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Mycélium

Le sol recèle un trésor vivant insoupçonné : dans


une couche de 20 cm, il est constitué en moyenne
d'une fraction minérale (90 % au minimum de la
masse du sol) et d'une fraction organique (10 %
maximum). Parmi cette fraction organique, le
mycélium fongique représente 60 % de la biomasse
microbienne totale du sol (soit une moyenne sur
terre de 3500 kg/ha, ce qui correspond au poids de
40 cerfs par hectare ou de 3 kg/m2). Rapporté à
1 m2 de sol, la surface cumulée de toutes les
hyphes du mycélium des microchampignons peut
dépasser 100 m2[1].

Le mycélium (du grec ancien μύκης,


mukês, « champignon », avec le suffixe -
ium et la consonne l épenthétique[2]),
appelé dans le langage courant blanc de
champignon[3], est l'appareil végétatif
des champignons ou de certaines
bactéries filamenteuses comme les
Actinomycètes (Streptomyces,
Mycobacterium...). Généralement peu
visible, il est composé d'un ensemble de
filaments, plus ou moins ramifiés,
appelés hyphes, que l'on trouve dans le
sol ou le substrat de culture. Il est formé
de cellules très allongées et cloisonnées,
à la différence du pseudomycélium sans
cloisons vraies (structure cœnocytique
constituée de filaments formant des
siphons contenant une masse
cytoplasmique dans laquelle sont
dispersés les noyaux).

Les champignons multicellulaires


peuvent être observés sous forme de
mycorhize, de sclérote mais surtout sous
forme de mycélium souterrain constitué
de la réunion d'hyphes (rhizomorphe) ou
d'hyphes individuels (mycélium diffus)
qui peut recouvrir plusieurs mètres
carrés (exceptionnellement plusieurs
hectares) et représenter jusqu'à 99 % du
poids de l'organisme[4], ce mycélium
végétatif donnant un mycélium dit
« aérien », appelé sporophore, appareil
reproducteur chargé de la production et
de la maturation des spores issues d'une
reproduction sexuée ou asexuée. Ce
qu'on appelle couramment champignon
n'est en fait que ce sporophore, appareil
reproducteur formé par le mycélium
fertile.

Fonctions
Vue au microscope des hyphes du mycélium.

Vue à l'œil nu de rhizomorphes, faisceaux de


mycélium agrégés semblables à des pipelines.

Mycélium d'un champignon de la famille


Fomitopsidaceae se développant sur une planche
de bois.

Le mycélium assure plusieurs grandes


fonctions biologiques[5] : nutrition,
croissance, défense…

sécrétion : il sécrète des enzymes


extracellulaires (de type hydrolases)
puissantes lui permettant de
décomposer la matière organique la
plus résistante (par exemple, le bois)
en brisant les polymères en
monomères. Cette digestion externe
explique que certains scientifiques
décrivent les hyphes comme un tube
digestif à l'envers[6].
absorption : le mycélium absorbe les
éléments carbonés nécessaires à la
survie de ses cellules par diffusion
facilitée et transport actif. Il assure la
nutrition et la croissance par
absorbotrophie.
via la mycorhization, il joue aussi un
rôle vital dans plusieurs écosystèmes
en contribuant à augmenter l’efficacité
de l’absorption de l’eau et des
nutriments de nombreuses plantes
(rôle des mycorhizes dans la nutrition
hydrominérale). L'augmentation de la
surface d'exploration des racines grâce
aux hyphes extra-radiculaires des
champignons. Par provocation, il est
tentant de dire que « les plantes, dans
leur état naturel, ont des mycorhizes
plutôt que des racines[7] ».
En contribuant à la décomposition de la
nécromasse (animale, végétale,
fongique), il améliore la partie organique
du sol et joue un rôle majeur dans le
cycle du carbone, relâchant une partie du
carbone en dioxyde de carbone dans
l’atmosphère où les plantes peuvent s'en
nourrir, mais aussi en contribuant au
puits de carbone qu'est le sol.

Il participe également à la bio-protection


contre le développement d’agents
pathogènes, à la stabilisation mécanique
des sols (amélioration et préservation de
leur structure notamment par l'excrétion
de glomaline, protection contre l'érosion),
à leur diversification microbienne.
Biologie
La germination d'une spore donne
naissance à un filament mycélien
haploïde (n chromosomes) appelé
mycélium primaire. Mais ce dernier reste
stérile. Il lui faut rencontrer un autre
filament primaire porteur d'un sexe
opposé. Cette rencontre donnera un
mycélium secondaire fertile porteur de
cellules à deux noyaux (2
chromosomes). Les filaments mycéliens
se ramifient et divergent dans toutes les
directions. Dans des conditions idéales,
le mycélium forme alors un disque à la
surface du substrat.
Lorsqu'un mycélium a accumulé
suffisamment de réserves et que se
produit un choc thermohydrique, un
primordium se développe jusqu'à former
un sporophore (ou carpophore, partie
visible du champignon résultant de la
fusion de filaments du mycélium) qui
donnera à son tour naissance à des
spores.

Longévité …

La durée de vie d'un carpophore est


courte : de quelques heures à quelques
mois pour les polypores. En général, il
dure quelques jours. En revanche, la
durée de vie du mycélium est bien plus
longue. Après sa « fructification », il ne
meurt pas mais continue de végéter
jusqu'à ce qu'il ait épuisé toutes les
ressources du substrat. À partir d'un
point central (la germination d'une spore
par exemple), les filaments mycéliens
divergent, se ramifient et donnent
naissance à un organisme dont le front
de croissance est circulaire, en raison de
la vitesse de croissance pratiquement
identique des différentes filaments. Avec
le temps, la zone centrale se vide peu à
peu de son contenu : le disque se
transforme en anneau. Il est alors
capable de se déplacer jusqu'à 40 cm par
an avec une croissance centrifuge[8] à
condition qu'il ne rencontre pas
d'obstacle et dispose d'un bon substrat.

Lorsque le champignon se reproduit, les


sporophytes qu'il émet à la suite de ce
déplacement seront eux aussi rangés en
anneau, les fameux ronds de sorcières
(pas toujours très ronds). Ce phénomène
discret en forêt se voit bien dans les
prés.

Les sécrétions du mycélium enrichissent


le sol en azote et l'herbe paraît alors plus
verte aux endroits matérialisés par le
rond de sorcière.

En conditions défavorables (froid,


sécheresse), un mycélium peut se mettre
au repos plusieurs mois ou plusieurs
années avant de donner un carpophore
et/ou de reprendre sa croissance.

Réseau mycélien …

Les mycéliums, qui couvrent parfois


plusieurs mètres carrés, sont connectés
à différentes plantes via des réseaux
mycéliens souterrains et reçoivent 20 % à
40 % des sucres produits par ces
dernières[9]. Ces réseaux mychoriziens
favorisent les transferts
multidirectionnels de nutriments
(notamment de carbone) entre différents
végétaux (n'appartenant pas forcément à
la même espèce)[10], notamment de la
part de celui qui est en condition
favorable (lumière, milieu nutritif) et qui
encourage la croissance de celui en
condition défavorable. Ce lien souterrain
entre espèces différentes serait vital
pour les plantes. Seules les plantes
pionnières, comme les mélèzes ou les
aulnes, ont des champignons strictement
spécifiques, la majorité développant des
réseaux interspécifiques. Depuis les
travaux pionniers de Suzanne Simard[11],
les recherches montrent que les réseaux
mycéliens jouent un rôle essentiel dans
le fonctionnement et la structuration des
communautés végétales[12].
Cette communication végétale a conduit
des biologistes à développer par
analogie le concept de « wood-wide
web » (littéralement « réseau à l'échelle
de la forêt », abrégé par les spécialistes
en www). Par provocation, certains (tel
l'écologue Suzanne Simard ou le
mycologue Paul Stamets) assimilent ce
réseau mycélien à l'« Internet végétal » de
la Terre ou au « web souterrain » de la
nature, considérant que la
communication racinaire via les
mycéliums fait partie de ce qu'ils
appellent l'« intelligence fongique ». Bien
que cette vision anthropomorphisante
des champignons soit très controversée
au sein de la communauté des
biologistes, les études sur la
communication fongique constituent un
axe prometteur de la recherche
scientifique au e
 siècle[13].

Propriétés et
caractéristiques
Le mycélium possède un grand pouvoir
de pénétration et de dissémination dans
le substrat. L'extension du réseau
mycélien, favorisée par le faible diamètre
des hyphes (de 5 à 10 μm chez la plupart
des espèces), permet d'assurer une
surface maximale de contact entre le
champignon et le milieu dont il tire sa
subsistance[14]. Ainsi, chez l'arbre, cet
ensemble d'hyphes augmente d'un
facteur mille la capacité racinaire[15].
Cette maximisation de la surface
explique qu'un mycélium peut retenir
3 000 fois son poids et que le pied
humain recouvre en moyenne 400 km de
mycélium[16].

Dix centimètres cubes d'un sol fertile et


très riche en matières organiques
peuvent contenir jusqu'à 1 km de
filaments mycéliens d'un diamètre
moyen de 10 micromètres, ce qui
correspond à 200 m de mycélium par
gramme de sol[17]. Sa vitesse de
croissance peut atteindre plusieurs
centimètres par jour dans des conditions
optimales (humidité, température, milieu
nutritif). Sa croissance s'effectue
toujours en longueur, et non en épaisseur,
afin d'augmenter sa capacité
d'absorption[17].

Les champignons mycorhiziens sont très


abondants dans certains sols, où leur
mycélium représente en moyenne 60 %
de la biomasse microbienne totale du sol
(%age hors racines) et jusqu'à 30 % de la
biomasse racinaire[17]

En 2000, en Oregon, un mycélium


d'Armillari ostoyae, un champignon géant,
mesurant 5,5 km de diamètre et
s'étendant sur une superficie de 890
hectares en forêt a été découvert[18]. Le
champignon était vieux de plus de 2 400
ans[19].

Utilisations
La principale utilisation du mycélium est
la culture de champignons.

Des sociétés privées dans le monde


entier développent la production et la
vente d'inoculants mycorhiziens destinés
à un usage agricole (biofertilisant,
biostimulant) mais aussi écologique
(revégétalisation des sols érodés,
phytoremédiation)[20].

Aux Pays-Bas, la designer Aniela Hoitink


a créé un prototype de robe entièrement
fait de mycélium[21].

Notes et références
1. Jean-Michel Gobat, Michel Aragno,
Willy Matthey, Le sol vivant : bases
de pédologie, biologie des sols,
Presses polytechniques et
universitaires romandes, 1998, p. 38.
2. « MYC%C3%A9LIUM : Définition de
MYC%C3%A9LIUM » , sur
www.cnrtl.fr (consulté le
15 juillet 2015)
3. « culture du champignon de paris » ,
sur ruedeslumieres.morkitu.org
(consulté le 15 juillet 2015)
4. Francis Martin, Tous les
champignons portent-ils un
chapeau ?, Editions Quae, 2014,
p. 14.
5. Pierre Peycru, Didier Grandperrin,
Christiane Perrier, Biologie tout-en-
un, Dunod, 2014, p. 294-295.
6. Jean Després, L'univers des
champignons, Les Presses de
l'Université de Montréal, 2012, p. 14.
7. Jean-François Briat, Dominique Job,
Les sols et la vie souterraine. Des
enjeux majeurs en agroécologie,
Editions Quae, 2017, p. 252.
8. http://mycostra.free.fr/initiation/ecol
ogie.htm
9. (en) PG Kennedy, AD Izzo, TD Bruns,
« There is high potential for the
formation of common networks
between understorey and canopy
mycorrhizal forest trees in a mixed
evergreen », J Ecol, vol. 91, no 6,
décembre 2003, p. 1071–1080
(DOI 10.1046/j.1365-2745.2003.00829.x
).
10. Réseau mycorhizien dans une forêt :
Ectomycorhizes (1) ;
Endomycorhizes arbusculaires
colonisant des plantes (2), des
arbres (3) ; Endomycorhizes des
Orchidées (4) , tiré de (en) Marcel G. A.
van der Heijden, Francis M. Martin,
Marc-André Selosse, Ian R. Sanders,
« Mycorrhizal ecology and evolution:
the past, the present, and the
future », New Phytologist, vol. 205,
no 4, mars 2015, p. 1406–1423
(DOI 10.1111/nph.13288).
11. (en) Suzanne W. Simard, David A. Perry,
Melanie D. Jones, David D. Myrold,
Daniel M. Durall & Randy Molina,
« Net transfer of carbon between
ectomycorrhizal tree species in the
field », Nature, vol. 388, no 1642,
7 août 1997, p. 579-582
(DOI 10.1038/41557).
12. Marc-André Selosse, Franck Richard,
Pierre-Emmanuel Courty, « Plantes et
champignons : l'alliance vitale », La
Recherche, no 411, 2007, p. 58.
13. (en) Alex Steffen, Albert Gore,
Worldchanging: A User's Guide for
the 21st Century, Abrams, 2008,
p. 253.
14. Philippe Bouchet, Jean-Louis
Guignard, Yves-François Pouchus,
Les champignons. Mycologie
fondamentale et appliquée, Elsevier
Masson, 2005, p. 19.
15. Jean-Christophe Guéguen, David
Garon, Biodiversité et évolution du
monde fongique, EDP Sciences,
2014, p. 68.
16. (en) Paul Stamets, Mycelium running.
How mushrooms can help save the
world, Potter/TenSpeed/Harmony,
2011, p. 47.
17. (en) Jonathan Leake, David Johnson,
Damian Donnelly, Gemma Muckle,
Lynne Boddy & David Read,
« Networks of power and influence:
the role of mycorrhizal mycelium in
controlling plant communities and
agroecosystem functioning », Revue
canadienne de botanique, vol. 82,
no 8, 2004, p. 1016–1045
(DOI 10.1139/b04-060).
18. Canadian Journal of Forest
Research, april 2003
19. Neil A. Campbell et Jane B. Reece,
Biologie
20. (en) Gianinazzi G, Gollotte A, Binet M-N,
Van Tuinen D, ReD WD,
« Agroecology: the key role of
arbuscular mycorrhizas in
ecosystem services », Mycorrhiza,
vol. 20, no 8, novembre 2010, p. 519–
530
(DOI 10.1007/s00572-010-0333-3).
21. « Le champignon, LA star de
demain ? | Le magazine de Prêt à
Pousser » , sur pretapousser.fr
(consulté le 30 juin 2016)

Voir aussi

Articles connexes …

Champignon
Myciculture
Mycorhize
Développement des mycètes
Mycohétérotrophie
Réseau d'Hartig  (en)

Liens externes …

(en) Mycelium

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