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PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS

Renée Zauberman, Philippe Robert, Marie-Lys Pottier

Médecine & Hygiène | « Déviance et Société »

2004/3 Vol. 28 | pages 369 à 384


ISSN 0378-7931
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Renée Zauberman et al., « Profils de victimes, profils de victimations », Déviance et
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Société 2004/3 (Vol. 28), p. 369-384.


DOI 10.3917/ds.283.0369
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Déviance et Société, 2004, Vol. 28, No 3, pp. 369-384

PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS


Renée Zauberman, Philippe Robert et Marie-Lys Pottier*

Les auteurs utilisent les résultats d’une enquête sur la victimation et l’insécurité en Île-
de-France pour faire émerger, à la place de la catégorie abstraite de victime, différents
profils qui résultent de la combinaison des circonstances de l’incident, des manières de le
vivre et des façons d’y réagir. En outre, les ressources – inégales – dont disposent les vic-
times influencent et le vécu et la façon de gérer la situation de victimation.

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MOTS-CLÉS: ENQUÊTES DE VICTIMATION – VICTIMES – ANALYSE TYPOLOGIQUE

N’utiliser l’enquête de victimation que pour calculer des taux ou des fréquences desti-
nés à compléter le comptage de la délinquance constituerait un véritable gaspillage socio-
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logique.
Pour la première fois peut-être de son histoire, la sociologie du crime a les moyens de
construire, à partir de ses propres enquêtes, des bases de données quantitatives à grande
échelle, au lieu de devoir toujours les emprunter aux comptages d’activité des institutions
pénales. Compte tenu des difficultés techniques de ces enquêtes et de leur coût, il est vrai-
ment souhaitable d’optimiser leur utilité sociologique, de s’en servir pour discerner la
diversité des acteurs sociaux sous les catégories abstraites du jeu pénal.
Y parvenir suppose de combiner différents registres documentés par les enquêtes :
d’abord les caractéristiques sociales des enquêtés, ensuite le récit qu’ils font de l’incident,
leurs réactions à travers les recours qu’ils cherchent ou non à mobiliser mais encore à par-
tir de ce qu’ils disent des répercussions subjectives de la victimation, enfin leurs opinions
ou prises de position. En articulant ces différents aspects, on peut parvenir à mettre au jour
des profils, c’est-à-dire à montrer, au moins sous forme typologique, la palette des inscrip-
tions sociales qui se dissimulent derrière la victimation.
Que les risques de victimation soient inégalement distribués selon les populations et les
territoires, voilà qui est acquis de longue date et abondamment documenté dans la littéra-
ture spécialisée, qu’il s’agisse des atteintes aux biens – des cambriolages notamment – ou
des violences1.
Le matériau des enquêtes de victimation a aussi été mobilisé pour évaluer le poids sur
la victimation de telle ou telle caractéristique des ménages ou des territoires 2.

* Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), Centre national de la
recherche scientifique (CNRS), Guyancourt, France.
1
Voir par exemple Robinson, 1998 pour les premiers et Hough, 1986 pour les secondes, ainsi que la très
longue liste de références anglo-saxonnes données par le même Robinson, liste qui couvre tant la méthodo-
logie que l’analyse et les stratégies de prévention ; voir aussi le dossier consacré à la multivictimation dans
le British Journal of Criminology, 1995, 3.
2
Voir par exemple Trickett, Osborn, Ellingworth, 1995 ; Tseloni, Osborn, Trickett, Pease, 2002.
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Il a encore servi à tester des hypothèses criminologiques, par exemple celle du style de vie
(life style) (Miethe et al., 1987; Miethe, 1990); il a aussi nourri le regain d’intérêt pour les
théories de la désorganisation sociale3.
Mais en revanche ce type de données d’enquêtes a été rarement utilisé pour faire émer-
ger des profils typiques de victimes ; cette relative rareté des analyses fondées sur des
sortes de populations contraste avec la plus grande abondance de celles reposant sur des
sortes de territoires4. Nous avions cependant déjà pu essayer la construction de profils de
victimes à partir des données de la première enquête nationale française (Zauberman,
Robert, 1995) et c’est cette expérience qui nous a conduits à systématiser depuis ce genre
d’exploitation5.
Pour donner ici un exemple de ce type d’utilisation, nous allons recourir aux résultats
d’une enquête sur ce point encore inédite6.
La taille de l’échantillon et de son questionnaire en font une des plus solides enquêtes de
victimation jamais réalisées en France. 10 504 personnes ont été interrogées pour représen-

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ter la population de 15 ans et plus d’une région – l’Île-de-France qui englobe et entoure
Paris – qui en compte 8 751 4837. Elles ont été sélectionnées par un tirage au hasard de
numéros téléphoniques dans chacun des huit départements de cette région. Rapportée aux
résultats du recensement de 1999, la représentativité par sexe, âge et activité est pratique-
ment parfaite8 ; la structure socioprofessionnelle révèle cependant une certaine surreprésen-
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tation des cadres supérieurs, en contrepartie une sous-représentation des ouvriers et à un


moindre degré des artisans et commerçants ; toutefois, cette distorsion – assez modérée
quand on compare avec les données de l’enquête emploi de mars 2000 de l’INSEE 9 (Mer-
cier, Brunet, 2000) – a des effets négligeables sur les résultats d’enquête – une pondération
ne modifierait les résultats que de quelques dixièmes de points – cependant il est possible
qu’elle atténue certains résultats partiels concernant des zones pauvres en cadres supérieurs.
Le questionnaire, administré par téléphone avec l’assistance d’ordinateurs (méthode
CATI), interrogeait sur les agressions entre proches, les agressions sexuelles, les autres
agressions, les vols personnels, les cambriolages, les vols de et dans les voitures, ceux de
deux-roues, enfin les destructions et dégradations de véhicules de toutes sortes subis en
1998, 1999 et 2000. Il comprenait aussi des questions sur la préoccupation sécuritaire, et
sur les peurs d’être victime dans différentes circonstances, sur les opinions et attitudes de
l’enquêté, enfin sur ses caractéristiques et celles de son ménage.
L’exploitation de cette enquête révèle d’abord une exposition au risque suffisamment
inégale pour répartir la population d’une région en une diversité de profils. Bien plus
encore, chaque catégorie de victimation cache une pluralité de types selon les manières
dont se combinent les circonstances de l’incident, les réactions des victimes et les « res-
sources » dont elles disposent.

3
Voir par exemple l’usage par Sampson, Groves, 1989, des deux premières vagues du British Crime Survey.
4
Voir Hope 2000 ; 2001 ; voir aussi Osborn, Trickett, Elder, 1992 ; Tseloni, Osborn, Trickett, Pease, 2002.
5
Voir par exemple Zauberman, Robert, Pottier, 2000 ; Robert, Zauberman, Pottier, Lagrange, 1999, 2001.
6
Pottier, Robert, Zauberman, 2002. Ce rapport d’enquête est disponible sur le site du Cesdip en construction
au moment de la mise sous presse. D’autres aspects de cette enquête ont fait l’objet de publications.
7
Sur une population totale de 10 924 221.
8
Ces variables ont servi de contrôle tout au long de l’enquête. En fin de passation du questionnaire, une
légère surreprésentation du groupe des plus jeunes a été réalisée pour que la structure de l’échantillon et la
structure de toute la population soient in fine identiques au vu de ces critères.
9
Institut national (français) de la statistique et des études économiques.
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Pour le montrer, nous avons construit d’abord une typologie de l’ensemble des enquê-
tés, victimes ou non. Ensuite, nous avons sélectionné deux exemples : une victimation per-
sonnelle, l’agression et une autre qui atteint tout le ménage, le cambriolage.
Dans tous les cas, on a fait émerger les profils en deux phases successives. On a déter-
miné d’abord les principaux facteurs qui organisent la distribution de la population en
fonction des variables de l’enquête. On y est parvenu par des analyses factorielles de cor-
respondances dont les variables actives ont été empruntées aux questions sur la victima-
tion, à celles sur les opinions et les attitudes10, enfin aux caractéristiques des enquêtés. Les
résultats de cette première phase constituent la base d’une seconde qui a réparti les enquê-
tés en classes ou types11.

Relativement épargnés… fortement exposés

Des mots comme victime, victimation ou encore délinquance laissent imaginer un

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risque plus ou moins également réparti ; il n’en est rien : la population de cette enquête
francilienne apparaît clivée avant tout selon son degré d’exposition au risque.
L’opposition la plus marquante12 concerne les atteintes aux véhicules (vol de véhicule
ou à la roulotte ou encore dégradation ou destruction). Rien d’étonnant : cette victimation
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est tellement banale – 38% de tous les ménages franciliens ont subi au moins une fois en
trois ans l’un de ces dommages et ce taux atteint presque la moitié des seuls possesseurs de
voiture – que seul un mode de vie très protégé permet d’y échapper.
Qui parvient, en effet, à éviter les atteintes aux véhicules ? Les retraités, les personnes
âgées, celles vivant seules, celles aussi dont le capital scolaire est faible13, enfin celles qui
vivent dans un quartier confortable. Du côté exposé, on rencontre les actifs en début de
carrière (21-30 ans), ceux qui ont atteint le niveau d’études supérieures, qui vivent dans un

10
Des analyses intermédiaires permettent préalablement d’organiser certains domaines de l’enquête – le sen-
timent d’insécurité, l’appréciation sur le cadre de vie – en un certain nombre de profils. Pour le premier, on
distingue des sociaux (29%) qui attribuent la délinquance au chômage, les moralistes (25%) qui l’imputent
à une perte de moralité, les insécures (19%) pour qui la délinquance est avant tout un sujet de préoccupation
sociale qui dépasse tout autre, enfin les apeurés (25%) qui craignent d’être atteints par la délinquance, sans
compter un groupuscule d’apeurés répressifs qui combinent les caractéristiques des deux types précédents.
À propos du cadre de vie, on distingue ceux qui l’estiment confortable (38%), ceux (16%) qui jugent le leur
sans problème, les 4% caractérisés avant tout par leur forte participation à la vie locale et les 9% de vieux
résidents qui contrastent avec le petit (11%) groupe de ceux qui viennent de débarquer dans leur quartier
(néo-arrivants), enfin le groupe (21%) de ceux qui jugent leur cadre de vie défavorisé.
11
La méthode de classification utilisée est celle des centres mobiles. Le nombre de classes étant déterminé, un
centre de classe est choisi au hasard, puis à chaque étape de l’algorithme, les observations sont affectées au
groupe dont elles sont le plus proche – la mesure est la distance du point au centre de gravité (cdg) du groupe –,
de façon à minimiser la variance intragroupe et maximiser la variance intergroupes. Après chaque affecta-
tion d’un point à un groupe, on recalcule son centre de gravité. Au terme du processus, toutes les observa-
tions sont affectées à un groupe. Plusieurs itérations sont réalisées, elles permettent de consolider les
groupes. Le choix final du nombre de classes est décidé après analyse des différentes options testées. Ces
options sont conditionnées par l’analyse de correspondance préalable et par les résultats des différentes clas-
sifications. On retient donc un nombre de classes minimum qui différencie bien les individus par rapport aux
variables que l’on choisit pour classer les individus. Ainsi pour la typologie générale, ces variables sont en
particulier, celles qui mesurent la victimation ou non-victimation pour chaque cas étudié.
12
Elle correspond à un premier facteur d’analyse factorielle de correspondances (AFC) qui explique 58% de
la variance.
13
Un artéfact, au moins partiel de l’âge, dans la mesure où le niveau d’instruction s’élève d’une génération à
l’autre.
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foyer avec enfants (3 à 5 personnes), enfin les apeurés et les enquêtés qui jugent difficile
leur cadre de vie. On a l’impression de voir se dessiner une opposition entre ceux qui sont
dans la vie active – surtout ceux qui y entrent sans avoir encore eu le temps de s’y installer –
et ceux qui l’ont quittée ; elle est largement tributaire des différences d’équipement auto-
mobile entre les uns et les autres. Elle est doublée d’un contraste entre ceux dont le cadre
de vie est protégé et ceux qui vivent dans un cadre exposé.
Le deuxième clivage qui traverse la population enquêtée concerne l’exposition à des vic-
timations personnelles, telle l’agression ou le vol14. Il ne s’agit plus cette fois de risques
concernant l’équipement du ménage tout entier, mais directement les individus. Ces victima-
tions personnelles constituent des risques surtout liés à l’âge, plus exactement au mode de vie
des jeunes : y sont particulièrement exposés les moins de 20 ans, les étudiants, ceux qui
vivent seuls, qui habitent Paris même. On observera que l’exposition des jeunes aux agres-
sions et aux vols personnels constitue un des facteurs essentiels de leur peur du crime. Les
actifs dans la force de l’âge apparaissent, eux, beaucoup plus immunisés face à ces risques.
On voit déjà se dessiner deux grandes manières d’être victime : les atteintes aux véhi-

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cules, très répandues et fortement liées au cadre de vie ; la victimation personnelle plus
sélectivement corrélée au style de vie des jeunes.
Les autres lignes de force ont moins d’importance.
Le cambriolage15 apparaît lié à un mode de vie plus établi (enquêtés de 51 à 65 ans, titu-
laires d’un capital scolaire élevé) mais aussi à un cadre de vie difficile (ceux qui jugent leur
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quartier défavorisé). Cette apparente contradiction révèle un trait sur lequel il faudra reve-
nir : à côté du cambriolage typique qui frappe des ménages favorisés, on en repère une
autre figure caractéristique de populations vivant dans des zones urbaines en difficulté 16.
On peut enfin discerner un dernier clivage17 qui singularise les agressions familiales
parmi toutes les formes d’atteintes à la personne.
Aux deux grandes figures des atteintes aux véhicules et de la victimation personnelle
des jeunes viennent donc s’ajouter des formes de victimation moins répandues mais suffi-
samment saillantes pour définir un des facteurs secondaires de l’analyse : le cambriolage
avec sa double face, et l’agression entre proches.
Mais ces clivages, comment répartissent-ils les enquêtés ?
Une majorité – presque les deux tiers – est faiblement atteinte, tandis qu’un gros tiers
paraît particulièrement exposé. Mais on observe de chaque côté plusieurs manières d’être
soit peu exposé, soit particulièrement victime.
Commençons par ceux qui sont relativement épargnés par la victimation.
Mettons d’abord à part un groupe (groupe 1 dans le tableau I infra) qui rassemble le cin-
quième de l’échantillon : son exposition à la victimation est très faible, voire négligeable en
toutes matières18, sauf les cambriolages où il se trouve à la moyenne et les vols personnels
où son risque est un peu inférieur à la marge. Et pourtant, on les retrouve insécures – ils
représentent 40% de l’ensemble de ce type – accessoirement apeurés répressifs – ils consti-

14
Il correspond à un deuxième facteur d’AFC qui explique encore 21% de la variance.
15
Un troisième facteur d’analyse factorielle de correspondances n’explique plus que 8% de la variance.
16
La loi du 14 novembre 1996 portant mise en œuvre du pacte de relance de la politique de la ville définit 717
zones urbaines sensibles, dites ZUS, en métropole (outre quelques autres dans les départements d’Outre-
Mer). Elles regroupent 7,62% de la population et se caractérisent par l’importance du chômage, de l’emploi
précaire, de l’absence de qualification scolaire et professionnelle et de la proportion d’immigrés récents ou
relativement récents.
17
Il s’agit alors d’un facteur qui n’explique plus que 4% de la variance.
18
En matière d’atteintes aux véhicules, son immunité est favorisée par un taux de motorisation inférieur à la
moyenne de l’échantillon : 66 contre 80%.
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Tableau I : Prévalences (%) des victimations par type


Victimation Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Groupe 5 Ensemble
Agression 2,30 2,40 6,80 12,00 8,50 6,70
Agression par 0,18 0,54 0,59 3,18 1,88 1,13
un proche
Agression sexuelle 0,00 0,18 0,82 1,67 0,92 0,74
Vol personnel 6,90 5,60 7,40 11,60 8,30 7,90
Cambriolage 9,10 8,30 6,30 15,50 12,10 9,50
Vol de voiture 1,20 8,90 0,10 65,90 25,10 14,90
Vol roulotte 2,20 8,10 0,40 78,40 35,80 19,30
Dégradation 2,50 8,10 0,40 76,00 36,60 19,20

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Vol deux-roues 0,8 4,90 8,30 15,60 14,20 8,90
Taille 21% 5% 37% 12% 25% 100%
(en% de l’échantillon) (2 206) (525) (3 887) (1 260) (2 626) (10 504)
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tuent la moitié de ce type ! Plutôt âgé, plutôt féminin, de faible niveau éducatif, comptant
beaucoup de retraités, se classant clairement à droite, en matière religieuse plus pratiquant
que la moyenne, ce groupe est l’illustration même de la distance entre le risque encouru et la
préoccupation sécuritaire. L’intuition de Furstenberg (1971) se vérifie une fois encore 19 : le
sentiment d’insécurité présente deux visages, la peur concrète, liée à l’expérience ou au
risque de victimation et la préoccupation abstraite, relativement indifférente à l’expérience
personnelle. Cette distinction n’a rien de spécifique : on la retrouve à propos de bien
d’autres problèmes de société ; ainsi peut-on être préoccupé par le chômage, par ses consé-
quences sociales et humaines, par la manière dont il est traité, quand bien même on y serait
personnellement peu exposé ; et, à l’inverse, on peut le redouter pour soi ou ses proches sans
nécessairement le reconnaître comme problème global majeur.
D’ailleurs, un autre groupe – celui-ci tout petit (5%), le groupe 2, – est encore moins
exposé au risque en quelque matière que ce soit. On le trouve pourtant encore marqué par
une certaine préoccupation sécuritaire. Là encore, il s’agit de retraités, âgés, souvent
ruraux, mais cette fois résolument apolitiques, ce qui les distingue des précédents.
On rencontre ensuite un gros tiers (groupe 3, 37%) que caractérisent une absence à peu près
totale d’incidents liés à la voiture 20 et une faiblesse relative des cambriolages. En revanche, il
est à la moyenne pour les vols – y compris ceux de vélos – et pour les agressions. Une seule sur-
victimation l’affecte: il regroupe les deux cinquièmes des (rares) victimes d’agressions
sexuelles. Bien que proches des groupes précédents par leur (faible) exposition globale au
risque, les membres de ce groupe en diffèrent radicalement par leur profil. Ils recoupent large-
ment les sociaux 21. Jeunes – les moins de 20 ans22 et même de 30 y sont particulièrement

19
Sous des appellations variables, la distinction entre fear et concern a été redécouverte périodiquement dans
la littérature spécialisée : voir par exemple, Figgie 1980 ou Louis-Guérin, 1984.
20
Alors que l’échantillon est motorisé à 80%, les ménages de ce groupe ne le sont qu’à 70%.
21
Ils représentent plus de la moitié de ce type qui, lui-même, constitue presque la moitié de cette classe socio-
professionnelle.
22
Leur jeune âge explique probablement leur forte exposition à l’agression sexuelle.
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374 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

présents – plutôt masculins, dotés d’études secondaires ou supérieures, non pratiquants, se


classant à gauche ou au centre-gauche, appartenant à des ménages nombreux – donc avec
enfants – ils sont clairement Parisiens. Les étudiants apparaissent en force parmi eux, un
peu les employés, mais aussi les chômeurs – probablement des jeunes à la recherche d’un
premier emploi.
Voici donc les deux profils faiblement exposés – des vieux banlieusards insécures et
des jeunes Parisiens insouciants – en précisant que les premiers le sont encore moins que
les seconds.
Venons maintenant à ceux que la victimation menace davantage.
D’abord un groupe restreint (groupe 4, 12%) révèle une exposition plus forte que la
moyenne pour toutes les victimations, singulièrement en ce qui concerne les atteintes aux
véhicules23. En fait, ce sont les plus exposés. Plus que proportionnellement, il s’agit d’ac-
tifs (entre 21 – et surtout 30 – et 50 ans) avec enfants, ayant fait des études supérieures, pra-
tiquants occasionnels, se rangeant à droite, de commerçants ou d’artisans, qui vivent dans

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des banlieues fortement urbanisées, et parfois dans des zones défavorisées. Apeurés,
accessoirement apeurés répressifs sont bien représentés parmi eux.
Enfin, un quart de l’échantillon réunit ceux qui viennent au deuxième rang pour la plu-
part des victimations (groupe 5). Plus que proportionnellement, ils ont moins de 50 ans,
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sont un peu plus masculins que la moyenne, ont fait des études secondaires ou supérieures,
se situent au centre-droit, vivent dans des ménages avec enfants, pratiquent leur religion
occasionnellement. Actifs, périurbains, ils habitent, plutôt en zone pavillonnaire, parfois
dans des villes nouvelles. Ils sont plus sensibles que la moyenne à la peur du crime. Seule
la plus ou moins grande intensité de leur exposition à la victimation semble séparer ces
deux derniers types.
Au total, cet exercice de classification de l’ensemble des enquêtés ouvre sur une pre-
mière leçon : on vérifie, une fois encore, les fortes inégalités devant les risques de victima-
tion. En analysant une enquête nationale de l’INSEE portant sur les années 1994-95, on
avait déjà trouvé une distinction entre ceux qui restent largement à l’abri, ceux qui sont
moyennement exposés et la minorité qui cumule toutes sortes de victimations24. Ces inéga-
lités semblent largement gouvernées par les modes et les styles de vie. Si les peurs – c’est-à-
dire les anticipations des menaces25 – suivent globalement les distributions des risques26, en
revanche, les préoccupations sécuritaires – parce qu’elles sont globales et abstraites – en
paraissent moins dépendantes.
Disons, pour faire image, que les victimations menacent les actifs (Zauberman, Robert,
1995) et préoccupent les inactifs.
Ce premier palier n’épuise cependant pas les leçons d’une analyse de profils.

23
Il faut dire que le taux de motorisation atteint 100% dans ce groupe contre 80% en moyenne.
24
Robert, Zauberman, Pottier, Lagrange, 1999, 286-287.
25
Sur la peur par anticipation, voir par exemple Keane, 1992.
26
Quoique la vulnérabilité (physique ou sociale) les amplifie ; la vulnérabilité liée à l’âge est attestée de façon
routinière dans toute la littérature empirique, celle liée au sexe féminin a retenu particulièrement l’attention
de Ferraro avec sa théorie du shadow effect de la peur du viol (1995), enfin la vulnérabilité dans les zones de
relégation urbaine a fait l’objet de toute une série de travaux français récents (Peretti-Watel, 2000 ; Roché
2000 ; Zauberman, Robert, Pottier, 2000 ; Pottier, Robert, Zauberman, 2002).
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ZAUBERMAN, ROBERT ET POTTIER, PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS 375

Gravité, retentissement, capital social

En concentrant maintenant l’effort de construction typologique sur chaque catégorie de


victimation, on découvre, sous l’homogénéité apparente de sa définition juridique ou poli-
cière, une réelle diversité de profils qui se comprend par le jeu des variables – la gravité de
l’événement, la manière dont il a été vécu, mais aussi les ressources dont dispose la victime –
qui ne se superposent qu’imparfaitement.

Le cambriolage entre Parisiens nantis et « banlieusards » démunis


Les cambriolés sont d’abord clivés par l’intensité de leur réaction à l’événement 27, ce
qui conditionne le recours à la police et à l’assurance. On trouve d’un côté une faible réac-
tion à l’intrusion, l’absence de déclaration à la police28 ou à l’assurance29, comme
d’ailleurs de précautions ultérieures. Il s’agit surtout alors d’adultes (31-50 ans) parisiens.
De l’autre côté, on rencontre une forte réaction à l’intrusion et des dommages importants,

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de pair avec le dépôt de plainte – dans l’espoir de faire punir le malfaiteur – et la déclara-
tion de sinistre. Le profil du cambriolé est bien différent : ayant dépassé la cinquantaine,
souvent même retraité, vivant dans des parties excentrées – parfois même rurales – de la
région, il a peur chez lui ; il est préoccupé par la sécurité.
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Un deuxième clivage30 vient nuancer les leçons du précédent : il oppose des cambriolés
qui tentent activement de mobiliser les recours possibles à d’autres qui restent inertes ; mais
cette fois pourtant ce sont ces derniers qui ont le plus mal vécu l’intrusion dont ils ont été
victimes. L’intensité de la réaction au cambriolage ne semble pas être le seul moteur du ren-
voi. On trouve, en effet, d’un côté des cambriolages répétés, une forte réaction à l’intrusion,
mais aussi l’absence de déclaration de sinistre et de plainte, le sentiment que la police n’au-
rait servi à rien. De l’autre côté, une faible réaction à l’intrusion s’accompagne de plainte –
mais pas avec une motivation spécialement vengeresse – de déclaration à l’assurance, mais
pas de précautions nouvelles… peut-être parce qu’on les avait toutes prises avant.
Du côté « inerte », on trouve les apeurés, ceux qui ont peur de sortir le soir, ceux qui ont
peur chez eux, ceux qui estiment vivre dans un quartier difficile. Du côté « actif », on trouve
ceux qui ont le sentiment de vivre dans un cadre confortable, ainsi que les sociaux ; la peur
de sortir le soir est évidemment absente ; il s’agit plutôt de cadres. On peut donc finalement
imaginer que réagir activement au cambriolage dépend non seulement de la manière plus
ou moins intense dont on l’a vécu, mais aussi des ressources dont on dispose : ceux qui
vivent recroquevillés dans un cadre qui les terrifie ne trouvent pas le ressort de réagir ;
d’ailleurs, il n’est pas sûr qu’ils trouvent facilement un poste de police ouvert à proximité
de chez eux, pas sûr non plus qu’ils soient assurés contre le vol. Se tourner vers l’adminis-
tration et vers l’assureur semble, au contraire, facile et naturel à ceux qui vivent tranquille-
ment dans un bon quartier avec un bon métier.
Les leçons de ce clivage sont très importantes : si le cambriolage est typiquement un
risque de « nanti », il existe aussi dans les « quartiers pourris » ; mais cette seconde figure
personne ne l’enregistre, ni la police faute de plainte, ni l’assurance faute de déclaration de
sinistre.

27
Le facteur correspondant explique 27% de la variance.
28
Ça n’aurait servi à rien.
29
Ça n’en valait pas la peine.
30
Qui explique encore 18% de la variance.
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376 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

Un clivage moins important 31 oppose le cambriolage au domicile à une série de figures


moins typées telles que cambriolage hors du domicile, entrée par prise de fausse identité 32,
absence de déclaration à la police ou à l’assurance. Du côté du cambriolage dans le loge-
ment ou ses annexes, on trouve des victimes jeunes (21-30 ans, étudiants), qui habitent une
ville nouvelle, qui ont peur à la maison. De l’autre côté, on rencontre plus que proportion-
nellement des personnes âgées, des retraités ou des entrepreneurs, des Parisiens, des
enquêtés bien insérés dans la vie locale.
À ce stade, trois dimensions émergent. D’abord le retentissement du cambriolage – qui
va gouverner en bonne partie la mobilisation de recours (à la police, à l’assurance) –
ensuite le capital social du cambriolé – les dépourvus resteront plus inertes que les nantis
même s’ils ont douloureusement ressenti leur victimation – enfin le caractère très spéci-
fique de l’intrusion dans le lieu où l’on vit – le cambriolage du domicile se distingue de
tous les autres.
On peut chercher maintenant comment leur combinaison répartit les cambriolés selon

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différents profils.
Un premier regroupement réunit le quart des cambriolés autour d’un type d’incident
« classique » : un cambrioleur inconnu, entré par effraction, qui a consommé son méfait en
laissant chez la victime des dommages importants, et des regrets pour la valeur sentimen-
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tale de certains objets volés. Le sentiment de viol de l’intimité est ici particulièrement
répandu. La réaction est tout aussi classique : plainte, déclaration de sinistre d’ailleurs cou-
ronnée de succès et recours plus systématique que jamais à des précautions ultérieures.
Plus que la moyenne des cambriolés, ces victimes appartiennent aux petites classes
moyennes et au prolétariat ouvrier ; elle vivent dans des banlieues assez éloignées, tantôt
dans des quartiers sans problèmes, tantôt dans des quartiers défavorisés. D’ailleurs elles
pointent plus que d’habitude vers des problèmes de quartier comme le bruit, la saleté, la
drogue, le vandalisme et les bandes de jeunes. Les apeurés y sont plus nombreux que dans
n’importe quel autre groupe de cambriolés.
Un nouveau groupe de cambriolés, de taille sensiblement équivalente fait d’autant plus
contraste que le profil de l’événement y est fort semblable : un cambriolage anonyme,
entraînant dommages sérieux et pertes sentimentales. Le traitement de l’affaire par la vic-
time ressemble, lui aussi, beaucoup à ce que nous avons déjà vu : des plaintes systéma-
tiques, des déclarations de sinistres encore plus généralisées et d’ailleurs suivies d’un rem-
boursement. Mais là s’arrêtent les similitudes : ces victimes ne sont que rarement troublées
par l’incident ; il est vrai qu’elles ont moins que les autres connu des cambriolages anté-
rieurs, et c’est aussi chez elles que les précautions ultérieures sont les moins systématiques.
Si elles sont manifestement moins atteintes que les précédentes par un cambriolage pour-
tant aussi sérieux, c’est que leur profil social diffère du tout au tout : les cadres y sont plus
nombreux que dans n’importe quel autre groupe de cambriolés, mais aussi les Parisiens,
les gens qui se disent à gauche ou au centre gauche et ne pratiquent guère de religion. Les
sociaux représentent la moitié de ce groupe, il réunit à lui seul la moitié des sociaux.
Autant le groupe précédent prenait le cambriolage avec calme, autant un troisième
groupe (15%) réagit de manière crispée. Le profil des faits est moins homogène que dans
les cas précédents : les cambriolages hors domicile et les intrusions par prise de fausse

31
11% de la variance.
32
Il s’agit alors d’un simple vol au domicile et non pas de cette sorte particulière de vol aggravé qu’est le cam-
briolage, lequel suppose en droit français une intrusion par escalade, effraction ou usage de fausses clefs.
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ZAUBERMAN, ROBERT ET POTTIER, PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS 377

identité (faux releveurs de compteurs…) y sont moins rares que dans la moyenne des cam-
briolages. Pour autant, la plainte n’est pas plus fréquente que dans l’ordinaire des cambrio-
lages, mais c’est le seul groupe où elle est motivée par le désir de faire punir le cambrio-
leur. Il est d’ailleurs amusant de noter que le taux d’élucidation33 n’est jamais aussi « bon »,
ce qui veut dire 14 au lieu de 7%. Au reste, c’est le seul groupe où le jugement positif
envers la police soit majoritaire. On y recourt aussi à l’assurance un peu plus souvent qu’à
l’habitude. Le profil social est clair : plus âgé que la moyenne, demeurant en banlieue rési-
dentielle ou dans la partie la plus riche de Paris, ce groupe concentre les retraités, vivant
seuls ou en couples. Le portrait idéologique est marqué par une surreprésentation de la pra-
tique religieuse occasionnelle et des opinions de droite ou de centre droit ; mais surtout, le
type insécure représente le tiers du groupe, alors que la peur ne s’y retrouve que modeste-
ment. Les problèmes de quartiers sont mentionnés un peu plus souvent que d’habitude,
mais c’est finalement une participation de longue date à la vie locale qui constitue un trait
distinctif pour ce groupe, il est vrai âgé.

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Reste le regroupement le plus nombreux (37%), mais le moins caractérisé, à tous points
de vue. Le profil de l’événement est marqué par la forte proportion de simples tentatives,
n’ayant entraîné aucun dommage, ni suscité de plainte ou de déclaration de sinistre. On y
trouve aussi une proportion inhabituelle de pseudo-cambriolages, de simples entrées par
une porte laissée ouverte. Le groupe concentre aussi la moitié des cas où la victime a vu le
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cambrioleur – ce qui explique peut-être la forte proportion de simples tentatives : découvert,


le malfaiteur a pris la fuite. Pour autant, les réactions émotionnelles y sont particulièrement
peu répandues. Le profil social de ces cambriolés offre un contour un peu flou. Émergent
cependant quelques surreprésentations – milieux populaires, quartiers difficiles – mais elles
ne sont pas très marquées. C’est finalement le caractère inachevé du cambriolage, qui défi-
nit ce groupe.
Au total, les tentatives font bande à part. Quant aux cambriolages « classiques », ils sont
vécus douloureusement par des banlieusards apeurés de classes populaires et avec beau-
coup plus d’équanimité par des cadres parisiens aux idées larges 34. Entre les deux s’insère
un petit groupe de cambriolés âgés, tourmentés par des préoccupations sécuritaires et
éventuellement des attitudes punitives.
Ces portraits contrastés s’étaient déjà esquissés lors de nos analyses de la première
enquête nationale de l’INSEE (1994-1995) : derrière des cambriolés aisés qui réagissaient
en multipliant les recours apparaissaient des victimes, surtout de banlieue, à statut plus pré-
caire, qui restaient inertes et ne tentaient aucune démarche pour répondre à une victima-
tion, pourtant éventuellement fortement ressentie (Robert, Zauberman, Pottier, Lagrange,
1999, 271sq). Une enquête locale sur une petite métropole régionale (Zaubermann,
Robert, Pottier, 2000, 216-217) avait permis une observation comparable : le contraste
entre des cambriolés nantis et d’autres prolétaires.
L’exemple du cambriolage montre que les profils de ces victimes s’organisent autour
du relief de l’incident – les deux figures antithétiques du cambriolage du domicile et de la
simple tentative se détachent clairement – autour de la manière, plus ou moins dramatique,
plus ou moins détachée, dont il est vécu (et cette deuxième dimension ne se laisse pas
réduire à la précédente), enfin autour du capital social dont dispose la victime pour négo-
cier l’événement (ce qui fait surgir la figure du cambriolé amer mais néanmoins inerte).

33
Calculé d’après l’information qu’en ont les enquêtés.
34
Sans qu’on sache si leur calme tient à leur largesse d’esprit ou à la solidité de leur position matérielle.
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378 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

Figure 1 : Profils de cambriolés

37%
15% Tentatives
Retraités «insécures»
punitifs

90,5%
Non-victimes 9,5%
de cambriolages Victimes
23%
Dégâts sérieux
Cadres parisiens «sociaux»

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25%
Plainte et assurance
Dégâts sérieux
Banlieues
Plainte et assurance
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Si l’on retient maintenant l’exemple d’une victimation individuelle, voyons si l’on peut
extraire des profils d’agressés et si leurs clivages obéissent aux mêmes considérations.

Sous « l’agression », des vols, des bagarres, des injures…


Ici aussi, le principal clivage35 semble faire apparaître des incidents à fort retentisse-
ment, bien qu’à vrai dire les simples attitudes menaçantes contribuent plus à ce facteur que
les blessures36. On trouve d’un côté des dommages matériels importants, des conséquences
durables pour la santé, une peur durable, une perte de confiance envers les gens, la prise de
précautions ; il s’agit d’agressions de proximité (dans son quartier). De l’autre côté, contri-
buent surtout l’absence de peur durable ou de perte de confiance.
C’est peut-être le profil des victimes qui est responsable plus encore que la gravité
« objective » des circonstances de l’agression : âgées, de sexe féminin, retraitées, elles ont
peur seules dehors mais aussi – ce qui est moins commun – quand elles sont chez elles. De
l’autre côté, on trouve, en parfait contraste, des hommes, jeunes, qui n’ont pas peur le soir
dans leur quartier et qui appartiennent au groupe d’opinion des sociaux.
Le clivage suivant 37 semble mettre à part un profil d’agressions sérieuses dans un
cadre professionnel : on trouve du même côté l’agression sur le lieu de travail ou d’études,
celle pendant le trajet vers ou depuis le lieu de travail, enfin celle liée à l’exercice profes-

35
Il explique à lui seul le tiers de la variance.
36
Quant aux coups, ils se situent de l’autre côté de l’axe.
37
Encore 19% de la variance.
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ZAUBERMAN, ROBERT ET POTTIER, PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS 379

sionnel ; soit ces incidents ont donné lieu à des blessures caractérisées, soit il s’est agi de
simples attitudes menaçantes ; en tout cas, le dépôt de plainte fait partie du tableau et la vic-
time agit alors dans un but clairement répressif ; il s’agit d’affaires dont l’élucidation
semble fréquente, probablement parce que le contexte professionnel permet plus facile-
ment d’identifier l’agresseur, quand bien même l’agressé n’y serait pas parvenu d’emblée.
Enfin, un troisième clivage38 oppose le vol violent à l’agression verbale. D’un côté, on
relève des agressions à répétition, à plusieurs, accompagnées de vols ou de tentatives, mais
aussi de coups… avec à la clef une perte durable de confiance dans les gens. De l’autre, il
s’agit d’un agresseur unique, qui ne cherche pas à voler. Cette agression peut s’inscrire
dans le cadre professionnel, mais sans la gravité relevée dans l’analyse du facteur précé-
dent : l’enquêté a été injurié ou menacé, pas frappé, encore moins blessé. Le profil vol vio-
lent va de pair avec des victimes jeunes – des élèves ou étudiants –, masculines, qui esti-
ment habiter un quartier difficile et avouent leur peur de sortir seules le soir. Le profil
opposé concerne plutôt des femmes, des enquêtés dans la force de l’âge (31-50 ans), des

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cadres ou des entrepreneurs.
À ce premier stade, on voit se profiler, parmi les agressions, plusieurs dimensions
structurantes, d’abord que l’incident s’inscrive pour la victime dans un cadre de proximité
– celles qui se sentent vulnérables le ressentent alors dramatiquement – ensuite qu’il
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prenne place dans le cours de la vie professionnelle de l’agressé – ce qui suffit à susciter de
vigoureuses réactions – enfin qu’il s’agisse en fait d’un vol avec violence.
Reste à voir comment elles permettent de distinguer plusieurs profils parmi les agressés.
D’abord les victimes de vols violents : on en distingue deux types uniquement parce
que seule une minorité recourt à l’assurance. Pour le reste, les deux groupes se ressemblent
beaucoup. Commençons donc par le plus important. À lui seul, il regroupe le quart des
agressés. Il s’agit d’incidents sérieux : on y trouve plus qu’ailleurs des agressions pour
voler 39, réalisées avec armes, menées à plusieurs. Du coup, ce groupe rassemble à lui seul
30% des blessés et même plus de la moitié de ceux qui l’ont été de manière caractérisée40.
Les conséquences durables pour la santé de même que les dommages matériels sérieux
apparaissent ici beaucoup plus fréquemment que dans l’ensemble des agressés. Ces vic-
times prennent un peu plus de précautions que la moyenne ; elles ont un peu plus souvent
peur chez elles comme au dehors. Tendanciellement, ces agressions-ci se passent plutôt de
jour, dans le quartier, mais elles ne sont pas liées à la vie professionnelle ou scolaire. Le
renvoi à la police est généralisé et la plainte très répandue (77%) ; en revanche, le pourcen-
tage de faits élucidés par la police y est médiocre (20%) ; par ailleurs, ce groupe ne se
tourne guère vers l’assurance. Son profil social n’est pas très marqué : un peu par l’âge41,
un bagage scolaire limité, la vie en agglomérations isolées, l’indifférence en matière poli-
tique. Les apeurés y sont un peu plus présents que dans l’ensemble des agressés. Finale-
ment, ce groupe peu typé est surtout caractérisé par le sérieux d’une agression prédatrice et
par le recours systématique à la police ou à la gendarmerie42. C’est l’événement qui le
constitue plutôt que le profil social de ses membres.

38
Le facteur correspondant explique 10% de la variance.
39
Le groupe représente les deux cinquièmes de tous les vols violents et ceux-ci constituent les deux cin-
quièmes de ce groupe.
40
C’est-à-dire avec une incapacité de travail de plus de huit jours.
41
Ce groupe rassemble la moitié des agressés de plus de 65 ans.
42
En France, on distingue deux corps de police d’État, la Police nationale et la Gendarmerie nationale.
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380 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

Il existe un autre type d’agressés – trois fois plus petit (9%) – caractérisé par les mêmes
éléments de gravité, plus accentués même que dans le cas précédent : vol violent, blessures
avec incapacité temporaire de travail, plusieurs agresseurs, conséquences durables pour la
santé, dommages importants ; la peur chez soi ou dans la rue y est plus répandue que la
moyenne. Là encore, il s’agit d’un théâtre de proximité : plutôt le quartier que le milieu
professionnel. Le renvoi est presque aussi systématique (93%) que dans le cas précédent et
la plainte aussi répandue (77%) ; le taux d’élucidation est à peine moins médiocre (27%).
En revanche, le recours à l’assurance est ici généralisé (100%) et le remboursement très
fréquent (73%). Le profil social diffère aussi du cas précédent : moins âgé, plus féminin,
d’un niveau scolaire encore plus modeste, souvent inactif. Y sont surreprésentés soit une
banlieue fortement urbanisée, soit les arrondissements centraux de Paris. Les insécures
représentent plus de 40% du groupe et les apeurés plus de 20%. En somme, si le cas précé-
dent retenait l’attention par la combinaison agression sérieuse/victime âgée/recours systé-
matique à la police, celui-ci ne s’en distingue que par le profil social et par la mobilisation

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systématique de l’assurance.
Venons maintenant aux deux groupes pour lesquels l’agression s’accompagne d’une
tentative de vol. Chacun regroupe environ le cinquième des agressés, mais les tentatives de
vol constituent presque la moitié du premier et seulement le tiers du second qui contient
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aussi pas mal d’agressions simples. Les signes de gravité s’atténuent : la modalité-type
n’est plus la blessure avec incapacité temporaire de travail mais les coups dans un cas, les
injures et menaces dans l’autre ; en tout cas, il n’est plus question d’arme. S’il s’agit tou-
jours d’une altercation entre inconnus, il peut y avoir plusieurs agresseurs dans le premier,
pas dans le second ; dans ce cas-là, l’agression peut être répétitive, pas dans celui-ci. Autre
différence : dans le premier cas, il s’agit plutôt d’agressions liées à l’activité profession-
nelle ou scolaire ou aux déplacements et aux moyens de transport ; dans le second, au
contraire, d’agressions dans la rue, en tout cas hors tout contexte professionnel. Mais dans
un cas comme dans l’autre, les victimes ne cherchent à mobiliser ni la police ni l’assu-
rance. Finalement, ces deux groupes présentent un profil d’incident assez semblable,
n’était la gravité – plus atténuée dans le second que dans le premier – et le lieu de l’agres-
sion. En revanche, les profils des victimes diffèrent nettement.
Dans le premier cas, il s’agirait plutôt de jeunes (moins de 30 ans) hommes, de niveau
d’études supérieur, vivant dans des familles avec enfants, plutôt étudiants ou ouvriers, en
milieu très urbanisé, soit Parisiens, plus souvent banlieusards. Les apeurés représentent
40% de ce groupe. Pour l’autre, on parlerait plutôt de Parisiens, quinquagénaires, vivant
seuls ou en couple, de niveau d’éducation supérieur, plutôt cadres ou retraités. Les sociaux
représentent 40% de ce groupe.
Restent enfin deux types plutôt caractérisés par l’agression que par le vol violent. C’est
partiellement vrai pour un groupe de 14% où ces agressions représentent 52% des cas contre
44% à la marge. Le profil-type serait une agression nocturne dans le quartier, à répétition,
susceptible d’entraîner des blessures, éventuellement au moyen d’une arme. La victime ne
cherche à mobiliser ni la police, ni l’assurance. Il s’agirait plutôt de Parisiens, très jeunes ou
adultes de 31 à 50 ans, au capital éducatif médiocre, souvent chômeurs, vivant plutôt dans
des grands ensembles HLM43, en tout cas dans des quartiers prolétaires difficiles. Et c’est
probablement ce dernier trait qui est le plus caractéristique du groupe. C’est la violence
interne aux quartiers en difficulté. Le dernier groupe ne réunit que 9% des agressés. Les

43
Habitations à loyer modéré.
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ZAUBERMAN, ROBERT ET POTTIER, PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS 381

agressions pures sont ici très majoritaires. Il s’agit typiquement d’agressions verbales, éven-
tuellement à répétition, liées à l’exercice de la profession. Et du coup le renvoi à la police est
systématique (95%) et la plainte fréquente (65%). Chose inhabituelle, le taux d’élucidation
est très élevé (63%) d’autant que l’agresseur n’est pas franchement anonyme. Les victimes
sont plus que proportionnellement des adultes, de niveau secondaire, actifs, banlieusards.
Ils se plaignent de vivre dans des quartiers d’où la police est absente et les bandes de jeunes
trop présentes. Les moralistes sont particulièrement bien représentés dans ce groupe. On
devine ici les professionnels en butte à des petites agressions dans le cadre de leur vie pro-
fessionnelle, en somme le chauffeur de bus injurié par des groupes de jeunes.
En résumé, la typologie met d’abord en évidence les cas d’agressions prédatrices en
distinguant de surcroît celles où l’assurance est mobilisée en plus de la police. Puis elle
isole deux profils de tentatives de vols, l’un contre des jeunes, l’autre contre des victimes
d’âge mûr et de niveau social assez élevé. Enfin, on voit apparaître l’agression de quartier
difficile et l’altercation liée à la vie professionnelle. La multiplicité des théâtres – la pro-

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fession, le quartier, avec une mention spéciale pour ceux qui sont en difficulté – de la vio-
lence apparaissait déjà dans des enquêtes précédentes, nationale44 ou locale (Zauberman,
Robert, Pottier, 2000, 214sq). On y mesurait déjà aussi le poids de l’âge de la victime et
celui, qui lui est au moins partiellement lié 45 – de l’opposition entre des victimes inertes et
des agressés qui cherchent à mobiliser tous les recours possibles.
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Figure 2 : Profils d’agressés

21%
Tentatives de vols
Parisiens sociaux
14%
Agressions nocturnes
Quartiers en difficulté

21% 9%
93,3%
6,7% Tentatives de vols Agressions verbales
Non-victimes
Victimes Jeunes apeurés Vie professionnelle
d’agression
Plainte

26%
9%
Vols violents sérieux
Vols violents
dans quartier
Plainte
Plainte
et assurance

44
Robert, Zauberman, Pottier, Lagrange, 1999, 266-267 ; cette enquête identifiait aussi un théâtre de l’intimité –
le domicile – qui n’apparaît plus ici du moment qu’on traite à part les violences entre cohabitants.
45
Add aux deux références précédentes, Zauberman, Robert, 1995, 168.
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382 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

La recherche de profils d’agressés souligne d’abord46 l’importance du vol – ou de sa


tentative – dans l’agression. C’est l’occasion de rappeler que l’alarme à la violence des
deux dernières décennies s’adosse à un phénomène de bien plus grande ampleur : l’explo-
sion de la délinquance acquisitive à partir du moment où nos sociétés sont entrées dans la
consommation de masse de biens semi-durables comme le véhicule, l’électrodomestique
ou, plus récemment, les vêtements (de marques). Contrairement à ce qu’on croit souvent
spontanément, la violence est d’abord prédatrice47.
Pour le surplus, on discerne l’importance de certaines scènes de la violence : la vie pro-
fessionnelle, la vie de quartier, les zones de relégation sociale et urbaine… il faudrait y
ajouter encore le foyer domestique : dans cette enquête les violences par un proche font
l’objet de questions distinctes48 ; dans celles où l’on ne prend pas la peine de les mettre à
part, cette scène particulière émerge à côté des précédentes.
Les circonstances de l’incident, les manières de le vivre et les façons d’y réagir se com-
binent donc pour dessiner des profils bien différents. Bien entendu, les ressources dont dis-

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posent les victimes influencent et le vécu et la façon de gérer la situation de victimation :
toutes choses égales par ailleurs, plus on est confortablement installé, moins on est ému, et
plus on s’affaire à mobiliser les recours possibles, sans d’ailleurs nécessairement nourrir
des attentes disproportionnées. On peut même avancer que la situation de la victime com-
mande au moins en partie la gravité des faits : à vivre dans une zone résidentielle confor-
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table, on réduit les chances de se faire agresser. Ainsi, toutes ces dimensions ne sont pas
indépendantes les unes des autres sans toutefois, se réduire les unes aux autres. C’est
d’ailleurs ce qui rend à la fois possible et fécond la construction de profils.
Pour autant, l’exercice ne se limite pas à la production de savoirs purement acadé-
miques. Par un curieux paradoxe, pousser ainsi l’exploitation sociologique de l’enquête de
victimation fournit à l’analyse opérationnelle des instruments nouveaux et inattendus.
Suivre l’évolution de types de victimes et de victimations est peut-être plus utile pour le
pilotage et l’évaluation des politiques publiques que la simple considération de taux de
prévalence et d’incidence49.

Renée Zauberman
Philippe Robert
Marie-Lys Pottier
Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales
(CESDIP)
Immeuble Edison
43, boulevard Vauban
F-78280 Guyancourt
zauberman@cesdip.com
probert@gern-cnrs.com
lis.pottier@wanadoo.fr

46
Sur ce point, l’enseignement de cette enquête est unique en France tout simplement parce que la question
n’est pas posée dans les autres enquêtes, tant nationales que locales.
47
Même si ces prédations de force ne représentent qu’une toute petite partie de la délinquance acquisitive.
48
Ce qui permet de les étudier plus précisément, de découvrir par exemple leur forte prévalence au sein de
zones urbaines en difficulté (Pottier, Robert, Zauberman, 2002, 57-58 et 125-126).
49
C’est pour cette raison que dans notre rapport sur cette enquête, nous avons proposé comme indicateur de la
victimation non seulement des taux, mais aussi des types.
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ZAUBERMAN, ROBERT ET POTTIER, PROFILS DE VICTIMES, PROFILS DE VICTIMATIONS 383

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Summary

The authors draw upon the results of a victimisation survey in the Greater Paris Area to
outline, as an alternative to the abstract category of victim, various profiles of victims.
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384 DÉVIANCE ET SOCIÉTÉ

These profiles result from the combination of the circumstances of the incident, the way it
is experienced, and the ways it is responded to. Moreover, various victims have unequal
resources to tap from, which influence the way they experience the victimisation situation
and deal with it.

KEY-WORDS: VICTIMISATION SURVEY – VICTIMS – TYPOLOGY

Zusammenfassung

Auf der Basis der Ergebnisse einer Untersuchung zur Viktimisierung und Unsicherheit
im Großraum Paris untersucht der Artikel die Möglichkeiten der Differenzierung unter-
schiedlicher Profile und Kategorien der Opferwerdung. Hierzu werden die Umstände der
Tat, die Art und Weise ihrer Interpretation und die Reaktionsformen auf die Opferwerdung

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untersucht. Insbesondere die Verfügbarkeit von Ressourcen bestimmt dabei die Art der
Interpretation und der Reaktion auf Opferwerdungen mit.

Sumario
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Los autores utilizan los resultados de une encuesta sobre la victimación y la inseguri-
dad en la región parisina para elaborar, en lugar de una categoría abstracta de víctima, una
serie de perfiles diferentes que resultan de la combinación de las circunstancias del inci-
dente, de las maneras de vivirlo y de las formas de reaccionar. Además, los desiguales
recursos de los que disponen las víctimas tienen influencia tanto sobre la experiencia
vivida como sobre la manera de manejar la situación de victimación.

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