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Cas pratique Déborah Dianingama

Un fonctionnaire a acheté une maison dans une commune dans le département voisin de son lieu de
travail. La commune est située dans une zone qui la rendait éligible à l’octroi d’une indemnité de
résidence de 150 euros par mois. Le fonctionnaire demande à son chef de service l’octroi de cette
indemnité dans un courrier du 15 novembre 2015. Le chef de service rejette sa demande par une décision
du 1re janvier 2016 au motif qu’il était tenu à une obligation statutaire de résidence à proximité de son
lieu de travail et ne pouvait donc pas invoquer son éloignement géographique pour fonder sa demander.
Le fonctionnaire dans une lettre du 27 février 2016 demande à son chef de service de revenir sur sa
décision. Le chef de service refuse par un courrier du 5 mars 2016 reçu le 7 mars 2016. Plus d’un an
après avoir réalisé qu’un autre fonctionnaire avait reçu cette indemnité dans alors qu’il se trouvait dans
les mêmes conditions que lui.
Le fonctionnaire veut également engager la responsabilité de l’administration et obtenir sa
condamnation au paiement rétroactive du montant de la prime cumulé depuis le 1re août 2015. Il a ainsi
introduit une demande préalable d’indemnisation le 23 mai 2017 et, sans attendre la réponse de
l’administration, il a saisi le tribunal administratif.

I) Concernant la possibilité d’introduire un recours contentieux contre les décisions du 1er janvier et du
5 mars 2016 ?
En principe, l’article R421-1 du code de justice administrative dispose que : “la juridiction ne peut être
saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la
notification ou de la publication de la décision attaquée.” Une décision administrative doit faire grief.
Cela veut dire qu’elle doit modifier l’ordonnancement juridique de l’administré.
En principe, L411-2 du code de justice administrative : “ toute décision administrative peut faire l’objet,
dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou
hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai”. Il est possible d’introduire un recours administratif
dans le délai du recours contentieux. Ce recours administratif interrompt le délai de recours contentieux.
Cela veut dire que le recours délai de recours contentieux recommence à courir dans son intégralité à
compter de la décision prise à l’issue du recours administratif.
En principe, l’article R421-5 du code de justice administrative dispose que : “les délais de recours contre
une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les
voies de recours, dans la notification de la décision.”
Le Conseil d’Etat dans sa jurisprudence Czabaj de 2016 pose une limite à ce principe. En effet, il dit :
“qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne
saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais
particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de
la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance”. Cependant, le Conseil d’Etat dans une décision
de 2018 Communauté de commune des pays roussillonnais affirme que “un requérant n’est pas
recevable à solliciter l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’illégalité d’une
décision dont l’objet est purement pécuniaire devenue définitive”.

En l’espèce, le fonctionnaire a introduit une demande d’octroi des allocations le 15 novembre 2015 (il
a demandé à son chef de service l’octroi de cette indemnité). Cette demande a été rejeté le 1re janvier
2016. Cette décision porte sur un objet exclusivement pécuniaire (l’octroi de l’ indemnité). En plus, la
décision de rejet fait grief au fonctionnaire en l’empêchant de percevoir les sommes qu’il estime lui être
dues. Le fonctionnaire a ensuite introduit un recours hiérarchique le 27 février 2016. Le chef de service
a rejeté ce recours le 5 mars 2016. Le recours a été reçu (soit notifié) le 7 mars 2016. Toutefois, la
décision a été notifiée sans mentions des voies et délais de recours. Or, l’espèce, le fonctionnaire veut
introduire un recours contentieux plus d’un an après sa notification. Soit au printemps 2017.
Par conséquent, le fonctionnaire avait donc deux mois francs à compter du 5 mars 2016 (date du rejet
du recours hiérarchique) pour introduire un recours contentieux. Cela veut dire qu’il pouvait introduire
un recours contentieux jusqu’au 6 mai 2016. Toutefois comme la décision a été notifiée sans voies et
délais de recours. Le fonctionnaire avait donc un an à partir de la date à laquelle une décision expression
lui a été notifiée soit à partir du 7 mars 2016. Le fonctionnaire a cependant laissé passer plus d’un an à
compter de cette notification. Par conséquent, la décision dont l’objet est purement pécuniaire est
devenue définitive. Il n’est plus possible d’introduire un recours contentieux.
2) Sur la forclusion du recours indemnitaire et la liaison du contentieux.
A) Sur la forclusion.
En principe, l’article 1re de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances de l’état
dispose que : “les départements, les communes et les établissements publics, la prescription est de quatre
ans à partir du premier jour de l'année suivant celle où est née la créance.”. Ce délai de quatre ans ne
commence à courir qu’à “la date à laquelle la réalité et l’étendue [des] préjudices ont été entièrement
révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés” ( Conseil d’Etat 3 décembre
2018).
En principe, le Conseil d’Etat a estimé que la jurisprudence Czabaj n’avait pas vocation à s’appliquer
pour les recours tendant d’une part à reconnaître la responsabilité d’une personne publique et d’autre
part à la condamnation de la personne publique de réparer les préjudices qui lui sont imputés. Cela veut
dire que si l’administré veut introduire une action indemnitaire (et non seulement contester la légalité
d’une décision dont l’objet est purement pécuniaire), elle dispose d’un délai de quatre ans, même si la
décision a été notifiée sans voies et délais de recours.
En l’espèce, le fonctionnaire veut introduire une action en responsabilité contre l’action pour obtenir la
condamnation de cette dernière à payer les indemnités qui lui sont dues.
En l’espèce, on peut estimer que les préjudices ont été révélés entièrement révélés dans leur étendue et
leur réalité à date d’introduction de la demande d’indemnisation préalable soit le 23 mai 2017. Dès le
lendemain, et sans attendre la réponse de l’administration, le fonctionnaire introduit un recours
contentieux contre l’administration.
Par conséquent, le délai du recours contentieux est de quatre à compter du 23 mai 2017. Le fonctionnaire
peut introduire un recours contentieux jusqu’au 24 mai 2021. Le juge administratif ne pourra pas lui
opposer la forclusion.
B) Sur la liaison du contentieux.
En principe, l’article R421-1 du code de justice administrative dispose que : “la juridiction ne peut être
saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la
notification ou de la publication de la décision attaquée.”
L’article dispose ensuite : « Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est
recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande
préalablement formée devant elle. »
Ainsi, avant de saisir le juge administrative l’administré doit lier le contentieux en introduisant
préalablement une demande auprès de l’administration. Cette demande donnera lieu à une décision
administrative qui pourra faire l’objet d’un recours contentieux.
En matière indemnitaire, le Conseil d’Etat a jugé l’absence de cette démarche préalable entraine
l’irrecevabilité de la requête, sans qu’il n’y ait une obligation, pour le juge, d’inviter le requérant à
régulariser sa requête (CE, 8 janvier 1997, Société des grands magasins de l’Ouest). Cependant, le
Conseil d’Etat dans un avis Etablissement français du sang de 2018 affirme que cette irrégularité
s’apprécie au jour où le juge statue. Ainsi, il est possible que cette irrégularité soit régularisée en cours
d’instance. Cela signifie que la décision de l’administration doit intervenir avant que le juge statue. En
cas de silence gardé par l’administration, il y aurait naissance d’une décision implicite de rejet avant
que le juge statue.
En l’espèce, le recours est de nature indemnitaire. Le fonctionnaire a introduit une demande préalable
auprès de l’administration le 23 mai 2017. Il a introduit un recours indemnitaire le lendemain sans
attendre la décision administrative.
En principe, le recours est entaché d’une irrégularité. Cependant, cette irrégularité est régularisable en
cours d’instance si une décision administrative est prise avant que le juge statue. En cas de silence gardé
par l’administration, le juge considérera qu’il y a une décision implicite de rejet. Par conséquent, le
contentieux sera lié.
3) Sur le recours contre l’ordonnance du Président du tribunal administratif.
En principe, l’article L211-2 du code de justice administrative dispose que : “les cours administratives
d'appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous
réserve des compétences attribuées au Conseil d'Etat en qualité de juge d'appel et de celles définies aux
articles L. 552-1 et L. 552-2."
En principe, l’article R811-1 du code de justice administrative dispose que : “toute partie présente dans
une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle
n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans
cette instance.” Cet article mentionne exception à ce principe.
En l’espèce, ce litige ne relève pas de ceux dont la compétence est attribuée au Conseil d’Etat en appel.
En l’espèce, le président du tribunal administratif a émis une ordonnance tendant à rejeter la requête du
fonctionnaire.
Par conséquent, cette faire l’objet d’un appel auprès de la cour administrative d’appel.
4) Sur les arguments
A) Sur le ministère d’avocat
En principe, aucune disposition du code de justice administrative n’oblige le requérant à être représenté
par un avocat devant le tribunal administratif. Par exception, en vertu de l’article R431-2 du code de
justice administrative, ” les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit
par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de
la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont
le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat”.
En l’espèce, la requête tant au paiement d’une somme d’argent.
Par conséquent, le requérant doit être représenté par un avocat.
B) Sur les irrégularités de procédure.
- Sur la collégialité de la formation de jugement.
En principe, l’article L222-1 du code de justice administrative dispose que : “les jugements des
tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations
collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger.
Les juges délibèrent en nombre impair.”
En principe, l’article R822-5 du code de justice administrative introduit une exception à ce principe en
disposant que : “lorsque le pourvoi est irrecevable pour défaut de ministère d'avocat ou entaché d'une
irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance, le président de la chambre
peut décider par ordonnance de ne pas l'admettre.”
En l’espèce, le Président du tribunal administratif a pris une ordonnance rejetant la requête pour
irrecevabilité pour défaut du ministère d’avocat.
Par conséquent, il pouvait être statué par juge unique.
-Sur le caractère public de l’audience.
En principe, l’article 6 du code de justice administrative dispose “Les débats ont lieu en audience
publique.” Ce principe est confirmé par la jurisprudence Auguste du Conseil d’Etat de 1978.
Ce principe connait une exception. L’article L731-1 dispose qu’exceptionnellement l’audience peut se
passer à huis clos pour la protection de l’ordre public, de l’intimité des personnes, des secrets protégés
par la loi.
L’article L773-4 du code de justice administrative pose une autre exception notamment pour la
protection des secrets de la défense nationale.
En l’espèce, le litige ne constitue pas une hypothèse exceptionnelle. En l’espèce, le Président du tribunal
administratif a pris une ordonnance rejetant l’irrecevabilité de la requête. Cette audience s’est déroulée
à huis clos.
Par conséquent, le Président du tribunal administratif devait donc statuer en audience publique.

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