ou intrinsèques. L’absence
de signes d’hémorragie à l’IRM, la visualisation du caillot dans des veines dilatées ou une aggra-
vation d’un hypersignal médullaire connu feront orienter le diagnostic vers cette hypothèse
physiopathologique.

Les symptômes progressifs sont liés à une myélopathie d’origine veineuse, qui est soit due au
reflux dans les veines médullaires intrinsèques et extrinsèques responsables donc d’une conges-
tion veineuse ischémique, soit à une compression de la moelle par des ectasies veineuses (notam-
ment dans le cas des macrofistules) [4].

Relation symptômes-architecture lésionnelle


ou sémiologie angioarchitecturale
Elle vise à mettre en rapport l’architecture de la lésion avec la symptomatologie du patient. Au
cours d’une précédente revue de notre série [4], nous avions constaté que les hémorragies
n’étaient pas en relation avec une architecture particulière : il n’y avait aucune différence signi-
ficative entre le taux de saignements selon l’existence ou non d’une ectasie veineuse, d’une
fistule artérioveineuse ou d’un anévrisme artériel associé. Les faux anévrismes, qui sont des
recirculations sanguines sans paroi vasculaire à l’intérieur d’un hématome, pointaient vers le site
de rupture de la lésion et représentaient des points de faiblesse architecturaux à éradiquer en
priorité pour éviter des récidives hémorragiques (Figure 8). Les anévrismes découverts lors de la
présentation clinique des shunts médullaires sont à considérer toutefois comme des témoins de
fragilité vasculaire pouvant évoluer avec le temps et doivent donc aussi être déconnectés de la
circulation pathologique afin de protéger le patient d’accidents hémorragiques (Figure 7).

Dans notre expérience, plus de 70 % des enfants ou des adultes porteurs de shunts médullaires
ayant saigné récupèrent spontanément, avec des taux de récidive hémorragique précoce rares
dans les 4-6 semaines après l’accident aigu [4]. Nous préférons attendre ce laps de temps que
le malade s’améliore avant de proposer un geste endovasculaire. Celui-ci sera rendu plus simple
à distance du saignement du fait de la lyse de l’hématome avec une meilleure appréciation de
l’architecture lésionnelle, et un risque moindre de spasme vasculaire lors du cathétérisme sélectif.

Traitement
La chirurgie des MAVs et fistules médullaires peut, selon la plupart des équipes, être envisagée
principalement dans les cas de lésions postérieures, plus aisées d’accès que les shunts anté-
rieurs [47]. Toutefois, de nouvelles approches chirurgicales et l’amélioration des techniques visant
à la résection piale [48] ont permis des abords de lésions plus complexes, y compris intra-
médullaires, par certains groupes chirurgicaux avec résultats cliniques améliorés par rapport aux
abords intra- ou transmédullaires, présentant des taux de complication plus élevés. La radio-
chirurgie par CyberKnife est développée par certains centres avec des résultats décrits comme
prometteurs [49]. Ce traitement reste encore peu répandu, il a concerné peu de malades et il
semble trop précoce actuellement de le promouvoir comme traitement de choix de ces lésions
malgré des résultats décrits par les investigateurs comme intéressants.

Dans notre expérience, la prise en charge thérapeutique des shunts artérioveineux médullaires est
actuellement principalement endovasculaire [47]. La série de Foch comprend 185 shunts médul-
laires intraduraux (dont 86 hommes adressés spécifiquement pour avis et/ou prise en charge

/ 545
Partie 4 – Aspects particuliers

thérapeutique par embolisation). Elle se pratique toujours sous anesthésie générale, avec utilisation
de colle acrylique (Glubran®, ou Histoacryl® en cas de shunts à haut débit rapide) en se basant sur
l’anatomie et la microanatomie vasculaire, et sur la détermination des zones de sécurité que l’on
peut atteindre avec le microcathéter pour pouvoir emboliser dans des conditions satisfaisantes.
Nous n’effectuons jamais de tests prédictifs ou de potentiels évoqués perembolisation. Les coils ne
sont utilisés que dans des cas exceptionnels où une occlusion sélective d’un anévrisme sur un
vaisseau nourricier est nécessaire, ou pour occlure une macrofistule d’architecture complexe sur
son versant veineux. Les particules ne sont pas indiquées dans notre expérience, même si certaines
équipes les utilisent dans quelques cas non accessibles par cathétérisme distal [50]. L’Onyx® est
contre-indiqué dans les shunts artérioveineux médullaires. L’embolisation se décide après avoir pris
en considération les symptômes du patient, l’anatomie vasculaire de la lésion et son architecture
[47]. La guérison anatomique du shunt reste le but à rechercher, mais celle-ci n’est pas toujours
réalisable du fait de la complexité de la lésion, notamment en cas de MAV intramédullaire.
L’embolisation permet toutefois des normalisations, améliorations ou stabilisations cliniques,
même en cas de traitement partiels ciblés bien conduits sans récidive hémorragique lorsque le
traitement endovasculaire est complété au maximum de ses possibilités. Les malades sont traités
par corticothérapie pendant quelques jours après l’embolisation pour contrôler les effets inflamma-
toires de la polymérisation de la colle. Une anticoagulation n’est prescrite après embolisation qu’en
cas de ralentissement circulatoire important, pour éviter une thrombose veineuse, ou de spasme
artériel lié au cathétérisme pour éviter une thrombose du vaisseau cathétérisé.

Ainsi, 135 shunts artérioveineux médullaires ont été embolisés, dont 79 via l’artère spinale anté-
rieure (Figures 7, 8, 9). La guérison anatomique a pu être obtenue dans 21 cas (16 %) (Figures
4 et 9), alors que 20 autres patients (15 %) ont vu leur lésion occluse à plus de 90 % de leur
taille et débit initiaux. Chez 23 malades (17 %), 75 à 90 % du shunt artérioveineux médullaire
a été embolisé, et chez 36 malades (26 %), il l’a été entre 50-75 % de sa trame initiale (Figure 7).
Seuls 35 patients (26 %) ont bénéficié d’une embolisation qui a actuellement réduit leur mal-
formation au maximum de 50 %. Nous considérons donc à ce stade que l’embolisation a large-
ment occlus les shunts artérioveineux médullaires dans près de 75 % des cas. Ces traitements
partiels ne sont pas à considérer comme définitifs : tous les patients non guéris anatomiquement
de leur lésion sont suivis régulièrement cliniquement et radiologiquement pour envisager des
compléments de traitement. Ces résultats anatomiques peuvent paraître peu satisfaisants à
première vue mais sont à contrebalancer par les résultats cliniques obtenus. En effet, 27 patients
(20 %) ont vu leur état neurologique se normaliser après traitement endovasculaire, 67 (49,6 %)
se sont améliorés et 36 (26,6 %) se sont stabilisés cliniquement. L’embolisation a donc apporté
des bénéfices cliniques nets dans 96,2 % des cas. Vingt-deux patients (16,3 %) ont eu des compli-
cations transitoires résolutives sous anticoagulants (pour améliorer le drainage veineux en post-
embolisation), corticoïdes (pour réduire les effets inflammatoires liés à la polymérisation de la
glue) ou kinésithérapie. Des complications permanentes sont survenues chez 5 patients (3,8 %),
créant des déficits neurologiques n’existant pas au moment de la prise en charge. Deux de ces
déficits étaient minimes sensitifs, et trois moteurs : aggravation de mono- ou paraparésie chez
des patients déjà lourdement déficitaires (1 cas), aux antécédents hémorragiques (1 cas) ou
s’aggravant rapidement (1 cas). Des resaignements sont survenus au long cours chez 2 patients
(1,5 %) : l’un, âgé de 19 ans porteur d’une MAV de la moelle thoracique de type nidus à haut
potentiel angiogénique a recréé des shunts après large éradication de la lésion initiale et a saigné
plusieurs années après le premier épisode hémorragique ; l’autre, âgé de 6 ans avec hémato-
myélie révélatrice d’une MAV angiogénique cervicale dont l’embolisation a permis une impor-
tante amélioration de sa tétraplégie et une reprise de vie normale, y compris sportive. Alors que
des sessions ultérieures étaient prévues pour poursuivre le geste endovasculaire sur une lésion
qui n’était maîtrisée qu’à 50 %, le patient a resaigné massivement 1 an après la dernière embo-
lisation et est décédé des suites de cette hémorragie. Tous les autres patients traités n’ont pas
resaigné et sont restés au long cours neurologiquement normaux, améliorés ou stabilisés.

546 /
Malformations vasculaires médullaires

FIGURE 9 Patient de 60 ans présentant une paraparésie progressive et des troubles sensitifs des
membres inférieurs.
Une IRM en coupe sagittale T2 montre une lésion vasculaire spinale antérieure localisée en regard
de C6 (A). Les artériographies de la vertébrale droite (B) et du tronc intercostal supérieur gauche
(C) mettent en évidence une microfistule prise en charge par deux artères sulco-commissurales
issues de l’artère spinale antérieure dont la continuité est construite par les artères radiculo-
médullaires (B et C : flèches) issues de ces deux vaisseaux. La lésion congestionne focalement au
sein du sillon ventral des veines sulcales (B : astérisque) avant de refluer dans la veine spinale
antérieure se drainant crânialement (B : flèche pointillée). L’embolisation des deux zones de shunts
sera faite à l’aide de colle acrylique ce qui permettra la guérison de la malformation vasculaire
en maintenant la perméabilité de l’axe spinal antérieur (D : flèches). Un contrôle IRM 48 h plus
tard (E : coupe sagittale T1) confirme la thrombose de la lésion. Le patient bénéficie d’une courte
corticothérapie à visée anti-inflammatoire et récupère de son déficit.

/ 547
Partie 4 – Aspects particuliers

Cas de shunts multiples


Il convient, dans ces conditions, de déterminer quelle est la lésion symptomatique afin de traiter
cette dernière en priorité pour améliorer ou protéger le patient. On reconnaîtra le shunt médul-
laire à traiter selon qu’il porte un faux anévrisme en cas d’hémorragie, qu’il est localisé sur le
myélomère responsable des symptômes, qu’il crée la congestion veineuse la plus importante, ou
qu’il est le plus volumineux. Les autres shunts seront pris en charge de façon séquentielle
secondairement.

Cas de la maladie de Rendu-Osler


La prévalence des shunts artérioveineux médullaires est de 3 à 8 % (5-23 % pour les MAVs
cérébrales). Les lésions sont principalement des macrofistules, et toute lésion de ce type doit faire
dès lors suspecter la maladie génétique sous-jacente. Même en cas de guérison de la lésion, le
malade devra être contrôlé pour s’assurer de l’absence ou de l’existence d’autres fistules vascu-
laires, notamment pulmonaires. Ces dernières requerront une prise en charge adaptée du fait du
risque neurologique qu’elles véhiculent (abcès cérébraux, embols responsables d’ischémie etc.).

La prise en charge thérapeutique des shunts artérioveineux médullaires repose actuellement


principalement en première intention sur le traitement endovasculaire. Celui-ci est à même
d’apporter des résultats cliniques probants, stables à long terme [47] et pouvant se comparer
avantageusement à la chirurgie qui reste dans la plupart des expériences limitées à des lésions
simples dans certaines localisations accessibles aisément.

L’expérience que nous avons développée nous incite à considérer que :


■ en cas de symptômes aigus orientant vers une origine médullaire, le malade doit bénéficier
d’une IRM. Celle-ci, dans notre pratique, est complétée au cours de la même session par
une angio-IRM qui permet d’avoir une première idée du type de malformation et de son
architecture. En cas d’hémorragie, nous attendons 4-6 semaines que le malade récupère de
son déficit avant de proposer une artériographie pour préciser l’anatomie et l’architecture
de la lésion. Le plus souvent, au cours de la même session endovasculaire, le traitement par
embolisation sera, si possible, débuté, et en fonction de ses résultats, des sessions complé-
mentaires seront prévues jusqu’à aboutir au maximum de maîtrise de la trame malformative
en tenant compte de l’évolution des symptômes selon le principe de la sémiologie angio-
clinique. Si l’IRM démontre que le symptôme aigu est plutôt lié à une thrombose veineuse,
le bilan est également complété par une angio-IRM pour définir la malformation. Une anti-
coagulation est débutée pour traiter la thrombose et éviter son extension. Le malade sera
pris en charge 4-6 semaines plus tard en artériographie diagnostique et thérapeutique au
cours de la même session.
Si l’accident aigu concerne un nouveau-né ou un nourrisson, nous favorisons une prise en
charge précoce pour éviter des potentiels troubles de la maturation médullaire par désordres
hydroveineux ;
■ en cas de symptômes progressifs, le patient sera exploré par IRM et angio-IRM. Si le
diagnostic de lésion médullaire est confirmé, le traitement sera effectué dans des délais
correspondant à la rapidité d’évolution de la maladie. Dans tous les cas, l’embolisation sera
effectuée en première intention dans la mesure du possible.

548 /
Malformations vasculaires médullaires

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550 /
37

La pathologie ischémique oculaire regroupe un ensemble hétérogène d’atteintes vasculaires dont la


physiopathologie et la localisation anatomique varient considérablement. Tout l’éventail de la patho-
logie vasculaire, qu’elle soit artérielle ou veineuse, hémodynamique, thromboembolique, athéro-
sclérotique, métabolique, ou inflammatoire, se retrouve au niveau oculaire avec pour seul élément
commun, un trouble visuel monoculaire transitoire ou permanent. Ce trouble visuel peut être isolé,
et sa sévérité est liée à la localisation de l’ischémie. Celle-ci peut toucher la rétine, la choroïde, le nerf
optique ou la totalité de l’œil, dont la vascularisation dépend des branches de l’artère ophtalmique,
elle-même branche de la carotide interne. Le trouble visuel est parfois le signe précurseur d’un accident
ischémique cérébral (AIC) qui peut être prévenu lorsque le diagnostic est fait rapidement [1].

Dans tous les cas, un examen ophtalmologique urgent est indispensable car il permet souvent
de poser un diagnostic précis, de clarifier la physiopathologie de l’ischémie oculaire et d’orienter
la prise en charge à la phase aiguë. Les traitements sont fonction du type d’ischémie oculaire.

L’artère centrale de la rétine (ACR) est une branche terminale de l’artère ophtalmique qui vas-
cularise les couches internes de la rétine, où se trouve la couche des fibres nerveuses rétiniennes
formant le nerf optique. Dans 20 à 30 % des cas, il existe une artère cilio-rétinienne, branche
issue de la circulation ciliaire postérieure, qui vascularise le centre de la rétine, permettant une
épargne maculaire en cas d’occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR) et souvent, une
préservation de la vision centrale [1]. L’OACR est relativement rare, avec une incidence estimée
à 8,5/100 000 dans la population générale [2].

Typiquement, les patients avec une OACR présentent une baisse visuelle unilatérale, soudaine,
profonde et indolore. Dans certains cas, elle est précédée d’épisodes de cécité monoculaire
transitoire (CMT). La maladie de Horton doit toujours être évoquée chez les patients de plus de
50 ans, notamment lorsque l’OACR est accompagnée de céphalées ou précédée d’épisodes de
diplopie transitoire. La présence de douleurs cervicales suggère une dissection carotidienne.

/ 551
Partie 4 – Aspects particuliers

Le diagnostic d’OACR est fait par l’examen du fond d’œil chez un patient ayant une baisse
d’acuité visuelle unilatérale associée à un déficit pupillaire afférent relatif. Les couches internes
de la rétine sont œdématiées et la rétine apparait blanche avec la fovéa ayant l’aspect typique
dit de « macula rouge cerise » (Figure 1). Des emboles rétiniens sont observés dans 20 à 40 %
des cas [2, 3]. Le pronostic visuel est corrélé avec l’acuité visuelle initiale. Celle-ci peut s’améliorer
au cours de la première semaine après l’occlusion, mais il existe peu de chances de récupération
par la suite [2, 4]. Après quelques semaines, le nerf optique s’atrophie tandis que l’ACR se
reperméabilise souvent. Lorsque la reperfusion est incomplète, le risque de développer une néo-
vascularisation oculaire dans les semaines qui suivent l’OACR est de l’ordre de 20 % [5]. La
néovascularisation augmente le risque de survenue d’un glaucome néovasculaire qui met en
danger l’intégrité du globe oculaire dans son ensemble et justifie un suivi continu en ophtalmo-
logie [6].

FIGURE 1 Occlusion de l’artère centrale de la rétine gauche vue 12 h après la baisse visuelle.
A : Photographie du fond d’œil gauche montrant un rétrécissement diffus du calibre artériel. Il
n’y a pas d’embole visible. L’œdème blanc rétinien diffus épargne une zone de rétine en supéro-
temporal du nerf optique (pointillés jaunes), dans le territoire d’une artère cilio-rétinienne (flèche
verte). La macula est « rouge cerise » (flèche jaune). B : Coupe de tomographie en cohérence
optique de la rétine selon la ligne verte vue sur la photographie. Épaississement des couches
internes de la rétine ischémique (double flèche verte). Couche interne d’aspect normal dans la
zone vascularisée par l’artère cilio-rétinienne (double flèche jaune). L’absence de couche rétinienne
interne au niveau de la fovéa explique l’absence d’œdème à ce niveau et l’apparence « rouge
cerise » (étoile bleue). C : Angiographie rétinienne 1 minute après l’injection de fluorescéine au
pli du coude. Il existe un retard majeur de perfusion de l’artère centrale de la rétine (silence
vasculaire, flèche violette). L’ischémie artérielle entraîne une hyperfluorescence hétérogène des
branches artérielles (flèche violette). L’artère cilio-rétinienne est correctement perfusée (flèche
bleue).

Prise en charge et traitement


L’OACR est l’équivalent d’un AIC dans la circulation carotidienne [2, 7]. En dehors de rares causes
oculaires et de l’artérite temporale de Horton qui est une cause classique d’OACR, les causes
sont les mêmes que celles d’AIC dans la circulation antérieure et l’évaluation et la prise en charge
sont identiques à celles d’un AIC (Tableau I). Le fait de présenter une OACR augmente

552 /
Ischémie oculaire

TABLEAU I ▼ Causes des occlusions de l’artère centrale de la rétine et de ses branches.


Embolie dans l’artère centrale de la rétine ou ses branches
– Source d’embolie dans la circulation carotidienne*
– Injection de vasoconstricteur dans une branche de l’artère carotide externe (intervention dentaire
ou maxillo-faciale)
– Injection de produit utilisé à visée cosmétique dans une branche de l’artère carotide externe

Hypercoagulabilité sanguine (notamment syndrome des antiphospholipides)

Vascularite (notamment artérite temporale de Horton)

Vasculopathie (notamment syndrome de Susac)

Causes locales
– Hypertension intraoculaire sévère (chirurgie oculaire, injection intraoculaire, crise de glaucome aigu
par fermeture de l’angle)
– Compression oculaire prolongée (post-chirurgicale par exemple)
* Les causes sont les mêmes que pour les accidents ischémiques cérébraux.

considérablement le risque de développer un AIC, notamment dans la première semaine suivant


la baisse visuelle [2, 7-9]. Une prise en charge dans une unité neurovasculaire est nécessaire à
la phase aiguë, et trois études récentes ont souligné l’intérêt d’obtenir une IRM cérébrale avec
séquences de diffusion même en l’absence de signes neurologiques. En effet, près d’un quart des
patients avec une ischémie rétinienne aiguë (OACR, occlusion des branches de l’artère de la
rétine – OBAR –, CMT) présente au moins un infarctus cérébral aigu, souvent asymptomatique,
sur l’IRM [2, 10-13]. La présence d’ischémie cérébrale aiguë sur l’IRM chez un patient ayant une
OACR aiguë augmente la probabilité de découvrir une source d’embolie majeure et justifie donc
une évaluation urgente en unité neurovasculaire afin de débuter immédiatement un traitement
adapté au bilan étiologique [10]. Malheureusement, la majorité des ophtalmologistes (qui font
le diagnostic d’OACR et d’OBAR en urgence) n’envoient pas ces patients dans des centres neuro-
vasculaires, et la prise en charge est souvent retardée. Les recommandations récentes de l’Ame-
rican Academy of Ophthalmology auront probablement un effet positif [14].

Aucun traitement n’a prouvé son efficacité dans l’OACR. Une amélioration spontanée survient
chez environ 25 % des patients dans les jours suivant la baisse visuelle. Moins de 10 % des patients
récupèrent une fonction visuelle utile. Des modèles animaux ont montré que les lésions isché-
miques rétiniennes peuvent récupérer avec peu de séquelles après une absence de vascularisation
allant jusqu’à 97 minutes. Cependant, si l’ischémie dure plus de 4 h, les dommages causés sont
irréversibles [4]. Il est donc vraisemblable que tout traitement débuté après cette fenêtre théra-
peutique ne permette que peu ou pas de récupération de la vision en cas d’OACR complète.

De nombreux traitements ont été proposés dans le but de reperfuser la rétine. Ainsi, ont été
suggérés (et sont souvent réalisés) un délogement mécanique du thrombus (par massage oculaire
ou laser), une destruction du thrombus par la thrombolyse, une diminution de la pression intrao-
culaire (paracentèse), des traitements vasodilatateurs, une hémodilution, ou une augmentation
de la pression sanguine d’oxygène par l’oxygénothérapie hyperbare. Néanmoins, très peu de ces
traitements ont été évalués dans des essais thérapeutiques prospectifs et aucun n’a démontré
d’efficacité réelle.

L’utilisation de thrombolytiques par voie intraveineuse ou intra-artérielle (directement dans l’artère


ophtalmique) est susceptible d’améliorer le pronostic visuel quand ils sont administrés très rapi-
dement. Malheureusement, dans la plupart des études, les patients avec une OACR ont été traités
plus de 12 h après le début des symptômes, avec des résultats très hétérogènes, ce qui explique
l’absence de consensus actuel concernant ce traitement. L’essai clinique multicentrique randomisé
EAGLE a comparé le tPA intra-artériel injecté dans les 20 h suivant la baisse visuelle à un ensemble
de traitements d’efficacité non prouvée (hémodilution, massage oculaire, diminution de la pression
intraoculaire, héparine intraveineuse, aspirine) mais n’a pas démontré d’amélioration de l’acuité

/ 553
Partie 4 – Aspects particuliers

visuelle dans le groupe thrombolyse. Cette étude a été interrompue après l’inclusion de 84 patients
en raison de l’absence d’efficacité et parce que des complications étaient observées chez 37,1 %
des patients dans le groupe thrombolyse vs 4,3 % dans le groupe contrôle [15]. Un autre essai
récent randomisé, cette fois contre placebo, a testé l’efficacité du tPA intraveineux dans les 24 h
suivant l’OACR et a également été interrompu précocement après l’inclusion de 16 patients pour
les mêmes raisons. Deux patients dans le groupe thrombolyse avaient initialement présenté une
amélioration significative de leur acuité visuelle pour finalement en perdre le bénéfice un mois
plus tard, et un patient avait eu une hémorragie intracrânienne sévère après thrombolyse [16].
Néanmoins, de nombreuses études rétrospectives et prospectives ont suggéré qu’il était raison-
nable de prescrire la thrombolyse par voie intra-artérielle ou intraveineuse selon les protocoles
utilisés dans les AIC, à partir du moment où la fenêtre thérapeutique reste courte [17-20]. Une
méta-analyse publiée en 2015 [20] a souligné la faisabilité de la thrombolyse intraveineuse dans
les OACR, et un essai multicentrique randomisé comparant le tPA intraveineux au placebo admi-
nistré dans les 4 h 30 suivant la baisse visuelle a récemment été mis en place en France [21].

L’ischémie oculaire transitoire induit une baisse visuelle monoculaire brutale et brève, souvent
complète ou en rideau. Elle est dans la grande majorité des cas secondaires à un accident isché-
mique transitoire (AIT) rétinien (dans le territoire de l’ACR ou de ses branches). Le Tableau II
détaille les causes possibles de troubles visuels monoculaires transitoires. La prise en charge des
cécités monoculaires transitoires (CMT) est pluridisciplinaire (Figure 2).
TABLEAU II ▼ Causes de troubles visuels transitoires monoculaires.
Vasculaire Affections oculaires Neuropathies optiques
(cécité monoculaire transitoire) non vasculaires

Ischémie orbitaire (artère Affections du segment antérieur Œdème papillaire de stase


ophtalmique) (syndrome des yeux secs, (obscurations visuelles)
Ischémie rétinienne artérielle kératocônes, hyphéma, syndrome Drusen du nerf optique
(artère centrale de la rétine de dispersion pigmentaire, attaque (obscurations visuelles)
et ses branches) de glaucome par fermeture Anomalies congénitales
Ischémie rétinienne veineuse de l’angle, etc.) du nerf optique (obscurations
(veine centrale de la rétine) visuelles)
Ischémie choroïdienne Compression intermittente
(artères ciliaires postérieures) du nerf optique
Ischémie du nerf optique (artères Phénomène d’Uhthoff
ciliaires postérieures courtes, (démyélination)
artère ophtalmique)

Le patient est en général examiné à distance de l’épisode, et l’examen ophtalmologique est


souvent normal. La découverte d’emboles rétiniens lors de l’examen du fond d’œil est très utile
car elle confirme le mécanisme embolique et oriente le bilan étiologique [22]. La présence d’un
signe de Claude-Bernard-Horner dans l’œil atteint suggère une dissection de l’artère carotide
interne homolatérale [23]. La maladie de Horton doit toujours être évoquée chez les patients
de plus de 50 ans. La prise en charge des patients avec CMT présumée secondaire à un AIT
rétinien est identique à celle des patients ayant un AIT cérébral, une OACR ou une OBAR [7,
10-14, 22]. La migraine ne donne que des troubles visuels transitoires binoculaires secondaires
à l’atteinte occipitale, et le diagnostic de « migraine rétinienne » est généralement incorrect [24].
Rarement, le diagnostic de CMT secondaire à des spasmes de l’ACR est retenu chez des patients
jeunes sans facteur de risque vasculaire et avec un bilan étiologique négatif. Le traitement repose
sur les antiagrégants plaquettaires et les inhibiteurs calciques avec une efficacité inconsistante.
Le pronostic de ces CMT est souvent bon [25].

554 /
Ischémie oculaire

FIGURE 2 Conduite à tenir devant un épisode de cécité monoculaire transitoire.

La neuropathie optique ischémique antérieure aiguë n’entraîne des CMT que dans le cadre de la
maladie de Horton [26]. Ces patients ont toujours un nerf optique œdématié au fond d’œil, et
il est nécessaire d’obtenir NFS, VS et CRP en urgence avant d’administrer des corticoïdes à forte
dose par voie intraveineuse car le risque de baisse visuelle permanente est élevé [1, 27].

L’occlusion de veine centrale de la rétine (OVCR) peut être précédée d’épisodes de baisse visuelle
transitoire incomplète et durant plus longtemps. Au fond d’œil, les veines rétiniennes sont dila-
tées et tortueuses [28]. Il est classique d’essayer de réduire la pression intraoculaire chez ces
patients et de débuter des antiagrégants plaquettaires dans le but d’essayer de prévenir le déve-
loppement d’une OVCR complète.

/ 555
Partie 4 – Aspects particuliers

Des emboles asymptomatiques sont trouvés chez environ 1 à 2 % des patients âgés de plus de
50 ans. Ce sont le plus souvent des emboles de cholestérol (plaque de Hollenhorst) qui ne
produisent pas d’ischémie oculaire. Ils représentent un facteur de risque vasculaire comparable
à la découverte d’infarctus cérébraux asymptomatiques sur l’imagerie cérébrale et ils justifient
un bilan vasculaire non urgent ainsi qu’un traitement visant à réduire le risque vasculaire [1, 3].

La rétinopathie de stase veineuse ou le syndrome d’ischémie oculaire sont secondaires à l’hypo-


perfusion oculaire chronique le plus souvent due à une sténose serrée ou une occlusion caroti-
dienne homolatérale. La maladie de Horton est également une cause classique de syndrome
d’ischémie oculaire. D’autres vascularites telles que la maladie de Takayashu peuvent aussi
entraîner une ischémie chronique du globe oculaire. Le syndrome d’ischémie oculaire est une
forme sévère d’ischémie combinée des segments antérieur et postérieur de l’œil ainsi que d’autres
structures orbitaires vascularisées par l’artère ophtalmique et ses branches.

Le début est insidieux, et la rétinopathie de stase veineuse n’est souvent découverte que lors
d’un examen systématique du fond d’œil chez un patient ayant une occlusion carotidienne
connue. Les CMT sont fréquentes et sont souvent précipitées par l’orthostatisme, l’exercice
physique ou les repas et traduisent une hypoperfusion de l’œil. Des images lumineuses brillantes
dans le champ visuel central (photopsies), suivies de déformations ou distorsions de la vision
(métamorphopsies) sont également possibles et résultent de l’ischémie des photorécepteurs due
à une vascularisation choroïdienne insuffisante. Des douleurs périoculaires s’améliorant en décu-
bitus sont souvent décrites par les patients. L’examen du fond d’œil montre une diminution du
calibre des artères rétiniennes, une dilatation des veines rétiniennes et des hémorragies réti-
niennes le long des arcades vasculaires (Figure 3). En l’absence de revascularisation de l’œil
ischémique, une baisse visuelle permanente secondaire à l’ischémie chronique s’installe. Près de
2/3 des patients développent une néovascularisation irienne souvent compliquée de glaucome
néovasculaire dont le pronostic est très mauvais.

Prise en charge et traitement


Le traitement inclut des mesures symptomatiques spécifiques à l’ophtalmologiste et, idéalement,
une revascularisation du globe oculaire. Les facteurs de risque vasculaires sont proéminents et
la prévention des AIC est essentielle chez ces patients à très haut risque de complications cardio-
vasculaires. La prise en charge du syndrome d’ischémie oculaire secondaire à la maladie de
Horton est différente et repose sur le diagnostic rapide et le traitement immédiat de la
vascularite.

Le traitement des complications ophtalmologiques est toujours nécessaire. Il vise à limiter la


néovascularisation rétinienne et irienne qui se complique de glaucome néovasculaire. Les trai-
tements incluent la photocoagulation pan-rétinienne et les injections intravitréennes d’anti-
VEGF, semblable à ce qui est proposé dans la rétinopathie diabétique proliférante. Néanmoins,
le pronostic oculaire est très mauvais avec souvent destruction progressive (phtyse) de l’œil
ischémique lorsque la revascularisation de l’œil n’est pas possible.

556 /
Ischémie oculaire

FIGURE 3 Rétinopathie de stase veineuse.


A : Photographie du fond d’œil gauche montrant de nombreuses hémorragies rétiniennes en taches
avec nodules cotonneux (flèche jaune) et dilatation des veines rétiniennes (flèche bleue). B :
Angiographie de l’œil gauche 40 secondes après l’injection de fluorescéine au pli du coude. Il
existe un retard de perfusion artériel (flèche bleue), une dilatation veineuse et une hyper-
fluorescence de la paroi des veines (flèche jaune).

La revascularisation de l’œil ischémique est surtout efficace au stade précoce, lorsque la rétino-
pathie de stase veineuse est isolée. Le traitement d’une sténose carotidienne est en général
associé à une bonne reperfusion oculaire, mais le traitement des occlusions carotidiennes est
plus difficile et un pontage temporo-sylvien n’améliore pas toujours la perfusion oculaire de
façon satisfaisante [29].

Le syndrome de Susac est une vasculopathie non inflammatoire atteignant les petits vaisseaux
artériolaires qui irriguent la rétine, la cochlée et le cerveau. Elle est rare et prédomine chez les
femmes jeunes.

Au niveau oculaire, elle se manifeste principalement par des occlusions multiples et récidivantes
de branches artérielles rétiniennes. Le patient peut ressentir une amputation de son champ visuel,
voire une baisse d’acuité visuelle si une artériole irriguant la fovéa est touchée. L’atteinte
cochléaire est souvent asymptomatique, détectée par l’audiogramme. L’hypoacousie de percep-
tion peut être sévère et associée à des acouphènes ou un vertige. L’atteinte neurologique peut
également être asymptomatique initialement avec seulement des petits infarctus multiples affec-
tant souvent le corps calleux. Des céphalées sévères sont fréquentes, et les patients peuvent
développer des troubles psychiatriques avec changement de personnalité parfois associés à des
déficits neurologiques focaux et des crises d’épilepsie. La triade (cerveau, œil, oreille) est rare-
ment complète d’emblée, et le tableau peut se compléter en plusieurs mois. L’évolution se fait
par poussées imprévisibles, entrecoupées de rémissions. La physiopathologie du syndrome de
Susac est inconnue, mais les quelques biopsies cérébrales réalisées ont montré une vasculopathie
non inflammatoire.

/ 557
Partie 4 – Aspects particuliers

Prise en charge et traitement


En l’absence de cause connue, le traitement est empirique et consiste en général en l’association
de corticoïdes et d’antiagrégants plaquettaires. Des immunosuppresseurs sont souvent associés
à la phase aiguë, parfois avec des immunoglobulines intraveineuses. Les formes graves sont
souvent traitées de façon très agressive. La rareté de cette affection rend malheureusement la
réalisation d’essais thérapeutiques impossible [30].

Les neuropathies optiques ischémiques représentent la première cause de neuropathie optique


aiguë après 50 ans. Elles sont classées en neuropathies optiques antérieures (affectant la tête
du nerf optique ; ce sont les plus fréquentes) et neuropathies optiques postérieures (très rares).
Les neuropathies optiques antérieures et postérieures sont également classées en neuropathies
optiques non artéritiques et neuropathies optiques artéritiques (le plus souvent secondaires à la
maladie de Horton). Bien que la tête du nerf optique appartienne au système nerveux central
et que strictement parlant, une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) soit
une forme d’AIC, il est nécessaire de séparer les NOIAA des autres causes d’ischémie oculaire
car leur pathophysiologie et prise en charge sont complètement différentes.

La NOIAA non artéritique est secondaire, dans la grande majorité des cas, à une pathologie
athéromateuse locale de la tête du nerf optique et non pas à un mécanisme thromboembolique
(Figure 4). Les artères vascularisant le nerf optique sont de petit calibre et sont affectées par
l’artériolosclérose locale et les vascularites. La NOIAA est exceptionnellement la conséquence

FIGURE 4 Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë droite.


A : Photographie du fond d’œil droit montrant un œdème papillaire sévère (flèche verte) et de
nombreuses hémorragies en flammèche péripapillaires (flèche jaune). B : Photographie du fond d’œil
gauche montrant une petite papille à bords nets, pleine, laissant peu de place au passage des vaisseaux
rétiniens (cercle jaune) (papille à risque de neuropathie optique ischémique antérieure aiguë).

558 /
Ischémie oculaire

directe d’une sténose ou occlusion carotidienne et n’est jamais de cause embolique. Ainsi, la
réalisation d’un bilan carotidien ou cardiaque au cours d’une NOIAA n’est pas justifiée. Il est
essentiel, en revanche, d’éliminer une maladie de Horton chez tous les patients de plus de 50 ans
par au moins la recherche d’un syndrome inflammatoire biologique [26].

Prise en charge et traitement


des neuropathies optiques ischémiques
Le plus important est d’éliminer la maladie de Horton chez tout patient de plus de 50 ans ayant
une neuropathie optique ischémique. Il n’y a malheureusement aucun traitement efficace pour
traiter les NOIAA, et la seule recommandation est de dépister et traiter les facteurs de risque
vasculaires ou un syndrome d’apnée du sommeil. Les antiagrégants plaquettaires sont souvent
prescrits bien qu’il n’y ait pas de bénéfice démontré dans la prévention de l’atteinte du deuxième
œil qui survient dans environ 15 % des cas dans les 5 ans suivant l’atteinte du premier œil [26].

La vasoconstriction qui survient lors d’une hypertension artérielle (HTA) systémique peut entraîner
une vasculopathie rétinienne qui est le plus souvent asymptomatique. Elle se manifeste par une
diminution diffuse du calibre des artères rétiniennes, bilatérale et symétrique. La lésion ischémique
caractéristique de rétinopathie hypertensive est le nodule cotonneux qui correspond à une inter-
ruption du flux axonal observée en cas d’insuffisance de perfusion de la maille capillaire superficielle
rétinienne. Ces nodules cotonneux s’accompagnent fréquemment d’hémorragies rétiniennes en flam-
mèche. Ils régressent complètement et peuvent occasionner des scotomes visuels correspondant au
territoire précédemment ischémique [31, 32]. L’HTA maligne peut également entraîner un œdème
papillaire avec parfois ischémie du nerf optique associée et baisse visuelle irréversible.

Prise en charge et traitement


Ils sont ceux de l’HTA, et il n’y a pas de traitement ophtalmologique spécifique, à moins qu’une
occlusion vasculaire soit associée. S’il existe une ischémie rétinienne très étendue, un diabète
doit être recherché. Chez les patients jeunes, un bilan à la recherche des causes d’HTA secondaire
doit être entrepris.

Les complications rétiniennes dues au diabète comprennent la rétinopathie diabétique et


l’œdème maculaire diabétique. Elles représentent la première cause de cécité en France chez les
sujets de moins de 65 ans.

La rétinopathie diabétique est une pathologie microvasculaire qui se caractérise par des occlu-
sions vasculaires et une disparition des capillaires donnant lieu à une ischémie rétinienne. Un
œdème maculaire (principale cause de malvoyance secondaire au diabète) peut survenir à tous
les stades de la rétinopathie, lorsqu’il y a une rupture de la barrière hémato-rétinienne interne.

/ 559
Partie 4 – Aspects particuliers

La rétine ischémique entraîne une sécrétion locale de facteurs angiogéniques tels que le VEGF
qui vont favoriser le développement de néovaisseaux prérétinien (rétinopathie proliférante). Ces
néovaisseaux sont responsables de la baisse d’acuité visuelle lorsqu’ils se compliquent d’hémor-
ragie intravitréenne, de décollement de rétine tractionnel et de glaucome néovasculaire. Les
principaux facteurs de risque de rétinopathie chez les patients diabétiques sont une HbA1c
6 8 %, une pression artérielle systolique 6 150 mmHg, et une ancienneté du diabète 6 10 ans.

Chez l’adulte, la Haute Autorité de santé recommande un premier fond d’œil de dépistage de
la rétinopathie dès le diagnostic du diabète de type 2 et dès 3 ans après un diagnostic de diabète
de type 1. Chez l’enfant diabétique, le dépistage doit être fait à partir de l’âge de 10 ans. Le
fond d’œil doit ensuite être contrôlé tous les ans. Dans le cas particulier des diabétiques sans
rétinopathie, non insulinotraités, et dont la glycémie et la pression artérielle sont équilibrés, le
dépistage peut être effectué tous les 2 ans.

Prise en charge de la rétinopathie


et de la maculopathie diabétiques [31-34]
L’examen du fond d’œil doit précéder l’équilibre glycémique car la présence d’une néo-
vascularisation prérétinienne risque d’être aggravée par une équilibration rapide du diabète. Par
exemple, la mise en place d’une pompe à insuline est contre-indiquée si la rétinopathie est
proliférante, à moins qu’une photocoagulation pan-rétinienne ait été réalisée.

La photocoagulation pan-rétinienne au laser est le traitement spécifique de la rétinopathie dia-


bétique proliférante. Elle consiste en une coagulation étendue de toute la rétine périphérique.
Elle est réalisée en ambulatoire sous anesthésie topique. Elle permet d’obtenir la régression de
la néovascularisation dans près de 90 % des cas et de réduire considérablement le risque de
cécité. La rapidité de sa réalisation dépend de la sévérité de la rétinopathie proliférante.

Dans l’œdème maculaire, le laser est de moins en moins utilisé car il induit une perte des
photorécepteurs. En 2018, les injections intravitréennes d’anti-VEGF ou de corticoïdes sont le
traitement de première ligne de l’œdème maculaire diabétique. Le pouvoir antiangiogénique des
anti-VEGF peut aussi avoir un intérêt dans certaines indications de rétinopathie proliférante,
notamment celles compliquées de glaucome néovasculaire. Enfin, le traitement chirurgical par
vitrectomie est indiqué dans les rétinopathies proliférantes compliquées d’hémorragie intra-
vitréenne persistante, empêchant la réalisation de la photocoagulation pan-rétinienne au laser
ou de décollement de rétine tractionnel.

La rétinopathie radique est une complication de la radiothérapie, qui survient classiquement


quelques mois ou années après une radiothérapie réalisée sur la face, l’orbite ou la base du crâne.
Elle présente les mêmes caractéristiques cliniques que la rétinopathie diabétique et induit une
ischémie rétinienne par des lésions des capillaires rétiniens. Environ un tiers des yeux avec une
rétinopathie radique développe une néovascularisation qui, tout comme pour la rétinopathie
diabétique, doit être traitée par une photocoagulation laser des zones d’ischémie [35].

560 /
Ischémie oculaire

L’atteinte rétinienne drépanocytaire est surtout rencontrée chez les porteurs du génotype SC. Elle
se manifeste par des occlusions artériolaires périphériques qui apparaissent d’abord dans la rétine
temporale, du fait d’une plus grande longueur des vaisseaux dans cette zone. À ce stade, tout comme
la rétinopathie diabétique, elle est asymptomatique. Les zones d’ischémie rétinienne périphérique
entraînent la formation de néovaisseaux prérétiniens à la morphologie caractéristique, les sea fans,
qui ressemblent à des coraux. Ces lésions peuvent apparaître dès l’enfance et s’aggraver au cours
de la vie. Un dépistage régulier (tous les 1 à 2 ans) est nécessaire afin de détecter une prolifération
néovasculaire et traiter l’ischémie en regard par une photocoagulation rétinienne au laser localisée,
par opposition à la PPR du diabète qui doit intéresser l’ensemble de la rétine périphérique [36].

L’occlusion de veine centrale de la rétine (OVCR) est une affection relativement fréquente après
50 ans et est, dans la grande majorité des cas, isolée, secondaire à l’artériolosclérose au niveau
de la tête du nerf optique avec compression locale de la veine par une ACR rigide.

Prise en charge et traitement


En dehors de la recherche de facteurs de risque vasculaire qui doivent être contrôlés, les ophtal-
mologistes qui prennent en charge ces patients n’obtiennent le plus souvent pas de bilan général.
Un bilan de coagulation n’est réalisé que lorsque l’OVCR survient chez un sujet jeune ou un
patient avec des antécédents personnels ou familiaux de thrombose veineuse. Le traitement vise
à réduire les complications rétiniennes de la rétinopathie œdémateuse et ischémique. Il est bien
codifié par de nombreux essais thérapeutiques et inclut des injections intravitréennes de corti-
coïdes ou d’anti-VEGF, en cas d’œdème maculaire et des traitements laser, en cas d’ischémie
rétinienne périphérique [37, 38].

Les vascularites rétiniennes sont facilement diagnostiquées par l’examen du fond d’œil, parfois
aidé d’une angiographie rétinienne à la fluorescéine. Elles peuvent atteindre les artères ou les
veines (ou les deux). Elles peuvent être isolées ou être associées à une uvéite postérieure. Comme
pour les vascularites cérébrales, le terme « vascularite » implique une inflammation des vaisseaux
rétiniens et les causes sont multiples, incluant la majorité des vascularites systémiques ainsi de
que nombreuses infections oculaires (Tableau III). Certaines caractéristiques cliniques des vascu-
larites rétiniennes orientent le bilan étiologique. Par exemple, la vascularite rétinienne de la
maladie de Behcet est en général sévère, atteint les veines rétiniennes et est souvent associée
à une uvéite. Les périphlébites décrites au cours de la sclérose en plaque sont souvent isolées
et asymptomatiques car elles affectent le plus souvent les veines de la périphérie rétinienne [39].

/ 561
Partie 4 – Aspects particuliers

TABLEAU III ▼ Causes les plus classiques de vascularite rétinienne.


Infections Maladies inflammatoires Inflammation localisée à l’œil

Syphilis Sarcoïdose Choriorétinopathie de type


Cytomégalovirus Lupus érythémateux disséminé birdshot
Toxoplasmose Maladie de Behçet Ophtalmie sympathique
Maladie des griffes du chat Angéites nécrosantes : périartérite, IRVAN (Idiopathic retinal vasculitis
Maladie de Lyme maladie de Wegener aneurysms and neuroretinitis)
Tuberculose Maladie de Takayasu
Herpes simplex et herpes zoster Sclérose en plaques (périphlébites
périphériques)

Prise en charge et traitement


Le traitement inclut celui de l’affection causale en association avec un traitement local ophtal-
mique basé sur la sévérité des manifestations ophtalmologiques. Il est fréquent de devoir pres-
crire des corticoïdes oraux ou des immunosuppresseurs pour contrôler une vascularite rétinienne,
même en l’absence de manifestation systémique évidente.

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/ 563

38

La rééducation après un AVC constitué est une composante essentielle du traitement. Tout
patient doit pouvoir en bénéficier afin de retrouver au maximum ses fonctions altérées par la
lésion cérébrale et un niveau d’autonomie au plus proche de celui précédant l’AVC. Nous ne
détaillerons pas ici la réadaptation (à la vie sociale, familiale, professionnelle), mais elle est
étroitement liée à la rééducation.

Au sein de cette rééducation au sens large, la rééducation motrice est particulièrement impor-
tante puisque, selon une récente étude française [1], la déficience motrice toucherait 40 % des
patients hospitalisés dans les suites d’un AVC. La rééducation de la motricité fait essentiellement
appel à la kinésithérapie et à l’ergothérapie.

La rééducation de la motricité et donc la rééducation par le mouvement posent question depuis


bien longtemps : faut-il et comment mobiliser le membre paralysé ? Par quels mouvements, à
quel rythme, à quelle intensité, combien de temps après l’AVC ? On retrouve trace de ces
interrogations chez Hippocrate, par exemple, avec son approche plutôt prudente du patient
paralysé [2] ou, plus récemment, chez Clément Joseph Tissot, plutôt enclin à l’intensité des
exercices chez un patient déficitaire [3, 4]. À la clinique Charcot, à la fin du XIXe siècle, la réédu-
cation après AVC semble déjà codifiée avec des principes qui nous semblent modernes : « les
exercices consistent toujours en mouvements actifs... le plus tôt possible... deux fois par jour...
on fera marcher la patient et on l’obligera à se servir de sa main » [5]. Mais pendant une grande
partie du XXe siècle, ces grands principes de rééducation du mouvement ont été partiellement

/ 567
Partie 5 – Après l’AVC

abandonnés, en plaçant le trouble du tonus au centre du trouble moteur, avec l’idée que la
spasticité peut être tenue pour responsable d’une grande partie du déficit moteur des patients
et que le renforcement moteur ne pouvait que l’aggraver [6]. Dans cet esprit, d’autres idées ont
prévalu, comme celle qu’il ne fallait pas faire marcher un patient avant qu’il ait acquis un bon
équilibre du tronc. Ces concepts de rééducation n’ont jamais fait leurs preuves et ont empêché
un bon nombre de patients hémiplégiques de marcher. En effet, la crainte d’aggraver le trouble
du tonus a dévié l’attention des troubles de la commande et des moyens de l’améliorer. Heu-
reusement, dans les années 1980, l’application à la médecine de rééducation des méthodologies
d’évaluation de la médecine moderne a permis de faire la part entre théorie et réalité et d’aban-
donner ces dogmes erronés.

Parallèlement, l’évolution de l’imagerie (IRM fonctionnelle et PET-SCAN) a permis d’objectiver le


phénomène de plasticité cérébrale et de donner un nouveau souffle aux principes de rééducation.

La récupération fonctionnelle est liée à 3 mécanismes différents dans le temps : restitution, substi-
tution et compensation. La restitution de la fonction ad integrum peut s’observer dans les heures
ou jours après l’AVC lorsque le tissu cérébral transitoirement inactif, comme la zone de pénombre
ischémique, en fait préservé, se réactive. Elle n’est pas sensible aux facteurs extérieurs comme la
rééducation. Par le mécanisme de substitution, il s’agit de stimuler le processus de récupération
cérébrale pour maintenir ou restaurer une fonction altérée grâce à la plasticité neuronale, décrite
dans un autre chapitre de cet ouvrage. Ce mécanisme de plasticité cérébrale dépend étroitement
des stimulations auxquelles le cerveau est soumis. La rééducation a ici un rôle majeur avec les
notions d’apprentissage, de réentraînement, d’intensité et de richesse de l’environnement. Le troi-
sième mécanisme de récupération de la fonction est un mécanisme par défaut, la compensation,
en adaptant l’environnement, en utilisant des aides techniques ou des orthèses, voire, malheureu-
sement, en mettant de côté l’utilisation du membre déficitaire (manipulation d’un fauteuil roulant,
relatéralisation des membres supérieurs). Cette phase de compensation doit être proposée en dernier
recours car les moyens employés sont contradictoires avec ceux nécessaires à la substitution.

Ainsi, nous sommes passés d’une période de protection sans doute excessive du patient, liée au
peu de foi dans les capacités de récupération, à une période heureusement bien plus dynamique
où l’objectif de toute rééducation est la récupération maximale des fonctions, antérieures ou
modifiées, par un travail de stimulation intense, l’intensité étant définie par une difficulté de la
tâche un peu supérieure aux capacités du sujet, en force, en variété, en durée.

Nous classerons ces méthodes selon les idées qu’elles sous-tendent : l’inhibition de la spasticité
et des mouvements anormaux, l’entraînement du mouvement, la stimulation des interactions
sensori-motrices, le renforcement de la conscience du geste, la modulation de l’inhibition inter-
hémisphérique et le renforcement musculaire sélectif.

568 /
Rééducation de la motricité après un AVC récent

Rééducation par inhibition de la spasticité


et des mouvements anormaux
Comme nous l’avons évoqué précédemment, cette approche a dominé les années 1950 à 1980,
en partie développée par Bertha Bobath à partir de constations faites chez l’enfant atteint d’hémi-
plégie cérébrale infantile. Le principe reposait sur l’inhibition de la spasticité et la facilitation des
activités motrices posturales et cinétiques normales. Par la suite, de nombreuses études ont
montré l’absence de preuve d’efficacité de ces techniques dites « neurofacilitatrices » au profit
des techniques plus traditionnelles, voire totalement contradictoires [7].

C’est en partie sur le principe d’inhibition de la spasticité que se basent les techniques de sti-
mulation électrique neuromusculaire (Figure 1) qui peuvent entraîner une contraction du muscle
stimulé mais également la relaxation du muscle antagoniste : elles sont toutefois peu utilisées
en routine, car n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucun consensus.

FIGURE 1 Stimulation électrique neuromusculaire au membre supérieur.

Il faut distinguer cet usage de la stimulation électrique à visée « rééducative » de l’utilisation


de la stimulation électrique fonctionnelle, souvent utilisée en vie quotidienne, notamment pour
la marche par stimulation du nerf fibulaire (Figure 2).

C’est également ce principe d’inhibition de la spasticité qui motive certains traitements par
toxine botulinique : il s’agit de provoquer une parésie des muscles spastiques pour améliorer la
commande des muscles antagonistes [8].

/ 569
Partie 5 – Après l’AVC

FIGURE 2 Stimulation électrique fonctionnelle au membre inférieur.

Rééducation par entraînement du mouvement


C’est le concept principal de rééducation motrice après AVC. Les exercices ne doivent pas être
réalisé sans but mais doivent être « orientés vers la tâche à accomplir » ; l’amélioration de
l’équilibre doit passer par des exercices ciblés sur l’équilibre, celle de la marche par un travail de
la marche [9, 10].

Différents techniques existent pour proposer cet entraiment par le mouvement.

Allègement de la charge
L’existence d’un générateur spinal de la locomotion a été démontrée chez les mammifères
adultes. À partir d’expérience chez le chat spinalisé [11], un programme d’entraînement a été
proposé à des patients blessés médullaires et cérébrolésés visant à stimuler le générateur spinal
de la marche. La marche en allégement partiel du poids du corps permet, grâce à un harnais qui
stabilise le patient, d’éliminer le recours aux réflexes d’équilibration et de travailler par répétition
l’automatisme de la marche [12] (Figure 3). De nombreux travaux ont semblé encourageants [13,
14]. Toutefois, une récente revue Cochrane a conclu à un bénéfice possible uniquement chez
des patients déjà autonomes à la marche dès leur AVC (avec une amélioration de la vitesse et
endurance à la marche) à court terme [15]. Cet allégement est cependant toujours utilisé chez
les hémiplégiques dont la motricité est très déficiente, pour leur permettre de marcher sur tapis
roulant ou sur sol fixe. Cette revue n’a pas permis d’apporter de recommandation sur la durée,
fréquence et intensité de l’entraînement.

570 /
Rééducation de la motricité après un AVC récent

FIGURE 3 Tapis de marche avec harnais d’allègement du poids du corps.

La rééducation de la préhension peut également se faire en allégement du membre supérieur,


particulièrement chez les patients très déficitaires [16] (Figure 4). Il semble, en effet, que la
motricité distale chez un patient présentant une parésie puisse être inhibée par le déficit proximal
et que la motricité distale soit mieux entraînée lorsque le membre est en position de soulage-
ment. Cette technique d’allègement est aussi un des traitements de la spasticité ayant pour but
d’alléger la contrainte imposée par les antagonistes du mouvement. Il y a à ce jour trop peu
d’étude pour préciser les modalités de cette technique de rééducation [17].

Étayage
L’appareillage de la marche peut avoir un rôle transitoire mais bien utile. En effet, comme nous
l’avons dit, il est indispensable, pour récupérer la marche, de l’entraîner spécifiquement. L’attente
d’une hypothétique récupération au fauteuil n’a pas de sens. Lorsque le déficit moteur est sévère,
et surtout lorsqu’il s’y associe un déficit sensitif, la réalisation d’une orthèse (Figure 5) permettant
de stabiliser l’ensemble du membre inférieur est souvent essentielle. Elle permet le verrouillage
du genou, la verticalisation, les premiers pas, puis la marche. Son usage est souvent transitoire,
et, dès que possible, la marche sera bien sûr travaillée sans orthèse.

Thérapie par contrainte


Cette technique s’appuie sur la connaissance du « syndrome de non-utilisation acquise », tableau
décrit par Henri Meige à la Salpêtrière [18] sous le nom « d’amnésie motrice fonctionnelle »,
repris ultérieurement par Emile Taub. À partir de travaux expérimentaux chez le singe, ce trai-
tement est basé sur deux principes théoriques : lutter contre la sous-utilisation du membre
parétique par la contrainte du membre sain [19], et favoriser la représentation du membre
supérieur au niveau du cortex primaire de l’hémisphère lésé par une rééducation intensive du
membre parétique [20]. En effet, une motricité déficiente peut conduire le sujet à compenser
par le membre supérieur valide plutôt que de surentraîner le membre déficient dont il perd

/ 571
Partie 5 – Après l’AVC

FIGURE 4 Travail de la préhension avec allègement du membre supérieur.

FIGURE 5 Travail de la marche avec une orthèse cruro-pédieuse.

572 /
Rééducation de la motricité après un AVC récent

l’usage même si une récupération était possible. La rééducation passe alors par l’immobilisation
précoce du membre supérieur sain afin de contraindre l’usage du membre déficient, en séance
de rééducation (Figure 6) comme dans la vie quotidienne (tout en préservant une certaine auto-
nomie). De premiers effets positifs avaient été montrés après un AVC ancien [21] puis après
AVC récent notamment avec l’étude EXCITE [22] : cette étude concluait au bénéfice d’une
contrainte exercée pendant 90 % du temps de la journée associée à 6 h d’entraînement moteur
quotidien. Par la suite, d’autres auteurs ont mis l’accent sur l’imputabilité première du sur-
entraînement du membre supérieur déficitaire, la contrainte n’ayant été probablement qu’une
technique pour le faciliter [23]. Une méta-analyse récente [24] et une revue Cochrane [25] ne
permettent pas de conclure à une franche supériorité de cette technique de rééducation ni d’en
recommander les modalités, les études étant très hétérogènes. Il a également été proposé d’amé-
liorer la motricité du membre inférieur parétique en contraignant le membre inférieur sain lors
de la marche par la mise en place d’un poids supplémentaire à la cheville [26, 27].

FIGURE 6 Rééducation du membre supérieur gauche (déficitaire) induite par la contrainte du


membre supérieur droit (sain).

Répétition
La répétition et la quantité de mouvement sont des composantes essentielles permettant la
récupération. Différents systèmes peuvent être utilisés en kinésithérapie et en ergothérapie :
tapis roulant, vélo, cyclo ergomètre, robots, etc. (Figure 7).

Différents systèmes ont été proposés en ce sens, permettant l’entraînement robotisé du mou-
vement à la fois pour la marche et pour le membre supérieur. Le temps de rééducation quotidien
peut ainsi être augmenté en complément du temps effectué sous le contrôle direct du réédu-
cateur. Pour la marche, il existe différents systèmes, avec ou sans allègement du poids du corps,
avec système motorisé plus ou moins interactif, permettant la mobilisation des membres infé-
rieurs à partir de la distalité ou via un exosquelette motorisé. Une assistance robotisée pour la
rééducation de la préhension est également possible avec là encore de nombreux systèmes
(Figures 7c et d) (assistance plus ou moins complète, motorisés ou non, mono- ou bimanuel,
alliant des exercices ludiques voire un système de réalité virtuelle...). Une méta-analyse très
récente [28] sur 38 essais randomisés conclut à une légère amélioration du contrôle moteur et

/ 573
Partie 5 – Après l’AVC

de la force du membre supérieur lorsque la rééducation est réalisée en partie à l’aide de robot.
Ces résultats ne sont pas retrouvés en termes d’amélioration de la fonction ou de l’autonomie
dans les activités de la vie quotidienne.

FIGURE 7 Entraînement moteur par la répétition du mouvement.


A : cycloergomètre de membre supérieur. B : cycloergomètre de membre supérieur et inférieur. C
et D : robot de membre supérieur. E : robot de membre inférieur.

Simulation
Cette technique est une application à la rééducation neurologique, du concept d’imagerie motrice,
qui consiste en la répétition d’un geste moteur sans exécution réelle. Elle s’appuie sur la théorie
selon laquelle la simulation mentale motrice permet l’activation des mêmes structures cérébrales
mises en jeu dans l’exécution du mouvement, tout en étant d’intensité légèrement inférieure [29].
Le sujet impliqué dans la représentation mentale d’un geste peut utiliser différentes perspectives :
s’imaginer le geste en se positionnant à « l’extérieur de son corps » comme le ferait un spec-
tateur, ou en étant à « l’intérieur de son corps », acteur du mouvement. Certaines études en
post-AVC ne montrent pas d’efficacité de cette technique par rapport à un travail intensif non
mental [30], d’autres sont plus encourageantes, notamment sur la marche [31].

Parmi les techniques de simulation, on retrouve l’approche par thérapie « miroir » (Figure 8). Le
patient est assis face à un miroir placé dans le plan sagittal, le membre supérieur sain est bien
visible par le patient alors que le membre parétique est placé derrière le miroir, qui reflète l’image
du membre supérieur sain à la place du membre supérieur déficient, de telle sorte que seule l’obser-
vation de sa main saine soit accessible. Lorsque le patient bouge la main saine, il voit dans le miroir
le reflet de ce mouvement à la place de la main déficiente, ce qui lui donne l’illusion du mouvement
de sa main déficiente. Ces travaux ont été développés à partir de ceux faits pour réduire les douleurs
de membre fantôme chez l’amputé par Ramachandran [32], puis proposés par son équipe dans la
rééducation de l’hémiparésie [33]. De nombreuses études ont par la suite montré des effets encou-
rageants après AVC, en termes d’amélioration de la motricité au membre supérieur et dans les
activités de vie quotidienne [34]. Les mécanismes pouvant expliquer l’efficacité de la thérapie miroir
s’appuient sur l’activation de neurones miroirs en cas de lésions corticales incomplètes et sur l’aug-
mentation de l’excitabilité du cortex somato-sensoriel déficient [35].

574 /
Rééducation de la motricité après un AVC récent

FIGURE 8 Rééducation du membre supérieur droit : thérapie miroir.

Rééducation par stimulation


des interactions sensitives et motrices
Il paraît possible d’améliorer la motricité par la stimulation des voies sensitives et notamment
proprioceptives. Certains travaux ont montré que la stimulation de la proprioception par vibra-
tions tendineuses peut améliorer l’excitabilité du cortex moteur primaire [36] et permettrait
ainsi une meilleure réceptivité au réentraînement moteur notamment du membre supérieur [37,
38]. D’autres études suggèrent que l’amélioration de la commande motrice passerait par une
diminution de la spasticité suite aux vibrations tendineuses [39].

Pour la rééducation de l’équilibre, la stimulation des entrées proprioceptives est essentielle notam-
ment pour lutter contre l’usage souvent excessif et délétère de la seule entrée visuelle [40, 41].

Améliorer la commande
par le renforcement de la conscience du geste
Ces techniques à la base du biofeedback ont pour but de renforcer l’information pour améliorer
le mouvement. Le biofeedback visuel ou auditif sur la réalisation d’un geste permet d’améliorer
la conscience du geste et ainsi de guider le patient vers le mouvement souhaité. La rééducation
par rétroaction visuelle modifiée a été proposée avec des effets encourageants. Il s’agit, par un
système de miroir et d’images virtuelles, de faire croire au patient que sa motricité est meilleure
qu’elle ne l’est en réalité [42]. L’apprentissage moteur est réalisé par l’observation, sachant que
l’intention d’imiter un geste active des zones superposables à celles activées à la réalisation du
geste lui-même [43]. On retrouve ici des liens avec l’imagerie motrice et la thérapie miroir.

Le biofeedback est beaucoup utilisé pour la rééducation de la marche et de l’équilibre pour


améliorer la symétrie des appuis et la stabilité posturale avec un feedback qui peut être visuel
(Figure 9) ou auditif. Le transfert de l’amélioration de l’équilibre dans la vie quotidienne n’est en
fait pas certain [44].

/ 575
Partie 5 – Après l’AVC

FIGURE 9 Biofeedback visuel de la répartition du poids du corps sur les membres inférieurs.

Réentraînement moteur par action


sur l’inhibition interhémisphérique
La stimulation cérébrale non invasive [45] (stimulation magnétique transcrânienne : TMS ou
stimulation directe par courant continu : TDCS) est proposée pour favoriser la récupération
motrice. Celle-ci pouvant en effet être freinée par une inhibition trop importante de l’hémisphère
sain sur l’hémisphère lésé, le but de la stimulation est de rétablir la balance interhémisphérique
en stimulant l’hémisphère sain ou en inhibant l’hémisphère lésé [46]. L’entraînement moteur se
fait au cours d’une activation du cortex moteur ipsilésionnel en TMS à haute fréquence ou TDCS
anodique ou, plus souvent, par inhibition du cortex moteur contralésionnel par TMS à basse
fréquence ou TDCS cathodique. Des résultats encourageants ont été obtenus sur la récupération
de la motricité chez l’homme [47].

Réentraînement par renforcement musculaire sélectif


Le renforcement musculaire était peu recommandé lorsque l’on craignait une augmentation de
la spasticité, mais cela n’a jamais été réellement montré. Il est aujourd’hui parfaitement intégré
dans les programmes de rééducation, bien que le rapport direct entre cette technique et l’amé-
lioration de la fonction notamment la marche reste à démontrer [48].

576 /
Rééducation de la motricité après un AVC récent

Entraînement par usage des jeux sérieux


Afin d’améliorer l’observance au traitement, les jeux sérieux (serious games) sont depuis peu évo-
qués dans les protocoles de rééducation, car ils sont ludiques et variés et permettent donc une
rééducation intensive et répétée en diminuant le phénomène de lassitude parfois observé chez les
patients en cours de rééducation [49]. Certains de ces jeux utilisent les techniques de réalité
virtuelle. Même si cette technique n’apparaît pas supérieure à une autre chez les patients hospi-
talisés [50], elle reste une solution innovante et prometteuse pour la rééducation ambulatoire [51].

La question de la dose ou de l’intensité de la rééducation dans la récupération motrice n’est


aujourd’hui pas résolue [52]. L’intensité de la rééducation, que l’on peut définir par une charge,
une durée et/ou une difficulté un peu supérieures aux capacités du patient, est conseillée. Dès que
possible la rééducation quotidienne intensive sera complétée par une autorééducation, mais
l’hétérogénéité des études rend difficile l’établissement de recommandations claires. L’enjeu de la
rééducation consiste à proposer au patient des exercices variés avec des intensités adaptées à son
état et à ses progrès, il doit être stimulé au maximum sans jamais être découragé. Quant à la
précocité de la rééducation, il semble que l’on puisse aujourd’hui conseiller une initiation très
précoce, notamment par la mobilisation passive et active prudente, mais que l’intensité ne soit
pas recommandée dans les premiers jours suivant l’AVC, paraissant au mieux inefficace [53, 54],
au pire délétère [55, 56]. Enfin, la durée pendant laquelle la rééducation doit être poursuivie n’est
pas complètement codifiée non plus. L’absence de progrès entre deux bilans à un mois d’intervalle
peut servir de signal à un arrêt ou ralentissement. Il faut savoir tenir compte de toutes les défi-
ciences associées pour allonger les temps moyens de rééducation. Par exemple, la reprise de la
marche de façon autonome peut nécessiter 1 ou 2 mois en cas de parésie isolée, 6 à 9 mois en
cas d’association à une anesthésie et héminégligence. Au membre supérieur, l’absence de motricité
un mois après un infarctus est de très mauvais pronostic sur la fonction mais une parésie incomplète
peut nécessiter plus d’un an de travail, de la rééducation aux auto-exercices. Au-delà des progrès
fonctionnels acquis, la poursuite d’un auto-entretien est fortement recommandée.

Certains patients, les plus déficitaires et spastiques, peuvent nécessiter une kinésithérapie pen-
dant des années pour prévenir les complications orthopédiques douloureuses et gênantes.

La rééducation de la motricité proprement dite abordée ici sera très utilement complétée d’un
entraînement ou réentraînement cardiovasculaire à l’effort que nous ne détaillerons pas.

Il existe de nombreuses techniques de rééducation de la motricité qui peuvent être proposées à


un patient après la survenue d’un AVC, des plus traditionnelles aux plus innovantes, sans que
l’on puisse encore en préciser les indications respectives ou les doses précises. L’intensité de la
rééducation parait primordiale, définie par l’obligation de pousser le patient dans des perfor-
mances un peu supérieures à celles qu’il est capable de faire spontanément. Le but premier de
la rééducation est de récupérer le maximum des capacités antérieures, avant d’utiliser les méca-
nismes de compensation.

/ 577
Partie 5 – Après l’AVC

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/ 579
39

Parallèlement aux études ayant démontré le bénéfice des unités de soins intensifs neuro-
vasculaires (USINV) et des traitements de reperfusion (fibrinolytiques et thrombectomie) sur la
morbi-mortalité et la récupération après un accident vasculaire cérébral (AVC), d’autres travaux
ont permis une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques des troubles du
langage, des héminégligences et des troubles visuels conséquences d’un AVC, pour développer
une prise en charge en rééducation efficace, même si il persiste des questions autour de leurs
modalités (durée, rythme, délai, intensité, types ou combinaison d’approches...).

Des troubles du langage existent chez 15 à 46 % des patients à la phase aiguë d’un AVC, avec
une fréquence d’autant plus grande que l’évaluation est précoce [1-5]. L’aphasie dans un tel contexte
résulte le plus souvent de lésions de l’hémisphère cérébral dominant, à savoir l’hémisphère gauche
chez 95 % des droitiers et chez 75 % des gauchers (les autres étant localisées à droite ou bilatérales)
[6]. Les aires classiquement impliquées sont alors l’aire de Broca (aire de Brodmann 44), située au
niveau du pied de la troisième circonvolution frontale et qui contrôle la production du langage, et
l’aire de Wernicke (aire de Brodmann 22) au niveau du gyrus temporal supérieur, qui assure la
compréhension du langage. D’autres régions peuvent être également impliquées, telles que le
faisceau arqué et l’insula, certaines régions des cortex temporaux, occipitaux et pariétaux, les aires
associatives et les noyaux sous-corticaux (sachant que l’hémisphère droit a également des compé-
tences pour traiter des informations langagières, même si elles sont plus implicites qu’explicites)
(Figure 1). Les troubles phasiques après un AVC semblent d’autant plus fréquents que les patients
sont âgés, de sexe féminin, et que l’accident est d’origine cardioembolique [7].

/ 581
Partie 5 – Après l’AVC

FIGURE 1 Arbre diagnostique face à des troubles phasiques.

Si l’analyse neuropsychologique d’un trouble du langage permet souvent d’aboutir à un dia-


gnostic syndromique et une localisation lésionnelle précise, ce n’est pas toujours le cas, d’autant
que les troubles initiaux tendent à évoluer rapidement. Ainsi, les phénotypes aphasiques constatés
en phase aiguë varient selon le délai d’évaluation, mais aussi selon les outils utilisés (Figure 2).
Sur la base d’une classification en 3 groupes de 1 500 aphasiques vus en phase aiguë, l’aphasie
était de type mixte dans 38 % des cas, à prédominance expressive dans 37 % des cas et à
prédominance sensorielle dans 25 % des cas. Un quart des aphasies ne s’expliquait pas par les
corrélations clinico-radiologiques classiques [7]. Une autre étude a rapporté une prédominance
d’aphasies sévères et de type global ou « inclassables » (50 %), alors que les autres types d’apha-
sies « classiques » (Wernicke, Broca, transcorticales, sous-corticales) étaient étonnamment mino-
ritaires en phase aiguë (en moyenne à J10) [2]. Dans le mois suivant l’AVC, une hétérogénéité
plus grande a été rapportée avec une aphasie globale (32 %), anomique (25 %), de Wernicke
(16 %), de Broca (12 %), de conduction (5 %), transcorticale sensorielle (7 %) ou transcorticale
motrice (2 %) [4]. Ces résultats hétérogènes sont liées à des méthodologies différentes d’éva-
luation et surtout à des évolutions rapides de la sémiologie de ces aphasies vasculaires [3, 8].

Histoire naturelle de la récupération


du langage en suite d’AVC
La présence de troubles phasiques est associée à des durées d’hospitalisation plus longues, des
taux de complications ou de mortalité plus élevés [5]. Si ces troubles phasiques tendent à
régresser naturellement la première année après l’AVC, au moins 50 % des patients gardent des
séquelles 18 mois après l’AVC [4, 9]. Leur persistance à distance constitue un facteur indépendant
majeur d’altération de la qualité de vie qui va au-delà du déficit de langage proprement dit,
s’associant à un retrait social, des symptômes dépressifs, et une probabilité moindre de reprise
d’une activité professionnelle.

582 /
Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale

FIGURE 2 Outils d’évaluation des troubles phasiques.


Outils d’évaluation des troubles du langage
* En phase aiguë
– NIHSS, comprend des items « langage » mais peu précis pour appréhender efficacement
l’aphasie qualitativement et quantitativement de façon reproductible.
– L’échelle « LAST » (Language Screening Test) [8] dont il existe deux versions (LAST-a et
-b), strictement équivalentes, afin d’éviter un éventuel effet re-test en cas d’utilisation consé-
cutive dans un délai restreint. LAST tient sur un feuillet recto/verso format A4, et comporte
les principaux items permettant d’affirmer ou d’infirmer un déficit de la parole ou du langage
(épreuve de dénomination d’images, choisies pour leur fréquence sémantique et visuelle ainsi
que pour leur niveau de difficulté phonémique ; épreuve de répétition (un mot et une phrase
concrète) et série automatique (le comptage, peu soumis aux connaissances académiques) ;
épreuve de désignation d’images (4 images parmi 4 pièges : sémantique, visuel, phonétique
proche, phonétique lointain) choisies elles aussi pour leur fréquence visuelle et sémantique ;
une épreuve d’exécution de 3 ordres (simple, semicomplexe et complexe). La validation externe,
par rapport au BDAE, a permis d’établir un cut-off à 14/15 : un score inférieur à 15 doit alors
justifier la passation d’autres évaluations plus poussées, tant sur le plan arthrique que phasique,
et permettre ainsi la prise en charge en rééducation précoce si cela s’avère nécessaire. Le
temps de passation de LAST est en moyenne de 2 minutes. LAST peut être administré au lit
du malade, aussi bien par un orthophoniste qu’un médecin ou par un non-spécialiste du
langage (étudiant, infirmière), avec la même fiabilité. Développée et validée en français, elle
a été maintenant validée ou en cours d’adaptation en anglais, allemand, chinois, portugais,
québécois...

* En phase subaiguë/chronique
Les tests de langage de référence administrés par les orthophonistes, tels le BDAE, la Western
Battery for Aphasia ou le Montréal Toulouse 86 sont robustes et complets (mais inadaptés en
phase aiguë des AVC) : ces échelles de langage prennent 30 minutes à 2 heures à faire passer,
et ne peuvent donc pas être proposées en phase aiguë, en raison de la fatigabilité et d’éventuels
troubles de la vigilance du patient.
Au-delà de la phase aiguë, ces batteries de tests complètes sont indispensables pour faire le
bilan lésionnel et orienter les techniques et objectifs des séances de rééducation [6].
Enfin, au-delà des troubles du langage, il importe d’évaluer aussi leur retentissement dans la vie
quotidienne (échelle d’incapacités et de qualité de vie, voire de dépression).

La récupération des fonctions du langage serait liée à différents facteurs incluant l’âge, la loca-
lisation et le volume lésionnel, et de façon plus discutée dans la littérature, à la présence d’affec-
tions associées, l’implication de l’entourage, la préférence manuelle ou le niveau d’éducation
[9-11]. Toutefois, l’évolution des troubles phasiques reste difficile à prédire individuellement à
long terme : les seuls facteurs pronostics évidents sont la gravité initiale et la taille de la lésion
cérébrale [3, 4]. Récemment, il a été décrit une amélioration proportionnelle au déficit initial
avec, comme pour la récupération motrice, une récupération moyenne évaluable à 70 % environ
du déficit initial à J90 [12].

Cette réorganisation neuronale passe par les possibilités de plasticité cérébrale propre à chaque
patient [11]. À la suite d’un AVC hémisphérique gauche, la réorganisation fonctionnelle du lan-
gage des patients aphasiques impliquerait les interactions intrahémisphériques entre les aires
lésées et les zones périlésionnelles hémisphériques gauches, mais également les interactions
interhémisphériques transcalleuses entre l’hémisphère gauche lésé et les régions homotopiques
(symétriques controlatérales) hémisphériques droites [13]. En cas de lésion très focale, les aires
périlésionnelles sont impliquées dans la récupération en phase aiguë comme lors de la

/ 583
Partie 5 – Après l’AVC

rééducation. Ces modifications à court terme des capacités de langage seraient dues à une
hypoperfusion transitoire de territoires apparemment préservés (pénombre ischémique), ainsi
qu’à la réorganisation neuronale précoce. Dans le cas de lésions étendues, il semble que la prise
en charge du langage se fasse alors par l’hémisphère mineur. Cette implication de l’hémisphère
mineur a été démontrée par plusieurs études d’imagerie fonctionnelle, ainsi que par des études
de stimulation magnétique transcrânienne [14]. L’hémisphère droit peut prendre en charge les
fonctions de langage, grâce aux aires homotopiques. Les régions hémisphériques droites les plus
aptes à jouer un rôle dans le processus de récupération sont le lobe temporal supérieur (contrôle
auditif), les régions prémotrices et le gyrus frontal inféro-postérieur (planification et séquençage
des actions motrices) et le cortex moteur primaire (exécution des actions motrices verbales) [14,
15]. Ces différents aspects ont été récemment rapportés en imagerie par l’IRM fonctionnelle,
montrant de façon séquentielle que l’amélioration des troubles du langage chez des patients
aphasiques passait par l’activation initialement de zones périlésionnelles (explorées précocement
à J2), puis par l’activation des zones homologues à droite de celle de Broca en période subaiguë
(étude autour de J12 après l’installation des symptômes), et enfin en phase chronique par une
réactivation franche des zone du langage à gauche (explorée à un an) [16]. L’ensemble de ces
constations doit être pris en compte dans la mise au point des protocoles de rééducation sachant
que le rôle bénéfique ou non de cette activation homotopique est source de débats.

Rééducation orthophonique
La prise en charge orthophonique des patients aphasiques suite à un AVC est actuellement
recommandée, moyennant un rythme de 5-10 h par semaine [17-20], même si les résultats de
certaines études sont contradictoires dans la littérature, probablement du fait de cohortes de
patients très hétérogènes, d’outils de mesure inadaptés, de délais de prise en charge variés, et/ou
de techniques de rééducation différentes [18, 19]. En France, les recommandations de
l’ANAES [21] puis de la HAS [22] « encouragent la prescription de séances d’orthophonie dans
le but d’améliorer les possibilités de communications du patient », particulièrement lors des
premiers mois suivant l’AVC. L’objectif de la rééducation doit être l’optimisation de la récupé-
ration des fonctions linguistiques, mais aussi de l’utilisation des capacités restantes, tout en
accompagnant l’adaptation au handicap social qui en résulte. L’optimisation de ces approches
thérapeutiques reste à préciser, en particulier quant à ses techniques, intensité et précocité.

Rééducation orthophonique précoce et intensive ?


La méta-analyse de 2016 portant sur la rééducation orthophonique des troubles phasiques après
un d’AVC a montré qu’elle permettait une amélioration de la communication, de l’écriture, de
la lecture, en comparaison avec une absence de prise en charge en rééducation [20]. Toutefois,
il persiste des questions autour des modalités idéales de cette rééducation (durée, rythme, délai,
intensité, types ou combinaison d’approches...). Pour certains auteurs, la prise en charge « inten-
sive » de l’aphasie, quel que soit son type, est efficace et favorise la récupération du langage
[23]. D’autres études vont aussi dans le sens du bénéfice d’une prise en charge « intensive » et
« précoce », en synergie avec la réorganisation neuronale précoce [20]. Ces thèses restent tou-
tefois controversées, en particulier du fait de méthodologies contestables (faibles effectifs, études
non randomisées) [18, 19]. Jusqu’à très récemment, aucune étude n’avait permis de conclure à
la supériorité ou non d’une prise en charge très précoce par rapport à une rééducation retardée
de quelques semaines [18, 19]. Une étude récente comparant une prise en charge très précoce
dès J0-J1 à une prise en charge différée de 3 semaines, de type « Language Enrichissement The-
rapy Program », n’a pas montré d’effet sur la récupération de la communication verbale à
6 mois [24]. Plus récemment encore, une étude n’a pas montré de bénéfice d’une rééducation

584 /
Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale

intensive (> 1 h/jour) pendant 4 semaines, débutée dans les 15 jours suivant un AVC, compara-
tivement à un groupe « non traité » [25]. Au-delà de ces résultats négatifs, il importe de souligner
la faisabilité de ce type d’études randomisées dans la prise en charge des troubles phasiques
après un AVC. Ces premiers essais rigoureux ouvrent la voie à d’autres études qui permettront
d’optimiser au mieux cette prise en charge dans le futur, même s’il faut pour cela probablement
développer des études randomisées stratifiées en catégories homogènes d’aphasie selon leurs
types de présentation clinique ou leur gravité initiale, voire sur des critères d’imagerie cérébrale
IRM.

Modalités de la rééducation orthophonique


Différents types de rééducation orthophonique peuvent être proposés, incluant des approches
thérapeutiques pas toujours fondées sur des validations scientifiques. Citons ici : i) des techniques
dites de « stimulation réponse » avec entraînement direct du déficit (production/compréhen-
sion/répétition de mots et non-mots/aide par l’ébauche orale), approches empiriques basées sur
des faits sémiologiques, qui peuvent être rapidement mis en place et s’avèrent souvent efficaces ;
ii) la « thérapie mélodique » (melodic intonation therapy) basée sur un contrôle reposant sur
l’hémisphère droit généralement épargné lors de lésion hémisphérique gauche ; iii) une approche
psycholinguistique, qui identifie le déficit au mieux pour travailler les lacunes existantes et
s’adapter aux perturbations caractéristiques d’un type d’aphasie, par syndrome (associe évalua-
tion-interprétation, puis objectifs de rééducation, d’approche cognitive, dans le cadre d’interven-
tions successives) ; iv) la rééducation visant aussi celle des déficits associés (attentionnels, mné-
siques...) ; v) la Constraint-Induced Aphasia Therapy, dans laquelle la rééducation minimise au
maximum l’utilisation de communication non verbale ; ou vi) au contraire, les techniques
d’apprentissage d’un néo-langage basé sur un mode communication alternatif basé sur des sym-
boles (pour les patients les plus sévères, via des dessins, ou éventuellement des outils informa-
tiques (computer assisted therapy) selon les capacités résiduelles des patients, éventuellement
associé avec une approche pragmatique (ou « écologique ») dont par exemple la PACE (Promo-
ting Aphasia Communicative Effectiveness) de communication verbale ou non, volontiers en
groupe, en situation réelle, de conversation spontanée avec tours de parole pour susciter des
échanges dans des situations de communication naturelle. Ces techniques ne sont pas exclusives
et l’idéal est qu’elles soient associées ou se succèdent selon l’évolution des troubles de chaque
patient. Dans l’état actuel des connaissances, il n’existe pas de méthode univoque de rééducation
qui puisse être préconisée de façon générale dans l’aphasie post-AVC [18, 20, 22]. Enfin, il importe
de souligner que cette rééducation n’a de sens que si elle permet au patient d’améliorer sa
communication avec l’entourage et le milieu extérieur, et qu’il convient donc d’en vérifier régu-
lièrement l’efficacité en confrontant les résultats des examens aux témoignages de la famille et
des aidants.

Il est admis qu’il n’y a pas d’efficacité en dessous d’un seuil minimal de 5 heures par semaine,
avec des séances de 30 minutes à 1 heure (avec travail sur le langage oral et écrit, sur le versant
compréhension et expression, les apraxies bucco-faciales voire les gnosies en phase aiguë (jusqu’à
un mois) [18, 20, 22]. Il faut tenir compte des dispositions physiques, émotionnelles et cognitives
du patient, et savoir opter pour des séances plus brèves mais répétées. Il faut aussi impliquer
autant que possible les proches et les aidants en leur expliquant les troubles phasiques du patient
et les encourager à une participation active à une vie sociale en tenant compte de l’environne-
ment. Généralement, la prise en charge orthophonique dure jusqu’à un an après l’AVC, la thérapie
prenant fin lorsque les évaluations diagnostiques standardisées ne mettent plus en évidence de
progrès, sachant que l’on peut évaluer ultérieurement la pertinence de reprendre cette prise en
charge. Récemment, il a été montré qu’une rééducation ciblée intensive (> 10 h/semaine pendant
> 3 semaines) chez des aphasiques chroniques (> 6 mois) pouvait encore apporter un bénéfice
net sur la communication verbale, même si celui-ci tendait à s’épuiser avec le temps [26].

/ 585
Partie 5 – Après l’AVC

Prise en charge pharmacologique


À côté des prises en charge active de reperfusion en phase aiguë (par fibrinolyse et/ou throm-
bectomie), même en cas de troubles aphasiques isolés [27], des agents pharmacologiques favo-
risant la récupération des troubles du langage ont été testés. Les traitements dopaminergiques
n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Quelques rares pistes existent, qu’il reste à confirmer :
les cholinergiques comme l’anracetam, la mémantine ou la galantamine, inhibiteur de l’acétyl-
cholinestérase ou les amphétamines qui semblent apporter un bénéfice à court terme [6]. Le
piracétam est la molécule qui a été le plus étudiée [6, 17], son efficacité est au mieux modeste.
Les traitements antidépresseurs peuvent aussi être d’un soutien précieux dans des contextes de
dépression d’origine réactionnelle ou organique.

Stimulation transcorticale
Les stimulations transcrâniennes TMS et tDCS permettent de moduler localement de façon non
invasive les activités électriques excitatrices ou inhibitrices. Ces approches se sont développées
alors que des théories de neuromodulation suggéraient des effets inhibiteurs délétères entre
régions homotopiques des 2 hémisphères. À partir de ces données, des stimulations excitatrices
hémisphérique gauche et/ou inhibitrice hémisphérique droite devraient avoir un effet bénéfique
[6]. La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) consiste à appliquer une impulsion magné-
tique sur le cortex cérébral à travers le crâne. La variation rapide du flux magnétique induit un
champ électrique qui modifie l’activité des neurones sous-jacents, pour en modifier durablement
l’activité (selon l’intensité, la région stimulée, la fréquence des trains et leur durée). La stimulation
transcrânienne à courant direct (tDCS) est quant à elle une technique d’électrostimulation du
cerveau qui permet de moduler l’excitabilité corticale via 2 électrodes (une anode excitatrice et
une cathode inhibitrice), positionnées selon les régions dont on souhaite modifier l’activité. À ce
jour, de nombreuses études suggèrent un bénéfice de ces approches, en phase aiguë comme
chronique [6], bien qu’aucune étude n’ait permis de conclure avec certitude. D’autres études
sont donc nécessaires afin de préciser au mieux les positions des électrodes et les paramètres
de stimulation, avant d’envisager de diffuser ces techniques en routine, isolément ou en asso-
ciation aux séances de rééducation orthophonique [28, 29].

Conclusion et perspectives
De façon optimale, il apparaît logique de préconiser une rééducation orthophonique, adaptée à
chaque patient, selon les habitudes du rééducateur et selon les types de déficits constatés, et
ce de façon quotidienne initialement. Il importe également de tenir compte de la fatigabilité du
patient, en le rassurant ainsi que ses proches sur la prise de conscience de l’équipe concernant
la difficulté que représente un trouble du langage, de donner des conseils de communication, et
de déterminer puis de transmettre les moyens de compensation qui permettront d’optimiser la
communication avec la famille comme avec l’équipe. Si de nombreuses méthodes de rééducation
encourageantes ont émergés ces 20 dernières années, des études restent nécessaires pour opti-
miser cette prise en charge, tant sur le type de la rééducation que sur la place des approches
pharmacologiques et des stimulations transcrâniennes.

586 /
Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale

La négligence unilatérale est « l’incapacité de rendre compte de, de répondre à ou de s’orienter


vers des stimuli nouveaux ou signifiants présentés du côté opposé à une lésion cérébrale, sans
que ce trouble puisse être attribué à un déficit sensoriel ou moteur » [30]. Il s’agit d’un trouble
complexe de la cognition spatiale, survenant principalement (bien que non exclusivement) après
une lésion de l’hémisphère droit. Les patients atteints de ce trouble, sans présenter par ailleurs
de détérioration intellectuelle, se comportent comme s’ils ignoraient la moitié de l’espace voire
de leur propre corps (Figure 3) [31].

FIGURE 3 Exemples de production d’un patient présentant une négligence unilatérale. A : dessin
spontané. B : dessin sur copie. C : test de bissection de ligne. D : test de barrage de lignes.

Formes cliniques de la négligence unilatérale


La forme la plus classique est la négligence extrapersonnelle, dont différentes manifestations
existent, selon que la négligence concerne l’espace égocentré (séparé en deux par une ligne
passant par l’axe médian du corps) ou l’espace allocentré (ou négligence centrée sur l’objet, le
patient négligeant alors la moitié de chaque objet individuellement, quelle que soit la position
de cet objet par rapport à son corps). Au sein de l’espace extrapersonnel, des dissociations (rares
cependant) ont été rapportées entre la négligence dans l’espace proche (à portée de main) et
dans l’espace plus lointain [31].

La négligence personnelle (ou corporelle), ou asomatognosie, est un défaut d’exploration de la


moitié du corps controlatéral à la lésion. Le patient semble oublier son hémicorps lors d’activités
élémentaires (toilette, habillage) ou n’arrive pas à désigner certaines parties de l’hémicorps
négligé. De rares cas de dissociations entre négligence personnelle et extrapersonnelle ont été
rapportés, et les corrélats lésionnels seraient en partie différents [32].

La négligence unilatérale ne se limite pas à des difficultés de détection d’informations dans


l’espace, elle touche tous les aspects du comportement orienté dans l’espace, y compris la
motricité. Deux types de problèmes moteurs différents ont été décrits : la négligence motrice
est un déficit d’activation de l’hémicorps controlatéral à la lésion, traduit par une sous-utilisation

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Partie 5 – Après l’AVC

des capacités motrices de cet hémicorps [33] ; l’akinésie ou l’hypokinésie directionnelle corres-
pondent à une difficulté à agir dans et vers l’hémiespace contralésionnel, même avec le côté
sain [34].

La négligence peut affecter l’espace représenté, ou imaginé, indépendamment de la présence


physique d’un stimulus (négligence représentationnelle) [35]. Ce trouble est cependant relative-
ment rare, n’étant présent que chez une minorité de patients avec négligence perceptive.

Il faut insister sur le fait que la négligence unilatérale est rarement un déficit isolé. Elle s’intègre
très fréquemment dans un ensemble de troubles cognitifs associant troubles attentionnels non
latéralisés (attention soutenue, alerte, mémoire de travail visuospatiale) et surtout
anosognosie. Bien qu’il existe des dissociations possibles entre négligence unilatérale et ano-
sognosie, les deux troubles sont fortement associés. Les lésions causales sont d’ailleurs en
partie superposables [36].

Évaluation clinique
L’évaluation clinique de la négligence unilatérale repose sur des tests papier-crayon, informatisés,
ou écologique. Les tests les plus utilisés sont les suivantes : barrage de cibles mêlées à des
distracteurs, comme dans le test des cloches [37] ; bissection de lignes qu’il faut couper en deux
par le milieu ; dessin de mémoire ou en copie ; épreuves de lecture ou d’écriture ; mesures de
temps de réaction latéralisés. La batterie d’évaluation de la négligence (BEN), seule batterie
papier-crayon validée en langue française, a été normalisée chez des sujets sains et validée chez
des patients dans les suites d’un AVC hémisphérique droit (n = 206) ou gauche (n = 78) [38-41].
Les mesures les plus sensibles étaient le test des cloches (particulièrement la localisation de la
première cloche barrée par le patient), la reproduction d’un dessin comportant plusieurs éléments
et le test de lecture. Mais les évaluations cliniques de bureau manquent parfois de sensibilité et
plusieurs travaux ont montré l’intérêt de mesures plus écologiques, permettant de détecter des
biais d’orientation chez des patients qui arrivent à compenser la négligence dans des épreuves
papier-crayon. La plus utilisée aujourd’hui est l’échelle Catherine Bergego [42-44], qui repose sur
l’observation par un thérapeute (ergothérapeute le plus souvent) de la réalisation d’actes cou-
rants de la vie quotidienne (prise de repas, habillage, toilette, déplacements...) (Figure 4). L’échelle
comprend dix questions, chacune cotée de 0 à 3, un score plus élevé correspondant à une
négligence plus sévère.

Physiopathologie et bases lésionnelles


Une revue détaillée des modèles théoriques de la négligence unilatérale dépasse le cadre de ce
chapitre, mais insistons ici sur les hypothèses attentionnelles qui sont celles qui ont été le plus
étudiées [45]. Plusieurs études chez des patients présentant une négligence unilatérale ont
montré que l’attention volontaire, ou endogène, vers le côté négligé était relativement préservée,
bien que ralentie, alors que l’orientation automatique, ou exogène, était plus sévèrement défi-
citaire, perturbant ainsi la capture automatique de l’attention du côté négligé [46].

De nombreux travaux ont montré que la négligence unilatérale était à la fois plus fréquente et
plus sévère après lésion hémisphérique droite que gauche. Au sein de l’hémisphère droit, ce sont
surtout les lésions des régions corticales postérieures, du carrefour temporo-pariéto-occipital, et
en particulier du lobule pariétal inférieur, qui sont à l’origine de la négligence, surtout si ces
lésions sont étendues [45]. Mais d’autres sites lésionnels peuvent être en cause (frontal, sous-
cortical). Des travaux récents ont montré le rôle déterminant des lésions des faisceaux de

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Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale

substance blanche antéro-postérieur intrahémisphérique (fibres d’association intrahémisphéri-


ques pariéto-frontale ou occipito-frontale) relançant les hypothèses dysconnexionnistes de la
négligence [45].

FIGURE 4 L’échelle Catherine Bergego.


ÉCHELLE C. BERGEGO
Héminégligence gauche
Évaluation fonctionnelle réalisée par le thérapeute

Date :
Patient :
Examinateur :

1. Omission du côté gauche lors de la toilette (lavage, rasage, coiffure, maquillage).


0 1 2 3 NV
2. Mauvais ajustement des vêtements du côté gauche du corps.
0 1 2 3 NV
3. Difficultés à trouver les aliments du côté gauche de l’assiette, du plateau, de la table.
0 1 2 3 NV
4. Oubli d’essuyer le côté gauche de la bouche après le repas.
0 1 2 3 NV
5. Exploration et déviation forcée de la tête et des yeux vers la droite.
0 1 2 3 NV
6. « Oubli » de l’hémicorps gauche (par exemple : bras ballant hors du fauteuil, patient assis
ou couché sur son côté paralysé, pied gauche non posé sur la palette du fauteuil roulant, sous-utilisation des
possibilités motrices).
0 1 2 3 NV
7. Ignorance ou indifférence aux personnes ou aux bruits venant de l’hémiespace gauche.
0 1 2 3 NV
8. Déviation dans les déplacements (marche ou fauteuil roulant) amenant le patient à longer
les murs du côté droit ou à heurter les murs, les portes ou les meubles sur sa gauche.
0 1 2 3 NV
9. Difficulté à retrouver des trajets ou lieux familiers lorsque le patient doit se diriger vers la gauche.
0 1 2 3 NV
10. Difficultés à retrouver des objets usuels lorsqu’ils sont situés à gauche.
0 1 2 3 NV
TOTAL (score total / nombre d’items valides) × 10 = /30

Notation de l’intensité du trouble :


0 : aucune négligence unilatérale 2 : négligence unilatérale modérée
1 : négligence unilatérale discrète 3 : négligence unilatérale sévère
NV : non valide

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Partie 5 – Après l’AVC

Évolution naturelle de la négligence et impact


sur la récupération fonctionnelle
Si dans la majorité des cas, la négligence a une tendance spontanée à la régression, certains
patients gardent un déficit persistant. La récupération est surtout rapide dans les dix premiers
jours, et semble atteindre un plateau à 3 mois. Quand la négligence est encore présente au-delà
du deuxième ou troisième mois, les chances de récupération sont plus faibles. Appelros et al.
[47] ont suivi un groupe de patients négligents pendant un an après un AVC. Une amélioration
était constatée, mais seuls 13 % des patients ont récupéré complètement de la négligence dans
l’espace extrapersonnel proche. Dans une autre étude [39], 85 % des patients atteints d’un AVC
hémisphérique droit avaient des signes de négligence unilatérale après un délai moyen de
11 semaines ; ces signes étaient cliniquement significatifs (avec un retentissement dans la vie
quotidienne) dans 36 % des cas [39].

Plusieurs études ont montré que la négligence unilatérale a une valeur pronostique péjorative
sur le devenir des hémiplégies vasculaires, en particulier sur l’indépendance dans les actes de la
vie quotidienne, sur la durée d’hospitalisation en soins aigus et en rééducation, sur la rapidité
de la récupération fonctionnelle, sur la réponse à la rééducation, sur le risque de détérioration
secondaire après la sortie du centre de rééducation, sur le fardeau familial, et sur le risque
d’institutionnalisation [48].

Principales stratégies de rééducation


de la négligence unilatérale
Les premiers travaux consacrés à la rééducation de la négligence unilatérale, dans les années
1970, utilisaient des approches fondées sur la prise de conscience du déficit et sur différents
modes de stimulation active visant à encourager le patient à explorer l’hémiespace négligé
(approches « top-down »). Du fait des résultats parfois mitigés de ces premières études, d’autres
types d’approches ont été proposées [49].

Méthodes descendantes ou top-down [50]


Les premiers travaux utilisaient des techniques empiriques de stimulation de l’orientation du
regard vers la gauche. Elles reposaient sur un effort volontaire du patient, sous la stimulation
du thérapeute. La prise de conscience du trouble était un préalable important pour que le patient
s’engage activement dans la rééducation. Cette prise de conscience était obtenue en confrontant
le patient à ses performances, éventuellement en ayant recours à l’utilisation de la vidéo. Le
traitement reposait beaucoup sur l’utilisation d’indices sur la gauche (technique encore largement
utilisée dans les services de rééducation). La plupart des programmes s’échelonnent sur
4 semaines avec 1 heure de rééducation par jour, 5 jours par semaine soit au total environ 20 h
de rééducation. Certains auteurs ont particulièrement insisté sur l’importance de réaliser un
entraînement sur des tâches fonctionnelles telles que la lecture, l’écriture, la toilette ou la
conduite du fauteuil roulant. Une étude randomisée [51] a montré qu’une thérapie de la poursuite
oculaire de cibles en mouvement vers la gauche était significativement plus efficace que l’entraî-
nement de l’exploration visuelle traditionnel, sur des cibles statiques.

Parmi les autres méthodes top-down, citons l’entraînement à l’imagerie mentale, inspiré de la
théorie représentationnelle de l’héminégligence. Mais cette technique a été rarement utilisée
dans des essais thérapeutiques, et les résultats sont contrastés [52].

590 /
Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale

Les limites de ces méthodes top-down ont été soulignées par de nombreux auteurs, en particulier
concernant la généralisation des effets thérapeutiques [49] : en effet, si, le plus souvent, les
patients progressent dans les exercices proches de ceux utilisés en rééducation, les bénéfices sur
des tâches différentes, et en particulier dans les situations de la vie quotidienne, restent plus
limités. Cette insuffisance serait liée au fait que ce traitement repose sur la stimulation de
l’orientation volontaire de l’attention alors que le déficit concernerait principalement l’orienta-
tion attentionnelle automatique, exogène.

Méthodes ascendantes ou bottom-up


Il s’agit notamment de la manipulation de l’environnement sensoriel du patient. L’idée de base est
que la négligence unilatérale modifie l’équilibre entre les représentations de la partie droite et de
la partie gauche de l’espace au sein d’un référentiel centré sur le corps. L’objectif est donc ici de
moduler le cadre de référence spatial en agissant sur les différentes afférences sensorielles. Plusieurs
méthodes de stimulation sensorielle ont été proposées : stimulations vestibulaires caloriques ou
galvaniques, stimulations optocinétiques, stimulations électriques des muscles du cou [53]. Cepen-
dant, si les effets de ces stimulations sont souvent spectaculaires, leur efficacité est de courte
durée. Certains travaux ont toutefois suggéré que la répétition de ces stimulations pourrait per-
mettre d’améliorer le comportement de négligence dans la vie quotidienne [54].

Des travaux expérimentaux ont montré que l’utilisation d’un miroir vertical en position sagittale
sur la droite permet à certains patients héminégligents de mieux prendre en compte des stimuli
visuels provenant de la partie gauche de l’espace [35].

Une autre approche repose sur l’utilisation de caches oculaires opaques sur l’œil droit ou surtout
en hémichamp visuel droit. Le principe est de diminuer l’activation du colliculus contralésionnel
pour diminuer la tendance à effectuer des mouvements oculaires vers la droite et donc stimuler
l’orientation du regard sur la gauche. Cela n’est possible qu’en l’absence d’hémianopsie latérale
homonyme gauche associée. Certaines études ont rapporté des résultats favorables, mais les
données de la littérature sont contradictoires [56].

L’adaptation prismatique est une technique originale reposant sur la manipulation artificielle des
correspondances sensorimotrices [57]. L’adaptation à des prismes déviant l’environnement vers
la droite a pour effet de décaler les mouvements de pointages vers la gauche après le retrait
des prismes (post-effet), ce qui permet de contrebalancer l’effet de la négligence. La procédure
d’adaptation prismatique comporte 3 étapes (Figure 5) : i) prétests de pointages sans lunette ;
ii) 50 à 60 mouvements de pointage en direction de cibles visuelles avec des prismes déviant
l’environnement de 10o vers la droite (exposition prismatique) : initialement les mouvements
sont décalés vers la droite puis le sujet corrige progressivement ses erreurs ; iii) pointages en
direction de cibles visuelles sans les prismes pour mesurer les effets consécutifs (post-effet) :
l’adaptation se traduit alors par un décalage vers la gauche des mouvements de pointage, dans
la direction opposée à celle des prismes. Plusieurs essais cliniques utilisant l’adaptation prisma-
tique ont été publiés, dont certains de bonne qualité méthodologique (essais randomisés
contrôlés), mais avec des résultats variables d’une étude à l’autre, ne permettant pas de conclure
formellement à l’efficacité thérapeutique de cette technique, au-delà des effets immédiats [58,
59]. La répétition des séances d’adaptation prismatique semble renforcer le bénéfice fonctionnel
et le caractère durable des effets (par exemple, programme associant 2 séances d’adaptation
prismatique par jour pendant 2 semaines) [60, 61].

/ 591
Partie 5 – Après l’AVC

FIGURE 5

Les stimulations cérébrales non invasives


L’utilisation de ces techniques (stimulation magnétique transcrânienne répétée – rTMS – ou sti-
mulation transcrânienne par courant continu – tDCS) repose sur le modèle de double inhibition
réciproque interhémisphérique. Selon ce modèle, la négligence résulterait d’une exagération de
l’inhibition de l’hémisphère droit lésé par l’hémisphère gauche sain désinhibé. Le principe serait
donc d’inhiber l’hémisphère sain hyperactif pour rétablir la balance interhémisphérique. Des
premiers travaux expérimentaux ont rapporté des effets positifs. Quelques études randomisées
contrôlées ont montré des effets bénéfiques en rééducation, y compris pour l’une d’entre elles
sur l’échelle Catherine Bergego [62, 63].

Stimulation attentionnelle globale


Quelques études ont cherché à améliorer la négligence en proposant une rééducation ciblant les
processus attentionnels non latéralisés (vigilance, attention soutenue), fréquemment altérés chez
ces patients. Les résultats étaient encourageants [64] mais demandent à être reproduits.

Activation motrice du membre supérieur gauche


Cette approche repose sur des données expérimentales ayant montré que des mouvements actifs
du membre supérieur gauche dans l’hémiespace gauche pouvaient réduire la négligence de façon
significativement plus importante que des mouvements réalisés avec le bras droit ou que des
mouvements réalisés avec le bras gauche dans l’hémiespace droit [65]. Cet effet reposerait sur
un principe d’indiçage visuomoteur permettant d’activer le réseau neuronal associé à la repré-
sentation de l’espace, qui serait en partie commun avec celui de la représentation du corps. Ces

592 /
Rééducation du langage et de l’héminégligence spatiale

données expérimentales ont conduit au développement de programmes de rééducation reposant


sur la réalisation de mouvements actifs ou passifs du membre supérieur gauche dans la partie
gauche de l’espace. Des résultats encourageants ont été rapportés dans quelques études [66].

Apport de la réalité virtuelle


Quelques études récentes ont utilisé différents systèmes de réalité virtuelle (par exemple sys-
tème de réalité virtuelle de traversée de rue) [67] ou des jeux vidéo interactifs avec des résultats
encourageants mais sur des petites séries. Une revue récente [68] concluait, à partir de 13 publi-
cations depuis 2013, que les résultats étaient encourageants.

Conclusion et perspectives
Les travaux mentionnés ci-dessus montrent donc que de nombreuses techniques ont été pro-
posées pour réduire le comportement de négligence. Malheureusement, bien que plusieurs de
ces techniques aient montré des résultats encourageants, le niveau de preuve de leur efficacité
reste encore faible, du fait de nombreux problèmes méthodologiques [69]. Parmi les limites
méthodologiques fréquentes, citons le faible nombre de patients, l’absence d’évaluation en
aveugle, l’absence de mesure des effets dans la vie quotidienne.

Dans une revue qualitative de 54 études de rééducation de la négligence [70], les auteurs
concluaient que 6 techniques avaient un effet clinique bénéfique à moyen terme, avec toutefois
des résultats controversés :
■ l’entraînement de l’exploration visuelle ;
■ l’indiçage spatiomoteur associé aux techniques de rotation du tronc ;
■ l’indiçage spatiomoteur associé aux stimulations vibratoires ;
■ les techniques d’imagerie mentale ;
■ le video feedback training ;
■ l’adaptation prismatique.

Dans une méta-analyse [69] portant sur 23 études et 628 patients, les auteurs concluaient qu’« il
n’existe pas de preuve de l’efficacité de la rééducation cognitive pour diminuer le handicap lié
à la négligence spatiale ou améliorer l’indépendance fonctionnelle. Il existe cependant quelques
arguments limités en faveur d’une efficacité immédiate sur les tests de négligence, ce qui justifie
la réalisation de nouveaux essais thérapeutiques ».

Une difficulté posée par l’ensemble de ces études est celle de l’évaluation de l’effet du traitement,
en l’absence de gold standard reconnu. L’idéal serait une combinaison de mesures de laboratoires
(tests papier-crayon ou informatisés) et d’une mesure écologique sensible au changement. Il
reste donc encore beaucoup d’inconnues tant sur l’efficacité de la rééducation que sur les moda-
lités de celle-ci (durée, intensité, combinaison de traitements). La vraie question pour l’avenir
sera de déterminer la meilleure combinaison de traitements pour un patient donné [71, 72]. Une
meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques à l’origine des syndromes d’hémi-
négligence, les possibilités de modulation de la plasticité cérébrale tout comme les progrès dans
le domaine des biotechnologies pourraient permettre des progrès thérapeutiques futurs. Les
études randomisées contrôlées sur des grands effectifs demeurent le gold standard de la méde-
cine factuelle mais les études de cas bien documentées avec une méthodologie adaptée sont un
préalable indispensable dans ce contexte particulier de la rééducation neurologique.

/ 593
Partie 5 – Après l’AVC

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596 /
40

Les troubles cognitifs et dépressifs post-accident vasculaire cérébral (AVC) sont fréquents, sou-
vent méconnus et imposent des procédures diagnostiques et de prises en charge spécifiques. Les
conséquences majeures des troubles cognitifs soulignent l’importance de leur diagnostic. En effet,
leur présence est associée à un pronostic plus défavorable sur le plan vital [1], fonctionnel avec
surrisque d’incapacité et d’institutionnalisation [2-4], et enfin sur le plan vasculaire, avec un
surrisque d’événements vasculaires récurrents [5, 6]. Ce chapitre sera centré sur la prise en charge
après la phase aiguë de l’AVC, mais celle-ci débute dès l’admission en unité neurovasculaire
(UNV) [7].

Troubles cognitifs post-AVC


La prévalence des troubles cognitifs post-AVC a surtout été étudiée pour les troubles majeurs
(ou démence) alors que les troubles légers, pourtant plus fréquents et accessibles au traitement,
sont moins connus. Une méta-analyse récente montre que parmi les patients évalués par batterie
neuropsychologique après la phase aiguë d’un AVC, la moitié souffre de troubles cognitifs, qui
correspondent pour deux tiers environ à des troubles cognitifs légers et à un tiers, à des troubles
majeurs [8]. Ainsi, au moins un survivant sur deux présente des troubles cognitifs, légers dans 2
cas sur 3. Les facteurs de risque de troubles cognitifs post-AVC restent partiellement connus et
ont été essentiellement explorés pour les troubles majeurs. Les facteurs identifiés sont :
■ des troubles cognitifs pré-AVC, observés chez environ 17 % des patients atteints
d’infarctus ou d’hémorragie cérébrale [9, 10] ;

/ 597
Partie 5 – Après l’AVC

■ un âge élevé, sans seuil précisément défini encore que l’âge de 70 ans ait été proposé [8] ;
■ le sexe féminin ;
■ un faible niveau d’éducation ;
■ des facteurs de risque vasculaire à type de diabète ou de fibrillation atriale ;
■ un AVC de l’hémisphère gauche ou associé à une aphasie ;
■ un antécédent d’AVC ou AVC récidivants ou AVC multiples ;
■ des complications à la phase aiguë de l’AVC (troubles mictionnels, épisode de bas débit,
hypoxie, syndrome confusionnel, crise épileptique clinique ou électrique) ;
■ des anomalies extensives de substance blanche, atrophie cérébrale ou hippocampique,
microhémorragies multiples ou hémosidérose à l’imagerie cérébrale [8, 11] (Tableau I).

TABLEAU I ▼ Principaux facteurs de risque de troubles cognitifs post-AVC.


Facteurs de risque

Troubles cognitifs pré-AVC


Âge élevé (> 70 ans ?)
Terrain
Sexe féminin
Faible niveau d’éducation

Diabète
Facteurs de risque vasculaire
Fibrillation atriale

Lésion de l’hémisphère gauche ou aphasie


Antécédent d’AVC ou AVC récurrents ou AVC multiples
Caractéristiques de l’AVC
Complications à la phase aiguë : troubles mictionnels, épisode de bas débit,
hypoxie, syndrome confusionnel, crise épileptique clinique ou électrique

Lésions vasculaires anciennes ou AVC multiples


Anomalies extensives de substance blanche
Imagerie
Atrophie cérébrale ou hippocampique
Microhémorragies multiples ou hémosidérose

Absence de reprise exhaustive des activités antérieures non expliquée


Devenir
par déficit sensori-moteur

Il semble que les troubles cognitifs soient plus fréquents en cas d’hémorragie cérébrale [12-14].
En revanche, leur fréquence est moindre en cas de rupture anévrismale [13] et de thrombose
veineuse cérébrale [15], ce qui est principalement lié à la moindre fréquence des lésions céré-
brales à distance dans ces types d’AVC.

Les troubles cognitifs post-AVC sont liés à des mécanismes multiples. La présence de facteurs
de risque vasculaire en milieu de vie est associée à un surrisque de troubles cognitifs ulté-
rieurs [16] du fait d’une accélération de l’atrophie cérébrale et de l’extension des anomalies de
substance blanche [17], ainsi que de la promotion des dépôts de peptides amyloïdes [18]. Une
proportion significative (souvent estimée aux alentours de 20-25 %) de patients admis pour un
premier AVC aigu a déjà des lésions vasculaires découvertes sur l’imagerie d’urgence. Ces lésions
vasculaires sont souvent appelées « AVC silencieux » car elles n’ont pas engendré d’épisode aigu
évocateur d’AVC, mais ce terme est impropre car elles contribuent significativement aux troubles
cognitifs [19]. Les lésions vasculaires liées à l’AVC index ont un rôle majeur dans l’émergence
des troubles cognitifs. Ainsi les études des démences post-AVC ont conclu qu’elles sont liées
aux seules lésions vasculaires dans la moitié des cas [20]. Des lésions associées non vasculaires
jouent aussi un rôle. Ainsi, les démences post-AVC sont attribuées à une maladie d’Alzheimer
associée dans un tiers des cas sur des critères cliniques [20]. Les études en cours utilisant la
tomographie d’émission de positons montrent des dépôts amyloïdes dans 20 % des cas voire
moins [21] suggérant que moins de 20 % des troubles cognitifs après infarctus cérébral sont liés
à une maladie d’Alzheimer. Cette fréquence est supérieure mais encore incertaine en cas d’hémor-
ragie lobaire du fait de la relation de la maladie d’Alzheimer avec l’angiopathie amyloïde. Enfin

598 /
Troubles cognitifs et dépressifs

20 % environ des démences post-AVC sont liées à d’autres pathologies associées, parmi les-
quelles l’encéphalopathie alcoolique constitue une cause méconnue [22] qui doit être évoquée
systématiquement en cas de polyneuropathie sensitive, troubles de la statique non expliqués
par l’AVC et hépatopathie.

Dépression
La dépression non traitée constitue une condition chronique récurrente débutant le plus souvent
dans la deuxième ou la troisième décennie. Elle est associée à surrisque de mortalité et de
morbidité incluant les événements vasculaires majeurs, notamment l’AVC. Une dépression est
observée chez environ 33 % des survivants à un AVC dans les deux premières années, prévalence
diminuant à 20 % si l’on se restreint à la dépression majeure [23]. Le profil des troubles serait
identique à celui de la dépression sans AVC. La dépression est associée à un pronostic plus
défavorable sur le plan vital [24] et fonctionnel avec surrisque d’incapacité et d’institutionnali-
sation [25], et enfin à des facteurs sociaux comme l’isolement social, la nécessité d’aide à domi-
cile ou une institutionnalisation [25].

Compte tenu de la fréquence et des conséquences de ces troubles, leur repérage systématique
après un AVC fait partie du programme d’amélioration des pratiques de la Haute Autorité de
santé.

Repérage des troubles cognitifs


Chez les patients sans trouble patent, un test de repérage devrait donc être proposé systéma-
tiquement (Tableau II). Sur le plan cognitif, le Mini Mental Status Examination (MMSE) et le
Montréal Cognitive Assessment (MoCA) sont les plus utilisés sans que l’un n’ait montré de supé-
riorité par rapport à l’autre [26, 27]. Leur interprétation nécessite d’utiliser des normes ajustées
pour le niveau d’éducation (MMSE et MoCA) et l’âge (MoCA) récemment révisées en langue
française [28]. Le point le plus important est que la sensibilité de ces tests (entre 70 et 80 %)
n’est pas très bonne [26, 27]. Cela expose à des faux négatifs par comparaison au bilan neurop-
sychologique qui reste la méthode diagnostique de référence. Des faux-positifs (i.e. score au test
de repérage inférieur à la norme sans déficit objectivé à la batterie neuropsychologique) peuvent
être aussi observés bien que plus rarement ; nous n’avons pas rencontré de faux-positifs pour
des scores au MMSE < 18 (et pour le MOCA, < 14). La sensibilité modérée de ces tests de repérage
implique que les indications du bilan neuropsychologique doivent être larges. Ainsi un bilan
neuropsychologique avec évaluation de la dépression apparait actuellement nécessaire chez les
patients à risque de troubles cognitifs ou ne récupérant pas l’intégralité de leurs activités pré-AVC
sans explication évidente et si le score au MMSE est 6 18 (ou pour MOCA, 6 14), a fortiori si
le test de repérage est normal. En pratique cela impose de disposer d’une évaluation précise de
la réduction d’activité post-AVC. La gradation du score de Rankin à l’aide d’un questionnaire
systématique a montré qu’il augmentait la sensibilité et la reproductibilité (y compris pas télé-
phone) du repérage des symptômes et réduction d’activité sociales et instrumentales (i.e. les
plus complexes) [29].

/ 599
Partie 5 – Après l’AVC

TABLEAU II ▼ Principales étapes diagnostiques.


Étapes Procédure

Repérage

Troubles cognitifs ou dépressifs patents


Apathie
Clinique Fatigue
Rire et pleurer spasmodiques
Rankin (entretien structuré) 6 1
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
MMSE ou MoCA : systématiques pour troubles cognitifs interprétés avec normes
Troubles cognitifs
ajustées
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Dépression CES-DS ou HDRS ou 9-PHQ

Évaluation

Tout patient à risque de troubles cognitifs ou dépressifs


Tests cognitifs si MMSE 6 18 (ou MOCA 6 14)
Bilan cognitif standardisé évaluant :
• fonctions exécutives (incluant apathie)
• rapidité de l’action
• langage
• aptitudes visuoconstructives
• mémoire
• symptômes dépressifs

Critères diagnostiques

2 modules :
Démonstration du déclin cognitif :
• préoccupation (patient, proche ou soignant)
• et objectivation d’un déficit 6 1 domaine cognitif
• selon autonomie : trouble neurocognitif léger vs majeur
Troubles cognitifs Démonstration de l’origine vasculaire :
• installation concomitante à l’AVC
• et persiste après 3 mois
• documenté cliniquement et radiologiquement avec :
- 6 1 infarctus territorial ou hémorragie cérébrale
- ou infarctus lacunaire en dehors du tronc cérébral
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Dépression DSM5
MMSE : Mini Mental State Examination ; MoCA : Montreal Cognitive Assessment ; CES-DS : Center for Epidemologic studies-
depression scale ; HDRS : Hamilton Depression Rating Scale ; 9-PHQ : 9-item Patient Health Questionnaire.

Repérage de la dépression
L’utilisation d’un questionnaire validé est nécessaire pour la quantification des symptômes
dépressifs. La Hamilton Depression Rating Scale et la Montgomery-Åsberg Depression Rating Scale
sont les plus utilisées en recherche et les questionnaires Beck Depression Inventory et 9-item
Patient Health Questionnaire sont fréquemment utilisés en clinique [31]. La batterie d’harmoni-
sation des standards (cf. infra) a sélectionné la Center for Epidemologic studies-depression
scale [30]. En termes de repérage, trois échelles (Center for Epidemologic studies-depression
scale, Hamilton Depression Rating Scale, 9-item Patient Health Questionnaire) ont une sensibilité
élevée [32].

600 /
Troubles cognitifs et dépressifs

Diagnostic des troubles cognitifs


Le bilan neuropsychologique de première ligne est maintenant standardisé [30] et évalue les
fonctions exécutives (en incluant les perturbations cognitives et comportementales), la rapidité
de l’action, le langage, les aptitudes visuospatiales et la mémoire. L’adaptation francophone de
la batterie d’harmonisation des standards est disponible en langue française avec des normes [28].
L’interprétation et la sensibilité de cette batterie sont améliorées par l’utilisation de scores
globaux calculés automatiquement par le logiciel AmiensCog® dont la diffusion est prévue
prochainement.

Les critères diagnostiques Vascog [33] ont été récemment proposés pour le diagnostic des trou-
bles cognitifs légers et majeurs d’origine vasculaire. Brièvement, ils sont composés de 2 modules :
la démonstration du déclin cognitif et la démonstration de son origine vasculaire. La démons-
tration du déclin cognitif repose sur la conjonction d’une préoccupation (du patient, d’un proche
ou d’un soignant) concernant les aptitudes cognitives (ou une modification comportementale)
et l’objectivation d’un déficit dans au moins un domaine cognitif. La distinction entre trouble
léger et majeur repose principalement sur la perte d’autonomie dont la présence indique un
trouble majeur. Rappelons que la perte d’autonomie doit être spécifiquement engendrée par le
trouble cognitif et non pas par les déficits physiques de l’AVC. La démonstration de l’origine
vasculaire du déclin sépare les cas sans et avec AVC clinique, cette dernière seule concernant ce
chapitre. Il est nécessaire que le déclin cognitif s’installe de façon concomitante à l’AVC et qu’il
persiste après 3 mois ; l’AVC doit être documenté cliniquement et radiologiquement
avec 6 1 lésion vasculaire (infarctus territorial, hémorragie) et en cas d’infarctus lacunaire,
celui-ci doit siéger en dehors du tronc cérébral [33].

Diagnostic de la dépression
Les critères diagnostiques de la dépression sont ceux du DSM5. Le diagnostic de dépression dans
le contexte d’un AVC expose à des difficultés spécifiques comme méconnaitre les symptômes
dépressifs du fait d’une aphasie, attribuer certains symptômes à l’AVC (ex. : fatigue) ou à une
réaction normale (ex. : impression d’être une charge pour autrui, ce qui traduit en fait une
autodévalorisation ou une culpabilité). Chez les patients aphasiques le diagnostic est particuliè-
rement difficile. Différentes échelles ont été proposées : elles reposent sur des échelles visuelles
analogiques ou l’évaluation du comportement (retrait des activités, pleurs, modification du
comportement alimentaire, déambulation...) selon l’informant et les soignants. Leur reproducti-
bilité mériterait toutefois des études complémentaires chez les patients avec troubles francs de
la communication [31, 32].

Il est nécessaire de distinguer la dépression d’un pleurer spasmodique (qui ne s’associe pas à
une modification de l’humeur et de la tonalité émotionnelle) et surtout d’une apathie. En effet,
l’apathie (définie par une perte de motivation, émoussement émotionnel avec réduction des
activités, désintérêt, retrait des interactions avec autrui) est observée après un AVC avec une
fréquence estimée à 34,6 % dans une méta-analyse récente [34]. Une analyse complémentaire
de cette étude a examiné les associations entre dépression et apathie avec schématiquement
les chiffres suivants : dépression avec apathie : 14 % ; dépression sans apathie : 15 % ; apathie
sans dépression : 21 % (pas de dépression ni apathie : 50 %) [34]. La dépression doit être éga-
lement être distinguée de la fatigue qui est observée avec une fréquence variable après un AVC,
estimée à environ 50 % [35].

/ 601
Partie 5 – Après l’AVC

La prise en charge des troubles cognitifs post-AVC repose globalement sur l’optimisation de la
prévention secondaire, la rééducation quand elle est indiquée et, en cas de démence, sur les
mesures générales usuelles avec, en cas de maladie d’Alzheimer associée, un traitement choli-
nergique ou antagoniste-NMDA. Ces aspects thérapeutiques en pleine évolution sont détaillés
dans ce paragraphe (Tableau III).

TABLEAU III ▼ Principaux traitements et prises en charge des troubles cognitifs.


Niveau Traitements et prises en charge : bénéfice cognitif

Hypertension artérielle : bénéfice cognitif controversé (effet de la classe


thérapeutique ?)
Hypercholestérolémie : bénéfice cognitif non démontré
Diabète et contrôle glycémique strict : bénéfice cognitif non démontré
Facteurs de risque vasculaire Style de vie (alimentation équilibrée dont réduction d’une éventuelle
consommation excessive d’alcool, lutte contre le surpoids, activité physique
et stimulation cognitive) : bénéfice cognitif non démontré
Réduction d’une hyperhomocystéinémie par supplémentation vitaminique :
bénéfice cognitif non démontré

Thrombectomie : bénéfice sur l’aphasie et rapidité de l’action


Endartériectomie et angioplastie-stenting : pas de bénéfice cognitif
Interventions
démontré
carotidiennes
Pontage extraintracrânien dans occlusion carotidienne : pas de bénéfice
et intracrâniennes
cognitif
Angioplastie des sténoses intracrâniennes : pas de bénéfice cognitif

Anévrismes Coils endovasculaires : moins de troubles cognitifs que clip neurochirurgical

Excision chirurgicale vs traitement médical : bénéfice cognitif


Cavernomes
non documenté

Malformations artérioveineuses Intervention chirurgicale vs traitement médical : bénéfice cognitif


non rompues non documenté

Troubles cognitifs

Dans tous les cas avec indication


Réhabilitation En association avec stimulation galvanique ou pharmacologique : bénéfice
à documenter avec 1ers résultats prometteurs

Ergothérapie Patients institutionnalisés : bénéfice non démontré

Traitement cholinergiques Pas de bénéfice ni indication dans troubles cognitifs vasculaires et CADASIL
et anti-NMDA Démence post-AVC liée à une maladie d’Alzheimer : à discuter

En cas de démence : aides à domicile, adaptation et sécurisation du lieu


Mesures générales de vie, dispensation du traitement, personne de confiance, soutien à l’aidant
d’accompagnement principal
Prévention de la confusion et traitement de sa cause

Facteurs de risque vasculaire


La prévention des troubles cognitifs se confond avec celle de l’AVC avec toutefois des différences
selon que l’on examine le bénéfice de la prévention sur la récidive d’un événement vasculaire
majeur ou la survenue de troubles cognitifs. Par ailleurs la majorité des données provient d’études
incluant des participants avec facteurs de risque vasculaire (dont certains avaient présenté un

602 /
Troubles cognitifs et dépressifs

AVC) et peu d’études ont concerné spécifiquement le devenir post-AVC. Ces données sont suf-
fisamment importantes pour être présentées mais leur application à la situation post-AVC doit
être prudente.

L’hypertension artérielle constitue le facteur de risque principal d’AVC et un facteur majeur de


risque cognitif, qu’il s’agisse de troubles cognitifs vasculaires ou liés à une maladie d’Alz-
heimer [16]. Si l’efficacité du traitement antihypertenseur sur le risque d’AVC ou de récidive d’AVC
est parfaitement démontrée, de façon surprenante, le bénéfice du traitement antihypertenseur sur
le devenir cognitif reste encore non prouvé. En prévention primaire, le bénéfice de l’étude Syst-Eur
[36] n’a pas été répliqué par la majorité des études [37, 38]. Ces discordances ont conduit à
évoquer un bénéfice différent selon la classe du traitement antihypertenseur avec un possible
bénéfice des traitements stimulant le système rénine-angiotensine [39], interprétation encore non
démontrée [40]. En prévention secondaire post-AVC, la réduction tensionnelle obtenue dans le
protocole PROGRESS a montré un bénéfice sur le risque de développer des troubles cognitifs en
association avec une récidive d’AVC [41], bénéfice non répliqué par d’autres études [42, 43].

Le bénéfice du traitement de l’hypercholestérolémie et d’une réduction lipidique est démontré


sur le risque d’événement vasculaire majeur, mais pas sur le plan cognitif [44, 45].

Ces discordances justifient de nouvelles études avec des cibles de réduction tensionnelle et
lipidique plus importantes [40, 46] ce d’autant que la réduction tensionnelle n’a pas montré
d’effet délétère sur le plan cognitif [43, 47].

Le diabète constitue un facteur de risque indépendant de développer des troubles cognitifs [48]
et le contrôle strict de la glycémie n’a pas montré de bénéfice sur le devenir cognitif [49]. Cela
pourrait s’expliquer par une relation réciproque entre hypoglycémie et troubles cognitifs : le
risque de développer des troubles cognitifs ultérieurs est plus fréquent en cas d’hypoglycémie
et réciproquement la présence de troubles cognitifs augmente le risque de présenter des hypo-
glycémies [50].

L’adoption d’un style de vie avec alimentation équilibrée (dont réduction d’une éventuelle
consommation excessive d’alcool, lutte contre le surpoids) et activité physique est recommandée
après un AVC mais son effet sur la cognition reste à démontrer. Deux études ont examiné l’effet
d’interventions multi-domaines associant contrôle strict des facteurs de risque vasculaire, activité
physique régulière et vigoureuse, modification diététique et du mode de vie et stimulation cogni-
tive. L’étude ASPIS concernait des patients inclus après un AVC et n’a pas montré de bénéfice
sur le plan cognitif [51] malgré une amélioration des paramètres lipidiques et pondéraux. Cela
diffère du bénéfice montré dans une large population à risque cognitif [52] où des participants
avec AVC avaient été inclus mais dans une proportion trop faible pour en tirer des conclusions.
Dans le même registre, un essai sur un petit échantillon n’a pas montré de bénéfice cognitif de
l’exercice physique intensif [53]. L’hyperhomocystéinémie est associée aux facteurs de risque
vasculaire et cognitif. Cependant, la supplémentation vitaminique, si elle réduit l’homocystéi-
némie, n’a pas montré de bénéfice sur le devenir vasculaire et cognitif [54].

Interventions carotidiennes
et sur les sténoses intracrâniennes
En phase aiguë, la thrombectomie a montré un bénéfice sur l’aphasie [55] et la rapidité de
l’action [56] qui constitue le trouble cognitif post-AVC le plus fréquent [7]. Le devenir cognitif
après endartériectomie et angioplastie-stenting de la carotide interne a été examiné dans plu-
sieurs études qui montrent des résultats divergents avec amélioration, aggravation et absence
d’évolution cognitive après le geste [57, 58]. La comparaison entre endartériectomie et

/ 603
Partie 5 – Après l’AVC

angioplastie-stenting de la carotide interne n’a pas été montré de différence en termes de devenir
cognitif [57, 58]. Cependant, ces résultats proviennent d’études hétérogènes, et cela ne permet
pas d’évaluer un éventuel effet cognitif de ces gestes tant en prévention primaire que secondaire.
Dans l’occlusion carotidienne il n’a pas été montré de bénéfice du pontage extraintracrânien
[59]. Enfin, l’angioplastie des sténoses intracrâniennes n’a pas de bénéfice cognitif [60].

Anévrismes, cavernomes
et malformations artérioveineuses
En cas de rupture anévrismale, le traitement endovasculaire a montré une supériorité sur le
traitement neurochirurgical avec une fréquence moindre de décès et incapacité : ce bénéfice de
la voie endovasculaire est également lié à une moindre fréquence de troubles cognitifs comme
cela a été montré dans une sous-analyse de l’essai ISAT [61]. Dans les cavernomes cérébraux,
une étude observationnelle suggère que le traitement chirurgical est associé à un pronostic
fonctionnel plus défavorable, mais le statut cognitif n’est pas mentionné [62]. Ce résultat défa-
vorable peut toutefois être lié à de multiples biais justifiant la réalisation d’un essai thérapeu-
tique. Dans les malformations artérioveineuses non rompues, la supériorité du traitement médical
seul par comparaison aux traitements interventionnels n’a pas été accompagnée de la publication
de l’évaluation cognitive [63].

Traitement des troubles cognitifs


La réhabilitation doit être proposée en cas de trouble cognitif accessible à la rééducation, chez
les patients aptes à l’effectuer (donc habituellement sans trouble cognitif majeur sévère). En
association avec la stimulation cognitive classique, des traitements de stimulation galvanique
[64] et pharmacologique notamment noradrénergique [65] et sérotoninergique [66, 67] ont rap-
porté des résultats prometteurs qui restent à confirmer. Chez les patients institutionnalisés,
l’ergothérapie n’a pas montré de bénéfice sur les activités élémentaires de vie quotidienne dans
une large étude [68].

L’intérêt des traitements cholinergiques et anti-NMDA dans les troubles cognitifs post-AVC a
été examiné dans un seul essai évaluant la rivastigmine contre placebo dans 2 groupes de
25 patients : son résultat est négatif avec une tendance à l’amélioration de la rapidité aux tests
dans le groupe actif [69]. Les essais sur ce groupe de médicaments ont surtout concerné les
troubles neurocognitifs majeurs vasculaires (où l’AVC n’est pas le critère d’inclusion). Ces essais
ont globalement montré un bénéfice cognitif (notamment sur la rapidité aux tests) sans transfert
de bénéfice sur les échelles de fonctionnement en vie quotidienne [70], résultat également
observé dans le CADASIL [71]. Ces médicaments n’ont pas d’AMM dans l’indication des troubles
cognitifs vasculaires et post-AVC. En revanche, il existe un consensus professionnel pour proposer
ces traitements en cas de démence post-AVC liée à une maladie d’Alzheimer associée à l’issue
d’un bilan spécifique effectué par un médecin spécialisé.

D’autres molécules ont fait l’objet d’essai thérapeutique. Parmi celles-ci citons le bénéfice pos-
sible de la cérébrolysine [72] et de l’actovégine [73] dans les troubles cognitifs post-AVC qui
reste néanmoins à confirmer.

En cas de troubles neurocognitifs majeurs, quel que soit son mécanisme, il est essentiel de mettre
en place les mesures générales d’accompagnement afin de faciliter le maintien à domicile quand
celui-ci est possible. Cela repose schématiquement sur i) les aides à domicile pour les activités
élémentaires et domestiques ; ii) l’adaptation et sécurisation du lieu de vie ; iii) la préparation,

604 /
Troubles cognitifs et dépressifs

dispensation et suivi du traitement, particulièrement important compte tenu des conséquences


des oublis ou surdosages de thérapeutique dans cette pathologie qui contribuent probablement
au surrisque de récidive d’événements vasculaires ; iv) la désignation de la personne de confiance
avec si nécessaire la mise en place d’une sauvegarde de justice ; et v) le soutien à l’aidant
principal. Par ailleurs, tous les troubles neurocognitifs exposent à un risque de confusion en cas
de complications intercurrentes (infectieuse, métabolique, circulatoire, toxique, iatrogène, psy-
chologique...) ou d’anesthésie générale. La confusion peut être associée à une agitation, cette
dernière étant surtout rapportée en cas d’aphasie et de troubles neurocognitifs majeurs. La prise
en charge de ces épisodes aiguës nécessite donc de rechercher et traiter la cause du syndrome
confusionnel. En pratique, le risque de confusion ne fait pas récuser une anesthésie générale
quand elle est indiquée, mais implique d’adapter le protocole anesthésique et de prévenir la
confusion en personnalisant au maximum l’environnement du patient à partir de son réveil.

Le but est d’aboutir à la rémission durable de la dépression et d’améliorer la qualité de vie. Les
options thérapeutiques incluent la pharmacothérapie, la psychothérapie et dans de très rares
cas, la sismothérapie. La stimulation répétitive transcrânienne fait l’objet d’essais avec des pre-
miers résultats prometteurs. La pharmacothérapie a montré son efficacité pour le traitement de
la dépression majeure post-AVC au prix d’effets secondaires [74]. Ce bénéfice thymique n’est
pas associé à une amélioration des performances cognitives et ne semble pas associé à une
amélioration des activités de vie quotidienne, résultat encore controversé [74]. Il n’a pas de
données suffisantes pour déterminer si une molécule est supérieure à une autre dans ce contexte
d’AVC [74], et les pratiques actuelles favorisent les traitements sérotoninergiques. Soulignons
qu’il est nécessaire de suivre l’efficacité du traitement antidépresseur avec une réévaluation à
6 semaines et le maintien prolongé d’un traitement efficace (avec actuellement une durée de 9
à 12 mois). Si la réévaluation montre l’inefficacité du traitement malgré une compliance satis-
faisante, un changement de traitement antidépresseur et une psychothérapie doivent être envi-
sagés. L’éventuel effet préventif de la pharmacothérapie sur la survenue d’une dépression
post-AVC reste controversé [32, 75].

Certaines études ont montré une efficacité des psychothérapies et interventions psychosociales
dans la prévention ou le traitement d’un épisode dépressif post-AVC [32, 74, 75]. Le bénéfice,
quand il est significatif, reste faible. La sismothérapie n’a fait l’objet que d’études non contrôlées
indiquant que ce traitement est faisable après un AVC [31]. Elle est toutefois réservée à des
indications très restreintes.

Il n’y a pas de traitement dont l’efficacité est démontrée dans l’apathie post-AVC. Il est admis que
le traitement sérotoninergique n’apporte pas de bénéfice, contrairement à la dépression [34]. La
fatigue est fréquente après un AVC. Un essai de phase 2 récent a montré une amélioration de la
fatigue par le modafinil [76]. Le rire et surtout le pleurer spasmodiques constituent des symptômes
particulièrement gênant du syndrome pseudobulbaire. Ils sont habituellement traités par

/ 605
Partie 5 – Après l’AVC

antidépresseur, en particulier sérotoninergique [77]. L’intérêt de l’association dextrométhrophane-


quinidine dans le rire et pleurer spasmodique post-AVC a été documenté par une sous-analyse de
l’étude Prism [78] mais sa commercialisation a été suspendue dans l’Union européenne.

La prise en charge des AVC implique le repérage, le diagnostic et la prise en charge des troubles
cognitifs et dépressifs post-AVC, ce qui est maintenant effectué selon une procédure codifiée
synthétisée dans ce chapitre. Leur application en clinique quotidienne est nécessaire à l’optimi-
sation de la prise en charge des AVC. Les études en cours affinant la connaissance de la physio-
pathologie des troubles cognitifs, les bénéfices cognitifs des différentes options préventives et
thérapeutiques de l’AVC, y compris les traitements de stimulation cognitive et cérébrale, consti-
tuent autant de sources d’améliorations futures du traitement des troubles cognitifs.

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608 /
41

Les lésions vasculaires cérébrales exposent à un risque accru de crise épileptique et d’épilepsie.
On distingue habituellement les crises précoces, survenant dans les 7 jours suivant l’AVC, et les
crises tardives, ces deux types de crises étant vraisemblablement sous-tendus par des méca-
nismes physiopathologiques différents. La survenue de crises épileptiques après un AVC a un
impact péjoratif sur le pronostic et la qualité de vie des patients, le plus souvent déjà handicapés.
Les indications thérapeutiques et les modalités du traitement restent débattues.

Les lésions vasculaires cérébrales sont responsables d’environ 10 % des épilepsies de l’adulte et
de 30 à 50 % des épilepsies après 60 ans [1]. Dans des études de population, le risque de crise
épileptique après un AVC était globalement multiplié par environ 30 et celui d’épilepsie (crises
épileptiques récurrentes) par environ 20, par rapport au risque de la population générale dans
la même tranche d’âge [1].

Le risque de survenue d’une crise épileptique après un AVC varie de 2 à 15 %. Dans une méta-
analyse portant sur 34 cohortes longitudinales rassemblant plus de 100 000 patients [2], l’inci-
dence d’une crise épileptique après un AVC, tous types confondus, était de 7 %.

Crises précoces et crises tardives


La plupart des études différencient les crises précoces et les crises tardives, avec des délais allant
de 24 h, à 2 voire 4 semaines. Les crises précoces sont actuellement définies par un délai de
survenue de 7 jours après l’AVC [3]. Cette distinction qui peut paraître arbitraire est importante
car ces 2 types de crises, précoces et tardives, correspondent vraisemblablement à des méca-
nismes physiopathologiques différents [4, 5].

L’incidence des crises précoces est d’environ 4 % [2]. Elles surviennent généralement (50 à 86 %
des cas) dans les 24 premières heures suivant l’AVC [6]. Les crises tardives sont observées dans
plus de 80 % des cas dans les 2 ans suivant l’AVC, en majorité durant la première année, le

/ 609
Partie 5 – Après l’AVC

risque étant maximal entre le 6e et le 12e mois. Le risque d’une 1re crise tardive après un AVC
varie de 1 à 6 % à un an, 9,5 % à 5 ans, diminuant ensuite à environ 1 % par an, atteignant
11,5 % après 10 ans [7]. L’incidence de l’épilepsie post-AVC (définie par la survenue d’au moins
deux crises non provoquées séparées par un intervalle de temps supérieur à 24 h) est d’environ
5 % [2]. Dans une étude de population anglaise portant sur 3 310 patients, sans antécédent
d’épilepsie, suivi en moyenne 3,8 ans, l’incidence de l’épilepsie post-AVC à 1 an, 3 ans et 10 ans,
était respectivement de 3,5 %, 9 % et 12,4 % [8].

Facteurs de risque des crises épileptiques


et de l’épilepsie post-AVC
Le Tableau I montre les facteurs de risque de crises épileptiques post-AVC identifiés dans une
méta-analyse ayant sélectionné 9 études prospectives portant sur les crises précoces et 19 études
portant sur les crises tardives, 15 prospectives et 4 rétrospectives [6].

Le risque de crises précoces est plus élevé en cas d’hémorragie cérébrale (3 à 19 % selon les
séries), de thrombose veineuse cérébrale (12 à 34 %), d’hémorragie sous-arachnoïdienne (4 à
22 %), que d’infarctus cérébral (2 à 6 %) [4-7]. Il en est de même, dans la plupart des études,
pour les crises tardives et l’épilepsie post-AVC [5]. Le risque d’épilepsie varie de 2 à 4 % après
un infarctus cérébral, de 2,6 à 6 % après une hémorragie cérébrale, de 7 à 9 % après une hémor-
ragie sous-arachnoïdienne et de 5 à 26,6 % après une thrombose veineuse cérébrale [4-7].

Dans la plupart des études [9-11], le siège cortical de l’infarctus est un facteur prédictif indé-
pendant de crise précoce, de crise tardive et d’épilepsie. Les facteurs de risque de crise précoce
après une TVC sont l’existence de déficits focaux, d’une thrombose de veines corticales et de
lésions parenchymateuses à l’imagerie [12]. Le risque de crise épileptique précoce et de crise
tardive est plus élevé en cas d’hémorragie avec atteinte corticale que d’hémorragie profonde
[13, 14]. Dans une étude portant sur plus de 800 patients, le risque de crise tardive était aussi
associé à des marqueurs radiologiques et génétiques d’angiopathie amyloïde : démence préexis-
tante, antécédents d’hémorragies lobaires multiples, microbleeds lobaires, 6 1 copie de l’allèle
APO ε4 (HR 1,9 ; p < 0,02).

TABLEAU I ▼ Facteurs de risque de crises. D’après Zhang et al. [6].


Facteur de risque OR IC95 %

Crises précoces

Hémorragie cérébrale 1,88 1,43-2,47

Infarctus cérébral avec transformation hémorragique 3,28 2,09-5,16

Atteinte corticale 2,59 1,50-4,48

Sévérité de l’AVC (NIHSS) 3,10 2,00-4,81

Alcoolisme 1,70 1,23-2,34

Crises tardives

Atteinte corticale 2,50 1,93-3,23

Sévérité de l’AVC 5,72 4,23-7,22

D’autres facteurs de risque de crise épileptique post-AVC ont été rapportés mais de façon plus
inconstante, en particulier la survenue de crises précoces, ou la taille de l’AVC [4]. La survenue
de crises précoces après thrombolyse intraveineuse, indépendamment d’une transformation

610 /
Crises épileptiques et épilepsie

hémorragique a été rapportée [15], mais cette association n’a pas été confirmée par des études
prospectives récentes [16]. Un risque plus élevé de crises post-AVC a aussi été décrit chez l’adulte
jeune par rapport au sujet âgé dans certaines études [8, 17], mais aucune différence n’a été mise
en évidence dans d’autres [10].

Scores prédictifs
Un score permettant d’évaluer le risque d’épilepsie après une hémorragie cérébrale a été proposé
à partir des données d’une cohorte française [14]. Ce score, le score CAVE, varie de 0 à 4 points
et comprend 4 items, valant chacun 1 point : Cortical involvement (atteinte corticale) ; Age
(âge) < 65 ans ; Volume (volume) > 10 mL ; Early seizures (crises précoces). Le risque de crise
tardive était, respectivement, 0,6 %, 3,6 %, 9,8 %, 34,8 %, et 46,2 % pour des scores de 0 à
4 [14]. Un score prédictif de crise tardive après un infarctus cérébral a aussi été proposé. Ce
score, le score SeLECT, basé sur une cohorte suisse de 1 200 patients, inclut 5 items : Severity of
stroke (sévérité de l’AVC) ; Large-artery atherosclerotic aetiology (cause athéroscléreuse) ; Early
seizures (crises précoces) ; Cortical involvement (atteinte corticale) ; Territory of middle cerebral
artery involvement (atteinte du territoire de l’artère cérébrale moyenne). Le score 0 était associé
à un risque de crise tardive à 1 an de 0,7 %, le score le plus élevé (9 points) à un risque de crise
tardive à 1 an de 63 %. Une validation externe a été réalisée sur 3 cohortes indépendantes,
australienne, allemande et italienne [18].

Tous les types de crises focales peuvent être observés. L’analyse séméiologique précise des crises
est limitée par l’existence de déficits focaux plus ou moins importants, pouvant comporter des
troubles du langage et être associés à des troubles de la vigilance [4, 10, 19]. Les crises peuvent
être secondairement généralisées ou paraître généralisées d’emblée, le début focal pouvant être
méconnu. Les AVC constituent une des causes principales d’états de mal épileptique chez l’adulte,
représentant entre 22 et 32 % des cas [20, 21]. Il s’agit néanmoins d’une complication rare des
AVC : environ 1 % dans 2 séries hospitalières [22, 23]. Les états de mal épileptique sont inau-
guraux dans environ la moitié des cas [22]. Ils sont le plus souvent focaux, plus rarement secon-
dairement généralisés ou apparemment généralisés d’emblée. Les états de mal épileptique non
convulsifs seraient plus fréquents à la phase aiguë d’un AVC qu’à distance [20, 24]. Ils se mani-
festent essentiellement par des troubles de vigilance ; le diagnostic peut donc être méconnu en
l’absence d’EEG [24, 25].

L’EEG est très souvent anormal à la phase aiguë d’un AVC [25], mais les anomalies observées
ne sont pas toujours spécifiques. Il peut s’agir aussi d’ondes lentes rythmiques, d’éléments aigus
et de décharges épileptiformes périodiques latéralisées (PLEDs dans la littérature anglo-saxonne)
[26] ; leur valeur prédictive positive de crises post-AVC reste à préciser [19]. L’EEG est indispen-
sable au diagnostic d’état de mal épileptique non convulsif et doit être réalisé en urgence en
cas de troubles de conscience ou d’état confusionnel inexpliqués [19].

La fréquence des crises épileptiques est probablement sous-estimée à la phase aiguë des AVC. La
réalisation systématique de vidéo-EEG continus ou répétés à la phase aiguë d’un AVC montre une
fréquence des anomalies paroxystiques proche de 20 %, avec un état de mal non convulsif dans
2,6 % des cas [25, 27]. Toutefois, hormis les crises électriques et les états de mal non convulsifs,
l’existence d’anomalies paroxystiques isolées à l’EEG n’est pas le plus souvent pas considérée comme
un argument suffisant pour proposer un traitement antiépileptique préventif [19].

/ 611
Partie 5 – Après l’AVC

Un certain nombre d’hypothèses physiopathologiques ont été proposées, différenciant les crises
précoces, conséquences de phénomènes aigus et transitoires, et les crises tardives, liées à des phé-
nomènes de gliose cicatricielle avec création de réseaux neuronaux épileptogènes [4, 5, 7].

Crises précoces
À la phase aiguë de l’infarctus, l’hypoxie tissulaire, la libération d’acides aminés excitotoxiques
tels que le glutamate et l’accumulation intracellulaire de calcium et de sodium entraînant une
dépolarisation neuronale seraient à l’origine des crises [4]. Des décharges neuronales répétées
pourraient survenir au sein de réseaux de neurones survivants exposés au glutamate. Une
diminution de l’efficacité de l’inhibition gabaergique ayant pour conséquence une hyper-
excitabilité corticale par le biais des récepteurs NMDA est aussi évoquée. Des travaux expé-
rimentaux ont montré une corrélation entre le volume de l’infarctus, l’importance et la durée
de la dépolarisation neuronale. L’hyperexcitabilité neuronale pourrait prédominer dans les
régions néocorticales et hippocampiques avec pour conséquence une baisse du seuil d’initiation
des crises. La zone de pénombre ischémique et les phénomènes de reperfusion, les phénomènes
inflammatoires pourraient aussi jouer un rôle dans le déclenchement des crises [7]. La fré-
quence peu élevée des crises précoces suggère que d’autre facteurs que l’ischémie jouent un
rôle déclenchant : facteurs locaux (lésions de reperfusion par reperméabilisation précoce) ou
généraux (hyperglycémie, sevrage médicamenteux, troubles ioniques, acido-basiques, hypoxie
secondaire à une pneumopathie...) [4]. Le rôle de l’effet de masse, d’une ischémie associée et
des produits de dégradation de l’hémoglobine est évoqué dans la genèse des crises secondaires
aux hémorragies cérébrales [4, 5].

Crises tardives
Les crises tardives seraient liées à une organisation « épileptogène » de la zone cicatricielle
post-AVC, impliquant des phénomènes inflammatoires, des modifications des propriétés des
membranes neuronales et de l’équilibre des neurotransmetteurs, un remodelage des réseaux
synaptiques, peut-être favorisé par une susceptibilité génétique, devenant anormalement exci-
tables et hypersynchronisés [4]. La leucoaraiose et les petits infarctus sous-corticaux pourraient
favoriser l’épileptogenèse [4, 7].

Impact des crises sur le pronostic de l’AVC


La survenue d’une crise épileptique à la phase aiguë d’un AVC peut aggraver les dysfonctionne-
ments métaboliques déjà existants et leur effet délétère sur le tissu cérébral vulnérable [28].
Plusieurs études ont fait état d’une mortalité accrue en cas de crise épileptique précoce [9, 29].
La survenue de crises précoces a été associée à un risque accru de démence [30]. Un impact
négatif des crises précoces sur le pronostic fonctionnel a aussi été rapporté pour les infarctus
[9] comme pour les hémorragies cérébrales [31] ou sous-arachnoïdiennes [32]. Dans beaucoup

612 /
Crises épileptiques et épilepsie

d’autres études, toutefois, la survenue de crises précoces n’était pas un facteur indépendant de
mortalité ou d’aggravation du handicap résiduel, après ajustement sur l’âge, la sévérité et la
taille de l’AVC [10, 33].

Les données concernant les crises tardives ont été aussi débattues. Des observations d’aggrava-
tion permanente du handicap neurologique, en l’absence de récidive d’AVC visible à l’imagerie,
ont été rapportées [34]. Ces aggravations permanentes sont toutefois rares, leur physiopatho-
logie reste imparfaitement connue. Un impact négatif de la survenue de crises tardives sur le
pronostic fonctionnel, apprécié par le score de Rankin modifié, a été montré dans plusieurs
cohortes, après un infarctus cérébral [9, 35] ou une hémorragie cérébrale [36]. Une association
entre la survenue de crises épileptiques récidivantes après un infarctus cérébral et un déclin
cognitif a aussi été rapportée [37]. Le pronostic immédiat des états de mal épileptique post-AVC
est assez sombre avec une mortalité élevée, variant entre 30 et 53 % des cas [20, 22, 23, 33]
et une majoration fréquente du déficit neurologique, parfois irréversible [22].

Deux études de population ont montré que la survenue d’une épilepsie chez l’adulte multipliait
par 3 le risque ultérieur d’AVC [38]. Ces données demandent à être confirmées avant d’envisager
la mise en route de mesures de prévention cérébrovasculaire chez les sujets de plus de 60 ans
ayant une épilepsie tardive inexpliquée. Aucune donnée ne permet de savoir si la survenue d’une
épilepsie post-AVC augmente le risque de récidive d’événement cérébrovasculaire.

Risque de récidive des crises


Le risque de récidive paraît plus élevé après une première crise tardive (54 à 70 %) qu’en cas de
crise précoce (30 % des patients à 10 ans) [9, 18, 35, 39]. Dans une série de 104 patients ayant
eu une crise tardive, post-AVC, près de 30 % des patients ont récidivé sur une durée moyenne
de suivi d’un an [17]. Les récidives de crises sont souvent peu nombreuses et les épilepsies
post-AVC pharmacorésistantes rares [10, 39]. Le risque de récidive est plus élevé dans certains
groupes à risque : 46,2 % en cas d’hémorragie cérébrale avec un score CAVE égal à 4 [14] ; 33 %
à 5 ans chez les patients ayant eu une hémorragie méningée avec hémorragie cérébrale associée
de plus de 15 cm3 [40] ; 56 % chez les patients ayant eu un infarctus sylvien malin traités par
hémicrâniectomie [41]. Les données sur le pronostic à long terme sont cependant limitées. L’exis-
tence d’une épilepsie post-AVC est susceptible de diminuer la qualité de vie des patients déjà
souvent altérée par un handicap résiduel, incluant l’impact sur l’activité professionnelle et la
conduite automobile [42]. Les récidives d’état de mal épileptique post-AVC ne sont pas excep-
tionnelles (25 à 30 % des cas), surtout lorsqu’il s’agit d’états de mal épileptique précoces ; en
revanche, la survenue d’un état de mal épileptique ne semble pas majorer le risque d’épilepsie
ultérieure [22, 23].

En l’absence d’essais thérapeutiques randomisés de taille suffisante, la plupart des indications


thérapeutiques reposent sur des études observationnelles et des consensus professionnels [43].
Des recommandations concernant spécifiquement l’épilepsie post-AVC ont été proposées mais
le niveau des recommandations est faible ou très faible [42].

/ 613
Partie 5 – Après l’AVC

Indications
Crises précoces
L’administration d’un traitement antiépileptique en prévention primaire des crises précoces n’est
pas recommandée [43, 44], y compris en cas de thrombose veineuse cérébrale [45]. En cas de
crise précoce, les recommandations américaines préconisent un traitement en prévention secon-
daire des récidives précoces, aussi bien pour les infarctus cérébraux que pour les hémorragies et
les thromboses veineuses cérébrales, afin de prévenir l’impact potentiellement délétère des réci-
dives à la phase aiguë [43]. Le rapport bénéfice/risque de ce traitement dès la première crise est
toutefois discuté, car le risque de récidive de crises dans les 7 premiers jours est assez faible,
entre 10 et 20 % [13, 46]. Les recommandations européennes ne préconisent pas de traitement
systématique dès la première crise sauf chez les patients ayant des facteurs favorisants tels
qu’une hémorragie cérébrale avec atteinte corticale [42]. Dans tous les cas, les facteurs favori-
sants (sevrage médicamenteux, désordres métaboliques, hypoxie...) doivent être recherchés et
traités [43].

La durée optimale du traitement antiépileptique, s’il est entrepris à la phase aiguë, n’est pas
connue. Les données spécifiques sont très limitées [47]. Une étude rétrospective a comparé
35 patients, traités dès la première crise précoce, pendant 2 ans, par carbamazépine (n = 24),
acide valproïque (n = 9) ou phénytoïne (n = 2), à 26 patients, traités uniquement en cas de
récidive. Le taux de patients sans crise à 2 ans était de 85 % dans le groupe traité contre 61 %
dans le groupe non traité (p = 0,04), mais le risque de crise était similaire au-delà de 2 ans [48].
Ces constations sont cohérentes avec les données recueillies dans les crises post-traumatiques,
dont la physiopathologie est considérée comme proche de celles des crises post-AVC. Une méta-
analyse, portant sur 10 études randomisées ayant inclus plus de 2 000 patients, a montré qu’un
traitement antiépileptique en prévention primaire des crises épileptiques à la phase aiguë d’un
traumatisme crânien sévère ne diminuait ni la mortalité ni le risque d’épilepsie ultérieure [49].
Il n’avait pas non plus d’impact favorable sur l’évolution fonctionnelle.

Le bénéfice d’un traitement antiépileptique prolongé après une crise précoce post-AVC n’est
donc actuellement pas établi ; les recommandations européennes sont d’arrêter le traitement
antiépileptique s’il a été entrepris, après la phase aiguë, sans plus de précisions [42].

Crises tardives
L’intérêt d’un traitement antiépileptique en prévention primaire des crises tardives chez certains
patients à haut risque de crise n’a pas été étudié. En l’absence de données, un traitement anti-
épileptique n’est pas recommandé [42].

Un traitement antiépileptique au long cours, en prévention secondaire, est souvent prescrit dès
la première crise tardive, en raison du risque de récidive élevé (environ 70 %) et du risque
d’aggravation fonctionnelle lié aux crises [42]. En 2014, la Ligue internationale contre l’épilepsie
a accepté les recommandations d’un groupe de travail modifiant la définition de l’épilepsie [50].
Cette définition implique que l’épilepsie peut être considérée comme présente après une seule
crise non provoquée chez les patients présentant d’autres facteurs associés à une forte probabilité
d’abaissement permanent du seuil de crise épileptique, et donc un risque de récidive élevé. Ce
risque doit être équivalent au risque de survenue d’une troisième crise chez les patients ayant
déjà eu deux crises non provoquées, soit d’au moins 60 % environ. Ce dernier niveau de risque
est observé en présence de lésions structurales anciennes comme celles dues à un AVC [50].
Cette définition pratique a été proposée comme support pour le traitement d’un patient à haut

614 /
Crises épileptiques et épilepsie

risque de récidive après une crise unique non provoquée, mais cette décision doit être person-
nalisée selon le désir du patient, le rapport bénéfice/risque individuel et les options disponibles.

Les recommandations européennes soulignent que selon la nouvelle définition pratique de l’épi-
lepsie, un traitement antiépileptique peut être entrepris après une première crise tardive et
poursuivi au long cours, la décision de l’interrompre devant être prise de façon individuelle, en
tenant compte des souhaits du patient [42]. La décision d’arrêt éventuel du traitement antiépi-
leptique après un intervalle prolongé sans crise, doit être portée au cas par cas.

Choix du médicament antiépileptique


L’efficacité du traitement antiépileptique paraît meilleure dans l’épilepsie post-AVC que dans
d’autres épilepsies focales symptomatiques. Le taux de patients libres de crises, de l’ordre de
80 %, indique qu’un contrôle satisfaisant de l’épilepsie peut être obtenue par une monothérapie
antiépileptique à dose modérée [42].

Les recommandations américaines et européennes indiquent que le choix du traitement doit


être individualisé, en tenant compte de son influence potentielle sur la récupération fonctionnelle
de l’AVC (cf. ci-dessous), des interactions médicamenteuses éventuelles, en particulier avec les
traitements antithrombotiques, de la tolérance, en tenant compte de l’âge du patient [42, 51].

À la phase aiguë de l’AVC, la nécessité d’une titration rapide du traitement et/ou d’une admi-
nistration par voie veineuse peuvent influer sur le choix du traitement et conduire à privilégier
l’utilisation du lévétiracétam, du lacosamide ou du valproate de sodium [42].

Influence des antiépileptiques sur le pronostic de l’AVC


L’influence des médicaments antiépileptiques sur le pronostic des AVC reste imparfaitement
connue.

Des travaux expérimentaux ont montré un effet délétère sur le pronostic fonctionnel de plusieurs
antiépileptiques de première génération, incluant la phénytoïne, le phénobarbital, les benzo-
diazépines, mais pas la carbamazépine [51]. Un effet délétère sur la récupération fonctionnelle
chez l’homme de la phénytoïne administrée à la phase aiguë d’une hémorragie cérébrale a aussi
a été rapporté [52]. Une étude portant sur une série de 527 patients hospitalisés pour une
hémorragie sous-arachnoïdienne, a mis en évidence une relation entre l’exposition à la phény-
toïne, administrée préventivement, et une moins bonne évolution fonctionnelle et cognitive [53].
Ces données, bien que limitées, et l’absence de recommandations officielles, incitent à éviter
l’utilisation de certains antiépileptiques de première génération [7, 51].

Interactions médicamenteuses
Le phénobarbital, la phénytoïne et la carbamazépine sont inducteurs enzymatiques et peuvent
diminuer l’efficacité des antivitamines K, rendant plus difficile l’équilibration du traitement. Le
valproate de sodium, la phénytoïne et les benzodiazépines sont fortement liés aux protéines.
L’aspirine peut déplacer le valproate de sodium et les benzodiazépines de leurs sites de liaison
protéique et, de ce fait, diminuer leur taux plasmatique. Elle peut aussi diminuer la concentration
sérique de la phénytoïne mais sans avoir d’effet sur la fraction libre ou sur sa concentration dans
le liquide céphalo-rachidien. À l’inverse, les antiépileptiques plus récents, incluant lamotrigine,
gabapentine, topiramate, lévétiracétam, prégabaline, zonisamide, lacosamide, n’ont pas d’inter-
actions significatives avec les anticoagulants ou les antiplaquettaires [7, 51].

/ 615
Partie 5 – Après l’AVC

Efficacité relative et tolérance


des médicaments antiépileptiques dans l’épilepsie post-AVC
Il n’existe pas d’études randomisées, portant sur de larges effectifs, ayant comparé l’efficacité
des différents antiépileptiques dans l’épilepsie post-AVC [42]. Deux essais randomisés de petite
taille ont comparé l’efficacité de la lamotrigine et de la carbamazépine pour l’un [54], du lévé-
tiracétam et de la carbamazépine pour l’autre [55]. Dans la première étude, 64 patients ont été
traités après une première crise tardive par lamotrigine ou carbamazépine, la fréquence des
patients libres de crises était plus élevée dans le groupe lamotrigine que dans le groupe carba-
mazépine mais les faibles effectifs ne permettaient pas de conclure (72 % versus 44 % ; p = 0,06).
La tolérance était significativement meilleure dans le groupe lamotrigine (3 % d’arrêt de traite-
ment dans le groupe lamotrigine versus 31 % dans le groupe carbamazépine ; p = 0,002) [54].
L’autre étude, randomisée, en ouvert, a porté sur 128 patients ayant une crise tardive, traités
par lévétiracétam ou carbamazépine pendant 52 semaines, après une phase de titration de
2 semaines. Le pourcentage de patients libres de crise à 1 an (94 % versus 85 % dans le groupe
carbamazépine) n’était pas différent entre les 2 groupes. La tolérance du lévétiracétam était, en
revanche, meilleure que celle de la carbamazépine (p = 0,02), et l’impact sur la cognition était
plus marqué avec la carbamazépine [55]. La tolérance de la gabapentine dans l’épilepsie post-AVC
paraît également bonne. Dans une étude prospective portant sur 71 patients (âge moyen,
63,9 ± 13,3) traités par gabapentine (900 à 1 800 mg/jour), des effets indésirables mineurs à
modérés ont été notés dans 38 % des cas ; 2,8 % des patients seulement ont arrêté leur trai-
tement en raison d’effets indésirables [56].

En l’absence de données spécifiques dans l’épilepsie post-AVC du sujet âgé, le choix d’un anti-
épileptique doit se baser sur les données thérapeutiques de l’épilepsie focale du sujet âgé en
général. Les résultats des études ont montré que les sujets âgés avaient plus de chance d’être
libres de crises avec des doses faibles d’antiépileptiques que les sujets plus jeunes mais avaient
aussi plus fréquemment des effets secondaires. L’efficacité de la lamotrigine et de la gabapentine
était comparable chez le sujet âgé à celle de la carbamazépine, mais la tolérance de la lamotrigine
et de la gabapentine était meilleure que celle de la carbamazépine [51]. Les données sont plus
limitées concernant le phénobarbital, le valproate de sodium, l’oxcarbazépine, le topiramate et
le lévétiracétam. En se basant sur ces résultats, la Ligue internationale contre l’épilepsie a recom-
mandé la lamotrigine ou la gabapentine en traitement de première intention chez les sujets âgés
ayant une épilepsie focale récente quelle qu’en soit la cause [57].

Au total, il est probable que la plupart des antiépileptiques de première génération, incluant la
phénytoïne, le phénobarbital, le valproate de sodium et les benzodiazépines, ne soient pas les
plus appropriés pour le traitement des crises post-AVC, et ce du fait de leur impact potentiel-
lement négatif sur le pronostic de l’AVC, de leur profil pharmacocinétique, incluant le risque
d’interactions médicamenteuses, du risque d’effets secondaires et de l’absence de preuves de
bénéfice dans cette population [7, 51]. La phénytoïne, en particulier, n’est pas un traitement de
premier choix [42]. La lamotrigine, la gabapentine, le lévétiracétam, la lacosamide paraissent de
meilleures options thérapeutiques [7].

État de mal épileptique


Le traitement de l’état de mal post-AVC n’a pas de particularité. Le traitement de l’état de mal
convulsif chez l’adulte repose, selon les recommandations de Ligue internationale contre l’épi-
lepsie [58], sur l’administration parentérale de diazépam ou de lorazépam par voie veineuse ou
de midazolam par voie intramusculaire, puis en cas de persistance des crises après 20 minutes,

616 /
Crises épileptiques et épilepsie

un traitement de 2e ligne est administré : fosphénytoïne, phénobarbital ou valproate de sodium


par voie veineuse. En cas d’échec, le traitement de 2e ligne peut être répété, l’alternative étant
un traitement à dose anesthésique de midazolam, propofol, thiopental ou pentobarbital [58].

En l’absence d’essais randomisés spécifiques portant sur de larges effectifs, les indications et les
modalités du traitement de l’épilepsie post-AVC restent débattues. L’administration d’un trai-
tement antiépileptique en prévention primaire des crises à la phase aiguë d’un AVC n’est pas
recommandée. L’indication d’un traitement dès la première crise précoce reste débattue. Compte
tenu du risque élevé de récidive, un traitement antiépileptique peut être entrepris après une
première crise tardive et poursuivi au long cours. Le choix de l’antiépileptique doit être indivi-
dualisé ; la lamotrigine, la gabapentine, le lévétiracétam, le lacosamide, à doses modérées, sem-
blent être de meilleures options que les antiépileptiques de 1re génération, en particulier chez le
sujet âgé, car ils n’ont pas d’effet délétère sur la récupération fonctionnelle et sont habituelle-
ment bien tolérés.

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Crises épileptiques et épilepsie

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/ 619
42

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) touchent près de 150 000 personnes en France chaque
année. Actuellement, la thrombectomie combinée à la thrombolyse intraveineuse (IV) ou la
thrombolyse IV seule, pour les infarctus cérébraux, ainsi que la prise en charge en rééducation
spécialisée restent les seuls traitements validés. Cependant, les procédures de recanalisation,
applicables dans les premières heures post-AVC, ne sont accessibles qu’à un faible pourcentage
de patients. Ainsi, malgré les progrès de la prise en charge aiguë des AVC, ceux-ci représentent
toujours la première cause de handicap acquis de l’adulte avec environ 70 % des patients sur-
vivants qui gardent des séquelles sensitivo-motrice et/ou cognitive. Cela souligne l’importance
du développement de traitements permettant d’améliorer la récupération au-delà de la phase
aiguë tels que les biothérapies : administration de facteurs trophiques ou thérapie cellulaire
régénératrice [1-3].

En réponse à un AVC, de nombreux phénomènes compensateurs sont activés dès les premières
minutes. La libération de facteurs antiapoptotiques, anti-inflammatoires et antioxydatifs per-
mettent de limiter les processus délétères. Cependant, ces mécanismes endogènes neuro-
protecteurs sont souvent insuffisants pour assurer une récupération complète. Ces processus
physiopathologiques précoces préparent la réparation tissulaire et la récupération fonctionnelle
ultérieures [1]. Cette récupération est basée sur les propriétés de plasticité du tissu cérébral
survivant avec la réorganisation des réseaux neuronaux lésés, le recrutement de connections
initialement inactives dans les aires périlésionnelles mais aussi controlatérales [4, 5]. La neuro-
genèse adulte est assurée par les cellules souches neurales (CSN) présentes au niveau de la zone
sous-ventriculaire et du gyrus denté de l’hippocampe. Les CSN migrent vers la lésion en suivant
l’arborisation vasculaire et se différentient en neurones matures. Cette plasticité neuronale
est intimement liée au remodelage microvasculaire et glial au sein de niches « glio-
neurovasculaires » [6, 7]. La néoangiogenèse observée après un infarctus cérébral apporte un

/ 621
Partie 5 – Après l’AVC

support nutritionnel et directionnel à la croissance neuronale. Les cellules gliales jouent elles
aussi un rôle clé dans la récupération en limitant les effets excitotoxiques de l’ischémie, en
modulant la synaptogenèse pour améliorer la fonctionnalité des nouvelles synapses. Certains
progéniteurs d’oligodendrocytes normalement quiescents peuvent également se différencier et
favoriser la remyélinisation axonale.

Pour favoriser cette plasticité complexe « multicellulaire » post-AVC et améliorer la récupération


fonctionnelle, les traitements neuroprotecteurs ciblés se sont avérés décevants [8]. La thérapie
cellulaire basée sur l’administration de cellules souches exogènes semble quant à elle promet-
teuse, pouvant être effectuée à la phase subaiguë ou chronique de l’AVC [9].

Les cellules souches sont des cellules indifférenciées à division asymétrique avec un potentiel
d’autorenouvellement et de différenciation en différents types cellulaires (cellules « filles » dif-
férenciées) durant le développement embryonnaire et fœtal puis durant la croissance. Au sein
de nombreux tissus adultes, elles existent en tant que système de réparation interne [10]. Cette
propriété motive leur utilisation comme traitement en médecine régénératrice. Aujourd’hui, une
grande variété de types de cellulaire est disponible, formant un large arsenal thérapeutique. On
distingue les cellules souches d’origine embryonnaire, les cellules souches adulte natives et
induites, ces dernières étant des cellules pluripotentes « reprogrammées » à partir de cellules
différentiées.

Les cellules souches adultes natives sont présentes à tous âges dans de nombreux tissus. Elles
ont un potentiel de renouvellement limité et ne semblent pas induire de tumeurs. Elles ne sont
pas pluripotentes comme les cellules souches embryonnaires ou induites mais multipotentes.
Leur capacité de différenciation est restreinte à certains types cellulaires spécifiques de leur
lignée. La moelle osseuse et le tissu adipeux sont aujourd’hui les sources préférentielles en
thérapie cellulaire pour obtenir des cellules souches mésenchymateuses (CSM) [11]. D’autres
sources alternatives existent telles que le sang périphérique, la muqueuse olfactive, la pulpe
dentaire ou le lait maternel.

Les administrations autologues de cellules souches permettent de s’affranchir des contraintes


immunologiques. Cependant, un délai de culture est nécessaire pour amplifier le pool de cellules
à partir du prélèvement du patient, avec un rendement variable d’un individu à l’autre. La consti-
tution de banque de cellules souches sélectionnées et amplifiées permet d’administrer un produit
de thérapie cellulaire allogénique dans un délai court. À ce jour, ce sont essentiellement les CSM
allogéniques par voie systémique qui sont utilisées dans les essais de thérapie cellulaire post-AVC
ainsi que les CSN par voie intracérébrale [12].

622 /
Thérapie cellulaire

Les mécanismes d’action de la thérapie cellulaire post-AVC sont complexes et restent encore
mal compris. Les études expérimentales restent ainsi justifiées en parallèle du développement
des essais cliniques. L’effet principal de l’injection de cellules souches est un effet trophique
paracrine potentialisant les phénomènes endogènes de neuroprotection et de réparation. Le
renouvellement cellulaire direct par la différenciation des cellules souches en neurones, cellules
gliales ou endothéliales semble très limité [13]. Les cellules souches, en tant que produits bio-
logiques « plastiques », peuvent s’adapter aux conditions locales du tissu cérébral endommagé,
sans être limité à une cible unique comme le sont les traitements pharmacologiques neuro-
protecteurs. Elles agissent simultanément sur différentes voies, favorisant l’immunomodulation,
le remodelage neuronal, synaptique, microvasculaire et glial (neuro-glio-angiogenèse). Ces effets
bénéfiques sont renforcés par la rééducation et un environnement enrichi dans les études expé-
rimentales [14], soulignant la synergie entre la plasticité structurale et la rééducation des patients
après un AVC.
Deux types de cellules souches adultes ont été particulièrement étudiés dans les études expé-
rimentales de récupération post-AVC : les CSN et les CSM. Les CSN exogènes ont la capacité
de différentiation en neurones matures et agissent aussi par la sécrétion de facteurs trophiques
favorisant entre autres le transport axonal [15]. Elles sont essentiellement utilisées en injection
intracérébrale [16]. Les CSM, quant à elles, sécrètent de nombreux facteurs proangiogéniques
et neurotrophiques comme le vascular endothelial growth factor (VEGF), le brain-derived
neurotrophic factor (BDNF) ou encore l’insuline growth factor-1 (IGF-1). Elles favorisent la
microangiogenèse post-AVC [17, 18] et possèdent également une capacité de transdifféren-
tiation en neurones, cellules gliales et endothéliales. Après une injection IV, les CSM migrent
vers le cerveau lésé mais également vers la rate [19]. Cette localisation splénique pourrait
jouer un rôle clé dans leur effet bénéfique en limitant l’inflammation post-AVC [20]. Ces
propriétés immunomodulatrices, bien identifiées dans leur utilisation comme traitement de la
réaction du greffon contre l’hôte, renforcent le rationnel de leur utilisation systémique et
allogénique sans traitement immunosuppresseur après un AVC. De plus, les CSM favoriseraient
également la migration des progéniteurs neuraux des niches endogènes vers le site de lésion
par la formation d’un pont (biobridge) avec des taux importants de metalloprotéases au sein
de la matrice extracellulaire [21].

Les cellules souches peuvent être administrées dès les premiers jours suivant l’AVC et jusqu’à
plusieurs années après la lésion initiale. Cette large fenêtre thérapeutique rend ce traitement
accessible à un grand nombre de patients. Cependant, la voie et le délai d’administration restent
encore débattus. Initialement, l’injection intracérébrale (IC) a été préférée pour concentrer les
cellules souches dans la lésion. On distingue deux cibles : la lésion elle-même et le tissu sain
périlésionnel. L’administration stéréotaxique est moins invasive au sein de la lésion que dans le
tissu périlésionnel où se déroulent les principaux mécanismes de plasticité. Cependant, le cœur

/ 623
Partie 5 – Après l’AVC

de la lésion cérébrale est le lieu de réactions inflammatoires nocives et d’une mort cellulaire
massive rendant le milieu peu propice à la survie du greffon [22]. L’administration intrathécale
par voie lombaire reste plus anecdotique actuellement.

Les injections systémiques, IV ou intra-artérielle (IA), sont faciles et moins invasives et permet-
tent une biodistribution plus large qu’une injection IC. Les cellules se répartissent dans le tissu
cérébral viable vascularisé. Aucune occlusion vasculaire n’a été rapportée dans les premiers essais
cliniques, même avec des cellules de grande taille comme les CSM. Il existe cependant une
importante séquestration pulmonaire à la phase initiale de l’injection IV et seul un faible nombre
de cellules (1-4/10 000) migre vers le cerveau [19].

Il n’y a pas vraisemblablement pas une fenêtre thérapeutique idéale mais plusieurs cibles thé-
rapeutiques séquentielles : injections systémiques précoces basées sur des effets trophiques et
immunomodulateurs et/ou greffes intracérébrales plus tardives pour favoriser la plasticité céré-
brale localement. Des études s’intéressent à la phase précoce de l’AVC (premiers jours), d’autres
à la phase subaiguë jusqu’à un mois et certains essais proposent une greffe à la phase chronique
jusqu’à plusieurs années après l’AVC (Tableau I). Le délai d’administration doit aussi tenir compte
des contraintes de production cellulaire notamment du délai potentiel pour une amplification in
vitro de cellules autologues.

Les premiers essais cliniques de thérapie cellulaire après un AVC ont prouvé l’innocuité et la
faisabilité de ce traitement que ce soit par CSM ou CSN, par voie IV, IA ou IC. Ces essais
comportent de faibles effectifs et des cellules d’origine diverses [23-48] (Tableau I). Une méta-
analyse récente [49] a recensé, parmi 28 essais cliniques publiés, 9 essais contrôlés (194 patients
traités et 191 témoins). Cette étude suggère un bénéfice de la thérapie cellulaire sur la récupé-
ration fonctionnelle post-AVC 6 mois après le traitement (déviation standard moyenne = 0,57,
IC95 % : 0,22–0,92 ; p = 0,02), sans biais de publication mais avec de faibles effectifs et des
méthodologies très hétérogènes. Les essais récents concernant l’injection IC de CSM allogéniques
[46] ou de CSN [47], ainsi que l’injection IV de cellules progénitrices issues de la moelle osseuse
(proche des CSM) [48] sont très prometteurs. Ils ouvrent la voie aux essais multicentriques de
plus grande taille pour évaluer l’efficacité de la thérapie cellulaire post-AVC, tels que les essais
d’injection IV de CSM allogéniques (www.resstore.eu), d’injection IA de cellules autologues de
moelle osseuse (essai IBIS) [50], ou d’injection IC de CSN (suite du programme PISCES [47]).

Dans une perspective préclinique, le rôle des comorbidités et des traitements associés, comme
les statines, devra être précisé à travers des études expérimentales sur animaux hypertendus ou
diabétiques par exemple [3].

624 /
TABLEAU I ▼ Essais cliniques publiés de thérapie cellulaire après un accident vasculaire cérébral (AVC).
Pays Patients (âge) Source Type cellulaire Delai Dose Voie Résultats principaux
cellulaire post-AVC

Kondziolka et al. Pittsburgh, 12 IC Terato- LBS-Neurons 2,5 ans 2 (60 μL ; ICer 1 crise épileptique à 6 mois
2000 [23] États-Unis (61 ans, 44-74) carcinome (Layton BioSc.) (7 mois-4,5 ans) n = 8) ou 1 récidive d’IC à 5 mois
embryonnaire 6 millions
humain (cell (180 μL ; n = 4)
line NT2/D1) + Cyclosporine

Kondziolka et al. Pittsburgh, 6 IC Terato- LBS-Neurons 3,5 ans 5 (n = 7) ou ICer 1 crise épileptique postopératoire
2005 [24] Stanford, 8 HIP carcinome (Layton BioSc.) (1-5) 10 millions (n 1 hématome sous-dural
États-Unis (58 ans) embryonnaire = 7) (250 μL) asymptomatique
4 contrôles : humain (cell + Cyclosporine
3 IC / 1 HIP line NT2/D1)
(46 ans)

Savitz et al. Boston, 5 IC Striatum de LGE cells 5 ans 1 million/cm3 ICer 1 thrombose veineuse corticale
2005 [25] États-Unis (25-52 ans) porc (éminence (Genvec) (1,5-10) de lesion 1 crise épileptique
ganglionnaire 50 (n = 4) hyperglycémique
latérale) + ou 80 millions Arrêt par FDA
anti-CMH1 (n = 1)

Rabinovitch et al. Novosibirsk, 7 IC Cellules CSN 4-24 mois 1 injection IThec Syndrome méningé transitoire
2005 [26] Russie 3 HIP nerveuses (n = 5)
(46 ans, 35-56) immatures 2 injections
11 contrôles : et tissu (n = 5)
6 IC/5 HIP hématopoiétique
(55 ans)

Bang et al. Suwon, Corée 5 IC Auto MO CSM 4-5 et 50 millions × 2 IV Pas d’effet indésirable
STARTING du sud (63 ans, 54-72) Expansion en 7-9 semaines
2005 [27] 25 contrôles sérum de veau
(59 ans)
AIT : accident ischémique transitoire ; Allo : allogénique ; Auto : autologue ; CMN : cellules mononucléées ; CS : cellules souches ; CSM : cellules souches mésenchymateuses ; CSN : cellules souches neurales ;
HIP : hématome intra-parenchymateux ; IA : intra-artérielle ; IC : infarctus cérébral ; ICer : intracérébrale ; IThec : intrathécale ; IV : intraveineuse ; MAPC : multipotent adult progenitor cells ; MO : moelle
osseuse.

/ 625
Thérapie cellulaire
TABLEAU I ▼ Essais cliniques publiés de thérapie cellulaire après un accident vasculaire cérébral (AVC) (suite).
Partie 5 – Après l’AVC

626 /
Pays Patients (âge) Source Type cellulaire Delai Dose Voie Résultats principaux
cellulaire post-AVC

Lee et al. Suwon, Corée 16 IC Auto MO CSM 2,5-5 et 5-9 50 millions × 2 IV 1 fièvre après 1re injection
STARTING du sud (65 +/- 14 ans) Expansion en semaines Bénéfice fonctionnel
2010 [28] 36 contrôles sérum de veau Augmentation SDF1α-sérique
(64 +/- 12 ans)
incluant l’essai
précédent

Mendonça et al. Rio, Brésil 1 IC Auto MO CMN 4 jours 300 millions IA Pas d’effet indésirable
2006 [29] (54 ans) (3 mL/10 min)

Suarez- La Havane, 3 IC Auto MO CMN 3-8 ans 14-55 millions ICer 5 céphalées
Monteagudo et al. Cuba (53-64 ans) (115-220 μL) 2 troubles de vigilance mineurs
2009 [30] 2 HIP
(41 et 44 ans)

Barbosa da
Fonseca et al.
2010 [31]

Battistella et al. Rio, Brésil 6 IC Auto MO CMN 2-3 mois 125-500 millions IA Pas d’effet indésirable
2011 [32] (24-65 ans) incluant Biodistribution : cerveau, foie,
20 millions poumons, rate, reins, vessie
marquées par
99m
Tc

Savitz et al. Houston, 10 IC Auto MO CMN 1-3 jours 7 (n = 1) IV 1 décès par embolie pulmonaire
SIVMAS États-Unis (55 +/- 15 ans) ou 8,5 (n = 1) à 40 jours
2011 [33] 79 contrôles ou
historiques 10 millions/kg
(63 +/- 12 ans)

Honmou et al. Sapporo, 12 IC Auto MO CSM 10 semaines 110 millions IV 1 fièvre transitoire
2011 [34] Japon (59 ans, 41-73) Expansion en (5-19) (60-160)
sérum
autologue
AIT : accident ischémique transitoire ; Allo : allogénique ; Auto : autologue ; CMN : cellules mononucléées ; CS : cellules souches ; CSM : cellules souches mésenchymateuses ; CSN : cellules souches neurales ;
HIP : hématome intra-parenchymateux ; IA : intra-artérielle ; IC : infarctus cérébral ; ICer : intracérébrale ; IThec : intrathécale ; IV : intraveineuse ; MAPC : multipotent adult progenitor cells ; MO : moelle
osseuse.
TABLEAU I ▼ Essais cliniques publiés de thérapie cellulaire après un accident vasculaire cérébral (AVC) (suite).
Pays Patients (âge) Source Type cellulaire Delai Dose Voie Résultats principaux
cellulaire post-AVC

Bhasin et al. New Delhi, 4 IC Auto MO CSM 9 mois 50-60 millions IV Pas d’effet indésirable
2011 [35] Inde 2 HIP Expansion (7-12)
(42 ans, 20-59) sans sérum
6 contrôles : animal
5 IC/1 HIP
(46 ans)

Bhasin et al. New Delhi, 18 IC Auto MO CSM 10 mois CSM : IV Pas d’effet indésirable
2013 [36] Inde 2 HIP Expansion sans CMN (3 mois-2 ans) 50-60 millions Bénéfice fonctionnel (MNC)
(45 +/- 12 ans) sérum animal (n = 6) Activation en IRM fonctionnelle
20 contrôles : CMN :
19 IC/1 HIP 50-60 millions
(45 +/- 10 ans) (n = 14)
incluant l’essai
précédent

Prasad et al. New Delhi, 11 IC Auto MO CMN 7-30 jours 80 millions IV Faisabilité = 11/11 (dose = 9/11)
2012 [37] Inde (30-70 ans) Pas d’effet indésirable

Moniche et al. Séville, 10 IC Auto MO CMN 6 jours 159 millions IA 2 crises épileptiques à 3 mois
OVISEV01 Espagne (67 +/- 14 ans) (5-9) Augmentation βNGF sérique
2012 [39] 10 contrôles
(67 +/- 13 ans)

Friedrich et al. Porto Alegre, 20 IC Auto MO CMN 3-7 jours 220 millions IA Pas d’effet indésirable
2012 [40] Brésil (?)

Li et al. Shandong, 60 HIP Auto MO CMN 6 jours 2,4-23 millions ICer 5 fièvres transitoires
2013 [41] Chine (56 ans, 39-74) (5-7) (3,5 mL) 1 cancer pulmonaire
40 contrôles Bénéfice fonctionnel
(56 ans, 35-72)

Chen et al. Taichung, 15 IC Auto sang CS de sang 6 mois-5 ans 3-8 millions ICer Pas d’effet indésirable
2014 [42] Taiwan 15 contrôles périphérique (6,6 +/- 1,8 Bénéfice fonctionnel
(35-75 ans) CD34+ dans 750 μL) Nombre de fibres (IRM-DTI)
Marquage Fer Potentiels évoqués moteurs
Marquage fer persistant autour
de la lésion (IRM)
AIT : accident ischémique transitoire ; Allo : allogénique ; Auto : autologue ; CMN : cellules mononucléées ; CS : cellules souches ; CSM : cellules souches mésenchymateuses ; CSN : cellules souches neurales ;

/ 627
HIP : hématome intra-parenchymateux ; IA : intra-artérielle ; IC : infarctus cérébral ; ICer : intracérébrale ; IThec : intrathécale ; IV : intraveineuse ; MAPC : multipotent adult progenitor cells ; MO : moelle
osseuse.
Thérapie cellulaire
TABLEAU I ▼ Essais cliniques publiés de thérapie cellulaire après un accident vasculaire cérébral (AVC) (suite).
Pays Patients (âge) Source Type cellulaire Delai Dose Voie Résultats principaux
Partie 5 – Après l’AVC

628 /
cellulaire post-AVC

Prasad et al. Inde 58 IC Auto MO CMN 18 jours 281 millions IV Pas d’effet indésirable
2014 [38] 62 contrôles (7-30) (30-500) Pas de modification en 18FDG PET
(18-70 ans)

Banerjee et al. Londres, 5 IC Auto MO CS 7 jours 1,2-2,8 millions IA 1 insuffisance rénale


2014 [43] Grande-Bretagne (45-75 ans) hémato-poiéti-
ques CD34+

Sharma et al. Mumbai, 24 IC ou HIP Auto MO CMN « Chronique » ? IThec Pas d’effet indésirable
2014 [44] Inde

Taguchi et al. Osaka, Kobe, 12 IC Auto MO CMN 7-10 jours 250 millions IV Pas d’effet indésirable
2015 [45] Japon (20-75 ans) (25 mL
de MO,
n = 6)
340 millions
(50 mL
de MO, n = 6)

Steinberg et al. Stanford, 18 IC Allo MO CSM 22 mois 2,5 ou 5 ICer 1 crise épileptique
2016 [46] États-Unis (61 ans, 33-75) transfectées ou 10 millions 1 hématome sous-dural
(Notch-1) (n = 6/groupe) asymptomatique
SanBio SB623 1 AIT
1 infection urinaire
1 pneumopathie
Bénéfice fonctionnel

Kalladka et al. Glasgow, 11 IC Neuro- CSN 29 +/- 14 mois 2 (n = 3) ICer 1 hématome extradural
PISCES Grande-Bretagne (69 ans, 60-82) épithélium CTX0E03 5 (n = 3) asymptomatique
2016 [47] cortical fœtal transfectées 10 (n = 3) 1 hématome sous-dural
humain (cMyc) ou 20 millions asymptomatique
(n = 2) Bénéfice fonctionnel

Hess et al. Multicentrique, 67 IC (62 ans) Allo MO MAPC 24 à 48 h 1 200 millions IV 4 fièvre
MASTERS États-Unis/ 62 contrôles Multistem 2 nausées/vomissements
2017 [48] Grande-Bretagne (63 ans) Bénéfice fonctionnel si injection
< 36 h
AIT : accident ischémique transitoire ; Allo : allogénique ; Auto : autologue ; CMN : cellules mononucléées ; CS : cellules souches ; CSM : cellules souches mésenchymateuses ; CSN : cellules souches neurales ;
HIP : hématome intra-parenchymateux ; IA : intra-artérielle ; IC : infarctus cérébral ; ICer : intracérébrale ; IThec : intrathécale ; IV : intraveineuse ; MAPC : multipotent adult progenitor cells ; MO : moelle
osseuse.
Thérapie cellulaire

Les progrès de l’ingénierie cellulaire permettent aujourd’hui d’optimiser les produits de thérapie
cellulaire, pour l’usage clinique, en modifiant par exemple des CSM par transfection [46], en
utilisant des lignées cellulaires de CSN bien caractérisées [47], ou en utilisant des cellules souches
induites comme source de CSM ou CSN.

Enfin, la combinaison d’une matrice synthétique biocompatible, comme les hydrogels polymères
de collagène ou d’acide hyaluronique, à des facteurs de croissance ou des cellules souches pour-
rait potentialiser les effets bénéfiques. Ces biomatériaux pourraient substituer le rôle de la
matrice extracellulaire, pouvant ainsi améliorer la survie de cellules greffées mais aussi influencer
la différenciation en fonction de leurs propriétés physico-chimiques. Il existe trois types princi-
paux de ces biomatériaux : i) les microsphères permettant d’encapsuler différents médicaments
ou produits cellulaires, afin de les libérer de manière graduelle au niveau du site d’injection ; ii)
les hydrogels injectables, plus facile d’utilisation, qui ont la propriété de pouvoir gélifier in situ ;
et iii) les matrices plus rigides qui peuvent être modelées de façon à obtenir un véritable implant,
fonctionnant comme un tuteur à la croissance et de différenciation [51]. Les microsphères et
hydrogels peuvent être administrés par injection IC, et les implants rigides pourraient être utilisés
chez lh́omme en cas d’hémicrâniectomie décompressive ou dans les lésions médullaires.

La thérapie cellulaire régénératrice est une piste thérapeutique très prometteuse pour le traite-
ment des AVC. Bien que la tolérance et la faisabilité semblent aujourd’hui bien établies, de
nombreuses questions persistent quant au type de cellule, la voie et le délai d’administration à
utiliser. Deux stratégies semblent émerger : l’injection IV précoce de CSM avec un effet systé-
mique, et la greffe IC plus tardive de CSN avec un effet réparateur au site de lésion. Des essais
cliniques multicentriques débutent et évalueront l’efficacité de ces stratégies sur la récupération
fonctionnelle. En parallèle, les études expérimentales doivent encore préciser les mécanismes
d’action notamment, en cas de comorbidités, et doivent évaluer le potentiel des stratégies combi-
nant cellules souches et biomatériaux.

Remerciements
Commission européenne, projet H2020 RESSTORE (www.resstore.eu), Grant Agreement 681044.

Agence Nationale de la Recherche, Investissement d’Avenir, consortium ECell France (www.ecell-


france.com), programme ANR-11-INBS-0005.

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630 /
Thérapie cellulaire

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/ 631
43

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de handicap acquis de l’adulte en
France [1]. Une enquête épidémiologique française en population générale a montré que 0,8 %
de la population déclare présenter des séquelles d’AVC. Les limitations en situation de vie quo-
tidienne sont significativement plus sévères dans la population présentant un AVC que dans la
population générale, quel que soit l’âge, mais c’est encore plus net dans la population des adultes
« jeunes ». Chez les sujets âgés, l’AVC est un cofacteur de la réduction de l’autonomie, associé
aux polypathologies souvent rencontrées dans cette population. Schnizler et al. [2] ont montré
que 30 % des patients avec un antécédent d’AVC avaient des difficultés pour se laver ou s’habiller
seuls, pour prendre seuls leur repas ; 15 % rencontraient des difficultés pour aller aux toilettes
ou se déplacer seuls dans leur logement et 8 % pour manger seuls.

L’AVC n’est pas uniquement une pathologie aiguë, c’est pour beaucoup de patients une affection
chronique avec des conséquences en terme de handicap. L’intérêt pour le handicap prend une
part croissante dans la formation médicale et dans les priorités sociétales. La loi de 2005 concer-
nant les personnes en situation de handicap, les lois de santé qui tendent à décloisonner les
secteurs sanitaires et médico-sociaux et à développer l’accompagnement au domicile, et les
conséquences pratiques de l’application du plan AVC apportent des réponses possibles à ces
difficultés rencontrées à distance de l’événement. Organismes et établissements médico-sociaux
évoluent, se réorganisent et affinent leurs services afin de répondre au mieux au besoin des
personnes ayant eu un AVC pour les accompagner dans leur nouveau projet de vie.

Le concept de handicap et la classification internationale du fonctionnement (CIF) du handicap


et de la santé proposés par l’OMS (World Health Organization, 2001) donnent un cadre théorique
dans lequel s’intègre une description, non exhaustive, des difficultés qui peuvent être rencontrées
par les personnes ayant présenté un AVC dans les différentes situations de vie quotidienne. La

/ 633
Partie 5 – Après l’AVC

CIF permet de mieux concevoir les séquelles et la vie quotidienne de ces personnes et des aides
possibles à apporter (ex. : compensation, aménagement de l’environnement...) [3]
(apps.who.int/classifications).

Il existe une évolution sociologique de la vision du handicap, directement issue de l’action des
associations défendant les personnes handicapées. La personne handicapée doit être considérée
comme citoyenne à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, pouvant évoluer dans
une société adaptée à tous. Cette évolution est matérialisée par la CIF et la loi du 11 février 2005.

Une première classification, la « classification internationale des handicaps » (CIDH), ou modèle


de Wood, sensibilisait au handicap grâce à une approche médicale. Elle permettait une compré-
hension des conséquences des maladies et des concepts de déficience, d’incapacité, et de han-
dicap proprement dit, aussi appelé désavantage social. Cependant, les termes employés dans
cette classification étaient de connotation négative (ex. : incapacité, désavantage), et la CIDH
ne devrait plus être utilisée depuis la mise en place de la CIF.

La CIF, adoptée en 2002, est la classification internationale de référence. Elle s’appuie sur un modèle
sociologique inclusif, qui place la personne handicapée dans un rôle citoyen. Elle met en avant les
rôles des facteurs contextuels, personnels et environnementaux dans la situation de handicap.

La CIF est constituée de deux parties, comprenant chacune deux composantes (Figure 1).

FIGURE 1 Interaction entre les différentes composantes de la Classification internationale du


fonctionnement (d’après le schéma de l’Organisation mondiale de la santé).

634 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

La partie 1 nommée « Fonctionnement et handicap » comprend :


■ les fonctions organiques et structures anatomiques ;
■ les activités et participation.

La partie 2 concerne les facteurs contextuels. Elle comprend :


■ les facteurs environnementaux ;
■ les facteurs personnels.

Les composantes de ces facteurs contextuels peuvent s’exprimer en termes de « facilitateurs »


(termes positifs) ou de limites ou « d’obstacles » (termes négatifs).

Comparativement à la classification de Wood, la CIF n’aborde pas le handicap uniquement de


façon négative, mais surtout par le biais des capacités de la participation des personnes.

Structures anatomiques et fonctions organiques


Les structures anatomiques désignent les parties anatomiques du corps, telles que les organes,
les membres et leurs composantes : parties du corps (organes et membres), les structures du
système nerveux, de l’œil et de l’oreille, etc.

Les fonctions organiques désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques y compris
les fonctions psychologiques. Il s’agit des fonctions mentales, sensorielles et de la douleur, de la
voix et de la parole, de l’appareil locomoteur et liées au mouvement. Ainsi, les fonctions de l’appa-
reil locomoteur liées au mouvement sont individualisées en fonction des articulations, des muscles,
du tonus musculaire, des réflexes moteurs, des mouvements volontaires et involontaires. Dans les
fonctions du langage apparaissent les fonctions de réception/expression/langage oral/langage écrit/
ainsi que les fonctions intégratives du langage. Les problèmes survenant dans la fonction organique
ou la structure anatomique sont caractérisés en termes de déficiences.

Activités et participation
L’activité désigne l’exécution d’une tâche par une personne dans un environnement adapté ou
protégé ; la participation désigne l’implication d’une personne dans une situation de sa vie réelle.
Lorsque la personne n’a pas la capacité à réaliser une activité, la CIF emploie les termes de
« limitation d’activité » et de « restriction de la participation ».

Les limitations d’activité désignent les difficultés que rencontre une personne dans l’exécution
des activités dans un cadre protégé (ex. : réalisation d’un repas simple pour deux personnes,
dans une cuisine adaptée) et les restrictions de participation désignent les problèmes qu’une
personne peut rencontrer dans une situation de vie réelle, en tenant compte, par exemple, de
la situation familiale ou de l’environnement du domicile (comme la réalisation quotidienne de
trois repas par jour pour une famille de quatre personnes qui ont des goûts ou des restrictions
alimentaires différents). Il faut remarquer que ces secteurs d’activités sont beaucoup plus étendus
que les domaines souvent évalués en médecine de la capacité à se laver, s’habiller et manger
seul.

La liste des activités et participations identifiées comporte :


■ l’apprentissage et l’application des connaissances (apprendre à lire, écrire, compter...) ;

/ 635
Partie 5 – Après l’AVC

■ des tâches et exigences générales (entreprendre une tâche unique ou complexe, effectuer
la routine quotidienne, gérer le stress) ;
■ la communication (recevoir ou produire des messages, conversation ou discussion avec
une ou plusieurs personnes) ;
■ la mobilité (par ex. changer de position, marcher, se déplacer, manipuler des objets ou se
déplacer, utiliser un moyen de transport) ;
■ l’entretien personnel (se laver, s’habiller, manger, boire, aller aux toilettes, entretenir sa
santé...) ;
■ la vie domestique (faire des courses, tâches ménagères, mais aussi aider les autres...) ;
■ les relations et interactions avec autrui, domaine complexe qui va de relations de base
(dans le respect des convenances) à des relations complexes (nouer et mettre fin à des
relations, relations formelles ou informelles, vie familiale, relation intimes) ;
■ les grands domaines de la vie (éducation, travail et emploi, vie économique) ;
■ la vie communautaire, sociale et civique (loisirs, religion, vie politique et citoyenneté).

Facteurs contextuels
Les facteurs environnementaux désignent l’environnement physique, social et les attitudes dans
lesquels les gens vivent et mènent leur vie. Les facteurs environnementaux sont extrinsèques et
prennent en compte les facteurs architecturaux, le système juridique... Les facteurs environne-
mentaux sont particulièrement développés dans la CIF, comme facilitateurs ou obstacles.

Les différents facteurs environnementaux comprennent :


■ les produits et technologies (notamment l’accessibilité) ;
■ l’environnement naturel et changements apportés par l’homme à l’environnement ;
■ les soutiens et relations (famille, amis, entourage professionnel, prestataires de soins...) ;
■ les attitudes (attitudes individuelles des membres de la famille, des amis, des connais-
sances... des professionnels de santé) ;
■ les services, systèmes et politiques (par ex., architecture, transports, systèmes d’aide).

Les facteurs personnels représentent le cadre de vie d’une personne composé de caractéristiques
de la personne qui ne font pas partie d’un problème de santé ou d’un état fonctionnel. Ils n’ont
pas été décrits ou détaillés dans la CIF, en particulier parce qu’ils dépendant des habitudes
culturelles, ethnies...

L’enjeu pour les médecins est de passer d’un raisonnement centré sur la pathologie à une vision
plus large de l’individu en situation sociale. Dans le raisonnement médical classique, la sémiologie,
ou déficience d’une fonction organique motrice (ex. : hémiplégie) oriente le médecin vers un
diagnostic d’une pathologie (ex. : AVC), vers une localisation anatomique (voie pyramidale) et
donc vers un traitement. Les déficiences liées aux troubles organiques, orientent ensuite le corps
médical vers les conséquences fonctionnelles dans les activités de vie quotidienne (limitation
d’activités et restrictions de participation en vie quotidienne, dans la communauté...). Outre les
éléments médicaux, la CIF met en avant les conséquences des conditions environnementales,
familiales, sociales et politiques dans lesquelles évolue le patient. D’autres modèles rapportent
même le handicap de façon prédominante comme lié à l’environnement (ex. : modèle du déve-
loppement humain et du processus de production du handicap). Cela renvoie à l’utilisation du
terme de personne « en situation de handicap » plutôt que de personne handicapée.

636 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

L’infarctus dans le territoire de l’artère cérébrale moyenne étant la localisation la plus fréquente,
l’hémiplégie, l’hémianopsie latérale homonyme et les troubles cognitifs, aphasie et syndrome
hémisphérique droit, sont les déficiences neurologiques les plus habituelles après AVC.

L’hémiplégie est définie par un déficit de la commande motrice de l’hémicorps controlatéral à


l’AVC. Le déficit initial récupère, souvent de façon incomplète. La récupération est plus marquée
sur les segments proximaux (cuisse, épaule) que sur les segments distaux (pied, main). La spas-
ticité (augmentation du tonus) s’installe avec, le plus souvent, une distribution en extension sur
le membre inférieur et en flexion sur le membre supérieur.

Que l’hémiplégie soit proportionnelle ou non, l’évolution fonctionnelle prend souvent les mêmes
caractéristiques. Le plus grand nombre des patients récupère une marche de plus ou moins bonne
qualité ; cependant, la récupération du membre supérieur et la commande motrice de la main
restent souvent mauvaises et peu fonctionnelles.

Les séquelles motrices entraînent des limitations des activités simples de la vie quotidienne.
Ainsi, faire sa toilette peut être compliqué du fait des troubles de l’équilibre, de la difficulté à
tenir sur le pied hémiplégique ou de la présence d’une main paralysée ; ces troubles entraînent
par exemple des difficultés pour se laver les cheveux, se couper les ongles ou se laver le membre
supérieur sain. L’habillage peut être aussi une activité complexe avec le besoin d’attacher des
petits boutons, un soutien-gorge, remonter une fermeture éclair, enfiler un collant, et en parti-
culier un collant ou des bas de contention. De même, la prise des repas est limitée pour les
activités nécessitant une action bimanuelle telle que couper la viande, préparer un poisson, ouvrir
un yaourt, éplucher un fruit... Les déplacements à l’intérieur du domicile ou à l’extérieur peuvent
être difficiles (limitation du périmètre de marche, difficulté de station debout prolongée, risque
de chutes, difficulté pour prendre un escalator, impossibilité de courir...).

L’hémianopsie latérale homonyme (HLH) est définie par un déficit de perception visuelle dans un
hémichamp visuel controlatéral à l’AVC. Elle est fréquente et peu susceptible de s’améliorer
au-delà de 2 mois après l’AVC. Elle peut être compensée par les mouvements oculaires ou de
la tête en l’absence de négligence (trouble neurovisuel). Néanmoins, elle peut conduire la per-
sonne à heurter des obstacles lors des déplacements et engendrer des difficultés de lecture. Une
HLH complète contre-indique formellement la conduite automobile.

L’aphasie est caractérisée par un trouble du langage oral et écrit, touchant l’expression et la
compréhension, et cela à des degrés variables en fonction du type d’aphasie. Elle est secondaire
essentiellement à un AVC hémisphérique gauche. On peut considérer qu’un tiers des patients
gardent une aphasie sévère limitant la communication, un tiers récupère une communication
correcte malgré des séquelles, un tiers ont des séquelles discrètes qui peuvent cependant être
invalidantes. La limitation de communication [4] entraîne des difficultés pour s’adresser à un
inconnu, demander un renseignement à une vendeuse ou pour utiliser un téléphone ou encore
aborder des sujets abstraits. La difficulté à prendre la parole rapidement exclut les personnes
aphasiques des débats, des conversations animées à plusieurs ou des démarches officielles (ex. :
rencontrer les instituteurs ou les professeurs des enfants). De plus, les difficultés de lecture sont
souvent importantes, et la personne peut ne pas avoir la capacité à lire un livre. Des troubles du
calcul et des difficultés de maniement des chiffres sont souvent associés à l’aphasie. Dans ce cas, la
personne peut avoir des difficultés pour évaluer la somme totale des achats multiples, pour évaluer
la monnaie qu’elle doit recevoir, pour remplir un chèque (transcodage en chiffres et en lettres) [5].

/ 637
Partie 5 – Après l’AVC

Les troubles cognitifs des lésions hémisphériques droites sont moins évidents à identifier au
premier abord que l’aphasie. Ils ont cependant des conséquences importantes dans la vie quo-
tidienne. La négligence visuospatiale unilatérale, le plus souvent à gauche, est expliquée par un
trouble attentionnel, qui limite la capacité à s’orienter, à explorer ou à agir dans l’hémichamp
controlatéral à l’AVC. Au maximum, les patients ne mangent pas les aliments situés sur la partie
gauche de leur assiette ou de leur plateau, ne trouvent pas les objets posés à leur gauche,
oublient de laver ou d’habiller la partie gauche de leur corps. Lors des déplacements, ces patients
ont du mal à se diriger vers les pièces situées à gauche et peuvent heurter des obstacles. Ces
séquelles aggravent les conséquences des déficits moteurs dans le domaine des limitations d’acti-
vité dans la vie quotidienne [6]. D’autres troubles cognitifs associés ont des conséquences sur
la vie quotidienne comme l’anosognosie, c’est-à-dire la méconnaissance par le patient des déficits
et de leurs conséquences, qui peut amener les patients à des projets inadaptés à leur capacité.

Les troubles cognitifs portent sur les fonctions de base, observés en cas d’AVC gauche ou droit,
comme l’attention divisée (capacité à faire plusieurs choses à la fois), la mémoire de travail (qui
permet le maintien de l’information et son traitement), les fonctions exécutives. Les fonctions
exécutives comprennent la flexibilité mentale, la résolution de problèmes, la planification, la
capacité à organiser une action dans une situation inhabituelle, dangereuse, stressante. Les défi-
ciences cognitives peuvent être limitantes dans les activités de la vie quotidienne (AVQ) (ex. :
habillage), les activités instrumentales plus complexes de la vie quotidienne (ex. : gestion finan-
cière, réalisation d’un repas) mais aussi dans la vie familiale et professionnelle. Ces déficiences
peuvent être isolées dans certains AVC dits mineurs, mais leurs conséquences peuvent toutefois
poser problème lors de la reprise du travail si cette dernière est trop précoce.

La fatigue et surtout la fatigabilité sont des plaintes fréquentes des patients [7]. Tout geste qui
peut paraître simple devient long et fatigant. C’est d’ailleurs les patients qui ont apparemment
le mieux récupéré de leurs déficiences et qui reprennent une activité au domicile et en dehors
du domicile qui se plaignent le plus de la fatigue. La fatigue peut être physique et se traduire
par une majoration de la spasticité à l’effort. Elle peut être cognitive avec des difficultés de
concentration ou la réapparition d’un manque du mot en fin de journée.

Les conséquences psychopathologiques, et en particulier la dépression, sont très fréquentes chez


les personnes avec AVC. La dépression peut être précoce dans la réadaptation avec une origine
neurologique « organique », elle affecte 30 à 50 % des patients au cours de la première année
suivant l’AVC [8]. La dépression peut être aussi réactionnelle au handicap, au cours d’un processus
de deuil. Le patient est soumis à une autre image de lui-même, il peut se sentir dévalorisé,
parfois honteux de son handicap. Sa place dans la famille et dans la société est bouleversée par
l’AVC. Un traitement médicamenteux est souvent nécessaire. Une prise en charge psychologique
devrait pouvoir être largement proposée aux différentes étapes de la confrontation au handicap.

Les limitations d’activité peuvent être mesurées par des échelles standardisées. Les plus connues
et les plus utilisées sont les échelles qui décrivent l’autonomie dans la vie quotidienne telles que
l’échelle de Barthel (Tableau I) ou la mesure d’indépendance fonctionnelle. Toutes ces échelles
ont comme point commun la description de l’autonomie dans les activités élémentaires de la
vie quotidienne, tels que la toilette, l’habillage, la prise des repas, les déplacements, l’autonomie
sphinctérienne.

Des échelles plus spécifiques d’une déficience explorent les conséquences particulières dans la
vie quotidienne. Par exemple, la négligence visuospatiale peut être mesurée par l’échelle Cathe-
rine Bergego (Tableau II) [6, 9], les troubles de communication des aphasiques par l’échelle de
communication verbale de Bordeaux [10]. Cependant, la majeure partie des échelles se limitent
aux conséquences sur les actes simples de la vie quotidienne. Peu abordent les activités
complexes, telles que l’utilisation des transports en commun, les courses, les activités de loisir,

638 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

TABLEAU I ▼ Échelle de Barthel.


Anorectal
COTATION
Incontinence = 0 Fuites occasionnelles = 5 Continence = 10

Vésico-sphinctérien
Incontinence ou sonde urinaire avec prise en charge impossible = 0
Fuites occasionnelles = 5 Continence = 10

Toilette
Dépendance complète = 0
Indépendance pour laver la face (dents/rasage/coiffure) = 5

Bain
Impossible sans aide = 0 Possible sans aide = 5

W.C.
Dépendance = 0 Intervention d’une tierce personne = 5 Indépendance = 10

Alimentation
Dépendance = 0 Aide pour couper, tartiner = 5 Indépendance =10

Transferts
Incapacité = 0 Peut s’asseoir mais doit être installé = 5
Aide minime ou surveillance = 10 Indépendance = 15

Déplacements
Incapable = 0 Indépendance au fauteuil roulant = 5
Marche avec aide pour moins de 50 m = 10 Marche plus de 50 m = 15

Habillage
Dépendance totale = 0
Aide, mais fait au moins la moitié de la tâche dans un temps correct = 5
Indépendance (pour boutonner, fermeture éclair, laçage, bretelle) = 10

Escaliers
Incapable = 0 Avec aide = 5 Indépendant = 10

SCORE GLOBAL SUR 100 :

la gestion d’un budget. Cependant, nous pouvons citer la grille AGGIR (Tableau III) très utilisée
en gériatrie et par les organismes institutionnels. Poncet et al. [11] ont récemment rapporté
l’existence de 12 évaluations situationnelles validées évaluant ou considérant les troubles des
fonctions exécutives lors de la réalisation d’activités concrètes comme la gestion de budget, la
réalisation de la cuisine... Quatre de ces évaluations sont publiées en français. Finalement, il faut
noter que la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) utilise un guide d’éva-
luation (GEVA) qui permet la synthèse des résultats des évaluations faites auprès des patients.

Le niveau de restriction de participation, de handicap proprement dit est beaucoup plus difficile
à mesurer individuellement, car si on reprend sa définition, le rôle social est très différent suivant
les individus. En général, les ergothérapeutes évaluent les restrictions de la participation par des
entrevues semi-dirigées comme proposées dans le Profil des activités instrumentales [12] par
exemple ; cependant, certaines évaluations situationnelles évaluent la restriction de la partici-
pation. De plus, les échelles de « qualité de vie » prennent en compte la vision « subjective »
du patient sur ses propres limitations, la qualité de vie n’étant pas évaluée par les patients en
proportion des déficiences.

Parmi les actes complexes de la vie quotidienne ou activités instrumentales, la conduite auto-
mobile et la reprise de travail sont deux aspects particulièrement importants des restrictions de
la participation, ils sont détaillés dans les sections suivantes.

/ 639
Partie 5 – Après l’AVC

TABLEAU II ▼ Échelle Catherine Bergego. Évaluation de l’héminégligence gauche en vie


quotidienne.
Patient : Date : AVC : H/I
Examinateur :
1. Omission du côté gauche lors de la toilette (lavage, rasage, coiffure, maquillage).
0 1 2 3 NV
2. Mauvais ajustement des vêtements du côté gauche du corps.
0 1 2 3 NV
3. Difficultés à trouver les aliments du côté gauche de l’assiette, du plateau, de la table.
0 1 2 3 NV
4. Oubli d’essuyer le côté gauche de la bouche après le repas
0 1 2 3 NV
5. Exploration et déviation forcée de la tête et des yeux vers la droite
0 1 2 3 NV
6. « Oubli » de l’hémicorps gauche (par exemple : bras ballant hors du fauteuil, patient assis ou couché sur son
côté paralysé, pied gauche non posé sur la palette du fauteuil roulant, sous-utilisation des possibilités motrices).
0 1 2 3 NV
7. Ignorance ou indifférence aux personnes ou au bruits venant de l’hémiespace gauche.
0 1 2 3 NV
8. Déviation dans les déplacements (marche ou fauteuil roulant) amenant le patient à longer les murs du côté
droit ou à heurter les murs, les portes ou les meubles sur sa gauche.
0 1 2 3 NV
9. Difficulté à retrouver des trajets ou lieux familiers lorsque le patient doit se diriger vers la gauche
0 1 2 3 NV
10. Difficultés à retrouver des objets usuels lorsqu’ils sont situés à gauche
0 1 2 3 NV

TOTAL (score total/nombre d’items valides) × 10 = /30


Cotation de l’intensité du trouble :
0 : aucune négligence unilatérale 2 : négligence unilatérale modérée
1 : négligence unilatérale discrète 3 : négligence unilatérale sévère
NV : non valide

La reprise de la conduite automobile [13] rentre dans un cadre législatif précis. L’arrêté du
18 décembre 2015 (Legifrance) fixe la liste des pathologies et des incapacités physiques incom-
patibles avec l’obtention et le maintien du permis de conduire, ou qui nécessitent un examen
médical préalable par un médecin agréé par la préfecture de police. L’AVC est directement
nommé, et tout AVC a pour conséquence une restriction temporaire à partir de sa survenue et
doit donner lieu à un accord du médecin agréé avant la reprise de la conduite.

Le médecin traitant (neurologue, médecin de médecine physique et de réadaptation, médecin


généraliste) doit informer le patient qu’il ne doit pas conduire. Le permis de conduire n’est pas
retiré au patient. Ce médecin traitant doit assurer la traçabilité de cette information en le notant
dans le dossier, ou dans un courrier. S’il doit interdire, le médecin traitant ne peut pas donner
l’autorisation officielle de reconduire.

Le patient doit faire lui-même la démarche de se présenter à la préfecture de police et rencontrer


un médecin agréé. Ce médecin pourra, le cas échéant, délivrer l’autorisation de reconduire.

Les troubles de la motricité, une séquelle d’hémiplégie ou les troubles du langage ne sont pas
des contre-indications systématiques à l’obtention du permis de conduire. En effet, dans ces cas,
des aménagements de la voiture sont possibles pour compenser la déficience. En revanche, une
hémianopsie latérale homonyme (champ visuel horizontal < 120o, exploré en binoculaire) ou des
crises d’épilepsie récentes et mal équilibrées par le traitement contre-indiquent la reprise de la

640 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

conduite. Il faut être très vigilant en ce qui concerne les troubles cognitifs ; en particulier la
négligence spatiale unilatérale gauche, les troubles de l’attention et les troubles exécutifs sont
une contre-indication moins « visible » à la conduite. Des recommandations HAS ont été récem-
ment émises dans le cadre des lésions cérébrales acquises non évolutives et du traumatisme
crânien [13]. Il n’existe pas de test cognitif parfaitement corrélé la capacité de conduite auto-
mobile. C’est pourquoi il est souhaitable de pouvoir faire des tests de conduite en situation avec
un moniteur et un ergothérapeute formés aux troubles neurologiques pour mieux évaluer les
aptitudes de conduite. Des centres d’évaluation spécialisés pour la conduite automobile se déve-
loppent depuis quelques années, souvent en lien avec les Unités d’évaluation, de réentraînement
et d’orientation socioprofessionnelle (UEROS).

TABLEAU III ▼ Grille AGGIR.


A, B ou C

Variables discriminatives

1. Cohérences : converser et/ou se comporter de façon sensée

2. Orientation : se repérer dans le temps, les moments de la journée et dans les lieux

3. Toilette : concerne l’hygiène corporelle

4. Habillage : s’habiller, se déshabiller, se présenter

5. Alimentation : manger les aliments préparés

6. Élimination : assurer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale

7. Transferts : se coucher, se lever, s’asseoir

8. Déplacements à l’intérieur : avec ou sans canne, déambulateur


Fauteuil roulant

9. Déplacement à l’extérieur : à partir de la porte d’entrée sans moyen de transport

10. Communication à distance : utiliser les moyens de communication,


téléphone, sonnette, alarme

Variables illustratives

11. Gestion : gérer ses propres affaires, son budget, ses biens

12. Cuisine : préparer ses repas et les conditionner pour être servis

13. Ménage : effectuer l’ensemble des travaux ménagers

14. Transport : prendre et/ou commander un moyen de transport

15. Achat : acquisition directe ou par correspondance

16. Suivi du traitement : se conformer à l’ordonnance du médecin

17. Activités de temps libre : activités sportives, culturelles, sociales, de loisir


ou de passe-temps

A : fait seul totalement, habituellement correctement.


B : fait partiellement.
C : ne fait pas.

/ 641
Partie 5 – Après l’AVC

Les AVC peuvent survenir chez des adultes jeunes en âge d’exercer une activité professionnelle.
En effet, un quart des AVC surviennent avant 60 ans, et certains mécanismes (dissections arté-
rielles, ruptures d’anévrisme artériel) sont particulièrement fréquents dans cette population.

Les possibilités de reprise d’activité professionnelle dépendent de nombreux facteurs individuels


liés directement aux déficiences séquellaires et aux limitations d’activité, ainsi qu’au contexte
social dans lequel évoluait le patient. La reprise du travail est l’illustration même que la notion
de handicap dépend de l’interaction entre des dimensions personnelles, les capacités résiduelles
de la personne et l’environnement social.

Les facteurs prédictifs de la reprise du travail sont la gravité de la dépendance à la sortie de


l’UNV et l’existence d’une pathologie antérieure à l’AVC [14]. Un bas niveau socio-économique
est aussi un déterminant significatif de la reprise du travail [7]. En cas de séquelles sévères, une
motivation très importante du patient est indispensable pour poursuivre un projet professionnel.

L’existence de déficiences motrices d’hémiplégie intervient bien sûr dans les possibilités de reprise
de travail, en particulier pour les professions manuelles. En effet, une hémiplégie droite chez un
droitier, même discrète, limitée à des troubles sensitifs de la main et à une difficulté pour les
mouvements alternés rapides et à la dissociation des doigts, ne permet pas la reprise d’une
activité de plombier ou de chirurgien.

Les déficiences cognitives sont aussi essentielles à prendre en compte pour la reprise de l’activité
professionnelle et pour son maintien. Bien que les déficiences cognitives aient pu être peu inva-
lidantes dans des situations de vie quotidienne, les séquelles de troubles du langage oral ou
écrit, des troubles du calcul, des troubles des fonctions exécutives, des troubles attentionnels ou
de la mémoire de travail peuvent être particulièrement gênants en situation professionnelle. En
effet, une secrétaire qui aurait des problèmes d’organisation qui n’aurait pas la capacité de
s’adapter à une nouvelle consigne ou ne serait capable de répondre au téléphone tout en prenant
des notes (doubles tâches) risquerait ne pas pouvoir maintenir son emploi sans un aménagement,
au préalable, de son travail ou sans la mise en place de compensation.

Outre les déficiences séquellaires ou la motivation, les conditions environnementales et socio-


économiques peuvent être déterminantes dans la reprise d’activité professionnelle.

L’expérience montre que la nature de l’emploi exercé et surtout le type d’entreprise dans laquelle
la personne exerce son emploi peuvent être soit un obstacle, soit un facilitateur à la possibilité
de reprise professionnelle. La reprise d’une activité professionnelle préalable à l’AVC est un
parcours difficile, mais trouver une insertion professionnelle ou une réorientation professionnelle
est encore beaucoup plus difficile, voire hypothétique.

Les démarches sociales en vue de la reprise d’activité professionnelle ne peuvent se faire effi-
cacement sans une collaboration étroite avec un assistant social, qui apporte ses compétences
sur les droits des patients, sa connaissance de l’environnement socio-économique du patient et
les apports des différents organismes.

La reprise du travail peut être faite en collaboration avec différents organismes. Suite à l’AVC,
la personne peut bénéficier d’un arrêt maladie et être couverte par l’assurance maladie (voir
ci-dessous) pour une période de 3 ans. Durant cette période, il est possible de mettre en place
une reprise progressive de l’activité professionnelle en demandant l’accord du médecin-conseil
de la Sécurité sociale pour la mise en place d’un « mi-temps thérapeutique ». Ainsi, le patient a
la possibilité de travailler à temps partiel tout en poursuivant des soins de rééducation et en
gérant sa fatigue. Le mi-temps thérapeutique est généralement d’une durée de 3 à 6 mois

642 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

renouvelables une fois, mais il ne peut dépasser un an. À l’issue des 3 ans, si la reprise du travail
à temps plein n’est pas possible, l’activité professionnelle peut être poursuivie dans le cadre d’un
temps partiel et d’une invalidité de 1re catégorie qui compense (partiellement) une partie de la
perte de revenu.

Des structures d’accompagnement précoce à la réinsertion professionnelle existent dans certains


centres de rééducation et permettent une évaluation des capacités de travail, un réentraînement
aux activités professionnelles ainsi que la mise en place de moyen de compensation. De même,
les UEROS peuvent aussi accompagner les reprises complexes à distance de l’AVC.

La MDPH, et plus particulièrement la commission des droits et de l’autonomie des personnes


(cf. infra), permet la reconnaissance « travailleur handicapé » (RQTH), l’accès à des stages de
réorientation professionnelle, la pratique de bilans professionnels. Elle n’offre pas d’emploi
directement.

Le médecin du travail est l’interlocuteur privilégié pour l’organisation d’une reprise d’activité
professionnelle. Lui exposer les difficultés séquellaires, ainsi que les capacités préservées ou
récupérées, peut permettre une adaptation du poste de travail. Il est dans notre expérience
souhaitable que les patients reprennent leur emploi dans l’équipe où ils étaient précédemment
intégrés. Cependant, l’équipe médicale est tenue au secret professionnel vis-à-vis du médecin
du travail, et le patient doit être informé de notre communication avec ce médecin. Tous les
courriers doivent d’abord être adressés au patient qui les transmet ensuite à son médecin du
travail.

Dans de nombreuses entreprises, il existe également des assistantes sociales du personnel qui
peuvent informer le salarié sur ses droits pendant l’arrêt de travail mais aussi lors de sa reprise.
Elles sont spécialisées dans le domaine du travail et se trouvent à l’interface de la vie personnelle
et professionnelle du salarié.

Un aménagement du poste de travail sera parfois nécessaire (ex. : avoir un espace suffisant sous
le bureau afin de pouvoir y glisser son fauteuil roulant, avoir une chaise ergonomique, organiser
son plan de travail...). Cet aménagement pourra se faire avec un ergothérapeute ou un ergonome
selon les besoins de la personne.

La reprise du travail peut aussi dépendre de la capacité à se déplacer de façon autonome à


l’extérieur, par les transports en commun ou en voiture. Ainsi, les déficiences motrices, une
hémianopsie latérale homonyme ou des troubles cognitifs peuvent être un obstacle majeur à la
réinsertion professionnelle si celle-ci implique des déplacements automobiles. Bien qu’il soit
possible de venir faire sa rééducation en « VSL », ce mode de transport ne permet pas d’aller
travailler. Il faut toutefois souligner que dans certaines villes ou régions, et suite à la loi de 2005,
il existe des transports adaptés et des aides aux trajets. Cependant, comparativement au Canada
par exemple, ces aides sont encore minimes et peu réparties sur le territoire français. C’est
pourquoi la reprise du travail ne s’inscrit, en général, que dans une progression de l’autonomie
au domicile, puis à l’extérieur du domicile, puis dans les transports en commun ou par la reprise
de la conduite automobile.

/ 643
Partie 5 – Après l’AVC

Pour se déplacer, le port d’une attelle de releveurs du pied ou de chaussures orthopédiques peut
permettre de compenser le déficit distal et la spasticité et faciliter la marche stable. Une canne
anglaise, une canne en T ou de type tripode, ou encore un bâton de marche peuvent être
nécessaires à la reprise et au maintien d’une la marche sécuritaire. L’utilisation d’un fauteuil
roulant peut être nécessaire au déplacement. Le choix du fauteuil se fait avec l’ergothérapeute
qui évaluera les besoins du patient (ex. : déplacement à domicile, à l’extérieur, utilisation pour
les loisirs ou le sport...), pensera aux adjonctions et aux spécificités du fauteuil roulant. Le système
des fauteuils à « double main courante » permet, par exemple, de diriger le fauteuil d’une seule
main. L’achat d’un fauteuil pliable, facilement rangé dans une voiture peut être intéressant pour
des déplacements à l’extérieur.

Pour cuisiner et se nourrir, des aides techniques peuvent aussi compenser le déficit du membre
supérieur, par exemple, l’utilisation des planches « multifonctions » de préparation culinaire, du
couteau-fourchette qui permet d’une seule main de couper et de prendre les aliments, de l’anti-
dérapant qui stabilise et fait adhérer un objet (assiette par exemple) sur la table pour compenser
la main déficiente.

Des aménagements du domicile, et en particulier de la salle de bain et des toilettes, peuvent


favoriser l’autonomie des patients. Par exemple, des barres d’appui aident aux transferts assis-
debout, des robinets mitigeurs peuvant être manipulés d’une seule main, un réaménagement de
la cuisine peuvent faciliter la réalisation des repas (ex. : poubelle avec ouverture à pied, instal-
lation d’une planche de travail amovible). Une visite à domicile de l’ergothérapeute, de l’assis-
tante sociale ou du kinésithérapeute est nécessaire pour conseiller les aménagements utiles.

Les aides techniques inscrites à la liste des produits et prestations (LPP) peuvent faire l’objet
d’un remboursement par l’assurance-maladie. Les autres aides techniques et l’aménagement du
domicile peuvent être financés par la prestation de compensation du handicap (PCH) (voir section
MDPH) (cf. infra).

Les services de réadaptation, les équipes mobiles dédiées à l’AVC ou plus largement au handicap
permettent une évaluation situationnelle du domicile.

Ces organismes répondent à deux besoins : assurer des revenus en cas d’impossibilité de travailler
et aider ou compenser les frais directement liés au handicap. Plusieurs ont déjà été évoqués dans
les paragraphes précédents.

Sécurité sociale
En cas de maladie ou d’accident, les frais de soins médicaux sont couverts par la Sécurité sociale
à la condition que des droits soient ouverts. La couverture médicale universelle (CMU) élargit
l’accès à cette prise en charge des soins. L’AVC invalidant fait partie de la liste des maladies

644 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

prises en charge à 100 %. Les médicaments, les interventions des infirmières au domicile, la
rééducation par les kinésithérapeutes ou orthophonistes peuvent être pris en charge par la Sécu-
rité sociale. L’ergothérapie, la psychothérapie ou l’intervention d’auxiliaires de vie ne sont, en
revanche, pas prises en charge.

Si le patient exerçait une activité professionnelle au moment de l’arrêt de travail, à condition


qu’un temps de travail suffisant ait été atteint, des indemnités journalières sont versées pour
une durée de 3 ans maximum. Elles correspondent à 50 % du salaire plafonné. Le plafond de
revenu de la sécurité sociale en 2017 est de 3269 euros mensuels (www.ameli.fr).
Après ces 3 ans, le patient peut être mis en invalidité, selon 3 catégories :
re
■ l’invalidité 1 catégorie reconnaît la diminution des capacités de travail et est versée en
cas de reprise du travail à temps partiel, la réduction du temps de travail étant due au
problème de santé ;
e
■ l’invalidité 2 catégorie reconnaît l’incapacité d’exercer une activité professionnelle, en
notant que, stricto sensu, pour la Sécurité sociale, il s’agit bien de la capacité à exercer UNE
activité professionnelle et non SON activité professionnelle ;
e
■ l’invalidité 3 catégorie reconnaît en outre la nécessité de la présence constante d’une
tierce personne. Ce niveau d’invalidité est très peu attribué actuellement.

Le montant de l’invalidité dépend du salaire antérieur et de la catégorie d’invalidité. Il est, là


encore, plafonné.

L’assurance maladie comprend trois principaux régimes : le régime général, le régime agricole et
le régime des indépendants, mais il existe aussi d’autres régimes spéciaux tels que celui de la
fonction publique. En fonction du régime d’assurance maladie, il existe des différences de congé
et de rémunération. Par exemple, un fonctionnaire atteint d’une affection de longue durée (ALD)
aura la possibilité de bénéficier d’un congé longue maladie (CLM), assurant une rémunération
pendant 1 an à taux plein, et 2 ans à mi-traitement. En tant que fonctionnaire, le temps partiel
thérapeutique est possible, mais pas l’invalidité 1re catégorie. En cas d’incapacité de travail, il est
procédé à une mise en retraite pour invalidité.

Maison départementale des personnes handicapées


Le 11 février 2005, le parlement a voté une loi sur « l’égalité des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées », « l’égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées » qui définit, pour la première fois, le mot « han-
dicap » qui a modifié les organisations sociales. Ce texte, dans l’esprit de la CIF, considère la
personne handicapée comme un citoyen à part entière. Il met en avant les principes du droit à
compensation, d’accessibilité et d’intégration scolaire et professionnelle.

L’accompagnement est fait autour d’un « projet de vie » élaboré par la personne handicapée,
avec souvent l’aide de son entourage familial ou des professionnels de rééducation. Ce projet
de vie et les aides souhaitées sont évalués par une équipe pluridisciplinaire réunissant un médecin,
un professionnel de rééducation et une assistante sociale.

La Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) décide des
orientations, des mesures d’insertion, des établissement et services adaptés pour l’accueil des
personnes handicapées. Elle a aussi la mission d’évaluer les attributions de l’allocation adulte
handicapé et de son complément, de la carte d’invalidité, de la prestation de compensation, de
la qualité travailleur handicapé et de l’accompagnement des personnes âgées.

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Partie 5 – Après l’AVC

La prestation de compensation du handicap (PCH) est une prise en charge des frais directement
consécutifs au handicap qui peut permettre la prise en charge financière d’aides humaines, d’aides
techniques, de l’aménagement du logement ou du véhicule ou des aides animalières. Le besoin
d’aides humaines est apprécié au moyen d’un référentiel. Il s’agit de la rémunération directe
d’un ou de plusieurs salariés (un membre de la famille sous certaines conditions) ou d’un service
prestataire d’aide à domicile agréé. Les aides techniques concernent tout instrument, équipement
ou système technique, adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d’activité
rencontrée par une personne du fait de son handicap pour son usage personnel.

Pour solliciter une prestation de compensation, les conditions à remplir sont de résider en France
de façon stable et régulière, et d’avoir entre 20 et 60 ans. La personne doit présenter une dif-
ficulté absolue pour la réalisation d’une activité, ou une difficulté grave pour la réalisation d’au
moins deux des activités précisées dans une liste touchant les quatre domaines suivants : mobi-
lité, entretien personnel, communication, tâches et exigences générales-relations avec autrui. Les
difficultés doivent être définitives ou d’une durée prévisible d’au moins un an.

Il n’y a pas d’application unique des fonctionnements de MDPH, organismes départementaux,


en lien avec le conseil général, chaque MPDP garde une certaine autonomie. Par exemple, cer-
taines MDPH appliquent à la lettre la durée de 1 an et n’ouvrent les dossiers de PCH qu’après
un an d’évolution, quand le patient est stabilisé. D’autres vont permettre l’accès à la PCH Urgence
pour accompagner la sortie de l’hôpital.

L’ouverture des droits nécessite la rédaction d’un certificat médical (www.formulaires.modernisation.


gouv.fr/gf/cerfa_15695.do) ; cet enjeu est essentiel, la plupart des personnes n’ayant pas d’évaluation
directe par l’équipe de la MDPH. La rédaction du certificat nécessite de décrire l’AVC, pas simplement
en pathologie, mais essentiellement en termes de conséquences sur les AVQ.

Ressources après AVC


Les revenus d’une personne hospitalisée, en arrêt de travail, malade ou handicapée dépendent
de sa situation antérieure.
– Si le patient travaillait avant l’AVC, ses ressources dépendent de l’assurance maladie. L’assuré
sera dans un premier temps en arrêt maladie avec un système des indemnités journalières, puis
en invalidité. Grossièrement, les indemnités correspondent, au maximum, à 50 % du salaire
plafonné.
– Si le patient ne travaillait pas, ou bénéficie de revenus faibles par l’assurance maladie, c’est
alors le principe de solidarité qui s’applique. L’allocation adulte handicapée (AAH) est un complé-
ment de ressources en cas d’incapacité totale de travail. Il s’agit de garanties de ressources
minimales, soumises à plafond de revenu. L’AAH est de 810,89 euros au 1er avril 2017 pour une
personne seule. Elle fait partie des revenus minimums tels que le revenu de solidarité active
(RSA) qui remplace le RMI depuis 2006 et qui s’élève à 537,17 euros pour une personne seule.
Une personne handicapée ayant une incapacité totale de travail peut se voir attribuer également
le complément de ressources qui s’élève à 179,31 euros. Ce qui porte le revenu à 990,20 euros.
Les associations de personnes handicapées réclament depuis plusieurs années une réévaluation
de l’AAH, car même si elle a augmenté ces dernières années, elle n’est toujours pas au niveau
du salaire minimum (SMIC) qui est de 1 480,27 euros bruts.
– Les personnes ayant une pension de retraite continuent à percevoir leur retraite de façon
inchangée.

646 /
Vie quotidienne après un accident vasculaire cérébral

Frais liés au handicap


Il faut noter que la PCH n’est attribuée qu’aux personnes âgées de moins de 60 ans et aux
personnes ayant :
■ déclenché une pathologie avant leurs 60 ans et âgées de 75 ans ou moins ;
■ plus de 60 ans toujours en activité.

Pour les autres, il est parfois difficile de financer des aides liés au handicap. Il existe alors
l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), à destination des personnes âgées de plus de 60 ans
en perte d’autonomie.

Cette allocation est modulée en fonction d’un degré de dépendance et des ressources (sans
conditions de ressources pour autant). Le niveau de dépendance est déterminé en fonction de
la grille AGGIR. Il existe 6 catégories de « GIR » ; les niveaux de dépendance de 1 à 4 ouvrent
droit à un financement des aides à domicile. Les niveaux 5 et 6 n’ouvrent pas de droit à l’APA
à domicile mais indiquent le niveau de dépendance lorsque la personne est en établissement
(Ehpad). Cette allocation peut aider à financer des aides humaines, des aides techniques, des
protections, le dispositif de téléalarme ou encore des soins de pédicure, etc. Cette aide est
financée par le département, et les dossiers sont à retirer auprès des organismes sociaux de la
mairie (service APA, service personnes âgées).

L’APA et la PCH ne peuvent pas être cumulées.

Depuis plusieurs années, le rôle des patients, des familles et des associations se développe. L’asso-
ciation France AVC apporte des informations sur l’AVC, ses conséquences et sa prévention par
l’intermédiaire du site Internet et des publications. Des fiches élaborées par l’association d’Île-de-
France permettent de répondre à différentes questions pratiques sur le devenir, le retour à la maison
et les aides possibles. Il met en ligne le guide pratique « 101 questions sur l’AVC ». Un ouvrage a
pour objet l’accompagnement des familles après le retour au domicile du patient [15].

Au sein des services de neurologie et de MPR se développent des actions d’éducation thérapeu-
tique, qui font l’objet de recommandations de l’HAS. Ces actions permettent une information
sur la prévention des facteurs de risque de récidive, sur l’observance thérapeutique (anticoagu-
lants), l’accompagnement du handicap, etc.

Comprendre les difficultés de vie quotidienne des personnes ayant présenté un AVC nécessite
d’écouter la description de leurs difficultés pour mieux évaluer les capacités préservées et les
limitations d’activité. La prise en charge médicale et sociale ne permet pas de répondre à l’aspi-
ration fondamentale des patients et de leur entourage, guérir et redevenir « comme avant ».
L’objectif est d’aider ces patients à « faire face » aux conséquences de l’AVC pour pouvoir
construire un projet de vie qui tient compte des difficultés dues aux séquelles neurologiques.

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Partie 5 – Après l’AVC

■ Références
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106-66. Arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections
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executive functions: a scoping review. Neuropsychol Rehabil socialep://www.ifsttar.fr/fileadmin/redaction/Actualites/
2017 ; 11 : 1-49. Synthese

648 /
Traité de
neurologie

Accidents
vasculaires cérébraux
Thérapeutique

Avec 140 000 nouveaux cas chaque année en France (un toutes les 4 minutes), l’accident
vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de mortalité chez la femme, la troisième
chez l’homme, la première cause de handicap physique acquis de l’adulte et la deuxième
cause de démence.

Les AVC forment un groupe de maladies hétérogènes nécessitant des traitements qui
doivent être adaptés au sous-type concerné et à la cause présumée.

Des progrès thérapeutiques majeurs ont été réalisés au cours de ces dernières années, aussi
bien sur le plan de la prévention, de l’organisation des soins que des stratégies thérapeu-
tiques de phase aiguë. En se focalisant sur les aspects thérapeutiques, cet ouvrage fait le
tour des avancées les plus récentes dans la prise en charge de ces maladies qui sont
un véritable enjeu de santé publique.

Plus d’une centaine d’auteurs de renom se sont regroupés autour des deux coordonnateurs
pour proposer au lecteur le fruit de leur expérience quotidienne.

Jean-Louis Mas, Didier Leys

La collection « Traité de neurologie » est née de la volonté de neurologues de la communauté


francophone de mettre à la disposition de leurs collègues des connaissances qui sont trop
souvent dispersées dans des publications spécialisées, rançon de l’évolution naturelle de la
discipline. Chaque ouvrage est consacré à des pathologies regroupées autour d’un grand
thème et placé sous l’autorité d’un ou plusieurs coordonnateurs. Le « Traité de neurologie »
constitue, du fait du nombre et de la diversité de ses volumes, une collection de référence en
neurologie, reflet de la richesse et de la vitalité de cette discipline.

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