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©Le tems. est done venu'dappliquer d Fewvre.* "de Foucault les méthodes d’éclaircissement, c'ést-d-.~ diresla. généalogie et. interprétation, qu'il: lui= miénie-appliquées @ ses domaines d'études" = Tout sest passé comme si, sans préméditation; les intervenants s’étaient-trouvés d’accord pour récon- “maitre: Pimpossibilité de poser des: questions: a.” “Foucault en ignorant ce qu'il a déclaré Iui-méme dans introduction @ Lusage des plaisirs. A savoir que l'objet de ses travaux - les «jeux de vérité» notion aussi étrangére ax philosophies dogmati- ques qu’aux critiques, ne pouvait étre traité que par «essai... corps vivant de la philosophie». .- En.examinant comment cetté ceiwvre traduit hési= tations, réserves, inquiétudes, et, dott étre abordée comme une pratique du-savoir, tous les participants ~ ont senti que, d son image, ils n’étaient pas «de la méme planéte» que les gens qui prescrivent d la pen- sée philosophique de «légitimer ce que l'on sait deja, au lieu d’encourager l'entreprise consistant & chercher @ « savoir comment et jusqu’ow il serait pos- sible de-penser autrement ». G.Canguilhem Etienne Balibar, Blandine Barret-Kriegel, Raymond Bellour, James Bernauer, Christian Bouchindhomme, Georges. Canguilhem, Gilles Deleuze, Michael Don-- nelly, Hubert. L. Dreyfus, Francois Ewald, Manfred Frank, André Glucksmann, Pierre Hadot, Denis Hol- lier, Christian Jambet, Dominique Janicaud, Gérard Lebrun, Roberto Machado, Pierre Macherey, Jacques- Alain Miller, Miguel Morey, Alessandro Pizzorno, « ‘Mark Poster, John Rajctiman, .Rainer Rochlitz, chard Rorty, Walter Seitter, Paul Veyne, Frangois Wahl. . 9 "782020" | ISBN 2.02,010256-0 1 Imprimé en France 9-89-2 160F ‘Michel Foucault. _. philosophe ~ Rencontre internationale: “Paris:9'10, Il janvier 1988 Des Travaux / Seuil © comings oe Seri, seeTEMBKE 1989. Lat wu 1 rs 1957 net es coi epi eng ne wisn eShop uence i Fn rsa abe sohamde Cne | | Des travaux L’édition francaise ne reflete pas, actuellement, de facon adé- quate le travail qui peut se faire dans les universités et dans les dif forents liewx de recherche. Elle ne reflete pas non plus ce qui, dans Te méme ordre, est entrepris & l'ésranger. Il y a. cela des raisons économiques ~ colts de production, cous de traduction et done prix de vente des livres. Ily a aussi la lace occupée par les ouvrages d'opinion et I'écho qu'ils peuvent rencontrer dans la presse. re but de cette collection n'est pas de prendre cette place. Il n'est pas d'imposer des livres savants dans les circuits de la grande Ponsommation. Il est d'établir des relations entre éléments homo- panes: de ceux qui travaillent d ceux qui travaillent. Il est bon que Tr lecture se genéralise, mais il ne faut pas que les différents modes d'édition soient confondus. Trois ordres de textes seront publiés ici. Des travaux de longue haleine, devant lesquels les édliteurs souvent reculent. Des travaux brefe qui scandent, en quelques dizaines de pages, une recherche et lui permettent de se dévelapper en série, Des traductions dou. rages éirangers dont nous avons besoin pour désenclaver la recherche en France. ‘ra fin tant ainsi définie, les moyens s'ensuivent : un strict effort d'bconomie requis des auteurs, de Uéditeur et des lecteurs. On leur ‘emandera done d'accepter d’écrire, de publier et de lire des Suvrages dont tous les éléments de production auront été détermi- nés au plus juste. Travail : ce qui est susceptible d'introduire une difference signift- ative dans le champ du savoir, au prix d'une ceriaine peine pour Vauteur et le lecteur, et avec l’éventuelle récompense d'un certain plaisir, ire d'un acces & une autre figure de la vérité. Michel Foucault, q Jean-Claude Milner, Paul Veyne, Frangois Wahl. Cet ouvrage constitue la synthése des expesés et débats qui ont eu lieu lors de la Rencontre internationale organisée a Paris en jan- vier 1988 par I'Association pour le Centre Michel Foucault * * Pour plus de détsils sur ee Centre, voir en annexe, p. 405-406, Présentation Les interrogations concernant les enjeux, les itinéraires de recherche et d'approche, et impact dune cuvre comme celle de Michel Foucault, lors de la Rencontre internationale de Paris, en janvier 1988, ont atteint, en portée et en bénéfice culturel, ce ‘qu'on pouvait attendre d'une réunion de ce genre. Tout s'est passé comme si, sans préméditation, les intervenants s'étaient trouvés d'accord pour reconnaitre l'impossibilité de poser des questions a Foucault en ignorant ce qu'il a déclaré lui-méme dans Fintroduction a L'Usage des plaisirs. A savoir que l'objet de ses travaux ~ les « jeux de vérité », notion aussi étrangére aux philo- sophies dogmatiques qu’aux critiques ~ ne pouvait étre traité que par «l’essai (...) corps vivant de la philosophie ». De sorte qu’en examinant comment cette ceuvre traduit hésitations, réserves, inquiétudes, et doit étre abordée comme une pratique du savoir, tous les participants ont senti que, & son image, ils n’étaient pas «de la méme planéte » que les gens qui prescrivent a la pensée philosophique de « légitimer ce qu'on sait déja » au lieu d’encou- rager l’entreprise consistant a chercher & « savoir comment et jus- qu'ot il serait possible de penser autrement ». Ce parti pris de dissidence soutient lintérét passionné accordé par Foucault, sur le terrain méme de notions classiques, telles que normalité, moralité, transgression, régulation, a des modes de questionnement philosophiquement excentriques et, partant, & des réponses en forme de découvertes, telles que, par exemple, Penfermement et la prison. Plusieurs interventions, au cours de cette Rencontre, ont montré comment certaines questions posées 4 Foucault, vivant et disparu, selon la forme usitée sur le terrain classique, sont déplacées, latérales et méme obsolétes. S’étonner, par exemple, de voir Foucault traiter de la vérité comme pouvoir plutét que comme norme, c'est méconnaitre que, sous l'aspect de sciences génératrices de technologies, savoir contient vaioir. ul PRESENTATION ‘A la question inéluctable: « Hors ou dans la philosophic ? », certains sont tertés de répondre: hors mais & coté. Plus nom- breux ceux qui tiennent «hors» pour légal de «contre », sen- sibles qu’ils sont au fait que Foucault a discrédité les questions de possibilité transcendantale au profit des questions de possibilité historique, a condamne la recherche des profondeurs, tellement il lui a paru difficile de repérer les points d’ot l'on apercoit bien les surfaces, a substitué & Phistoire des systémes l'histoire des problé- matiques. ‘Le temps est donc venu d’appliquer a l'euvre de Foucault les méthodes d'éclaircissement, c'est-a-dire la généalogie et Vinter- prétation, qu'il a lui-méme appliquées @ ses domaines d’étude. ‘Avant de poser a Foucault, comme certains de ses critiques se sont empressés de le faire non sans perfidie, des questions tradi- tionnelles en philosophie, toujours tenue, au fond, a travers son histoire, pour recherche de la vérité et de la sagesse, on aurait pu meéditer sur le fait qu'il avait commencé son Geuvre par une his- toire de la folie. Georges Canguithem Michel Foucault dans Vhistoire de la philosophie 1 Archéologie et épistémologie* Roberto Machado S'il s‘agit de situer Michel Foucault par rapport & la philo- sophie, comment ne pas penser & Nietzsche, 8 la phénoménologie ou méme au marxisme... Nous pensons pourtant que la fagon la plus pertinente de situer, du point de vue méthodologique, ce que Foucaull a uommé « archéologie » est de souligner ses liens avec Pépistémologie francaise telle qu'elle se pratique depuis Bache- lard, ances_scientifiques, LEpisemaTOBIe Tee Le science du point de-vue de la scientifieté “commé’ instruime hese i d'analyse. Cela ie veut”p: bien eniendu, q histoire des sciences soit philosophique, mais que des philosophies du concept comme celles de Bachelard, Cavailiés, Koyré ou Canguilhem, en étudiant Ja science dans son historicité, font plus qu'une simple description des inventions, des traditions ou des auteurs. Pour.l’épistémologie, en effet, une histoire. des sciences ne peut atteindre son but, établir Phistoricité “Heda science, quien se-situant dans une perspective philosophique “etdone,_en_se_démarquant_des_ disciplines proprement “Figues ou méme scientifiques. Test aisé de comprendre cette position en se rappelant qu epi sophique 4 analyse historique de la science, c'est que celle- pose une question fondamentale pour la philosophie, celle de la rationalité, Pour.l’épistémologie, la science,.discours nonmatif-et | -normé,-est ie lieu méme de la verité et, comme tel, productrice de ! ciationalité._Et,. si-laraison.a_une_hisigite,, seule Thistoire des ~Sciences-peut-le-démontrezet_teacer_son itineraire, Ainsi, la si émologie lie intimement, sinon identifie, la réflexion philo- * Ces idées sont développées dans mon livre Cigncic e saber. a trajetaria da arqueologia de Foucault, Rio de Janeiro. Graal. 2 €d.. 1987. 15 ROBERTO MACHADO dimension critique-de-Phistoire philosophique.des sciences n°est “en_aucun cas une critique de Ja science, ‘mai » ‘critique du négatif de la raison : elle analyse_les.dépassements = ‘des obstacles, ces_préjuges et. des mythes - qui rendent_possible Pavénement. progressif_de Ja. rationalité; elle ‘philosophique q'éclaircissement de la connaissance et a pour normné la rationalité scientifique elle-méme en son plus haut degré ’élaboration_Lépistémologie est donc une philosophie qui ¢ti- ‘die_ia_question_de_la_rationalité 4 travers la science comprise ~comme lactivité rationalist xcellence... oe Nous voudrions analyser Fimportant dépiacement méthodolo- gique effectué par Michel Foucault par rapport lépistémologie. Rappelons que la philosophie de Bachelard discrédite toute vel- Wéité de formulacion d'un rationalisme général: instruite par la science, la philesophie doit rester sa hauteur, assimiler ses legons et en respecter la normativité. Dans cette perspective, 'épistémologie bachelardienne est un rationalisme régional, l'ab- sence de critéres valides pour toutes les sciences rendant néces- saire l'étude minutieuse de plusieurs « régions » de scientificité. Gaston Bachelard s'est consacré & des sciences comme la phy- sique ou la chimie dont on peut grosso modo considérer qu’elles constituent la région de la nature ou de la matiére. Puis Georges Canguithem, a partir essentiellement des mémes catégories méthodologiques, s'est intéressé a la biologie, & anatomie et & la physiologic, disciplines qu'il nomme «sciences de la vie », délimitant ainsi une autre région de scientificité. On_peut | comprendre histoire archéologique.comme l'investigation d'une ion nouvelle, toutes ses analyses gravitant autour de Ja_ques- in de [homme et formant une grande recherche sur la constitu. fion historique des « sciences de homme» dans la modemité ' Mais cette spécificité de Pobjet d’étude n’épuise pas Poriginalité de V'archéologie : dans fa mesure od elle se centre sur la question de "homme - envisagé comme une région au cdté de celles de la nature et de la vie -, la démarche archéologique va se laisser gui- der par des principes différents de ceux de l'histoire épistémolo- gique. L’archéologie, tout en gardant l’épistémologie comme point de référence méthodologique, assume une autre position dans ses analyses de la rationalité : alors que ’épistémologie pos- , tule que la science doit, pour reprendire rexpression de Bachelard; ‘scordannet ia philosophic», Varchéologic revendique_ san indé- ‘pendance par rapport & toute science ef se fait critique de Lidée me dé rationalifé, De méme, alors que Vhistoire épistémolo- 16 “Goi toute trace d'histoire du progrés de ia raison a disparu. aot louie n'a jamais fait de critique, implicit ou explicit, ARCHEOLOGIE ET £PISTEMOLOGIE gique examine, au niveau des concepts scientifiques, la produc- tion de vérité dans la science définie comme processus historique de production et développement de la rationalité, histoire archéologique, en établissant des interrelations conceptuelles au niveau du savoir, ne privilégie pas plus le question normative de fa vérité qu'elle n'établit un ordre temporel de récurrence a partir de la rationalité scientifique actuelle. Enanutraisant a auestion 4 dela scientificité, larchéologie réalise une histoire_des savoury de Pépistémologie mais elle a toujours voulu suggérer que I"his- toire épistémologique était dans l'impessibilité d'analyser des problémes dont elle-méme pouvait rendre compte. Cest méme fans doute une des grandes richesses de la méthode archéologique que ¢’étre un outil capable de penser les sciences de homme en tant que savoirs en écartant la question de leur scientificité et en se soustrayant par la 4 l'impossibie défi de la récurrence, mais sans pour autant abandonner Pexigence d'une analyse concep- tuelle susceptible elle aussi d’établir des discontinuités. Cependant, il ne s'agit pas 1a d'un seul et unique déplacement de la science au savoir. La méthode d’analyse archéologique est généralement connue comme une « archéologie du savoir », mais, Contrairement & une idée répandue, cette dénomination n'est pas un point de départ mais le résultat d'un processus, lui-méme his- torique, par lequel le concept d’archéclogie a connu de telles modifications qu'il apparait de fagon différente dans chaque ouvrage. ‘Vue sous cette perspective, L'Archéologie du savoir n’apparait plus comme la formulation d'une méthodologie utilisée dans les Gifférentes recherches archéologiques, I'Histoire de Ia folie, Nais- ‘ance de [a clinique et Les Mats et les Choses. Ce sont précisément ees derniers ouvrages que nous allons privilégier pour saisir la méthode archéologique au moment méme od, produite, elle pro- duit des résultats concrets. Il est impossible en effet d'assimiler les positions méthodologiques de L'Archéologie du savoir aux méthodes effectivement en ceuvre dans les livres antérieurs. LAr. chéologie du iret moinsne explication coneentisl oe Guia déja éi¢ réalisé que \'instauration de nou des recherches ultérieures de “que celle-ci cédera vite la place & un. nouveau type-d'analyse-histo- Figue_du_savoir_que.Michel_Foucault_nommera_« généalogie ». Crest donc les différentes étapes de la trajectoire de Parchéologie WwW velles bases pour Thistoire archéologique, alors méme ROBERTO MACHADO que nous allons anaiyser en ints qui yser en partant des points qui nous semblent ae elie compte de sa, méthodologie et du déplacement p repport & 'épistémologi Sontinuité et la normativite, Pw ™oosle: Ie concept, 1a dis- C'est dans la mesure ot elle est concey . fe ptuelle que non seulement "Histoire de la folie xe démarque des histoires _ shiatrie, mais quelle est une critique de leurs méthodes. Cepen- Gant, le probleme du concept n'est pas posé de la méme facon que lans l’épistémologie ot il est ce qui, fondamentalement, définit I: “Falonalit€ scientifique, Lfiswoire de ta folie opére_un_prem cement vis-i-vis de Tépistemologie velle tacicalise [sutoree sie du Sean la science. Le fe fait que la saponins 1¢ soit pas une science 4 proprement parler n‘ Serb ees En tous aoe me si as scientifique, prétend & la scientificité puisqu’ ous médical pour paramétre. Mais I’Histoire dela ee fe imite pas aux discours a prétention scientifique et prend en compte des discours philosophiques, littéraires, théologiques ou politiques: Avec la question de la folie pour fil conducteur, l'ana- lyse prend en considération tout un ensemble hétérogéne de dis- Cours qui la constituent comme objet. Et c’est précisément en pri- vilégiant élément conceptuel de ces discours qu'il est possible de faire des rapprochements et d’établir un ensemble. Mais le ‘concept de savoir, qui deviendra l'objet méme de l’archéologie, n'est pas encore formulé dans ce livre qui, pour se démarquer de histoire épistémologique et définir la spécificité de l'archéologie. se fonde sur la distinction entre connaissance et perception, Seule ‘assclence produit de la connaissance, afirme.épistémologi } lui, utilise le terme « connaissance » da ceptio -phs nra® de thors synématiqe, cst aie Faber vation par qurs scientifiques, veui is ifiques, ou qui se ent tels. di sroit Savoir Obj} . Or, c'est important, I'Histoire de [a fol je toni pre ent l'insuffisance du niveau de la connaissance pour rendre compte des conditions de possibilité de la psychiatrie | se comment done analyser la naissance de la psychiatrie ? En ne fe situant ni exclusivement ni fondamentalement au niveau du cours théorique pu'sque la psychiatrie est incapable de définir 18 ARCHEOLOGIE ET EPISTEMOLOGIE essence de la folie. L’analyse devra donc se situer également au niveau, nommeé « perception », du rapport théorico-pratique éta- bli avec Je fou dans une situation d’exclusion institutionnelle * Crest pourquoi l'archéologie recherche des discours plus directe- ment liés aux pratiques institutionnelles comme les procés judi- ciaires et policiers ou les archives des prisons, des hépitaux et des, hospices. Ces textes peu familiers des historiens des, sciences seront pourtant, et c’est fondamental, étudiés conceptuellement. C'est ici que la question de larchéologie se pose. Dans I’His- toire de la folie apparait pour la premiére fois cette dénomination gui recouvre moins une méthode rigide, stable et précise qu'une exigence toujours renouvelée de rendre compte du discours scien- tifique — au sens large en comprenant les discours & prétention de scientificité - sur un mode spécifique. Le sens de ce terme évo- uera au cours des recherches archéologiques mais restera inchangé sur un point: Varchéologie définit un abord spécfique +t un espace qui lui est propre, mals én gardant toujours pour ‘eférence — explicite ou imph jicite— histoire epistémologique.des Beienves. Dans I'Histoire de Ia folie « archéologie » a le sens restreint ct précis de recherche de conditions de possibilités plus profondes ‘que celles fournies par la science. D'ot 'importance de la dicho- tomie structurale organisatrice de la recherche. Dans cette dicho- tomie, espace propre de Parchéologie se trouve en decd de la «connaissance »: lieu antérieur oi elle repose mais, surtout, supérieur car prioritaire pour déceler ses récls objectifs. Privilege du geste qui sépare sur Jes catégories qui expliquent ou qui pré- tendent le faire '. Ce privilege, dans ce cas, va opposer A.une his- toire des discours, des théories, des concepts ~ psychiatriques ou non-~ sur la folie, une archéologie du rapport de forces qui s’établit avec le fou, indépendamment de la raison scientifique dont il décéle les véritables raisons. Il n'y a pas, dans I'Histoire de la folie, une archéologie du savoir dans le sens oli ce concept sera par la suite défini, mais bien une archéologie de la perception. existence de deux niveaux améne Foucault a critiquer une histoire continuiste qui décrirait ['itinéraire de la psychiatric comme le passage linéaire d’une perception sociale a une connais- sanee scientifique de la folie. Disciple de I’épistémologie, l'a shéologie-ctitique les histoires continuistes, mais les discontinul elle établis tres__Dans I'Histoire de la folie, les ruptures sont générales, verticales et partielies. Générales, mais toujours circonscrites a la question de la folie, 19 ROBERTO MACHADO celui de la connaissance. Mais il y a aussi hétérogénéité : entre conscience critique et expérience tragique de la folie & la Renais- sance ; entre les deux formes institutionnelles de réclusion ~ l'ho- pital et le Grand Renfermement — & age classique ; entre une conscience juridique et une conscience sociale de la folie; entre théorie médicale et systéme d’exclusion ; entre conscience de la folie et conscience de la déraison a la fin du xvut' siécle, Les ruptures sont verticales, car la distinction des niveaux de la perception et de la connaissance transporte l'analyse bien au-dela des discours. Délibérément située en un niveau plus élémentaire que les théories qui spécifient la folie en une nosographie, 'ana- lyse privilégic clairement les pratiques de I'internement - méme Jes catégories de déraison et d’aliénation apparaissent comme constituées par lorganisation, le fonctionnement et la traus- formation des institutions de réclusion -, mais renvoie aussi A des dimensions plus générales lorsque, par exemple, elle relie l'insti- tution du Grand Renfermement, sa création, son déclin et sa mutation en hospice, a des facteurs économiques, sociaux et poli- tiques. Mais la dichotomie perception-connaissance reste: la théorie nosographique n'est jamais mise en relation avec les aspects institutionnels ou économiques. Bien que l’analyse veuille expliciter a la fois les conditions de po: ité de la perception et de la connaissance moderne de la folie, sa verticalité concerne les discours étroitement liés a la perception. La psychiatrie appar: bien comme un compromis entre deux aspects hétérogenes : le champ abstrait d'une nature théorique et l’espace concret d'un internement ou, en d'autres termes, une « analytique médicale » et une « perception asilaire *». Partielles enfin, dans le sens oi Tinvestigation historique ne sépare pas de fagon absolue les époques. Bien sir, le Grand Ren- fermement constitue une rupture par rapport a la situation réelle du fou 4 la Renaissance comme, 4’ illeurs, I’asile de Pinel et Esquirol par rapport a la réclusion classique. De méme, il y a hétérogénéité entre théorie psychiatrique, nosographie classique ou conscience critique de la folie a 1a Renaissance... Mais la dis- continuité n'est pas totale car les théories et les pratiques ne sont Jamais indépendantes de ce qui s'est passé avant. Il y a toujours des conditions antérieures de possibilité. L'Histeire de la folie découvre un processus orienté vers la subordination croissante de. la folie & la raison, Elle est critigiie de la raison lorsqw’elle analyse 20 ARCHEOLOGIE ET EPISTEMOLOGIE, a les limites, les frontiéres que celle-ci établ et dépace acl ce cui li “Gort de ronires, mas toujours dans I sens une doming i : a i sur la folie, Nouve yn plus puissante et totale de la raison la : théore surla folie et nouvelle pratique de controle du fou, la ey chiatric apparaft également ainsi comme la radicalisation d's processus historique de domination, Remarquons enfin que les Conditions historiques de possibilité de la psychiatric sont plus elles que théoriques et que c’est moins lexi indeein qui a cireonscrit,isolé, individualisé le fou que des pro- mes économiques, politiques et sociaux. ; Pious voic tout natorellement amenés au probleme de la nor mativité de Parchéologie. L'Histoie dela fale ne fait pas une bis toire normative au sens oli elle porterait ee a 7h La cours en prenant la scientificité définie par le présent dune Science pour norme. Le progres de la science, affirmation essen- tielle de 'épistémologie, perd, toute valeur eane cette aoe ogres qui, neutralisant la question du progrés par rapport ala percep: fon et la connaissance de la folie, efface i possibilité de récurrence historique. Cependant, la reaps és : t organise mi - de la récurrence reste bien présente et i ee Rane ‘mentation de tout le livre mais sur un mode inver ia folie realise, siYon peut dire, une récurrence& rebours dans Je i le critére de jugement qu’elle utili présent ‘aig du ‘passé. Elle est bien un discours normatif dans er é jans, Phistoi éoriés.et.des.prati- mi détecte, dans, histoire. des. theories. den oe gieavte Ti folie, une direction qu révéle,comment fine vérit essentielle dé la folie.a été, non pas décou:, “et cela pour avoir signifié une menace, un SRE cone plus soigneusement cette question et précisons dans quel sens T'Histoire de la folie est normative. Touts lagu: i exis y é fondamentale repose sur lexistence d'une expérience te mikes ce sta Weis eaeca nest pas seulement une DEUTE istorique_ou_line_production_pratico-politique_et_théorico- aeetingus-dont-om-checahecaille-moment_cOnsititi et les Gtapes_ de transformation, mais.une_expétience oniginaire plus mentale que les figures historiques et que la raison. seco verte, masquée,_ do ‘détfuire totalement x ‘ “GEniirement exclue d'un cOté, entitrement objectives de autre, ie n'est jamais manifestée pour elle-méme, et dans, - teen righ deuit propre» Foucault ne fait pas Phistoire pos! 24 ROBERTO MACHADO. peciseeal He té originaire mais se contente d’en signaler | Fan Ge not Seco eu eh Yan Go . u Artaud....IL fait une hi - tique et le annégativité de la folie partie dune valeuy eee A ccc exprience pet ite lr veené dr oogonia: seule et I le la psy i tuant dans un processus historique de controle Ge plis en plus efeace dl flie Ala Kenaisanc, I critique morale la déstgne tone a ae *, le rationalism é i sees Tépoque moderne, enfin, les scenoee fonaioee Geninene ies la eee comme une aliénation. Ainsi fe Ir ‘ique sur la folie apparait a ipparait-elle cor Bw mast” dine eileen cts essences on d es natures supposées. Mais ce qui est paradonal est eee relate fin a subordonner la folie a la raison et & Js domination de araison surla fol Eniour eit de oor ene ! nation de Iara ie. En tout his sloite de la folie n'est pas-Vitinéraite de Tee ed ras bi a brogress domination de la folie pour l'intég es ce quest histoire de la folié -Vhistoire el fabe (un. grand_mensonge. En ce sens, Ie liv s marque par le projet épistémologique Naissance de la clinique est un : est un texte concis of méthodologigue est absente de fagon explicte ~ 4 part dane a preface. Ta Question cependant traverse tout Ie livre et de f . fort giffrente que dans Histoire de la folie. Nous allons done analyser le discouts de, histoire archéologique en ce mouveau concep, dela discontinuté et dela normanivegss SONS cent, ¢ rmativité, pay atchéologie dels clinique tlle que Foucault I'a congue n'est as seulement tres diferente des hstoiesfactueles dela méde Gine elles oppose, Cependant, il ne s'agit pas non plus d'une islet épistémolosique. dans ia mesure ob archéologie ne Eangtue bas un objet original, spécifique que serait le savoir" Pi, démarche est diflgrente car Tobjet étudié, la médecine, n'est pas une science & proprement parler. Et, pour montrer que la ‘ Iie entte médecine classique et médecine moderne est archéo- Foucault affirme qu'il n'y a pas eu de rupture épistémo 22 ARCHEOLOGIE ET EPISTEMOLOGIE fre qu'il n'y a eu ni passage d’un langage ‘conceptuel, ni acquisition d’objecti- dre compte de la production d'un type dé connaissance que lépistémologie est impuissante & atteindre de fagon satisfaisante puisqu’il n’est pas scientifique, ‘Cette ambiguité thématique entre l'archéologie et I'épistémolo- gie est ¢’ailleurs exprimée par une ambiguité terminologique : le ferme « archéologie », présent dans le sous-titre du livre ~ « Une archéologie du regard médical » -, n'apparait nulle part ailleurs dans le corps de l'ouvrage. Le qualificatif « épistémologique», associé A des expressions tels «regard médical », « perception médicale », « visible », invisible» ou « invisible visibilité », est, en revanche, employé plusieurs reprises pour qualifier objet (étude qui, d'un point de vue conceptuel, définit dans ce livre Pabord archéologique *. Dans Naissance de la clinique, logique, c’est- métaphorique 4 un langage vité®. Lrarchéologie veut ren Phistoire archéologique se situe A deux niveaux qui restent en corrélation : le regard et le langage. «Expérience médicale », « perception médicale », « regard médi- cal». sont autant d'expressions employées & plusieurs reprises comme synonymes et utilisées comme corrélats de la définition d'un espace de la connaissance médicale. Ainsi Foucault emploie- tril tout le long de son analyse le terme « spatialisation » dans le Sens de constitution d'un espace de visibilité de la perception médicale, espace qui n'est pas le privilége de la médecine moderne. Foucault ne nie pas Vempiricité de la médecine moderne, il critique la position dichotomique qui imagine que le trait fondamental de la clinique moderne est d'avoir affirmé le visible contre le pensé. A cela, il oppose I'typothése, c'est Vidée Centrale du livre, que le changement est d@.a une transformation de la relation entre le visible et Pinvisible. Dans cette perspective, Ja mutation fondamentale entre la médecine classique et la méde~ cine moderne est le passage d'un espace taxinomique un espace Corporel: c'est la spatialisation de la maladie dans l'organisme. En d'autres termes, c'est opposition entre un regard de surface délibérément limité a la visibilité des sympiomes et un regard de profondeur qui, par l'étude de lorganisme malade, mue Vinvi- Rible en visible. En définitive, c'est le changement des formes mémes de visibilité qui constitue la principale caractéristique de cette rupture. Mais on ne peut dissocier analyse de Ia perception médicale, et de son espace, de l'analyse du langage de la médecine. Nais- Sance de la clinique cherche & montrer comment le concept 23 ROBERTO MACHADO méme de maladie s'est transformé entre I'age classique et lage moderne ; mieux, comment lidée de l'étre de la maladie a dis- paru au profit de’celle de corps malade. La rupture que la méde- cine moderne inaugure est le déplacement d'un espace idéal A un espace réel, corporel et, consécutivement, la transformation du langage intrinséquement lié @ la perception de cet espace. Contre la dichotomie instaurée par les historiens lorsqu’ils définissent la médecine moderne comme rejet de la théorie et option pour l’ex- périence, Foucault analyse le langage dans sa relation avec Iexpé- rience médicale et son objet. Il n'y @ pas de « spatialisation » sans «verbalisation» du pathologique. L’objet de l'archéologic est «cette région o® les mots et les choses ne sont pas encore sépa- rés», est «I'arioulation du langage médical avec son objet », «la structure parlée du pergu », «la spatialisation et la verbalisa- tion fondamentales du pathologique», le « regard loquace » du médecin ", Crest précisément ces deux aspects considérés dans leur intime relation qui permettent de saisir les ruptures qui ont affecté et transformé la connaissance médicale : elles sont des réorganisa- tions du rapport entre ces deux termes. Dans la médecine clas- sique, le langage était privilégié par rapport au regard et la ma- ladie’ était un «espace rationnel », «essentiel ». Percevoir équivalait & déchiffrer un ordre intelligible des maladies établi par Pespace nosographique au niveau de la représentation. Le langage médical était donc nécessairement antérieur la percep- tion. Dans la clinique, il y a équilibre entre regard et langage. La connaissance clinique devient analytique car 'espace méme de la perception a une structure linguistique. Dans l'anatomo-clinique, le regard reste privilégié par rapport au langage. L'identification de Pespace de la maladie 4 'organisme malade détruit 'idéalité de espace de la maladie et le rend empirique. Pour la médecine, Pélaboration d'un langage moderne repose sur la possibilité de pénétrer dans le volume corporel et d’y rechercher la lésion orga- nigue. Considérée du point de vue du systéme des réorganisations entre le regard et le langage ~ ce qui désigne le niveau de profon- deur auquel se situe 'archéologie -, analyse de la rupture insti- tuée par Panatomo-clinique ne fait appel & aucune récurrence his- torique. Si la critique de I'histoire rétrospective est une constante de Naissance de la clinique, celle-ci n'a jamais recours aux critéres de l'actualité scientifique : aucun moment un type de médecine mest explicitement estimé supérieur a un autre. Méme si Fou- 24 ARCHEOLOGIE ET EPISTEMOLOGIE c ifie A plusieurs reprises son étude d’épistémologique, il coat a pratiaee un type original d'histoire de a médecine be Tneme, Hide d'une récurrence & rebours qui orientait I Hisjole de Ta folie disparait totalement : aucun crtére extramédical nest wi, lise pour juger de la rationalité de la médecine. La rupture Enige. médecine modeme et médecine classique ~ question centrale ¢& ce livre qui cherche 4 définir une normativité intrinstaye nie médecine A différentes époques ~ est établie grace & lamalyse Gee Transformations du concept de connaissance médicale a partir des critéres que chaque époque définit comme vrais, crtétes ah Me cntdlation entre regard et langage permet d'expliciter. ‘Dans Naissance de la clinique, ce ne sont pas des critéres eB ct futurs ~ donc extérieurs — qui éclairent Vhistoire des discours ¢ ‘une époque donnée, mais des conditions de Pov rience med ‘les conditions de possibi nce mé Riel ‘priori concret » de la médecine. On retrouvera d'ail- Jeurs ectte idée dans le prochain livre. et les Choses est le livre le plus ambitieux de Foucault. 14 Sioned, non sens modifications importantes, @ un groupe de Savoirs certains résultats des analyses prézédentes sur Ja psycbia- Tae et la médecine, constituant ainsi une veritable théorie gene te des sciences de homme. Mais, et c’est ce qui nous intéresse, T formule et applique la méthode archéologique d'une maniére Gui ne cofncide ni avec les analyses précédentes, ni avec les v urs. 1 aa erect‘ plus important de cette réflexion méthodologiaue est la esfinition de objet de l'analyse comme épistémé, C'est Gotion de savoir qui permet de comprendre celle <épistert?. Dans Les Mots. et Jes Chases, Varchéologie est.une bestoure 0 -avoits ef ce.qui.donne.son_unité.2Touvrage_est idee, neuve “pour larchéologie,-que-le-savoir.aune-positiaté, Jusque-f, Fone cault employait le terme « positivité » dans le sens que a te ‘Sait Pépistemologie, c'est-A-dire comme une propriété spéciiaue Fa discours scientifique. Dans I'Histoire de 1a folie, il qualifiait, Suire la connaissance scientifique, les discours a prétention de Scientificite. Se limiter 8 cette positivité ou méme la privilgicr, serait done apparu comme un escamotage de Tanalyse. Dans Naissance de la clinique, Yadjectif « posit» est utilisé entre gu Iemets et se rélére a la médecine modeme habituellement con: 25 ROBERTO MACHADO dérée comme positive, c’est-A-dire scientifique, et cela afin d’indi. quer qu'il n’y a pas eu de «psychanalyse de la connaissance médicale ». Si, dans ces deux cas, I'analyse prend ses distances par rapport au concept de positivité, ce n'est que dans Les Mots et les Choses qu’il change de sens avec, précisément, l’introduction du concept de savoir comme niveau spécifique de l’analyse et la transformation de l'archéologic en « archéologie du savoir ». Fou: | cault dit maintenant que.le savoir, détenteur d'une pasitivité, ne i | peut étre thématisé par.référence-4-autre-chose.quelui-méme, que ce soit une forme de savoir plus achevée partir de laquelle il [pourrait Gre jugé ou quelque chose-qui-serail_ d'un autre ordre, ‘gomme les structures.économiques ou sociales, dont if ne serait Lque l’expression ou la projection- (Cette inflexion de la trajectoire de I'archéologie modifie la fagon de traiter les rapports entre les discours et les pratiques économiques, politiques ou institutionnelles dont l’importance diminue progressivement au cours des recherches. Dans I'Histoire de la folie, ces pratiques avaient une place essentielle : pour ana- lyser les conditions de possibilité de la psychiatrie, les pratiques institutionnelles de l'internement, les discours qui les accompa- gnaient et leur articulation avec les transformations économiques étaient désignés comme plus a méme d’expliquer le probléme étu- dié que les théories médicales sur la folie. Privilege de la « percep- tion » du fou sur la « connaissance » de ta folie. A son tour, Nais- sance de la clinique articulait les différents types de médecine avec des institutions comme I'hépital ou I’école ou, dans une perspective plus large, avec des transformations politiques, pen- dant la Révolution frangaise notamment. Le livre montrait par exemple des incompatibilités entre la conception classique de la maladie et I"hépital ou, encore, mettait en rapport la constitution de la clinique avec les questions politiques de la réorganisation de lenseignement, de l'exercice médical et de I"hépital. Méme si elles y conservent-uré certaine importance, les pratiques sociales semblent dans Naissance de la clinique accessoires et il est méme possible de rendre compte de la thése générale sans s'y référer car Vobjectif principal du livre - analyser au niveau du « regard » et du « langage » les principes constitutifs de la connaissance médi- cale moderne en définissant le type spécifique de rupture qu'elle établit - requérait de privilégier le discours médical. Avec Les. Mots et les _Choses,.qui-étudie. la. constitution des_ sciences ‘humaines.a partir d'un réseau conceptuel des savoirs qui le “virait.de.condition. de-possibilité, Foucault laisse totalement_de 26 ARCHEOLOGIE ET EPISTEMOLOGIE é ra s savoirs et les structures eee i altgues, renant pour ia remit fois de fsan systématique le savoir - et non plus la perception SE a ee Foucault cherche A montrer les conditions de possibilité intrin- seques a la naissance et & la transformation de savoirs déterminés, discréditant toute histoire externaliste. Curieusement, la « généa- Togie» que Foucault entreprendra juste apres L'Archéologle du savoir, qui veut expliquer lexistence et Ja transformation des savoirs en les situant comme des piéces dans des relations de pou- voir, en les incluant dans un dispositif politique, suit une direc- tion bien différente et, de ce point de vue, beaucoup plus proche " le la folie. | oer gi I acherche dun ordre interne constitutif du savoir qui caractérise la réflexion des Mots et les Choses. D’oit la ques- tion de Pépisteme : Vépisteme n’est pas synonyme de savoir mais 22D ear a indepa _ re | ‘ique des. savoirs qui_serait_antérieur et _indépendant_ce roa rage dr dusceuseffectuee patia Science L-épistémé ext sécifi oir, Ja configuration, la disposition.quele poque déterminge et qui lui confer “mise en Tordre spécifique ‘positivité en tant que it ; . - I" > deux aspects complé- ‘On distingue dans la notion d’épistéme _ bord son a lit mentaires. D'abord'son aspect général, sa globalité une “culture et A un moment donné, il n’y a jamais qu'une épigtem, ai définit les conditions de possibilité de tout savour.» & chaque époque correspond une épistémé_unique_qui-régit-en— Semble des savoirs. Les Mois € les Chases n'est pas histoire “Grune science ou d'un concept. Son investigation se fait sur des domaines différents et sur des concepts appartenant & des savoirs distincts en cherchant a établir des interrelations conceptuelles. La vie, le travail et le langage par exemple sont des concepts fon- damentaux de savoirs sans contact entre eux. Mais Tr archéologic cherche a les mettre en rapport, a les articuler; elle se demande Sil ny a pas de ressemblance entre ces trois domaines et si le méme type de transformation n’a pas affecté au méme momen ces savoirs. L'hétérogénéité des discours s'efface devant une homogénéité plus fondamentale qui révéle les compatibilités et les cohérences a une époque déterminée comme les mutations, les incompatibiltés ou les differences entre des épogues différentes. Liambition majeure des Mois et les Choses est _de_selever_les— continuités-synchroniques et Tes discontinuités,diachronique 2 = ROBERTO MACHADO entrees savoirset d°établir la configuration générale du savoir A une.époque donnée", —~ ~ —_ ~ Vient alors le second aspect de la notion d’épistemé: sa profon- deur. Vrarchéologie est l'analyse historique des savoirs A partir de “Ge quiles caractérise le plus fondamentalement, Dans Les Mots et les Chases, elle oppose un niveau de surface, oti se cantonnent les autres histoires, et un niveau de profondeur dont elle est scule capable de rendce compte. En surface, on ne rencontre que les opinions qui ne peuvent donner lieu qu’ une doxologie . L’ar- chéologie, elle, analyse des savoirs a partir de I’« a priori hist Tique », Cest-a-dire I’élément de base A partir duquel I'épistéme est condition de possibilité des savoirs une époque donnée, Ainsi la conception de la connaissance comme mise en ordre qui caractérise tout projet @histoire naturelle a age classique se retrouve dans les projets d'analyse des richesses ou des discours De plus, cette conception est en harmonie avec la théorie de la représentation congue comme « fondement général de tous les ordres possibles “». C'est ce qui permet de parler d’épistémé clas- sigue. L'archéologie en somme analyse les ressemblances et les di férences entre les savoirs en établissant «un réseau unique de nécessités '' », Pépisteme d'une épogue, a partir de ses conditions de possibilités, d'un @ priori historique qui révéle en profondeur une homogéngité élémentaire, fondamentale. Prise ainsi dans sa verticalité et son horizontalité comme carac- téristique globale et profonde du savoir d'une époque, l’épisteme permet de situer, du point de vue de la discontinuité, l'archéolo- gic par rapport & I’épistémologie. Analysant Phistoricité de la science au niveau des concepts, épistémologie nie les continuités des histoires rétrospectives qui privilégient les thémes et les théo- ries. Histoire conceptuelle, l'archéologie, comme l’épistémologie, est discontinue, mais le type de discontinuité qu'elle découvre est autre. L’épistémologie, rappelons-le, a pour objet les sciences dans leur historicité. Zlle procéde a partir de la constitution historique de leurs concepis, du type de progrés qui les caractérise, de Ia conquéte de l'otjectivité qu’elles manifestent, de leur production de vérité et des critéres de rationalité qu’elies instaurent, L’ar- chéologie, avec le savoir pour objet, revendique son indépen- dance par rapport au projet épistémologique en affirmant I’anté- riorité du savoir sur Ia science. Foucault, il est vrai, n’a jamais privilégié la question de la scientificité et l'idée d'archéologie est 28 ARCHEOLOGIE ET £PISTEMOLOOIE inhérente au souci d’échapper @ Ja démarche épistémologique — Pos Timportance dela Perception dans THistoire de la folie et « elle du regard dans Naissance de la clinique. Mais ce qui dis. fingue maintenant ces deux types d’histoires, et Cest un acquis , fondamental des Mots et les Choses, c'est la formulation de deux niveaux spécifiques d’analyse Tarchgologie avec le savoir pour ~.. objet et Pépistémologie avec la science. ; "Dir point de vue de Mhistoricité dit savoir, ce qui caractérise, avec Les Mots et les Choses, Varchéologie est qu'elle analyse les Savoirs a partir, non pas du futur actuel ou méme du passé, mais de leur propre temps. « L’histoire du savoir ne peut étre faite qua partir de ce qui lui a été cor wntemporain, et non pas certes en Tonnes d'influence réciproque, mais en termes de conditions ¢t @a priori constitués dans le temps. » L'histoire archéologianet vest _ni évolutive, ni-xétrospective,ni.mieme sécurrente elle-¢s i dostémique, Elle ne postule pas.{existence-dun-progrés continu | ‘ou discontinn, mais pense la discontinuilé.en neuizalissut le ayes: | “ion du progrés. Cela est possi Ja science ne sert plus de critér ible dans la mesure ot Pactualité de de jugement d'un savoir passé, ob Ie savoir n'est pas considéré par rapport & un but qui serait I'ap- profondissement de la vérité, Mais l'archéologie n'invalide pas Pour autant la légitimité de analyse épistémologique et respecte von niveau spécifique grace, précisément, & la distinction qu'elle établit entre science et savoir. Reste enfin important pr robléme des critéres de l'analyse rail ° archéologique. Est-il possible de dire qu'elle n'est pas normative ? Sine doute si, épistémologue, l'on compare Les Mots et les Chases yee une histoire récurrente. Le savoir passé n'y est jamais juge partir de critéres fournis par le présent et il n'y a pas trace de Pécurrence dans cette recherche sur la constitution des sciences humaines of ni la raison, ni Tobjectivisé, ni le vérité d'au- jourd’hui ne sont évoquées. ‘De méme toute considération qui Supposerait un queleonque progrés est absente, Ainsi la distinc tion entre un passé dépassé. ‘et un passé sanctionné perd toute signification dans une histoire qui cherche a définir des « sys témes de simultanéité » et des « séries de mutation » en caractéri- venrane époque par une épistéme unique régissant l'ensemble des formes du savoir et oil toute nouvelle épistme implique une rup- ture, une discontinuité radicale. Mais analyse n'est pas factuelle ou simplement descriptive pour autant, I) existe, dans Le _vité_spécifique et manifeste es-mots-et-les-Ghoses,-une_ normati-_ ‘dans le concept méme d’épisté 29 os ROBERTO MACHADO Pour preuve, Vinsistance de Foucault sur le caractére de nécessité de Pépistémé. Mieux qu'un jugement, la_normativité_archéo: -logique est la mise en ordre des sevoirs Suse ¢poaued pants, eme considéré Fla fois danis.sa_contemporanéité, sa ité et _sa_profondeur, c’est-a-dire 4 -partirde.l'épistemig, s que T’ép:stémologie nest pas une norme extérieure a la science et que cette derniére, dans son actualité, est sa propre norme. L’archéologie abandonne les criteres de vérité définis par la science et, plus encore, par l'actualité d'une science. Mieux, elle opére un double déplacement de critéres : de la science au savoir et de l'actualité & lz contemporanéité, Sans neutraliser complete- ment la question de la vérité, elle ne la prend pas comme critére ¢’évaluation du passé de la science mais cherche & la définir & Nintérieur du savoi: de Pépoque étudiée afin d’établir les condi- tions de possibilité des discours. Indépendamment de la science et de son actualité, c'est 'époque elle-méme qui definit ses cri {teres épistémiques de vérité dont le fondement est I'a priori histo- rigue. _L'archéologie, dore, tout en su exigence de mais en déplace et modifie les Griteres afin d’etal ss principes: historiques. d’organisation des. discours. Cependant, elle opere différemment dans chaque recherche : dans 'Histoire de la folie, elle juge la perception et la connaissance de la folie A partir d'une expérience orginaire prise comme norme; dans Naissance de la clinique, elle repére une rupture archéologique entre deux types historiques de médecine A partir du regard loquace, dimension de profondeur de la connaissance médicale; dans Les Mois et les Choses, enfin, elle établit un ordre interne et constitutif des savoirs dans leur positivité a partir de l'épistém? congue comme critére de mise en ordre. Ainsi donc, comprendre expression «méthode archéo- logique » comme un certain nombre de procédés rigides et utili- sables pour la production d'une connaissance vraie serait méconnaitre les démarches de Michel Foucault. Lhistoire archéologique est un moment précis et daté de son projet théo- rique et dans sa trajectoire. Elle va d'ailleurs, avec Surveiller et punir, céder la place & une généalogie qui elle-méme subira d'im- Portantes modifications. Mais un des traits essentiels de l'archéo- ogie reste bien la multiplicité de ses definitions, la mobilité d'une recherche qui, en refusant de se fixer dans des canons rigides, se 30 ARCHEOLOGIE ET EPISTEMOLOGIE laisse instrure par ses sources. Les déplacements suecesifs de Narehéologie ne sont pas la marque. d'une insuffisance ou dun manque de rigueur mais désignent bien aspect asumé etree Chi, provisoie de analyse. Avec Michel Foucault, c'est Midée @une méthode immuable, systématique et universellement app! cable qui est mise en question. Notes 4, Paris, Gallimard. Ct a ee elites caetegticeen OF Sy tat at qu'il sagisse de mauvaises interprétations: pour preuve le fait quun défen- es Mois et ley Choses 31 ROBERTO MACHADO Compte rendu des discussions Liessentiel de la discussion porte sur le rapport gu’entretenait Foucault avec la tradition épistémologique francaise. Roberto Machado admet que son analyse se limite a ces deux ouvrages : Les Mots et les Choses ef L’Archéologie du savoir. Avant Les Mots et les Cheses, Uidée d'une archéologie du savoir n'existait pas. D'autre pan, on ne peut plus faire V'analyse des livres généalo- ‘giques (comme Surveiller et punit) d partir de ce rapprochement avec l’épistémologie, par exemple avec l'euvre de Canguithem. ‘Yves Roussel émet alors I’hypothese que les livres dits généalo- ‘giques peuvent &re, eux aussi, rapprachés de la tradition épistémo- Togique. Pourquoi’ ne pas comparer leur écriture @ celle par exemple d'Alexandre Koyré? Roberto Machado Aésite @ répondre. Il considere en effet qu’a partir de Surveileer et punir, l'euvre de Foucault ne porte pas sur le savoir, en tant que systéme de connaissances organisées, mais sur les conditions de possibilité du savoir. VA titre de conclusion, Jacques-Alain Miller dessine le portrait d'un Foucault philosophe surprenant et irrégulier (hors des régula- rites), qui pense jusqu’t L’Archéologie du savoir sous le régime de T'un, et ensuite sous le régime du multiple, critiquant alors son propre régime des concepts. dans Les Mots et les Choses 2 Note sur la phénoménologie Gérard Lebrun | . Bien qu’il soit peu question expressément de la phénoménolo- ‘ge dans Les Mots et les Choses, bien des pages du livre marquent gune volonté de prendre le contre-pied de ses théses. S'agit-il de \coups de griffes donnés au passage par T'archéologue, qui se serait Gia mis 4 Mécart du débat philosophique’? C'est peu vraisem- lable. Si l'archéologue parle comme s’il se trouvait sur la touche, est aussi pour marquer que la pensée qu'il replace dans sa brillant, mais quelque peu arbitraire. Sur cette voie, on serait vite tenté de faire de Foucault un auteur uniquement préoc- cupé de méthodologie des sciences humaines - un « Auteur» 33 GERARD LEBRUN aseptisé, coupé de ses sources et d i ¢ je ses objectifs du_ mom: Autant il fut supericel de juger le livre sur quelques affirmations ‘tirées du contexte, autant il serait déf saluer en lui que la naissance d’ nouvelle aut ne ‘une discipline nouvel mériterait que des critiques sav: 8 — r antes. Certes, nous n°e as encore la : des polémiques récent nontré combien Four es ont montré combien Fou- Gpultdemeure— neureusement —un penseur incommodant; Mais ir rendre 'ouvrage & Ia passion qui l'ani quand il fut écrit et de retrouver, verchéologue, ouver, Sous le masque de l'arché in penseur erga tranchnt nue fu sens of vive, Cex 2 injuste »). C'est pourquol jai choisi d'éve the , polémiques complémentaires, qui ttre dbgapées dulivees pptaruaues complémentaires, qui peuvent etre dégagées du livre: I oménologie_n'était_pas.en_mesure de comprei ~nalure du dscours classique 2) a phénoméncloge neat nese “Hae ltepise d'un projet ie aleve. lon ee eke : et tres a elle ni ire reps rah tique, alors. qu'elle n'éta 1 ao, en fat dit Foucault, tant qu'on s'est contenté de bap- «ri » ou de quelque autre nom I tion de savoir qui caractérise 1a fant quvon arent 0 se I'age classique, et tant qu'on n’ ne as remont¢ iel comme ailleurs « jusqu'au niveau archaique qu rend possibles les connaissances et le mode d'etre de ce qui est & savor Ce ratonalisme », on rote comprendre suffisam- ion qu'on Iui préte « de rendre la nature méca- nique et caleulable». Ce qui revient, dg, & commettre une ja mathématisation systémati re (qui ne débutera, en fait, qu’ on) et la science union, en fait, qu’avec Newton) et la « science univer- selle de la mesute et de.Fordre» dont il est question dans Tes Regulae. On néstig, ainsi, la préséance, proclamée par Descartes wesure, c'est-a-dire le fait que | isa- tion m'était qu'un des as ass a Page clamigue, t pects de Ia mathesis a Va Celle-ci était pensée a la es betes seltive i fa fois comme science des égalité ment aux «natures. sim the erent’ dite), et ples» (mathésis. proprem science de la classification (ta mmathess qualitative), a a xinomie ou mathesis qualitati relativement aux natures compl é Fenpésience in atures complexes données dans l'expérien; mete Stonnant, cs lors si cette science générale de Pordre Jes savcirs empiriques dans lesquels «on ne trouv. pas trace d'un mé:anisme ou d'une mathématisation *». I y 34 NOTE SUR LA PHENOMENOLOGIE avait, A Page classique, nombre de savoirs non mathématisés, et qu'on ne songeait pas mathématiser. Et cela ne nous semble dtrange » que parce que nous déformons Tidée de mathésis qui régnait alors. Nous avons perdu de vue que « 'analyse des repré- sentations selon leurs identités et leurs différences, leur mise en ordre dans des tableaux permanents situaient de plein droit les sciences du qualitatif dans le champ d'une mathésis univer- selle >». Par la, Foucault fait plus que de critiquer une thése d’his- toire dés idées: i commence a refuser lanalyse de la mathésis que fait Husserl dans la Krisis. ‘Quand Husserl analyse dans la Krisis la «nouveauté inouie » que fut Pavénement de la rationalité moderne, c'est & la mathé- matisation, a « Galilée », qu’il identifie celle-ci : le monde domi- nable de part en part par la raison est un monde ouvert par prin- cipe indéfiniment la mesure. C'est la ce qui advient quand Gulilée ose étendre & I'« universum de Vétant » Va priori qui avait fait ses preuves de fécondité en géométrie, quand il décide que tout ce qui se donne comme réel doit avoir son index mathéma- tique. Pour Foucault, cette interprétation de Husserl infléchit abusivement la mathésis dans le sens de la mathématisation. Ce Qui engage bien plus qu'un point d'histoire, comme on s'en aper- goit si on relit le début de la Krisis aprés Les Mots et les Choses. Ya transformation de la mathésis classique en une ontologie mathematisante ne permet pas de°déterminer dans toute son ampleur «a priori historique » qui commandait notamment (mais non exclusivement) extrapolation galiléenne. Bien plus, elle nous détourne de rechercher cet a priori, Cest-&-dire de nous Gemander ce qui rendit irrésistible le surgissement de I'«hypo- these » galiléenne d'une inductivité universelle qui régirait le monde de lintuition, alors que les performances de la mathéma- tique appliquée 4 l'époque n’autorisaient en rien celle-ci (Krisis, § 92). Pourquoi, dans ces conditions, l'idée galiléenne s"imposa- telle avec autant de force? D’oii provint cette soudaine convic- tion qu'il n’y avait de savoir proprement dit que si l'on « parve- nait & trouver une méthode pour construire systématiquement a priori le monde » (ibid, § 96)? Les hommes de la Renaissance, nous dit-on, étaient « enclins aux généralisations hardies ». Mais Cela suffit-il a expliquer le fait, souligné par Husserl, que Galilée wait méme pas considéré comme une hypothése son étonnant pari ? Galilée, dit encore Husserl, procéda avec autant de sécurité parce qu'il prit aveuglément la géométrie comme fil conducteur, et qu'il ne pensa pas 4 s'interroger sur ce qui avait rendu possible 35 GERARD LEBRUN Vidéalisation géométrique elle-méme (ibid, § 9). Admettons ce point. Mais, a nouveau, on pourra se demander si cette « omis- aa » ae 4 expliquer son coup d’audace, n est alors en mesure de comprendre ce qu’a] i nition par Foucault de la ‘mathests classique. Si Doe cessene ts centrer celle-ci sur l«hypothése » de mathématisation a priori, ous trouvons le réponse & ces questions ~ et cela, parfois, dans la Krisis elle-méme, quand Husserl décrit age galiléen. ‘On vit done dans le bonheur de cette certitude que le chemin relie le plus prés au plus loin, qu'il s’étend du plus ou moins connu jusox’a l'inconay, et ce parce qu'il est le chemin d'une méthode infaillible pour étendre la connaissance, dans laquelle tout du Tout de Métant doit étre connu, véritable- ment tout, cans la plénitude de son étre-en-soi — dans un pro- ares infin, " Cette phrase désigne déja assez bien ce que Foucault enter per «rigne de fe Représentation». Ala siference que, dans Lor Mots et les Choses, cette transparence de principe de V8tre ala seprésentation rest plus engendrés Pat Tidéal_de-mathémati ion (commie elle lEtait, trop hativement, selon Husserl) : . 5 ‘A partir de 1a, Foucault fait s'effondrer les critiques phénomé- nologiques de Kant. C’était manquer lessentiel que de voir dans qe kantisme une pensée qui aurait continue a laisser prédominer Pwévidence de objectivité ». L’essentiel, est qu’avec Kant, la_ Aje dissouite ; c'est que’ le postilat de représental bile integral soit soudain abaidonne, et au-auy sh ‘Iyses de lordre représenté soit substituée une analytique, ¢ di ne llexon sur les conditions de Pordre, dont la place est cen dohors-di« tableau des jdentites et des différences , essentiel, par exemple, que la systématique de la nature en genres et en espéces soit maintenant a la charge d'une « supposition transcendantale », et ne soit plus lisible de plein droit par le clas- sificateur '*. Bref, la représentation, désormais, «a perdu le pou rans son _déploiement ~voir_de_fonder, 8 pat dott propre et par le jeu all IB]E Sur-S0i, les li les lien qui peuvent nit S@ divers cléments'"». Or les objections adressées a Kant ‘sont, pour Ie moins, négligeables, si elles ne tiennent pas compte 41 ophique insoucieux de la question de ses i fi i connaissance » qu’en prenant un « recul de principe » par rapport aux sciences objectives. Et cette mise @ distance transforma ce que nous entendons depuis par « philosophie ». Par 18 était des- siné emplacement d'un discours « philosophique » entiérement nouveau, dont la « visée d'universalité » n'est plus la méme que celle des classiques*!. Pour n’en donner qu'un exemple, c'est alors seulement qu’est opéré un partage des taches et des intéréts entre le « technicien théorique » et le philosophe ~ partage dont Vidée était tout a fait étrangére a Descartes ou 4 Leibniz... Au phi- losophe, il incombe désormais d'élucider l'implicite, de détecter les présupposés, de mettre en évidence la « naiveré » sous toutes ses formes. De ce point de vue, les critiques que Husserl adresse & Kant importent moins que la position préalable qu'il a adoptée et qui lui permet de les formuler. Kant, nous dit-on, n’avait.pas-pris-| x é. Mais important. est a éflexion_philosophidué fe Duisse se Le “depuis Kant, et de son fai ‘En second lieu, le destin de la phénoménologie illustre parfaite- ment le réle d’analytique de la finitude qu'une philosophie trans~ de ce qu’eut de décisif cet « événement d’en dessous ». Car ces critiques méconnaissent tout simplement que la pensée transcen- dantale naquit seulement avec Kant,-et ne font donc, le plus souvent, que brouiller les pistes. Ainsi, rien n'est plus_mal- | heureux, selon Foucault, que.de-repracherA Kant, comme le fait Husserl, de n’avoir pas. su ressaisir le fil conducteur dt Cogito sartésien, Ce fil conducteur, la Critique kantienrie avait” brisé idliberément, et & jamais. C’est ce que la phénoménologie né per- gut pas, faute'd'avoir mesuré ce que le kantisme avait de sub- versif. De la sorte, pense Foucault, elle ne pouvait que graviter 1. =p autour de Kant, mais a son insu, et en ne cessant pas de relever le manque de «radicalité » d'une pensée ~ dont elle était, archéo- logiquement, enticement tributaire. . trait. par rapport & Pobjectivi ML Foucault ne dit jamais qu'une pensée philosophique a été vie- GERARD LEBRUN NOTE SUR LA PHENOMENOLOGIE i time d'une erreur ~ & la fagon dont le furent le « peuple » et les | Bhilosophes réalists selon Berkeley, les « dogmatiques » selon cendantale ne peut manquer de jouer. Dans la page trés concise ant, la pensée « objectiviste » selon Husserl, etc. Ce mode de | _—_o Foucault inscrit Husserl dans 'épist2m2 du xix* siécle, il men- critique est toujours formulé par quelqu'un qui prétend redresser_ | -—tionne deux traits qui font de Husserl, archéologiquement, un ‘«erreur» et nous faire remonter jusqu’au point oit les hommes «postkantien »: le souci de fonder («d'ancrer les droits et les auraient pu I’éviter. Or ce discours sérieux ® n'a i rt i éflexi = , “i 5 * plus cours dans limites d’une logique formelle dans une réflexion de type trans- Tarchéologie. Varchéoiogue ne dénonce pas erreurs. Il paie | cendantal) ef eeu de devier (de setonver ingéfiiment e P Aunt e che que prescrivait au « philo- ranscendantal dans l’empirique) *. C’est sur ce second trait que sone» Tépisiém® dont il relevait (4 son insu, cea va san dre) et) Les Mos et les Chases vont metire scent: a phénoménologe y 4c savoir absolu dont il se croyait porteur. Comme il ne s'agit apparait avant tout comme une figure de I’«age anthropolo- plus, maintenant, ce ten un discours enfin libéré de toute illu gique ». Etonnant diagnostic A coup sir, qui ne commence & gion ou de tout présupposé, on se contentera de déterminer quelle devenir comprehensible que si l'on se reporte 4 Kant et que l'on fut au juste la fonet.on de telle« philosophie »,en laissant de cété | _—_—réte-altention a la connexion, qui est faite, ds le départ, coins la préiention qui l'animait. Il va de soi que celle-ci est menson- motif transcendantal et finitude. L'épistémé qui s‘instaure alors sre, puisque le propre du « philosophe » est de sauter par-dessus n'aurait pu fonctionner sans cette connexion. | eae : ; La naissance de nouvelles positivités (vie, travail_langage).qui actye,ui conceme a phénoménologie, c'est au moins & un ¢éterminaient etre humain de-part en part posait en effet le pro- - i le ite, selon Foucault, qu'elle peut étre dite « fille de son bleme de_savoir_.comment.cet-étre_entigrement aturalisé peut remps » et dépendante de I'« événement d’en dessous » qu'avait ‘ir ldi-meéme un discours qui soit vrai, Ce probléme aural répercuté la Critique. En premier lieu, son discours ne fut rendu | ‘si la penséé moderne avait continué d'opérer_avec | posible que par la dénivellation - qui advint pour la premiére ‘Concent de Joni egaive gut aval A cS fois dans ta Critique ~ entre Je «champ du savoir réel» et la (initude comme somme de mes imperfections, distance oi je suis lexion philosophique. En effet, la Critique n’avait pu mettre en | “de TEtre infiniment parfait...}. Mais ce concept, nous Je savons, question existence du « mode d’étre commun aux choses et A la | CRANE PME ee de place qu‘en régime de-Repssentation. Et le 42 | 3 { | GERARD LEBRUN dispositif-transcendantal_kantic ties outst «nitude, pov Landionte nude ee Tae an oe familiére au lecteur de Merleat-Pont Mais Voriginalits de Foucault consiste, ii, @ la replacer au coeur stem antienne, et la of un lecteur de Merleau-Pont, ewan eens : dans Je sujet transcendantal, qu’on se ie dere done bien ce considrer comme cite instance duro aue quaitnlassblement Merleau-Ponty, était lt ‘dstorner fooee poe trop de crédit aux interprétations « néokas : Foucault, Desseatiol dans lg Caitgue ot Pavinceeat dav a aul tans la Critique est 'avénement d'un sui ips Tune connalsanss 2 porcque pouratant gui st privé dune intuition intellectuelle ~ pour, : in Ce topos ing ingpuleabe eso a Phenomnenolonie evaeic trouver, puis fexploiter a for ait, de le isomerase dak els ore cise Foucault, 0} elle se dessait conte le peychologame’@ Te naturaisme, ie ie dire des le départ *», Il est impossible ui reprend le moti impscendantal ~ et encore plus A qui le radicalise d fit la finitude fond vu ia entre transcendantal ef finitude, Varchcologue n'a done beet ad les critiques portées par Husserl et Merleau-Ponty Pogo o jet transcendantal kantien et son abstraction da e ego constituant) puis dans T'treawmonde, i est cn droit de famorphoses de ce suj n faces deer emorphoses . het «non emy cial ie Ra hg artes f - Kant, il est vrai, ne fit qu 1 Saree Genin elon pet one MetlesuPenty Mak — et la est le point décisif — le dispositif gra augue! la phénoménologe allt pouvoir retrouver Slematiaue. sent Je transcendantal dans Tempirique,réussir indéfiniment & Peet Peete vérité de fait en vérité de race ct », a limite, ave 1} a ron te ete ean religions Merleau-Ponty, a effacer la fron- pagztt analyse, dont la sévérité apparaitasezclarement au cha- eet a oins le mérite de préserver l’unité de la phénomé: nolone et de ne pas la présentes, par exemple, comme un Togi- ire Dela phénoménologie, Foucault sauvegarde la pahésencr Man quel prix? Les raisons ne manquent pase Gonteser st lecture de Husserl. Comme on Fa fait observer, L Mets et les Chosesciblent correctement la pensée de _ ;, mais Vauteur semble tenir pour acquis que Merleau-Ponty 44 NOTE SUR LA PHENOMENOLOGIE exprime la vérité de Husserl ~ ce qui est tris discutable, on te sait*. De plus, Foucault, en centrant 1a phénoménologie sur la fetjude fondatrice, refuse a priori, et injustement, Pintérét de fini goture qui fetrouve chez Husserl une reprise des themes de forte enysique, plus profonde encore que 'auteur ne Pavait Hensé, Mais laissons de cOté les objections, nombreuses, que pevt pens historien a cette lecture de Husserl par Foucault. Non seu- Tament parce que cet examen déborderait notre propos, mais eng ance qu'll pourrait nous porter & croire que Les Mots et les Choses contiennent une critique de Husserl. Or Foucault ne pro- esas 2 une critique, mais & une « cartographie >, comme I'2 Sie Deleuze: situer est autre chose que critiquer, repérer Tem Slacement est autre chose que mettre au jou: les présupposés. 11 riete. dira-t-on, que ce repérage s‘offre comme une entreprise Dri felement réductrice... Mais ce demier mot, non plus, ne serait quere pertinent. Et surtout il serait faible pour désigner ce qui #oicr bien une destruction, J'entends par Ia la présentation quon peut faire d'une philosophie afin de décourager les lecteurs éven- Pov Il est possible, d'ailleurs, qu'il y ait dans le champ de This: fuels de la philosophie beaucoup moins de critiques véritables ‘qu'on ne dit, et beaucoup plus de destructioas, ‘Quel que soit le cas, on peut s’en persuader en se demandant sinplement vers quelle direction Foucault nous oriente, Quelle Sout Etre, une fois le livre achevé, a vision de la phénoménologie Pail induit chez le lecteur ? Celle d'une philosophic @ deux, ver- Gufs Sur le premier versant, le plus éclairé, il est question d'une ensée qu'il importe de réintégrer dans son temps afin de, Ferro. ae abcessité qui la commandait, L'analyse du véeu, dit Fou- wehit était requise par le champ épistémique:: ele Cait « bien catessaire ». Et la phénoménologie apparait alors, & qui soit Tegarder, comme «Je contrat, fort sensible et ajusté, de 's grande reature > anthropologique ”. L'hommage, volontairement Gécon- Teen, signifie en somme: Venracinemen: dans le facticité (ce Gue Te Husserl historique n’a jamais concedé), la circularité du oes scendantal et de Pempirigue telle qu'on Ia trouve chez Mer- sanseonty, voila ce qui rendait la phénoménologie indispensable eAheologiquement, et exemplaire. Le lecteur peut alors, Se ao ter be que devient, & ce point de décapage, l'image tradi- flonnelle qu'il a gardée de Husserl (épock2, ta réduction trans- Lon nettale: ie débat autour de P'idéalisme husserlien.... Cest la le seat versant, celui que Varchéologie semble laisser dans feotre. Mais cette désinvolture n’est qu’apparente. Si le lecteur 45 GERARD LEBRUN revient aux textes canoniques de Hi e lusserl, il compren Y Set a a "pc iquement étonnant ia lo étonnante... Que nou: = tit pr exemple, le principe ds principes» dans Ideen 17 Qui Seay ition ae ice originaire (,..) source de droit pour la Cate parousia que Descartes avait enters eke le ana it entrevue, et que la ré a at : a 5 la rédi ous permet enfin de parcoui syitmatiguement et extaustve: vale gue ois ‘exploration de cette dimension est-elle si nou- ee aan re tend Husserl 2 Ceest la question que le lecteur de Fouetul doit e poser, quand is pace sur cet autre versant. Cat , c'est bien ¢ résentation » — au sens de pene phénoménologue croit pouvoir utiliser ies. aa acer Merleau-Ponty assure qu'il existe, au terme de toute 7 a Fae un lieu ow apparait « non seulement 5 ue veulent dire les mots, mais cc a t dire , que veulent dire les choses * 11 signe limidement ce que Foucault appele «le tableau». Or aie peut bien valor, apes la lecture des Mots et les Chose, cate avoir absolu ? Elle ne s ‘ i Deut plus sembler = Hite. Si nous admetions la pertinence de la découpe areheo Jogique, il nous faut bien convenir que la, phénoménolo cn eae Gane prétendait restaurer |’« age de la Représen- tation» (pure sans doute de 'cobjectvisme » au méprs dela puratior sienne. Au lecteur, alors, de ju vant cette rEverie«représentative» en plein =e siéces En tout cas, ce lecteur n'a le choix qu'entre deux images de Ia phénomé- aoe ae he une analytique de la finitude, qui est la vérité du Drojet husserien et dont ¢Finsidicuse parenié avec les analyses faa ir l'homme * » devient toujours plus manifeste, ou bien un recommencement du discours représentaif, que 'avéne- ment méme de '« ge anthropologique » voue d'avance a V'éches Qu bien un «discours de nature mixte» qui conduit & un impasse ou bien une ambition & contretemps. La constuction mime des Mot et les Choses nous enferme en oe dilemne. Et ce nt mportance encore que la centration Phénoménologic sur ia fnitude fondatrice. Car analyse de la Riese tHe, effectuée dans la seconde partic, ne serait qu’ar- bares lle navait ee solzneusementpréparts par analyse de Wage cl sigue dans la prem iére partie (et c'est pourquoi il vau- deat pe 2 celle-ci, une fois au moins, comme une Si l'on accorde 4 Foucault la justesse de sa description de la 46 NOTE SUR LA PHENOMENOLOGIE «Représentation », et si on convient qu'il nous est impossible Ge revenir en decd de Ja «grande rupture » dont le kantisme est Tindicateur philosophique, on ne peut plus élever d’objection de principe a la sentence que porte le livre... Il est seulement permis Be se demander si le concept de Représentation n’a pas été formé de fagon a discréditer a 'avance toutes les tentatives de reconsti- tution du savoir absolu apres Kant, La Critique marque la dislo- yyy, _cation-de la-mathésis{au sens ample que Foucault tient rendre & “celleci). Aprés elle, il est foreément vain de vouloir faire sa Complir Fldée de la Wissenschaft authentique, de marque platoni- Gienne, comme le fait Husserl. Il n'y a pas, il n’y eut jamais @'Idée Gu savoir qui aurait été percue de loin en loin, et qu'il serait Gonne & notre temps de laisser enfin se déployer. Il n'y eut qu'un regime de savoir, de Représentation, qui 2 existé, innocemment, Gurant deux sigeles. Il était le mode d’étre de l'erdre sur le fond Guquel s organisaient spontangment les connaissances, et rendait fig fois inutile et impossible tout projet de fondation transcen- Gantale. Il se trouve que ce « dispositif» a basculé, et que, dés fors, fondation et dévoilement devinrent pour les philosophes des faches prioritaires — mais, en méme temps, ces tAches qu’ils nrétaient plus, littéralement, en position d’accomplir. On peut Vivre dans le savoir absolu (on y vivait, 4 age classique), mais fon le retrouver aprés en avoir été exclu, Apres Kant, la finitude, positive est-le_seul_licu possible d'un discours.justificateur_— st. fon-tient-absolument-a-en-tenir_un, sous Je nom _de_«pht- “osophie». Bret, si Lon accepte. le’ pariage Représentation/ ‘Anthropologie, il faut accepter par la méme le confinement de la phénoménologie dans I'analytique de la finitude, car on ne. sau- Tait, archéologiquement, la prendre au sérieux comme héritiére de Platon et de Descartes. Cortes, Foucault n’a pas forgé le concept de Représentation ni éerit Les Mots et les Choses a seule fin de régler des comptes avec Husserl. il serait mal venu de proposer ou méme de chercher une clé pour un livre aussi dense. Il reste que le partage Représentar fion/Anthropologie a pour effet d’enlever toute autorité @ a phé- noménologie, comme si ’auteur avait aussi voulu, en ces pages, Se Gslivrer une fois pour toutes de l'emprise de celle-ci. Cest d'une rupture qu’il s'agit. On sait, cependant, que la notion de rupture est délicate a manier en histoire de la philosophic. Il ne suffit pas qu'un auteur « rompe » ouvertement avec une tradition ou avec dn de ses prédécesseurs pour perdre toute attache avec celle-1a ou telui-ci : dans Poeuvre de Kant, Leibniz demeure présent ailleurs 47

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