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Histoire de la pensée économique

Introduction générale a l’histoire de la pensée économique


-1- L’intérêt de l’histoire de la pensée économique

Trois idées sillonnent l’introduction présentée par le Pr. EL COHEN dans son livre : les
pensées économiques :
 Il n’y a pas de pensée économique unique et par conséquent il n’y a pas d’histoire de
pensée économique unique et unidimensionnelle ; la notion de pensée économique est
plurielle ;
 Les pensées économiques sont interliées dans le temps et dans l’espace : une influence de
filiation s’est vue renforcée entre les différentes pensées au cours du temps ;
 La production d’une pensée économique est liée aux faits économiques et sociaux.
Les auteurs de l’histoire de la pensée économique posent la question de l’utilité de cette
discipline au sein de corpus de la théorie économique ; certains d’entre eux, comme Mark
Blaug (2001), affirment : « No history of ideas, we’re economists », « Pas d’histoire des
idées, nous sommes des économistes » ; l’histoire de la pensée économique est une perte du
temps quand nous avons tant à faire avec la théorie économique moderne, de formalisation et
ses complications analytiques disait Stigler. La critique la moins féroce étant que la démarche
historique entretient en son sein des contestataires. Notamment ceux qui opposent une
démarche relativiste (dans le temps et dans l’espace) à l’absolutisme de la théorie. La
démarche historique est entachée d’idéologie disait-on ? Le politique ne peut en aucun cas
être objectif.
La démarche de l’histoire de la pensée économique (HPE) est, selon de nombreux
économistes, moins rigoureuse (c’est une discipline des handicapés de la formalisation
mathématique disaient certains) et pourtant on pardonne moins une énormité historique chez
un économiste qu’une erreur (normale) dans ses calculs inductifs ou dans ses régressions
économétriques1.

Quelle utilité a donc l’histoire de la pensée économique ?


Elle permet selon Blaug de comprendre la théorie comme un cheminement discontinu avec
des retours en arrière, des recompositions permanentes, des avancées décisives dans la
connaissance et le savoir. C’est une discipline où la connaissance se veut mémorisable et une
accumulation au cours du temps. Par exemple, sans Pigou pas de Keynes et sans Keynes pas
de Friedman. Sans Walras pas de Pareto, sans Pareto pas d’Arrow, ni Debreu et sans Arrow
et Debreu pas de Grossman ni Stiglitz. Schumpeter y voit trois utilités: « un avantage
pédagogique, de nouvelles idées et des perspectives sur les voies de l’esprit humain ». On
peut y voir aussi la boîte à outils classée des économistes, ou l’expression du choix d’une
communauté très hiérarchisée (Pierce), ou encore un « marché ou [foire] à idées » (Anderson
et Tollison, 1986) plus ou moins agencé.
L’histoire de la pensée économique est une discipline qui montre les forces et les faiblesses
des idées scientifiques en économie. Elle fait resurgir la face cachée, le cœur même d’une
idée ; c’est un outil qui démaquille le corps visible d’une théorie.
Le fait de supposer des conflits dans la science économique amène à lui adjoindre des
considérations doctrinales sinon politiques. Cette perspective est importante pour faire

1
Voir Olivier Cromwell, http://mapage.noos.fr/HISTOIREECONOMIQUE/revolutionideologique.htm
admettre la diversité de la pensée et faire admettre des œuvres hétérogènes où l’historien doit
départager le scientifique de l’idéologique. L’historien doit être un vrai connaisseur de
théories économiques, un habile arbitre entre les idées économiques.
L’histoire de la pensée économique rend modeste tout chercheur ; souvent une découverte
(Gresham : la mauvaise monnaie chasse la bonne) avait déjà été anticipée par Al Makrizi
deux siècles avant. Cette perspective historique permet de mieux situer sa réflexion et ses
découvertes, en évitant au nom du refus de citer, le simple plagiat des grands auteurs…

Les risques de l’histoire de la pensée économique.


Le premier risque vient de ce que les économistes ne sont pas formés aux méthodes
historiques. D’où, souvent, du recopiage, des références de seconde main, des relectures, des
interprétations ou vulgarisations sans recherche dans les archives. En pratique, l’historien de
la science économique reste malgré lui un érudit de la théorie économique ; un économiste
avant tout.
Un second risque a trait à un type de rationalisation a posteriori, en faisant parader les idées
en ordre, en recomposant et ordonnant les idées sous forme de thèmes. Or les ouvrages les
plus célèbres (Ricardo [1817]; Keynes [1936] ; Marx [1868]) sont remarquablement
désordonnés.

-2- Les méthodes de l’histoire de la pensée économique

L’histoire de la pensée économique a pour tâche de révéler la ligne idéale de développement


de la science économique ; celle qui conduit par exemple à la découverte de l’exploitation du
travail salarié (Marx), à l’ « analyse économique des cycles » (Schumpeter), à l’analyse du
revenu permanent (Friedman) ou encore à la « théorie économique moderne » (Blaug).
Selon Mathieu François-Régis, une histoire spécifique de la pensée économique n’apparaît
qu’à la fin du 18ème siècle avec les premiers essais de Dupont De Nemours, Morellet, Ganilh,
en France, G. A Will en Allemagne, Blugjenski en Russie. Le premier traité où se développe
une périodisation effective est celui de McCulloch (McCulloch, 1824) : cinq époques de la
« Pensée Économique » y sont distinguées après l’époque préliminaire de la pensée antique.
Celles-ci sont consacrées successivement aux mercantilistes, aux physiocrates, à Hume et
Smith, aux continuateurs et/ou vulgarisateurs (Malthus, Ricardo, Storch, Say, Mill, etc.) et
aux réformateurs sociaux (Owen, Saint Simon, Fournier). Cependant, l’histoire de la pensée
économique, une fois créée, procédera à des subdivisions nombreuses et complexes (telles les
subdivisions de Luigi Cossa). On ne fera que reprendre les classements antérieurement
opérés par l’économie politique. De ce point de vue, les historiens reprennent, sans
réellement les discuter, l’idée que les Physiocrates se font de leur propre histoire (écrite
notamment par Dupont De Nemours) et la double séquence-type créée par Adam Smith, celle
de l’ « Ecole Mercantiliste », et celle de « l’Ecole Française ».

Une relecture égocentrique (égoïste, centrée sur soi-même) ?


Les procédés taxinomiques de l’ « histoire de la science économique » et du raisonnement
économique, sont d’un certain point de vue ceux de toute discipline intellectuelle : selon
Althusser, on peut dire que l’économiste part des concepts existants (temps 1), les critique
(temps 2) et aboutit (quelquefois) à de nouveaux concepts (temps 3). Si, par chance, ce
dernier temps est atteint, il tentera de le justifier historiquement en faisant converger
arbitrairement le passé de sa discipline vers le présent qu’il vient d’y inscrire (temps 4). Il
convient de noter quand même que la science économique est l’une des sciences sociales où
la production de concepts est maigre et difficile à opérer.
Des auteurs tels que McCulloch, Marx, Dühring, Keynes, Schumpeter par exemple, n’ont pas
pu agir autrement ; seuls échappent à ce schéma ceux qui, en apparence, ne tiennent compte
que de la pensée immédiatement antérieure. En conséquence, à la périodisation « classique »
de l’évolution des sociétés correspond désormais une périodisation « classique » de l’histoire
de la pensée économique où les modes de pensée, définis par des canevas d’idées communes,
s’enchaînent mécaniquement, tels les modes de production. Il en découle, en toute logique
bien sûr, que la production scientifique et historique de l’économie est la résultante des
développements sociopolitiques du moment.
Mercantilisme  Physiocratie  École classique  Marxistes et Néoclassiques  Keynes
 Monétaristes et Nouveaux Macro-économistes  Les Théoriciens de jeux et de
l’information.
Ne pouvant trancher la question de son mode de développement, l’économie politique
préfère trouver des moyens termes en intercalant entre ses séquences types des
« précurseurs », des « finisseurs », en modulant des étiquettes (néo-mercantilistes, pseudo-
physiocrates, par exemple). Dans une telle anarchie méthodologique, il n’est pas étonnant
que la majeure partie des travaux d’histoire de la pensée économique ait été employée à
colmater les brèches en exhumant des auteurs oubliés, en dénichant ici ou là un précurseur
inconnu d’une idée postérieure quelquefois de plusieurs siècles.
Le travail de l’histoire de la science économique est quelque peu ambigu et les historiens
sont maniaques sur l’origine des idées et sur leur paternité. Des fois certains historiens
oublient l’essentiel de la recherche historique en focalisant sur l’accessoire. Marx lorsqu’il a
écrit le capital (cette œuvre la plus grandiose de tous les temps, l’une des plus belles
constructions théoriques en sciences économiques) ne s’est pas occupé de vérifier les sources
historiques des idées ricardiennes ou smithiennes. Il les a étudié en leur a accordant une
certaine supériorité. Tous les économistes peuvent tomber dans le conformisme. Car
l’évolution de la science économique est conditionnée par une évolution matérielle et où le
changement socioéconomique est de longue haleine. C’est ce que Marx a démontré. C’est ce
que l’échec de l’approche économique et sociale de l’union soviétique a prouvé.
Le regard des économistes sur le passé de leur discipline est fonction de leurs propres
découvertes. Cette relecture « égocentrique » de la discipline caractérise de nombreux grands
auteurs : Smith (créant les mercantilistes et les économistes), Marx (louant l’école classique
anglaise), Keynes (rejetant ses prédécesseurs dans les « classiques »), Schumpeter
(recherchant l’analyse économique, en particulier l’abstraction généralisatrice). Cette façon
de faire du passé le démiurge de ses propres découvertes et d’en conformer les constituants
historiques (fil directeur, étapes, anticipations et résurgences) ne saurait suffire à caractériser
l’histoire de la pensée économique. Elle n’est qu’une histoire parmi les autres et retrouvera
tous les grands dilemmes de cette méthode. En tant qu’histoire d’une science, elle retrouve le
dilemme classique : devoir analyser son histoire par un critère scientifique ...lequel ne peut
être trouvé qu’au moyen d’une analyse historique préalable de la pratique scientifique.

Séquences et méthode récurrente de l’HPE.


A la différence de l’historiographie (histoire événementielle), l’histoire de la pensée
économique n’est pas seulement une discipline construite à partir de matériaux issus du passé
mais aussi elle-même une matière à réflexion. Il faut noter en outre ici que l’historien de la
pensée économique doit être avant tout un théoricien de l’économie. Last but not least, il faut
certes que l’historien de l’économie se conforme aux règles historiques (respecter les limites
imposées par ces matériaux et être pertinent par exemple), mais il doit agencer les matériaux
en fonction de l’objet à démontrer qui reste tout de même un objet théorique et scientifique.
L’histoire de la pensée économique est un « idéal type » (Max Weber) et ses séquences sont
idéal typiques également. Ainsi les découpages ou « séquences types » de l’histoire de la
pensée économique sont capables de variations infinies. Cette artificialité de l’histoire est
renforcée par la méthode récurrente ; prétendre retracer l’histoire, en se mettant dans son
évolution du passé au présent, est impossible. Nous ne pouvons que partir du présent, en
l’occurrence la science présente, d’où les risques d’ethnocentrisme, d’idéologisme ou encore
d’égocentrisme par lesquels nous avons débuté. Ainsi dans deux textes très célèbres (la
seconde postface à l’édition allemande du capital et l’introduction de 1857 à la Critique de
l’Économie Politique), Marx rappelle comment le passé ne peut être compris qu’à partir du
présent. D’où l’analogie célèbre : « L’anatomie de l’homme est une clé pour l’anatomie du
singe. Les virtualités qui annoncent dans les espèces inférieures une forme supérieure ne
peuvent être comprises que lorsque la forme supérieure est déjà connue ».
Cette conception est-elle originale ? L’histoire a pour tâche conventionnelle de montrer
comment le passé a produit, par étapes, le présent. Ou comment le présent est-il un produit
du passé ? Néanmoins, encore faut-il noter que des ruptures théoriques importantes, en
sciences économiques et de facto dans la production historique de l’économie ont été
perpétuellement introduites. Cette démarche ethnocentrique est classique, aussi bien chez les
historiens que chez les ethnologues. Marx relève cette objection, car sa conception de la
société bourgeoise est critique… « La précédente évolution historique repose, en général, sur
le fait que la dernière formation sociale considère les formes passées comme autant d’étapes
vers elle-même, et qu’elle les conçoit toujours, d’un point de vue partial. En effet, elle est
rarement capable (et seulement dans des conditions bien déterminées), de faire sa propre
critique » (Marx, ibid., p. 260). Il ne veut donc pas présenter la « succession des catégories
économiques dans l’ordre de leur action historique » (ibid. p. 262), mais dans un ordre de
succession déterminé par la place qu’elles occupent dans l’ensemble de la société bourgeoise
moderne. Au niveau de l’exposé, l’histoire a donc pour but d’étayer les hypothèses que Marx
effectue à propos de la structuration capitaliste. Or, c’est précisément en 1857/1858, que
Marx bouleverse son analyse du capitalisme. Il faut donc dissocier les textes historiques
écrits avant, et après cette date.

Epistémologie et révolutions idéologiques.


Ce débat est en fait celui de l’absolutisme contre le relativisme ; le bonheur pour les
sceptiques grecs revient à trouver un équilibre entre ces deux dogmes. L’absolutisme l’a
largement emporté en utilisant différents « critères » et « ruptures » épistémologiques.
Quelles théories économiques méritent de figurer dans l’histoire de la discipline ? Cela
revient à « séparer le bon grain de l’ivraie (plante nuisible pour les céréales) » (Blaug,
Méthodologie économique). Est-il possible, pour cela d’utiliser une science des sciences ?
Tel est l’enjeu de l’épistémologie de trouver un « critère de démarcation » entre science et
non science.

Karl Popper et l’infirmabilité (réfutabilité ou falsifiabilité) : Un critère logique ?


Le caractère distinctif d’une théorie scientifique n’est pas sa vérifiabilité mais au contraire sa
réfutabilité c’est-à-dire, la possibilité de voir l’expérimentation l’infirmer ou la démentir.
Une théorie scientifique ne peut en aucun cas être déclarée vraie une fois pour toutes ; elle
n’est jamais qu’une hypothèse, une conjecture, qui sera un jour réfutée et remplacée par une
autre. Cette affirmation est en quelque sorte la conséquence de son refus catégorique de
l’induction du fait que celle-ci ne peut être justifiée en logique.
De nombreux économistes dans les années 1950 et 1960, à leur tête Milton Friedman, ont
déduit leur méthode des critères de Karl Popper.
Mais généralement la méthode de la science économique est une méthode basée sur
l’induction elle même basée sur la vérification empirique. Le vérificationnisme assied bien à
une méthode économique inductive : le métier consiste ainsi à partir du constat d’événements
passés et à en induire des événements probables (c’est une sorte de généralisation afin
d’aboutir à une loi ou théorie). Les grands théoriciens de l’induction sont des économistes tel
que John Stuart Mill avec son System of Logic, ou encore Stanley Jevons, John Maynard
Keynes et Harrod.
La méthode déductive trouve beaucoup de difficulté à être appliquée en sciences
économiques. Rien ne garantit que les propositions de l’économie soient testables
(notamment tout ce qui ressort de la logique déductive). En effet, l’économiste élabore des
hypothèses liées à la rationalité qui ne sont pas « vérifiables » ; Knight sera très net sur ce
point, opposant la méthode hypothétique des économistes aux prétentions empiriques des
anthropologues, notamment Herskovits. Selon Knight, l’économie n’est pas susceptible de
test empirique quand elle traite d’un comportement rationnel.
Popper s’en prend aux théories économiques non réfutables, à savoir qui ne sont pas
réfutables empiriquement !
On ne peut ainsi tester les lois historiques générales ou encore le totalisme sociologique ; des
expérimentations globales sont difficiles. L’histoire doit, de toutes façons, se préoccuper
(Popper, 1960 p. 141) des événements réels, singuliers ou particuliers. L’histoire est
sélective, interprétable d’un quelconque point de vue (cf. supra. Weber) mais ses
interprétations ne peuvent pas être vérifiées et infirmées. Ce critère est au centre de l’ouvrage
de Blaug (Histoire économique : origines et développement), ainsi tant l’axiomatique que les
théories de Marx ou néo-ricardiennes (Sraffa) sont critiquées sinon rejetées au nom de ce
critère.

Vers le pragmatisme : paradigmes et programmes de recherche scientifique.


a- Paradigmes.
Contrairement à Popper dont la conception est considérée comme normative (voilà comment,
en logique, les choses devraient se passer), T.S. Kuhn présente une approche beaucoup plus
descriptive de l’histoire des sciences physiques. Il va interpréter cette histoire en termes de
révolutions, en donnant un grand poids aux attitudes et croyances des scientifiques eux-
mêmes.
Le schéma général de cette évolution historique est le suivant :

Pré-science  science normale1  crise, révolution  science normale2  crise, etc.


Dans la « structure des révolutions scientifiques », Kuhn (1973) emprunte la notion de
paradigme à De Saussure, linguiste suisse. Dans cette acception linguistique, il désigne un
groupe donné d’associations liées à un mot. Chez Kuhn le paradigme devient : « la
constellation de croyances, valeurs, techniques, etc. partagée par les membres d’une
communauté donnée. Dit autrement, paradigme ou modèle est un appareil théorique et
ensemble de procédures, de lois et de schémas exemplaires constituant la « matrice
disciplinaire » qui encadre et oriente provisoirement la recherche dans un domaine défini.
Notons que le paradigme est un acquis, mais aussi une présomption, une hypothèse
scientifique non durable, sujette à un dépassement et qui peut être entachée d’une anomalie.
L’anomalie est ainsi une remise en cause du paradigme, un phénomène inexpliqué par lui.
L’accumulation d’anomalies – ou une anomalie qui atteint les bases les plus profondes du
paradigme – conduit alors à une crise du paradigme : les scientifiques réalisent qu’ils ne
peuvent plus affirmer leur présomption de savoir.
Nous notons par ailleurs qu’il n’existe pas de raisons qui permettraient d’affirmer la
supériorité du nouveau paradigme sur l’ancien ; ceci pose en particulier le problème de savoir
pourquoi le groupe scientifique s’y rallie. Cette absence de raison logique provient de ce que
les deux paradigmes sont « incommensurables » : chacun voit le monde à sa façon. Ces
affirmations relatives au changement du paradigme a conduit nombre de commentateurs à
qualifier Kuhn de relativiste. En économie, de nombreuses révolutions peuvent ainsi scander
(ponctuer, analyser morceau par morceau) l’histoire de la pensée économique : révolution
néo-classique, révolution keynésienne (Coats, 1971 ; Barrère 1979) et contre-révolution
keynésienne (cf. Leijonufvud)... Mais la révolution paradigmatique n’est pas très pertinente
en économie où les continuités, les recompositions, les généralisations en particulier, sont
courantes. Le renouveau de l’économie ricardienne avec Sraffa, la redécouverte de Walras
dans les théories contemporaines du déséquilibre, la particularisation du chômage keynésien
dans une théorie générale du chômage, etc. sont autant d’exemples. Ces affirmations peuvent
être illustrées par le schéma suivant :

Science normale 1
Problèmes Anomalie grave
résolus par
l’ancien
paradigme

Science normale 2 nouveaux problèmes qui devraient être


résolus
Nouveau paradigme
Nouvelle anomalie

L’anomalie est résolue par le nouveau paradigme


Problèmes qui ne sont plus posés
dans le nouveau paradigme
Anciens problèmes résolus
différemment

Source : Mouchot C., Méthodologie économique, Hachette, 1996, p. 48.

b- Le programme de recherche scientifique (PRS) de Lakatos.


Imre Lakatos refuse à la fois le réfutationnisme de Popper et la présentation socio-historique
de l’évolution des sciences de Kuhn. Au premier, il reproche son caractère anhistorique et
normatif : la réalité de l’évolution scientifique ne corrobore pas les affirmations de Popper.
Au second au contraire, il reproche son relativisme : il fait la part trop belle aux « intérêts »
du groupe scientifique comme critère de l’évolution des sciences, en abandonnant toute
tentative d’explication rationnelle de cette évolution. Popper n’est que logique ; Kuhn
n’expose qu’une histoire circonstancielle.
« Sans l’histoire des sciences, la philosophie des sciences est vide ; sans la philosophie des
sciences, l’histoire des sciences est aveugle »2.
Selon Lakatos, il existe des grappes de théories interdépendantes qui connaissent des
« noyaux » résistants et des parties flexibles et enfin une heuristique [partie de la science qui
a pour objet la découverte des faits] positive [en tant que capacité de s’adapter à la réalité].
Le développement scientifique modifie cette structure, en dégénérant certaines parties,
recomposant d’autres; certains PRS peuvent être progressifs, d’autres dégénérants. Lakatos
souligne que cette recomposition peut s’effectuer par particularisation et généralisation ; ce
qui intéresse la science économique.
« Un programme de recherche consiste en une série de théories qui se développe et présente
en outre une structure »3.
Le développement de la série considérée consiste dans le fait que chacune est « obtenue en
ajoutant des clauses auxiliaires à la précédente pour rendre compte d’une certaine
anomalie » et a « au moins autant de contenu non réfuté que la précédente ». Mais cette
introduction de clauses auxiliaires ne se fait pas de façon arbitraire du fait que la série de
théories possède une structure qui se définit pour l’essentiel par l’existence d’un noyau dur :
ensemble d’hypothèses qui sont déclarées irréfutables par décision méthodologique. Les
clauses auxiliaires introduites ne doivent jamais mettre en cause le contenu de noyau dur :
toute anomalie devra donc être expliquée en modifiant ou en complétant l’ensemble des
hypothèses autres que celles du noyau dur, ensemble que Lakatos appelle le « glacis (mur,
talus) protecteur ». On peut alors assimiler un programme de recherche à une construction de
théories plus ou moins emboîtées (adjonctions ou modifications d’hypothèses) autour du
noyau dur.

2
Lakatos I., Histoire et méthodologie des sciences, PUF, 1994, p. 185.
3
Lakatos I., Histoire et méthodologie des sciences, PUF, 1994, p. 164.
Chapitre 1 : les pensées économiques précapitalistes
Trois points seront développés dans ce chapitre :
 La pensée économique grecque, développée dans un contexte florissant où, le
commerce maritime et autres types d’échanges de marchandises ont marqué l’ère du temps
dès le 7e siècle Av. J.-C. ;
 La pensée économique arabe avec Ibn Khaldoun dans la prise en compte des faits
économiques et sociaux et dans l’explication de l’histoire et avec El Makrizi dans
l’explication des phénomènes monétaires ;
 Les mercantilistes ont développé les notions de richesse, de l’échange international, de
développement de commerce et des métaux précieux…

-1- La Grèce, berceau d’une réflexion ou prémices d’une réflexion sur la pensée
économique

La pensée économique dominante, conventionnelle (celle des auteurs classiques et


néoclassiques…) est construite en s’opposant à la pensée grecque.
La pensée grecque est fondée sur un idéalisme. La vie de la cité est promue au rang d’une
conduite sociale et politique idéale. Cette conception de la cité a conduit Platon à proposer la
suppression de la propriété pour les classes supérieures de la société. Aristote défend au
contraire la propriété.

L’organisation économique et sociale préconisée par Platon


« La philosophie de Platon constitue une tentative pour présenter une conception synthétique
du monde en dépassant les contradictions des penseurs précédents ».
Platon rejette le matérialisme des physiciens. Pour Platon, les lois humaines ne sont qu’une
imitation, plus ou moins bonne de la justice idéale qui appartient au monde surnaturel. Dans
ce cadre, il annonce une cité idéale dans laquelle règne la justice.
Platon a développé une conception moraliste de l’économie et de la politique : « il faut
écarter de la société toute possibilité de commettre des actes qui souillent l’âme de l’individu,
avant tout l’activité commerciale ».

L’organisation économique et sociale préconisée par Aristote


Aristote est un opposant farouche à la pensée de Platon. Il est l’adversaire du communisme
prôné par Platon et même de l’égalitarisme que Platon défend dans les Lois. En ce qui
concerne la propriété collective des biens, Aristote répond par la négation. « En général
écrit-il, partager la vie d’autrui, mettre tout en commun, est pour l’homme une entreprise
difficile entre toutes » ; il ajoute encore « les possesseurs de biens en commun ou en
indivision ont entre eux des conflits beaucoup plus fréquents que les citoyens dont les intérêts
sont séparés ». Aristote est l’adversaire de l’égalité des fortunes proposée par Platon dans les
Lois.
Accusé d’être le philosophe de prince, Aristote justifie l’esclavage lorsqu’il avance que la
nature dicte à l’homme un premier enseignement qui consiste en ce que le travail de
production doit être confié à des esclaves. En adoucissant son propos, il pose la question de
savoir en effet les modes naturels de l’acquisition des biens : c’est l’agriculture, l’élevage, la
pêche, la chasse et même le brigandage qui est une sorte de chasse. Dans toutes ces activités,
il y a appropriation par l’homme des autres êtres vivants et « c’est nécessairement en de
l’homme que la nature a fait tous les êtres vivants ». Aristote condamne par contre le
commerce (le troc entre autres). Dans le commerce dit-il, l’individu répudie toute notion de
mesure, et donc de vertu, car la vie vertueuse est une vie ordonnée, mesurée. Le commerce
est condamnable dans la mesure où il aboutit au monopole source de disette et
d’enrichissement sur le dos des autres. Il condamne aussi le prêt à intérêt et le travail salarié,
c’est-à-dire le fait de vendre son travail contre de l’argent.
Pour conclure, une limite à la pensée d’Aristote est que ce dernier rejette tout changement
dans le devenir de l’histoire, Aristote est un conservateur ; il voit dans le principe des
contradictions, un principe naturel. Il est même une essence des choses. Aristote nie en cela
l’histoire.

-2- La pseudo-pensée économique arabe

Dans cette introduction liminaire, il faut clairement noter qu’il n’y avait pas vraiment une
pensée économique arabe autonome bien développée ; il s’agissait tout simplement d’une
pseudo-pensée. La pensée économique arabe, comme l’a été d’ailleurs son aînée grecque,
restait liée amplement à la théologie et à la morale. La religion musulmane intervenait
comme étant un fondement théorique et surtout éthique des structures économiques et du
comportement des sujets économiques et sociaux. Deux auteurs (connus pour leurs travaux
en histoire et en sociologie plus que dans le domaine économique) retiennent notre attention
concernant l’analyse de certains phénomènes économiques et sociaux. Il s’agit en
l’occurrence d’Ibn Khaldun et El Makrizi.
Avant de porter un éclairage sur ces deux auteurs et leurs travaux respectifs, il est préférable
de commencer tout d’abord par étudier le contexte économique, commercial et social du
monde arabo-musulman et ses relations avec le reste du monde.

Les rapports économiques et commerciaux du monde arabe avec le reste du monde.


L’empire arabo-andalous a joué durant quatre siècles au moins (9ème – 12ème) un rôle
important dans la floraison du commerce à travers les routes commerciales : les épices, la
soie, les métaux précieux (or, argent), l’ivoire…
Le développement du commerce au Moyen Orient et au nord de l’Afrique en liaison avec
l’Asie (extrême orient), avec l’Afrique noire (Soudan) et avec l’Europe a permis la floraison
des rapports commerciaux avec l’Europe à travers l’Andalousie. Les grecs, très attachés à la
terre, découvrirent le commerce ; et grâce à ce dernier, la Grèce, en s’ouvriront sur le sud de
la Méditerranée a découvert l’ivoire en provenance de l’Afrique, les épices, les parfums et les
étoffes (tissu) en provenance de l’Asie en transitant par l’Egypte, l’Ifriquia (Tunisie) et le
Maroc.
Bien avant la naissance de l’Islam, les arabes sont présents sur la scène du commerce
international ; ils en maîtrisaient les techniques. Le développement de ce commerce était
perturbé par la coexistence de deux éléments : les divisions tribales entres arabes eux-mêmes
et les guerres entres les grands empires : les perses et les byzantins.
L’empire arabo-musulman a marqué l’histoire par sa puissance militaire, économique,
commerciale et politique ; sa décadence commence avec la décadence concomitante de
Machrek et de Maghreb au 13e siècle. L’empire arabo-musulman a marqué l’histoire aussi
par le développement des sciences de l’homme et de la nature. Une pensée économique et
sociale était dépendante de la loi religieuse (charia) et de la théologie (le juge et l’Imam
statuent sur les questions économiques, tels les impôts, l’usure, le monopole, le commerce
équitable…). Le rapport de l’économique avec le fait religieux se veut un type de
moralisation du marché, de l’équité entre les différents intervenants et d’une éthique sociale
et religieuse. Les prémices d’une pensée économique, financière, historique et sociale ne se
sont faits sentir qu’avec la pensée d’Ibn Khaldun et les réflexions d’El Makrizi sur la
monnaie et les échanges commerciaux.

Ibn Khaldun et El Makrizi


a- Ibn Khaldun
Ibn Khaldun est né à Tunis, en 1332, dans une famille de la grande bourgeoisie andalouse
d’origine yéménite. Il a écrit la Muqaddima (Prolégomènes) (1377), qui relate le Discours sur
l’histoire universelle. Il est décédé en 1406.
Le mot Asabiya est couramment utilisé pour dire esprit de corps, patriotisme, esprit de clan
ou tribal, tribalisme, consanguinité, liens de sang. Cette conception ne nous fait pas saisir
pleinement l’idée développée par Ibn Khaldûn ; elle semble vouloir dégager une unanimité
voire une loi générale au lieu d’en extraire les lacunes. L’idée d’Ibn Khaldûn revient, en
effet, à expliquer l’appartenance à une même ethnie par le terme Asabiya, sans entrer pour
autant dans une hiérarchisation fondée sur leur valeur relative.
Pour dégager la notion de la Asabiya, Ibn Khaldûn étend son champ d’application à d’autres
pays que les pays musulmans et berbères ainsi qu’à d’autres peuples, à savoir le peuple
israélien, les grecs avec Alexandre le Grand. Des auteurs, tel Lacoste (1998), semblent
regretter qu’Ibn Khaldûn ait été gêné dans le développement de sa théorie par des
considérations religieuses et par une vision traditionnelle de l’histoire et de la civilisation
musulmane. En fait, chez Ibn Khaldûn, la religion joue un rôle décisif dans la construction
de la société humaine et dans la détermination des facteurs qui peuvent influencer son
changement historique.
Définie de maintes façons, comme on a signalé plus haut, l’Asabiya représente le concept
pivot des théories d’bn Khaldûn. Ce terme Asabiya est utilisé par Ibn Khaldûn près de cinq
cents fois. Insister sur son utilisation, malgré l’existence d’autres expressions et des mots
arabes qui peuvent être plus précis, montre la volonté d’Ibn Khaldûn de désigner un fait
relativement complexe qui est l’association de plusieurs éléments politiques, sociologiques,
voire psychologiques. L’importance de l’Asabiya dans les Prolégomènes ne renvoie pas à
une volonté d’universaliser une théorie, même si les différentes interprétations ont tenté d’y
faire un phénomène existant dans tous les temps et dans tous les pays. Ces études oublient le
cadre historique précis dans lequel se situe l’Asabiya chez Ibn Khaldûn. Pour ce dernier la
Asabiya « caractérise spécifiquement l’Afrique du Nord et y explique la persistance du
phénomène tribal et l’instabilité politique » (Lacoste, 1998).
La majorité des commentateurs d’Ibn Khaldûn ont procédé à un examen approfondi de
l’Asabiya. Cette dernière est devenue la formulation particulière de notions sociologiques
universelles : volonté commune, solidarité sociale, esprit public, etc. Ces différentes
interprétations ont mis l’accent sur un élément constitutif de l’Asabiya, à savoir la solidarité
entre les membres d’une communauté. Or cet aspect tribal du terme n’est qu’une partie de la
définition complète, car elle passe sous silence le rôle du chef de la tribu. Il ne suffit pas que
le chef soit caractérisé par la Asabiya, que les groupes d’hommes soumis à l’autorité de ce
dernier soient caractérisés eux-aussi par la Asabiya. Deux caractéristiques de l’Asabiya sont
à signaler. La hiérarchisation et l’aristocratie. Comme on l’a vu, la solidarité est une
condition importante pour l’existence de la Asabiya, or elle n’en est pas la plus importante.
L’Asabiya est tout d’abord une hiérarchie appuyée par un chef d’Etat soutenu par sa famille
et ses fidèles.
On doit à Ibn Khaldûn une explication matérialiste de l’histoire dans la mesure où il cherche
dans la décadence des pays de Maghreb à l’âge médiéval les causes matérielles, politiques et
sociales les plus profondes. Il confirme ce propos lorsqu’il dit : « à la base de toute société, il
y a sa manière de subvenir à son existence (…) il faut savoir que les différences dans les
manières d’être des sociétés humaines ne sont dues qu’à la façon dont elles pourvoient à leur
subsistance ». Il annonce en cela Marx, mais aussi Braudel : l’histoire est gouvernée non pas
par des événements politiques, mais par un processus conflictuel mu par les faits et causes
profonds liés à l’économie, la politique et la société.
Ibn Khaldûn parle aussi de la division sociale de travail ; le travail est à la base de toute
création de valeur. Il analyse la crise politique de l’Etat en la souscrivant dans une approche
économique sociale et civilisationnelle.

b- El Makrizi
El Makrizi (1364-1442) est considéré comme disciple d’Ibn Khaldun. On attribue la paternité
de la loi de Gresham (la mauvaise monnaie chasse la bonne) à El Makrizi.
El Makrizi se penche sur le fonctionnement de l’économie et des crises économiques dans
ses aspects monétaires et sociaux.
Une mauvaise gestion monétaire a, selon El Makrizi, des effets néfastes sur la production et
la circulation des biens ; ceci peut induire à des crises économiques (comme l’inflation) et
sociales (comme le chômage et la détérioration de pouvoir d’achat des travailleurs).
Il lie aussi la survenance des crises à la corruption de l’Etat et de ses fonctionnaires par
l’augmentation des prélèvements en défaveur des paysans et à l’utilisation de l’étalon cuivre
comme monnaie de l’échange

-3- Les mercantilistes

L’expression d’économie politique a été utilisée, pour la première fois par un mercantiliste
français, Antoine de Montchrestien en 1616.

Développement du capitalisme, révolution idéologique et mouvement des idées


Esprit du capitalisme et éthiques religieuses sont intimement liées. La thèse de Max Weber
nous rappelle, que dans le contexte de la révolution idéologique du 17ème siècle : l’esprit du
capitalisme adapte la religion protestante à ses fins pratiques, sous la forme du puritanisme
(austérité extrême). Cette doctrine est composée d’individualisme, d’utilitarisme,
d’hédonisme, de libéralisme et des valeurs de la révolution anglaise du 17ème siècle. Le
capitalisme trouve sa rationalité dans l’éthique puritaine à l’occasion de cette révolution.
La question se pose alors de l’évolution historique de cette éthique capitaliste face à d’autres
éthiques religieuses qui ont elles-mêmes évolué.
Dans le devenir idéologique de l’Europe occidentale, il n’y a ni Moyen Age ni Renaissance.
En ce début du 16ème siècle est installé un système socioculturel, trop reconstruit, mal
reconstruit et craquant de toutes parts, qui s’efforce dans une ambiguïté et une faiblesse de
plus en plus grande, de justifier l’ordre féodal. Or, au sein même de ce système surgissent des
événements (pratiques quotidiennes, inventions et découvertes entre autres de l’Amérique)
rendent nécessaire une remise en cause du discours légitimant.
L’ancienne idéologie se maintient par la force et les intellectuels ne peuvent qu’attendre une
solution politique ; d’où des exigences croissantes des marchands, des artisans, face à leurs
besoins pratiques. Ces derniers se retrouvent dans le puritanisme, la nouvelle idéologie
naturaliste et expérimentale, la croyance au progrès, le parlementarisme, l’austérité, le
patriotisme insulaire (qui appartient à la personne, îlien (# continental)), etc.
En face, l’ancienne idéologie est faite de néo-papisme, des indulgences de l’église catholique
de théologie traditionnelle, de méthode scolastique (relative à un dogme, à une école, à une
orthodoxie), de pessimisme sceptique, de royalisme, de goût de la volupté (jouissance
pleinement goûtée ; sensualité).
Winstanley, dénonce une division sociale de la culture entre, selon les termes de Hill (1977),
les « spécialistes érudits et inutiles et les hommes actifs et sans instruction ». Un membre élu
de la paroisse peut, selon lui, animer, tout à la fois, sans formation spéciale, des débats de
théologie, de philosophie, de médecine, d’histoire et d’instruction civique.
Selon Mathieu François-Régis, trois principaux caractères au moins déterminent la révolution
idéologique du 17ème siècle en Angleterre :
 Elle est antiacadémique et sociale ; c’est la période de la Renaissance, un mouvement
d’idées nouvelles est en train de se forger ; critique de l’église et de ses indulgences : c’est le
temps de la réforme religieuse avec Luther, Calvin et Zwingli.
 Elle est générale, apportant à la plupart des sciences, dans l’explication du monde et la
compréhension des sociétés un nouveau socle philosophique et méthodologique.
 Son caractère religieux est très prononcé.
La révolution idéologique du 16/17ème siècle repose sur l’expérimentation, la quantification,
la généralisation (méthode inductive). Cette révolution en Angleterre est très influencée par
la pensée philosophique de Bacon, Hobbes, Hume et Locke.
Ce qui est évident, dans la généralisation inductive dont la méthode fournie par Bacon sera
largement reprise par Stuart Mill, c’est la régularité. Rien d’étonnant à ce que la crise soit si
difficilement intégrable dans la tradition inductive des économistes. Aussi limitée qu’elle
puisse paraître sur le plan scientifique, cette méthode a une valeur idéologique très
importante. Elle accélère les remises en cause, en prouvant la matérialité des faits contre
l’ancienne idéologie.

a- L’apport méthodologique de Bacon (1561-1626)


Quelles sont les propositions de Bacon ? Face à la conception passive, fataliste, hiérarchisée
du savoir, il oppose une conception active, optimiste, très homogène. Face au cosmos des
anciens, fini, ordonné, hiérarchisé, il conçoit une homogénéité du monde qui sera précisée
par Galilée. Cette homogénéité est telle que, selon Bacon, « nous devons donc suivre l’unité
de la nature et ne point en scinder l’étude ».

b- L’influence de Hobbes
L’apport méthodologique de Hobbes est controversé. Si Léo Strauss doute de son originalité,
Mc Pherson sur la base de l’individualisme possessif en fait l’un des responsables de
l’idéologie économique contemporaine. Hobbes, apporte de nombreux éléments
méthodologiques et une trame philosophique complémentaire aux idées de Bacon. William
Petty lui fera de larges emprunts (tout en contredisant ses théories politiques) de même que
Jean Locke qui tentera d’en faire une synthèse. La philosophie naturelle chez Hobbes part
des sensations. Celles-ci ne seraient cependant être spontanées. Dans le Léviathan, il rappelle
que la sensation ne saurait provenir des hommes eux-mêmes ou être insufflées par Dieu. La
cause de la sensation c’est le corps extérieur ou l’objet. Sensation et image rémanente sont
seulement des accidents, des qualités de certains mouvements qui, à leur tour, sont des
accidents, des qualités des esprits. Les idées sont déterminées par les sociétés où elles se
développent. Dans le processus de la connaissance, l’homme est l’obstacle principal car il
reçoit les sensations, mais les interprétera difficilement. Peut-être aura-t-il en lui une raison
éclairée lui permettant de découvrir la structure rationnelle de l’univers. Cette démarche
rationnelle lui permettra de dépasser le stade des sensations qui est commun aux animaux.
Hobbes critique sévèrement l’induction du Bacon et l’usage abusif qu’en aura la Royal
Society de Londres. L’expérience ne peut fournir de conclusion universelle sans
raisonnement (ratiocination). L’homme raisonne en additionnant ou en soustrayant des
connaissances sensibles grâce à un calcul de type logique. Ainsi le calcul mathématique
emploie des mots et est une traduction symbolique d’une approche littérale. Leur définition
préalable est fondamentale : toute science chez Hobbes est verbale et nominative. Cette
importance de la définition correspond à un besoin réel de l’époque et suscitera la création de
nombreux dictionnaires : le premier dictionnaire anglais est publié par Cockeram en 1623,
deux autres dictionnaires suivront en 1656 (Blount) et en 1658 (Philips). En ce sens que les
mots et les concepts sont de pures abstractions spirituelles. Petty s’est par la suite lancé dans
ce genre d’exercice et fera largement appel à Hobbes. Comme le dit ce dernier, « la plupart
des idées sont des mots, des conceptions qui n’existent qu’à titre d’abstractions de notre
esprit ; ce sont des illusions subjectives ».

Les mercantilistes et leur doctrine


Le mercantilisme a toujours été une politique économique que presque toutes les nations
commerçantes ont suivi à la fin du 16ème siècle, 17ème siècle et au début de 18ème siècle et qui
visait à accroître la richesse et la puissance nationale en favorisant l’exportation de biens en
échange d’or et d’argent. Les mercantilistes avaient pour objectifs clés la commercialisation
et l’industrialisation. Ils ont développé le concept de balance des paiements surtout parce
qu’ils considéraient qu’il y allait de l’intérêt national de réaliser un excédent des exportations
sur les importations et d’acquérir ainsi des métaux précieux.
Comme le note El Cohen4, le mercantilisme est une pratique liée au commerce à une époque
où l’Etat se renforce. S’opposant à l’idée de Machiavel selon laquelle « dans un
gouvernement bien organisé, l’Etat doit être riche et les citoyens pauvres », le mercantilisme
va développer la thèse selon laquelle l’Etat accroît sa force en favorisant l’enrichissement des
citoyens (naissance de bourgeoisie). La défense d’un Etat fort par les mercantilistes n’est
qu’en apparence ; le vrai souci des mercantilistes (marchands, manufacturiers et financiers)
est la conquête de nouvelles terres à la recherche des métaux précieux. On passe donc de la
conception de l’Etat en tant que finalité suprême à la conception de la richesse valeur
suprême.
En Angleterre, les auteurs mercantilistes étaient surtout des marchands et leurs écrits avaient
d’habitude la forme de pamphlets (court écrit satirique qui attaque violemment l’institution
ecclésiale et féodale). La branche germano-autrichienne du mercantilisme, appelée
caméralisme5, était différente, parce que les auteurs étaient, pour la plupart, des conseillers de
gouvernement, des fonctionnaires, et des professeurs ; et leurs traités avaient la forme de
livres. Ils insistaient plus sur l’industrialisation de pays que sur l’expansion commerciale.
Leur objectif était d’encourager une industrie nationale et une économie autosuffisante. Les
caméralistes germano-autrichiens, comme Von Hornigk, étaient favorables à la protection
d’industries spécifiques et à l’octroi de subventions afin de les rendre compétitives plus tard.
Le type français de mercantilisme (le colbertisme) était plus vigoureux que la branche
anglaise, et fut administré par des fonctionnaires civils compétents sous la direction de Jean-
Baptiste Colbert. La France recourut à un contrôle strict de la part du gouvernement et à des
règlements pour parvenir à l’unification de l’économie nationale et à la croissance de

4
El Cohen A., Les pensées économiques, Imprimerie Walili, 1994, pp. 13-21.
5
Car il sortait de l’arène politique.
l’industrie, mais, bien qu’elle fût l’une des nations mercantilistes les plus rigoureuses, elle
n’eut que des résultats plutôt médiocres.
En Espagne, parmi les mercantilistes les plus célèbres, on peut citer Ortiz qui publie en 1588
un Mémoire au roi pour empêcher la sortie de l’or.
Nous reviendrons dans ce qui suit, en quelques détails, sur les cas anglais et français de
mercantilisme.

a- Le mercantilisme français
La pratique mercantiliste française remonte à Louis XI, mort en 1484. Celui-ci établit la paix
avec l’Angleterre et tente de supprimer les obstacles qui gênent le commerce en supprimant
les péages et en créant des foires dépendantes de l’autorité de l’Etat. Il a essayé une réforme
monétaire qui échouera à cause de la pénurie de l’or.
Nous nous forcerons à traiter dans ce qui suit deux grandes contributions du mercantilisme
français :
 La contribution de Jean Bodin (1530-1596) : cette contribution, exprimée dans son
livre « Les six leçons de la République », retrace trois principes. Le premier concerne la
subordination nécessaire du pouvoir religieux au pouvoir de l’Etat ; le second a trait à la
liberté de conscience et le troisième est relatif à l’autorité monarchique. Pour Jean Bodin,
l’augmentation des prix est causée par l’afflux des métaux précieux, mais aussi par la
constitution de monopoles et par l’existence des dépenses excessives des classes riches et à la
forte demande extérieure.
 La contribution d’Antoine de Montchrestien (1576-1621) : Antoine de Montchrestien
est l’inventeur de l’expression de l’économie politique. Il partage les idées politiques de Jean
Bodin. Dans son Traité de l’économie politique, reprend l’idée développée par Bodin dans la
République, selon laquelle la guerre contre l’extérieur est utile à la paix intérieure. Il partage
aussi l’idée politique principale de Machiavel selon laquelle : « l’ordre social exige la
soumission aux plus forts ».
Pour maintenir une certaine stabilité politique et sociale, Montchrestien préconise de
préserver un certain bien-être général au profit de toutes les classes sociales. Mais ceci ne
peut se réaliser que si un niveau d’effort au travail soit fourni ; il écrit : « l’homme est né
pour vivre en continuel exercice et occupation ». Il est en cela le précurseur des économistes
classiques. Le travail, selon lui est la source de bonheur ; il permet de créer de la richesse. Le
travail lié au commerce est le plus important de toute sorte du travail humain. Comme
Aristote, Montchrestien préconise une certaine autorité de l’Etat : l’intervention de l’Etat doit
être autant politique qu’économique.

b- Le mercantilisme anglais
Les mercantilistes anglais sont très nombreux ; leurs contributions ont été plus enrichissantes
et plus consistantes. Nous pouvons citer, par exemple :
 William Petty (1623-1685) : dans son Traité des taxes et contributions (1662),
William Petty avait avancé l’idée selon laquelle la valeur des choses dépend de la quantité du
travail dépensée pour leur production. Il écrivait : « la cherté et le bon marché naturels
dépendent de plus ou moins nombre de bras requis pour les produits nécessaires à la vie : le
blé, par exemple, est meilleur marché là où un homme peut en produire pour dix que là où il
ne en produire que pour cinq ». Cependant, Petty n’est pas confirmatif de propos concernant
la loi de la valeur travail lorsqu’il avançait dans un passage du même livre, « tout devrait
être évalué d’après deux dénominations naturelles qui sont : la terre et le travail » ;
 John Hales : l’un des premiers ouvrages exprimant la philosophie économique du
mercantilisme est celui de John Hales intitulé, Discours sur la prospérité publique de ce
royaume d’Angleterre. John Hales écrivait au moment où les enclosures et l’élevage ont
commencé à se développer au détriment de la culture traditionnelle entraînant par là un exode
rural et un paupérisme ambiant des paysans. Hales n’a pas ignoré que ce paupérisme est dû à
l’accaparement (achat des terres à bas prix) des terres par les riches qui veulent fructifier leur
argent. Face cette transformation dans le régime agraire, Hales propose le développement de
l’industrie car cette dernière peut avoir un effet bénéfique sur le bien-être des populations et
entraîner l’enrichissement des manufacturiers ;
 Thomas Mun (1571-1641) : il porte son attention au rôle que peut jouer la promotion
des exportations dans la prospérité économique et sociale du pays. Il fut l’un des directeurs
de la compagnie commerciale des Indes Orientales et l’un des auteurs mercantilistes anglais
les plus connus du 17ème siècle, expliqua l’importance de la balance des paiements dans son
ouvrage England’s Treasure by Foreign Trade (Un Trésor pour l’Angleterre grâce au
commerce extérieur) ;
 John Locke (1632-1704) : pour Locke, philosophe, les hommes vivent originellement
dans un état de nature, dans lequel la liberté individuelle (être maître absolu de soi, n’être
sujet de personne) et la propriété privée (fondée sur le travail et le droit de jouir de ses fruits)
sont des droits naturels inaliénables. La société civile résulte d’un contrat social qui établit
une loi commune, manquante à l’état de nature, mais qui n’a pas d’autre fin que d’assurer la
sauvegarde des droits naturels. Pour Locke, l’homme vit grâce au fruit de son travail qui lui
permet d’accumuler des richesses sous forme d’or et d’argent. Cette accumulation doit se
faire dans le cadre du contrat social qui préserve les intérêts de chaque individu composant la
société. Locke est favorable à un pouvoir législatif qui légifère en parallèle avec le pouvoir
du souverain sur des questions économiques, sociales et politiques sans pour autant porter
atteinte aux droits naturels. Locke préconise la baisse des taux d’intérêt et que l’Etat assure le
monnayage des métaux en monnaie. Car la monnaie a le rôle de conservateur de valeur et
que les prix dépendent de la quantité de monnaie en circulation ; Locke est en cela un pré-
quantitativiste ; il a une vision dichotomique concernant le rôle de la monnaie dans la
production.

-4- Conclusion : critique du mercantilisme par les économistes de transition

La première critique de mercantilisme a été adressée par Boisguillebert (1646-1714) et qui


porte sur l’intervention de l’Etat ; l’intervention de l’Etat est nuisible pour l’activité
économique. Boisguillebert affirme que la liberté des échanges est la condition nécessaire et
suffisante de l’ordre économique. Boisguillebert préconise une réforme fiscale qui consiste à
modifier l’assiette fiscale, à supprimer les exemptions des riches, à créer un impôt sur les
revenus de tous les biens et à supprimer les impôts indirects sur la vente du vin. Il préconise
aussi de supprimer les droits de douane. Le but pour lequel milite Boisguillebert est le
soutien de la demande de consommation : la consommation est la source de développement
de la richesse.
La deuxième critique de mercantilisme a été adressée par Cantillon (1697-1734) et qui
concerne la loi de la valeur ; pour lui la valeur des marchandises dérive de la terre et du
travail. Il reprend en cela l’idée de Petty. Cependant, alors que son prédécesseur voulait
mesurer la valeur par la quantité de travail dépensée pour produire un bien, Cantillon, quant à
lui, s’efforce de la mesurer par la quantité de terre utilisée à sa production. Il croit aussi, à la
différence de Locke, de faire dépendre la valeur de la monnaie et le niveau des prix
uniquement de la quantité de métal précieux existant dans le pays. Il en tire la conclusion que
l’abondance d’or et d’argent est avantageuse pour un pays parce que les prix élevés de la
terre et du travail font que, dans le commerce international, « l’Etat en question retire
quelquefois le produit de deux arpents de terre en échange de celui d’un arpent, et le travail
de deux hommes pour celui d’un seul ».
Cantillon peut être considéré comme le précurseur de la physiocratie ; il a été le principal
inspirateur de Quesnay.

-5- Bibliographie

El Cohen A., Les pensées économiques, Imprimerie Walili, 1994, pp. 13-21
Mouchot C., Méthodologie économique, Hachette, 1996, pp. 09-56
El Cohen A., Les pensées économiques, Imprimerie Walili, 1994, pp. 23-107
Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1993, pp. 05-155
http://mapage.noos.fr/HISTOIREECONOMIQUE/revolutionideologique.htm
Chapitre 2 : la pensée économique des physiocrates

La pensée économique des physiocrates (qu’on qualifie des fois de pensée agrarienne)
s’inscrit dans un corpus théorique global qui est l’école libérale qui regroupe, entre autres, les
classiques et les néoclassiques.
Si nous revenions sur les idées des économistes de transition, nous retrouvons les prémices
annonciatrices des écoles physiocratique et classique. Prenons, par exemple, l’expression
qu’en donne Cantillon dans les premières phrases de son « Essai sur la nature du commerce
en général »:
« La terre est la source ou la matière d’où l’on tire la richesse; le travail est la forme qui la
produit ».
Cette expression aura de nombreux commentaires : la terre c’est la mère et le travail c’est le
père si nous nous référons à l’analyse de la richesse classique. Dans l’analyse physiocratique,
on insiste plutôt sur la terre, la seule à même de produire plus qu’elle ne coûte.
La pensée physiocratique venait en réaction aux idées des mercantilistes en affirmant que ce
n’est pas le commerce ni les métaux précieux qui font la richesse des nations, mais plutôt la
productivité de la terre, principale force qui sous-tend la prospérité économique.
A la base de la doctrine physiocratique se trouvent les idées suivantes : l’ordre naturel qui
transcende les décisions juridiques et administratives, les droits de propriété, le produit net,
la dépense, le circuit économique, l’économie stationnaire.

-1- Généralités sur les origines de la physiocratie

Les précurseurs.
Boisguilbert (Le Détail de la France, 1706 ; le Factum de la France 1707), Cantillon, Gournay
(père de la formule laissez faire/ laissez passer) sont considérés comme des précurseurs de la
physiocratie. Mais ces précurseurs ne se situent pas uniquement en France compte tenu de
l’influence de l’agrarianisme anglais.

Les principaux membres.


Dupont de Nemours (1735- 1817), prépare avec Turgot l’édit (acte législatif) sur la liberté du
commerce des grains de 1764 ; inventeur de l’étiquette « physiocrate », sera amené à s’exiler
aux Etats-Unis à la fin de sa vie...
Le Mercier de la Rivière, théoricien politique, a été séduit, comme Diderot, par l’expérience
de Catherine II en Russie et expose sa conception du despotisme éclairé dans l’« ordre naturel
et essentiel des choses ».
Victor de Riquetti, marquis de Mirabeau (1715-1783), a écrit « l’ami des hommes ou traité de
la population » (1756) où il défend l’idée que la richesse dépend de la population qui dépend
des subsistances, lesquelles dépendent de la terre...c’est donc la terre qui est à l’origine de
toute richesse. Il rédige, avec Quesnay, l’essentiel de la « philosophie rurale » (1763).

Le plus célèbre des physiocrates : François Quesnay (1694- 1774).


D’origine modeste (son père issu de la terre est petit avocat au Parlement), il se lançait dans
des études de médecine ; il devint chirurgien et médecin personnel de Madame la comtesse de
Pompadour puis du roi Louis XV. Il s’installa à Versailles qui deviendra par la suite le lieu de
l’école.
Il écrit deux articles de l’encyclopédie (1751) : « fermiers » et « grains », le tableau
économique (1758) et aussi « Le Droit naturel » (1765) qu’il publie dans le « Journal de
l’agriculture, du commerce et des finances », journal dirigé par Dupont de Nemours.
Le sympathisant le plus connu de Quesnay est Turgot (1727-1791), renonçant à la prêtrise et à
l’enseignement, il devient intendant à Limoges où il effectue des recensements. Les idées
physiocrates classiques ont été améliorées par la découverte de nouvelles théories : minimum
physiologique, loi des rendements non proportionnels (ou décroissants). En effet, Turgot va
s’intéresser à la question de la répartition. Il sera l’inspirateur des classiques (Smith) et des
néoclassiques sur l’introduction de la loi de la valeur qui dépend selon Turgot de Besoin et de
Rareté. Il s’intéresse aussi à l’emploi et aux entraves au commerce. En tant que ministre des
finances, il a favorisé la liberté de la circulation des grains et il a préparé la mise en vigueur
d’un impôt unique sur la terre. Dans son principal ouvrage Réflexions sur la formation et la
distribution des richesses (1766), Turgot avance l’idée d’une spécialisation des classes : celle
qui a la terre, celle qui a la force du travail et une troisième classe appelée classe stipendiée6
(appelée plus tard classe stérile) qui vit sur le dos des autres classes.

-2- Les préceptes clés de la pensée des physiocrates

La pensée physiocratique a toujours été source de confusion, de dilemmes ; elle a été même
accusée de soutenir une pensée contradictoire. Car, on la conçoit à la fois sectaire (pensée
nationaliste), monarchique (défendant en cela les rois de France), réactionnaire puisqu’elle
préconise de retourner à l’ordre naturel et se situant à cheval entre le nationalisme et
l’internationalisme et entre une pensée macro-sociale et une pensée individualiste. Elle
commence ainsi par une réflexion sur la philosophie de l’homme puis des classes et finit par
une réflexion sur les agrégats eux mêmes. Cette pensée peut être résumée par deux ordres :
 L’ordre naturel : une certaine conception de la nature, de l’homme et de la société. Il
existe des lois naturelles : « la législation positive consiste donc dans la déclaration des lois
naturelles, constitutives de l’ordre évidemment le plus avantageux possible aux hommes
réunis en société » (Droit Naturel). Les transgressions du droit naturel sont la source de tous
les maux ajoutent les physiocrates. L’homme est soumis aux lois naturelles, mû par
l’hédonisme (il est dans la nature humaine de chercher son intérêt personnel ; il est par
définition égoïste). Ces idées confirment une certaine négation de l’histoire et une
immuabilité de l’ordre des choses. La meilleure critique contemporaine adressée au droit
naturel est celle de Rousseau dans le contrat social, la plus récente et la plus célèbre est celle
de Rawls7 dans sa théorie de la justice.
 L’ordre économique : une critique implacable adressée aux mercantilistes sur la notion de
l’enrichissement ; seule l’agriculture est créatrice d’un produit net, précisent les physiocrates ;
libéralisme aidant, elle peut assurer un revenu très élevé. Ce produit net est visualisé, à travers
les classes sociales, dans le tableau économique de François Quesnay. Pour les physiocrates la
richesse ne se confond pas avec le stock monétaire car tout dépend de la consommation
productive, celle qui liée, bien entendu, à l’agriculture. Elle ne se confond pas non plus avec
la population. L’expression de Mirabeau est restée célèbre: « les hommes se multiplient
comme des rats dans un grenier s’ils ont les moyens de subsister » ; celle de Jean Bodin l’est
aussi : « il n’y a de richesse que d’hommes ».
Les travaux de l’agriculture dédommagent des frais, payent la main d’œuvre de la culture,
procurent des gains aux laboureurs et de plus, ils produisent les revenus des biens, les fonds
6
Corrompue.
7
Théorie de la justice (1971), Seuil, 1987.
(la rente foncière). Ceux qui achètent les ouvrages d’industrie, payent les frais, la main
d’œuvre et le gain des marchands, mais ces ouvrages ne paient aucun revenu au-delà.
L’industrie et le commerce sont stériles, et on ferait double emploi si, dans le but de calculer
la valeur du produit national, l’on additionnait la valeur des biens agricoles et celle des biens
industriels.
L’ordre économique règle les rapports entre les trois classes fondamentales : classe
productive, classe des propriétaires et la classe stérile. C’est ce que nous allons voir, à travers
le tableau économique de François Quesnay, dans la troisième section.

-3- Le tableau économique

Deux versions du tableau économique8 de François Quesnay décrivent l’essentiel de la


réalisation de produit net : la version de 1766 et la version de 1758. Le tableau lui-même
étudie les flux de dépense entre les différentes classes sociales représentatives, il est
typiquement macro-économique et on peut même l’interpréter au delà de l’état stationnaire
comme un phénomène multiplicateur. En fait, la nation se compose, selon Quesnay, de trois
catégories représentatives :
 La classe productive est celle qui produit par la culture des terres, les richesses annuelles
de la nation. Il s’agit en effet des fermiers qui font des avances:
- avances primitives : dépense en capital fixe (outils, etc.) ;
- avances annuelles : capital circulant (semences et salaires).
 La classe des propriétaires comprend le souverain, les propriétaires de terres et les
décimateurs (les percepteurs de taxe sur les revenus de clergé au profit de roi). Elle subsiste
par le revenu ou produit net qui lui est payé annuellement par la classe productive. Cette
classe par sa distribution (naturelle) conditionne le développement harmonieux du pays. Il est
donc nécessaire de protéger la « propriété foncière qui est le prolongement de la liberté
individuelle... ». Ces propriétaires font aussi des avances, les avances foncières : fonds de
terre ou infrastructures (de la part du souverain). Il faut noter que ces avances n’interviennent
pas dans le tableau économique.
 La classe stérile : il s’agit de toutes les autres classes sociales dont les dépenses sont
payées par la classe productive et celle des propriétaires. La classe stérile comprend entre
autres, les artisans, les marchands, les manufacturiers et les soldats.
La classe productive dispose de 2 milliards9 d’avances annuelles (pour les dépenses
d’exploitation) que va utiliser au cours de l’année ; 1 milliard de ces 2 milliards va être
dépensé au profit de la classe stérile en termes d’achat de biens manufacturés (l’usure de
matériel) et 1 milliard comme stock de moyens de subsistance qui permet aux agriculteurs de
vivre au cours de l’année en attendant la prochaine récolte.
La classe stérile dispose de 1 milliard10 d’avance qui va être dépensé courant l’année en achat
de matières premières à la classe productive.

8
Appelé aussi le ZIZAK OU ZIGZAG.
9
Pour comprendre ce tableau, il faut sortir de la statique et adopter la dynamique. On suppose alors
que les 2 milliards (en capital circulant : semences et salaires et moyens de subsistance) de la classe
productive constitue le fruit de la récolte de l’année précédente et des achats faits par les autres
classes.
10
Le 1 milliard de la classe stérile provient de la dépense de la classe productive et de la classe des
propriétaires en termes d’achat de biens manufacturés (l’usure de matériel) faite au cours de l’année
précédente.
La classe des propriétaires dispose de 2 milliards11 de revenu qui être dépensés comme suit :
1 milliard pour l’achat de biens agricoles à la classe productive et 1 milliard pour l’achat de
biens manufacturés à la classe stérile.

Commentaire
Le produit brut est de 5 milliards : 2 milliards proviennent des avances annuelles, 2
milliards proviennent de la dépense de la classe stérile et 1 milliard provient de la dépense de
la classe des propriétaires.
La recette de la classe productive est de 3 milliards (2 de la classe stérile + 1 milliard de la
classe des propriétaires ; c’est-à-dire : 5 – 2).
La recette des 3 milliards ainsi obtenue permet à la classe productive d’acheter pour 1 milliard
de produits manufacturés à la classe stérile et de payer 2 milliards à la classe des propriétaires.
Les 2 milliards constituent le produit net selon les propres termes de François Quesnay qui
est bien entendu le revenu annuel de la classe des propriétaires.
La classe stérile reçoit 2 milliards qui proviennent de la classe productive et de la classe des
propriétaires. Cette somme l’emploie pour faire des achats à la classe productive sous forme
de 1 milliard pour l’achat des biens de consommation et 1 milliard pour l’achat des matières
premières.
N.B. Les comptes de chacune des classes sociales sont équilibrés : autant de recette que de
dépense.

Débat sur le contenu de la pensée physiocratique et la critique de circuit économique de


François Quesnay.

-4- Bibliographie

11
Les deux milliards ce sont le produit net de l’année de récolte précédente.
El Cohen A., Les pensées économiques, Imprimerie Walili, 1994, pp : 109-118
Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1993, pp : 156-181
Chapitre 3 : la pensée économique smithienne
Adam Smith (1723-1790)
Depuis les auteurs de transition, une certaine liberté économique est prônée par l’ensemble
des auteurs qui succèdent aux mercantilistes ; l’intervention de l’Etat est stigmatisée par les
auteurs classiques et en particulier par Smith ; c’est un peu l’héritage de l’état naturel ou de
l’ordre naturel que les physiocrates ont essayé de développer dans le domaine économique.
Comme le disait Smith, la liberté est la condition de progrès.
En Angleterre, berceau incontestée de la révolution industrielle et terre fertile pour un
développement d’une pensée économique, un capitalisme agraire s’est vite développé :
phénomène des enclosures ; sur le plan de la pensée économique, c’est le développement des
idées physiocratiques ; puis un passage à un capitalisme industriel basé sur l’accumulation du
capital, prolétarisation des masses dans les villes à cause de l’exode rural.
Smith est d’origine écossaise, étudie à Glasgow puis à Oxford, deux universités où il enseigne
la logique, la philosophie morale en reliant très tôt éthique et économie. Après la publication
de la Théorie des Sentiments Moraux en 1759 (désormais TMS), et de considérations sur la
formation du langage en 1761, il abandonne l’université pour devenir percepteur, puis
commissaire aux douanes en 1778. Il publie en 1776 la Richesse des Nations et se consacre à
la révision de ses écrits avant son décès en 1790.
Au cours d’un voyage de deux ans en Europe (1764-1766), il rencontre Quesnay et Turgot à
Paris et fréquente les grands salons parisiens.
C’est avec Smith que se termine la prise en compte directe des auteurs qui l’ont précédé. Pour
la majorité des historiens la publication de la « Richesse des Nations » marque le passage
d’une pensée préscientifique à une pensée scientifique. Malheureusement, le cas de Smith
permet-il d’illustrer une coupure dans le « Discours Economique », marquée par l’avènement
d’idées originales ? On connaît les jugements sévères de Marx et de Schumpeter à cet égard.
Marx ironise à propos de Smith : « Adam Smith a fait aux richesses spirituelles l’application
de son proverbe écossais : « gagne petit, gagnera gros », et prend une peine mesquine à cacher
les sources auxquelles il doit le peu, dont il a su, en vérité, tirer beaucoup. (In « Critique de
l’Economie politique ». op. cit. p. 430). Certains passages de la « Richesse des Nations » sont
littéralement copiés. Le début du Livre I de la Richesse des Nations par exemple, n’est qu’un
plagiat de Mandeville. Schumpeter est plus catégorique : « le fait est qu’il n’y a pas, dans la
« Richesse des Nations » sur le plan de l’analyse, une idée, un principe, une méthode qui ne
soient, en 1776, entièrement nouveaux ». (History of Economic Analysis, op. cit. pp. 474/475).

-1- Smith moraliste et philosophe : la théorie des sentiments moraux et la controverse


sur la bienveillance

Le contexte intellectuel de l’époque était marqué par l’héritage de la philosophie


individualiste et libérale de Bacon, Hobbes, Locke et Hume. Cette époque est marquée aussi
par un développement dans les sciences de l’homme ; Smith a d’abord étudié la théologie, la
morale, l’éthique puis la philosophie, celle de Hume (basée sur l’affirmation selon laquelle
toute la connaissance dérive en dernier ressort de l’expérience des sens).
En même temps, l’influence philosophique de l’époque ne se restreignit pas uniquement à
celle de Hume ; Bacon, Hobbes, Locke influencent à leur tour la vision philosophique de
Smith. De cette philosophie découlent deux principes :
 Le principe de l’utilité : l’homme agit toujours pour se procurer un plaisir et éviter une
douleur, la peine ;
 Le principe de l’association des idées : le fonctionnement de l’esprit humain s’explique
par l’action des forces qui lient une idée à une autre.

Ces deux principes sont développés par Hume ; cependant ce dernier se heurte finalement au
problème de l’obligation morale : si l’homme est uniquement guidé par son intérêt personnel,
comment expliquer l’existence du sentiment du devoir. Ainsi Smith a développé une autre
philosophie basée sur l’intérêt général et le devoir de l’homme vis à vis de la société. Selon
Smith, l’homme est guidé par deux instincts : un instinct égoïste et un instinct altruiste.

Smith, dans La Théorie des sentiments moraux, disait : “Every faculty in one man is the
measure by which he judges of the like faculty in another. I judge of your sight by my sight,
of your ear by my ear, of your reason by my reason, of your resentment by my resentment, of
your love by my love. I neither have, nor can have, any other way of judging about them”.
La nature de l’homme suscite de nombreuses discussions théoriques parmi les économistes
depuis Adam Smith et cela d’autant que la science économique (tout autant que les politiques
qui s’en inspirent) est d’abord un pari sur l’homme. Ce pari joue dans les hypothèses de la
microéconomie. L’individualisme méthodologique est l’approche philosophique
fondamentale qui guide le consommateur ou le producteur à être rationnel. Ce socle
anthropologique mérite un constat approfondi sans pour autant réclamer une science
économique plus humaine ou d’au moins sociale et welfariste.

L’économie politique selon Smith, commence par s’interroger sur la nature de l’homme.
L’anthropologie smithienne énoncée dans la théorie des sentiments moraux est un préalable à
la Richesse des Nations. La relation entre cette anthropologie et l’économie est basée sur une
éthique sociale qui assemble égoïsme et altruisme. L’égoïsme, basé sur la recherche du bien-
être et le travail ne peut en aucun cas être en contradiction avec la bienveillance énoncée dans
la théorie des sentiments moraux.
Par ailleurs et selon Mathieu François-Régis, la bienveillance n’est qu’une des hypothèses
possibles que l’on puisse établir d’emblée sur l’autre, l’altruisme peut être bienveillant. Dans
un processus (un jeu bayésien à la Nash par exemple) le même individu pourra être
simultanément bienveillant ou malveillant. Néanmoins, dans tous les processus de jeu en
économie, la construction d’une solution de jeu est basée sur un équilibre issu, la plupart du
temps, d’un contrat en situation de conflits.
Cette question de la nature de l’homme a connu d’importants prolongements dans la pensée
contemporaine. Est- il envieux, malveillant, tolérant, jaloux, frustré ? Tous ces termes ont fait
l’objet de discussions approfondies chez les économistes, quelquefois avec les sociologues (la
discussion sur la frustration avec Boudon (1981), beaucoup plus rarement avec les
anthropologues convaincus avec Polanyi du l’handicap anthropologique des économistes.
La nature de l’homme est considérée comme hypothétique dans la littérature économique
contemporaine. Une avancée importante dans la science économique contemporaine est
donnée par la théorie des jeux, par l’économie de l’information et des contrats initiée par les
auteurs américains (Nash, Stiglitz, Grossman, Akerlof,…) et repris et développé par les
auteurs français de l’université de Toulouse avec Laffont, Guennerie, Tirole, Martimort.
L’existence de conflits perpétuels (asymétrie d’information en terme de risque moral et de
sélection adverse) rend le comportement des agents économiques purement stratégique. Le
contrat basé sur la négociation, la stratégie et l’incitation doit être la norme et une solution aux
conflits économiques. En des termes simples, le devenir de l’homme est un combat indéfini.
L’évolution théorique contemporaine rejoint en partie la théorie de l’anthropologie
économique. Celle-ci ne peut traiter de l’homme isolément ; elle étudie la condition humaine
ou la nature humaine ; il s’agit en général de l’homme en interaction et partant, des sentiments
que les hommes éprouvent entre eux ; d’où l’importance du type de relation que les hommes
tissent entre eux, soit de leur interaction. Cette interaction donne lieu à de multiples
hypothèses. On peut postuler un état de nature (l’ « anthropologie hobbienne » reposerait sur
la fiction de la condition naturelle des hommes ; voir, Michel Meyer, La philosophie anglo-
saxonne, Paris, PUF, 1994) ou rentrer dans le sentimentalisme du 18ème siècle. L’interaction,
autant que la nature des individus rentre dans un cadre hypothétique.
Il manque un concept entre la « sympathie » et la « bienveillance », avant la confusion
introduite par le concept sociologique de l’altruisme (qui inclut forcément la bienveillance).
L’idée de sympathie n’est pas intuitive en langue française (« sympathique » a une valeur
positive).

Hume: la bienveillance première


L’ « Enquête sur les principes de la morale », écrit en 1751, traite de façon systématique de la
morale, de son origine et notamment de la bienveillance (comme principe général) et de la
sympathie (pour quelqu’un). Cet univers entend donner un fondement rationnel aux vertus
sociales, par exemple à la bienveillance et à la justice. En fait, justice et vertus sociales en
général, ont une utilité. Si donc, on ne peut postuler tel Hobbes dans le Léviathan (Selfish
(égoïste) system of morals selon Hume) que nous sommes dans un état de nature où
s’opposent des hommes égoïstes, c’est bien sûr parce que les hommes attribuent naturellement
de l’utilité et que cette utilité plaît.
David Hume se situe ainsi, avec Hutcheson et Butler dans le camp de ceux qui fondent la
morale naturelle sur la bienveillance (le 18ème siècle serait caractérisé par une contre
révolution sentimentale après l’apologie de l’égoïsme du 17ème siècle) laquelle se manifeste
comme une passion tendre mais trouve une généralité rationnelle dans l’utilité.
La sympathie est donc généralisée dans l’ « Enquête sur les principes de la morale » par
rapport au Traité de la Nature Humaine (1738-1740) et trouve un fondement rationnel.

Adam Smith : De la sympathie à la bienveillance limitée.


La sympathie occupe une place particulière dans la Théorie des Sentiments Moraux (1759), au
sein de la tradition philosophique écossaise. Mais, l’ordre des valeurs morales change, la
bienveillance perd du terrain au profit de l’amour propre (voir Dupuy, Sacrifice et Envie, p.
82-83 ; Coase, « Adam Smith’s view of man », JLE, 19, Oct. 76, pp. 529-546).
Le sentiment vis-à-vis de l’Autre est le point de départ de La Théorie des sentiments moraux :
« How selfish so ever man may be supposed, there are evidently some principles in his nature,
which interest him in the fortune of others, and render their happiness necessary to him,
though he derives nothing from it except the pleasure of seeing it ».
La sympathie (à la base de la TSM) est éprouvée grâce à l’imagination en se mettant à la
place de l’autre. L’idée smithienne s’inspire amplement du contrat social du Rousseau12.
En effet, Smith dit la chose suivante : “They never did, and never can, carry us beyond our
own person, and it is by the imagination only that we can form any conception of what are his
sensations. Neither can that faculty help us to this any other way, than by representing to us
12
Selon Rousseau, « trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force
commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous
n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ».
what would be our own, if we were in his case. It is the impressions of our own senses only,
not those of his, which our imaginations copy. By the imagination we place ourselves in his
situation, we conceive ourselves enduring all the same torments, we enter as it were into his
body, and become in some measure the same person with him, and thence form some idea of
his sensations, and even feel something which, though weaker in degree, is not altogether
unlike them”.
D’après cette situation, Smith essaie de montrer comment se mettre dans la peau de l’autre par
l’imagination et essayer en conséquence de vivre et d’adopter ses sensations et de prévoir
enfin les répercussions de ses gestes et ses comportements. Comme le dit expressément :
« Par l’imagination nous nous plaçons dans sa situation, nous nous concevons de supporter
la même torture que lui, nous entrons dans son corps, nous imprégnons son image, sa
personne et former à partir de là l’idée à propos de ses sensations et essayer de sentir comme
lui des choses, quoique faibles dans le degré, ne sont pas tout à fait différentes des siennes ».
Cette approche est celle adoptée par les théoriciens de jeux en information incomplète et
asymétrique.
Smith part de Hume (sans le citer) et s’interroge sur le fondement utilitaire de la sympathie
vis-à-vis des sentiments ou du jugement des autres : « Leur utilité, dira-t-on, est ce qui nous
porte le plus à les estimer ». Mais selon Smith, l’utilité « est une arrière pensée, et jamais le
premier motif de notre approbation ». Ce qui est important c’est la justesse ou encore la
perspicacité du jugement de l’autre ou sa conformité à notre jugement ». Ou encore la
capacité imaginaire à se mettre à la place des autres. Dès lors on peut juger des passions des
autres et voir si elle est convenable.
Si nous éprouvons (Smith, p. 46) plus facilement de la sympathie pour la douleur (il existe
une implication plus facile pour la douleur que pour la joie), l’implication est telle que la
douleur sympathique est moins forte que celle de la personne intéressée (p. 46).
Mais, le plaisir tient dans la « sympathie réciproque » quand nous constatons que les
sentiments sont en accord chez les deux partenaires d’où l’importance du « sentiment de
l’approbation ».
La « sympathie » peut donc être agréable ou désagréable et n’être pas forcément bienveillante.
(pour Dupuy, la sympathie n’est pas forcément bienveillante).
Selon Smith, il est plus facile de sympathiser avec la douleur avec quelqu’un de souffrant et il
est moins facile de le faire avec le plaisir : « We are generally most disposed to sympathize
with small joys and great sorrows » (TSM, p.47).
Selon Mathieu François-Régis, la sympathie peut donner lieu à de l’envie qui empêche la
« sympathie pour la joie ». Selon les propres propos de Smith, « We readily, therefore,
sympathize with it in others, whenever we are not prejudiced by envy. But grief is painful, and
the mind, even when it is our own misfortune, naturally resists and recoils from it. We would
endeavour either not to conceive it at all, or to shake it off as soon as we have conceived it.
Our aversion to grief will not, indeed, always hinder us from conceiving it in our own case
upon very trifling occasions, but it constantly prevents us from sympathizing with it in others
when excited by the like frivolous causes: for our sympathetic passions are always less
irresistible than our original ones. There is, besides, a malice in mankind, which not only
prevents all sympathy with little uneasiness, but renders them in some measure diverting »
(TSM, p. 47).
On retrouve dans la partie VI, section II, l’idée (voir, Hume) d’une bienveillance universelle
au delà de la sympathie : notre bienveillance n’est circonscrite par aucune borne et elle peut
embrasser tout l’univers. Mais les vertus, en général sont recommandées par la
« convenance » : à savoir l’attention aux sentiments d’un spectateur supposé impartial (p.
308). L’inconvenance (de la passion par exemple) sera modérée par les sentiments plus
modérés de ce spectateur.
Smith critique Hutcheson pour qui l’amour propre ne peut jamais être le motif d’aucune
action vertueuse (TSM, p. 355).
La bienveillance peut dans certains cas n’être pas adapté à son objet et l’homme « créature
imparfaite » doit souvent agir selon un autre principe que la bienveillance. Ainsi l’amour de
soi peut être la cause d’une action vertueuse (p. 356). Tel est le cas de l’économie, de
l’industrie ou dans un autre genre de la « discrétion et de le réflexion ». On pourra ainsi
blâmer le manque d’attention convenable à notre intérêt personnel.
Ainsi l’économie fait partie des exceptions où peut s’exprimer le « self love », ce que
montrera Adam Smith dans la Richesse des Nations.
Tout ceci montre que la bienveillance est un cas particulier; notre « sympathie » est
accompagnée d’une dose de morale (Sidgwick, 1874, p. 502) de telle sorte qu’elle ne donne
pas lieu forcément à de la bienveillance. Tout dépend de la proportion entre la dose de
sympathie et la dose de morale. Nous apprécions donc l’autre et ses préférences avec l’idée
que les jugements de valeur (y compris les jugements de second ordre) sont des données que
le processus de décision ne peut modifier. Arrow (1951) nous rappelle que « C’est
naturellement le point de vue classique en théorie économique ».
En outre, la malveillance tient place dans nos sentiments, Smith le dit clairement : « The
hatred and dislike, in the same manner, which grow upon habitual disapprobation, would
often lead us to take a malicious pleasure in the misfortune of the man whose conduct and
character excite so painful a passion » (TSM, II, 1, 8).
Selon Smith, la Bienveillance et la Malveillance sont en relation très instable, mais la nature
nous pousse le plus souvent à la bienveillance : « Nature, however, when she implanted the
seeds of this irregularity in the human breast, seems, as upon all other occasions, to have
intended the happiness and perfection of the species. If the hurtfulness of the design, if the
malevolence of the affection, were alone the causes which excited our resentment, we should
feel all the furies of that passion against any person in whose breast we suspected or believed
such designs or affections were harboured, though they had never broke out into any action.
Sentiments, thoughts, intentions, would become the objects of punishment ».
En conclusion, la théorie des sentiments moraux est l’objet d’une relecture récente de la
nouvelle théorie économique de l’interaction sociale. Selon Becker (1974), l’hypothèse d’
« envie et de haine » est soit minimisée, au nom de la protection apportée par la société
(Smith 1776), soit exagérée au point de devenir la raison d’être de la vie (Veblen, 1899).
En fait, cette hypothèse de comportement est généralement minimisée dans le raisonnement
économique tant le comportement y est déterminé par l’hédonisme pour soi et pour les autres.
Cette tendance a été renforcée par l’importation en économie du concept sociologique de
l’altruisme, restreint par son fondateur Auguste Comte à la bienveillance.

-2- Smith économiste : libéralisme et optimum social

La main invisible et le laisser faire


Selon Smith, la liberté doit être naturelle et que sa disposition dans la société doit être
accompagnée d’une concurrence ; cette liberté agit comme une main invisible et assure un
développement rapide et harmonieux de la société.
En ses propres termes, Smith avance l’idée suivante : la recherche par chacun de son
intérêt individuel permettra, en situation de concurrence, d’atteindre l’optimum général ; la
main invisible du marché permet de concilier intérêt individuel intérêt général.
La division du travail et la théorie des revenus ou de la répartition

 Selon Smith, l’opulence (abondance), naît de la division du travail. La division du travail


est à l’origine de l’augmentation de la productivité. Exemple donné par Smith est la
manufacture d’épingle : un ouvrier seul face aux différents tâches produit une seule épingle
dans la journée, alors que 10 ouvriers assurant différentes tâches de processus de fabrication
produisent 48 000 épingles dans la journée. Ceci est aboutit grâce à la précision dans
l’exercice des tâches de la part des ouvriers, à l’économie du temps et au rôle de la machine.
Selon Smith, la division du travail est une conséquence naturelle de l’échange.
Selon Smith, la division du travail a deux limites essentielles :
 Limite de l’étroitesse du marché qui influence négativement sur le niveau de productivité ;
 La monotonie du travail : perte de la dextérité (habileté) et du travail intellectuel

 Salaires, profit et rente foncière

Selon Smith, le salaire correspond à la subsistance de l’ouvrier afin de reproduire la force du


travail. Il ne peut être augmenté que si la richesse nationale augmente et que la demande du
travail augmente.
Selon Smith, le profit est un prélèvement sur la valeur créée par le travail. Selon Smith, le
taux de profit tend à être le même pour tous ! ! !
Selon Smith, la rente est la différence entre le prix de la récolte, d’une part, et, d’autre part, la
somme des salaires et de profits qui doivent être normalement payés pour obtenir cette
récolte, étant donné les quantités de travail et de capital employées.
Smith distingue en outre le travail productif et le travail non productif.

La théorie de la valeur

Smith distingue entre valeur d’usage d’un objet qui est sa capacité à être utilisée ; c’est-à-dire,
son utilité et la valeur d’échange, c’est-à-dire, sa capacité à être échangée contre d’autres
biens.
Exemple donné par Smith dans le but de montrer le paradoxe de la valeur : l’eau et le
diamant : l’eau est très utile n’a que peu de valeur d’échange ; le diamant inutile a une valeur
d’échange très élevée.
Comment se détermine donc la valeur d’échange d’une marchandise :
Pour expliquer comment se détermine la valeur, Smith avance deux explications : dans la
première, il recourt à la théorie de la valeur travail et dans la seconde, il recourt à une analyse
en termes de coûts de production.

 Théorie de la valeur travail

Deux notions importantes sont à la base de la théorie de la valeur travail :

 Travail incorporé
C’est la quantité du travail nécessaire à la production d’un bien ; cette notion ne sera
développée d’une manière convaincante qu’avec Ricardo ;

 Travail commandé
La valeur d’une denrée quelconque est égale à la quantité de travail que cette denrée le met en
état d’acheter ou de commander. Ce recours au travail commandé signifie simplement que si
une heure de travail se paie 20 dirhams, un objet qui en vaut 100 permet d’acheter
(commande), donc, 5 heures de travail.

 Mesure de la valeur

Pour Smith, le travail est la seule mesure universelle puisqu’il nous sert à comparer les
valeurs des différentes marchandises. Le travail est donc considéré comme un bien étalon. Il
est invariant ; il est in coût car c’est le prix réel de chaque chose.

 Prix naturel et prix du marché


Smith définit les taux naturels du salaire, du profit et de fermage. Ce sont les taux moyens et
ordinaires qui sont constatés pour un temps et lieu donnés. Le prix naturel est la somme des
taux naturels correspondant au coût de production et autour duquel gravite le prix du marché.
Le prix du marché est le prix actuel auquel une marchandise se vend communément.

Echange international et l’avantage absolu

Pour Smith, le commerce international est profitable à chaque nation ; il conduit à division
internationale du travail.
Sous l’effet de la concurrence, chaque nation doit se spécialiser dans les productions pour
lesquelles détient un avantage absolu par rapport à d’autres nations. Cela veut dire qu’elle doit
se spécialiser dans la fabrication des produits qui ont un coût de production plus faible en
valeur absolue par rapport au coût de production du reste de monde.

Conclusion

Il est force de constater, aujourd’hui, les accords de l’OMC aidant, que la division du travail
(DIT) trouve son origine dans les préceptes de Smith. Le libre-échange, le commerce
multilatéral sont autant de concepts qui ont été mis à jour.
L’actualité de la pensée smithienne peut être résumée dans ces points :
 OMC et le problème de protectionnisme ;
 Problèmes de libre-échange entre les pays de sud et les pays de nord (Maroc et l’Union
Européenne)
 Division du travail et sous-développement.

Questions ouvertes :

 Existe-t-il en réalité une main invisible qui régule le marché et l’activité économique ?
 En se basant sur la TSM, parler de la controverse sur la bienveillance ?
 Parler du libéralisme économique prôné par les auteurs classiques en général et Smith en
particulier ?
 Parler de contexte du 18e siècle révolution industrielle, de l’ère de capitalisme industriel et
leur influence sur la pensée de Smith ?
Chapitre 4 : la pensée économique ricardienne
David Ricardo (1772-1823) né en Angleterre, fils d’un banquier israélite (d’origine
portugaise) ; il travaillait comme courtier ; il se faisait élire membre du parlement britannique.
Si on parle à propos de son œuvre de « système de Ricardo », c’est que les principes de
l’économie politique et de l’impôt13 constituent un véritable système d’interprétation du
fonctionnement économique global de nos sociétés : production, répartition, formation des
prix, rapports entre les classes sociales, analyse de la valeur, de la rente, des coûts de
productions, des salaires et des profits, de l’équilibre extérieur… Si, à court terme, le
capitalisme est pour Ricardo efficace, à plus long terme nous sommes menacés par l’état
stationnaire, c’est pourquoi on a souvent considéré que l’analyse de Ricardo était relativement
pessimiste.
On peut considérer Ricardo comme l’économiste classique le plus complet ; il a marqué
l’histoire de la pensée économique d’une manière très profonde ; il reste encore aujourd’hui
une référence indiscutable pour la compréhension des phénomènes économiques. On trouve
chez Ricardo la plupart des éléments de Smith et de Malthus, notamment la justification de
l’ordre libéral et de la propriété privée. Toutefois, sur le plan de l’abstraction théorique,
Ricardo va beaucoup plus loin que ses prédécesseurs.
Cinq éléments de son analyse sont particulièrement célèbres : l’analyse de la valeur, la rente,
la théorie de la répartition, le progrès technique et la loi des avantages comparatifs.

I- Rente, salaires et profits

Au cœur de système ricardien se trouve l’idée selon laquelle la croissance économique doit un
jour ou l’autre cesser à cause de la rareté des ressources. Ricardo est pessimiste.
Pour expliquer le fonctionnement économique selon le système de Ricardo, il faut réduire
l’économie à son volet agricole.

Hypothèses sur la production de blé :

1. La production de blé se fait en mettant en œuvre des doses homogènes de « capital et


travail » sur une quantité fixe de terre avec des rendements décroissants (la fertilité de la
terre suit une fonction décroissante) ;
2. Le capital et le travail sont réduits à un seul facteur variable ;
3. Deux facteurs de production sont donc pris en compte : le facteur terre et le facteur
« capital et travail » ;
4. La demande de blé est parfaitement inélastique car elle est fonction de la population
(évacuation de toute pratique spéculative, pas de changement dans les normes de
consommation, la croissance démographique est constante, la demande externe n’est pas
prise en compte dans le modèle ricardien). Alors, dès que l’on se donne la population, on
détermine la production de blé.
Ricardo montre que le facteur variable « capital et travail » est rémunéré à sa productivité
marginale, tandis que le facteur fixe, la terre, perçoit un surplus déterminé par la différence
entre la production moyenne et la productivité marginale du facteur variable dans la
culture intensive et la culture extensive.

13
L’œuvre principale de Ricardo dont la première édition date de 1817.
Blé
E

C D

Rente
B A

Profits
Q S’
W K S
Salaires MP AP

O M M’ « capital et travail »

La rente est égale à la production totale (OCDM) moins la productivité marginale du capital et
travail (AM) multipliée par le nombre de doses utilisées (OM). Il faut noter que OCDM =
OEAM. L’importance de la rente dépend seulement de l’écart entre la productivité moyenne et
marginale, et donc de la puissance des facteurs qui font décroître les rendements. Les courbes,
sur le graphique, sont des droites pour la commodité de la représentation.

La théorie des profits en blé

Puisque le capital et le travail sont combinés en proportions fixes, la théorie de la productivité


marginale ne peut déterminer le partage, entre le capital et le travail, du produit total diminué
de la rente. La théorie du salaire de subsistance est introduite, à ce stade, pour déterminer le
taux de salaire par le prix d’offre constant du travail exprimé en blé (OW). La courbe d’offre
de travail (WS) a une élasticité infinie au taux de salaire de subsistance. Les profits totaux sont
un reliquat égal à la production totale diminuée de la rente et des salaires (OWKM).
Tant que la période de rotation du capital et l’année, le capital consiste exclusivement en
avances annuels faites au travail. En d’autres termes le capitale est égale au salaire ou fonds
de salaire (OWKM), la demande agrégée de travail exprimé en blé. C’est là la troisième astuce
du raisonnement : l’hypothèse selon laquelle les équipements s’usent en un an fait disparaître
le capital fixe. Le taux de profit est donné par le rapport : profits totaux sur capital investi et,
puisqu’ici le capital n’est que du capital circulant, il s’ensuit que le rapport : profits totaux sur
salaires versées détermine le taux de profit en blé comme un pourcentage du capital employé.
Le taux de profit est donc :

profits  AM  KM   AM 
r  100%    1100%
salaires  KM   KM 

Tant que le taux de profit est positif, les capitalistes sont incités à accumuler. Dans le
processus d’accumulation du capital, la force de travail augmentera proportionnellement, AM
se déplacera vers la droite, et, simultanément, la productivité marginale du capital-travail
et le taux de profit en blé baisseront jusqu’à ce qu’enfin l’état stationnaire soit atteint avec
AM = KM = SM’ et r = 0. On peut atténuer ses considérations en supposant qu’il y a un taux
de profit minimum (par exemple, QW) au dessous duquel les capitalistes n’accepteront pas le
risque de l’investissement : l’hypothèse la plus simple, cohérente avec les opinions de
Ricardo, est que cette rémunération minimum du capital est constante. Cela n’affecte en rien
les conclusions précédentes ; l’état stationnaire survient simplement plus tôt. Par ailleurs, on
doit admettre que le progrès technique élève les fonctions de productivité, ce qui écarte l’état
stationnaire. Mais le fait que la courbe d’offre à long terme de travail OW se relève dans le
temps, au fur et à mesure que les travailleurs s’habituent à un niveau de vie plus élevé
contrarie partiellement cette évolution. Le taux de salaires de subsistance est ce taux auquel la
croissance de la population cesserait, mais cela n’arrive pas tant que l’économie n’a pas
atteint l’état stationnaire. L’accumulation du capital élève continuellement le « prix du
marché » du travail au dessus de son « prix naturel » ; ce qui entraîne une croissance de la
population et le salaire effectif retombe à son niveau naturel.
Pour en revenir à notre conclusion centrale : le taux de profit du fermier suit la décroissance
des rendements.

II- La théorie de la valeur travail

Adam Smith limita l’implication de la théorie de la valeur travail à l’explication des prix
relatifs dans une hypothèse « état grossier des sociétés naissantes ». Ricardo franchit un pas
en posant qu’une théorie de la valeur fondée sur un seul facteur est capable, même
imparfaitement d’expliquer la détermination des prix dans le monde réel. Il fut le premier à
montrer pourquoi une théorie des coûts en travail ne peut expliquer complètement les prix
relatifs des biens reproductibles, en concurrence parfaite. S’il adhérera jamais à la théorie de
la valeur travail, il ne l’a considérera que comme une approximation grossière et comme un
moyen commode d’exposer son modèle. Son projet central n’était pas d’expliquer les prix
relatifs mais de déterminer les lois qui règlent la distribution des produits de l’industrie.
Comme pour Smith, Ricardo montre que le dénominateur commun qui permet de mesurer la
valeur est le travail. Néanmoins, il existe une différence importante entre Smith et Ricardo
quant à la détermination de la valeur d’échange d’une marchandise. Pour Smith, la valeur
d’échange d’une marchandise est égale à la quantité de travail que cette marchandise
commande, c’est-à-dire peut acheter sur le marché cela revient à mesurer la valeur de la
marchandise par le prix ou la valeur du travail, autrement dit par le salaire. Smith confond ici
la valeur travail et la valeur du travail (prix du travail, salaire). Pour Ricardo, « la valeur d’une
marchandise ou la quantité de toute autre marchandise contre laquelle elle s’échange, dépend
de la quantité relative de travail nécessaire pour la produire et non de la rémunération plus ou
moins forte accordée à l’ouvrier ». Le principe de la valeur travail de Ricardo, dite la valeur
travail incorporé, postule que la valeur des marchandises est proportionnelle à la quantité de
travail qu’elles incorporent. Ce qui détermine la valeur d’échange des marchandises, c’est
donc la quantité de travail dépensé dans sa production et non les salaires versés aux
travailleurs. Ce principe général admet une exception en ce qui concerne les biens non
reproductibles (les œuvres d’art). La valeur de ces biens est liée leur rareté, à leur caractère
unique ou exclusif.

III- Le théorème fondamental de la répartition

Nous avons exposé ci-dessus que le taux de profit varie directement comme la productivité
marginale du capital-travail :
 AM 
r   1100%
 KM 

Mais AM/KM est le rapport de la production totale diminuée de la rente aux salaires totaux,
dont l’inverse est la part du travail dans la production finale moins la rente. Par conséquent, le
taux de profit varie inversement aux salaires, si par salaires on entend la part relative du
travail dans la production finale (moins la rente) d’un investissement annuel. C’est là le
« théorème fondamental » de Ricardo. Quand on introduit la monnaie dans le système, on doit
supposer que ce théorème s’applique au taux de profit nominal et aux taux de salaires
nominaux.

IV- Le progrès technique

Une économie en croissance est susceptible de connaître une évolution de la technologie, qui
déplacera vers le haut les courbes MP et AP. Que deviendront la rémunération des facteurs et
les parts relatives dans ce cas ? Sur cette question, le système ricardien n’est pas très loquace
(se tait, ne dit rien). On trouve dans les principes quelques remarques générales relatives à
l’effet des améliorations techniques, dans les manufactures, sur les salaires réels, et dans le
chapitre sur la rente, il y a une discussion formelle sur les effets, sur les rentes,
d’améliorations dans l’agriculture. Concernant les améliorations dans l’agriculture, l’idée de
Ricardo est que l’effet à court terme de telles améliorations est de diminuer les rentes, et que
par conséquent, les propriétaires fonciers ne seront pas inciter à les introduire. Il divise les
changements techniques en deux catégories :
 Les innovations qui économisent la terre et celles qui augmentent la production d’une
terre donnée par un emploi plus judicieux des assolements (rotation, succession et alternance
des cultures) et de meilleurs engrais ;
 Les innovations qui économisent le capital et le travail en réduisant leurs doses, tels que le
perfectionnement dans les instruments de l’agriculture, l’économie dans le nombre des
chevaux employés dans l’agriculture et des connaissances pus étendues dans l’art de
vétérinaire.
Il faut noter que la première innovation, selon Ricardo, diminue la rente par acre (4046,86 m2)
ainsi que la part de la rente, tandis que la seconde diminue la rente nominale totale, mais pas
nécessairement le total de la rente exprimée en blé.
Prenons l’exemple d’une innovation qui économise la terre. Evidemment, son effet immédiat
est d’abaisser la rente par acre, mais est-il nécessaire que la rente totale et la part des rentes
diminue ? Ricardo suppose que la productivité à des terrains de chaque qualité augmente dans
la même proportion. Supposer un même pourcentage d’augmentation de la productivité sur
chaque qualité de terrain implique nécessairement que l’augmentation de la production, due à
l’innovation, est plus faible, par unité de coût, sur les terres marginales que sur les terres plus
productives. Pour illustrer graphiquement le raisonnement, nous devons tracer les fonctions de
productivités de la terre, en posant constantes les qualités de capital-travail utilisées, et les
nouvelles courbes doivent démarrer au-dessus des anciennes quoiqu’elles puissent les couper
plus bas. La demande de blé est parfaitement inélastique, la production totale doit demeurer
invariante (ORDS  ORDS ) . Tant que les courbes sont des droites, il est vrai que la rente
totale ainsi que la part relative de la terre déclineront.
Blé

R’ D’

AP
R D

(AP)’

(MP)’

MP
O S’ S Terre

V- La loi des avantages comparatifs

Ricardo a écrit ses Principes de l’économie politique et de l’impôt à un moment où s’instaure


un débat animé entre partisans du libre-échange (ouverture des frontières, suppression du droit
de douane) et partisans du protectionnisme. Malthus, défendant les intérêts des propriétaires
fonciers, se prononce en faveur du maintien des droits de douane, qui protège le blé anglais.
Ricardo, au contraire, est un farouche partisan du libre-échange qui sert les intérêts de
l’industrie et de la bourgeoisie commerçante.
Dans la théorie ricardienne, le libre échange tire essentiellement son importance du fait qu’il
est une compensation à la décroissance des rendements de l’agriculture. Pour Ricardo, le libre
échange était une politique qui convenait à une nation manufacturière avancée qui cherchait à
importer du blé bon marché pour faire le pin de ses travailleurs et des matières premières pour
son industrie auprès de pays agricoles arriérés.
Prenons l’exemple du vin et du drap que peuvent produire le Portugal et l’Angleterre. Ricardo
supposait que le Portugal pouvait produire une quantité donnée de vin avec 80 années-
hommes (tous les autres moyens de production sont laissés de côté) et une quantité donnée de
toile avec 90 années-hommes. Par ailleurs, l’Angleterre avait besoin de 120 années-hommes
pour produire la même quantité de vin et de 100 années-hommes pour produire la même
quantité de toile. Au Portugal, le vin s’échangera contre la toile à un taux de 80/90 = 0,88 ; en
Angleterre une unité de vin permettra d’acheter 120/100 = 1,2 unités de toile. Il est
manifestement avantageux pour le Portugal d’exporter du vin en Angleterre tant qu’une unité
de vin peut être échangée en Angleterre pour plus de 0,88 unité de toile. De même, il est
avantageux pour l’Angleterre d’exporter de la toile s’il faut céder moins de 1,2 unité de toile
contre une unité de vin. Ainsi, la théorie des avantages comparatifs fixe les limites supérieure
et inférieure à l’intérieur desquelles l’échange peut se faire entre pays à leur avantage
réciproque. Ricardo supposait que le vin s’échangerait contre la toile aux taux de 1 pour 1.
Ainsi, grâce au libre-échange, le Portugal obtenait de la toile pour 80 années-hommes alors
qu’elle aurait exiger 90 années-hommes pour être produite dans le pays. Avant l’échange, il
fallait 80 + 90 + 120 + 100 = 390 années-hommes pour que l’Angleterre et le Portugal
produisent tous deux une unité de vin et une unité de toile. Après l’échange, ces quatre unités
n’exigeraient que 80 + 80 + 100 + 100 = 360 années-hommes. Le gain de l’échange se monte
à 30 années-hommes, et se répartit entre les deux pays en fonction du point où le rapport de
troc entre le vin et la toile se situe entre les limites supérieure et inférieure, point qui
dépend à son tour de l’allure de la demande dans les deux pays. Ricardo avait négligé
cet aspect du problème.
La théorie des avantages comparatifs a été formalisée par des économistes néo-classiques
contemporains. Le théorème HOS (Heckscher, Ohlin, Samuelson) constitue le fondement
théorique de la division internationale du travail.
Notons que cette théorie tend à favoriser les pays les plus avancés déjà spécialisés dans des
productions de haute valeur technologique, tandis que les pays les moins développés sont
condamnés à exporter des produits primaires.

Bibliographie

Abraham-Frois G., Economie politique, Economica, 1992

Blaug M., Encyclopédie économique, Economica, 1984

Blaug M., Histoire économique : origines et développement, Economica, 1984

Brémond J. et Gélédan A., Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier,


1984

Chevalier J-M., Introduction à l’analyse économique, La Découverte, 1995

Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1991

Ricardo D., Principes de l’économie politique et de l’impôt, Calmann-Lévy, 1970


http://mapage.noos.fr/HISTOIREECONOMIQUE/revolutionideologique.htm
Chapitre 5 : la pensée économique de Say
Jean-Baptiste Say (1767-1832), d’abord, employé d’une société d’assurance à Paris, puis,
rédacteur en chef de la revue « La décade philosophique, littéraire et politique » et enfin
homme d’affaires et enseignant au collège de France. Son principal ouvrage est « Traité
d’économie politique » publié en 1803. Say est réputé pour son optimisme quant au
développement économique et social de son époque. Il adopte et reprend les idées de Smith.

I- La théorie de la répartition chez Say

Say se présente lui-même comme un continuateur de Smith. Mais, en réalité il s’écarte


largement de l’apport théorique de celui-ci sur un certain nombre de points comme, entre
autres, la répartition ou le travail productif.
Say, comme Ricardo et Smith, part de l’idée selon laquelle que le procès de production,
n’importe lequel, dépend de trois facteurs : le travail, le capital et les agents naturels, dont seul
la terre constitue le facteur approprié car il est rare, les autres étant obtenus gratuitement.
Ces trois facteurs rendent des services aux entrepreneurs et obtiennent en retour un revenu qui
est le prix de ces services. Ainsi, le salaire, le profit, la rente foncière sont considérés comme
des prix respectivement de la force de travail, du capital et de la terre qui se déterminent à
partir de la confrontation de l’offre et de la demande.

N.B. Pour Smith, l’origine de la répartition provient de l’état naturel : une marchandise
parvient au marché et vendue à son prix naturel qui est la somme des taux naturels de la rente,
des salaires et des profits. Le prix du marché n’est qu’un corollaire de prix naturel (prix-
substrat ou prix-support sur lequel est fondé le prix du marché). La répartition tend donc à être
naturelle.
Pour Ricardo, la répartition des revenus ne dépend pas seulement de l’état de la nature comme
le suppose Smith, mais aussi des mœurs, habitudes du peuple qui influencent le prix naturel,
de développement industriel, du progrès technique et des bienfaits de l’échange international.
Pour Malthus, la répartition des revenus se trouve dans le système économique libéral basé
sur l’individualisme et la stigmatisation des pauvres. Deux idées essentielles en découlent : la
défense des intérêts de la bourgeoisie qui assure la continuité de la production et la
consécration au sein de l’économie nationale d’une demande solvable.

Pour Say, la loi du marché règle la confrontation entre l’offre et la demande sur tous les
marchés. Sur le marché du travail, il ne peut y avoir du chômage car, la baisse du salaire fait
que l’offre du travail excédentaire soit absorbée. En adoptant le principe de la théorie de la
population de Malthus, le niveau bas des salaires ne permet pas une reproduction de travail à
l’identique à cause de dépérissement de la population la plus misérable.

II- La théorie de la valeur chez Say

Dans la première édition de son Traité de l’économie politique, Say voit dans la somme des
salaires et des profits l’origine de la valeur des biens. Dans les éditions successives, Say
affirme que la loi de la valeur doit être fondée sur l’utilité. Néanmoins, Say retient la
première conception de la valeur lorsqu’il affirme dans la troisième édition que la concurrence
entre les producteurs tend à faire baisser la valeur des produits au niveau de leurs coûts de
production.
La conception de Say est que le salaire, le profit et la rente se fixent indépendamment les
uns des autres et que la valeur des biens se forme par agrégation des trois types de dépenses
engagés dans le procès de production. Say néglige de ce fait que le procès de production est
un ensemble issu d’une logique de partage entre les dotations factorielles. Et par conséquent,
le revenu de chaque facteur de production dépend de revenu de l’autre. La considération de
l’existence et de fonctionnement d’un marché en isolement des autres (économie
robinsonnade) n’est pas réaliste. Les néo-classiques, en se basant sur les intuitions de Say,
vont, par la suite, mettre en avant l’hypothèse selon laquelle que les prix sur les différents
marchés se déterminent d’une manière simultanée et en parfaite indépendance dans le cadre
de ce qu’ils appellent l’équilibre général.
Une autre critique contre le système de Say provient de la considération faite par ce dernier
concernant le plein-emploi des facteurs de production issu de jeu du marché. Nous savons,
suite à l’apport de Keynes, que l’équilibre réalisé sur le marché des biens est un équilibre de
sous-emploi et que le taux de profit ne peut correspondre au taux de l’intérêt qui le prix de la
confrontation entre l’offre et la demande sur le marché de la monnaie. Say confond le taux de
profit avec le taux d’intérêt.

III- La loi des débouchés

Say a marqué l’histoire de la pensée économique par sa loi des débouchés reprise aujourd’hui
par les théoriciens de l’offre : « l’offre crée sa propre demande » ou « des produits achètent
des produits » ou encore « des produits s’échangent contre des produits » ; l’offre nouvelle
s’accompagne de distributions de revenus qui permettent d’écouler sur le marché la nouvelle
production. Au niveau global, il ne peut y avoir de crises de surproduction.
On trouve ici, chez Say le même optimisme que chez Smith : le développement du
capitalisme est la source de bonheur, de richesse et de bien-être pour toutes les classes
sociales, à condition que l’on respecte les principes de l’ordre libéral et la loi naturelle sur
lesquels se fonde.
En formalisant sa loi des débouchés, Say a négligé l’aspect monétaire des économies, la
conception sayienne de l’économie est restée prisonnière de celle de troc. En se référant à la
conception keynésienne de la monnaie comme réserve de valeur, les agents économiques ne
dépensent pas leurs revenus immédiatement ; des plans de consommation, d’épargne et de
thésaurisation répartissent dans le temps leurs dépenses. Ainsi une partie de revenu n’est pas
consommée tout de suite : la distribution de revenus nouveaux issue de la production nouvelle
ne peut donner lieu à des débouchés nouveaux comme le voyait Say. Une crise de
surproduction est donc probable.
Une autre critique du système de Say provient de fait qu’il a négligé les conditions de
croissance globale. Sa vision des choses est plus micro-économique et dichotomique.

Conclusion :

Say est le vulgarisateur de Smith ;


Say est très optimiste ;
Say ne parle pas de récessions ;
Say ne dit rien ou pas grand chose sur le progrès technique et ses effets sur la classe des
travailleurs ;
Say ne parle pas de la sphère monétaire. Sans qu’il le revendique ou pas, on peut le considérer
comme le père de la monnaie voile.
Bibliographie

Abraham-Frois G., Economie politique, Economica, 1992

Blaug M., Histoire économique : origines et développement, Economica, 1984

Brémond J., Keynes et les keynésiens aujourd’hui, Hatier, 1987

Brémond J. et Gélédan A., Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier,


1984

Chevalier J-M., Introduction à l’analyse économique, La Découverte, 1995

Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1991

Meyer P., Encyclopédie économique, Economica, 1984


Chapitre 6 : la pensée économique malthusienne
Introduction

Malthus est né en 1766 et décédé en 1834 ; c’est un économiste britannique appartenant à


l’école classique, son principal ouvrage est Essai sur le principe de la population. Il est le fils
d’un gentil homme, disciple des philosophes optimistes, Condorcet et Godwin.
Malthus, bien que libéral, s’oppose à l’optimisme fondamental de Smith et de Say. Il réfute le
système de Godwin, il consolide le système de Smith en démontrant que la tendance au
surpeuplement, inhérente à l’espèce humaine, exige l’inégalité et interdit la reconnaissance du
droit à l’assistance.

I-Les thèses centrales contenues dans l’Essai sur le principe de la population

Face aux transformations économiques rapides connues à cette époque, Malthus y voit la
source des malheurs. Cette époque est marquée, aussi, par l’adhésion aux idées qu’expriment
la révolution française : on croit au progrès et l’on réclame plus de justice. En Angleterre, des
lois d’assistance aux pauvres votées dès le début du 18ème siècle sont une source de discussion
qui partage les esprits. Malthus, pasteur d’une petite paroisse rurale, va réagir violemment
contre ce courant social qui pourrait, selon lui, menait à des désastres. La Grande-Bretagne du
18ème siècle est marquée par une forte croissance démographique qui explique au moins en
partie les transformations de l’agriculture et les débuts de l’industrialisation. Selon Malthus, la
population croît à un rythme géométrique alors que les ressources n’augmentent qu’à un taux
arithmétique, car les terres marginales ne permettent qu’une augmentation très lente des
productions (c’est la loi des rendements décroissants du sol déjà formulée par les
physiocrates). De cette évolution différente résultera à terme une situation dramatique si rien
n’est fait pour limiter la croissance démographique.
Cette contradiction entre le rythme de croissance de la population et le rythme de croissance
de la production engendre chez Malthus un très profond pessimisme. Il ne pense pas que le
progrès technique soit en mesure de résoudre cette contradiction.
Il faut donc favoriser le fonctionnement de mécanismes régulateurs : limitation volontaire des
naissances (l’Eglise et l’Etat, écrit-il, doivent cesser d’encourager les naissances), maintien
des inégalités sociales. La misère est, pour Malthus, un régulateur souhaitable. Il ne faut pas,
affirme-t-il, assister les pauvres car cela les encourage à procréer et le résultat serait un
accroissement de misère pour toute la population. Malthus va donc justifier les inégalités
sociales qu’il convient à tout prix de maintenir : « une classe supérieure et une classe
inférieure sont nécessaires ; bien mieux, elles sont extrêmement utiles. Si les individus
n’étaient pas aiguillonnés par l’espérance de s’élever ou la crainte de déchoir, si le travail ne
portait pas en lui sa récompense et l’indolence sa punition, on ne verrait nul part cette ardente
activité avec laquelle chacun de nous travaille à améliorer sa condition qui est actuellement le
principal moteur de la prospérité publique ».
On remarque tout ce qu’il y a d’individualiste dans cette attitude : enrichis-toi sans te soucier
de tes voisins et des injustices – la richesse récompensera ton travail – , la pauvreté n’est autre
que la sanction de l’incapacité et de la paresse.
Pour comprendre cette attitude il faut se replacer dans le contexte de l’époque : c’est la
bourgeoisie qui construit le capitalisme naissant et qui revendique la place et le pouvoir de
l’aristocratie. Il faut donc qu’il n’y est aucun frein, aucun obstacle à l’enrichissement de la
bourgeoisie qui va devenir la classe dominante. Ce sont les nouvelles activités industrielles et
agricoles, le commerce national et international qui constituent les sources de richesse. Les
pauvres, qui ne contribuent qu’indirectement à l’accumulation, passent au second rang des
préoccupations.

II- La notion de demande effective

La demande effective provient des revenus, c’est-à-dire du profit de la rente et des salaires. La
demande effective est celle qui s’appuie sur un revenu, celui-ci étant vu comme la partie des
biens, ou de la richesse, que leur possesseur peut consommer actuellement sans diminuer ses
ressources ordinaires. Elle se comprend comme la quantité d’une certaine marchandise
recherchée par ceux voulant et pouvant en payer les frais de production. On peut la
décomposer en deux éléments : la consommation productive consistant dans l’emploi fait par
un capitaliste de la richesse en vue d’une production future et la consommation improductive
consistant dans son emploi comme moyen de subsistance sans avoir en vue l’obtention de
bénéfice.
Trois facteurs déterminent la demande effective : la répartition de la propriété foncière, le
commerce intérieur et extérieur et le nombre de consommateurs improductifs.

III- Valeur, capital et répartition des richesses

La valeur d’usage d’un bien a pour fondement non l’utilité mais la rareté et la quantité du
travail nécessaire à son acquisition. Sa valeur d’échange est fonction de la quantité de travail
requis pour sa production étant entendu qu’il existe différentes sortes de travail dont la
rémunération varie.
La baisse de taux de profit doit être combattue.
Le progrès technique est à appliquer.
La spécialisation internationale de la production doit être recherchée.
Le système fiscal est à réformer dans le but de payer moins.
La stabilité de la monnaie favorise le commerce, il importe d’instaurer l’étalon-or et d’avoir
une masse monétaire composée uniquement de papier monnaie dont la valeur serait égale à la
somme d’or existante.
La richesse se partage entre le profit qui est le résultat des capitaux fixes et circulant, et le
salaire provenant du prix du travail échangé contre le capital circulant.
La richesse est, donc, la somme du capital et du revenu des capitaux.
Chapitre 7 : la pensée économique de John Stuart Mill
Introduction

John Stuart Mill (1806-1873), économiste et philosophe britannique ; il est l’aîné de James
Mill le père. Il a été élevé par son père avec l’aide de Jeremy Bentham, utilitariste et
philosophe réformateur britannique.
John Stuart Mill prendra ses distances avec le radicalisme de son père et de Bentham. John
Stuart Mill est un économiste qui appartient donc au courant réformateur modéré de l’école
classique au côté de Sismondi.
John Stuart Mill est qualifié de réformiste car est un auteur qui critique le fonctionnement du
système capitaliste sans pour autant mettre en cause son existence.
John Stuart Mill défend dans sa pensée deux idées : la première est que pour lui, la sociologie,
l’économie et la politique peuvent être étudiées scientifiquement. La seconde est que la
science peut au mieux découvrir comment sont les choses (approche expérimentale et
inductive), mais pas comment elles doivent être (approche normative et déductive).
Son principal ouvrage en économie est les « Principes de l’économie politique » édité en
1848. Dans ses « Principes de l’économie politique », John Stuart Mill reprend et prolonge les
idées libérales de Smith et Ricardo. Mais parallèlement il perçoit les problèmes sociaux qui
accompagnent le développement du capitalisme libéral.

I- Production et distribution des richesses : pour une théorie de la répartition basée sur
le redistribution

Mill distingue la sphère de production des richesses (le processus de production qui met en
combinaison les facteurs de production) et la sphère de distribution des richesses qui relève
« d’une institution exclusivement humaine ».
Pour Mill en effet, il existe deux modes de distribution : le premier a pour fondement la
propriété privée et le second a pour fondement la propriété commune.
De ces deux modes, Mill ne s’intéresse, dans un premier temps, qu’au premier lorsqu’il
affirme d’une manière explicite que l’économiste doit s’occuper essentiellement des thèmes
qui ont trait à la propriété privée et à la concurrence des individus.
Au moment où Mill écrivait ses « Principes de l’économie politique », un certain nombre de
lois ont été votées et appliquées en Angleterre cristallisant de ce fait le programme libéral : la
loi contre l’assistance aux pauvres, les lois sur le blé ont été suspendues, etc. De même, les
crises de surproduction commencèrent à apparaître et la paupérisation des ouvriers ne cesse de
s’accentuer. Tout cela, l’a ramené à revoir, dans un second temps, ses idées. Il écrivit : « les
inventions mécaniques ont permis à un plus grand nombre d’hommes [les ouvriers] de mener
la même vie de réclusion et de travaux pénibles et aux manufacturiers et autres de faire de
grandes fortunes ».
Quant aux crises commerciales, Mill en reconnaît l’existence et en donne une explication. Il
les attribue à l’expansion du crédit. L’enchaînement suivant nous permet de comprendre
l’origine de la crise commerciale :

Augmentation du crédit augmentation spéculative de la demande de biens de


production et de biens de consommation augmentation spéculative des prix et
augmentation de la production
baisse des prix et crises commerciales.
Face à ces problèmes sociaux et à ces crises et contradictions du système capitaliste, Mill
propose une solution malthusienne de contrôle des naissances, afin de permettre une élévation
du niveau de vie général. Il revendique aussi l’égalité des sexes. Il rejoint ici le socialisme
utopique prémarxiste. Il retient, en outre, des solutions selon lesquelles il faut, d’une part,
associer les ouvriers et les entrepreneurs et d’autre part, développer des coopératives de
production.

II- Etat stationnaire et crise d’accumulation du capitalisme

Comme Ricardo, Mill pense que le taux moyen des profits tend à baisser en raison de
l’accroissement de la population et de la mise en culture de terres marginales qui élève le prix
des subsistances par l’augmentation des coûts de production. Pour éliminer ce problème, Mill
propose l’importation des denrées élémentaires étrangères et l’exportation des capitaux.
Néanmoins, la société capitaliste, selon Mill ne peut accumuler indéfiniment. Le système
capitaliste bute contre l’obstacle de l’épuisement de régime d’accumulation. Faut-il le
déplorer (le pleurer) ? Au contraire, Mill voit dans la perspective de l’état stationnaire un
avantage social, car elle porte l’espoir d’une société moins centrée sur la recherche du profit.
Il écrit : « je suis porté à croire qu’en somme l’état stationnaire serait bien préférable à notre
condition actuelle. J’avoue que je ne suis pas enchanté de l’idéal de vie que nous présentent
ceux qui croient que l’état normal de l’homme est de lutter sans fin pour se tirer d’affaire
[c’est-à-dire pour accumuler] ».
On est bien loin ici des idées des utilitaristes selon lesquelles l’accroissement de la richesse
devrait assurer le bonheur universel.

III- La théorie de l’échange chez Mill

L’apport le plus original de Mill est son analyse concernant les termes de l’échange entre
deux pays.
Ricardo, dans sa théorie des avantages comparatifs, a négligé le rapport des prix des
marchandises échangées entre deux pays. Ce rapport reflète ce qu’on appelle communément
aujourd’hui « les termes de l’échange » qui est :

prix de la marchandis e exportée


Termes de l’échange 
prix de la marchandis e importée

Ce rapport est très important dans la mesure où il détermine l’importance de la spécialisation


nationale par rapport à celles des pays étrangers. De même, il dépend de l’importance, dans
chaque pays, de la demande des biens achetés dans l’autre.
L’apport de Mill reste, cependant, d’une application limitée à l’heure actuelle ; comme l’a
remarqué l’américain Graham en 1923, lorsque toute une gamme de marchandises (et non
pas uniquement deux) peuvent être échangées entre divers pays, les termes de l’échange
peuvent dépendre, non pas de la variation, liée à la demande, du prix des biens, importés et
exportés, mais simplement du fait que, par l’effet de la concurrence, des biens d’une
certaine nature prennent place parmi les importations et les exportations d’un pays.
Par conséquent, pour que la théorie de Mill soit valable, il ne suffit pas d’admettre que les
coûts de production soient indépendants des échanges réalisés (en d’autres termes, c’est la
demande qui détermine le niveau de l’échange et non pas les coûts de production), il faut
supposer en outre que les demandes des biens, dans chaque pays, soient elles aussi
indépendantes des échanges (en d’autres termes, les demandes internes continuent à
s’exercer quelque soit le volume, la nature et l’évolution des échanges entre pays).

Bibliographie

Brémond J. et Gélédan A., Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier,


1984

Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1991

Dictionnaire de la pensée politique : hommes et idées, collection Brémond, édition Hatier,


1987
Chapitre 8 : la pensée économique de Marx
Introduction

Karl Marx (1818-1883) a pris comme point de départ la critique de l’économie politique
classique. Il s’agit de donner au socialisme un contenu scientifique et de rompre avec les idées
des socialistes utopiques du début de 19e siècle comme Saint-Simont (1760-1825), Fourrier
(1772-1837), Owen (1771-1858), Proudhon (1802-1864) qui penchent sur le sort des classes
laborieuses et envisagent d’autres systèmes d’organisation sociale et de production comme les
coopératives, les phalanstères (communauté ou association de travailleurs). Pour mettre à mal
les utopistes, Marx s’appuie sur la théorie ricardienne de la valeur : « la théories des valeurs
de Ricardo est l’interprétation scientifique de la vie économique moderne ».
Les lois économiques sont elles naturelles, indépendantes de la société ? A cette question,
l’économie classique libérale répond par l’affirmative. Marx en donne une réponse inverse.
Marx parle d’une conception matérialiste de l’histoire : « dans la production sociale de leur
existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur
volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré donné de développement de
leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports forme la structure
économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s’élève un édifice juridique et
politique, et à quoi correspond des formes déterminées de la conscience sociale. Le mode de
production de la vie matérielle domine, en général, le développement de la vie sociale,
politique et intellectuelle. Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, c’est la vie qui
détermine la conscience ».
Pour un matérialiste, « ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, c’est la vie qui
détermine la conscience ». Ici, on part de la matière pour concevoir et construire l’idée.
C’est en réaction à la philosophie de Hegel que des propositions concernant la démarche de
l’histoire ont été avancées par Marx. Selon Marx, le matérialisme historique est dialectique.
La dialectique de Marx diffère de celle de Hegel14 ; Marx écrit : « Hegel défigure la
dialectique par le mysticisme, ce n’en est pas moins lui qui en a le premier exposé le
mouvement d’ensemble. Chez lui, elle marche sur la tête ; il suffit de la remettre sur les
pieds… »
Par ailleurs, ces lois économiques n’ont rien d’éternel ou de naturel : « à un certain degré de
leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en collision avec
les rapports de production existants, ou avec les rapports de propriété au sein desquels elles
s’étaient mues jusqu’alors, et qui en sont que l’expression juridique. Hier encore formes de
développement des forces productives, ces conditions se changent en de lourdes entraves.
Alors commence une ère de révolution sociale ». Et un peu plus loin, Marx ajoute : « jamais
une société n’expire, avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est

14
Pour Hegel est une tentative pour atteindre la vérité en commençant l’analyse par un concept
relativement primitif, la thèse, pour montrer par la suite qu’il implique son contraire, l’anti-thèse. De la
juxtaposition de ces deux idées contradictoires, émerge une nouvelle conception plus juste. Le
processus se répète jusqu’à ce qu’on aboutisse au concept totalement adéquat. Hegel estime, en
raison de son idéalisme, que cette structure de pensée est celle de la réalité. Pour Hegel, l’histoire suit
un modèle dialectique de développement. L’Etat est une institution complexe, formée de la synthèse
d’éléments contradictoires à différents niveaux de la vie sociale. Pour Hegel donc, l’Etat n’est pas un
simple instrument inventé par la raison pratique de l’homme pour accéder à des buts individuels.
Tandis que pour Hegel les relations de contradiction trouvent leur fondement dans les pratiques
humaines, Marx les relie à la réalité matérielle, c’est ainsi qu’il met en lumière des contradictions entre
les forces productives et les rapports sociaux de production.
assez pour contenir, avant que les conditions matérielles de leur existence soient écloses dans
le sein même de la veille société. C’est pourquoi l’humanité ne se propose jamais que les
tâches qu’elle peut remplir : à mieux considérer les choses, on verra toujours que la tâche
surgit là où les conditions matérielles de sa réalisation sont déjà formées, ou sont en voie de
se créer ». Sur ce dernier point, une question se pose avec acuité : comment le capitalisme
peut-il être dépassé ? Selon Marx, « les rapports de production bourgeois sont la dernière
forme antagonique du progrès social de production… les forces productives qui se
développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps matérielles propres à
résoudre cet antagonisme ».
On remarque que l’approche historique de Marx est très mécanique : lorsque les forces
productives du capitalisme atteindront un certain niveau de développement, il y a passage
automatique ou mécanique à un nouveau mode de production car estime Marx que l’histoire
produit elle même les formes sociales et les moyens de dépassement du capitalisme.

I- Œuvre et méthode

1. Œuvre
1844: rupture philosophique avec la philosophie de Hegel : naissance du matérialisme
historique.
1857: rupture économique : application du matérialisme historique à la chose économique et
révélation de processus de reproduction sociale et d’accumulation du capital par la mise en
avant de la plus- value.
L’œuvre de Marx est très hétérogène : polémique (contre les socialistes utopiques et
anarchistes), pédagogique (envers les prolétaires), théorique (le Capital). De nombreux
auteurs (J. Schumpeter, J. Robinson) trouvent dans Marx, l’économiste, l’historien, le
philosophe et le sociologue.
Le Livre I du Capital (1867) est le seul ouvrage satisfaisant selon Marx, la méthode allant du
général au particulier ; il s’agit de la méthode déductive.

2. La méthode suivie par Marx est une méthode historique


La compréhension de fonctionnement de la société capitaliste et son idéal type, selon les
termes de Max Weber, que constitue la bourgeoisie permet de comprendre toutes les sociétés
précapitalistes ; d’où l’analogie célèbre : « l’anatomie de l’homme est une clé pour l’anatomie
du singe ».
Cette conception est-elle originale ? L’histoire a pour tache conventionnelle de montrer
comment le passé a produit, par étapes, le présent. Cette démarche ethnocentrique est
classique, aussi bien chez les historiens que chez les ethnologues. Marx relève cette objection,
car sa conception de la société bourgeoise est critique...
« La précédente évolution historique repose, en général, sur le fait que la dernière formation
sociale considère les formes passées comme autant d’étapes vers elle-même, et qu’elle les
conçoit toujours, d’un point de vue partial. En effet, elle est rarement capable (et seulement
dans des conditions bien déterminées), de faire sa propre critique ».
L’essentiel de l’exposé historique aura pour but d’éclairer les deux découvertes de Marx :
« La loi de développement de l’histoire humaine et la loi spécifique du mouvement du mode
de production capitaliste et de la société bourgeoise : la découverte de la plus value ».

II- Les principales composantes de la pensée économique de Marx


La pensée économique de Marx relativise les catégories économiques par des déterminants
socio-historiques. Il s’agit notamment de justifier l’existence du « capitalisme de la grande
industrie » par sa forme d’exploitation spécifique : le régime de salariat associé à la plus-
value. Ainsi les catégories et les lois économiques sont soumises à des principes socio-
historiques préalables.

1. Les principaux concepts du Livre I sont :


- le capitalisme est une « immense accumulation de marchandises ».
« La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce
comme une immense accumulation de marchandises » (Capital, livre I).
- la marchandise dont la valeur d’échange est un quantum (une quantité) de travail social. Il
existe un fétichisme de la marchandise (l’apparence de la valeur d’usage tend à se substituer à
la relation entre les choses). De même la métamorphose de la marchandise en argent risque de
faire perdre le sens de ces rapports matériels.
- la force de travail comme marchandise. Ce n’est pas donc l’homme qui est exploité, mais la
force de travail. L’exploitation est un rapport matériel.
- le produit du travail est supérieur au « minimum vital », nécessaire à la reproduction de la
force de travail.
- la plus value absolue revient à augmenter le produit du travail ; la plus value relative, plus
subtile, consiste à dévaloriser le minimum vital, d’où l’importance du mode de production en
agriculture.
- la composition organique du capital (p. 751) analyse la part des « avances » en travail
(capital variable, V) et en capital (capital constant, C). On en déduira des lois structurelles
(augmentation de C/V) sous l’hypothèse de comportement de maximisation du profit par les
capitalistes.
- D’où vient le capitalisme ? ... de la « séparation du travailleur de ses moyens de
production » et de sa dépendance vis à vis du marché au cours du processus « d’accumulation
primitive ». Le capitalisme est donc historiquement une double négation (de son
environnement et de sa propre structure par élimination de la concurrence).

2. Synthèse macroéconomique
a- Le marché du travail
Il s’inscrit dans l’accumulation primitive et se caractérise par un déséquilibre (le chômage)
qui se reporte sur le marché des biens et services. Le marché du travail trouve son origine
dans l’accumulation primitive du capital. Il se caractérise par un déséquilibre permanent. Le
passage à l’accumulation élargie ne résout pas le problème à cause de la baisse tendancielle
du taux de profit. Ce déséquilibre se manifeste à travers la baisse de la demande.

b- Le marché des biens et services


Deux éléments fondamentaux: les schémas de la reproduction et la baisse tendancielle du
taux de profit :
 Les schémas de la reproduction
De l’économie stationnaire (reproduction simple) à la croissance (reproduction élargie) en
économie fermée. L’analyse de Marx est d’abord une analyse portant sur l’économie
autarcique. Marx a évacué de son analyse les rapports de force qui s’établissent sur les
marchés extérieurs. Les théories de l’impérialisme compléteront plus tard (Rosa Luxemburg,
Hilferding, Hobson, Kautsky, Lénine...) cet édifice.
Marx divise la sphère de production en deux secteurs : secteur qui fabrique les moyens de
production et secteur qui fabrique les biens de consommation. Sachant que la valeur de la
production totale est composée du capital constant (C) qui correspond à l’usure du matériel,
du capital variable (V) qui correspond au paiement des salaires et la plus- value (PL). La
composition de la valeur de la production de chacun des secteurs de la production est
analogue à celle de la valeur de la production totale.
Dans le secteur de la production des biens de production, la valeur de la production est égale
à:
C1 + V1 + PL1
Dans le secteur de la production des biens de consommation, la valeur de la production est
égale à :
C2 + V2 + PL2
Si l’on veut que la valeur des produits soit entièrement réalisée, il faut d’abord que toutes les
sommes dépensées par les entreprises au cours de la fabrication des biens soient utilisées par
ceux qui ont bénéficient pour acheter des produits. Dans ces conditions, la demande globale
sera égale à l’offre globale. Cela implique qu’il n’y ait pas de thésaurisation, ni de la part des
entreprises qui constituent les provisions pour le remplacement de leur équipement, ni de la
part des capitalistes qui épargnent une partie de leur revenu.
Si on fait abstraction de la thésaurisation, il faut encore que pour chacun des deux secteurs de
la production, la demande de produits soit égale à l’offre. Ainsi :
 la demande de biens de production est égale au montant des provisions pour
amortissement (C1 + C2), plus la fraction de la plus value épargnée par les capitalistes, c’est-
à-dire a (PL1 + PL2). Par conséquent, l’égalité entre l’offre et la demande de la production de
secteur de la fabrication des biens de production (secteur I) s’exprime comme suit :
C1 + V1 + PL1 = C1 + C2 + a (PL1 + PL2)
 la demande de biens de consommation est égale au montant des salaires (V1 + V2) (si
l’on néglige l’épargne des salariés, plus la fraction consommée de la plus value, égale à (1- a)
(PL1 + PL2). Par conséquent, l’égalité entre l’offre et la demande de la production de secteur
de la fabrication des biens de consommation (secteur II) s’exprime comme suit :
C2 + V2 + PL2 = V1 + V2 + (1- a) (PL1 + PL2)
Ceci étant, on peut remarquer que dans l’hypothèse où l’offre globale est égale à la demande
globale, la réalisation de l’égalité de l’offre à la demande dans un secteur garantit la
réalisation de cette égalité dans l’autre. On a en effet :
Offre de secteur I + Offre de secteur II = Demande de secteur I + Demande de secteur II.
Si l’on a :
Offre de secteur I = Demande de secteur I,
On a aussi :
Offre de secteur II = Demande de secteur II
Et si l’on a :
Offre de secteur I < Demande de secteur I,
On a obligatoirement :
Offre de secteur II > Demande de secteur II,
et inversement.
Puisque la réalisation de l’équilibre dans un secteur garantit la réalisation ….deux secteurs.
Si nous prenons l’équation qui définit l’équilibre sur le secteur I, c’est-à-dire :
C1 + V1 + PL1 = C1 + C2 + a (PL1 + PL2)
Le membre de gauche de cette équation désigne l’investissent brut dans l’économie (la valeur
totale des moyens de production produits dans l’année).
Le membre de droite de l’équation désigne l’épargne brute (réserves pour amortissement dans
les deux secteurs, plus l’épargne des capitalistes).
L’égalité qui est ainsi posée signifie donc que l’investissement brut est égal à l’épargne brute.
Or nous savons que si cette égalité est réalisée, l’équilibre existe aussi dans le secteur II, c’est-
à-dire que la demande de biens de consommation est égale à l’offre de biens de
consommation. L’égalité de l’investissement brut et de l’épargne brut est donc la condition
nécessaire et suffisante de l’équilibre sur le marché des biens de consommation.
Mais cette condition peut encore être exprimée sous une autre forme. En effet, on doit
remarquer que l’épargne brute est une fraction déterminée de la production totale, puisque C1,
C2, PL1 et PL2 sont des grandeurs proportionnelles à la valeur des biens de consommation
produits ou à la valeur des biens de production produits. Donc pour que l’investissement brut
soit égal à l’épargne brute, il faut qu’il représente une fraction déterminée de la valeur totale
de la production. Autrement dit, il faut que l’épargne brute soit entièrement utilisée.
Suivant les schémas de reproduction de Marx, démontrés dans le livre II du Capital (demeuré
inachevé), si l’investissement est inférieur à l’épargne, c’est-à-dire si l’on a :
C1 + V1 + PL1 < C1 + C2 + a (PL1 + PL2),
Investissement (demande de biens de production) < Epargne :
Insuffisance de la demande de biens de consommation : les agents consomment moins qu’ils
épargnent, résultat : excédent de l’offre par rapport à la demande et crise de surproduction. En
fait, la surproduction de marchandises entraîne le rationnement de l’entrepreneur
(l’élimination) capitaliste et la sous-consommation ouvrière. Ce qui empire la situation par la
baisse de la demande de la consommation.
Pour Marx, l’origine de cette crise de surproduction se trouve dans l’insuffisance de la
demande pour les biens d’investissement et par conséquent dans l’insuffisance de la demande
pour les biens de consommation. Selon Marx, cette situation est voulue à première vue par les
capitalistes car ceux-ci ne peuvent investir que si le profit réalisé soit important. Ce résultat
semble très important à l’époque où Marx écrivait. Néanmoins, aux yeux même de l’auteur,
ce résultat ne donne pas une véritable explication des crises de surproduction. Car son schéma
implique, d’une manière mécanique, que s’il existe une production excédentaire dans un
secteur de l’économie, il y a nécessairement une insuffisance de la production dans l’autre
secteur. Cette situation doit, toute chose égale par ailleurs, engendrer un déplacement des
capitaux vers le second secteur et l’équilibre de l’économie doit ainsi se maintenir. On
comprend en effet pourquoi Marx n’a pas publié le livre II du capital.
 la baisse tendancielle du taux de profit
Le problème de la baisse tendancielle du taux de profit provient de l’état stationnaire de
l’économie analysé par les classiques et en particulier par Ricardo. Marx reprend cette idée, et
en déduisant des conclusions tout à fait différentes de ces prédécesseurs. A ces yeux, il est
exclu qu’une économie capitaliste demeure durablement dans un état stationnaire. La baisse
du taux de profit devra engendrer au contraire une situation éminemment instable et explosive
de sous-emploi des forces productives, situation qui conduira au renversement du système. La
question de la baisse tendancielle du taux de profit a été analysée par Marx dans le livre III du
Capital, aux chapitres 13, 14 et 15 ; les conclusions relatives à cette question ont été tirées, par
Engels, de manuscrit rédigé par Marx en 1864 et 1865, c’est-à-dire avant même la publication
du livre I.
La démonstration de Marx part de l’idée suivante : « le progrès des techniques de production
a pour effet d’élever le rapport du capital constant au capital variable, ou la « composition
organique de capital ». si le taux de plus value reste le même, le taux de profit baisse
nécessairement. Pour le démontrer, Marx suppose que la vitesse de rotation des capitaux
(capital variable et capital constant) est égale à 1, c’est-à-dire que le capital dépensé
annuellement soit égal au capital investi.
Si l’on prend PL pour la plus value
K pour le capital total de l’économie
C pour le capital constant (investi et dépensé)
V pour le capital variable (investi et dépensé)
le taux de profit r est :
PL PL
r ou r 
K C V
C
Désignons par x le rapport (qui est la composition organique du capital). Nous pouvons
V
écrire donc :
C = Vx
Le taux de profit r s’écrit alors :
PL PL PL 1
r ou r  ou r  .
Vx  V V (1  x) V 1 x
PL 1
Par définition ne change pas ; mais x augmente. Donc l’expression devient plus
V 1 x
PL 1
petite et le produit . devient également plus petit.
V 1 x
Néanmoins Marx voit bien que l’hypothèse d’un taux de plus value constant ne peut être
maintenue puisque lui-même indique si la productivité du travail augmente les capitalistes
tendent à abaisser les salaires nominaux et, par conséquent, la part des salaires dans le produit.
Il s’efforce alors de démontrer que même si le taux de plus value augmente, le taux de profit
doit tendre tôt ou tard à baisser.
Dans le chapitre 15 du livre III, part d’un autre point de vue, plus convaincant ; son
raisonnement n’est plus l’élévation de la composition organique de capital, mais la diminution
de nombre d’ouvriers occupés pour un capital donné. Les deux hypothèses sont considérés par
Marx, semble-t-il, comme équivalentes. Cela n’est pas tout à fait exact. Cependant on peut
admettre que le progrès technique tend à les réaliser l’une et l’autre, de sorte que cette
nouvelle démonstration peut bien être considérée comme un prolongement de la précédente.
Marx suppose, en substance que si le nombre d’ouvriers occupés à l’aide d’un capital donné
diminue progressivement. Pour que le taux de profit obtenu par ce capital demeure le même, il
faut que la plus value réalisée par ce capital demeure la même en dépit de la diminution de
nombre des ouvriers occupés. Il faut donc que la plus value extorquée à chaque travailleur
augmente. Or, il y a une limite à l’augmentation de cette plus value, puisque le nombre
d’heures de travail que peut fournir un ouvrier est limité et puisque une partie de ces heures de
travail doit être consacrée à l’entretien de la force de travail.
De l’autre côté, Marx reconnaît qu’il ne faut pas s’attendre à une diminution régulière et
nécessairement rapide du taux moyen de profit. D’autres causes encore peuvent ralentir ou
même arrêter temporairement cette baisse. De même, Marx pense que le développement du
commerce avec l’extérieur doit ralentir la baisse du taux de profit. Il est donc d’accord sur ce
point avec Ricardo. Mais les raisons qu’il invoque sont différentes de celles qui étaient
avancées par celui-ci. Ce qui retient son attention n’est plus le fait que les achats de produits
alimentaires à l’étranger arrêtent l’élévation de la rente foncière différentielle, c’est le fait que
le commerce extérieur et sans doute la production pour le commerce extérieur fournissent des
occasions de réaliser des taux de profits particulièrement élevés. Dans la dernière partie de 19 e
siècle, les importations de denrées alimentaires à bon marché, en provenance des deux
Amériques, notamment, ont joué un rôle considérable du point de vue de l’évolution
économique en Europe occidentale. Quoi qu’il en soit, Marx, tout en admettant que la
tendance à la baisse du taux de profit peut être freinée, est persuadé qu’elle engendre déjà des
phénomènes qui mettent en question l’existence du capitalisme. Il fait cette remarque que le
commerce extérieur, s’il soulage en un sens le capitalisme, accélère par ailleurs
l’accumulation du capital, donc le progrès technique, ce qui renforce finalement la tendance à
la baisse de taux de profit. Il s’agit donc d’analyser les conséquences de cette baisse.
Selon Marx, parmi les effets de la loi tendancielle du taux de profit est la désagrégation du
capitalisme. La baisse du taux de profit doit aboutir donc non pas à la consolidation du
capitalisme dans un état stationnaire, comme le veulent la majorité des économistes, mais à
une situation insupportable de sous-emploi des forces productives.
Les économistes supposent que la baisse du taux de profit a pour seul effet de limiter
progressivement l’épargne. Marx montre qu’il a en réalité pour effet principal de créer une
masse d’épargne qui ne trouve pas à s’investir dans des conditions satisfaisantes. Bien que
souvent Marx ait adopté, dans ses travaux économiques, le point de vue de l’économie
politique classique qui tend à admettre que l’épargne s’investit automatiquement, cette fois il
les distingue nettement. Cette idée va être reprise par Keynes.
Si le taux moyen de profit est bas, nous dit Marx, il n’existe pas de possibilité pour les
nouveaux capitaux de trouver des occasions d’investissement promettant une rentabilité
suffisante ; ils doivent alors engager la lutte pour conquérir une partie des marchés déjà
alimentés les anciens capitaux. Dans une telle hypothèse, on doit dire qu’il y aura pléthore du
capital. L’effet de cette pléthore est de rendre la concurrence et la spéculation très aiguës et
d’augmenter la gravité des crises de surproduction.

c- La monnaie
Dans le livre I du Capital, Marx montre qu’une marchandise particulière ayant la propriété de
conserver la valeur, de servir d’unité de compte et d’instrument de paiement, est un équivalent
général monétaire. Si les prix relatifs entre les objets sont donnés par la loi de la valeur travail
et donc par la quantité de travail socialement nécessaire pour les produire, la monnaie permet
d’établir une unité de mesure concrète. L’équivalent général, accepté par tous, permet de fixer
les rapports d’échange avec toutes les marchandises. Une propriété particulière retient
l’attention de Marx : c’est la fonction de réserve de valeur qui permet de dissocier achat et
vente et permet la thésaurisation. La monnaie peut être conservée sans servir immédiatement
à de nouveaux achats, ainsi les possibilités de crise sont inséparables de cette fonction de
réserve. La fuite hors de circuit de certaines quantités monétaires rend possible la
surproduction car la détention de monnaie n’apparaît pas nécessairement comme un pouvoir
d’achat actif.
Marx est conscient du fait que la monnaie n’est plus une marchandise (or, argent) et, comme
conséquence, l’état a le pouvoir d’imposer le cours forcé de la monnaie.
Marx explique, en outre, le niveau des prix par l’approche quantitative de la monnaie. Un
doublement de la masse monétaire pour une vitesse de circulation de la monnaie constante et
un volume de transactions identiques se traduirait par un doublement des prix sans
modification des prix relatifs (neutralité de la monnaie).
Marx rappelle : « en analysant la circulation monétaire simple, nous avons démontré que la
quantité de monnaie en circulation – la vitesse de circulation de l’économie et l’économie des
paiements étant données – est déterminée par les prix des marchandises et le nombre des
transactions (de Capital, livre II). Pourtant Marx n’est pas un quantitativiste traditionnel car :
c’est le cycle productif qui détermine le niveau de l’offre de monnaie. La variable
déterminante de l’activité économique et, en particulier, des crises est le taux de plus value et
le rythme d’accumulation et non la quantité de monnaie.
La vitesse de circulation de la monnaie est variable selon le cycle des affaires : « le grand
régulateur de vitesse de circulation c’est le crédit » (Capital, livre III).
Il est fortement question chez Marx d’illusion monétaire, surtout dans la forme de la valeur.
La monnaie n’aurait qu’une utilité indirecte ? Mais la monnaie joue un rôle fondamental dans
le processus de constitution et de dissolution des formes précapitalistes.
Dans le livre II du Capital, Marx insiste sur la liaison entre le rythme de l’accumulation et la
monnaie. Le capitaliste doit sans cesse passer d’une marchandise à une forme monétaire.
Ainsi la disposition d’un capital argent A peut se transformer en marchandises productives M
(moyens de production matériels et force de travail) puis ces dernières donnent naissance à
des marchandises produites M’ (produits de consommation) qui sont échangées contre un
capital argent A’. Le phénomène se répète par rétroaction ; étant A’ > A, le cycle de
production s’élargit et l’accumulation se poursuit.

Conclusions : LES LIMITES DE L’ANALYSE HISTORIQUE DE MARX.

A) Limites générales : il n’existe pas de schéma d’évolution normatif chez Marx.


Marx ne propose pas de recette « historique » face à la recette philosophique allemande. En
critiquant celle-ci, il aboutit à une nouvelle dialectique qui suggère un nouveau projet
historique; mais ne peut le réaliser, faute d’une nouvelle conception du présent. Avec celle-ci,
en 1857/1858, Marx nous livre sous forme définitive la genèse du salariat qu’il conçoit
comme genèse résumée et idéale de la naissance et de l’avènement du capitalisme.
- Elle est une genèse résumée aux phénomènes constitutifs du salariat; phénomènes positifs
isolés, extraits des formations sociales précapitalistes dont les traits constitutifs sont à peine
esquissés.
- Elle est une genèse idéale, sinon idéal typique, réduite à la genèse particulière du capitalisme
anglais conçu comme le modèle pour l’Europe occidentale. Ce qui ne veut pas signifier que
des genèses similaires doivent se produire ailleurs.
Jusqu’à l’avènement du capitalisme, cette histoire est donc limitée à des éléments
arbitrairement choisis et isolés dans un cadre chronologique et géographique limité. En dehors
de cette genèse, les autres listes de sociétés, de modes de production précapitalistes ne font
qu’esquisser un mouvement dialectique particulier. En aucun cas, elles ne donnent une
périodisation définitive de l’histoire de l’humanité, ni de théorie des périodes précapitalistes.
De telles périodisations seraient en contradiction avec les principes épistémologiques de
l’Introduction de 1857. Sans doute, a-t-on trop souvent confondu, comme le suggère R. Aron,
périodisation concrète et typologie des modes de production.

Le problème de régime de salariat pour l’explication de contenu de la formation économique


et sociale capitaliste ;

Le problème de l’expropriation des moyens de production comme solution au passage à une


formation sociale qui dépasse le capitalisme ?

Glossaire :
Plus-value : appelée dans la quatrième édition allemande la survaleur qui désigne le travail
impayé, partie de travail extorqué par le capitaliste. En d’autres termes, la plus-value =
valeur produite effectivement par la force de travail – valeur de la force de travail
(salaire perçu par le travailleur).

Valeur de la marchandise : dépend de la quantité de travail socialement nécessaire à sa


production.

Mode de production capitaliste : il englobe tout aussi bien les forces productives de la société
que les rapports de production entre les hommes, et est ainsi l’incarnation de leur unité dans le
processus de production des biens matériels.

Travail simple : c’est le travail élémentaire non qualifié.

Travail complexe : travail qualifié, minutieux et composé. Marx dit qu’une quantité donnée de
travail complexe correspond une quantité plus grande de travail simple.

Travail concret : c’est la forme première du travail, celle qui a pour but de rendre l’objet utile,
de satisfaire les besoins des hommes. C’est en quelque sorte le résultat de travaux
individuellement différents liés à des activités différentes et dont les valeurs d’usage sont
différents.

Travail abstrait : les marchandises sont des valeurs d’échange ; elles représentent alors du
travail homogène, indifférencié, c’est-à-dire du travail dans lequel l’individualité des
travailleurs est effacée. Par conséquent, le travail qui crée la valeur d’échange est du travail
général abstrait.

Travail humain : le caractère humain commun qu’ont toutes les formes concrètes de travaux ;
il s’agit de toute force de travail humaine dépensée.

Travail direct : c’est le travail dépensé directement et instantanément au cours de procès de


production d’une marchandise sans compter le travail cristallisé dans les moyens de
production.

Travail indirect : c’est la valeur transmise par les moyens de production utilisés au cours de
processus de production. C’est le travail cristallisé ou travail mort existant dans les machines
ou dans les matières premières (ou produits semi-finis) utilisées.

Les prix de production : « toute la difficulté précise Marx vient de ce que les marchandises ne
sont pas échangées seulement en tant que telles, mais en tant que produits de capitaux qui
réclament une participation dans la masse totale de la plus-value en proportion de leur
grandeur ». Le taux de profit assure la redistribution de la plus-value entre masse de capitaux
en proportion de leur grandeur ; en conséquence, la loi de la valeur ne se manifeste
qu’indirectement par l’intermédiaire des prix de production : « le prix ainsi égalisé qui répartit
également la plus-value sociale entre les masses de capitaux en proportion de leur grandeur
est le prix e production des marchandises, le centre autour duquel les prix de marché
oscillent ».
La composition organique du capital : c’est le rapport du capital constant au capital variable.

Travail : « la substance et la mesure des valeurs, mais qu’il n’a lui même aucune valeur ».

Force du travail : « l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le
corps d’un homme, dans sa personnalité vivante, et qu’il doit mettre en mouvement pour
produire des choses utiles ».

La reproduction de la force du travail : « la somme des moyens de subsistance nécessaires à la


production de la force de travail comprend les moyens de subsistance des remplaçants, c’est-
à-dire des enfants des travailleurs ».

Taux de profit : c’est le rapport de la plus-value au capital total avancé sans qu’une distinction
ne soit faite par le capitaliste selon qu’il s’agit de capital constant ou de capital variable.
Taux de plus-value : rapport de la plus-value au capital variable.

Bibliographie

Karl Marx, Le Capital, 4ème Edition allemande, Edition Sociales, 1978

Abraham-Frois G., Economie politique, Economica, 1992

Blaug M., Encyclopédie économique, Economica, 1984

Blaug M., Histoire économique : origines et développement, Economica, 1984

Brémond J. et Gélédan A., Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier,


1984

Chevalier J-M., Introduction à l’analyse économique, La Découverte, 1995

Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1991

http://mapage.noos.fr/HISTOIREECONOMIQUE/revolutionideologique.htm
Chapitre 9 : la pensée économique néoclassique
L’école néoclassique est une réaction non seulement contre le marxisme et l’école historique
allemande à travers leur démarche historique ou contre le positivisme de Comte, mais aussi
est une réaction contre l’école classique en la réfutant sur un certain nombre de points comme
la valeur, l’échange,…Les auteurs néoclassiques retiennent toutefois le libéralisme
économique des classiques.
L’innovation la plus importante réalisée par les néoclassiques est leur introduction des
mathématiques dans l’économie.
L’école ou le courant néoclassique s’est développé vers la fin du 19ème siècle. Trois auteurs,
Jevons, Menger et Walras ont réalisé ce que l’on a appelé la « révolution marginaliste » qui
désigne la mise en évidence de principe de l’utilité marginale et du calcul marginal.

I- La critique de l’école classique

La critique de l’école classique a commencé, d’abord, avec un certain nombre de philosophes,


mathématiciens et historiens dans le cadre de l’école historique allemande.

A- La critique d’Auguste Comte

Auguste Comte (1798-1857), mathématicien, sociologue français, fondateur de la doctrine


positiviste selon laquelle l’esprit humain passe successivement sur trois états : l’âge
théologique, l’âge métaphysique et enfin l’âge positif dans lequel il ne connaît d’autre vérité
que les vérités dégagées par les sciences. Selon Comte, il n’existe aucune possibilité pour la
pensée d’atteindre, par son effort propre, l’essence cachée des choses15. « Tout ce qu’on
appelle logique, métaphysique, idéologie, ajoute Comte, est une chimère et une rêverie, quand
ce n’est point une absurdité ».
Pour Comte, les controverses philosophiques ne donnent lieu à aucun progrès ; les opinions
demeurent diverses. Au contraire les sciences, fondées sur l’observation, progressent
régulièrement : elles réalisent de véritables découvertes admises par tous les savants.
Comte estime que l’économie politique est proche de la métaphysique ; les auteurs s’y
opposent sans qu’on ne voie jamais la fin de leurs discussions. C’est la raison pour laquelle
qu’il faut la remplacer par la sociologie.

B- La critique de l’école historique allemande

Les représentants de l’école historique allemande à leur tête Guillaume Roscher ont cherché à
fonder une science économique sur l’examen des faits historiques. Ils admettaient que les lois
à découvrir devraient être des lois relatives à l’évolution des institutions (et non pas seulement
des mentalités) et ils penchaient vers le réformisme social.
Selon les auteurs de l’école historique allemande, il existe une opposition absolue entre la
science de l’histoire et les sciences exactes et que, pour cette raison, les lois dégagées par

15
Ceci confirme l’opposition avec la dialectique hégélienne. Hegel dit la chose suivante : « dans
l’histoire universelle, il résulte des actions des hommes autre chose que ce qu’ils projettent et
atteignent, que ce qu’ils veulent, que ce qu’ils savent et veulent immédiatement ; ils réalisent leurs
intérêts, mais il se produit avec cela quelque autre chose qui y est caché à l’intérieur, dont leur
conscience ne se rendait pas compte et qui n’était pas dans leurs vues.
l’économie politique, à l’aide d’une méthode analogue à celle de la physique, ne pouvaient
avoir aucune validité.

II- La contre critique néoclassique

La contre-offensive des économistes, bien avant les premiers fondateurs de l’école


néoclassique, a commencé avec Mill en réponse à Auguste Comte en disant qu’il existe une
« sociologie déductive » dont l’économie politique est l’une des branches. L’économie
politique peut se fonder sur des lois abstraites et universelles. La contre-offensive a
commencé aussi avec des philosophes utilitaristes comme Bentham ; celui-ci affirme que la
satisfaction liée à la consommation progressive d’un bien est décroissante.
Nous trouvons par ailleurs les précurseurs aux néoclassiques qui rejettent aussi bien la
méthode des économistes classiques (y compris Marx) que les propos réfutationnistes des
positivistes quant au statut de l’économie politique.
Enfin, c’est aux fondateurs de l’école néoclassique qu’incombaient l’édification d’une
nouvelle science économique plus rigoureuse que sa devancière classique.

A- Les précurseurs de l’école néoclassique

Parmi les précurseurs à l’école néoclassique, on peut citer trois auteurs les plus connus :
Thünen, Gossen et Cournot.
Thünen, économiste allemand, est l’un des premiers16 à avoir employer le raisonnement
à la marge dans le domaine agricole. En 1824, Thünen écrit la chose suivante :
« l’application de doses successives de travail sur une terre doit continuer jusqu’à ce
que le rendement supplémentaire obtenu grâce au dernier travailleur employé soit égal
en valeur au salaire qu’il reçoit ».
Quelques années plus tard, en 1854, Gossen, psychologue et économiste autrichien, parlait de
deux principes, baptisés, la première loi et la deuxième loi de Gossen : la première est relative
à la décroissance de l’utilité marginale et la deuxième est relative à l’égalisation des utilités
marginales des biens pondérées par leurs prix respectifs. Ces deux lois constituent les
fondements de la théorie de consommateur qui va être parachevée par la suite par Jevons.
Un autre précurseur aux néoclassiques mérite d’être cité ; il s’agit du mathématicien français
Augustin Cournot (1801-1877).
La partie centrale de l’œuvre de Cournot concerne la théorie des prix du monopole. Cournot a
essayé de déterminer le prix d’une entreprise monopole sur un marché étant donnée une
demande D qui est fonction du prix p ; c’est-à-dire, D  f ( p). Nous savons qu’une
entreprise monopole peut augmenter sa recette (et son profit) à travers une augmentation de
son prix sans qu’elle soit contrainte d’augmenter la quantité produite.
De la fonction de demande des consommateurs, l’entreprise monopole peut déterminer son
chiffre d’affaire qui est : p. f ( p). Ce chiffre d’affaires est maximum si sa dérivée première
est nulle, c’est-à-dire :
 p. f ( p)  0  p. f ( p)  p. f ( p)  0  f ( p)  p. f ( p)  0
C’est ce qu’on appelle dans le jargon économique actuel la condition de premier ordre.

16
Ricardo ou Malthus expliquaient avant Thünen que les prix des denrées agricoles dépendent du
coût de production sur les terres les moins fertiles. En d’autres termes, les terres marginales (les
moins fertiles) ne peuvent être cultivées puisque leurs productivités marginales deviennent inférieures
à leurs coûts marginaux.
En résumé, les premières tentatives de formalisation, initiée par les précurseurs sont
considérées comme une réplique contre les thèses positivistes et celles de l’école historique
allemande.
Le travail initié par les précurseurs a été repris et développé par les fondateurs de l’école
néoclassique, à leur tête : Jevons, Walras, Menger et d’autres.

B- Les fondateurs de l’école néoclassique

Les fondateurs de l’école néoclassique se sont élevés contre le positivisme de l’époque, contre
l’approche historique de l’école historique allemande et de Marx. Mais, surtout, ils se sont
élevés contre l’approche des auteurs classiques.
Trois points, entre autres, constituent la pomme de discorde entre les néoclassiques et les
classiques ; il s’agit notamment :
 La nature du capital : pour les classiques, le capital apparaît comme une avance d’argent
donnée par les capitalistes, avance qu’ils cherchent par la suite de récupérer après l’avoir
fructifiée. Pour les néoclassiques, le capital est considéré comme un outil de production,
défini d’une manière physique ;
 La conception de la valeur : pour les classiques, il s’agit de la loi objective de la valeur
fondée sur le travail…pour les néoclassiques, il s’agit au contraire d’une conception
subjective de la valeur fondée sur l’utilité ;
 La répartition du revenu global : pour les classiques, il affrontement de classes sociales ;
la répartition apparaît comme un prélèvement opéré sur le surplus produit. Tandis que chez les
néoclassiques, l’optique est très différente, beaucoup plus pacifique : le raisonnement en
termes de classes sociales disparaît ; il s’agit d’un raisonnement en termes de facteurs de
production, chacun des facteurs de production reçoit une rémunération.

a- William Stanley Jevons

Jevons (1835-1882), fils d’un industriel anglais qui fut ruiné par la crise économique de 1847,
s’est d’abord intéressé aux problèmes de la météorologie avant de s’attaquer aux questions
économiques. Son ouvrage le plus célèbre est : La théorie de l’économie politique, édité en
1871. Dans cet ouvrage, Jevons réfute la théorie de la valeur travail en disant : « le travail ne
peut être la cause de la valeur des biens, car la dépense de travail précède d’un intervalle
important le moment où le bien est consommé. Jevons remplace la théorie de la valeur travail
par une théorie de la valeur basée sur l’utilité marginale.

1. La valeur d’un bien est liée au degré final d’utilité qu’il procure

Selon Jevons, deux marchandises (A et B) ont des degrés finals d’utilité proportionnels aux
prix en vertu de la loi d’égalisation des utilités marginales pondérées par leurs prix respectifs.
Le propos de Jevons s’appuie sur les deux lois de Gossen : la loi de la décroissance de l’utilité
marginale et la loi de l’égalisation des utilités marginales.
En effet :
UmA UmB UmA p A
  
pA pB UmB pB

Cette égalisation des utilités marginales ne peut être valable que si les biens sont supposés
parfaitement divisibles et que l’on peut passer de la consommation d’une quantité donnée à sa
variation infinitésimale. C’est ce qu’on appelle en mathématiques : la continuité et la
monotonie d’une fonction ; en économie, il s’agit de l’hypothèse de la non saturation de la
consommation des biens.
Si :
UmA p A UmA UmB
  
UmB pB pA pB

cela signifie que l’utilité procurée par la dernière unité monétaire dépensée pour l’achat de A
est inférieure à l’utilité procurée par la dernière unité monétaire dépensée pour l’achat de B.
Dans un tel cas, le consommateur a intérêt à acheter davantage de B et moins de A.

2. La valeur du taux final de rendement du capital et l’analyse de la répartition

Le taux final de rendement du capital constituera par la suite ce que les néoclassiques
appelleront la productivité marginale du capital.
Pour Jevons, le capital a une qualité d’être utilisé dans le temps. « L’emploi du capital est
avantageux parce qu’il permet de différer le moment où l’on jouit des fruits du travail du
moment où ce travail a été dépensé pour la production ». Le rôle du capital devient selon
Jevons très crucial. Il rajoute aussi que les thèses socialistes d’exploitation des travailleurs ne
sont pas valables. Car le capital a une rémunération qui est l’intérêt du capital. Selon lui : « le
rapport de l’accroissement du produit obtenu par un allongement de l’intervalle du temps à
l’accroissement de l’investissement nécessaire à la réalisation de cet allongement détermine le
taux de l’intérêt ».
Selon une argumentation implicite de l’auteur, il semble que les unités de capital employées
successivement dans une entreprise ont des rendements décroissants.
Rendements
marginaux

0
q Capital

b- Alfred Marshall (1842- 1924)

D’origine modeste, il gravit les échelons universitaires jusqu’à devenir Professeur à


l’Université de Cambridge. Il apporte des contributions importantes à la théorie de la firme et
une théorie synthétique de l’équilibre partiel.
L’approche de Marshall consiste à raisonner sur l’offre et la demande d’un bien, c’est-à-dire
d’un seul marché sans tenir compte de ce qui se passe sur les autres marchés. C’est ce qu’on
appelle la clause « toutes choses égales par ailleurs » ou ceteris paribus. Cette clause ne peut
être valable vu les conditions d’interaction qui existent entre les différents marchés et
différents comportements des individus. Lorsque le prix d’un bien varie, d’une part, le
pouvoir d’achat des vendeurs et des acheteurs de ce bien varie aussi, d’autre part, il y a
changement des prix relatifs, ce qui conduit à se substituer les biens entre eux. Ainsi, lorsque
le bien considéré est le travail, il est clair qu’on ne peut se contenter d’une affirmation du
type : « lorsque le salaire baisse, la demande de travail augmente ». Cette critique va être
affinée par la suite par Keynes en disant que l’équilibre qui existe sur le marché de l’emploi
est un équilibre de sous emploi.
Deux autres critiques, selon Guerrien, peuvent être adressées contre l’approche par l’équilibre
partiel :
 Elle suppose l’existence de courbes d’offre et de courbes de demande qui ne sont que
virtuelles, puisque non observables ; en effet, ce qui observé, ce sont des échanges effectifs et
non des courbes qui traduisent ce que les un et les autres auraient fait dans toutes les situations
envisageables ;
 Elle se donne a priori les courbes d’offre et de demande ; or, pour un néoclassique, celles-
ci devraient se déduire des comportements maximisateurs individuels donc à partir d’un
raisonnement d’équilibre général, où sont prises en compte toutes les interactions entre ces
comportements.

L’approche par l’équilibre partiel présente l’avantage de la simplicité : un équilibre qui relie
une courbe d’offre croissante et une courbe de demande décroissante. Ce lien entre l’offre et
la demande reflète le prix d’équilibre et la quantité d’équilibre.

offre

qe
demande

pe p

c- Léon Walras (1834-1910)

La pensée de Léon Walras est restée méconnue à cause de son rejet par l ‘école libérale
française.
Né à Evreux, fils d’Auguste Walras, lui même professeur d’économie (théoricien de la rareté),
il aura des difficultés à intégrer une école d’ingénieur et deviendra critique d’art avant de
postuler à des postes de professeur d’économie dans les universités française qui lui seront
refusés. De ce fait, il enseignera à Lausanne à partir de 1870 (d’où le nom d’école de
Lausanne) et publiera la première édition des « Eléments d’économie politique pure et théorie
de la richesse sociale » en 1874 qui, au départ théorie de l’échange, sera complétée en 1877
par une théorie de la production, de la capitalisation et du crédit et enfin en 1900 par une
théorie de l’épargne et de la monnaie.
1. La conception walrasienne de l’économie politique
D’après Walras, l’économie politique doit être fondée sur une doctrine capable de concilier le
libéralisme, qui assure l’expansion de la production, avec le socialisme qui veut réaliser la
justice. Cela est possible en distinguant dans l’activité humaine, d’un côté ce qui relève de la
science, d’un autre côté ce qui relève de la morale. La science économique dira pourquoi la
concurrence est le seul moyen d’assurer le développement de la richesse, la morale dira quand
et comment on doit intervenir pour rendre juste la répartition de cette richesse. On reconnaît
ici une position typiquement kantienne de Walras. Selon Kant, la politique et l’idéologie
doivent se plier aux exigences de la moralité. Pour Kant, les êtres humains doivent être traités
comme des finalités et jamais comme des moyens de fins arbitraires.
Walras, en s’inspirant de Kant, distingue deux grands ordres de faits : les faits naturels et les
faits humanitaires. Parmi les faits humanitaires, il faut distinguer deux types de faits : les faits
résultant des rapports entre les personnes et les choses et les faits résultant des rapports de
personnes à personnes. La première catégorie de faits c’est-à-dire, les faits naturels, relève du
domaine de la science.

2. Les fondements de l’analyse walrasienne

Dans « Eléments d’économie politique pure », Walras parle d’un modèle mathématique
permettant de définir une économie reposant sur le libre échange des produits, sur une
détermination libre du prix de la force de travail, sur la libre circulation des capitaux et sur la
libre location des terres.
Pour construire son modèle, Walras utilise la loi de légalisation des utilités marginales
pondérées que nous trouvons déjà chez Jevons et Menger. En s’appuyant sur cette loi, il
pourra dire que les demandes des consommateurs pour les prix d’équilibre sont des fonctions
de ces prix.
Dans son modèle, Walras se base sur les facteurs de production qui sont offerts par leurs
détenteurs (travailleurs, propriétaires des capitaux et des terres) aux entrepreneurs. Walras
considère les quantités de service offert dans la situation d’équilibre comme des fonctions des
prix des biens et des services, en s’appuyant sur une loi symétrique à celle de l’égalisation des
utilités marginales pondérées. La vente d’une unité d’un service, dit-il, entraîne pour son
détenteur une privation d’utilité. Bien que Walras n’emploie pas ce terme, il est commode de
parler, à ce propos, de désutilité comme le feront ses successeurs. Compte tenu du fait que le
prix de vente de service permet d’acheter divers biens dont les prix sont déterminés, l’individu
offre des quantités telles des services qu’il détient que les désutilités marginales pondérées de
ces services soient égales. Si les désutilités marginales des services a, b, c, d sont désignées
par Da, Db, Dc, Dd, la loi s’énonce :

Da Db Dc Dd
  
pa pb pc pd

La démonstration de cette loi est la suivante :


Un individu dispose d’une certaine capacité de travail et d’un certain capital. Chaque heure de
travail engendre une désutilité17. Tant qu’elle est inférieure à l’utilité que représente le salaire
horaire, il augmente son offre de travail telle que l’utilité du dernier salaire horaire obtenue

17
La désutilité du travail correspond au renoncement de travailleur à ses loisirs et repos.
soit égale à la désutilité de la dernière heure de travail, ce qui peut s’écrire, si le travail est le
service a, et si l’on désigne par Um l’utilité marginale de la monnaie :

Da  pa .U m
En même temps, et pour la même raison, l’individu dont il s’agit doit offrir une quantité de
capital b telle que l’on ait :

Db  pb .U m

On a donc :

Da
 Um
pa
et
Db
 Um
pb

C’est-à-dire :

Da Db

pa pb

L’offre des services est donc une fonction du prix des services. Walras suppose alors que les
quantités des services producteurs nécessaires à la fabrication d’une unité de chaque bien sont
des grandeurs déterminées, qu’il nomme « coefficients de fabrication » (c’est-à-dire des doses
de facteurs nécessaires à la fabrication d’un type de bien). Il peut ainsi écrire qu’il existe une
relation précise entre les prix d’équilibre des divers biens et les quantités demandées des
divers services.
Walras désigne par :

at , a p , ak ,...
bt , bp , bk ,...
ct , c p , ck ,...

les coefficients de fabrication, c’est-à-dire les quantités des services producteurs T, P, K qui
entrent dans la production d’une unité des produits A, B, C…
On peut écrire les équations :

at pt  a p p p  ak pk  ...  pa
bt pt  bp p p  bk pk  ...  pb
etc.
Ces équations signifient que le prix de vente de chaque produit est égal à son prix de revient
en services producteurs.

3. Le modèle de l’équilibre général

Le modèle de l’équilibre général est une approche qui consiste à prendre en compte
l’ensemble des interdépendances qui résultent des choix des individus (ou des groupes
d’individus) qui composent la société, et dont le propos est de déterminer la façon dont ces
choix peuvent être coordonnés. L’approche d’équilibre général s’oppose donc à celle
d’équilibre partiel, qui n’est concernée que par les transactions relatives à un seul bien quel
qu’il soit.
Selon Walras, il y a un nombre m de marchandises produites et vendues et un nombre n de
« services producteurs » utilisés pour fabriquer les marchandises (chaque « sorte » de terre, de
travail, de capital est considérée comme un service distinct). Il faut d’abord expliquer tout
d’abord comment se fixent :
 Les m quantités de marchandises vendues ;
 Les m prix de ces marchandises.
Cependant comme l’une des marchandises sert de monnaie, son prix est égal à 1. Il n’y a donc
jusqu’ici que m-1 prix qui soient inconnus.
Il faut également expliquer comment se déterminent les n quantités de services producteurs
vendues, et les n prix des services producteurs.
Il faut expliquer enfin les méthodes de production utilisées, c’est-à-dire les quantités des
divers services utilisés pour la fabrication des divers biens. Ces quantités sont des coefficients
de fabrication. Leur nombre est égal à mn.
Nous allons donc à résoudre un problème qui comporte un nombre d’inconnues égal à :

2m  2n  mn  1.

Pour le résoudre, on part des conditions exigées pour que l’équilibre soit atteint sur
l’ensemble des marchés, conditions exprimées par des équations dans lesquelles figurent les
inconnues du problème.
Si nous désignons par x1, x2 , x3 ,..., xm les quantités des m marchandises et par 1, p2 , x3 ,..., pm
leurs prix ;
Par y1 , y2 , y3 ,..., yn les quantités de n services producteurs, et par 1,  2 , 3 ,...,  n leurs prix ;
Si enfin les coefficients de production sont désignés par :

a1,1, a1, 2 , a1,3 ,..., a1, n


a2,1 , a2, 2 , a2,3 ,..., a2, n

nous pouvons représenter le système de Walras par un ensemble d’équations se divisant en


cinq groupes.
Premier groupe : m-1 équations de la demande des biens autres que la monnaie.

x2  f 2 ( p2 , p3 ,..., pm , 1,  2 , 3 ,...,  n )


………………..
xm  f m ( pm , p2 ,..., pm 1, 1,  2 , 3 ,...,  n )
Ces équations expriment le fait que dans la situation d’équilibre la quantité produite et offerte
de chaque bien sur le marché est à égale à la quantité demandée, celle-ci étant une fonction
déterminée des prix des biens et aussi des prix des services (puisque ces derniers déterminent
les revenus des individus).
Deuxième groupe : m équations des coûts.

1  a1,1.1  a1, 2 . 2  ...  a1, n . n


p2  a2,1.1  a2, 2 . 2  ...  a2, n . n
……………………
pm  am,1.1  am, 2 . 2  ...  am, n . n
Ces équations signifient que le prix de vente de chaque bien est égal à son coût de production,
c’est-à-dire à la somme des valeurs monétaires des facteurs entrant dans la fabrication d’une
unité du bien.
Troisième groupe : n équations des quantités de services producteurs.

y1  a1,1.x1  a1, 2 .x2  ...  am,1.xm


y2  a1, 2 .x1  a2, 2 .x2  ...  am, 2 .xm
……………………
yn  a1, n .x1  a2, n .x2  ...  am, n .xm

Ces équations indiquent que la quantité de chaque service vendue sur le marché doit être égale
à la quantité employée dans la fabrication des divers biens.
Quatrième groupe : mn équations de substitution technique.

a1,1  f (1 ,  2 , 3 ,...,  n )


a1, 2  f (1 ,  2 , 3 ,...,  n )
………………..
amn  f (1,  2 , 3 ,...,  n )

Ces équations indiquent que les coefficients de fabrication sont des fonctions déterminées des
services producteurs.
Cinquième groupe : n équations de l’offre des services producteurs.

y1  f (1,  2 , 3 ,...,  n , p2 ,..., pm )


y2  f (1,  2 , 3 ,...,  n , p2 ,..., pm )
………………..
yn  f (1,  2 , 3 ,...,  n , p2 ,..., pm )

Ces équations indiquent que les quantités vendues des services producteurs sont des fonctions
déterminées des prix des services et des prix des biens (puisque chaque détenteur de services
doit égaliser les utilités marginales des services qu’il conserve aux prix de ces services, et
puisque ces utilités marginales dépendent de ce qu’il peut consommer, c’est-à-dire des prix
des biens).

d- Menger et l’école autrichienne

On distingue généralement deux générations dans la pensée autrichienne :


 Les fondateurs qui ont travaillé à Vienne sur les problèmes de la valeur et du capital : Karl
Menger, Von Wieser, Böhm Bawerk ;
 Une seconde génération dont la plupart des auteurs ont émigré aux Etats-Unis et qui ont
développé outre la tradition autrichienne, une philosophie ultra libérale : Ludwig Von Mises
et Friederich Von Hayek mais aussi M. Rothbard, L.Lachmann et Israel Kirzner.

Carl Menger (1840-1921) dans les « Fondements de l’économie politique » (1871) rappelle
que les phénomènes économiques sont avant tout des phénomènes humains et que la science
économique est une science a priori, c’est-à-dire, une science basée sur la connaissance
préalable de la nature humaine et des phénomènes économiques avant l’étude des relations
quantitatives.
Les biens doivent avant tout satisfaire des besoins et on les distinguera selon leur économicité
(rareté). D’où l’erreur, selon Menger, de Ricardo et de Marx qui veulent fonder la valeur des
biens sur la quantité de travail incorporée. La valeur des biens repose selon Menger sur la
combinaison de l’économicité et de l’utilité. La valeur d’usage dépend de l’utilisation
individuelle. La valeur d’échange d’un bien dépend de l’importance attachée par chaque
cocontractant à l’échange pour chaque type de bien et donc de leur situation : échange isolé,
monopole simple, concurrence pure et parfaite.
On peut ainsi classer les biens selon un ordre ; un bien de second ordre peut ainsi dépendre de
l’aptitude à satisfaire les besoins d’un bien de premier ordre etc. En plus de l’économicité, le
temps joue un rôle important ; par exemple la productivité du capital est due à l’allongement
du processus de production. Ce temps fait intervenir l’incertain.

e- Vilfredo Pareto : successeur de Walras à Lausanne

La concurrence pure et parfaite est un modèle néoclassique, considéré comme le noyau dur de
l’économie normative (ou de bien-être) dont le ténor principal n’est autre que Vilfredo Pareto
(1848-1923).
Selon cet auteur, les équilibres issus de régime de concurrence pure et parfaite sont des
optima et peuvent à ce titre servir de référence pour l’ensemble des individus composant
l’économie.
Fils d’un marquis italien et d’une française de classe moyenne, Pareto est un farouche
opposant de protectionnisme et de l’interventionnisme de l’Etat dans le domaine économique.
Cette opposition lui a valu le refus d’un poste universitaire qu’il recherchait. En 1893, il quitta
l’Italie pour s’installer à Lausanne ; à l’école de Lausanne, il succéda à Walras dans la chaire
d’économie politique. Il est aussi un farouche opposant aux valeurs humanistes et
démocratiques. En 1921, il salua avec hardiesse l’avènement de fascisme en Italie comme une
sorte de réussite de ses idées. Il sera en effet nommé comme sénateur par Mussolini.
Sur le plan de l’économie politique, Pareto reprend les idées de Wlaras en révisant et excluant
la notion de l’utilité cardinale en la remplaçant par l’utilité ordinale et en introduisant une
nouvelle définition de l’optimum.
Pareto veut faire de l’économie politique une science objective basée sur l’expérimentation à
l’image de la physique mais en même temps il affirme que l’économie politique n’est qu’une
partie de la science sociale générale, la sociologie.

Critère et optima de Pareto

Le critère de Pareto se propose de comparer les différentes allocations des ressources rares.
Ainsi, une répartition   est, selon ce critère, strictement préférée à une répartition  si le
passage de  à   n’entraîne de baisse d’utilité pour personne, l’un d’eux au moins voyant
son utilité augmenter.
Ce critère est conservateur puisqu’il ne remet pas en cause le statu quo. Pour Pareto, tout
changement permettant plus d’égalité au niveau de la répartition n’est pas préférable puisque
entraîne une baisse d’utilité pour au moins un individu. Ici, Pareto suppose l’hypothèse
d’additivité des utilités et des préférences.
Un optimum de Pareto est une répartition des ressources telle qu’il n’existe pas d’autre
répartition qui lui soit strictement préférée selon le critère de Pareto. Autrement dit, selon
l’optimum de Pareto, on ne peut améliorer la situation de certains sans détériorer celle
d’autres. Ainsi, le cas où un individu détient toutes les ressources disponibles est un optimum
de Pareto, alors que celui où il y a répartition égalitaire ne l’est pas si tous les individus n’ont
pas les mêmes goûts.

Les deux théorèmes de bien-être

Le critère de Pareto ne fait pas intervenir les prix ; il parle exclusivement de quantités de
ressources disponibles de leur répartition. Or, les prix relatifs (ou les taux d’échange)
interviennent de façon décisive dans l’affectation des ressources et de facto dans la répartition
des revenus. Il s’avère donc intéressant de mettre en relation équilibres concurrentiels
(prenant en compte le prix d’équilibre) et optima de Pareto.

Le premier théorème de bien-être

« Si les relations de préférence des ménages sont monotones18 (croissantes) et s’il y a un


système complet de marchés (c’est-à-dire que chaque bien qui intervient dans les fonctions-
objectifs des individus a un prix bien défini), tout équilibre concurrentiel est un optimum de
Pareto ».

La démonstration de ce théorème est très simple. Elle fait intervenir l’absurde : soit  e la
répartition d’équilibre (après échanges aux prix pe ) et soit une autre répartition,  , qui lui
soit strictement supérieure selon le critère de Pareto. Aux prix pe , leurs paniers de biens ne
peuvent être moins chers en  qu’en  e (car sinon ils les auraient choisis en  e )19 ; et ils

18
Hypothèse de non saturation des besoins ; les individus préfèrent consommer plus que moins.
19
En raison de l’hypothèse de monotonie ou de non saturation des préférences.
doivent même être strictement plus chers20 pour ceux dont l’utilité augmente lors du passage
de  e à  . Par conséquent, la valeur, au prix pe , de l’ensemble des ressources en  est
strictement supérieure à ce qu’elle est en  e , ce qui est absurde, puisque cet ensemble est,
par définition, le même en  et en  e (qui en donnent seulement deux répartitions
différentes). Donc, il ne peut exister  strictement supérieure à  e selon le critère de Pareto :
 e est un optimum de Pareto.

Le deuxième théorème de bien-être

« Si les hypothèses du premier théorème sont vérifiées, et s’il y a convexité des préférences21
et des ensembles de production, alors à tout optimum de Pareto, on peut associer un vecteur
de prix tel qu’à ces prix il soit un équilibre concurrentiel ».

Selon ce théorème, on remarque qu’à un optimum de Pareto, les individus ont tiré parti de
toutes les occasions pouvant leur procurer un bénéfice mutuel. Autrement dit, les taux
marginaux de substitution entre deux biens, quels qu’ils soient, sont les mêmes pour tous les
individus. Il suffit alors de prendre pour vecteur-prix un vecteur dont les éléments sont égaux
à ces taux, relatifs à l’un des biens (qui sert donc de numéraire), et pour dotations celles de
l’optimum donné, pour que celui-ci soit un équilibre concurrentiel (égalité entre taux
marginaux de substitution et rapport des prix y étant vérifiée, ainsi que la contrainte
budgétaire).

Les deux théorèmes de l’économie de bien-être (normative) servent à justifier la place


essentielle donnée par la théorie néoclassique à l’équilibre concurrentiel. Le premier théorème
permet d’insister sur « l’optimalité », ou « l’efficience » de cet équilibre. Le second montre
que si une allocation n’est un équilibre concurrentiel, sous les hypothèses habituelles, alors
elle n’est pas un optimum de Pareto (car si elle l’était, on pourrait lui associer un vecteur-prix
d’équilibre concurrentiel) ; il est alors possible de faire mieux qu’elle, sans nuire à personne.

III- La critique du modèle néoclassique

A- Une critique interne au modèle de l’équilibre général

Le modèle de l’équilibre général est basé mathématiquement sur le théorème de point fixe qui
postule l’existence et la stabilité de l’équilibre.
Si une fonction F (X ) est continue et bornée (majorée et minorée) sur IR n , alors il existe un
vecteur X e tel que F ( X e )  X e . Autrement dit, si « on part » de X e , « on arrive » – ou « on
reste » – en X e : c’est ce qui caractérise un équilibre. Pour établir l’existence de celui-ci, on
applique le théorème de point fixe à une fonction faisant intervenir les différences entre les
offres et les demandes ; celles-ci doivent être bien définies, continues et bornées. Pour cela, il
20
Car les individus dont l’utilité augmente (le revenu augmente) vont, en tenant compte de l’hypothèse
de non saturation des besoins, consommer plus et par conséquent leurs paniers coûteront plus chers.
21
C’est une propriété mathématique de la relation de préférence d’un consommateur qui signifie que
celui-ci préfère les mélanges de paniers de biens équivalents en terme d’utilité à des paniers de
départ. Cette hypothèse suppose donc une parfaite divisibilité et une certaine substituabilité des
biens. Sur le plan pratique, le consommateur est supposé avoir un goût diversifié.
faut éliminer toute composante spéculative, ce qui est une des hypothèses de la concurrence
pure et parfaite. Or, dans la réalité, toutes ces hypothèses ne peuvent tenir : ni la continuité, ni
la monotonie d’une fonction de demande ou d’offre ne peuvent être garanties.
Cette critique est dans le même esprit que celle adressée en 1973 par Sonnenschein (auteur se
réclamant de l’école libérale). D’après Walras, le commissaire-priseur ne se contente pas
uniquement de proposer des prix, mais il les fait varier, en augmentant ceux pour lesquels la
demande est supérieure à l’offre, et en diminuant les autres. Contrairement à ce que l’on
pourrait attendre, le processus ainsi engendré ne converge généralement pas vers un
équilibre : le tâtonnement est instable. Selon Sonnenschein, les demandes nettes (différence
entre demandes et offres) issues des modèles vérifiant les hypothèses de la concurrence pure
et parfaite peuvent avoir une forme quelconque ; elles peuvent donc, en particulier, engendrer
les processsus les plus divers (et donc, la plupart du temps, non convergents).

B- Une critique externe au modèle de l’équilibre général

La critique externe porte en fait sur le réalisme de l’édifice théorique de l’école néoclassique.
L’économie positive qui s’attache à expliquer et à prévoir les décisions d’affectation des
ressources telles qu’elles sont prises par les consommateurs, les producteurs et l’Etat ne peut
être à l’image de la physique (souhait des néoclassiques) car le comportement des agents
économiques est subjectif et variable au cours du temps ; il relève de logiques différentes que
celles constatées à travers l’observation des phénomènes physiques par définition réguliers.
L’économie normative (ou du bien-être) se basant sur l’assomption selon laquelle les
comportements des agents économiques doivent se conformer à des normes bien définies
(voilà comment les choses, en principe, doivent être). Le cadre de la concurrence pure et
parfaite est une norme à laquelle tous les agents économiques doivent se conformer. En
réalité, là encore, le cadre est abstrait, loin de la réalité : le comportement des agents (mû par
la recherche d’intérêts particuliers, mû par l’idéologie, le conservatisme, le pouvoir politique,
économique et financier, les agissements illicites,…) ne peut en aucun se conformer à la lettre
aux normes tracées.
On peut dire, en effet, que l’économie normative corrobore, d’une manière implicite la vieille
idée de l’ordre naturel.
Contre le conservatisme de la pensée néoclassique et contre de telles rigidités concernant le
rôle des individus (recherchant leurs intérêts particuliers) et de l’Etat (en tant que gendarme)
que la révolution keynésienne a vu le jour des années 1930 en dénonçant la méthode micro-
économique des néoclassiques et en stigmatisant la neutralité de l’Etat.
Chapitre 10 : la pensée économique schumpetérienne
Introduction

Joseph Schumpeter (1883-1950), économiste autrichien publie dès 1908 un ouvrage sur la
nature et le contenu de la théorie économique (Economic Doctrine and Method) qui lui a valu
le meilleur jeune économiste à l’école de Vienne en Autriche. Menger et Böhm Bawerk ont
été ses professeurs. Son livre célèbre, La Théorie de l’évolution économique (1912) présente
déjà l’essentiel de ses thèses sur les cycles économiques et l’évolution du capitalisme et du
socialisme.
Schumpeter ne peut être considéré seulement en tant qu’économiste. Sa pensée englobe aussi
le champ de l’histoire et des sciences sociales.
Selon les préceptes de Schumpeter, l’entrepreneur dit innovateur, c’est-à-dire celui appliquant
de nouvelles combinaisons de facteurs de production joue un rôle fondamental dans le
développement du capitalisme. L’essor et le déclin du capitalisme sont liés à l’entrepreneur
schumpétérien. Les innovations mises en place par des individus doués donneront naissance à
de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Selon Schumpeter, l’innovation précède
en quelque sorte l’invention (le cas des télécoms par exemple). Selon Schumpeter, le succès
d’une innovation ne peut être durable, il sera suivi après son expansion le plus indéniable
d’une phase caractérisée par le surinvestissement et le développement excessif du crédit.
En 1932, Schumpeter est devenu professeur à Harvard. En 1939, paraît son grand ouvrage
Business Cycles (Cycles des affaires) et 1942, il publie Capitalisme, socialisme et démocratie
dans lequel il prédit le déclin du capitalisme. Il y développe l’idée selon laquelle c’est le
succès et non l’échec du capitalisme qui explique la marche vers le socialisme. Selon
Schumpeter, « le capitalisme est le fossoyeur de lui même ». Selon Schumpeter, ce sont les
facteurs sociaux plus que les facteurs économiques qui sont à l’origine des changements
structurels dans l’organisation de la société.
Schumpeter estime qu’au cœur du capitalisme, il y a un processus de destruction créatrice. Il
se manifeste concrètement dans l’ouverture des nouveaux marchés, dans l’apparition de
nouveaux produits, de nouvelles méthodes de production et l’organisation qui modifient sans
cesse la structure économique. Le caractère concurrentiel du capitalisme est déterminé plus
par cette destruction créatrice que par le jeu du marché tel que le décrivent les auteurs
néoclassiques. De même Schumpeter n’adhère pas à la thèse de la stagnation et de la faillite
du capitalisme lié à l’insuffisance de d’opportunité d’investissement (Marx) et au
ralentissement du progrès technologique.

I- L’influence de l’approche de Wicksell concernant le système des prix et


l’investissement sur l’apport économique de Schumpeter

Wicksell peut être considéré comme l’auteur qui a, le plus influencé Schumpeter surtout en ce
qui concerne la théorie de l’investissement et de la croissance.

A- Le système des prix chez Wicksell

L’analyse néoclassique considère le système libéral comme un système parfait dans lequel, le
marché et la loi automatique de l’offre et de la demande réalise, en permanence, un équilibre.
Si déséquilibre il y a, c’est la flexibilité et le tâtonnement des prix qui réalisent le retour à
l’équilibre. Sur le marché du travail, le plein emploi des forces productives est constamment
assuré.
Durant la seconde moitié du 19ème siècle, on assiste à des fluctuations en permanence de
niveau du prix dans les pays avancés d’Europe.
Wicksell, économiste suédois, s’est attaché à rechercher l’origine des ces fluctuations dans
son ouvrage célèbre « Intérêt et prix » édité en 1898.

B- Wicksell considère que le mouvement des prix est indépendant de l’état économique
caractérisé par des cycles de prospérité et de dépression.

Wicksell attribue donc ces fluctuations de prix à la variation de la demande globale qui
dépend du montant des revenus des individus22. Selon Wicksell, si la demande globale
augmente à un certain moment c’est parce que les investissements de capitaux se développent.
Le développement des investissements de capitaux23 est dû à l’existence d’une différence
entre le taux naturel de l’intérêt (le taux moyen de profit) et le taux courant de l’intérêt perçu
par les prêteurs d’argent.
L’idée de Wicksell revient donc à dire que l’investissement se développe quand le taux de
profit est supérieur au taux de l’intérêt.
Ce point va influencer les idées de Schumpeter concernant ce qu’on appelle le cycle des
affaires qui est lié à la croissance et à l’investissement.

C- Le rôle de l’investissement et de l’innovation dans la croissance et le développement


économique

Schumpeter reprend l’idée de Wicksell relative au rôle actif de l’investissement. Mais il la


sépare des phénomènes monétaires retenus par Wicksell dans son analyse. En analysant les
problèmes de la croissance, Schumpeter reprend en quelque sorte la veille tradition, classique,
qu’on retrouve chez Quesnay, Smith ou Ricardo et qui a été négligée par les néoclassiques.
Dans son ouvrage « La théorie de l’évolution économique », Schumpeter, suivant ses propres
termes dit la chose suivante : « pour comprendre le processus de la croissance, il faut
envisager d’abord le cas où cette croissance n’existerait pas ».
Si la croissance n’existerait pas, cela veut dire que l’économie ne se modifierait pas d’une
période à l’autre et il n’y aurait pas d’épargne nette ni d’investissement net ; le taux de
l’intérêt serait nul. Cette situation est nommée par Schumpeter « le circuit économique ». Et
c’est à partir de cette situation, que Schumpeter cherche à comprendre la croissance qu’il
nomme « l’évolution » en posant la question de trouver la cause fondamentale entraînant le
passage du « circuit » à « l’évolution ».
Schumpeter reprend en cela la notion de la reproduction de Marx, élaborée dans le Livre II du
Capital. Le « circuit » de Schumpeter est la « reproduction simple » de Marx et
« l’évolution », c’est la « reproduction élargie ».

22
Ce point de vue plus ou moins naïf, de Wicksell, ne tient pas compte de fait que les variables
globales entretiennent des relations de cause à effet et que dans ce cas, toute fluctuation ne doit pas
être considérée comme étant un phénomène isolé ; au contraire il peut avoir un effet important sur les
autres variables économiques autre que la demande et de facto sur la conjoncture. Ces idées vont
être reprises et affinées par la suite par Keynes.
23
Appelés les investissements de capitaux par les néoclassiques car ils supposent comme le fait Say
que les fonds investis sont, en totalité, empruntés.
L’originalité de l’analyse de Schumpeter par rapport à celle de Marx c’est que la première met
en avant l’idée selon laquelle que le passage de circuit à l’évolution économique s’explique
par les innovations.
Schumpeter distingue cinq catégories d’innovations :
 La fabrication d’un bien nouveau ;
 L’introduction d’une nouvelle méthode de production ;
 L’ouverture de nouveaux débouchés pour un produit donné ;
 La découverte d’une nouvelle source de matières premières ;
 La réalisation d’une nouvelle organisation. Schumpeter parle à cet égard de la création
d’une situation de monopole ; mais on peut parler aussi aujourd’hui de la refonte de
l’organisation des entreprises au niveau de leur structure.
Aujourd’hui, on parle généralement de l’innovation en la distinguant en deux catégories
principales : l’innovation de produit (product innovation) et l’innovation de procédé (process
innovation). L’innovation de produit se traduit par le lancement d’un nouveau produit, donc
l’apparition d’un nouveau marché, parfois la substitution à un produit ancien (par exemple, le
plastique qui remplace le métal dans la fabrication des pare-chocs de voitures).
L’introduction de l’innovation dépend souvent de la personnalité plus ou moins dynamique,
plus ou moins encline au risque, de l’entrepreneur.
L’innovation de procédé conduit assez généralement à une baisse de coût de production,
baisse qui peut être obtenue avec ou sans modification du rapport K/L. Dans le premier cas,
c’est-à-dire, le cas où il y a modification du rapport K/L, on parle de progrès technique et dans
le second, on parle de la neutralité de progrès technique. Le progrès technique constitue, dans
bien des cas, l’explication majeure de la baisse des coûts relatifs dans la longue période.
En tout état de cause, en donnant cette définition, Schumpeter donne à l’investissement un
rôle majeur dans la croissance économique. Pour Schumpeter, ce n’est plus l’épargne qui est à
l’origine de la croissance économique, comme on l’a longtemps considéré surtout avec les
économistes classiques, mais c’est l’investissement net. Schumpeter précède en cela Keynes
qui lui parle de rationnement de l’investissement dû à la thésaurisation (toute l’épargne n’est
pas investie).
Si on revient sur la liste des innovations énumérée par Schumpeter, on voit vite qu’elle se
ramène au progrès technique, d’une part, et, d’autre part, à l’élargissement des débouchés
ouverts aux producteurs. La grande rénovation apportée par Schumpeter à la pensée
économique – et comme l’a fait d’ailleurs Keynes – tient au fait qu’elle rompt de façon
radicale avec la « loi des débouchés de Say ». L’idée de Schumpeter renvoie ici,
implicitement ou explicitement, au rôle que doit jouer la recherche des débouchés pour le
développement du capitalisme. Néanmoins, la conquête de nouveaux débouchés n’a pas
attirée l’attention de l’auteur. C’est la raison pour laquelle qu’elle n’a pas été retenue par lui
parmi les innovations dont l’essentiel est d’ordre technique.
Selon Schumpeter, le progrès technique est l’un des facteurs important de l’innovation ; selon
lui et à l’opposé de Marx, ce n’est pas la baisse tendancielle de taux de profit et le
ralentissement de progrès technique qui met fin au capitalisme, au contraire c’est le
développement de progrès technique (révolutions industrielle et technologique) à travers
l’innovation et c’est la croissance économique qui est à l’origine de sa crise.

II- Le capitalisme peut-il survivre


« Le capitalisme peut-il survivre ? Non, je ne crois pas qu’il le puisse ». Voilà, comment
Schumpeter a commencé, au prologue, la deuxième partie (le capitalisme peut-il survivre ?)
de son livre « Capitalisme, socialisme et démocratie ».
Selon Schumpeter, ce n’est pas les crises cycliques liées à la baisse de production qui vont
arrêter la machine capitaliste : « la crise qui s’est développée entre le dernier trimestre 1929
et le troisième trimestre 1932 ne prouve pas qu’une rupture spéciale ait affecté le mécanisme
moteur de la production capitaliste, étant donné que des crises d’une sévérité analogue sont
survenues à plusieurs reprises – approximativement une fois tous les cinquante ans (…). Ces
crises sont explicables par les difficultés inhérentes à l’adaptation des producteurs à une
nouvelle politique fiscale, à une nouvelle législation du travail et au changement général
d’attitude du gouvernement à l’égard des entreprises privées ». (Schumpeter, Capitalisme,
socialisme et démocratie, Payot, 1990, p. 92).
De l’autre côté, Schumpeter estime que les périodes de crises cycliques, de dépression
prolongées et de chômage constituent un facteur de rajeunissement du capitalisme (ibid. p.
97). En effet, et selon la propre conclusion de Schumpeter, le capitalisme fonctionne suivant
une efficacité décroissante. Tant que le capitalisme fonctionne suivant cette logique, il ne peut
que garder sa survie. Au contraire, c’est sa performance prolongée et généralisée dans la
durée, c’est-à-dire sur une très longue période que le capitalisme trouvera sa fin. Le
capitalisme est en cela le fossoyeur de lui-même.

A- La plausibilité de capitalisme

Schumpeter part d’une étude statistique concernant les performances économiques réalisées
dans les pays capitalistes avancés durant la période qui s’étale de début du 19ème siècle et les
années 40 du 20ème siècle. Schumpeter constate une croissance économique plus ou moins
importante couplée, entre autre, de brèves périodes de crises cycliques. A partir de ces
données, l’analyse de Schumpeter a distillé un modèle de la réalité économique, c’est-à-dire
un tableau généralisé de ses traits essentiels. Schumpeter pose, par la suite, la question de
savoir si ce régime économique qui est le capitalisme libéral a été favorable, indifférent ou
défavorable à la performance constatée par l’auteur.
En effet, selon la conclusion de l’auteur, le régime économique capitaliste donne une
explication adéquate et plausible de cette performance. Ainsi, pour argumenter ses propos,
l’auteur de « Capitalisme, socialisme et démocratie » avance les raisons suivantes :
 A la différence de la classe des seigneurs féodaux, la bourgeoisie industrielle et
commerçante a grandi par son succès dans les affaires. Selon l’auteur, « la société bourgeoise
a été coulée dans un moule purement économique24 : ses fondations, ses poutres, ses
lanternes sont toutes composées de matériaux économiques » (Schumpeter, Capitalisme,
socialisme et démocratie, Payot, 1990, p. 103/104) ;
 La performance réalisée par le capitalisme, au cours du temps, selon Schumpeter n’est
pas à l’encontre du service social ; au contraire, une amélioration sensible du niveau du bien-
être social est à mettre au crédit du capitalisme libéral. Pour Schumpeter, comme pour les
classiques, le développement du capitalisme s’accompagne de réformes qui assurent un
minimum social. Schumpeter approuve l’idée des auteurs classiques selon laquelle que dans
le cadre institutionnel strict du système capitaliste les intérêts personnels des entrepreneurs
tendent à assurer un maximum de rendement dans l’intérêt de tous ;

24
Avec l’avènement du capitalisme, tout est devenu marchandise, tout est exprimé en termes
pécuniaires et monétaires.
 Schumpeter démontre que l’idée de Marshall concernant la production dans un régime de
concurrence parfaite ne peut être validée. Marschall et avec lui tous les néoclassiques estime
que dans un régime concurrentiel, l’entreprise atomique peut produire une quantité illimitée
d’un bien. Or, et comme le précise Schumpeter, « il est possible de démontrer que le volume
d’une telle production coïnciderait, en règle générale, avec celui de la production
socialement désirable » (Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1990, p.
110) ;
 Schumpeter, à l’opposé de Marshall et de Wicksell, estime que les nombreux cas qui
ressortent de régime de la concurrence pure et parfaite, tels le monopole, la concurrence
monopolistique et l’oligopole, ne peuvent être conçus comme des cas provisoires et
exceptionnelles susceptibles d’être éliminées à la longue.

B- La destruction créatrice

Selon Schumpeter, « les théories de la concurrence monopolistique et oligopolistique ainsi


que leurs variantes populaires peuvent être utilisées de deux manières aux fins de soutenir la
conception d’après laquelle la réalité capitaliste serait incompatible avec le rendement
maximum de la production ».
Pour Schumpeter, en se fondant sur les conclusions de Marx relatives au principe de
processus d’évolution, le capitalisme constitue, de par sa nature, un type ou une méthode de
transformation économique et, non seulement il n’est jamais stationnaire, mais il ne pourrait
jamais le devenir. D’après les propres termes de Schumpeter, « l’impulsion fondamentale qui
met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimées par les nouveaux objets
de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux
marchés, les nouveaux types d’organisations industrielles – tous éléments créés par
l’initiative capitaliste » (Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1990, p.
116).
D’après le raisonnement avancé par Schumpeter, c’est donc l’innovation permanente qui est à
l’origine de ce processus évolutionniste qui caractérise le capitalisme. Ce processus est
qualifié par Schumpeter de Destruction Créatrice. En d’autres termes, le capitalisme se
caractérise par une succession de révolutions par poussées disjointes séparées par des périodes
calmes. Ce processus qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique,
en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments
neufs.
En conclusion, on peut dire, bon gré mal gré, que l’approche schumpéterienne concernant la
crise de système capitaliste est quelque peu déterministe (un seul facteur, l’innovation,
expliquant tout) et que l’épuisement complet de l’innovation et de progrès technique est loin
d’être à jour.
Chapitre 11 : la pensée économique de l’école de la régulation française
Introduction

La théorie de régulation est un courant de pensée qui met en avant l’idée selon laquelle le
capitalisme ne cesse de connaître, et ce depuis un siècle au moins, des transformations d’ordre
économique et institutionnel. A chaque transformation, lui correspond un mode de régulation
spécifique. D’où le nom donné à la théorie.
L’école de la régulation est apparue, en France, dans les années 1970 avec des auteurs comme
Aglietta, Boyer, Lipietz, Mistral, Saillard,…
Cette école se base pour développer ses idées sur trois sources différentes :

 La tradition marxiste ;
 L’approche keynésienne ;
 L’apport de l’histoire économique et sociale.

En ce qui concerne l’influence des idées de Marx sur les auteurs de la régulation, on peut
relever l’idée d’articulation des modes de production et leur succession (premier niveau
d’abstraction). L’affiliation aux rapports de production de Marx est ici très nette, mais la
correspondance entre les rapports de production et l’état des forces productives est
abandonnée, de même que la dichotomie entre structure économique et superstructure
juridique et politique.
Le deuxième point important analysé par les théoriciens de la régulation est les régimes
successifs d’accumulation (deuxième niveau d’abstraction) au sein de mode de production
capitaliste.
Un troisième point analysé par les théoriciens de la régulation est celui relatif aux formes
institutionnelles25 (troisième niveau d’abstraction) qui caractérisent chaque régime
d’accumulation.

I- Les modes de régulation

Selon Boyer et Saillard, « un mode de régulation met en œuvre un ensemble de procédures et


de comportements individuels et collectifs qui doivent simultanément reproduire les rapports
sociaux à travers les conjonctions de formes institutionnelles historiquement déterminées et
soutenir le régime d’accumulation en vigueur ».
Deux remarques importantes à travers cette définition :
 L’histoire fait en quelque sorte le tri entre un régime d’accumulation quelconque et la
forme institutionnelle qui lui correspond ;
 Le mode de régulation n’est pas durable, il se reproduit dans un laps de temps jusqu’à ce
que survienne une crise importante, qui entraîne la mise en place d’un nouveau mode de
régulation.

25
La monnaie par exemple est une institution qui est au cœur de la reproduction des systèmes
marchands de sorte que leur régulation est tout autant monétaire que réelle. La monnaie agit donc sur
le cours de l’accumulation, la production et l’emploi et pas seulement sur le niveau général des prix.
Régime d’accumulation

Formes institutionnelles Dynamique sociale

Mode de régulation

II- La théorie de la régulation et crises

L’approche de la théorie de la régulation est globale car elle insiste sur les formes structurelles
et sur les régimes d’accumulation. L’histoire a montré que ces formes ne sont pas immuables
(invariables) et durables ; par définition, leur développement dans le temps et leur
transformation supposent à un moment ou à un autre une rupture, un passage d’une forme (ou
d’un régime) à l’autre. Les théoriciens de la régulation appellent crises les moments où il y a
rupture ; ils proposent même une typologie sur les formes de crises. Ils accordent peu
d’importance aux chocs venus d’ailleurs – dont l’effet est limité – et privilégient les crises qui
sont sécrétées par le système lui-même (par ses propres contradictions). Ils distinguent ainsi
les petites crises, où aucun changement institutionnel ou de politique économique n’est
nécessaire pour déclencher le retournement de la récession à la reprise, des crises
structurelles où le passage à la reprise ne peut se faire d’une manière automatique car la
régulation et le régime d’accumulation sont affectés. Dans le cas de la crise structurelle, telle
celle des années 1970, il s’ouvre en général une période de recherche par tâtonnement de
stratégie de sortie de crise. La crise des années 1970 est qualifiée donc par les théoriciens de
la régulation de crise structurelle où il y a épuisement de régime d’accumulation26 fordiste à
consommation de masse. Le passage vers une autre forme structurelle est obligatoire. Ceci est
confirmé notamment dans le passage, au courant de la fin des années 1980 et début des années
1990, vers un système de production basé sur la flexibilité, la polyvalence et la qualité.

Sujet de débat : La crise actuelle est-elle une crise de régulation ?

I- Les caractéristiques de la crise actuelle


A- Chômage et baisse de la demande accompagnés de manque de compétitivité
B- Crise de l’Etat interventionniste et la recherche d’autres formes institutionnelles
C- Crise de la globalisation financière et du capitalisme casino27
II- A la recherche de stratégies de sortie de la crise
A- Libre-échangisme, mondialisation économique, ouverture des marchés,
financiarisation de l’économie
B- Stratégies compétitives par absorption-acquisition des entreprises

26
Les régulationnistes distinguent au sein de régime d’accumulation qui caractérise le capitalisme, le
régime extensif et le régime intensif.
27
Expression de l’économiste français Bernard Rosier.
Chapitre 12 : supplément de cours
i) NOTE DE METHODOLOGIE POUR UNE DISSERTATION ECONOMIQUE

Introduction

L’art de bien s’exprimer par un écrit argumenté est une exigence à laquelle les étudiants
économistes ne peuvent pas se soustraire par rapport aux autres. La « rhétorique », au sens
noble de terme, comprise comme l’ensemble des règles permettant d’exprimer avec rigueur
un contenu de connaissances, s’impose à tous. En outre, être capable de restituer son savoir
dans un cadre conventionnel ou académique n’est pas seulement un exercice formel, mais
aussi une capacité de bien mesurer la maîtrise de ce savoir.

Comme toute dissertation, la dissertation économique doit obéir à un certain nombre de


règles. Des règles de forme tout d’abord : par exemple, la présence d’une introduction
véritable, ou un développement composé de grandes parties distinctes et ordonnées entre
elles, ou encore la clarté et la correction dans l’expression française, sans oublier bien sûr une
écriture lisible à laquelle est nécessairement sensible un lecteur qui doit corriger généralement
plus d’une centaine de copies en quelques jours. Il faut donc que les étudiants s’entraînent à
écrire régulièrement, à se corriger et se faire corriger. Ces exigences formelles s’ajoutent et
s’articulent avec des règles de fond d’une dissertation : un développement progressif et
cohérent visant à répondre d’une manière claire et convaincante au seul sujet posé.
Ces règles ne s’improvisent pas et doivent faire l’objet d’un apprentissage systématique.

Par ailleurs, à l’opposé d’une dissertation littéraire qui se base sur le concret et l’imaginaire,
dans la dissertation économique, la pensée est ordonnée par des démonstrations abstraites
avec des confrontations systématiques des théories aux données empiriques.

La dissertation économique consiste en une réponse ordonnée à une question ou à un


problème de nature économique, plus ou moins explicitement formulé dans l’intitulé. La
dissertation économique est donc structurée sur le fond par une démonstration. Sans cet effort
d’argumentation rationnelle, elle apparaît nécessairement comme un exercice creux et vain.
Une démonstration économique utilise et relie deux types de démarches rationnelles :
 Des raisonnements hypothético-déductifs : ils consistent à partir d’un système
d’hypothèses pour en déduire les conséquences logiques, qui seront ensuite confrontés aux
faits ;
 Des raisonnements inductifs : ils débutent par une étude systématique et organisée des
faits à partir desquels on procède à une généralisation, pour proposer une interprétation
cohérente.

Il faut noter que dans la pratique d’une dissertation, ces deux démarches s’y combinent plus
qu’elles ne s’y opposent.

Ce que n’est pas la dissertation économique :

1. La récitation d’une question de cours proche de la question posée. Ce défaut souvent


présent fournit le moyen de refuge pour ceux qui ont du mal à élaborer une
problématique ;
2. Un exercice plus ou moins littéraire dans le but d’impressionner… ;
3. Une suite de connaissances collées les unes aux autres sans agencement ni raisonnement
suivi ;
4. Un exercice d’érudition (une maîtrise large de connaissances, parfois de culture générale)
qui fait tomber les étudiants dans trop de détails et oublier l’essentiel que sont la
cohérence et la clarté dans la démonstration ;
5. Un simple exercice de sciences économiques : une dissertation économique sans esprit de
synthèse et capacité d’expression ne peut en aucun cas refléter l’état de la connaissance
des étudiants.

Si l’on peut, avant d’aller plus loin, résumer un peu comment procéder à une dissertation
économique, nous pouvons dire la chose suivante : une bonne dissertation est le résultat de
deux capacités complémentaires, l’une provient de l’intuition (capacité de réaction,
d’enchaînement et d’agencement des idées dans l’imaginaire) et l’autre provient de
l’acquisition et l’apprentissage de la méthode. La deuxième capacité semble la plus
importante dans la mesure où elle entretient et nourrit la première ; c’est le combustible de la
première.

I- Comment analyser un sujet :

1. Ecrire une dissertation c’est d’abord répondre à une question posée soit explicitement,
soit implicitement. Cette règle élémentaire est trop souvent ignorée par les étudiants.

Conseil pratique : lire attentivement la question ; répondre d’une manière directe et mobiliser
les connaissances qui ont une relation directe avec le sujet ; ne jouez pas au jeu de transitivité,
en d’autres termes, ce que vous connaissez valable pour d’autres sujets ne peut en aucun
constituer une réponse au sujet posé.

Des fois, en écrivant une dissertation, les étudiants dérapent de l’objectif tracé pour un sujet
donné. En effet, trois dangers peuvent guetter (surprendre) les étudiants : étendre abusivement
le champ de sujet, en réduire la portée, en modifier la nature.

2. Ecrire une dissertation c’est d’abord lire avec méthode ; pour y parvenir il faut repérer
les différentes composantes (les termes constituant la question) de la question, c’est-à-dire, en
suivant une structure simple de type :
 La question : que me demande-t-on ?
 Le thème d’étude : sur quel domaine de connaissances afin d’utiliser les concepts
adéquats ?
 Le cadre : dans quel contexte spatio-temporel ?

3. Ecrire une dissertation c’est d’abord comprendre le sujet : connaître les types de
sujets :
 Les énoncés sans problématique apparente : sujets de type « analyse » : ce sont des sujets
qui se présentent généralement sous une forme « neutre ». Ils peuvent ne comporter ni
question, ni consigne de travail. Exemple : la valeur chez les classiques ;
 Les énoncés à problématique explicite : sujets de type « discussion » : ces sujets sont
faciles à repérer dans la mesure où ils se présentent presque toujours sous une forme
interrogative : « faut-il ? », « peut-on ? », « est-il souhaitable ? », « dans quelle mesure peut-
on affirmer ? ». Ce type de sujets laisse à présager une sorte de controverse entre les
auteurs…
 Les énoncés à problématique implicite : sujets de type « mise en relation » : analyser le
sujet en termes de relation entre les éléments constituant la problématique implicite ; des fois
cette relation peut être une relation de contradiction. Exemples : « crise de 1929 et crise
actuelle », c’est-à-dire comparer les deux crises ; « efficacité économique et justice sociale »
et qui signifie efficacité économique et justice sociale sont-elles compatibles ?

II- Comment mobiliser ses connaissances ?

Trois étapes de questionnement permettent de mener à bien une dissertation économique : une
maîtrise des concepts utilisés et de leur maniement ; une capacité à conduire une analyse
théorique du sujet ; enfin une capacité à confronter théorie et pratique économiques.

1. dans le cadre d’une maîtrise des concepts utilisés, il faut, dans un premier temps, bien
délimiter le contour des concepts ; un concept doit être utilisé à sa place ; il faut en outre
savoir l’étendue de ce concept, prévoir les conséquences de son utilisation, bref le bien
cerner ; exemple : « le plein emploi est-il un concept dépassé ? » ; il faut, dans un deuxième
temps, élargir les perspectives et avoir une vision plus ou moins globale concernant ces
concepts ;
2. dans le cadre de l’identification des enjeux théoriques, il faut mettre en avant et
expliciter les idées théoriques des auteurs, les comparer et les confronter dans le cadre d’une
controverse théorique datée historiquement, bref, il faut restituer le problème posé dans les
grands débats en termes simples, clairs et brefs ;
3. dans le cadre d’une confrontation entre théorie et pratique, il faut être très attentif
quant au passage de la théorie à la pratique en matière économique ; en d’autres termes, il faut
que ce passage soit pertinent, sans ambiguïté et correspond parfaitement à l’analyse théorique
en question. Il reste ensuite à organiser les données économiques et statistiques de manière
signifiante et à les interpréter. Se pose enfin le problème de la capacité des théories à rendre
compte des observations du monde réel.

III- Comment construire un plan ?

Construire un plan de dissertation, c’est classer ses idées selon un ordre logique et progressif
en vue de parvenir à une démonstration. Un bon plan est donc à la fois rigoureusement
structuré et animé par un mouvement.
Schématiquement, un plan ressemble à un corps humain : tête, corps et membres inférieurs.

Introduction

Développe-
ment

Conclusion
1. les phases de la construction d’un plan

 La problématique : le dictionnaire Robert la définit comme « l’art de poser les


problèmes ». Problématiser, c’est donc être capable d’interroger un sujet pour en faire surgir
un ou plusieurs problèmes. Au-delà, l’élaboration d’une problématique suppose la capacité à
articuler et à hiérarchiser ces problèmes. Le problème se définit lui même comme une
question que l’on se propose de résoudre mais qui prête à discussion. Cette capacité à
produire un questionnement efficace est fondamentale et relève de l’attitude même de
l’activité scientifique telle qu’elle est définie par un auteur comme Lévi-Strauss par exemple :
« le savant n’est pas celui qui donne les bonnes réponses mais celui qui pose les bonnes
questions ».
 L’élaboration d’un plan détaillé : la structure d’un plan, le plus souvent, peut être
binaire ou ternaire ; la majorité des professeurs préfèrent une structure en deux parties au
dépens de celle en trois…
Un bon plan a ses qualités qu’on peut résumer en trois points : l’unité : il faut trouver un lien
entre les parties, les parties forment un tout ; l’équilibre : les parties doivent être équilibrées, il
faut éviter le fait que la première partie soit longue et la seconde courte ; la cohérence : les
divisions et subdivisions doivent être claires et s’enchaîner logiquement. Il ne doit pas y avoir
de contradictions ni de recoupements entre parties. Chaque partie et sous-partie doit être
guidée par un fil conducteur et doit obéir à une progression : du simple au complexe, du
général au particulier, de l’apparent au caché, etc.

2. les types de plans

Il existe une très grande variété de plans. En fonction de la problématique choisie, l’étudiant
sera amené à privilégier telle ou telle structure de plan. De fait, un plan original, soutenu par
une argumentation pertinente et vigoureuse, sera évidemment valorisé par le correcteur.
A noter que cette originalité ne doit pas être recherchée à tout prix. Un plan d’examen doit
dans la plupart des cas chez la majorité des étudiant être simple, clair, ordinaire, modeste et
standard. Ce type de plan est le gage de sécurité : modestie signifie non dérapage.
 Les plans de type « inventaire » : ce type de plans convient bien aux sujets proches de
cours. Il permet de faire le tour d’une question, d’en explorer les principaux aspects en étant
sûr de ne pas oublier des points essentiels. Sa qualité principale est donc l’exhaustivité ;
 Les plans de type « dialectique » : ce type de plans convient bien aux questions qui
renvoient explicitement ou implicitement à l’existence d’une controverse dans la communauté
des économistes sur la caractérisation d’un phénomène économique, son interprétation ou sa
portée. Il permet de peser les arguments favorables à chacune des thèses en présence ;
 Les plans de type « interactif » : ce type de plans est particulièrement indiqué pour
traiter des sujets qui demandent la mise en relation de deux notions explicitement (analyse des
liens ou des relations) ou implicitement (notions reliées par la conjonction « et ») ;
 Les plans de type « comparatifs » : ce type de plans est relativement rare en économie.
Exemple : « la théorie de la valeur chez les classiques et les néoclassiques » ;
 Plan progressif par étapes ;
 Plan chronologique en périodes.

Bibliographie

Etienne J. et Revol R., La dissertation économique, Armand Colin, 2002


Pflimlin E., Peter C. et Lhuillier S., La dissertation économique, ellipses, 1998
El Cohen A., Note de méthodologie, fascicule de cours, Faculté d’économie de Marrakech
ii) REVISION GENERALE

Thèmes La monnaie La valeur La répartition Les prix

A
u
t
e
u
r
s

Smith Position plus ou moins Travail commandé Elle provient des Il distingue le prix naturel
quantitativiste contributions naturelles qui est le fondement et le
(prix naturels de la terre, prix courant qui est le
de travail et de capital) corollaire.

Ricardo Position plus ou moins Travail incorporée Elle provient non Ce sont les prix courants
quantitativiste. seulement des ou normaux qui découlent
contributions naturelles des prix naturels qui font
(prix naturels) de chaque allusion à la quantité du
classe sociale mais aussi travail incorporée.
des conditions qui
influencent les prix
naturels (habitudes,
progrès techniques,
impôts, échange
international..)
Say La monnaie est un voile  L’utilité totale ; Répartition provient de la Le salaire, le profit et la
 Les coûts de confrontation des offres et rente sont des prix du
production (salaires et des demandes pour le travail, du capital et de la
profits). Say retient la travail, le capital et la terre qui se déterminent
dernière conception. terre. par confrontation de l’offre
et la demande.
Malthus L’effet d’une Travail La répartition est liée à Il distingue le prix naturel
augmentation de la trois facteurs au moins : la et le prix courant mais ils
monnaie en circulation croissance démographique dépendent tous les deux de
sur les variables réelles qui fait augmenter la rente l’offre et de la demande.
dépend de sa répartition et fait diminuer les salaires
entre les revenus et le et les profits ; le système
capital. Le produit libéral et la demande
augmente si la répartition solvable (consommation
est au profit de capital. productive)
Une stabilité de la
monnaie est préconisée.
Mill Position plus ou moins Travail Une répartition basée sur C’est la théorie des prix
quantitativiste la réforme de système naturel (sur le travail, le
productif en donnant à la capital et la terre) et
classe laborieuse une courant (offre et demande).
possibilité de former des
coopératives et de
s’associer avec les
entrepreneurs. Une
intervention de l’Etat peut
être favorable à la
répartition + ou – égalitaire
des revenus.
Marx Pour Marx, la monnaie Travail incorporée La répartition est basée sur Marx reprend les notions
est endogène mais son socialement nécessaire. la production de la plus smithienne et ricardienne
offre et sa circulation value. La répartition pour de prix naturel et courant
correspondent au nombre Marx est inégalitaire en rajoutant à ceux-là la
de transactions et à la puisqu’elle est basée sur notion de prix de marché
quantité des l’exploitation de travail par qui découle de taux de
marchandises dans le capital. profit.
l’économie.
J La monnaie est un voile Le degré final d’utilité Provient d’une Les prix correspondent aux
e (utilité marginale) rémunération à sa juste utilités marginales.
v valeur des facteurs de
o production (offre et
n demande)
s
Marshall Pour une théorie Utilité marginale Provient d’une Le prix observé sur chaque
quantitative de la rémunération à sa juste marché résulte d’une loi de
monnaie valeur des facteurs de l’offre et de la demande :
production (offre et c’est donc un prix
demande). d’équilibre.
Walras La monnaie est neutre. Utilité marginale. Le fonctionnement libre Les prix se déterminent
des marchés est à l’origine d’une manière
d’une répartition juste pour concurrentielle en
tous les facteurs de confrontant les offres et les
production. demandes individuelles sur
l’ensemble des marchés.
Pareto La monnaie est neutre. Utilité marginale. Le fonctionnement libre Les prix se déterminent
des marchés est à l’origine d’une manière
d’une répartition juste pour concurrentielle en
tous les facteurs de confrontant les offres et les
production. demandes individuelles sur
l’ensemble des marchés.
Menger La monnaie doit être Utilité marginale + la Le fonctionnement libre Les prix se déterminent
neutre. rareté. des marchés est à l’origine d’une manière
d’une répartition juste pour concurrentielle en
tous les facteurs de confrontant les offres et les
production. demandes individuelles sur
l’ensemble des marchés.
Keynes La monnaie n’est pas La loi de la valeur n’a pas La répartition nécessite Les prix chez Keynes sont
neutre ; elle est beaucoup d’importance une intervention de l’Etat nominaux ; selon lui, les
demandée pour elle dans la pensée de Keynes. dans le cadre de ce qu’on prix déterminés selon la loi
même ; elle peut agir sur appelle Etat-providence de l’offre et la demande ne
les quantités ; elle est (Welfare State). peuvent être en mesure
active. d’augmenter la demande
effcetive.
Schumpe- Il donne moins La loi de la valeur n’a pas La répartition est inégale. La théorie des prix
ter d’importance aux beaucoup d’importance Cette inégalité est n’occupe pas une grande
phénomènes monétaires. dans la pensée de accentuée par les formes place dans l’œuvre de
Schumpeter. de marchés Schumpeter.
monopolistiques.
Thèmes L’offre et la L’équilibre Le progrès L’intervention de La théorie de
demande technique l’Etat l’échange
A
u
t
e
u
r
s

S Il privilégie l’offre et La notion de Le progrès technique Un défenseur ou le Il est pour le


m les conditions de l’équilibre se trouve est pour le bienfait père de libéralisme commerce
i l’offre. d’une manière de la société. Il est économique. international. Il est
t implicite derrière la un moyen de profitable chaque
h notion de la main renforcer la fois qu’un Etat
invisible. spécialisation et la détient un avantage
(optimiste). division du travail. absolu. Le libre
échange est un
facteur de la division
internationale du
travail.
Ricardo Il privilégie l’offre et La notion de  Progrès Contre l’intervention Il est pour le
les conditions de l’équilibre n’est pas technique n’a pas de l’Etat dans le commerce
l’offre. présente dans la d’effet sur la classe domaine international. Il est
pensée de Ricardo. Il laborieuse (1ère et économique profitable chaque
parle comme 2ème éditions de fois qu’un Etat
Malthus de l’état Principes) ; détient un avantage
stationnaire et des  Progrès comparatif.
rendements technique a un effet
décroissants. sur la classe
(pessimiste). laborieuse (3ème
édition de
Principes)
Say L’offre crée sa Il se réalise pour Ne dit pas grand Contre l’intervention Le commerce
propre demande (loi chaque marché par chose sur le progrès de l’Etat extérieur est
des débouchés) ; pas confrontation de technique et son profitable pour
de crise de l’offre et la influence sur le toutes les nations qui
surproduction. demande. classe laborieuse y participent.
(optimiste).
Malthus L’offre et la La notion d’équilibre A cause de son Libéral pessimiste Il est pour la
demande jouent un n’est pas présente pessimisme, le spécialisation
rôle important dans dans la pensée de progrès technique ne internationale. Il est
la détermination des Malthus. Il parle peut être un élément pour la subvention
prix, dans plutôt de l’état de progrès social de l’agriculture (lois
l’accumulation. La stationnaire de général. Même, les sur le blé importé).
demande effective l’économie qui sera propriétaires
dépend des revenus atteint par la loi des fonciers ne sont pas
et les revenus rendements motivés de
dépendent des décroissants. l’introduire car il fait
conditions de l’offre (pessimiste) baisser la rente.
(la rente et la
croissance
démographique).

Mill Il privilégie dans ses Comme chez la Le progrès technique Réformiste libéral. Il est pour le
analyses les majorité des profite à la seule commerce
conditions de l’offre classiques, la notion classe des international. Il est
en donnant de l’équilibre chez entrepreneurs. profitable chaque
l’importance au Mill n’est pas fois que les termes
facteur travail ou à la explicite. de l’échange sont
classe laborieuse. favorables pour un
Etat.
Marx Dans le capitalisme La notion de Le progrès technique Dictature de Son analyse et sa
tout devient l’équilibre n’est pas a des effets néfastes prolétariat contre théorie sont conçues
marchandise et toute présente, d’une sur la classe toute forme de dans le cadre d’une
marchandise est manière explicite, laborieuse ; il est à l’Etat. économie fermée.
sujette à une offre et dans la pensée de l’origine surtout de Les néo-marxistes (à
à une demande. Pour Marx. la crise de leur tête Immanuel)
Marx, le capitalisme surproduction et de vont parler de
est un système, à la baisse des taux de l’échange inégal
terme, à offre profit. entre les pays
excédentaire et à une développés et les
sous-consommation pays sous-
(une demande faible) développés.
ouvrière.
Jevons La confrontation de L’équilibre est unEst un élément Très stigmatisée. Il Le libre-échangisme
l’offre et de la équilibre important pour prône un libéralisme est profitable pour
demande constitue le l’augmentation de la
concurrentiel issu de dans le domaine l’ensemble des Etats.
mécanisme de la concurrence pure
productivité. Il est économique.
détermination des et parfaite. aussi un facteur de
prix à l’équilibre. baisse des prix et
donc un bienfait
pour la classe
laborieuse.
Marshall La confrontation de L’équilibre est un Est un élément Très stigmatisée. Il Comme pour tous
l’offre et de la équilibre partiel issu important pour prône un libéralisme les néoclassiques, il
demande constitue le de la concurrence l’augmentation de la dans le domaine est pour le libre-
mécanisme de pure et parfaite pour productivité. Il est économique. échangisme car est
détermination des chaque marché. aussi un facteur de un facteur de
prix à l’équilibre. baisse des prix et concurrence,
donc un bienfait d’augmentation de
pour la classe des productivité et de
travailleurs. baisse des prix.
Walras L’offre et la L’équilibre est Est un élément L’intervention de Comme pour tous
demande qui sont à équilibre général important pour l’Etat est stigmatisée. les néoclassiques, il
l’origine de la concurrentiel. l’augmentation de la Il prône un est pour le libre-
détermination des productivité. Il est libéralisme dans le échangisme car est
prix à l’équilibre. aussi un facteur de domaine économique. un facteur de
baisse des prix et concurrence,
donc un bienfait d’augmentation de
pour toutes les productivité et de
classes sociales. baisse des prix.

Pareto L’offre et la L’équilibre général Est un élément Très stigmatisée. Il Comme pour tous
demande qui sont à concurrentiel est un important pour prône un libéralisme les néoclassiques, il
l’origine de la optimum. l’augmentation de la dans le domaine est pour le libre-
détermination des productivité. Il est économique. échangisme car est
prix à l’équilibre. aussi un facteur de un facteur de
baisse des prix et concurrence,
donc un bienfait d’augmentation de
pour toutes les productivité et de
classes sociales. baisse des prix.
Menger L’offre et la L’équilibre est un Est un élément Très stigmatisée. Il Comme pour tous
demande qui sont à équilibre important pour prône un libéralisme les néoclassiques, il
l’origine de la concurrentiel ; mais l’augmentation de la dans le domaine est pour le libre-
détermination des cet équilibre dépend productivité. Il est économique. échangisme car est
prix à l’équilibre. de prix qui une aussi un facteur de un facteur de
variable plus baisse des prix et concurrence,
importante que donc un bienfait d’augmentation de
l’équilibre. Menger pour toutes les productivité et de
insiste sur le rôle des classes sociales. baisse des prix.
prix en tant que
moyen
d’information et de
coordination dans
l’activité
économique.
Keynes Ce qui est important L’équilibre est un Le progrès technique Il est pour une Son analyse et sa
pour Keynes c’est la équilibre de sous ne peut être un frein, intervention active, théorie sont conçues
demande et l’offre emploi. à court terme, à discrétionnaire de dans le cadre d’une
est corollaire de la l’augmentation de la l’Etat. économie fermée.
demande. demande.
Schumpe- Il est, comme Le système Le progrès technique Il est socialiste et La conquête de
ter Keynes, contre la loi économique est un appui à défenseur de nouveaux marchés
des débouchés de capitaliste n’est l’innovation ; il est démocratie libérale. extérieurs est une
Say. Il considère la jamais en équilibre. aussi à long terme un innovation.
demande comme une moyen de baisse Schumpeter n’a pas
variable importante tendancielle des taux donné beaucoup
dans l’expansion de profit. d’importance à ce
capitaliste et dans la type d’innovation.
consécration des
innovations.

iii) COMMENT ELABORER UN PLAN

I- Questions de synthèse :

1. Les débats d’hier et d’aujourd’hui sur le libre échange et la question de développement au


Maroc ?
2. Libéralisme économique : fondements théoriques et pratiques sociales ?
3. La théorie de la valeur travail a-t-elle un sens aujourd’hui ?
4. Existe-t-il une bourgeoisie au Maroc ?

II- Plans :

Sujet 1. Les débats d’hier et d’aujourd’hui sur le libre échange et la question de


développement au Maroc ?

 La problématique de sujet : les débats ou controverses d’hier et d’aujourd’hui sur le libre


échange.
 Le thème d’étude : la théorie de l’échange.
 Le cadre spatio-temporel : les pays développés + le Maroc depuis Smith et
jusqu’aujourd’hui.
 Type de plan : dialectique et interactif.
Plan
Introduction :

I- Les controverses théoriques sur le libre échange

A/ L’avantage absolu
B/ L’avantage comparatif
C/ Le théorème H.O.S

II- Le libre échange et les pratiques commerciales internationales : les faits

A/ Problème de protectionnisme et des barrières à l’entrée


a- Le contingentement
b- Les clauses sociales, techniques et commerciales
B/ Problèmes liés à la spécialisation et à l’échange inégal

III- Le libre échange et le développement économique au Maroc


A/ Le concept de zone de libre échange est un concept tronqué : différences de
développement et de capacités concurrentielles
B/ Les avantages et les inconvénients de libre échange entre le Maroc et ses partenaires
a- Avantages
b- Inconvénients

Conclusion

Sujet 2. Libéralisme économique : fondements théoriques et pratiques sociales ?

 La problématique de sujet : Libéralisme économique et impacts sociaux.


 Le thème d’étude : Le libéralisme économique.
 Le cadre spatio-temporel : Depuis l’avènement du capitalisme (les physiocrates).
 Type de plan : interactif.
Plan
Introduction :

I- Les fondements théoriques de libéralisme économique

A/ L’influence du courant philosophique du 17ème siècle (Bacon, Hume, Hobbes, Locke…)


B/ L’approche smithienne de libéralisme

II- Le libéralisme économique et ses effets sociaux

A/ Harmonie social selon les classiques (Smith)


B/ Mill et la réforme du capitalisme (relever le niveau de vie des travailleurs)
C/ Marx et les répercussions néfastes du libéralisme sur la classe laborieuse

III- Le libéralisme : pour ou contre le développement économique et social des Etats

A/ L’approche des institutions internationales


B/ Le désengagement de l’Etat au Maroc

Conclusion

Sujet 3. La théorie de la valeur travail a-t-elle un sens aujourd’hui ?

 La problématique de sujet : Le sens de la valeur travail aujourd’hui.


 Le thème d’étude : La théorie de la valeur travail.
 Le cadre spatio-temporel : Depuis les classiques.
 Type de plan : inventaire.
Plan
Introduction :

I- La théorie de la valeur travail : les différentes approches

A/ La valeur chez Smith


B/ La valeur chez Ricardo
C/ La valeur chez Marx

II- Le dépassement néoclassique quant à la notion de la valeur

A/ La théorie de la valeur basée sur l’utilité


B/ L’utilité est à la base de la théorie des prix

Conclusion

Sujet 4. Existe-t-il une bourgeoisie au Maroc ?

 La problématique de sujet : Le type de bourgeoisie marocaine


 Le thème d’étude : la bourgeoise est née avec l’avènement du capitalisme
 Le cadre spatio-temporel : le Maroc contemporain
 Type de plan : comparatif
Plan
Introduction :

I- La bourgeoisie nationale (ou la classe des capitalistes) : naissance et développement

A/ La bourgeoisie est née avec l’avènement du capitalisme


B/ La classe bourgeoise se développe par la recherche du profit selon Marx
C/ La classe bourgeoise comme cloisonnement social selon Weber
a- Les liens autour d’une éthique : intérêts de groupe, conviction religieuse, acquis
politiques (Ethique protestante et esprit capitaliste)
b- Le mode de l’action collective est au cœur de développement de la bourgeoisie

II- La bourgeoisie marocaine s’apparente-t-elle à une bourgeoisie occidentale

A/ La bourgeoisie marocaine n’est pas nationale


B/ La bourgeoisie marocaine n’est pas bourgeoise (El Malki)

Conclusion

Sujet 5. Les débats d’hier et d’aujourd’hui sur le libre échange et la question de


développement au Maroc ?

 La problématique de sujet : les débats ou controverses d’hier et d’aujourd’hui sur le libre


échange.
 Le thème d’étude : la théorie de l’échange.
 Le cadre spatio-temporel : les pays développés + le Maroc depuis Smith et
jusqu’aujourd’hui.
 Type de plan : dialectique et interactif.
Plan
Introduction :

I- Les controverses théoriques sur le libre échange

A/ L’avantage absolu
B/ L’avantage comparatif
C/ Le théorème H.O.S

II- Le libre échange et les pratiques commerciales internationales : les faits

A/ Problème de protectionnisme et des barrières à l’entrée


c- Le contingentement
d- Les clauses sociales, techniques et commerciales
B/ Problèmes liés à la spécialisation et à l’échange inégal

III- Le libre échange et le développement économique au Maroc


A/ Le concept de zone de libre échange est un concept tronqué : différences de
développement et de capacités concurrentielles
B/ Les avantages et les inconvénients de libre échange entre le Maroc et ses partenaires
c- Avantages
d- Inconvénients

Conclusion

Sujet 6. Les politiques keynésiennes sont elles condamnées aux oubliettes ?

La problématique de sujet : Echec ou non des politiques keynésiennes ?


 Le thème d’étude : Les politiques discrétionnaires keynésiennes (politiques monétaire et
budgétaire)
 Le cadre spatio-temporel : Les pays développés à partir de la période de l’après guerre.
 Type de plan : Dialectique et interactif.
Plan
Introduction :

I- Les politiques interventionnistes keynésiennes et leur échec

A- Efficacité des politiques keynésiennes de soutien de la demande durant les trente


glorieuses
a- politique budgétaire
b- politique monétaire

B- Inefficacité des politiques keynésiennes dans les années 1970


a- Politique budgétaire et éviction de secteur privé
b- Inefficacité des politiques de revenu pour lutter contre l’inflation
c- L’arbitrage inflation chômage et le problème des anticipations

II- Les politiques monétaristes à l’épreuve des faits

A- La politique monétaire restrictive comme substitut à la politique expansive des keynésiens


B- La mise en œuvre de cette politique dans le cadre des programmes Reagan et Thatcher
C- Bilan des programmes Reagan et Thatcher et le retour en force des idées keynésiennes

Conclusion

Sujet 7. L’approche néoclassique du marché du travail peut-elle être efficace pour les pays en
développement ?

 La problématique de sujet : L’approche néoclassique du marché du travail et son


efficacité dans les pays en développement ?
 Le thème d’étude : Le marché du travail selon les néoclassiques
 Le cadre spatio-temporel : Les pays en développement actuellement
 Type de plan : Interactif.
Plan
Introduction :

I- Le fonctionnement du marché du travail selon les néoclassiques

A- La détermination de niveau de l’emploi sur le marché du travail par la loi de l’offre et de


la demande
B- La notion du chômage volontaire chez les néoclassiques

II- Inefficacité des politiques néoclassiques de lutte contre le chômage dans les pays en
développement

A- Existence d’un chômage de masse involontaire dans les pays en développement


B- Le rôle de l’Etat dans la politique de l’emploi dans les pays en développement
a- la réglementation du marché de travail
b- le soutien à la PME

Conclusion

Sujet 8. La concurrence telle que Walras la suggère – si elle existe – est elle bénéfique pour
les entreprises marocaines ?

 La problématique de sujet : Le régime concurrentiel au Maroc


 Le thème d’étude : La concurrence pure et parfaite
 Le cadre spatio-temporel : Le Maroc actuellement
 Type de plan : Interactif.
Plan
Introduction :

I- La concurrence pure et parfaite : théorie et pratique

A- Les hypothèses de base de la concurrence pure et parfaite


B- La réalité économique est une forme hybride de concurrence et de monopole

II- Fragilité du système productif marocain et son incapacité concurrentielle à l’heure actuelle

A- Caractéristiques de l’économie marocaine


a- 95% des entreprises marocaines sont des PME/PMI
b- La prépondérance de secteur informel
c- Pénurie de capitaux et incapacité d’innovation des PME

B- Toute ouverture sur l’extérieur est synonyme de plus de fragilisation pour les PME/PMI

Conclusion

Sujet 9. Le rôle de l’innovation dans les petites et moyennes entreprises au Maroc

 La problématique de sujet : Le problème de l’innovation dans les petites et moyennes


entreprises au Maroc
 Le thème d’étude : L’innovation chez Schumpeter
 Le cadre spatio-temporel : Le Maroc actuellement
 Type de plan : Interactif.
Plan
Introduction :

I- L’approche schumpétérienne de l’innovation

A- Schumpeter distingue invention et innovation


B- Progrès technique et innovation
C- Le développement du capitalisme est lié à celui de l’entrepreneur schumpétérien

II- L’innovation est au cœur de développement des petites et moyennes entreprises au Maroc

A- Les PME/PMI marocaines en croissance ont besoin d’un entrepreneur innovateur


B- Les difficultés de l’émergence de l’entrepreneur innovateur au Maroc

Conclusion

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