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SS a 8 ee eS ee ing PO LEX ORANDI Collection publige sous In dicection du Centre de Pastorale Liturgique aw Jean DANIELOU, 8. J. Professeur & I'Tnstitut Catholique de Paris DU MEME AUTEUR BIBL E ET Platoniame ot théologio mystique (Aubier) Sp LITURGIE Sacramentum futuri (Beauchesne), Le mystére du salut des nations (Le Seuil) (Nouvelle édition corrigée) Le mystére de l'Avent (Le Seuil), Le signe du Temple (Gallimard). Tea tNéologie BiBligue des Soccements o dis flee Les Anges et leur mission (Chévetogne). dapris les Pores de V Eglise LES EDITIONS DU CERF 29, Boulevard Latour-Maubourg PARIS 1952 DE CET OUVRAGE, IL A Eré TIRE DIX EXEMPLAIRES SUR VELIN A LA FORME B. F. K. DES PAPETERIES DE RIVES, NUMMROTES DE I A 10 Nihil obstat 2 Paris, le 9 novembre 1950 J. GOUSSAULT, S. J. Prov. Imprimatur = Paris, le 19 novembre 1950 P, BROT vg Introduction A théologie définit les sacrements comme des signes efficaces. C’est le sens de l’adage scolas- ‘tique : « Significando causant ». Mais en fait nos manuels modernes insistent presque exclusivement sur Ie second terme de cette définition. On étudie Peffica- cité des sacrements, mais on s’occupe peu de leur signi- fication, C’est précisément A cet aspect que seront consacrés les chapitres de ce livre. Ils auront pour objet la signification des rites sacramentels et d'une manitre plus générale du culte chrétien, Ine s’agit pas, dans cette étude, de satisfaire seulement notre curiosité, La question importe aussi a la pastorale liturgique. En effet, faute @’étre compris, les rites des sacrements apparaissent souvent aux fidéles comme artificiels et parfois méme choquants. C’est seulement cn pénétrant Teur signification qu’on leur rendra Jeur valeur. Il n’en était pas ainsi dans I’Eglise ancienne. L’ex- plication des rites sacramentels tenait une place importante dans la formation des fidéles. C’est ainsi que Ia semaine de Paque, qui suivait le baptéme et la communion donnés aux convertis dans 1a nuit du Samedi Saint, était consacrée 4 explication des sacrements a ceux qui les avaient regus. Ethérie, qui a assisté, A Ja fin du 1v® siécle, a Jérusalem, aux céré- monies du temps pascal, nous montre P’évéque, dans son dernier sermon de Caréme, disant aux catéchu- 8 INTRODUCTION ménes : « Pour que vous n’estimiez pas que rien de ce qui se fait est sans signification, lorsque vous avez été baptisés au nom de Dieu, pendant les huit jours de Paque, aprés la messe, on vous parlera dans Yéglise >. Par ailleurs, & Poccasion de chaque féte de Pannée liturgique, le sens en était commenté dans des sermons. Notre étude s’appuiera essentiellement sur cet enseignement des premiers siécles chrétiens. Il s’agit donc d’une symbolique du culte chrétien d’aprés Tes Péres de ’Eglise. Nous étudierons successivement la symbolique des trois principaux sacrements ; baptéme, confirmation, cucharistie ; puis celle de la semaine et de l'année liturgique. Mais avant d’entrer dans le détail des interprétations patristiques, il nous faut préciser @abord les principes dont elles s'inspi- rent. Cette symbolique en effet n’est pas livrée au caprice de chacun, Elle constitue une tradition commune qui remonte a Page apostolique. Et ce qui frappe dans cette tradition est son caractére biblique, que nous lisions les catéchéses sactamentaires ou que nous regardions Jes peintures des catacombes, Les figures des sacrements sont Adam au Paradis, Noé dans PArche, Moise traversant la Mer Rouge. C’est la signification et Porigine de cette symbolique que nous avons d’abord a préciser. x, te Que les réalités de ’Ancien Testament soient des figures de celles du Nouveau, ceci est un principe de la théologie biblique. Cette science des correspon- dances entre les deux Testaments s’appelle la typo- 1. Xvi, § ; Péreé, (Sources chrétiennes), p. 231. INTRODUCTION 9 logic. Il est bon den rappeler le fondement, Son point de départ se trouve dans PAncien Testament Tui-méme, Les Prophétes en effet ont annoncé au peuple d’Israél, au temps de sa captivité, que Dieu accomplirait pour lui dans Pavenir des oeuvres ana- logues, et plus grandes encore, a celles quiil avait accomplies dans le passé. Ainsi il y aura un nouveau Déluge qui anéantira le monde pécheur et ot un reste sera préservé pour inaugurer une humanité nouvelle 5 ily aura un nouvel Exode of Dieu libérera par sa puissance Phumanité captive des idoles ; il y aura un nouveau Paradis ot Dieu introduira son peuple libéré*, Ceci constitue une premiére typologie qu’on peut appeler eschatologique, car ces événements & venir sont pour les prophétes ceux de la fin des temps *. Le Nouveau ‘Testament n’a done pas inventé la typologie. Ila seulement montré qu’elle était accomplie en la personne de Jésus de Nazareth *. Eneffet, avec ‘Tésus, les événements de la fin, de la plénitude des temps, sont accomplis. Il est le Nouvel Adam avec qui les temps du Paradis futur sont arrivés. En Lui est dé réalisée la destruction da monde pécheur que figurait le déluge. En Lui est accompli ’Exode véri- table, qui libére le peuple de Dieu de Ia tyrannie du démon’. La prédication apostolique autiliséla typologie comme argument pour établir Ia vérité de son 1, Cleste terme auquel se ralliont aujourd*hul Vensouble des exégttes, Voir J. Corvens, Les Harmonies des deux Testaments, p. 98. 2. Voir Jean Daxmitow, Sactamentum futuri, Paris, 1950, p. 1-250. 3. Voir A, Funes, Le messianisme du Liore d'Teaie, Rech, Se. Rel 0949, P. 183. 4. + La soule chose qui soit spécifiqnement chrétienne dans Vexégise atristique de ’Ancien Testament est 'application au Christ » (Harald Rreseraup, The Resurrection in Exechiel xxxvus and intheDiva-Europos paintings, p. 22). 5. Harald Sannin, Zur typologie des Johannes eoangeliums, x950, p.8 et suiv. 10 INTRODUCTION message’, en montrant que le Christ continue et dépasse Ancien Testament : « Ces choses sont arrivées en figure (suis) et ont éé écrites pour notte instruction» (I Cor., x, 11). Crest ce que saint Paul appelle la consolatio Scripturarum (Rom., XY; 4). ‘Mais les temps eschatologiques ne sont pas seule~ ment ceux de Ja vie de Jésus, ils sont aussi ceux de PEglise. Par suite la typologie eschatologique de PAncien Testament n’est pas seulement accomplie dans Ja personne du Christ, mais aussi dans l'Eglise. Il y a donc une typologie sacramentaire & coté de la typologie christologique. Cette typologie sacramen- taire, nous la trouvons déja dans le Nouveau Tes- tament. L’Bvangile de Jean nous montre dans la manne une figure de Eucharistic, la Premiére aux Corinthiens, dans la traversée de la Mer Rouge, une figure du baptéme, la Premidre Epitre de Pierre, dans Je déluge, une autre figure du baptéme. Par 18 est signifié que les sacrements continuent au milieu de nous les muirabilia, les grandes ceuvres de Dieu, dans PAncien et le Nouveau Testaments® : Déluge, Passion, Baptéme nous montrent les mémes moeurs divines & trois époques de histoire sainte et sont eux-mémes ordonnés au Jugement eschatologique. Ainsi la typologie sacramentaire n’est qu'une forme de la typologie en général, de Panalogie théo- logique entre les grands moments de PHistoire sainte. ‘Mais dans le cas des sactements, il y a un probleme nouveau qui se pose, En effet les sactements compren- nent deux aspects. Il y a d'une part la réalité qui est accomplie. Et cette réalité est dans la continuité des ceuvres de Dieu dans les deux Testaments. Mais ily a 4, Rendel Hannis, Testimonies, 1p. 21. 2. Oscar Cuniacaitn, Urchriclentum und Gollesdtenst, 2° éd., p. 324. INTRODUCTION Ir aussi Ie signe visible, eau, pain, huile, baptéme, repas, onction, par le moyen duquel opére Paction de Dieu. C’est la, A proprement parler, le signe, Je symbole sacramentel, Ce signe, comment faut-il Pinterpréter ? A-t-il seulement la signification natu- relle de Pélément ou du geste qu'll utilise : Peau lave, Ie pain nourrit, Phuile guérit. Ou bien a-t-il une signification particulitre ? Crest ici que les études récentes sur Phistoire des origines liturgiques vont nous rendre service, Elles ont établi en effet qu’il ne fallait pas chercher Porigine des sactements chrétiens dans le milieu hellénistique, comme on le faisait volontiers il y a une cinquantaine années, mais quis se rattachent directement a la liturgie du judaisme *, Nous avons doncAnousdemander ce que signifiaient les signes utilisés dans la liturgie du judaisme pour les Juifs du temps du Christ et pour le Christ Iui-méme. Or il est bien clair que Pes- prit des Juifs et celui du Christ étaient entitrement modelés par PAncien Testament. Par suite c’est dans fa signification pour PAncien Testament des différents éléments utilisés par les sactements que nous avons Ie plus de chance de trouver ce qu’ils signifiaient pour le Christ et pour les Apétres. Nous aurons done Ja unc typologie qui portera non plus seulement sur le contenu des sacrements, mais sur leur forme méme et qui nous montrera que cest A juste titre que nous les voyons figurés par PAncien Testament, puisque c’est pour cette raison qu’ils ont été choisis par le Christ. Donnons de ceci quelques exemples, Nous interpré- tons généralement le rite du baptéme, en y voyant une allusion Peau qui lave et purifie. Or tel ne semble pas étre le sens le plus important du rite. Deux allu- 1. Volr en particulier W. 0. B. @srentey, The Jewish background of the christian liturgy, Oxford, 1925 ; Gregory Dix, Tite shape of the liturgy, Westminster, 1946. 12 INTRODUCTION sions bibliques nous mettent sur d’autres voies. Dune part Peau du baptéme est Peau qui détruit, Peau du jugement. Les eaux sont en effet pour la symbolique juive un symbole de la puissance de la mort, L’eau du baptéme est aussi celle qui engendre Ia nouvelle créature. Ceci nous renvoie a la symbolique juive des eaux créatrices. Enfin le baptéme juif peut avoir 4a contenu une allusion A la traversée de Ja Mer Rouge. Pour ce qui est de PEucharistie, le choix du pain et du vin parait bien contenir une allusion au sacrifice de Melchisédech ; le cadre du repas, une allusion aux repas sacrés du judaisme, figure du festin messianique; le temps pascal, une allusion au repas pascal, symbole de Palliance du peuple et de Dieu *. On voit ainsi comment les gestes du Christ apparaissent chargés de réminiscences bibliques, qui nous en donnent Ia vraie signification. Cette symbolique biblique apparait done comme constituant le fond primitif, celui qui nous donne la vraie signification des sacrements dans leur institution originale. Ensuite, en milieu hellénistique, d’autres symboliques se sont greffées sur ce premier fond, empruntées aux coutumes du monde grec. Ainsi Pimposition du signe de la croix, la sphragis, qui doit etre interprétée primitivement dans Ia ligne de la cir- concision juive, a-t-elle été ensuite comparée a la marque dont étaient signées les brebis, les soldats ou les prétres. La colombe, allusion 4 PEsprit de Dieu planant sur les eaux, a été considérée comme symbole de paix. Mais ces interprétations n’ont jamais recou- vert entiérement le premier fond biblique que nous conservent les Péres. Ainsi leur théologie sacramentaire peut-elle étre considérée comme essenticllement biblique. . On trouvera plus foin la justification de ces diverses affirmations. INTRODUCTION 3 Cette référence A la Bible a une double valeurt. D’une part elle constitue une autorité, qui justifie Pexistence et la forme des sacrements, en montrant quills ont été deja préfigurés par ?Ancien Testament et qu’ils sont donc bien Pexpression de modes cons- tants de Paction divine. Et dés lors ils n’apparaissent pas comme des accidents, mais comme Pexpression méme du dessein de Dieu. Par ailleurs ces références 4 la Bible nous fournissent les symbolismes dans Iesquels ont && dabord concus les sacrements. Ils nous en indiquent les diverses significations, Le Nou- veau Testament en premier les définit avec des catégo- ries empruntées & l’Ancien Testament. Ainsi la typolo- gie sacramentaire nous introduit 4 une théologie biblique des sacrements, qui correspond 4 leur signi- fication originelle et dont Ia théologie ultérieure poursuivra P’élaboration, La sphragis doit étre inter prétée dans la ligne de la théologie de Yalliance, le bap- téme dans celle du jugement et de la libération (= rédemption), PBucharistie dans celle du repas et du sacrifice. On voit ainsi ce que signifie notre entreprise. Ce n'est pas Ja théologie personnelle des Péres qui nous intéresse. Ce qui nous paratt faire la valeur éminente de leur ceuyre, c’est qu’A travers eux nous rejoignons la tradition apostolique dont ils sont les témoins et les dépositaires. Leur théologie sacramentaire est une théologie biblique. C’est cette théologie biblique que nous nous efforgons de retrouver. Et cela nous allons le demander aux Pares de PEglise, en tant qu’ils sont les témoins de la foi du christianisme primitif. Cette théo- logie biblique nous apparait chez eux réfractée & tra~ vers la mentalité hellénistique. Mais cette mentalité waffecte que la présentation, Que le Bon Pasteur des. x, Volr Avausrm, De cat, red, 1H, 6 ; P. L. XL, 323. 14 INTRODUCTION baptistéres apparaisse véru en Orphée n’empéche pas qu'il soit celui qu’Ezéchiel a annoncé et que Jean nous montre accompli dans le Christ. oe Il nous reste a dire quelques mots des principales sources ott nous trouvons cette théologie sacramentaire, La période des trois premiers siécles ne nous fournit que des témoignages fragmentaires, mais que leur antiquité rend particuligrement précieux. S'il fallait remonter a la plus ancienne origine des traités consa~ crés a la symbolique du culte, il faudrait peut-dtre partir de P’Hoangile de saint Jean, s'il est, comme le pense Cullmann, une sorte de catéchése pascale commentant les mystéres du Christ & la fois par leurs préfigurations bibliques? et par leurs prolongements sacramentels. Mais nous n’avons A parler que des Péres de I’Fglise. Nous observons d’abord que les anciens rituels liturgiques contiennent souvent des indications théologiques. C'est ainsi que Pun des plus anciens, la Tradition Apostolique, dHippolyte de Rome, mentionne les interprétations de l’Eucharistie que Pévéque donnait aux nouveaux baptisés durant Ja nuit pascale avant de leur faire faire leur premiére communion *, ‘Mais ces indications ne sont qu’occasionnelles. Plus importantes sont celles que nous trouvons dans des traités explicitement consacrés aux rites du culte. Nous possédons de Tertullien, un petit traité Sur Je baptéme®. C’est le plus ancien document oit soient groupés de fagon méthodique les différents aspects de la théologie baptismale. On y trouve une interpréta~ tion des figures du baptéme dans l’Ancien Testament ; 1, Urchristentum und Gottesdienst, 2° Aufl, 19§0, p. 38-215. 42. Trad, Apost., 23 ; Borne (Sources chréticnnes), P. $4. 3. P.Ly 1, 13981324. INTRODUCTION 15 les différents rites sont énumérés avec leur significa~ tion, Ce traité, qui sera connu de Didyme V’aveugle, servira de modéle aux ouvrages ultérieurs. On s’éton- nera peut-étre de ne rien trouver d’équivalent relati- vement a l’Eucharistie. C’est que la discipline de ’ar- cane interdisait de révéler ce qui concernait les mys- tires. L’enseignement sur ce point n’a done pas pu nous étre conservé, Le domaine peut-étre le plus fourni a date ancienne est celui de Pannée liturgique, c’est-A-dire essentiel- Jement du temps pascal qui en constituait la princi: pale féte. La date de Paque avait soulevé des contro- verses. Ce fut Poccasion pour les auteurs d’écrire & ce sujet. Deux écrits sur Ja Paque, d’Origéne, ont été retrouvés récemment en Egypte. Malheureusement ils ne sont pas encore publiés. D’autre part Ia féte de PAque, qui était aussi celle du baptéme, était l'occasion de sermons dont certains nous ont éé conservés. Cest ainsi qu'une Homélie sur Ia Passion, de Méliton de Sardes, a été retrouvée et publiée par Campbell Bonner. C’est un texte capital sur la théologie pas- cale. De méme une homélie, dont la substance au moins est d’Hippolyte de Rome, a été retrouvée par le P. Charles Martin parmi les spuria de saint Jean Chrysostome *, Mais ce ne sont la que données éparses. Le 1v® siécle au contraire nous apporte des traités d’ensemble. Avec Vorganisation du catéchuménat, Pusage se répand alors de donner aux nouveaux chrétiens une explication des sactements qu’ils regoivent. Or nous avons Ja chance de posséder quelques-unes de ces x, Tha Homily on the Passion, by Mesto, Bishop of Sardis, edited by Canpnrtt Borner, Studios and Documents, 1940. 2. Texte établi, traduit et annoté par Pierre Navrrx, Sources chré- finnes, x951. Voir Ch. Martin, Un rept sod Udoya de Saint Hippolyte terowed, Rech. So. Rel, 1926, p. 148-167. 16 INTRODUCTION catéchéses sactamentaires données durant Ia semaine pascale. Elles seront pour nous la source Ia plus importante, Ces documents appartiennent @ailleurs a des lieux et a des temps différents. Les principaux sont les Catéchéses mystagogiques de saint Cyrille de Jérusalem, le De mysteriis et le De sacramentis de saint Ambroise de Milan, les Homélies Catéchétiques de Théodore de Mopsueste et enfin la Hicrarchie ecclé- siastique du Pseudo-Denys PAréopagite. Nous les étudierons successivement. Nous possédons sous le nom de Cyrille, évéque de Jérusalem au 1v* sitcle, une collection de vingt-quatre sermons adressés aux catéchuménes Jérusalem?, Celles qui nous intéressent sont d’abord le sermon introduction, ou procatéchise, Il a dQ etre prononcé Je premier dimanche du Caréme. Cyrille rappelle abord que le baptéme exige une conversion et qu'il doit étre regu avec une intention droite. Tl donne la signification des exorcismes. Il insiste sur Pimpor- tance de Passiduité aux catéchéses. I rappelle qu’on n’en doit pas divulguer le contenu aux non-chrétiens. Ii donne des indications pratiques sur Ia maniére dont il faut se tenir pendant les moments dattente : en Tisant ou en priant, mais A voix basse, pour ne pas géner les autres. Il montre enfin quelle grande chose est le baptéme et comme il importe de s'y bien pré- parer. Les deux premitres catéchéses portent sur la pénitence et Ja miséricorde de Dieu. La troisiéme, importante pour nous, donne une doctrine générale du baptéme, Cyrille explique qu'il comprend deux éléments, Peau et PEsprit. I montre pourquoi l'eau a été choisie. Il explique le sens du baptéme de Jean- Baptiste et les raisons pour Jesquelles Jésus a éré baptisé par lui. Les catéchéses suivantes commen- 4. P Gy xxxut, 331-1228, INTRODUCTION 17 tent le Symbole de la foi et contiennent peu d’éléments de théoiogie sacramentaire. Viennent enfin les cing catéchéses mystagogiques Leur attribution & Cyrille est contestée, Certaines raisons de critique externe donnent a croire qu’elles sont de Jean de Jérusalem, successeur de Cyrille. ‘Mais ceci n’importe pas pour nous. Elles sont en tous cas un document du 1v° siécle*. Cyrille s’adresse main- tenant aux baptisés. Il leur explique pourquoi il a attendu ce moment pour leur expliquer Ja significa- tion des rites sacramentels. Il fallait que ceux-ci res- tent entourés de mystére. Cyrille alors prend les rites Jes uns aprés les autres. Les deux premieres catéchéses sont consacrées au baptéme, Ja troisiéme & la confir- mation, les deux dernigres & ’Eucharistie. On remar- quera que, pour chaque sacrement, Cyrille traite d’abord de ses figures dans l’Ancien Testament, puis de la symbolique des rites eux-mémes, enfin des explications dogmatiques. Ces trois aspects se retrou- vent de fagon générale dans les autres catéchéses. Et de méme aussi la méthode qui consiste a suivre le développement des ites. Les Catéchtses de Cyrille de Jérusalem se situaient, cnPalestine au milieu du 1v° siécle. Avec le De Mysteriis et le De Sacramentis de saint Ambroise, nous sommes & Milan et dans la dernitre partie du siécle®, Les deux traités sont des catéchéses mystagogiques, analogues a celles de saint Cyrille. Ils traitent eux aussi des trois sacrements de Pinitiation. Ces catéchéses ont été tenues durant la Semaine pascale, ainsi qu’en fait foi le début du De Mysteriis: « Le temps nous invite maintenant 1. Une édition du texte avec traduction par M. Pabbé Cmar paraltra prochainement dans la collection Sources chrétiennes, 2. Voir W.-J. Swaaxs, A propos des Caldchises mystagogiques attri- dudes d saint Cyrille de Jérusalen, Muston, 1942, p. 1-43. 43. Texte établi,traduit et annoté par Betnard Bort, 0, $.., Sources chvitiennes, 1950. Bible et Liturgle 2 18 INTRODUCTION a parler des sacrements. Si nous avons jugé bon avant le baptéme d’en insinuer quelque chose aux non- initiés, c’était plut6t introduction, qu’explication. ‘Nous pensons ailleurs que la lumitre des sacrements s'est répandue mieux en étant inopinée que si quelque discours Pavait précédée » (1, 2 5 BoTTE, 108). Nous retrouvons la méme idée que chez Cyrille : les sacre- ments doivent garder jusqu’au bout leur caracttre mystérieux. ‘La relation des deux ouvrages a posé un problime difficile, Tout le monde est d’accord pour voir dans le De Mysteriis une cuvre de saint Ambroise. En est-il de méme pour Ie De Sacramentis ? Contre Pauthen- ticité, divers arguments ont été apportés : absence attribution 4 Ambroise par les manuscrits, style trés inférieur a celui d’Ambroise, différences pour certains rites : la priére ad orientem se trouve dans le De Mysteriis, non dans le De Sacramentis ; enfin le De Mysteriis, conformément & la loi de Parcane, ne divulgue pas les paroles du baptéme, de Ia consécra- tion et du Pater, alors que tout ceci se trouve dans le De Sacramentis. Mais par ailleurs, les resemblances sont si considérables, que la critique est maintenant unanime a voir dans les deux ouvrages Pouvre d@’Ambroise 1, Reste a expliquer les différences. Dom Morin en a donné une explication qui paratt s’imposer. C’est que le De Mysteriis serait une ozuvre littéraire destinge par Ambroise a la publication, tandis quele De Sacramentis nous donnerait les notes prises durant Ja catéchése par un auditeur. Ceci explique d’abord Yabsence 1. Voir G, Mont, Pour Pauthentiité du De sacramentis et de PExpla- natio fides de snint Ambr., Jahr. Lit, Wiss. vitt, 1928, p. 86-106 ; O., Fauien, Ambrasius, der Verfasser von de Sacramentis, Z. Ky Tx 1940, 1-4 St-101 ; R. H. CONNOLLY, The De sacramentis work of S. Ambro- sins, Oxford, 1942. INTRODUCTION 19 attribution : il s’agit d’un document conservé pour servir 4 Pusage ordinaire dans PEglise de Milan. Le style est négligé, parce que nous sommes en pré- sence de notes qui ont allure parlée de Vinstruction. La loi de Parcane n’avait plus de raison d’étre observée ds lors qu'il s’agissait de textes A Pusage de PF glise et non destinés a la publication. Enfin la dispatition de la priére a Porient sexplique par le fait que, ce rite Gant tombé en désuétude, on Vait supprimé d’un recueil considéré comme le rituel ordinaire. On peut done considérer le De Mysteriis comme un abrégé du De Sacramentis & Pusage du public. Les premiers chapitres traitent du baptéme. Ambroise y parle Ala fois, & la difference de Cyrille, de la doctrine générale et de Ia symbolique des rites. Il insiste spécialement sur les figures de P’Ancien Testament. Plusieurs usages particuliers & Milan apparaissent, en particulier celui du lavement des pieds, aprés le baptéme, qu’Ambroise défend contre Pusage romain (De Sacr., 11, 4~7 5 BOTTE, 73-74). Ce qui concere Ja confirmation est assez bref. Les der= niers chapitres sont relatifs & ’Eucharistie. Ici encore Ambroise insiste longuement sur les figures, Melchi- sédech et la manne en particulier. Comme Cyrille donne un commentaire du Pater. Comme Cyrille encore, il expose avec netteté Ia réalité de Ia trans- substantiation, A Ia fois dogmatiques et mystiques, Jes deux ouvrages ambrosiens sont du plus haut inté rét pour Ja théologie du culte chrétien. Les Homélies catéchétiques, de Théodore de Mopsueste, nous conduisent a Antioche, & peu prés 4 Pépoque de saint Ambroise. Mgr Devreesse pense qwelles ont pu étre prononcées en 392. Nous ne les possédons que dans une traduction syriaque, dont la découverte est récente. C’est en 1933 qu’Alfred 20 INTRODUCTION ‘Mingana en donna une traduction anglaise’, Le texte syriaque, accompagné dune traduction fran- aise du R. P. Tonneau, O. P., et d’une introduction de Mgr Devreesse, vient seulement d’étre édité * Louvrage commence par dix Homélies qui sont un commentaire du Credo, paralléle aux homélies de Cyrille de Jérusalem. Elles sont un document précieux pour nous faire connaitre la théologic de Théodore, ainsi que Pa montré Mgr Devreesse. La onziéme homélie porte Sur le Pater. Elle préctde les homélies sacramentaires, alors que chez Ambroise Je commentaire du Pater les suivait, Puis viennent trois homélies sur le baptéme et deux sur fa messe, qui constituent la catéchése mystagogique proprement dite. ‘A Ja différence de Pusage des églises de Jérusalem et de Milan, Pexplication des sacrements parait avoir été donnée avant leur réception. La symbolique sacramentaire de Théodore présente plusieurs aspects caractéristiques. Monsei- gneur Devreesse, dans son Introduction, parle & plu- sieurs reprises de « typologie ». En réalité ce qui frappe plutét, si on compare Théodore & saint Cyrille de Jérusalem et surtout A saint Ambroise, c'est absence presque complete de toute typologie emprun- tée 4 PAncien Testament, Il y a toutefois une excep- tion. Si Théodore ignore les figures baptismales du Déluge ou de la traversée de Ja Mer Rouge, le thtme adamique apparait & plusieurs reprises, en particulier & propos des rites préparatoires : examen, exorcismes, etc... Le parallélisme de Ja situation d’Adam au jardin et de celle du catéchumene dans le baptistére domine la représentation de Théodore. Mais ceci est une x. Commentary of T-of M. on the Sacraments of Baptism and Bucka- rist, Woodbrooke Studies vr, Cambridge, 1933. ‘2, Les Homblies eatéchétiques de T. de M., Cité du Vatican, 1949. INTRODUCTION 2x exception. L’ensemble de sa symbolique sactamen- taire est fondé sur le parallélisme de la liturgie visible et de fa liturgie invisible. Nous sommes dans Ia ligne de PEpttre aux Hébreux. On peut bien parler de typo- logic, mais en précisant qu’il s’agit davantage de la relation des choses visibles aux choses invisibles, que des choses passées aux choses futures, ce qui serait Ie vrai sens du mot. D’ailleurs Théodore se référe & PEpitre aux Hébreux dés sa premiére catéchése : « Tout sacrement est ’indication en signes et symboles des choses invisibles et ineffables » (x11, 2) et il cite Hebr., Vill, 5 et X, 1. Il développe cela en particulier propos du sacrifice cucharistique, qui est pour lui participation sacramentelle au sacrifice céleste +, Et ceci nous améne 4 remarquer que le platonisme sacra- mentaire de Théodore est la conséquence méme de son littéralisme exégétique, Das lors qu’il se refuse A voir une correspondance entre les réalités historiques, en rejetant la typologie, il est amené a interpréter Ja symbolique sacramentaire dans le sens vertical de la correspondance des choses visibles aux choses invi- sibles. Cet aspect n’est toutefois pas le seul : symboles des réalités célestes, les sacrements sont aussi pour ‘Théodore une imitation rituelle des actions historiques du Christ. Nous retrouvons un autre aspect fonda- mental de la théologie sacramentaire, Elle présente toutefois chez Théodore un caractére spécial. Au lieu de comparer seulement les ensembles, il s’efforce établir des correspondances entre les détails des rites et ceux des récits évangéliques : la procession de Voffertoire figure le Christ conduit sa Passion, x, Francis J. Runer, The Eucharistic doctrine and liturgy of the mys- ical Catzcheses of T. of M., Washington, 1942 ; J. Licuver, Le sacerdoce chrdtion et le sacrifice eucharistiqus selon T. de M., Rech. Sc. Rel, 1949, P- 481-517. 22 INTRODUCTION les offrandes placées sur Pautel figurent le Christ placé dans son tombeau (xv, 25), les nappes de Pautel sont les linges de ensevelissement, les diacres qui entourent P’autel sont la figure des anges qui gardaient Ie tombeau (xv, 27). Nous sommes a Vorigine d'un type dinterprétation qui connaitra une trop grande fortune en Orient (on le retrouve chez Nicolas Cabasilas) et en Occident avec Amalaire. Il s’apparente 4 la typologie matthéenne. Il correspond bien & un des aspects du tempérament de Théodore, son souci de s’en tenir aux réalités concrétes. Mais on en voit tout Partificiel. Théodore Iui-méme se heurte A des absur- dités, quand, par exemple, il est géné pour établir une comparaison entre les diacres qui accompagnent Ja procession de Poffrande et les soldats romains qui accompagnent Jésus au Golgotha (xv, 25). La Hirarchie ecclésiastique du Pseudo-Denys ne nous éloigne pas du domaine syrien t, Elle se situe seulement deux siécles plus tard. C’est en effet un des résultats de la découverte des Homélies de Théodore de ‘Mopsueste que de nous permettre de déterminer de fagon plus précise le milieu auquel se rattachent les éctits aréopagitiques. On sait les discussions auxquelles Ia recherche de leur origine & donné lieu, Si personne ne les rattache plus, comme le faisait encore Mgr Darboy, au converti de saint Paul, le P. Pera croyait pouvoir les rapprocher des écrits des Péres Cappa- dociens*, Déi pourtant le P. Stigimayr, s'il avait tort de les attribuer 4 Sévére d’Antioche, avait bien vu que leur lieu d’origine était la Syrie®, Or les rap- prochements frappants, aussi bien dans Pordre des i. P. Gy 585 A- 1120 A, Traduction frangaise et Introduction de Maurice do Gaxpitiac, Pacis, 1943. 2, Denys le Mystique et 1a Théomachia, R. S. P. T., 1036, p. 5-75. 3. Der sogenannte D. Areopagitieus und Severus von Antiochen, Scholaa- {He 1028, p. 1-27 5 161-189, INTRODUCTION 23 rites que dans celui de leur symbolisme, qui existent entre les Homélies etla Hitrarchie, rendent aujourd’hui cette localisation certaine. Lvceuvre toutefois présente des caractéres parti- culiers. En premier lieu, il ne s’agit pas dune caté- chése élémentaire, adressée aux catéchuménes, comme celles dont nous avons parlé jusqu’a présent. Dans un passage en effet, aprés avoir rappelé les rites de Ja communion, Pauteur écrit : « Et maintenant, bel enfant, aprés ces images pieusement subordonnées & Ja vérité divine de leur modale, je vais parler pour instruction spirituelle des nouveaux initiés » (428 A). Suivent un certain nombre d’explications, puis Pau- teur continue ; « Mais Jaissons aux imparfaits ces signes qui, comme je ’ai dit, sont peints magnifique- ment sur les murs des sanctuaires ; ils suffiront & nourrir Jeur contemplation. Pour nous, dans Ja sainte communion, remontons des effets aux causes » (428 C).. Tl parait bien que le Pseudo-Denys distingue une catéchise élémentaire, dans laquelle ill se met & la portée des nouveaux baptisés et qu'il ne fait qu’effleu rer en passant, et une théologie plus approfondie des- tinge A des dimes avancées et qui est proprement son objet. ‘Un autre caractére dela Hiérarchie est que sa symbo- Tigue se rattache A un état plus évolué de Ia liturgi Déja, en ce qui concerne les rites de PBucharistie, nous rencontrons des allusions 4 Pencensement de Pautel, a Ja procession autour de Passemblée. Nous sommes dans Ia liturgie byzantine. Denys insiste Jonguement sur la confirmation et les saintes huiles, qui tiennent peu de place chez Ambroise ou Théodore. Surtout, aprés les trois sacrements de Vinitiation, il parle de ordination sacerdotale, de la consécration des vierges, des rites des fiancailles. Or de tout ceci il était nullement question chez les auteurs précé- 24 INTRODUCTION dents, Nous ne sommes plus en présence d’une ini- tiation aux nouveaux baptisés pour qui ces allusions rwauraieat pas eu de sens, Et par ailleurs Pétat de la liturgie est beaucoup plus évolué. Vorientation symbolique, qui apparaissait déja chez Théodore, devient trés accusée. Non seulement il west pas fait allusion aux figures de PAncien Testa- ment, mais on y rencontre a peine de rappels du Nouveau, La typologie selon laquelle les sacrements apparaissent comme un moment de Phistoire sainte, préfigurés par PAncien Testament et figure du Royaume a venir, fait place 4 une symbolique mysti- que, of les réalités sensibles sont Pimage des réalités intelligibles. A Pattente eschatologique des premiers sigcles a fait place la contemplation du monde céleste. Et on comprend dés lors pourquoi Pauteur va cher- cher tout naturellement chez le néo-platonicien Proclus les formes d’expression qui exprimeront sa vision du monde 1, Les catéchéses mystagogiques sont les documents les plus importants pour la théologie du culte. Elles ne sont pas les seuls. En effet d’une part nous rencontrons dans des ouvrages divers des passages se rapportant 4 la symbolique sacramentaire. C’est ainsi, pour ne citer que deux exemples, que le De Trinitate, de Didyme Paveugle, contient un passage sur es figures du baptéme* et le Traité du saint-Esprit, de saint Basile, un commentaire symbolique de toutunensemble de rites, prigre a Porient, station debout de la priére, tc...® Mais surtout les catéchéses mystagogiques ne concernent que les sacrements, Or le culte chrétien x, Hugo Kocu, Pseudo-Dionysios in seinen Besichungen sum Newplac tonismus und Mysterienwesen, Mayence, 1900. 2. 12-145 P. G, xextx, 668-727, 3. xiv; PaveiE (Sources chréticnnes) x62-x67 ; xxvir ; Pavone, 22-240, INTRODUCTION 25 contient d’autres rites, qui sont chargés aussi de signi: fication, Tel est en particulier le cycle liturgique des fétes, Or ici encore nous sommes en possession de précieux documents qui sont les homélies prononcées 4 Poccasion des principales fétes de Pannée. Tl est impossible d’en donner une énumération complte. Nous indiquerons seulement quelques textes. En ce qui concerne le milieu oriental, un groupe surtout s*impose & notre attention, celui des Cappado- ciens. Nous possédons, de saint Grégoire de Nazianze et de saint Grégoire de Nysse, des homélies liturgiques qui contiennent des éléments de grande valeur. Du premier il faut surtout citer les Homdlies sur la Nati- vité, sur PEpiphanie, sur la Pentecéte, sur la Pdque *. Celles de Grégoire de Nysse, moins célébres, sont aussi remarquables. Outre trois Homélies sur Paque et une sur la Pentecdte, nous avons une breve homélie sur ? Ascension, qui apparait alors comme féte distincte, une sur le Baptéme du Christ, une enfin sur Noél *. Tous ces textes sont remplis d’interprétations sym- boliques. L’occident n’est pas moins riche en ce genre. Nous avons conservé de Zénon, évéque de Vérone, au milieu du re siécle, une série de brefs tractatus sur Paque, qui contiennent des données typologiques *. Gaudence, évéque de Brescia au ve siécle, a laissé aussi une série de Sermons sur le Temps pascal*. Liccuvre de saint Augustin ‘contient plusicurs sermons portant sur les fétes liturgiques, en particulier sur Paque et la Pente~ céte, Enfin, pour ne citer que les noms les plus impor- 1. P. Gy 2880, 312-452 5 608-664. 2. P. G., xuv1, $78-70a 1128-1149, Voir Jean Daxnixou, Le mystire du culte dans tes Homilies liturgiques de saint Grigoire de Kysse, Vorn chistlichen Mysterint, 195%, pp. 76-93. 3: Pe Lay X4, 500-508. 4 P. La, XX, 843-920. INTRODUCTION tants, nous avons de saint Léon le Grand, une collec- tion d’homélies qui commentent Pensemble de Pannée liturgique*. A cété des homélies, et seulement en ce qui concerne le temps pascal, nous avons & consulter aussi les Lettres ‘festives que les évéques d’Alexandrie avaient Phabi- tude denvoyer & leurs ouailles au début du Caréme et qui sont la forme primitive des mandements. Les plus anciennes sont celles de saint Athanase®. Il en existe aussi un recueil de saint Cyrille d’Alexandrie *, Ce bref résumé peut nous donner une idée des sources principales de la symbolique liturgique dans les premiers sidcles chrétiens, Il atteste aussi la place importante que tient cet enseignement mystagogique, aussi bien dans Ia catéchése que dans la prédication. C'est qu’en effet la vie du christianisme ancien est centrée autour du culte, Celui-ci n’est pas considéré seulement comme un ensemble de rites destinés & sanctifier la vie profane. Les sacrements apparaissent comme les événements essentiels de existence chré- tienne et de existence tout court, comme Ie prolon~ gement des grandes ceuvres de Dieu, dans l’Ancien Testament et dans Je Nouveau, En eux s'inaugure une création nouvelle qui introduit déj le chrétien dans le Royaume de Dieu. Texte ot traduction de Dom Dore, Sources chréviennes, 1949. P. Gy xxv, ¥360-1444. 3. P. G, Lxxv, 402-981, LIVRE PREMIER LES SACREMENTS CHAPITRE I LA PREPARATION Nous commencerons Pétude des grandes unités liturgiques par le baptéme, C’est Iui en effet qui inaugure la vie chrétienne. On sait qu’il était au Ve sigcle généralement donné durant la nuit du samedi au dimanche de Pique. Mais en réalité les oérémonies du baptéme commencent dés le début du Caréme. Crest alors que les candidats vinscrivent et que S'inaugure Ia préparation immédiate, Jusque-IA ils Gtaient simples catéchuménes, Et on sait que cette période de préparation lointaine pouvait durer long- temps. Les Péres protestérent souvent contre ceux qui « retardaient » ainsi leur entrée dans PEglise. A partir de leur inscription au début du Caréme, les candidats constituent un groupe nouveau, les guile pew « ceux qui entrent dans la lumiére, » Les cérémonies de ces quarante jours forment un scul ensemble, que le rituel actuel rassemble qailleurs en une seule cérémonie. * Cette préparation est introduite par le rite de Vinscription. Nous le trouvons ainsi décrit par Ethérie dans son fournal de voyage : « Celui qui 30 BIBLE ET LITURGIE donne son nom Ie donne 1a veille du Caréme et un prétre note tous les noms. Le lendemain, début du Caréme, jour of commencent les huit semaines, on place pour Pévéque un sidge au milien de Péglise majeure, cest-A-dire du Martyrium. Puis on améne un & un les candidats. Si ce sont des hommes, ils viennent avec leurs parrains ; si ce sont des femmes avec Icurs marraines, Alors, pour chacun, l’évéque interroge les voisins de celui qui est enté en disant : ‘Méne-t-il une vie honnéte ? Respecte-t-il ses parents ? Nvest-il pas adonné a Vivresse et au mensonge ? Si le candidat est reconnu sans reproche par tous ceux qu’on a interrogés en présence des témoins, Pévéque note Iui-méme de sa main son nom. Mais s'il est accusé de quelque point, ’évéque le fait sortir en disant : Quiil s'amende et, quand il sera amendé, quil accéde au baptéme ». (Per. Eth. 455 Pitrnts P» 255-257)» On voit en quoi consiste la cérémonie : le candidat a donné la veille son nom a un diacre ; le lendemain, il se présente accompagné de son parrain ; il subit une sorte d’examen qui permet de s’assurer de ses dispositions’; Pévéque alors Pinscrit officiellement sur les registres. Le rite décrit par Ethérie est celui de Jérusalem. Tl est analogue 4 Antioche, ainsi qu’en témoigne Théodore de Mopsueste : « Celui qui désire accéder au saint Baptéme, qu’il se présente a l'Eglise de Dieu. Il sera recu par celui qui est préposé A cela, selon Pusage établi que soient inscrits ceux qui accédent au baptéme. Il s’informera de ses mew Cet office est rempli, pour ceux qui sont baptisés, pat ceux qu’on appelle garants. Celui qui est préposé & 1. Cet examen est déjA mentionné dans 1a Tradition Apostolique, a'Bippotyte de Rome (20 3 Bortz, p. 47-48). Saint Augustin explique Gxeellemment comment il doit étre fait (De catech. rud., 9 j P. Lay Xty 316-317). LA PREPARATION a cela inscrit dans le Livre de I’Eglise et joint dans le Livre 4 ton nom celui aussi du témoin. II faut, quand on plaide un proces, que se tiene debout celui qui est accusé. Tu te tiendras les mains étendues dans Pattitude de celui qui pric et tu gardes le regard abaissé. Pour cette raison, tu te dépouilles de ton habit extérieur et tu te tiens pieds nus. Tu te tiens debout sur des tissus de poil » (Hom. Cat., xm, 1 5 Tonweau, 323). La signification littérale de ces rites est claire. Ce qui nous intéresse est Pinterprétation que les Péres en ont donnée. L’examen qui précéde inscription et od les titres du candidat sont discutés, signifie pour Théodore de Mopsueste que Satan a ce moment « stefforce de plaider contre nous, sous prétexte que nous n’avons pas le droit de sortir de sa domination. dit que par succession depuis le chef de notre race nous lui appartenons » (x11, 18). Contre fui, « il faut nous hater d’aller devant le juge établir nos titres et montrer qu’en droit nous ne relevons pas de Satan das le commencement, mais de Dieu qui nous fagonna & son image » (x11, 19) *. Et Théodore compare cette « tentation » 4 la scéne ot Satan « essaie de détourner le Christ par ses ruses et ses tentations » (art, 22). Lattitude méme du candidat est symbolique : il est vétu simplement d'une chemise et pieds nus, « afin de manifester Ja servitude ot le diable le tenait captif et exciter Ia pitié du juge » (xu, 24). Cette interprétation fait apparaitre dés le début eee ee Je dolt que Satan sevendique sur nous (Coly 1, 1), car cola paralt 1948, p. x04. Voir Curvsostome, Ho. Col., m1, 3; P. G., LxIL, 347 re 32 BIBLE ET LITURGIE Pun des thémes de la théologie baptismale, qui est te conflit avec Satan, L’ensemble des rites baptismaux constitue un drame oi Ie candidat, qui jusque-l8 appartenait au démon, va stefforcer de Ini échapper. ‘Ce drame commence avec Pinscription etnes’achtvera, comme nous le verrons, qu’avec le baptéme Iui-méme. Par ailleurs, nous remarquerons que Théodore met Pépreuve & laquelle est soumis le candidat en relation avec la tentation d?’Adam d’une part, celle du Christ de Pautre. Nous sommes en pleine typologie biblique. Tl y a peut-ttre une relation entre la tentation du Christ et 1a tentation d’Adam dans PEvangile selon Saint Mare, out le Christ est présenté comme le Nouvel", ‘Adam dominant Jes bétes sauvages et servi par les ~ anges (Mc. 1 13)’. La tentation du candidat au baptéme A son tour est une participation 4 la tentation du Christ, Par la, lui aussi s’oppose au premier Adam. Ce parallélisme de la scéne du Paradis et de celle du baptéme, avec au milieu celle de la vie du Christ, vva reparaitre tout au long de la catéchése baptismale. Nous remarquerons que P’Evangile de la Tentation fest encore aujourd'hui dans la liturgie romaine celui Gu premier dimanche de Caréme. Ceci doit étre interprété en relation avec le fait que ce dimanche était cclui de Vinscription. Un détail donné par Théodore de Mopsueste mérite quelque attention. Le candidat, en Syrie, était, durant examen, debout sur un tissu de poil, tun cllice, Le trait reparaitra au moment de la renon- ciation & Satan, On Ie retrouve dans Ja liturgie afti- caine *. Il a éé étudié par Johannes Quasten®. IL 4. Voir U, Houzuristen, Jesus loble mit den witden Tiaren, Vor Wort des Lebens, Festschrift Meinertz, 2951) P- 8492. ‘2, Quopvurspavs, De Symbelo ad Catech., 1,1 5 P. Lu Xin 637. 3 Johannes Quasrex, Theodor of Mopsuestia om the exorcism of cilicium, Harv. Théol. Rev., 1942, P- 209°219- LA PREPARATION 33 semble que le sens primitif soit celui de la pénitence. On rencontre en effet des pratiques analogues dans les mystéres d’Bleusis. Et Wailleurs Théodore indique ce symbolisme. Mais par ailleurs Ie rite a pris un autre sens en relation avec Pinterprétation des rites baptismaux dans une symbolique adamique. Les tissus de poil sont apparus comme une figure des « tuniques de peau » (Gen., 11 21) dont Adam fut revétu apres la chute et qui signifiait sa déchéance, Désormais le candidat foule aux pieds ces tuniques de peau. C'est A quoi Théodore fait allusion, quand il parle des anciens péchés, figurés par les tissus de poil. A Vexamen succédait inscription proprement dite. Celle-ci, 4 son tour, est commentée symbo- liquement. Dans son Sermon contre ceux qui retardent Tour baptime, destiné précisément a inviter les caté- chuménes a se faire inscrire, Grégoire de Nysse Gerit : « Donnez-moi vos noms pour que je les inscrive avec de encre, Le Seigneur, Iui, les gravera sur des tables incorruptibles, Jes inscrivant de son propre doigt, comme jadis la Loi des Hébreux » (P. G. xivI, 417 B). L’inscription visible dans le registre de LEglise figure Vinscription sur les tables célestes des noms des élus?, Théodore de Mopsueste consacre toute une homélie au commentaire de Pinscriptio. Comme pour Grégoire de Nysse Pinscription sur les tegistres figure V’inscription dans PEglise céleste : «Vous qui vous présentez.au baptéme, celui qui est pré- posé & cet effet vous inscrit dans le Livre de PEglise, en sorte que tu saches que dés maintenant tu es inscrit Sein hah tia an Jig hoki Si sks rt ana ie app ars odin Hom cen ipo Me ROG, tose oe te its Go case omarion tay oes elena ‘The ascension of the Apostle and the heavenly Book, Upsala, 1950. ee Bible ot Liturgio _ 34 BIBLE ET LITURGIE au ciel od ton garant a grand soin de apprendre & toi, étranger en cette ville ct qui viens récemment @y accéder, tout ce qui regarde la vie dans cette cité, afin que tu vy habitues » (x11, 16 ; TONNEAU, 348-349). ‘Done; le premier dimanche du Caréme, les candi- dats ont été examinés et inscrits. Les quarante jours qui suivent sont un temps de retraite :« A partir dece jour, écrit Cyrille de Jérusalem, détourne-toi de toute occupation mauvaise. Ne profére pas de paroles inconvenantes » (P. G, XxxiIT, 348 A). Mais « éleve les yeux de ton Ame et contemple les choeurs angéliques et de Scigneur de Punivers assis sur son trone, avec son Fils & sa droite et PEsprit & ses obtés » Cock, 357 A). Tout ce temps doit étre consacké @ la prépa- zation du baptéme : « Si le jour de tes noces était proche, laissant 18 tout le reste, ne serais-tu pas tout entier & la préparation du festin ? Tu vas consacrer ton ame A son Epoux céleste. Ne laisseras-tu pas ces choses corporelles pour gagner les spirituclles » (arm, 345 A). Cette préparation consiste d'une part a fortifier I foi contre Jes attaques de V'erreur + Cest le but des catéchéses. Et par ailleurs c’est un temps de purification of « la rouille de I'ame doit étre Gliminge pour que reste seulement le métal authen- tique » (357 A). Pendant ce temps, les catéchuménes viendront tous les jours a Péglise, & Pheure de Prime. Cette cérémonie quotidienne comprend d’abord un exor- cieme. Ethérie nous dit ; « L’habitude ici est que ceux qui doivent étre baptisés viennent tous les jours dant le Caréme, et d’abord ils sont exorcisés par Tes clercs » (46 ; Pérrt, p. 257). Cyrille de Jérusalem donne des indications sur la conduite & tenit pendant que durent les exorcismes : « Pendant Pexorcisme, tandis que les autres viennent pour étre exorcisés, TA PREPARATION 35 que Jes hommes se tiennent avec Jes hommes et les femmes avec les femmes. Que les hommes sassofent et qu’ils aient entre les ‘mains quelque livre utile : et que Pun lise, tandis que Pautre écoute. Que de leur été les jeunes filles se groupent pour chanter des Psaumes ou pour lire, mais ceci a voix basse, en sorte que les l8vres parlent bien, mais que le son ne par- vienne pas aux oreilles des autres» (XxxIII, 356 A-B). Quant au sens des exorcismes, Cyrille Pexplique Tonguement. D’une part ils sont expression du confit qui se joue autour de ’ame du fidéle entre le Christ et Satan’, Celui-ci faitun effort supréme pour garder Pame en son pouvoir. Le procts, que Théodore nous montrait engagé lors de Vinscription, se continue durant la préparation. « Le serpent est au bord de la route, guettant ceux qui passent, écrit Cyrille de Jerusalem, Veille ce quill ne te morde pas par Vinfidélité. IL suit des yeux ceux qui sont en train de se sauver et cherche qui dévorer. Tu vas vers le Pére des esprits, mais tu passes par le serpent. Comment Te dépasser? Chausse tes pieds de I'Evangile de paix, afin que, s'il te mord, ce soit sans dommage pout toi Si tu vois quelque pensée mauvaise te venir & Vesprit, mite aie Cest Je serpent de Ia mer qui te dresse des }. Garde ton dime, Ww i ii isi aS as , pour qu'il ne puisse la saisir » eci est un nouveau témoignage de Vi is ree ‘Mais il faut ajouter que le théme de Satan, barrant Ja route qui va vers Dieu et qu’il faut done vaincre pour parvenir a Lui, se retrouve ailleurs que dans Jes rites baptismaux. Il apparatt en particulier & propos du martyre. Ainsi dans une extase Perpétue voit « sur P’échelle qui monte au ciel un dragon couché, x. Vole A. Dowpavis, La diciline des sri , La kiln det trutins dans Pgh tli oan Cartinagn, Rev. Hist Bey) te 36 BIBLE ET LITURGIE @une grandeur extraordinaire, qui dressait des em- btiches & ceux qui montaient? », Carl-Martin Edsman a remarqué sur ce point le parallélisme entre les rites baptismaux et Ia théologie du martyre®, Nous aurons 4 le constater plus d'une fois. De fagon plus générale, Je démon est présenté comme s’efforgant de barrer Ia route du ciel aux fimes des morts. Antoine, dans une vision, voit « un étre géant, atteignant les cieux qui, éendant les mains, empéchait les ames de monter. Il comprit que c’était I'Ennemi* », M. Quasten a montré la place de cette conception dans fa liturgie funéraire antique *. Le rite méme de Pexorcisme a précisément pour objet de dégager progressivement P’ame de Vemprise que le démon exergait sur elle, Cyrille écrit : « Regois avec zale les exorcismes, qu’il s’agisse d’insufflations ou @imprécations. C’est pour toi chose salutaire. Pense que tu es un or adultéré et falsifié. Nous cher- chons a avoir Por pur. L’or ne peut, sans feu, étre purifié de ses alliages. Ainsi P’ime ne peut étre purifiée sans les exorcismes, qui sont les paroles divines, choisies dans les Saintes Ecritures. Comme les fondeurs or, en soufflant sur le feu, font gonfler Por caché dans sa gangne, ainsi les exorcismes, chassant Ja crainte par PEsprit (pmewma) de Dieu et faisant bouillonner P’Ame dans le corps comme dans sa gangue, chassent le démon ennemi et ne Taissent gue Fespérance de la vie éternelle » (xxxttt, 349°A-B) § x. Passion des saintes Perpltue et Féliié, wv, 3. Voir FJ. Dosuoer, Dal Martyrium als Kanpf gegen die Damonen. Ant. und Christ, 01, 3, 2, C. IM Bosnian, Le Baptéme de fet, p. 42-47. 3, Saint Armanast, Vie de sainé Antoine, 66. a Quaeray, Der Gule Hirle in frithehristicher Tolenliturgic, Miseell, Meceati 1, p. 385-308. if Voir FJ. Donucee, Der Exorcismus in altchristlichen Taufritual, Paderborn, 1909. LA PREPARATION 37 A Pexorcisme succédait chaque matin la catéchése : « Aussit6r, écrit Ethérie, on place la chaire de PEvéque dans Je Martyrium? et tous ceux qui doivent étre baptisés s’assoient en cercle autour de Pévéque, tant hommes que femmes, ainsi que les parrains et Jes marraines, et aussi tous ceux qui veulent écouter, pourvu quils soient chrétiens. Commengant par la Genése, PFivéque, pendant ces quarante jours, par- court toutes les Ecritures, en expliquant d’abord le sens littéral, puis le sens spirituel : c'est ce qu’on appelle la catéchése. Au bout de cing semaines instruction, ils recoivent le symbole, dont on leur explique la doctrine, comme celle de toutes les Ecritures, phrase par phrase, d’abord au sens littéral, ensuite au sens spirituel » (46 ; PérR#, 257-259). Ge sont ces Catéchéses 7s See ae ae avoir une série, celles de Cyrille de Jérusalem*, Ces catéchéses se terminaient, le dimanche avant PAque, par la redditio symboli’. Le sens de la catéchése est ainsi dégagé par Cyrille : Ne pense pas quiil s'agisse de sermons ordinaires, Ceux-ci sont bons. Mais si nous les négligeons aujourd’hui, nous pouvons les entendre demain. Au contraire Venseignement suivi sur Je baptéme de la régénération, si tu le négliges aujourd'hui, quand le retrouveras-tu ? C'est le temps de Ia plantation des arbres. Si nous négligeons de bécher et de creuser, quand pourras-tu planter bien ce qui une fois aura aetna its inrmant Paion see ests nee eon Becta gee oa a i BIBLE ET LITURGIE 38 négligeons purification de Ame s’y achéve. ce caractére. *, ate vols Pédition do JH. Wasain 19475 Ds At &é mal planté ? La catéchése est un édifice. $i nous en creuser Jes fondations, si nous Jaissons des trous et que la construction soit branlante, A quoi servira tout le travail ukérieur ? » (oom, 352, AcB). Le temps de la catéchése est celui oit est jeté Je fondement de la foi, en méme temps que Ia ‘Quant 2 la redditio symboli, Théodore de Mopsueste yvoit la contre-partie des exorcismes. Ceux-ci ont libéré Pame de Pesclavage de Satan. « Par la récitation du Credo, vous faites avec Dieu, par I’ du pontife, des engagements et un pacte de persévéser Gans la charité envers Ia nature divine TToNNEAU, p. 369). Nous remarquerons que le double aspect de lutte avec Satan et de conversion au Christ se fetrouvera dans Ja totalité de la liturgie baptismal. Celle-ci est tout entigre mystére de mort et de résur~ rection. Les rites préparatoires sont déj marqués par | Le dernier rite préparatoire au baptéme a lieu durant | In veillée du samedi au dimanche de Paque. C’est | Ja venonciation & Satan ct Y'adhésion au Christ. Le rite fait partie des cérémonies préparatoires. | Néanmoins il rentre dé dans Ja liturgie de la nuit | ‘pascale. Aussi est-il commenté par Cyrille de Jérusalem | Gans Ja premitre des Catéchéses mystagogiques. Nous Je trouvons chez tous les auteurs et dans toutes les Fiplises, & Jérusalem et d Milan, & Antioche et & Rome, Torigine en est ancienne, Il en est déja question dans les écrits de Tertullien?, Il semble étre directe- 4. DeCorone, x5 ;De Spect., 43 De Anima, 35. Pour op dernier passagey LA PREPARATION 39 ment en rapport avec Vabjuration de VidolAtrie, En ce sens, il a dfi apparattre, non dans le judéo- chtistianisme, oi il n’aurait pas eu de sens, mais dans Ie christianisme de la mission, Ceci explique que ensemble des images qu'il comporte se rattache plus au monde paien qu’a celui du judaisme. La renonciation a Satan est ainsi décrite par Cyrille de Jérusalem : « Vous étes d’abord entré dans le vestibule du baptisttre et, vous tenant debout, tournés vers POccident, yous avez requ Tordre @étendre la main. Et vous avez renoncé & Satan, comme s'il était présent, en disant : Je renonce a toi, Satan, et toute ta pompe et & tout ton culte » (xx, 1068-1069). La formule de Théodore de Mopsueste est analogue : « De nouveau, vous vous tenez debout sur les cilices, pieds nus, ayant enlevé votre vétement extérieur et les mains étendues vers Dieu, comme dans Pattitude de la prigre. Puis yous vous agenouillez, mais vous gardez le reste du corps droit. Et vous dites : Je renonce a Satan, & tous ses anges, A toutes ses deuvres, & tout son culte, & toute sa vanité et & tout égarement séculier et je m’engage par veu a étre baptisé au nom du Pare, du Fils et du Saint-Esprit » (am, Introduction ; TONNEAU, 367). Cyrille nous explique pourquoi la renonciation a Satan a lieu avec le corps tourné vers I’Occident : « Je veux vous expliquer pourquoi vous vous tenez toumnés vers P’Occident. Comme VOccident est la région des ténébres visibles et que Satan, ayant les ténébres pour lot, a son empire dans les ténébres, ainsi, en vous tournant symboliquement vers P'Occi- dent, yous renoncez A ce tyran ténébreux et obscur » (sxim, 1069 A+). Ce symbolisme remonte au monde pré-chrétien, Les anciens Grecs plagaient A ’Occident, x, De mime Pszvpo-Daxvs, Hier. Redles, 4or A. BIBLE ET LITURGIE ot disparatt Je soleil, les portes de 'Hadés’. Nous Je rencontrons fréquemment chez les Péres de ’Eglise. Grégoire de Nysse voit dans ’Occident « le lieu ot demeure la puissance des téntbres » (xt1v, 984 A)*, Saint Hilaire commente Je verset du Psaume LXvit : « Ascendit super occasum », comme la victoire du Christ sur la puissance des ténébres (P. L., 1%; 446 B)°. Plus importante est la formule méme de Ja renon- ciation, Elle apparait comme « Ja rupture de l'antique pacte avec I’Hadés » (ooun, 1073 B), Désormais Pame ne craint plus « le cruel tyran » qui la tenait en son pouvoir. « Le Christ a détruit sa puissance, abolissant la mort par sa mort, en sorte que je sois définitivement soustrait & son empire » (xxxm, 1069 A), Nous sommes au seuil de l’acte décisif par Jequel Ja libération de V’me va étre accomplic. ‘Théodore de Mopsueste, ici encore, insiste sur cet aspect : « Puisque le diable, 8 qui vous avez obéi, 4. commencer par les chefs de votre race, fut pour vous cause de maux nembreux, il vous faut promettre de yous détourner de lui. Jadis, méme si vous l’aviez youlu, vous ne Pauriez pas pu ; mais puisque, gréice aux exorcismes, la sentence divine vous a promis Ja ibération, vous pouvez dire : Je renonce & Satan, indiquant a la fois et association antérieure que vous aviez avec Tui, et que vous vous en détournez» (x11, $3 TONNEAU, p. 375). Le geste d’étendre la main (Cyrille) ow les mains (Théodore) soulignait le caractére de la renonciation. C’érait le geste qui accompagnait dans Pantiquité un engagement solennel fait avec Gunonr, Recherches sur le symbollsme fundraire ches les Anciens, 1942, P. 39 59% 2. Voir aussi Busine, P. G., xn, 720 A; Geécoine pp Nvsss, P. G,, xixv, 708 C ; ArHanase, P. G., xvii, 294 B. 'g. Voir F, J. Dortonn, Die Sonne der Gerectighet und die Schwarze, Minster 1919, p. 33-49 3 A. Ruse, Death and burial in christian antiquity, Washington, 1941, p. 8-10, LA PREPARATION 4 serment, ou sa dénonciation, Il exprime Ia dénoncia tion par le candidat du pacte qui Je liait A Satan du fait du péché d’Adam. * ‘A Satan, certaines liturgies joignent « ses anges ». ‘Ainsi saint Basile (Traité du Saint-Esprit, 27 ; PRUCHE, P. 234), Ainsi également Théodore de Mopsueste, qui ajoute ce commentaire : « Ces anges ne sont pas Jes démons, mais les hommes soumis 2 Satan dont il fait ses instruments et dont il se sert pour faire choir les autres» (xm, 7). De ces anges, Théodore fait une énumération : ce sont « ceux qui s’appliquent & la sagesse profane et font pénétrer dans le monde Yerreur du paganisme » ; ce sont « les postes qui par leurs fables accroissent VidolAtrie » ; ce sont aussi © les chefs des hérésies, Mani, Marcion, Valentin, Paul de Samosate, Arius, Apollinaire, qui ont, sous Je nom du Christ, introduit leurs vices » (xin, 8). Viennent ensuite « Jes pompes, le service et les ceuvres de Satan », La premitre expression est Ja plus difficile. Elle vient de faire Pobjet d’une discussion, Lexpression pompa diaboli signifie proprement le culte des idoles, ainsi qu’en témoigne Tertullien (De Corona, 13). Mais sous quel aspect ce culte est-ill envisagé ? Le P. Hugo Rahner voit dans la pompa le cortége des démons ; le mot désignerait ainsi des personnes. L’addition de angeli dans la liturgie syrienne va en ce sens*, Mais J. H. Waszink, Alasuite de P. de Labriolle, maintient que le sens primitif désigne les manifestations du culte paien, en particulier les processions et les jeux, et que pompa désigne des choses*. C’est ce sens qui parait en effet primitif x. F. J. Doruore, Die Sonne der Gerechligheit und die Schwarze, p.ax8-1r9 ; J-H. Ceeuan, Karly christian baptism and the creed, P, 96-120, : 42. Ponba diaboli, Zeltschr. Kath, Theol, 1931, P. 239 saa 3. Ponta diabolt, Vigilim christian, 1947, 1, p. 73 84a. 42 BIBLE ET LITURGIE et Je sens personnel en est une explication, liée a la conception biblique et patristique du culte des idoles comme culte de Satan. Crest cette interprétation que nous trouvons chez Cyrille de Jérusalem ; « La pompe de Satan, cest la passion du théétre, les courses de chevaux dans Phippo- drome, les jeux de cirque et toute vanité de ce genre. Puis aussi ces choses qui ont coutume d’étre exposées dans les fétes des idoles, viandes, pains ou autres choses souillées par Pinvocation des démons impurs. Ces aliments, qui font partie de Ja pompe de Satan, sont purs par eux-mémes, mais souillés par Pinvo- cation des démons ». (xxii, 1072 A). Ceci nous rappelle Vantique question des idolothytes déja agitée au temps des Apétres. ‘On observera que les spectacles du théAtre, de Phippodrome et du cirque font partie de la pompa diaboli en tant qwils comportent des actes cultuels qui en font des manifestations didolatrie, C’est ce qwon trouve par exemple dans le De Spectaculis de Tertullien, Mais avec le recul de Fidolitrie, c’est Vimmoralité des spectacles sur laquelle on mettra Paccent. Ceci est déji apparent chez Théodore de Mopsueste : « Ce qu’on appelle Pégarement de Satan, c’cst Ic théAtre, le cirque, le stade, les combats athletes, les chants, les orgues hydrauliques, les danses, que le diable seme dans le monde, afin, sous apparence d’amusements, dinciter les mes a leur pette. De tout cela doit s*éloigner celui qui participe au sacrement du Nouveau Testament » (x0 12). L’aspect dimmoralité était dailleurs déja associé chez les Péres plus anciens a celui d'idolatrie. Ainsi Cyrille, i propos des pompes de Satan, parlait-il « de la folie du théatre, oon va voir les farces des mimes remplies inconvenances et les danses folles d’hommes effé- minés » (xxxmt, 1069 C). LA PREPARATION 4B Quant au « culte de Satan », est, pour Cyrille comme pour Théodore, Pensemble des pratiques idolatriques et superstitieuses. Ainsi pour le premier, ae culte du diable, c’est la priére dans les sanctuaires, es honneurs accordés aux idoles, comme ¢’allumer des lampes, de broler des parfums prés des sources on des fleuves, comme le font certains qui, trompés par des songes ou des démons, se plongent dans leurs eaux, pensant y trouver Ia guérison de leurs maladies. Ce sont aussi Jes augures, la divination, les signes, Jes amulettes, les lamelles gravées, les pratiques magiques » (cout, 1073 A). Théodore donne une équmération paralléle, en ajoutant Lastrologie (x111, 10). Nous savons que, méme aprés Pétablissement du christianisme, de telles interdictions n’étaient pas vaines. Le Code Théodosien, a la fin du 1v° siécle, interdit encore « Coffrir des parfums aux Pénates, allumer des lampes, de suspendre des guirlandes autour de leurs autels » (XVI, 10, 201) +. at A Vabjuration de Satan et de ses pompes, a Papotaxis, correspond ladhésion au Christ, la syntaxis, Reprenons Ie texte de saint Cyrille : « Quand tu as renoncé & Satan et que tu as rompu antique pacte avec 'Hadés, alors le Paradis de Dieu s’ouvre devant toi, celui qu’il avait planté a POrient et d’ot notre premier pére avait été chassé 4 cause de Ja désobéissance. Et le symbole de cela, c’est que tu te tournes de P’Occident vers POrient, qui est la région de la lumiere. Alors on t’a dit de dire : Je crois au Pére, au Fils et au Saint- Esprit et en unique baptéme de pénitence » (xxi 1073 B). ‘Théodore de Mopsueste indique un rite x. Voir A. J. Fesrucrtre, Le monde gréco-romain au temps de Notre. ‘Seignenr, 1, . 40°42. BIBLE ET LITURGIE atéchuméne se tourne fant « un genou posé Jes mains étendues » 44 analogue, sans préciser que le of vers POrient, mais en le montr en terre, regardant le ciel et (wu, 1) La profession dans la direction de Orient S’oppose a Yabjuration face & POccident, Le rite s¢ retrsnte ‘ans la liturgie baptismale de Milan : « Tu Pes tourné Gers POrient. Cetui en effet qui renones 2 démon te toume vers le Christ. Il le tegarde face a face » (De Myst, 7 3 BOTT#, p. 109). On sait que cette Norientation » de Ia prigre se trouve ailleurs que dans fe Litargie baptismale, C’est un usage général de se umner vers POrient pour prier. Saint Basile le range parmi les traditions Jes plus antiques de VEglise (De Spir. Sancto, 27 5 PRUCHE, 233), La direction de POrient était indiquée dans les liewx de pritre ot méme ddows les maisons privées par une croix peinte, S16 Ie Snur®, Trés particuligrement la prire vers POrient apparait au moment du martyre, Perpétue voit quatre ‘anges qui 'a portent vers J'Orient aprés sa_mort (Passio Perp., X15 2). On retrouve ensuite Pusage de (Pessuener vers POrient aa moment de le mo Macrine, sceur de saint Basile, « au moment de sa Post, entretenait avec son céleste Fepour, sum tequel tlle ne cessait avoir les yeux fixés, car &n lit était coumné vers POrient » (P. G XLVI, 984 B). Et Jean Moschos raconte Phistoire @un pauvre hommes arrété par des brigands et qui demande etre pendu tourné vers POrient (Pré Spirituel, 72). Le symbolise du rite a prété discussion. F. Dilger avait pensé y voir un usage inspiré de la vrceame patenne de prier dans la direction du soleil «Maile Proudo-Denyé mentionne YOrient, ee qi montze qe 1 ie cexistait & Antioche (Fier. Bedl 400 4). ita A i a eros ta pregiers vere Orient, BRE ecb nz, age, Pe $25 #00 Jean Danibov, Oriint, pe 42-H4- LA PREPARATION 45 evant, Mais Erik Peterson semble avois it le a é i gue Fuage se rattache A des controverse Geared ARer reste e lieu ob be Measic appurattme & le fin des temps. La priére vers Orient aura sini désigné le christinisme par opposition & Ia pritre vers Jérusalem chez les Juifset plus tard a la Qibl, ou priére vers la Mecque, chez. les ‘Musulmans. est dire son importance pour distinguer les trois grands monothéismes dans Orient ancien’. Par li aussi apparait 1a signification eschatologique de ce Helle correspond bien aee ce que nos avons dit je sa présence chez, ceux qui vont mourir. Hs attendent gue Je Christ viene es chercher f yailleurs un certain nombre de_ tex aa cate) = ames indiquent cette signification eschatologique. Fille Beit vols son point de départ dans saint Matthieu : oe Véclair vient de YOrient, ainsi apparaitra le Fis de ee » (xa1V, 27). La Didascalie @’Addat che explicitement 4 ce texte : « Les Aj ont fixé que vous devez pri Roce ae ous devez priet vers Orient, parc we lair appara 8 POrient rile f ainsi sera la venue du fil in : lu fils de homme » (st Nat p. 225) Cet aspect eco: Togique apprat bien dans ce passage de Mode See = «Du haut du ciel, 6 Vierges, le son d’une eee éyelle Tes morts set fit entendre = ver elle, nous devons tous ail ait reves de ao bles vent, ae oper al ., du cbté de P’Orient » f IWETSCH, e le POrient » (Symp., 1; BoNwerscxs, ‘Mais ce sens primitif, li a Pattente eschatologique 3, Tertllien rapport 2 6 que certains accusalent les chréteas a Io eel eau tute (Apa, 7,9 ee . rik Paenson, Die geschichliche Bede ching, Theol. Zeitsche, tung der jidischen Gebetsrie peer. Ts ry 1947, pox ga F. J, Dozsoun, Sol Satis, 46 BIBLE EY LITURGIE des débuts du christianisme, s’est atténué. Souvent POrient désigne seulement Ie Christ. Ce symbolisme Se rattache & Zach, vi, 12: Orient est son nom », Crest Pexplication que nous avons trouvée chez saint Ambroise pour le rite baptismal : « Tu t’es tourné vers POrient. Celui qui renonce au démon se tourne vers le Christ et le regarde face & face ». Crest le sens que résente Vantienne de Ja liturgie romaine: O Orians, splendor lucis eternce et sol iustitice, veni ad illuminandos Sedentes in tenebris et umbra mortis. Grégoire de Nysse Texplique dans ce passage : « Le grand jour (de la Wie éternelle) ne sera plus éclairé par le soleil visible, mais par la vraie Iumitre, le soleil de justice, qui est appelé Orient par les prophétes parce qu'il n'est plus caché par les couchants » (P. G., xL1¥, 505 A). Saint Jean avait dit en effet que dans Ia Jérusalern Rouvelle «il m’y aura plus besoin de soleil, car le Scigneur Dieu en sera la lumitre » (Apoc, xt, 5). Ainsi le Christ apparait comme le soleil éternellement evant de la Seconde Création, Mais au 1v° sitcle, le symbolisme le plus fréquent est différent. La pritre vers P’Orient se rattache aux thémes paradisiaques. La Gendse en effet ne dit-clle Pas que « le Paradis fut planté & VOrient » (Gon, U, 8). Se tonrner vers Orient apparait comme Vexpression de la nostalgie du Paradis, C'est la raison donnée par saint Basile : « C’est en vertu d'une tra dition non écrite que nous nous tournons vers POrient Pour prier. Mais nous sommes peu savoir que nous cherchons ainsi Pantique patrie, le Paradis que Dieu Planta en Eden & POrient » (De Spir. Sancto, 27 3 Procue, p. 236). De méme les Constitutions Aposto, Ziques nous monteent cet usage dans la liturgic eucha- 3, Voir aussi Tenrouisey, Adv. Val, 3 : © L'BspritSalnt alme TOtient qulest Sgure du Christ»; Grégoire we Nvsss, P. G., sz1v, 984 Ay XuIV, 798 C, LA PREPARATION 47 istique : « Tous, s'étant levés et s'étant toumnés Bie iOrien, sts le reavel des catéchuménes, prient Diew « qui est monté sur le ciel du ciel A’ Orient» se souvenant de Vancienne demeure du Paradis planté & POrient, d’ott le premier homme est déchu » (it, 57 5 FUNK, p. 162). Saint Grégoire de Nysse approfondit ce symbolisme : « Comme si Adam vivait en nous, chaque fois que nous nous tournons vers POrient, — non que Dieu ne puisse étre contemplé que Ja, mais parce que notre premitre patrie le Paradis dont nous sommes tombés, était & POrient — est avec raison que nous disons, comme le prodigue : Pardonne-nows nos offenses » (P. G., xt1v, 1184 B-D). Or il est remarquable que ce soit ce symbolisme que nous donne Cyrille de Jérusalem, & propos du rite baptismal : « Quand tu renonces a Satan, le Paradis de Dieu s’ouvre a toi, celui qu'il avait planté & POrient et d’ou notre premier pére avait été chassé a cause de sa désobéissance. Bt le symbole de cela, est que tu te tousnes de POccident vers POrient, » Nous remarquerons & ce sujet une fois de plus Pimpor- tance de la symbolique paradisiaque dans les rites du baptéme, En face d’Adam tombant sous la domi- nation de Satan et chassé du Paradis, le catéchumtne apparait comme libéré par Je Nouvel Adam de la domination de Satan et réintroduit dans le Paradis. Crest toute une théologic du baptéme comme libé- ration du péché originel qui est ainsi inscrite dans les rites. : : Touré vers Orient, le catéchuméne pronongait, son engagement au Christ. Aprés la dénonciation officielle du pacte conclu jadis par Adam avec Satan, cet engagement constitue Pacte officiel dalliance avec le Christ’, Le mot alliance (cvviiven) le désigne . Crean, Early christian baptism and the cred, p. 95-120, 1, Voir Jol 48 BIBLE ET LITURGIE Souvent’. Comme la renoncistion, cet acte était accompagné d’un geste de la main ou des mains ten. dues, comme en témoignent Théodore (xm, 1) et le Pseudo-Denys (401 A-B). Toutefois Théodore inter, préte ce geste dans le sens d’une supplication et now Gun engagement. De Ia formule de cet engagement, Cyrille dit qu’il a longuement parlé dans ses cate. chises. En effet c'est tout le contenu de Ia foi chré. Henne qui est résumé et auquel adhére le nouvean chrétien, Nous n’avons pas & y insister*, Comme Théodore de Mopsueste le marque bien, ladhésion au Christ est proprement parler Pacte de foi requis pout le baptéme : « Invisible est la nature divine © la 40i est néclamée de celui qui se présente et promet de urer ferme désormais en familiarité avec elle, Avec la renonciation et la profession, cest la pré- Paration du baptéme qui s'achéve, au seuil de la huit Pascale, “A travers ses différents ‘moments, c’eet us seul mouvement qui I’a animée et qui vient culmines rae pints Esk. Mari, x7 ; Karsous, 16 ; Gute. Naz, Or, XU, 83 P. G, xxxv1, 368-5, Foe No CNEL, Recherches sur le symibale dee Aptres, Patcse gave et Moyen Age, 1,. 25 tag. J.N.D. Katy, Barly even creeds, P20 Gag: Crone Cotas, Les dromidres confessions defo chon ie egatsion aw Christ & 1 fis profession do fol ot eon ee dace meme suclen. ‘Crest elle que désigae lo. thet ia 2 Gans le o6ldbre texte baptismal de 1 Petr. mas, Voir sur ce texte E,-G. Geaviny The first pile of Sb. Peter, p. dos-ane Bo Reicks, The faarnadient Spirits and christian baptiom, p. syyaoi PTR Cress, loc. cit, p. 20-22, LA PREPARATION 49 lans Ie rite solennel que nous venons de décrire. neu aspirant au baptéme, ayant offciellement professé sa volonté d’abandonner Pidolitrie et de se consacrer au Christ, va pouvoir recevoir le sacrement, Mais cette longue préparation atteste Ie caractére personnel de Pacte qui saccomplit. Rien n’est plus Gloigné de Pesprit du christianisme primitif grune conception magique de Yaction sacramentelle. La conversion sincére et totale est la condition requise pour la réception du sacrement, Bible ot Liturgte CHAPITRE IL LE RITE BAPTISMAL Les cérémonies que nous avons étudiées jusqu’a présent forment les préambules éloignés du baptéme. Cyrille de Jérusalem leur consacre sa premiére catéchése, Théodore de Mopsueste ses deux premiéres homeélies, Elles constituent une unité bien caractérisée, soulignée par ce fait qu’elles ont lieu en dehors dig baptistére. Le candidat est considéré comme encore Gtranger 4 PEglise, Cest Pentrée dans le baptistére gui va marquer la préparation immédiate au baptéme, Il comprendra ensuite deux rites préliminaires : Je dépouillement des vétements et Yonction dhuile, Puis aura lieu le baptéme proprement dit, accompli par immersion dans Ja piscine baptismale, Il est suivi du revétement de Ia tunique blanche, qui correspond au dépouillement. Ce sont ces rites dont nous exa- minerons le symbolisme, a Au début de la Procatéchise, Cyrille déclare a ceux qui viennent d’étre inscrits : « Désormais vous étes dans le vestibule du palais. Puissiez-vous bient6t étre introduits par le roi » (xxi, 333 A). Telle est bien Ja situation des candidats. IIs ne sont plus LE RITE BAPTISMAL St totalement étrangers. Ils sont dans Ie vestibule. « Is respirent déja le parfum de la béatitude. Ils re- cueillent Jes fleurs dont sera tissée leur couronne » (xxx, 332 B). Nous retrouvons la symbolique paradisiaque. Mais ils ne sont pas encore dans le sanctuaire lui-méme. L’introduction dans le baptis- tére signifie entrée dans PEglise, c’est-d-dire le retour au Paradis, perdu par le péché du premier homme : « Tu es hors du Paradis, 6 catéchuméne, dit Grégoire @ ceux qui retardent le baptéme. Tu partages Vexil d’Adam, notre premier pére. Mainte~ nant, Ia porte s’ouvre. Rentre la dou tu étais sorti » (P. Gy xLvI, 417 C. Voir aussi 420 C et 600 A). De méme Cyrille de Jérusalem disait au candida « Bientét, pour chacun et chacune de vous, le Paradis va s’ouvrit » (xxx, 357 A). Cette symbolique était soulignée dans la pri- mitive Eglise par la décoration des baptistéres. On y trouve généralement représenté Je Christ en Bon Pasteur entouré de ses brebis dans un cadre para~ disiaque darbres, de fleurs et de fontaines. Le baptistére de Dura qui est du mi sigcle nous montre, en contre-partie du Christ, la chute du premier couple humain. A cela correspond trés exactement, comme T'a remarqué L. de Bruyne, Pinscription copiée par Fortunat dans le baptistére paléo-chrétien de Mayence : « La salle, difficile d’accts, du saint baptéme resplendit. C’est JA que le Christ lave dans le fleuve le péché d’Adam? », Ainsi la décoration des baptistéres est chargée d'intention théologique. C'est Je Paradis d’ot Adam avait été chassé et ott le baptéme le restaure?, x, L.de Bruyn, La décoration des baptisteres palfochrétiens, Mélanges Mobiberg. 1, p. x98 249. 2. Sur VBglise Paradis, voir Cvenrex, Rpisl. xx, x0; CSEL, 785 taxxy, 15 ; CSEL, 820, 52 BIBLE ET LITURGIE Un wait de ces décorations mérite une explication : Cest celui des cerfs qui boivent aux sources, Il s'agit Pune allusion au Psaume XLI : « Sicut desiderat cervus ad fontes aquarum ». On comprend que ce texte ait paru symboliser la soif des catéchumenes de recevoir le baptéme. Mais le symbolisme est plus Poussé encore qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Dans certains baptistéres, on a remarqué que es cerfs ont dans la bouche des serpents. C’est en effet une tradition de la science antique que les cerfs dévorent les serpents, et que ceci leur donne soif. Or cela, comme Pa vu M. H.-Ch. Puech, donne a leur représentation dans Jes baptistéres une symbolique plus riche*. Ce n’est qu’aprés avoir vaincu le serpent que le catéchuméne a accts & l'eau baptismale. Nous avons vu que ce théme apparaissait dans les Caféchoses de Cyrille*, Ainsi Ia représentation du cerf qui, aprés avoir dévoré les serpents, se désaltére au fleuve paradisiaque, apparaissait aux catéchuménes comme un résumé de toutes les étapes de initiation baptismale. Par ailleurs Ja forme des baptistéres est également symbolique, Franz-Joseph Délger a observé en effet quelle était souvent octogonale *. L’origine de cette forme peut venir des thermes romains. Mais il est sir qu'elle avait pris dans Je christianisme une signi- fication symbolique, ainsi que Patteste Pinscription du baptistére de Péglise Sainte-Thécle, 4 Milan, qui est de saint Ambroise : « I convenait que la salle du saint bapttme soit construite selon ce nombre, qui est celui ob Je peuple a obtenu le vrai salut, 4 la lumigre du Christ ressuscité. » Le nombre huit, en effet, est, pour Je christianisme ancien, symbole x. La symbolique du cerf ob du serpent, Cahiers Archéologiques, 1v, 1949, p. 18-60. 2, Volt supra, p35. 3: Autie und Christentun, wy 4y 288 3 ¥, 4, 204 | } LE RITE BAPTISMAL 53 de Ia résurrection, C'est en effet le lendemain du sabbat, et donc Ie huititme jour, que le Christ est sorti du tombeau, Par ailleurs Jes sept jours sont Ja figure du temps du monde et te huitiéme jour de la vie éternelle. Le dimanche est la commémoration Titurgique de ce huitiéme jour, In fois mémorial de a résurrection et prophétie du monde & venir’, Crest dans ce huitiéme jour, inauguré par le Christ, que le chrétien entre par son baptéme*. Nous sommes en présence d’un trés antique symbolisme baptismal, auquel il parait bien que fasse allusion la I Petri (am, 20), et qui est fréquent dans le christianisme ancien’. *, ae Tntroduit dans le baptistére, Je catéchuméne est dépouillé de ses vétements : « Aussit6t entrés, écrit Cyrille de Jérusalem, vous avez dépouillé votre tunigne » (xxx, 1077 A), Pour les exorcismes du Caréme, le catéchuméne était seulement dépouillé de son vétement de dessus et de ses sandales. Ici il s'agit Pune nudité complite, C'est ce que déclare "Théodore de Mopsueste : « Tu Vavances donc au saint bapttme et dabord tu dépouilles ton vétement », (uv, 1 3 TONNEAU p. 405). Ce rite, qui préparait au bain baptismal, est interprété en un sens symbo- Jique par les divers auteurs. Le dépouillement des vieux vétements apparait & Cyrille comme « Pimage du dépouillement du vieil homme et de ses ceuvres » (xxxm, 1077 A). C'est également le symbolisme du Pseudo-Denys, qui écrit : « Tel est Penseignement 1. Voir infra, p 329. : 2.F J. Donon, Zur Symbolib des alti lst av, 3, p. 253 594 we Joan Dusskecy, Sustmantom fer, . 77 em. ien Tauftawses, Ant. 54 BIBLE ET LITURGIE que suggtre 1a tradition symbolique en dépouillant Pour ainsi dire le néophyte de sa vie antérieure, en ui arrachant jusqwaux demnitres affections d’ici-bas, en Je plagant Je corps et les pieds nus » (401 A), Grégoire de Nysse, s'adressant & ceux qui retardent Ie baptéme, reprend la méme idée : « Dépouille le vieil homme comme un vétement souillé, Recois 1a tunique Pincorruptibilité que le Christ te présente » GiLvr, 420 C), Pour Théodore de Mopsueste, le vieux vétement figure Phomme corruptible : « Il faut que soit enlevé ton vétement, indice dela mortalité, et que, par le baptéme, tu revétes la tunique d’incorrupti- bilité » (xiv, 8)1, homme ancien, & Ja fois péché et mortalité, Je Christ le premier Pa dépouillé sur 1a croix. Si 1c baptéme est configuration au Christ mort et ressuscité, Ie dépouillement des vétements est pour Cyrille configuration la nudité du Christ sur la croix + « Dépouillés, vous étiez nus, imitant en cela aussi Je Christ sur sa croix, dépouillé de ses vétements, Tui qui a dépouillé les principautés et les puissances par sa nudité, et qui a triomphé d’elles hardiment sur la croix (Gol., 1 15). Puisque les puissances mauvaises régnaient sur vos membres, ii ne vous est plus permis de porter cette vicille tuniue, Je ne parle pas ici de homme sensible, mais du vieil homme corrompu avec ses désirs trompeurs » (xxx11, 1077 B). Le dépouillement du Christ sur la croig figure Je « dépouillement » de Phomme ancien, symbolisé par les vétements. Par la le Christ « 4 épouillé » les puissances mauvaises de Pemprise qu'elles exergaient sur Phumanité par instrument 1. Surle vétement comme symbole des passions et de la mortalité dans Fantlauité pafenne et juive, voirP. OprEnuieie, Symnbolik und religions Wertung des Monchshiides im christ. Altertuny Minster, 1992, 60 908, LE RITE BAPTISMAL 55 ancien, Par le dépouillement baptismal, fe ipation on dépouillement du Christ, le candidat dépoulleausi Tes puissances mauvaiss de Vemprise elles exergaient sur lui. : Bb riteec ieee ae corruption et de péché que le baptisé dépouille & Ja suite du Christ, c'est celui dont Adam avait && revétu aprés le péché, Ainsi nous voyons apparaitre la correspondance de la scene du Paradis, ot Adam vaincu par Satan est revétu de Ia corruptibilité, de celle du Calvaire, ot Jésus, nouvel Adam, vainqueur de Satan, dépouille cette tunique corruptible, et enfin de celie du. baptéme, oit le baptisé dépouille avec ses viewx vétements la corruptibilité & laquelle il participait tant qu'il était sous le domaine de Satan, La goorslté revétue par Adam, est symbolisée chez les Péres par les « tuniques ee exile (ei Caeg mea tah dépouillement du vieil homme par le baptisé, cest donc le dépouille~ ment des tuniques de peau revétues par Adam. Grégoire de Nysse Pexplique clairement : « L’ame, en se dévétant de la tunique de peau, dont elle avait été revétue aprés le péché, ouvre une entrée au Verbe. Elle écarte en effet par Id le voile de son cour, c’est- A-dire la chair. Pentends par chair, le vieil homme gue doivent dépouiller ceux qui veulent se laver dans Ie bain du Verbe » (xz1V, 1003 D)?. La nudité baptismale ne signifie pas seulement dépouillement de la mortalité, mais aussi retour 4 Vinnocence primitive. C’est Paspect que retient 1. Vole Bide Permnsom, Pour une tlie de toned Lyo0, 1943 7A Varcrepan do te syle om woe ite sgn go Fao tl gastculbaptt seeh ir lings dan ea eee gas vee Geant ereecies oom et setter au mat frat deputies dolabeaade ave Segsort er cals de el Sac nl a oe os nae fedinlvn nl dls conden mortals «(mrs gat) 56 BIBLE ET LITURGIE Cyrille : « © chose admirable, Vous étiez nus sous les yeux de tous sans en éprouver de honte. C’est qu’en vérité vous portez en vous l'image du premier Adam, qui était nu dans Je Paradis, sans en éprouver de honte » (xxi, 1080 A). C'est aussi linterprétation de Théodore de Mopsueste : « Nu était Adam au commencement et il ne rougissait aucunement de lui-méme. C’est pourquoi il faut que soit enlevé ton vétement qui était la preuve convaincante de cette sentence qui abaisse Phomme & avoir besoin de vétement » (x1v, 8). Ici ce n’est plus aux tuniques de peau de Gen. m1, 21, mais au pagne de feuilles de figuier de Gen., 1m, 7 que Vallusion se rapporte. Crest ce vétement en effet, dont Adam et Eve se revétirent aprés le péché, qui attestait la perte de Tinnocence et de la confiance : « La honte et la crainte suivirent le péché, si bien qu’Adam et Eve n’osaient plus se tenir devant Dieu, mais qu’ils se couvrirent de feuilles et se dissimulérent dans le bois » (P. Gy XLVI, 374 D 3), Ainsi le vrai symbolisme du dépouillement des tuniques apparait. Il s’agit de la disparition de la honte, qui est celle de homme pécheur devant Dieu, et de Ia récupération du sentiment opposé a la honte et qui est la confiance filiale, la parrhésia, qui était un des bicns de Pétat paradisiuque*, Grégoire de Nysse décrira ainsi ce retour a la liberté des fils de Dieu opéré par le baptéme : « Tu nous avais chassés du Paradis, et tu nous y as rappelés ; tu nous as dépouillés des feuilles de figuier, ces vétements sordides, et tu nous as revétus dune robe d’honneur... +, Chea un certain nombre ’auteurs, A partir d'Irénée, les foulles de figuisr sont un symbole de 1a concupiscence. Le dépouillement du véte- ‘ment signific alors le dépouillement de la concupscence, Voir J. Hi. Waszinic, Tertllien, De Anima, 1949, D. 436-437. 2. Jean Daxté.ov, Platonisme of Thiologie mystique. p. 110-133. LE RITE BAPTISMAL 57 Désormais Adam, quand tu Pappelleras, n’aura plus honte ni, sous les reproches de sa conscience, ne se dissimulera plus sous les arbres du Paradis. Ayant recouvré Ja parrhésie, il apparait en plein jour » (xtvr, 600 A). *, ah Dépouillé de ses vétements, le catéchuméne était oint @huile, Cyrille de Jérusalem commente aussi ce rite : « Dépouillés de vos vétements, vous avez &é oints Phmile exorcisée depuis Vextrémité des chevenx de votre téte jusqu’aux pieds, et vous avez &é rendus participants de Polivier véritable qui est ‘Jésus-Christ. Séparés de Polivier sauvage et greffés sur olivier franc, vous étes devenus participants de la graisse de Phuile véritable. L’huile exorcisée est en effet un symbole de Ia participation la graisse du Christ. Elle fait s’évanonir toute trace de la puis- sance ennemie, Par invocation de Dieu et la priere, elle acquiert Ia vertu non seulement de purifier, en les consumant, les vestiges du péché, mais de mettre en faite toutes les puissances invisibles du Malin » (xxxm, 1080 A). i Les principaux symbolismes de Phuile apparaissent dans ce texte. Son action est d’abord guérissante. Crest un des usages de Phuile que son emploi médical. Elle guérit P'ame des traces du péché qu'elle gardait encore, Nous retrouvons ceci dans Ja priére pour la consécration de Lhuile baptismale de IBuchologe de Sérapion : « Nows.oignons de cette onction ceux qui s’approchent de la divine régénération, priant Je Seigneur Jésus-Christ Popérer en elle une vertu guérisseuse et fortifiante et de guérir par elle, dans Je comps, V’me, Vesprit de ceux-ci, toute trace de péché et diniquité, afin qu’ils aient la force de triom- 58 BIBLE ET LITURGIE pher des attaques des puissances ennemies » 1, Les detniers mots nous orientent vers un autre aspect, qui est plus important, L’huile est employée pour fortifier le corps, en particulier par les athlétes, «Le grand-prétre, écrit le Pseudo-Denys, commence par enduire des saintes huiles le corps du postulant, appelant ainsi symboliquement Yinitié aux pieuses Tuttes qu’il va entreprendre désormais sous la direction du Christ, car c'est Iui qui, & titre de Dieu, organise Te combat. Lui-méme est descendu en lice avec les combatants pour défendre leur liberté et assurer leur victoire sur les forces de mort et de damnation. Aussi bien Vinitié va-t-il s’élancer joyeusement & ces combats qu’il sait divins. I] marchera sur les traces de celui qui, dans sa bonté, fut le premier des athletes, Crest ainsi qu’ayant vaincu toutes les opérations et toutes les puissances qui font obstacle a sa déification, en mourant au péché par le baptéme, on peut dire qu'il partage la mort méme du Christ » (Hid. Eccl, 4or D = 404 A). Ainsi Fonction de Phuile est destinée & fortifier Finitié en vue de ses luttes contre le démon, Mais il est important A noter que ceci ne se référe pas seulement aux luttes futures du nouveau chrétien, mais 4 Pacte méme du baptéme, comme le montre bien le Pseudo-Denys, Nous devons nous remettre sous les yeux le sens dramatique de la nuit pascale, comme conflit avec le démon. Nous avons vu ce conflit engagé dés le début de Ja préparation, au moment de Tinscription. Maintenant va intervenir Je combat supréme, Aussi, comme un bon athlete, Ie candidat doit-il recevoir ’huile, avant de Pafironter. Cyrille de Jérusalem nous montre en effet la des cente dans la piscine baptismale comme descente dans J. Baicuraan, Journ. Theol, Stud, 1900, p, 264. LE RITE BAPTISMAL 59 Jes caux de Ja mort, qui sont Phabitat du dragon de la mer, a Pimage du Christ descendant dans Je Jourdain lors de son baptéme pour briser le pou voir du dragon qui y est caché : « Le dragon Behemoth, selon Job, écrit Cyrille, était dans les eaux et recevait le Jourdain dans sa gueule. Or, comme il fallait briser les t8tes du dragon, Jésus, étant descendu dans les eaux, attacha le Fort, afin que nous acquérions Ia puissance de marcher sur les scorpions et les serpents. La vie est accourue pour que désormais un frein ft mis & Ia mort et que tous ayant obtenu Ie salut puissent dire : © Mort, od est ta victoire ? Par Ie baptéme en effet est émoussé Paiguillon de Ia mort, Tu descends dans les eaux, portant tes péchés, mais Pinvocation de Ja grice, ayant marqué ton fime de son sceau, empéche que tu sois dévoré par le terrible dragon. Btant descendu mort dans le péché, tu remontes vivifié dans la justice » (xxi, 44r A). ‘Crest dans la perspective de ce combat que s’ex- plique Ponction @’huile, comme I’a bien yu Baumstark : « Les rubriques actuelles du baptéme prescrivent de le faire précéder Pune action tn pectore et inter scapulas. L’antiquité chrétienne prescrivait & ce mo- ment une onction sur tout le corps. Mais quel était Ie sens de cette cérémonie ? Nous sommes renseignés 4 ce sujet par la prigre de bénédiction de Peau baptis- male grecque : Toi, tu as sanctifié les eaux du Jourdain en envoyant @En-Haut ton Saint-Esprit et tu as brisé les tétes des dragons qui y étaient cachés. Ce texte est un témoin évident dela croyance que les abimes des caux étaient Phabitacle des puissances diaboliques et que le Christ les avait vaincues par son 1, Volr P. Lunpnene, La typologie baptismale dais Pancionne dglive, P. 348-150. Méme exégésc de Job, x1, 18-20, dans DIDvNe, xxxrx 684 B, 60 BIBLE ET LITURGIE baptéme. Et c’était a Ja lutte victorieuse contre les Puissances ténébreuses que ’on préparait les candidats au baptéme en leur faisant une onction symbolique Whuile? », *, Pad Nous arrivons maintenant au baptéme proprement dit, Il était précédé a Antioche de la consécration des eaux, ainsi qu’en témoignent les Constitutions Apos- toliques (vit, 43) et Théodore de Mopsueste : « I] faut que Wabord le Pontife, selon Ja loi du service Pontifical, use de paroles déterminées et demande Dicu que la grace du Saint-Esprit vienne sur Peau et la rende capable de cette naissance redoutable » Guy, 9). Les autres catéchéses insistent aussi sur la consécration des eaux, mais sans préciser le moment ot elle avait lieu, Ainsi Cyrille de Jérusalem écrit que « Teau ordinaire, par Pinvocation du Saint- Esprit, du Fils et du Pére, acquiert une efficacité sanctificatrice » (xxxttt, 429 A). Et Ambroise, plus nettement encore : « Tu as vu l'eau, mais toute eau ne guérit pas, mais eau qui a la grice du Christ guérit. L’eau est instrument, mais c’est TEsprit- Saint qui agit. L’eau ne guérit pas, si PEsprit ne descend pas pour la consacrer » (De Sacrs l 15 3 Boriz 58-59). _Le rite baptismal est essentiellement constitué par Vimmersion et Pémersion, accompagnées de Pinvo- cation des Trois Personnes, Das le Nouveau Testa- ment la signification du rite apparait fixée dans ses données essentielles. L’immersion symbolise Ia puri fication du péché. Le baptéme est xdlaparc. Cétait dégja le sens du rite juif du baptéme des proséiytes, 1, A, Bavustani, Liturgie comparée, p. 149. LE RITE BAPTISMAL 6x Le Nouveau Testament le désigne comme un bain Qovrpsy) (Eph., V, 26). L’émersion signifie la commu- nication de FEsprit-Saint, qui rend a Phomme Ia filiation adoptive (‘olecix). Il fait du baptisé une nouvelle créature par une nouvelle naissance (eadvyyevesta, Tit, mm, 5)* Ici encore, le baptisé apparait en paralléle avec Adam. Le baptéme est une nouvelle création de homme & image de Dieu, précédée de la destruc- tion du vieil Adam. Ceci est déja visible chez saint Paul. Rudolf Schnackenburg a raison d’écrire que «Je paralléle Adam-le Christ est d'une importance éminente pour 1a théologie paulinienne du baptéme », La comparaison du baptéme & la création du premier Adam est fréquente chez les Péres. « Par le baptéme, écrit Tertullien, homme récupére Ja resemblance de Dieu » (De bapts, 5 3 P. Lis 1, 1206 A). Et Théodore de Mopsueste développe Pidée : « Puisque nous sommes tombés et avons été corrompus par le péché, est une dissolution compléte que nous causa la sentence de mort ; mais par la suite notre créateur et maitre, selon sa puissance ineffable, derechef nous modela & nouveau » (IV, 11). Toutefois cette destruction de Phomme ancien et cette création de l'homme nouveau, ce n’est pas dans le baptisé qu’elle a été opérée d’abord, mais dans le Christ mort et ressuscité. « Le baptéme, écrit saint Cyrille, n’est pas seulement purification des péchés et grace de adoption, mais aussi antitype de la Passion du Christ »8, Nous retrouvons ici les trois plans : Adam, le Christ, le baptisé, que nous avons déja ren- 1. Voir sur ces deux aspects dans saint Paul, Rudolf Senvackexnuno, Das Heitsgeschchen bei der Taufe nach dem' Apostel Paulus, Munich, 1950, P. 15. 2. Loe. cit, p. 107, 3: P. G, Xxx, 108t B.

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