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Le Discours Philosophique (Michel Foucault)
Le Discours Philosophique (Michel Foucault)
La Sexualité.
Cours donné à l’université de Clermont-Ferrand (1964)
suivi de
Le Discours de la sexualité.
Cours donné à l’université de Vincennes (1969)
Édition établie, sous la responsabilité de François Ewald,
par Claude-Olivier Doron
2018
Phénoménologie et Psychologie
1953‑1954
Édition établie, sous la responsabilité de François Ewald,
par Philippe Sabot
2021
La Question anthropologique
Cours. 1954‑1955
Édition établie, sous la responsabilité de François Ewald,
par Arianna Sforzini
2022
Michel Foucault
Le discours philosophique
Édition établie, sous la responsabilité de François Ewald,
par Orazio Irrera et Daniele Lorenzini
HAUTES ÉTUDES
EHESS
GALLIMARD
SEUIL
« Hautes Études » est une collection
des Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales,
qui en assurent le suivi éditorial,
des Éditions Gallimard et des Éditions du Seuil.
isbn 978‑2-02‑131856‑
© Seuil/Gallimard, mai 2023
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contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335‑2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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AVERTISSEMENT
François Ewald
Daniel Defert
est décédé le 7 février 2023 avant d’avoir vu achevée l’édi‑
tion des « Cours et travaux de Michel Foucault avant le
Collège de France », qu’il n’a cessé d’entourer de son
attention et de ses conseils. Le comité éditorial lui exprime
toute sa reconnaissance et son affection.
RÈGLES D’ÉTABLISSEMENT DU TEXTE a
1. Voir la « Chronologie » établie par Daniel Defert lors de la publication des
Dits et Écrits. 1954‑1988, t. I, 1954‑1975, éd. sous la dir. de Daniel Defert
et François Ewald, avec la collab. de Jacques Lagrange, Paris, Gallimard,
2001 [1994], p. 13‑90, ici p. 38.
2. Ibid., p. 37.
10 Le discours philosophique
Le diagnostic
Depuis quelque temps déjà – est-ce depuis Nietzsche ? plus récem‑ [1]
ment encore ? –, la philosophie a reçu en partage une tâche qui
ne lui était point jusqu’ici familière : celle de diagnostiquer a 1.
Reconnaître, à quelques marques sensibles, ce qui se passe.
Détecter l’événement qui fait rage dans les rumeurs que nous
n’entendons plus, tant nous y sommes habitués. Dire ce qui se
donne à voir dans ce qu’on voit tous les jours. Mettre en lumière,
soudain, cette heure grise où nous sommes. Prophétiser l’instant.
Est-ce là cependant une fonction si nouvelle ? En se voulant
entreprise de diagnostic, en se vouant à cette tâche si empirique,
si tâtonnante, si biaise et diagonale, il peut bien sembler que la [2]
philosophie s’écarte de la voie royale qui était la sienne quand
il s’agissait de fonder ou d’achever le savoir, d’énoncer l’être ou
l’homme. En fait, on pourrait dire aussi bien – mieux, même,
tant nous avons le goût de ces replis vers l’origine – que la philo
sophie, en devenant discours diagnostique, retrouve sa vieille
parenté avec les arts millénaires qui nous ont appris à repérer les
signes, à les interpréter, à dévoiler le mal qui se cache, l’insup
portable secret, à nommer ce qui, majestueusement, se tait au
cœur de tant de paroles confuses. Depuis le fond de l’âge grec,
le philosophe n’a jamais récusé la prétention d’être tant soit peu
devin : il y a toujours eu, chez lui, du médecin et de l’exégète.
Héraclite et Anaximandre lui ont appris à écouter la parole du
NOTES
Maintenant
Encore faut-il savoir ce que peut être, pour le philosophe, cet [11]
aujourd’hui auquel il a affaire. Auquel il a affaire de façon bien
décisive puisqu’il lui doit sa définition et sa raison d’être.
Les réponses viennent à foison : l’ensemble des savoirs, des
institutions, des pratiques, des conditions d’existence qui sont
contemporains du philosophe ; parmi les formes culturelles, celles
présentes ou passées, neuves ou déjà vieillies, qui sont en tout cas
assez vivantes pour pouvoir animer son discours ; l’horizon général,
parfois bien implicite et bien lointain, qui articule son expérience
singulière sur toutes celles qui appartiennent à la même aire et au
même calendrier ; la grille des systèmes effectivement en exercice
qui régissent sa langue, sa société, ses connaissances, ses désirs et
qui peuvent ainsi déterminer sa pensée avant même qu’il ait pensé.
Tout cela, en effet, et bien d’autres choses encore définissent la
synchronie où se trouve enfermé le discours du philosophe : c’est [12]
à elles que doivent s’adresser, s’ils veulent l’analyser, l’historien,
l’économiste, le sociologue, l’ethnologue qui parlent de la philo‑
sophie comme d’une formation parmi d’autres à l’intérieur d’une
culture 1. Mais ici, le discours philosophique doit être interrogé sur
ce qu’il a à dire et sur la manière dont il le dit ; ce qu’on voudrait,
c’est découvrir comment il est capable d’indiquer de lui-même
l’aujourd’hui où il se trouve situé, par quel système, sortant de
son propre déroulement interne, il pointe vers ce « maintenant »
pendant lequel il parle ; et quelle sorte d’actualité se trouve par
là désignée. On cherche à découvrir non pas tellement ce qui est
22 Le discours philosophique
a. Rayé : « s’il indique que ce jour-là il a constaté telle chose, même ».
Maintenant 25
NOTES
1. Foucault revient sur cet aspect dans les trois derniers chapitres du manus‑
crit, où il se réfère à une « ethnologie immanente » de notre culture au sein de
laquelle le discours philosophique doit être replacé (voir infra, p. 229).
2. Pour mieux situer les apports de la linguistique à la définition du statut dis
cursif de la philosophie qui caractérise Le Discours philosophique dans son entier,
et que Foucault commence à préciser dans ce chapitre, il convient de se référer
aux travaux du linguiste et phonologue russe Roman Jakobson (1896‑1982) et
du linguiste français Émile Benveniste (1902‑1976). Dans un entretien avec
Jean-Pierre Elkabbach paru en mars 1968, Foucault remarque l’importance
pour sa formation intellectuelle de « la linguistique à la manière de Jakobson [et]
d’une histoire des religions ou des mythologies à la manière de Dumézil » (et on
ajoutera Claude Lévi-Strauss, Louis Althusser et Jacques Lacan), qui lui auraient
permis de sortir des limites de la réflexion philosophique des années 1950, mar
quée de façon générale par Edmund Husserl et, plus en particulier, par Jean-Paul
Sartre et Maurice Merleau-Ponty (M. Foucault, « Foucault répond à Sartre »
[1968], dans DE I, no 55, p. 690‑696, ici p. 695). En reprenant un aspect de la
leçon saussurienne, à savoir la distinction entre langue et parole, les travaux de
Jakobson sur le langage, l’aphasie et la littérature témoignent de l’influence des
formalistes russes et du cercle linguistique de Prague, et seront déterminants pour
les figures les plus importantes du structuralisme des années 1960 (notamment
Claude Lévi-Strauss, Jacques Lacan, Roland Barthes, Gérard Genette et Tzvetan
Todorov). Le premier tome des Essais de linguistique générale de Jakobson paraît
en français en 1963 (trad. par Nicolas Ruwet, Paris, Minuit), avec le sous-titre
Les fondations du langage. Dans ses conférences sur « Littérature et langage »
Maintenant 27
faire, trad. par Gilles Lane, Paris, Seuil, 1970). Dans les archives de la Biblio‑
thèque nationale de France (BNF, Fonds Foucault, cote NAF 28730, Boîte 43),
on trouve plusieurs fiches de lecture sur Austin qui remontent probablement à
la période tunisienne et aux recherches que Foucault mène alors dans la biblio‑
thèque que son collègue Gérard Deledalle, spécialiste de Charles Pierce et de
la philosophie anglo-saxonne du langage, lui avait mis à disposition. Dans la
conférence de Tunis, Foucault soutient que les travaux de Prieto et d’Austin
montrent que « la structure linguistique d’un énoncé était loin de suffire à
rendre compte de son existence totale » ; au contraire, « les éléments contextuels
constitués par la situation même de l’individu parlant sont absolument néces‑
saires pour donner un sens à […] un grand nombre d’énoncés. Tout énoncé
s’appuie en fait silencieusement sur une certaine situation objective et réelle, et
l’énoncé n’aurait certainement pas la forme qu’il a si le contexte était différent »
(M. Foucault, « Structuralisme et analyse littéraire. Conférence prononcée au
Club Tahar Haddad à Tunis le 4 février 1967 », dans Folie, Langage, Littérature,
op. cit., p. 171‑222, ici p. 185‑186). Sur l’importance que Foucault accorde
à la notion d’extralinguistique dans l’analyse du discours littéraire, et sur sa
définition de l’acte de parole tirée d’Austin, voir ibid., p. 186‑189 et 191, ainsi
que « [L’extralinguistique et la littérature] » et « L’analyse littéraire et le struc‑
turalisme », art. cités.
4. Foucault reprend plus en détail cette caractérisation du savoir scientifique
dans son cours au Collège de France de 1973‑1974, Le Pouvoir psychiatrique :
« [P]our la pratique scientifique en général, il y a toujours de la vérité ; la vérité
est toujours présente en toute chose ou sous toute chose, à propos de tout et
de n’importe quoi l’on peut poser la question de la vérité. […] Ceci veut dire
non seulement que la vérité habite partout et qu’à tout [instant] l’on peut
poser la question de la vérité, mais ceci veut dire aussi qu’il n’y a personne qui
soit exclusivement qualifié pour dire la vérité ; il n’y a personne non plus qui,
d’entrée de jeu, soit disqualifié pour dire la vérité, du moment, bien entendu,
que l’on a les instruments qu’il faut pour la découvrir, les catégories néces‑
saires pour la penser et le langage adéquat pour la formuler en propositions »
(M. Foucault, Le Pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France, 1973‑1974,
éd. par J. Lagrange sous la dir. de F. Ewald et A. Fontana, Paris, Éditions de
l’EHESS-Gallimard-Seuil, 2003, p. 235‑236). À cette « position philosophico-
scientifique de la vérité » (la « vérité-ciel ») Foucault oppose ce qu’il appelle
« vérité-foudre » ou « vérité-événement » (ibid., p. 238).
5. Sur la « fonction-auteur » dans la littérature et l’idée plus générale selon
laquelle il faut « ôter au sujet (ou à son substitut) son rôle de fondement ori‑
ginaire, et […] l’analyser comme une fonction variable et complexe du dis‑
cours », voir M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? » [1969], dans DE I, no 69,
p. 817‑849.
[CHAPITRE 3]
Discours philosophique
et discours scientifique
a. Le passage entre crochets est rayé sur le manuscrit ; nous le rétablissons
car il nous semble nécessaire à la compréhension de la phrase.
36 Le discours philosophique
a. Rayé : « Ainsi replié sur soi et transformé en pur sujet conscient de soi, le
maintenant du discours peut trouver accès à la vérité (et c’est là le second
rôle du sujet) : en effet, c’est toujours dans la forme du sujet que la vérité
vient à s’éclairer : en première instance sous les espèces de l’évidence fon‑
datrice (quand le discours philosophique dévoile la vérité), ou en dernière
instance sous les espèces de la reconnaissance terminale. »
Discours philosophique et discours scientifique 37
NOTES
9. Dans Les Mots et les Choses, Foucault définit la mathesis comme la « science
universelle de la mesure et de l’ordre », ou la « science générale de l’ordre », et
lui attribue un rôle capital dans l’économie du savoir classique : « [L]e fonda‑
mental, pour l’épistémè classique, ce n’est ni le succès ou l’échec du mécanisme,
ni le droit ou l’impossibilité de mathématiser la nature, mais bien un rapport
à la mathesis qui jusqu’à la fin du xviiie siècle demeure constant et inaltéré »
(M. Foucault, Les Mots et les Choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris,
Gallimard, 1966, p. 70‑71). En revanche, Foucault soutient que l’unité de la
mathesis est rompue à partir du xixe siècle, lorsque « le domaine des formes
pures de la connaissance s’isole, prenant à la fois autonomie et souveraineté par
rapport à tout savoir empirique », et lorsque « les domaines empiriques se lient
à des réflexions sur la subjectivité, l’être humain et la finitude, prenant valeur
et fonction de philosophie, aussi bien que de réduction de la philosophie ou de
contre-philosophie » (ibid., p. 261).
10. Le projet dans Les Mots et les Choses était précisément de retracer l’archéo‑
logie de ces sciences humaines : ibid., notamment les chapitres 8 (« Travail, vie,
langage ») et 10 (« Les sciences humaines »).
[CHAPITRE 4]
Fiction et philosophie
a. Rayé : « (le “je” qui parle, l’instant et le lieu de son discours) ».
Fiction et philosophie 43
NOTES
1. Sur l’importance pour Foucault des travaux de Jakobson autour de cette
question, voir supra, note 2 du chap. 2, p. 26-27.
2. Miguel de Cervantes Saavedra, Don Quichotte de la Manche [1605], trad.
par Claude Allaigre et al., dans Œuvres romanesques complètes, t. I, éd. sous la dir.
de Jean Canavaggio, Paris, Gallimard, 2001, p. 385‑1428, ici chap. IX, p. 458
et chap. LII, p. 883-889 (Foucault semble se référer à la fin de la première partie
du Don Quichotte, où Cervantes écrit cependant que la suite du manuscrit a été
« rongée par les vers » et non par les rats). On trouve chez Foucault plusieurs
commentaires du Don Quichotte, le plus célèbre étant sans doute celui qui
ouvre le chapitre 3 des Mots et les Choses, où Foucault présente Don Quichotte
comme le « héros du Même », dont l’être « n’est que langage, texte, feuillets
imprimés, histoire déjà transcrite », et le roman de Cervantes comme dessinant
« le négatif du monde de la Renaissance » et comme « la première des œuvres
modernes puisqu’on y voit la raison cruelle des identités et des différences se
jouer à l’infini des signes et des similitudes ; puisque le langage y rompt sa vieille
parenté avec les choses, pour entrer dans cette souveraineté solitaire d’où il ne
54 Le discours philosophique
Le philosophique et le quotidien
pointe toujours vers une actualité qui peut prendre les figures les
plus diverses : ce peut être a un domaine singulier du savoir pris
comme modèle, ou comme révélation d’un fait positif ; ce peut
être aussi l’ensemble des formes actuellement vivantes du savoir,
ou les conditions réelles de l’existence (que ce soit de nos jours, ou
depuis l’apparition de la culture occidentale, ou depuis la Chute,
ou depuis l’émergence biologique de l’homme) ; ce peut être le
jeu actuel des mécanismes économiques, etc. Les philosophies
peuvent bien changer autant de fois qu’elles veulent ces repères [79]
de leur actualité, elles ne les effaceront jamais entièrement, ni
tous. Car le discours philosophique est fait d’un certain rapport
à un actuel non philosophique. Le maintenant de la philosophie
la contraint à un lien – qu’on ne peut dénouer malgré toutes les
formes qu’il peut prendre – à la non-philosophie. Et ce rapport
est isomorphe à celui que le langage quotidien entretient avec son
propre contexte extralinguistique.
On pourrait dire que la philosophie est à ce non-philosophique
qui forme le bruissement de son actualité ce que le langage quo‑
tidien est à l’espace et au temps, aux choses et aux gens entre
lesquels il circule. La philosophie vaut comme le langage quo‑
tidien de ce qui lui est actuel : elle s’articule sur lui comme sur
un déjà-là silencieux. Alors que la science ne reconnaît que les
énoncés qui pourraient être valables dans son propre discours (et
qui par conséquent ne lui sont pas véritablement antérieurs, et ne
le débordent pas réellement), la philosophie reconnaît toujours la
présence nue – valable ou non – de quelque chose qui est là b, qui [80]
la borde, qui anticipe sur elle. Et par rapport à cette présence, le
discours philosophique ne peut être que quotidien et naïf. De là,
sans doute, le fait que le moment de la naïveté n’est jamais absent
d’aucune entreprise philosophique. Il peut apparaître à l’intérieur
d’un système comme une démarche méthodologiquement vou‑
lue : pur constat de l’apparence, acceptation de l’illusion, chemi
nement empirique à travers les erreurs, spectateur qui porte sur
les choses et les hommes un regard sans préjugé, oubli volontaire
de tout ce qu’on peut avoir su ou pensé, attention portée au
discours positif, mais l’énoncé des formes qui régissent tous les
discours qu’on peut tenir sur le monde. La constitution d’un
savoir universel à partir de l’analyse de l’illusion, et l’analyse de
la constitution du savoir à partir de la prise de conscience de
l’inapparent, ne sont en fait que les deux visages de cette même
fonction critique que le discours des philosophes n’a cessé d’exer‑
cer en Occident depuis Descartes.
C’est de là sans doute qu’est né pour la philosophie un projet
dont elle paraît difficilement séparable : celui d’être une éluci‑
dation assez radicale et assez universelle pour que la face du [97]
monde en soit changée. Ce qui est demandé au philosophe occi‑
dental, ce n’est pas de prendre le pouvoir ni d’édifier le savoir
technique qui permettrait de métamorphoser la vie des hommes ;
mais d’inviter ces hommes, de les contraindre à une prise de
conscience à partir de laquelle tout le système de leur connais‑
sance sera fondé, toutes leurs chimères dissipées, et toute la vérité
du monde énonçable dans un discours que plus rien désormais
ne saurait interrompre. Et par là on voit que la spécificité du
discours philosophique par rapport au [discours] quotidien n’est
pas sans incidence sur celui-ci : car le rôle de la philosophie est
de chasser du discours quotidien tout ce qu’il peut avoir de naïf,
d’ignorant de ses propres conditions, par conséquent d’illusoire
et d’inconscient ; son rôle, c’est donc d’amener la prose quoti‑
dienne du monde jusqu’au niveau d’un discours philosophique
qui se tiendrait spontanément tous les jours et dont le mainte‑
nant occuperait sans limites toutes les dates du calendrier, toutes
les régions du monde, tous les sujets parlants. Toute la grande [98]
chimère philosophique de l’Occident, depuis Descartes, ce n’est
ni le philosophe-roi, ni le philosophe-sage, ni le philosophe qui
dit l’ordre naturel du monde ; c’est le philosophe qui change le
quotidien (celui de la science, comme celui de la vie) par la seule
irruption d’une lumière a. Toute notre culture a rêvé d’une prise
de conscience qui serait une révolution 6.
NOTES
1. Sur le rôle crucial que la notion d’actualité joue dans la pensée du « der‑
nier » Foucault, voir supra, note 1 du chap. 1, p. 18.
2. Virgile, Énéide, trad. par Jacques Perret, Paris, Gallimard, 1991.
3. James Joyce, Ulysse, trad. et éd. par Jacques Aubert, Paris, Gallimard,
2013 [1922].
4. Hermann Broch, La Mort de Virgile, trad. par Albert Kohn, Paris,
Gallimard, 1980 [1946].
5. M. de Cervantes Saavedra, Don Quichotte de la Manche, op. cit.
6. Dans sa réponse au Cercle d’épistémologie, publiée en 1968, Foucault
fait à nouveau référence à ce « rêve », qu’il lie alors explicitement à une certaine
manière d’écrire l’histoire comme un « discours du continu », ainsi qu’au projet
de « faire de la conscience humaine le sujet originaire de tout savoir et de toute
pratique ». Dans un tel système de pensée (que l’on reconnaîtra, par exemple,
chez Hegel), le temps « est conçu en termes de totalisation » et la révolution
n’« est jamais qu’une prise de conscience » (M. Foucault, « Sur l’archéologie
des sciences. Réponse au Cercle d’épistémologie » [1968], dans DE I, no 59,
p. 724‑759, ici p. 727‑728).
[CHAPITRE 6]
ordre jusque-là [… a]. Mais avant que les discours changent dans
leur contenu (dans ce qu’ils disent) ou dans leur forme (dans
leur disposition et leur enchaînement interne), il faut qu’ils
changent dans leur mode, c’est-à-dire dans la manière dont ils
se déroulent à partir d’un ici, d’un à présent, d’un sujet parlant [108]
et de la manière dont ce support se désigne et se déploie à partir
du discours lui-même.
Le mode de discours propre à la philosophie, tel qu’il a été
analysé jusqu’ici, avec tout le jeu de ses implications, ne carac‑
térise pas n’importe quelle philosophie sous n’importe quel ciel ;
il est apparu, dans la culture occidentale, au xviie siècle, au cours
d’une mutation qui a modifié tout le régime du discours. Cette
mutation a été si importante qu’elle [a] affecté profondément les
discours scientifique, religieux, fictif et bien d’autres sans doute en
même temps que le discours philosophique ; et le régime auquel
elle a donné lieu est demeuré suffisamment stable pour que nous
n’en soyons pas encore tout à fait affranchis, pour que nous ne
soyons pas encore sortis de la mutation suivante, pour que nous
reconnaissions encore facilement notre pensée, notre système de
vérité, notre ordre des choses dans ce qui fut inauguré dans la
première moitié du xviie siècle. Puisque c’est à cette mutation [109]
que nous devons notre discours philosophique traditionnel, il
faut indiquer rapidement en quoi elle a consisté et comment elle
a pu donner lieu à cette manière de philosopher.
Et tout d’abord, le nouveau régime des discours de fiction.
Don Quichotte pourrait en figurer la naissance 5. Nul texte pour‑
tant ne semble plus proche que celui-là de toutes les formes de
narration qui l’ont précédé et qui ont peuplé de leurs inventions
le xve et le xvie siècle ; on dirait qu’il [les b] reprend toutes une
dernière fois dans une forme immense et caricaturale pour les
faire flamboyer et se consumer avec elles. En fait, le rapport de
Don Quichotte avec les formes traditionnelles de fiction est plus
complexe. Il a de commun avec elles la mise en jeu de personnages
(ou de types de personnages), d’épisodes, d’aventures, de ren‑
contres, de récits intérieurs au récit qui lui sont préexistants. Une
remarque est ici nécessaire : après Don Quichotte comme avant
a. Mot manquant.
b. Conjecture : mot manquant.
76 Le discours philosophique
tout son récit à un vieux parchemin qui n’aurait été lui-même que
la transcription d’un manuscrit arabe. Car il faut bien montrer
que si le Quichotte a des antécédents qui se perdent dans la nuit, [112]
ce n’est pas à l’existence immémoriale du héros, ce n’est pas à
sa dynastie arthurienne ou troyenne, ce n’est pas à la tradition
des apôtres qu’il le doit, mais tout bonnement à des textes : des
textes bel et bien déposés sur des feuilles, puisque certaines ont
été mangées par des rats, empêchant que l’histoire soit racontée
dans sa totalité 8. Don Quichotte mangé par les rats, c’est le signe
que désormais la fiction a son lieu dans l’existence même du dis‑
cours. Mais il y a plus : dans la seconde partie du récit, Don
Quichotte a à défendre son existence contre le mauvais continua‑
teur qui n’a raconté sur lui que mensonges et inepties 9. Il a à la
défendre, car Don Quichotte n’appartient à aucun autre livre que
Don Quichotte : et c’est en invoquant la loi de ce livre que le vrai
héros poursuit ses aventures dans un livre second qui n’échappe
au premier que pour en être tout entier sorti. Et lorsque, dans
cette seconde série d’épisodes, Don Quichotte est reconnu par les [113]
gens qu’il croise, il est reconnu pour ce qu’il est : héros du premier
livre, entièrement différent de ce qu’a imaginé le plagiaire.
L’œuvre de Cervantes est la figure première de ce qu’on peut
appeler le discours moderne de la fiction 10. Au xvie siècle encore,
le discours fictif se rapportait à ses personnages, à leurs aventures,
aux épisodes de l’histoire, bref, à son « contenu » comme à une
donnée qui lui aurait été extérieure. En ce sens, il était profon‑
dément anonyme, récitatif et répétitif. Il avait pour fonction de
dire, de redire après tant d’autres, ce qui s’était passé dans un
temps à la fois proche et lointain, familier (puisqu’on peut le dire
tout entier) et inaccessible (parce qu’on est sans repère commun
avec lui) ; il se donnait lui-même comme acte pur et simple de
récitation : le sujet parlant, le temps et le lieu du récit lui-même
n’étaient définis que par une voix qui demeurait en arrière de
ce qu’elle énonçait, si bien que cette voix blanche dont le sujet,
dont le présent, dont l’ici n’étaient jamais dans le récit lui-même, [114]
demeurait, par rapport à lui, une réalité à la fois sans nom et trans‑
parente, mais irréductiblement extérieure. L’œuvre de Cervantes
signale l’émergence dans le monde occidental d’une fiction dont
tous les éléments vont être désormais intérieurs au discours qui la
78 Le discours philosophique
libère : ce qui est raconté n’a d’autre lieu que le temps et l’espace
déterminés par la souveraineté du discours ; et celui qui raconte
est lui aussi, en son présent et en ce point d’où il parle, dessiné
entièrement par le discours qu’il tient. C’est à partir de cette
mutation que le discours de fiction a pris à l’égard du discours en
général une disposition de simulacre ; c’est à partir de ce moment
que les œuvres se sont mises à exister, les unes par rapport aux
autres, dans une fermeture essentielle ; à partir de ce moment
aussi qu’un univers anonyme de fiction, avec ses personnages et
ses épisodes obligés, a disparu ; à partir de ce moment [enfin] que
le discours de fiction s’est constitué comme littérature.
Comme l’œuvre de Cervantes pour la fiction, celle de Galilée [115]
manifeste bien la mutation qui s’est produite dans le discours
scientifique. On s’est demandé pourquoi la mécanique galiléenne
avait eu sur la pensée occidentale un effet de bouleversement plus
grand que l’astronomie de Copernic. Car si l’image du monde a
changé, si on a été obligé de percevoir sur un mode nouveau les
rapports du ciel et de la terre, si le savoir est entré en opposition
immédiate non seulement avec tout le système de croyances reli‑
gieuses, mais [aussi] avec tous les contenus de l’expérience quoti‑
dienne, c’est bien le jour où il fut dit pour la première fois – du
moins dans l’Europe chrétienne – que la Terre tournait autour
du Soleil. Or la science moderne s’est constituée moins à partir
de cette découverte qu’à partir de la définition par Galilée des lois
du mouvement 11. La raison n’en est pas que l’hypothèse coper‑
nicienne était encore entourée de tout un contexte métaphysique
et même théologique a (bien plus coûteux et contraignant que le [116]
« platonisme » de Galilée 12), ni non plus que les lois galiléennes
allaient permettre à plus ou moins longue échéance l’unification
de la physique terrestre et de la mécanique du ciel, que la science
copernicienne laissait encore séparées. Ou plutôt ces deux raisons
ne font qu’en recouvrir une troisième dont elles sont sans doute les
effets visibles : avec Galilée, le discours scientifique, celui du moins
qui parle du déplacement des corps dans l’espace, non seulement
cesse d’avoir pour objet le monde fermé, orienté, différencié, de
la cosmologie aristotélicienne et chrétienne, mais surtout il cesse
a. Rayé : « (dont les fameux anges recteurs sont le témoignage souvent
invoqué) ».
La naissance du discours philosophique 79
une volonté sans bornes. Avant tout choix, avant toute preuve de
l’existence ou de l’inexistence de Dieu empruntée à ce qu’on sait
du monde, la possibilité d’être athée est inscrite dans la modalité
propre du discours scientifique.
Non moins que le discours du savoir, non moins que celui de
la fiction, l’immuable et éternelle parole de Dieu a pris au
xviie siècle un statut nouveau, entraînant dans sa modification
propre le commentaire ou l’exégèse qui tiennent [un] discours sur
elle a. En apparence, le changement est simple : au lieu d’accepter,
telle qu’elle a été transmise, sans cesse alourdie et encombrée par
la tradition, la masse de l’Écriture, on a commencé à la soumettre [126]
à des critères d’authenticité. On lui a appliqué des méthodes philo
logiques permettant de distinguer l’origine des textes, de leur
attribuer une date, d’en séparer les passages indûment interpolés,
d’établir d’une façon certaine leur sens univoque ; on lui a appliqué
des méthodes historiques qui permettent de savoir à quel genre
de peuples ces textes étaient adressés, dans quelles circonstances,
à quelles fins, pour obtenir quel résultat indispensable au grand
plan de la Providence et au triomphe de la chrétienté ; on lui a
enfin appliqué des méthodes d’examen rationnel permettant de
faire le tri entre ce qui était affirmation éternellement vraie et loi
universellement applicable à tous les hommes, et ce qui n’était
[que b] formulation transitoire, ou figure symbolique chargée de
frapper, pendant un temps, l’esprit encore mal éveillé des hommes.
De tout cet immense travail, les œuvres de Richard Simon et de
Spinoza portent témoignage 18. Mais en fait, pour qu’elles aient
été possibles, il n’a pas fallu seulement que les commentaires exé‑ [127]
gétiques changent de forme et de contenu ; il a fallu que la parole
même de Dieu change de modalité et qu’elle se mette à exister
dans le monde comme un type nouveau de discours. C’est cette
mutation qui seule a autorisé le Tractatus ou l’Histoire critique,
mais qui en même temps les rendit proprement intolérables aussi
bien à la Contre-Réforme oratorienne qu’aux théologiens juifs
d’Amsterdam : car il ne s’agissait pas de parler autrement de la
parole de Dieu ; c’est Dieu qui s’était mis à parler autrement.
a. Foucault avait d’abord écrit, puis rayé : « Une troisième mutation concerne
le statut accordé à la parole de Dieu. »
b. Conjecture : mot manquant.
84 Le discours philosophique
NOTES
aspect, origine » [1963], dans DE I, no 17, p. 300‑313, ici p. 306 : « [Dans la
Bibliothèque], chaque livre était fait pour reprendre tous les autres, les consumer,
les réduire au silence et finalement venir s’installer à côté d’eux – hors d’eux et
au milieu d’eux ».
8. M. de Cervantes Saavedra, Don Quichotte de la Manche, op. cit., p. 883‑889.
Voir supra, chap. 4, p. 43 et note 2, p. 53.
9. Ibid., Prologue de la deuxième partie, p. 897-900.
10. M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 60‑64.
11. Galileo Galilei, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, trad. par
René Fréreux, avec François De Gandt, Paris, Seuil, 2000 [1632]. Foucault
connaît bien les travaux sur Galilée d’Alexandre Koyré (Études galiléennes, Paris,
Hermann, 1939) et de Pierre Duhem (Le Système du monde. Histoire des doc‑
trines cosmologiques de Platon à Copernic, 10 vol., Paris, Hermann, 1913‑1959),
en plus de la lecture qu’en fait Husserl dans sa Krisis (E. Husserl, La Crise
des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, trad. par Gérard
Granel, Paris, Gallimard, 1976 [1936]), comme l’attestent plusieurs références
dans ses écrits et cours des années 1950 ; voir M. Foucault, Phénoménologie et
Psychologie. 1953‑1954, éd. par Philippe Sabot sous la resp. de F. Ewald, Paris,
Éditions de l’EHESS-Gallimard-Seuil, 2021, p. 27‑28, 265‑266 et 350‑351 ; id.,
La Question anthropologique, op. cit., p. 22‑27. En 1961, Foucault écrit d’ailleurs
une recension du livre de Koyré, La Révolution astronomique. Copernic, Kepler,
Borelli (Paris, Hermann, 1961) : M. Foucault, « Alexandre Koyré : La Révolution
astronomique. Copernic, Kepler, Borelli » [1961], dans DE I, no 6, p. 198‑199.
Voir aussi A. Koyré, « La loi de la chute des corps. Galilée et Descartes », Revue
philosophique de la France et de l’étranger, vol. 123, no 5/8, 1937, p. 149‑204 ; id.,
Du monde clos à l’univers infini, trad. par Raïssa Tarr, Paris, PUF, 1962 [1957].
12. Sur le platonisme de Galilée, voir A. Koyré, « Galilée et Descartes »,
dans Raymond Bayer (dir.), Travaux du IXe Congres international de philosophie.
Congrès Descartes, vol. 1‑3, Études cartésiennes, vol. 2, Paris, Hermann, 1937,
p. 41‑46, § 11.
13. Sur ce « jeu incessant du microcosme et du macrocosme » qui, selon
Foucault, caractérise l’épistémè du xvie siècle, voir M. Foucault, Les Mots et les
Choses, op. cit., p. 45‑47.
14. Sigmund Freud, « Une difficulté de la psychanalyse » [1917], dans Œuvres
complètes. Psychanalyse, vol. 15, 1916‑1920, éd. par André Bourguignon et Pierre
Cotet, sous la dir. de Jean Laplanche, trad. par Janine Altounian et al., Paris,
PUF, 1996, p. 43‑51. « Freud dit quelque part qu’il y a trois grandes blessures
narcissiques dans la culture occidentale : la blessure imposée par Copernic ; celle
qui est faite par Darwin, quand il a découvert que l’Homme descendait du
singe ; et la blessure faite par Freud lorsque lui-même, à son tour, a découvert
que la conscience reposait sur l’inconscience » (M. Foucault, « Nietzsche, Freud,
Marx », art. cité, p. 595).
15. Voir supra, note 9 du chap. 3, p. 39-40.
16. « Le mode d’être de l’homme tel qu’il s’est constitué dans la pensée
moderne lui permet de jouer deux rôles : il est à la fois au fondement de toutes
les positivités et présent, d’une façon qu’on ne peut même pas dire privilégiée,
dans l’élément des choses empiriques » (M. Foucault, Les Mots et les Choses,
op. cit., p. 355). Et Foucault de remarquer que cela n’indique point « l’essence
La naissance du discours philosophique 89
La disposition générale
du discours philosophique
comment ce support ne les prive pas d’une vérité sans visage qui
enveloppe l’espace et domine le temps, et comment ce discours
qu’elles forment peut reprendre, exhaustivement, en sa vérité, le [142]
maintenant qui les [articule] : de là, la justification d’un discours
qui prétend être vrai bien que lié à un maintenant singulier ;
l’interprétation de ce maintenant comme possibilité d’affleurement
de la vérité ; la reprise critique de ce maintenant dans une prise
de conscience qui le métamorphose ; le commentaire des discours
prononcés et effectivement situés, comme support possible d’une
vérité. À un troisième niveau, on trouve les constructions discur‑
sives dans lesquelles s’exercent ces quatre fonctions : elles forment
en quelque sorte les grands plans organisateurs de la philosophie a
– non pas tellement ce qui, de celle-ci, se donne au regard, mais
ce qui dans une demi-lumière en lie les éléments manifestes.
Ces constructions peuvent répondre de différentes façons à une seule
et même exigence fonctionnelle : la fonction de commentaire peut
s’accomplir dans la forme de l’encyclopédie ou de la mémoire ;
la fonction de la critique dans la forme d’une explication de l’appa
rence ou d’une mise au jour de l’inconscient ; l’interprétation dans [143]
celle d’une analyse génétique ou d’une recherche du sens ; la justi
fication peut s’organiser dans une théorie du dévoilement ou dans
une théorie de la manifestation. Enfin, à un dernier niveau, se des
sinent les grandes tâches qui ont tenu en alerte toutes les initiatives
philosophiques et [les] ont vouées à un labeur qui, sans doute,
ne pouvait avoir de terme : énonciation du logos, changement du
monde quotidien, découverte d’une signification fondamentale et
originaire, théorie du sujet. Ces quatre tâches constituent comme
le corps visible de la philosophie : c’est à elles, à leurs thèmes, aux
problèmes qu’elles posent, aux concepts qu’elles ont mis en œuvre
– en les empruntant ou en les constituant de toutes pièces – que
les historiens de la philosophie se sont toujours attachés, comme
si c’était là le fond inaltérable et constant d’où naissaient les unes
après les autres toutes les philosophies. En fait, ces tâches ne sont
que la conséquence la plus lointaine de ce qu’est, en sa modalité
propre, le discours philosophique : elles sont comme l’horizon [144]
qu’il dessine devant soi à mesure qu’il avance et prend son volume.
NOTES
1. Foucault n’apporte pas ici le changement suggéré dans la notice du 21 août
du Cahier no 4 (voir infra, « Annexe », p. 254-256).
2. Sur le lien entre commentaire et projet encyclopédique au xvie siècle, voir
M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 49‑57.
3. Ferdinand de Saussure définit la « langue » comme un système signifiant
particulier, avec ses conventions, ses règles et ses éléments spécifiques ; elle consti‑
tue la condition de possibilité de toute « parole », c’est-à-dire de tout produit
concret de l’usage d’une langue. Le « langage », en revanche, indique de manière
générale la faculté humaine de communiquer à l’aide de systèmes signifiants,
c’est-à-dire de langues particulières. Voir F. de Saussure, Cours de linguistique
générale [1916], éd. par Charles Bally et Charles-Albert Sechehaye, avec la collab.
d’Albert Riedlinger, Paris, Payot, 1972 [reprod. de la 3e éd. de 1931], p. 27‑32.
Dans un texte à peu près contemporain du Discours philosophique, Foucault
caractérise cette distinction ainsi : « Vous savez qu’on a distingué depuis longtemps
maintenant la langue (c’est-à-dire le code linguistique qui s’impose à tous les
individus qui parlent une langue : le vocabulaire, les règles de phonétique et de
grammaire, etc.) ; et puis la parole, c’est-à-dire ce qu’on prononce effectivement
a un moment donné (et qui obéit plus ou moins au code, assez en tout cas
pour qu’on soit compris d’un autre parlant ou comprenant la même langue) »
(M. Foucault, « La littérature et la folie. [La folie dans le théâtre baroque et le
théâtre d’Artaud] », dans Folie, Langage, Littérature, op. cit., p. 89‑107, ici p. 104).
4. Foucault songe ici sans doute, respectivement, à Descartes, Spinoza,
Hume, Fichte et Husserl.
5. R. Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, op. cit.
6. Christian Wolff distingue trois branches de la philosophie théorétique : la
métaphysique générale ou ontologie, les trois métaphysiques spéciales (théolo‑
gie naturelle, psychologie et cosmologie rationnelle), et la physique (C. Wolff,
Discours préliminaire sur la philosophie en général, trad. par Thierry Arnaud et al.,
Paris, Vrin, 2006 [1728], § 92).
7. R. Descartes, Méditations métaphysiques, éd. par Marie-Frédérique Pelle‑
grin, Paris, Flammarion, 2009 [1641] ; I. Kant, Opus postumum, trad. par Jean
Gibelin, Paris, Vrin, 1950 [1920].
8. Dans ce paragraphe, Foucault repense à nouveaux frais la conception des
antinomies de la raison de Kant, c’est-à-dire des contradictions dans lesquelles
la raison tombe lorsqu’elle n’est pas en mesure de choisir entre deux thèses
opposées. Dans Critique de la raison pure, la première antinomie porte sur la
finitude du monde, la deuxième sur l’existence d’une entité simple indivisible,
la troisième sur l’existence de la liberté, et la quatrième sur l’existence de Dieu
(I. Kant, Critique de la raison pure, op. cit., « Chapitre second. L’antinomie de
la raison pure », A405/B432-A567/B595, p. 375‑498). Foucault fait ici impli‑
citement référence à toutes ces antinomies, à l’exception de celle concernant la
liberté de l’homme.
La disposition générale du discours philosophique 107
Ce qui a été analysé jusqu’ici, c’est le niveau des nécessités discur‑ [170]
sives qui s’imposent à la philosophie depuis l’âge classique. Ces
nécessités ne sont point enracinées dans l’essence de la philosophie
en général, ou dans la destination que son origine lui a prescrite ;
mais on ne peut pas les identifier non plus à l’architecture inté‑
rieure des différents systèmes. Le discours philosophique a une
consistance propre, à la fois comme phénomène historique ayant
un point d’irruption déterminé dans le temps, et comme réseau
qui parcourt souverainement les divers ensembles de propositions
bâtis par les philosophes. Qu’il se tienne en retrait des systèmes
tels qu’ils apparaissent dans l’histoire ne l’empêche aucunement
d’avoir dans cette même histoire son lieu de naissance et ses
repères. Il faut donc le considérer non pas comme la loi formelle
[de] tous les systèmes, mais comme la condition de possibilité
historique d’un certain nombre de systèmes apparus effectivement [171]
dans l’histoire 1. Toutes les philosophies depuis Descartes obéissent
à la légalité de ce discours. Si elles diffèrent les unes des autres,
c’est que les conditions imposées par la modalité du discours
laissent indécis un certain nombre de points de choix ; et si, en
revanche, à travers ces divergences, on peut retrouver, de l’une à
l’autre, des analogies ou des parentés, c’est que les différents choix
possibles ne sont pas indépendants ; une décision en un point ou à
110 Le discours philosophique
a. Rayé : « Les deux autres choix suivent aisément de là. Une fois en effet
qu’a été défini, par la certitude, le dévoilement de la vérité initiale, la fonc‑
tion critique du discours philosophique ne peut plus s’exercer que dans
une analyse de l’apparence. C’est que le rapport originaire à la vérité que
le sujet parlant retrouve par l’attention est un rapport qui doit expliquer
sa propre précarité : il faut que le vrai y soit donné, mais [de] telle manière
qu’il puisse être perdu. »
114 Le discours philosophique
a. Rayé : « Ces limites, par définition, ne peuvent pas se donner comme
telles à l’intérieur même des phénomènes. »
b. Rayé : « non conscientes ».
122 Le discours philosophique
NOTES
1. La définition que Foucault donne ici du discours philosophique est très
proche de celle qu’il donne, dans Les Mots et les Choses, de l’« a priori historique » :
« [C]e qui, à une époque donnée, découpe dans l’expérience un champ de savoir
possible, définit le mode d’être des objets qui y apparaissent, arme le regard
quotidien de pouvoirs théoriques, et définit les conditions dans lesquelles on
peut tenir sur les choses un discours reconnu pour vrai. » L’a priori historique,
selon Foucault, est donc ce qui autorise des systèmes, des théories, des ana‑
lyses particulières « en leur dispersion, en leurs projets singuliers et divergents »
(M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 171).
2. Voir supra, p. 94-97.
3. Voir supra, note 16 du chap. 6, p. 88.
4. En posant ici la question de la distribution des points de choix à l’inté‑
rieur du fonctionnement discursif de la philosophie, Foucault souligne une
différence considérable entre sa méthode archéologique, visant à déterminer
les conditions de possibilité discursives et historiques de la description de la
philosophie, et les approches de Gueroult et Vuillemin (voir supra, note 11 du
chap. 4, p. 55 et note 3 du chap. 10, p. 162-164). D’après Gueroult, chaque
œuvre philosophique obéit, « selon l’ordre des raisons », à une « structure archi‑
tectonique » singulière donnée par les enchaînements démonstratifs qui, en tant
que moyens de preuve, assurent sa validité et font « système ». Ces structures
architectoniques ont une valeur incomparable pour l’historien de la philosophie,
puisque la validité d’une philosophie se mesure moins par sa capacité à fonder
en vérité ses énoncés portant sur une réalité extérieure que par la cohérence
interne de ses structures, ce qui pour l’historien constitue le « réel » même de
chaque philosophie. En outre, comme la prétention de validité ou de vérité
par rapport à une réalité extérieure à chaque philosophie est ici suspendue,
la réalité de ses structures architectoniques ne peut pas être invalidée par des
doctrines successives – ce qui marque la différence entre la philosophie et les
sciences. Les structures architectoniques, dans l’autonomie qui leur est propre,
sont « indépendantes du temps » et de toute causalité historique qui leur est
exogène. Selon Gueroult, l’historien de la philosophie doit donc considérer
les structures architectoniques propres à chaque œuvre, tout comme à chaque
doctrine ou système qui se manifeste en elle, dans leur irréductible pluralité, à
savoir comme des « monuments » ; voir la Leçon inaugurale de Gueroult pour
sa chaire d’Histoire et technologie des systèmes philosophiques au Collège de
France prononcée le 4 décembre 1951 (Paris, Éditions du Collège de France,
1952). Cette approche infléchit clairement la pratique de l’historien de la philo
sophie vers l’étude monographique de l’œuvre, car celle-ci constitue le lieu
privilégié pour rendre compte de la diversité des points de choix donnés par
les moyens de preuve qu’elle mobilise et par lesquelles elle se singularise. Face
à cette multiplicité irréductible de points de choix posée par la méthode de
Gueroult, il est pourtant possible, d’après Vuillemin, de comparer les différentes
structures architectoniques, ainsi que les doctrines et les systèmes philosophiques
Les deux modèles du discours 125
Mais on peut faire remarquer tout de suite que si ces deux formes
de philosophie ont été l’une et l’autre rendues possibles par la
grande mutation des discours au début du xviie siècle, elles se
sont manifestées à tour de rôle dans l’histoire, la première avant
Kant, la seconde après lui 2.
Une philosophie qui se légitime comme dévoilement suppose
qu’il peut y avoir un mode de discours lié à un ici, à un présent, à
un sujet singulier et qui peut, à l’intérieur même de ce maintenant [206]
qui le particularise, établir un rapport indubitable à une vérité sans
temps ni lieu. Ce rapport est immédiat ; il n’a besoin d’aucune
vérification ultérieure ; il n’est point conformation à un modèle ;
il est en lui-même saisie directe de ce qui est ; son énoncé est en
même temps perception indubitable de ce qu’il dit. Le discours
philosophique qui fonctionne comme un dévoilement doit être
nécessairement doué d’un pouvoir ontologique premier. Ce n’est
pas à l’intérieur du concept général de l’être (donc d’une ontologie)
qu’il va rencontrer les objets auxquels il a affaire ; le discours se
donnera immédiatement ce qui est sur le mode du perçu. Si donc
le discours philosophique a rencontre l’âme, Dieu et le monde, il
n’aura pas à les traiter comme des objets à l’intérieur du domaine
général de l’être ; il contraindra à percevoir qu’ils existent.
Mais avant même d’en arriver là, il se présente une nouvelle
possibilité de choix. Cette faculté propre au discours de donner à
voir ce qui est au lieu de le définir à partir du concept général de [207]
l’être, elle peut lui appartenir sur deux modes différents. Un tel
pouvoir peut être reconnu au discours, indépendamment des mots
ou des signes qu’il choisit, par le seul privilège de son maintenant :
l’acte d’attention qui le fait parler lui fait voir en même temps
ce qui est. Le discours dévoile la vérité, comme pensée instan‑
tanée, comme perception intuitive, et cela indépendamment de
son corps verbal ; les mots certes peuvent, par leurs équivoques,
par leur non-distinction, empêcher cette lumière de traverser le
discours – et c’est pour cette raison qu’il faut à la fois s’en méfier
et les choisir avec soin –, mais ce ne sont point eux qui la déter‑
minent. On comprend que, dans ce cas, le grand problème du
discours soit d’instaurer une continuité, de passer d’une saisie
a. Dans la marge : « mais la philosophie n’est pas plus objet que l’âme,
Dieu ou le monde ».
b. Conjecture : mot difficilement lisible.
Philosophie, métaphysique, ontologie 135
NOTES
12. Pour une thèse analogue, voir M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit.,
p. 260‑261 ; Foucault y soutient qu’à partir de Kant se sont posés, d’une part,
« le problème des rapports entre le champ formel et le champ transcendantal »
et, d’autre part, « le problème des rapports entre le domaine de l’empiricité et
le fondement transcendantal de la connaissance ». La première forme de phi‑
losophie se manifeste « dans l’entreprise fichtéenne où la totalité du domaine
transcendantal est génétiquement déduite des lois pures, universelles et vides
de la pensée », alors que la seconde apparaît d’abord avec la « phénoménologie
hégélienne » et ensuite chez Husserl, avec sa tentative « d’ancrer les droits et les
limites d’une logique formelle dans une réflexion de type transcendantal, et de
lier d’autre part la subjectivité transcendantale à l’horizon implicite des contenus
empiriques, qu’elle seule a la possibilité de constituer, de maintenir et d’ouvrir
par des explicitations infinies ».
13. Le système philosophique élaboré par Johann Gottlieb Fichte sous le
nom de Die Wissenschaftslehre (littéralement, « doctrine de la science ») se fonde
sur le concept de subjectivité pure, ou de « Moi absolu », à savoir sur le prin‑
cipe d’autoposition du Moi (Moi = Moi). Voir J. G. Fichte, Œuvres choisies de
philosophie première. « Doctrine de la science » (1794‑1797), 3e éd. augm., trad.
par Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1990.
14. Voir E. Husserl, La Crise des sciences européennes et la phénoménologie
transcendantale, op. cit.
15. Id., Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie, nouv. éd.,
trad. par Emmanuel Levinas et Gabrielle Peiffer, Paris, Vrin, 1992 [1931].
16. « On voit comment la tâche phénoménologique que Husserl se fixera
bien plus tard est liée, du plus profond de ses possibilités et de ses impos‑
sibilités, au destin de la philosophie occidentale tel qu’il est établi depuis le
xixe siècle » (M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 261). Foucault
consacre une série d’analyses très détaillées à la phénoménologie de Husserl
dans la première moitié des années 1950 ; voir M. Foucault, Phénoménologie
et Psychologie, op. cit.
17. Référence à Heidegger ; voir supra, p. 15, note 3 du chap. 1, p. 18-20,
et p. 105. Sur ce point, Foucault semble souscrire à la thèse de Vuillemin selon
laquelle la pensée de Heidegger, plutôt que marquer la fin de la métaphysique, ne
constituerait qu’un « déplacement post-kantien » de l’opposition entre nature et
liberté déjà dénoncée par Hegel, ce qui ferait en réalité de Heidegger un « héritier »
de Kant. Voir J. Vuillemin, L’Héritage kantien et la révolution copernicienne. Fichte,
Cohen, Heidegger, Paris, PUF, 1954. Dans les archives de la BNF (Fonds Foucault,
cote NAF 28730, Boîte 37, chemise 44), on trouve les notes d’un cours de Jean
Beaufret sur Kant qui contient déjà des références à Vuillemin à propos de l’inter‑
prétation heideggérienne de Kant. Foucault revient sur cette allusion à Husserl et à
Heidegger concernant « la vieille tâche philosophique qui était née en Occident avec
la pensée grecque » dans un entretien avec Alain Badiou de février 1965 : annonçant
déjà le programme des Mots et les Choses, Foucault affirme que les rapports entre
philosophie et psychologie s’articulent au sein d’une anthropologie envisagée comme
une « structure proprement philosophique » définie par la « finitude humaine » et
en vertu de laquelle l’enchevêtrement de la philosophie et des sciences humaines
constitue « ce que nous avons à penser peut-être à la fois maintenant, ici où nous
sommes, et puis en général dans les années à venir » (M. Foucault, « Philosophie
et psychologie » [1965], dans DE I, no 30, p. 466‑476, ici p. 467‑468 et suiv.).
[CHAPITRE 10]
Description de la philosophie
Puisque l’on a défini les deux grands types de discours philo‑ [237]
sophique qui se sont partagé l’histoire de la pensée occidentale
depuis l’événement premier où tous deux au xviie siècle ont trouvé
leur condition de possibilité, il faut s’arrêter un instant et s’inter‑
roger sur la méthode de description utilisée jusqu’ici et dont on
a feint de supposer qu’elle pouvait aller de soi.
Une première singularité est à remarquer. D’un côté, cette
analyse semble assez complète pour pouvoir se refermer sur elle-
même : elle prétend définir l’espace où toutes les philosophies
effectivement articulées dans l’histoire trouvent leur place, et le
définir d’une façon si générale que nulle d’entre elles ne puisse lui
échapper ; elle prétend de plus décrire le cycle fonctionnel du dis‑
cours philosophique d’une manière assez exhaustive pour que les
dernières instances analysées trouvent à la fois leur appui et leurs
conséquences dans les premières : le cercle est alors parfaitement [238]
bouclé. Mais d’un autre côté, cette description est demeurée essen‑
tiellement inachevée : à chaque instant, elle indiquait des lignes
de fuite qu’elle ne marquait que par des pointillés ; elle localisait
des points de choix, laissait en blanc des décisions possibles, qui
à leur tour sans doute en auraient appelé d’autres, plus particu‑
lières mais plus nombreuses. À partir du mode d’être du discours
philosophique qui, lui, détermine la philosophie et ne peut être
148 Le discours philosophique
choisi par elle, à partir des quatre fonctions qui sont nécessaires
pour assurer son existence, à partir des grands types de compati‑
bilité, tout un buissonnement d’options se dessine encore, dont
on ne voit pas très bien à quelles limites il devrait s’arrêter : choix
des concepts derniers, choix du sens et des règles d’utilisation de
ces concepts, choix entre tous les ordres et les modes possibles
de présentation, choix des mots, peut-être ? Car c’est l’ensemble
presque indéfini de toutes ces décisions, pour une bonne part
silencieuses, qui forme le corps visible des discours philosophiques
tels que nous pouvons les lire 1. [239]
Cette clôture de la description fonctionnelle, cette ouverture
en revanche sur une masse si grande de décisions qu’on ne saurait
même les recenser posent un certain nombre de problèmes.
Le premier concerne la réalisation historique [de] tous ces possibles.
Étant donné que des règles très strictes de compatibilité excluent
un certain nombre de combinaisons éventuelles, peut-on supposer
que tout ce que le discours philosophique rendait possible a été
effectivement réalisé dans les philosophies que nous connaissons ?
Ou existe-t-il encore des possibilités qui sont demeurées vides, qui
ne seront remplies que plus tard, ou qui peut-être resteront défini
tivement dans la grisaille de la virtualité ? Ces questions, on le voit,
sont liées à la vieille interrogation sur le destin ou l’avenir de la
philosophie. Si le discours philosophique dont nous parlons n’a pas
encore délivré toutes ces possibilités, nous sommes encore placés à
l’intérieur de son horizon ; et tout ce qui peut se dire aujourd’hui à
son propos (et ce discours précisément qui se tient là sur ce papier)
fait partie de ses déterminations fondamentales ; il n’a donc ni
le droit ni la simple possibilité d’en parler de l’extérieur. Mais si [240]
toutes les possibilités ont été effectuées, alors nous voilà parvenus
à la fin de la philosophie, ou du moins de cet épisode actuel qui
a trouvé son origine au début du xviie siècle, et c’est peut-être cet
achèvement qui nous donne l’autorisation d’analyser comme une
architecture de possibles ce qui a été effectivement constitué dans
l’histoire. Se trouve ainsi formulé tout le problème du rapport entre
l’actuelle description et le discours philosophique lui-même : en est-
elle un simple élément (quelques décisions nouvelles qui n’avaient
pas été prises encore parmi celles qui demeurent possibles) ?
Ou marque-t-elle la naissance d’un épisode radicalement nouveau ?
Description de la philosophie 149
a. Note en bas de page de Foucault : « On ne nie pas ici l’existence d’un
rapport intrinsèque entre les discours littéraires ou scientifiques et la pos‑
sibilité d’en faire l’histoire. »
156 Le discours philosophique
NOTES
La nouvelle mutation
date de naissance très précis dans l’histoire. On peut donc dire [276]
que la description du discours philosophique est une analyse des
conditions de possibilité de la philosophie, mais de ses condi‑
tions historiques de possibilité. Un tel projet semble s’inscrire
à l’intérieur d’une tradition qui remonte pour le moins à Kant,
puisque (et pour les raisons qu’on a définies plus haut) le discours
philosophique n’a pas pu éviter, à partir d’un certain moment, de
poser la question de savoir comment la philosophie était possible
et à quelles conditions elle devait obéir pour pouvoir se déployer
enfin comme un discours vrai et reconnu. Mais ce même projet
semble également s’inscrire dans une autre tradition à peine moins
ancienne : celle qui consiste à trouver dans l’existence historique
de la philosophie, ou plutôt des philosophies, les éléments de sa
possibilité. Sans doute y a-t-il des différences importantes : d’un
côté, on ne cherche pas les conditions d’une philosophie à venir,
mais celles de la philosophie, telle qu’elle a existé ; et d’un autre
côté, on ne demande pas à l’histoire des [signes a] de possibilité,
mais on définit au contraire l’histoire à partir des formes de la
possibilité. De sorte qu’il ne peut s’agir au sens strict ni d’une [277]
répétition voilée de l’entreprise critique, ni d’un travestissement
de l’histoire en une déduction abstraite.
Et cependant, malgré ces différences essentielles, ce projet d’une
description du discours philosophique paraît bien appartenir à
tout un horizon qui nous est maintenant familier. C’est celui
d’une philosophie qui n’est plus capable de mettre le monde,
ni Dieu, ni la nature, ni l’histoire en question, et qui ne peut
que s’interroger elle-même, mettant en jeu à la fois son droit à
parler et toute cette histoire qui l’a conduite finalement à une
telle réduplication. Est-ce que l’idée de parler de la philosophie
comme pur et simple discours n’est pas comme la pointe extrême
de cet appauvrissement ? Tant qu’on cherchait à la philosophie des
conditions générales de possibilité, c’était toute la connaissance
humaine qu’on était obligé de mettre en question, et à travers elle
le statut de l’objectivité, les limites de l’expérience, les formes de
la finitude ou les actes fondamentaux de la subjectivité. Quand [278]
on cherchait dans l’histoire de la philosophie les conditions de son
pouvons pas éviter de constater qu’ils n’ont plus ceux d’autrefois : [296]
de là ce fait que rien de ce qui nous est donné comme philosophie
(soit qu’elle relève de l’ancien mode de discours, soit qu’elle relève
du nouveau) ne nous paraît être vraiment de la philosophie, et que
chaque fois que nous entreprenons de philosopher, nous avons
l’impression de parler dans l’élément de la non-philosophie. Mais
en même temps, par une sorte de compensation qui n’est en fait
que l’autre aspect du même phénomène, de la philosophie s’articule
à l’intérieur de discours qui lui auraient été autrefois étrangers :
cela ne veut pas dire que les mathématiques, par exemple, ou la
littérature, ou la politique offrent maintenant à la philosophie des
thèmes ou des objets ignorés jusque-là ; mais que dans l’élément de
discours scientifiques (comme les mathématiques ou la linguistique,
comme la psychanalyse ou la logique), à l’intérieur de discours
littéraires (que ce soient de Mallarmé, de Rilke ou de Blanchot),
dans la forme de discours politiques, dans des expériences comme
celles d’Artaud ou de Bataille, des actes [… a] philosophiques sont [297]
effectivement accomplis, ni plus ni moins que dans le discours
philosophique des gens qui se donnent pour philosophes 12. Toute
une richesse est en train de naître là, et dans la proportion même
où la philosophie se reconnaît comme perdue. Encore faudra-t-il
essayer de déterminer ce que sont ces actes philosophiques dans
un univers de discours où celui de la philosophie se constitue sur
un mode entièrement nouveau 13.
Mais ce n’est pas là la seule conséquence de cette transforma‑
tion à laquelle on peut donner le nom de Nietzsche. À partir du
moment où le discours philosophique perd ses déterminations et
ses fonctions, tout ce qui pouvait garantir l’unité de son domaine
se dissocie à son tour : cet élément qui liait pour le discours philo
sophique le domaine primaire du sujet à celui du fondement et
qui, depuis la substance pensante de Descartes jusqu’à la subjec‑
tivité constituante de Husserl, avait transformé l’âme, objet méta‑ [298]
physique, en fonction discursive, cet élément se dénoue dans la
pensée de Nietzsche pour devenir la pluralité des sujets ; corrélati‑
vement, c’est cette fracture du sujet qu’on va rencontrer dans des
discours scientifiques comme celui de la psychanalyse, ou dans
découvre qu’il est tous ceux qui l’ont précédé, et ceux-là qui le sui‑
vront ; il se découvre dispersé tout au long du temps, D ionysos et
empereur d’Allemagne, Antéchrist qui répond au Christ et annonce
son retour, Crucifié et Paraclet. Tous ces « autres » noms ne cachent
pas une identité à découvrir et à réconcilier avec elle-même ; ils
indiquent l’éclatement du sujet philosophant, sa multiple existence,
sa dispersion à tous les vents du discours.
Cette mutation du rapport entre le discours philosophique
et celui qui l’énonce ouvre sur la possibilité du philosophe fou.
Cette possibilité ne doit pas être comprise comme le droit donné
à une philosophie d’être irrationnelle ou même déraisonnable,
mais plutôt comme son droit à être irruption multiple du « oui »,
présence scintillante et disparition instantanée du philosophe
dans le seul cri de son affirmation. Au début des Méditations,
Descartes avait admis que le philosophe pouvait se tromper, que
ses sens pouvaient lui faire illusion, qu’il pouvait être endormi [306]
en se croyant éveillé ; mais il avait exclu pour lui la possibilité
d’être de ces hommes qui s’imaginent être des cruches ou avoir
un corps de verre : « Mais quoi, ce sont des fous 18… » Et s’il est
vrai que la folie est reprise ensuite, par le texte des Méditations et
par toute l’œuvre de Descartes, dans la forme plus générale du
rêve et selon le mécanisme maîtrisable de l’imagination, c’est pour
avoir été d’abord exclue absolument comme menace pour celui
qui discourait : je ne serais pas moins extravagant que les fous,
dit celui qui parle dans les Méditations, si je me réglais sur leurs
exemples. Ainsi commencent subrepticement la justification du
discours philosophique et la première définition de son droit à
atteindre la vérité 19. Avec Nietzsche, la décomposition du discours
philosophique le laisse sans protection ni défense contre la folie.
Celle-ci est désormais en droit de l’incendier, comme il lui arrive
de brûler la fureur des poètes, le délire des tyrans, l’ivresse des
hommes de Dieu : comme sur tous les autres types de discours
– littéraires, politiques ou religieux –, la folie peut exercer son [307]
droit sur la parole du philosophe 20. La folie réelle de Nietzsche
et le fait que, dans cette folie, sa pensée, dans ce qu’elle pouvait
avoir de constant et de déterminant, se soit trouvée mise en jeu et
comme manifestée de façon paroxystique, ne prouvent pas que sa
philosophie était d’entrée de jeu sillonnée par les fulgurations de
186 Le discours philosophique
la folie ; ils ne prouvent pas non plus – sauf aux bonnes volontés
un peu naïves – que Nietzsche n’était pas fou (en tout cas, pas
si fou…). Ils signalent, et sans doute est-ce plus important pour
l’histoire de notre culture, que le discours philosophique était
affranchi désormais du mode d’être qui avait été le sien depuis
Descartes, qu’il n’était plus voué au grand cycle fonctionnel qui
en avait soutenu jusque-là toutes les manifestations ; qu’il pou‑
vait lui-même, en demeurant philosophique, devenir délirant,
ou inversement que le délire pouvait valoir comme l’extrémité
d’un discours philosophique. Dans les toutes dernières lettres de
Nietzsche, dans la convocation aux souverains, dans la carte pos‑
tale à Strindberg, dans l’ultime message à Peter Gast, c’est bien
la pensée de Nietzsche qui s’engloutit. Mais que nous puissions [308]
y reconnaître les limites de sa philosophie – plutôt son suspens
que son interruption –, et que désormais à toute folie nous soyons
prêts à demander non point seulement ce qu’elle peut porter de
poésie, mais ce qu’elle peut énoncer, en son abîme, de philosophie,
c’est là le signe que le discours philosophique se déploie selon un
nouveau mode d’être et s’organise d’après un nouveau régime.
« Chante-moi une chanson nouvelle, le monde est transfiguré 21. »
NOTES
trad. par Yannick Souladié, Paris, Éditions Manucius, 2011 ; M. Foucault, « Sur
l’archéologie des sciences », art. cité, p. 731.
12. Maurice Blanchot, Georges Bataille, Antonin Artaud et Stéphane
Mallarmé sont parmi les auteurs les plus cités et commentés par Foucault dans
les années 1960. Sur Blanchot, voir notamment M. Foucault, « La pensée du
dehors », art. cité. Sur Bataille, voir en particulier id., « Préface à la transgression
(en hommage à Georges Bataille) » [1963], dans DE I, no 13, p. 261‑278. Sur
Artaud et Mallarmé, voir respectivement id., « La littérature et la folie », art. cité ;
id., « Le Mallarmé de J.-P. Richard » [1964], dans DE I, no 28, p. 455‑465.
En 1978, à l’occasion de ses conversations avec Duccio Trombadori, Foucault
déclare : « Nietzsche, Blanchot et Bataille sont les auteurs qui m’ont permis de
me libérer de ceux qui ont dominé ma formation universitaire, au début des
années 1950 : Hegel et la phénoménologie » (id., « Conversazione con Michel
Foucault » [1980], dans DE II, no 281, p. 860‑915, ici p. 867).
13. Sur ce point, voir l’entretien avec Paolo Caruso paru en septembre 1967,
« Qui êtes-vous, professeur Foucault ? » [1967], dans DE I, no 50, p. 629‑648, ici
p. 640 : « Pour Nietzsche, philosopher consistait en une série d’actes et d’opéra‑
tions relevant de divers domaines : c’était philosopher que de décrire une tragé‑
die de l’époque grecque, c’était philosopher que de s’occuper de philologie ou
d’histoire. » Dans ses cours de 1954‑1955, Foucault utilise l’expression l’« acte de
philosopher » en parlant de l’interprétation que Jaspers donne de la philosophie
de Nietzsche ; voir id., La Question anthropologique, op. cit., p. 204.
14. Foucault soutient que Nietzsche, après avoir maintenu jusqu’au bout
la question « Qui parle ? », fait enfin « irruption lui-même à l’intérieur de ce
questionnement pour le fonder sur lui-même, sujet parlant et interrogeant : Ecce
homo » (M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 317).
15. Dans un entretien qu’il donne avec Deleuze, publié en septembre 1966,
Foucault soutient que « l’apparition de Nietzsche constitue une césure dans
l’histoire de la pensée occidentale », car « le mode du discours philosophique
a changé avec lui » : « Auparavant, ce discours était un Je anonyme. Ainsi, les
Méditations métaphysiques ont un caractère subjectif. Cependant, le lecteur
peut se substituer à Descartes. Impossible de dire “je” à la place de Nietzsche »
(M. Foucault, « Michel Foucault et Gilles Deleuze veulent rendre à Nietzsche
son vrai visage », art. cité, p. 579).
16. Foucault fait ici référence aux titres de la deuxième, la troisième et la
quatrième partie de Ecce homo : « Warum ich so klug bin », « Warum ich so gute
Bücher schreibe » et « Warum ich ein Schicksal bin » (F. Nietzsche, Ecce homo,
op. cit., p. 258-275, 276-332, 333-341).
17. Sur le jeu des pseudonymes chez Søren Kierkegaard, voir aussi M.
Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », art. cité, p. 825.
18. « [C]omment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce corps-ci
soient à moi, si ce n’est peut-être que je me compare à ces insensés, de qui le
cerveau est tellement troublé et offusqué par les noires vapeurs de la bile, qu’ils
assurent constamment qu’ils sont des rois, lorsqu’ils sont très pauvres, qu’ils
sont vêtus d’or et de pourpre, lorsqu’ils sont tout nus, ou s’imaginent être
des cruches, ou avoir un corps de verre ? Mais quoi ? ce sont des fous ; et je ne
serais pas moins extravagant, si je me réglais sur leurs exemples » (R. Descartes,
Méditations métaphysiques, op. cit., p. 81-82).
190 Le discours philosophique
fallu alors plus d’un demi-siècle pour que soit achevée la grande
mutation des discours ; maintenant, on a l’impression d’être enve‑
loppé à l’intérieur d’un processus inauguré il y a presque un siècle.
Sommes-nous parvenus au terme de ce qui s’annonçait presque
simultanément chez Nietzsche, Mallarmé ou Frege ? Sommes-nous
les contemporains involontaires et, pour une grande part, aveugles
d’un phénomène apparu bien avant nous et qui se prolongera bien
après nous, tant il est complexe, polymorphe et profond ? Mais
les illusions d’optique sont nombreuses quand il s’agit de voir ce
qui est en train, précisément, de se passer : peut-être l’événement
qu’on s’efforce de ressaisir est-il beaucoup plus proche qu’on ne [311]
croit ; et en situant, à la fin du xixe siècle, du côté de Nietzsche,
sa date de naissance, on essaie, par souci de justification, d’en
rechercher fort loin les signes précoces ; on se rassure, on apaise
son inquiétude, on cherche un sol stable – alors qu’il n’y a encore
que mobilité et vide –, on reconnaît un accomplissement là où les
préliminaires étaient à peine esquissés. Mais peut-être aussi est-on
victime de l’illusion contraire ; il se pourrait que nous nous ima‑
ginions participer encore à un événement clos déjà depuis long‑
temps ; et si nous croyons vivre dans un univers de discours encore
mobile et incertain, encore ouvert sur des mutations futures, ce
n’est pas [que] l’événement de sa transformation est inachevé,
c’est que nous sommes pris en lui sans pouvoir encore en deviner
les limites, ni pressentir du tout le moment de sa fin. L’œuvre
de Nietzsche nous a-t-elle légué un discours philosophique déjà
bouleversé de fond en comble, et libéré de toutes ses anciennes
exigences fonctionnelles ? Ou bien indique-t-elle seulement les
premières oscillations d’un discours dont le mode d’être ne cessera
pas, par la suite, de s’altérer davantage ? [312]
Avant d’esquisser, au moins dans ses lignes essentielles, cette
mutation du régime général des discours, il faut noter un fait
dont on peut être à peu près sûr : longtemps après Nietzsche, le
discours philosophique n’était pas parvenu au terme de sa trans‑
formation, et il semblait se loger dans une dimension encore indé‑
cise. À vrai dire, le terme d’« indécision » n’est pas très adéquat
pour décrire ce qui se passe ; car dans l’ordre de la pensée – si du
moins on n’essaie pas de l’analyser de l’intérieur, ni de répéter
les actes invisibles qui sont censés l’habiter, mais de définir son
Penser après Nietzsche 193
a. Rayé : « Cette modalité est restée pour elle une forme vide. »
198 Le discours philosophique
a. Foucault avait d’abord écrit, puis rayé : « Quant à l’anthropologie, elle est
elle aussi plutôt transformée que réellement supprimée. Son rôle, mainte‑
nant, est confié à d’autres formes de discours. Le système anthropologique
consisterait en ceci. »
202 Le discours philosophique
Elle qui avait pour programme tout un monde n’a pu faire naître
que les projets innombrables de recommencer, d’effacer en répé‑
tant, d’effacer pour répéter, de ressaisir ce moment où la répétition
efface et l’effacement répète. La phénoménologie, c’est l’ombre,
portée sur lui-même, de tout le discours philosophique, tel qu’il
a existé depuis trois siècles dans le monde occidental.
NOTES
L’archive
d’analyse qui les font apparaître comme des mises en œuvre, par
le langage lui-même, de leurs propres structures linguistiques.
Enfin – et c’est peut-être le plus important –, une littérature
apparaît, mais aussi une musique, mais aussi des arts plastiques,
qui tous se déploient selon les possibilités formelles de la langue
qu’ils utilisent ou qu’ils se constituent.
Tous ces faits dont la parenté semble évidente renvoient sans
doute à un événement à la fois unique et essentiel. Encore s’agit-il
de l’indiquer là où il est, selon la forme qui est la sienne et dans
sa nouveauté propre. Or, il est devenu maintenant presque tra‑
ditionnel de le désigner comme la mise au jour de la fonction
universellement structurante du langage. Tout se serait passé
comme si la pensée occidentale en son ensemble avait entrepris,
depuis plusieurs siècles déjà, une grande recherche qui n’aurait
jamais été interrompue, mais qui n’aurait pas cessé d’être tou‑ [344]
jours plus régressive et plus radicale ; cette recherche serait celle
des conditions de la pensée elle-même – c’est-à-dire de sa vérité,
de ses formes et de ses limites. Et par une série de réduplications
successives, dans lesquelles on a mis en question l’objectivité de la
connaissance et l’être de l’homme, on en serait venu à se demander
finalement ce que nous faisons quand nous parlons, ce qu’est cette
langue à travers laquelle nous viennent toutes les connaissances et
toutes les vérités, à travers laquelle aussi nous avons accès à nous-
mêmes, et à cette existence que nous croyons plus archaïque ou
plus fondamentale que toute langue. En cette interrogation sur le
langage viendraient se résumer, mais aussi se fonder, la recherche
cartésienne d’un fondement premier pour le discours vrai, la
recherche kantienne des limites de la connaissance, la recherche
husserlienne d’une théorie générale des a priori formels ; mais en
même temps, cette analyse du langage nous approcherait au plus
près de ce qu’est l’homme en son essence singulière. De sorte
que les deux thèmes, si fondamentaux dans la pensée occidentale, [345]
mais si difficilement compatibles, d’une science de l’homme et
d’une critique radicale de la connaissance trouveraient enfin leur
point d’articulation, non pas comme on l’a cru longtemps dans
une conscience se ressaisissant elle-même, mais dans le langage
au moment où il se redouble. C’est en disant ce qu’est le langage
qu’on pourrait énoncer ce qu’est la connaissance, et ce qu’est
212 Le discours philosophique
a. Rayé : « Le premier peut être défini comme la constitution d’une archive
universelle. Dès les formes les plus archaïques de notre culture (et par
définition les seules qui nous soient encore accessibles), il y a eu un rap‑
port fort complexe, mais ininterrompu, entre le discours et ces formes de
conservation. Peu importe. »
214 Le discours philosophique
les énoncés divers peuvent se rapporter les uns aux autres et former
une trame ; or il est évident a qu’une série d’énoncés universel
lement vrais et découlant les uns des autres implique dans l’archive
un mode de conservation différent d’une série d’ordres liés à une [361]
situation et s’enchaînant les uns aux autres selon son déroulement.
Dans une culture donnée, il n’y a un univers de discours (autre
chose par conséquent qu’une poussière d’actes de parole enga‑
gés dans des processus psychologiques, pratiques ou sociaux) que
dans la mesure où[, d’une part,] il existe une archive b ; il n’existe
d’autre part d’archive que dans la mesure où l’ensemble des énon‑
cés atteint, avec le discours, une certaine autonomie ; l’archive
n’est pas plus homogène en elle-même que le discours ; les dif‑
férences de celui-ci s’appuient sur les différences de celle-là, et
réciproquement. Mais il n’y a pas de rapport bi-univoque entre
les formes de l’archive et les types du discours. De sorte qu’il est
possible de décrire, pour eux-mêmes, les discours qui figurent
dans l’archive d’une culture, sans parler directement de son sys‑
tème d’archive ; il n’en reste pas moins que, au moins de façon
silencieuse, on fera apparaître la manière dont ces discours sont [362]
enregistrés, conservés, transformés, réactualisés, commentés, mis
en circulation. Et inversement, on peut décrire les modes d’oubli
et d’inscription, de secret et de publicité, de transformation ou de
répétition de ce qui est dit ; mais en même temps, on ne pourra
pas manquer de faire apparaître, du côté des discours, leurs formes
d’enchaînements, le système de leur validation, les rapports qu’ils
entretiennent avec les actes de parole, etc.
L’isolement de ce niveau de l’archive-discours a son importance
pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’il permet de renvoyer
à son horizon fatalement mythologique la question de la priorité
entre parole et écriture ; il est en effet curieux de constater qu’à
a. Rayé : « qu’un énoncé, s’il est universellement répétable par n’importe
qui, en n’importe quelle circonstance, découle d’un autre énoncé ».
b. Note en bas de page de Foucault : « On objectera peut-être qu’il y a bien
des discours (les plus quotidiens, les plus liés à des situations passagères)
qui ne figurent pas dans l’archive. Mais, entendue comme on le fait ici,
l’archive n’est pas la masse de ce qui est en fait conservé : c’est, dans une
culture donnée à un moment donné, le principe de choix qui recueille ou
rejette ; en ce sens, le rejet, l’effacement, la négligence font partie aussi bien
que la conservation pieuse du système d’archive. »
220 Le discours philosophique
différents énoncés dans une unité plus vaste qu’eux qui doi[ven]t
faire l’objet de l’analyse du discours 8.
La définition de ce niveau qu’on peut appeler aussi bien archive
que discours selon la perspective dans laquelle on se place impose
donc de nouvelles distinctions dans des domaines qu’on pensait,
qu’on espérait pouvoir unifier : dans le domaine désigné comme [370]
celui du langage, ce niveau fait surgir entre la structure de la
langue et la forme des actes de parole une couche spécifique qui
n’est réductible ni à l’une ni à l’autre – celle du discours ; dans
le domaine de l’histoire, il fait surgir entre les individus ou les
conditions de leur existence et ce qu’ils pensent et disent une
couche qu’on ne peut pas omettre et qui est celle de l’archive.
Or si l’on songe que toute discipline historique, quelle qu’elle
soit (et il faut entendre ici l’analyse d’une culture au sens large :
histoire, sociologie, ethnologie), ne peut se faire qu’à partir de ce
qui est donné dans l’archive, si l’on songe que toute analyse du
langage se fait à partir de ce référentiel qu’est le discours effectif,
on voit que ce niveau intermédiaire, coincé entre la langue et la
parole, entre la pensée et les conditions d’existence, est en fait ce
à partir de quoi tous ces éléments peuvent apparaître, se donner
à l’expérience et être objet d’analyse. L’archive-discours est à la
fois une instance intermédiaire et irréductible, et le lieu commun
où s’enracinent toutes ces distinctions. L’archive-discours, c’est [371]
l’universel interstice. Et s’il est possible de le faire apparaître pour
lui-même, de l’analyser selon ses formes propres, d’en déterminer à
la fois l’autonomie et les lois, on aura esquissé ainsi une discipline
qui sera à la fois relais, étape nécessaire entre d’autres disciplines
déjà constituées, et analyse de cela même qui les rend possibles.
Cette discipline de l’archive-discours, qui traite de l’archive
comme forme des lois de l’inscription, de la conservation, de la
circulation des discours, et qui traite des discours comme posi‑
tions réciproques des énoncés dans l’espace de l’archive – cette
discipline, on peut l’appeler archéologie 9.
224 Le discours philosophique
NOTES
5. Une fois de plus, Foucault vise ici les thèses de Derrida (voir, supra, p. 195
et note 4 du chap. 12, p. 206). La première partie de De la grammatologie
(op. cit.), « L’écriture avant la lettre », constitue un développement d’un essai
que Derrida avait originairement publié dans Critique (décembre 1965-jan‑
vier 1966) à partir des ouvrages suivants : Madeleine V. David, Le Débat sur les
écritures et l’hiéroglyphe aux xviie et xviiie siècles…, Paris, Sevpen, 1965 ; André
Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, 2 vol., Paris, Albin Michel, 1964‑1965 ;
Centre international de synthèse, L’Écriture et la psychologie des peuples [actes du
colloque organisé en mai 1960], Paris, Armand Colin, 1963.
6. Sur la naissance de la philologie, ou la constitution de la « positivité philo
logique », voir M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 294‑307.
7. Sur la distinction saussurienne entre langue et langage, voir supra, note 3
du chap. 7, p. 106.
8. Voir supra, note 3, p. 224. Dans L’Archéologie du savoir (op. cit.), Foucault
soutient que l’enquête archéologique prend pour objets des « énoncés », mais
il prend soin de distinguer ces derniers des « actes de parole » ou des « actes
illocutoires » (p. 110‑115), en les définissant plutôt en termes de fonction
(p. 116‑138).
9. Les trois derniers chapitres du Discours philosophique, rédigés sans doute
en Tunisie à l’automne 1966 (voir supra, note 4, p. 224), semblent donc consti‑
tuer le début des élaborations de l’étude « méthodologique » sur l’archéologie
à laquelle Foucault consacre deux années successives, et qu’il publie en 1969
sous le titre L’Archéologie du savoir. Pour la première définition de l’archéolo‑
gie comme « science de l’archive », voir l’entretien de Foucault avec Raymond
Bellour paru dans Les Lettres françaises au début du mois d’avril 1966, à l’époque
même de la parution des Mots et les Choses : « [I]l faut avoir à disposition l’archive
générale d’une époque à un moment donné. Et l’archéologie est, au sens strict,
la science de cette archive » (« Michel Foucault, Les Mots et les Choses », art. cité,
p. 527). Voir aussi « Sur les façons d’écrire l’histoire », art. cité, p. 623 : « [M]on
objet n’est pas le langage mais l’archive, c’est-à-dire l’existence accumulée des
discours. L’archéologie, telle que je l’entends, n’est parente ni de la géologie
(comme analyse des sous-sols) ni de la généalogie (comme description des com‑
mencements et des suites), c’est l’analyse du discours dans sa modalité d’archive. »
[CHAPITRE 14]
[L’histoire de l’archive-discours a]
Il existe dans toute culture, même lorsque l’écriture n’y est pas [372]
connue, une dimension de l’archive-discours ; car il existe tou‑
jours des formes de notation, de transmission, de répétition des
discours ; il existe des rites qui les insèrent obligatoirement dans
des gestes, dans des opérations ou des cérémonies ; il existe des
interdits et des règles de circulation des paroles prononcées. Et, à
vrai dire, une grande partie de ce que nous savons sur des cultures
étrangères à la nôtre est prélevée sur l’archive que celles-ci se
constituent spontanément. Or, que nos connaissances sur les
autres cultures soient empruntées ou non à leur archive propre
est indépendant de cet autre fait, pour nous capital : c’est que tout
ce que nous pouvons savoir à propos de civilisations ou de sociétés
qui ne sont pas les nôtres repose de toute façon sur notre propre
système d’archive et de discours. Si nous connaissons quelque
chose de la culture égyptienne ou bantoue, c’est dans la mesure
où nous en avons déposé dans nos archives à nous les discours, ou [373]
bien encore dans la mesure où nous avons transformé en discours
et mis ainsi en circulation dans notre espace d’archive ce que nous
pensions pouvoir en observer. C’est dire qu’il n’est jamais possible
à une culture quelle qu’elle soit (même si elle est aussi préoccupée
que la nôtre de celles qui lui sont étrangères ou antérieures) de
sortir de son propre système d’archive-discours. Une culture n’a
accès à ce qui n’est pas elle que dans l’élément de son archive et
selon les formes de son propre discours ; ce sont là pour elle des
limites qui sont infranchissables. Dans ces conditions, on voit que
l’analyse faite par une culture de son propre système d’archive et
de discours va nécessairement à la rencontre des limites qui sont
les siennes et qu’elle ne peut pas transgresser.
Quand une culture comme la nôtre entreprend de réfléchir sur
elle-même, elle rencontre plus ou moins vite ses propres limites :
celles de sa langue, de ses formes de pensée, de ses concepts fon‑
damentaux, de ses conditions d’existence ; elle rencontre aussi les
partages qu’elle opère entre le vrai et le faux, le bien et le mal, la [374]
folie et la raison. Mais ces limites peuvent toujours être contour‑
nées par le recours à un autre niveau d’analyse : on peut analyser
la structure propre aux langues indo-européennes, la comparer à
d’autres systèmes linguistiques, en inférer des conséquences dans
le domaine de la pensée réfléchie ou de l’expérience quotidienne ;
et le fait que cette analyse puisse se faire dans une langue indo-
européenne n’en compromet pas la valeur. En revanche, le système
de l’archive-discours impose à la culture des limites qu’elle ne
saurait franchir : car ce système détermine les énoncés qu’elle peut
articuler, les choses qui méritent d’être dites, conservées, répétées,
celles qui n’existent pas au niveau du langage – donc qui n’existent
pas du tout, celles qui doivent être tues, etc. Il n’est donc pas
possible, par définition, qu’une culture franchisse ce système pour
énoncer ce qu’elle ne dit pas, pour [faire] circuler des discours
qu’elle n’autorise pas : car dès qu’ils sont formulés, ils font déjà
partie de l’archive et de l’univers du discours. On c omprend dans
ces conditions que jamais une culture ne puisse faire véritablement
sa propre ethnologie 1 ; c’est-à-dire franchir toutes ses limites et se [375]
traiter rigoureusement comme un objet extérieur ; elle ne pourra
faire que des analyses ethnologiques partielles dans lesquelles,
sur tel ou tel [point a] particulier, elle franchira ses limites en
se comparant avec d’autres formes de civilisation. Quant à une
a. Note en bas de page de Foucault : « Sur tout cela, voir J.-P. Vernant. »
L’histoire de l’archive-discours 231
ces modalités différentes ont leur lieu commun dans cet espace de
l’archive-discours, bouleversé au xvie siècle, et qu’on trouve stabilisé [388]
au début du xviie siècle.
Pour combien de temps cette stabilité du discours classique fut-
elle acquise ? Doit-on considérer qu’elle dure encore et que tout ce
que nous disons aujourd’hui repose silencieusement sur les formes
calmes, sur les insensibles lois de ce discours ? Si tel était le cas, le
sentiment de trouble que nous éprouvons à propos du langage,
l’impression que sa solidité se dérobe au moment même où nous
parlons et sous l’effet de ce que nous pouvons dire ne seraient
rien de plus que des illusions : illusions en quelque sorte naturelles
qui rendent le discours opaque et problématique pour qui en est
le contemporain obligé. Peut-être alors faudrait-il supposer que
ce discours classique, dont nous croyons à tort reconnaître la
déroute, a encore devant lui, et bien après nous, une très longue
survie : pourquoi sa dynastie ne s’étendrait-elle pas sur des siècles ?
Pourquoi n’aurait-elle pas droit, elle aussi, aux sept cents ou huit
cents ans qu’ont duré les autres grandes étapes de l’archive occi‑ [389]
dentale ? Il est vrai cependant que plusieurs faits pourraient faire
croire au contraire que le règne de ce discours fut le plus bref de
tous et que dès le début du xixe siècle sa limpidité était brouillée
irréparablement. Est-ce que l’âge classique n’est pas clos lorsque
les premiers philologues, avec Bopp et Rask, découvrent l’épais‑
seur historique du langage, fondent la grammaire comparée, et
donnent congé à l’analyse des signes en général 11 ? Est-ce qu’il
n’a pas achevé sa destinée à partir du moment où les sciences
empiriques se sont affranchies de la théorie de la représentation,
où la biologie des organismes s’est substituée aux classifications
systématiques de l’histoire naturelle, où l’économie politique a
[remplacé par] une analyse de la production une description des
échanges de signes monétaires 12 ?
En fait, le discours classique n’aura sans doute pas la longue
durée des autres grandes organisations discursives ; mais on aurait
tort de penser que la coupure du xixe siècle a été radicale et lui a
imposé un terme définitif. Il s’agit, en ce tournant, d’une modifi‑
cation interne au régime du discours tel qu’il fut instauré au début [390]
du xviie siècle. Cette modification fut certes importante, puisqu’elle
a donné lieu à la plupart des formes modernes du savoir et de la
236 Le discours philosophique
NOTES
La mutation d’aujourd’hui
a. Foucault avait d’abord écrit, puis rayé : « L’autre trait par lequel on peut
caractériser notre actualité, c’est, en face de cette constitution d’une archive
intégrale, et corrélativement à elle, la constitution d’un référentiel général
de discours. Il faut entendre par là la transformation de tout ce qui peut
La mutation d’aujourd’hui 245
a. Foucault avait d’abord écrit, puis rayé : « En quel sens peut-on dire que [411]
la discursivité n’a pas été seulement prise pour cette forme générale, mais
qu’elle l’est effectivement devenue ? Par discursivité, il ne faut entendre ni
une série d’énoncés réels, animant en secret l’expérience, ni une structure
de langue qui serait un principe universel d’intelligibilité ; il faut entendre
que désormais n’a d’existence ou de réalité que le discours ou ce qui peut
être actuellement transformé en discours ; et si on songe que l’une des pro‑
priétés du discours est justement de pouvoir toujours être transformé en un
nouveau discours, on dira que, de nos jours, tout ce qui est transformable
en discours existe, mais cela seulement. »
248 Le discours philosophique
NOTES
En quel sens peut-on dire que la discursivité n’a pas été seulement prise [412 bis]
pour cette forme générale, mais qu’elle l’est réellement devenue ? Cette
question se subdivise aussitôt : que faut-il entendre par discursivité ? Et
comment peut-on dire [que] la discursivité est la forme la plus générale
de l’expérience ? À la première question, on peut répondre de la manière
suivante : si par discours on entend le système immanent de tout ce qui
a été effectivement énoncé, la discursivité, c’est ce système en tant qu’il
est capable de susciter des nouveaux énoncés ; or susciter de nouveaux
énoncés, c’est pouvoir transformer ceux qui existent déjà en propositions
qui n’ont jamais encore été articulées ; c’est donc, en même temps, faire
naître un nouveau discours – c’est-à-dire un nouveau système des énoncés.
La discursivité, c’est la propriété de pouvoir être transformé en discours
– propriété qui appartient précisément au discours lui-même. À la seconde
question, on peut répondre en disant que, de nous jours, ne se donne à
l’expérience que ce qui peut être transformé en discours ; non seulement [413 bis]
ce qui ne peut pas l’être « doit être tu », comme dit Wittgenstein [« Sur ce
dont on ne peut parler, il faut garder le silence » (L. Wittgenstein, Trac
tatus logico-philosophicus, trad. par Gilles-Gaston Granger, Paris, Gallimard,
1993 [1921], prop. 7, p. 112)], mais n’a aucune forme d’existence possible.
Or si la “transformabilité” en discours, si la “discursivité” est une propriété
exclusive du discours lui-même, on voit, dans ces conditions, que seul le
discours existe, puisqu’il est seul à pouvoir être transformé en discours. »
ANNEXE
15 juillet 1966
La philosophie comme entreprise de diagnostic. Les livres du temps.
L’archéologie de la pensée
Savoir – Feindre – Penser
(Connaissance) (Écriture) (Réflexion)
16 juillet 1966
Diagnostic : mais de qui ? De nous-mêmes qui parlons et faisons
le diagnostic ? Qu’est-ce que ce diagnostic ? Dire la différence,
l’écart. Dire cette déviation qui nous tient à l’écart. À l’écart de ce
qui est le passé et le futur. À l’écart du présent lui-même. Parler
de cet interstice. De ce défaut.
Mais c’est là qu’il faut faire attention : car on peut dire que,
depuis Kant, le discours philosophique a un rapport à son pré‑
sent de discours qui n’existait pas pour Descartes ou pour Leibniz.
Certes, il y avait pour Descartes, Spinoza, une tâche à accomplir et
qui n’était pas encore faite. Le présent du philosophe, c’était cette
exigence à remplir. Aucune connaissance n’était absolument fondée ;
aucune philosophie n’avait apporté le bonheur. À partir de Kant, la
philosophie est liée à une certaine actualité qui la contraint à dénon‑
cer des illusions, à énoncer le présent, à rendre possible un avenir.
En un sens, c’est un rapport à une philosophie de l’histoire ;
mais à dire vrai, ce rapport n’a été lui-même rendu possible que
dans la mesure où le discours philosophique s’est repéré par rap‑
port à une certaine actualité.
ANNEXE 253
17 juillet 1966
Or ce qui se passe aujourd’hui (à la fois ce que diagnostique la
philosophie et ce qui permet à la philosophie d’être diagnostic),
c’est la disparition de ce qu’il y a eu sans doute de plus constant
dans la culture occidentale depuis le xviie siècle : c’est-à-dire ce
qui a constitué la dynastie de l’homme.
On peut dire que, si l’homme comme catégorie fondamentale
de la pensée et de la culture occidentale est apparu au xixe siècle,
par une mutation sans doute bien énigmatique, il a hérité de ce
qui s’était formé au xviie siècle, dans une tout autre configura‑
tion : à savoir, la représentation. L’âge classique n’avait pas besoin
de l’homme pour la bonne raison que la représentation assurait
l’ordre du savoir. Mais, à partir du xixe siècle, s’est instaurée la
dimension du sujet et de l’objet, et du coup la représentation est
devenue [un] phénomène intérieur à l’homme. D’où la tentation
psychologique et la nécessité du transcendantal.
Or, c’est cette configuration qui disparaît maintenant sous nos
yeux. Et cela même dans les sciences de l’homme et de la subjecti‑
vité. Et ce qui prend la place de l’homme et de la représentation,
c’est le discours.
Mais non pas le discours entendu comme à l’âge classique,
les discours comme ensembles de signes ayant (en dehors de la
langue) une cohérence propre. À l’égard de ce discours, les for‑
malismes représentent les dernières tentatives d’une entreprise
critique (analyse de ce qui les rend possibles en général). Alors que
le discours, ce n’est pas la langue ; mais bien certaines utilisations
de la langue, certaines mises en œuvre – en un sens postérieures
à la langue, et en un autre sens antérieures (puisque c’est à partir
des discours effectifs qu’on a pu bâtir la langue).
Il y a du langage. Il y a du discours. Le préalable de ce murmure.
Et si c’est bien un problème régional (d’une science) de savoir si ceci
est langage, le fait qu’il y a du discours, et quel rapport ces discours
254 Le discours philosophique
21 août 1966
Le discours des philosophes
21 août 1966
Pour le paragraphe 9.
– Les isomorphismes : il ne s’agit pas de concepts mais de
fonctions.
– Rapport à la métaphysique de la représentation et à
l’anthropologie.
– Le second type de philosophie est immédiatement spéculatif
et pratique. Le plus spéculatif et le plus pratique dans la mesure
où il y a une corrélation à double sens entre les sciences théo‑
riques qui parcourent les domaines primaires et ces domaines ;
au lieu que l’un et l’autre soient éclairés de façons simultanées ils
se modifiaient [l’un par l’autre a].
Pour le paragraphe 10.
[… a] méthode :
Il ne s’agit pas de concepts mais de discours des historiens qui
rabattent tout au niveau du concept.
23 août 1966
Archéologie : méthode de description du pensé. Mais étant bien
entendu que la pensée peut être investie dans une institution,
dans une pratique, etc.
Après l’analyse fonctionnelle du discours, il y aurait à décrire
la conceptualisation et la systématisation.
Mais ce ne sont là que des « élaborations secondaires ».
4 septembre 1966
Pour les derniers paragraphes.
L’archéologie essaie de retrouver l’unité du discours et de la
pensée. Non point à partir de la représentation, de l’analyse et
du signe (dans l’élément du sujet), mais à partir du discours lui-
même, de sa dispersion, de la manière dont ses divers éléments
[s’organisent b] les uns à côté des autres et par rapport aux autres.
Le sujet comme élément constitué par le discours, par rapport
à lui. Dans l’extériorité.
Passage du discours hors de lui-même.
16 septembre 1966
Au chapitre 13, insister sur le fait que l’archive, c’est aussi bien
ce qui disparaît que ce qui est maintenu.
18 octobre 1966
1. L’archive-discours.
2. Son histoire.
3. La « crise d’aujourd’hui ». La philosophie :
– comme discours diagnostique de ce qui se passe ;
– comme discours du discours, le bord le plus extérieur du dis‑
cours, la forme et le moment dans lequel il passe hors de lui-même
(d’où la grande thématique extériorité-intériorité : il enveloppe
tous les discours hors desquels il passe) ;
– comme ethnologie immanente.
Ce triple rôle du discours est familier dans la culture occi‑
dentale ; mais engagé dans des équivoques où il est masqué :
le diagnostic de ce qui se passe transformé en énoncé de ce qui
est ; le discours du discours en manifestation des choses en leur
vérité propre (indépendamment du langage qui est critiqué) ; l’eth‑
nologie immanente en une analytique de l’homme (sans tenir
compte des différences).
Situation
En juillet 1966, dans la demeure familiale de Vendeuvre-du-Poitou,
Michel Foucault commence à rédiger un manuscrit consacré au « dis-
cours philosophique », dont l’ampleur, l’ambition et la complexité
sont aussi remarquables que celles qui caractérisent son archéologie
des sciences humaines.
Les Mots et les Choses, remis à son éditeur en mai 1965, paraît en
avril 1966 dans la collection « Bibliothèque des sciences humaines » que
l’historien Pierre Nora vient de lancer chez Gallimard 1. La rédaction
du Discours philosophique démarre au moment où les controverses
s’amplifient autour du livre, notamment à propos de la proclamation
de la « mort de l’homme 2 ». La critique de l’humanisme qu’on y lit,
1. Michel Foucault, Les Mots et les Choses. Une archéologie des sciences humaines,
Paris, Gallimard, 1966.
2. Voir Daniel Defert, « Chronologie », dans M. Foucault, Dits et Écrits.
1954‑1988, t. I, 1954‑1975, éd. sous la dir. de Daniel Defert et François Ewald,
avec la collab. de Jacques Lagrange, Paris, Gallimard, 2001 [1994], p. 13‑90,
ici p. 37 (dorénavant abrégé DE I ). Parmi les entretiens donnés par Foucault et
les premières recensions des Mots et les Choses, voir Raymond Bellour, « Michel
Foucault, Les Mots et les Choses » [1966], suivi d’un entretien avec Foucault,
dans DE I, no 34, p. 526‑532 ; François Châtelet, « L’homme, ce Narcisse
incertain », La Quinzaine littéraire, avril 1966 ; M. Foucault, « Entretien avec
Madeleine Chapsal » [1966], dans DE I, no 37, p. 541‑546 ; M. Chapsal, « La
plus grande révolution depuis l’existentialisme », L’Express, mai 1966 ; Gilles
Deleuze, « L’homme, une existence douteuse », Le Nouvel Observateur, juin 1966.
La fameuse attaque de Jean-Paul Sartre contre le structuralisme et l’archéologie
foucaldienne ne paraît en revanche qu’à l’automne : « Jean-Paul Sartre répond.
Entretien avec Bernard Pingaud », L’Arc, octobre 1966. Pour la réponse (immé-
diatement désavouée) de Foucault, voir « Foucault répond à Sartre » [1968], dans
DE I, no 55, p. 690‑696. Sur la réception des Mots et les Choses, voir Philippe
264 Le discours philosophique
Artières et al. (dir.), « Les Mots et les Choses » de Michel Foucault. Regards critiques,
1966‑1968, Caen, Presses universitaires de Caen, 2009.
3. Voir notamment J.-P. Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Nagel,
1946 ; Martin Heidegger, Lettre sur l’humanisme, trad. par Roger Munier, Paris,
Montaigne, 1957 [1947] ; Roger Garaudy, Humanisme marxiste. Cinq essais
polémiques, Paris, Éditions sociales, 1957. Sur ce point, voir aussi M. Foucault,
« Entretien avec Madeleine Chapsal », art. cité, p. 544.
4. M. Foucault, Les Mots et les Choses, op. cit., p. 353.
Situation 265
9. À partir de 1961, Althusser publie une série de contributions dans la revue
communiste La Pensée qui ne s’accordent point ni avec la politique culturelle ni
avec la conception de la philosophie marxiste avancées à la même époque par le
Parti communiste français. En 1965 paraissent chez François Maspero tant son
célèbre recueil d’articles Pour Marx que les deux volumes issus des séminaires
organisés avec ses disciples (Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et
Jacques Rancière), sous le titre Lire « Le Capital ». Voir M. Foucault, « Entretien
avec Madeleine Chapsal », art. cité, p. 544 ; id., « Sur les façons d’écrire l’his-
toire » [1967], dans DE I, no 48, p. 613‑628, ici p. 615 et suiv. ; id., « Foucault
répond à Sartre », art. cité, p. 693. Voir également supra, note 3 du chap. 10,
p. 162-164. L’année suivante, dans le cadre du Centre d’études et de recherches
marxistes (CERM), Jacques Texier édite et traduit une anthologie de textes sur
la philosophie du marxisme d’Antonio Gramsci (Gramsci, Paris, Seghers, 1966).
10. Voir par exemple la série d’émissions produites par la radio-télévision sco-
laire en 1965 à laquelle Foucault lui-même avait participé, aux côtés d’Alain
Badiou, Georges Canguilhem, Dina Dreyfus, Jean Hyppolite et Paul Ricœur :
« Philosophie et vérité » [1965], dans DE I, no 31, p. 476‑492. Dans ce même
cadre, voir aussi l’entretien de Foucault avec Badiou, « Philosophie et psycho-
logie » [1965], dans DE I, no 30, p. 466‑476.
11. Sur Gueroult et Vuillemin, ainsi que sur les critiques formulées par F oucault
à l’égard de leur conception de l’histoire de la philosophie, voir supra, note 11
du chap. 4, p. 55 ; note 4 du chap. 8, p. 124-125 ; notes 3, 6 et 7 du chap. 10,
p. 162-164, 165 et 165-166. Sur Hyppolite, voir M. Foucault, « Jean-Hyppolite.
1907‑1968 » [1969], dans DE I, no 67, p. 807‑813, en particulier p. 810‑811 ;
voir aussi supra, note 6 du chap. 10, p. 165, et note 5 du chap. 11, p. 186-188.
Situation 267
67. Voir les notices des 17 juillet et 18 octobre 1966 du Cahier no 6 (voir supra,
« Annexe », p. 254 et 258).
68. Supra, p. 151-152.
69. Supra, p. 151.
70. Supra, p. 151-152. Foucault cible ici probablement les positions respectives
de Martial Gueroult, Ferdinand Alquié (ou même Henri Gouhier) et Jules
Vuillemin.
71. Supra, p. 152-153.
278 Le discours philosophique
L’effet Nietzsche
Réinterrogée par la méthode archéologique, l’histoire de la philosophie
ne constitue donc désormais qu’un « moment fonctionnel » du discours
philosophique. Cette opération est rendue possible, d’après Foucault,
par le « fait historique que la philosophie, au moins sous la forme que
nous lui avons connue jusqu’ici, est en train de disparaître 78 ». On ne
demande plus à quel titre et sous quelles conditions le discours philo
sophique peut articuler la vérité à partir de son propre maintenant.
Ce qu’on demande à la philosophie, c’est plutôt de « dire quel est
cet événement – cette ouverture non encore nommée à l’intérieur
93. Ibid.
94. Supra, p. 196.
95. Supra, p. 195.
96. Ibid.
97. Supra, p. 196
98. Supra, ibid.
99. Voir M. Foucault, La Question anthropologique, op. cit., p. 195‑207.
Situation 283
150. Voir, par exemple, id., « Folie, littérature, société » [1970], dans DE I,
no 82, p. 972‑995, ici p. 973 : « [V]ous avez dit au début que j’étais philosophe :
cela m’embarrasse et j’aimerais commencer par ce point. Si je suis arrêté par
ce mot, c’est que je ne me considère pas comme philosophe. Ce n’est pas de
la fausse modestie. Il s’agit plutôt de l’une des caractéristiques fondamentales
de la culture occidentale depuis cent cinquante ans : la philosophie, en tant
qu’activité autonome, a disparu. » Voir aussi id., « Je suis un artificier » [1975],
dans Roger-Pol Droit, Michel Foucault, entretiens, Paris, Odile Jacob, 2004, où
Foucault refuse de se définir historien ou philosophe, et soutient être plutôt
un « artificier » (p. 51).
151. Id., Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 35.
152. Id., « La scène de la philosophie » [1978], dans DE II, no 234, p. 571‑595,
ici p. 573.
294 Le discours philosophique
153. Ibid. ; voir aussi supra, p. 171 : « La question qui doit être posée […] est
une question purement diagnostique : qu’est-ce donc qui se passe aujourd’hui,
en ce maintenant singulier où on parle de la philosophie comme d’un simple
mode de discours ? On peut tout de suite remarquer […] qu’avec cette manière
d’interroger, on a bien affaire à un discours qui traite de son propre maintenant,
comme la philosophie tout entière depuis le xviie siècle ; cependant, il ne s’agit
pas de lui demander comment il lui est donné d’articuler la vérité, mais de dire
quel est cet événement – cette ouverture non encore nommée à l’intérieur de
laquelle il parle. »
154. M. Foucault, « La scène de la philosophie », art. cité, p. 573.
155. Id., « Qu’est-ce que les Lumières ? » [1984], dans DE II, no 339,
p. 1381‑1397, ici p. 1393.
Situation 295
O. I. et D. L.
Acte de parole : 22, 27‑28, 213‑214, Commentaire : 47‑48, 54‑55, 83, 85‑86,
216‑219, 221‑223, 225, 241‑244, 246, 92‑94, 96‑97, 106, 110, 117, 121‑122,
248, 269, 271, 285, 288‑289 128, 134‑135, 151, 153, 252, 254, 258,
Actualité : 18, 21‑22, 58‑62, 69, 144, 166, 272‑274, 277, 280, 283, 293
174, 176‑177, 187, 212, 217, 240, 244, Connaissance : 14‑15, 21, 24, 39‑40,
252, 265, 268‑269, 271, 276‑277, 279, 67‑68, 73, 81‑82, 96‑97, 102, 113,
281, 288‑289, 291, 293 116‑117, 120, 132‑133, 138‑139,
Âge classique : 52, 76, 95, 109, 137, 140, 144‑145, 166, 172, 175, 199, 202, 204,
142‑143, 150, 156, 164, 234‑235, 240, 210‑213, 227, 233‑234, 236, 243‑245,
253, 269 252, 264, 275, 285, 294
Âme : 14‑15, 18, 44, 96, 98‑103, 107, Conscience : 35‑38, 41, 43, 49‑51, 69,
128‑129, 132‑136, 163, 181, 200, 275 88, 97, 119, 121, 125‑126, 164, 187,
Anthropologie/anthropologique : 27, 126, 204, 207, 211‑212, 220, 243‑244, 264
136‑137, 143, 145, 165, 188, 200‑202, – prise de conscience : 67‑69, 91,
205, 236, 256, 276, 290 93‑94, 97, 122, 136, 139, 141‑142,
Apparence : 60‑61, 91, 94, 105, 110‑111, 159, 212, 246, 256, 272, 274
113‑118, 120‑121, 128, 131, 133, Continuité, discontinuité : 45, 47, 54, 71,
138‑139, 142, 155, 177‑178, 196, 206, 74, 98‑99, 125, 129, 143, 150, 153,
246, 254, 256, 273‑274 159‑160, 162, 166‑167, 174, 179‑180,
Archéologie/archéologique : 40, 55, 186‑187, 212, 215, 236‑239, 275, 278,
124‑125, 165, 187‑188, 223‑225, 284, 287, 290, 293
239, 251‑252, 257, 263, 265‑268, 270, Corps : 14‑15, 18, 32‑33, 41, 43, 65,
273‑279, 281, 284‑291, 294 78‑80, 97, 100‑101, 114, 132‑133,
Archive : 213, 217‑221, 223‑225, 227‑236, 135, 163, 185, 188‑189, 267, 274, 292
238, 240‑244, 257, 270, 285‑291 Crise : 61, 118, 173‑176, 186, 193, 204,
– archive-discours : 167, 218‑221, 209, 224, 258, 277, 280‑281
223‑224, 227‑229, 235‑239, 243‑244, Critique : 27, 48‑49, 62, 66‑67, 91,
251, 258‑259, 268, 286‑288, 290‑291 94‑96, 102, 104, 107, 110, 114, 116,
Aujourd’hui : 17‑18, 21, 24, 177, 267‑270, 118, 121‑122, 126‑128, 130, 134‑138,
280, 289 140‑141, 144, 152, 157, 159‑161, 172,
176, 179, 196, 200, 201, 205, 211, 232,
Certitude : 15, 34, 112‑120, 123, 127, 253‑254, 256, 273‑274, 285, 294
132‑136, 138‑139, 141, 182, 254, 256, – fonction critique : 66, 68, 94, 97,
274 113, 115, 120, 122, 126, 155, 178,
Christianisme : 86, 206, 232 272, 274, 279, 282, 294
Chute, péché : 14, 32‑33, 60, 79, 95, 100, Culture/culturel : 15‑18, 21, 26, 52‑53,
113‑114 62, 68, 71‑72, 74, 95‑96, 118, 122,
Cogito : 37‑38, 142, 163, 204 158, 167, 170, 173, 186, 194, 204‑205,
298 Le discours philosophique
207, 210, 212‑224, 227‑229, 231‑232, 115, 124, 138‑139, 145, 155, 163‑164,
234, 236‑237, 239‑241, 243, 245‑248, 166, 173‑176, 178‑179, 181, 187, 207,
254, 266, 268‑269, 284‑289, 291‑292, 212, 220, 222, 224‑225, 234‑235, 253,
294‑295 256, 266, 271‑272, 275‑276, 278‑279,
– culture occidentale : 14‑15, 37, 60, 282, 285‑286
75, 88, 97, 143, 165, 220, 242, 253, – discursivité, pratiques discursives :
258, 288, 290, 293 154, 240, 244, 246‑249, 291
– extradiscursif : 63, 167
Déchiffrement : 97, 134, 141, 154‑155, – non discursif : 245, 248, 291
196, 218, 231, 233, 237, 272, 278 – prédiscursif : 152, 154, 159, 245,
Dehors : 22, 56, 58, 62, 65, 190, 240, 277, 288
253, 271, 284
Désaliénation : 122, 125, 254, 274 Écoute/écouter : 13‑16, 32, 51, 93, 177‑178,
Dévoilement : 33, 41, 44, 52, 94, 110‑113, 180, 195, 246, 279
117‑119, 128‑130, 132, 134, 141‑142, Écrire/écriture : 22, 25‑26, 63, 69, 173,
157, 182, 254‑256, 273 217, 219‑220, 227, 229, 231, 233‑234,
Diagnostic/diagnostique/diagnostiquer : 238, 252, 288‑289
13‑20, 95, 166, 171, 188, 209, 240, – Écriture sacrée : 83‑86, 92‑93, 99,
251‑252, 258, 265, 267‑269, 277, 215, 232,
279‑281, 284‑285, 289‑293 Empirisme/empirique : 13, 38, 40, 60,
Dieu : 14‑15, 25, 30, 33, 73, 81‑86, 88, 130‑131, 138, 144‑145, 210, 213,
96, 99‑104, 106‑107, 116, 128‑129, 216, 235‑236
131‑136, 172, 177, 179, 182‑185, 188, Encyclopédie/encyclopédique : 92‑94, 106,
200, 205, 232‑233, 246‑247, 254, 275, 110, 112, 115‑118, 121, 139, 155, 158,
279 176, 232, 254‑256, 273‑274
Discours : Énoncé : 14, 22‑25, 28‑29, 31, 36‑37, 41,
– discours littéraire, fiction, littérature : 44‑45, 47, 50‑51, 56‑60, 65, 67‑68, 74,
24‑28, 41‑50, 52‑53, 56‑58, 61‑65, 73, 80‑82, 84‑87, 91, 93, 96, 98, 112, 116,
75‑78, 83, 87, 92, 155, 157‑158, 178, 124, 129, 150‑151, 155‑158, 166‑167,
180‑182, 191, 211, 215, 222, 232, 234, 179, 195, 199, 214‑219, 222‑225, 228,
258, 272, 276, 278‑279, 282, 293 234, 242, 246‑249, 255, 258, 268,
– discours philosophique, philosophe, 270‑274, 277, 282, 286
philosophie : 21‑22, 26, 29‑38, 42, Erreur : 15, 33‑34, 60, 62, 67, 114‑116,
44‑45, 47‑48, 50‑52, 57‑60, 62, 64‑68, 118, 121, 132‑134, 138‑139, 158, 167,
72‑73, 75, 86, 91‑97, 99‑105, 109‑110, 176, 200, 214, 274
112‑131, 134‑135, 137‑143, 147‑148, Ethnologie/ethnologique : 26, 38, 167,
150‑159, 161, 164‑166, 169‑174, 176, 207, 218, 223, 228‑229, 239, 258‑259,
178‑183, 185‑189, 192‑198, 200‑206, 264, 284‑285, 287
209, 212, 234, 251‑252, 259, 263, Être : 13‑15, 17‑19, 30, 52‑53, 56, 99,
267‑268, 270‑285, 290, 292
103‑104, 120, 128‑129, 131, 135‑137,
– discours quotidien : 24, 41, 48, 50,
143, 177, 199‑206, 211, 213, 233, 245,
56‑59, 61, 63, 65‑66, 68, 91, 93, 196,
271‑272, 282 275‑276, 282‑283
– discours religieux, religion, théologie : Événement : 13, 28, 32, 50, 76, 84, 93,
26, 73, 78‑79, 81, 83, 85‑86, 92, 96, 99, 102, 112‑114, 123, 136, 147, 169,
98‑99, 106, 115‑116, 118, 158, 178, 171, 178, 191‑193, 196‑198, 209‑212,
180, 207, 215, 231‑232, 234, 240, 272, 216, 224, 231, 234, 236‑239, 246, 248,
275, 283 278, 287, 293‑294
– discours scientifique, science : 23‑25, Évidence : 33‑34, 36, 41, 87, 113‑114,
30‑31, 37‑39, 44‑47, 50, 52, 56, 58‑61, 120, 127, 132, 141‑142, 157, 174, 204,
65‑68, 73, 75, 78‑86, 91‑92, 96, 98‑99, 207, 245, 255
Index des notions 299
Examen : 83, 116‑118, 133‑134, 136, 139, 245‑247, 251‑254, 259, 264, 267,
141, 254, 256, 274 275‑276, 282, 285
Exégèse : 15, 51, 83, 85, 92‑93, 178, 182,
196, 239, 276, 280, 282 Idéologie/idéologique : 126, 154‑156, 158,
Expérience : 21, 23, 30‑31, 38, 45, 51, 164, 175, 214, 217, 220, 278, 291
58, 61, 65‑67, 71, 78, 93, 97, 100‑101, Illusion : 15, 37, 53, 60, 62, 67‑68, 101,
105, 107, 116‑117, 119‑122, 124, 127, 107, 114, 116, 139, 185, 235, 252
131‑132, 144, 151, 153‑156, 161‑166, Imitation : 46, 49, 53‑54, 258
172, 179, 181‑183, 201‑204, 213, 223, Inconscient : 44, 64, 67‑68, 91, 94, 110,
228, 245‑249, 254, 275, 277‑278, 283, 118, 120‑122, 143, 254‑255, 264, 273,
286, 288 291
Interprétation : 16, 51‑53, 58, 91, 94,
Finitude : 33, 40, 100‑101, 106, 121, 127, 97, 110, 113, 119‑120, 122, 127, 136,
136‑137, 141‑142, 145, 172, 188, 201, 178, 182, 196, 239, 254‑256, 258, 267,
276 272‑274, 279, 283
– analyse/analytique de la finitude : Intuition : 130, 144, 154, 157, 159, 162
121‑122, 125‑126, 136, 144, 201, Imagination : 33, 44, 97, 100, 114‑115,
254, 274 118, 121, 132‑133, 141, 144, 185, 274
Folie, déraison : 39, 126, 164, 185‑186, Impression : 25, 33, 97, 100, 113, 116,
189‑190, 228, 249 127, 130, 132, 135,
Fondement/fondamental : 28, 31, 38, 52,
88, 91, 97‑98, 102, 113, 115, 119, 122, Je-ici-à présent : 22‑23, 30, 32‑33, 36,
128, 132‑133, 136‑137, 139, 142, 145, 46, 271
154, 157‑158, 173, 175‑176, 179,
Je pense : 37‑39, 41, 87, 100
181‑182, 196, 198‑199, 203, 211, 254,
Justification : 30‑31, 42‑43, 51, 58, 79,
256, 264, 276, 282, 284
91, 94, 103, 110, 113, 118, 122, 134,
185, 187, 195, 246, 254, 271‑274,
Histoire/historique, historicité : 16, 18, 26,
279
29, 38‑39, 41, 44, 46‑50, 52, 54‑55, 58,
61, 63‑65, 69, 72, 74, 77, 81, 83‑86,
Langage : 19, 22, 24‑28, 33, 37, 41, 44,
92‑93, 96‑97, 109, 111, 118‑119,
47‑51, 53, 56, 58‑61, 63‑66, 74, 85,
121‑124, 126, 128‑129, 136‑137,
92‑93, 95, 98, 104, 106, 113, 125‑126,
139‑140, 142, 147‑148, 150, 152,
130‑131, 143‑144, 165‑166, 171, 178,
154‑156‑159, 161‑165, 167, 170‑175,
186, 188‑191, 194, 196‑198, 202, 204, 182‑184, 188, 190, 193, 198, 200‑201,
206‑207, 210, 215, 220, 223‑224, 229, 205‑206, 210‑213, 221, 223‑225, 228,
235‑240, 246‑247, 252, 254, 256, 258, 233‑236, 240, 244, 253‑254, 258,
264, 267‑268, 274, 278, 282‑284, 267‑268, 270‑272, 275‑276, 279, 283,
287‑290, 292‑294 285
– histoire/historiens de la philosophie : Langue : 21‑22, 26‑27, 51, 56, 71, 96,
64‑65, 72, 94, 110‑111, 122, 124‑125, 106, 144, 201, 206, 210‑211, 213‑214,
137, 149, 151‑167, 169‑170, 178, 187, 217, 221‑223, 225, 228, 231, 234,
195, 206‑207, 265‑266, 274‑275, 237‑238, 248, 253, 257, 269‑271, 286
277‑278, 282, 290 Légitimation : 117, 120, 128, 132, 155,
Homme : 13, 15, 17, 19, 29, 38, 49‑50, 179, 256, 272, 279
59‑60, 68, 74, 79‑84, 88, 97, 101, 104, Liberté/libre : 15, 34, 43, 106, 112, 117,
106, 115, 117, 125‑126, 128, 131, 133, 139, 141, 145, 196, 202, 264, 282
135‑136, 140, 143‑144, 154, 163‑164, Linguistique, extralinguistique : 22‑23,
183‑185, 188, 196, 199, 201‑203, 205, 25‑28, 38, 50, 56, 60, 63, 106, 181,
211‑213, 216, 231, 234, 236, 239, 201‑202, 207, 210‑211, 213, 216‑217,
300 Le discours philosophique
221‑222, 228, 231, 244, 248, 264, 236‑237, 240, 246, 253, 259, 267‑268,
270‑271 274, 279, 284‑285, 288‑289
Logos : 31, 94, 123, 135‑136, 154‑155, Mythe : 48, 56, 87, 167, 198, 210, 217,
165, 195, 199, 230‑231, 254, 256 233, 278, 283
– logos du monde : 93, 97, 115, 117,
123, 158‑159, 178, 182, 198, 273, Nature/naturel : 30, 32‑34, 38, 40, 68,
280, 283 72‑73, 81‑82, 84, 86, 96‑97, 101,
Lumières : 117, 122‑123, 134, 137, 274 115‑116, 136, 142, 145, 154, 172,
174‑175, 196, 230, 233, 235, 246
Maintenant : 18, 21‑27, 29‑36, 38, 41‑42, – nature humaine : 97, 167, 212, 285
44‑53, 57‑66, 68, 79, 81, 84, 86‑87, Nihilisme : 177, 279
92‑94, 96‑97, 100, 112‑113, 117‑119, Non-philosophie : 60, 95, 161, 166,
129, 166, 171, 173, 180, 183, 234, 257, 175‑176, 181, 187, 204, 268, 280
259, 269‑275, 277‑279, 293‑294
Manifestation : 27, 33‑34, 41‑42, 44, Objet : 24, 30, 35, 71, 98‑105, 107, 124,
52‑53, 62, 72, 85, 92, 94, 110, 118‑120, 128‑129, 131‑134, 140, 144, 152, 159,
122‑123, 135, 138, 140‑141, 156‑159, 169‑171, 177‑178, 181, 199, 206‑207,
178, 182, 186, 199, 212, 242, 244, 254, 214, 228, 236, 249, 253, 255, 259, 264,
256, 258, 273 275, 279, 285, 287
Mathématiques/mathématique : 45, Œuvre : 18, 25‑26, 29, 45‑49, 53, 55, 57,
54, 73, 80, 99, 125, 130, 144, 160, 61‑64, 76‑78, 83, 86, 91, 102, 110‑111,
165‑166, 174, 181, 191, 205 124‑125, 131, 137, 140, 143, 151‑155,
Mathesis : 38‑40, 80 159‑163, 165, 167, 171, 178‑179, 185,
Maladie, médecine/médical : 15‑16, 18, 191‑193, 196, 206, 240, 242, 246, 258,
23, 126, 183, 188, 292 266, 275, 277‑278, 293
Mémoire : 16, 94, 114‑115, 118, 122‑123, Ontologie : 18, 103‑106, 128‑129,
135, 140, 155, 210, 229‑230, 242, 135‑137, 144, 202, 275‑276, 281‑283
254‑256, 273, 288 Ordre : 15‑16, 38‑39, 42, 49, 52, 59, 63,
Métaphysique : 14, 18‑19, 63, 78, 99, 68, 73‑75, 80, 86, 91, 98‑99, 110‑111,
101‑107, 126, 128, 132, 134‑138, 116, 124, 127‑128, 133‑136, 139, 141,
143‑145, 163, 177‑179, 181‑182, 148, 150, 154, 163, 165, 174, 200‑201,
195‑196, 199‑201, 205, 256, 275‑276, 209, 221, 236, 253, 255‑256, 264, 273,
279, 282 275, 284‑285
Monde : 16, 18, 30‑31, 35, 50, 53, Origine/originaire : 13, 15‑17, 19, 28,
66‑68, 71, 73‑74, 76‑86, 92‑94, 32‑34, 37, 52‑53, 63, 69, 72, 83, 87,
97‑104, 106‑107, 115‑118, 122‑123, 91, 93‑95, 97‑100, 105, 109‑116,
125, 127‑129, 131‑136, 138‑139, 141, 117‑121, 123, 128, 132‑133, 136‑139,
154, 158‑159, 161, 165, 167, 172‑173, 142, 148, 151, 153, 155, 157, 162,
175‑178, 180, 182, 186, 198‑200, 165, 175, 177‑179, 182, 188, 197‑199,
205‑206, 233‑234, 239, 245‑247, 256, 205‑206, 231, 233, 240, 254, 256,
272‑275, 282‑283, 287 272‑273, 278‑279, 284, 292
Mort : 15, 79, 102‑103, 183‑184, 197 Oubli : 14‑15, 17‑18, 32, 34, 37, 60,
– mort de Dieu : 100, 102, 205, 279 67, 80, 95, 114, 158, 167, 177‑178,
– mort de l’homme : 254, 263, 265 197‑198, 204, 219, 279, 282
Moyen Âge : 103, 107, 232, 246
Mutation : 73, 75, 78, 81, 83‑86, 91, Parole : 13, 15‑16, 22, 26, 34, 42, 44,
102, 129, 137, 140‑141, 166, 177, 46, 51, 62, 65‑66, 74, 84, 93, 95‑96,
180, 185‑187, 191‑192, 197, 209‑210, 106, 113, 123, 142, 154‑155, 157‑158,
212‑213, 220, 224, 229‑230‑232, 164, 170, 174, 178, 180, 184‑185, 197,
Index des notions 301
199, 210, 214‑216, 218‑221, 223, 227, Réflexion : 50, 93, 100, 113‑114, 122,
242, 244, 246‑247, 257, 272, 280, 283, 128, 140‑141, 144‑145, 195, 201, 206,
285‑286, 288‑289 248, 252, 256, 258, 267, 272, 279
– parole de Dieu : 25, 83‑86, 116 Renaissance : 53, 81‑82, 233‑234, 246
Pensée : 18, 20‑21, 33, 38‑39, 41, 50, Représentation : 24, 37, 39, 51, 104, 107,
52, 54, 63, 69, 71‑72, 74‑75, 78‑79, 134, 137, 143‑144, 154, 167, 199‑201,
88, 92, 95‑96, 104‑105, 120, 122, 233‑236, 242‑243, 245, 248, 253,
125‑126, 128‑129, 132‑134, 143‑145, 256‑257, 275‑276
147, 152‑153, 158, 161, 163, 165, Rupture : 63, 74, 114, 123, 188, 207, 215,
174‑175, 179‑180, 187‑190, 192, 238‑239, 287
1954‑195, 198‑200, 202‑205, 207,
210‑211, 220‑221‑223, 228, 231‑232, Savoir : 13, 15, 21, 24, 28, 39‑40,
234, 236‑237, 247, 251‑253, 257, 268, 60‑61, 66‑69, 74, 78‑79, 81‑83, 86,
276‑277, 285‑286, 290 95, 115‑118, 124, 126, 132, 165,
Perception : 15, 43, 50‑51, 114, 119, 129, 174‑176, 179, 198, 206, 212‑213, 215,
131, 154, 163, 199, 246, 280 230, 232‑236, 242, 246, 252‑253, 270,
Phénoménologie/phénoménologique : 273, 285, 290
105, 141‑142, 145, 163, 165, 189, Sciences humaines : 40, 145, 163, 211,
203‑205, 267, 283‑284 236, 239, 253, 263‑264, 276, 285,
Philologie/philologique : 50, 83, 189, 221, 290
225, 240 Signe : 13‑14, 16, 22‑24, 27, 32, 42, 53,
Physique : 50, 78‑79, 99‑100, 106, 138, 174 58, 62, 79, 82, 84‑86, 113‑114, 129,
130‑131, 154, 167, 170, 172, 192‑193,
Poésie/poétique : 19, 178‑179, 186, 195,
196, 198, 207, 210, 214, 233‑236, 246,
199, 206, 230
248‑249, 253, 257, 269, 271, 282
Politique : 59, 150, 154, 156, 158, 160,
Structuralisme, structure : 17, 26‑28, 39,
164, 173, 178‑181, 185‑186, 191, 196,
45, 48, 51, 55, 120‑121, 124, 141, 145,
215, 217, 220, 266, 272, 282, 293
159, 164‑166, 202‑203, 205, 207, 211,
Positivisme : 136, 175‑176 223, 228, 246, 248, 263‑264, 267, 271,
– positivisme logique : 166, 195, 198,
281‑283, 290, 294
201‑202, 281‑283
Subjectivité, sujet : 22‑25, 28‑29, 32,
Présent : 18, 22‑24, 26, 29, 32‑34, 41, 45,
34‑38, 40‑41, 43‑46, 48, 52‑53, 56‑57,
47‑48, 50‑51, 57‑59, 61‑63, 65, 74‑75, 65, 69, 77, 80‑81, 91‑93, 97‑98, 101,
77‑80, 84, 95, 98, 112, 119, 129, 144, 110, 112‑113, 117, 119, 120, 122‑123,
156, 176‑177, 188, 193, 212, 215, 240, 129, 132‑133, 135‑136, 139‑141, 145,
251‑252, 267‑269, 271, 281, 284‑285, 157, 163, 165, 172‑173, 175, 179,
289, 292‑294 181‑185, 189‑190, 195, 198‑199,
Proposition : 28, 48‑49, 58, 71, 80‑81, 93, 213, 218, 243‑245, 252‑254, 256‑257,
98, 100, 109, 112, 116, 130, 151‑152, 268‑269, 271, 274, 276, 279, 282
155, 157, 161‑162, 173, 195, 199, 213, – subjectivité constituante : 176, 179,
215‑217, 222, 234, 247, 249, 255, 269, 181
273, 277, 281 – subjectivité transcendantale : 97, 100,
Psychanalyse : 38, 181, 264 110, 139, 145, 213
Psychologie/psychologique : 29, 38, 44, 55, – sujet parlant : 23‑27, 29, 31‑33,
99. 106, 136, 145, 152, 163, 167, 206, 45‑47, 50, 58, 64, 66, 68, 72, 74‑75,
213‑214, 217, 219‑220, 253, 265, 276 77, 79, 81, 84, 87, 93, 98‑99, 112‑115,
118, 156‑157, 178, 180, 183, 189, 195,
Rationalisme : 130 213‑214, 218, 234, 242, 258, 271
Recollection : 58, 93, 95, 110, 115, – théorie du sujet : 35, 37‑38, 41, 44,
121‑123, 135, 140, 154, 158, 273 52, 91, 94, 273
302 Le discours philosophique
Système : 21‑22, 45, 47, 50, 59‑61, 213, 219, 223, 234, 236, 245‑246, 248,
68‑69, 71, 74‑75, 78, 91, 93, 95‑96, 268, 279, 282, 285‑286, 294
98, 100‑102, 106, 109‑111, 124‑125,
128, 130, 137, 143, 149‑150‑151, Vécu : 61, 66, 163, 201‑203, 213,
153‑155, 159‑161, 163, 165‑167, 245‑246, 281‑283, 288
169, 171, 174, 176, 187, 200‑202, Vérité/vrai : 14‑15, 23, 28, 30‑39, 41‑45,
210, 212‑221, 227‑229, 231, 233‑234, 50‑51, 58, 61, 66‑68, 75, 79, 81‑83,
236‑238, 240‑241, 247, 249, 264, 266, 84‑87, 92‑95, 102‑104, 107, 112‑124,
269‑271, 273, 278, 285, 187 129‑130, 133‑135, 137‑139, 142, 144,
– système philosophique : 55, 65, 97, 152, 154‑155, 157, 163‑164, 171‑176,
124‑125, 127‑128, 145, 149‑150, 162, 178, 182‑183, 185‑186, 195, 199, 201,
165 206, 211‑212, 214‑216, 219, 228, 230,
232‑234, 242, 245, 247, 249, 255, 258,
Transcendance : 52, 196, 206, 282‑283 266, 268, 271‑272, 276, 278‑280, 285,
Transcendantal : 37, 97, 99‑100, 110, 294
139, 142, 144‑145, 167, 202, 213, 236, Vie : 68, 76, 102, 105, 135, 144, 165,
253, 264, 276, 294 175, 179, 183, 206, 220, 276
Vision du monde : 79, 123, 157, 164,
Universalité, universel : 25, 35‑37, 39, 166‑167
50‑51, 66‑68, 83, 87, 97, 104, 138‑139, Volonté/vouloir : 33, 73, 82, – 83, 97,
144‑145, 157, 159, 165, 171, 173, 211, 105, 135, 167, 178, 199, 245, 276
Index des noms
Destutt de Tracy, Antoine-Louis-Claude : Hume, David : 39, 106, 130, 134, 175
125, 186 Husserl, Edmund : 26, 31, 88, 106-107,
Diderot, Denis : 54, 125 127, 141-142, 145, 176, 179, 181, 191,
Dilthey, Wilhelm : 166-167, 239 194, 197, 203, 205, 211, 283
Dionysos : 183, 185 Hyppolite, Jean : 165-166, 187-188, 266,
Don Quichotte : 43, 53, 75, 77, 87, 234 275
Dreyfus, Dina : 166, 266
Duhem, Pierre : 88 Isaac : 100
Dumézil, Georges : 26, 264
Duns Scot, Jean : 87 Jacob : 100
Jakobson, Roman : 26-27, 53, 264, 270-271
Elkabbach, Jean-Pierre : 26 Jaspers, Karl : 166, 189, 196, 206, 280-283
Empédocle : 180 Jésus-Christ : 178, 185
Engels, Friedrich : 164, 266 Joyce, James : 69
Eribon, Didier : 19, 163-164
Establet, Roger : 266 Kant, Immanuel : 18-19, 31, 39, 91, 102-
107, 127, 129, 134-137, 139-145, 172,
Feuerbach, Ludwig : 126 179, 194, 198, 206, 211, 252, 275
Fichte, Johann Gottlieb : 106, 127, 141, Kierkegaard, Søren : 184, 189
145, 176, 187 Kleinclausz, Arthur : 239
Flaubert, Gustave : 43, 54 Köselitz, Johann Heinrich (Gast, Peter) :
Frege, Gottlob : 192 186, 190
Freud, Sigmund : 80, 88 Koyré, Alexandre : 88
Galilei, Galileo (Galilée) : 71, 73, 78-82, Lacan, Jacques : 26, 264
87-88, 234, 240 Lagrange, Joseph-Louis : 45, 54
Gast, Peter – voir Köselitz, Johann Hein- Leibniz, Gottfried Wilhelm : 130-131, 143,
rich 174, 252
Genette, Gérard : 26 Leroi-Gourhan, André : 225
Gilson, Étienne : 39, 87, 163 Lévi-Strauss, Claude : 26-27, 205, 264
Glass, Salomon : 240 Locke, John : 72, 103, 130
Gouhier, Henri : 163-164, 274, 277 Lovejoy, Arthur Oncken : 54-55
Gourou, Pierre : 27 Luther, Martin : 82
Gramsci, Antonio : 164, 266
Gueroult, Martial : 55, 124-125, 162-163, Macey, David : 19
165, 167, 187, 266, 274, 277 Macherey, Pierre : 126, 163, 266
Guillaume d’Ockham : 87 Malebranche, Nicolas de : 39, 73, 134
Guillaume II (empereur allemand) : 180 Mallarmé, Stéphane : 181, 188-189, 192
Martinet, André : 27
Hazard, Paul : 54-55 Marx, Karl : 38, 126, 164, 187, 266
Hegel, Georg Wilhelm Friedrich : 15, 18, Mélès, Baptiste : 56, 166
39, 69, 126, 143-145, 165, 171, 176, Merleau-Ponty, Maurice : 26, 163, 165,
186-189, 246, 249, 275 187, 265-266
Heidegger, Martin : 18, 20, 56, 145, 163, Midas : 178
196, 201, 205-206, 264-265, 281 Miller, Jacques-Alain : 291
Héraclite : 13
Hippocrate : 20 Nicolas de Cusa : 82
Hobbes, Thomas : 72 Nietzsche, Friedrich : 13, 18-20, 39, 144,
Homère : 239 166, 169, 177-192, 194, 196-198, 200-
Index des noms 305
201, 203, 205-206, 209, 253, 264-265, Searle, John Rogers : 206
267-268, 278-285, 291-293 Simon, Richard : 83, 87, 89
Nora, Pierre : 263 Simonetta, David : 55
Simonide de Céos : 230, 239
Palmerin : 76 Socrate : 19-20, 72, 180, 182, 190
Parménide : 19, 230 Spinoza, Baruch : 39, 73, 83, 89, 106, 125,
Philon d’Alexandrie : 234 130, 174, 252
Pierce, Charles Sanders : 28 Sterne, Laurence : 54
Platon : 19, 78, 88, 95, 182, 231-232, Strawson, Peter Frederick : 206
239 Strindberg, August : 186
Prieto, Luis Jorge : 27-28, 270
Pythagore : 20 Texier, Jacques : 164, 266
Thalès : 20
Quine, Willard Van Orman : 206 Theuth : 231
Thomas d’Aquin (saint) : 87
Rancière, Jacques : 266 Tirant : 76
Rask, Rasmus Kristian : 235, 240 Todorov, Tzvetan : 26
Régnault, François : 291 Trombadori, Duccio : 189
Ricardo, David : 73, 87
Ricœur, Paul : 166, 265-266 Vernant, Jean-Pierre : 230, 239
Rilke, Rainer Maria : 181 Viète, François : 45, 54
Rueff, Martin : 206 Virgile : 69
Russell, Bertrand : 196, 205-206, 281 Vuillemin, Jules : 55, 124-125, 145, 162,
Ryle, Gilbert : 206 165-167, 187, 266, 274, 277
Sartre, Jean-Paul : 26, 56, 196, 206, 263- Wahl, Jean : 19, 265
264, 266, 281-282 Weber, Max : 144
Saussure, Ferdinand de : 26, 106, 206, Wittgenstein, Ludwig : 20, 196, 205-206,
221, 225 247, 281
Schwartz, Élisabeth : 55 Wolff, Christian : 103, 106
Table
Avertissement ................................................................................... 7
Règles d’établissement du texte ..................................................... 9
Le discours philosophique......................................................... 11
[Chapitre 1.] Le diagnostic ............................................................ 13
La philosophie comme entreprise de diagnostic. – Interpréter et guérir.
– Le philosophe doit dire ce qu’il y a.
[Chapitre 2.] Maintenant ............................................................... 21
Le discours philosophique et son « aujourd’hui ». – Le « maintenant »
du discours quotidien, ou la triade du « je-ici-à présent ». – Les discours
scientifique et littéraire sont affranchis de ce maintenant.
Françoise Héritier
L’Exercice de la parenté
1981
Gershom Scholem
Du frankisme au jacobinisme
La vie de Moses Dobruska,
alias Franz Thomas von Schönfeld
1981
Francis Zimmermann
La Jungle et le Fumet des viandes
Un thème écologique dans la médecine hindoue
1982
Pierre Vilar
Une histoire en construction
Approche marxiste et problématiques conjoncturelles
1982
Robert Darnton
Bohème littéraire et Révolution
Le monde des livres au xviiie siècle
1983
Albert O. Hirschman
L’Économie comme science morale et politique
1984
Jacques Julliard
Autonomie ouvrière
Études sur le syndicalisme d’action directe
1988
Edward P. Thompson
La Formation de la classe ouvrière anglaise
1988
« Points Histoire », no 460, 2012
Marshall Sahlins
Des îles dans l’histoire
1989
Maurice Olender
Les Langues du Paradis
Aryens et Sémites : un couple providentiel
1989
« Points Essais », no 294, 1994
Richard Hoggart
33, Newport Street
Autobiographie d’un intellectuel
issu des classes populaires anglaises
1991
« Points Essais », no 720, 2013
Louis Marin
De la représentation
1994
Bernard Lahire
Tableaux de famille
Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires
1995
« Points Essais », no 681, 2012
Jacques Revel
(textes rassemblés et présentés par)
Jeux d’échelles
La micro-analyse à l’expérience
1996
Michel Foucault
« Il faut défendre la société »
Cours au Collège de France 1975‑1976
1997
Reinhart Koselleck
L’Expérience de l’histoire
1997
« Points Histoire », no 438, 2011
Michel Foucault
Les Anormaux
Cours au Collège de France 1974‑1975
1999
Hervé Le Bras
Naissance de la mortalité
L’origine politique de la statistique et de la démographie
2000
Michel Foucault
L’Herméneutique du sujet
Cours au Collège de France 1981‑1982
2001
Alphonse Dupront
Genèse des temps modernes
Rome, les Réformes et le Nouveau Monde
2001
Carlo Ginzburg
Rapports de force
Histoire, rhétorique, preuve
2003
Michel Foucault
Le Pouvoir psychiatrique
Cours au Collège de France 1973‑1974
2003
« Points Essais », no 951, 2023
Michel Foucault
Sécurité, Territoire, Population
Cours au Collège de France 1977‑1978
2004
Michel Foucault
Naissance de la biopolitique
Cours au Collège de France 1978‑1979
2004
Roger Chartier
Inscrire et Effacer
Culture écrite et littérature (xie-xviiie siècle)
2005
Michel de Certeau
Le Lieu de l’autre
Histoire religieuse et mystique
2005
Paolo Prodi
Christianisme et Monde moderne
2006
Michel Foucault
Le Gouvernement de soi et des autres
Cours au Collège de France 1982‑1983
2008
Michel Foucault
Le Courage de la vérité
Le Gouvernement de soi et des autres II
Cours au Collège de France 1984
2009
Pierre-Michel Menger
Le Travail créateur
S’accomplir dans l’incertain
2009
« Points Essais », no 735, 2014
Didier Fassin
La Raison humanitaire
Une histoire morale du temps présent
2010
suivi de Signes des temps
« Points Essais », no 839, 2018
Michel Foucault
Leçons sur la volonté de savoir
Cours au Collège de France 1970‑1971
suivi de Le Savoir d’Œdipe
2011
« Points Essais », no 896, 2021
Yan Thomas
Les Opérations du droit
2011
Émile Benveniste
Dernières Leçons
Collège de France 1968‑1969
2012
Michel Foucault
Du gouvernement des vivants
Cours au Collège de France 1979‑1980
2012
Gérard Lenclud
L’Universalisme ou le Pari de la raison
2013
Stéphane Audoin-Rouzeau
Quelle histoire
Un récit de filiation (1914‑2014)
2013
« Points Histoire », no 512, 2015
Michel Foucault
La Société punitive
Cours au Collège de France 1972‑1973
2013
« Points Essais », no 950, 2023
Michel Foucault
Subjectivité et Vérité
Cours au Collège de France 1980‑1981
2014
Nathan Wachtel
Des archives aux terrains
Essais d’anthropologie historique
2014
Michel Foucault
Théories et Institutions pénales
Cours au Collège de France 1971‑1972
2015
« Points Essais », no 897, 2021
Edward P. Thompson
Les Usages de la coutume
Traditions et résistances populaires en Angleterre (xviie-xixe siècle)
2015
Dominique Julia
Le Voyage aux saints
Les pèlerinages dans l’Occident moderne (xve-xviiie siècle)
2016
Danny Trom
Persévérance du fait juif
Une théorie politique de la survie
2018
Michel Foucault
La Sexualité
Cours à l’université de Clermont-Ferrand 1964
suivi de
Le Discours de la sexualité
Cours à l’université de Vincennes 1969
2018
Antoine Lilti
L’Héritage des Lumières
Ambivalences de la modernité
2019
« Points Histoire », n° 595, 2022
Christiane Klapisch-Zuber
Mariages à la florentine
Femmes et vie de famille à Florence (xive-xve siècle)
2020
Michel Foucault
Binswanger et l’analyse existentielle
2021
Roger Chartier
Éditer et Traduire
Mobilité et matérialité des textes (xvie-xviiie siècle)
2021
Michel Foucault
Phénoménologie et Psychologie
2021
Michel Foucault
La Question anthropologique
Cours. 1954‑1955
2022