JEAN-FRANÇOIS CARON, ÉLU ÉCOLOGISTE

« Pour changer le monde, passons par le local ! »

CULTURE  Les festivals s’invitent à la campagne

Penser Dieu avec

Blaise Pascal
N°42645 | Samedi 17, dimanche 18 juin 2023. CPPAP 1024C85695. ISSN 0242-6056 / F : 4,50  €
N° 42645 | CONVERSATION : JEAN-FRANÇOIS CARON / EXPLORER : PENSER DIEU AVEC BLAISE PASCAL

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 5. L’éditorial d’Anne Ponce
6. Depuis la semaine dernière

Rencontrer
10. La conversation
Jean-François Caron : « Pour changer
le monde, passons par le local ! »
10
18. Les Français par eux-mêmes Hélène Quénet,
Au sommaire

professeure de yoga à Hérouville-Saint-Clair (Calvados)

Explorer
20. Penser Dieu avec Blaise Pascal
S’inspirer
32. Cas de conscience La finance privée
peut-elle contribuer à améliorer le monde ?
34. On l’a lu Les Désillusions de l’ailleurs. Chroniques
d’une anthropologue en Papouasie, d’Anne-Sylvie Malbrancke
36. Des idées pour agir
20

Ralentir
40. Culture Notre sélection de festivals pour l’été
48. Jardin Un tapis de plantes gourmandes
50. Récit graphique Harry Dickson (4/5),
de Headline, Vergari et Catacchio d’après Jean Ray
62. Jouer Mots croisés et atelier d’écriture
64. De vous à nous
66. Un poème pour la route Ce que disent
peut-être les mains, de Yves Namur
Et aussi vos chroniques hebdomadaires
40
8. Trait d’esprit, le dessin de Micaël
9. Si loin, si proches, par Jean-Christophe Ploquin
35. Le bloc-notes de Frédéric Boyer
39. Une foi par semaine, par Isabelle de Gaulmyn
47. Entracte, par Jean-Claude Raspiengeas

Sur une partie de la difusion : encart posé Bayard Jeunesse Ofre abonnement (3 versions) ;
50 encart posé La Croix Semaines gratuites ; encart posé Sciences & Vie COLLECTES 22-23

L’HEBDO page 3
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Depuis janvier, nous proposons de nouveaux rendez-vous « Éco&transition » ou « Planète » dans le journal
et dans l’édition numérique, qui se concentrent sur les défis et les opportunités de la transition écologique
et de la construction d’un avenir plus durable. Nous abordons des sujets tels que l’économie circulaire,
l’agriculture durable, les énergies renouvelables, la mobilité douce, l’urbanisme écologique, la biodiversité et
bien d’autres encore. Nous sommes convaincus que la transition écologique est l’un des plus grands défis
Philippe Colombet, auxquels notre société est confrontée aujourd’hui, et nous sommes déterminés à y contribuer
directeur de La Croix en fournissant une couverture éclairée et approfondie de ces enjeux cruciaux.

De plus, le rendez-vous « À vif », qui poursuit son développement et qui est désormais à retrouver dans le journal, l’hebdomadaire,
sur le site et en newsletter, offre une sélection de tribunes et d’entretiens pour faire vivre la qualité du débat public et de celui qui a
lieu dans l’Église. Un débat libre et respectueux des convictions de chacun.

Mais nous faisons face à d’importants défis financiers. Comme beaucoup d’autres journaux, nous voyons nos coûts de production
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Philippe Colombet,
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menacés partout dans le monde et qui, à La Croix, se marient à la fraternité.
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Véronique Olmi, écrivaine – Extrait de sa chronique parue le 11 juillet 2022

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 L’ÉDITO

BRUNO LEVY
CHEMINS DE TRAVERSE
La chaleur – ou est-ce l’envie de prendre l’air ? – nous incite
cette semaine à quitter l’étoufoir des grandes villes. L’essentiel
ne s’y trouve peut-être pas. Il faut oser quitter les quatre-voies du déjà-
vu pour dénicher la créativité au détour d’un chemin vicinal.
Nous sommes ainsi particulièrement iers de notre sélection
de festivals pour l’été. De grands rendez-vous, comme Avignon ou
les Chorégies d’Orange, connaissent déjà la renommée. Mais de plus
en plus, à l’écart des grosses agglomérations, d’autres festivals s’in-
vitent à la campagne et font le plein. Trouvez votre bonheur Au foin
de la rue, festival de musique à Saint-Denis-de-Gastines (Mayenne),
aux Rencontres cinéma de Gindou (Lot) ou au Théâtre dans les alpages
du hameau de Bionnassay (Haute-Savoie). N’en déplaise aux pourfen-
deurs du monopole des métropoles, la décentralisation culturelle est
une vraie réalité française.
Restons au plus près du terrain, dans les « territoires », comme
le dit aujourd’hui l’expression consacrée, avec Jean-François
Caron. Maire de Loos-en-Gohelle pendant plus de vingt ans, l’élu du
Pas-de-Calais raconte le chemin parcouru pour transformer cette petite
cité minière en une ville pionnière de la transition écologique. Il par-
tage sa conviction tirée de son expérience : « Pour changer le monde,
passons par le local. »
Isabel Espanol,
Emprunter ces chemins de traverse ne nous empêche pas
illustratrice
d’honorer le 400e anniversaire de la naissance de Blaise Pascal.
française, pratique
De cette grande igure française née le 19 juin 1623, l’on cite souvent
le collage depuis
quelques extraits, ines pointes de son œuvre, comme : « Tout le mal-
son enfance
heur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeu-
et crée ses images
rer en repos dans une chambre », ou bien : « L’homme n’est qu’un roseau,
avec ce qu’elle
le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. » Élodie Maurot
trouve comme
retrace pour nous l’itinéraire intellectuel de ce génie, éminent scienti-
matériau.
ique, philosophe et théologien. Une pensée exigeante, qui nous déplace,
Elle travaille pour
nous heurte aussi mais, toujours, tend à hisser l’homme plus haut que
la presse et l’édition,
lui-même, à la hauteur de Dieu. À savourer, éventuellement en coupant
et enseigne
à travers champs.
l’illustration
à Lisaa Paris. Anne Ponce

Une citation pour commencer

« Je ne puis concevoir l’homme sans pensée.
Ce serait une pierre ou une brute. »
Blaise Pascal (p. 29)

L’HEBDO page 5
 NE DERNIÈRE
L A SEMAI
DEPUIS

MILITARY FORCES OF COLOMBIA/EPA/MAXPPP

GILLES BADER/LA PROVENCE/MAXPPP

Sécurité
Des enfants attaqués Sauvetage inespéré dans Berlusconi, mort d’un
au couteau à Annecy la jungle colombienne
Jeudi 8 juin. L’événement a secoué
la France entière. Un homme a blessé
six personnes, dont quatre jeunes
enfants, dans un parc au bord du lac
d’Annecy. Le suspect, un migrant syrien
chrétien, chez qui n’a été détecté aucun
« élément délirant franc », n’a jusqu’ici
pas donné d’explication à son geste. Les
enfants, dont deux avaient un pronostic
vital engagé, sont toujours hospitalisés
mais désormais hors de danger. Lors d’un
déplacement sur place au lendemain
de l’attaque, Emmanuel Macron a rendu
hommage aux personnes ayant stoppé
l’agresseur. Celles qui sont intervenues
avec « beaucoup de courage » pour
« s’interposer ».
FLAVIO LO SCALZO/EPA/MAXPPP
International Politique
populiste populaire
Vendredi 9 juin. Quatre enfants Lundi 12 juin. C’est une page politique
de 1 à 13 ans ont été retrouvés après et médiatique de l’Italie qui se tourne,
quarante jours de survie dans la jungle avec la mort, à 86 ans, de Silvio
colombienne. Leur avion s’était écrasé Berlusconi. Entrepreneur à succès,
à la suite d’un problème de moteur homme à frasques sexuelles
le 1er mai dernier, causant la mort et judiciaires, l’ancien président
des trois adultes présents dans l’avion, du Conseil italien, par sa personnalité
dont la mère des enfants qui aurait contestée et sa longévité politique
survécu quatre jours avant de succomber exceptionnelles, ont marqué l’Italie
à ses blessures. C’est le président en profondeur, en incarnant une droite
colombien Gustavo Petro qui a annoncé clinquante, libérale et populiste. S’il
leur sauvetage miraculeux sur Twitter. restait populaire en Italie, son parti Forza
Les survivants ont été amenés à l’hôpital Italia, a suivi son lent déclin, passant
de Bogota, où ils récupèrent doucement de presque 30 % des voix aux législatives
de ce tragique accident. de 2001 à 8 % en 2022. Un jour de deuil
national a été observé, le 14 juin, date
de ses obsèques.

La sécheresse des sols

De 0 à 40 cm*, au 13 juin 2023
Norvège
Suède
Finlande ENVIRONNEMENT
Faible Estonie La sécheresse progresse
Légère
Lettonie
Russie en Europe
Modérée Le nord de l’Europe souffre de sécheresse importante.
Danemark Lituanie
Sévère
De quoi parle-t-on ? La « sécheresse exceptionnelle »,
Exceptionnelle Irlande
Extrême Royaume- Pays - Pologne résultat d’un fort déficit de précipitations, correspond
Uni Bas Allemagne
Belgique à des sols secs impossibles à façonner. Les cultures
République
Lux. tchèque peuvent perdre 20 à 40 % de leurs rendements.
Slovaquie Ukraine
Océan Autriche Hongrie
Le risque de feux de forêt augmente. Les débits
France
Atlantique Roumanie des rivières et les niveaux des réservoirs d’eau sont
Croatie faibles. La « sécheresse extrême » correspond, elle,
Serbie
Italie à des sols secs et poussiéreux dus à un grave déficit
Bulgarie
Portugal Espagne de précipitations. La perte de rendements des cultures
Turquie peut s’élever à 40 % ou plus. Le risque d’apparition
200 km Grèce de feux de forêt est élevé. Les débits des rivières et
le niveau des réservoirs d’eau menacent d’être au plus
VISACTU

*Cette couche de 0 à 40 centimètres correspond à la majeure partie de la zone racinaire des cultures. Le déficit hydrique dans cette
couche est critique surtout pour la phase d’émergence et les premières phases de développement de la végétation. Sources : Windy, InterSucho. bas pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

L’HEBDO page 6
 // NOYÉS DANS L’ACTUALITÉ ? L’HEBDO VOUS AIDE À TRIER
LES INFORMATIONS QUI ONT MARQUÉ LES 7 DERNIERS
JOURS // ÉDITION BOUCLÉE LE 14 JUIN À 17 H 21

ALEXANDER/STOCK ADOBE
RODJULIAN/STOCK ADOBE

UNESCO
Égalité femmes-hommes Diplomatie Intelligence Artificielle
Le sexisme s’enracine Les États-Unis veulent L’UE face à l’IA
Lundi 12 juin. Un rapport du Programme
des Nations unies pour le développement
revenir à l’Unesco Mercredi 14 juin. Le Parlement
Européen s’est réuni pour entamer
(Pnud) montre « l’enracinement » Lundi 12 juin. Les États-Unis de Joe son travail législatif autour
des préjugés sexistes dans le monde. Biden ont officiellement demandé de l’intelligence artificielle (IA).
Près de 90 % de la population mondiale à réintégrer l’Unesco. Ils l’avaient quitté Son objectif : être le premier au monde
aurait au moins un préjugé de ce type, sous la présidence de Donald Trump, en à bâtir un cadre juridique autour de l’IA.
hommes comme femmes. Il y est décembre 2018, dénonçant notamment Parmi les mesures phares avancées,
expliqué que ces idées reçues sont les « partis pris anti-israéliens un système de classification
des « obstacles » pour les femmes persistants ». Ce retour ne pourra se faire des intelligences artificielles selon
et conduisent à des « violations » qu’à la suite d’un vote à la majorité les risques qu’elles pourraient poser.
de leurs droits. Pedro Conceição, des autres États de l’organisation, qui Ou encore l’interdiction de dispositifs
directeur du bureau du rapport sur devrait avoir lieu en juillet. La Chine comme la reconnaissance faciale,
le développement humain au Pnud, a indiqué qu’elle ne s’y opposerait pas, à quelques exceptions près.
commente : « Tout le monde y gagnera via son ambassadeur auprès de l’Unesco Dans le meilleur des cas, le texte
si la liberté et le pouvoir des femmes Yang Jin, qui affirme que son pays est prêt n’entrerait toutefois pas en vigueur
sont garantis. » Cette stagnation se fait à « travailler avec tous les États membres, avant la fin de l’année 2025.
malgré de nombreuses campagnes, y compris les États-Unis ». Et ce malgré
ces dernières années, pour le droit des la guerre diplomatique et d’influence
femmes, comme le mouvement #MeToo. à laquelle se livrent les deux pays.

L’OBJET L’ACRONYME LA CITATION

« Personne
BTS
Des icônes
byzantines ne déteste les bons.
Depuis le 14 juin, les visiteurs
du Louvre peuvent admirer On déteste
cinq rares icônes byzantines.
Initialement exposées à Kiev,
Pour Bangtan Sonyeondan,
traduisible par les « boy-scouts
les grands. »
ces œuvres ont été déplacées pare-balles ». Ce groupe de pop Novak Djokovic
en urgence. En cause, coréenne (mieux connu sous Le sportif serbe est devenu, dimanche
les coupures d’électricité le nom K-pop) fête ses dix ans, 11 juin, le joueur de tennis masculin
récurrentes du fait de et la Corée du Sud démarre ayant remporté le plus de tournois
la guerre, compliquant les une semaine de célébration du Grand Chelem (23). Sans parvenir
conditions de conservation. dans le pays. Succès au cours de sa carrière à vraiment
Sous escorte militaire, retentissant, le boys band conquérir l’amour du public.
elles ont quitté la capitale génère des milliards d’écoutes
ukrainienne le 10 mai pour à l’international, et est un Pages réalisées par Alice Le Dréau,
arriver en France le 15 mai. symbole du soft-power coréen. Quentin Le Van et Clotilde Macabéo
MUSÉE KHANENKO

L’HEBDO page 7
 TRAIT D’ESPRIT

« Silence ! Papa lit ! »

 , s i proches
Si loin

AU SOUDAN,
LA RÉSISTANCE A DU SOUFFLE
Voilà deux mois que des des réseaux sociaux, ils
combats à l’arme lourde ont défendu des revendi-
grondent au Soudan. cations démocratiques
Deux seigneurs de la maximales – le pouvoir in-
guerre s’affrontent, en tégral aux civils, les forces
prenant la population en La chronique internationale armées dans leur caserne.
otage. L’un, Abdel Fattah de Jean-Christophe Ploquin, Encore aujourd’hui, sous la
Al Burhane, est drapé dans chape de plomb de la guerre,
sa légitimité de chef des
rédacteur en chef à La Croix ils développent des systèmes
armées. L’autre, Mohamed d’entraide, tissent un réseau
Hamdan Dagalo, à la tête d’une d’informations fiables, et font cir-
redoutable force paramilitaire, joue culer des instructions pour faire face
son va-tout pour élargir son assise po- à l’urgence – par exemple, comment
litique et économique. Le conflit, qui a éclaté monter un hôpital de campagne  !
le 15 avril, a fait plus de 1 800 morts et poussé L’effervescence politique avait été brutalement
plus d’un million et demi de personnes à quitter stoppée en octobre 2021 par les deux chefs de
leur foyer. La crise humanitaire devrait rapidement guerre qui s’affrontent aujourd’hui. Un putsch mi-
empirer, avec l’effondrement des structures éco- litaire mit fin à l’expérience de transition démo-
nomiques et du système de santé. L’arrivée pro- cratique, qui avait pourtant reçu un fort soutien
chaine de la saison des pluies, dans cette région international. Les généraux ne tenaient pas à voir la
de l’Afrique du Nord-Est, et l’augmentation de la gestion du pays leur échapper, pour plusieurs raisons.
malnutrition pourraient provoquer de graves épi- L’armée se vit comme la seule véritable institution na-
démies, comme le choléra et le paludisme. tionale, au-dessus des intérêts partisans et régiona-
Cette nouvelle guerre ajoute un désastre sup- listes (2). Mais elle défend en fait des intérêts parti-
plémentaire à un pays plongé depuis son indé- culiers puissants : ceux d’un corps d’officiers, souvent
pendance en 1956 dans un cycle de violences et issus de la région de Khartoum et de la vallée du Nil, et
de dictatures sans fin. Et pourtant, la population a de milieux affairistes à leur solde qui ont étendu leur
connu une parenthèse d’espoir de 2019 à 2021. Un mainmise sur d’innombrables ressources : mines,
soulèvement populaire puissant avait poussé l’armée télécoms, secteur financier, agriculture et élevage,
à destituer le despote Omar El Béchir, puis à accepter construction… Les deux généraux qui s’affrontent au-
un partage du pouvoir avec les civils. Durant cet inter- jourd’hui le font aussi au nom d’intérêts économiques
mède, un sentiment d’unité nationale s’est répandu, puissants qui ont des ramifications à l’étranger
recouvrant les nombreux clivages régionaux, tribaux – notamment dans la péninsule arabique.
et ethniques qui constituent d’ordinaire des identités Dans ce pays éclaté entre des identités rivales et cor-
très conflictuelles. Ce sentiment d’appartenance seté par un système prédateur, il y a peu d’espoir de
collective était notamment véhiculé par les « comi- voir la paix s’installer rapidement. Mais l’esprit de ré-
tés de résistance », des structures qui avaient germé sistance couve et mérite notre attention.
quelques années auparavant et qui s’étaient orga- (1) Lire « Soudan : la transition démocratique en péril »,
nisées à l’échelon local tout en maillant le territoire de Robert Kluijver, The Conversation, 3 mai 2023.
à partir des quartiers et des villages (1). Constitués (2) « Soudan : aux sources de la tragédie », de Roland
principalement par des jeunes habiles dans l’usage Marchal, Le Grand Continent, 5 mai 2023.

L’HEBDO page 9
Rencontrer

L’HEBDO page 10
 A CONVERSATION
L

Jean-François Caron

« Pour changer
le monde, passons
par le local ! »
L’emblématique maire de Loos-en-Gohelle
a changé l’ancienne ville minière
du Pas-de-Calais en modèle de transition
écologique. Alors qu’il vient de quitter
la mairie, il raconte comment les expériences
menées localement peuvent inspirer
un changement de société.

Recueilli par Aziliz Claquin

Photo : Stéphane Dubromel pour La Croix L’Hebdo

L’HEBDO page 11
 I
POURQUOI LU
Connaissez-vous Loos-en-
Gohelle ? C’est une petite ville
du Pas-de-Calais dont
les plats paysages sont
hérissés de terrils, ces collines
noires héritées de l’exploitation
minière. Un territoire qui
a souffert, mais qui a su
relever la tête pour retrouver
de l’élan et voir plus loin.
Natif de Loos et amoureux
de ses paysages hors du
commun, Jean-François
Caron a ardemment soutenu
et défendu cette terre.
Dans le monde associatif
d’abord, puis au conseil
régional et surtout à la mairie
de sa ville, qu’il a dirigée
pendant vingt-deux ans.
En avril, l’élu EELV (Europe
Écologie-Les Verts) a passé
la main à son premier adjoint,
comme il l’avait annoncé avant
les élections municipales.
Ce maire emblématique,
qui a fait d’une ancienne
ville minière un modèle
de transition écologique,
va désormais se consacrer
à La Fabrique des transitions,
réseau qu’il a lancé en 2019
et qui vise à diffuser
les compétences acquises
à Loos-en-Gohelle et ailleurs.
Sportif endurant, écologiste
n quelques mots, comment présenteriez-vous
de toujours, le grimpeur
Loos-en-Gohelle ?
des terrils a l’énergie
Une ville rurale bouleversée par l’activité minière,
nécessaire pour déplacer
laissée exsangue, et qui tire les leçons de son passé.
des montagnes. Ses crassiers
C’est trop long ?
mal-aimés, il en a fait
des emblèmes. Sa commune
La ville était exsangue quand vous êtes devenu
du Nord minier, il l’a convertie
maire en 2001 ?
au solaire. L’impossible ne fait
L’activité charbonnière est extrêmement préda-
pas partie de son vocabulaire.
trice, pour les humains et pour le territoire. Ici, les
Rencontre avec un meneur
hommes mouraient à 40 ans de la silicose. Quand
aux convictions enracinées
un mineur « voyait sa retraite », c’était
et communicatives.
un événement. Les conditions de tra-
vail diiciles représentaient la norme.
Ce qui explique une certaine culture de
l’acceptation du risque, de la pollution…
Le territoire a beaucoup soufert. Nos
nappes phréatiques sont mortes, pol-
luées. Notre sous-sol est un gruyère, les
réseaux de mines ont tout fracturé. Les af-
faissements détruisent des logements, des
réseaux d’eau, d’assainissement… Je suis
devenu maire dans un territoire qui a pro-
duit plein de richesses, mais alors plein !
Mais elles sont parties ailleurs.

L’HEBDO page 12
 La conversation Jean-François Caron

Quand on parle d’« exploitation minière », Ce sentiment de déclassement dans le terri-

« exploitation » ne semble pas un vain mot…
Au moment où la mine ferme en 1986, ce sont
220 000 emplois de mineurs perdus, des taux
de pauvreté extrêmes et des collectivités sans
argent, car il y avait très peu d’activité écono-
mique en dehors de la mine. Les mines avaient
été ouvertes par de grandes familles bourgeoises
de Lille, Roubaix et Tourcoing. Et comme il faut
beaucoup de bras pour produire du charbon, il y
avait un énorme enjeu d’accès à la main-d’œuvre.
D’où de multiples mouvements d’immigration
et la limitation des activités économiques sur le
territoire, pour éviter la concurrence en matière
de main-d’œuvre. Par ailleurs, les Houillères
imposaient un modèle paternaliste incroyable,
qui décourageait l’initiative. Tout était contrôlé.
L’église, les écoles, les maisons, les stades de
foot… Tout appartenait aux Houillères, sauf le ci-
metière. Si les mineurs n’entretenaient pas leur
jardin, les gardes des mines leur mettaient des
pénalités ! Parce qu’il valait mieux qu’un mineur
soit au jardin plutôt qu’au bistrot avec les syn-
dicats. Bref, un territoire profondément mar-
toire a-t-il été pour vous un moteur ?
Cette histoire, elle est dure, mais c’est mon his-
toire, notre histoire. Il ne faut pas laisser l’iden-
tité aux identitaires. Je crois qu’on doit savoir
d’où l’on vient pour pouvoir imaginer où l’on va.
Mon père n’était pas mineur, on n’est pas venu
me chercher en classe, comme mon copain Paul-
André, parce que mon père venait d’être tué au
fond de la mine, écrasé par un éboulement. J’ai
eu la chance de ne pas vivre ça. Mon père n’était
pas mineur, mais toute la famille l’était. Mon ar-
rière-grand-père était délégué de mineurs, me-
neur de grève, tête dure. Il avait appelé ses en-
fants Juvénal, Danton, Rosa, Églantine, Louise
Michel, Ferrer et Voltaire. Cette terre de mi-
neurs, c’est mon histoire, ma corporation. J’ai
eu envie de rendre l’honneur à ces gens qui ont
perdu leur vie, qui ont dû tout sacriier, qui sont
venus de Pologne ou du Maghreb pour travailler
dans les mines…
Dans votre démarche pour revaloriser le terri-
toire, les terrils ont joué un rôle clé… KEYSTONE/GAMMA-RAPHO

qué par son histoire, avec Et comment  ! J’ai une

une image déplorable, passion pour l’ornitho-
des gens qui se sentent logie, mais comme l’en-
déclassés… Pour autant,
quand je deviens maire « Dès que j’ai vironnement a été très
malmené ici, j’ai vite fait
en 2001, je ne suis pas le tour des oiseaux du ter-
désespéré. Il y a ici une
qualité de vie, un sens
commencé ritoire. À cette époque,
vers 1985, l’accès aux ter-
particulier du collectif et
de la solidarité. Et puis,
à voyager, rils était interdit, mais
c’est en m’approchant
c’est parce que le sys-
tème se démantibule que vers 17 ans, que je faisais des obser-
vations intéressantes.
Les Houillères
du bassin du Nord
des brèches s’ouvrent, et J’ai découvert une espèce
je me suis cogné
et du Pas-de-Calais
qu’on peut s’y engoufrer. rare, le traquet motteux, Après la Libération,
un passereau de la mon- 18 compagnies minières
Vous êtes né à Loos.
Avez-vous aussi été
à un mépris tagne venu nicher sur les
terrils. Ce n’était pas dé-
du nord de la France
sont nationalisées pour
gêné par vos origines
géographiques ?
incroyable crit dans la littérature
scientiique, alors j’ai fait
créer les Houillères
du bassin du Nord et du
Lorsque j’étais enfant,
non. Quand on a toujours pour le Nord. un travail de publication.
Cette découverte m’a fait
Pas-de-Calais (HBNPC).
Car au lendemain
habité là, il y a des terrils changer de lunettes. de la Seconde Guerre
partout, c’est normal.
Mais dès que j’ai com-
C’était toujours Ce terril, je le connais-
sais depuis tout petit et
mondiale, se joue
la « bataille du
mencé à voyager, vers
17 ans, je me suis cogné
les mêmes d’un coup il change de
statut. Il devient un en-
charbon » pour fournir
l’énergie nécessaire
à un mépris incroyable
pour le Nord. Des jeunes clichés. » droit qui accueille des es-
pèces rares. J’avais alors
à la reconstruction
du pays. Après des
du Sud qui s’étonnaient : 30 ans, et mon indigna- records de production
« Ah bon, il y a des univer- tion de longue date m’a dans les années 1950,
sités dans le Nord ? » Les conduit à devenir l’écolo l’activité du plus grand
journalistes, notamment, ont été détestés dans des terrils. C’est une bascule, qui m’a transformé bassin charbonnier
le bassin minier. Parce que c’était toujours les en porte-parole du changement de regard sur les français déclinera
mêmes clichés, les reportages qui commencent terrils. Petit à petit, les médias en parlaient, les jusqu’à la fermeture
par un enfant dont le nez coule, des carreaux gens aussi. Ils ne disaient plus « j’habite près du du dernier puits
cassés, une laque d’eau et au fond un terril. « Le terril, c’est sale », mais parlaient du terril « ré- en 1990.
Norrrd », comme dit Galabru dans Bienvenue serve naturelle, où poussent des orchidées ». Le
chez les ch’tis ! Une telle stigmatisation engendre terril est le même. C’est le regard qui change !
forcément des déicits d’estime de soi. Dans la foulée, j’ai créé l’association La Chaîne

L’HEBDO page 13
 des terrils, qui a fait venir à moi des décalés. Des ma famille, c’est structurel : on était soit syndi-
urbanistes, qui disaient « les terrils sont nos caliste, soit élu local. Mon arrière-grand-père
monuments à nous, ils rythment le paysage ». était maire de Loos avant la guerre de 1939. Il
Des artistes, qui décrivaient la puissance de ces a été destitué par les Allemands mais chaque
pointes triangulaires montant au ciel. Des natu- jeudi, son jour de rendez-vous, il venait là, sur
ralistes, qui y voyaient un paradis pour certaines la place, avec deux chaises, pour recevoir la po-
espèces de plantes. À partir de là, j’ai lancé plein pulation au nez et à la barbe des Allemands. La
d’actions sur les terrils : land art, raids nature, tête dure, quoi. Quant à mon père, il a démarré
parapente… Car pour que notre regard change, à 14 ans comme typographe, puis a créé la pre-
il faut les pratiquer. Y monter, c’est de l’ordre de mière coopérative du Pas-de-Calais. C’était un
l’expérience émotionnelle. On sait que ça vient catho de gauche typique, pilier de l’économie
du sol, que c’était dans les mains des mineurs, ça sociale au niveau national. Il a été maire socia-
monte très haut… liste de Loos pendant
quatre mandats, mais
Ces terrils, vous êtes n’avait pas de stratégie
allé jusqu’à les faire de passation ! J’ai été élu
inscrire au patrimoine au conseil régional, puis
ADOBESTOCK.COM mondial de l’Unesco. vice-président de région
Une magnifique recon- avant de devenir maire de
naissance ! Loos. J’ai tracé ma voie
Quand j’ai créé La Chaîne en tant qu’écolo.
des terrils en 1989, il y a
eu des levées de boucliers.
L’époque était plutôt à la « Ce n’est pas La ville est devenue un
modèle de transition
suppression des signaux
miniers. Le maire de l’écologie écologique. Comment
avez-vous réussi à em-
Lens avait fait tout raser ! barquer les habitants
Le bassin minier
à l’Unesco
Il régnait un désaccord
radical sur cet héritage.
qui amène aux dans un changement
souvent perçu comme
Le 30 juin 2012,
le bassin minier
Un jour, en interview, j’ai
parlé du changement de
renoncements, punitif, impliquant
avant tout des renonce-
du Nord-Pas-de-Calais
est inscrit sur
regard et comparé les py-
ramides d’Égypte, vues mais le modèle ments ?
Ce n’est pas l’écologie
comme des merveilles du qui amène aux renon-
dans lequel
la liste du patrimoine
mondial de l’Unesco. monde, aux terrils, consi- cements, mais le mo-
Vaste de 120 km, dérés comme la honte dèle dans lequel nous
le site présente « un
paysage remarquable
du monde. Ensuite, des
gens m’en reparlaient, ça
nous sommes ! » sommes  ! Pour embar-
quer les gens, déjà, il faut
façonné par trois avançait dans ma tête… partir de leurs besoins :
siècles (XVIIIe au Et puis, de il en aiguille, chaufer leur maison, et
XXe siècle) d’extraction cette idée a rencontré les pour cela on a développé
du charbon », note attentes de l’Unesco, qui l’écoconstruction ; dimi-
l’organisation sur son cherchait d’autres re- nuer leur facture d’eau,
site Internet. Au total, présentations du patri- et on y est arrivé grâce
49 biens français moine  : moins de châ- aux mécanismes de ré-
igurent au patrimoine teaux et de cathédrales, cupération d’eau… Pour
mondial de l’Unesco. moins d’édifices presti- identifier les besoins,
gieux du monde occidental. J’ai reçu le soutien notre premier travail a été un diagnostic gé-
d’élus de diférents bords politiques. Il a fallu néral : quelles étaient les attentes, les envies…
dix ans et, inalement, on a gagné. Au moment Ensuite, il faut progressivement faire apparaître
de l’annonce du classement du bassin minier, à un cap, un sens. Le mien, c’était que notre his-
Saint-Pétersbourg, on pleurait évidemment. Et toire n’est pas honteuse. Nous pouvons en tirer
des ambassadeurs du Sénégal, d’Afrique du Sud, des leçons et inventer un nouveau développe-
de Pologne, du Brésil pleuraient avec nous, parce ment. Ce sont des imaginaires à transformer.
que l’histoire minière est universelle ! Est-ce que le développement, c’est, comme on
nous l’enseigne depuis les révolutions indus-
Comment êtes-vous devenu maire de Loos- trielles, « plus grand, plus vite, plus haut, plus
en-Gohelle, où vous avez succédé à votre père fort » ? Ce modèle de croissance ininie nous
en 2001 ? mène dans le mur ! Pour embarquer les gens,
La politique, ce n’était pas une vocation. Je vou- il faut aussi donner coniance dans le fait que
lais vivre ma vie, exercer mon métier de kiné, ça sert à quelque chose. Révéler les choses qui
faire du sport, proiter de la nature… J’avais une bougent, les signaux faibles. C’est ma petite
imprégnation politique, bien sûr, parce que dans fable des conitures !

L’HEBDO page 14

Vous nous la racontez ?
Nous avons créé une ceinture verte de 15 kilo-
mètres autour de Loos, et fait planter des arbres
fruitiers locaux, même dans les lotissements. Un
soir, en rentrant chez moi, je bute sur quelque
chose : c’est un pot de coniture de cassis, ofert
par une habitante ain de me remercier pour
ces arbres fruitiers dans les anciennes cités mi-
nières. En retour, je vais lui porter un pot de ge-
lée de pomme maison. Je découvre alors qu’il y
a un vrai traic de pots de coniture à Loos-en-
Gohelle ! Tout le monde en fait et tout le monde
en échange. Et si vous ofrez un pot de coniture à
votre voisin, il ne vous fera plus jamais la gueule.
Conclusion : agir pour la biodiversité bénéicie
au vivre-ensemble, via l’échange de conitures !
Vous qui aimez les histoires, vous parlez aussi
de petits cailloux blancs et d’étoile Polaire…
L’étoile, c’est le cap, le sens. Elle brille dans le
ciel, elle fait rêver, mais peut sembler inacces-
sible. Il faut des cailloux blancs qui mènent vers
cette étoile, sinon, c’est frustrant. Et la frustra-
tion, ici, on connaît bien. L’étoile, c’est relever
la tête, reprendre notre destin en main. Sur la
question de l’énergie, par exemple, nous qui ve-
La conversation Jean-François Caron
nions du charbon, nous avons désormais des Jean-François Caron,
panneaux solaires sur les toits des écoles, des ancien maire EELV
salles de sport, de l’Ehpad, de l’église… La pro- de Loos-en-Gohelle,
duction électrique de ces panneaux, ce sont des le 12 avril.
cailloux blancs, des preuves de la transforma-
tion à l’œuvre. Les habitants me disent : « On
a repris notre destin en main. On produit notre
énergie. » Un jour, en réunion, une élue de Loos a
lancé : « Nous, à Loos, on peut tout faire ! » Cette
phrase a réparé trente années de jalousies de
mes collègues, d’agressions sur mon position-
nement écolo… Elle montre que nous avons re-
donné le pouvoir d’agir aux gens, et ça, c’est le
graal ! Après, on peut faire face à son destin.
Vous mentionnez des jalousies, des agres-
sions… La récente démission du maire de
Saint-Brevin alerte sur les violences subies par
les élus. Avez-vous personnellement constaté
leur augmentation ?
À Loos, pas vraiment, parce que globalement les
gens m’aiment bien. Mais en tant que maire, on
est exposé, c’est évident. On est facilement pris
comme bouc émissaire. L’afaire de Saint-Brevin
révèle un conlit de valeurs maximal. La violence
fait partie des méthodes de l’extrême droite, je
L’HEBDO page 15
 l’ai souvent constaté. Quand le Front national a que La  Fabrique des transitions révèle com-
commencé à monter dans le bassin minier, nous ment Loos contribue à quelque chose qui nous
avons lancé un collectif pour y faire face et orga- dépasse.
nisé une réunion avec des artistes. Nous avons
retrouvé nos pare-brises cassés à coups de pavés. De quelle manière ?
En aidant, par l’exemple, à transformer notre
L’extrême droite a continué de monter dans la imaginaire du développement. L’ancien modèle
région, même à Loos-en-Gohelle… est mort. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait. Il
Il ne s’agit pas chez nous d’un vote raciste, mais y a encore des gens dans le déni. Mais c’est nor-
d’un vote de déclassé, un vote de colère. De mal : il faut faire le deuil de l’ancien modèle, et le
mon point de vue, le score du Rassemblement déni est une étape du processus de deuil. La tran-
national à Loos est un excellent résultat. Bien sition vers un autre modèle de développement
sûr, au second tour de la présidentielle, Marine se cogne aux nombreuses résistances au chan-
La Fabrique Le Pen est nettement de- gement : perte de posi-
des transitions vant Emmanuel Macron. tion dominante, perte de
Impulsée en 2019, Mais si on compare aux salaire, perte de statut,
la Fabrique des communes autour de perte de compétences…
transitions est une Loos, avec une sociolo- La peur du lendemain
alliance de 400 acteurs gie comparable, on est aussi, de la page blanche.
engagés en faveur de à 15-20 % de moins pour Mais une forêt où il n’y a
la transition écologique. Marine Le  Pen. Ce qui pas de chemin, c’est ma-
montre que l’action lo- gniique ! Il va falloir en
S’y regroupent
des collectivités cale peut contribuer au « À un moment, ouvrir, défricher. Et pour
territoriales, entreprises recul de l’extrême droite. cela, il faut passer par le
ou encore centres
de recherche Vous avez été maire
les expériences local.

et de formation.
Leur but : mettre au
pendant plus de vingt
ans. Avez-vous noté
menées Pourquoi ?
Parce que le vrai global
service des territoires
leurs expériences
des évolutions dans les
attentes des citoyens ? localement n’existe pas. Il y a du na-
tional, mais les règles
Ce qui me paraît nou- du jeu économique sont
viennent
et connaissances
pour les accompagner veau, c’est la forte mon- mondiales, donc on vous
dans leur démarche tée de l’individualisme, explique, comme depuis
vers la durabilité. et le reflux des actions
collectives. Les gens
questionner deux siècles, qu’on ne
peut rien changer, « sinon
sont très centrés sur eux-
mêmes, ils disent «  je
le global. » le pays ne sera plus com-
pétitif au niveau mon-
veux » et peuvent vite de- dial, et va s’effondrer ».
venir très agressifs parce J’ai créé La Fabrique des
qu’on n’a pas fait ce qu’ils transitions parce que
voulaient. Or un maire je crois que la solution
passe son temps à arbi- viendra par le local. Au
trer des conflits d’inté- niveau du territoire, on
rêts pour dégager de l’in- peut partir des besoins
térêt général. À Loos, j’ai des gens et construire des
essayé de faire passer le message qu’on fait la cité réponses avec eux, ce qui les amène à changer de
ensemble. posture. Quand ça marche, on a les preuves sous
les yeux, c’est du concret. Au niveau local, c’est
Dans quel état d’esprit êtes-vous, en quittant aussi beaucoup plus facile de créer un change-
la mairie après tant d’années ? Triste ? Sou- ment systémique. Par exemple, de faire évoluer
lagé ? ensemble les agriculteurs, le commerce local, le
Soulagé. Je ne suis pas triste parce que ce départ, système de distribution. À un moment, les expé-
c’est moi qui l’ai souhaité, et que je suis ier du riences menées localement viennent question-
travail accompli. C’est sûr que je laisse toute ner le global. Avec des endroits où l’on démontre
une part de moi. Être maire, c’est un investisse- que oui, c’est possible. Oui, on peut refaire de
ment énorme, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. On l’agriculture de proximité bio. Oui, on peut géné-
peut vous déranger la nuit… Je suis soulagé de ne rer de l’autonomie énergétique. Venez voir ! La
plus avoir à me demander en permanence com- Fabrique des transitions rassemble 400 organi-
ment me positionner. Un meurtre, un suicide, sations : territoires, réseaux de chercheurs, as-
une maison qui s’écroule, des dépôts sauvages sociations, toute une communauté apprenante
dans les champs… Cette question omnipré- qui partage les savoir-faire en visant un change-
sente de la responsabilité est diicile à porter. ment d’échelle. Les territoires peuvent irriguer
Et puis je ne me sens pas inidèle à Loos, parce la transformation de la société.

L’HEBDO page 16
 nçois Caron
a
Jean-Fr
ARTÉ

VILLE DE LOOS-EN-GOHELLE
EN AP SON LIEU
LE 11/19
«  Ce site mi-
nier incarnait
la toute-puis-
sance : des in-
frastructures
gigantesques,
les plus hauts terrils d’Europe, des machineries qui remon-
taient le charbon à 18 mètres par seconde – deux fois la vitesse
de la gravité… Désormais, le site accueille une scène nationale,
un centre permanent d’initiatives pour l’environnement, un
centre de développement des éco-entreprises, une plateforme
solaire… Ce lieu, qui était celui de l’oppression, est devenu un
lieu d’émancipation collective et d’ouverture au monde. »

SON ANIMAL

DANIELE OCCHIATO/AGAMI/ADOBESTOCK
LE TRAQUET
MOTTEUX
« Il y a quarante ans, j’ai
découvert que cet oiseau
de la pelouse alpine nichait
sur les terrils de Loos. Ce pe-
tit passereau m’a fait chan-
SES DATES ger de regard sur les ter-
rils, qu’on a longtemps
1957 Naissance à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais). méprisés et appelés
des “crassiers”. »
1982 Diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute.
1989 Crée La Chaîne des terrils, association
de préservation du patrimoine naturel et industriel. SON LIVRE
1990 Devient cadre de santé. LA PEUR DE LA NATURE,
DE FRANÇOIS TERRASSON
1992 Élu conseiller régional. « Cet ouvrage retrace, de manière très lisible, l’his-
toire de la relation de l’Homme à la nature et au
1998 Vice-président du conseil régional Nord-Pas-de-Calais. sauvage. On y voit comment, dans la littérature,
la nature apparaît progressivement
2001 Maire de Loos-en-Gohelle. comme un obstacle pour l’Homme, un
élément qu’il faudrait combattre. Ma
2010 Conseiller régional, président du groupe EELV. vision écolo, c’est que nous sommes
la nature. Je pense qu’on ne peut pas
2012 Inscription du bassin minier Nord-Pas-de-Calais penser l’Homme sans penser sa re-
au patrimoine mondial de l’Unesco. lation à son écosystème. Tant qu’on
n’arrive pas à travailler cette ques-
2019 Crée La Fabrique des transitions. tion-là, on sera dans une impasse éco-
logique. »
2020 Réélu maire pour son quatrième mandat. En 2023, Éditions Sang de la terre,
démissionne à mi-mandat et redevient conseiller municipal. 192 p., 24,24 €

L’HEBDO page 17
 R E UX-MÊM ES
A I S PA
LES FRA NÇ  » part
, « La Croix L’Hebdo ndre
maine de pre
Chaque se tre des Français afinns et entendre
à la renconsaisir leurs aspiratio otidien.
leur pouls, pour améliorer le qu
leurs idées

Hélène Quénet
Professeure de yoga à Hérouville-Saint-Clair (Calvados)

« Le plus important,

c’est de transmettre
un élan de vie »
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?
Ma pratique corporelle, ce que j’ai envie de trans-
mettre le jour même aux personnes qui assistent à
mon cours. Cela peut être varié : une posture, une
idée de bienveillance envers soi-même, d’écoute du
corps, de calme… Je pense aux rencontres que je
vais faire sur place, aux personnes que je retrouve et
avec qui je discute quand j’arrive le matin. C’est une
source de motivation ! Y compris lorsque je ne suis
pas en forme et que mon corps est fatigué. Chaque
séance est toujours unique parce que les partici-
pants n’ont pas le même état d’esprit d’un jour à
l’autre. Je ne suis ni médecin, ni psychologue. Par
contre, je suis extrêmement vigilante par rapport
aux mots que j’emploie. Je me sens utile car les per-
sonnes se relient vraiment à leur corps quand elles
viennent pratiquer. Je cherche à ce qu’elles laissent
de côté toutes les pensées qui les obsèdent, leurs sou-
cis. La salle de yoga est un refuge, un lieu d’accueil où
les gens peuvent poser tout ce qu’ils veulent : de la
colère, de la tristesse… Il y a de tout ! Le plus impor-
tant, c’est d’accueillir et de transmettre en retour de
la joie de vivre, de la gaieté, un élan de vie.
Au travail, ça se passe comment ?
Depuis un an, j’ai pris le relais de mon ancienne
professeure, Suja Stockhausen-Lefranc, au sein de
l’association Surya Yoga à Caen. Je donne des
cours à la Maison des jeunes et de la culture (MJC)
d’Hérouville-Saint-Clair, dans l’association de yoga
du village de Boulon, ainsi qu’à la maison de quar-
tier Saint-Paul.
J’arrive dans la salle assez tôt, environ une heure
avant la séance, et je la prépare en passant le balai,
en installant les tapis. Je suis toujours avec un ou
deux adhérents qui m’aident. Au début du cours, j’ob-
serve ce qui se passe et je m’adapte. J’amène les gens
à réaliser des enchaînements, des postures d’équi-
libre, d’autres plus toniques, et à les mémoriser ain
qu’ils puissent les reproduire sans que je les guide. Je
tiens vraiment à ne pas avoir des groupes de niveau.
Chacun a sa place. J’apprécie beaucoup de voir des
jeunes avec des gens plus âgés. Certains ont plus de
80 ans. C’est un grand moment de plaisir quand ces
générations se retrouvent dans la salle ! Les retrai-
tés viennent plutôt le matin ; le soir, ce sont les ac-
tifs. Parfois, ils me semblent fatigués ou stressés, et
j’adapte ma séance en fonction de ce que je ressens.
Les retraités sont en forme, avec les limites du corps
l’âge avançant. J’interviens aussi auprès d’un petit
nombre de jeunes adultes en soufrance psychique.
Ils n’ont pas de iltre quand ils communiquent avec
moi. J’apprends énormément à leurs côtés. Plus
qu’un travail, le yoga est une expérience de vie.

L’HEBDO page 18
 Après avoir enseigné
l’espagnol pendant
vingt-neuf ans, Hélène
Quénet, 53 ans,
se consacre désormais
à la pratique
et à l’enseignement
du yoga. Une décision
animée par son désir
de transmettre
et d’approfondir
ses connaissances
en la matière. Pendant
quatre ans, elle s’est
replongée dans
des études à l’École
QUENTIN BASSETTI POUR LA CROIX L’HEBDO
française de yoga
de Paris, parallèlement
En qui avez-vous confiance ? Quelque chose qui vous changerait la vie, là, à ses heures au lycée
Je sais que je peux m’appuyer sur ma pratique du tout de suite ? Salvador-Allende,
yoga et sur mes professeurs, qui sont toujours là Avec le yoga, ma vie a déjà changé ! Maintenant je à Hérouville-
pour me guider et me conseiller. J’avais peur de veux continuer à apprendre, à transmettre. Cette Saint-Clair.
me retrouver seule en commençant à enseigner reconversion est une véritable chance pour moi, « Une formation longue
le yoga mais j’ai la chance de travailler avec ma un projet de vie qui va me permettre de conti- mais nécessaire
collègue et amie Florence Monginet. nuer à grandir. D’où l’importance de la formation afin d’évoluer
Les pratiquants me donnent beaucoup par leurs continue. Les professeurs de yoga participent et de mûrir », pour
retours. C’est vraiment un échange. Ma ille et chaque année à des stages en tant qu’élèves. Cela cette Caennaise
mes ils aussi… Toute ma famille m’a accompa- pose aussi la question de notre rémunération, qui d’origine, diplômée
gnée dans mon changement professionnel (lire doit nous permettre de inancer ces stages. en 2021. En 2015,
l’encadré ci-contre). Je n’aurais pas pu prendre elle est partie
cette décision sans l’aide de mon mari. Choisir, Et pour demain, une idée pour changer le monde ? un semestre sur
c’est abandonner certaines choses pour en avoir Permettre aux gens d’avoir une activité corporelle les routes d’Amérique
d’autres. dès le matin – que ce soit des mouvements dan- du Sud avec son mari,
sés, une marche –, un quart d’heure de médita- sa fille et ses deux
Une scène qui vous a marquée récemment ? tion, plutôt que de se lever et d’être immédiate- fils. Une expérience
Une jeune femme atteinte d’une polyarthrite ment dans le « faire ». Le corps est la manière la marquante,
rhumatoïde soufrait de douleurs aux articula- plus simple de se relier à soi-même. À l’école, il et l’occasion de « vivre
tions. Je sentais qu’elle avait du mal à m’en par- faudrait que les enfants puissent commencer leur des moments forts
ler. À la in d’une séance, elle est venue me dire en journée par une activité à l’extérieur, en contact en famille ».
souriant qu’elle avait réussi à se mettre à quatre avec la nature. Il y a quelque chose à faire sur le
pattes. Des mouvements simples… qu’elle a re- plan éducatif, et ce, dès le plus jeune âge.
trouvés grâce à la pratique du yoga ! Recueilli par Joseph Le Fer

L’HEBDO page 19
Explorer

L’HEBDO page 20
 Penser Dieu avec
Blaise Pascal
Éminent scientifique, philosophe et  théologien,
Blaise Pascal (1623-1662) a brossé
dans ses célèbres Pensées le puissant portrait
de l’homme, « un milieu entre rien et tout »,
inquiet et avide de bonheur,
qu’il désire conduire jusqu’à Dieu.

Texte : Élodie Maurot

Illustration : Isabel Espanol

L’HEBDO page 21
POURQUOI S FAIT
NOUS L’AVON
« Attention génie ». C’est
le mérite des commémorations
que de remettre régulièrement
devant nos yeux des pensées
puissantes et roboratives,
jalons dans l’histoire
de l’aventure de l’esprit.
Ainsi ce 400e anniversaire de
la naissance de Blaise Pascal
(1623-1662) invite-t-il à plonger
dans une œuvre au grand
souffle qui rappelle combien
l’humain est fait pour l’infini.
Ce dossier a voulu donner
à percevoir le mouvement
et les reliefs de sa pensée, faire
valoir ses arguments, peut-être
d’autant plus nettement
que nous demeurons dans
le même temps à distance de
son catholicisme douloureux,
scrupuleux et souvent abrupt.
Lisons donc et relisons Pascal,
laissons-le nous déplacer,
nous heurter, nous hisser
plus haut que nous-mêmes,
mais discutons-le aussi,
confrontons-le à d’autres
penseurs chrétiens, à d’autres
sensibilités théologiques, qui
mieux que lui font comprendre
qu’on ne va pas à Dieu
sans les réalités de ce monde
mais « à travers la Terre »
(Teilhard de Chardin).
Oui, pour son anniversaire,
ne laissons pas Pascal seul.
Élodie Maurot
M. MATTHYS
L’HEBDO page 22
ascal a vécu une courte vie – il est mort à 39 ans, en
1662 – mais cette vie a traversé les siècles. Quatre
cents ans après sa naissance, le 19 juin 1623, il conti-
nue de fasciner, d’interroger, d’irriter parfois, de
semer en tout cas l’intranquillité avec une puissance
intacte. Signe que son étoile n’a pas cessé de briller,
les publications qui accompagnent cet anniver-
saire sont nombreuses (lire « Pour aller plus loin »,
p. 30). De grands astres de la pensée du XVIIe siècle,
comme Fénelon ou François de Sales, ont été injus-
tement éclipsés, le message de Pascal, lui, continue
de nous parvenir. D’où vient cette aura ? De son génie
et de l’ampleur de son savoir, certainement, lui qui
fut mathématicien, géomètre, physicien, inventeur,
mais tout autant philosophe, moraliste et théolo-
gien. À l’heure de l’hyperspécialisation des savoirs,
la palette de ses intérêts impressionne, marque du
goût classique pour l’universalité, hissée dans
son cas à l’excellence. Avec ses allers et
retours entre science et foi,
son œuvre n’a pas non plus manqué de susciter hors
de l’Église l’attention, déiante ou curieuse. Il de-
meure aujourd’hui l’un des rares théologiens à être
encore lus en dehors des cercles croyants.
Pascal eut aussi le génie précoce. Ce fut sans doute
pour une part le fruit d’une enfance – puis d’une
vie – marquée par la maladie. Ne connaissant pas
la longueur de ses jours, il s’employa à faire fruc-
tiier ses talents sans tarder, guidé par un père ju-
riste et mathématicien, lecteur de Montaigne, qui
se chargea lui-même de son éducation. Sa sœur
Gilberte raconte que son frère redécouvrit vers
12 ans, sans aide extérieure, la 32e proposition des
Éléments d’Euclide – qui pose notamment que la
somme des angles intérieurs d’un triangle est égale
à deux angles droits. En 1640, à 16 ans, il publie un
Essai pour les coniques. En 1642, à 18 ans, il ima-
gine une machine, ancêtre de nos calculatrices,
pour aider son père dans la collecte des impôts.
Dans les années suivantes, il se lance dans des re-
cherches scientiiques sur le vide, s’intéresse aux
combinaisons du hasard dans les jeux, participe
à l’assèchement des marais poitevins… À la toute
in de sa vie, très diminué, il trouve encore l’éner-
gie d’inventer les lignes de « carrosses à cinq sols »,
premier système de transports publics, pour faci-
liter la vie quotidienne du peuple.

Sa renommée fut immédiate dans les cercles scien-
tiiques et mondains. Elle augmenta quand il prit
part aux débats théologiques sur le rôle de la grâce
et sur l’application de la morale chrétienne, avec
ses célèbres Provinciales, lettres polémiques ano-
nymes dans lesquelles il défendit ses amis jansé-
nistes rigoristes contre les jésuites (lire p. 26). Mais
rien de tout cela n’aurait traversé les siècles sans la
puissance des Pensées, propos préparatoires à une
grande Apologie de la religion chrétienne, engagée
à la in des années 1650, œuvre inachevée, objet de
multiples éditions qui cherchèrent à en percer le
mystère. En dépit de sa forme éclatée, ou peut-être
à cause de ce trait qui rend inépuisable les relec-
tures, l’ouvrage est devenu un classique, dont cha-
cun connaît au moins quelques bribes, l’homme
« roseau pensant » et le malheur venant « de ne pas
savoir demeurer en repos dans une chambre »…
La force du style de Pascal, c’est la vitalité. Dans son
Pascal par lui-même (Seuil, 1952, épuisé), le cri-
tique littéraire Albert Béguin a noté avec justesse
que sa langue « n’a cessé d’être saisissante, de saisir
à la fois son objet et son lecteur, parce que sur le pre-
mier elle fond comme un oiseau de proie, et qu’au
second, elle communique la vibration de son impa-
Penser Dieu avec Blaise Pascal
tience ». C’est un style d’écriture « soudain, juvé-
nile, tout en ruptures, où se reconnaissent constam-
ment les répliques alternées d’un rapide dialogue ».
Car il y a de l’envie de convaincre chez Pascal. Lui
qui évoque parfois dans ses propos le jeu de paume,
ancêtre du tennis, cherche à bien placer son argu-
ment, comme on oriente sa balle pour remporter le
point. Pascal développe un art de persuader, impé-
rieux et radical, fruit de beaucoup de travail, porté
par une nécessité intérieure, mais aussi animé d’un
esprit de rivalité et d’une conscience de sa force.
Des Provinciales aux Pensées transparaît le goût de
la confrontation.
« La grande force de Pascal, c’est de ne pas laisser in-
diférent : on ne peut qu’être violemment contre, ou
violemment pour », a écrit Michel Le Guern, maître
d’œuvre de l’édition des œuvres complètes, dans la
collection de « La Pléiade » (Gallimard). Qu’on l’ad-
mire ou qu’on le redoute, ou que l’on soit traversé
par ces deux mouvements à la fois, il faut de toute
façon penser avec Pascal. Car dans les éclats brisés
des Pensées se réléchissent nos paradoxes et nos
ambivalences, notre inquiétude et notre grandeur.
Et le feu de notre désir de bonheur, dont le philo-
sophe fait un chemin vers Dieu.
L’HEBDO page 23
 Un monde bien obscur
L’inquiétude, jusqu’à l’angoisse, tra-
verse les Pensées de Pascal. Car l’homme
y est décrit comme un être perdu dans l’inini de
l’univers, incapable d’y comprendre sa place, de
s’y orienter. On est au XVIIe siècle, après les boule-
versements de la Renaissance. Les découvertes de
la physique et de l’astronomie ont brisé les repré-
sentations du monde de la pensée antique et mé-
diévale, closes et harmonieuses, où l’homme s’était
assigné une place centrale qui pouvait le rassurer.
Le nouvel univers physique apparaît désormais
comme marqué par l’inini, qui n’était jusqu’ici
que l’attribut traditionnel de Dieu. Brusque élar-
gissement des horizons. Soudaine perception de
la disproportion de la personne humaine et de ce
qui l’environne. Vertige d’une absence de maîtrise
de l’explication de l’homme et du monde.
Pascal enregistre ce changement sismique, il capte
l’angoisse d’abandon et de désorientation qu’il sus-
cite. L’a-t-il éprouvée comme scientiique ? Rien
n’interdit de le penser. Mais, dans les Pensées, son
propos n’est ni de se dépeindre ni de partager ses
émois à la manière des Romantiques. S’il décrit un
vertige, c’est pour en faire un usage argumentatif :
Pascal veut donner une autre assise à l’homme, une
quiétude venue de Dieu seul.
Tel un peintre, le philosophe cherche pour cela les
bons points de vue, se situe du côté de l’ininiment
petit ou de l’ininiment grand, fait surgir des images
L’HEBDO page 24
pour rendre compte de l’abandon et de la faiblesse
humaine dans un univers inhospitalier. Il donne à
voir l’immensité de l’univers qui « me comprend et
m’engloutit comme un point » (§104, Œuvres com-
plètes, « La Pléiade »). « Tout le monde visible n’est
qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la na-
ture » (§185), écrit-il encore. Voilà l’homme décrit
comme « égaré dans un recoin de l’univers » (§184),
« dans son canton détourné de la nature » (§185).
Pascal compare même sa situation à celle d’un
« homme qu’on aurait porté endormi dans une île dé-
serte et efroyable et qui s’éveillerait sans connaître
où il est, et sans moyen d’en sortir » (§184).
Dans ce monde marqué par l’obscurité, mais aussi
« muet » (§184), sans harmonie, sans résonance, le
philosophe éprouve une condition faite de fragilité,
d’abandon. « Dans l’ininie immensité des es-
paces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’efraie
et m’étonne de me voir ici plutôt que là » (§64).
Il ne peut que ressentir sa condition contingente
car « combien de royaumes nous ignorent » (§39).
Le vertige est encore accentué par le fait que ce
monde est changeant, lottant, sans assise, « tout
branle avec le temps » (§54). « Nous voguons sur
un vaste milieu, toujours incertains et lottants,
poussés d’un bout vers l’autre (…). Rien ne s’arrête
pour nous (…). Nous brûlons de trouver une assiette
ferme (…) mais tout notre fondement craque et la
terre s’ouvre jusqu’aux abîmes » (§185).

Ce que
l’homme fait
de sa vie…
S’il était conscient de sa condition et de
sa place réelle dans le monde, l’homme
devrait être saisi de perplexité, d’angoisse, s’in-
terroger, entreprendre de sonder cette énigme.
Au contraire, Pascal constate qu’il s’illusionne
et fuit. Comment ? Il se met d’abord au centre de
tout, se gonle d’amour-propre et s’attache à une
vaine quête de gloire, « la plus grande bassesse »
(§435). Il recherche de manière maladive et in-
satiable « l’estime des hommes ». « Nous sommes
si présomptueux que nous voudrions être connus
de toute la terre et même des gens qui viendront
quand nous ne serons plus » (§111), raille Pascal.
Cette quête de gloire nous conduit à privilé-
gier le «  paraître  » et les mirages de l’imagi-
nation. «  Nous voulons vivre dans l’idée des
autres d’une vie imaginaire, et nous nous effor-
çons pour cela de paraître. Nous travaillons in-
cessamment à embellir et conserver notre être
imaginaire, et négligeons le véritable » (§ 662).
Pour échapper à la conscience de son malheur, et à
la précarité de son éventuel bonheur, l’homme en-
suite s’afaire, s’agite, s’occupe. Il s’oublie et oublie le
monde réel. Il se divertit. « Par nos divertissements
Penser Dieu avec Blaise Pascal
permanents – de la politique à la science, des tables
de jeux à nos courbettes de courtisan –, nous nous dé-
tournons de penser à nous, au sens de notre existence,
souligne la philosophe Laurence Devillairs, ensei-
gnante à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
et autrice de Philosophie de Pascal. Le principe
d’inquiétude (lire « Pour aller plus loin », p. 30). On
dit souvent que le divertissement est une manière de
ne pas penser à la mort, chez Pascal. Mais c’est une
manière de ne pas penser tout court ! Parce que pen-
ser à ce que nous sommes et faisons, ce serait voir ce
que nous ne voulons pas voir. Ce serait comprendre
que “rien ne peut nous consoler”. »
De cette méprise, l’homme est coupable mais
aussi victime. Il est pris dans une illusion. « (Les
hommes) ne sentent pas la nature insatiable de
leur cupidité, ils croient chercher sincèrement
le repos et ne cherchent en efet que l’agitation »
(§585). C’est ce qui les conduit à passer « tout
le jour » à la poursuite d’un lièvre qu’ils ne vou-
draient pas avoir acheté, car « ce lièvre ne nous
garantirait pas de la vue de la mort (…) mais la
chasse nous en garantit ».
Le divertissement, loin d’éloigner les maux, les
augmente pourtant. Par lui, l’homme s’expose aux
périls de la vie de cour, de la guerre… On ne peut être
heureux dans le divertissement « car il vient d’ail-
leurs et de dehors », « partant sujet à être troublé par
mille accidents, qui font les alictions inévitables » (§
123). D’où cet aphorisme bien connu : « J’ai dit sou-
vent que tout le malheur des hommes vient d’une
seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en
repos dans une chambre. » Bien sûr, il ne s’agit
pas là d’une invitation au cocooning, ni même à un
retrait stoïcien du monde, mais à savoir demeurer
en la présence de soi-même, dans la pensée de sa
condition réelle, préalable à la vraie consolation
qui, pour Pascal, ne peut venir que de Dieu.
Ce discours à visée théologique n’enlève rien à la
puissance philosophique de la description pas-
calienne. « Le divertissement fonctionne au sein
d’une apologétique, sans doute, mais il fonctionne
comme un concept autonome, insiste Laurence
Devillairs. Si vivre était en soi un bonheur, pour-
quoi nous “divertir’’ sans cesse ? C’est ce que montre
Pascal et je ne vois aucune analyse moderne aussi
puissante. Cette quête du bonheur sans cesse déçue,
parce que ce que nous désirons excède notre désir,
cette soif d’absolu, aucun moderne ne le décrit avec
autant de force. »
L’HEBDO page 25

La théologie de Pascal,
face sévère du christianisme
Si la pensée de Pascal est puissante et stimulante, elle n’en reste pas
moins marquée par son temps et questionnable pour son rigorisme.
Jusqu’où suivre Pascal ?
Sans se laisser sidérer par
son génie, il est bon d’engager
la discussion avec lui. Ses écrits
d’ailleurs y invitent, pleins
de références aux débats
et polémiques du XVIIe siècle.
Dans le sillage de la Réforme
et de la Contre-Réforme, son
temps fut marqué par nombre
de questions théologiques :
Qu’en est-il de la grâce
et de la place du libre arbitre ?
Comment vivre la morale
chrétienne, dans ou hors
du monde ? Quelle place donner
aux sacrements ?
Les Provinciales, écrites en 1657
et 1659, gardent la trace
des débats qui opposèrent
Pascal, proche des milieux
rigoristes jansénistes,
et les jésuites. Mais elles
ne donnent à entendre que
la voix de Pascal. « Quand on
les lit, on a évidemment
tendance à lui donner raison »,
relève Paul Valadier, jésuite
et théologien, professeur
émérite au Centre Sèvres-
Facultés jésuites de Paris, qui
a retracé l’histoire et l’actualité
de cette polémique (1).
« On oublie souvent que
les textes que Pascal met
dans la bouche des jésuites lui
avaient été donnés par Antoine
Arnauld (figure du jansénisme),
qu’ils avaient été trafiqués
et que l’objectif de Pascal était
de ridiculiser les jésuites. »
Les partisans de Pascal
omettent aussi souvent
de rappeler qu’il mena
ce combat de manière anonyme,
en ciblant les « jésuites » dans
L’HEBDO page 26
ANALYSE
une unité artificielle, sans
grand esprit de charité, tout
à sa conviction de défendre
la vérité.
Loin d’être une affaire pliée
d’avance, la dispute entre
Pascal et les jésuites dessine
deux sensibilités chrétiennes.
« ”Le moi est haïssable”,
proclame Blaise Pascal
(1623-1662). ”Lecteur, que
je te désire singulier !”, exige
de son côté Baltasar Gracian
(1601-1658), jésuite espagnol.
Comment mieux résumer
deux approches opposées
de la conception de l’homme
et du chrétien qu’en recourant
à ces deux citations bien
frappées, presque sèches,
décrit Paul Valadier. D’un côté,
se déprendre de soi, de l’autre,
s’assumer dans sa singularité
unique ; d’un côté, éviter
les pièges des passions, de
l’autre, apprendre à les réguler
avec sagesse et discernement ;
d’un côté, se tenir à l’écart
du monde et de ses appâts,
de l’autre, ”s’accommoder
au temps” ; d’un côté,
ne se laisser conduire que par
la Vérité, de l’autre, accepter
de la chercher au travers
des circonstances
et des contradictions
du présent, et donc ”vivre
selon l’occasion”. »
Si Pascal accuse les « jésuites »
de laxisme en matière morale,
la casuistique qu’ils pratiquent
– art d’appliquer les lois
générales de la morale aux
situations concrètes – s’inscrit
dans une longue tradition
théologique. Elle revendique
la prise en compte de
la singularité des personnes
et des situations, elle a le souci
de permettre un chemin
d’humanisation et de sainteté,
et se veut cohérente avec
le Dieu de l’Évangile qui
« n’éteint pas la mèche qui
fume encore » (Matthieu 12,20).
Pour sa part, Pascal défend
le tutiorisme, thèse selon
laquelle l’approche rigoriste,
souvent qualifiée de vérité
« éternelle », est la plus sûre
et doit être suivie à distance
de toute « nouveauté ».
Sans être janséniste
à proprement parler, Pascal
a défendu la cause de ce courant
de pensée austère. Ses écrits
en portent indéniablement
la trace, minorée ou majorée
selon les commentateurs.
On y retrouve une insistance
sur le péché qui rend l’homme
sans Dieu incapable de tout
bien et de toute vérité,
une valorisation de la pénitence
et du renoncement, qui peut
donner prise à une forme
de masochisme, un refus des
réalités terrestres qui paraît
mettre en concurrence le Dieu
créateur avec ses créatures.
« Bien sûr, Pascal a raison
dans le fait qu’il faut modérer
ses passions, mais son
christianisme luttant contre
la nature semble parfois
reprocher à Dieu de nous avoir
fait tels que nous sommes »,
pointe Paul Valadier.
Le rapport à l’autorité
qu’il défend peut également
être questionné. Car si Pascal
prône la libre recherche
et le raisonnement dans
le domaine scientifique,
il en va autrement en matière
dogmatique, où il exhorte
à la soumission. Pascal exclut
nettement la possibilité d’un
développement de la Révélation
et de l’intelligence du mystère
de Dieu. En matière politique,
sa pensée se dresse contre
la tyrannie, mais s’articule mal
à la démocratie en raison
de sa méfiance envers le peuple.
Grand admirateur de Pascal,
Nietzsche le tenait pour « le seul
chrétien logique » et l’un des
rares philosophes avec lesquels
il entretenait un dialogue
constant. « ”Le sang de Pascal
coule dans mes veines”, dit-il,
mais c’était pour reconnaître
en lui un christianisme
impraticable et malade,
et dont il fera la critique »,
souligne Paul Valadier. Cet
athéisme nietzschéen, justifié
par un sursaut de l’humain
refusant la condamnation
de la vie, Pascal était loin
d’en prendre la mesure
et de nous aider à le penser.
(1) Rigorisme contre liberté morale,
lire « Pour aller plus loin» p. 30

L’homme, un être paradoxal
Si la pensée de Pascal est puissante,
c’est parce qu’elle refuse toute approche
unilatérale pour cultiver les paradoxes, manifes-
ter les contrastes. Dans sa description de l’homme,
on peut percevoir la trace du Pascal physicien : le
philosophe est sensible aux forces qui traversent
l’homme, aux tensions qui l’habitent, à ses élans
contradictoires. Écoutez donc cette étonnante énu-
mération par laquelle il le décrit : « Quelle chimère
est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel
monstre, quel chaos, quel sujet de contradictions,
quel prodige ? Juge de toutes choses, imbécile ver de
terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et
d’erreur, gloire et rebut de l’univers. Qui démêlera
cet embrouillement ? » (§123) ou encore : « Qu’est-ce
qu’un homme dans la nature ? Un néant à l’égard de
l’inini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre
rien et tout » (§185).
C’est dans la prise de conscience de cet entre-deux
que se situe la juste pensée de l’homme. « L’homme
connaît qu’il est misérable. Il est donc misérable
puisqu’il l’est, mais il est bien grand puisqu’il le
connaît » (§113). On lui doit aussi la célèbre compa-
raison de l’homme à un roseau pensant. « L’homme
n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature,
mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que
l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur,
une goutte d’eau suit pour le tuer. Mais quand l’uni-
Penser Dieu avec Blaise Pascal
vers l’écraserait l’homme serait encore plus noble que
ce qui le tue puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que
l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien » (§186).
Pour Pascal, l’homme est un «  roi dépossédé  »
(§108). Il est tiraillé entre le malheur de sa condi-
tion et le bonheur qu’il ne cesse de rechercher. Cette
soif de bonheur peut alors être décryptée comme la
trace d’un bonheur absolu perdu, d’un état origi-
nel, celui d’avant le péché et de la Chute. « Qu’est-ce
donc que nous crie cette avidité et cette impuissance
sinon qu’il y a eu autrefois dans l’homme un véri-
table bonheur, dont il ne lui reste maintenant que
la marque et la trace toute vide » (§ 138).
La nature de l’homme est paradoxale. Pascal le
montre à la fois misérable et grand, c’est-à-dire
contradictoire. Ni ange, ni bête, mais homme.
Capable d’un désir falsiié et du désir de Dieu. « La
présence de l’image de Dieu en l’homme est ce qui
conduit celui-ci à comprendre que son être même le
dépasse, fait remarquer Hélène Michon, maîtresse
de conférences à l’université de Tours, qui vient de
publier Se convertir à Dieu avec Blaise Pascal (lire
« Pour aller plus loin », p. 30). « De la même façon,
la présence de ce désir engage l’homme à conclure
à une inefabilité de la nature humaine, à une ou-
verture de celle-ci vers l’inini. » Le désir comme
l’image renvoient « à un autre que soi-même, lequel
vient d’ailleurs, mais nous constitue ».
L’HEBDO page 27
 Se rendre disponible à Dieu
Pascal n’entend pas prouver l’exis-
tence de Dieu, tâche trop exorbitante
pour la raison. Mais son propos est de déga-
ger l’espace pour rendre possible l’accueil de Dieu.
Puisque Dieu se donne uniquement par grâce,
qu’il est don gratuit, l’homme ne peut pas, par ses
propres forces, le rendre présent. Il peut néan-
moins se rendre disponible. « L’homme n’est pas
digne de Dieu mais il n’est pas incapable d’en
être rendu digne » (§224), écrit Pascal. Il doit
pour cela passer par un chemin d’apprentissage,
d’écoute, où Dieu est celui qui enseigne.
De quoi sera fait cet itinéraire ? Pour Pascal, il
passe par une pédagogie de la désorientation. La
méthode est rude, mais elle est cohérente avec
l’interlocuteur que Pascal s’est donné, un homme
coniant en ses propres moyens, fermement as-
suré sur sa raison, et qui se croit maître de l’uni-
vers comme il se croit maître de lui-même. Aussi
le philosophe cherche-t-il à ébranler sa dou-
teuse coniance en lui. « S’il se vante, je l’abaisse ;
s’il s’abaisse, je le vante ; et le contredis toujours,
jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre. »
Ce chemin vers Dieu passe aussi par un renonce-
ment aux passions. Pour Pascal, « l’impuissance à
L’HEBDO page 28
croire vient de (nos) passions ». D’où son conseil :
« Travaillez donc non pas à vous convaincre par
l’augmentation des preuves de Dieu, mais par la
diminution de vos passions » (§397). Ce chemin
implique des eforts, il sera douloureux, ne cache
pas le philosophe, « mais cette peine ne vient pas
de la piété qui commence d’être en nous, mais de
l’impiété qui y est encore » (§514).
Au cœur de l’exercice vient la pratique de « se
haïr », répété à plusieurs reprises dans les Pensées.
À distance des interprétations simplistes et lit-
téralistes, l’historien de la philosophie Vincent
Carraud a précisé la nature et le périmètre de cette
haine de soi dans son ouvrage de référence Pascal
et la philosophie (lire « Pour aller plus loin », p. 30).
« Il importe de distinguer un bon et un mauvais
usage de l’amour de soi, souligne-t-il. L’amour de
soi est haïssable en tant qu’il relève de l’usurpation
et de la tyrannie qui porte le moi à se faire Dieu (…).
L’amour de soi est donc haïssable quand le moi se
substitue à ce qu’il n’est pas, Dieu. C’est pourquoi
il faut haïr dans l’amour de soi l’instinct qui porte
le moi à se prendre pour Dieu en voulant se faire
centre : non pas haïr le moi (comme Pascal l’écrit
souvent en un raccourci saisissant), mais haïr en
 Penser Dieu avec Blaise Pascal

moi l’amour de moi usurpateur. (…) Le moi est le
lieu d’un amour de soi – qu’il faut haïr s’il est ty-
rannique, mais aimer s’il est correctement réglé. »
Pour Pascal, la pensée est embarquée dans ce mou-
vement vers Dieu. « Je ne puis concevoir l’homme
sans pensée. Ce serait une pierre ou une brute »
(§102), souligne-t-il en airmant nettement la
dignité de la pensée. Ce ne sont toutefois pas les
eforts qui mènent à la rencontre avec Dieu, pas
plus que le raisonnement. La foi est un mouvement
du cœur. Au milieu de tous les écrits défensifs de
la religion chrétienne qui sont contemporains aux
Pensées, le projet de Pascal se distingue « en mini-
misant la part de la raison et des procédés de per-
suasion. Il travaille davantage à toucher et dispo-
ser le cœur qu’à convaincre et persuader l’esprit »,
indique le philosophe Pierre Lyraud, professeur
adjoint à l’université de Montréal, également au-
teur d’un ouvrage sur Pascal (lire « Pour aller plus
loin », p. 30).

Accueillir le Dieu de Jésus-Christ

Qui est le Dieu de Pascal ? Pour l’en-
trevoir, laissons-nous guider par un
texte à part, appelé le Mémorial, témoignage
d’une expérience spirituelle décisive, datée par lui-
même du 23 novembre 1654. Pascal conservait sur
lui ce papier, tout à la fois « document, monument,
argument », selon le philosophe Pierre Lyraud. Il
l’avait cousu dans son pourpoint, en deux versions
– le papier et le parchemin –, le replaçant à chaque
fois qu’il en changeait. Son contenu ne fut décou-
vert que quelques jours après sa mort. Dans ce
texte sobre et poignant, Pascal évoque une nuit de
« feu », sous la forme d’une méditation spirituelle,
qui commence par ces premières lignes :
« Feu
Dieu d’Abraham. Dieu d’Isaac. Dieu de Jacob
non des philosophes et des savants
Certitude, joie, certitude, sentiment, vue, joie
Dieu de Jésus-Christ. »
Le Dieu de Pascal se présente comme celui de
Jésus-Christ, mais tout autant que celui de l’Ancien
Testament. Il est le Dieu annoncé par les prophètes,
dévoilé par les Écritures, reconnu dans l’Évangile.
S’il n’est pas le Dieu « des philosophes », c’est

L’HEBDO page 29
 parce qu’il est le Dieu vivant, celui qui se ma-
nifeste et vient au-devant des hommes. Celui qui,
depuis les débuts de l’histoire sainte prend l’initia-
tive de l’alliance, car Dieu se plaît à se communi-
quer aux hommes.
Le texte se poursuit par l’évocation des consé-
quences de cette révélation. «  Oubli du monde
et de Tout hormis DIEU », « renonciation totale
et douce », affirmation du caractère central de
l’Évangile, perception de la « grandeur de l’âme
humaine », sentiment efusif de la joie.
Pascal ne s’empare pas de Dieu. Il se laisse conqué-
rir, livré dans une renonciation totale. La joie – le
terme est répété sept fois dans la version du par-
chemin – peut accompagner cette « renonciation
douce et totale », puisque « Jésus-Christ est un Dieu
dont on s’approche sans orgueil et sous lequel on
s’abaisse sans désespoir », écrira plus tard Pascal
dans les Pensées (§198).
La théologie de Pascal est centrée sur le Christ,
unique médiateur entre Dieu et les hommes, et la
tonalité qui domine est celle de la Passion. Dans le
Mémorial, Pascal s’accuse d’avoir « fui, renoncé,
crucifié  » Jésus-Christ, comme s’il se situait
dans le groupe des disciples endormis au jardin
de Gethsémani ou parmi les soldats romains le
clouant sur la croix.
Dans les Pensées, le philosophe déploiera une mé-
ditation profonde sur la Passion du Christ, évoquée
avec une rare puissance de suggestion. Il invitera
l’homme à ofrir sa présence au Christ soufrant,
comme si, chaque jour, s’actualisait le Vendredi
saint. « Jésus cherche de la compagnie et du soula-
gement de la part des hommes. Cela est unique en
toute sa vie, ce me semble, mais il n’en reçoit point,
car ses disciples dorment. Jésus sera en agonie
jusqu’à la in du monde. Il ne faut pas dormir
pendant ce temps-là » (§717). Assurément, Pascal
veille et ne veut pas dormir. « Je m’en suis séparé/
que je n’en sois jamais séparé », écrit-il dans la
langue des mystiques, qui unit le manque et le dé-
sir de l’union à Dieu.

LUS LOIN
POUR ALLER P
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André Le Gall « Les Provinciales », actualité
Flammarion, coll. « Grandes d’une polémique antijésuite
biographies », 608 p., 26 € Paul Valadier
Pascal Lessius, 118 p., 12 €
Pierre Lyraud Philosophie de Pascal.
Cerf, 192 p., 14 € Le principe d’inquiétude
Voilà ce que c’est que la foi Laurence Devillairs
15 textes de Pascal PUF, 372 p., 24 €
présentés et commentés Pascal et la proposition
par Jean de Saint-Cheron chrétienne
Salvator, 206 p., 17,90 € Pierre Manent
Se convertir à Dieu Grasset, 432 p., 24 €
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Éd. du Carmel, 224 p., 21 € PUF, 492 p., 25 €
Pascal, de la certitude
À lire sur la-croix.com Vincent Carraud
Une présentation de ces ouvrages PUF, 492 p., 36 €

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L’HEBDO page 30
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LE MONDE ?
’est dans un lieu particulièrement
C
symbolique, l’ancien siège de la
Bourse, à Paris, que se tiendra, les 22
et 23 juin prochains, le Sommet pour
un nouveau pacte inancier mondial,
voulu par Emmanuel Macron. Il vise
à aider les pays en développement.
« Nous voulons créer un choc de inan-
cement, pour qu’aucun pays ne se trouve obligé de
choisir entre investir pour le climat et la nature, et
lutter contre la pauvreté. Nous voulons une crois-
sance verte et juste », déclare l’Élysée. Ce sommet
réunira des chefs d’État, des représentants d’ONG,
d’organisations internationales. Mais aussi des
responsables de grands fonds d’investissement
privés.
Ces derniers, pourtant, n’ont pas bonne réputation.
Ils sont souvent décrits comme peu soucieux d’éco-
logie et privilégiant la rentabilité à court terme. On
se souvient de la phrase de François Hollande, lors
de sa campagne électorale de 2012 : « Mon véritable
adversaire, c’est le monde de la inance. » Emmanuel
Macron, au contraire, croit en la possibilité d’en-
traîner les fonds privés dans une autre logique,
pour qu’ils investissent dans les pays pauvres.
L’HEBDO page 32
Les moyens inanciers disponibles dans
le privé sont, en efet, sans commune me-
sure avec ceux du public. Et compte tenu
de l’ambition –  on évoque le chiffre de
1 000 milliards de dollars par an néces-
saires – cela ne peut être possible sans eux.
Mais pour que cela fonctionne, il y a de
multiples obstacles, qui feront l’objet d’un
examen lors de ce sommet. Il faut d’abord
un efort des pays en développement eux-mêmes,
ain qu’ils sortent d’une logique d’aide, pour s’ou-
vrir à celle de l’investissement privé.
Car les investisseurs privés demandent de la trans-
parence et de la cohérence. « Il y a du potentiel
en Afrique pour des investissements rentables »,
estime un banquier suisse, gérant les fonds de
familles fortunées. « Ce qui manque, c’est davan-
tage un leadership politique. Si l’Afrique est capable
de s’unir pour proposer un projet, elle sera plus
attractive. Et alors, beaucoup de capitaux pour-
raient se diriger vers ce continent. »
Ce qui fait défaut également, c’est la sécurité. Les
grands fonds d’investissement qui gèrent les re-
traites de millions d’épargnants hésitent à s’aven-
turer dans les pays pauvres. Ils craignent l’instabi-
lité politique, la variation du cours des monnaies
locales, la complexité des réglementations.
Et la hausse actuelle des taux d’intérêt dans les pays
développés n’aide pas à surmonter ces réserves :
« Actuellement, pourquoi aller prendre des risques
pour investir en Afrique si vous avez des obligations
du Trésor qui vous rapportent 3 % sans risque ? »,
s’interroge Bertrand Badré, ancien directeur
général de la Banque mondiale.

« SI L’AFRIQUE EST CAPABLE
Il y a cinq ans, ce
DE S’UNIR SUR UN PROJET,
dernier a créé un
fonds d’investisse-
ELLE SERA PLUS ATTRACTIVE. »
ment responsable. Il s’est fait un métier, depuis,
de convaincre les acteurs du privé que cela peut
être intéressant de miser sur les pays en dévelop-
pement. Et pour que cela fonctionne, il explique
qu’il faut que les acteurs publics, comme la Banque
mondiale ou l’Agence française de développement
(AFD), accordent des garanties ain de mettre en
place des partenariats public-privé (PPP).
Ces dispositifs existent déjà, mais à une trop pe-
tite échelle. « Il faut les simpliier, n’avoir qu’un
seul guichet, avance-t-il. Que la Caisse des dépôts
du Québec, par exemple, qui gère des centaines de
milliards, sache où s’adresser si elle veut se protéger
dans de bonnes conditions. Et aussi résoudre le pro-
blème du léchage, car cette même caisse ne peut pas
savoir qu’il y a une opportunité d’investir dans une
PME d’Abidjan… » Pour cela, il faudra davantage
de tiers de coniance, comme des banques locales
ou des acteurs spécialisés.
Un autre obstacle, enin, est l’absence de déinition
universelle en matière d’investissements clima-
tiques. Chaque organisation ou pays a développé
La conversation
SARAH BOUILLAUD POUR LA CROIX L’HEBDO
ses propres normes.
«  Le problème est
que bien souvent, ces
investissements dits ”verts” ne vont pas au bon
endroit  », relève Patrick McCully, analyste de
l’ONG Reclaim Finance. Il cite le cas de fonds japo-
nais qui ont ini par permettre l’extension d’un
aéroport en Égypte, ou bien de fonds italiens qui
ont servi au développement d’un réseau de maga-
sins de glaces et de chocolats en Asie… Rien d’illé-
gal : dans ces quelques cas révélés par une enquête
de l’agence Reuters, les investisseurs privés uti-
lisent les lacunes de la réglementation pour habil-
ler de vert un projet déjà conçu. Tout le contraire
de ce qui serait souhaitable…
« Il faudrait des règles plus strictes au niveau des
institutions inancières », indique Patrick McCully.
Mais dans le même temps, il reconnaît, lui aussi,
qu’il sera « diicile de faire face à l’ensemble des
besoins de inancement des pays défavorisés sans
faire appel à l’argent du privé ».
Alain Guillemoles
L’HEBDO page 33

Anne-Sylvie Malbrancke
Retour de terres inconnues
SOURCE : ANNE-SYLVIE MALBRANCKE
L’AUTRICE
Avant de bifurquer
vers l’anthropologie,
Anne-Sylvie Malbrancke
a d’abord été diplômée
de l’École normale
supérieure en lettres
et sciences humaines.
C’est pour marcher dans
les pas de Maurice Godelier,
dont le travail auprès
des Baruya a marqué
l’anthropologie française,
que la chercheuse a choisi
cette discipline.
Elle a également dirigé
la série documentaire
Rituels du monde, diffusée
en 2020 sur Arte.
LE CONTEXTE
L’anthropologue rapporte
ses expériences sur
le terrain. Elle a vécu
à trois reprises au sein
de tribus dans les Hautes-
Terres de Papouasie-
Nouvelle-Guinée.
Une première fois à 25 ans
chez les Baruya entre
avril 2013 et avril 2014
(une période divisée
en deux séjours de neuf
et trois mois), puis chez
les Gebusi lors des étés
2016 et 2017, pendant huit
et douze semaines.
L’HEBDO page 34
ON L’A LU
I
maginez-vous au cœur de la forêt pri- rencontrées. Le mythe du « bon sauvage », dans
maire de Papouasie-Nouvelle-Guinée. la culture occidentale, c’est l’idée qu’il existe
Végétation luxuriante, pentes boueuses quelque part des êtres humains épargnés de
et cris d’animaux vous entourent. Au toute inluence de la modernité. Ils incarne-
loin, un village. Songez maintenant raient ainsi une humanité à l’état de nature
aux habitants qui le peuplent. Pour se igurer par essence bienveillante. L’angoisse d’Anne-
une apparence, un langage ou des interactions Sylvie Malbrancke est alors de porter sur ces
sociales, l’esprit occidental puise dans ses ré- tribus un regard préalablement bon qui biaise-
férences. Un imaginaire tenace qui façonne rait son étude. Mais la chercheuse reconnaît ses
notre vision du monde et s’en défaire est d’une limites et son erreur. « J’avais bel et bien “bon
diiculté mésestimée. sauvagisé” les Baruya, et je leur en voulais de ne
L’anthropologue Anne-Sylvie Malbrancke ra- pas vivre à la hauteur de mes espérances, moi qui
conte comment, malgré ses eforts, son idée leur fantasmais une vie sociale aussi riche que le
des Baruya et des Gebusi – deux réclamait ma thèse. »
tribus papoues dans lesquelles S’il est si difficile de se déta-
elle a vécu – a perturbé son tra- cher de ses idées préconçues,
vail d’observation. Elle pointe en à quoi sert donc l’anthropolo-
creux l’ethnocentrisme, prisme gie ? L’autrice y consacre un cha-
de lecture qui tend à faire de pitre, clairvoyante sur l’image
nos repères culturels une norme que son expérience pourrait ren-
universelle. voyer. Elle reprend les mots de
Pour interroger notre rapport à Maurice Godelier, figure fran-
l’autre, Les Désillusions de l’ail- çaise de la discipline dont la
leurs s’appuie sur le récit d’im- chercheuse a prolongé le travail
mersions de terrain. Un carnet chez les Baruya, pour se justi-
de bord linéaire qui, s’il oblige à ier. « L’anthropologie est plus im-
faire un pas de côté quand l’au- Les Désillusions portante que jamais parce qu’elle
trice évoque des questions plus de l’ailleurs. nous permet de voir que notre
théoriques, a le mérite de racon- Chroniques d’une monde n’est pas le seul viable. »
ter une histoire. Jour après jour anthropologue En outre, elle prouve qu’aucune
se révèle l’aventure qu’a vécue la en Papouasie, société n’est un état de fait et que
jeune chercheuse. Les kilos de PUF, 224 p., 17 € toutes résultent d’une évolution.
matériel abandonnés pour allé- L’arrivée discrète mais progres-
ger l’avion, la diète aux patates douces ou l’ir- sive de l’individualisme chez les Gebusi en est
ruption fortuite d’un serpent lors d’un passage un exemple. Elle amorce un changement dans
nocturne aux sanitaires communs. L’ouvrage les rapports sociaux et en particulier dans la
fourmille d’anecdotes qui ne manquent pas place des femmes.
d’évoquer, pour le lecteur dans son canapé, Avec cet ouvrage, Anne-Sylvie Malbrancke
« l’Ailleurs » tant étudié. propose comme une introduction, prenante
Lucide sur ses réussites et ses échecs, Anne- et éclairante, à la discipline de Lévi-Strauss.
Sylvie Malbrancke conie tout des doutes qui Avec intelligence, elle permet de mesurer la
agitent un anthropologue sur le terrain. Cette puissance de notre ethnocentrisme. Celui-ci,
plongée sincère dans un champ de recherche assure la chercheuse, « se loge partout. Il n’a
méconnu est un vrai succès. L’autrice partage pas besoin d’être spectaculaire ni même raciste,
ses interrogations quotidiennes et notamment simplement il est là, comme un rélexe ».
sa crainte de « bon sauvagiser » les populations Louis Faurent
 otes
Le bloc-n
UN SOUDAIN
VOUVOIEMENT
Frédéric Boyer, écrivain
« Merci, monsieur. » Ce sont les mots
cérémonieux de ma mère quand je lui
ai offert des viennoiseries, en lui ren-
dant visite, rue de Colmar à Paris, dans
son Ehpad. J’ai écrit à mon frère : « Elle ne
me reconnaît plus. » Message accompa-
gné d’un smiley dépité (moi qui déteste les
smileys). Ce n’était pas tout à fait vrai, au bout
d’une heure passée ensemble, alors qu’elle ouvrait
grand ses yeux de surprise et d’inquiétude, elle a
fini par esquisser un sourire vague. Auquel je me
suis accroché comme un naufragé à sa bouée.
Sourire suivi de quelques minutes loufoques et
cruelles. Ma mère me complimenta : « Vous êtes
un beau jeune homme. » Elle ne m’a pas entendu
lui répliquer que j’avais soixante-deux ans… Ce
soudain vouvoiement était une forme de distance
protectrice, un voile dans la langue que maman
posait entre moi et sa déchéance. Quand je pris
congé d’elle, maman me lança : « Dites bien bon-
jour de ma part à votre maman. » C’était irrésis-
tible de détresse et d’humour. Comme si la perte
de mémoire et de conscience s’accompagnait
d’une dénégation émouvante, témoin du travail
de l’amour jusque dans les ténèbres qui gagnent.
J’ai compris qu’elle me parlait d’elle à la troisième
personne. La même qu’elle n’était déjà plus et une
autre qu’elle n’était pas non plus. Seul moyen dans
son état de signifier quelque chose de l’amour et
de la tendresse. J’ai ri dans ma peine et elle m’a
souri une deuxième fois.
En rentrant chez moi, je me suis interrogé sur
le sens de sa vie à présent. Trouvant dérisoire
de m’accrocher ainsi à cette question. Ces der-
nières années, j’ai pu écrire que la vie était un fauve
qui nous dévorait. Une force sauvage plus grande
que nous, que nous tentons d’apprivoiser toute
notre existence durant, comme ma mère à pré-
sent, jusqu’aux dernières limites, dans des quipro-
quos déchirants et drôles à la fois, pour arracher
dans le crépuscule quelques lambeaux
BRUNO LEVY
de signification. Et j’ai retourné la ques-
tion. Quel sens y avait-il à venir encore
rendre visite à ma mère ? Est-ce scan-
daleux et immoral de poser la ques-
tion ? Je ne m’y sens pas obligé par de-
voir, ni par intérêt, ni pour aucune raison
objective ou morale. J’agis par amour. C’était
la seule réponse possible. Et la raison de l’amour
ne relève pas d’abord d’impératif moral ou d’un
intérêt quelconque. J’agis par amour pour ne pas
éteindre l’amour. Sachant que les actions moti-
vées par l’amour ne sont pas justifiées nécessaire-
ment (l’amour peut être mal placé, dévoyé), mais
leur fin est de ne rien abandonner de notre huma-
nité, parfois dérisoire et faible.
La lente déchéance de ma mère est digne
d’amour. Follement digne d’amour. Jusque dans
son expression cocasse et infirme. Je veux dire
que lorsque nous parlons un peu inconsidérément
du « sens de la vie », nous oublions de dire que nous
avons à le penser, et surtout à le vivre, jusque dans
la détresse et le non-sens. Et c’est peut-être quand
nous sommes enclins à décider que la vie n’a plus
de sens que l’on doit faire l’effort de trouver du sens
là où nous préférerions ne pas en trouver. Notre hu-
manité est à ce prix. C’était la leçon de ma mère
ce jour-là. Une petite leçon de grammaire en pas-
sant par le vouvoiement et des figures d’énoncia-
tion qui, si je les écoutais avec amour, perçaient le
mur du chagrin et du renoncement. Ce qu’elle ne
peut plus exprimer comme autrefois, ma mère l’ex-
prime malgré tout en passant par d’autres formes
de l’énonciation, qui marquent certes sa désorien-
tation, mais qui parviennent in extremis à dire ce
qu’elle ne peut plus dire. Le miracle ici, c’est qu’il y
ait encore un langage entre nous. Son vouvoiement
est comme le signe de l’amour qui veut se dire, qui
persiste jusque dans la décohésion ou l’étrangeté
dans laquelle sombre son existence.
L’HEBDO page 35
 S POUR AGIR
DES IDÉE

JULIEN DOROL/SDP
MÉDIAS

Se prémunir
contre le « bruit
informationnel »
Surabondance d’infos, notiications
incessantes, pièges à clics, contenus
générés par des IA automatisées…
Ce « bruit informationnel » fatigue
notre cerveau. Saturé, il ne parvient
plus à faire le tri et à prendre les bonnes
décisions. Atteint par le phénomène,
l’ancien journaliste Benoît Raphaël vient
de publier Information : l’indigestion,
véritable « manuel pour penser
par soi-même dans le chaos de l’info ».
Un passionnant voyage plein d’humour
et de sagesse au bout de l’information,
FESTIVAL
des algorithmes et du fonctionnement
cérébral. Avec à la clé, une diète cognitive
et des déis pour mieux s’informer.
Célébrer
Éditions Eyrolles, 320 p., 19 €
la nature par l’art
La vallée de la Clarée (Hautes-Alpes) sera animée cet été ! Et pour cause :
après une première édition couronnée de succès, le Terre Sauvage
Festival revient du 7 au 9 juillet et implante son « camp de base » près
de Névache, petite commune de 350 habitants. La nature, sous toutes
ses formes, sera au cœur de cet événement festif et convivial : ateliers,
randonnées, photographie, installations
artistiques, concerts, spectacles vivants,
projections de ilms, etc. L’occasion
de rencontrer de nombreuses
personnalités, comme la philosophe
Vinciane Despret, la militante écologiste
Camille Étienne ou encore Vincent Munier
et Marie Amiguet, coréalisateurs du ilm
La Panthère des neiges (2021) avec Sylvain
Tesson, qui sera projeté le 8 juillet.
terre-sauvage.com/festival

L’HEBDO page 36

ADOBESTOCK
UE
FINANCE ÉTHIQ
CHOISIR LE
« BIG BANQUE »
La Nef est un établissement à part dans
un secteur, la banque, hautement responsable
des émissions de gaz à efet de serre.
Coopérative et citoyenne, la Nef inance
exclusivement des activités à impacts positifs
dont la liste intégrale est publiée chaque
année. Créée en 1986, elle lance un projet
à la hauteur de l’urgence climatique et sociale :
le Big Banque, ain de décupler son action,
tout en restant éthique et indépendante.
Ce changement d’échelle est notamment
destiné à élargir l’ofre bancaire au quotidien
avec un compte et une carte de paiement
pour les particuliers. Mais implique
une augmentation signiicative de son capital,
avec un objectif de 30 millions d’euros, via
les sociétaires. La Nef, qui a déjà récolté
17 millions d’euros, vise 19 millions d’ici
au 15 juillet. Pour les citoyens qui souhaitent
passer à l’action, elle propose des parts
sociales pour soutenir le Big Banque,
un livret pour décarboner leur épargne
et une pré-inscription à un futur compte
de paiement.
lanef.com
S
TECHNOLOGIE
Mettre à proit
ses compétences
numériques
Des pros du numérique qui aident des associations à la traîne
dans ce domaine. Tel est le cœur d’activité de Latitudes, dont
les équipes ont déjà apporté leur soutien aux Restos du cœur
pour analyser leurs données, créé une appli pour une structure
d’accompagnement de sans-abri et imaginé un site pour
calculer l’empreinte carbone d’une ferme. Pour aller plus loin,
l’association recrute 1 000 nouveaux bénévoles partout
en France. Nul besoin d’être un roi du code ! Ceux qui n’ont
pas de compétence numérique particulière pourront en efet
animer des ateliers de sensibilisation dans les lycées
et les entreprises sur les enjeux sociaux et écologiques liés
au numérique. Des stages de formation sont prévus.
Inscription sur latitudes.cc
APIDV
HANDICAP
Faciliter la vie des
étudiants malvoyants
Le chômage touche une personne aveugle ou malvoyante en âge
de travailler sur deux. Or, seulement 7 % de l’ofre éditoriale
française (de la littérature pour l’essentiel) leur est accessible,
ce qui rend diicile la poursuite des études. L’association
apiDV (Accompagner, promouvoir et intégrer les déicients
visuels) a créé Transcriptio, un service personnalisé
de transcription de documents et d’ouvrages, ain de faciliter
le cursus des étudiants. Il répond à diférentes demandes : gros
caractères, format audio, textes en relief thermo-gonlés, etc.
Pour adapter les documents, l’apiDV forme des bénévoles
en une demi-journée. La rigueur et
l’appétence pour l’outil informatique sont
bienvenues, ainsi que des compétences
en économie, langues étrangères,
arts, etc. L’association recherche
en particulier des bénévoles à l’aise
avec les documents scientiiques.
apidv.org
L’HEBDO page 37
JEROME HABASQUE

ENT
ENVIRONNEM

Lutter contre
l’érosion
du littoral
Avaler, au pas de course, les 2 100 km du GR34,
en Bretagne : c’est le pari de Nicolas Vandenelsken
et de son association Uni-Vert Sport, qui ont
baptisé l’opération « Rand’eau Raid ». Du départ
au Mont-Saint-Michel, le 31 mai, à l’arrivée
le 24 juin à Saint-Nazaire, le coureur entend,
en efet, sensibiliser la population aux enjeux
écologiques de l’eau : l’érosion du littoral,
la montée du niveau de la mer et la sécheresse.
Le trentenaire, aventurier du mouvement
Sport Planète, sera suivi – à vélo ! –, par deux
compagnons de route, qui iront porter
les messages dans des écoles situées près
du parcours. La somme récoltée par la cagnotte
en ligne sera reversée aux associations bretonnes
qui luttent pour la protection de l’environnement.
linktr.ee/randeauraid

JEUNESSE Réagir face au

cyberharcèlement
20 % des jeunes de 8 à 18 ans disent avoir été confrontés
au cyberharcèlement : messages dévalorisants et haineux sur
les réseaux sociaux, « revenge porn » (exposition en ligne de l’intimité
d’une autre personne sans son consentement, NDLR), chantage
à la webcam, usurpation d’identité, violences à caractère sexiste
ou sexuel, exposition à des contenus violents… Avec des conséquences
sur la santé mentale. Pour y faire face, le numéro national
3018 a été créé (gratuit, anonyme et conidentiel).
Il permet de signaler toute situation de harcèlement,
d’obtenir des conseils ou encore d’assurer une prise
en charge des jeunes victimes. Son équipe (composée de juristes,
psychologues et experts numériques) est joignable 7 jours sur 7 par
les enfants et les parents. Le 30 18 se décline aussi en une application gratuite,
avec quatre fonctionnalités clés : mise en relation avec un professionnel,
stockage des preuves (captures d’écran, photos, liens URL, etc.), accès
à des iches d’information et quiz d’autoévaluation « Suis-je harcelé ? ».
3018 par téléphone, sur 3018.fr et application sur App Store et Google Play

Pages réalisées par Marine Lamoureux avec Aude Carasco, Louis Faurent, Joseph Le Fer et Corinne Renou-Nativel

L’HEBDO page 38
 par semaine
Une foi
ANNECY, LE (MAUVAIS)
RÔLE DES RELIGIONS
Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à La Croix
À force de vouloir évacuer le religieux
du débat public, il revient, et à vrai dire,
sous un mode un peu nauséabond.
Après le drame d’Annecy, toute la pa-
lette de la récupération religieuse s’est
jouée, de manière souvent indécente.
Tout d’abord, l’annonce d’une attaque au
couteau par un migrant syrien a immédiate-
ment été suivie de la question désormais habi-
tuelle : s’agit-il d’un acte terroriste ? Et donc, par
« déduction logique », d’un musulman ? Sauf que
le tueur a crié, non pas « Allah Akbar » mais « In the
name of Jesus Christ ». Il n’en fallait pas moins pour
que les chaînes d’information en continu mettent
le focus sur les « chrétiens d’Orient » de Syrie,
comme s’il y avait là une explication à un geste
qui reste tout de même largement du domaine de
l’inexplicable et invite plus au silence douloureux
qu’à l’extrapolation hasardeuse.
Ensuite, il a été révélé qu’un jeune catholique, dé-
nommé Henri, qui fait un tour des sanctuaires de
France avec son sac à dos, se trouvait parmi ceux
s’étant courageusement interposés. La même ma-
chine s’est remise à fonctionner, à l’envers. Voilà un
bon chrétien, ont commencé à bruisser les réseaux
sociaux dans le milieu catho, n’hésitant pas à faire
du jeune homme leur super-héros aux couleurs
de la foi. À l’inverse, dans le quotidien Libération,
une chronique de Daniel Schneidermann, plus
bête que méchante, a cru bon d’ironiser, et sous
le titre « Henri d’Arc, un héros chez Bolloré », de
caricaturer le jeune homme, ses convictions reli-
gieuses et ses réponses sur CNews, la télévision
détenue par Vincent Bolloré. On ne peut s’empê-
cher de penser que si Henri avait été un musulman
de couleur, jamais Libé n’aurait laissé passer cela…
François Bayrou, dans Les Échos de lundi, a eu rai-
son de dénoncer « la vague d’absurdités » suscitée
par l’attaque au couteau d’Annecy, et de renvoyer
dos à dos « ceux qui auraient voulu que l’assaillant
soit musulman », et ceux qui, après l’intervention
du jeune catholique, « voudraient nous en-
BRUNO LEVY
traîner dans le prosélytisme religieux »,
alors que son geste est d’abord celui « de
quelqu’un qui est responsable devant les
siens, ses frères humains ». On ne saurait
mieux dire. Cette tendance, de plus en
plus affirmée, à vouloir mettre la confes-
sion religieuse en exergue, soit pour encen-
ser, soit pour ostraciser des personnes, est in-
quiétante. Elle montre comment une forme de
communautarisme guette notre pays…
Au fond, la meilleure réponse à ce drame nous est
venue involontairement de l’aéroport de Roissy,
le lendemain soir de l’agression. Une délégation
d’une association chrétienne, la communauté de
Sant’Egidio, accueillait quatre familles de réfu-
giés… syriens. Ces derniers arrivaient d’un camp
de Beyrouth par la procédure dite des « couloirs
humanitaires », qui fait venir en France, par avion,
des familles dont la situation a été examinée sur
place, éligibles à l’asile, avec l’accord des autori-
tés françaises. L’intérêt est justement d’éviter les
trajets périlleux en Méditerranée, le passage par
des réseaux de mafieux, les maltraitances dont
certains ne ressortent pas indemnes… À Roissy, il
y avait donc des bénévoles, mais aussi une repré-
sentante du ministère de l’intérieur, qui a souhaité
la bienvenue à ces familles, les remerciant même
« d’avoir choisi la France ». Personne, alors, ne
s’est posé la question de la religion des familles
accueillies, ni de qui que ce soit. C’était juste
une histoire d’hommes et de femmes, une his-
toire de solidarité. Et là aussi, comme pour Henri,
une histoire de responsabilité : celle de l’associa-
tion qui va assurer le suivi et l’intégration de ces
familles. Celle de l’État, qui a donné son accord.
Et enfin celle de ces parents, qui ont pris la lourde
décision d’emmener leurs enfants loin de la guerre
et de leur pays, pour ce voyage sans retour, tout
leur passé se résumant alors, ce vendredi soir, aux
23 kg de bagages autorisés par personne…
L’HEBDO page 39
 LS D’ÉTÉ
FESTIVA

Parties de
CAMPAGNE
Ralentir

Cette année, loin d’Avignon et des

grands « shows » de l’été, L’Hebdo
a sélectionné des événements
organisés dans des communes
de moins de 2 000 habitants.
Quand festival rime avec local
et artisanal.
« Au foin de la
ALEKSADRA DANZANTA

rue », petite jauge et grandes valeurs
Lancé en 2000, en Mayenne, dans un village
de 1 500 habitants à vocation agricole, ce festival de musique
« éthique et éclectique » a pris une ampleur nationale,
sans rien renier de ses valeurs originelles.
n l’imagine volontiers, en-
O
fant, en train de peindre les
décors de la toute première
édition du festival Au foin de
la rue, en 2000, dans le bourg
de Saint-Denis-de-Gastines
(Mayenne), situé à une quarantaine
de kilomètres de Laval. Aujourd’hui,
François Mareau a 32 ans, exerce le mé-
tier d’aide-soignant et en est devenu le
coprésident. « Je n’ai raté aucune édition,
sourit-il. Au départ, c’était un peu comme
une Fête de la musique sur une jour-
née. » Quand il fait visiter ses ateliers,
installés dans une ancienne école un
brin délabrée, le bénévole conserve une
étincelle juvénile dans les yeux.
Dans ce bric-à-brac, un dragon en pa-
pier mâché attend d’être installé sur le
bar central de ce festival en plein air,
qui s’étend sur 12 hectares de champs
agricoles en lisière du bourg. Pour sa
22e édition, les 7 et 8 juillet, il accueil-
lera des têtes d’aiche comme le duo
Biglo & Oli, Jeanne Added ou Hubert-
Félix Thiéfaine, et des artistes émer-
gents comme Zaho de  Sagazan ou
Astéréotypie, groupe formé de rockeurs
BENOIT 2 BS
autistes. Une programmation éclec-
tique qui fonde l’identité de cet événe-
ment, allant du rap à la chanson fran-
çaise en passant par le rock, l’électro ou
les musiques du monde.
Dans cette commune de 1 500 âmes aux
maisons en pierres grises, le goût de
s’investir pour le territoire se transmet
de génération en génération. « On a une
vie associative très riche et des bénévoles
qui cumulent les engagements dans le
monde agricole, sportif ou culturel »,
poursuit François Mareau. Fort d’une
équipe de cinq salariés, qui passe à onze
à partir du printemps, Au foin de la rue
s’appuie sur 1 200 bénévoles. La moi-
tié d’entre eux viennent des environs
et l’autre du reste de la France, comme
le public du festival : « Ce sont souvent
 RTIES DE CAMPAGNE
PA
des gens nés ici qui sont partis vivre ailleurs et re-
viennent dans leur famille pour l’occasion. »
L’événement a pris de l’ampleur au il des ans, fran-
chissant un cap en 2009, avec la venue du groupe de
rap marseillais IAM. « Cette année-là, on a accueilli
18 000 personnes sur deux jours, c’était costaud. »
Pas question de grandir davantage. Pour continuer
à faire vivre ses deux valeurs initiales : l’inclusion
de tous les publics et le développement durable.
« Beaucoup de festivals mènent des actions dans
ces domaines, mais nous avons longtemps été pion-
niers », souligne Lisa Bélangeon, coordinatrice gé-
nérale de l’association, qui travaille avec une tren-
taine de structures sociales et médico-sociales.
Adapté à tous les handicaps
Chaque année, par exemple, ce sont les résidents
d’une maison de retraite, épaulés par une art-thé-
rapeute, qui participent à la décoration du bourg,
notamment la rue de Bretagne, son artère princi-
pale. Pour la scénographie, des jeunes d’une struc-
ture médico-sociale viennent toute l’année dans
les ateliers, puis participent au montage des instal-
lations. Sur place, les concerts sont adaptés à tous
les handicaps – concerts chansignés (en langue
des signes), gilets vibrants, espaces de pauses so-
nores, roues Lomo pour rendre les fauteuils rou-
lants tout-terrain…
Côté environnemental, des bénévoles aux tee-
shirts jaunes appelés « les Michel » ont pour mis-
sion de sensibiliser le public au tri. Depuis 2016,
l’équipe a réduit de dix tonnes les déchets ména-
gers produits pendant le festival, qui se fournit
en circuit court et bannit le plastique jetable. Les
énergies fossiles sont économisées au maximum
et le camping éphémère, qui accueille les tentes
ou camions des festivaliers sur un pré où paissent
des vaches le reste de l’année, fonctionne à l’éner-
gie solaire. Le covoiturage est encouragé et des na-
vettes sont mises en place depuis la gare de Laval.
Des animations tout au long de l’année
Autre grand déi du festival : continuer à faire ve-
nir des artistes reconnus sans mettre en péril son
équilibre économique, qui repose sur 20 % de i-
L’HEBDO page 42
PHOTOS ALEKSADRA DANZANTA
nancement public et 80 % d’autofinancement. Accessibilité à tous
« Depuis 2018, les cachets des artistes ont aug- les publics, lutte contre
menté de 45 % », relève Lisa Bélangeon, qui pointe le gaspillage, art
la mainmise de groupes inanciers sur de nom- de la récup’, artisanat
breux événements. Les tarifs ont donc légèrement et arts : à Saint-Denis-
augmenté pour atteindre 40 € la journée et 69 € le de-Gastines l’inventivité
pass de deux jours. Des billets à 1 et 2 € ont aussi est omniprésente.
été mis en place pour les moins de 15 ans. « Avec le
Covid, les jeunes n’ont pas pris le pli d’aller en fes-
tival, poursuit la coordinatrice. C’est à nous d’aller
les chercher. »
Au-delà de ces deux jours de fête, des rendez-vous
culturels animent toute l’année la commune et ses
alentours : soirée ciné mensuelle, goûters électro,
concerts dans les bars… L’association vient aussi
d’acquérir un ancien garage agricole pour y regrou-
per son siège et ses ateliers. Une fois rénové, à l’au-
tomne 2024, ce site, appelé La Station, accueillera
artistes et artisans en résidence, avec une focalisa-
tion sur le réemploi de matériaux. De quoi perpé-
tuer « l’esprit Do It Yourself et artisanal », si cher
à ses bénévoles.
Florence Pagneux
Au foin de la rue, les 7 et 8 juillet.
aufoindelarue.com
DES NUITS QUINQUAGÉNAIRES
Les Nuits de la Mayenne. Créées par Jean Guichard,
également fondateur du théâtre régional des Pays
de la Loire, Les Nuits de la Mayenne soufflent cet été
leurs 50 bougies avec une recette inchangée, mêlant
théâtre et patrimoine. Quatorze spectacles vont ainsi
battre la campagne, n’investissant pas moins de
17 communes rurales pour 24 représentations. Une belle
affiche en perspective : du cirque avec la compagnie
Bivouac au château de Sainte-Suzanne, puis une
adaptation de L’Écume des jours de Boris Vian à Louverné
et Origné ou encore, à Vautorte et La Bazouge-des-Alleux,
Maya, une voix, une pièce musicale mise en scène par Éric Bouvron
autour de la figure de la poétesse militante américaine Maya Angelou.
Marie-Valentine Chaudon
Soirée anniversaire le 19 juin à Château-Gontier,
festival du 17 juillet au 11 août,
nuitsdelamayenne.com
Musique
En toute
sobriété
Les Pluies de juillet. « Normandurable »,
c’est ainsi que Le Tanu, petit village
de la Manche de 410 habitants présente
son festival engagé et sobre. Autant
de conférences-débats (sur la sécurité
alimentaire ou le territoire et le vivant) que
de concerts, et des festivités ramassées
sur trois jours. La programmation,
Chanson française
À la bonne
franquette
Festival des Illuminés.
Déjà trente ans que la place
des Marronniers d’Aix-en-Issart
se pare de lumières pour faire
la fête en musique dans ce
petit village de 270 âmes du
Pas-de-Calais, à l’occasion d’un

française et de qualité, accueille la
rockeuse Jeanne Added et le rappeur
Disiz, le groupe Acid Arab, le chanteur
Voyou ou la sensation électro-pop Zaho
de Sagazan. Des balades-concerts
associent une randonnée dans la verte
vallée de l’Airou, suivie de musique de
chambre par l’Orchestre régional
de Normandie ou de jazz par le Trio Arum
dans l’église Notre-Dame du Tanu.
Nathalie Lacube
6, 7, 8 et 9 juillet,
lespluiesdejuillet.org
rendez-vous « à mi-chemin entre
la fête de village et le festival »,
selon Bernard Libersa, président
de l’association et « Illuminé »
historique. Si l’ambiance est
toujours aussi familiale et
conviviale, le festival accueille
désormais dix concerts sur trois
jours. Avec, notamment,
au programme : Les Fatals Picards,
Jagas, Père et Fils, Melissmell, Jef
Kino et Nos marins. « Si on aime
la chanson française, c’est ici
qu’il faut venir », poursuit Bernard
Libersa. Ce festival au cœur
du paysage montreuillois est
accessible à tous : 5 €
la soirée du vendredi ou
STEFAN BRION
Musique classique
Aubades et
sérénades au détour
des bosquets
Dans les Jardins de William Christie. Le petit village
vendéen de Thiré recèle un domaine dont les jardins
remarquables ont été conçus par le claveciniste et chef
d’orchestre William Christie comme un salon de musique
en plein air. Toute la journée, ce ne sont qu’aubades
et sérénades au détour des bosquets et, le soir venu, sur
le plan d’eau illuminé. Il se métamorphose en une scène
champêtre qui accueillera cette 19-26 AOÛT 2023

du samedi, et le dimanche, année deux opéras riches de THIRÉ

c’est gratuit ! L’an dernier, magie : The Fairy Queen de Henry Dans
FESTIVAL

Les Illuminés ont attiré près Purcell et Titon et l’Aurore de les Jardins
de
de 4 500 personnes Joseph Cassanéa de Mondonville. William
Christie
et servi 600 moules- Peu à peu, les maisons du village
frites, le traditionnel repas se restaurent, installant à Thiré un
proposé le dimanche soir. nouveau « quartier des artistes ». 12 es

Fanny Magdelaine Emmanuelle Giuliani rencontres

musicales
en Vendée
RCS 622 044 501 - © Freepik

21, 22 et 23 juillet, Du 19 au 26 août,

www.evenements.vendee.fr
festivaldesillumines.fr arts-florissants.org
 AMPAGNE
PARTIES DE C

RENCONTRES CINÉMA DE GINDOU

Cinéma
Toiles étoilées
sur les hauteurs lotoises
Rencontres cinéma de Gindou. Convivialité. « Le terme est
souvent galvaudé, mais je vous assure qu’à Gindou, il est approprié »,

BORIS MOLINIER-THEÂTRE DANS LES ALPAGES

promet Marie Virgo, codirectrice des Rencontres cinéma de ce
petit village (343 habitants) du Lot. À 30 kilomètres au nord-ouest
de Cahors, en effet, point de yachts ni de tapis rouge. L’ambiance
est plutôt vallons boisés, pierres beiges et cabine téléphonique
reconvertie en boîte à livres. Un village tranquille qui serait banal
s’il n’accueillait pas, depuis 1985, un festival de cinéma sans
barrières. « Tout le monde se mélange. Il n’y a pas d’espace VIP
par exemple. Si l’on veut rencontrer un réalisateur, il suffit d’aller à
sa table », se félicite la responsable. Et l’idée séduit. L’an dernier, Théâtre
20 000 spectateurs ont fixé les toiles projetées.
Créées en même temps que la Fête du cinéma, ces rencontres
n’étaient au départ qu’une nuit de projections continue. Un festin
Spectacles
cinéphilique sous les étoiles, perché sur les hauteurs du village lotois.
Car Gindou doit beaucoup à sa situation, en surplomb de la vallée, au sommet
où le froid vient plus tardivement en été. Cet unique rendez-vous Théâtre dans les Alpages. Du théâtre et du grand air !
nocturne a perduré et demeure le temps fort qui clôture le festival. Pour la troisième année consécutive, le hameau
Avant cela, une centaine de films seront projetés, du 19 au 26 août, de Bionnassay, à Saint-Gervais-les-Bains (Haute-
autour de trois sélections. Régine Vial, invitée d’honneur et directrice Savoie), réunit le public au pied des glaciers pour quatre
de la distribution des Films du Losange, a pioché dans le riche soirées exceptionnelles. En plein air, et au crépuscule,
catalogue du label phare de la Nouvelle vague et choisi dix films. le festival Théâtre dans les Alpages s’ouvre avec La
Si l’événement a plutôt l’habitude de recevoir des cinéastes, Délicatesse, le roman à succès de David Foenkinos
ce pas de côté sera l’occasion de découvrir le rôle prépondérant adapté au théâtre par Thierry Surace. Il se poursuit avec
de la distribution. Des « vagabondages cinématographiques » Un cœur simple d’Isabelle Andreani d’après la nouvelle
proposeront un panel de films français ou étrangers qui portent, de Gustave Flaubert, et
d’une manière ou d’une autre, un regard social sur la marche Noboby’s Perfect d’Aude
du monde. Un monde incertain également au cœur de la sélection Léger et Philippe Bégin.
de la cinémathèque de Toulouse. Elle présentera des films C’est François Morel, en duo
du patrimoine autour du thème : « Avant la catastrophe ». avec Antoine Salher, qui
Enfin, chaque jour, des « tchatches » (discussions avec des invités), clôturera ce rendez-vous
des apéros-concerts et des animations pour le jeune public avec un concert fantaisiste.
compléteront la programmation. Toujours avec cet objectif : faciliter De quoi swinguer dans
le lien entre artistes et spectateurs. les montagnes !
Louis Faurent Marie-Valentine
Du 19 au 26 août, séances en journée (payantes) au cinéma L’Arsenic Chaudon
et le soir (gratuites) au cinéma de verdure de Gindou, Du 25 au 28 juillet,
gindoucinema.org theatredanslesalpages.com

L’HEBDO page 44
Musique classique
Mozart sans chichi
Saoû chante Mozart. Peut-on faire
de la musique classique sans costume noir
et nœud papillon ? C’est le pari de Henry
Fuoc, lorsqu’il fonde le festival Saoû chante
Mozart. En 1989, ce Drômois a mis un terme
à sa carrière de journaliste et d’écrivain,
mais son âme de mélomane vit plus que
jamais : après avoir imaginé le festival Jazz
à Lyon dans les années 1970, il rêve de
reproduire cette ambiance chaleureuse et
décontractée pour faire vivre, cette fois,
récitals, ballades et concertos.
Son ambition ? Présenter le répertoire
du plus célèbre compositeur classique
à la campagne, où il ne se joue et ne s’écoute
que très peu. Le décor s’impose comme une
évidence : Saoû, charmante commune
de 500 âmes au cœur de la Drôme
provençale, et surtout, village familial dont
il est devenu le maire, quelques décennies
après son grand-père. Grâce à un solide
réseau d’artistes et son talent de fédérateur,
le rendez-vous grandit. « Je me souviens
de notre bonheur le jour où l’église du village,
qui avait vu naître ce petit festival entre amis,
put enfin arborer l’écriteau “complet” ! »,
raconte le flûtiste Philippe Bernold, présent
comme musicien puis conseiller, avant
de devenir le directeur artistique.
Henry Fuoc est décédé en 2021, mais
l’équipe nourrit son souhait de mêler
exigence et convivialité en programmant
des pointures, sachant à la fois répondre
aux codes du classique et sortir des sentiers
battus, pour toucher le plus grand nombre.
Chaque été, près de 5 000 personnes
se pressent pour assister à la vingtaine
de concerts désormais répartis sur
différentes communes de la Drôme rurale.
Le petit village de Saoû en reste le cœur
battant : il fournit une grande partie des
200 fidèles bénévoles, prête l’acoustique de LA
CHAISE
sa forêt enchanteresse aux musiciens et la
place principale de son bourg au traditionnel
banquet. « Une occasion rare d’assister à
un bœuf entre artistes classiques ! », précise
DIEU
Philippe Bernold. La 34e édition du festival est
consacrée aux œuvres ultimes de Mozart :
on y attend, par exemple, la soprano Amel
Brahim-Djelloul, dans une représentation
traditionnelle du Requiem mais aussi
dans des arrangements kabyles inédits.
Eve Guyot
Du 5 au 23 juillet, saouchantemozart.com 57e
FESTIVAL
DE
MUSIQUE
17 - 27
AOÛT
2023
Le Puy-en-Velay
Brioude/Lavaudieu
Saint-Paulien
Ambert / Nouara
Saint-Bonnet-le-Château
Montbrison
 AMPAGNE
PARTIES DE C
Musique Littérature
Au château du Petit Prince Vers des
Printemps de Pérouges. Kyle Eastwood
à la contrebasse, Ibrahim Maalouf horizons Banquet du livr
à la trompette, des notes bleues ouvriront
communs
e
du 5 au 11 aoû d’été
t 2023
le Printemps de Pérouges dans le cadre vert
de la plaine de l’Ain. Le festival tient Banquet du livre d’été
sa 26e édition dans le parc du château Saint- de Lagrasse. Une
Maurice-de-Rémens, demeure d’enfance nouvelle semaine de
de Saint-Exupéry surnommée « le château du Petit rencontres intellectuelles,
Avecle soutien de
Le Marque-Page l’association

Prince ». Entièrement en plein air au milieu d’arbres artistiques et littéraires se tiendra dans
centenaires, à une demi-heure de Bourg-en-Bresse, le petit village médiéval des Corbières en
cette fête familiale reçoit de grandes vedettes, août. Rendez-vous incontournable depuis
PRINTEMPS DE PÉROUGES

dont M, Polnareff, Axel Bauer, Bigflo & Oli ou Juliette plus de vingt-cinq ans, le banquet s’intéresse
Armanet, et proclame que le rock à guitare n’est pas cette année au thème « Générations, nos
mort avec le mythique groupe anglais The Stranglers. futurs ». Des conférences et spectacles sont
Nathalie Lacube prévus sur l’évolution des générations depuis
Du 27 juin au 2 juillet, festival-perouges.org le siècle dernier, sur la descendance et
la filiation, mais aussi sur les préoccupations
des jeunes générations. Le spectacle
d’ouverture intitulé Contretemps,
une poésie [qui nous vient] du Moyen Âge,
de la Compagnie Rassegna, suit ce fil rouge.
La semaine sera ponctuée par d’autres

BOBY-PRINTEMPS DE PÉROUGES
créations et la présence d’invités comme
PRINTEMPS DE PÉROUGES

l’historien Patrick Boucheron et la militante

écologiste Camille Étienne.
Isabelle Veloso Vieira
Du 5 au 11 août, abbayedelagrasse.fr

Musique Théâtre
La world music Sur les routes,
sur le causse lozérien à la rencontre
Détours du monde. Au cœur des paysages lozériens, à 70 km de Millau
(Aveyron), on peut rencontrer le monde entier. Festival des civilisations
du public
vivantes et populaires, Détours du monde invite pour sa 20e édition La Tournée des villages. 50 villages,
à Chanac (Lozère) des légendes de la musique – dont les vétérans il n’en fallait pas moins au Théâtre
du reggae jamaïcain The Congos et le cubain Eliades Ochoa (à gauche), régional des Pays de la Loire (TRPL)
chanteur du Buena Vista Social Club, de la soul, avec la formation pour fêter cette année son demi-siècle
féminine Nana Benz du Togo, l’électro-tango de Tangomotàn, les d’existence. La compagnie, basée
Japonais afro-funk d’Ajate, et une création, Aïta, mon amour de Widad à Cholet (Maine-et-Loire), entreprend
Mjama et Khalil Hentati (à droite), dépaysement garanti pour ce festival cet été sa 18e Tournée des villages 
ancré sur son territoire rural. à travers la région. À chaque escale,
Nathalie Lacube quelques tréteaux, des chaises, des
Du 1er au 27 juillet, detoursdumonde.org bancs, un bar et une librairie suffisent
à créer un théâtre éphémère en plein
air. Trois pièces seront sur les routes
en juillet et en août : deux reprises,
Le

L’Orchestre de Jean Anouilh et Maestro

Th
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de Xavier-Laurent Petit, ainsi qu’une

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création, Tristesse et joie dans la vie de X
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des girafes de Tiago Rodrigues,

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Assista La Guillon ne

mise en scène par le directeur de

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Frédér c Julien rd
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licences L-R-20-203 et L-R-20-207, Siret 072 200 868 00072 ; imprimeur onlineprinters

Adrien nnière,
Noblet,
Alice
Rain
et Jes geard
sica

la troupe, Camille de La Guillonnière.

Vedel
Costum
Anne-C es
laire
Rico
rdeau
Constru
ction
Jér
Bouffan ôme

Une aventure initiatique à voir en famille,

deau
Photo et graphisme Stéphane LARROZE www.stephanelarroze.fr

Régie
Martin- Lucas
Dupré

dès 13 ans.
Marie-Valentine Chaudon
Du 27 juin au 10 août, trpl.fr coproduction Théâtre Montansier / Versailles trpl.fr

MASSIMILIANO GIORGESCHI SOUFIANE NAJAH

L’HEBDO page 46

VINCENT JOLFRE
Musique classique
Une abbaye symphonique
Festival de musique de La Chaise-Dieu. Si le bourg
de La Chaise-Dieu (Haute-Loire) est modeste, son patrimoine
architectural est remarquable. Tout comme son festival créé
en 1966 mettant la musique en majesté dans la sublime abbaye
fondée au XIe siècle par saint Robert de Turlande. C’est un festin
symphonique qui nous y est proposé cet été, depuis la ferveur
des pages sacrées baroques de Bach ou Haendel jusqu’aux
grandes partitions romantiques et du XXe siècle. À l’affiche
notamment, un tour de France des orchestres, mais aussi
des formations venues de Suisse, d’Autriche…
Emmanuelle Giuliani
Du 17 au 27 août, chaise-dieu.com
SARAH BASTIN-LES NUITS SECRÈTES
Musique
Parcours secrets et bilan carbone
Les Nuits secrètes. Chaque mois de juillet depuis vingt-et-
un ans, la commune de l’Avesnois Aulnoye-Aymeries (Nord)
voit affluer un public attiré par Les Nuits secrètes, devenues
une valeur sûre des festivals estivaux du Nord. Au programme :
Angèle, Lomepal, Gazo, Pomme, Aime Simone ou encore Jain…
Avec plus de 45 000 personnes, ce festival surprend aussi par
ses « parcours secrets » : les spectateurs montent dans un bus
pour rejoindre un lieu insolite et découvrir en concert de nouveaux
talents, cette année Hania Rani ou l’humoriste Aymeric Lompret.
On se met doublement au vert ici, grâce à un engagement accru
pour faire de ce rendez-vous de musiques actuelles un festival
écoresponsable : « Nous continuons à sensibiliser les festivaliers
à la réduction des déchets avec notre espace Nuits douces,
souligne Maeva Justice, chargée de développement durable.
Et cette année, on réalise notre bilan carbone dans l’idée de
continuer à l’améliorer. » La vaisselle compostable partira dans
un champ voisin en épandage, les points d’eau seront répartis
sur tout le site pour limiter l’usage de bouteilles en plastique…
Fanny Magdelaine
21, 22 et 23 juillet, lesnuitssecretes.com
Entracte
Philippe Starck,
le culte du moi
On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Si l’adage
est populaire, c’est qu’il est aisé d’en vérifier la permanence.
L’une des figures de la vie parisienne, le designer Philippe
Starck, inventeur de formes nouvelles, parfait propagandiste
de lui-même, ne dédaigne jamais, affectant le détachement,
de passer pour un faux modeste. Rompu à jouer les rosières,
il excelle dans ce numéro très étudié, désormais bien rodé. Il
atteint même des sommets quand il se présente en ermite du
Cap Ferret, le refuge bien connu des humbles.
Le musée Carnavalet, à Paris, qui lui ouvre ses portes, nous ad-
ministre la preuve de la pertinence de l’adage. Commissaire
d’une exposition à lui consacrée, Philippe Starck accueille le
visiteur avec sa propre statue, grandeur nature, sortie du mu-
sée Grévin. Voilà donc, d’entrée, notre hôte, figé dans la
cire, en figure de majesté, avec un commentaire dans la
même tonalité. Indice immédiat et infaillible d’un anacho-
rète qui répugne à parler de lui…
Cette exposition n’est destinée qu’à faire reluire ce faux soli-
taire du bout des terres atlantiques dont la discrétion, portée
en sautoir, est un ornement. Il est question d’honorer l’actuel
« Régent de la chaire d’abstraction pratique et concrétion
spéculative au Collège de Pataphysique ». Où l’on voit qu’à
l’esprit de sérieux, la « science des solutions imaginaires »
privilégie le canular sophistiqué, que l’impétrant facétieux
cultive à merveille.
Voyage subjectif en clair-obscur dans la capitale, avec un
hommage inattendu aux bateliers et aux spectaculaires puits
de lumière des tunnels du canal Saint-Martin, à « la grande
osseuse » (la Tour Eiffel), aux « objets introuvables » de l’in-
ventif Jacques Carelman. Avant la glorification du maître par
lui-même, panorama sélectif d’un demi-siècle de création,
nimbé d’auto-ironie. Retour aux années Bains Douches, à la
chambre élyséenne de Danielle Mitterrand, au projet retoqué
de mobilier pour Jack Lang, au mobilier urbain du parc de la
Villette et aux cabines de photomaton relookées par Starck
lui-même.
Art de la posture et pur traité de vanité, l’ensemble, réparti
en six petites salles mal éclairées, est un peu court, froid et
peu marquant. Pour avoir le droit de contempler cette dé-
monstration d’auto-admiration, il en coûte 13 €, le prix quasi
équivalent réclamé pour entrer au Louvre, à Orsay et dans les
grands musées parisiens. Nouvel adage : les faux modestes
n’oublient jamais leurs intérêts.
« Paris est pataphysique », exposition de Philippe Starck. Musée
Carnavalet. Jusqu’au 27 août
L’Hebdo
L’HEBDO page 47

JARDIN
Un tapis de plantes
gourmandes
Il existe une alternative culinaire pour remplacer le gazon tradionnel trop exigeant en eau :
laisser venir les plantes sauvages comestibles et en adopter de nouvelles.
B À mi-ombre ou à l’ombre
annissez le gazon dit « de golf »,
et acceptez le trèle, les pâque-
rettes et les primevères. Ces pe-
louses naturelles, résistantes à la séche-
resse, sont l’avenir. Elles participent à la
biodiversité, au même titre que les mas-
sifs et les haies. En adoptant les herbes
comestibles, vous n’avez qu’à vous as-
seoir au milieu, pour cueillir ce qui agré-
mentera votre salade du soir.
Vous ne souhaitez pas attendre qu’elles
arrivent seules ? La meilleure période
pour en installer se situe au début du
printemps ou en septembre.
Que vous récupériez dans la nature des
petits bouts de racines, là où elles sont
très courantes, ou que vous achetiez des
godets chez votre pépiniériste, instal-
lez-les en sol bien préparé, en disposant
les pieds en quinconce, espacés de 20 à
30 cm. Ne lésinez pas sur l’arrosage pen-
dant les semaines qui suivent la planta-
tion, puis oubliez-les. Parfois, une tonte
est nécessaire : attendez un an, ain que
les plantes soient bien installées.
L’HEBDO page 48
JOHN CALEY/ADOBESTOCK
2
JÜRGEN VOGT/STOCK ADOBE
VITEZSLAV LASOTA/ADOBESTOCK
4 1
1 L’herbe aux goutteux
Aegopodium podagraria est enva-
hissant ? Si vous faisiez de cette vi-
vace un allié plutôt qu’un ennemi ?
L’herbe aux goutteux – on lui donne
ce surnom à cause de ses vertus médi-
cinales – leurit en ombelles blanches
en début d’été. Elle est charmante dans
sa forme panachée, Aegopodium po-
dagraria ‘Variegatum’, qui éclaire les
coins ombrés avec ses feuilles vert de
gris liserées d’ivoire. Vous pouvez la
tondre avant la loraison ou apprécier
les leurs. Mais surtout, dès la fanai-
son, tondez, pour éviter les graines.
Faites attention aussi aux racines tra-
çantes. Elle a une saveur proche de la
coriandre.
2 Le lierre terrestre
Cette jolie petite plante, rampante
grâce à ses stolons (tiges secondaires,
NDLR), présente des feuilles en cœur,
semi-persistantes, duveteuses. Elle est
encore plus ravissante lorsque les leu-
rettes bleu violet s’épanouissent, dès
mars, perchées sur des hampes dépas-
sant rarement 10 cm. Fleurs et feuilles
dégagent un agréable parfum balsa-
mique lorsqu’on les froisse et qu’on
les goûte. Une odeur et une saveur de
menthe et d’origan, avec un soupçon
d’amertume, qui font merveille en cui-
sine. Mellifère, elle nourrit les insectes
pollinisateurs dès la in de l’hiver. Il
existe une variété, Glechoma hedera-
cea ‘Variegata’, aux feuilles vertes mar-
brées de blanc crème.
3 La menthe pouliot
Dans un sol frais, ne vous privez pas
de Mentha pulegium. Quel bonheur
de fouler ce couvre-sol parfumé, au
feuillage persistant, surtout lorsqu’il
s’épanouit, en leurs lilas. Tondu deux
à trois fois dans l’année, il forme un
tapis dense, qui supporte le piétine-
ment.
 MIHAIL DUBROVINSKIY/ADOBESTOCK
6

FLOWER GARDEN/ADOBESTOCK
ADOBESTOCK

3 5

Au soleil De la diversité
4 Les primevères
Rose pâle, mauves, jaune lune… Elles font
avant tout
merveille, leuries, au printemps ; ensuite, Les plantes sauvages comestibles peuvent être un plat
leur feuillage reste bien présent et ras. à part entière, servir d’épices ou de décoration. Manger
Plantez quelques pieds, en mars, lorsque des fleurs et des feuilles n’est pas seulement une mode :
les étals des jardineries sont emplis de mul- c’est un retour aux sources ! Elles servaient de nourriture
titudes de Primula vulgaris. Plantez-en à nos ancêtres. Au Moyen Âge, les châtelains abandonnaient
partout, laissez-les se ressemer. Au il des un carré de terre aux paysans, « les vaines pâtures »,
ans, elles vont se naturaliser, tout en repre- afin qu’ils y ramassent les sauvageonnes pour s’alimenter.
nant les caractères de leurs aïeules, avec des Et puis, les légumes que nous consommons ne sont-ils pas
teintes plus naturelles. Fleurs, jeune feuil- tous issus de plantes sauvages, comme les carottes
lage, racines à la saveur de girole : vraiment ou les chicorées ? D’autres, délicieuses, n’ont jamais été
tout se mange ! cultivées ni hybridées, et pourtant elles méritent toute notre
attention. Outre leurs qualités gustatives, elles ont, pour
5 Les pâquerettes la plupart, certaines propriétés médicinales reconnues.
Réjouissez-vous des pâquerettes qui forment Pour un maximum de bénéfices, variez les plantes que vous
un tapis aux mille leurs. Leur feuillage reste consommez, comme vous le faites pour votre alimentation
vert même en cas de sécheresse. Riches en habituelle. L’idéal est d’accommoder régulièrement
carbonate de calcium, elles jouent un rôle de une salade d’herbes, en mélangeant de nombreuses plantes.
régulateur. Mêlez les jeunes feuilles à vos sa- Un rappel évident : ne consommez que ce que vous
lades et décorez vos plats avec les leurs. reconnaissez sans aucun doute !

6 Le trèle
Très riche en azote, le trèle blanc apporte
au sol de nombreux oligoéléments. Les pe-
louses en trèle résistent à la chaleur, même
dans le Midi. Et elles ne nécessitent presque
pas de tonte. Les feuilles se mangent crues
ou cuites ; quant aux leurs, légèrement su-
crées, elles colorent les salades.

Et aussi…
D’autres plantes sauvages comestibles
restent rases après le passage de la ton-
deuse et constituent une bonne base de
pelouse. Achillées, plantains, violettes,
épervières…
AKULAMATIAU/ADOBESTOCK
Noémie Vialard

L’HEBDO page 49
 P HIQUE
RÉCIT GRA

Harry Dickson (4/5)

Résumé de l’épisode précédent : Harry Dickson continue d’enquêter sur d’étranges crimes et sur la disparition
de l’écrivaine Delphina Cruyshank, qui semble avoir, dans son dernier manuscrit, prévu l’apparition d’une terrible créature.

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À SUIVRE
HEADLINE, VERGARI ET CATACCHIO D’APRÈS JEAN RAY © DUPUIS, 2023

JEUX
ISÉS
MOTS CRO
de Pierre Olivier
Problème 187
Horizontalement. – 1. Elle a une jolie
nappe dans une région de textile. Lieu de
stockage. 2. Oicier ministériel. Se livrer
à un détournement. Ennuya. 3. Là, on ne
peut pas dire qu’il n’y a pas un chat. Sortir
de sa coquille. Qui sont à saisir. 4. Avalée.
Fait naître. 5. Père qui fait la fête. Liquide
bulgare. Dans les abats. Vieille école de
philosophes. 6. Trou normand. Spécialité
de Ronsard. Terme pour ce qui est arrivé à
terme. Dure à endurer. 7. Littoral italien.
Venu du passé. L’Émilie lui ofre son
lit. 8. Met sur un pied d’égalité. Ils ont
les boules. Au théâtre ou au foyer. 9. Va
au Rhin. Lustré d’apprêt. Superbe.
Extra pour pointer. 10. Grand arbre
en Inde. Elle ne pouvait s’empêcher de
jacasser. Cran de ceinture. Mémoire
d’ordinateur. 11. Qui ne les lâche pas
facilement. Il fume dès son réveil.
Insultes. 12. Pronom réléchi. Jeune
gîtant… Espèce de coche. Note. 13. Élevé
contre l’afaissé… Coule en Suisse.
Lettre grecque. Cochonnet… 14. Jouée.
Le champ des signes. Encore plus
courbé quand il est tendu. 15. Points
opposés. Ceux du premier groupe.
Accompagne la salivation. Il bloque la
réplique. 16. Piquées par des anciens.
C’est limite. Bien petit. Susiane des
Grecs. 17. Un moment d’évasion. Il
est fourré au Mexique. Premier parc
naturel. 18. Sur une boussole. Mettre de
niveau. Geste tendre.
L’HEBDO page 62
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R
1
2
1
2
3 3
4 4
5 5
6 6
7 7
8 8
9 9
10 10
11 11
12 12
13 13
14 14
15 15
16 16
17 17
18 18
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R
Verticalement. – A. Retombées jeûne. J. Mis le prix fort. Fit des barres
en enfance. Elle est parfois bonne parallèles. Sur un billet de train. K. Cela
à rafraîchir. B. Bien partis. Elles demande une suite. Victime de
épousent les angles. C. Très diminué. l’inaction. Bas de gamme. Filet de tout
Cela… Concentré de poison. Femme repos. L. Aser pour Ésaü. Maison de
divinement faite. D. Article en or. Il bois. Ornement de clocher. Bonne assise.
aimait le travail d’orfèvre. Elle range le M. Course… relax ! Libertaire. Américain
parachute. E. Exprimer un bête désir. Fait de souche. N. Nourriture de lecteur.
place nette. Préposition. Responsable de Habitation en dur. Supposer. Désinence
vieux teints mats. F. Ache de table. Donna verbale. O. Faire perdre le bon sens.
trop à manger. Nul ne peut l’empêcher Le cadet des soucis de l’escargot. Il en
de tomber. G. Combat rapproché. Prison pinçait pour la lyre. P. Elle it longtemps
insulaire. Il reçoit aussi bien la chaîne tapisserie face à des prétendants.
que le câble. H. Écrivain italien. Pièce de Informateur mal cerné. Cures. Q. D’un
motoriste. Champ du cygne… Il sort du auxiliaire. Mettre en bas… Ils font les
café. I. Digne d’attention. Aujourd’hui, baux. R. Prenant ainsi moins de place. En
on l’érige pour l’eau. Avec elle, place au les. Pour une série à la télé.
Solutions du problème 186
Horizontalement. – 1. Érotiser. Caduc. Öre. 2. Vénal. Héron. Rappel. 3. Encrer. Geronimo.
If. 4. Niet. Amis. No. Alêne. 5. Té. Épouser. Tarots. 6. Clans. Ancône. Rem. 7. Enfer. Ému.
Histoire. 8. La. Tibre. Gère. Blet. 9. Tôt. Domaine. Télé. 10. Erres. Let. Assura. 11. Conseil. Rai.
Ébènes. 12. Une. Plébéienne. Toi. 13. Mute. Ressuies. Lé. 14. Oies. Thé. Il. Coi. 15. Innés. Évier.
Ie. Gel. 16. Retriever. Entraîné. 17. E.-S.-E. Tue-tête. Éson. 18. Étêta. Sale. École.
Verticalement. – A. Éventuel. Écumoires. B. Renié. Natron. Inès. C. Once. Cf.
Ornementée. D. Tartelettes. User. E. Île. Pari. Sept. Site. F. Raon. B.D. Îlet. Eut. G. Eh. Muserolle.
Hévéa. H. Régis. Mémé. Brevet. I. Réseau. Atrée. Ires. J. Cor. R.N. G.I. Aisée. Ta. K. Ânon.
Chênaies. Réel. L. Notoires. Nui. M. Uri. Anse. Sénilité. N. Camaret. Tubée. Erse. O. Polo. Obéré.
Sc. A.O.C. P. Op. Étrillant. Ogino. Q. Réinsérée. Éolien. R. Elfe. Met. Asie. Lésé.
 ’É CRITURE
L’ATELIER D
Dans chaque numéro, nous vous proposons un atelier d’écriture. Inventez une microfiction La Croix, 18 rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex.
Tél : 01 74 31 60 60. Directeur de la publication :
ou un court dialogue à partir de cette photo. Le texte le plus original sera publié dans le numéro Pascal Ruffenach. Directeur de La Croix : Philippe
de La Croix L’Hebdo à paraître dans deux semaines. Postez votre proposition avant le jeudi Colombet. Directeur de la rédaction : Jérôme
Chapuis. Directrice adjointe de la rédaction : Anne-
suivant la semaine de parution du présent numéro sur la-croix.com/atelierdecriture Bénédicte Hoffner.
La Croix L’Hebdo. Directrice de la rédaction : Anne
Ponce. Chef de service : Bruno Bouvet. Rédaction :
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Corre (grands reporters), Marine Lamoureux, Alice
Le Dréau (chefs de rubrique), Rémi Barbet, Louis Faurent,
Clotilde Macabéo, Quentin Le Van. Maquette : Blaise
Jacob (directeur artistique), Guillaume Suard (premier
rédacteur graphiste), Natacha Kotlarevsky (première
rédactrice graphiste), Esther Szac. Secrétariat de
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Gibrat, Léa Beaudufe-Hamelin. Iconographie : Bruno
Arbesu (chef de rubrique photo), Loïc Jaffres, Fabien
Vernois, Magali Gasperini (rédacteurs photo), Marion
Esquerré.Documentation, courrier : services de
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Marketing relations clients : Solène Gasser (directrice
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Association Notre-Dame de Salut. Directoire : Pascal
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Malesherbes. Pays d’origine du papier : Suisse. Taux
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de fibres recyclées : 55 %. Origine des fibres : Papier
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effacer, embellir, converser… à tel point qu’elles librairie-bayard.com/serviceclient
ne tiendraient, pour être le vrai, absolument rien
d’autre que les images qui sortent de cette lucarne.
Dis-moi, qu’adviendrait-il si, un jour, l’une d’elle
levait les yeux ?

L’HEBDO page 63

Les articles et reportages de La Croix L’Hebdo (…)
permettent d’avoir une vision claire en ce monde
embrouillé, en remettant le spirituel
à la place qu’il ne peut pas perdre
et en afranchissant les consciences humaines
des miasmes d’une société qui ne sait plus trop
où elle va, ni ce qu’elle peut devenir.
François Foubert
Nés sous X, la quête
bouleversée des origines (suite)
OLIVIER BALEZ
Je vois un gros avantage au fait
que la mère puisse abandonner
officiellement son enfant à la naissance
avec un délai de réflexion de deux mois.
L’enfant est adoptable de façon définitive
à trois mois et il commence à construire
ses liens avec ses parents adoptifs
dès l’âge de trois mois, et à connaître
une stabilité affective garantie dès cet
âge. Or cela est crucial, essentiel pour
sa santé mentale future, sa confiance
en soi, sa construction. Les premiers
mois sont décisifs. J’ai l’exemple
d’enfants adoptés après ce stade,
et beaucoup n’ont pas cette stabilité
psychologique. La mère de deux enfants
adoptés m’a dit que, statistiquement,
leur niveau d’études est inférieur
à la moyenne. Je pense que ce choix
de la mère peut être un acte d’amour.
Marianne
Il se trouve que pour des raisons
qui me sont personnelles, j’ai beaucoup
réfléchi et échangé sur les problèmes
que vous évoquez dans votre dossier.
Il me semble que vous éludez la vraie
question. Certes, si on conçoit aisément
que celle qui a donné la vie soit protégée
par la loi, il est infiniment plus difficile
PIERRE JAVELLE
L’HEBDO page 64
US À NOUS
DE VO
d’expliquer cette exigence grandissante
de connaissance des origines dans une
société qui a pratiquement abandonné
toute préoccupation des fins dernières.
Le législateur n’a-t-il pas été sage d’acter
cette fiction qui fait que les parents
adoptifs (dans le cas d’une adoption
plénière) doivent être reconnus comme
parents biologiques et d’interdire que
le jugement d’adoption soit communiqué
à des tiers ? (…)
Jean T.
CAS DE CONSCIENCE :
LE RÉARMEMENT MONDIAL
Merci pour votre « Cas de conscience »
(L’Hebdo des 3‑4 juin) sur le réarmement
mondial. C’est un sujet sensible que vous
avez intelligemment mis en évidence.
Qu’il fasse son chemin…
Xavier
Restaurer les églises,
mais pour quoi ?
Merci Mme de Gaulmyn. Le problème est
très bien posé (L’Hebdo des 10‑11 juin)
et vous ouvrez des possibles, des
réflexions. Oui, de quels lieux collectifs
avons-nous besoin dans le village ?
Finalement, on voit que toute la vie
collective (rencontres, associations),
municipale, s’est organisée ailleurs que
dans ce lieu, parce que « consacré »
et donc réservé. Merci de nous le faire
comprendre.
Anne
Concernant les « usages compatibles »,
je propose que les chapelles et églises
puissent accueillir chacune un caveau
où des urnes funéraires puissent être
accueillies. Cela rendrait service
aux familles et permettrait une plus
grande ouverture de ces édifices cultuels
et culturels. Dans la tradition de l’Église,
les défunts sont enterrés si possible dans
les lieux de culte. Sinon, on pourrait peut-
être imaginer des contrats d’utilisation
des lieux de culte entre affectataires
et maires pour une utilisation culturelle
de l’édifice cultuel. Cela existe déjà,
me semble-t-il.
Jean Eudes
(…) Je n’ai pas la connaissance
me permettant de discerner ce en quoi
la « sacralité » du lieu interdirait par
exemple le partage de l’édifice avec
l’exercice d’autres religions, qui souvent
se contentent de la rue ou de lieux fort
incommodes pour se rassembler et prier.
Précisément, l’église est pour moi un lieu
de rassemblement et de prière, je rêve
qu’elle puisse être partagée avec d’autres
religions (lesquelles pourraient aussi faire
un effort pour occulter mentalement la
vue de telle ou telle « idole » qui parfois
les gêne) ; les théologiens, depuis deux
millénaires, ont su faire preuve d’une
grande agilité d’esprit pour théoriser
et justifier tel ou tel dogme de l’Église,
ils devraient bien être capables, s’ils
le veulent, de faire la distinction entre
la sacralité de l’espace intérieur
du lieu, en présence du prêtre, et l’édifice
lui-même. Et si le lieu appartient à la
Collectivité, il n’est pas privé, l’Église peut
en rester l’affectataire, en « copropriété
d’usage » avec d’autres cultes.
Dieu n’est-il pas présent partout ?
Pierre
 OS RENDEZ-VOUS
N

Les Informés Les conférences

Dimanche 18 juin, retrouvez
Marie Boëton, grand reporter
à La Croix L’Hebdo,
sur le plateau des « Informés »
de franceinfo, à 20 heures.
À écouter à la radio,
MAXIME MATTHYS
de Saint-Sernin
Isabelle de Gaulmyn, rédactrice
en chef à La Croix, sera l’invitée
des conférences de la Basilique
Saint-Sernin de Toulouse, le jeudi

à regarder en direct 22 juin à 18 h 30. Elle évoquera

sur le canal 27 de la TNT les défis qu’affronte le catholicisme
ou en replay sur francetvinfo.fr d’aujourd’hui.

Cette année encore, l’Acat-France est à l’initiative de la Nuit

des veilleurs, qui aura pour thème « Prier au cœur de l’action ».
Rendez-vous le 26 juin prochain pour se rassembler autour
d’une même cause, celle de la défense des droits humains.
Informations sur nuitdesveilleurs.fr

Grande
distribution d’été Festin Littéraire
Comme chaque été,
nous vous proposons Dimanche 2 juillet, à partir de 12 h 30, Babelio vous convie
de distribuer dans à la dixième édition de son pique-nique littéraire. Présent
vos réseaux des exemplaires dans de nombreuses villes de France et en Belgique,
de La Croix L’Hebdo. Membres ce pique-nique sera l’occasion de parler livres autour
d’une association, parents d’un repas commun et de nombreuses activités.
d’élèves, collègues, amis… Plus d’informations et inscriptions sur babelio.com
À vous de trouver le groupe
à qui faire bénéficier
de cette découverte.
Rendez-vous sur L’Hebdo dans vos oreilles
la-croix.com/distribution- Comme chaque semaine, retrouvez la playlist de L’Hebdo
hebdo, jusqu’au 5 juillet. sur Spotify et Deezer !

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L’HEBDO page 65
 UN POÈMEUTE
O
POUR LA R

Ce que disent
peut-être les mains
Ce que dit une main

Seule
Une autre main peut l’entendre, Grande voix de la poésie belge, secrétaire
perpétuel de l’Académie royale de langue
et de littérature française de Belgique,
Fût-elle loin des corps Yves Namur, né en 1952, est l’auteur de
plus de 40 ouvrages. Directeur des édi-
Et des gestes quotidiens. tions Taillis Pré et du Journal des poètes,
belle revue créée en 1931 par Maurice
Carême et Norge, il édite désormais ses
recueils aux éditions Arfuyen, connues
pour leur soin apporté à une poésie valo-
risant la mise en parole de la transcen-
Seules dance. Avec La Nuit amère, il propose dix
suites de poèmes brefs, usant des verbes
Les mains savent aussi à l’ininitif qui mobilisent nos cinq sens
(parler, voir, toucher, sentir…) et des ré-
Ce qu’il en coûte de vivre pétitions pour témoigner des traces que
nos vies, et leurs doutes, laissent dans
notre sillage, dans la résonance des
mots prononcés à celles et ceux que l’on
Avec l’absence a croisés, rencontrés et aimés, pour ten-
ter de comprendre. « Ô traces, traces //
Que dites-vous aux pierres / Et que di-
siez-vous hier au vent, // Au désert / Et
Et le désir. à l’absurde ? » Des poèmes pour rendre
la mort prisonnière et laisser la lumière
rayonner tout autour. Hors de nos nuits
inconsolables.
Yves Namur Stéphane Bataillon
La Nuit amère, Arfuyen, 128 p., 14 €

EN PARTENARIAT
AVEC FRANCE CULTURE
Chaque dimanche à 16 heures,
Manou Farine présente auteurs et poèmes
dans son émission « Poésie et ainsi
de suite ». Disponible sur franceculture.fr
et l’appli Radio France

L’HEBDO page 66
 Mention
spéciale
du jury
Et demain sera tout aussi surprenant Catégorie
enquête

€
14par mois

Chaque vendredi,
questionnez, rencontrez, explorez avec La Croix L’Hebdo

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 8
1 9 7
C E
S I N

NORAH JONES / BEN HARPER

GILBERTO GIL / JOE BONAMASSA
CÉCILE McLORIN SALVANT
PAT METHENY / FATOUMATA DIAWARA
GREGORY PORTER / SELAH SUE
SNARKY PUPPY / SAMARA JOY
WYNTON MARSALIS / SUZANNE VEGA
THOMAS DUTRONC / ANNE PACEO
BRAD MEHLDAU / ROBERTO FONSECA
SIXUN / SISSOKO-SEGAL-PARISIEN-PEIRANI …

MC SOLAAR BIG BAND PROJECT

SOFIANE PAMART
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