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L'impérialisme des nations européennes est matérialisé par le traitement de la question

coloniale. La conférence de Berlin de 1885 avait permis le partage de l'Afrique entre les
puissances européennes. Une notable partie de l'Afrique centrale, le Congo, était octroyée au roi
des Belges Léopold II qui avait habilement utilisé les rivalités entre la France, la Grande-
Bretagne et l'Allemagne pour neutraliser ainsi le centre de l'Afrique. Mais les différends coloniaux
ne vont cesser de s'accroître, entretenant par la même occasion les tensions entre les
métropoles. Tensions d'abord entre Français et Britanniques en Égypte et, surtout, au Soudan
avec la crise de Fachoda en 1898, ainsi que des tensions entre la France et l'Italie en Tunisie en
1881, qui vont entraîner l'adhésion de l'Italie à la Triplice. Les tensions entre la France et
l'Allemagne apparaissent dès 1905 au Maroc. Depuis 1871, l'Allemagne unifiée a rattrapé, en
quelques décennies, son retard économique sur le reste de l'Europe occidentale en se dotant
par exemple d’une industrie très concentrée 13. L'Allemagne regarde donc outre-mer et vers
l’Afrique où elle espère trouver des matières premières à bon marché ou même fonder des
comptoirs pour écouler ses produits manufacturés 14. Cependant, la France, la Grande-Bretagne
et la Belgique se partagent l'Afrique. L'Asie aussi est sous la coupe européenne. L'Allemagne,
sauf en de rares endroits comme au Cameroun, Namibie, Tanganyika et Togo ne peut obtenir de
zones d’influence dans les colonies. Aussi ressent-elle comme une injustice que son industrie de
plus en plus compétitive se heurte à la crainte ou à l’égoïsme des autres puissances
européennes15. Ne disposant pas de colonies de peuplement, Guillaume II souhaite prendre
pied au Maroc au nom de la Weltpolitik. Les deux crises qui l’opposent à la France, en 1905
avec la conférence d'Algésiras et en 1911 avec le coup d'Agadir, conduisent à une multiplication
des incidents diplomatiques. Pour l'historien allemand Fritz Fischer, cette situation est l’une des
principales causes du déclenchement du conflit. Dès 1905, le conflit semble inévitable entre la
France et l'Allemagne.
Toutefois, les rivalités coloniales entre Français et Britanniques en Afrique n'ont entraîné aucune
guerre entre ces deux pays à l'époque contemporaine : ce fait montre les limites d'une
explication de la Grande Guerre par « l'impérialisme ». En général les rivalités coloniales se
réglaient par des transactions.

Le monde en 1914

Représentation de la conférence de Berlin (en 1884) où sont réunis les représentants des puissances
européennes.

Les inquiétudes sont aussi d'ordre économique. Même si chaque pays développe son économie,
la rivalité économique entre l'Allemagne et la France s'accroît à partir de 1912 16. La grande
puissance industrielle allemande inquiète les États européens, car les produits allemands
inondent les marchés français et britanniques 17. Cette rivalité économique a « contribué à
alourdir le climat général entre les deux États et, par là même, à faciliter la rupture 18 ». Quant
aux Allemands, ils s’inquiètent de la croissance économique et démographique de la puissance
russe qui les amène à penser qu’ils seraient incapables de lui résister dans quelques années ;
de telle sorte qu’ils ont peut-être intérêt à provoquer un conflit avant qu’il ne soit trop tard c. Du
reste, l'interpénétration des économies européennes était déjà si forte que la plupart des milieux
industriels et financiers avaient tout intérêt au maintien de la paix. Le principal débouché des
industries métallurgiques, par exemple, n'était pas l'armement mais les chemins de fer, comme
l'a montré François Crouzet.
Une explication fréquemment avancée à l’antagonisme franco-allemand est que celui-ci puiserait
sa force dans l’idée de revanche et le retour à la mère patrie des provinces perdues d'Alsace-
Lorraine20. Néanmoins, si la résistance à l'Allemagne reste forte en Alsace-Lorraine21, cette
sensibilité a beaucoup évolué dans le temps : l’idée de revanche, obsessionnelle en France
après la défaite de 1870, s'est estompée dès les années 1880 ; aucun parti politique, après la
crise boulangiste, ne revendique ostensiblement le retour à la mère patrie des provinces perdues
; pour la plupart des Français de 1914, bien que le souvenir reste présent, ce n'est plus qu'une
vieille histoire. Les Français demeurent par ailleurs inquiets devant la poussée démographique
de l’Allemagne, alors que la France connaît une stagnation démographique, ce qui donnerait un
avantage certain aux Allemands dans le cas d'un conflit 22.
Enfin, l’empereur Guillaume II est très influencé par le milieu des officiers prussiens23, garant de
la solidité de l’empire, tout auréolé de ses succès du milieu du XIXe siècle et qui a forgé l’unité
allemande face à l’Autriche et à la France. Pour l’empereur, une guerre ou un conflit localisé
dans les Balkans peut se révéler être une solution pour résoudre les problèmes territoriaux de
son allié autrichien. Pour l'historien allemand Fritz Fischer, un conflit dans les Balkans a l'intérêt
de justifier une attaque contre la France, et l'armée allemande, la plus puissante du monde,
semble être un instrument si parfait qu'il est tentant de s'en servir.

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