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Institut Universitaire d'Abidjan

II Plateaux, rue L40, 01 BP 12159 Abidjan 01, tel. 22422265 / 07231862 /45842102 / 66040081
Fax: 22 42 27 24 / www.iua-ci.org

LES MANUELS DE COURS DE L’INSTITUT


UNIVERSITAIRE D’ABIDJAN (IUA)
Année universitaire 2020-2021

Science Politique

Première année de Licence

Semestre 2
Volume 1

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Les manuels de l’Institut Universitaire
d’Abidjan
Édition 2020-2021
o
N IUA-2021/SCEPO/L1/S2

Licence 1 Science Politique


Semestre 2

Volume 1

IL EST FORMELLEMENT INTERDIT DE REPRODUIRE CE


LIVRE SOUS QUELQUES FORMES QUE CE SOIT. Tous
droits de traduction, d’adaptation et de
reproduction par tous procédés réservés pour tous
pays. Conformément à la loi no 96-564 du 25 juillet 1996
relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits
des auteurs, le photocopillage de cet ouvrage expose son auteur à des sanctions
pénales et civiles prévues par les articles 64 et 65 de ladite loi.

Collection Monde universitaire

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Les Manuels de l’Institut Universitaire d’Abidjan / 2020-2021

Note introductive

Ce manuel de cours est élaboré pour aider les étudiants de l’Institut


Universitaire d’Abidjan (IUA) dans l’apprentissage des enseignements qui
leur sont dispensés.

Il regroupe l’ensemble des supports de cours du semestre. Ces documents


ont été confectionnés par les Enseignants titulaires des formations. Ils
comprennent non seulement les notes de cours mais aussi diverses
informations en rapport avec les sujets abordés et représentant un
approfondissement des enseignements.

Le corps de chaque cours comprend les éléments suivants pour chaque


chapitre :
1. Le contenu du chapitre,
2. Quelques lignes représentant les points à retenir après lecture du
chapitre,
3. Une bibliographie spécifique au chapitre pour inciter l’apprenant
à approfondir ses connaissances sur le sujet,
4. Des exercices d’assimilation avec différents niveaux de difficulté
pour tester l’apprenant quant à la compréhension du chapitre.

L’élaboration des documents a été supervisée par les Professeurs de rang


magistral des différentes filières qui les ont consolidés et validés.

L’Institut Universitaire d’Abidjan veut, à travers ces manuels, améliorer


notablement la qualité de la formation de ses étudiants par la mise à leur
disposition d’un savoir inégalé dans leur domaine de spécialité.
L’usage au quotidien de ce manuel comme document de travail par les
étudiants leur garantira un haut niveau de formation, ce qui constitue un
avantage comparatif sur le marché du travail devenu très sélectif et exigent.

La direction de l’Institut Universitaire d’Abidjan souhaite un bon usage de


ce manuel à tous les étudiants et formule le vœu de les voir tous réussir en
fin d’année.

Aka KOUAMÉ
Président de l’Institut Universitaire d’Abidjan

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NOS FORMATIONS
FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUE ET FACULTÉ DES SCIENCES
POLITIQUE ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
DÉPARTEMENT DE DROIT DÉPARTEMENT DES SCIENCES
Droit Privé et Public Ivoirien ÉCONOMIQUES
Droit Privé et Public Français Économie Pure
Économie Monétaire et Bancaire
DÉPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE Stratégies de Développement
Politiques Publiques et Bonne Gouvernance
Affaires Internationales et Diplomatie DÉPARTEMENT D’ADMINISTRATION
DES AFFAIRES
FACULTÉ DES SCIENCES ET Comptabilité
TECHNOLOGIES Finances
DÉPARTEMENT DE MATHÉMATIQUES ET Marketing
INFORMATIQUE Logistique
Actuariat Gestion des Ressources Humaines
Génie Logiciel
DÉPARTEMENT DES SCIENCES DE
DÉPARTEMENT DES SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA
L’INGÉNIERIE COMMUNICATION
Mécanique Énergétique Publicité Marketing
Génie des Procédés Communication Numérique
Génie Civil Communication des Organisations

DÉPARTEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES DÉPARTEMENT DES SCIENCES


Sciences Physiques SOCIALES APPLIQUÉES
Études du Développement

FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET


SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT CINÉMA AUDIOVISUEL
Cinéma
Production Audiovisuelle (télé, radio,
montage)

DÉPARTEMENT DE MUSIQUE
Musique et Musicologie (composition
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instrumentale, électro-acoustique)
II Plateaux, 7ème tranche rue L40, Carrefour Cascades, Lot 3016, Illot 251 BIS 01 BP 12159 Abidjan 01 – Tel : 22 42 22 65 / 07 23 18 62 /
www.iua-ci.org / info@iua-ci.org
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L’ENVIRONNEMENT D’ETUDES

Un personnel enseignant et administratif qualifié, accueillant et disponible


Des ressources didactiques et pédagogiques de pointe
 Les Salles Multimédias
 Les Salles Climatisées
 La Salle de Marchés
 La Salle visio conférence
 Les Bibliothèques Physique et Virtuelle
 Une plateforme de E-learning : Blackboard

Bibliothèque Virtuelle Une des salles des ordinateurs Salle de Marchés

Services d’accompagnement
 La mobilité étrangère et Coopération Internationale

Aeroport FHB, départ des étudiants


de l’IUA pour l’Université de Nantes Visite du Responsable de la mobilité aux étudiants à Nantes

 Le Centre de Formation Pratique (CFP)


 Le Centre de Promotion à l’Initiative Privée (CPIP)
 Le Service d’Insertion Professionnelle (Stages et Emploi)
 Le Service de Transport des étudiants
 Un Laboratoire de Langue
 Le Service de Restauration
 Le Service médical Cars des étudiants
 Les Activités Socio-culturelles et Sportives

Club Humanitaire de l’IUA Equipe de Football

Les étudiants de l’IUA avec l'ancien


ambassadeur américain Philippe Carter
III lors d'une campagne de planting au
Jardin Botanique de Bingerville
Equipe de Basket Equipe de Football
ème
II Plateaux, 7 tranche rue L40, Carrefour Cascades, Lot 3016, Illot 251 BIS
01 BP 12159 Abidjan 01 – Tel : 22 42 22 65 / 7
Page 07of
23321
18 62 / www.iua-ci.org / info@iua-ci.org
DANS LA MÊME COLLECTION

Département de Science Juridique


 Manuel de cours de Licence 1 droit  Manuel de cours de Master 2 fiscalité
général des entreprises
 Manuel de cours de Licence 2 droit  Manuel de cours de Master 2 droit des
général affaires
 Manuel de cours de Licence 3 droit  Manuel de cours de Master 2 droit des
public affaires et management
 Manuel de cours de Licence 3 droit privé  Manuel de cours de Master 2 droit
international et humanitaire
 Manuel de cours de Master 1 droit privé  Manuel de cours de Master 2 droit
 Manuel de cours de Master 1 droit public bancaire et marchés financiers

Département d’Administration Des Affaires


 Manuel de cours de Licence 1  Manuel de cours de Master 1 sciences
 Manuel de cours de Licence 2 comptable et financières option Finances
 Manuel de cours de Licence 3  Manuel de cours de Master 1 sciences
Management option Marketing comptable et financières option Finances
 Manuel de cours de Licence 3 d’entreprise
Management option Logistique  Manuel de cours de Master I Sciences
 Manuel de cours de Licence 3 sciences comptables et financières option gestion
comptable et financières option des risques en assurance et finance
comptabilité  Manuel de cours de Master 1
 Manuel de cours de Licence 3 Management option Logistique
Management option Manuel de cours de  Manuel de cours de Master 2
Gestion des ressources humaines Management option Logistique
 Manuel de cours de Licence 3 sciences  Manuel de cours de Master 2
comptable et financières option Finances Management option Marketing
 Manuel de cours de Master 2 sciences
 Manuel de cours de Master 1 comptable et financières option
Management option Marketing comptabilité
 Manuel de cours de Master 1 sciences  Manuel de cours de Master 2
comptable et financières option Management option Gestion des
comptabilité ressources humaines
 Manuel de cours de Master 1  Manuel de cours de Master 2 sciences
Management option Gestion des comptable et financières option Finances
ressources humaines  Manuel de cours de Master 2
Management option Logistique

Département de Science Politique


 Manuel de cours de Licence 1  Manuel de cours de Master 2 option
 Manuel de cours de Licence 2 Politiques publiques et gouvernance
 Manuel de cours de Licence 3  Manuel de cours de Master 1 option
Affaires internationales et diplomatie
 Manuel de cours de Master 1 option  Manuel de cours de Master 2 option
Politiques publiques et gouvernance Affaires internationales et diplomatie

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Département de Mathématiques-Informatique
 Manuel de cours de Licence 1  Manuel de cours de Licence 3
 Manuel de cours de Licence 2
Mathématiques appliquées  Manuel de cours de Master 1
 Manuel de cours de Licence 2  Manuel de cours de Master 2
Informatique

Département d’Ingénierie
 Manuel de cours de Licence 1
 Manuel de cours de Licence 2
 Manuel de cours de Licence 3

 Manuel de cours de Master 1


 Manuel de cours de Master 2

Département d’Études du Développement


 Manuel de cours de Licence 1
 Manuel de cours de Licence 2
 Manuel de cours de Licence 3

 Manuel de cours de Master 1


 Manuel de cours de Master 2

Département des Sciences Économiques


Manuel de cours de Licence 1
Manuel de cours de Licence 2
Manuel de cours de Licence 3

Manuel de cours de Master 1


Manuel de cours de Master 2

Département de Science de l'Information et de la Communication

Manuel de cours de Licence 1


Manuel de cours de Licence 2
Manuel de cours de Licence 3

Manuel de cours de Master 1


Manuel de cours de Master 2

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Présentation du programme de Licence en Science Politique
1. Contenu et Structure du Programme
La Licence en Science politique vise à conférer aux étudiants toutes les aptitudes
pouvant leur permettre de répondre de façon efficiente à toutes les problématiques de
gouvernance aussi bien au plan national qu’au plan international. À cette fin, ils
reçoivent les connaissances théoriques et technocratiques propres à la discipline ; bien
évidemment en s’appuyant sur des expériences vécues en situation de gouvernance.
Les diplômés en Science politique ont des compétences en :
- Administration et politiques publiques qui leur permettront de concevoir et/ou
de mettre en œuvre, de suivre et d’évaluer toute activité inhérente à
l’administration publique, ainsi qu’à ses interactions avec le secteur privé.
- Relations internationales qui leur permettront d’être capables de comprendre,
d’analyser l’évolution des relations internationales afin de prendre et/ou d’aider
à prendre toute décision pouvant permettre de répondre de façon satisfaisante aux
exigences inhérentes au processus de la mondialisation.
- Philosophie politique qui les rendront capables de maîtriser les implications de
la pensée politique sur la politique réelle d’aujourd’hui et de demain. Toute chose
qui leur permettra de remplir des fonctions de conseiller politique.
- Communication politique qui leur permettront de concevoir, de mettre en œuvre
et de suivre et d’évaluer un projet de communication répondant aux exigences de
la vie politique.

2. Débouchés
Le diplômé en science politique est un expert des systèmes et des institutions politiques
et est capable de transmettre une meilleure compréhension des phénomènes liés à
l’exercice du pouvoir. Il analyse, explique et commente l’actualité politique locale,
nationale ou internationale et dégage les enjeux et les facteurs d’influence à l’origine
des événements.
Il peut précisément faire de :
- La représentation diplomatique et consulaire
- L’analyse des questions internationales et prise de décision stratégique
- L’exploitation des opportunités offertes par la diplomatie transnationale
- La consultance géostratégique
- La communication politique
Il peut travailler dans :
- Les organismes publics et parapublics à tous les paliers (local, régional, national)
- Les entreprises privées
- Les cabinets d’audit, de consulting
- ONG nationales et internationales
- Structures humanitaires
- Les organismes œuvrant dans le champ social
- Organes de presse
- Organisations internationales
- Multinationales
- Structures de recherche

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Les Manuels de l’IUA – Licence Science politique/ Semestre 2

SOMMAIRE

DISCPLINE ENSEIGNANT PAGE

Économie politique Botiagne Marc ESSIS 14

Histoire des idées politiques 2 : de la


Michel Kokora GNEBA 50
Renaissance à nos jours

Sociologie politique Pregnon Claude NAHI 171

Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest Frédéric MEMEl 237

Géopolitique de la Méditerranée Saturnin GAUDET 291

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

Institut Universitaire d'Abidjan

Économie
politique
Botiagne Marc ESSIS
S’il est vrai que la gestion de la cité a, de tout
temps, été du ressort de la politique force est
de reconnaitre que cette gestion s’est de tout
temps inscrite dans une dynamique de
sectorialisation. Cette sectorialisation met la
politique en corrélation avec d’autres
domaines de la vie au sein de la cité. Parmi ces
secteurs l’on peut tout légitimement citer le
secteur économique. L’économie politique
vise à faire percevoir la corrélation qui existe
entre la politique et l’économie. (Dr Botiagne
Marc ESSIS, Introduction à la science
politique, l’Harmattan-Côte d’Ivoire)

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Économie politique

Économie politique
Botiagne Marc ESSIS

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

Sommaire
Syllabus .................................................................................................. 3
Introduction ........................................................................................... 6
1. Idéologies politiques et politique économique .............................. 7
2. Economie politique nationale/domestique .................................... 9
2.1. Les écoles de l’économie politique nationale ............................... 9
2.2 La politique économique ............................................................ 13
2.3. Le développement holistique ..................................................... 16
2.4. La gouvernance économique ..................................................... 17
3. Economie politique internationale ............................................. 18
3.1. Les écoles de l’économie politique internationale...................... 19
3.2. Evolution de l’économie politique internationale ...................... 22
3.3. Les défis inhérents à la mondialisation ..................................... 24
3.4. L’intégration économique régionale .......................................... 27
4. Ethique économique ................................................................... 30

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Économie politique

Syllabus

*INTITULE DU COURS : ÉCONOMIE POLITIQUE


Code : ………….
*Type : CM et TD
*Volume horaire : 40 heures
UE de rattachement : Économie politique
*Niveau du cours : Licence 1
*Département : Science politique
*Semestre : 2
*Nombre de crédit : 4
*Nom de l’enseignant : Dr. Botiagne Marc ESSIS
*Contact téléphonique : 00225 08 41 05 94
*Email : marcessis@gmail.com
*Statut : Enseignant à l’Université X Professionnel 

*Les objectifs
Ce cours vise à faire connaître les influences mutuelles entre deux sphères
de la vie au sein d’une société que sont la politique et l’économie. D’une
part, il s’agira de faire ressortir les implications économiques de la
politique et d’autre part de faire percevoir les incidences que peut avoir la
conjoncture économique sur la politique au sein d’une entité sociétale
donnée.

*Les objectifs spécifiques


- Faire connaître les tenants et les aboutissants de l’économie domestique
- Maîtrise les enjeux et autres défis inhérents au processus actuel de la
mondialisation de l’économie
Les pré-requis
Bonne base en Pensée Politique
Bonne base en Relations internationales

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

*Le contenu
1. Idéologies politiques et Politique économique
2. Economie politique nationale/domestique
3. Economie politique internationale
4. Ethique Economique

*Programme du cours
N° de Séance Contenu Lectures/travaux
Séance 1 Idéologies politiques et
Date : Politique économique
Conservatisme
Séance 2
Libéralisme,Socialisme/Social-
Date :
démocratie
Séance 3 Écologisme, Communisme,
Date : Populisme
Séance 4 Économie politique
Date : nationale/domestique
Séance 5 Écoles de l’économie politique
Date : nationale
Séance 6 La politique économique
Date :
Séance 7
Le développement holistique
Date :
Séance 8
La gouvernance économique
Date :
Séance 9 Économie politique
Date : internationale
Séance 10 Écoles de l’économie politique
Date : internationale
Séance 11 Écoles de l’économie politique
Date : internationale
Séance 12 Évolution de l’économie
Date : internationale
Séance 13 Évolution de l’économie
Date : internationale
Séance 14 Défis inhérents à la
Date : mondialisation de l’économie

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Économie politique

Séance 15 Dynamique d’intégration


Date : économique
Séance 16
Éthique économique
Date :
Séance 17 Subdivisions de l’éthique
Date : économique
Séance 18
Perspectives d’analyses
Date :
Séance 19 Outils de l’éthique
Date : économique
Séance 20
Quelques corpus normatifs
Date :

*Méthodes et stratégies pédagogiques


Présentation PowerPoint
Interaction en groupes de travail

Langue d’enseignement : Francais

Modalités d’évaluation

Evaluation continue : 60%


Participation 10%
Interrogations 15%
Devoirs sur table 20%
Travaux à rendre 15%
Examen final en fin de semestre 40%
1ère session : à la fin du cours
Session de rattrapage (2ème session)

*Les références bibliographiques


Jacques GÉNÉREUX : Introduction à la politique économique, Points, Paris,
2016.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

Introduction

L’Économie Politique est une subdivision de la Science


Politique relevant de l’interdisciplinarité et vise dans une double
dynamique à étudier les implications économiques des idéologies
politique, ainsi qu’en retour les incidences politiques des mesures
économiques.
Aborder l’économie politique nous emmènera inéluctablement
à passer en revue les écoles de l’économie politique domestique et celle
de l’économie politique internationale.
Nous nous évertuerons ensuite à présenter les implications
économique de diverses idéologies politique, autant de choses qui nous
fonderons à évoquer la controverse paradigmatique mettant aux prises
défenseurs de l’ultralibéralisme et ceux de l’alter mondialisme. Par
ultralibéralisme, il faut entendre une dynamique visant à propager le
paradigme libéral à l’échelle global. A cette dynamique s’oppose les
altermondialistes, qui eux sont soucieux de voir une autre forme de
mondialisation, qui tient compte de l’homme et de l’environnement.
Il s’agira enfin d’aborder dans le cours des questions relatives
à l’éthique économique et managériale.

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Économie politique

1. Idéologies politiques et politique économique


Implications au niveau Implications au niveau
Idéologies Postures économique
domestique global
- Protectionniste
- Promotion des grands
- Mercantilisme - Balance commerciale
Conservatisme travaux
- Interventionnisme - Expansion
- Promotion du plein-emploi
économique
- Suppression des
- Promotion de l’initiative entraves
- Capitalisme privée et du bien-être - Ouverture des marchés
Libéralisme
- Libre-échangisme - Consolidation su droit de - Libre concurrence
propriété globale
- Régulation OMC
- Libéralisme encadre
- Economie sociale - Intervention de l’Etat
- Promotion des droits
de marché - Etat providence
Socialisme des travailleurs
- Keynésianisme - Relative régulation / droits
- Promotion du
- Welfarisme des travailleurs
commerce équitable
- Promotion des énergies
- Economie verte - Promotions di
vertes
Ecologisme - Libéralisme développement
- Promotion du droit des
soucieux du durable
travailleurs
7

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

développement - Eco-économie sociale de - Promotion du


durable marche commerce équitable
- Promotion des
énergies verte
- Centralisation et - Lutte contre
planification - Rejet de lé initiative privée impérialisme
Communisme
économique - Centralisation et régulation - Remise en question
- Collectivisme des inégalités
- Promotion du
- Préférence national
- Patriotisme patriotisme
(emplois/investissement)
Populisme économique économique
- lutte contre immigration
- Interventionnisme - Protectionnisme
et décolonisation
- De mondialisation

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Économie politique

2. Economie politique nationale/domestique


L’économie politique nationale ou domestique est l’articulation
de notre cours qui nous permettra d’analyser les implications des
idéologies politiques au niveau de l’économie nationale. En retour, il y
sera question de voir quelle incidence la conjoncture de l’économie
nationale (favorable ou défavorable) peut avoir sur le processus
politique au sein d’un Etat donné (légitimation des pouvoirs publics,
stabilité, conflits). Quelle que soit la configuration, nous nous
évertuerons ici à aborder des aspects que sont :
- Les écoles de l’économie politique nationale ;
- La politique économie ;
- Le développement holistique ;
- La gouvernance économique

2.1. Les écoles de l’économie politique nationale


Entre autres paradigmes nous évoqueront le mercantilisme, le
keynésianisme, le néo marxisme, le capitalisme et l’écologisme.
 Le mercantilisme
Le mercantilisme est une école de l’économie politique
domestique qui a connu son heure de gloire durant la période de
l’absolutisme, c’est-à-dire celle ayant coïncidé avec l’émergence de la
grande monarchie occidentale. Les théoriciens de référence de cette
école sont entre autre
1.1 Friedrich LIST, En Allemagne ;
- Alexander HAMILTON à l’Etat Uni ;
- Jean Baptiste COLBERT en France.
Quel en sont alors la spécificité opérationnelle ?
Le mercantilisme est avant tout une mesure économique
protectionniste, par protectionnisme faut entendre une mesure visant à
protéger le marché nationale contre l’invasion de produits étrangers,
9

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

Comme on peut le voir il s’agira d’œuvrer pour avoir des balances


excédentaire, c’est-à-dire que les exportations sont plus importantes
que les importations. Quant à la balance des payement elle devras opter
pour la stratégie inverse tout en étant excédentaire, la balance des
payements n’est rien d’autre que la différence entre les sorties de
monnaie et les entrées de devises, plus concrètement les mercantilistes
veillerons à ce que il est plus entrées de devises étrangères et moins de
sortie de la monnaie nationale .
Le protectionnisme a l’avantage de contribuer à l’émergence
d’une industrie nationale forte à côté de cela , le mercantilisme a une
vocation interventionniste c’est-à-dire qu’il confère à l’état une mission
d’investissement massif dans les infrastructure économique comme les
hôpitaux , routes , une telle orientation vise à promouvoir le bien être
au seins de l’état , le mercantilisme tel que conçu par les mercantiliste
est structurelle et non conjoncturelle c’est-à-dire qu’il dure à jamais.
Toutefois, le mercantilisme se caractérise par les perpétuations des
privilèges des classe nobiliaire et ceux justement à cause du contexte
qui la vue émerger qui est l’absolutisme.
 Le capitalisme
Politique économique idéologique qui n’est que l’implication
du libéralisme qui lui est une idéologie politique. C’est une doctrine qui
organise la production autour du capital. Il repose sur la notion de
liberté, liberté d’entreprendre, d’industrie, de commerce notamment.
Au niveau national, le capitalisme va donc promouvoir,
encourager, distiller l’initiative privée en vue d’une amélioration des
conditions de vies. Par-ailleurs, la liberté d’entreprendre est consolidée,
renforcée par le droit de propriété. C’est donc fondé sur les variables
du libéralisme que le capitalisme à l’échelle globale va présider à la
suppression des barrières tarifaires et non tarifaires.
C’est dans cette ambiance concurrentielle et le but de créer un
marché global, que l’OMC va naître avec l’activisme des forces
10

Page 24 of 321
Économie politique

libérales et néolibérales. Et ceux en remplacement du GATT. L’OMC


ainsi créé va avoir pour ultime vocation la réglementation de toutes les
transactions commerciales
 L’économie sociale de marché
Comme l’adjectif social l’indique c’est une déclinaison du
socialisme en tant que idéologie politique. C’est donc une économie
classique de marché qui s’enrichit de la perspective sociale.
L’économie social de marché, en tant que économie de marché, laisse
libre court aux variables qui structurent la vision du marché selon le
libéralisme. Le mot social ou l’adjectif social vient imprimer une dose
d’humanité, de flexibilité, à cette économie de marché qui pourrait être
inhumaine et cruelle pour les plus défavorisés. Elle a au cœur de son
projet le bien-être social de la population d’où le welfarisme.
Par-ailleurs, elle admet une intervention de l’Etat dans
l’économie pour lutter contre les inégalités qui se créent. Cependant
cette intervention n’est pas structurelle. C’est pourquoi on dit de
l’économie social de marché, qu’elle pose un interventionnisme
conjoncturel; toute chose qui ne peut que rendre compte pertinemment
du keynésianisme. Le keynésianisme peut-être définit comme la
doctrine de John M. KEYNES qui conçoit qu’en cas de crise l’Etat peut
faire et mener une régulation exogène. Au niveau national, donc
l’économie sociale de marché pose un certain nombre de principes :
- Intervention de l’Etat ;
- Etat-providence (Etat qui a en plus de ses fonctions régulières des
fonctions économiques) ;
- Une relative régulation.
Au niveau international, elle a donné lieu à un libéralisme
encadré, régulé, administré. Elle procède à la promotion des droits des
travailleurs et du commerce équitable.

11

Page 25 of 321
Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

 L’écologisme
Au niveau national, l’écologisme s’attèle à permettre la
promotion des énergies propres. C’est une idéologie économique qui
est fondée sur l’impérieuse nécessité de préserver l’environnement.
C’est donc, tout naturellement une opportunité de tempérer les ardeurs
du consumérisme (idéologie économique accordant primauté à la
consommation). Il ne s’agit nullement de produire, de surproduire, sur
l’autel de l’environnement.
L’écologisme est une opportunité de comptabiliser
préoccupation économique et environnementale. C’est un modèle
économique qui se préoccupe également du bien-être des travailleurs.
L’écologisme se rapproche de l’économie sociale de marché.
Au niveau international, l’écologisme favorise la promotion du
développement durable, du commerce équitable et la diffusion des
énergies vertes (le transfert des technologies y afférentes).
 Le keynésianisme
Le keynésianisme décline du libéralisme et se caractérise par le
rejet de toute forme d’anticapitalisme primaire. Cela signifie qu’il n’y
a pas de rejet systématique du capitalisme. Le keynésianisme met en
lumière une interdépendance entre les sphères économiques et
politiques. Il consacre la prospérité de l’homme économique homo
oeconomicus et ce par le biais d’investissement devant générer des
profits.
C’est une idéologie qui astreint les pouvoirs publics à créer les
conditions du plein emploi et la maximisation du profit. Il remet en
question la condition que l’économie puisse s’autoréguler
complètement. Il croit donc que des problèmes peuvent advenir et
justifier l’intervention ponctuelle et conjoncturelle de l’Etat, d’où le
keynésianisme un interventionnisme conjoncturelle.

12

Page 26 of 321
Économie politique

 Les pensées marxistes


Au niveau des pensées marxistes il faut entrevoir le marxisme
classique et le néo marxisme. Le marxisme classique rejette le principe
de la non intervention de l’Etat qui devrait intervenir pour maitriser,
contrôler, les moyens de production. C’est une idéologie qui s’attèle à
récuser tout assujettissement économique.
Pour la pensé économique marxiste, Etat, société, économie,
restent intimement liés. L’Etat intervenant dit veiller à la planification
de l’activité économique. Pour elle, la société est toujours dominée par
la lutte des classes devant conduire au soulèvement du prolétariat
induisant la disparition de l’Etat capitaliste. C’est une pensée qui fait la
promotion de l’émancipation de l’économie et d’une société
plus égalitaire.
Au cœur de la pensée néo marxisme ce trouve le projet de réforme
du socialisme donnant lieu à la consécration de l’économie sociale de
marché, l’Etat n’est donc pas le seul investisseurs, les inégalités étant
remises en question, l’équité dans la redistribution des ressources . Elle
met en synergie économie et politique en vue de réduire les disparités
sociales.

2.2 La politique économique


La politique économique est avant tout une politique publique
c’est-à-dire un ensemble d’initiatives prises par les pouvoirs publics en
vue de répondre aux attentes des populations. Il s’agit d’une déclinaison
sectorielle (touchant à un domaine précis) des politiques publiques au
sein d’un Etat donné. Idéalement, la politique économique vise à
corriger tous les déséquilibres macroéconomiques à savoir : le
chômage, la pauvreté, le déficit budgétaire, l’inflation, la stagnation
(économie bloquée) etc. La politique économique peut être structurelle
ou conjoncturelle.

13

Page 27 of 321
Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

 Politique économique conjoncturelle


Dans sa variante conjoncturelle, elle vise des objectifs immédiats
tels que la croissance économique, le plein emploi, la stabilité des prix
et l’équilibre extérieur. L’objectif de croissance vise à mettre un frein à
la récession à la stagnation économique, celui du plein emploi vise à
lutter contre le chômage auquel se trouver plongé l’Etat. Quant à
l’objectif stabilité des prix, il est sensé lutter contre l’inflation en tant
que déséquilibre macroéconomique. Enfin l’objectif équilibre extérieur
vise à corriger les déficits de balance commerciale et de la balance des
payements.
 Politique économique structurelle
Dans sa variante structurelle la politique économique vise des
objectifs de très long terme et touche spécifiquement au fondement
même de l’économie nationale. En d’autre terme, une politique dite
structurelle cherche à créer les conditions d’une croissance, d’un
dynamisme économique durable. Elle peut viser des objectifs tels que
la cohésion sociale, la justice sociale, l’amélioration des conditions de
vie, l’éducation, la santé ou même la protection de l’environnement.
Quels sont alors les outils de la politique économique ?
Les outils de politique économique sont la politique
budgétaire, monétaire, fiscal ou des mesures non tarifaires.
 Politique monétaire
La politique monétaire peut être expansive ou restrictive. Dans
sa variante expansive, elle vise à injecter plus de monnaies dans le
circuit économique et par là même booster les investissements et la
consommation, il s’agit d’une politique de relance économique.
On dit de la politique monétaire quelle est restrictive lorsque par
la magie des taux directeurs et des taux d’intérêts elle cherche à réduire

14

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Économie politique

la masse monétaire en circulation et par la même lutter contre


l’inflation.
 Politique budgétaire
S’agissant de la politique budgétaire, elle peut être tout aussi
expansive que restrictive tout dépend ici de l’objectif
macroéconomique visé. Le budget repose sur les recettes et les dépenses
d’un Etat sur un exercice donné. De façon classique l’on veille à ce que
le budget s’équilibre en recettes et en dépense, il s’agit à la base d’une
prévision de recettes et de dépenses. Pour toutes les dépenses prévues
le pouvoir public doit être à même de mobiliser toutes les recettes
requises aussi bien en interne qu’en externe.
Une politique budgétaire expansive est une politique de relance
au moyen de laquelle l’Etat finance massivement les grands travaux et
par voie de conséquence accroit la demande globale et confére par la
même un dynamisme à l’économique nationale.
Dans sa variance restrictive, la politique budgétaire vise à réduire
la dette publique par des mesures d’austérités tels que : la réduction du
train de vie de l’Etat, baisse des salaires.
 Politique fiscale
La politique fiscale peut à son tour prendre la forme de politique
de la demande ou celle de politique de l’offre. En tant que politique de
la demande, la politique fiscal se veut une politique en faveur des
ménages. Plus concrètement, les pouvoirs publics baissent les impôts
sur les salaires et les revenus de sorte à consolider le pouvoir d’achat
des citoyens, des ménages et par la même impulser la demande globale.
Dans la deuxième configuration, la politique fiscale dite de
l’offre est une politique en faveur des entreprises et consiste à réduire
les impôts sur la fortune de sorte à permettre aux riches d’investir et par
la même susciter le plein emploi.

15

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

 Les mesures non tarifaires


Enfin les mesures non tarifaires renvoient à un ensemble de
dispositions d’ordre sanitaire ou écologique prises par le pouvoir public
et qui ont une incidence sur l’économie nationale. Il s’agit par exemple
des contingentements (cotât). Quant est-il de la démarche stratégique
Il faut entendre par démarche stratégique, un processus de gestion
qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie globale à partie de laquelle l’on
procèdera à une optimale administration de la politique économique. La
stratégie renvoie à un ensemble cohérent d’action, d’activité,
d’entreprises par lesquelles on peut atteindre un objectif.
En matière de politique économique il faut distinguer trois
dimensions ou phases. Il y a d’abord l’analyse de la conjoncture, ensuite
vient la sélection des mesures pertinentes de correction. Enfin il faudra
procéder à leurs mises en œuvre. La bonne gestion de la politique
économique a pour ultime finalité, objectif, but, l’amélioration des
conditions de vie des populations. C’est l’idée de développement.

2.3. Le développement holistique


On entend par développement holistique, un développement
global comprenant à la fois le développement durable, économique et
le développement humain.
S’agissant du développement économique il repose sur une
dynamique conceptuelle faisait appréhender la croissance économique
comme facteur suffisant de développement économique. Dans cette
perspective pour avoir le développement il faudrait simplement veiller
à la croissance économique. La croissance économique se définit
comme une évolution positive de la production au sein d’une société
donnée et à un moment bien déterminé. Cette vision du développement
accorde donc plus d’importance aux indicateurs de mesure que sont le
PIB le PNB etc.…

16

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Économie politique

S’agissant du développement humain, il vient rendre compte


d’une évolution paradigmatique tablant sur l’insuffisance de la
croissance économique pour réaliser pleinement le développement. Il
faudrait encore que cette croissance économique impact positivement
qualitativement, les conditions matérielles de vie des populations. Dans
ce cadre le développement désigne un Etat dans lequel les populations
peuvent jouir, s’épanouir, se vêtir, s’éduquer. Le développement est
donc la liberté qu’à la population d’accéder aux biens de première
nécessité.
Enfin en ce qui concerne le développement durable, il prend en
compte non seulement les acquis du développement économique et du
développement humain, mais surtout inscrit au cœur de toutes
initiatives l’impérieuse la nécessité de protéger la biodiversité
l’écosystème. Cette vision du développement interdit toutes croissances
sur l’autel de l’environnement. Elle découle sur la conceptualisation des
standards environnementaux globaux.

2.4. La gouvernance économique


La gouvernance, économique vient rendre compte d’une
évolution conceptuelle marquée par l’intrusion d’acteurs privés dans la
gestion des affaires publiques et en matière économique notamment.
La gouvernance économique renvoie à l’action conjuguée des
acteurs étatiques (acteurs classique) et des acteurs privés (les entreprises
et les organisations de la société civile). Son analyse renvoie à
l’élucidation du rôle des acteurs étatique, du rôle des entreprises et le
rôle des OSC.
En ce qui concerne le rôle des acteurs étatiques il faut noter
qu’ils jouent un rôle important dans la politique économique nationale
et dans la gouvernance économique locale. Au niveau de la politique
économique nationale, il appartient aux acteurs étatiques de concevoir,
formaliser, exécuter et évaluer les programmes de gestion en matière
économique. Ils sont donc en amont, in itinére, en aval. Au niveau
17

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

local, les acteurs étatiques interviennent par l’entre mises des


collectivités décentralisées avec le concours et l’apport des acteurs
privés.
Concernant le rôle des entreprises il faut dire que. interviennent
à travers le PPP (partenariat publique privé) et la RSE.
Enfin en ce qui concerne le rôle des OSC il faut citer les groupes
d’intérêts économiques et les organisations à but non lucratif qui
interviennent dans la gouvernance économique. Si les premiers agissent
pour infléchir à leurs profits le sens des politiques économique
(politique publique en générale),n les seconds agissent pour diffuser des
valeurs en vue d’améliorer la société.

Conclusion
En somme l’évocation de l’économie politique domestique a
été pour nous l’opportunité de passer en revue les paradigmes
économiques majeurs qui eux même orientent la politique économique
au sein d’un Etat donné.
Il y a par ailleurs été question du développement holistique
c’est-à-dire une évolution qualitative des conditions matérielles de vie
des populations intégrant trois (3) dimensions que sont l’économique,
l’humain et le durable.
Enfin, nous nous sommes appesantir sur la problématique de
la gouverne économique qui elle que bien mobilisant les acteurs
Etatique attache du prix à l’inclusion d’acteurs privées que sont les
entreprises et les organisations de la société civile dans le processus de
gestion des affaires publiques. Ce sont là autant de considération qui
trouveront un écho particulier en économie politique internationale.
3. Economie politique internationale
Comment évoquer l’économie internationale sans toutefois
évoquer les écoles majeures qu’elle a vu naitre. Bien évidemment c’est

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Économie politique

l’évolution de l’économie politique internationale elle-même qui


permettra de donner sens à ces paradigmes économies.
De plus, il s’avère plus que nécessaire de lever un point de voile
sur les défis inhérents au processus actuel de la mondialisation
économique.
Enfin, *nous mettrons un point d’honneur à aborder les
dynamiques d’intégration économiques régionales spécificités majeurs
de notre ère.
3.1. Les écoles de l’économie politique internationale
Les écoles de l’économie politique internationale Sont les
paradigmes de référence pouvant permettre de décrire, d’analyser,
d’interpréter, de prédire ou même de prescrire les comportements
l’évolution de l’économie internationale. Globalement ces écoles sont*
équivalentes pour ne pas dire le prolongement des écoles de l’économie
politique domestique. Il s’agit du réalisme mercantiliste, de
l’internationalisme libéral et du structuralisme historique
 Le réalisme mercantiliste
Les théoriciens de références sont Jean Baptiste COLBER,
Alexander HAMILTON et Friedrich LIST, eux-mêmes influencés par
les travaux fondateurs de Thucydide théoricien de l’antiquité grec.
Dans sa variante la plus récente le réalisme mercantiliste va
surfer sur le néoréalisme théorisé par Kenneth WALTZ selon lequel « la
scène international est anarchique » conforment à cette vision tout Etats
gagneraient à défendre ses intérêts économiques y compris au moyen
de la force.
Il se veut par ailleurs un interventionniste stato-centré, c’est-à-
dire qu’ici obligation est faite au pouvoir public d’interférer dans
l’économie pour l’exclusif intérêt de l’Etat. Au cœur de ce paradigme
se trouve la consécration de l’Etat come acteurs majeur de l’économie
internationale. Un tel Etat se caractérise par la propension à la
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

sécurisation de ses dividendes au moyen d’une puissance militaire


dissuasive. Un tel Etat, ne peut être que protectionniste.
Le rôle dévolue à l’Etat dans ce paradigme, ainsi que la place
qu’il occupe en diplomatie faire dire qu’il existe une primauté du
politique sur l’économie. Ici politique économique et politique
étrangères sont conceptualiser en thème de puissance (power politics)
et donne souvent fois lieu à l’impérialisme économique. Les relations
économies et commerciales internationales ressemblent à une course
effrénée aux matières premières et aux débouchés. De telles relations
reflètent un jeu à somme nulle c’est-à-dire une configuration dans
laquelle celui qui gagne prend tout et celui qui perd, perd tout (the
winner takes all). Le réalisme mercantiliste va consacrer des notions
telles que celle de la stabilité hégémonique, du néomercantilisme et de
la guerre économique.
Au niveau les Etats faibles se mettent sous la tutelle d’une
puissance et entretiennent avec celle-ci des relations économiques et
commerciales préférentielles. Toujours est-il que dans l’ensemble ces
relations profitent plus à la puissance hégémonique au détriment de ses
satellites tels fut le cas dans le contexte de la guerre froide. Les USA
étant la puissance hégémonique du bloc capitalisme et URSS celle du
bloc communisme. C’est justement le contrepied d’une telle vision que
prendront les théoriciens de l’internationalisme libéral
 L’internationalisme libéral
Les théoriciens les plus en vue sont Adam SMITH, David
RICARDO, J. Stuart MILL, J.B SAY. A son cœur se trouve la volonté
de promouvoir la paix par le commerce international (trade but not).
Comme on peut le voir, le commerce est positionné ici comme étant
l’instrument de lutte contre la pauvreté à l’échelle globale. Mieux il est
l’instrument par excellence de pacification des Relations
Internationales. Il met l’accent sur la promotion de la liberté
d’entreprendre à l’échelle globale. A cette fin, il plaide en faveur de
20

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Économie politique

l’élimination des entravent et autres barrières tarifaires et non tarifaires


au commerce international par voie de conséquence l’internationalisme
libéral rejette toutes formes de protectionnisme. Toutefois, les relations
internationales Devraient être régis par le droit international dont les
sources sont les conventions les régimes et autres traités internationaux
(bilatéraux, multilatéraux). A la vérité ce paradigme porte la dynamique
actuelle de la mondialisation économique (mondialisation).
Pour les défenseurs de cette vision, la mondialisation de
l’économie est une opportunité de transformation qualitative des
conditions matérielles de vie des populations. Il va évoluer pour donner
lieu au néolibéralisme, paradigmes accordant une place de choix aux
firmes multinationales. Au moyens des IDE investissement direct
étrangers, celle-ci sont guidées par la volonté de faire du profit. On dit
d’elles qu’elles sont des acteurs transnationaux au sens où elles
traversent les frontières avec pour seul critère l’anticipation des
opportunités d’affaire (transnationalisation de l’économie). Les
théoriciens de cette vision la considèrent comme reflétant un jeu à
somme positive c’est-à-dire qu’ici le simple fait de participer au jeu
fait gagner quelque chose (configuration gagnant, gagnant).
 Le structuralisme historique
C’est l’extension internationale du paradigme marxiste. A ce
titre, c’est donc logiquement qu’il va s’enrichir des variables qui
structurent le marxiste. Il s’agit donc dans le cadre de ce paradigme (le
structuralisme historique) d’appliquer à l’analyse des relations
internationales les principes marxistes. Il est porté par des théoriciens
comme Emmanuel WALLERSTEIN, Enzo FALETO, Samir AMINE.
Au cœur du structuralisme historique se trouve le projet
d’édification d’un nouvel ordre économique international. Ce projet en
réalité dénote, marque une révolution en vue d’une redistribution
équitable des ressources entre le Nord et le Sud. Il s’agit en réalité d’une
remise en question, d’une récusation, d’un rejet de l’exploitation du sud
21

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

par le nord. Ces finalités ne peuvent être atteintes que par la promotion
des centrales syndicales à l’échelle globale.
Le structuralisme table aussi sur la lutte contre la voracité des
firmes multinationales. Une voracité qui selon des théoriciens est la
source de tous les déboires du capitalisme ; Lesquels conduisant à des
excroissances de la mondialisation libérale. Il va servir de bréviaire à
l’émergence d’autres paradigmes et théories comme la théorie : du
système monde, de la dépendance et la théorie du néo-Gramscienne.

3.2. Evolution de l’économie politique internationale


Il a évolué dans le temps et dans l’espace. Elle a
progressivement été marquée par la ‘’PAX BRITANICA’’, la ‘’PAX
AMERICANA’’ vs la ‘’ PAX SOVIETICA’’ et enfin l’économie
internationale postsoviétique.
La PAX BRITANICA n’est rien d’autre que la période de paix,
de stabilité marqué par l’influence britannique. Cette période débute
avec l’émergence de l’Etat-nation consécutivement aux traités de
Westphalie. Après cela, l’on assistera à la montée en puissance
(puissance navale et commerciale) de la Grande Bretagne, qui va se
construire sur des principes inhérents au libéralisme. C’est donc cette
période qui va être marquée par un tournant libérale dans les années
1830, qui voit Londres se positionner comme la première place
financière du monde, jusqu’à la première guerre mondiale.
Ensuite advient la PAX AMERICANA. Dans l’entre deux
guerres nous allons assister à une fragilisation de l’influence
britannique du fait de son effort de guerre. C’est donc cet affaissement
de l’influence britannique qui va ouvrir la voie à l’émergence des Etats-
Unis comme nouvelle puissance mondiale.
Concernant la PAX AMERICANA vs PAX SOVIETICA elle
renvoie en réalité à la période marquée par la bipolarisation du monde.
C’est donc une ère qui se configure autour d’une double influence : le

22

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Économie politique

bloc américain (Est) et le bloc soviétique (ouest). Elle est donc marquée
par une bataille, une confrontation idéologique, opposant le capitalisme
au communisme. Il était question pour chaque puissance, d’assoir sa
puissance économique et ainsi maintenir une stabilité certaine de leurs
hégémonies au niveau infra systémique. Bien entendu qu’il ne faut pas
éluder la guerre économique qu’impliquait la confrontation
idéologique.
Cependant, dans les années 1990 de grands bouleversements
géopolitiques interviendront, il s’agit de la dislocation du bloc
soviétique c’est-à-dire de l’effondrement de l’URSS et du mur de
Berlin. Ainsi donc va s’ouvrir une dernière période nommée la période
post soviétique.
Enfin l’économie internationale post soviétique sera donc
marquée par des questionnements, mais aussi par des formations
géopolitiques. Sommes-nous retournés à la PAX AMERICANA ? Une
telle question s’avère pertinente tant il est vrai que seul le bloc dirigé
par les Etats-Unis a survécu. Toutefois, un tel raccourci serait fâcheux
pour l’effort de théorisation des relations internationales. Cela
s’explique par le fait que même si la dislocation du bloc soviétique est
intervenue, le monde post moderne connait la puissance et l’influence
économique de la Chine, la puissance géostratégique de la Russie, la
puissance démographique de l’Inde.
C’est cette reconfiguration de l’échiquier géopolitique mondiale
qui se formalise par la mise en place d’un ensemble de puissances
nommés les ‘’BRICS’’. Les BRICS avec le Brésil qui reconfigure la
géopolitique sud-américaine en contrebalançant l’influence américaine
dans la région, les BRICS viennent pour défier la toute-puissance
Américaine. Une telle configuration empêche tout radicalisme ou
raccourci proclamant abusivement la PAX AMERICANA

23

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

3.3. Les défis inhérents à la mondialisation


Les défis inhérents à la mondialisation sont les défis qui
découlent de la nouvelle configuration qui marque et caractérise les
relations internationales actuelles. Il s’agit au niveau purement
paradigmatique de la controverse théorique mettant aux prises néo-
libéralisme et l’alter-mondialisme, de la problématique du
réchauffement climatique. Il s’agit aussi, bien plus au niveau
programmatique, du rapport entre les firmes multinationales et les
droits de l’homme. Nous pouvons également citer la gouvernance
sécuritaire mondiale.
 La controverse théorique
Le néolibéralisme est un paradigme qui rend compte de
l’évolution, de recadrage apporté au libéralisme. Il s’agit dans le cadre
de ce paradigme d’appeler à la constitution de marchés à l’échelle
globale. Cela renvoie en réalité à une sorte de libéralisation des
marchés. Les principes du libre-échange, de la mobilité des capitaux,
de la liberté d’entreprendre sont au cœur du projet néolibéral qui
voudrait également internationalisé les préoccupations des acteurs
sociétaux. Pour cela la suppression de toutes les formes d’entrave est
indispensable.
Ce paradigme a permis l’émergence des firmes multinationales
qui y occupent une place stratégique, dans la mesure où c’est de par
leurs activités elles génèrent des ressources à même de résoudre la
question du bien social. Pour les néolibéraux, l’installation des
multinationales leurs permettra d’utiliser leur large surface financière
pour des investissements. Ces investissements accorderont de l’emploi
et ainsi le taux de chômage sera réduit. Toute chose qui aura pour
impact d’améliorer les conditions de vie des bénéficiaires des emplois
générés et par l’extension de la population.
C’est justement contre une telle idéalisation des firmes
multinationales que l’alter-mondialisme va s’insurger. Pour les alter-
24

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Économie politique

mondialisme, le néo-libéralisme fait l’apologie, d’un ultralibéralisme


qui a des effets pervers. Les firmes multinationales quant à elles, loin
de favoriser systématiquement le bien-être social, vont non seulement
créer une situation de précarité professionnelle (via l’octroi du sous-
emploi) mais aussi et surtout œuvrer à l’exacerbation des conflits (en
finançant les groupes armés).
Pour cela les altermondialistes proposent un libéralisme encadré,
un plafonnement des profits pour éviter une maximisation des profits
qui aurait des effets désastreux. Ils tablent également sur la justice
distributive. Ils appellent à un protectionnisme légitime et à la mise en
place d’un commerce équitable. Pour eux, la protection des droits des
travailleurs et la préservation de l’environnement doivent être placé au
cœur de toutes initiatives de développement.
 La problématique du réchauffement climatique
Il s’agira au niveau de l’analyse de ce défi de parler des
initiatives diplomatique, de dispositions juridiques initiées pour la
protection de l’environnement. Après cela, il sera loisible, possible,
d’aborder la question du réchauffement climatique en tant que question
d’ordre éthique.
Au niveau des initiatives diplomatiques, il faut noter qu’en
1972 à Stockholm (Suède), il y’a eu la conférence sur l’environnement.
Celle-ci a été sanctionnée par l’institution des nations-unies pour
l’environnement. Puis en 1987, nous assistons à l’officialisation du
rapport Brundtland par la commission mondiale sur l’environnement.
C’est le rapport qui va consacrer le concept de développement durable.
En 1992, se tient la conférence de Rio de Janeiro sur l’environnement
et le développement. Cette conférence a été marquée par l’implication
des ONG. Elle a ensuite mis en place de l’agenda 21 qui n’est rien
d’autre qu’un programme d’action à mener au cœur du 21è siècle. En
1997, 2002, 2004, 2007,2009 ce sont tenues successivement les
conférences de Kyoto, Johannesburg, Bonnie, Bali, Copenhague.
25

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

S’agissant du dispositif juridique mis en place pour protéger


l’environnement, il faut citer l’interdiction de polluer les territoires
limitrophes, l’utilisation équitable des ressources. Par ailleurs, en 1979,
les Etats partis concluent la convention de Genèse en Suisse sur la
pollution transfrontalière. En 1985, à Vienne en Autriche est conclue
une convention sur la protection de la couche d’ozone. En 1989, à Bole
en suisse est conclue la convention sur le transport de substances
dangereuses. En 1992, nous assistons à la conférence des nations unies
sur le changement climatique. Dans la même année est signée une
convention sur la protection de la biodiversité. En 1997 est conclu à
Kyoto une convention sur la réduction des émissions des gaz à effet de
serre.
Le réchauffement climatique est en réalité une situation qui
pose une question d’ordre éthique. C’est une thématique qui d’abord
donne lieu à une controverse entre pays du nord et pays du sud.
Pour les pays du nord, la responsabilité écologique doit être collective
ainsi les efforts de résolutions doivent également être collectives. C’est
justement contre une telle position que s’érigent les pays du sud pour
qui la responsabilité environnementale incombe aux pays du nord. Par-
ailleurs, le réchauffement climatique est une opportunité de prise en
compte de l’obligation morale intergénérationnelle. Il s’agit à cet effet
de produire, de se développer, de maximiser le profit tout en
préserv0ant impérieusement l’écosystème et les chances de vie des
postérités, des générations à venir.
 Les firmes multinationales et les droits de l’homme
Depuis certains temps, nous assistons à une démultiplication
des firmes multinationales. Au niveau global (coca-cola, Nike, Apple,
Pepsi, total…) interviennent partout dans le monde. Une telle profusion
de ces sociétés ne peut que poser la question de leurs rapports avec les
droits de l’homme. Une telle question renvoie à l’opposition

26

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Économie politique

paradigmatique préalablement évoquée mettant aux prises néo-


libéralisme et alter mondialisme.
Toutefois, des efforts sont consentis par les firmes
multinationales pour prendre en compte intégralement l’exigence de
respecter les droits de l’homme et ceux dans le cadre de la
responsabilité sociale d’entreprise (RSE).
 La gouvernance sécuritaire
A ce niveau, il conviendra successivement d’aborder
l’évolution paradigmatique du concept de gouvernance, des défis
sécuritaires globaux et les acteurs de la gouvernance mondiale
sécuritaire.
S’agissant de l’évolution paradigmatique, il convient de dire que nous
somme passé du concept de politique internationale de sécurité à celui
de la gouvernance sécuritaire mondiale.
Le premier renvoie à des initiatives d’acteurs étatiques pour
résoudre la question de la sécurité. Nous avons vécu ce concept pendant
la bipolarisation. Pendant cette période, chacune des superpuissances
concevaient et mettaient en œuvre un ensemble de décisions pour gérer
la sécurité à l’intérieur du bloc : c’est la politique internationale de
sécurité. A ce niveau l’impulsion était exclusivement étatique.
Plus tard les Etats vont finir par ne plus être les seuls à gérer la
sécurité, ils vont dorénavant bénéficier du concours d’acteur privés.
C’est la consécration des acteurs de gouvernance. Apres l’effondrement
du bloc soviétique les relations internationales vont connaitre
l’émergence de nouveaux acteurs étatiques que sont les ONG, les firmes
multinationales (compagnies de sécurité privées) et les individus.

3.4. L’intégration économique régionale


Elle est une dynamique spécifique à une sous-région ou une
région donnée et qui consiste pour les Etats de cette entité géopolitique

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

à prendre toutes initiatives pertinentes en vue d’intégrer leurs


économies.
Au niveau purement fonctionnel cela se perçoir par un effort
conjuguer d’éliminer toutes les entraves tarifaires et non-tarifaires à la
libre circulation des personnes et des biens entre Etat membres. Au
niveau institutionnel la dynamique d’intégration renvoie à la mise sur
pied d’institutions douanière, monétaires, commerciales, et même
politique ayant vocation à fédérer les économies nationales.
A terme, toute politique d’intégration économie vise à
mutualiser les efforts en vue de surmonter les obstacles auxquels les
Etats membres font communément face. Deux théories des relations
internationales aident à comprendre la dynamique d’intégration
régionale. Il s’agit d’une part de l’inter gouvernementalisme et d’autre
part du fonctionnalisme.
Si la première met l’accent sur le rôle joué par les élites et autres
institutions politique, la deuxième considère quant à elle que la
dynamique d’intégration est le fruit des interactions entre les milieux
d’affaires, entre les populations de la sous-région ou de la région
considéré. Comme on peut le voir il s’agit de la mise en parallèle de
deux logiques d’intégration. Dans la première configuration il s’agit de
la logique « TOP-DOWN » et la deuxième configuration il s’agit de la
logique du BOTTOM-UP.
En guise d’illustration l’on peut évoquer l’expérience de la
CEDAO et celle d’UE.
Quelles sont alors les défis majeurs qui se posent à la
dynamique d’intégration économie régionale ?
La réponse à cette question commande que l’on convoque
l’évolution récente de l’actualité politique internationale. Deux
évènements majeurs sont pertinents à cet égard à savoir le BREXIT
(british exit) et l’élection de Donald TRUMP.
28

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Économie politique

Conclusion
Comme on n’a pu le voir, l’intégration économique régionale
vise à la fédération des économies nationales aux moyens de la
mutualisation fournie par les Etats membres d’une entité régionale ou
sous régionale. Les exemples de la CEDAO et d’UE suffisent à mieux
faire percevoir aussi bien les enjeux que les challenges inhérents à toute
dynamique d’intégration. S’il est vrai que globalement, l’intégration
économique régionale peut être perçu comme une opportunité, le
BREXIT et l’élection de Donald TRUMP aux USA représentent au
temps d’évolution qui fondent à relativiser la pertinence voir
l’opportunité de l’intégration économique régionale.

29

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

4. Ethique économique
L’éthique économique est un domaine de spécialisation qui
s’inscrit dans le vaste champ de l’éthique appliqué, elle-même
subdivision de la philosophie. L’éthique économique a pour vocation
de disséminer du savoir en vue de promouvoir les bonnes pratiques dans
le domaine économique. En d’autre terme l’éthique économique vise à
savoir si les comportements des agents économiques sont moralement
acceptables ou non, sont générateur de dividende ou non, sont
compatibles aux exigences des droits de l’homme ou non, sont
conforme aux exigences du développement durable ou non.
L’éthique économique a vu naitre plusieurs perspectives
d’analyse a des subdivisions majeures mobilise un certains nombres
d’outils pertinents et repose sur des ressources consignées dans
quelques référentiels normatifs. Les perspectives d’analyse consacre à
l’éthique économique sont la macro éthique économique la méso
éthique économique et la micro éthique économique.
 La macro éthique économique
Elle est la perspective d’analyse qui touche à l’économie
nationale et se préoccupe de savoir si l’orientation donnée à l’économie
nationale est moralement acceptable ou inacceptable. En d’autre terme,
les spécialistes de macro éthique économique seront soucieux de savoir
si l’économie nationale telle que gérée par les pouvoir publics est
efficiente humaine (inclusive) et durable.
Une économie est dite efficiente dans la mesure où elle intègre
efficacité et durabilité. Elle est dite efficace au sens où elle produire de
la richesse comme on peut le voir il s’agit-là d’une l’exigence de
croissance économique. Ainsi obligation est faite au pouvoir public de
veiller à ce que l’économie nationale de stagne point ne s’installe point
dans la torpeur mais bien au contraire da s une dynamique de croissance
de production de richesse. L’indicateur d’une telle évolution
dynamique n’est rien d’autre que le produit intérieur brut (PIB). Toute
30

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Économie politique

la question est dès lors de savoir si une économie aussi dynamique est
forcément humaine.
On dit d’une économie nationale qu’elle est humaine dans la
mesure où elle intègre l’exigence d’inclusion elle-même spécifique au
développement humain. Ici les spécialistes de macro-éthique-
économique se préoccupent de savoir si la richesse produite par
l’économie nationale est équitablement répartie. Une économie
équitablement répartie est une économie qui vise à minimiser les
disparités régionale (équité territoriale) et à lutter contre toute forme de
discrimination économique dont serai victime certaines minorités au
sein d’un Etat donné. Quoi qu’il en soit une économie à visage humain
veillera à consolider le pouvoir d’achat des populations, à réduire
substantiellement la pauvreté et la précarité existentielle et à mettre à
disposition des services sociaux de bases (éducation santé). Une
économie a beau être dynamique et humaine l’on cherchera toujours à
savoir si elle cadre avec les exigences du développement durable.
La notion de durabilité économique renvoie à la protection de
l’écosystème de la biodiversité dans le cadre des initiatives de
gouvernance l’objectif de la macro-éthique économique est ici dévalué
le degré d’éco-compatibilité de l’économie nationale
 La méso-éthique économique
Elle est la perspective d’analyse qui, en éthique économique
touche aux comportements d’agents économiques tels que les
organisations et les entreprises. Toute la question est ici, de savoir si ces
agents économiques à l’instar des pouvoir publics intègrent les
exigences déficiences d’humanisme et de durabilité.
Pour une entreprise par exemple la méso-éthique-économique
cherchera à évaluer le degré de dynamisme de l’activité économique
de celle-ci. Est-ce une entreprise en développement en stagnation ou en
faillite. Pour une entreprise dont la vocation est de générer du profit de
sorte à distribuer des dividendes à ces actionnaires, régler des factures
31

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

de ces fournisseurs, reverser des salaires a ces travailleurs et payer


l’impôt ce serait un crime que de faire preuve de morosité pour ne pas
dire de morbidité économique.
Outre cette exigence de dynamisme les activités d’une
entreprise devront veiller à respecter les droits fondamentaux des
travailleurs toute chose qui passe par le respect de la législation en
vigueur (code du travail). De plus la méso-éthique économique
cherchera à évaluer le degré d’éco-compatibilité des activités d’une
entreprise ou d’une organisation donnée.
 La micro-éthique économique
Elle renvoie à la perspective d’analyse des valeurs et vertus
économiques tel que pris en compte par les individus et les ménages.
Même à ce niveau, les pratiques les attitudes doivent se conformer à
une certaine rigueur économique à des exigences économiques. La
discipline, la gestion efficace, la durabilité, la prise en compte des
perspectives, la citoyenneté, et même dans une certaine mesure la
probité sont les maitres mots qui ressortent en filigrane de ces
exigences économiques.
A ce niveau, les ménages doivent faire l’objet d’une gestion
conséquente de sorte à minimiser les risques, les ménages et autres
éléments d’externalité qui auraient des impacts négatifs. Certaines
activités professionnelles sont aussi le lieu et le cadre de mise en
exergue de la micro-éthique. Il s’agit notamment du métier
d’entrepreneur qui ne saurait se soustraire à un certain nombre
d’exigences économique.
Comme on peut le constater, l’impérieuse nécessité
d’optimiser des actions individuelles et l’exigence d’une gestion
optimale des ménages démontrent l’exigence de règles.

32

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Économie politique

Table des matières


Syllabus .................................................................................................. 3
Introduction ........................................................................................... 6
1. Idéologies politiques et politique économique .............................. 7
2. Economie politique nationale/domestique .................................... 9
2.1. Les écoles de l’économie politique nationale ............................... 9
 Le mercantilisme.......................................................................... 9
 Le capitalisme ............................................................................ 10
 L’économie sociale de marché ................................................... 11
 L’écologisme .............................................................................. 12
 Le keynésianisme ....................................................................... 12
 Les pensées marxistes ................................................................ 13
2.2 La politique économique ............................................................ 13
 Politique économique conjoncturelle ......................................... 14
 Politique économique structurelle ............................................. 14
 Politique monétaire .................................................................... 14
 Politique budgétaire ................................................................... 15
 Politique fiscale .......................................................................... 15
 Les mesures non tarifaires ......................................................... 16
2.3. Le développement holistique ..................................................... 16
2.4. La gouvernance économique ..................................................... 17
Conclusion ......................................................................................... 18
3. Economie politique internationale ............................................. 18
3.1. Les écoles de l’économie politique internationale ...................... 19
 Le réalisme mercantiliste ........................................................... 19
 L’internationalisme libéral ........................................................ 20
 Le structuralisme historique...................................................... 21
3.2. Evolution de l’économie politique internationale ...................... 22
3.3. Les défis inhérents à la mondialisation ..................................... 24

33

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique/Semestre 2

 La controverse théorique ........................................................... 24


 La problématique du réchauffement climatique ....................... 25
 Les firmes multinationales et les droits de l’homme .................. 26
 La gouvernance sécuritaire........................................................ 27
3.4. L’intégration économique régionale .......................................... 27
Conclusion ...................................................................................... 29
4. Ethique économique ................................................................... 30
 La macro éthique économique ................................................... 30
 La méso-éthique économique..................................................... 31
 La micro-éthique économique ................................................... 32

34

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Économie politique

Économie politique
Botiagne Marc ESSIS

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Histoire des idées


politiques 2 : de la
Renaissance à nos jours
Michel Kokora GNEBA

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Histoire des idées politiques 2 : de


la Renaissance à nos jours

Michel Kokora GNEBA

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Sommaire
0.Introduction ............................................................................................................................ 3

PREMIÈRE PARTIE : LA NAISSANCE DES IDÉES POLITIQUES


MODERNES ET LE TRIOMPHE DE L’ABSOLUTISME .......................................... 6
CHAPITRE 1 : LA RÉFLEXION POLITIQUE À L’ÉPOQUE DE LA
RENAISSANCE........................................................................................................................ 6
A- Machiavel ............................................................................................................ 7
B. La Réforme ........................................................................................................... 11
CHAPITRE 2 : LE TRIOMPHE DE L’ABSOLUTISME ........................................... 24
A- La raison d’Etat ................................................................................................ 24
B- L’absolutisme théocratique ............................................................................. 29
C- L’école du droit de la nature et des genres ..................................................... 32
DEUXIÈME PARTIE : LA TRANSITION ANGLAISE ET LE RECUL DE
L’ABSOLUTISME ................................................................................................................ 41
Chapitre1 : La transition anglaise ...................................................................................... 41
A. La révolution puritaine .................................................................................... 41
B. Thomas Hobbes (1588-1679) ou le pouvoir totalitaire .................................. 43
C. John Locke (1632-1704), un inconditionnel de la liberté .............................. 45
CHAPITRE 2 : LE RECUL DE L’ABSOLUTISME .................................................... 51
A. Montesquieu (1689-1755), le refus du confusionnisme politique ................. 51
B. La diffusion des idées anglaises ....................................................................... 53
C. Le despotisme éclairé........................................................................................ 55
Troisième partie : Révolution et contre-révolution ........................................................ 61
Chapitre 1 : Les progrès de la contestation ...................................................................... 61
A. Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) : un fanatique de l’égalité ............. 61
B. La contestation radicale ................................................................................... 64
C. Les idées prérévolutionnaires .......................................................................... 65
Chapitre 2 : Révolution et contre-révolution ................................................................... 75
A. Le mouvement révolutionnaire ....................................................................... 75
B. Le mouvement contre-révolutionnaire ........................................................... 77
C. La recherche d’un moyen terme, puis confrontation et affrontement entre
libéralisme, socialisme et nationalisme (XIXè – XXè siècle) ................................. 80

Conclusion générale ............................................................................................................. 110

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

0. Introduction

0.1. Bref rappel de la réflexion et de la vie politiques en


Occident de L’Antiquité à la fin du Moyen-Âge
De l’Antiquité à la fin du Moyen-Âge, l’Occident a connu des penseurs
qui ont mené des réflexions destinées à l’organisation étatique de leurs
différentes sociétés. Ces réflexions se sont concentrées en majorité sur
le type de régime pouvant garantir le bonheur des habitants d’un Etat.
Et là se dégage une nette préférence pour la monarchie. Certes, Athènes
et Sparte, les deux Cités-Etats les plus connues de l’Antiquité grecque
ont fonctionné l’un (Sparte) sous un régime aristocratique, l’autre
(Athènes) sous un régime dit démocratique ; mais les penseurs grecs et
romains de cette époque (de Socrate à Cicéron et Pline Le Jeune, en
passant par Platon, Protagoras, Xénophon, Aristote et Polybe) ont
prôné un pouvoir politique exercé soit par un homme sage (le roi-
philosophe de Platon, l’homme providentiel de Cicéron ou l’homme
aux qualités exceptionnelles de Pline Le Jeune), soit par un ensemble
égalitaire d’instances exploitant les vertus/avantages de la monarchie,
de l’aristocratie et de la démocratie (Polybe et Cicéron).
Avec l’avènement du christianisme et son érection en religion officielle
de l’Empire romain en 380 par l’Empereur Théodore 1er d’Orient, cette
confession acquiert une très grande importance dans la vie des hommes
de cette époque. Malgré la naissance de l’islam (en 610), de son
extension et de sa pénétration en Occident, l’importance de l’Eglise
chrétienne n’a pas faibli. Avec la chute de l’Empire romain d’Occident
en 476, l’Eglise, forte de son organisation méticuleuse, reste la seule
institution régissant l’immense population que constitue la chrétienté
vivant sur un territoire très vaste. Le Pape, le chef de la chrétienté,
jouissait d’une autorité que n’avait aucun détenteur de pouvoir
temporel.
Que certains penseurs de cette époque (en majorité des ecclésiastiques
dont des Papes) aient voulu absorber le pouvoir d’Etat dans l’Eglise

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

chrétienne, n’était que chose évidente. Dans l’histoire de la pensée


politique en Occident, cette tendance est connue sous l’appellation
d’augustinisme politique. Et pourtant, conformément à la ligne tracée
par l’empereur Constantin (306-337) dans la gestion des rapports entre
l’autorité spirituelle et le pouvoir temporel, Saint Augustin (354-430),
dont le nom a été donné à cette doctrine politique, n’a jamais revendiqué
une quelconque supériorité de l’autorité spirituelle sur le pouvoir
temporel.
Avec l’avènement de la grande entité étatique qu’était Le Saint Empire
Romain Germanique, une lutte de prééminence entre le détenteur du
pouvoir temporel et celui de l’autorité spirituelle s’est déclenchée.
Malgré le Concordat de Worms (1122) qui était censé y mettre
définitivement fin, cette lutte a servi de toile de fond à toute la pensée
et à la vie politiques du Moyen-Âge en Occident.
0.2. Esquisse des conditions de naissance des Temps modernes
et caractérisation de la réflexion et de la vie politiques à
cette époque
Le XVè siècle a été marqué par des événements bouleversants dans la
vision du monde et la vie des hommes d’alors.
- 1450 : « Invention » de l’imprimerie par Jean Gutenberg;
- 1492 : La découverte de l’Amérique par Christoph Colomb ;
- 1498 : Vasco de Gama passe le Cap de Bonne Espérance et arrive
à Calcutta (Inde). Le rêve d’une route de l’Inde contournant
l’Afrique est devenue réalité.
- En 1530, à la fin de la troisième décennie du XVI è siècle se
produit la fameuse révolution copernicienne portée au grand
jour par la publication en 1543. du livre de Nicolas Copernic
(1473-1543) intitulé De Revolutionibus orbium caelestum (= De
la révolution des sphères célestes).
Tout ceci a amené les hommes du XVIè siècle à se sentir investis de
très grandes capacités à même d’assurer leur autonomie dans la
conduite de leur vie. C’est l’avènement d’un homme nouveau dans un
monde nouveau ; c’est La Renaissance, le début des Temps
4

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

modernes. L’importance acquise par l’homme a donné naissance à une


culture principalement consacrée à la connaissance de l’homme et à tout
ce qui se rapporte à sa vie : l’Humanisme.
A partir de cette époque, la réflexion et la vie politiques en Occident,
bien qu’il y existe encore un certain atavisme rappelant l’époque
médiévale, se caractérisent par la manifestation de plus en plus forte de
l’indépendance du temporel de la chose spirituelle. Il s’agit ici de suivre
cette évolution depuis le début jusqu’à nos jours en faisant ressortir les
trois grandes étapes de son articulation que sont :
- La naissance des idées politiques modernes et le triomphe de
l’absolutisme ;
- La transition anglaise et le recul de l’absolutisme ;
- La révolution et la contre-révolution, la confrontation et
l’affrontement entre libéralisme, socialisme et nationalisme
(XIXè – XXè siècle).

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

PREMIÈRE PARTIE : LA NAISSANCE DES IDÉES


POLITIQUES MODERNES ET LE TRIOMPHE DE
L’ABSOLUTISME

CHAPITRE 1 : LA RÉFLEXION POLITIQUE À L’ÉPOQUE


DE LA RENAISSANCE

Caractéristiques de cette nouvelle époque


La nouvelle époque qu'est la Renaissance commence à la fin du Moyen-
Âge. Selon la distinction classique, le Moyen-Âge s'étend de la chute
de l'empire d'Occident en 476 jusqu'à la chute de l'empire d'Orient
en 1453. Cette dernière (la chute de l’empire d’Orient) provoque en
Europe un afflux d'érudits et d'écrits. En effet, la chute de
Constantinople va couper la route de l'Orient et va pousser les
Européens à trouver de nouvelles voies pour accéder à l'Inde et ses
épices. C'est ainsi que Christophe Colomb découvre l'Amérique en
1492. Les Portugais vont tenter d'accéder aux Indes en passant par le
Cap de Bonne Espérance. En 1498, Vasco de Gama atteint Calcutta aux
Indes .On ne peut toutefois pas dire que le renouveau date seulement de
la chute de Constantinople.
En Italie, la Renaissance commence avant. Dès le début du 15e siècle,
le renouveau économique et intellectuel avait commencé. Mais le pays
reste morcelé politiquement, car les petits Etats italiens sont souvent en
guerre. Cela provoque des interventions étrangères en Italie. On parlait
des "guerres d'Italie". La présence militaire étrangère en Italie va
permettre à la Renaissance Italienne de rayonner dans toute l'Europe.
La renaissance italienne va générer des idées nouvelles reposant sur la
redécouverte d'idées antiques. D'où le terme de "renaissance" qui
signifie "redécouverte des idées antiques". Cette renaissance favorise le
développement de ce que l'on appelle l'humanisme Sous la Renaissance,
il y a un grand mépris pour le Moyen-Âge, époque qualifiée de barbare
ou gothique. Au XVe siècle, on redécouvre les textes originaux des

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

anciens. Ce retour aux textes anciens est aussi une redécouverte de


Platon et de son esprit de libre discussion. On critique Aristote qui
apparaît alors trop systématique, incompatible avec la pensée inventive
de l'époque. Cet esprit nouveau prend sa consistance dans ce que l'on
appelle l'Humanisme. C'est la foi en l'homme, dans l'avenir, le progrès,
l'avidité de connaissances nouvelles, d'expériences de toute sorte, la soif
de réalisation de l'homme (sur terre et non plus seulement au ciel).
L'humanisme c'est aussi l'esprit de libre examen personnel. Alors qu'au
Moyen-Âge, on considérait les textes anciens comme ayant une autorité
indiscutable, sous la Renaissance, avec l'apparition du nominalisme, on
considère que tout est susceptible de critiques par la raison individuelle.
Finalement, cette perspective humaniste signifie "culture laïque";
l'homme et sa réalisation dans la vie terrestre devient le centre des
préoccupations des penseurs de l'époque.

A- Machiavel

L'ŒUVRE DE MACHIAVEL (1469-1527)


1. LE CONTEXTE POLITIQUE

A l'époque de Machiavel, l'Italie est composée de 4 grandes


principautés : Rome, Florence, Milan et Venise. Elles sont souvent en
guerre les unes avec les autres. Par leur taille, leur fonctionnement, ces
principautés ressemblent assez aux villes-Etats de la Grèce antique. En
Italie, le problème politique, c'est celui de l'existence même de l'Etat et
de son maintien. Les interventions étrangères et la présence du Pape
compliquent davantage les choses. En Italie, le Pape est à la fois un
souverain temporel et un souverain spirituel
Le cas de Florence
Cette ville, dont relève Machiavel, est, depuis 1434, sous la
domination des Médicis, la plus riche famille de commerçants de la
ville. En 1494, le roi de France Charles VII entraîne la chute des
Médicis. C'est le début de la République ; mais elle tombe sous
7

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

l'influence de Jérôme Sabonarol qui établit une dictature de 1494 à


1498. Il est brûlé vif par les Florentins. En 1592, les Médicis, appuyés
par les Espagnols, reprennent le pouvoir.
2. LA VIE DE MACHIAVEL
Nicolo Machiavel est un Florentin. Il y a passé toute sa vie. Peu après
la chute de Sabonarol, il devient fonctionnaire de la République.
Après la mort de Sabonarol, Machiavel est nommé la même année
(1498) secrétaire de la Seconde Chancellerie de Florence. Jusqu’en
1512, il accomplira de nombreuses missions diplomatiques. En 1506, il
se voit confier l'organisation d'une milice pour les activités militaires de
la ville. Grâce à celle-ci, il organise le siège de Pise. Mais en 1512, sa
milice est décimée par la Ligue conduite par le Pape. Le retour des
Médicis qui le trouvent suspect conduit Machiavel en prison, puis
en exil. C'est alors qu'il rédige des œuvres politiques avec le but de se
faire bien voir par les Médicis, afin de retrouver une fonction publique.
Il y parvient, mais retrouve des fonctions moins importantes que celles
qu'il avait assumées par la passé. Il sera à nouveau chargé de la défense
de la ville, et, encore une fois, ce sera un échec.

3. SON ŒUVRE

L'œuvre de Machiavel est très importante et très variée: elle traite de la


politique, de l’histoire et est littéraire. Elle demeure néanmoins
méconnue de son vivant. Parmi ses ouvrages historiques, il a écrit, à
l’instigation du Pape Clément VII, une Histoire de Florence (1521-
1525). Parmi ses œuvres politiques, "Le Prince ʺ, écrite en 1513, reste
la plus connue. Elle a été écrite dans le but de séduire les Médicis. Elle
n'a été publiée qu'en 1531, après la mort de Machiavel. Il en est de
même de son ouvrage intitulé Images des choses d’Allemagne qui ne
fut publié qu’en 1532 alors qu’il a été écrit en 1508. Autre œuvre
politique "l'Art de la Guerre" (1521).

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

4. LES FONDEMENTS DE LA PENSEE DE MACHIAVEL


Machiavel affirme la concrète séparation du politique et du religieux
allant jusqu'à subordonner le second au premier. Machiavel se montre
hostile au catholicisme dont il conteste surtout les orientations
religieuses fondamentales notamment son universalisme. Il conteste
aussi et surtout son idéalisme
Il faut également noter ¨ le complet amoralisme de la politique. Pour
Machiavel, la morale ne concerne que la vie privée. Dans la perspective
de l'action publique, la morale ne tient pas. Ici, la fin justifie les
moyens. Machiavel considère cependant que le gouvernement juste et
honnête est beaucoup plus efficace, car une telle attitude accroît son
pouvoir. Mais, il peut arriver que les vices et la mauvaise foi soient
nécessaires et efficaces. Ces idées sont appliquées par Machiavel aux
révoltes et aux complots. Machiavel ne les apprécie que selon l'intérêt
qu'ont ceux qui les font et les font faire et selon les chances de réussite.
5. LE CONTENU DES IDEES DE MACHIAVEL
Pour Machiavel, la finalité de la politique, c'est la puissance, aussi bien
pour l'Etat que pour l'Individu. On est loin de la recherche du bien
commun. Cette recherche de la puissance, elle se fait d'abord en
politique intérieure et dans cette perspective, la maîtrise de l'opinion
publique est très importante pour Machiavel. En politique extérieure,
Machiavel accorde un rôle important à la guerre. La participation à la
vie politique est essentiellement un plaisir. Pour réussir en politique, il
faut avoir de la « vertu » (de la force, de l'habileté). On peut alors
réaliser l'accomplissement de soi sur le modèle de l'antiquité romaine.
Mais cela n'est pas à la portée de tous ; tous les hommes ne disposent
pas de cette « vertu ». Mais la vertu à elle seule ne suffit pas pour réussir
en politique, il faut aussi de la « fortune » (de la chance, du hasard
favorable). Mais, grâce à la vertu, il est possible d'obtenir la fortune ;
car, pensait-il, comme toutes les femmes, la vertu a besoin d'être forcée

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

6. SON PRINCIPAL OUVRAGE POLITIQUE : "LE


PRINCE"
Le titre original de l’ouvrage est "Des Principautés" ; mais il est plus
connu sous le titre plus représentatif de Le prince. En effet, Machiavel,
dans ce livre, parle de l'homme politique et de son pouvoir. Le livre est
dédié à Laurent de Médicis, dans l'espoir de rentrer dans ses bonnes
grâces. C'est l'un des livres les plus connus de l'histoire de la pensée
politique. Il ne contient aucune théorie politique explicite ; ce ne sont
que des recettes de politique pratique.
La première partie de l'ouvrage décrit les différentes façons dont
quelqu'un peut obtenir une principauté. La deuxième partie traite des
comportements et des qualités requis pour obtenir une principauté. Les
fondements de cette œuvre son implicites. Ils se présentent sous trois
aspects :
- L'objet de la politique, pour Machiavel, c'est la puissance, le désir
de domination qui est l'essence même de la nature humaine. Aussi, la
guerre doit-elle être l'instrument quasi principal de la politique. Pour
Machiavel, il importe plus d'avoir les moyens matériels qu'intellectuels
pour imposer ses idées. Il est nécessaire pour le prince de s'assurer le
soutien de l'opinion publique, les armées de citoyens étant plus
efficaces que les armées de mercenaires. Le prince a donc intérêt à
ménager l'opinion publique pour s'assurer son soutien. Cela ne fera que
renforcer sa puissance intellectuelle. Mais il peut aussi renforcer sa
puissance en se faisant craindre. Pour Machiavel, il importe pour le
prince à la fois de se faire aimer et de se faire craindre. S'il est nécessaire
dans certains cas de choisir entre les deux, alors mieux vaut se faire
craindre que d'être aimé.
- Les moyens de la politique : Dans "Le prince", Machiavel fait l'éloge
des pires procédés politiques. Il recommande de faire soi-même ce qui
attire la reconnaissance et de faire faire par les autres ce qui peut attirer
l’animosité. "Il y a deux manières de combattre ; l'une par les lois,
l'autre par la force. La 1re est propre aux hommes, la seconde propre
10

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

aux bêtes ; mais quand la 1re ne suffit pas, il faut recourir à la 2nde. Les
actes de bien doivent être effectués petit à petit alors que les actes
mauvais doivent l'être rapidement.
- Le contexte de la politique : "l'homme est nécessairement mauvais, on
ne peut donc se comporter au milieu des hommes mauvais comme un
homme de bien".
B. La Réforme
1 – LES EVENEMENTS

La Renaissance est marquée par le développement d'hérésies et de


schismes. Le fait de se distancier de la doctrine de l’Eglise est un
phénomène qui, déjà à cette époque, n'était pas nouveau dans l’histoire
de cette institution. Mais, cette fois, il va réussir à diviser la
communauté religieuse d'Europe occidentale et provoquer des guerres
de religion.
Au Moyen-Âge déjà, il était apparu deux grandes hérésies. La
nouveauté réside en fait dans l'ampleur du mouvement réformiste et
aussi dans le succès de ce mouvement ; car, contrairement aux autres
hérésies, qui tendent à disparaître, la Réforme Protestante s'impose.
Deux principaux réformateurs caractérisent cette nouvelle orientation.
Ce sont : Martin Luther et Jean Calvin.
Martin LUTHER (1483-1546), un Allemand né en 1483 à Eisleben,
est devenu moine dans l’ordre de Saint Augustin et professeur de
rhétorique à l’Université de Wittenberg. En 1517, il affiche ses 95
thèses sur les portes de l'Eglise de Wittenberg pour protester contre le
trafic des indulgences auquel se livrait la papauté. En 1521, à l’issue de
la diète impériale de Worms où il refuse d’abjurer, il rompt avec la
papauté. Une des raisons de son succès est qu'il bénéficie de la
protection des princes -électeurs allemands qui trouvent dans son
mouvement un soutien à leur volonté d'émancipation vis-à-vis du Pape.

11

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Jean CALVIN (1509-1564), un Français né en 1509 à Noyon


(Picardie). Entré très jeune dans la vie religieuse, il étudie à Paris, à
Orléans et à Bourges (1523-1530). C’est à Bourges qu’il fut gagné aux
idées réformistes sous l’influence de son professeur de grec, Melchior
Wolmar. Installé à Paris, Calvin y fréquenta les humanistes, notamment
Guillaume Budé et Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris. En
1533, il rédigea Le discours de Cop, véritable manifeste des idées
nouvelles (réformistes) qui scella son adhésion définitive à la Réforme.
En 1536, alors en exil à Bâle (Suisse), il publie "Institution de la
religion chrétienne". Suite à cet ouvrage, Calvin est appelé à Genève
pour assurer la protection des habitants convertis au Calvinisme. Il
devient alors le chef spirituel de Genève. La réforme protestante
(disciples de Luther) s'inscrit dans le prolongement des idées
nominalistes qui se sont développées à la fin du Moyen-Âge et met en
avant l'interprétation personnelle par chaque chrétien de sa relation avec
Dieu. Face à la discipline en matière de dogme imposée par le
Catholicisme, cette doctrine protestante entraîne la multiplication de
sectes diverses. A l'époque de Luther, vont se multiplier en Allemagne
les cultes anabaptistes. Ces sectes vont donner lieu à une terrible révolte
paysanne à laquelle va s'opposer Luther, apportant son soutien aux
princes allemands. Les cultes d'interprétation calviniste vont aussi
multiplier la diversité des dogmes religieux. Par exemple, en 1564 est
créée la secte des Puritains et en 1647 la secte des Quakers fondée par
un certain George Fox. Ces Quakers seront à l'origine de la fondation
de la Pennsylvanie en 1680. Cette multiplication des schismes va
provoquer des guerres de Religion.
En France, ces guerres de religion commencent en 1562 et plus
tardivement qu’ailleurs. On connaît le massacre de la Saint
Barthélemy dans la nuit du 23 au 24 Août 1572. En 1576, la création
de la ligue, association de défense du catholicisme entraîne le
rapprochement du Roi avec le chef des protestants. Henri III est
assassiné en 1589 et c'est alors Henri IV, protestant, qui devient
l'héritier du trône. La population s'y oppose et finalement il se convertit
12

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

au catholicisme. En 1598, l'Edit de Nantes met fin aux guerres de


Religion en France mais il sera mal accepté par les extrémistes religieux
qui assassinent Henri IV en 1610.
En Allemagne, les guerres de religion commencent plus tôt. Dès 1529,
les princes protestants entrent en lutte avec l'Empereur Charles Quint
qui veut "unifier" la religion des Etats allemands. Les tensions se
calment avec la paix de Habsbourg qui instaure la paix religieuse entre
luthériens et catholiques.
En Angleterre, dès 1533, Henri VIII rompt avec Rome mais Marie
Tudor imposera de nouveau le catholicisme vers 1550. Les guerres
religieuses ne se limitent pas au 16e siècle. En effet, en France, même
après l'Edit de Nantes (1598), on connaîtra quelques troubles. Pour
affirmer son pouvoir, Louis XIV révoquera l'Edit de Nantes, ce qui
provoquera l'exil des protestants.
En Allemagne, la guerre de 30 ans (1618-1648) s'achève par le Traité
de Westphalie qui aboutit à la reconnaissance de 3 églises chrétiennes
(catholicisme, protestantisme et Calvinisme). En Angleterre, les
conflits religieux alimentent encore la pensée politique tout au long du
17e siècle. Jacques 1er (1603-1625) développe une pensée religieuse où
le Roi est le monarque absolu et le chef de l'Eglise. Les catholiques sont
alors persécutés et les puritains doivent s'exiler aux Etats-Unis en 1620.
En 1625, Charles 1er continue la même politique et entre en conflit avec
le parlement dominé par les puritains. Pendant quelques temps encore,
l'Angleterre connaîtra une grande agitation politique sur fond religieux.
Ces guerres de religion dégénèrent souvent en guerres internationales,
car les Etats ont souvent tendance à intervenir dans les guerres de leurs
voisins. En réalité, l'internationalisation des conflits religieux ne va pas
se faire en fonction des affinités religieuses mais plutôt en fonction des
intérêts politiques. Ainsi François 1er s'allie avec les princes protestants
pour s'opposer à l'empereur Charles Quint et aux Espagnols. Ces
conflits marquent la fin de l'unité de la Chrétienté, la disparition d'une
autorité spirituelle commune. Avec l'absence de point de vue religieux
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

commun. Les penseurs vont alors chercher des règles communes sur
des bases laïques et rationnelles. Il va également se développer des
doctrines de droit naturel qui entendent établir un droit international
commun à l'Europe permettant de résoudre les conflits sur d'autres
bases que celles du Catholicisme.

2 – LES IDEES POLITIQUES

Les changements religieux vont susciter des changements concernant


les idées politiques :

a- Dans un 1er temps, les changements religieux entraînent le


développement d'idées absolutistes.
Ce sont les idées des grands réformateurs protestants (Luther et Calvin)
mais aussi des hommes politiques qui pensent qu'il faut développer
l'absolutisme du pouvoir pour rétablir l'ordre.
Les idées de Luther
Luther est l'auteur d'une œuvre abondante. Certains de ses ouvrages
touchent à la politique. En 1523, il écrit "De l'Autorité séculière :
Jusqu'à quel point lui doit-on obéissance ?" En 1526, il écrit "les
soldats peuvent-ils parvenir à la béatitude ? " Pour Luther, toute
autorité vient de Dieu. L'autorité a un but répressif : punir le pêché des
hommes. Pour cela on utilise la force et les individus n'ont aucun droit
de résistance. Certes, le prince peut être un Tyran, mais cela est voulu
par Dieu. Les sujets n'ont donc aucun droit de révolte. Cependant, cela
n'empêche pas le chrétien de demeurer toujours libre dans sa
conscience. Pour Luther donc, le titulaire de l'autorité temporelle
dispose d'un pouvoir répressif illimité sans que l'on puisse lui opposer
un droit de résistance, même s'il se comporte en Tyran.
Les idées de Calvin
Elles sont exprimées dans "Institutions de la religion chrétienne"
(1536). Calvin adopte l'idée traditionnelle d'après laquelle tout pouvoir
vient de Dieu. A la différence de Luther, Calvin admet que si ce pouvoir
14

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

venait à être tyrannique, on peut lui opposer résistance mais cette


résistance doit être purement passive. A Genève, Calvin a un pouvoir
purement spirituel. Mais en pratique, les magistrats de Genève,
autorités temporelles sont entièrement subordonnées au pouvoir
spirituel de Calvin. Pour Calvin, ces magistrats doivent exercer leur
pouvoir conformément à la volonté de Dieu, dictée par le représentant
de Dieu, en l'occurrence Calvin lui-même. Dans cette perspective,
Calvin n'admet aucune liberté de conscience. Finalement, Calvin a une
pensée plus absolutiste que Luther.
Le point de vue des hommes politiques
Pour les hommes politiques, leur principale préoccupation est de
maintenir leur pouvoir. Pour cela, ils mettent en avant l'absolutisme de
leur autorité qu'ils tiennent de Dieu lui-même. Ces idées absolutistes
réussiront à triompher grâce à la lassitude de l'opinion publique qui
souhaite le retour de l'ordre, de l'autorité royale. Ces hommes politiques
ne sont pas favorables à la liberté de conscience. Un seul auteur y est
favorable : Sébastien Castellion. Mais il est nécessaire de trouver un
compromis politique. Aussi, comme pis-aller, on admet la liberté
religieuse avec l'arrière-pensée d'y mettre fin dès que cela sera possible.
L'idée fondamentale de ces auteurs est de restaurer l'autorité de l'Etat
pour rétablir l'ordre matériel. Dans cette perspective, s'impose le
principe de la religion d'Etat. Chaque prince est maître de la religion de
son Etat. Il peut accepter avec plus ou moins de tolérance les autres
cultes mais chaque prince est seul maître de cette tolérance.
b- Dans un 2e temps, les réformes religieuses entraînent le
développement d'idées démocratiques.
Elles sont le fait d'auteurs dits "monarchomaques". Au début, ce sont
des auteurs protestants. Leurs idées sont ensuite reprises par des auteurs
catholiques. Ces idées constituent une réaction à la nuit de la Saint-
Barthélemy (du 23 au 24 Août 1572). Ces idées vont évoluer par la suite
et certains ouvrages encourageant la résistance face à un prince
tyrannique vont paraître. Ce droit de résistance, bien évidemment, est
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

également exprimé par des auteurs catholiques. Il sera repris au début


du 17e siècle surtout par des auteurs jésuites. Mais dans un 1er temps,
ces idées démocratiques ne vont pas triompher ; ce sera plutôt
l'absolutisme. C’est beaucoup plus tardivement que les réformes
religieuses donneront naissance à des idées libérales. La réforme
religieuse n'est donc pas accompagnée au départ par la liberté de
conscience, mais plutôt par la volonté d'imposer ses idées nouvelles aux
autres. Pendant longtemps, la tolérance ne sera conçue que comme un
compromis rendu nécessaire pour maintenir la paix civile. Jamais, la
liberté de conscience n'est conçue comme une valeur positive. Un
exemple : Les puritains, membres d’une secte issue du Calvinisme,
furent d'abord persécutés avant d'obtenir le droit d'accomplir leur culte,
mais aux Etats-Unis. Ils y fondent la colonie du Massachusetts. Sur le
bateau, ils concluent un contrat d'association volontaire entre tous les
membres pour fonder la nouvelle colonie. Mais celle-ci ne prévoit
même pas la liberté de conscience en son sein. Cependant, les choses
vont évoluer dans les colonies américaines, notamment à partir du 17 e
siècle. Deux auteurs sont importants à cet égard :

c. La montée de l’absolutisme

L'institution d'Etats souverains et indépendants est acquise dès le


Moyen Age. L'idée d'une monarchie universelle est finalement
abandonnée à la Renaissance. S'impose dès cette époque l'idée d'un
absolutisme monarchique. Il y a alors des Etats indépendants mais au
sein de ceux- ci un monarque qui n'a pas de pouvoir absolu. Il s'établit
ainsi des monarchies tempérées souvent mises en doctrine au début du
16e siècle. Ces doctrines prennent différentes formes. Elles perdront
ensuite leur influence et seront supplantées dans les faits par des
régimes absolutistes dès la fin du 16e siècle. C'est la conséquence des
guerres de religion. L'auteur Jean BODIN sera le précurseur de la
doctrine absolutiste.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

1 – LES DOCTRINES DE LA MONARCHIE TEMPEREE

L'humanisme chrétien prend une forme traditionnelle chez Claude de


Seyssel (1450-1520). Claude de Seyssel est un juriste qui devient
évêque de Marseille puis archevêque de Turin. Avant cela, il était le
conseiller du Roi de France Louis XII. Dans son ouvrage "La grande
monarchie de France", Claude de Seyssel fait l'éloge de la monarchie
tempérée qui assure un équilibre entre l'autorité et la liberté qui limite
le pouvoir du Roi dans le seul but de l'empêcher de mal gouverner.
Claude de Seyssel considère donc que la monarchie est freinée par 3
éléments :
- La foi en Dieu ;
- La morale ;
- Le respect de la liberté d`autrui
Heras (1469-1536) est un autre auteur qui a contribué à cette doctrine.
Originaire des Pays-Bas, il étudie à Oxford où il deviendra ami de
Thomas More, futur chancelier d'Angleterre. Heras voyage beaucoup.
On le surnomme "le prince des humanistes". Il est célèbre de son vivant
du fait de son œuvre très abondante.
Dans son ouvrage "Les Institutions du prince chrétien" (1516), Heras
soutient que le prince doit se comporter en bon chrétien. Pour cela, il
doit recevoir une bonne éducation chrétienne et une fois prince, il devra
encore être bien conseillé. Pour Heras, le pouvoir est légitime dès lors
qu'il s'exerce pour le bien commun. Heras a, semble- t-il, un point de
vue moraliste de la politique : pour lui, il s'agit de gouverner selon
l'Evangile.

2 – LES THEORIES ABSOLUTISTES

Dès la fin du 16e siècle, les théories de la monarchie tempérée tendent


à décliner. Elles envisagent de moins en moins de freins institutionnels.
En effet, avec les guerres de religion, il se fait sentir de plus en plus le
souci de rétablir l'ordre, la volonté de placer le roi au- dessus des parties.
Le point de vue des politiques qui entendent assurer au monarque un
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

pouvoir absolu sera exprimé par Bodin dans "Les six livres de la
République". Ce point de vue sera soutenu par l'opinion publique et
triomphera avec l'avènement d’Henri IV. Le tournant qui a provoqué
ces nouvelles tendances idéologiques, c'est le massacre de la Saint
Barthélemy. Certes Bodin désapprouve cet événement, mais il conteste
ceux qui concluent de ce massacre le droit de se révolter. Pour Bodin,
soutenir l'insoumission et le tyrannicide à cause de ce massacre, n'est
pas un argument recevable. Jean BODIN (1530-1596) est un juriste.
Avocat au Parlement de Paris, il participe plutôt aux débats des
représentants des partis politiques. En 1571, il devient le conseiller du
4e fils de Catherine de Médicis, le Duc d'Alençon, futur Duc d'Anjou.
Il l'accompagne pendant ses voyages, mais Bodin finira par perdre son
protecteur qui meurt en 1584. Entre- temps, Bodin devient député aux
Etats Généraux de Blois. Il s'y exprime sur le problème de la division
religieuse de la France et manifeste l'idée qu'il faut, au moins
provisoirement, admettre l'existence de deux religions. Bodin est en
faveur de l'unité religieuse mais refuse tout recours à la force pour
l'imposer. Plus tard, il sera procureur du Roi à Lens. Alors que dans sa
"Méthode pour faciliter la connaissance de l'histoire" (1566) Bodin
défend l'idée d'une monarchie tempérée, il rompt avec ce point de vue
après la Saint Barthélemy. Dans "Les six livres de la République",
Bodin défend une doctrine absolutiste. Il critique ceux qui ont provoqué
le massacre de la Saint Barthélemy, mais aussi ceux qui prennent
prétexte de ce massacre pour déclencher la révolte. « Il faut, dit-il, qu'il
y ait dans la société une autorité incontestable, dont le rôle est de
trancher le débat de façon absolue pour assurer la paix sociale ». Il
s'agit donc d'une monarchie absolue, cependant limitée à sa sphère : le
domaine public. Tout en soutenant l'absolutisme, Jean Bodin n'est pas
favorable à un pouvoir arbitraire. Il souhaite que le Roi respecte Dieu
et les lois de la nature. On reconnaît ici une influence de Claude de
Seyssel.
Les six livres de la République Dans la préface de l'ouvrage, il apparaît
clairement que Bodin entend par République, la Res Publica (= la chose
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

publique). Il est contre les idées de Machiavel. Pour lui, l’impiété et


l’injustice ne débouchent que sur la tyrannie. Il est aussi opposé à l'idée
d'une rébellion des sujets contre leur prince, théorie plus dangereuse
encore que la théorie machiavélique, car de telles rébellions entraînent
l'anarchie ; ce qui est pire. Dès le début de l'ouvrage, Bodin définit ainsi
la République : « C'est un droit de gouvernement de plusieurs
ménages en ce qui leur est commun avec puissance souveraine »:
Dans le second livre de la République, Bodin explique qu'il existe trois
sortes de Républiques selon le titulaire de la souveraineté. Bodin nous
dit qu'il faut faire une distinction importante entre la forme de l'Etat et
la forme de gouvernement : les Etats se distinguent selon le titulaire de
la souveraineté mais quel que soit celui-ci le gouvernement peut être
organisé de façon différente selon la manière dont sont attribués les
pouvoirs. Bodin distingue deux sortes de monarchie :
- celle où le monarque souverain respecte les lois de Dieu et de la
nature, la liberté naturelle des sujets, leur droit de gouverner leur
famille en toute indépendance ;
- celle où le monarque exerce un pouvoir sans limite, totalement
injustifié. Il ne gouverne que selon son profit personnel. Dans ce
cas, les sujets peuvent désobéir ou fuir mais pas le tuer. Sinon, il
y aurait toujours quelqu'un pour prétendre que le Roi est
tyrannique, rien que pour l'assassiner.
Dans les quatre derniers livres, Bodin livre ses réflexions sur la place
du prince souverain. Il estime que le prince est souverain :
- par rapport aux parties ;
- sur la question de savoir quelle est la meilleure forme de
gouvernement.
En outre, l'égalité ayant tendance à dégénérer en communisme, ce qui
est contraire à la loi de Dieu et de la nature, pour Bodin, la meilleure
forme d'Etat c'est la monarchie. Elle est, pour lui, la forme la plus
naturelle de gouvernement. En étant héréditaire, la monarchie assure la
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

stabilité. De plus, le Roi ne gouverne pas uniquement en fonction de


son intérêt présent, mais aussi pour celui de son fils qui lui succédera,
pour sa postérité.
Cette monarchie, préconise Bodin, doit être tempérée par l'organisation
d'un gouvernement à la fois aristocratique et populaire. Il doit être créé
des corps intermédiaires entre le monarque et la masse des sujets. Ceux-
ci pouvant abuser de leur pouvoir, il est nécessaire de les réglementer
étroitement, sans pour autant les supprimer, car ils ont un rôle
indispensable dans l'Etat. Ils empêchent la tyrannie du monarque, le
secondent, l'informent et le conseillent, permettant ainsi de faire
remonter les doléances jusqu'au monarque.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

En raison des importantes inventions et découvertes qui ont été faites au 15ème siècle
et au début du 16ème, les hommes de cette époque ont acquis une très grande confiance
en leur capacité de conduire leur vie de façon autonome. Tout se passe alors comme
si l’homme se redécouvrait lui-même, comme s’il était né à nouveau : c’est la
Renaissance, le début des Temps modernes, l’avènement de l’Humanisme, une
culture axée sur la connaissance de l’homme en sa totalité.
En matière de réflexion politique à cette époque, deux tendances sont à distinguer :
- Une tendance se fondant sur la vie politique de cette époque faite de luttes de
domination sans foi ni loi, à l’image de la cité-Etat de Florence, tendance selon
laquelle la politique ne fait pas bon ménage avec la morale et la religion, sa
finalité étant prétendument la puissance. Cette tendance est incarnée par le
Florentin Nicolo /Nicolas Machiavel, l’auteur de l’ouvrage intitulé Le prince
(El principe, 1513).
- Une autre tendance née de la Réforme de l’Eglise chrétienne conduite par
Martin Luther (1483-1546) et Jean Calvin (1509-1564) dont les idées
politiques et surtout le contexte socio-politique très perturbé ont fait le lit à
l’absolutisme.
Les noms des penseurs politiques à retenir ici sont :
- Nicolo/Nicolas Machiavel (1469-1527), le promoteur de la politique excluant
la morale et la religion;
- Martin Luther (1483-1546), le père du protestantisme et de l’idée du pouvoir
politique absolu en raison de son origine divine, et auquel les sujets doivent
être soumis, même s’il virait à la tyrannie ;
- Jean Calvin (1509-1564) partageant les mêmes idées politiques que Luther,
sauf le fait que en cas de dérive tyrannique de la part du gouvernant, il autorisait
au sujet une résistance qui devait être passive ;
- Claude de Seyssel (1450-1520) qui, dans son ouvrage intitulé « La grande
monarchie de France », préconisait une monarchie tempérée ;
- Heras (1469-1536) qui, dans son ouvrage "Les Institutions du prince chrétien"
(1516), soutenait que le prince/le gouvernant doit être une personne de très
bonne éducation chrétienne et exerçant le pouvoir à la lumière de l’Evangile et
avec l’appui de bons conseillers ;
- Jean BODIN (1530-1596) qui, dans sa "Méthode pour faciliter la
connaissance de l'histoire" (1566) défendait encore l'idée d'une monarchie
tempérée, mais qui, après le massacre de la Saint Barthélemy (du 23 au 24
aoȗt 1572), a rompu avec ce point de vue. Dans "Les six livres de la
République", Bodin défendait maintenant une doctrine absolutiste. C’est dans
cet esprit qu’il affirmait ce qui suit : « Il faut qu'il y ait dans la société une
autorité incontestable, dont le rôle est de trancher le débat de façon absolue
pour assurer la paix sociale »

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR APPROFONDIR LE


CHAPITRE
1/ Auteurs évoqués
- Bodin, Jean : Méthode pour faciliter la connaissance de l'histoire (1566), in Œuvres
philosophiques, PUF, 1961
- Idem : Les six livres de la République (1576), Librairie générale française, « Le livre de poche »,
1993
- Calvin, Jean : Institution de la religion chrétienne (1541), Droz, 2008
- Luther, Martin : De l’autorité temporelle et dans quelle mesure on lui doit obéissance (1523), trad.
Joël Lefebvre, Aubier-Montaigne, 1973
- Machiavel, Nicolas : Le Prince (1513), trad., Gallimard, « Folio », 2007

2/ Œuvres critiques et monographies

- Barret-Kriegel, Blandine : Les Historiens et la monarchie, t. IV : La République incertaine, PUF, 1988


- Berlin, îsaïah : « L’originalité de Machiavel », in A contre-courant (1955), trad. André Berelowitch,
Albin Michel, 1988
- Chevalier, Jean-Jacques : Histoire de la pensée politique, t.I : De la Cité-Etat à l’apogée de l’Etat-
nation monarchique, Payot, 1979
- Delumeau, Jean : La Civilisation de la Renaissance (1967), Arthaud, 1984
- Febvre, Lucien : Un Destin, Martin Luther (1927), PUF, « Quadrige », 2008
- Ferrari, Giuseppe : Machiavel, juge des révolutions de notre temps, Payot et Rivages, 2003
- Franklin, Julian H. : Jean Bodin et la naissance de la théorie absolutiste (1973), trad. Jean Fabien
Spitz, PUF, 1993
- Gaille-Nikodimov, Marie : Machiavel, Librairie générale française, « Le livre de poche », 2009
- Garin, Eugenio : Machiavel entre politique et histoire, trad. Filippo Del Luchese et Fredeic Gabriel,
Allia, 2006
- Goyard-Fabre, Simone : Jean Bodin et le droit de la République, PUF, 1989
- Kuhn, Thomas S. : La Révolution copernicienne (1957), trad. Avram Hayli, Librairie générale
française, « Le livre de poche », 1992
- Mairet, Gérard : Le Principe de souveraineté : Histoires et fondements du pouvoir moderne,
Gallimard, « Folio », 1996
- Mesnard, Pierre : L’Essor de la philosophie politique au XVIè siècle (1936), Vrin, 1952
- Pocock, John G.A. : Le Moment machiavelien (1975), trad. Luc Borot, introd. Jean-Fabien Spitz,
PUF, 1997
- Senellart, Michel : Machiavelisme et raison d’Etat, PUF, 1999
- Sfez, Gérald : Machiavel, la politique du moindre mal, PUF, 1999
- Skinner, Quentin : Machiavel (1981), Michel Plon, Seuil, « Points », 2001
- Spitz, Jean-Fabien : Bodin et la souveraineté, PUF, 1998
- Strauss, Leo : Pensées sur Machiavel (1958), trad. Michel-Pierre Edmond et Thomas Stern, Payot,
1982
- Strayer, Joseph R. : Les Origines médiévales de l’Etat (1971) trad. Michel Clément, Payot, 1979
- Valadier, Paul : Machiavel et la fragilité du politique, Seuil, 1996
- Weber, Max : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905), trad. Jean-Pierre Grossein,
Gallimard, « Tel », 2004
- Zarka, Yves-Charles : Jean Bodin, PUF, 1996

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

EXERCICES D’ASSIMILATION

I. Niveau I (Test de mémorisation des connaissances)


Affirmation Juste Faux Note
1/ Pour Machiavel, la finalité de la
politique, c’est la recherche du bien /1
commun
2/ Pour Martin Luther, l’autorité du
prince venant de Dieu, aucune révolte ne /1
doit lui être opposée
3/ Il en est de même chez Jean Calvin qui
partageait l’idée selon laquelle tout /2
pouvoir vient de Dieu
4/Sébastien Castellion, penseur politique
de l’époque des réformes religieuses,
/2
était défavorable à la liberté de
conscience
5/ Claude de Seyssel (1450-1520) fut un
défenseur de ce que l’on appelait la /2
monarchie tempérée
6/ Jean Bodin (1530-1596) est l’auteur de
/2
« Les six livres de la République »
Total /10
II. Niveau II (Contrôle de la compréhension des connaissances)

1. En quels domaines de la politique peut-on concéder à Machiavel


d’affirmer que « la finalité de la politique, c’est la puissance » ? La
recherche de la puissance en ces domaines n’éloigne-t-elle pas de la
véritable finalité de la politique qu’est le bonheur des populations ? (04
points)

2. Quel type de pouvoir préconisaient les réformateurs Martin Luther et


Jean Calvin ? Qu’est-ce qui les différenciait ? (02 points)

3. Quel type de régime politique défendait Jean Bodin (1530-1596),


auteur de "Méthode pour faciliter la connaissance de l'histoire" (1566)
et de "Les six livres de la République" ? Comment justifiait-il son
opposition au tyrannicide ? (04 points)
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

CHAPITRE 2 : LE TRIOMPHE DE L’ABSOLUTISME


A- La raison d’Etat
1 - HISTOIRE DE CETTE THEORIE

L'origine de cette théorie remonte à la fin du 16 e siècle et trouve sa


justification dans les guerres de religion.
Certains politiques adopteront une attitude machiavélique vis à vis des
guerres de religion. Ainsi, Henri III fit assassiner le duc de Guise en
1688. Le machiavélisme se concrétise dans le vocabulaire de l'époque :
on parle de gouvernement à l'italienne, ou de gouvernement
machiavélique. Il apparaît alors la notion de "Raison d'Etat".
Le mot apparaît chez François GUYCHARDINI (1483-1540), un
proche de Machiavel, chef militaire du pape et conseiller des Médicis.
Dans son ouvrage "Dialogue sur le gouvernement de Florence", il
oppose la raison d'Etat à la raison chrétienne. A la fin du 16 e siècle, de
nombreux ouvrages tourneront autour de ces questions. Ils critiquent le
point de vue machiavélien, prenant rarement son parti de façon ouverte
et mettant plutôt en avant la notion de raison d'Etat. On citera, dans ce
cadre, Innocent GENTILLET dans son "Discours sur les moyens de
bien gouverner" (1576), Giovanni BOTERO et son œuvre intitulée
"De la Raison d'Etat" (1583), et enfin Claude JOLY avec ses
"Maximes véritables et d'importance pour l'éducation du roi contre la
fausse et pernicieuse politique du cardinal Mazarin" (1652). Plus tard,
deux auteurs adoptent ouvertement un point de vue machiavélique. Il
s’agit de :
- Louis MACHON dans son ouvrage "Apologie pour Machiavel"
(1641) et
- Gabriel NAUDE avec ses "Considérations politiques sur le coup
d'Etat" (1639).
Par coup d'Etat, il faut entendre un fait en dehors de toute légalité. Une
telle apologie de Machiavel est rare et le plus souvent les auteurs feront
l'éloge de la Raison d'Etat pour dissimuler celui de Machiavel. On
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pourra citer ici Jean SILHON qui, pour faire l'éloge de Richelieu et de
ses méthodes dans son ouvrage "Le Ministre d'Etat" (1631), se croit
obligé de critiquer Machiavel, Philippe DE BETHUNE dans "Le
conseiller d'Etat" (1632) ou encore Henri DE ROHAN dans "De
l'intérêt des princes et Etats de la chrétienté" (1638).
Les doctrines de la Raison d'Etat vont décliner au 17 e siècle pour
finalement être abandonnées au 18e siècle. Montesquieu lui- même
contestera ces idées dans "L'esprit des Lois". Mais bien que ces idées
voient leur succès décliner, la politique ne cesse pas d'être animée par
de telles pratiques. Un exemple frappant est celui de Frédéric II de
Prusse qui, alors qu'il n'est encore que simple héritier, écrit une
réfutation du "prince" de Machiavel mais une fois au pouvoir, adoptera
une politique machiavélique.

2 - PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE


CETTE DOCTRINE
La doctrine de la raison d'Etat repose sur la conviction selon laquelle le
roi, détenant son pouvoir de Dieu, n’a de comptes à rendre qu’à Dieu.
Cette idée apparaît dans les ouvrages que voici :
Dans "Apologie catholique" (1585) et "De l'Autorité du Roi" (1587),
Pierre De Belloy insiste sur le fait que le Roi tient directement son
pouvoir de Dieu. Dans "De Remio et Regali Potestate" (1600), William
BARCLAY, un Ecossais professeur de droit en France, défend
également l'idée que le prince tient son pouvoir de Dieu. On citera
encore SAVARON, député aux Etats Généraux, et son ouvrage "De la
souveraineté du Roi et de son royaume" (1615), Cardin LE BRET et
son livre "De la souveraineté du Roi" (1632). Enfin, un ouvrage
anonyme "La guerre libre" (1641) qui préconise le droit qu’a le Roi de
faire la guerre comme il l'entend. Le Roi n'a de comptes à rendre qu'à
Dieu. Nul n'est juge sur terre de l'action des Rois, ni le peuple ni les
autorités religieuses.

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3 - APPLICATIONS PARTICULIERES DE CES IDEES


3.1 - En politique extérieure

Dans cette perspective, la guerre est conçue comme la situation la plus


normale et le prince ne doit entreprendre ou cesser la guerre qu'en
fonction du seul intérêt de l'Etat. La guerre est conçue comme un
moyen politique normal pour poursuivre les buts de grandeur de l'Etat.
Seul l'Etat souverain est juge des guerres qu'il doit entreprendre. Nul
autre ne peut juger à sa place. Aussi, toute guerre, dès lors qu'elle profite
à l'Etat, est justifiée. Peu importe comment on y procède. Même les
alliances entre princes chrétiens et protestants apparaissent ici
normales. Certains auteurs considèrent même que la guerre a sa finalité
en elle-même. Ainsi, Juan DE MARIANA dans "De Rege et Regis
Institutione" (1598) explique qu'il faut faire la guerre pour entretenir
l'armée ! En outre, la guerre permet de financer l'armée, les armées
victorieuses se nourrissant sur les territoires conquis. L'auteur explique
également que la guerre est nécessaire pour assurer la paix intérieure du
royaume en réalisant l'union de tous contre l'ennemi commun.

3.2 - En politique intérieure

Sur le plan intérieur, le monarque a un pouvoir absolu ; ce qui ne veut


pas dire qu'il dispose d'un pouvoir totalitaire. Le pouvoir est ici dit
absolu parce qu’il est sans limite dans ses compétences. Certes, le
monarque est soumis aux lois fondamentales du royaume, mais celles-
ci ne limitent presque pas sa compétence pratique. Dans ces conditions,
le peuple n'est pas un peuple de citoyens mais un peuple de sujets. En
matière économique, il se développe sur la base de cet absolutisme la
doctrine du mercantilisme qui s’oppose aux idées libérales. Le
mercantilisme autorise l'intervention de l'Etat dans l'économie. C'est la
naissance de l'économie politique (cf. Antoine DE
MONCHRESTIEN et son "Traité de l'Economie Politique" [1615]).
En grec, l'économie c'est la loi de la maison. Cette économie politique
a pour but beaucoup plus la puissance de l'Etat que le bien-être des
26

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

sujets. Il apparaît l'idée que le Roi peut librement fixer des Impôts sans
le consentement de ses sujets. On va même jusqu'à dire que la propriété
privée n'est pas un droit inaliénable D'après cette doctrine,
l'accumulation de la richesse monétaire est le meilleur moyen de
parvenir à la puissance de l'Etat. Pour cela, il faut vendre des
marchandises à l'étranger et éviter d'en importer. Il en découle les
politiques douanières protectionnistes. Il en découle également les
politiques de création de grandes manufactures orientées vers
l'exportation, en vue d’acquérir de l'or. Le point de vue mercantiliste
repose sur une conception essentiellement belliqueuse de l'économie :
"la richesse des uns ne peut se faire qu'au détriment de celle des
autres". Il y a donc nécessairement rivalité économique entre Etats,
laquelle rivalité peut dégénérer en guerres. Au XVIII siècle, ces théories
seront supplantées par celles des physiocrates, pour qui "la richesse
des uns contribue à la richesse des autres". Si un Etat est riche, il pourra
acheter beaucoup de marchandises et c’est autant d’occasions
d’enrichissement pour les autres Etats qui sont ses partenaires
commerciaux.

4 - RICHELIEU (1585-1642)
4.1 - Sa carrière et ses idées politiques

Richelieu se fait remarquer en tant qu'orateur du clergé en 1614. Il


devient secrétaire d'Etat en 1616, puis entre au conseil du Roi en 1624.
La politique de Richelieu est une politique modérée de la raison d'Etat.
Il réprime le protestantisme en France. En politique intérieure, il
cherche sans cesse à centraliser le pouvoir de la monarchie. Dans le
domaine économique, il applique la doctrine mercantiliste. La doctrine
de Richelieu est aussi la doctrine de la raison d'Etat à travers ses écrits
personnels. On peut diviser son œuvre en trois parties :
- une abondante correspondance ;
- un petit ouvrage intitulé "Maximes d'Etat" et
- son œuvre principale "Le testament politique" écrit de 1605 à
1640 et qui sera publiée après sa mort.
27

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

4.2 -LE TESTAMENT POLITIQUE

Le testament politique est un ouvrage que Richelieu dédie à Louis XIII.


Il s'agit d'un recueil de conseils politiques pratiques. On ne trouvera pas
ici de théorie machiavélique ni même de théorie de la raison d'Etat.
Néanmoins, Richelieu y livre quelques réflexions que l'on peut rattacher
aux théories de la raison d'Etat. Il s’agit de formules telles que "La
nécessité n'a pas de loi" ou encore "Qui a la force a la Raison". Plus
qu'une doctrine de la Raison d'Etat, on y trouve l'affirmation de la
primauté de l'ordre divin, l'insistance sur la nécessité pour le monarque
de se soumettre à Dieu, bien qu’il soit indépendant de la Papauté.
Richelieu se prononce aussi pour un idéal de gouvernement conforme
à la tradition chrétienne. Le Roi doit agir selon la raison, pour le bien
commun et l'intérêt public et non pas dans son intérêt personnel. Le Roi
doit se préoccuper d'assurer la justice. Il doit respecter la parole donnée
et les traités conclus ; il ne doit faire que des guerres justes. On est donc
assez loin ici des principes de la raison d'Etat, des principes prônés par
Machiavel. Dans cet ouvrage, Richelieu fait preuve d'un immense
pragmatisme qui frise le matérialisme. Le but de la grandeur de l'Etat
n'est apprécié par Richelieu qu'au regard d'éléments matériels. Dans
cette perspective, Richelieu accorde une grande importance aux
échanges économiques et se désintéresse des activités intellectuelles.
Richelieu prétend même qu'il faut se garder de trop répandre
l'instruction, car cela déboucherait, selon lui, sur de vaines contestations
et des discussions politiques dangereuses. Richelieu a une conception
très utilitariste de la politique : il prône le respect de la justice mais dans
le seul but de susciter l'amour du prince par ses sujets, ces derniers lui
obéissant alors plus facilement. Enfin, Richelieu manifeste une grande
froideur de sentiments, notamment à l'égard des femmes.

28

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

B- L’absolutisme théocratique

1 – FORMATION ET CONTEXTE DE LA DOCTRINE


ABSOLUTISTE THEOCRATIQUE.
1-1- Renforcement progressif de l’absolutisme au cours du 17e
siècle
Sa croissance est régulière depuis le début du règne de Henri IV jusqu’à
Louis XIV. Seule interruption, la période de La Fronde ; pendant la
minorité de Louis XIV, le gouvernement de la Régente et de Mazarin
est contesté. La France connaît alors des émeutes à Paris et une révolte
des princes. La cour se réfugie alors au château de Saint-Germain. Il se
développe alors des idées de retour à une monarchie tempérée. Ces
idées sont exprimées dans des pamphlets appelés "les mazarinades".
Dans "Les maximes véritables" (1652), Claude JOLY reprend l'idée de
contrat entre le Roi et le peuple, idée selon laquelle le gouvernement
doit agir pour le bien du peuple. Mais, avec Louis XIV, les idées
absolutistes retrouvent leur succès d'antan. Ces idées ne sont pas
reprises en Grande-Bretagne où persistent les conflits religieux entre
protestants anglicans, protestants calvinistes et les sectes issues du
calvinisme. En Angleterre, la lutte est permanente entre les principes de
l'absolutisme et ceux de l'anti-absolutisme. L'exemple des troubles
anglais sert de repoussoir et renforce en France les sentiments
absolutistes.

1. 2 - Le règne de LOUIS XIV ou le triomphe de l'absolutisme


Louis XIV règne de 1661 à 1715 et va mener une politique très
absolutiste. C'est le Roi Soleil avec une grande extériorisation de la
puissance : guerres prestigieuses, château de Versailles, tendance à
diviniser le Roi … Cette tendance débouche sur l'affirmation d'une
monarchie de droit divin où le Roi tient son pouvoir de Dieu seul et
n'est limité que par sa seule conscience. En 1682, par la déclaration de
4 articles, Louis XIV fixe les principes de l'indépendance religieuse de
la France et des Français par rapport à l'autorité du principe de l’Eglise
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Gallicane (= l’Eglise Française). En 1685, il révoque l'Edit de Nantes.


Ce triomphe de l'absolutisme sera cependant éphémère et ne durera pas
jusqu'à la fin du règne de Louis XIV. La 2ème moitié de son règne
marque en effet la décadence de l'absolutisme : une guerre d'Espagne
très coûteuse et parsemée d'échecs, la misère dans le pays qui entraîne
un mécontentement au sein de la population et la montée des idées
contestataires qui renouent avec l’atmosphère de la période de la Fronde
(1648-1652)…Les dernières idées absolutistes seront exprimées dans
les œuvres personnelles de Louis XIV que sont:
- Mémoire pour l'instruction du Dauphin ;
- Réflexions sur le métier de Roi ;
- Instructions politiques et morales

2 – LA PRINCIPALE ILLUSTRATION DE LA PENSEE


ABSOLUTISTE EN FRANCE : L'ŒUVRE DE BOSSUET
2.1. La vie de Jacques Bénigne BOSSUET

Jacques BOSSUET (1627-1704) fut d'abord prédicateur à la cour où il


prêche le carême. C'est alors qu'il se fait remarquer et est nommé
Evêque de Cordon, une ville près d'Agen. Il sera appelé à la cour de
1670 à 1680 comme précepteur du grand dauphin (le fils aîné de Louis
XIV).
En 1680, il est nommé Evêque à Meaux. Il est appelé à participer à
l'assemblée du Clergé de 1682. Il sera le principal rédacteur de la
déclaration des 4 articles qui fixe les principes de l'Eglise Gallicane, c-
à-d française.

2.2. L’œuvre de BOSSUET

Bossuet a écrit de nombreux ouvrages pour s'opposer aux prétentions


protestantes et soutenir la révocation de l'édit de Nantes. Dans "Histoire
des variations des églises protestantes" (1688), c'est, selon lui, un
devoir pour le Roi que d'imposer sa religion dans son Etat. Bossuet sera
ensuite absorbé par un autre combat : la lutte contre le quiétisme,
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

doctrine mise en avant par Madame GUYON et qui reçoit le soutien de


Fénelon qui fut le précepteur du petit-fils de Louis XIV. Vers 1690,
s'engage une polémique entre Bossuet et Fénelon. La querelle est portée
à Rome et Bossuet obtient la condamnation par Rome de la doctrine
quiétiste. Fénelon se voit alors interdit de sortir de son diocèse et donc
de se rendre à la cour. Bossuet est l'auteur d'une œuvre très abondante
tant religieuse que littéraire. Il a aussi écrit quelques ouvrages
politiques, essentiellement de pédagogie politique, ouvrages qu'il
destinait à l'éducation du dauphin et dont la meilleure illustration est
"La politique tirée de l'Ecriture sainte" (1709).Ce qui, dans cet
ouvrage, traite de la politique, ce sont les six premiers livres. Pour
Bossuet, Dieu est le Roi des Rois. Les Rois ne sont que les ministres de
Dieu sur terre
Livre 1er : "Des principes de la société parmi les hommes .L'homme est
social, car Dieu a fait les hommes pour s'aimer mutuellement ; mais ces
hommes sont animés de passions. D'où la nécessité de maintenir la paix
sociale. Bossuet développe le concept de contrat social : la loi est
obligatoire en raison de la volonté de Dieu ; il n'y a donc pas forcément
nécessité d'un contrat. Toutefois, un tel contrat est utile pour rendre la
chose plus solennelle et plus forte. C'est un contrat conclu par le peuple
avec Dieu par lequel le peuple se soumet à l'autorité qui vient de Dieu
Livre 2e : "De l'Autorité : la Royale et l'héréditaire est la plus propre
au gouvernement" Pour Bossuet, la monarchie est la meilleure forme de
gouvernement, car elle est la plus naturelle. La monarchie est d'autant
meilleure qu'elle prend une forme héréditaire. Le monarque gouvernera
non seulement en fonction du présent mais aussi en fonction de l'avenir
pour son fils qui héritera du Royaume.
Livre 3e : "Où l'on commence à expliquer la nature et les propriétés de
l'autorité royale". Pour Bossuet, l'autorité Royale est sacrée, le pouvoir
du Roi vient de Dieu. Dès lors, désobéir au Roi serait un sacrilège,
quand bien même le Roi aurait un comportement contestable. Quant au
Roi lui-même, il a un devoir de conscience envers Dieu et doit
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

gouverner pour le bien public : "La crainte de Dieu est le vrai


contrepoids de la puissance".
Livre 4e : "Suite des caractères de la Royauté Il ne faut pas confondre
monarchie absolue et monarchie arbitraire. Certes, le Roi n'a de
comptes à rendre à personne sur terre, mais il doit gouverner pour le
bien commun. Le caractère absolu de la monarchie ne constitue pas un
risque pour les citoyens dans la mesure où le prince n'a pas intérêt à mal
gouverner. Le seul intérêt du prince, c'est d'assurer le bien du peuple et
le bien de l'Etat
Livre 5è : "Quatrième et dernier caractère de l'autorité royale". Le
gouvernement est soumis à la Raison. Le Prince doit donc prier Dieu
pour être éclairé, avoir la sagesse et agir selon la raison. Il doit
s'informer sur les affaires publiques pour gouverner en connaissance de
cause. Il doit aussi écouter ses conseillers. Le prince qui agit ainsi agit
conformément à la volonté divine.
Livre 6è : "Les devoirs des sujets envers le prince" Les sujets doivent
obéir au prince puisqu'ils doivent obéir à l'Etat : "Tout l'Etat est en la
personne du prince". Cette obéissance complète au prince est la
condition du maintien de l'ordre public, de l'unité de l'Etat et de la paix
sociale. L'obéissance au prince doit être absolue, puisqu’elle est
assimilable à l’obéissance à Dieu dont le roi n’est qu’un ministre.

C- L’école du droit de la nature et des genres


1 – ORIGINE ET FONDEMENTS

Trois éléments sont à l'origine de cette doctrine juridique :


Elle va mettre en avant deux concepts qui vont influencer la manière de
penser de ce courant doctrinal. Il s’agit :
- du subjectivisme qui met en avant l’idée de libre examen par la
raison personnelle, de libre interprétation, l’idée selon laquelle
toute interprétation juridique repose sur une source subjective ;
en d’autres termes, c'est la volonté qui crée la règle.
32

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

- du nominalisme qui combine à ce subjectivisme des idées


platoniciennes.
Face aux guerres civiles qui deviennent permanentes (guerre de 30 ans
qui dure de 1618 à 1648), le besoin d'un droit international nouveau se
fait sentir chez les juristes. Ceux- ci tentent de trouver un dénominateur
commun qui permettrait d'élaborer ce droit. Faute de pouvoir se fonder
sur la religion, on trouve une autre base partagée par tous : la raison.
Cette nouvelle doctrine juridique apparaît à l’époque de la Renaissance
avec l'Ecole de Bourges et des auteurs comme Jacques Cujas (1520-
1590). Sous l'influence de Pierre DE LARAMUS, elle développe une
nouvelle logique juridique qui consiste en une pensée purement
déductiviste où l'on part d'idées générales pour en déduire des
applications particulières. Appliqué en Droit, ce raisonnement conduit
à la création de 3 normes :
a. Respect du bien d’autrui ;
b. Respect de la parole donnée ;
c. Nécessité de réparer les dommages
Les traités issus de la pensée humaniste partent tous d'un ensemble de
règles générales dont sont déduites des applications particulières dans
des domaines très différents. On arrive ainsi à l'application de règles
précises. Le droit s'en trouve ainsi simplifié. En effet, désormais on a
les moyens de bien connaître les règles à appliquer.

2. PRINCIPAUX AUTEURS

Les principaux auteurs qui ont illustré cette doctrine sont :


Les principaux auteurs qui ont illustré cette doctrine sont :
Hugo DE GROOT dit GROTIUS (1583-1645). C'est un Hollandais
calviniste. Enfant surdoué, il devient avocat puis diplomate. En tant
qu'avocat, il sera amené à s'occuper de l'affaire de la prise d'un bateau
portugais par un bateau hollandais qui opposait protestants et
catholiques. La question était de savoir quel est le droit applicable. Cette
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

affaire lui donna l'occasion d'écrire "Du droit de prise" (1605) dont ne
fut publié qu'un extrait. C'est le premier témoignage de la recherche d'un
droit nouveau reconnu à la fois par les puissances catholiques et
protestantes. Grotius sera condamné à la prison à vie mais il parviendra
à s'échapper et se réfugier en France. Il devient alors ambassadeur du
Roi de Suède auprès du roi de France. Grotius est l'auteur d'une œuvre
très abondante. On retiendra essentiellement son livre "Du droit de la
guerre et de la paix" qui est l'ouvrage fondateur de l'école du droit de
la nature et des genres.
Samuel VON PUFENDORF (1632-1694), Professeur de Droit à
Heidelberg en Allemagne puis en Suède. Il est l'auteur de l'ouvrage "Du
droit de la nature et des genres" (1672) qui entend être un ouvrage
universel.
Jean DE BARBEYRAC (1674-1744) C'est un Huguenot français qui
émigre lors de la révocation de l'Edit de Nantes. Professeur à Berlin,
c'est lui qui a traduit en français les ouvrages de Grotius et Pufendorf.

3. L'ASPECT POLITIQUE DE CETTE DOCTRINE

3.1. Les sources du droit

Le droit de la nature ne doit pas être compris au sens classique de


l'expression. Dans celle- ci, le droit est tiré essentiellement de
l'observation du monde extérieur qui permet de découvrir un ordre
naturel des choses. Ici, le juriste procède par une méthode déductiviste
; il part de l'observation des cas particuliers pour en déduire une règle
générale. Le droit est ici une étude de cas particuliers. Avec la
conception de l'école du droit de la nature et des genres, on parle de
droit naturel moderne. Le droit est déduit de la nature de l'homme, il
repose sur des principes innés, rationnels que tous les hommes portent
en eux : respect du bien d'autrui, respect de la parole donnée, nécessité
de réparer les dommages. Ce droit est déduit de façon rationnelle. Ce
droit naturel, déduit de la raison humaine, est immuable et a une valeur
absolue. L'avantage est qu'il est clairement connu avant d'être appliqué.
34

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Il s'agit donc d'un droit déduit de quelques principes a priori par


opposition à un droit induit.
Le droit des genres est une notion reprise du droit romain mais quelque
peu déformée ici. En droit romain, le droit civil – droit applicable dans
les relations entre Romains - s'oppose à celui des genres, droit
applicable dans les relations entre les Romains et ceux des autres cités.
Gaius définissait ainsi le droit des Genres : "Le droit que la raison
naturelle a établi entre tous les hommes et qui est appelé droit des
genres car toutes les nations se servent de ce droit." C'est un droit
essentiellement coutumier. En outre, ce droit est obligatoire.
Néanmoins, dans la conception de l'école du droit de la nature et des
genres, le droit des genres demeure conçu comme l'application des
principes de droit naturel sur lesquels toute l'humanité est d'accord. A
cela, s'ajoute le droit volontaire ou droit positif qui peut varier selon le
temps et les Etats. Ce droit volontaire repose sur les principes du droit
de la nature et des genres.

3.2. La notion de contrat social

Dans l'école du droit de la nature et des genres, la notion de contrat


social joue un rôle essentiel. C'est la base de la doctrine de la plupart
des monarchomaques mais les auteurs de l'école du droit de la nature et
des genres vont faire évoluer cette notion. Chez les premiers
monarchomaques, le contrat social était un contrat conclu entre le
prince et son peuple par lequel ce dernier reconnaissait l'autorité du
prince. Les monarchomaques justifiaient la révolte du peuple contre le
prince si celui-ci ne respectait pas le contrat. Avec les derniers
monarchomaques, la notion de contrat social évolue un peu et l'on parle
d'état de nature. Les individus ne sont pas associés en Etats dès l'origine.
D'où l'idée d'un contrat d'association pour former des sociétés politiques
auquel succède un contrat de dévolution par lequel le peuple de ces
sociétés confère le pouvoir politique à un souverain. De telles
conceptions du contrat social rompent avec les conceptions
traditionnelles. Certes, dans les conceptions traditionnelles, il existait
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

déjà l'idée d'un consentement des sujets au pouvoir qui les commande,
mais cela était lié à sa légitimité qui résidait dans un exercice du pouvoir
à la recherche du bien commun. Ces idées vont être reprises et
développées par l'école du droit de la nature et des genres qui met en
avant l'idée d'un double contrat :
Pour Grotius, le peuple peut attribuer à son prince un pouvoir absolu.
De même que l'on admet qu'un individu puisse devenir esclave, on
admet que le peuple puisse se révolter en cas de non-respect du contrat.
Chez les successeurs de Grotius, ces idées vont évoluer dans un sens
plus favorable à la monarchie limitée. Certes, Pufendorf admet que le
peuple puisse imposer des limites au pouvoir du prince, mais il refuse
tout droit de révolte au peuple.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

Les deux tendances qui ont marqué la réflexion politique à l’époque de la


Renaissance (16ème siècle), à savoir, d’une part celle de l’exaltation de la politique
excluant la morale et la religion et incarnée par Nicolo/Nicolas Machiavel, et,
d’autre part, celle née de la Réforme de l’Eglise chrétienne sous la conduite de
Martin Luther et Jean Calvin, semblent avoir mûri au 17ème siècle.
- Pour la tendance incarnée par Machiavel, la maturité réside en la naissance
de la notion de la raison d’Etat qui consiste à agir politiquement dans
l’intérȇt de l’Etat, certes, mais sans se préoccuper de la légalité des moyens
utilisés pour y parvenir. On est ici certes loin de la recherche systématique
de la puissance qui constituait la finalité de la politique aux yeux de
Machiavel, mais en pleine application de sa formule selon laquelle « la fin
justifie les moyens ».

 Ici, Armand Jean Du Plessis, Cardinal de Richelieu (1585-


1642), auteur de Le Testament politique (ouvrage publié après
sa mort), est le penseur et l’homme politique le plus en vue en
matière d’application de la doctrine de la raison d’Etat, bien
que, tout compte fait, il ait mené une politique modérée de
raison d’Etat.

- Pour la tendance née de la Réforme de l’Eglise chrétienne sous la conduite


de Martin Luther et Jean Calvin et de ses conséquences socio-politiques,
la maturité consiste en l’avènement de l’absolutisme théocratique. Il
s’agit ici de l’adoption généralisée des idées politiques émises par les
Réformateurs, et selon lesquelles le pouvoir politique émanant de Dieu, il
est requis une soumission totale à son détenteur qui n’est qu’un ministre
de Dieu.

 Le règne de Louis XIV Le Grand (1638-1715), le Roi Soleil,


auteur de plusieurs écrits politiques dont le principal s’intitule
Réflexions sur le métier de roi, est la manifestation du triomphe
de l’absolutisme en Europe.

 Jacques-Bénigne BOSSUET (1627-1704), auteur de La


politique tirée (des propres paroles) de l’Ecriture Sainte (1709),
est la principale illustration de la pensée absolutiste théocratique
de France. Pour lui, Dieu est le Roi des Rois. Les Rois ne sont
que les ministres de Dieu sur terre.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

La troisième rubrique dont traite le chapitre intitulé Le triomphe de


l’absolutisme, c’est L’Ecole de droit de la nature et des genres. Il s’agit
d’une doctrine juridique née à l’époque de La Renaissance et enseignée
par L’Ecole de Bourges. Elle préconise trois principes fondamentaux
censés reconnus par l’humanité entière et qui sont : a / le respect du
bien d’autrui, b/ le respect de la parole donnée et c/ la nécessité de
réparer les dommages. Les premiers initiateurs de cette doctrine
juridique sont Jacques Cujas (1520-1590) et Pierre DE LARAMUS.
Ces principes, qui sont des droits naturels, ont fait l’objet d’application
en politique, grâce aux réflexions de Hugo De Groot dit Grotius
(1583-1645), auteur de "Du droit de la guerre et de la paix" et de
Samuel Von Pufendorf (1632-1694), auteur de l'ouvrage "Du droit de
la nature et des genres" (1672). Avec le concours des
monarchomaques, ces réflexions ont conduit à la mise en évidence d’un
principe fondateur de toute vie en société humaine organisée : le
contrat social. C’est l’application absolutiste du contrat social
préconisée par Grotius qui explique l’appartenance de cette rubrique au
chapitre consacré au triomphe de l’absolutisme.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR APPROFONDIR


LE CHAPITRE

I. Auteurs évoqués
- Bossuet, Jacques-Bénigne : Politique tirée des propres
paroles de l’écriture sainte (1709), Dalloz, 2003
- Grotius, Hugo : Du droit de la guerre et de la paix (1625),
trad. P. Pradier-Fodéré, PUF, « Quadrige », 2005
II. Commentaires
- Koselleck, Reinhart : Le règne de la critique (1959), trad.
Hans Hildenbrand, Minuit, 1979
- Mandrou, Robert : L’Europe « absolutiste », Raison et
raison d’Etat, 1649-1675, Fayard, 1977
- Strauss, Leo : Droit naturel et histoire (1949), trad.
Monique Nathan et Eric de Dampierre, Flammarion,
« Champs », 2008

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

EXERCICES D’ASSIMILATION

I. Niveau I (Test de mémorisation des connaissances)

Affirmation Juste Faux Note


01/ Richelieu est l’auteur de « Le testament
/01
politique »
02/ Il dédia ce livre au roi Louis XIV /01
03/ Richelieu travaillait à une grande élévation du
/01
niveau intellectuel du peuple
04/ Louis XIV est le prototype du monarque
/01
absolutiste
05/ BOSSUET est l’auteur du livre « La politique
/01
tirée de l’Ecriture sainte »
06/ Il y défend la tolérance religieuse /01
07/ Quant au devoir du sujet envers le prince,
/01
c’est, pour Bossuet, l’obéissance absolue
08/ Jacques Cujas et Pierre De Laramus sont les
initiateurs de l’Ecole du droit de la nature et des /01
genres
09/ Hugo De Groot ou Grotius, Samuel von
Pufendorf et Jean De Barbeyrac ont combattu la /01
notion de droit de la nature et des genres
10/ La notion de contrat social joue un role
important dans l’Ecole du droit de la nature et des /01
genres
Total 10/10

II. Niveau II (Contrôle de la compréhension des connaissances)


1. Qu’est-ce que La raison d’Etat ? Quel est le fondement de cette doctrine
politique? (02 points)
2. RICHELIEU (1585-1642) peut-il être considéré comme un adepte de
Machiavel ? Avait-il raison de ne pas souhaiter une grande élévation
intellectuelle du peuple ? (03 points)
3. Quel régime politique défend l’ouvrage de Bossuet intitulé "La politique
tirée de l'Ecriture sainte" (1709) ? Que dire de la politique fondée sur le
christianisme ? (03 points)
4. Qu’est-ce que Le contrat social selon Bossuet ? Sur quoi repose la
définition qu’il donne de cette notion? (02 points)

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

DEUXIÈME PARTIE : LA TRANSITION ANGLAISE ET LE


RECUL DE L’ABSOLUTISME

Chapitre1 : La transition anglaise


A. La révolution puritaine
1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

La révolution puritaine est née du schisme anglican. Le Roi Henri VIII


d’Angleterre n’ayant pas d’enfant avec son épouse, décide de divorcer
et de se remarier avec la mère de son fils adultérin. Le Pape refuse de
lui en donner l’autorisation. Du coup, par l’Acte de suprématie (1534),
Henri VIII se proclame chef de l’Eglise d’Angleterre. Cette autonomie
n’entraîne cependant aucune réforme des dogmes et du culte. C’est
avec La Reine Elisabeth I que va s’instaurer une Eglise Anglicane
particulière.
La naissance de cette nouvelle église va susciter différents actes de
contestation de la part de ceux qui sont restés catholiques. Marie Tudor
tentera, en vain, de rétablir par tous les moyens le culte catholique. En
1605 par exemple, « la Conspiration des poudres » voulait faire sauter
le parlement alors que le Roi s’y trouvait. L’opération fut un échec ; par
la suite, une terrible répression s’abattit sur les catholiques.
Il se développe aussi l’opposition des puritains. Ils réclament la liberté
de conscience et la séparation de l’Eglise de l’Etat. Ils réclament surtout
une réforme du culte anglican, lui reprochant d’avoir conservé le même
système monarchique du culte catholique.
2. LE DÉROULEMENT

L’opposition des puritains va dégénérer en conflit politique. Au début,


il ne s’agit que d’un conflit entre le Roi et le Parlement. Les rois
anglicans prétendent jouer clairement leur rôle de chefs de l’Eglise
anglicane et avoir des idées théologiques. Dans des ouvrages religieux,

41

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

ils justifient le droit divin du roi. Cela, estiment-ils, leur donne le droit
de lever des impôts sans autorisation du parlement.

Dans « Les lois de la politique ecclésiastique », Hooker pose le principe


de l’absolutisme monarchique et refuse toute séparation de l’Eglise et
de l’Etat. En face, le parlement, dominé par les puritains, défend l’idée
d’une monarchie limitée par le parlement qui doit notamment autoriser
l’instauration et la perception des taxes.

3. LES IDÉES POLITIQUES PURITAINES


Le puritanisme, doctrine religieuse, est aussi une doctrine morale et
politique. Un élément de cette doctrine religieuse va avoir une influence
significative sur le monde : la prédestination. Selon la prédestination,
« les hommes sont sauvés ou non selon un don de la grâce divine ». Une
telle doctrine va avoir des conséquences sur le plan moral. Elle
constitue un extraordinaire stimulant pour la création d’entreprises,
chacun voulant réussir pour se prouver à lui-même qu’il bénéficie de la
grâce divine. Cet esprit puritain va développer un certain utilitarisme :
on cherche à s’enrichir pour se prouver la grâce divine.
Deux auteurs se sont posés en doctrinaires de cet esprit puritain et ont
mené des réflexions politiques. Ce sont :
- James HARRINGTON (1611-1677). Il est l’auteur d’un
ouvrage intitulé « Oceana » (1666) décrivant une cité idéale.
Harrington y présente un système aristocratique basé sur la
propriété terrienne.
- John MILTON (1608-1674), poète connu, est l’auteur de
« Paradis perdu » (1667). Il est aussi l’auteur d’ouvrages
politiques où il évolue d’une tendance presbytérienne vers une
tendance plus proche des indépendants. Dans « L’Aéropagitica »
(1644), il réclame la liberté de la presse. Dans « Les
Iconoclastes » (1649), il justifie le régicide. Il a aussi écrit « La
défense du peuple anglais » (1651) et « Le moyen aisé et
commode d’établir une libre République » (1660)
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Tous ces auteurs ont une conception plutôt aristocratique du pouvoir,


contrairement à Thomas Hobbes et John Locke.
On distingue deux mouvements puritains dont le plus en vue est celui
qui constitue la 1ère réalisation d’un système économique communiste.
Winstanley, issu de ce mouvement, a illustré ce système à travers
plusieurs textes comme « Law of Freedom » (1652) où il défend le
principe d’une propriété collective dont les fruits sont distribués de
manière équitable. L’enseignement et le travail y sont obligatoires pour
tout le monde

B. Thomas Hobbes (1588-1679) ou le pouvoir totalitaire

1. SA VIE
Thomas Hobbes était un fils de pasteur qui a connu la peur tout au long
de sa vie.
- Il est né l’année (1588) où l’Invincible Armada espagnole met à
feu et à sang l’Angleterre ;
- En 1610, il est à Paris au moment où Henri IV est assassiné ;
- En 1642, dans son pays, il est marqué par la révolution qui se
termine par la condamnation à mort du roi et l’instauration du
gouvernement d’Oliver Cromwell :
Thomas Hobbes est le type même de l’intellectuel de son époque. Il est
précepteur dans une grande famille aristocratique après avoir fini ses
études. Il effectue de nombreux voyages, mais son principal séjour sur
le continent est dû à son exil. C’est lors de ses nombreux déplacements
qu’il rencontre Descartes et Galilée. C’est vers 50 ans qu’il commence
à rédiger son œuvre politique.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

2. SON ŒUVRE ET SA PENSÉE POLITIQUE


2.1. L’œuvre
L’œuvre de Thomas Hobbes est très abondante et aborde presque tous
les domaines du savoir. Mais son œuvre politique se compose de deux
ouvrages :
- En 1642, il publie De cive ;
- En 1650 Léviathan, le nom d’un monstre dans le livre de Job
(La Bible)
Cette œuvre est marquée par le réalisme de Machiavel et par la thèse de
la souveraineté développée par Jean Bodin.

2.2. La pensée politique


Cet homme, qui a passé sa vie à avoir peur, veut donner la paix aux
hommes.
Pour Hobbes, il faut établir une autorité absolue dont la mission
essentielle serait d’assurer la paix en fixant, d’autorité, ce qui est vrai et
ce qui est faux, afin d’éviter les discussions qui souvent dégénèrent en
conflits armés. Hobbes semble plus soucieux de l’ordre que de la
justice. Mais ce n’est qu’une apparence ; car son expérience lui prouve
que l’ordre n’est que la condition du maintien de la justice. Ce souci de
l’ordre fait de Hobbes le père le plus évident du positivisme juridique
moderne.
Les principaux thèmes développés dans « De Cive » et repris dans
« Le Léviathan »
- L’état de nature
A l’état naturel, l’homme est méchant. Homo homini lupus (l’homme
est un loup pour l’homme). C’est la guerre de tous contre tous.
Comment se mettre à l’abri, comment sortir de la peur ? Telles sont les
questions posées dans Le Léviathan.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

- La société civile
La réponse à ces questions, c’est que l’homme abandonne ses droits et
libertés qu’il avait à l’état de nature et qu’il fallait défendre sans cesse
et les confie à l’Etat-Léviathan, géant dont le corps est formé de
myriades d’êtres humains et qui tient la crosse de l’évêque et l’épée,
symboles des autorités spirituelle et temporelle.
Pour que cet Etat naisse, il faut l’accord entre les hommes et une union
de tous les hommes pour former une volonté. Les hommes passent un
double contrat de droit public :
 Un contrat par lequel les individus s’associent entre eux ;
 Un contrat de ces associés avec celui auquel ils délèguent la
puissance pour être protégés et se soumettent totalement et sans
condition.
Le passage de l’état de nature à l’état civil se fait donc par pacte ou
contrat qui convertit la pluralité des volontés individuelles en une seule
volonté. La société est, selon Hobbes, une création artificielle née de
la cruauté de l’homme envers son semblable, son voisin.
On est loin d’Aristote pour qui l’homme est un animal politique.
Hobbes est le premier penseur à écrire la théorie du contrat de société.
Suivront John Locke (1632-1704) et Jean-Jacques Rousseau (1712-
1778)., ce dernier affirmant l’inverse que Hobbes sur l’état de nature.

C. John Locke (1632-1704), un inconditionnel de la liberté


John Locke ouvre la voie du libéralisme. Contemporain de la deuxième
révolution anglaise (1689) qui se conclut par la chute définitive du
régime de droit divin et l’instauration d’une monarchie
constitutionnelle, cet Anglais réfute le contrat de soumission qui
institue le Léviathan. Il inspirera la constitution américaine. En France,
les projets politiques des Lumières se propagent entre deux tendances
opposées : Montesquieu malgré ses nostalgies aristocratiques, prend
résolument parti pour le libéralisme, et Rousseau œuvre aux fondations
du collectivisme totalitaire. Tous deux vont marquer et inspirer, par leur
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

réflexion, l’organisation politique après 1789 où le pouvoir n’est plus


l’affaire d’un seul (monarchie) mais la chose de tous (res publica,
république).

1. SA VIE ET SON ŒUVRE


La vie de John Locke ne devient intéressante ici que lorsqu’il est entré
en 1666 au service de Lord Ashley, futur comte de Shaftesbury, qui fut
l’une des figures marquantes du parti whig – engagé d’ailleurs dans un
complot contre le roi.
L’Essai sur la tolérance que Locke publie en 1667, suivi en 1689 d’une
Lettre de la tolérance et surtout des Deux traités du gouvernement civil,
ouvrage publié 1690, montrent que John Locke, non seulement fait
partie des cercles « whiggistes », mais a contribué à la théorisation des
idées libérales que ceux-ci défendaient.

2. SA PENSÉE POLITIQUE
John Locke se demande comment se constitue le pouvoir social,
comment les membres de la société se situent par rapport à celui-ci.
Pour Locke, la raison d’être d’une société organisée est moins la
garantie de l’ordre comme chez Hobbes, que celle des droits naturels
des individus qui sont le droit à la vie, à la liberté, à la sûreté corporelle,
à la propriété des choses
Dans l’état de nature, les individus, libres et égaux, sont dirigés par la
raison. La seule organisation existante est la famille. Les individus
forment ainsi des familles et procèdent, selon leur convenance, aux
échanges qu’ils jugent profitables. Mais la société des hommes devient
plus complexe et il y apparaît des risques de plus en plus nombreux de
conflit. C’est le phénomène de conflit qui va justifier le passage à l’état
civil.

Les conflits pouvant faire perdre injustement aux individus la


jouissance de leurs droits naturels, c’est-à-dire le libre développement
de chacun, il convient qu’ils s’associent et instituent une instance ayant

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

pour rôle d’organiser cette société selon des règles communes et d’user
des moyens convenables pour les faire appliquer. Ainsi naît l’Etat de
droit.
John Locke souscrit donc entièrement à l’un des acquis essentiels de la
Glorious Revolution, l’engagement du Parlement à respecter le Bill of
Rigths énoncé en 1689, qui reprend lui-même certains textes antérieurs
dans l’histoire du peuple anglais (comme la Magna Carta de 1215) et
qui exige le consentement des représentants du peuple en matière
d’impôts.
L’œuvre politique de John Locke a eu une influence considérable sur
l’intelligentsia européenne.
- Voltaire s’en fera l’ardent propagandiste ;
- Les deux déclarations des droits de l’homme (l’américaine en
1787 et la française en 1789) s’en inspirent.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

Ce chapitre traite de ce qui, dans l’histoire des idées politiques en Occident,


est appelé « La transition anglaise ». Il s’agit de l’évolution de la vie en
Angleterre et des idées des penseurs politiques de ce pays qui ont contribué
de façon significative à sortir l’Occident de l’absolutisme. Ce chapitre
s’articule en trois rubriques :

- A/ La révolution puritaine, qui consiste au fait que les puritains,


membres du puritanisme et majoritaires au parlement d’Angleterre,
ont réussi à faire accepter le principe selon lequel le Roi
d’Angleterre, même s’il tient son pouvoir de Dieu, ne peut instaurer
et lever des impôts qu’avec l’autorisation du parlement ;

- B/ Les idées politiques de Thomas Hobbes (1588-1679) pour qui,


l’homme, à l’état de nature, « est un loup pour l’homme » ; ce qui fait
de la vie un état permanent de belligérance entre les hommes. Pour y
remédier, les hommes doivent a/ conclure un contrat consistant à
faire fondre leurs volontés individuelles et particulières en une seule
volonté commune et b/ confier la mise en pratique de cette volonté
commune à une seule autorité (L’Etat-Léviathan détenant la
puissance temporelle et l’autorité spirituelle) à laquelle tous se
soumettent de façon absolue.

- C/ Les réflexions politiques de John Locke (1632-1704) pour qui, à


l’état de nature, les individus, libres et égaux, sont dirigés par la
raison. Ils forment des familles et procèdent aux échanges
convenables à la jouissance de leurs droits naturels que sont le droit
à la vie, à la liberté, à la sûreté corporelle, à la propriété des choses.
Mais la société des hommes devenant plus complexe, il y apparaît
des risques de plus en plus nombreux de conflits qui peuvent faire
perdre injustement aux individus la jouissance de leurs droits
naturels, c’est-à-dire le libre développement de chacun. Il convient
alors qu’ils s’associent et instituent une instance dont le rôle consiste
à organiser cette société selon des règles communes et à user des
moyens convenables pour les faire appliquer. Ainsi naît l’Etat de
droit. 48

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR APPROFONDIR LE


CHAPITRE

I. Auteurs évoqués

Hobbes, Thomas : Léviathan, traité de la matière, de la forme et du pouvoir


de la République ecclésiastique et civile (1651), trad. Gérard Mairet,
Gallimard, « Folio », 2000
Locke, John : Essai sur la tolérance (1667) et Lettre sur la tolérance (1689),
trad. Jean Le Clerc et Jean-Fabien Spitz, Flammarion, « GF », 2007
- Deux Traités du gouvernement (1690), trad. Bernard Gilson, Vrin, 1997

II. Commentaires

Angoulvent, Anne-Laure : Hobbes ou la crise de l’Etat baroque, PUF, 1992


Bouveresse-Quilliot, Renée : L’Empirisme anglais, PUF, « Que sais-je ?»,
1997
Dunn, John : La pensée politique de John Locke (1969), trad. Jean-François
Baillon, PUF, 1991
Hill, Christopher : Le Monde à l’envers : les idées radicales au cours de la
révolution anglaise (1972) trad. Simone Chambon et Rachel Ertel, Payot,
1977
Jaume, Lucien : Hobbes et l’Etat moderne, PUF, 1996
Lessay, Franck : Souveraineté et légitimité chez Hobbes, PUF, 1988
- : Le Débat Locke-Filmer, PUF, 1998

Mac Pherson, Crauwford B. : La théorie politique de l’individualisme


possessif de Hobbes à Locke, (1962), trad. Michel Fuchs, Gallimard,
« Folio », 2004
Manent, Pierre : Naissance de la politique moderne, Machiavel, Hobbes,
Rousseau, (1977), Gallimard, « Tel », 2007
Pasquino, Pasquale : « Thomas Hobbes, la condition naturelle de
l’humanité », in Revue française de science politique, avril 1994
Polin, Raymond : Politique et philosophie chez Hobbes (1952), Vrin, 1977
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

EXERCICES D’ASSIMILATION

I. Niveau I (Test de mémorisation des connaissances)

Affirmation Juste Faux Note


1/ La révolution puritaine est un mouvement
de révolte au sein de l’Eglise chrétienne /2
2/ La prédestination est une doctrine née du
puritanisme /2
3/ Pour Thomas Hobbes, l’homme à l’état de
nature est mauvais /1
4/ C’est pourquoi Hobbes préconise une
autorité absolue /1
5/ John Locke est le père du libéralisme
/2
6/ John Locke est l’initiateur de l’Etat de droit
/2
Total
/10

II Niveau II (Contrôle de la compréhension des connaissances)

1. Par quel raisonnement Thomas Hobbes (1588-1679) d’une part et John


Locke (1632-1704), d’autre part, parviennent-ils à la conception du
« contrat social » ?
2. L’absolutisme et l’Etat de droit : qui de Thomas Hobbes et de John Locke
peut être considéré comme l’initiateur de chacune de ces conceptions de
l’Etat ? Pourquoi ?

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

CHAPITRE 2 : LE RECUL DE L’ABSOLUTISME

Au cours du XVIIème siècle, le « principe-Etat » semble s’être imposé


dans la pensée politique européenne, même si le débat est vif entre
partisans d’une souveraineté absolue (pour lesquels cette absoluité est
la condition de la stabilité étatique et par là de la sécurité collective) et
partisans d’une souveraineté limitée. Pour les premiers, dans le sillage
de Bodin et Hobbes, aucune sorte de principes juridiques premiers ne
doit lier la volonté souveraine législative ; pour les seconds, libéraux
dont Locke est l’emblème, il le faut, car ils veulent que le « principe-
Etat » soit protecteur envers les individus, pas seulement au regard de
leur sécurité ; ils souhaitent créer un véritable Etat de droit.

Le XVIIIème siècle, dit Siècle des Lumières, a le culte et l’amour de la


loi. La loi intervient d’abord pour organiser la société et le pouvoir
(c’est la constitution). Ensuite, il faut des lois pour assurer le
fonctionnement de la vie en société. Montesquieu fait partie des
penseurs de cette époque dont les réflexions ont été déterminantes dans
ce cadre.

A. Montesquieu (1689-1755), le refus du confusionnisme


politique

1. SA VIE
Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu est né au
Château de La Brède, près de Bordeaux. Issu d’une famille de
magistrats bordelais, il entre au Collège des Oratoriens de Juilly et,
après des études de droit, devient conseiller au parlement de Bordeaux
en 1714. Avant donc de se consacrer à l’écriture, il a appartenu à la
noblesse de robe (président du parlement de Bordeaux en 1716, office
qu’il a hérité et qu’il a vendu en 1726 pour voyager et écrire).

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

2. SON ŒUVRE ET SA PENSÉE POLITIQUE

2.1. Son œuvre


Déjà en 1721, Montesquieu a publié sous anonymat son roman
épistolaire intitulé Les lettres persanes, œuvre dans laquelle il dénonce
les travers politiques de son temps.

L’œuvre majeure produite par Montesquieu après s’être libéré de ses


charges de président du parlement de Bordeaux, est De l’Esprit des lois,
ouvrage publié en 1748, dont la plus grande partie a été rédigée entre
1740 et 1743, et qui exercera une influence aussi considérable que
paradoxale sur les membres des instances constituantes de la
Révolution française (1789) et sur les Pères fondateurs américains.

Dans cet ouvrage, Montesquieu définit la raison universelle des lois. Il


s’agit d’une histoire des lois et des institutions de l’Antiquité au
XVIIIème siècle, où il apparaît la tentative originale de combiner la
succession diachronique (évolution dans le temps) des événements
historiques avec l’invariant synchronique qui se retrouve à toutes les
époques par de-là les changements. L’auteur en arrive à la conclusion
selon laquelle il y a relation entre les différentes formes de
gouvernement et l’environnement naturel, humain et social.

2.2. Sa pensée politique


La pensée politique de Montesquieu se trouve consignée dans De
l’Esprit des lois. Disciple de John Locke, assez proche du
traditionalisme aristocratique de Fénelon et de Saint-Simon (1675-
1755), Montesquieu assure la confluence des deux tendances.
Adversaire de l’absolutisme, de l’exercice du pouvoir en solitaire, il
propose de partager le pouvoir pour l’affaiblir (J.J. Rousseau proposera
le transfert du pouvoir du roi au peuple). C’est au chap. 6 du livre IX
de De l’Esprit des lois consacré à la constitution anglaise que
Montesquieu présente sa fameuse théorie de la distribution des
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

pouvoirs. « Il faut scinder la puissance législative, la puissance


exécutrice [aujourd’hui, on parle de pouvoir exécutif], la puissance de
juger. » Montesquieu, qui n’a jamais utilisé l’expression « séparation
des pouvoirs », refuse le confusionnisme politique. Il s’inspire de
l’exemple constitutionnel anglais qui dissocie ce que le système
monarchique français concentre. Le roi n’a pas à décider de la justice
ni des lois. En distinguant entre les trois fonctions, Montesquieu
recherche l’équilibre entre organe législatif, exécutif et judiciaire. « Le
pouvoir arrêtera le pouvoir, pour le plus grand bien de la liberté. »
Montesquieu sape l’absolutisme sans aller jusqu’à prôner la
démocratie. Il estime que le peuple peut élire, mais non décider.

B. La diffusion des idées anglaises

Dans le sillage de Montesquieu, il va se développer au XVIIIème siècle


une influence du système politique anglais, notamment avec le livre de
Jean- Louis De Holmes.

1. LA VIE ET L’ŒUVRE DE JEAN- LOUIS DE HOLMES


(1741-1806)
1.1. Sa vie

Jean- Louis De Holmes est un Suisse né à Genève dans une famille


bourgeoise. Il est avocat et participe aux luttes politiques locales. Son
engagement politique le contraint à l’exil. Il s’installe alors en
Angleterre d’où il publie son livre intitulé « La constitution
d’Angleterre».

1.2. Son œuvre et sa pensée politique

Jean- Louis De Holmes est certes auteur de plusieurs ouvrages, mais


celui qui mérite d’être mentionné ici est « La constitution
d’Angleterre ». Ce livre est une présentation idéalisée du régime anglais
d’alors. Il est plus une exaltation du libéralisme qu’une description
objective de ce régime. Cet ouvrage va connaître un succès considérable
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

en France. Il exerce une grande influence sur les monarchistes français


qui tentent de faire prévaloir en France les institutions anglaises. Bien
entendu, il connaît également un grand succès en Grande-Bretagne :
Son influence s’étend aux Etats-Unis d’Amérique grâce à John
ADAMS, à cette époque ambassadeur des USA en Angleterre, qui
publie « Apologie des institutions aux Etats-Unis », ouvrage qui
s’inspire des idées de Jean-Louis de Holmes au bénéfice de ceux qui
n’en jouissent pas

Pour Jean- Louis De HOLMES, la séparation des pouvoirs assure


certes un certain équilibre du pouvoir, mais ce n’est pas encore
suffisant. Le parlement contrôlant le pouvoir exécutif, il est nécessaire,
voire indispensable que le parlement soit lui-même contrôlé,
notamment par le peuple à travers la presse, mais une presse libre. Une
telle presse, estime De Holmes, permet au peuple de se faire une
opinion et d’agir en connaissance de cause au moment des élections.
Mais qu’en serait-il ici d’une population constituée en majorité
d’analphabètes et de personnes ne jouissant pas pleinement de leur
autonomie de penser et d’agir?

2. LA CONTRIBUTION DE L’OUVRAGE « LE
FÉDÉRALISTE »

2.1. Présentation de l’ouvrage

Une autre contribution significative à la diffusion des idées politiques


anglaises est l’ouvrage intitulé « Le fédéraliste ». Il s’agit au départ
d’une série d’articles de journaux parus sous anonymat de 1787 à 1788
dans des quotidiens new-yorkais, bien que l’on devine aisément les
auteurs. Il s’agit des représentants au Congrès :
- de l’Etat de New-York (Hamilton, auteur de plus de la moitié des
articles),
- de l’Etat de Virginie, Madison.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Ces articles sont par la suite reliés en un ouvrage de 2 tomes. Les deux
auteurs, Hamilton et Madison, deviendront par la suite les leaders
respectifs du Parti Fédéraliste (devenu plus tard le Parti Démocrate) et
du Parti Républicain.

2.2. Les idées prônées par « Le fédéraliste »

Dans l’ensemble, « Le fédéraliste » prône :


- un gouvernement fort, garantissant les libertés individuelles ;
- la séparation des pouvoirs ;
- des élections fréquentes (tous les 2 ans pour La Chambre des
Représentants ; 6 ans pour le Sénat)
- éloignement du risque d’accession au pouvoir par des factions, c-
à-d un ensemble de personnes unies et guidées par un intérêt
commun contraire aux droits des citoyens (cf l’article n° 10 où
Madison développe cette idée)
Jusqu’en 1800, les présidents américains sont issus du Parti Fédéraliste
(Démocrate), parti conservateur, défendant les intérêts des industriels
et des commerciaux du nord des Etats-Unis.

C. Le despotisme éclairé
1. LA NOTION DE DESPOTISME ÉCLAIRÉ

La notion est née au Siècle des Lumières (XVIIIème siècle). Au début,


on parlait de « despotisme légal ». Mais cela était inadéquat, puisque le
despote est celui qui gouverne selon ses propres caprices et non selon
les lois. On devait plutôt parler d’absolutisme éclairé par référence à
l’absolutisme du XVIIème siècle. Mais puisque l’absolutisme était
fondé sur la religion et que l’idée se voulait fondée sur la raison,
l’expression « absolutisme éclairé » ne pouvait pas convenir. Il s’agit
de gouverner en s’appuyant sur le progrès des Lumières, des
connaissances.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

L’absolutisme éclairé va devenir la forme dominante de gouvernement


à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Le modèle anglais et
Montesquieu vont perdre un peu de leur prestige en France où la
division des pouvoirs commence à être regardée comme source
d’anarchie et de démagogie.

La doctrine du despotisme éclairé demeure fondamentalement une


doctrine libérale, mais elle entend instaurer et protéger la liberté d’une
autre façon. Il ne s’agit plus de faire des réformes politiques dans le but
de limiter le pouvoir ; bien au contraire, il s’agit de renforcer le pouvoir
pour le rendre plus efficace. Mais ce pouvoir doit être mieux éclairé,
afin de gouverner sur la base de la raison, le respect de l’ordre public
des choses et en visant le bonheur du peuple.

2. LES ÉCOLES QUI PARTAGENT CETTE DOCTRINE


La doctrine du despotisme éclairé se développe en deux écoles
principales qui se forment autour de Voltaire et du Baron d’Holbach.

2.1. La tendance de Voltaire (1694-1778)

Voltaire n’adhère pas au système politique anglais. Certes, il admire la


garantie des libertés individuelles qu’il procure, mais il se désintéresse
des mécanismes politiques qui y concourent. Voltaire était le type
même de l’intellectuel engagé qui défendait les libertés et prenait donc
la défense des opprimés. Ainsi, il plaidera pour la révision du procès de
Calas et dans l’affaire du Chevalier de la Barre.
Il voulait donc à la tête de l’Etat un prince éclairé dont le gouvernement
devait protéger le territoire et permettre à ses habitants de jouir de leurs
libertés individuelles sans nuire à celles d’autrui et vivre du fruit de leur
labeur sans entraver les activités professionnelles des autres.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

2.2. La tendance du Baron d’Holbach (1723-1789)

Le Baron d’Holbach était un riche Allemand qui s’était fait naturaliser


Français et qui tenait un Salon à Paris où se rencontraient les
philosophes. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont « Systèmes de
la Nature » (1770).
Alors que les physiocrates se préoccupent essentiellement de libertés
économiques, les philosophes, eux, se soucient surtout des libertés
publiques comme la liberté de pensée et les garanties individuelles. La
liberté de pensée suppose la liberté de conscience. C’est ainsi qu’ils
s’opposent ouvertement à l’Eglise catholique et manifestent des
tendances déistes, voire athées.

L’ouvrage du Baron d’Holbach soulève deux points importants :


a. Peu importe la forme de gouvernement, pourvu qu’il gouverne
dans l’intérêt du peuple. De toute façon, chaque forme de
gouvernement a ses inconvénients et peut dégénérer. Aucune
forme n’est meilleure.
b. En cas de mauvais gouvernement, la solution n’est pas, selon le
Baron d’Holbacch, de changer de gouvernement ; cela peut
conduire à un cycle de pouvoir dans leur intérêt – comme le
système anglais en présente le risque – ce qui aboutirait au
malheur du peuple. C’est pourquoi le gouvernement doit être
exercé par un homme fort, mais éclairé, philosophe.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

Ce chapitre traite principalement de l’influence que la vie et les idées politiques


anglaises ont eue sur les réflexions politiques en Occident. Ces réflexions se
caractérisent désormais par une nette distanciation de l’absolutisme. Ce chapitre
comporte trois rubriques :

A/ Les réflexions politiques de Charles de Secondat, baron de La Brède et de


Montesquieu (1689-1755), auteur de Les lettres persanes (1721) et de De l’Esprit
des lois (1748). Au chapitre 6 du livre IX de De l’Esprit des lois, Montesquieu,
s’inspirant du système constitutionnel anglais, présente un pouvoir d’Etat qui
s’articule en trois instances complémentaires fonctionnant séparément les unes des
autres. Ce sont :
- «la puissance législative » (aujourd’hui pouvoir législatif) qui est constituée
du peuple et/ou de ses représentants, et qui vote les lois, fondement de l’Etat,
- «la puissance exécutrice » (aujourd’hui pouvoir exécutif) , organe ayant à sa
tête l’autorité suprême de l’Etat et chargé de faire fonctionner le pays sur la
base des lois votées par la puissance législative ; enfin
- «la puissance de juger » (aujourd’hui pouvoir judiciaire) . institution qui a
pour rôle de veiller à la bonne application des lois et de sanctionner tous ceux
qui les violent. Ainsi, le pouvoir d’Etat assure efficacement la gestion du pays
sans être concentré entre les mains d’une seule et même personne.
-
B/ La diffusion des idées anglaises. Cette rubrique montre comment, à la suite de
Montesquieu, les idées anglaises ont été diffusées en Occident. Il s’agit de :
- l’importante contribution du Suisse Jean-Louis de Holmes (1741-1806) à
travers son ouvrage intitulé La constitution d’Angleterre
- L’effet très significatif aux Etats –Unis d’Amérique de l’ouvrage intitulé Le
fédéraliste (1788) publié par deux représentants au Congrès (Hamilton pour
l’Etat de New-York, et Madison pour l’Etat de Virginie)
-
C/ Le despotisme éclairé. Cette rubrique traite d’une notion politique qui est une
adaptation de l’absolutisme aux idéaux du Siècle des Lumières. Il s’agit d’imposer
(tel un despote) aux populations les idéaux des Lumières, afin de faire leur bonheur.
Cette doctrine a donné naissance à deux principales écoles d’application :
- L’Ecole de Voltaire et L’Ecole du Baron d’Holbach

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR APPROFONDIR LE


CHAPITRE

I. Auteur évoqué
Montesquieu (Charles de Secondat, Baron de la Brède et de) : De l’Esprit
des lois (1748), Flammarion « GF »,
II. Commentaires
Althusser, Louis : Montesquieu, la politique et l’histoire (1959), PUF,
« Quadrige », 1985
Courtois, Jean-Patrice : Inflexions de la rationalité dans l’Esprit des lois de
Montesquieu, PUF, 1999
Destutt de Tracy, Antoine : Commentaire sur L’Esprit des lois de
Montesquieu. Quels sont les moyens de fonder la morale d’un peuple ?, Didot,
1819
Eisenmann, Charles : « L’Esprit des lois et la séparation des pouvoirs », in
Mélanges Carré de Malberg, 1933, pp. 165-192, reprod. In : Charles
Eisenmann : Ecrits de théorie du droit, du droit constitutionnel et d’idées
politiques, textes réunis par Charles Leben, Editions Panthéon-Assas, 2002, pp.
565-582
Goyard-Fabre, Simone : Montesquieu, la nature, les lois, la liberté, PUF,
1993
Joly, Maurice : Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu (1868),
Allia, 1999
Morilhat, Claude : Montesquieu, politique et Richesses, PUF, 1996
Troper, Michel : La Séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle
française, LGDJ, 1973
Vernière, Paul : Montesquieu et l’Esprit des lois ou la Raison impure, SEES,
1977

59

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

EXERCICES D’ASSIMILATION

I. Niveau I (Test de mémorisation des connaissances)

Affirmation Juste Faux Note


1/ Montesquieu est l’auteur de Du contrat social /1
2/ Il (Montesquieu) est contre la séparation des
/1
pouvoirs
3/ Jean-Louis De Holmes est l’auteur de La
/2
constitution d’Angleterre
4/ Jean-Louis De Holmes y montre son opposition à
/2
Montesquieu
5/ Le Fédéraliste était un penseur français du
XVIIIème siècle qui faisait l’éloge du fédéralisme
/2
américain
6/ Voltaire et le Baron d’Holbach ont été les
principaux adversaires de la notion de despotisme
/2
éclairé
Total
/10
II. Niveau II (Contrôle de la compréhension des connaissances)

1. A quoi pensait réellement Montesquieu (1689-1755) et qui l’a amené à ne


jamais employer l’expression « séparation des pouvoirs » dans ses réflexions
politiques. Les trois pouvoirs traditionnels, à savoir le pouvoir législatif, le
pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, sont-ils vraiment séparés ? (04
points)
2. En quoi consiste l’importance de Jean- Louis De Holmes (1741-1806) dans
l’histoire des idées politiques ? Quelle personne physique ou morale partage
cette même importance avec Jean-Louis De Holmes? (03 points)
3. Qu’est-ce que le « despotisme éclairé » ? Quelles sont les écoles qui ont
enseigné cette doctrine politique ? (03 points)

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Troisième partie : Révolution et contre-révolution

Chapitre 1 : Les progrès de la contestation

A. Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) : un fanatique de


l’égalité
1. L’HOMME ET SON ŒUVRE
1.1. L’homme
Rousseau tient une place à part dans le courant philosophique du
XVIIIème siècle, tant la singularité de l’homme est grande :
- Rousseau est un prolétaire, le fils d’un artisan de Genève ;
Montesquieu est un aristocrate, Voltaire et Diderot sont des
bourgeois éclairés ;
- Rousseau est un autodidacte, les autres théoriciens de l’époque
ont suivi un cursus studiorum classique ;
- Rousseau, venu tard à l’écriture, ne croit pas au progrès. Pour
lui, les sciences et les arts introduisent la corruption de la
civilisation. Il est pessimiste sur l’homme. Tous les autres
penseurs de son époque, philosophes ou non, auteurs d’articles
dans l’Encyclopédie, ont foi en l’homme et aux progrès ;
- Sur le plan politique, Rousseau est plus radical que ses
contemporains, il prône la démocratie sociale ; Montesquieu
libéral et Voltaire éclairé veulent aménager la société d’Ancien
Régime.

1.2. Son œuvre

L’œuvre de Rousseau est très diverse. Elle est littéraire, politique,


publiciste etc.
Ce sont surtout les œuvres littéraires publiées de son vivant qui ont
fait la célébrité de Rousseau. Ce sont :
- La nouvelle Héloïse (1761)
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

- Emile ou de l’Education (1762)


A ces ouvres littéraires il faut ajouter celles qui furent publiées après
sa mort. Ce sont :
- Les Confessions
- Rousseau juge de Jean Jacques
- Les Rêveries d’un promeneur solitaire
Les œuvres politiques de Rousseau peuvent être regroupées en trois
catégories. Ce sont :
- Economie politique
On citera ici un article intitulé « Economie politique » publié dans
l’Encyclopédie de Diderot.
- Critique politique
Il s’agit ici de « Lettre de la montagne » (1764) où Rousseau entend se
défendre contre les attaques de Genève et critique le régime de Genève.
- Politique constitutionnelle.
On notera ici « Le projet de constitution pour la Corse » (1765), mais
publié seulement en 1861, et « Des considérations sur le gouvernement
de Pologne » écrit en 1771 et publié 1782. L’œuvre politique majeure
de Jean-Jacques Rousseau est « Du contrat social » (1762). C’est en
cette œuvre que sont exprimées les idées politiques de Rousseau.

2. SES IDÉES POLITIQUES

Pour ce Genevois, le postulat de base est l’égalité de tous les hommes.


Dans l’état de nature, les hommes sont bons (mythe du bon sauvage)
et égaux. Dieu créateur de l’homme et garant de l’ordre naturel
n’autorise pas l’inégalité. En revanche, l’inégalité est historique : elle
date de l’apparition de la propriété. Cette inégalité, d’abord sociale,
puis politique, menace la survie de l’espèce humaine. C’est pourquoi
Rousseau veut transposer l’égalité naturelle dans le domaine de la
politique. Le moyen de cette transposition est, encore une fois, après
Hobbes et Locke, le contrat fondateur et organisateur de la société.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Pour que l’égalité naturelle des hommes se consolide en égalité


politique, il faut que chaque citoyen, au moment où il devient citoyen,
c’est-à-dire à l’instant de la conclusion du pacte civique, renonce à la
totalité de ses droits qu’il tenait de la nature. L’homme se dépouille de
ses droits originaires et devient le citoyen doté de droits civiques ou
politiques qui sont les mêmes pour tous. Mais ces droits sont
désormais tenus par la puissance publique et par elle seule. Alors que
Locke déclarait les droits naturels inaliénables, chez Rousseau comme
chez Hobbes, ils disparaissent. Le seul point commun entre ces
diverses conceptions du contrat social est le côté volontariste de
l’organisation sociale : la société organisée résulte d’un acte de volonté
collectif.
Quant à la loi, elle ne peut émaner que de la communauté politique,
seule souveraine et seule capable d’exprimer la volonté générale, c’est-
à-dire la somme, mieux la synthèse, des volontés individuelles, qui
induit les caractères essentiels de la souveraineté :
- Inaliénable : donc impossible de la déléguer ; Rousseau est
contre le système représentatif, il prône la souveraineté populaire,
la démocratie directe (chose courante dans les cantons suisses) ;
- Indivisible : Rousseau est contre la séparation des pouvoirs ;
- Infaillible : la volonté générale pense toujours à l’utilité publique.
La loi exprimée directement par le peuple lui-même est la seule source
du droit, elle peut tout vouloir. Les hommes, en se conformant à la
loi, n’obéissent qu’à eux-mêmes.

Rousseau qui pense comme Hobbes que l’absolutisme est nécessaire


pour maintenir l’ordre, croit l’avoir rendu compatible avec la liberté en
lui donnant une forme démocratique. Mais, en passant de la monarchie
à la démocratie, l’absolutisme change de nature et risque de devenir
totalitaire. Rousseau substitue à la monarchie absolue une démocratie
absolue, la tyrannie de la majorité.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

B. La contestation radicale

1. L’ABBÉ MABLY (GABRIEL BONNOT DE [1709-1785])

L’Abbé Mably est le frère-ainé du philosophe Etienne Bonnot de


Condillac (1715-1780). Il est ce qu’on appelait un abbé de salon,
impliqué dans l’administration. Son œuvre (Droit public de l’Europe
fondé sur les traités [1748] et Observations sur l’histoire de France
[1765] est aujourd’hui oubliée, mais, à son époque, elle était plus
connue et plus lue que celle de Jean-Jacques Rousseau. Ces idées sont
d’ailleurs proches de celles de Rousseau. Comme lui, il préfère les petits
Etats regroupés en fédération. D’ailleurs, Rousseau se plaignait d’être
plagié par Mably, sauf en ce qui concerne la condamnation par Mably
du système de démocratie directe.

2. L’ABBÉ MORELLY

Opposé à Mably, l’Abbé Morelly est un extrémiste, heureusement


méconnu et sans influence significative. En substance, Morelly
considère, comme Jean-Jacques Rousseau, que la source de tous les
maux, c’est la propriété. On doit, selon lui, revenir à ce qu’il appelle le
« véritable esprit des lois », c’est-à-dire les lois naturelles. Pour l’Abbé
Morelly, il y a trois lois fondamentales à rétablir:
- Rien n’appartient à personne ;
- Tout citoyen doit être considéré comme un homme public et
doit donc être entretenu par la communauté ;
- Tout citoyen contribuera, pour sa part, à l’utilité publique.
Il se montre cependant indifférent, quant à la forme du gouvernement.
Il propose un système de fédéralisme démocratique sans élections et un
mécanisme de responsabilité tournante où chaque père de famille
exerce à tour de rôle une responsabilité publique. Le système proposé
par l’Abbé Morelly est autoritaire. Tout y est réglementé : l’éducation,
le mariage et même la pensée.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

C. Les idées prérévolutionnaires

Avant le déclenchement de la Révolution de 1789 s’élaborent des idées


qui en ont influencé les idéaux. Les principaux auteurs de ces idées sont
CONDORCET (1743-1794) et Emmanuel SIEYÈS (1748-1836)

1. MARIE JEAN ANTOINE DE CARITAT, MARQUIS DE


CONDORCET (1743-1794)
1.1. Sa vie

Condorcet est un marquis désargenté. Mathématicien précoce, il entre


à l’Académie des Sciences en 1769, puis à l’Académie Française en
1782. Il passe pour le dernier philosophe héritier de la pensée du 18è
siècle. Il est proche de la pensée de Turgot et de Voltaire. C’est un
admirateur de la révolution américaine. Sous la Révolution (1789), non
élu aux Etats-Généraux, il ne participe pas à l’Assemblée Constituante,
mais il est membre de l’Assemblée Législative. Il prend le parti des
Girondins et est arrêté en mars 1794. On le retrouve mort dans sa
cellule.

1.2. Ses idées politiques

Les idées politiques de Condorcet se développent presque totalement


dans un ouvrage. Il s’agit de « Lettres d’un bourgeois de Newhaven à
un citoyen de Virginie sur l’inutilité de partager le pouvoir législatif en
plusieurs corps » (1787).
Dans cet ouvrage, Condorcet suppose que les lois ont un objectif limité
et que seulement une partie des habitants sont citoyens. Il réfute l’idée
selon laquelle il faudrait établir une balance entre les pouvoirs. Tout,
selon Condorcet, n’est pas susceptible de faire l’objet d’une loi. Seules
les questions qui, par nature, doivent être traitées en commun le sont.
La loi ne peut avoir pour objet que de régir les domaines où une règle
commune est nécessaire et où l’on ne peut laisser chaque citoyen agir
selon sa volonté propre. Dans cette perspective, il faut distinguer deux
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

choses dans la législation : a/ décider quels sont les domaines où la loi


doit intervenir ; b/ quelle doit être la loi dans ces domaines.

Il faut donc faire une déclaration des droits destinés à fixer les domaines
dans lesquels la loi peut ou non intervenir. Condorcet propose une
conception du droit différente de celle qui va prévaloir en 1789. Pour
Condorcet, seuls les propriétaires fonciers peuvent être des citoyens de
l’Etat : Pour lui, il n’y a pas de risque que les propriétaires fonciers
fassent des lois dans leur seul intérêt.
Condorcet estime que ces propriétaires fonciers n’ont pas d’intérêt
différent de ceux des autres habitants. Ils ont les mêmes intérêts et les
éprouvent plus intensément encore. Aussi en seront-ils les meilleurs
défenseurs. L’ensemble des propriétaires fonciers d’un Etat possède
tout le territoire de cet Etat et les autres habitants ne peuvent habiter cet
Etat qu’avec le consentement des propriétaires. Condorcet considère
que même les femmes, dès lors qu’elles sont propriétaires, sont des
citoyens comme les autres.
Montesquieu s’oppose fermement aux idées de séparation et de balance
entre les pouvoirs. Pour lui, l’exécutif doit simplement être subordonné
au législatif.
Condorcet, lui, admet que le législateur puisse abuser de sa
compétence ; mais pour lui, il y a d’autres remèdes que le
bicaméralisme ou la balance des pouvoirs pour s’assurer que les lois
sont bien l’expression de la volonté des citoyens. Condorcet préconise
le Référendum et c’est là une idée novatrice.

2. EMMANUEL SIEYÈS (1748-1836)

2.1. Sa vie

SIEYÈS était prêtre. Il fut vicaire général de Chartres. Mais ayant subi
une frustration relative à son avancement au sein du clergé, il met fin à
sa carrière d’ecclésiastique et entre en politique et s’engage pour la
cause du Tiers-état. Il est élu aux Etats généraux de 1789 parmi les
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

députés du Tiers-état. En juin 1789, les Etats-Généraux se transforment


en Assemblée constituante. Sieyès y joue un grand rôle. Il acquiert la
réputation de grand théoricien constitutionnel. Mais ne parvenant pas à
faire passer ses idées, il se réfugie dans le silence. En 1792, il est élu à
la Convention. Il vote la mort du Roi Louis XVI. Contrairement à
Condorcet, il échappera au régime de la terreur. Membre du Conseil des
Cinq-Cents sous le Directoire, il propose ses idées constitutionnelles,
mais le nouveau régime du Directoire ne correspond pas à ce qu’il
attendait. En 1799, il accepte de se faire élire directeur et ne se
préoccupe que de faire réformer le système. Il cherche un général pour
faire un coup d’Etat et le trouve en Napoléon Bonaparte sans se rendre
compte que c’est Napoléon qui se sert de lui. Il rédige l’acte de
déchéance de Napoléon en 1814. La même année, pour échapper à la
rigueur de la Restauration (il était régicide), il doit s’exiler et ne revient
en France qu’après 1830. SIEYÈS incarne l’art de sortir indemne des
tourments politiques, sachant alterner le retrait et la mise en avant sur
la scène politique.

2.2. Les œuvres et les idées politiques de SIEYÈS

Quand, en 1788, Louis XVI rétablit la liberté de la presse, un grand


nombre de brochures furent écrites. SIEYÈS en écrit trois.
- La première paraît dès l’été 1788 et s’intitule. « Vues sur les
moyens d’exécution dont les représentants de la France peuvent
disposer en 1789 » ;
- La deuxième, intitulée « Essai sur les privilèges », paraît en
novembre 1788 ;
- En janvier 1789 paraît « Qu’est ce que le Tiers-état ?»
Les idées politiques de SIEYÈS, exprimées dans ces trois brochures,
s’articule comme suit :
Il propose, comme Rousseau, une mutation radicale du fondement
du pouvoir politique : laïciser la souveraineté et la transférer du roi
à un autre titulaire. Mais la divergence entre les deux auteurs est tout
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

de même importante. Alors que Rousseau débouche sur la démocratie


directe, la souveraineté populaire, SIEYÈS prône la démocratie
représentative, la souveraineté nationale. La souveraineté,
terrestre et laïque, entière, inaliénable, indivisible, doit être remise
à une entité spécifique, la nation.

La nation, ensemble des citoyens qui ne sont rien pris isolément, qui,
regroupés, représentent tout,
- Existe d’elle-même ; elle est de droit naturel ;
- A besoin d’une organisation politique et administrative ;
- Est la source exclusive des pouvoirs ;
- Sa volonté s’appelle souveraineté ;
- Ne doit pas exprimer par elle-même sa volonté ;
- Exerce sa souveraineté par des représentants.
Souveraineté nationale et représentation sont deux concepts clés du
droit public positif. L’élu a un mandat représentatif et non plus
impératif. La souveraineté ne s’accommode que d’un système
représentatif qui ne peut être qu’oligarchique (pouvoir de quelques-
uns). L’élection cesse d’être une délégation et devient sélection. Le
suffrage est censitaire (élimination des citoyens passifs au profit des
actifs qui paient le cens).

SIEYÈS est hostile à la démocratie absolue qu’il qualifie de « pure


ou brute ». La souveraineté nationale n’implique pas que tous les
citoyens aient des responsabilités politiques. SIEYÈS conteste l’ordre
ancien, la monarchie absolue, tout en évitant la démocratie absolue. Ce
n’est plus le pouvoir d’un seul, mais ce n’est pas le pouvoir de tous. Il
conçoit le pouvoir de quelques-uns. Cette confiscation hiérarchique
et élitiste de l’autorité n’a pas empêché, à terme, la diffusion du
suffrage universel. Mais l’effet de retardement qu’elle a eu a permis de
rôder les mécanismes représentatifs.

La constitution politique, postérieure à la formation de la nation, est


un règlement qui détermine la manière dont l’autorité publique doit être
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

exercée ; elle organise des pouvoirs séparés pour sauvegarder les


libertés privées.

SIEYÈS distingue dans la nation quatre volontés :


- La volonté constituante ;
- La volonté pétitionnaire : représentée par un organe (le tribunal,
cf Rome) qui défend les intérêts particuliers ;
- La volonté gouvernante : représentée par une assemblée, le
Conseil d’Etat qui défend l’intérêt public, propose les lois et
nomme le pouvoir exécutif ;
- La volonté législative : représentée par le Corps législatif qui
décide de la loi.
Enfin SIEYÈS établit une hiérarchie des normes : les lois naturelles
intangibles, lois constituantes, lois ordinaires, et, distingue le pouvoir
constituant du pouvoir constitué. C’est à SIEYÈS que La France
contemporaine doit ses bases constitutionnelles.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

Ce chapitre fait suite au recul de l’absolutisme généré par la vie


et les idées politiques anglaises heureusement diffusées en
Occident à travers les réflexions politiques de Montesquieu,
l’ouvrage de Jean-Louis de Holmes intitulé La Constitution
d’Angleterre et Le fédéraliste, l’œuvre collective des Américains
Hamilton et Madison, tous deux représentants au Congrès
respectivement de l’Etat de New-York et celui de Virginie. Il met
le doigt sur l’avancée de la contestation de l’absolutisme en
Occident. Il s’articule en trois rubriques :

A/ Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), un fanatique de la


l’égalité. Ce penseur suisse francophone se distingue des autres
penseurs du Siècle des Lumières par sa singularité à tout point de
vue, surtout par la radicalité de sa position dans la contestation de
l’absolutisme. Dans son œuvre politique majeure intitulée Du
Contrat social (1762), Rousseau affirme qu’à l’état de nature, les
hommes sont bons et égaux et que c’est la société, surtout les
progrès des arts et des sciences, qui les corrompent. Il y a donc lieu
de restaurer la bonté et l’égalité naturelles perverties par
l’apparition de la notion de propriété, en fondant les volontés
individuelles et particulières en une seule volonté dont l’exercice
sera confié à la puissance publique et à elle seule. ;

B/ La contestation radicale. Cette rubrique fait apparaître la


radicalité de la contestation de l’absolutisme à travers les
réflexions d’autres penseurs plus ou moins proches de celles de
Rousseau, tels L’Abbé Mably (Gabriel Bonnot de [1709-1785])
que Rousseau accusait de le plagier, tellement leurs idées – sauf en
matière d’application de la démocratie où l’Abbé Mably rejetait la
démocratie directe de Rousseau - étaient identiques et L’Abbé
Morelly qui, à part son identité de vue avec Rousseau sur l’état de
nature et l’effet supposé négatif de la propriété, était trop
extrémiste et inexploitable en matière de gouvernement.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

C/ Les idées prérévolutionnaires. Cette rubrique présente les idées


qui, avant le déclenchement de la Révolution française de 1789, en ont
préparé les idéaux et dont les principaux auteurs sont CONDORCET
(1743-1794) et Emmanuel SIEYÈS (1748-1836).
 Avec Marie Jean Antoine de Caritat, Marquis de
CONDORCET (1743-1794), auteur de « Lettres d’un bourgeois
de Newhaven à un citoyen de Virginie sur l’inutilité de partager
le pouvoir législatif en corps » (1787), le statut de citoyen ne
devrait être réservé qu’aux propriétaires fonciers, qu’ils soient
hommes ou femmes. A l’ensemble des propriétaires fonciers d’un
Etat appartient tout le territoire de cet Etat. Leurs intérêts
communs ne peuvent qu’être partagés par les autres habitants
dont la présence sur le territoire concerné dépend de leur
consentement. Aussi est-il nécessaire pour Condorcet, que toute
loi soit soumise à Référendum pour savoir si elle est bien
l’expression de la volonté des citoyens. L’idée de référendum
était novatrice.
 Avec Emmanuel SIEYÈS (1748-1836), auteur de « Vues sur les
moyens d’exécution dont les représentants de la France peuvent
disposer en 1789 » (juin 1788), « Essai sur les privilèges » (nov.
1788) et « Qu’est ce que le Tiers-état ?» (janv.1789), on est de
plain-pied dans les idées prérévolutionnaires significatives. Il
apparait dans ces écrits que SIEYÈS :
- partage avec J-J Rousseau l’idée de mutation radicale du
fondement du pouvoir politique, à savoir, laïciser la
souveraineté et la transférer du roi à un autre titulaire
qui a pour nom « nation » ;
- est hostile tant à la monarchie absolue qu’à la
démocratie absolue ;
- rejette la démocratie directe de Rousseau et prône la
démocratie représentative.
- Oppose à la souveraineté populaire de Rousseau la
souveraineté nationale ;
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

- Estime que souveraineté nationale et représentation sont


deux concepts clés du droit public positif.
C’est à SIEYÈS, considéré comme un grand théoricien de constitution,
que La France contemporaine doit ses bases constitutionnelles.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR


APPROFONDIR LE CHAPITRE

I. Auteurs évoqués
Rousseau, Jean-Jacques : Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les
hommes (1756), Gallimard, « Folio », 1993
- : Le contrat social (1762), Flammarion, « GF », 1966
- : Emile ou De l’éducation (1762), Paris, Flammarion, « GF », 2009
- : Considérations sur le gouvernement de Pologne (1772),
Flammarion, « GF », 1990
Sieyès, Emmanuel-Joseph : Œuvres, Ethis, 1989
- : Qu’est-ceque le Tiers-Etat ? (1789), PUF, « Quadrige », 1989
II. Commentaires et monographies
Arendt, Hannah : Essai sur la Révolution (1963), trad. Michel Chrestien,
Gallimard, 1985
Bachofen, Blaise : La Condition de la liberté, Payot, 2002
Bastid, Paul : Sieyès et sa pensée, (1939), Slatkine, 1978
Bernardi, Bruno : La Fabrique des concepts : recherches sur l’invention
conceptuelle chez Rousseau, Champion, 2006
Bredin, Jean-Denis : Sieyès, La clé de la Révolution française, Librairie
générale française, « Le livre de poche », 1990
Cassirer, Ernst : Le Problème Jean-Jacques Rousseau (1932), trad. Pierre
Quillet, Fayard, « Pluriel », 2006
Derathé, Robert : Jean-Jacques Rousseau et la scène politique de son temps
(1950), Vrin, 1988
- : Pensée de Rousseau, Seuil, 1984
Furet, François : Penser la Révolution française (1978), Gallimard,
« Folio », 1985
Pasquino, Pascale : Sieyès et l’invention de la Constitution en France, Odile
Jacob, 1998
Philonenko, Alexis : Jean-Jacques Rousseau et la pensée du malheur, 3 vol.,
Vrin, 1984

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

EXERCICES D’ASSIMILATION

I. Niveau I (Test de mémorisation des connaissances)


Affirmation Juste Faux Note
1/ Rousseau estime qu’à l’état de nature, les
hommes sont égaux /1
2/ L’Abbé Mably, très proche de Rousseau,
préconisait, comme lui, la démocratie directe /1
3/ Emmanuel Sieyès affirmait que la nation est la
source exclusive des pouvoirs /2
4/ C’est pourquoi Sieyès était un fervent défenseur
de la démocratie /2
5/ Dans son ouvrage La constitution d’Angleterre,
Jean-Louis De Holmes manifeste son opposition à
/2
Montesquieu
6/ Le Fédéraliste était un penseur français du
XVIIIème siècle qui faisait l’éloge du fédéralisme
/2
américain
Total
/10

II. Niveau II (Contrôle de la compréhension des connaissances)

1. Qu’est ce qui distingue Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) de Thomas


Hobbes ? Par quel raisonnement Rousseau conçoit-il « le contrat social » ?
(04 points)
2. Qu’est-ce qui fondait le fait que Jean-Jacques Rousseau se croyait plagié
par l’Abbé Mably (1709-1785) dans sa pensée politique ? Cette accusation
de Rousseau se justifiait-elle entièrement ? (04 points)
3. Qu’est-ce qui, dans leur pensée politique respective, rapprochait
Emmanuel Sieyès (1748-1836) de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
d’une part et qui, d’autre part, les distinguait ? (02 points)

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Chapitre 2 : Révolution et contre-révolution

Les idées que nous avons jusqu’ici étudiées ne vont pas se développer
dans la même direction. Elles ne vont pas toutes servir la cause de la
Révolution. Face au mouvement révolutionnaire, il naît et se développe
une tendance contraire : le mouvement contre-révolutionnaire. Il s’est
aussi manifesté la nécessité de recherche d’un moyen terme.

A. Le mouvement révolutionnaire

A la veille de la Révolution, les idées ne s’étant pas encore confrontées,


se mélangent. On assiste à la naissance de deux tendances principales :
- L’influence de Montesquieu ;
- Celle de Rousseau

1. L’INFLUENCE DE MONTESQUIEU

L’influence de Montesquieu n’est pas directe et pure. Elle s’exerce sur


les penseurs de son époque à travers les écrits de De Holmes. Or, ce
dernier déforme quelque peu les idées de Montesquieu. C’est, pour ainsi
dire, un Montesquieu revu et corrigé par l’influence de la révolution
américaine. La révolution américaine a en effet marqué les esprits et
suscité l’enthousiasme, y compris au sein des classes privilégiées.

2. L’INFLUENCE DE ROUSSEAU

L’influence de Rousseau est certes grande, mais elle demeure abstraite.


Les idées de Rousseau, qui préconisait une démocratie directe, ne sont
pas applicables dans ce grand Etat unitaire qu’est La France.
Très vite, les différents acteurs de la Révolution française vont entrer
en conflit les uns avec les autres et préciser leur position politique. Des
idées qui, au départ apparaissent à gauche, vont passer à droite avec
l’apparition de nouvelles idées.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Le 5 mai 1789, c’est l’Assemblée des Etats Généraux. Elle apparaît


alors comme une réunion d’aristocrates face aux patriotes qui réclament
la fusion des 3 chambres en une seule assemblée. Le Roi et les autres
classes privilégiées cèderont finalement à cette demande en juin 1789
et il est créé l’Assemblée Nationale Constituante. Malheureusement,
les patriotes vont se diviser dès les premiers débats de l’assemblée. Ils
s’opposent entre monarchistes qui préconisent la transposition des
institutions anglaises en France, et constitutionnalistes dont les idées
sont plus vagues et influencées par les institutions américaines. Les
monarchistes semblent dominer au départ, mais ils seront vite éliminés
dès septembre 1789. Ce sont les constitutionnalistes qui triomphent.
Mais ils se divisent entre le clan de Lafayette et ses amis et le Triumvirat
(Union de trois personnes pour exercer le pouvoir) formé autour de
Barnave, Duport et Lameth.
Sous la constituante, on assiste à une radicalisation du conflit politique
et ce pour deux raisons : au sein de l’assemblée apparaît une nouvelle
opposition entre deux nouveaux partis.
Le 10 août 1792, la Monarchie tombe. La nouvelle assemblée
constituante prend le nom de Convention. Dès le début, il se développe
sur toutes les questions le conflit entre Girondins et Montagnards.
Aucun de ces deux groupes n’est majoritaire. Mais en juin 1793, les
Girondins seront éliminés de l’Assemblée du fait de l’alliance entre les
partisans de Marat (Les Marais) et les Montagnards. Il s'instaure alors
la dictature du comité du salut public qui se donne pour but de fonder
un nouveau régime (contraire à l’esprit de Rousseau qui voulait fonder
une dictature pour maintenir un régime existant).
Avec cette dictature sous la domination de Robespierre, les idées
révolutionnaires atteignent leur paroxysme. Il existait pourtant des
idées encore plus extrémistes, mais elles n’ont pas été appliquées au
pouvoir.

76

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

B. Le mouvement contre-révolutionnaire

Les deux premières années de la Révolution française connaissent un


grand retentissement en Europe. Elles sont saluées avec enthousiasme
par la majorité des intellectuels acquis aux idées des Lumières. La
Révolution exprime la réaction de la raison humaine face à un ordre
social et politique établi par une tradition archaïque. En Allemagne,
Friedrich Schiller (1759-1805) et Johann Gottlieb Fichte (1762-
1814) chantent l’idéal révolutionnaire, Emmanuel Kant (1724-1804)
et Friedrich Hegel (1770-1831) y voient le triomphe de la raison et de
la liberté. Cependant, cet engouement ne devait pas durer. Le régime de
La Terreur (à partir de 1792) provoque l’hostilité de ceux-là même qui
avaient applaudi en 1789. Le fondateur de la pensée contre-
révolutionnaire est Anglais. Il s’agit d’Edmund Burke (1729-1797).
En France, deux penseurs s’illustrent particulièrement dans ce cadre :
Joseph de Maistre (1753-1821) et Louis de Bonald (1754-1840).

1. EDMUND BURKE (1729-1797), LE PÈRE DE LA PENSÉE


CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE
1.1. L’homme
Edmund Burke, ce membre du Parlement britannique, aristocrate
irlandais libéral, a défendu les droits des catholiques d’Irlande et
soutenu l’insurrection des colons d’Amérique.

1.2. Sa pensée
Dès 1790, il publie ses Réflexions sur la Révolution en France.
Véritable pamphlet, cet ouvrage condamne avec vigueur et sans appel
l’expérience révolutionnaire qui lui paraît unique dans l’histoire. Plus
tard, cet ouvrage influencera Hippolyte Taine (1828-1893) et Ernest
Renan (1823-1892).
Selon Burke, l’établissement de la liberté et de l’égalité universelle
(Déclaration des droits du 26 août 1789) est contre nature ; il conduit à
la dislocation sociale et à la terreur et ne peut qu’engendrer désordre,
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

haine et totalitarisme. Burke entrevoit les effets néfastes, les dangers


des droits de l’homme qui atteignent leur paroxysme en 1794.

La Révolution lui apparaît comme la mise en œuvre de théories


abstraites, hors de sens, parce que détachées de la réalité concrète,
alors que seule l’expérience permet d’organiser la vie en société. Le
plus grand reproche que fait Burke à la Constituante est d’avoir tout
détruit, fait table rase du passé et reconstruit sur des bases nouvelles
inspirées seulement de la raison. Libéral et pragmatique, il estime que
la monarchie absolue présentait des défauts qu’il fallait simplement
corriger.

Dénonçant pêle-mêle les différentes initiatives des révolutionnaires


(confiscation des biens du clergé, disparition des provinces au profit des
départements géométriques détruisant l’esprit du terroir, organisation
judiciaire détruite…), il oppose :
- À l’impatience aveugle des révolutionnaires, la sagesse et la
lenteur des transformations apportées par le temps et l’œuvre de
l’histoire ;
- Au concept abstrait et rationnel de la liberté sur lequel repose
toute l’œuvre révolutionnaire, les libertés.
Il vante les mérites du respect des traditions et l’appartenance de
l’homme à des communautés historiques (famille, église, corps
intermédiaires) qui permettent aux hommes de vivre ensemble et
d’affirmer leurs différences.

2. LES REPRÉSENTANTS DE LA PENSÉE CONTRE-


RÉVOLUTIONNAIRE EN FRANCE

Les premiers théoriciens français de la Contre-Révolution sont le comte


Joseph de Maistre et Louis de Bonald, ministre d’Etat, pair de France,
député et maire de Millau sous La Restauration.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

2.1. Joseph de Maistre (1753-1821)


2.1.1. Sa vie
Né à Chambéry, il émigre en Suisse et écrit vers 1794 une Etude sur la
souveraineté ; en 1796, il publie ses Considérations sur la France, et
en 1821 Les soirées de Saint-Pétersbourg.

2.1.2. Sa pensée politique


La pensée religieuse a une influence considérable sur sa pensée
politique.
Admirateur de Burke, il lui emprunte un certain nombre de thèmes.
Tous deux :
- Ont horreur de l’abstraction, une défiance absolue à l’égard de la
raison intemporelle du XVIIIème siècle ;
- Sont adversaires du nationalisme négligeant les différences
régionales et nationales ;
- Condamnent les constitutions écrites et établies sur des principes
abstraits et les déclarations des droits qui n’ont aucun sens ;
- Pensent que les constitutions se forment au long de l’histoire
posant des règles qui sont des réponses à des problèmes concrets
(comme les lois fondamentales du royaume de France concernant
la dévolution de la couronne, ces lois non écrites sont
empiriques).
À la manière de Bossuet, De Maistre considère :
- L’histoire comme le résultat d’une intervention constante de la
Providence ;
- La Révolution française comme une manifestation divine sous la
forme d’un châtiment qui doit permettre aux Français de
comprendre leur devoir de restauration : la Contre-Révolution est
voulue par Dieu ;
- Dieu comme le titulaire de la souveraineté ; les gouvernants
agissent au nom de Dieu qui les a investis.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Enfin, pour De Maistre, la souveraineté nationale assortie du suffrage


par degrés n’est qu’une illusion, car elle écarte l’immense majorité du
peuple de la réalité du pouvoir.

2.2. Louis de Bonald (1754-1840)


2.2.1. Sa vie
D’abord favorable à la Révolution, il s’y oppose après le vote de la
constitution civile du clergé. Il émigre en Allemagne où, vivant dans la
misère, il publie sous anonymat en 1796 une Théorie du pouvoir
politique et religieux dans la société civile, démontrée par le
rationnement et par l’histoire.

2.2.2. Sa pensée politique


Les idées essentielles de son ouvrage sont les suivantes :
- La prééminence des droits de Dieu et la vanité des droits de
l’homme ;
- La religion est le fondement de tout ;
- La monarchie absolue et héréditaire est la seule forme de
gouvernement envisageable ;
- L’hostilité à une constitution écrite destinée à organiser le
pouvoir qui découle uniquement de l’évolution du temps ;
- L’individu n’a pas de droits, il n’a que des devoirs ;
- La société doit reposer non pas sur l’individualisme comme l’est
la société d’après 1789, mais sur le corporatisme comme l’était la
société de l’Ancien Régime.

C. La recherche d’un moyen terme, puis confrontation et


affrontement entre libéralisme, socialisme et nationalisme (XIXè
– XXè siècle)
1. LA RECHERCHE D’UN MOYEN TERME
Dès 1789, certains essaient de trouver une voie intermédiaire entre le
mouvement révolutionnaire et les idées contre-révolutionnaires. Mais,
à ce moment- là, les passions étaient tellement fortes qu’ils avaient du
mal à se faire entendre. Ce n’est que bien plus tard que de telles idées
réussiront à triompher.
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Dès 1789 en effet, le groupe des monarchistes essaie, au sein de


l’Assemblée Constituante, d’établir une conception intermédiaire. Ils
s’emploient à présenter un projet imitant les institutions anglaises ; mais
leur projet est rejeté et dès lors ils n’ont plus aucun rôle politique. Deux
éléments de leur projet, à savoir le Bicaméralisme et le Veto absolu du
roi, qui étaient essentiels pour eux, sont rejetés.

Après la chute de Robespierre, en septembre 1794, une majorité plus


modérée tente de s’imposer au sein de la Convention. Il est adopté la
constitution de l’an III qui établit une république bourgeoise avec, pour
la première fois en France, l’adoption d’un système bicaméral. Mais
cette république a bien du mal à tenir sa ligne.

Dans une ultime tentative, Sieyès, aidé par Napoléon Bonaparte, établit
le Consulat, espérant ainsi réaliser enfin une république libérale. Encore
une fois, c’est un échec, car Bonaparte se lance dans la politique de
dictature personnelle et des conquêtes.

Face à l’expérience de la Terreur, il va se développer en France la


pensée libérale. Il se développe l’idée selon laquelle il ne suffit pas de
changer de souverain pour établir la liberté. On se rend compte que la
souveraineté du peuple n’est pas forcément un gage de liberté et qu’elle
doit aussi être limitée. Une telle réflexion est entièrement nouvelle à
cette époque en France. Ces idées, élaborées par deux groupes, vont
finalement réussir à supplanter les idées révolutionnaires et contre-
révolutionnaires au 19ème siècle.

Dès la Charte de 1814 confortée par celle de 1830, il s’impose en France


le régime parlementaire à l’anglaise. Progressivement, ces idées vont se
démocratiser sous l’influence d’idées américaines. En 1848, il est établi
le suffrage universel. A partir de la IIIème République, ce suffrage sera
combiné avec le parlementarisme libéral.
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

2. LE LIBÉRALISME
Il est indiscutable que la Révolution Française de 1789 a fondé une
nouvelle société. En supprimant la hiérarchie des ordres, elle a créé des
citoyens juridiquement égaux. En détruisant les structures
corporatistes, elle a créé des citoyens libres de leurs comportements.
Cependant, la nouvelle égalité juridique ne va pas sans de sérieuses
contreparties :
- D’une société d’ordres on débouche sur une société de classes.
Désormais, deviennent décisifs les niveaux de ressources ou de
gains.
- Le citoyen est émancipé, mais il vit dans le plus sévère
individualisme, dans le plus complet isolement. Entre l’Etat
et le citoyen, il n’y a plus aucun groupement d’aucune sorte.
Hors de l’intérêt individuel n’est reconnu que l’intérêt général,
celui de l’ensemble des citoyens, celui du corps social en totalité.
La loi Chapelier du 14 juin 1791, qui vient interdire aux patrons et
aux ouvriers, non seulement de se regrouper, mais encore de se
concerter, frappe d’illégalité, - pendant 73 ans - tout regroupement
ouvrier et toute action ouvrière. Cette loi n’est abolie qu’en 1864. Cette
abolition permet l’action ouvrière collective et la grève cesse d’être
punissable, dès lors qu’elle ne s’accompagne pas de violences. En 1884,
c’est la reconnaissance des groupements professionnels, en l’espèce,
les syndicats.
L’individualisme est érigé sur le plan professionnel comme sur le plan
de l’activité économique en règle absolue, en véritable dogme. C’est
là une cause directe de la difficile condition ouvrière du XIXème siècle.
C’est là également l’une des causes motrices du socialisme qui naquit
en 1830 et qui fut, pour l’essentiel, une révolte contre l’individualisme
excessif né de la Révolution française de 1789.

La pensée politique se développe par rapport à la Révolution française


et principalement autour de la notion de liberté individuelle.
- Certains courants de pensée se posent en défenseurs de la liberté,

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

- D’autres dénoncent les conséquences néfastes de


l’individualisme révolutionnaire, permettant ainsi l’éclosion et
l’épanouissement d’un libéralisme effréné, à l’origine de la
formation d’un système économique, le capitalisme.

Le libéralisme et le socialisme ne sont pas les seuls grands courants de


la pensée politique qui se sont manifestés au XIXème siècle. Il y a aussi
le nationalisme qui est apparu en France au moment de la Révolution
de 1789.

3. LE SOCIALISME
La révolution industrielle entraîne un profond bouleversement
économique et social, en particulier l’accentuation de l’écart entre la
bourgeoisie – expression générique pour désigner la nouvelle classe
dirigeante – et le prolétariat qui se caractérise par sa vocation ouvrière,
sa masse et sa concentration urbaine. Le 19ème siècle voit des
affrontements nombreux entre bourgeoisie et prolétariat. Cette
lutte se transfère sur le plan de la politique.
L’idéologie de la bourgeoisie est le libéralisme économique. Au
libéralisme économique pessimiste des Anglais Adam Smith (1723-
1790) et Thomas Malthus (1766-1834), les Français opposent le
libéralisme optimiste de Jean-Baptiste Say (1767-1832) et de Frédéric
Bastiat (1801-1850). L’Etat ne doit intervenir ni dans les prix, ni dans
les salaires, ni pour organiser le marché, ni pour aider les entreprises en
difficulté. On ne demandera à l’Etat qu’un certain protectionnisme, les
barrières douanières, et ses gendarmes contre les mouvements ouvriers.
Le prolétariat (du mot latin proles qui signifie le citoyen pauvre de la
république romaine dont les enfants constituent la seule richesse), à
peine amorcé au 18ème siècle, est la grande nouveauté du 19ème siècle
due à l’industrialisation. Si le prolétariat n’est pas uniforme, il y a des
facteurs communs qui le distinguent des autres classes, à savoir les
conditions de travail (très pénibles en raison de la durée, de
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

l’insécurité, des mauvais salaires et du travail des femmes et des


enfants) et les conditions de vie misérables (logement dans les
banlieues, alcoolisme, conditions d’hygiène et de santé déplorables,
misère, chômage, dettes qui débouchent sur la délinquance, la
mendicité…). A Paris ou à Londres, c’est la même chose.
Devant cette condition ouvrière, des intellectuels issus de la
bourgeoisie, des esprits généreux, émus par l’excès de la misère, vont
prendre en main le devenir du prolétariat. Il est classique maintenant de
considérer qu’après une période de socialisme utopique, on assiste,
après 1815, à l’essor du socialisme scientifique.

3.1. Les socialismes utopiques


Le socialisme utopique tire ses sources de la philosophie des Lumières,
du christianisme évangélique et des doctrines extrêmes de la Révolution
française (Babeuf). Plusieurs tendances s’y font jour. Elles ont en
commun la vision d’une société idéale où les richesses et les moyens de
production sont distribués selon le travail et le besoin. Des expériences
de vie communautaire où est réalisée l’égalisation sociale des
conditions de vie – véritables utopies – les caractérisent. Penchons –
nous d’abord sur les précurseurs de cette pensée ; nous nous
consacrerons ensuite aux socialistes chrétiens et athées.

A. Les précurseurs du socialisme


En Angleterre et en France on a tenté des expériences que l’on désigne
sous le vocable d’associationnisme, de saint-simonisme et de
fouriérisme, dont le but est de réduire ou corriger les conséquences
économiques et sociales néfastes de l’industrialisation.

A.1. Robert Owen (1771-1858)

L’Angleterre est au début du 19ème siècle le pays européen qui connaît


le plus fort mouvement d’industrialisation. Aussi éprouve-t-elle avant
les autres sociétés européennes les conséquences sociales de
l’industrialisation.
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

A.1.1. La vie de Robert Owen

Robert Owen, né en 1771 à Newtown, devient à l’âge de 19 ans


directeur de la production dans une filature de coton du Lancashire. À
30 ans, il rachète une grosse entreprise employant 18 000 ouvriers dont
500 enfants qu’il dirige de façon paternaliste, en s’efforçant de concilier
deux objectifs jugés contradictoires : la propriété de l’entreprise et
l’amélioration du sort de ceux qui y travaillent.

A.1.2. Sa pensée
Owen estime que la protection du travailleur passe par des conditions
de vie décentes : une rémunération acceptable, une hygiène dans le
travail et un accès à l’instruction. La justice sociale qu’il propose se
réalisera, selon lui, par l’Etat qui est seul à pouvoir aider les ouvriers
dans leurs affrontements avec les chefs d’entreprises, les capitalistes.

Cependant, les ouvriers ne doivent pas attendre de l’Etat toutes les


solutions susceptibles d’améliorer leur situation. Ils doivent se prendre
en charge. La solution est l’associationnisme.
Owen propose la création de villages communautaires :
- Où les hommes seraient à la fois ouvriers et agriculteurs ;
- Où des coopératives permettraient aux travailleurs d’échapper à
la condition de salarié qui est la cause de tous leurs maux et de
mettre fin à la dépendance de l’employé de son employeur ;
- Où une banque non capitaliste serait créée. Ce serait «l’équitable
banque d’échange ».
Mais toutes les tentatives de villages coopératifs créés par Owen
échouèrent.

A.2. Claude-Henri, comte de Saint-Simon (1760-1825)


A.2.1. Sa vie
Ce fut un philosophe et économiste français né en 1760 à Paris. Il crée
l’Ecole politique et sociale des Saint-Simoniens. Il est l’auteur de
plusieurs ouvrages :
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

- Mémoire sur la science de l’homme (1813) ;


- L’industrie ou discussions politiques, morales et philosophiques
dans l’intérêt de tous les hommes livrés à des travaux utiles et
indépendants (1817) ;
- Le système industriel (1823)
Il est le fondateur de la revue L’organisateur (1819)

A.2.2 Sa pensée

Claude-Henri, comte de Saint-Simon, était un visionnaire, prophète de


l’industrialisation. Il rêve d’une technocratie autoritaire. Il lance les
idées qui tracent la voie d’un socialisme scientifique.
A l’exploitation de l’homme par l’homme (le salariat) et à la
concurrence libérale, il oppose une organisation du crédit et du travail
qui entend réaliser « l’égalité des chances au départ par l’abolition de
l’héritage », mais « la promotion inégalitaire des talents par la
constitution d’une technocratie de savants, d’ingénieurs et
d’industriels, gouvernant la société ». La société, qui a pour but la
production, est fondée sur l’intelligence, le travail, l’amour entre les
peuples. Les chefs de la cité (les savants et les ingénieurs, « les
producteurs » s’opposant aux oisifs, « les frelons »), distribueront à
chacun les moyens de production et de consommation selon ses
capacités et ses besoins.

Ce n’est qu’un petit nombre de disciples de Saint-Simon qui évolueront


dans le sens socialiste dont Pierre Leroux (1797-1871) qui fonde le
journal Le Globe en 1824 et propage sinon invente le mot socialisme,
mais comme le drapeau d’une religion pour l’humanité et non celui
de la lutte des classes.

A.3. Charles Fourier (1772-1837)


A.3.1. Sa vie
Charles Fourier est un philosophe et économiste français né en 1772 à
Besançon. Obscur petit employé de commerce, très hostile à la religion,
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Fourier publie en 1822 un ouvrage intitulé La théorie de l’unité


universelle.

A.3.2. Sa pensée

C’est dans son livre cité plus haut qu’il développe un système de vie
communautaire utopique qu’il appelle Le phalanstère.
Le phalanstère est une communauté rurale dont les membres
pratiqueraient l’union libre et où les enfants seraient élevés en commun
(cf. Platon). Les phalanstères réaliseraient dans le bonheur et la
liberté – chaque membre choisit son travail suivant ses goûts (le travail
devient attrayant) – l’épanouissement de « l’harmonie universelle ».

Selon Fourier, la civilisation, critiquable dans le principe même de toute


l’organisation sociale qu’elle induit, se définit par trois constantes :
réprimer, corriger, modérer le réel. C’est cela qui, selon Fourier, doit
être revu. Il faut remplacer le Monde civilisé par le Monde
« harmonien ». Fourier prétend atteindre l’harmonie universelle par la
multiplication de l’exemple du phalanstère qui peut se définir
comme une association fondée sur la libération des passions.

Le principal disciple de Fourier est un polytechnicien, Victor


Considérant (1808-1893) qui renonce aux rêveries bizarres de son
maître pour ne retenir que les idées généreuses qu’il va diffuser dans
le monde ouvrier. Il s’agit de la vertu de l’association et de la
nécessité de l’organisation du travail. Cette dernière notion sera l’une
des idées principales du socialisme français de 1848.

B. Les socialistes français


Les socialistes français veulent dépasser l’idéologie de 1789. Parmi les
premiers socialistes français, certains s’inspirent du christianisme, les
autres, de l’athéisme qui était répandu au 18ème siècle, dit siècle des
Lumières.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

B.1. Les socialistes chrétiens d’avant-garde

Les socialistes chrétiens français de cette époque rompent avec la


conception strictement religieuse du message évangélique (promesse de
salut individuel au pécheur repenti, en dehors de toute considération
politique ou religieuse) pour accréditer une interprétation profane
(morale sociale, révolutionnaire, égalitaire). Jésus devient le prolétaire
de Nazareth.

 L’un des socialistes français d’inspiration chrétienne fut Félicité


de Lamennais (1782-1854). Après sa rupture avec l’Eglise
consommée en 1834 par la publication de son ouvrage intitulé Les
paroles d’un croyant, l’ex-Abbé Lamennais, effrayé devant la
misère ouvrière entrainée par le capitalisme naissant, devient
républicain et socialiste. Il publie en 1837 Le livre du peuple, en
1839, De l’esclavage moderne où, alliant la cause de Dieu à celle
du peuple, il prêche une démocratie sociale fondée sur le partage
des richesses et l’instruction populaire.
 Influencé par Lamennais qui est son ami, Henri Lacordaire
(1802-1861) est sensible à l’idée de démocratie. Pour lui, les
catholiques doivent désormais se faire « citoyens de l’avenir ». Il
interprète la Révolution de 1789 comme la faillite de la
monarchie chrétienne qui a péri, faute d’avoir été fidèle au
message évangélique.
 D’autres catholiques inspirent une sorte de catholicisme social
imprégné des idées de la Révolution de 1848. Ce sont :
- Philippe Buchez (1796-1865), ex-saint-simonien, qui
réinterprète 1793 à la lumière de l’Evangile. Théoricien de
l’Association ouvrière, il veut éliminer le salariat. Les
coopératives de production réaliseront les principes chrétiens de
fraternité et de charité et permettront l’amélioration matérielle des
ouvriers. La théorie du « but commun » commande tout le
système de Buchez.

88

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

- Constantin Pecqueur (1801-1887), hostile à la propriété privée


et à la concentration industrielle, invoque, lui aussi, l’Evangile
pour condamner l’hypocrisie de la bourgeoisie capitaliste de son
temps dans son ouvrage intitulé La République de Dieu (1844).
Son interprétation matérialiste de l’histoire annonce Karl Marx,
mais il s’en sépare par son refus de toute révolution brutale.

A la fin du 19ème siècle, précisément le 15 mai 1891, le Pape Léon XIII


publie l’encyclique Rerum novarum, qui traite de la question sociale.
Il y condamne les excès du libéralisme classique. Par ailleurs, rompant
la liaison ancienne entre les catholiques et la monarchie des siècles
antérieurs, il encourage les catholiques français à se rallier à la
République. Ainsi s’élabore la démocratie chrétienne, proche du
socialisme par son but de justice sociale, dont il s’éloigne par sa
préoccupation évangélique.

Au-delà de la proclamation d’un humanisme chrétien, le christianisme


se trouve confronté à la question de l’engagement politique. Doit-il
choisir entre les différents régimes de la cité des hommes ? Y a-t-il une
politique chrétienne ? Y a-t-il un catholicisme social ? Les chrétiens
sont divisés sur ce point :
 Marc Sangnier (1873-1950), animé par la volonté d’aller vers le
peuple, ce bourgeois est le fondateur de la revue Sillon que le
Pape Pie X condamnera, dénonçant la conception erronée de la
liberté de l’homme que diffuse la revue.
 Jacques Maritain (1892-1973) affirme la primauté du spirituel
qui doit éclairer le temporel.
 Emmanuel Mounier (1905- 1950), le théoricien du
personnalisme communautaire, apparaît aujourd’hui comme
l’un de ces auteurs du 20ème siècle qui ont beaucoup à dire au 21ème
siècle. Il a ce génie d’être un éveilleur de l’autre à soi-même.
Catholique convaincu et refusant d’être un intellectuel coupé du
monde, il lance plusieurs groupes de réflexion et d’action où, côte
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à côte, chrétiens et incroyants confrontent leurs recherches dans


les domaines philosophique, politique et économique.
 Ce mouvement de pensée et d’action s’appelle le
personnalisme et la revue Esprit, fondée en 1932, en est l’organe
de diffusion. Le personnalisme inspire de plus en plus ceux qui
rejettent le capitalisme tout en refusant de s’enfermer dans le
marxisme et le fascisme qui, selon eux, sont de faux remèdes :
l’erreur fondamentale du marxisme, c’est son matérialisme ;
l’inacceptable dans le fascisme, c’est le primat de l’irrationnel sur
la pensée, de la force sur l’esprit.

La pensée politique de Mounier s’articule autour de deux thèmes :


- Le refus de la société bourgeoise et capitaliste ;
- La critique de la démocratie libérale.

Ce qui a le plus impressionné Mounier, c’est le krach de Wall Street


en 1929 et ses désastreuses répercussions mondiales. Pour lui, c’est
le dévoilement du « désordre établi » dont l’origine, selon lui, est
« l’esprit bourgeois », une mentalité qui a donné naissance à
l’individualisme, l’égoïsme capitaliste.

Il est contre le système capitaliste dont les vices sont :


- Le primat de la production qui met l’homme au service de
l’économie ;
- Le primat de l’argent ou la spéculation qui ne se soucie pas des
contrecoups économiques et humains ;
- Le primat du profit qui expulse toutes valeurs humaines.
Mounier propose la révolution personnaliste et communautaire ; il
jette les bases d’une économie personnaliste, au service de l’homme et
de tous les hommes. Les cinq exigences fondamentales d’une
réorganisation de la société sont :
- La liberté encadrée par des institutions (lois sociales,
organisations ouvrières) ;
- L’économie au service de l’homme ;
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

- Le primat du travail sur le capital ;


- Le primat du bien commun sur le profit ;
- Le primat de la personne : ni individualisme anarchique, ni
collectivisme tyrannique.

Mounier se garde bien de proposer une politique spécifiquement


chrétienne ; il refuse la création d’un parti politique confessionnel.
Pour lui, une société ne devient communauté qu’en aidant ses
membres à devenir des personnes, d’où la nécessité de reconnaître
le besoin de justice et le besoin de transcendance. Le changement des
conditions matérielles ne suffit jamais à résoudre les problèmes de
l’homme.
L’homme se définit pour Mounier en termes d’ « élan », d’ « exigence
absolue », de « vocation ». L’homme doit être avant de faire et il ne
peut vivre et se réaliser qu’au sein d’une communauté.

Enfin, Mounier a été un grand passeur du catholicisme vers la


modernité. Le Concile de Vatican II n’est pas pensable – du côté des
théologiens français – sans l’œuvre de Mounier qui amena le croyant
non pas à dénigrer le monde moderne, mais à le prendre comme réalité
dans laquelle le spirituel doit s’incarner sans pour autant tout avaliser.
Il conduisit beaucoup de chrétiens vers l’acceptation de la société
démocratique et laïque.

A la fin du 20ème siècle, l’engagement du Pape Jean-Paul II contre le


communisme traduit un combat pour la gloire de Dieu, pour l’Eglise
représentante de la cité de Dieu de Saint Augustin.

B.2. Les socialistes athées

Animés d’une certaine haine violente antireligieuse en raison des liens


de l’Eglise concordataire avec l’ordre politique et social établi, ils se
réclament tous de la pensée du sans-culotte de 1793 et forment divers

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groupes dont les doctrines reposent sur les principes d’égalité, de


fraternité et du partage. Ce sont :
 Le communisme babouviste
Cette doctrine socialiste a été transmise à la génération de 1830 par
Buonarroti (1761-1837), compagnon de Babeuf, rescapé du procès de
Vendôme en 1797, auteur d’une Histoire de la conspiration de l’égalité,
en 1828. Auguste Blanqui (1805-1881), fils d’un conventionnel
girondin, illustre ce courant de pensée, dont la doctrine est simple. « La
révolution doit être préparée et exécutée par des agitateurs spécialisés
qui s’empareront du pouvoir par l’insurrection et le coup de force ».
Ensuite, il peut être organisé une société égalitaire. La révolution
permanente est le seul moyen de transformation sociale et doit être
faite par une élite de révolutionnaires professionnels. C’est à
Blanqui que le monde doit l’expression « dictature du prolétariat ».
Comme Babeuf, il défend un communisme intégral qui consiste en :
- La suppression de la propriété privée ;
- La suppression de l’inégalité des salaires et
- La suppression de l’héritage.
Si les Blanquistes sont restés imprécis sur l’organisation de la future
société communiste, ils ont donné, par leurs complots répétés,
l’exemple de nombreuses tentatives insurrectionnelles, dont Lénine
reprendra l’idée avec succès.

 Le communisme icarien
C’est un courant de pensée qui a été créé par Etienne Cabet (1788-
1856). Ex-procureur général de Corse. Il publie en 1840 le Voyage en
Icarie où il décrit avec minutie utopienne l’organisation communautaire
nouvelle. Il pense que les Icariens se propageront par la simple vertu de
l’exemple. Comme l’Utopie de Thomas More, l’Icarie de Cabet est un
pays imaginaire, un ailleurs dans le temps et dans l’espace, où l’Etat
tout-puissant abolit la propriété privée et assure une répartition
égalitaire des biens. « Le communisme du père Cabet » a remporté un
vif succès dans les milieux populaires. Après 1848, Cabet fit des essais

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

aux Etats-Unis qui, comme les expériences de Robert Owen, se


terminèrent par des échecs.

 Le collectivisme ou socialisme d’Etat


Ce courant de pensée est défendu par l’historien républicain Louis
Blanc (1811-1882), auteur de L’Organisation du travail (1840).
Voulant corriger les défauts du capitalisme et établir, par conséquent,
une société plus juste, Louis Blanc ambitionne de retirer les ouvriers de
l’arbitraire des capitalistes. L’émancipation ouvrière se fera par
l’association dans des coopératives de productions, « les ateliers
sociaux », financés au départ par l’Etat, où les travailleurs se dirigeront
eux-mêmes, percevront un salaire identique. La généralisation de ces
ateliers sociaux doit entrainer la disparition des entreprises privées.
Appliquée en 1848, la solution des ateliers fut un tel échec qu’elle
déconsidéra les idées de Louis Blanc.

 Le mutuellisme
Le mutuellisme est la solution de Pierre-Joseph Proudhon (1806-
1865). D’origine paysanne, typographe autodidacte, meurtri tout au
long de sa vie par une cruelle misère, Proudhon devient célèbre en 1840
par une brochure intitulée Qu’est-ce que la propriété ?, démontrant que
« la propriété, c’est du vol ». En 1846, il publie La philosophie de la
misère. Marx, le bourgeois cultivé, y répond en 1847 par sa Misère de
la philosophie dont le titre même et le contenu tournent en ridicule
l’œuvre de Proudhon qui, lui-même, qualifie Marx de « ténia du
socialisme ». Proudhon a le sens des formules percutantes, mais sa
pensée ne peut être facilement appréhendée. Anarchiste, il récuse
l’Etat, l’Eglise, le capital. Individualiste, il ne reconnaît pas l’autorité
d’un parti. Hostile au communisme, il n’admet qu’une seule
transcendance, celle de l’idée de justice qui intervient comme valeur
régulatrice, qui constitue l’idéal et la motivation concrète des
mouvements ouvriers luttant contre la spoliation et l’humiliation.
Alors que Marx fonde tout son système sur l’idée de lutte de classes,
Proudhon entrevoit la fusion des classes sociales dans un monde
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

régénéré qui aboutirait à la disparition de l’Etat, remplacé par une


fédération de communes autonomes.
Proudhon pose les bases de l’esprit mutualiste qui sera la pensée
dominante et concrète du 19ème siècle ouvrier. Chez lui se mêlent des
aspects utopiques (suppression de la monnaie remplacée par des
« bons de travail » ; suppression de l’intérêt et du bénéfice, le crédit
serait gratuit pour l’achat de machines et outils) et des aspects concrets
et réalisables (sociétés ouvrières libres exploitant le capital mis en
commun dans un esprit de solidarité, non pas pour produire un bénéfice,
mais pour produire une augmentation de richesse qui sera distribuée
entre les mutualistes).
Proudhon, père de l’idée de mutuelle qui fera de grands progrès sous
le Second Empire et reconnue par la loi de 1867, exerce jusqu’en 1871
une influence considérable et exclusive de celle de Marx, sur les
ouvriers français. Néanmoins, la pensée mutualiste de Proudhon,
respectueuse de la propriété (il n’envisage pas la suppression de la
propriété, il dénonce le revenu sans travail ; c’est pour cette raison que
Marx le traite de « petit-bourgeois » est de plus en plus contrebalancée
par celle – collectiviste – de Marx.

1.1. Le socialisme scientifique et ses dérives

Par le Manifeste du parti communiste (1848) où se trouve la formule


choc « Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! » d’Engels et de Marx
et Le Capital (1867), les penseurs français et le mouvement ouvrier
s’imprègnent de l’idée de la lutte des classes.

A. Karl Marx (1818-1883) ou la critique de l’Etat bourgeois


Même si la fin du communisme en Europe dévalorise le marxisme,
l’œuvre de Karl Marx conserve une pertinence critique.

A.1. Sa vie

Marx appartient à une famille de la bourgeoisie libérale allemande.


Après des études de philosophie et d’histoire auprès de Friedrich Hegel
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

(1770-1831) et de droit avec Friedrich Carl von Savigny (1779-1861),


il mène une activité de journaliste dans les journaux de l’opposition. Il
rencontre Proudhon, Bakounine (1814-1876), théoricien de l’anarchie,
et, Friedrich Engels (1820-1895), fils d’un industriel de textile qui est
allé à Manchester pour recevoir une formation d’homme d’affaires.
Marx est expulsé de Paris en 1845 pour activité révolutionnaire et
s’installe à Bruxelles. En 1848, il publie le Manifeste du parti
communiste avec Engels. Expulsé de Belgique, il s’installe à Londres
où il subsiste grâce à son ami Engels. Il participe à la fondation de la
Première Internationale et publie le premier livre du Capital en 1867 ;
les deux suivants paraissent après sa mort, en 1885 et 1894, grâce aux
travaux d’Engels.
Marx critique les économistes anglais Adam Smith et David Ricardo
(1772-1823) pour faire une lecture révolutionnaire du capitalisme.
Selon lui, les propriétaires des moyens de production s’enrichissent en
exploitant les ouvriers qui, seuls, travaillent réellement. Mais ce
système, qui entraine l’appauvrissement croissant des masses, porte en
lui les germes de sa propre destruction. Le projet politique de Marx
est la prise du pouvoir par les ouvriers et la constitution d’une
société communiste.
Vis-à-vis des socialistes de son époque, Marx est très critique. Il les
qualifie d’utopistes au sens de naïf et d’irréaliste. Lui, il se veut
scientifique : il décrit ce qui est et annonce ce qui peut et doit être.

A.2. La pensée politique de Marx

Présenter schématiquement la pensée politique de Marx n’est pas chose


aisée. Cependant, elle se développe autour de deux axes essentiels :
la lutte des classes et le matérialisme. Le matérialisme explique tous
les phénomènes dans le monde à partir d’un seul principe, le fait
matériel. Il faut écarter toute donnée éternelle ou transcendante (Dieu,
Etat, Nation). Ce matérialisme est historique : Marx veut découvrir la
logique interne des événements historiques pour les expliquer, afin de
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

comprendre le passé, le présent et prévoir l’avenir. Ce matérialisme


est dialectique : tous les rapports sociaux ont leurs fondements dans les
faits économiques et dépendent du mode de production. L’évolution de
la société est commandée par la contradiction entre, d’une part, les
forces de production conditionnées par le niveau technologique et
scientifique du moment et, d’autre part, les rapports de production qui
sont les rapports de propriété et de distribution des revenus. Les
évolutions ne sont pas des accidents historiques, mais la conséquence
inéluctable de la contradiction entre les forces et les rapports de
production. L’histoire se présente ainsi comme la succession de cinq
types de rapport de production :
- La commune primitive ;
- L’esclavage (le moulin à bras engendre l’esclavage et la société) ;
- La féodalité (le moulin à vent engendre la société féodale) ;
- Le capitalisme (le moulin à vapeur engendre le capitalisme
industriel) ;
- Le socialisme.

A.3. Les interprétations divergentes de l’œuvre de Karl Marx

L’œuvre de Marx a été interprétée de façon divergente. On distingue :


 La révision des données fondamentales du marxisme ;
Cette position face au marxisme est défendue par :

- L’Allemand Edouard Bernstein (1840-1932), exécuteur


testamentaire d’Engels. Il condamne vigoureusement les
fondements matérialistes et dialectiques de la théorie de Marx et
s’en prend au noyau même du matérialisme marxiste, selon lequel
la structure économique détermine tout.
- Le Belge Henri de Man (1883-1953). Il démontre que
l’hypothèse matérialiste de Marx est dépassée ; il rejette la thèse
de la paupérisation absolue du prolétariat.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

 La défense du marxisme
Cette branche est représentée par :
- Rosa Luxembourg (1871-1919), juive polonaise militant en
Allemagne. Elle analyse le marxisme à la lumière de
l’impérialisme ;
- Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine (1870-1924). Il élabore
une théorie de l’impérialisme qui servira de référence à la
Troisième Internationale.
Confronté à la réalité, le marxisme est devenu une politique. Après le
socialisme utopique et le socialisme scientifique, c’est l’ère du
socialisme réel qui se manifeste :

- En Russie à partir de la Révolution de 1917 dont les conséquences


politiques ont été gérées successivement par Lénine et
Dougachvili dit Staline (1879-1953), et qui constitue le
fondement idéologique sans conteste dans ce pays jusqu’à la
chute du Mur de Berlin en 1989 qui entraine la dislocation de
l’Union Soviétique.
- Dans les pays d’Europe centrale délivrés par l’Armée rouge en
1945 et l’ex- RDA jusqu’à la chute du Mur de Berlin.
- En Chine depuis 1936 avec Mao Tsé-Toung (1893-1976) où il
continue d’exister, mais avec une ouverture mesurée sur le monde
capitaliste.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

Ce chapitre (le dernier du cours) présente la Révolution française, l’événement


majeur auquel a abouti l’évolution de la pensée et de la vie politiques en Occident
depuis La Renaissance (XVIè siècle), et comment la chose politique après la
Révolution n’y est qu’une réaction diversifiée à cet événement, réaction qui s’étend
même au-delà des frontières de l’Occident. Ce chapitre s’articule en trois rubriques :

A/ Le mouvement révolutionnaire

Cette rubrique est une esquisse du déroulement de la Révolution française (1789) qui
est l’aboutissement de la contestation de l’absolutisme. Ce déroulement se présente
comme suit :
a. Le 05 mai 1789, Assemblée des Etats Généraux où les patriotes
réussissent à amener le Roi de France et les représentants des classes
privilégiées à accepter que les trois chambres des Etats Généraux se
transforment en une seule assemblée.
b. Juin 1789, l’assemblée unifiée voit le jour sous l’appellation d’Assemblée
Nationale Constituante. Les patriotes se divisent en monarchistes - qui
souhaitent la transposition de l’organisation institutionnelle d’Angleterre
en France – et en constitutionnalistes, admirateurs des institutions
américaines.
c. 14 juillet 1789 : la prise de la Bastille = clou du mouvement
révolutionnaire, car destruction du plus grand symbole de la souffrance du
peuple sous le régime monarchique.
d. Septembre 1789, élimination des monarchistes de l’Assemblée
Nationale Constituante. Mais les constitutionnalistes se divisent en deux
clans : clan de Lafayette et celui du triumvirat (Barnave, Duport et
Lameth).
e. 10 aoȗt 1792, la monarchie tombe. La nouvelle Assemblée Constituante
prend le nom de Convention. Dès le début, il y a opposition entre
Girondins et Montagnards.
f. Juin 1793, les Girondins sont éliminés de l’Assemblée, grâce à l’alliance
des Marais (partisans de Marat) avec les Montagnards. Instauration de la
dictature du Comité de Salut Public sous la conduite de Robespierre.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

B/ Le mouvement contre-révolutionnaire

Bien que la Révolution française (1789), dès son avènement, ait été
saluée avec enthousiasme par la majorité de l’intelligentsia européenne
de cette époque, certains penseurs y étaient opposés par conviction,
d’autres (surtout les penseurs allemands) par déception face au régime
de la terreur qui en avait résulté. Leurs réflexions et actions constituent
le mouvement contre-révolutionnaire.
- Le père de la pensée contre-révolutionnaire est un Anglais du
nom de Edmund Burke (1729-1797). Dans son ouvrage intitulé
Réflexions sur la Révolution en France, ce qu’il reprochait
fondamentalement à la Révolution française, c’est le fait
d’avoir été, à ses yeux, la mise en œuvre de théories abstraites,
hors de sens, parce que détachées de la réalité concrète, alors que
seule l’expérience permet d’organiser la vie en société.
- En France, les principaux représentants de la pensée contre-
révolutionnaire furent :
 Joseph de Maistre (1753-1821), grand admirateur d’Edmund
Burke avec qui il partageait l’hostilité à l’abstraction en matière
d’organisation de la vie en société et une défiance absolue à
l’égard de la raison intemporelle du XVIIIème siècle ;
 Louis de Bonald (1754-1840). D’abord favorable à la
Révolution, il s’y oppose après le vote de la constitution civile du
clergé. Dans son livre intitulé Théorie du pouvoir politique et
religieux dans la société civile, démontrée par le rationnement et
par l’histoire, et publié en 1796 sous anonymat en Allemagne où
il vit en exil, il développe des idées très proches de celles de la
Restauration, mais d’une application politique sinon impossible,
du moins très difficile.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

C/ La recherche d’un moyen terme, puis confrontation et


affrrontement entre libéralisme, socialisme et nationalisme (XIXè
– XXè siècle)

Cette rubrique – la dernière de tout le cours – traite des diverses


initiatives politiques prises en guise de voie intermédiaire entre le
mouvement révolutionnaire et les idées contre-révolutionnaires, et de
réponses aux conditions de travail générées par la Révolution
industrielle au XIXè siècle.
 Dès 1789, au sein de l’Assemblée Constituante, les monarchistes
tentent sans succès de faire adopter un système institutionnel
imité de celui d’Angleterre caractérisé principalement par le
bicaméralisme et le véto absolu du roi. Il a fallu attendre la chute
de Robespierre en septembre 1794 pour que la Convention de la
République bourgeoise adopte – pour la première fois en France
- un système bicaméral. Mais cette république, elle-mȇme, n’a pu
véritablement trouver ses marques. L’ultime tentative fut celle
prise par Sieyès qui, aidé par Napoléon Bonaparte, établit le
Consulat en vue d’une République libérale. Mais cette initiative
fut aussi vouée à l’échec à cause de la politique de dictature et des
conquȇtes de Napoléon.
 En supprimant la hiérarchie des ordres, la Révolution française
de 1789 a fondé une nouvelle société. Elle a créé des citoyens
juridiquement égaux et libres de leurs comportements. Avec
la Loi Chapelier du 14 juin 1791 interdisant tout regroupement
aussi bien au niveau des patrons que des employés et qui n’a été
abolie qu’en 1864, c’est le libéralisme implacable qui ne
connaît d’atténuation qu’en 1884 où il fut enfin autorisé la
création d’organisations syndicales.
 Face à la misère des ouvriers générée par la Révolution
Industrielle, des penseurs élaborent des idées et des systèmes
destinés à l’amélioration de leurs conditions de vie. C’est

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

l’avènement du socialisme dont la première phase d’évolution


est caractérisée par l’utopie
- Le premier de ces penseurs utopistes est l’Anglais Robert Owen
(1771-1858), très jeune propriétaire et directeur (à 30 ans) d’une
grande entreprise qu’il gère de façon paternaliste. Il trouve la
solution à la misère des ouvriers dans la suppression de leur
dépendance de leur employeur à travers la création de villages
communautaires. Malheureusement, tous les villages
communautaires furent des échecs.
- Le deuxième fut le Français Claude-Henri, comte de Saint-
Simon (1760-1825). Philosophe et économiste, il créa l’Ecole
Politique et Sociale des Saint-Simoniens et fonda la revue
L’Organisateur(1819). Il rȇvait d’une technocratie autoritaire
qui distribuerait à chacun les moyens de production et de
consommation selon ses capacités et ses besoins. Son disciple
Pierre Leroux (1797-1871) fonde le journal Le Globe en 1824 et
propage sinon invente le mot socialisme, mais comme le
drapeau d’une religion pour l’humanité et non celui de la
lutte des classes.
- Le troisième, ce fut encore un Français : Charles Fourier (1772-
1837). Philosophe et économiste, dans son ouvrage intitulé La
théorie de l’unité universelle (1822), Fourier développe un
système de vie communautaire utopique qu’il appelle Le
phalanstère. C’est Le phalanstère qui réaliserait dans le
bonheur et la liberté l’épanouissement de « l’harmonie
universelle », et ceci, en revoyant les trois constantes du Monde
civilisé que sont: réprimer, corriger, modérer le réel. Il faut
remplacer le Monde civilisé par le Monde « harmonien ».

 La deuxième phase d’évolution du socialisme, c’est le


socialisme chrétien. Ici, le message évangélique (promesse de
salut individuel au pécheur repenti, en dehors de toute
considération politique ou sociale) acquiert aussi une
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

interprétation profane (morale sociale, révolutionnaire,


égalitaire). Jésus devient le prolétaire de Nazareth. Cette phase
est représentée en France par :
- Félicité de Lamennais (1782-1854). Prȇtre, il rompt avec
l’Eglise après la publication de son ouvrage intitulé Les paroles
d’un croyant (1834). Effrayé devant la misère ouvrière entrainée
par le capitalisme naissant, il devient républicain et socialiste.
Dans ses ouvrages Le livre du peuple (1837) et De l’esclavage
moderne (1839), il allie la cause de Dieu à celle du peuple, et
prêche une démocratie sociale fondée sur le partage équitable des
richesses et l’instruction populaire.
- Henri Lacordaire (1802-1861), ami de Lamennais, est sensible
à l’idée de démocratie et considère que désormais, les catholiques
doivent se faire « citoyens de l’avenir ». Pour lui, la Révolution
de 1789 est la faillite de la monarchie chrétienne qui a péri, faute
d’avoir été fidèle au message évangélique.
- D’autres catholiques dépassent La Révolution de 1789 pour
développer une sorte de catholicisme social imprégné des idées
de la Révolution de 1848. Ce sont :
- Philippe Buchez (1796-1865), ex-saint-simonien, théoricien de
l’Association ouvrière, il veut éliminer le salariat. Pour lui, les
coopératives de production réaliseront, à l’image de la vie des
premières communautés chrétiennes, les principes chrétiens de
fraternité et de charité et permettront l’amélioration matérielle de
l’existence des ouvriers.
- Constantin Pecqueur (1801-1887), dans son ouvrage intitulé La
République de Dieu (1844), partage les convictions de Philippe
Buchez. Il a mȇme une interprétation matérialiste de l’histoire qui
annonce Karl Marx, mais lui, à la différence de ce dernier, refuse
toute révolution brutale.
- Malgré la division née au sein de la chrétienté après la
publication, le 15 mai 1891, de l’encyclique Rerum novarum où

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

le Pape Léon XIII traite de la question sociale, division incarnée


par :
/ Marc Sangnier (1873-1950), le fondateur de la revue Sillon que le
Pape Pie X condamnera pour diffusion d’une conception de la liberté
de l’homme qui, pour lui, serait erronée, et
/ Jacques Maritain (1892-1973) qui affirme la primauté du spirituel
qui
doit éclairer le temporel. Il faut noter la place particulière qui
revient à
- Emmanuel Mounier (1905- 1950), le théoricien du
personnalisme communautaire dont la revue de diffusion est
l’Esprit, créée en 1932. La pensée politique de Mounier s’articule
autour de deux thèmes :
/ Le refus de la société bourgeoise et capitaliste ;
/ La critique de la démocratie libérale. Les cinq exigences
fondamentales d’une réorganisation de la société sont, pour Mounier :
1/ La liberté encadrée par des institutions (lois sociales, organisations
ouvrières) ;
2/ L’économie au service de l’homme ;
3/ Le primat du travail sur le capital ;
4/ Le primat du bien commun sur le profit ;
5/ Le primat de la personne : ni individualisme anarchique, ni
collectivisme tyrannique.
 Parallèlement au socialisme chrétien se développe un socialisme
athée qui a ses racines dans le mouvement des Sans-Culotte de
1793. Il se manifeste à travers plusieurs initiatives que sont :
- Le communisme babouviste, doctrine socialiste transmise à la
génération de 1830 par Buonarroti (1761-1837), un compagnon
de Babeuf, et dont le principal animateur est Auguste Blanqui
(1805-1881). Pour lui, « la révolution doit être préparée et
exécutée par des agitateurs spécialisés qui s’empareront du
pouvoir par l’insurrection et le coup de force ». C’est à Blanqui
que le monde doit l’expression « dictature du prolétariat »
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

- Le communisme icarien, un courant de pensée qui a été créé par


Etienne Cabet (1788-1856) qui publie en 1840 le Voyage en
Icarie où il décrit avec minutie utopienne une organisation
communautaire nouvelle. « Le communisme du père Cabet » a
remporté un vif succès dans les milieux populaires. Après 1848,
Cabet fit des essais aux Etats-Unis qui, comme les expériences
de Robert Owen, se terminèrent par des échecs.
- Le collectivisme ou socialisme d’Etat, un courant de pensée
défendu par l’historien républicain Louis Blanc (1811-1882),
auteur de L’Organisation du travail (1840). Pour Louis Blanc,
l’émancipation ouvrière se fera par l’association dans des
coopératives de production, « les ateliers sociaux », financés au
départ par l’Etat, où les travailleurs se dirigeront eux-mêmes,
percevront un salaire identique. Appliquée en 1848, la solution
des ateliers fut un tel échec qu’elle déconsidéra les idées de Louis
Blanc.
- Le mutuellisme, la solution de Pierre-Joseph Proudhon
(1806-1865), ce typographe d’origine paysanne, autodidacte,
devenu célèbre en 1840 par sa brochure intitulée Qu’est-ce que la
propriété ?, démontrant que « la propriété, c’est du vol ». A son
écrit intitulé La philosophie de la misère (1846), Marx, le
bourgeois cultivé que Proudhon qualifie de « ténia du
socialisme ». répond en 1847 par sa Misère de la philosophie.
Anarchiste récusant l’Etat, l’Eglise et le capital, individualiste
ne reconnaissant pas l’autorité d’un parti, Proudhon est hostile au
communisme. Il entrevoit la fusion des classes sociales dans
un monde régénéré qui aboutirait à la disparition de l’Etat,
remplacé par une fédération de communes autonomes.
- Le socialisme scientifique est la dernière phase d’évolution du
socialisme athée. Cette phase du socialisme est principalement
animée par le penseur allemand Karl Marx (1818-1883) et son
ami de mȇme nationalité Friedrich Engels (1820-1895). La
publication du Manifeste du parti communiste (1848) où se trouve
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

la formule-choc « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » et


de Le Capital (1867), amène les penseurs français et le
mouvement ouvrier à s’imprégner de l’idée de la lutte des classes
qui, avec le matérialisme, constitue le noyau de la pensée de Karl
Marx et de Friedrich Engels. Pour ces deux penseurs, le
capitalisme porte en lui-mȇme les germes de sa propre destruction
qui conduira à la prise du pouvoir par les ouvriers et la
constitution d’une société communiste.
- Malgré la contestation qu’a connue la pensée politique de Marx
et d’Engels en Allemagne à travers la critique d’Edouard
Bernstein (1840-1932), exécuteur testamentaire d’Engels, qui
condamne vigoureusement les fondements matérialistes et
dialectiques de la théorie de Marx, et en Belgique, à travers
l’interprétation négative de ce système par Henri de Man (1883-
1953), qui démontre que l’hypothèse matérialiste de Marx est
dépassée, et rejette la thèse de la paupérisation absolue du
prolétariat, on ne peut nier son succès représenté :
- a/ en Allemagne par Rosa Luxembourg (1871-1919), juive
polonaise militant en Allemagne, qui analyse le marxisme à la
lumière de l’impérialisme ;
- b/ en Russie par Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine (1870-
1924). qui élabore une théorie de l’impérialisme qui servira de
référence à la Troisième Internationale.
- Devenu une politique au contact de la réalité, le marxisme
s’installe et prospère :
- a/ En Russie à partir de la Révolution de 1917 où il constitue le
fondement idéologique sans conteste jusqu’à la chute du Mur
de Berlin en 1989 qui entraine la dislocation de l’Union
Soviétique.
- b/ Dans les pays d’Europe centrale délivrés par l’Armée rouge en
1945 et l’ex- RDA jusqu’à la chute du Mur de Berlin.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

- c/ En Chine depuis 1936 avec Mao Tsé-Toung (1893-1976) où


il continue d’exister, mais avec une ouverture mesurée sur le
monde capitaliste.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR APPROFONDIR LE


CHAPITRE
I. Auteurs évoqués
- Burke, Edmund : Réflexions sur la Révolution en France (1790), trad. Pierre Andler,
Hachette, « Pluriel », 1989
- De Maistre, Joseph : Considérations sur la France (1796), Complexe, 2006
- Robespierre, Maximilien : Pour le bonheur et pour la liberté. Discours, La Fabrique,
2000 (édition établie par Yannick Bosc, Florence Gauthier et Sophie Wahnich)
- Sieyès, Emmanuel-Joseph : Qu’est-ce-que le Tiers-Etat ? (1789), PUF, « Quadrige »,
1989

II. Commentaires

- Affichard, Joelle, Jean-Baptiste de Foucauld (dir.) : Pluralisme et Équité, la justice


sociale dans les démocraties, Ed. Esprit, 1995
- Arendt, Hannah : Essai sur la Révolution (1963), trad. Michel Chrestien, Gallimard,
1985
- Aron, Raymond : Dix-huit leçons sur la société industrielle (1962), Gallimard,
« Folio », 1986
- Baczko, Bronislaw : Comment sortir de la Terreur ? Gallimard, 1989
- Benoist, Alain de : Vous avez dit libéralisme ? , Laffont, 1986
- Berlin, Isaiah : Joseph de Maistre et les origines du totalitarisme, in A contre-courant
(1955), trad. André Berelowitch, Albin Michel, 1988
- Binoche, Bertrand : Critiques des droits de l’homme, PUF, 1989
- Burdeau, Georges : Le libéralisme, Seuil, 1979
- Durkheim, Émile : Le Socialisme : sa définition, ses débuts, la doctrine saint-
simonienne (1928), PUF, 1992
- Furet, François : Penser la Révolution française (1978), Gallimard, « Folio », 1985
- Gauchet, Marcel : La Révolution des pouvoirs : la souveraineté, le peuple et la
représentation (1789-1799), Gallimard, 1995
- Godechot, Jacques : La Contre-révolution. Doctrine et action (1961), PUF, 1984
- Guérin, Daniel : Bourgeois et « bras nus », la lutte des classes sous la Première
République (1946), 2 vol. éd. Abrégée, Gallimard, « Idées », 1973
- Labica, Georges : Robespierre. Une politique de la philosophie, PUF, 1990
- Lefèbvre, Georges : La Révolution française (1946), PUF, 1989
- Meynaud, Jean : Le déclin des idéologies. Cours à l’Université de Lausanne, 1960-1961
- Parijs, Philippe Van : Qu’est-ce qu’une société juste ?, Seuil, 1991
- Rosanvallon, Pierre : La crise de l’Etat-Providence, Seuil, 1981
- Schumpeter, Joseph : Capitalisme, socialisme et démocratie (1942), trad. Gael Fain,
Payot, 1990
- Soboul, Albert : Les Sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et
gouvernement révolutionnaire (1958), Seuil, 1979
- Idem : La Révolution française (1972), Gallimard, « Tel », 1989
- Winock, Michel : Esprit : des intellectuels dans la cité (1930-1950), Seuil, 1996
107

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

III. Ouvrages de référence


- Muhlmann, Géraldine, Evelyne Pisier, François Châtelet et
Olivier Duhamel (éditeurs) : Histoire des idées politiques, PUF,
1982, 2ème éd. « Quadrige », Paris, 2012
- Renaut, Marie-Hélène : Histoires des idées politiques de l’Antiquité
à nos jours, Ellipses, Ed. Marketing, Paris, 2010
Ces ouvrages sont à consulter :
 Le premier, pour les notions-clé en matière de culture politique, et
les penseurs qui les ont forgées et/ou diffusées ;
 Le deuxième, pour compléter son information sur l’histoire des idées
politiques en Occident.

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

EXERCICES D’ASSIMILATION

I. Niveau I (Test de mémorisation des connaissances)


Affirmation Juste Faux Note
1/ Napoléon Bonaparte est le fossoyeur des idéaux de la
Révolution française de 1789 /01
2/ Joseph de Maistre, admirateur de Edmund Burke, fait aussi
l’éloge de la Révolution Française /01
3/ Louis de Bonald estime que « la monarchie absolue et
héréditaire est la seule forme de gouvernement envisageable » /01
4/ Benjamin Constant est un grand défenseur de la monarchie
constitutionnelle /01
5/ Alexis de Tocqueville est un adepte de la démocratie libérale
et un défenseur de la décentralisation du pouvoir /01
6/ Léon Bourgeois est un combattant pour la solidarité entre les
hommes /01
7/ Robert Owen est l’initiateur du socialisme en Europe /01
8/ Le système des phalanstères de Charles Fourier fait la
promotion du libéralisme /01
9/ Victor Considérant est un théoricien du socialisme /01
10/ Félicité Lamennais, Henri
Lacordaire et Philippe Buchez font partie des socialistes français
/01
athées
11/ Emmanuel Mounier est un grand théoricien de la pensée
socialiste en France /01
12/ Le krach de Wall Street s’est produit en 1917
/01
13/ Ce krach a eu une grande influence sur la pensée de
Emmanuel Mounier /01
14/ Le manifeste du parti communiste de Marx et Engels paraît
en 1967 /01
15/ C’est dans Le Capital que se trouve la formule-choc
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » /01
16/ Edouard Bernstein (1840-1932) et Henri de Man (1883-
1953) étaient de grands défenseurs de la pensée de Marx et
/01
Engels
17/ La Révolution d’octobre en Russie s’est produite en 1929
/01
18/ C’est en 1936 que le communisme entre en Chine
/01
19/ Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, il n’y a plus de
communisme en Chine /01
20/ La chute du Mur de Berlin en 1989 a mis fin à la guerre froide
entre les deux blocs antagonistes du monde /01
Total /20
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Conclusion générale

Depuis la Renaissance, la réflexion et la vie politiques en Occident ont


été marquées par la lutte contre l’absolutisme. Cette lutte s’est déroulée
en trois grandes étapes.
En effet, les Temps modernes qui se caractérisent par la conscience
chez les hommes de leur capacité à conduire leur vie de façon
autonome, ont connu dès le début (au 16è siècle) un évènement de
grande envergure au sein de l’Eglise chrétienne, cette institution qui,
sans ȇtre aussi importante qu’au Moyen-âge, était encore au centre de
la vie des hommes d’alors : La Réforme de l’Eglise chrétienne
conduite par Martin Luther (1483-1546) et Jean Calvin (1509-1564).
Ces réformateurs ont élaboré des idées politiques selon lesquelles toute
autorité venant de Dieu, le détenteur du pouvoir politique sur terre
mérite obéissance absolue de ceux sur qui il l’exerce. En raison des
troubles socio-politiques provoqués par la Réforme, les dirigeants de
cette époque n’ont trouvé en ces idées que de l’eau à leur moulin ; ceci
d’autant plus qu’avant l’élaboration de ces idées des réformateurs, ces
dirigeants connaissaient celles de Nicolo/Nicolas Machiavel (1469-
1527), le promoteur de la politique excluant la morale et la religion, et
pour qui, la finalité de la politique, c’est la puissance. Le lit était donc
fait à l’absolutisme qui a prospéré en Occident jusqu’à la fin du XVIIIè
siècle où la Révolution française de 1789 était censé y mettre fin.
Pour en arriver là, il a fallu faire un long chemin qui a commencé en
Angleterre. En effet, dès le milieu du XVIIè siècle se produit en
Angleterre la révolution puritaine qui se termine par l’acceptation par
le roi de n’instaurer et de ne lever aucune taxe sans l’autorisation du
parlement. On ne peut ignorer ici l’apport très significatif des réflexions
politiques des penseurs anglais que sont Thomas Hobbes (1588-1679)
et John Locke (1632-1704). Bien que l’Etat (l’Etat Léviathan)
préconisé par Thomas Hobbes s’inscrive encore dans l’absolutisme, il
y a déjà ici l’idée de contrat social qui tient compte de la fusion des
volontés individuelles en une volonté commune, ce qui présage de la
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

notion de démocratie. Partageant avec Hobbes l’idée de contrat social,


John Locke l’anoblit par une application fondée sur des règles prises
ensemble.
La deuxième étape consiste en la diffusion des idées et de l’organisation
institutionnelle anglaises assurée par Montesquieu (1689-1755), Jean-
Louis de Holmes (1741-1806) et l’ouvrage collectif américain intitulé
Le Fédéraliste, ainsi qu’en l’avènement des idées des Lumières portées
par, entre autres, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Voltaire,
Diderot et les Encyclopédistes. Ainsi se propagent l’idée de
l’articulation du pouvoir en trois instances fonctionnant « séparément »
(Montesquieu) et celle de démocratie – directe (Rousseau) ou
représentative (Emmanuel Sieyès et d’autres) – qui vont conduire à
l’évènement marquant la fin de l’absolutisme (précisément de la
monarchie absolue).
La troisième étape, c’est le déclenchement de la Révolution française
(1789). Cet évènement est salué par la majorité de l’intelligentsia
européenne comme étant l’aboutissement de sa lutte contre l’ordre
ancien caractérisé par la monarchie absolue et toute organisation
étatique privant l’homme de liberté et de tout ce qui concourt à son
bonheur. Certes, par conviction ou par déception face au régime de la
terreur et à la regrettable déviation de Napoléon Bonaparte qui l’avait
confisquée à partir de 1799, la Révolution française comptait des
ennemis en Europe dont les actions et les idées constituaient le
mouvement contre-révolutionnaire, puis la Restauration après la chute
définitive de Napoléon Bonaparte en 1815. Malgré cela, le rȇve de vivre
heureux dans des Etats de droit n’a pas cessé d’habiter les hommes.
C’est ce rȇve qui, à l’avènement de la révolution industrielle au 19è
siècle, a conduit à la naissance du socialisme, en vue de créer un cadre
de vie susceptible de soustraire les travailleurs des usines à la misère
dans laquelle un libéralisme par trop rigoureux les avait plongés à
travers une gestion sans cœur du travail fondée uniquement sur la
préservation du capital. Parti de diverses formes utopiques, le
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

socialisme parvient à maturité dans sa conception marxiste après avoir


connu une orientation chrétienne. Cette maturité s’est manifestée par la
naissance du communisme dont le succès a conduit à la partition du
monde en deux blocs antagoniques : le bloc capitaliste ayant à sa tȇte
les Etats Unis d’Amérique ou USA et le bloc communiste conduit par
l’Union Soviétique dirigée par La Russie. Avec la chute du Mur de
Berlin en 1989 et la dislocation de l’Union Soviétique qui s’en est
suivie, tout semblait marquer la fin de l’atmosphère de tension et
d’angoisse permanente due à une éventuelle déflagration planétaire
dont la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) avait déjà donné
l’avant-goȗt très amer.
Si, aujourd’hui, l’on veut faire de la politique, comment la faire en
conformité avec sa définition, à savoir, « gérer un Etat en vue d’assurer
le bonheur de ses habitants » ? D’aucuns font partir « Aujourd’hui » -
en tant qu’étape de l’histoire - du 11 septembre 2001, date
éminemment symbolique du contexte mondial dans lequel évolue
l’humanité de nos jours. A cette date, le monde entier, grâce au progrès
immense de la technologie de l’information, a assisté à l’action
terroriste qui a atteint en plein cœur les Etats Unis d’Amérique (l’Etat
le plus puissant du monde), mettant fin à la vie de milliers d’innocentes
personnes travaillant dans les Tours Jumelles de New York. L’attentat
du 11 septembre 2001 est le signe le plus manifeste du fait que
l’insécurité est la réalité la mieux partagée dans le monde d’aujourd’hui.
Du coup, la sécurité (dans toutes ses ramifications) est devenue la
composante la plus importante du bonheur des hommes. Assurer donc
le bonheur des habitants d’un Etat, c’est assurer leur sécurité sous toutes
ses formes (sécurité alimentaire, écologique, économique,
environnementale, identitaire, judiciaire, médiatique, militaire,
religieuse, sanitaire, sociale…), afin qu’ils soient en équilibre
organique tant au niveau individuel que communautaire.
Mais est-il possible aujourd’hui à un seul Etat de relever un tel défi ? Et
pourtant, avec toutes les puissances dont les gouvernants voudraient
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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

doter leurs Etats respectifs, la finalité de la politique ne sera jamais la


puissance, comme l’affirmait Machiavel, mais plutôt le bonheur des
habitants du pays concerné. Y a-t-il encore aujourd’hui des Etats qui
soient capables de se mettre entièrement à l’abri de ce qui se passe
ailleurs, afin d’assurer et de protéger le bonheur de leurs seuls
habitants ? Mȇme si Donald Trump, l’ex-Président des Etats Unis
d’Amérique, avait achevé la construction de la muraille pour séparer
son pays du Mexique, ce mur, tout en freinant la migration de
populations mexicaines vers les Etats Unis d’Amérique, n’aurait pas pu
empȇcher le Coronavirus – venu de la très lointaine Chine - de faire des
victimes de part et d’autre de cette frontière. Le bonheur des gens, quel
que soit leur lieu d’habitation, ne peut plus se faire seulement à
l’intérieur des frontières du pays où ils vivent. Aucune frontière
physique ou psychique n’est plus étanche de nos jours.
Si, jusqu’à l’époque de la Révolution française (1789) la réflexion
politique en Occident s’est consacrée à la lutte contre l’absolutisme,
qu’avec l’avènement de la révolution industrielle elle a consisté à
concevoir des régimes (socialisme et communisme) destinés à faire
barrage aux inégalités sociales générées par le capitalisme, aujourd’hui,
le défi qu’elle doit contribuer à relever est bien celui de l’insécurité
généralisée qui constitue l’obstacle majeur à la réalisation du bonheur
des hommes, quel que soit leur pays.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Table des matières


Sommaire ................................................................................................................................ 2
0. ............................................................................................................................... Introducti
on ................................................................................................................................................. 3
0.1. Bref rappel de la réflexion et de la vie politiques en Occident de
L’Antiquité à la fin du Moyen-Âge ........................................................ 3
0.2. Esquisse des conditions de naissance des Temps modernes et
caractérisation de la réflexion et de la vie politiques à cette époque .. 4
PREMIÈRE PARTIE : LA NAISSANCE DES IDÉES POLITIQUES
MODERNES ET LE TRIOMPHE DE L’ABSOLUTISME ........................ 6
CHAPITRE 1 : LA RÉFLEXION POLITIQUE À L’ÉPOQUE DE LA
RENAISSANCE .................................................................................................................. 6
A- Machiavel ........................................................................................... 7
1. LE CONTEXTE POLITIQUE ...................................................... 7
2. LA VIE DE MACHIAVEL ............................................................ 8
3. SON ŒUVRE .................................................................................. 8
4. LES FONDEMENTS DE LA PENSEE DE MACHIAVEL ....... 9
5. LE CONTENU DES IDEES DE MACHIAVEL .......................... 9
6. SON PRINCIPAL OUVRAGE POLITIQUE : "LE PRINCE"
10
B. La Réforme......................................................................................... 11
1 – LES EVENEMENTS ................................................................. 11
2 – LES IDEES POLITIQUES .......................................................... 14
a- Dans un 1er temps, les changements religieux entraînent le
développement d'idées absolutistes...................................................... 14
b- Dans un 2e temps, les réformes religieuses entraînent le
développement d'idées démocratiques................................................. 15
c. La montée de l’absolutisme ............................................................ 16
1 – LES DOCTRINES DE LA MONARCHIE TEMPEREE ........ 17
2 – LES THEORIES ABSOLUTISTES ........................................... 17
CHAPITRE 2 : LE TRIOMPHE DE L’ABSOLUTISME .......................... 24
A- La raison d’Etat .............................................................................. 24
1 - HISTOIRE DE CETTE THEORIE ............................................ 24

114

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

2 - PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE


CETTE DOCTRINE .......................................................................... 25
3 - APPLICATIONS PARTICULIERES DE CES IDEES ............ 26
3.1 - En politique extérieure ............................................................... 26
3.2 - En politique intérieure ............................................................... 26
4 - RICHELIEU (1585-1642) ............................................................. 27
4.1 - Sa carrière et ses idées politiques .............................................. 27
4.2 -LE TESTAMENT POLITIQUE ................................................ 28
B- L’absolutisme théocratique ............................................................ 29
1 – FORMATION ET CONTEXTE DE LA DOCTRINE
ABSOLUTISTE THEOCRATIQUE. ............................................... 29
1-1- Renforcement progressif de l’absolutisme au cours du 17e
siècle...................................................................................................... 29
1. 2 - Le règne de LOUIS XIV ou le triomphe de l'absolutisme ... 29
2 – LA PRINCIPALE ILLUSTRATION DE LA PENSEE
ABSOLUTISTE EN FRANCE : L'ŒUVRE DE BOSSUET ......... 30
2.1. La vie de Jacques Bénigne BOSSUET ....................................... 30
2.2. L’œuvre de BOSSUET ................................................................ 30
C- L’école du droit de la nature et des genres ................................... 32
1 – ORIGINE ET FONDEMENTS ................................................... 32
2. PRINCIPAUX AUTEURS ........................................................... 33
3. L'ASPECT POLITIQUE DE CETTE DOCTRINE ................... 34
3.1. Les sources du droit .................................................................... 34
3.2. La notion de contrat social ......................................................... 35
DEUXIÈME PARTIE : LA TRANSITION ANGLAISE ET LE
RECUL DE L’ABSOLUTISME ............................................................................... 41
Chapitre1 : La transition anglaise ........................................................................... 41
A. La révolution puritaine .................................................................. 41
1. LE CONTEXTE HISTORIQUE ................................................. 41
2. LE DÉROULEMENT ................................................................... 41
3. LES IDÉES POLITIQUES PURITAINES ................................. 42
B. Thomas Hobbes (1588-1679) ou le pouvoir totalitaire ................ 43

115

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

1. SA VIE ............................................................................................ 43
2. SON ŒUVRE ET SA PENSÉE POLITIQUE............................ 44
2.1. L’œuvre ........................................................................................ 44
2.2. La pensée politique ..................................................................... 44
C. John Locke (1632-1704), un inconditionnel de la liberté ............ 45
1. SA VIE ET SON ŒUVRE ............................................................ 46
2. SA PENSÉE POLITIQUE............................................................ 46
CHAPITRE 2 : LE RECUL DE L’ABSOLUTISME .................................... 51
A. Montesquieu (1689-1755), le refus du confusionnisme politique 51
1. SA VIE ............................................................................................ 51
2. SON ŒUVRE ET SA PENSÉE POLITIQUE ........................... 52
2.1. Son œuvre..................................................................................... 52
2.2. Sa pensée politique ...................................................................... 52
B. La diffusion des idées anglaises ..................................................... 53
1. LA VIE ET L’ŒUVRE DE JEAN- LOUIS DE HOLMES
(1741-1806)........................................................................................... 53
1.1. Sa vie............................................................................................. 53
1.2. Son œuvre et sa pensée politique ............................................... 53
2. LA CONTRIBUTION DE L’OUVRAGE « LE
FÉDÉRALISTE » ............................................................................... 54
2.1. Présentation de l’ouvrage ........................................................... 54
2.2. Les idées prônées par « Le fédéraliste » ................................... 55
C. Le despotisme éclairé ...................................................................... 55
1. LA NOTION DE DESPOTISME ÉCLAIRÉ ............................. 55
2. LES ÉCOLES QUI PARTAGENT CETTE DOCTRINE ........ 56
2.1. La tendance de Voltaire (1694-1778) ........................................ 56
2.2. La tendance du Baron d’Holbach (1723-1789) ........................ 57
Troisième partie : Révolution et contre-révolution......................................... 61
Chapitre 1 : Les progrès de la contestation ......................................................... 61
A. Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) : un fanatique de
l’égalité .................................................................................................... 61
1. L’HOMME ET SON ŒUVRE..................................................... 61
116

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

1.1. L’homme ...................................................................................... 61


1.2. Son œuvre..................................................................................... 61
2. SES IDÉES POLITIQUES ........................................................... 62
B. La contestation radicale ................................................................. 64
1. L’ABBÉ MABLY (GABRIEL BONNOT DE [1709-1785]) ...... 64
2. L’ABBÉ MORELLY .................................................................... 64
C. Les idées prérévolutionnaires ........................................................ 65
1. MARIE JEAN ANTOINE DE CARITAT, MARQUIS DE
CONDORCET (1743-1794)................................................................ 65
1.1. Sa vie............................................................................................. 65
1.2. Ses idées politiques ...................................................................... 65
2. EMMANUEL SIEYÈS (1748-1836) ............................................ 66
Chapitre 2 : Révolution et contre-révolution ..................................................... 75
A. Le mouvement révolutionnaire...................................................... 75
1. L’INFLUENCE DE MONTESQUIEU ....................................... 75
2. L’INFLUENCE DE ROUSSEAU ................................................ 75
B. Le mouvement contre-révolutionnaire ......................................... 77
1. EDMUND BURKE (1729-1797), LE PÈRE DE LA PENSÉE
CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE .................................................... 77
1.1. L’homme ...................................................................................... 77
1.2. Sa pensée ...................................................................................... 77
2. LES REPRÉSENTANTS DE LA PENSÉE CONTRE-
RÉVOLUTIONNAIRE EN FRANCE .............................................. 78
2.1. Joseph de Maistre (1753-1821) .................................................. 79
2.1.1. Sa vie .......................................................................................... 79
2.1.2. Sa pensée politique.................................................................... 79
2.2. Louis de Bonald (1754-1840) ...................................................... 80
2.2.1. Sa vie .......................................................................................... 80
2.2.2. Sa pensée politique.................................................................... 80
C. La recherche d’un moyen terme, puis confrontation et
affrontement entre libéralisme, socialisme et nationalisme (XIXè –
XXè siècle) ............................................................................................... 80

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

1. LA RECHERCHE D’UN MOYEN TERME ............................. 80


2. LE LIBÉRALISME ...................................................................... 82
3. LE SOCIALISME ......................................................................... 83
3.1. Les socialismes utopiques ........................................................... 84
A. Les précurseurs du socialisme ....................................................... 84
A.1. Robert Owen (1771-1858)........................................................... 84
A.1.1. La vie de Robert Owen ............................................................ 85
A.1.2. Sa pensée ................................................................................... 85
A.2. Claude-Henri, comte de Saint-Simon (1760-1825) .................. 85
A.2.1. Sa vie.......................................................................................... 85
A.2.2 Sa pensée .................................................................................... 86
A.3. Charles Fourier (1772-1837) ...................................................... 86
A.3.1. Sa vie.......................................................................................... 86
A.3.2. Sa pensée ................................................................................... 87
B. Les socialistes français .................................................................. 87
B.1. Les socialistes chrétiens d’avant-garde ..................................... 88
B.2. Les socialistes athées .................................................................. 91
1.1. Le socialisme scientifique et ses dérives .................................... 94
A.1. Sa vie............................................................................................. 94
A.2. La pensée politique de Marx ...................................................... 95
A.3. Les interprétations divergentes de l’œuvre de Karl Marx...... 96
Conclusion générale ....................................................................................................... 110

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Histoire des idées politiques 2 : de la Renaissance à nos jours

Histoire des idées politiques 2


: de la Renaissance à nos jours
Michel Kokora GNEBA

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

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Sociologie politique
Pregnon Claude NAHI

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Sociologie politique
Pregnon Claude NAHI

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Sociologie politique
Syllabus
*INTITULE DU COURS : SOCIOLOGIE POLITIQUE
Code :
*Type : CM et TD
*Volume horaire : 40 HEURES
UE de rattachement : SOCIOLOGIE POLITIQUE
*Niveau du cours : LICENCE 1
*Département : SCIENCE POLITIQUE
*Semestre : 2
*Nombre de crédit : 4
*Nom de l’enseignant : Dr. Nahi Pregnon Claude
*Contact téléphonique : 77890798
*Email : pregnonclaude1@gmail.com
*Statut : Enseignant à l’Université  Professionnel 
*Les objectifs
Ce cours présente la spécificité de la sociologie politique et initie aux
principaux concepts qu’elle utilise. On présentera la particularité de la
sociologie politique au regard des sciences politiques à travers une analyse
du processus historique de différenciation des sphères politiques,
économiques et sociales. Il s’agira de souligner les déterminants sociaux du
politique et les déterminants proprement politiques de la dynamique
institutionnelle en expliquant les rapports entre un phénomène politique
donné et d’autres phénomènes sociaux avec les acquis théoriques,
ontologiques et conceptuels de la sociologie. Ce cours présente également la
spécificité de la sociologie politique et initie aux principaux rouages du
système politique, ainsi que les rapports que celui-ci entretient avec les sous-
systèmes du système social global à la faveur des théories, des méthodes et
des concepts de la sociologie générale. À la fin ce cours, l’étudiant devra
être capable de comprendre le fonctionnement du système politique ainsi que
les rapports que celui-ci entretient avec les sous-systèmes du système social
global. Ainsi l’étudiant doit capable de proposer avec une plus grande
profondeur, des catégories d’analyse, des tendances lourdes et des
corrélations significatives de la vie et de l’action politique. Autrement dit, il
doit plus ou moins être en mesure de faire émerger des interrogations
significatives sur les mécanismes complexes de l’action publique, sur le
pourquoi et le comment du comportement des acteurs politiques et les
éventuels biais qui conditionnent toute entreprise de classement et
d’interprétations des réalités politiques observables.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
*Les objectifs spécifiques
 Présenter la science politique : définir son objet, Inventorier ses
différents modèles, théories, méthodes et techniques de recherche,
délimiter ses domaines
 Situer la sociologie politique au sein de la science politique
 Définir son objet
 Délimiter les domaines de cette discipline
 Inventorier ses différents modèles, théories, méthodes et techniques
de recherche
 Faire connaitre le système politique (l’État, pouvoir et régime
politique)
 Déconstruire le processus de participation politique (élections, partis
politique)
Les pré-requis
Connaissances en philosophie
*Le contenu
Chapitre1: Généralités épistémologiques et conceptuelles
Chapitre 2 : Le gouvernement
Section 1 : Le pouvoir politique
Section 2 : L’État
Section 3 : Les régimes politiques
Chapitre 3 : La participation politique
Section 1 : Les partis politiques
Section 2 : Les élections
*Programme du cours
N° de
Contenu Lectures/travaux
Séance
Séance Introduction et objectifs
1 du cours
Jean-Marie DENQUIN,
Séance Généralités conceptuelles Introduction à la science politique,
2 et théoriques 2ème éd, Hachette, Paris, 2001.

DIEU, François, Introduction à la


Séance Les théories et méthodes
méthode de la science politique,
3 de la sociologie politique
L’Harmattan, 2008
WEBER, Max, Le Savant et le
Séance Généralités sur la notion
Politique, 10 X 18, 2002.
4 de pouvoir
3

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Sociologie politique
LAPIERRE, Jean-William, Essai
Séance L’institutionnalisation du
sur le fondement du pouvoir
5 pouvoir politique
politique, Éditions Ophrys, 1979
Séance CHEVALLIER, Jacques, L’Etat
L’État comme société
7 de droit, Édition : 5e édition, Paris,
juridique
Montchrestien, 2010
WEBER, Max, Économie et
Séance L’État comme pouvoir
société dans l’Antiquité, La
8 politique
Découverte, 2001
Le système politique EASTON, David, Analyse du
Séance système politique, Paris, Armand
9 Colin, 1974, (« Analyse politique
»).
Séance
Le régime politique
10
Exposé/Maurice Duverger, les
Séance
Les partis politiques partis politiques, Armand Colin,
11
1951
Bertrand Pauvert , Élections et
Séance
Les élections modes de scrutin, harmattan, 2007
12

*Méthodes et stratégies pédagogiques


PRÉSENTATION MAGISTRALE+TD
Langue d’enseignement : FRANÇAIS
Modalités d’évaluation
Évaluation continue : 60%
Participation 10%
Interrogations 15%
Devoirs sur table 20%
Travaux à rendre 15%
Examen final en fin de semestre 40%
1ère session : à la fin du cours
Session de rattrapage (2ème session)

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
SOMMAIRE

Présentation du cours.................................................................................. 6
Introduction ................................................................................................. 7

Chapitre I . Généralités épistémologiques et conceptuelles .................... 8


Section I . Définitions ............................................................................... 8
Section II . Sociologie politique et science politique ........................... 11
Section III . Les doctrines dominantes ................................................. 13
Chapitre II . Le gouvernement ................................................................ 19
Section I . Le pouvoir politique ............................................................. 19
Section II . L’état .................................................................................... 21
Chapitre III . Les régimes et systèmes politiques................................... 37
Section I . Le système politique ............................................................. 37
Section II . Les régimes politiques ........................................................ 43

Bibliographie.............................................................................................. 56

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Sociologie politique

PRÉSENTATION DU COURS

Ce cours présente la spécificité de la sociologie politique et initie aux


principaux concepts qu’elle utilise. On présentera la particularité de la
sociologie politique au regard des sciences politiques à travers une analyse
du processus historique de différenciation des sphères politiques,
économiques et sociales. Il s’agira de souligner les déterminants sociaux du
politique et les déterminants proprement politiques de la dynamique
institutionnelle en expliquant les rapports entre un phénomène politique
donné et d’autres phénomènes sociaux avec les acquis théoriques,
ontologiques et conceptuels de la sociologie.
 Ce cours poursuit également l’objectif de situer la sociologie
politique au sein de la science politique, en définir l’objet et les
principaux concepts, délimiter et inventorier ses différents
modèles théoriques, méthodologiques et techniques de
recherche.
 À la fin ce cours, l’étudiant devra être capable de comprendre
le fonctionnement du système politique ainsi que les rapports
que celui-ci entretient avec les sous-systèmes du système social
global.
 Ainsi l’étudiant doit capable de proposer avec une plus grande
profondeur, des catégories d’analyse, des tendances lourdes et
des corrélations significatives de la vie et de l’action politique.
Autrement dit, il doit plus ou moins être en mesure de faire
émerger des interrogations significatives sur les mécanismes
complexes de l’action publique, sur le pourquoi et le comment
du comportement des acteurs politiques et les éventuels biais
qui conditionnent toute entreprise de classement et
d’interprétations des réalités politiques observables.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

INTRODUCTION

L’objet de la sociologie politique, c’est la société dans toute sa dimension


politique. La sociologie politique peut donc être considérée, comme
l’approche sociologique des phénomènes politiques mobilisant un ensemble
de conceptions et des méthodes d’analyse dégagées par la sociologie
générale. Ainsi, dans le cadre de la sociologie politique, l’on va utiliser les
conceptions et les méthodes de la sociologie pour tenter d’expliquer parmi
l’ensemble des rapports sociaux, comment fonctionnent les seules relations
spécifiques qui présentent un caractère politique. Cet enseignement
s’articulera autour de deux parties. La première partie sera consacrée à une
approche épistémologique de la sociologie politique. La deuxième partie
s’intéressera aux objets d’études de la sociologie politique et sera composée
de quatre axes fondamentaux qui permettront d’éclairer le lecteur sur les
principales composantes d’une société politique ainsi que sur son
fonctionnement. Le chapitre premier sera consacré à l’étude du pouvoir
politique, le deuxième chapitre à l’État comme cadre général de l’activité
politique dans une société moderne, le troisième chapitre à l’étude des partis
politiques qui avec les groupes de pression sont considérés comme étant les
principales organisations qui animent le jeu politique dans les sociétés
modernes et enfin le quatrième chapitre à la participation politique à travers
les élections.

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Sociologie politique
Chapitre I . GÉNÉRALITÉS ÉPISTÉMOLOGIQUES ET CONCEPTUELLES

Section I . Définitions

A. Sociologie

Le terme sociologie apparaît tardivement. C’est Auguste Comte, qui dans le


volume 4 de son cours de Philosophie positive la forge en 1839 pour en faire
une véritable discipline scientifique. Elle sera modelée par Durkheim pour
qu’elle devienne une discipline universitaire à part entière. Pour ainsi dire,
on peut affirmer que chronologiquement, la sociologie est fille de la
modernité. Son avènement, parachève ainsi, le projet rationaliste des
lumières de substituer en tout domaine, la science à la religion1. En effet,
selon la formule de Jean Duvignaud, la sociologie peut être présentée comme
« la fille des révolutions ». Si la sociologie émerge, au XIXe siècle, des essais
et tentatives de saisir le fonctionnement de la société, c'est parce que des
transformations majeures, politiques, économiques et scientifiques obligent
les hommes à repenser les liens qui les unissent. Sa mission première est de
révéler à une société qui a perdu tout fondement extérieure à elle-même, les
secrets de son fonctionnement en aidant les hommes à mieux maitriser un
destin laisser autre fois aux seuls soins de la providence. Cependant, définir
la sociologie n’est pas une entreprise aisée. C’est pourquoi pour Raymond
Boudon2, « Il est difficile de présenter la sociologie sans citer la boutade de
Raymond Aron selon laquelle, les sociologues ne sont d'accord entre eux
que sur un point : la difficulté de définir la sociologie »3, Il faut en effet
admettre, qu'entre la définition d'Auguste Comte4 l'inventeur du terme - du

1
Tout d'abord, le XIXe siècle a été un moment de grande instabilité politique dans toute
l'Europe. Depuis 1789, les régimes, les mouvements et les idéologies politiques se sont
multipliés. Les insurrections et les guerres entre les nations européennes marquent ce
siècle. L'ordre social ancien, fondé sur l'alliance du roi et de l'Église, est discrédité, mais
la possibilité qu'ont les sociétés de se définir elles-mêmes conduit d'abord à une
multiplication des troubles et des revendications.
2
Boudon 27,1997
3
Raymond Aron, « Dix-huit leçons sur la société industrielle », (1962, p27.
4
Pour Auguste Comte, la sociologie est « l’étude positive de l’ensemble des lois
fondamentales propres au phénomène sociaux ».
8

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
moins celui qui l'a popularisé, celle d'Émile Durkheim5, celle de Max Weber
et celle des penseurs libéraux, il y a généralement un fossé qui peut paraître
quasiment infranchissable.
En dépit de ces apories, il est tout même possible de définir la sociologie
comme la branche des sciences humaines qui cherche à comprendre et à
expliquer l'impact de la dimension sociale sur les représentations (façons de
penser) et les comportements (façons d'agir) humains. Elle étudie les
normes, codes et croyances qui organisent une société, les hiérarchies, rôles
et rites qui la structurent, les signes et symboles à travers lesquels elle
s'exprime, les conflits et contradictions qui la transforment où la déchirent.
Définir la sociologie politique comme une sociologie du politique, suppose
également de s’entendre sur le sens de ce dernier terme, c’est-à-dire la
politique.

B. Politique

En effet, le concept est si ambigu, sa polysémie si difficile à cerner et si


fluctuante que la délimitation même de l’univers politique, c’est-à-dire du
champ d’investigation que la science politique est amenée à embrasser, varie
suivant les auteurs. En effet, la langue française ne désigne pas la même
chose en parlant du politique, de la politique ou des politiques.
 Sous la forme adjectivale, politique apparait ambivalent si l’on
considère la diversité des termes auxquels il peut s’opposer. Le
mot politique peut être employé comme jugement de valeur sur
un phénomène quelconque. Ce jugement est généralement
péjoratif en ce sens que qualifier une décision par exemple de
« 'politique » ou dire de quelqu'un qu'il fait la « politique », c’est
souvent l’opposer à une décision technique en soulignant
qu’elle exprime un choix partisan ou fantaisiste.
 Le mot politique peut également servir comme synonyme et
peut être remplacé par un terme équivalent. C'est le cas, lorsqu'il
est utilisé dans les phrases « politiques du riz », ou « politiques

5
Pour Durkheim, la sociologie est définie par l’existence d’un objet d’études spécifique,
le fait social qu’il définit comme « des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures
à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent
à lui ».
9

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Sociologie politique
éducatives » ou il peut être remplacé par les mots gestion ou
stratégie. Ou dans « politiques publiques de sécurité », il s’agit
d’un ensemble de prises de décisions et de mis en œuvre de ces
décisions. C’est-à-dire, l’élaboration, la proposition et
l’application d’un programme d’action.
 Substantif, du genre féminin, la politique désigne plutôt
l’espace symbolique de compétition entre les hommes et la
manière que les gouvernants ont de gérer la société qui les a
portés à sa tête. Comme le souligne Aron, la politique désigne
à la fois l’activité de ceux qui font la politique (les hommes
politiques, les partis politiques, les citoyens lorsqu’ils
deviennent des militants, manifestants ou électeurs) et aussi
l’espace symbolique de cette activité, c’est-à-dire l’espace de
compétition entre les acteurs politiques professionnels entrés en
politique. Elle est alors la scène où s’affrontent les individus ou
les groupes en compétition pour conquérir le pouvoir d’État ou
l’influencer directement.
 Au masculin, le substantif est d’usage plus restreint car, il
demeure l’apanage de la littérature savante. Le politique renvoie
généralement à une réflexion objective sur le pouvoir, réflexion
dégagée des contingences du quotidien. Le politique est défini
par 6 « comme un champ social dominé par des conflits
d’intérêts régulés par un pouvoir lui-même monopolisateur de
la coercition légitime ». Et c’est évidemment à cette dernière
acception que l’on se réfère pour l’emploi de l’adjectif politique
dans le cadre des études de sociologie politique. Le politique,
notre domaine d’étude, serait de l’ordre de l’essence même du
jeu politique quel qu’il soit, partout et en tout temps et que de la
sorte abstraction immuable, il constituerait le seul cadre de
réflexion possible, suffisamment général pour livrer les clefs
explicatives de toutes les manifestations politiques
particulières.
L’anglais permet de faire des distinctions. Il faut distinguer :

6 Philippe Braud, Sociologie politique, 11e édition (Paris: LGDJ, 2014).


10

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 La politique (politics) : désigne la vie politique, l’arène où les
responsables politiques s’affrontent pour la conquête du
pouvoir (par exemple, s’engager en politique, faire de la
politique) ;
 La politique (policy) : renvoie aux programmes d’action mis en
place par une institution pour atteindre des objectifs donnés (par
exemple, l’Etat qui met en œuvre des politiques sociales ou
encore une entreprise qui définit une politique des ressources
humaines) ;
 Le politique (polity) : l’emploi du masculin renvoie à celui qui
gouverne, qui exerce des responsabilités dans la cité (polis en
grec), qui détient le pouvoir.

C. Sociologie politique

La sociologique politique constitue une certaine manière d'appréhender la


politique, c'est une discipline dont le but est de comprendre la réalité
politique. Elle se donne pour objectif de comprendre « comment fonctionne
politiquement une société ».

Section II . Sociologie politique et science politique

L’action politique étant d’abord une activité sociale et le fait politique un fait
social, la sociologie politique est d’abord une sociologie qui replace les
phénomènes politiques dans l’ensemble des phénomènes sociaux.

A. Les faits sociaux et les faits politiques

En effet, l’action politique étant d’abord une activité sociale et le fait


politique un fait social, la sociologie politique est d’abord une sociologie et
l’expression même de sociologie politique symbolise l’intention de replacer
les phénomènes politiques dans l’ensemble des phénomènes sociaux. Cette
démarche largement répandue chez un grand nombre de professeurs, comme
notamment Maurice Duverger, Roger-Gérard Schwartzenberg ou encore
Claude Leclerc, traduit en toute logique, d’une part le souci de supprimer les
frontières entre ces deux disciplines, à savoir sociologie générale et
sociologie politique, dans la mesure où ils estiment qu’il y a une unité
11

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Sociologie politique
profonde entre ces deux sciences sociales, et d’autre part celui connexe
d’utiliser la méthode sociologique pour l’approche politique.

B. Sociologie et science politique : la démarcation

Il s’agira de savoir si la sociologie politique dépend de la sociologie générale


ou de la science politique. Sur la question, les avis sont partagés : Certains
auteurs estiment que la sociologie politique n’est qu’une méthode que peut
utiliser la science politique7. Pour Pierre Hansard, l’État tend à se séparer de
la société. Si l’État est séparé de la société c’est que la sociologie et la
politique sont séparés. Pour Raymond ARON8: « on pourrait dire que la
science politique considérée globalement se confond avec la sociologie
politique, elle est le chapitre politique de la sociologie ». Pour d’autres
auteurs tels que Jean-Marie DENQUIN, la sociologie politique fait partie des
sciences politique pour son côté juridique. En effet, certains auteurs
(Schwartzenberg9) considèrent que la sociologie politique est synonyme de
la science politique, de sorte qu’ils utilisent indifféremment les termes
« sociologie politique » ou de « science politique » pour désigner les mêmes
réalités. Cependant, même si la sociologie politique et la science politique
partagent le même objet d’étude qui est les phénomènes sociaux et utilisent
la même démarche, la sociologie politique marque souvent une rupture avec
les méthodes juridiques ou philosophiques longtemps dominantes de la
science politique et une volonté d’analyse par des méthodes plus
scientifiques. Aujourd’hui, ce type de débat semble être d’une faible utilité
heuristique pratique, car la sociologie politique est désormais considérée
comme une sous discipline de la science politique. Ainsi, comme le soutient
Duverger « la science politique désigne une approche large de la science des
phénomènes politiques, qui les considère à la fois sous l’angle des

7 Dominique Chagnollaud, Science politique - 7e éd.: Cours, 7e édition (Paris: Dalloz,


2010).
8
Aron, dans le N°1 de la Revue de l’Enseignement Supérieur, p. 21 et suivantes, 1965.
9
En effet, Roger-Gérard Schwartzenberg dans son traité de sociologie politique parle
indifféremment de la sociologie politique “ou” de la science politique. La sociologie
politique et les sciences politiques partagent le même objet d’étude qui est les
phénomènes sociaux et utilisent la même démarche. Arrivé à cette conclusion de
synonymie, Schwartzenberg penche vers la dénomination de sociologie politique du fait
que cette science supprime les frontières entre les spécialités pour essayer de replacer les
phénomènes politiques dans l’ensemble des phénomènes sociaux.
12

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
institutions juridiques, de l’histoire, de la géographie humaine, de
l’économie, de la démographie, etc., en même temps que sous l’angle
proprement sociologique. La sociologie politique désigne plus spécialement
cette dernière approche ».

C. Les différentes conceptions

La sociologie politique moderne se subdivise en deux branches. Certains


auteurs, estiment que chaque fois qu’il y a pouvoir, il y a matière à étude de
science politique. Ces auteurs sont aujourd’hui minoritaires. Pour la grande
majorité, si la discipline ne doit pas ignorer les phénomènes de pouvoir, elle
doit également s’intéresser à d’autres réalités. Et c’est, participant de ce
même courant d’idée, et faute d’un critère de délimitation bénéficiant d’un
accord unanime, que les experts de l’Unesco en 1950, ont choisi d’une
manière pragmatique de définir la sociologie politique par la nomenclature
des thèmes qu’elle traite plutôt que par une réflexion sur son essence même.
Selon eux, son champ d’étude devrait comprendre, quatre grandes rubriques.
À savoir :
 La théorie politique ;
 Les institutions politiques ;
 Les partis politiques, les groupes et l’opinion publique ;
 Les relations internationales.
 Pour leur part, Reinhard Bendix et Seymour Martin Lipset, donnaient en
1957 une liste de thèmes plus concentrée qui clos le débat.Ils écrivaient,
je les cite : « la sociologie politique comprend les études sur :
 le comportement électoral et la recherche des attitudes et des opinions ;
 le processus de prise des décisions politiques ;
 les idéologies des mouvements politiques et des groupes d’intérêt ;
 les partis politiques, les groupements volontaires et le problème de
l’oligarchie ;
 le gouvernement et les problèmes d’administration.

Section III . Les doctrines dominantes

La science politique a essayé dès les origines à se forger, à se donner des


origines propres spécifiques. La quête de l'autonomie visa-avis de la
13

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Sociologie politique
philosophie politique et du droit public, a permis à la science politique de
circonscrire, de délimiter ses objets. Initialement, on envisageait la science
politique comme une science de l'État puisqu'on s'intéressait aux structures
institutionnelles centrales, celles qu'on estimait principal dans le jeu de la
politique. Cependant, certains auteurs ont estimé que le fait de s'intéresser
uniquement aux institutions faisait perdre de vue une grande partie des lieux
du politique car on estimait que le pouvoir ne s'incarnait pas obligatoirement
dans les institutions.

La doctrine de l’État

La sociologie politique devrait se consacrer à l’étude de l’État. Il s’agit là de


la doctrine classique la plus ancienne, celle qui associe la discipline à
l’analyse exclusive d’une certaine forme d’organisation juridique et
politique. Science de l'État = Statologie. Statologie qui s'explique par le
contexte politique qui va de la première moitié du 19ème siècle jusqu’aux
années 50-60. Cette période est marquée par la « prolifération » de la forme
étatique, la multiplication des types d'État, et la stabilisation progressive de
leurs structures. C'est un contexte très riche à cause de la démultiplication de
l’expérience constitutionnelle française, allemandes, russes et ensuite à
cause de l'extension de nouvelles formes étatiques suite aux différentes
vagues de décolonisation.
Au XIXème siècle ce sont surtout les juristes germaniques autour de Joseph
Gelinek qui ont popularisé cette conception, obsédés qu’ils étaient par les
problèmes de la formation de l’unité allemande. Pour ces juristes, l’État est
en somme un idéal à atteindre et il leur paraissait normal que la science
politique, se consacra à définir et à théoriser ce qui était pour eux la forme la
plus noble la plus désirable d’organisation politique. En France, ce point de
vue a trouvé ses défenseurs, notamment avec le Doyen Davy, dans le volume
1 de ses Éléments de sociologie parus en 1924, ainsi que chez le Recteur
Prélot dans un cours qu’il professait en 1956-1957 à la Faculté de Droit de
Paris intitulé. La conception française de la science politique. De la même
veine, on peut citer également le Dictionnaire Littré qui définit la politique
comme, je cite, « La science du gouvernement des États ». Ce foisonnement
d'expérience étatique va donner à la forme étatique, les caractéristiques d'un
fait universel. Dès le début du XXème siècle, le Professeur Duguit éminent

14

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
constitutionaliste et Georges Scelle, spécialiste de droit international public
remet en cause cette position en considérant que l’État n’est qu’une forme
parmi d’autre d’organisation politique, et que le phénomène fondamental,
caractéristique d’une société politique donnée, ne se réduit pas dans une
forme particulière d’organisation, mais tout simplement dans la
différentiation objective entre gouvernants d’une part et gouvernés d’autre
part. Ainsi, progressivement, le rapport à l'État n'est plus envisagé
obligatoirement à travers ses institutions, mais à travers le rapport entre la
contrainte et la domination. Déjà Max Weber, avait entrepris de définir l'État
dans Économie et société, non pas en fonction de ces structures
institutionnelles mais en fonction de son rapport à la contrainte. Il en donne
la définition suivante: « communauté humaine disposant sur un territoire
donné du monopole de la coercition légitime »10.

B. La doctrine du pouvoir

La sociologie politique travaille sur le commandement, l’autorité, les modes


de gouvernement dans quelque société humaine que ce soit et pas seulement
dans la société étatique. Cette conception, précisée dans les années 30 par
Charles Merriam, Georges Catlin et Harold Laswell aux États-Unis, a été
popularisée en France, notamment par Raymond Aron et par les professeurs
Georges Burdeau, Georges Vedel et Maurice Duverger. Cela reconnu,
certains se sont demandé si donner à la sociologie politique l’étude du
pouvoir, n’était pas lui assigner une tâche démesurément étendue. L'objectif
est de voir comment se distribue le pouvoir dans un groupe donnée. Les
institutions sont secondaires par rapport à la trame générale de distribution
du pouvoir dans une société donnée.
On en parlera plus de pouvoir ou d'État mais on parlera de système politique.
Définition de Robert Dahl: « un système politique est une trame persistante
de rapport humain qui implique une mesure significative de pouvoir, de
domination et d'autorité ». Autrement dit, toute forme de pouvoir, d'autorité

10
Qu'il s'agisse d'une analyse fondée sur l'étude institutionnelle ou qu'il s'agisse d'une
analyse fondée sur la définition de Weber, ces deux perspectives sont limitées: Le pouvoir
s'incarne de façon limité dans les institutions. D'autres lieux concentrent de la contrainte
sans pour autant pouvoir jouer un rôle politique. Dans une société donnée des structures
non politiques imposent aux individus des règles de conduites.

15

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Sociologie politique
de domination serait en quelque sorte un objet privilégie de la science
politique.

16

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

POINTS IMPORTANTS A RETENIR

 Définition de la sociologie politique.


 Les différentes conceptions de la discipline

17

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Sociologie politique

EXERCICES D’ASSIMILATION

Questions de contrôle de connaissances


1. Qu’est-ce la sociologie politique ?
2. Définissez les différentes conceptions de la sociologie
politique

18

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Chapitre II . LE GOUVERNEMENT

Section I . Le pouvoir politique

L’économiste est amené à désigner le pouvoir d’achat des familles dans le


cadre d’une enquête de l’Insee sur l’inflation ou le pouvoir d’une firme
multinationale telle General Motors. Le juriste peut l’utiliser pour distinguer
les pouvoirs exécutifs, législatifs ou judiciaires. Un historien des médias se
charge d’organiser un colloque sur la naissance du quatrième pouvoir, c'est-
à-dire la presse.

Approche conceptuelle générale

Il est possible selon le politiste Philippe Braud, de distinguer trois approches


principales du terme de pouvoir.
 Une première approche institutionnaliste identifie le pouvoir
aux gouvernants, que ce soit à travers l’idée abstraite d’État
(avec la notion d’État au pouvoir), de gouvernement (avec la
distinction entre le « pouvoir » et l’« opposition ») et
d’administration (avec la notion cette fois-ci de « pouvoirs
publics ») ;
 Une deuxième approche substantialiste consiste à saisir le
pouvoir comme une chose que des individus ou des groupes
d’individus pourraient posséder ou non
 Une troisième approche relationnelle considère le pouvoir non
plus comme une substance mais comme une relation sociale
asymétrique dans laquelle un individu ou un groupe d’individus
exerce un pouvoir sur un ou d’autres individus. Cette approche
relationnelle du pouvoir, qui est celle privilégiée en sociologie,
est exprimée par le politologue américain Robert Dahl, pour
lequel le pouvoir est « la capacité d’une personne A d’obtenir
qu’une personne B fasse quelque chose qu’elle n’aurait pas fait
sans l’intervention de A ».

19

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Sociologie politique
B. Spécificités du pouvoir politique

Le terme de pouvoir, que ce soit dans les usages savants ou courants qui
peuvent en être faits, est employé dans des sens très divers, proches de ceux
de capacité, d’influence, de domination ou d’autorité. Mais si de nombreuses
relations sont des relations de pouvoir, elles n’ont pas toutes une dimension
politique. Elles ont cette caractéristique lorsqu’elles reposent sur l’obligation
pour ses détenteurs de lier la contrainte et la légitimité.

1. Fonction du pouvoir

L’existence de conflits réels ou supposés au sein d’une société est envisagée


comme l’origine de l’intervention d’un tiers, le juge ou l’État, chargé
d’arbitrer afin de garantir la cohésion sociale. Cette régulation des conflits
inhérents à la société explique la reconnaissance progressive d’un pouvoir
détenteur du monopole du recours à la coercition
La fonction du pouvoir politique est donc le conflit et sa régulation.

2. Le pouvoir entre contrainte et légitimité

Max Weber a élaboré un ensemble de notions pour appréhender la manière


dont un régime politique réussit à imposer son pouvoir, non pas seulement
par le recours à la force mais aussi par la légitimité. Il désigne ainsi la
puissance comme « toute chance de faire triompher au sein d’une relation
sociale sa propre volonté même contre des résistances, peu importe sur quoi
repose cette chance » et la domination comme « la chance de trouver des
personnes déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé ».
C’est dire autrement que le pouvoir passe par un consentement à l’obéissance
qui repose sur le fait que l’ordre reçu est considéré comme légitime.

3. Le monopole de la coercition

 Aussi, le pouvoir politique se distingue des autres pouvoirs par


son caractère territorial. Le pouvoir ne peut s’exercer que dans
un cadre délimité. Mais si cette dimension des groupements
politiques est essentielle parmi l’ensemble des groupements de
domination, elle n’est pas suffisante.
20

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 Comme le montre Max Weber11, la mise en œuvre de ses
règlements sur un territoire donné doit être « garantie de façon
continue » par la menace, voire l’emploi « d’une contrainte
physique de la part de sa direction administrative ».
 Max Weber, l'autorité politique dispose du monopole de
l'exercice de la violence légitime sur un territoire donné. Mais
ensuite, « la vocation de toute autorité politique est d'agréger
pacifiquement l'ensemble des intérêts (dit la « constellation des
intérêts) s'affrontant sur ce même territoire ».

Section II . L’état

L’institution centrale sur laquelle repose le pouvoir politique dans nos


sociétés est l’État. L’État est un concept qui se rapporte à un ensemble
d’individus qui, à l’intérieur d’un espace territorial donné, entretiennent des
liens juridiquement réglés et jouissent d’une certaine souveraineté.
 La configuration sous laquelle il se présente varie selon l’espace
déterminé, le nombre les ressources disponibles (financières et
humaines), le mode de rapport de production, l’efficacité des
systèmes de régulation des conflits d’intérêts et d’intégration.
 La construction de l’État a été un processus historique car il
n’est pas une institution « naturelle » de l’expression du pouvoir
politique. Il correspond à l’aboutissement d’un long processus
historique qui a pris des formes et des spécificités en fonction
de la culture de la société dans laquelle il émerge, même si on
retrouve des caractéristiques communes fortes (unification du
territoire, monopole de la violence légitime, présence d’une
administration, continuité du pouvoir).
 L’État est à la fois une réalité historique et une construction
théorique, ce qui explique la difficulté de le définir de manière
pleinement satisfaisante

11
Par cette caractéristique, le sociologue allemand veut mettre l’accent sur le mode de
régulation propre au pouvoir politique. Il s’agit d’envisager la contrainte comme le
recours ultime et la garantie spécifique de l’ordre instauré par ce pouvoir. Il en résulte
qu’en règle générale le contrôle des moyens de violence est étroitement associé au
pouvoir politique, ce dernier pouvant être menacé par d’autres unités politiques.
21

Page 192 of 321


Sociologie politique
 Dans une première approche, l’État est identique à un ordre
juridique12. Cette approche purement descriptive qui se limite à
une énumération de ses fonctions et de ces domaines d’action
est celle que retient le droit public.
 Dans une seconde approche, il est corrélatif à une entreprise
extérieure de domination qui maintient le respect des normes du
« vivre ensemble » parmi les individus par la menace de
châtiment à l’encontre des contrevenants, c’est-à-dire un
pouvoir politique. Ici l’État se rapporte essentiellement au
pouvoir central.

L’État comme société juridique

L’identité de l’État avec l’ordre juridique est postulée par les juristes
allemands et français (Jellinek, Laband, Carré de Maberg) au début du XXe
siècle.
 Dans ses Contributions à la théorie générale de l’État (1921),
le juriste Carré de Malberg le définit comme une « communauté
d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une
organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses
rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de
commandement et de coercition ».
 Il souligne ainsi la double acception de la notion d’État, qui
correspond à un mode d’organisation sociale territorialement
défini et à un ensemble d’institutions caractérisées par la
détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de
l’emploi de la force publique.
 Ces juristes finiront par formuler ce qu’il est convenu d’appeler
la « théorie des trois éléments » définir l’État, c’est-à-dire la
population, le territoire et la puissance.
 Le juriste autrichien, Hans Kelsen (1881 - 1973), qui a enseigné
en Autriche et en Allemagne, a systématisé ces postulats de base

12
Dans cette perspective, l’État ne désigne pas seulement le pouvoir central qui se
subordonne les institutions (familles, associations, entreprises) et les intérêts des
individus, mais la société toute entière envisagée comme un être collectif dont l’identité
est déterminée par les normes juridiques.
22

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
dans son ouvrage intitulé Théorie pure du droit. Il montre que
les trois éléments considérés comme traditionnellement
constitutifs de l'État : la population, le territoire et la puissance
(pouvoir d’injonction et de coercition), n’existent pas en dehors
d’un cadre juridique. Autrement dit, l’État n’est rien d’autre que
la forme de l’unité entre une population donnée, un territoire
déterminée et une organisation politique structurée par des
normes juridiques.

1. Le territoire

Il se définit comme l’espace à trois dimensions (sol, sous-sol et espace


aérien) ou il s’applique les règles juridiques posé par les gouvernants.
KELSEN dit que c’est le domaine de la valide spatiale des normes
juridiques13.
 Le territoire est rarement un espace géographique naturel
délimité par la mer ou un réseau de montagnes infranchissables.
Il se caractérise par l’existence d’une frontière qui est une
ligne qui sépare avec netteté deux domaines d’application des
normes juridiques. Elle prend son sens avec l’avènement des
États nations aux XIX et au XX en Europe occidentale.
 Néanmoins, la séparation de deux domaines d’application
juridique, naturelle (par les mers), ou artificielle (établies par
traité) issue des frontières régresse progressivement amenant
ainsi à un rapprochement toujours plus étroit entre les pays.
L’interdépendance économique et politique croissante des États
entraîne l’ouverture des frontières en augmentant les flux de
personnes et de marchandises (ex : espace Schengen mis en
place en Europe en 1985 pour renforcer la libre-circulation).
Mais ces flux doivent se réguler, par des contrôles, pour les
marchandises, et également pour les personnes.

13
L’État n’est pas seulement l’espace ou habite une population car le territoire joue un
rôle actif dans l’affirmation identitaire de ses habitants. Des liens affectifs se nouent des
lieux, des sites mais surtout avec les traces du passé inscrites sur son sol.
23

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Sociologie politique
2. Une population

 Les individus qui relèvent de l’État sont ceux qui lui sont
juridiquement assujettis. Comme le souligne Kelsen, « la
question de savoir si un individu ressortissant d’un État n’est
pas une question psychologique, une question de sentiment,
c’est une question de droit. On ne peut pas trouver le principe
d’unité des hommes qui forment le peuple d’une État, ailleurs
que dans le fait qu’un seul et même ordre juridique est en
vigueur pour tous ces hommes et règle leurs conduites. Le peule
de l’État, c’est le domaine de la validité personnel de l’ordre
juridique étatique ».
 La population assujettie au droit de l’État relève de deux
catégories distinctes : les nationaux et les étrangers. Les
premiers sont des ressortissants qui on (t acquis cette qualité par
filiation ou par naturalisation. Les seconds au contraire sont
soumis au droit, de l’État, en tant que résidents éphémères ou
permanents.
 Selon la conception subjective de la nation, le rassemblement
d’une population résulte d'un sentiment d’appartenance, d'une
histoire, de lieux communs ; ces sentiments subjectifs sont au
fondement de toute nation, formée par le désir de vouloir-vivre
ensemble.
 Pour la conception allemande, la nation serait donc un concept
politique mettant en jeu des critères objectifs comme la race, la
langue ou la religion, où les associations sont volontaires, «
c’est un vouloir vivre collectif ».
 Le peuple constituerait donc un concept sociologique et l’État
un concept juridique

3. La souveraineté ou le pouvoir d’injonction juridiquement


régl

 Sur le plan juridique, le critère principal de l’État est celui de


l’exercice de la souveraineté, qui est un pouvoir inconditionné,
dont tous les autres pouvoirs dérivent.
24

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 En effet l’État exerce de manière effective sur une population
rassemblée en un territoire déterminé un pouvoir politique
d’une autorité particulière appelée la souveraineté .Cela signifie
qu’à l’intérieur du territoire dont il a la charge, l’État dispose de
la compétence de ses compétences. L’État est donc indépendant
de toute norme juridique qui lui serait supérieure.
 Ainsi, pour la théorie constitutionaliste classique, le pouvoir à
l’intérieur de la société civile apparait comme une personnalité
juridique.
 Cette notion tend à rendre compte d’une distinction entre
l’entité abstraite : l’État, le gouvernement, les pouvoirs publics
et les personnes physiques qui le représentent c’est-à-dire les
gouvernants (politiques) et leurs agents (administratifs). La
volonté de l’État entendu au sens de pouvoir interne à la société
civile, est ainsi réputée distinctes des volontés personnelles de
ceux qui l’incarnent.
 Le statut juridique de personne moral de l’État lui donne deux
acceptations en droit international : il est non seulement, le
pouvoir souverain qui exerce son droit de conclure des traites
au nom de l’ensemble de la collectivité mais également la
collectivité tout entière dont il exprime la volonté.
 Les institutions étatiques se caractérisent avant tout par
l’exercice de fonctions dites régaliennes : à l’intérieur, ces
fonctions concernent l’édiction des normes (législation,
réglementation) et la sanction de ceux qui les méconnaissent
(justice, police) ; à l’extérieur, elles concernent la diplomatie et
la force armée.
 L’exercice de ces fonctions suppose des ressources propres, qui
sont prélevées sur la collectivité nationale par le biais de
l’impôt. Au final, si le concept de souveraineté est essentiel pour
penser le droit, autant qu’en permettre l’application, il n’en
demeure pas moins que l’application ne va pas sans difficultés
pour un concept dont la portée demeure en grande partie
symbolique. Dans les faits, utiliser ce concept pour identifier
l’État pose problème tenant à l’historicité et à la difficulté d’en
mesurer la réalité objective.
25

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Sociologie politique
 En fin de compte, on s’accorde à dire que l’État ne se laisse
« définir sociologiquement que par le moyen spécifique qui lui
est propre ,ainsi qu’a tout autre groupement politique ,à savoir
la violence physique ».

4. Les trois formes d’État

La théorie classique distingue trois formes d’États : l’État unitaire centralisé,


l’État unitaire décentralisé et l’État fédéral. La forme juridique de l’État
désigne son organisation juridique alors que la forme du gouvernement de
l’État désigne son régime politique. Soit l’État compte un seul centre de
pouvoir et on parle d’État unitaire (la Côte d’Ivoire par exemple). Soit l’État
superpose plusieurs États et on parle d’État composé ou fédéral (Les États-
Unis par exemple).
L’État fédéral
L’État fédéral, ou fédération, est le résultat d’une association d’États (les
États-Unis, l’Allemagne, la Suisse notamment).
 La souveraineté est partagée car une partie des compétences des
États fédérés sont mises en commun au niveau de l’État fédéral.
Ce dernier a généralement des compétences dans les domaines
régaliens (défense nationale, politique monétaire, diplomatie),
les États fédérés conservant les fonctions législative,
juridictionnelle et gouvernementale.
 Dans ce type d’État, il existe en général deux chambres : une
assemblée représentative de la population et un sénat
représentant les États (Bundesrat allemand, Sénat américain,
etc.).
 Il existe également deux constitutions. C’est la Constitution
fédérale qui assure la répartition des compétences entre les
niveaux fédéral et fédéré. La souveraineté est partagée car une
partie des compétences des États fédérés sont mises en commun
au niveau de l’État fédéral. Ce dernier a généralement des
compétences dans les domaines régaliens (défense nationale,
politique monétaire, diplomatie), les États fédérés conservant
les fonctions législatives, juridictionnelle et gouvernementale.

26

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 La confédération est une association d’États indépendants qui,
par traité, ont délégué certaines compétences (monnaie,
diplomatie) à des institutions communes, sans constituer
cependant un nouvel État’ L’Union européenne en est un
exemple).

L’État unitaire
C’est l’État dans lequel existe un seul centre de pouvoir c'est à dire l’unité
du pouvoir de décision. Tous les habitants sont soumis à une même et unique
organisation juridique et politique. L’État dispose de la plénitude de la
souveraineté.
 Centralisé
L’administration d’un État centralisé implique que toutes les décisions
(politiques et administratives) relèvent du pouvoir central et uniquement de
lui. Il est concentré lorsque tout est décidé par l’État, au niveau central. On
retrouve cette organisation surtout dans des États de petite taille (par
exemple, Malte, Monaco). Il est dit déconcentré quand il existe au niveau
local des représentants de l’État. C’est le transfert de compétences
administratives du pouvoir central à l’échelle locale non plus à des conseils
locaux élus par les citoyens mais à des agents nommé par le pouvoir central
lui-même et qui lui sont strictement soumis (par exemple, en Côte d’Ivoire
on a les préfets, maires,).
 Décentralisé
L’administration d’un État décentralisé implique que certaines décisions
soient prises à l’échelon local par des autorités élues par les citoyens. Il peut
être décentralisé s’il tolère en son sein l’existence d’autres personnes
publiques (collectivités territoriales) ou centralisé si seul l’État a le statut de
personne public, les autres divisions étant seulement administratives. C’est
ainsi que l’on y trouve un parlement unique, des lois qui s’appliquent à tout
le territoire, un seul chef d’État et un seul Droit (un seul droit privé et un seul
droit public) car une seule constitution. C’est la forme d’État la plus
répandue dans le monde. En Côte d’Ivoire par exemple la constitution en son
article 30 dispose que « La République de Côte d'Ivoire est une et indivisible,
laïque, démocratique et sociale ».
En Côte d’Ivoire, les communes, les départements et les régions sont des
collectivités territoriales décentralisées. C'est à dire qu’elles disposent de
27

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Sociologie politique
compétences administratives confiées à des conseils locaux élus par les
citoyens. Ces conseils locaux sont le conseil municipal (commune), le
conseil général (département) et le conseil régional (région) qui représentent
les assemblées délibérantes qui vont exercer certaines compétences
administratives transférées par le pouvoir central.

C. L’État comme pouvoir politique

À côté de la vision juridiciste de Kelsen, existe une vision historiciste de


l’État. Cette vision s’efforce de saisir cette organisation à travers les actions
réciproques des individus, les sources de revenus et les conflits sociaux, la
division du travail et la spécialisation des rôles sociaux, les représentations
sociales et les dispositions d’esprit des acteurs en présence. Dans cette
vision, l’État est représenté comme un processus, c'est-à-dire comme étant
engagé dans un mouvement, un changement, une transformation et une
évolution constants. L’État apparaît non pas comme un enchevêtrement de
normes placées au-dessus des liens ordinaires qui rattachent les individus les
uns aux autres, et que le législateur est amené à découvrir, parce qu’initié,
mais comme le processus évolutif des groupements humains eux-mêmes.
Ainsi, c’est seulement au terme d’un long travail historique de
différenciation sociale que se dégagent avec netteté ses traits
caractéristiques. Pour élucider la dynamique de l’État, deux grands types
d’approches coexistent en science politique. Le premier privilégie la
comparaison entre les sociétés politiques existantes ou disparates.
L’observation des contrastes vise à dégager la spécificité de l’État moderne
par rapport à de nombreuses formes d’organisation du pouvoir politique.
Le second privilégie une histoire singulière et s’attache à décrire le
processus qui en Occident aboutit progressivement de l’État tel qu’il se
présente aujourd’hui. Cette vision a trouvé sa forme achevée dans la
sociologie wébérienne. Max Webber considère l’État moderne comme « une
entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction
administrative revendique avec succès, dans l’application des règlements, le
monopole de la violence »14

14
Dans cette définition, l’impasse est volontairement faite sur les missions susceptibles
d’être assignées à l’État (État gendarme, État providence). Ainsi ce qui spécifie l’État, ce
sont les modalités du pouvoir exercé et non les fins recherchées. Pour Webber deux
28

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
1. L’approche à partir du modèle occidental

 L’acception moderne de l’État apparaît en fait à la Renaissance,


alors même que le fondement divin de l’ordre social fait l’objet
d’une contestation radicale.
 Le modèle de la cité grecque ou de l’Empire romain alimente
les critiques à l’encontre du système de pouvoir médiéval
marqué par l’influence de l’Église et par le partage féodal de la
souveraineté.
 En Europe occidentale, l’État moderne apparaît comme le
produit de la prise de conscience du désordre politique dans la
société féodale et du caractère archaïque des systèmes de
privilèges dans les rapports économiques.
 Le droit romain qui est développé sur la base de l’égalité entre
personnes privées et de la reconnaissance de la propriété privée
offre alors la possibilité de libérer la bourgeoisie des entraves
des privilèges et des lois d’exception et les travailleurs, des liens
de la corporation. Liberté qui permet aux uns et aux autres de
mettre en valeur leurs ressources en propre (capital ou force de
travail).
 C’est en se manifestant comme le garant de cet ordre juridique,
qui rend possible la libre circulation des marchandises et la
conservation de la propriété privée, que l’État moderne
s’impose aux consciences individuelles comme quelque chose
d’intéressant ; et, partant, doit être obéi.
 C’est ainsi que Machiavel (1469-1527) définit l’État comme le
pouvoir central souverain qui soustrait l’action politique des

caractéristiques déterminent l’État moderne : l’institutionnalisation (la durée et la


continuité dans le temps) et le monopole de la violence physique légitime. L’État
bureaucratique qui correspond à la domination légale rationnelle du pouvoir politique
constitue une forme d’apogée de l’institutionnalisation et d’autonomisation, du pouvoir
politique. Ces deux facettes fondent la construction par WEBBER de l’État
bureaucratique comme idéal type de la domination légale rationnelle fondant la légitimité
du pouvoir dans la compétence de des agents, la légalité des règlements et
l’impersonnalité de leur application.

29

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Sociologie politique
considérations morales et religieuses. La Réforme contribue
également à rompre les liens entre le pouvoir spirituel et le
pouvoir temporel avec la séparation totale entre le royaume de
Dieu et celui du monde.
 Jean Bodin (1529-1596) constate pour sa part l’existence d’un
pouvoir public jouant le rôle d’unificateur de l’ordre social : il
conçoit l’État comme le siège de la puissance souveraine et, à
ce titre, il le différencie de la société.
 Cette définition moderne de l’État établie, demeure la question
de sa légitimité et de son organisation. Au XVIIIe siècle, avec
la philosophie des Lumières, les théories du contrat social
apportent des réponses justifiant l’existence de l’État : en
garantissant l’ordre social, l’État marque le passage de l’état de
nature, caractérisé par la guerre de tous contre tous, à l’état civil,
dans lequel chacun est libre en obéissant à la loi de tous.
 La constitution du Peuple en un corps politique, la Nation,
détentrice de la souveraineté, modifie par ailleurs la conception
de l’État en le soumettant au principe démocratique. L’État et
la Nation apparaissent dès lors comme deux réalités étroitement
liées, au point qu’à partir du XIXe siècle la notion d’État-nation
s’impose, justifiant tantôt l’unification de certains territoires,
tantôt la dislocation d’empires englobant plusieurs entités
nationales. L’État se caractérise alors par la superposition d’une
entité politique souveraine avec un ensemble culturel unifié du
point de vue linguistique ou religieux

2. Les considérations anthropologiques

L’approche anthropologique (Balandier, Lowie, Lapierre) se


donne pour objet d’étudier aussi bien des sociétés archaïques ou l’État
n’est pas nettement constitué que des sociétés ou l’État existe et
présente des configurations très diverses. L’observation a fait resurgir
trois caractéristiques de l’État modernes qui le démarque de toutes les
autres formes de pouvoir politiques rencontrées.

30

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
La spécialisation des agents

La professionnalisation des agents aussi bien administratifs que politique


apparait comme un point d’aboutissement ultime de la logique de
spécialisation. En effet, contrairement à certaines sociétés primitives de
dimensions très modestes et ne connaissant pas l’écriture ou il n y a pas de
spéciation d’agents dans l’exercice du pouvoir, dans les sociétés moderne on
observe l’apparition de professionnels de la politique. 15

La centralisation de la coercition
La centralisation distinctive de l’État moderne se manifeste dans
l’émergence d’un système pyramidal de droit (Kelsen) dont l’effectivité est
garantie par la monopolisation de la contrainte physique légitime. Au
sommet on trouve la constitution suivie de la loi et des règlements.
Parallèlement à la structure pyramidale du droit, il existe une structure
pyramidale de l’administration et des services publiques qui les subordonne
les uns et les autres à une autorité supérieure. L’État moderne se différencie
des sociétés féodales et traditionnelles du fait qu’au sein de celles-ci , il n’ y
avait pas d’unification du processus d’édification des normes juridiques
qui doivent régir l’ordre social et un éclatement du droit de recours à la
coercition.
L’institutionnalisation
Elle conduit à dissocier la personne physique des gouvernants et l’exercice
de la puissance publique16.

15
Depuis le XIX ème siècle, les élus dans les démocraties représentatives exercent leurs
mandats à, plein temps et sont rémunérés à plein temps. À côté des gouvernants, la
spécialisation touche également les agents administratifs qui sont désormais recrutés par
concours sur la base de compétences techniques et professionnelles avérées.
16
Autrement dit, elle renvoie aux "deux corps du Roi" distingués dès le haut Moyen Âge
(théorie que l’on doit à Ernst Kantorowicz dans Les Deux corps du Roi – 1957) permettant
d’assurer la continuité de l’État après la mort physique de celui qui l'incarne
temporairement.
31

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Sociologie politique
3. La légitimité de l’action de l’État

L’interrogation fondamentale est la validité de l’ordre étatique. Dans cette


vision, la validité de l’État est recherchée non pas dans sa conformité avec
une norme fondamentale (dont le concept impliquerait l’obéissance), mais
dans l’attitude consciente des acteurs sociaux à son égard.
 C’est la prise de conscience de sa nécessité relativement aux
besoins d’ordre, de sécurité juridique des échanges
économiques, de protection de la propriété et de la liberté qui
conduit les acteurs à se représenter ses injonctions orientées en
ce sens comme quelque chose qui fait autorité.
 La validité d’un ordre étatique s’observe donc dans les actions
ouvertes favorables aux choix des gouvernants ou dans les
dispositions d’esprit des citoyens qui consistent dans
l’acceptation et dans la soumission loyale aux normes établies,
c’est-à-dire dans les diverses formes de manifestation de
soutiens.
 La légitimité de l’État est déduite non pas immédiatement de sa
conformité à l’ordre juridique, mais des représentations sociales
dans lesquelles l’existence de cet ordre prend une valeur
absolue, c’est-à-dire comme valant la peine d’être respecté
impérativement. Les normes juridiques deviennent ainsi non
pas des fins en soi, mais des moyens d’institutionnalisation des
conduites sociales souhaitables ou de prévention.
 Mieux, l’État constitue le moyen par excellence de garantir
extérieurement, l’ordre normatif donné en raison de sa capacité
de dissuasion et de coercition.
 L’État apparaît alors comme un mode d’action consciente
visant la domination des passions individuelles et des intérêts
privés, l’échec des prétentions ou des intentions individuelles
tenues pour démesurées ou dangereuses, dans le cadre d’un
territoire donné, et cela par l’usage du droit reconnu par tout le
monde comme valide absolument.

32

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 Cette origine fait que l’État17 présente des traits différents selon
les expériences historiques, l’état des rapports sociaux,
l’élément de base du rapport de l’économie nationale
(agriculture, industries, manufactures, rentes, trafics) et les
dispositions d’esprit des acteurs.

D. Rôle et fonctionnement de l’État

1. Fonctions classiques18

L’État apparaît comme un acte conscient et intentionnel qui régule les


actions et les conduites diverses des acteurs en présence selon la nécessité
du maintien de la coexistence indépendante, égale et harmonieuse de ces
derniers. Son adaptation s’opère grâce à un certain nombre d’organes qui
existent relativement à certaines fonctions spécifiques qu’il est appelé à
remplir : Légiférer, Exécuter, Juger. Il s’agit du Gouvernement, du
Parlement, de la Cour suprême et de l’Administration.
Fonctions Organes de l’État

17 En Europe occidentale, les besoins relatifs à un système de garanties de la liberté


d’entreprendre, de travail, de commerce, d’aller et venir, du droit de contracter nécessaire
au développement de l’industrie conduisent à la revendication avec succès du droit à une
valeur politique ou sociale égale de tous les hommes, ou tout au moins de tous les citoyens
d'un État, de tous les membres d'une société. Ce qui permet aux intéressés d’échanger sur
la base d'un droit égal pour tous, au moins dans chaque localité prise à part. Dans certaines
sociétés, les rentes de produits fonciers ou pétroliers et de la contrebande, les trafics de
toute sorte, la corruption constituent encore la source de revenus principale pour les
acteurs appartenant aux couches supérieures ; et la débrouillardise, pour les éléments des
couches inférieures. Dans ces conditions, le système de privilèges ou de franchises, les
liens de dépendance personnelle au détenteur du pouvoir, les archaïsmes socioculturels,
les incertitudes de la propriété, ne peuvent pas être représentés comme des entraves aux
rapports économiques. D’ailleurs, les éléments des couches dominantes s’en servent
comme des ressources pour protéger leurs intérêts, et se mettre à l’abri de la concurrence.
L’État qui y est établi n’a qu’une fonction de simple police, en vue de mieux faire échec
aux contestations sociales. Car la création des conditions nécessaires à l’échange de
produits entre des acteurs égaux en droit n’apparaît pas comme une priorité.
18
Le principal problème posé par cette classification, c’est qu’il n’existe pas de frontière
étanche entre ces fonctions. Tant et si bien qu’une même fonction peut-être remplie par
des organes différents (Ex du parlement qui partage sa fonction avec le gouvernement ou
exerce d’autres fonctions comme le contrôle de l’activité gouvernementale).

33

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Sociologie politique

Parlement (loi stricto sensu)


Légiférer Gouvernement (règlement autonome)
Cours suprêmes (arrêts de principe)
Gouvernement (textes d’application, mesures
individuelles)
Exécuter Administration (textes d’application, mesures
individuelles, opérations matérielles)
Parlement (mesures individuelles exceptionnelles)
Parlement (lois d’amnistie)
Juger Gouvernement et Administration (recours gracieux)
Autorités juridictionnelles (recours contentieux)
2. Fonction selon l’analyse systémique

Les principaux tenants de cette approche sont Gabriel Almond et Bingham


Powell avec leur livre Comparative Politics. A Developmental
Approach (1966). En faisant abstraction de la diversité concrète de mode de
gouvernement. Il en tire les ressources sans lesquelles ; il ne saurait disposer
de moyens pour agir. L’activité de l’État est donc dominée par un double
mouvement.
 En partance de la société civile, il extrait ou mobilise de
ressources
 En ce sens inverse, il répond à certaines attentes et distribue au
sens large du terme des biens.
La fonction extractive
Elle désigne le potentiel humain, les moyens matériels et les soutiens qui
légitiment l’action de l’État. Les moyens humains sont principalement
composés des agents administratifs, mais aussi des professionnels de la
politique. Il faut assurer leur efficacité par le biais de conditions d’emploi
attractive, mais aussi leur loyauté en évitant le spoil system (nomination sur
critères politiques), ce qui s’obtient en soumettant les fonctionnaires à une
obligation de réserve.
L'activité dispensatrice
Elle s'organise autour de deux concepts :

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 La capacité régulatrice de l’État : il établit des règles du jeu à
respecter dans les relations sociales. Le pouvoir politique
cherche à faire régner l’ordre et se préoccupe de la sécurité
physique des citoyens (les forces de police, pas toujours
également réparties sur le territoire) ;
 La capacité distributive : octroi de diverses prestations
(allocations, traitements, passation de marchés publics).
L’activité responsive
C’est la manière dont l’État réagit aux sollicitations de la conjoncture
politique, économique, sociale ou internationale. La gestion des
antagonismes d’intérêt constitue l’activité majeure des gouvernants. Leur
préoccupation principale est de faire respecter leur prétention au monopole
de la coercition légitime. Elle se traduit par deux missions :
 Anticiper les conflits : il s’agit pour les gouvernants de détecter
les insatisfactions possibles avant même qu’elles ne deviennent
trop pressantes. L’enjeu est de prendre une initiative précoce
pour remédier à un malaise social (étude prospective, enquêtes
d’opinion, rôle des élus et des associatifs présents sur le terrain
comme autant de relais) ou encore de proposer des idéaux
permettant de transcender les antagonismes ou de brouiller les
clivages politiquement redoutés (exaltation de la nation,
défense de la laïcité, ambition européenne) ;
 Traiter les conflits : l’État ne peut pas toujours trouver une
solution à un conflit, il n’y a même pas toujours intérêt (un
certain niveau d’antagonisme peut permettre de détourner
l’attention d’autres problèmes). Face aux conflits, trois
stratégies sont possibles : la dénégation (le problème n’existe
pas), la négociation (le plus courant) ou la confrontation (mais
qui laisse toujours des traces émotionnelles dans la vie
politique).

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Sociologie politique

POINTS À RETENIR

1. Définition du pouvoir politique


2. Fonctions du pouvoir politique
3. Spécificités du pouvoir politique
4. Localisation du pouvoir politique
5. Définition de l’Etat selon le droit l’Etat et la science politique
6. Fonctions et légitimité de l’Etat

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
Chapitre III . LES RÉGIMES ET SYSTÈMES POLITIQUES

Le système et le régime politique sont deux notions couramment utilisées en


science politique. En effet, selon que l’on considèrera un nombre plus ou
moins importants d’éléments comme nécessaires à l’analyse et à la
compréhension de ce que sont les différentes formes de gouvernement, on
parlera de régime ou de système politique.
 Ainsi, suivant une distinction largement partagée, la notion de
système politique qui est un concept plus large, décrit les
relations qui s’établissent de façon privilégiée entre les
phénomènes fortement inter-indépendants en restituant l’ordre
politique dans son environnement extérieur tout en explicitant
les dynamiques intérieurs qui le traversent. En somme, le
système politique inclut non seulement l’organisation
constitutionnel des gouvernants, mais aussi d’autres acteurs et
d’autres processus tels que les pouvoirs publics, les partis
(socialisation politique), et les groupes d’intérêts, les medias qui
interviennent sur la scène politique, ainsi que l’ensemble du
processus de mobilisation ,de participation (régimes de libertés
publiques), et de représentation à travers lesquels se
construisent les relations entre gouvernants et gouvernés.
 Par contre, celle de régime politique plus étroite, rend compte
de l’organisation des pouvoirs publics constitutionnels en
développant l’aspect juridico-institutionnel. Autrement dit, elle
sert à rendre compte de manière spécifique, la manière dont sont
organisés les pouvoirs publics, c’est-à-dire leurs modes de
désignation, leurs compétences respectives et les normes
juridiques et politiques qui gouvernent leurs rapports.

Section I . Le système politique

Le système peut être défini comme un ensemble d’éléments interdépendants.


Les éléments qui constituent le système n’ont pas de sens lorsqu’ils sont
considérés individuellement. Chaque élément contribue par son action et ses
caractéristiques à l’ensemble. Partant de cette notion, inventé par la
cybernétique (physique), la sociologie a développé l’analyse systémique.
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Sociologie politique
L’analyse systémique est une recherche qui part du postulat que la réalité
sociale constitue un système. Chaque phénomène social ne peut ainsi être
expliqué que par les liens d’interdépendances qui les relient aux autres
phénomènes. Appliquée à la science politique, elle cherche à établir les
relations qu’entretient le système politique avec son environnement extérieur
et les dynamiques intérieurs qui structurent son fonctionnement. On appelle
système politique l’ensemble organisé:
 des institutions politiques (appareils étatiques, agences
gouvernementales, ministères);
 des acteurs politiques (individus, partis, syndicats,
organisations non-gouvernementales);
 des normes et des croyances politiques (idéologies, doctrines,
lois, règles);
 des rapports politiques (gouvernants-gouvernés, État-société,
relations internationales).
Ce sont les écrits de David Easton qui ont développé l’analyse systémique
dans l’étude du monde politique. Cette démarche était plutôt développée
dans le monde de biologie, de la physique et de la chimie. Mais Easton n’a
pas été le seul à le faire, d’autres auteurs ont consacré des études sur
l’influence de l’environnement sur le système politique. C’est le cas d’Apter
et Shils mettant l’accent sur le processus de modernisation du système.

A. Le système politique selon EASTON

Le point de départ adopté par Easton est l’idée selon laquelle on peut
concevoir d’un point de vue analytique, un ensemble intégré de
comportements politiques soumis à des influences perçues comme externes.
 Il part de la définition suivant laquelle la politique est
l’allocation autoritaire de valeurs pour aboutir à ce qu’un
système politique est un ensemble d’interactions par lesquelles
s’effectue cette attribution de choses de valeurs.
 Le système politique est immergé dans un environnement qui
l’influence et auquel il est obligé de répondre. C’est ainsi qu’il
considère le système politique comme une « boîte noire » qui
entretient des relations avec son milieu.

38

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 Il est entendu que d’après Easton, le système politique n’est pas
un fermé, il est au contraire ouvert aux influences des autres
systèmes qui l’entourent et qui résident avec lui dans la société.
 Ce milieu est de deux sortes : d’un côté le milieu intra-sociétal
qui est composé des autres systèmes sociaux. Ce sont le système
écologique, le système biologique, le système psychologique.
De l’autre côté il existe un milieu extra-sociétal qui comprend
les systèmes sociaux internationaux.
 Ces milieux vont influencer le comportement du système
politique. Le système va réagir aux actions des autres systèmes
environnants.
 Le système politique va à la suite de ces influences changé de
comportement, transformer sa structure interne dans le seul but
de s’adapter à son environnement et garantir sa survie. Le
système politique est ainsi décrit par Easton comme une entité
dynamique se transformant en réagissant à son environnement
par un échange constant de flux.

1. Les flux du système politique

Easton considère que le système politique reçoit de son environnement des


phénomènes extérieurs qui sont les inputs et secrète vers celui-ci des outputs
qui servent à designer la manière dont le système agit en retour.
Les inputs
Les inputs sont d’après Easton ce qui est extérieur au système politique et
qui sont susceptible de de l’altérer, de le modifier, ou de l’affecter d’une
quelconque façon. Il en distingue deux sortes : les exigences d’un côté et le
soutien de l’autre. L’exigence est définie par Easton comme étant «
l’expression d’une opinion » qui demande qu’une certaine action devrait être
faite ou pas par les responsables. En d’autres termes ce sont l’expression
d’une demande d’intervention adressée au système politique, plus
précisément à ceux à ceux détiennent les postions d’autorité.
 La somme des exigences souvent contradictoires, peut amener
le système politique à une situation de surcharge. En effet, le
système a une certaine capacité d’absorption des exigences.
Dépassé ce seuil il devient incapable de les gérer. Cette
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Sociologie politique
surcharge est de deux types : l’une quantitative et l’autre
qualitative. La surcharge est quantitative quand le système
politique reçoit trop d’exigences. Le système est débordé du fait
que ces structures internes ne sont plus capables de traiter ces
demandes.
La surcharge est par contre qualitative du fait de la complexité des demandes
ou exigences qui parviennent au système politique de son milieu.
Généralement ces exigences portent sur des problèmes délicats et donc
difficiles à traiter. Le système doit ainsi être capable d’ajuster les exigences
à ces capacités de traitement19.
 Si le système politique reçoit de la part de son environnement
des exigences il obtient aussi des soutiens. Si les exigences
affaiblissent le système, les soutiens vont le renforcer. Ils se
matérialisent par des attitudes ou des comportements favorables
au système. Easton dénombre trois types de soutiens : Celui
dirigé vers la communauté politique toute entière tel que
l’attachement à la communauté nationale. Il existe aussi un
soutien au régime politique qui englobe les valeurs (liberté
d’opinion), les normes (constitutionnelles) et les structures
(parlement) sur lesquelles repose le système politique. Il existe
enfin le soutien aux autorités, c’est-à-dire aux titulaires des rôles
d’autorités dans un système politique. Ce soutien devient très
important dans le cas de personnalisation du pouvoir.

19 Ainsi Easton distingue dans ce sens trois fonctions essentielles. La première fonction
est celle d’expression même des exigences. La deuxième est la fonction de régulation des
exigences qui essaye de filtrer et de canaliser le flux des exigences. Easton dénombre
deux types de régulation, l’une structurale et l’autre culturelle. La première se fait à
travers des “portillons” placés à l’entrée du système. Ils ont pour fonction de canaliser,
filtrer et parfois même éliminer les demandes. Ils sont constitués par les notables, les
partis politiques, les syndicats, les parlementaires. La régulation culturelle quant à elle
découle des valeurs et croyances de la société qui font que certaines demandes ne peuvent
être acceptées. Ces inhibitions culturelles peuvent toucher le contenu des exigences ou
leur mode de formulation. La troisième fonction est celle de réduction des exigences. Le
système va commencer par traiter les exigences en les classant par sujet ou types. De cette
façon, il va être amené à réduire un grand nombre d’exigences à un nombre limité. Le
système ne fait ainsi que résumer l’ensemble des exigences du milieu. C’est d’après
Easton ce qu’il appelle la “combinaison des demandes”.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
Les outputs
Ayant assimilé les inputs, le système politique va les traiter. Ce travail
intérieur va se matérialiser pour l’environnement en des décisions prises
(obligatoires, force de loi) ou des actions (absence de caractère contraignant)
entreprises par le système politique. C’est la production du système
politique. Le système répond ainsi aux inputs par des outputs.

Le feed-back
Il y a feed-back ou rétroaction, lorsque les outputs influencent la
structuration des attentes et la formulation des exigences. Ces outputs vont
eux-mêmes alimenter les exigences et les soutiens et donc se transformer en
inputs. Le circuit est de cette façon ininterrompue car le flux est continu.
Chaque exigence ou soutien ouvre la voie à une décision ou une action qui
engendre de nouvelles exigences ou soutiens

2. L’apport d’apter à l’analyse du système politique

David Apter met en exergue dans son analyse systémique du système


politique la relation entre communication et coercition. Il considère que
chaque système politique a deux impératifs importants :
 celui d’établir la communication entre lui et son environnement
et celui du monopole de la coercition.
 Ainsi, dans ses rapports avec la société civile, le système
politique se doit d’imposer et de protéger son monopole de
coercition, d’une part et d’autre part, il est également engagé
dans les échanges complexes d’information à travers lequel il
identifie les exigences, les attentes et doit gérer et produire les
discours, les messages symboliques grâce auxquels il fera
accepter à la fois ses injonctions et sa propre légitimité.
 Le système doit établir un certain équilibre entre ces deux
éléments qui sont contradictoires.
 En effet, un système extrêmement coercitif va induire une
rupture de communication entre le milieu et le système. Il y aura
blocage de la communication à tous les niveaux. Le milieu dans
lequel baigne le système politique n’osera plus à cause de la
coercition transmettre des informations et les opinions au
41

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Sociologie politique
système . 2. l’influence de l’environnement sur le système
20

politique
 Comme cela a été développé par Easton, chaque système
politique est ouvert et non fermé à son environnement. Ce qui
le met en relation constante d’échange avec son milieu.

3. Les systèmes économique et culturel.

L’influence du système économique


 Marx et Engels développent la théorie selon laquelle
l’infrastructure économique détermine la superstructure sociale
où se situe l’État.
 Ainsi la superstructure est et donc le système politique a pour
seule mission de garantir la stabilité et viabilité du système
économique. C’est à travers cette analyse que Marx et Engels
aboutiront à cette théorie qui est très chère au communisme de
l’État facteur de domination des classes.
 Ce qu’il reste à retenir à notre niveau de la théorie marxiste est
la dépendance du politique par rapport à l’instance économique.
Ainsi et d’une manière générale, les performances du système
politique sont en interaction constante avec celle du système
économique mis en place.

L’influence du système culturel

Émile Durkheim a développé quant à lui l’influence des facteurs culturels


sur l’instance politique.

20
Au sein du système même les couches inférieures de la hiérarchie n’oseront plus passer
l’information aux niveaux supérieurs de peur de “déplaire”. Un système doit être capable
d’encourager la communication. Cette faculté dont profite l’environnement, permet au
système de sonder les attentes du milieu et de mieux se préparer à y répondre. Mais il y a
une limite à ne pas dépasser qui est celle de la surcharge du système dû à une trop grande
liberté de communication conduisant à la réception d’une trop grande masse
d’information qu’il est incapable de gérer. C’est pour éviter ces deux extrêmes que les
systèmes politiques modernes doivent établir un équilibre entre les impératifs de
communication et de coercition.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 Le système politique est incompréhensible quand il est étudié
en dissociation avec le système de croyance établi dans une
société. C’est donc d’après Durkheim, dans ce système social
où s’affrontent les convictions culturelles que le pouvoir
politique puise une légitimité ou au contraire y développe un
mouvement d’hostilité.
 Durkheim considère ainsi que « tout ce qui est social est
religieux, les deux mots sont synonymes ». Cette constatation
s’applique à l’aube de l’humanité. Petit à petit les sociétés vont
s’affranchir de cette fonction religieuse. Le système politique
s’est peu à peu différencié du système religieux. Ainsi les
gouvernants exerçaient leurs pouvoirs sur la base de « pouvoir
moral que leur prête l’opinion ».
 Aujourd’hui, personne ne peut plus nier que le système
politique a subit cette coercition mais aussi sur l’élaboration de
principes culturels qui lui permettent de communiquer et de
mobiliser les soutiens de légitimité de la société.

Section II . Les régimes politiques

Le régime politique est un sous-système, voire une composante du système


politique. Il comprend les modes de gouvernement basés sur les règles
constitutionnelles qui gèrent les modalités d’exercice du pouvoir au sein de
l’État. Les auteurs ont toujours essayé de classer les régimes politiques
suivant les modalités d’exercice du pouvoir au sein de l’État. Aujourd’hui
on peut effectuer une classification tripartite des régimes politiques
contemporains.

A. Les classifications historiques des régimes politiques

Quatre auteurs ont essayé de poser une classification des régimes politiques
de leurs époques, ce sont Aristote Montesquieu et Rousseau. Dans leur
approche de l’organisation politique de la cité, ce qui a intéressé ces
philosophes et qui constituent leurs critères de classification, c’est le nombre
de gouvernants et l’intérêt poursuivi.

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Sociologie politique
1. La classification d’Aristote

Aristote essaye d’établir une classification des constitutions des cités


grecques de son époque sous la forme d’un jugement de valeur. Cette
typologie est basée sur une valeur morale qui est la justice. Ainsi les régimes
politiques se distinguent l’un de l’autre par leurs respects de la justice qui
pour Aristote est la recherche de l’intérêt commun. Pour Aristote les régimes
qui recherchent l’intérêt exclusif des gouvernants sont des régimes
défectueux. La typologie aristotélicienne est basée sur double critère : d’un
côté le nombre des gouvernants et de l’autre le jugement de valeur. Ainsi
chaque type de subdivise en deux genres, l’un juste et donc correct et l’autre
défectueux.
Un Plusieurs Multitude
Forme correcte Royauté Aristocratie Politeïa
Forme corrompue Tyrannie Oligarchie Démocratie

Ainsi ce qui distingue la Politeïa de la Démocratie c’est que dans la première


le grand nombre gouverne dans l’intérêt de toute la société alors que dans la
démocratie c’est le gouvernement des pauvres contre les riches. L’oligarchie
étant le gouvernement d’un petit nombre sur le plus grand nombre, c’est ainsi
le gouvernement des riches sur les pauvres dans l’intérêt des riches. Ce qui
rapproche la démocratie de l’oligarchie c’est ainsi l’exclusion d’une partie
de la société et le gouvernement dans l’intérêt réduit d’une partie de la
société. Aujourd’hui ces classifications basées sur une personnalisation du
pouvoir et sur un manque d’institutionnalisation ne peuvent être aujourd’hui
prise en considération dans la typologie contemporaine des régimes
politiques. Pourtant l’étude de ce travail montre la manière et les critères
utilisés pour classifier les régimes politiques.

2. La classification de Montesquieu

Dans le livre II de l’esprit des lois, Montesquieu écrit : « Il y a trois espèces


de gouvernement; le républicain, le monarchique, et le despotique …
Lorsque, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance,
c’est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains
d’une partie du peuple, cela s’appelle une aristocratie … Dans la monarchie
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
le prince est la source de tout pouvoir politique et civil … un seul gouverne
par des lois fondamentales … Abolissez dans une monarchie, les
prérogatives des seigneurs, du clergé, de la noblesse et des villes; vous aurez
bientôt un État populaire, ou bien un État despotique »
Ainsi pour Montesquieu trois formes de gouvernement sont possibles, ne
cachant pas sa préférence pour la monarchie institutionnelle. Montesquieu
dédaigne la troisième forme de régimes qui est le despotisme.
Il y décrit ces gouvernants avec les termes suivants : « un homme à qui ces
cinq sens disent sans cesse qu’il est tout, et que les autres ne sont rien, est
naturellement paresseux, ignorant, voluptueux. Montesquieu déclare que
c’est là les trois natures de gouvernement possibles. C’est la nature du
gouvernement qui le fait être tel. Par contre Montesquieu déclare que c’est
son principe qui le fait agir. C’est le côté dynamique des régimes politique.
Il faut ainsi rechercher le principe de chaque type de gouvernement. C’est ce
que Montesquieu retrace dans son livre III. Après avoir résume la nature de
ces trois gouvernements, il écrit : “il n’en faut pas davantage pour trouver
leurs trois principes; ils en dérivent naturellement ». Dans la démocratie
Montesquieu place comme principe la vertu. En effet, celle-ci est nécessaire
quand dans un État populaire « celui qui fait exécuter les lois sent qu’il y est
soumis lui-même, et qu’il en portera le poids … lorsque dans un
gouvernement populaire, les lois ont cessé d’être exécutées, comme cela ne
peut venir que la corruption de la république, l’État est déjà perdu ». En ce
qui concerne l’aristocratie, Montesquieu déclare qu’il y faut un peu de vertu
mais que cela n’est pas absolument requis. Il écrit que « le gouvernement
aristocratique, a par lui-même, une certaine force que la démocratie n’a pas.
Les nobles y forment un corps qui, par sa prérogative et pour son intérêt
particulier, réprime le peuple : il suffit qu’il y ait des lois, pour qu’à cet égard
elles soient exécutées ». En ce qui concerne la monarchie il commence par y
supposer « … des prééminences, des rangs, et même une noblesse d’origine.
La nature de l’honneur est donc de demander des préférences et des
distinctions; il est donc, par la chose même, placé dans ce gouvernement ».
Enfin pour le gouvernement despotique, Montesquieu écrit qu’il « faut de la
crainte » et d’expliquer que « pour la vertu, elle n’y est point nécessaire; et
l’honneur y serait dangereux ». Si Montesquieu établit si bien les principes
des trois gouvernements, il tempère cela par ce qui suit : « Tels sont les
principes des trois gouvernements. Ce qui ne signifie pas que, dans une
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Sociologie politique
certaine république, on soit vertueux; mais qu’on devrait l’être : Cela ne
prouve pas non plus que, dans certaines monarchie, on ait l’honneur; et que,
dans un État despotique particulier, on ait de la crainte : Mais qu’il faudrait
en avoir ; sans quoi le gouvernement serait imparfait »

3. La classification de Jean-Jacques Rousseau

Rousseau est l’auteur du contrat social de 1762. Il distingue trois formes de


gouvernement basées sur celui qui exerce la souveraineté. Pour Rousseau
chaque forme de gouvernement est « la meilleure en certains cas et la pire en
d’autres ». Plus de magistrats que de citoyens simples particuliers. On donne
à cette forme de gouvernement le nom de démocratie. Ou bien il peut
resserrer le gouvernement entre les mains d’un petit nombre, en sorte qu’il y
ait plus de simples citoyens que de magistrats, et cette forme porte le nom
d’aristocratie. Enfin, il peut concentrer le gouvernement dans les mains d’un
magistrat unique dont tous les autres tiennent leur pouvoir. Cette troisième
forme est la plus connu, et s’appelle monarchie ou gouvernement royal.”
Pour Rousseau, la démocratie est une simple utopie car « il n’a jamais existé
de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel
que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné ». À cette forme
de gouvernement, Rousseau pose comme préalable une taille de peuples
réduits, une simplicité des mœurs et une égalité des rangs. Il conclut que “s’il
avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un
gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes”. Concernant
l’aristocratie, Rousseau considère qu’elle est trois “la première (naturelle) ne
convient qu’à des peuples simples; la troisième (héréditaire) est le pire de
tous les gouvernements. La deuxième (élective) est la meilleure : c’est
l’aristocratie proprement dite”. En effet, cette forme donne l’exercice du
gouvernement aux sages représentants du peuple. En ce qui concerne la
monarchie, Rousseau déclare que dans ces cas la puissance exécutive est
concentrée entre les mains “d’une personne naturelle, d’un homme réel, qui
seul ait droit d’en disposer selon les lois. C’est ce qu’on appelle un
monarque, ou un roi”. Ces monarques veulent être absolus et sont loin de
rechercher l’amour du peuple. Rousseau écrit dans le contrat social que «
leur intérêt personnel est que le peuple soit faible, misérable, et qu’il ne puise

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
jamais leur résister ». Ce type de gouvernement « n’est concevable » d’après
Rousseau « qu’aux grands États ».

B. La classification contemporaine des régimes politiques

À l’époque contemporaine, le clivage principal, oppose les régimes


pluralistes et autoritaires. Cette classification se base sur le degré de
consensus demandé par les gouvernants aux gouvernés.
 Ainsi, les régimes démocratiques encouragent et organisent et
légitiment les désaccords.
 Les régimes autoritaires prohibent l’extériorisation des
dissensions et de l’expression publique.
 Enfin, les régimes totalitaires ont pour but d’inhiber les
désaccords en remodelant la mentalité même des gouvernés.

1. Les régimes démocratiques

Sur le plan étymologique, démocratie veut dire gouvernement du peuple par


le peuple. Pourtant si les régimes politiques contemporains se déclarent
démocratiques, aucun n’applique effectivement cette définition.
 On n’a jamais vu un État gouverné par le peuple directement.
C’est généralement des représentants du peuple et donc une
élite généralement élus par le peuple qui exerce le pouvoir au
nom du peuple.
 Les régimes démocratiques peuvent par contre être définis
comme des régimes qui appliquent le système représentatif du
peuple qui élit librement et souverainement ses gouvernants.
Mais aussi un gouvernement garantissant le principe de la
liberté d’opinion.
 Ces régimes contemporains ont ainsi deux caractéristiques
essentielles qui sont d’un côté l’institution d’un suffrage libre,
périodique et souverain et d’un autre côté un équilibre entre les
différents pouvoirs exerçant la souveraineté au nom du peuple
qui garantit le respect des libertés individuelles

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Sociologie politique
Un suffrage périodique, libre et souverain du peuple
Le suffrage populaire21 peut servir aussi bien à choisir les représentants
devant exercer le pouvoir au nom du peuple ou à décider des orientations
politiques à prendre par les gouvernants en place. Dans tous ces cas, tous les
régimes démocratiques aujourd’hui posent comme règle générale les
caractéristiques du suffrage.
 Il est généralement déclaré universel et donc un droit à tous les
membres du peuple sans distinction de la race, du sexe ou de la
classe sociale lié par exemple à la richesse. Le suffrage est libre
et secret et c’est pour cette raison qu’on exerce plus le vote
public et que l’on demande au votant de passer à l’isoloir pour
faire son choix qu’il doit mettre dans des enveloppes fermées
avant de le glisser dans l’urne.
 Le suffrage est organisé enfin de manière périodique pour
permettre au peuple de juger ses gouvernants soit en les
reconduisant dans leurs fonctions ou en les remplaçant.
L’élection sert aujourd’hui à légitimer l’action des gouvernants.
Ceux-ci ne peuvent aujourd’hui demander de la société une
obéissance basée sur la religion ou sur le sang noble qui pourrait
couler dans leurs veines.
 Le seul élément pouvant légitimer leur action est le choix
démocratique et donc libre de la société. Mais le suffrage
universel sert aussi à participer dans le choix des gouvernants.
 Le référendum est une technique qui permet de mettre entre
parenthèse et momentanément le système représentatif.
 C’est une technique de démocratie directe qui permet de
demander directement au peuple de se prononcer sur un projet
de convention internationale ou de loi. Parfois le peuple est
même amené à donner son avis sur des options politiques.
21
Mais les systèmes contemporains guident et donc limitent de plus en plus ce choix. En
effet, les candidatures sont filtrées au sein de structures et parfois soumises à des
conditions telles qu’elles limitent les possibilités de n’importe qui de se présenter aux
élections. En fait, l’électeur n’a vraiment de choix que si des partis aux idéologies et buts
complètements différents présentent des candidats aux élections. Mais si les partis
politiques se ressemblent dans leurs buts politiques et dans les causes qu’ils défendent, le
choix serait tronqué à sa base. Ce qui rend le suffrage formel et peut entraîner l’abstention
des électeurs.
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
 Cette technique tend à affaiblir le pouvoir des représentants du
peuple en les contournant. Dans certains régimes le référendum
peut aller jusqu’à abroger les lois. Mais certains auteurs parlent
aujourd’hui de la mort de cette technique du fait de son
abondons par les exécutifs.
Un équilibre entre les pouvoirs
Suivant la théorie de la séparation des pouvoirs développés par Montesquieu,
pour préserver la liberté des citoyens il faudrait que le pouvoir arrête le
pouvoir.
 Montesquieu distingue au sein de l’État trois pouvoirs : le
législatif, l’exécutif et le judiciaire. Mais il est incontestable que
ce sont les deux premiers qui exercent le pouvoir par le biais de
personnes élus au suffrage du peuple et donc le système de la
représentation.
 D’après Montesquieu, le législatif et l’exécutif doivent être des
pouvoirs équilibrés de telle façon que d’un côté chacun d’eux
puisse agir librement et de l’autre côté surveiller l’autre pouvoir
et l’arrêter s’il le faut. C’est le système des poids et contre poids.
Chaque pouvoir est doté de moyens d’actions et de moyens
contre action vis-à-vis de l’autre pouvoir.
 En application de cette théorie, le monde contemporain vit sous
le règne de deux régimes politiques : le régime parlementaire et
le régime présidentiel.

2. Le régime parlementaire

 C’est un régime de séparation souple des deux pouvoirs. Il est


ainsi qualifié du fait que chacun des deux pouvoirs a la
possibilité d’intervenir dans le domaine de l’autre allant jusqu’à
sa destruction complète. Le pouvoir exécutif est généralement
bicéphale avec un chef d’État jouant le rôle d’arbitre
irresponsable politiquement et tient sa nomination du peuple ou
de ses représentants et supporte la responsabilité politique
devant le deuxième pouvoir.
 Le pouvoir législatif est généralement composé de deux
chambres. Une chambre haute dont la nomination des membres
49

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Sociologie politique
se fait rarement au suffrage universel direct mais par la
nomination directe.
 Une chambre basse issue du suffrage universel du peuple et
dotée des pouvoirs lui permettant de contrôler l’exécutif.
 Chaque pouvoir a des moyens d’action contre l’autre pouvoir
pouvant aller jusqu’à en bloquer l’action ou le détruire
entièrement.
 L’exécutif bénéficie du droit de dissolution de la chambre basse
du législatif. De cette façon les représentants sont renvoyés
devant le peuple. Ce titulaire premier de la souveraineté peut
soit renvoyer la même majorité au Parlement et dans ce cas
obligerait le Gouvernement à démissionner ou alors changer de
majorité ce qui confirmerait l’autorité du Gouvernement. Le
gouvernement ne pouvant gouverner sans avoir obtenu la
confiance du pouvoir législatif, il doit conserver cette confiance.
 Étant responsable de sa politique devant le pouvoir législatif, il
peut faire l’objet d’une motion de censure l’obligeant à
démissionner et le chef de l’État à nommer un nouveau chef de
Gouvernement22.
 Si le pouvoir législatif prend du poids et rompt ainsi l’équilibre
initial face à un exécutif affaibli, on se retrouve devant un
régime d’assemblée. L’autre déviation se fait en sens contraire
et découle de la prédominance du pouvoir exécutif. Cette
déviation est due essentiellement au système partisan.
 En effet, le gouvernement est généralement issu du parlement
et donc de la majorité au sein de cette structure. De ce fait et en
réalité on obtient un parti au pouvoir qui monopolise le
Parlement et compose les membres du Gouvernement. La
pratique fait que c’est généralement le chef du parti dominant
dans le Parlement qui est chargé de la fonction de chef du
Gouvernement. Cette situation affaiblit le Parlement et donne

22
Les systèmes parlementaires sont très variés de par le monde et de minimes
ressemblances peuvent être trouvées par les profanes entre le régime britannique et le
régime français ou marocain.
50

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
un Gouvernement assuré du soutien du législatif gouvernant
suivant les directives du parti.

3. Le régime présidentiel

 C’est un régime de séparation rigide des deux pouvoirs. Il est


ainsi qualifié du fait que chacun des deux pouvoirs ne peut
généralement intervenir dans le domaine de l’autre et surtout
pas le détruire comme c’est le cas dans le régime parlementaire.
 Le pouvoir exécutif est généralement monocéphale avec un chef
d’État. Son accession au pouvoir est généralement tributaire du
suffrage universel direct à l’exception des États-Unis
d’Amérique où il est élu par le biais d’un suffrage indirect.
 Le pouvoir législatif est généralement élu au suffrage universel
direct. Il est généralement composé d’une seule chambre23.
Chaque pouvoir a des moyens d’action contre l’autre pouvoir
mais ne pouvant aller jusqu’à en bloquer l’action ou le détruire
entièrement. L’exécutif ne bénéficie pas du droit de dissolution
du Parlement.
 Le chef de l’État ne peut être démis par l’assemblée législative.
Mais les deux pouvoirs ont des moyens d’actions contre l’autre
pouvoir.
 Les systèmes présidentiels sont très variés de par le monde.
C’est ainsi que certains régimes de ce type se sont vus qualifiés
de régimes présidentiels parlementarisés à cause de
l’introduction de techniques copiées sur les régimes
parlementaires. D’autres systèmes se sont vus qualifiés de
présidentialistes du fait de la prépondérance du chef de l’État
sur le Parlement

23
Aux États-Unis d’Amérique, il est bicaméral pour prendre en considération le
fédéralisme de cet État. La deuxième chambre permet dans un système fédéral de
représenter les États composant l’entité Étatique.
51

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Sociologie politique
4. Les régimes autoritaires

 Dans les régimes autoritaires les gouvernants ne se soumettent


pas aux élections périodiques du peuple et ne tolèrent pas
l’opposition à leurs principes et actions.
 Le souci premier des régimes autoritaires est la pérennité des
gouvernants au pouvoir. Plusieurs moyens sont mis en jeu pour
atteindre ce but. Le premier est d’interdire l’action politique.
 Le deuxième est le contrôle très poussé de la vie politique par
l’institution par exemple du système du parti unique et du
syndicalisme.
 Le troisième est la négation de la liberté de presse. Le troisième
est généralement l’institution d’un régime policier. On peut
différends régimes de ce type dans le monde contemporain
concentrés principalement en Afrique, en Amérique latine et au
Moyen Orient et Asie.
Les régimes de l’autoritarisme patrimonial
Dans ces régimes il n’y a presque pas d’institutionnalisation du pouvoir. Le
monarque ne distingue l’État et son peuple de ses propres biens. Le
monarque y gouverne sans aucun contrôle et bénéficie de tous les pouvoirs.
Il distribue les biens et les avantages ce qui enrichie les personnes au
détriment du pays tout entier.
Les oligarchies clientélistes
Ce sont des régimes qui maintiennent une démocratie d’apparat avec des
élections. Les allégeances se font sur la base du clientélisme. L’État est
généralement faible se manifeste par le fléau de corruption qui touche ses
appareils. Ce sont des régimes que l’on découvre en Amérique du Sud.

Les dictatures populistes


Les composantes de ce type de régime sont : un leader charismatique, une
armée puissante lui servant de support, un but celui de faire évoluer la société
par l’action sur les classes moyennes.

52

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
Les bureaucraties autoritaires
Ces régimes sont construits autour d’un parti unique très puissant contrôlant
tous les secteurs de la vie sociale. Ce fut le cas des pays du bloc communiste
avant l’effondrement de 1989.

5. Les régimes totalitaires

Les régimes totalitaires sont des régimes par définition éphémères. Trouvant
leur légitimation dans une idéologie, ils cherchent à anéantir dans la société
toute différenciation culturelle ou spirituelle. Les membres de la société qui
s’opposent à cette idéologie sont marginalisés et même éliminés. Les
exemples de régimes totalitaires sont l’Allemagne d’Hitler, l’Italie de
Mussolini, la Chine de Mao, l’U.R.S.S. de Staline, le Cambodge des Khmers
rouges ou L’Iran de Khomeïny.
 Les régimes totalitaires se créent autour du culte d’un chef qui est
considéré comme exprimant la volonté inconsciente du peuple. Il
devient un prophète, lui seul sait. Les foules se déchaînent à la vue où
en attendant les paroles du chef.
 Le monopole idéologique est une autre composante des systèmes
totalitaires. Une seule idée prévaut celle de la vérité. Tout le reste est
erroné et doit donc disparaître jusqu’à des esprits. Aucune dissidence
ou même doute n’est permis, l’obéissance absolue est un devoir.
 Le totalitarisme est basé aussi sur le contrôle de tous les moyens de
pouvoir. Ce système passe par l’abolition de tout ce qui est de nature
à remettre en cause le contrôle de la société. Élimination de
l’opposition, affaiblissement des syndicats, embrigadement des
jeunes, contrôle rapproché de l’armée, créations de milices,
développement d’un appareil de propagande très puissant.
 Le système totalitaire doit contrôler les esprits et y faire régner la peur.
Seul un système policier établissant un régime de terreur permanente
est capable de réaliser cet objectif. C’est la pratique des dénonciations
où chaque citoyen a peur de son voisin.

53

Page 224 of 321


Sociologie politique

POINT A RETENIR

1. Définitions du régime et du système politique


2. Classification historique
3. Classification contemporaine
4. Spécificités des régimes démocratiques,
autoritaires et totalitaires

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

EXERCICES D’ASSIMILATION

Questions de contrôle de connaissances


1. Qu’est-ce qu’un système politique?
2. Qu’est-ce qu’un régime politique ?
3. Définissez et expliquez le système politique selon
Easton et Apter
4. Définissez les caractéristiques des régimes
démocratiques et autoritaires
5. Définissez les différentes formes des régimes
politiques

55

Page 226 of 321


Sociologie politique

BIBLIOGRAPHIE

1. Antonin Cohen, Bernard Lacroix et Philippe Riutort (dir.), Nouveau


manuel de science politique, La Découverte, 2008
2. Antonin Cohen, Bernard Lacroix et
Philippe Riutort (dir.), Nouveau manuel de science politique, La
Découverte, 2008
3. Bernard Lacroix, « Ordre social et ordre politique », dans J. Leca et

M. Grawitz (dir.), Traité de science politique, t. 1, PUF, 1985


4. Bernard Lacroix, Durkheim et le politique, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 1981
5. Bernard Lacroix, « Ordre social et ordre politique », dans J. Leca et

M. Grawitz (dir.), Traité de science politique, t. 1, PUF, 1985


6. Bernard Lacroix, Durkheim et le politique, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 1981
7. Bertrand Badie et Pierre Birnbaum, Sociologie de l’État, Paris,
Grasset, coll. « Pluriel », 1979, 240 p.
8. Bertrand Badie et Pierre Birnbaum, Sociologie de l’État, Paris,
Grasset, coll. « Pluriel », 1979, 240 p.
9. Carl Schmitt, Théologie politique, Gallimard, coll. « Bibliothèque
des sciences humaines », 1988, 182 p., broché (ISBN 978-2-07-
071377-6)
10. Carl Schmitt, Théologie politique, Gallimard, coll. « Bibliothèque
des sciences humaines », 1988, 182 p., broché (ISBN 978-2-07-
071377-6)
11. Daniel Gaxie et Patrick Lehingue, Enjeux municipaux, PUF-
CURAPP, 1984
12. Daniel Gaxie, La démocratie représentative, Montchrestien, 2000

13. Daniel Gaxie et Patrick Lehingue, Enjeux municipaux, PUF-


CURAPP, 1984
14. Daniel Gaxie, La démocratie représentative, Montchrestien, 2000

56

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
15. Francis Farrugia, La construction de l'homme social : Essai sur la
démocratie disciplinaire, Paris, Syllepse, 2005
16. Francis Farrugia, La construction de l'homme social : Essai sur la
démocratie disciplinaire, Paris, Syllepse, 2005
17. François Dupuy et Jean-Claude Thoenig, L’administration en
miettes, Paris, Fayard, coll. « L'espace du politique », 1985, 316 p.
18. François Dupuy et Jean-Claude Thoenig, Sociologie de
l’administration française, Paris, Armand Colin, coll. « U Sociologie
», 1983, 206 p.
19. François Dupuy et Jean-Claude Thoenig, L’administration en
miettes, Paris, Fayard, coll. « L'espace du politique », 1985, 316 p.
20. François Dupuy et Jean-Claude Thoenig, Sociologie de

l’administration française, Paris, Armand Colin, coll. « U


Sociologie », 1983, 206 p.
21. Françoise Dreyfus et Jean-Michel Eymeri, Science politique de

l'administration : Une approche comparative, Paris, Economica, coll. «


Études politiques », 2006, 310 p.
22. Françoise Dreyfus, L’invention de la bureaucratie : Servir l’État en

France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècle),


Paris, La Découverte, coll. « Textes à l'appui / histoire contemporaine
», 2000, 290 p.
23. Françoise Dreyfus et Jean-Michel Eymeri, Science politique de

l'administration : Une approche comparative, Paris,


Economica, coll. « Études politiques », 2006, 310 p.
24. Françoise Dreyfus, L’invention de la bureaucratie : Servir l’État en
France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècle),
Paris, La Découverte, coll. « Textes à l'appui / histoire
contemporaine », 2000, 290 p.
25. Jacques Chevallier, Science administrative, Paris, PUF, coll. «
Thémis Science politique », 2002 (1re éd. 1986), 633 p.
26. Jacques Lagroye, Bastien François et Frédéric Sawicki, Sociologie
politique, Dalloz-Sirey, 26 octobre 2006, 5e éd., 607 p. (ISBN 978-2-
247-06988-0)
57

Page 228 of 321


Sociologie politique
27. Jacques Lagroye, Sociologie politique, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques - Dalloz, 1991
28. Jacques Lagroye, Bastien François et Frédéric Sawicki, Sociologie
politique, Dalloz-Sirey, 26 octobre 2006, 5e éd., 607 p. (ISBN 978-2-
247-06988-0)
29. Jacques Lagroye, Sociologie politique, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques - Dalloz, 1991
30. Jacques Le Bohec, Élections et télévision, Presses universitaires de
Grenoble, 2007
31. Jacques Le Bohec, Sociologie du phénomène Le Pen, La
Découverte, 2005
32. Jacques Chevallier, Science administrative, Paris,

PUF, coll. « Thémis Science politique », 2002 (1re éd. 1986), 633 p.
33. Jacques Le Bohec, Élections et télévision, Presses universitaires de
Grenoble, 2007
34. Jacques Le Bohec, Sociologie du phénomène Le Pen, La
Découverte, 2005
35. Jean-Michel Eymeri, La fabrique des énarques, Paris, Economica,

coll. « Études politiques », 2001, 261 p.


36. Jean-Michel Eymeri, La fabrique des énarques, Paris,
Economica, coll. « Études politiques », 2001, 261 p.
37. Jean-Pierre Cot et Jean-Pierre Mounier, Pour une sociologie
politique, t. 1, Seuil, coll. « Point », 1974, p. 11-25
38. Jean-Pierre Cot et Jean-Pierre Mounier, Pour une sociologie
politique, t. 1, Seuil, coll. « Point », 1974, p. 11-25
39. Jean-Pierre Gaudin, L’action publique : Sociologie et politique,
Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2004
40. Jean-Pierre Gaudin, L’action publique : Sociologie et politique,

Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2004


41. Karl Marx, Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, Paris,
Messidor - Éditions sociales, coll. « Essentiel », 1984 (1re éd. 1852),
230 p.

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Page 229 of 321


Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
42. Karl Marx, Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, Paris,
Messidor - Éditions sociales, coll. « Essentiel », 1984 (1re éd. 1852),
230 p.
43. Luc Rouban, La fonction publique, Paris, La Découverte, coll. «
Repères », 1995, 124 p.
44. Luc Rouban, La fonction publique, Paris, La
Découverte, coll. « Repères », 1995, 124 p.
45. Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, la science
politique, Dalloz, coll. « Précis », 1997, p. 316 et sq.
46. Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, la science
politique, Dalloz, coll. « Précis », 1997, p. 316 et sq.
47. Max Weber, Économie et société : 1. Les catégories de la

sociologie, Paris, Pocket, coll. « Agora », 1995 (1re éd. 1956), 412 p.
48. Max Weber, Économie et société, t. 1, Paris, Plon, 1971

49. Max Weber, Le savant et le politique, Paris, Plon, coll. « 10/18 »,


1959 (1re éd. 1919), 188 p.
50. Max Weber, Économie et société : 1. Les catégories de la
sociologie, Paris, Pocket, coll. « Agora », 1995 (1re éd. 1956), 412 p.
51. Max Weber, Économie et société, t. 1, Paris, Plon, 1971

52. Max Weber, Le savant et le politique, Paris,


Plon, coll. « 10/18 », 1959 (1re éd. 1919), 188 p.
53. Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique : Essai sur les

tendances bureaucratiques des systèmes d’organisation modernes et


sur leurs relations en France avec le système social et culturel, Paris,
Seuil, coll. « Points », 1963, 384 p.
54. Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique : Essai sur les
tendances bureaucratiques des systèmes d’organisation modernes et
sur leurs relations en France avec le système social et culturel, Paris,
Seuil, coll. « Points », 1963, 384 p.
55. Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy,
coll. « Agora », 1975 (1re éd. 1939), 320 p.
56. Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-
Lévy, coll. « Agora », 1975 (1re éd. 1939), 320 p.
59

Page 230 of 321


Sociologie politique
57. Olivier Nay et Andy Smith, Le gouvernement du compromis :
courtiers et généralistes dans l'action politique, Paris, Economica,
2002, 237 p.
58. Olivier Nay et Andy Smith, Le gouvernement du compromis :
courtiers et généralistes dans l'action politique, Paris,
Economica, 2002, 237 p.
59. Patrick Lehingue, Sub unda : Coups de sonde dans l'étang des
sondages, Le Croquant, 2007
60. Patrick Lehingue, Sub unda : Coups de sonde dans l'étang des
sondages, Le Croquant, 2007
61. Philippe Braud, Sociologie politique, Paris, Lgdj, coll. « manuels »,
2011, 10e éd., 788 p. (ISBN 978-2-275-03651-9)
62. Philippe Braud, Sociologie politique, Paris,
Lgdj, coll. « manuels », 2011, 10e éd., 788 p. (ISBN 978-2-275-
03651-9)
63. Pierre Birnbaum, Les sommets de l’État : Essai sur l’élite du
pouvoir en France, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1994, 212 p.
64. Pierre Bourdieu (préf. Philippe Fritsch), Propos sur le champ

politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, 110 p. (ISBN


2-7297-0649-6, présentation en ligne [archive])
65. Pierre Bourdieu (préf. Philippe Fritsch), Propos sur le champ
politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000,
110 p. (ISBN 2-7297-0649-6, présentation en ligne [archive])
66. Pierre Bourdieu, « Les sondages, une science sans savant », dans
Choses dites, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun »,
1987, 229 p., 22 cm (ISBN 2707311227), p. 217-224
67. Pierre Bourdieu, La noblesse d'État : Grandes écoles et esprit de
corps, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1989,
568 p.
68. Pierre Bourdieu, « Les sondages, une science sans savant »,
dans Choses dites, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens
commun », 1987, 229 p., 22 cm (ISBN 2707311227), p. 217-224

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
69. Pierre Bourdieu, La noblesse d'État : Grandes écoles et esprit de
corps, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1989,
568 p.
70. Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris,
Seuil, coll. « Points Histoire », 1990, 378 p.
71. Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris,
Seuil, coll. « Points Histoire », 1990, 378 p.
72. Pierre Birnbaum, Les sommets de l’État : Essai sur l’élite du
pouvoir en France, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1994, 212 p.
73. Roger-Gérard Schwartzenberg, Sociologie politique,
Montchrestien, coll. « Précis Domat », 1990
74. Roger-Gérard Schwartzenberg, Sociologie politique,

Montchrestien, coll. « Précis Domat », 1990


75. Vincent Dubois, La vie au guichet : Relation administrative et
traitement de la misère, Paris, Economica, coll. « Études politiques »,
1999, 208 p.
76. Vincent Dubois, La vie au guichet : Relation administrative et
traitement de la misère, Paris, Economica, coll. « Études
politiques », 1999, 208 p.
77. Yves Deloye, Sociologie historique du politique, Paris, La
Découverte, coll. « Repères », 2003 (1re éd. 1997), 124 p.
78. Yves Deloye, Sociologie historique du politique, Paris, La
Découverte, coll. « Repères », 2003 (1re éd. 1997), 124 p.

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Sociologie politique
Table des matières

Présentation du cours ........................................................ 6


Introduction ................................................................... 7
Chapitre I . Généralités épistémologiques et
conceptuelles ........................................................... 8
Section I . Définitions ................................................. 8
A. Sociologie ........................................................... 8
B. Politique ............................................................. 9
C. Sociologie politique.............................................. 11
Section II . Sociologie politique et science politique ........... 11
A. Les faits sociaux et les faits politiques ........................ 11
B. Sociologie et science politique : la démarcation ............. 12
C. Les différentes conceptions ..................................... 13
Section III . Les doctrines dominantes ........................... 13
La doctrine de l’État ............................................. 14
B. La doctrine du pouvoir .......................................... 15
Chapitre II . Le gouvernement ............................... 19
Section I . Le pouvoir politique .................................... 19
Approche conceptuelle générale ............................... 19
B. Spécificités du pouvoir politique ............................... 20
1. Fonction du pouvoir .......................................... 20
2. Le pouvoir entre contrainte et légitimité ................... 20
3. Le monopole de la coercition ................................ 20
Section II . L’état .................................................... 21

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2
L’État comme société juridique ................................ 22
1. Le territoire .................................................... 23
2. Une population ................................................ 24
3. La souveraineté ou le pouvoir d’injonction juridiquement
régl .................................................................. 24
4. Les trois formes d’État ....................................... 26
L’État fédéral ................................................ 26
L’État unitaire ............................................... 27
C. L’État comme pouvoir politique ............................... 28
1. L’approche à partir du modèle occidental ................. 29
2. Les considérations anthropologiques ....................... 30
La spécialisation des agents ............................... 31
La centralisation de la coercition ......................... 31
L’institutionnalisation ...................................... 31
3. La légitimité de l’action de l’État ........................... 32
D. Rôle et fonctionnement de l’État ............................... 33
1. Fonctions classiques .......................................... 33
2. Fonction selon l’analyse systémique ....................... 34
La fonction extractive ...................................... 34
L'activité dispensatrice ..................................... 34
L’activité responsive ....................................... 35
Chapitre III . Les régimes et systèmes politiques . 37
Section I . Le système politique ................................... 37
A. Le système politique selon EASTON ......................... 38
1. Les flux du système politique ............................... 39
Les inputs .................................................... 39
63

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Sociologie politique
Les outputs................................................... 41
Le feed-back ................................................. 41
2. L’apport d’apter à l’analyse du système politique ........ 41
3. Les systèmes économique et culturel. ...................... 42
L’influence du système économique ..................... 42
L’influence du système culturel........................... 42
Section II . Les régimes politiques ................................ 43
A. Les classifications historiques des régimes politiques ...... 43
1. La classification d’Aristote .................................. 44
2. La classification de Montesquieu ........................... 44
3. La classification de Jean-Jacques Rousseau ............... 46
B. La classification contemporaine des régimes politiques .... 47
1. Les régimes démocratiques .................................. 47
Un suffrage périodique, libre et souverain du peuple .. 48
Un équilibre entre les pouvoirs ........................... 49
2. Le régime parlementaire ..................................... 49
3. Le régime présidentiel ........................................ 51
4. Les régimes autoritaires ...................................... 52
Les régimes de l’autoritarisme patrimonial ............. 52
Les oligarchies clientélistes ............................... 52
Les dictatures populistes ................................... 52
Les bureaucraties autoritaires............................. 53
5. Les régimes totalitaires ....................................... 53
bibliographie ................................................................ 56

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Sociologie politique

Pregnon Claude NAHI

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Géopolitique de
l’Afrique de l’Ouest
Frédéric MEMEl

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Géopolitique de l’Afrique de
l’Ouest
Frédéric MEMEl

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Sommaire

INTRODUCTION ................................................................................................ 3

Chapitre 1 : LES INDICATEURS GEOGRAPHIQUES DE LA SOUS


REGION OUEST-AFRICAINE ......................................................................... 4
1. Présentation de la région .............................................................................. 4
2. La population au cœur des stratégies de développement .......................... 7
Chapitre 2 : LES ORGANISATIONS ECONOMIQUES D’AFRIQUE DE
L’OUEST ............................................................................................................. 13
1. L’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) ......................................... 13
2. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) ....................................................................................................... 16
3. Une politique plus volontariste .................................................................. 18
Chapitre 3 : SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE EN AFRIQUE
DE L’OUEST ...................................................................................................... 21
1. Produit Intérieur Brut (PIB) ...................................................................... 21
Sources : Données CEDEAO, 2012 ............................................................ 22
2. Impact sur les économies de l’Afrique de l’Ouest .................................... 24
3. Perspectives économiques de la sous-région ............................................. 25
Chapitre 4 : L’AFRIQUE DE L’OUEST, NOUVEAU « THEATRE DES
OPERATIONS » DU TERRORISME MONDIAL ......................................... 27
1. Caractéristiques de l’espace sahélo saharien favorables aux groupes
islamistes .......................................................................................................... 27
2. Les groupes terroristes présents en Afrique de l’Ouest .......................... 29
3. Modes opératoires des groupes terroristes ............................................... 33
4. Existe-t-il une menace terroriste sur le transport aérien en Afrique de
l’Ouest ? ........................................................................................................... 37
5. Vers une « grande alliance des terroristes islamistes» en Afrique de
l’Ouest? ............................................................................................................ 39
6. Quelle stratégie pour enrayer le phénomène terroriste en Afrique de
l’Ouest ? ........................................................................................................... 41

CONCLUSION ................................................................................................... 46
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 47

Page 239 of 321


Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

INTRODUCTION

Positionnée à la périphérie du Maghreb, l’Afrique occidentale a été


intégrée au système des relations internationales, et au système
méditerranéen en particulier, à partir du moment où le Sahara a été
traversé. L’Afrique de l'ouest est une vaste entité non seulement à cause
de ses dimensions, mais à cause de son histoire. Cet ensemble est régi
par des liens avec les anciennes puissances coloniales.
L’année 2010 marque le cinquantenaire de l’indépendance de 17 pays
africains, dont 14 francophones. Cette décolonisation s’est opérée dans
le calme, à la différence des répressions sanglantes qui écrasèrent les
soulèvements nationalistes malgaches, algériens et indochinois dès la
fin de la Seconde Guerre mondiale.
Cinquante années seulement ont passé pour ces jeunes nations qui
eurent à affronter les fléaux du mal-développement, la difficulté
d’inscrire l’impératif démocratique dans leur histoire et les appétits
post-coloniaux de firmes et pays étrangers attirés par d’innombrables
richesses.
Dans une Afrique de l’ouest longtemps considérée comme un modèle
de stabilité, la dynamique de régionalisation de la violence et de
l’insécurité qui s’est déclenchée avec les conflits du
Libéria, puis de Sierra Leone, suivie de l’extension de ces deux conflits
en Guinée a atteint un paroxysme avec les événements qui déchirent la
Côte-d’Ivoire depuis 2002.

L’objectif visé par ce document est d’éclairer les réalités de cette région
peuplée de quelque 300 millions d’habitants (4,6 % de la population
mondiale, 43 % de celle de l’Afrique subsaharienne), encore largement
francophone (et accrochée au Franc CFA) et qui constitue auprès des
opinions publiques occidentales un espace géopolitique aux contours
encore mal dessinés.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Chapitre 1 : LES INDICATEURS GEOGRAPHIQUES DE LA


SOUS REGION OUEST-AFRICAINE

1. Présentation de la région

Le Français Yves Lacoste fait de l'Afrique de l'ouest, un des trente-huit


ensembles géopolitiques du monde. Pour parvenir à bout de cette
entreprise délicate de classification, ce géographe de renom fonde ses
investigations sur le critère de proximité géographique des Etats et
entités territoriales. La sous-région dispose sur cette même base, de
deux sous-ensembles, à savoir: l'Afrique extrême occidentale et le
Golfe de Guinée. Si le premier qui constitue la frange côtière jouxtant
l'océan atlantique regroupe en son sein le Liberia, la Sierra Leone, la
Guinée Conakry, le Sénégal, l'île de Cap-Vert, la Gambie et la Guinée-
Bissau, le second recèle pour sa part, le Bénin, la Côte d'Ivoire, le
Ghana, le Nigeria et le Togo.
Par ailleurs, le destin de ces deux sous-ensembles est lié, du moins
politiquement à la vie quotidienne de Burkina Faso, du Mali et du
Niger, pourtant tous géographiquement bien rangés dans le Sahel dont
la particularité réside dans son inaccessibilité à l'océan et la relative
aridité de son climat. Ce qui prédispose ces trois Etats à une dépendance
commerciale vis-à-vis de leurs paires du Golfe de Guinée et de
l'extrême occident, manifestement plus ouverts au monde, du fait,
naturellement de leur potentiel maritime. Les engagements de politique
étrangère pris par le Burkina Faso, le Mali et le Niger pour participer
au processus d'intégration sous-régional semblent expliquer au mieux,
leur ambition de positionnement géostratégique.
La nature a pourvu l'Afrique de l'ouest d'immenses atouts économiques,
mais répartis de façon irrégulière, faisant du Golfe de Guinée et du
plateau extrême occidental, une des zones continentales les mieux loties
économiquement où, en plus de l'agriculture, principale activité
économique, le sous-sol s'avère d'une générosité impressionnante. La
Sierra Leone, le Liberia, le Ghana et la Guinée Conakry se retrouvent
4

Page 241 of 321


Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

bien dans ce cas de figure avec à leur actif, l'or, le diamant, la bauxite
et l’hévéa qui attirent toutes les convoitises extérieures, tandis que le
Sahel dont les éleveurs voués à la transhumance rivalisent avec les
agriculteurs qui font du Mali, une figure de proue devant le Bénin en
matière de production cotonnière. Conservant toujours son titre de
géant de l'Afrique du fait de sa démographie écrasante (sa population
avoisine les 130 millions d'habitants) et de ses performances
économiques, le Nigeria s'illustre dans la sousrégion comme le meilleur
producteur des hydrocarbures avec ses deux millions de barils par jour
au sein de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP).
Les espoirs nés des décombres de la Guerre Froide ont contribué à
débarrasser les Etats ouestafricains de leurs carcans idéologiques qui,
quatre décennies durant ont entravé leur réel décollage économique et
social. Bien d'Etats du groupe ont entamé au début des années 1990,
une expérience démocratique non moins reluisante. Jadis distingué par
ses tristes records de coups d'Etats militaires, le Bénin renoue de
manière spectaculaire devant le Mali, le Sénégal, le Ghana, le Cap-Vert
et le Nigeria, avec la pratique régulière des libertés individuelles et
collectives. Gage de stabilité sociale et politique, ce processus de
démocratisation en cours dans la sous-région est l'indice de
redressement économique escompté et propice par ricochet à
l'investissement privé.
L'Afrique de l'ouest est un véritable "melting pot" culturel où la
tradition rime au quotidien avec la modernité galvanisée par un assez
riche héritage colonial. Déjà fortement imbriqués des croyances
ancestrales, les deux cent vingt millions de personnes habitant ce bassin
culturel se doivent encore de composer avec le christianisme que les
colonisateurs français et britanniques leur ont légué sur un terrain où
l'islam a toujours été présent. Ce qui met les populations en face d'une
crise d'identité qui conduit nombre d'africains de l'ouest au syncrétisme.
Devant les pratiques syncrétiques dans un milieu où, ni l'islam, ni le
christianisme, encore moins les religions traditionnelles sont loin de
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répondre efficacement à la pauvreté grandissante au parfum de maladies


incurables, des sectes se réclamant du christianisme importées de toutes
pièces des Etats-Unis pour la plupart continuent de foisonner,
notamment dans les capitales et autres agglomérations d’envergure.
La sous-région est cisaillée par une mosaïque de peuples et ethnies. On
y distingue des Ibos, des Yorubas, des Fons, des Ewés, des Minas, des
Bambaras, des Haoussas, des Ouolofs, des Bétés, des Dioulas, des Krus,
des Peules, des Créoles, des Krios, des Temnes, etc…Le français et
l'anglais sont les deux principaux outils linguistiques qui font tourner
les administrations et les services, mais se livrent pourtant à une
concurrence ardue. Si l'espace francophone s'est élargi d'un cran en
raison de l'adhésion de la Guinée-Bissau en 1997 à l'Union Economique
et Monétaire ouest-africaine et de la participation de ce pays à
l'Organisation Internationale de la Francophonie, il demeure exposé à
la séduction croissante de la langue anglaise qui s'y impose de par la
forte majorité des populations anglophones et la fluidité des flux
migratoires.
L'Afrique de l'ouest a servi de vitrine à la pénétration étrangère. En
période coloniale, le Sénégal a longtemps été considéré comme étant la
capitale des territoires français, du fait des nombreux avantages
géostratégiques de ce pays très favorable au développement des
échanges commerciaux entre l’Afrique et la métropole. Le colonisateur
y a développé la traite des esclaves dont l’historique ville de Gorée
demeure une emprunte indélébile sur l’échiquier socioculturel de la
sous-région ouest-africaine. L’Afrique de l’ouest est aujourd’hui
convoitée par les américains qui craignent qu’elle puisse devenir une
porte de pénétration du terrorisme.
Washington s’ingénie à y renforcer sa présence pour mieux contrôler
les mouvements du Groupe islamique Armé (GIA) algérien très redouté
au Maghreb.
La sous-région est exposée à toutes sortes de criminalités et passe pour
être une plateforme tournante des drogues qui font état de fréquentes
saisies au Nigéria, en Guinée-Bissau, au
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Sénégal. Les conflits de basse intensité s’y éclosent et y font rave depuis
la fin des idéologies et les situations au Libéria, Sierra-Léone, Guinée-
Bissau et en Côte d’Ivoire en font le principal foyer de violences.
En définitive, l’Afrique de l’ouest est une région naturellement
douée pour se développer au même titre que les pays occidentaux.
Toutefois, la vie quotidienne de ses habitants est vivement
contrastée par la pauvreté, la corruption et la mal gouvernance. Les
politiques que les puissances étrangères y développement
demeurent loin de servir réellement les africains.

2. La population au cœur des stratégies de développement

Entre 1950 et 2007, la population ouest-africaine a été multipliée par


4,5, passant de 70 à 315 millions d’habitants. Elle aura encore doublé
avant 2050, date où elle atteindra 650 à 700 millions. Le rythme de cette
croissance ralentit, bien qu’aujourd’hui seule une minorité de pays soit
réellement engagée dans une baisse de la fécondité. Les crises et
conflits, les politiques économiques et sociales (notamment celles liées
à la réduction de la mortalité infanto-juvénile et à l’éducation des filles),
ainsi que l’évolution des grandes pandémies (paludisme et sida tout
particulièrement) sont susceptibles de modifier une telle prévision.
En théorie, le doublement attendu de la population est un atout
économique important, puisqu’il permet de mieux rentabiliser les
infrastructures et d’accroître la demande adressée au marché. A
contrario, il accentue les pressions sur l’environnement et
s’accompagne d’une demande croissante d’emplois et de services
sociaux (santé et éducation principalement). Cette croissance
démographique entraîne le développement des villes qui abriteront,
dans vingt ans, plus de la moitié de la population. Les investissements
correspondants en infrastructures et services collectifs, comme leur
gestion, sont une priorité.
L’Afrique de l’Ouest est, avec le reste de l’Afrique subsaharienne, la
région la plus jeune du monde : 60 % de sa population a moins de 25
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

ans. Ceci impose de prendre en compte davantage cette donnée dans les
stratégies de développement, notamment au travers des moyens alloués
à l’éducation, à la formation et à la santé.
Parallèlement, la structure démographique va évoluer. En 2050, plus de
la moitié de la population sera en âge de travailler, contre le tiers
seulement aujourd’hui. Ceci constituera un incontestable avantage
économique par rapport à d’autres régions du monde marquées par le
vieillissement de leur population.
La question de l’émigration vers l’Europe au travers des drames à
répétition en Méditerranée, comme au large des côtes ouest-africaines,
a fait l’objet d’une large médiatisation. Ces morts tragiques interpellent
responsables ouest africains et européens. Les initiatives politiques se
multiplient, dans un contexte où l’Europe tend, depuis quelques années,
à verrouiller davantage 3. La question des frontières

Qu’est-ce qu’une frontière en général ? Selon le dictionnaire Larousse,


« c’est une limite entre deux Etats ». Friedrich Ratzel qualifiait le
territoire comme l’un des attributs essentiels de l’Etat. Spécifiquement
matérialisées ou non, les frontières sont ces lieux géographiques où finit
un Etat et où commence un autre.
La configuration actuelle des frontières des Etats africains a été
façonnée pratiquement à la fin du XIXe siècle. La conquête coloniale a
soumis par la force l’ensemble du continent, à l’exception de l’Ethiopie
et du Libéria, à la domination de l’Europe. Le partage du continent a
mis fin dans la plupart des cas à un processus interne de restructuration
de l’espace par des forces sociales et politiques en rapport avec
l’histoire du continent sur la longue durée.
Les frontières sont donc le résultat d’une longue histoire qui doit être
prise en compte au-delà de l’accident du partage colonial pour
comprendre les logiques internes de fragmentation et d’unification de
ce continent. Pour des raisons pratiques, notre réflexion portera sur
l’Afrique de l’Ouest pour mieux saisir, dans l’espace et le temps, les
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

facteurs de déstructuration qui peuvent expliquer les difficultés


actuelles de réintégration d’espaces viables sur le plan géographique,
économique et politique.
C’est que la frontière était alors, essentiellement, une zone à la fois de
contacts, d’échanges et de rivalités, dont il convient d’interroger la
signification et le concept même. Au XIXe siècle surtout, la frontière
prit le sens d’une zone d’expansion ou de régression culturelle. Ce qui
était nouveau, néanmoins, c’est qu’à partir des années 1890 les
frontières coloniales ont été définitivement adoptées, préjugeant de
l’histoire des Etats à venir. Celle-ci débuta précisément par l’imposition
de frontières-lignes dont le concept même était ignoré auparavant des
peuples ou des fragments de peuples ainsi encerclés et partagés. Ces
frontières furent institutionnalisées par la Conférence internationale de
Berlin (1884-1885) et minutieusement révisées et corrigées tout au long
de la période coloniale. De ces territoires, les Etat modernes sont issus,
et les nations correspondantes ont émergé à leur tour : car ces lignes de
partage furent reconnues, voire renforcées par les Etats devenus
indépendants dans la charte fondatrice de l’OUA en 1963.
On se trouve, par ailleurs, face à deux visions apparemment
contradictoires, mais qui sont en réalité complémentaires :
– le pouvoir d’Etat, pour lequel la frontière est surtout une ligne à
protéger au nom de sa souveraineté,
– et les communautés locales, pour lesquelles la frontière est un
espace, et le plus souvent un espace utile, qui les fait vivre par son
existence même.
Les frontières sont dorénavant gérées selon les intérêts des puissances
coloniales au détriment des populations partagées de part et d’autre par
de nouvelles barrières douanières, linguistiques ou administratives.
Ainsi, la création d’enclaves perturbe pour longtemps les
complémentarités écologiques de l’Afrique de l’Ouest dans son
ensemble. À cela s’ajoute la séparation de populations qui appartenaient

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dans le passé au même ensemble politique. Désormais, les Ewe sont


partagés entre le Togo français et le Ghana anglais, les Yoruba entre le
Nigeria et le
Dahomey, tandis que les Hausa sont de part et d’autre de la frontière du
Nigeria et du Niger. Cette fragmentation est encore plus poussée en
Sénégambie, en particulier au sud où les Joola, les Manding et les Peul
appartenant à l’ancien Kaabu sont partagés entre les deux Guinée, la
Gambie et le Sénégal. Est encore pire la situation de la Gambie qui
coupe la colonie du Sénégal en deux, créant ainsi entre le sud et le nord
de ce pays
La configuration actuelle des frontières est un handicap à toute politique
véritable de développement intégré de nos Etats qui se tournent le dos.
On assiste en Afrique de l’Ouest à plusieurs cas de figure qui attestent
l’inadéquation des frontières avec les exigences du développement
intégré. Ainsi, la zone occidentale que nous appelons la Grande
Sénégambie est caractérisée par la fragmentation de son espace partagé
entre six Etats qui se regroupent autour du Sénégal, de la Gambie, de la
Guinée-Bissau et d’une partie de la Mauritanie, du Mali et de la Guinée
Conakry. Cette fragmentation se retrouve dans l’espace méridional
regroupant le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin. Il y a aussi
l’existence de grands Etats intérieurs comme le Mali, le Niger et le
Burkina Faso dont le handicap majeur est l’absence de débouchés sur
la mer et leur ouverture sur le Sahara qui ne mène nulle part.
Le Nigeria, à lui seul, par sa dimension, réunit tous les avantages et les
inconvénients des autres régions, avec le handicap majeur de la
désunion qui caractérise cet ensemble écartelé entre les différentes
nationalités du Nord, de l’Est et de l’Ouest. Le Nigeria réunit ainsi
l’éventail des problèmes de l’intégration régionale qui doit prendre en
compte l’importance que revêt la gestion des frontières en relation avec
d’autres facteurs culturels, politiques et économiques.
Le Nigeria, malgré sa taille, a besoin non seulement d’un système
fédéral équilibré, mais aussi d’une plus grande ouverture sur ses voisins
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

pour assurer la fluidité de ses frontières. En fait, l’absence d’économies


complémentaires contribue à créer le problème des frontières qui sont
devenues les pourvoyeuses de marchandises importées d’ailleurs et
dont les bénéficiaires jouent sur la disparité des monnaies et des tarifs
douaniers. L’Afrique de l’Ouest a besoin d’une planification de la mise
en valeur de ses ressources pour répondre avant tout aux besoins des
populations dans leur ensemble. Cet objectif ne peut être atteint sans
une stratégie de développement qui dépasse la configuration actuelle
des frontières.
Le cas de la Grande Sénégambie est significatif de l’impact négatif des
frontières actuelles et de la myopie des politiques nationales. Dans cet
espace, les trois grands fleuves (Sénégal, Gambie, Niger) qui
appartiennent aux six Etats sont largement sous-utilisés, par rapport à
leurs potentialités, pour une véritable intégration régionale. Au
contraire, les trois fleuves sont gérés séparément par trois organisations
sous-régionales : par l’OMVS qui regroupe le Mali, le Sénégal et la
Mauritanie ; l’OMVG qui regroupe le Sénégal, la Gambie et les deux
Guinée ; et, enfin, l’autorité du fleuve Niger qui regroupe la Guinée, le
Mali, le Niger et le Nigeria.
Le fleuve Sénégal et le fleuve Gambie prennent leur source dans le
massif du Fuuta Jallon en Guinée pour se jeter dans l’océan. Les deux
bassins sont partagés entre six Etats qui se tournent le dos et sont
incapables, de ce fait, d’assurer la complémentarité de ces deux fleuves,
pour répondre à leurs besoins vitaux dans les domaines du transport
fluvial, de l’agriculture, de l’élevage et de la production d’énergie, sans
compter les autres secteurs de l’industrie minière.
Les frontières ont certes leur importance mais elles n’ont rien à voir
avec cette autre vision qui consisterait à les ignorer ou tout simplement
à les gommer pour mieux assurer la réintégration du continent.
L’Afrique est le continent le plus fragmenté sur le plan politique et
économique et elle est, par conséquent, vulnérable à toutes les formes
de crise dont les manifestations actuelles ne sont que le prélude à une
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

implosion des Etats dont les populations sont mal à l’aise à l’intérieur
de leurs frontières actuelles.
En raison du sous-développement structurel de l’Afrique dans tous les
domaines, l’intégration régionale, voire la réintégration de l’espace
fragmenté, est une impérieuse nécessité. Cette réintégration, qui
pourrait développer l’industrialisation à une grande échelle, passe par
une remise en cause du rôle de l’Etat dans la gestion de l’espace et la
mobilité des hommes.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Chapitre 2 : LES ORGANISATIONS ECONOMIQUES


D’AFRIQUE DE L’OUEST
1. L’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA)

Au lendemain des indépendances, le 12 mai 1962, l’UMOA (Union


Monétaire Ouest Africaine) avait été fondée par six pays d’Afrique
occidentale membres de la zone Franc : Dahomey (aujourd’hui Bénin),
Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso), Côte d’Ivoire, Sénégal, Niger
et Togo (en 1963) ; un septième, le Mali y avait adhéré en juin 1984,
alors qu’il avait rejoint la zone Franc en 1967. Ce qui n’était alors
qu’une union monétaire« club francophone » donna naissance à
l’éphémère CEAO (Communauté Economique de l’Afrique de
l’Ouest), créée par le traité d’Abidjan du 17 avril 1973 qui se proposait
: « de réaliser un espace économique et douanier unifié en mettant en
œuvre au niveau régional une politique active de coopération et
d’intégration économique en particulier dans les domaines agricoles,
industriel, des transports et communications et du tourisme, et en
développant les échanges de produits agricoles, industriels des Etats
membres ».
La mission qui lui était assignée était l’intégration régionale. Mais cette
expérience, fut assez décevante et se termina avec la transformation de
l’UMOA en UEMOA, le 10 janvier, à
Dakar…deux jours avant la dévaluation du Franc CFA. Cette
transformation avait déjà été rendue souhaitable par la crise
économique qui sévissait depuis les années 1980, engendrée par deux
facteurs : l’effondrement des prix des matières premières qui
représentaient une source majeure de richesse pour les pays de la zone
; par l’appréciation du FCFA et de la dépréciation mécanique des
monnaies des pays voisins hors zone Franc. Le siège de la commission,
organe exécutif de l’organisation se situe à Ouagadougou, tout comme
d’ailleurs sa Cour de Justice.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

L’UEMOA, aujourd’hui composée de huit pays (les membres de


l’UMOA auxquels s’est jointe la Guinée Bissau) recouvre une zone qui
dispose de certains atouts : une langue commune, le français, si l’on
excepte le dernier venu (la Guinée Bissau) ; une ancienne métropole :
la France, qui dans l’ancienne AOF avait établi des standards et des
règles communes.
Une monnaie commune, dans un premier temps rattachée au Franc
français, puis à l’Euro, disposant d’une Banque centrale, la BCEAO
(Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), dont le siège est à
Dakar, assure une stabilité monétaire à ces pays. Les avantages majeurs
de ce lien entre le FCFA et l’Euro est double : d’une part il assure la
fixité des parités entre les monnaies des sous zones avec la monnaie
européenne quels qu’en soient les montants, ce qui permet d’assurer
leur convertibilité d’une manière inconditionnelle ; d’autre part, la libre
transférabilité monétaire à l’intérieur de la zone Euro est assurée, qu’il
s’agisse de transactions courantes ou des mouvements de capitaux.
Il y a ensuite des avantages climatiques, dans la mesure où l’on passe
du type sahélien à un climat tropical humide aux forêts denses, ce qui
engendre une diversification et une complémentarité de la production
agricole qui est l’activité majeure, avec l’élevage de la zone prise dans
sa globalité. A titre d’exemple, on peut souligner le fait qu’au Burkina
Faso, cette activité fait vivre environ dix millions de personnes et
occupe 84% de la population active3. La zone sahélienne est propice
aux cultures céréalières et à l’élevage : le Burkina Faso comptait près
de 7.6 millions de bovins, 18 d’ovins et de caprins et 32 millions de
volailles 4, alors que les pays situés plus au Sud ont développé le café,
le cacao et l’arachide. Le cas de la Côte d’Ivoire est symptomatique de
la prédominance de ce secteur, et dans une moindre mesure celui du
Sénégal et de pays comme le Burkina Faso qui est devenu le premier
producteur africain de coton.
Une libre circulation des biens et des personnes, qui devrait favoriser,
si elle était réellement mise en oeuvre les échanges à l’intérieur de la
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

zone et contribuerait à créer des synergies. Mais force est de constater


que les vingt dernières années n’ont pas été conformes aux attentes dans
ce domaine et les exemples de manquements à ce principe sont légion.
Le plus récent d’entre eux étant le retour forcé d’immigrée Burkinabè
et aussi Maliens, chassés de Côte d’Ivoire à la fois à cause de
l’application du concept exacerbé d’ « ivoirité » et de la guerre civile
qui a opposé le Nord au Sud du pays.
Les quelques atouts que nous venons de passer en revue sont
malheureusement contrebalancés par un certain nombre de faiblesses :
certaines sont spécifiques, d’autres peuvent être le revers de la médaille
des caractéristiques qui viennent d’être examinées. Le fait de bénéficier
d’une monnaie commune, dont nous avons vanté les mérites peut
également constituer un frein à l’intégration régionale, car qu’on le
veuille ou non, ce lien indirect entre la France et ses anciennes colonies
entraîne pour ces derniers la perte quasi intégrale de leur souveraineté
monétaire. La brusque dévaluation du FCFA du 12 janvier 1994,
imposée par la France et qui a tant déstabilisé les pays de la zone en est
l’exemple emblématique. Mais comment en eut-il pu être autrement,
puisque la gestion de la monnaie africaine faisait ipso facto l’objet
d’une délégation de compéence au profit des autorités monétaires
françaises.
Le fait que l’Euro fort entraîne dans son sillage une surévaluation du
FCFA par rapport aux monnaies des pays voisins, constitue également
un handicap pour les produits d’exportation, qui bien souvent se
négocient en dollars.
La prédominance de l’agriculture, même si elle est diversifiée, peut
constituer un inconvénient difficile à compenser, dans la mesure où les
risques naturels liés aux aléas climatiques, comme la sécheresse qui a
sévi dans le Sahel dans les années 1983-84 rend toute hypothèse de
croissance quasiment imprévisible. Quant aux prix de marché de
produits d’exportation comme le coton, dont le Burkina Faso est devenu
le premier producteur africain, il est dicté par des géants comme la
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Chine (4.9 millions de tonnes), les Etats-Unis ( 4 millions) l’Inde


(3millions) ou le Pakistan (1.8 millions) . Au diktat des prix de ces pays,
vient s’ajouter la distorsion issue de l’attribution de subventions versées
le gouvernement américain à ses producteurs nationaux.
A ces handicaps sectoriels, il convient d’ajouter le fait que le commerce
à l’intérieur de la zone UEMOA est très modeste : pendant la période
1999-2002, les exportations burkinabè en direction de l’UEMOA n’ont
représenté que 22.24% du total 7 et que les clients des pays qui la
composent ne sont pas suffisamment diversifiés : ce sont
majoritairement l’Union européenne et les USA, auxquels on peut
rajouter la Chine et l’Inde. Il en va de même pour les importations qui
proviennent majoritairement des mêmes pays, à l’exception de cas
particuliers comme celui de la Côte d’Ivoire qui importe
majoritairement son pétrole du Nigeria.

2. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest


(CEDEAO)
Contrairement à l’UEMOA, qui recoupe grosso modo la zone
géographique couverte par l’ancienne Afrique Occidentale Française,
la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest), qui fut créée par le traité de Lagos le 28 mai 1975, regroupe
16 Etats francophones, anglophones et lusophones, (15 à cause du
retrait de la Mauritanie, survenu en 1999, consécutivement à son litige
avec le Sénégal, jusqu’à sa réintégration récente).
Cette structure dont le siège est à Abuja (Nigeria) a été créée dans le but
de promouvoir la coopération et le développement dans les domaines
économiques qu’il s’agisse de l’industrie, des transports, des
télécommunications, de l’énergie, de l’agriculture, du commerce, des
questions monétaires et financières et culturelles (Article 2). La
CEDEAO a pour ambition :

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

- De mettre en place une union douanière par la suppression des


barrières tarifaires et par l’adoption d’un tarif commun vis-à-vis des
pays tiers ;
- de promouvoir le développement des échanges intra-communautaires
;
- de créer une banque centrale et une monnaie unique ouest africaine ;
de définir une politique commerciale et fiscale commune ;
- d’assurer la libre circulation des ressortissants de la communauté ;
- de définir une politique commerciale et fiscale commune ;
- d’améliorer les réseaux de communication et de télécommunications
entre les pays membres etc.…
Force est de constater qu’après trente trois ans d’existence, malgré de
timides progrès, la plupart des objectifs n’ont pas encore été atteints.
Par contre, la CEDEAO a joué un rôle politique majeur, alors qu’il
n’était pas expressément prévu par les textes. On citera pour mémoire
le rôle de forum de réconciliation entre chefs d’Etats et d’apaisement
des conflits entre les membres dans des crises. On se souvient de la
réconciliation des Présidents ivoirien Houphouët Boigny et sénégalais
Sédar Senghor d’une part et guinéen Sekou Touré scellée en 1978 sous
l’égide de la Communauté.
Souvent minée par le nationalisme, écrasée par le poids du Nigeria,
déséquilibrée par son hétérogénéité, la CEDEAO a aussi été par le passé
le théâtre de « grandes messes » incantatoires, sans réelle portée
pratique, à l’exception de son volet politique qui a permis de
désamorcer, encore récemment des crises politiques entre ses membres.
Par exemple, le Président burkinabè Blaise Compaoré a pris à bras le
corps le problème ivoirien et a joué avec efficacité le rôle de «
facilitateur » qui a été salué par ses pairs à l’occasion du 35e Sommet
de l’Organisation tenu dans la capitale nigériane en décembre dernier.

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3. Une politique plus volontariste

Si pendant de nombreuses années, les progrès de la CEDEAO ont été


plutôt modestes, la conjonction des trois crises qui ont frappé la région
- alimentaire, augmentation du prix du baril de pétrole et crise
financière a donné une nouvelle impulsion au processus d’intégration
régionale engagé en 1975, en particulier sous la présidence burkinabè
dans l’UEMOA et la CEDEAO. A la fin de son mandat à la Présidence
de la CEDEAO, fin décembre 2008, le Président Blaise Compaoré a
dressé un bilan de ses deux années passées à la tête de l’organisation
régionale : « Avant de faire de l’économie, il faut stabiliser les espaces,
il faut faire la paix. Il faut assurer une bonne gouvernance dans la
région. Notre première préoccupation à la présidence en exercice,
c’était d’abord de veiller à œuvrer à l’extinction des conflits… Au delà
de la paix, de la stabilité, il fallait aussi s’engager fortement, surtout au
regard de la crise économique, sur les préoccupations essentielles des
populations de l’Afrique de l’Ouest, notamment en matière de sécurité
alimentaire, en matière d’énergie électrique ; et là, il y a des
programmes intéressants d’ici à l’horizon 2012 qui ont été arrêtés et qui
vont permettre à la région d’être autosuffisante sur le plan énergétique.
Il y a aussi des programmes et des projets agricoles pour l’ensemble de
la région… Mais la région n’est pas isolée. Il nous faut continuer à avoir
un partenariat avec l’Europe. Nous sommes ouverts à d’autres régions
du monde, à l’Asie, à la Chine, à l’Inde, aux pays d’Amérique latine ».
Or, les prévisions de croissance économique sont en nette baisse pour
la zone : 5.1 en 2006, 5.6 en 2007 ? 5.1 en 2008 au lieu des 6.1 prévus
avant le cataclysme mondial de septembre, et seulement 4.7 prévus pour
2009 12. Les leaders des pays de la zone comprennent que la crise
économique mondiale était susceptible de saper le processus de
redressement économique des pays de la zone à différents égards : en
accélérant la baisse des investissements directs étrangers, celle des
transferts d’argent par les travailleurs migrants et la chute des prix des
matières premières, principales sources de revenus des pays membres.
C’est la raison pour laquelle ils ont lancé un appel pour que soit mise
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

en place une stratégie régionale permettant d’amortir les effets néfastes


de la crise financière et économique mondiale. Ils ont appelé l’Afrique
à être plus présente sur la scène internationale, à s’impliquer davantage
dans les initiatives multilatérales et à prendre une part plus active aux
réunions consacrées aux questions monétaires et de développement.
Pour répondre aux défis actuels, un audacieux plan d’action commun à
la CEDEAO et à l’UEMOA a été élaboré à l’occasion du 35eme
sommet de la CEDEAO en décembre2008 pour donner un nouvel élan
à la Communauté et mettre en place des mesures visant à amortir
l’impact de la crise.
Le sommet a notamment adopté une nouvelle stratégie de
développement d’infrastructures en l’Afrique de l’Ouest qui doit
stimuler le développement et l’intégration de la région. Les Présidents
Gbagbo (Côte d’Ivoire) et Joao africains Viera (Guinée Bissau) ont
appelé à des investissements massifs dans les domaines de l’énergie, de
la construction de routes, des transports aérien, maritime et ferroviaire,
grâce à un partenariat public privé. Le plan commun prévoit des projets
prioritaires régionaux comme la création d’un Centre Régional des
Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétique, basé à Praia
(Cap Vert) ; la mise en place d’une Autorité Régionale de Régulation
de l’Energie Electrique de la CEDEAO, basée à
Accra (Ghana), dont la mission sera de favoriser la commercialisation
accrue de l’énergie au niveau intra-communautaire à des prix
acceptables et de favoriser la sécurité en matière d’approvisionnements
en énergie électrique 13. Il est également envisagé la création d’une
Cellule de Préparation et de Développement des Projets, destinée à
mettre en œuvre des projets bancables, à travers le secteur public ou
privé ou par le biais des partenariats.
Ce plan ne pouvait pas faire l’impasse sur les questions de sécurité
alimentaire, surtout depuis les « émeutes de la faim » qui avaient touché
plusieurs pays de la région. Les leaders politiques des Etats de la zone

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

ont demandé avec insistance que les Etats membres finalisent


l’élaboration de leurs programmes nationaux d’investissement agricole,
tout en reconnaissant que les moyens à mobiliser étaient colossaux.
D’autres sujets, comme la lutte contre le trafic de drogue ou le
lancement du plan stratégique quinquennal 2009-2013 de
l’Organisation ouest africaine de la Santé (OOAS) ont également été
évoqués. Le volet politique n’a pas été éludé, puisque la stabilité des
pays de la zone est la condition sine qua non aux progrès économiques.

Enfin, les responsables ont insisté sur l’importance de la signature d’un


Accord de Partenariat
Economique (APE) entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union Européenne,
principal partenaire et bailleur de fond de la zone, alors que de
nombreuses voix se sont élevées en Afrique, pour critiquer ce
partenariat. Selon ses détracteurs, cet accord se ferait au détriment des
pays du Sud.
C’est ainsi que le Sénégal est plutôt réservé sur l’opportunité de signer
de tels accords qui risquent de compromettre le processus d’intégration.
La Présidence de la CEDEAO est désormais assurée par le Ghana, qui
a de grandes ambitions au plan international. Cependant, sans volonté
sincère de trouver des solutions africaines aux problèmes des Africains,
il y a fort à parier que l’appel aux contributions financières de la
communauté internationale ne suffira pas à faire de l’Afrique de l’Ouest
une zone de paix et de prospérité.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Chapitre 3 : SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE EN


AFRIQUE DE L’OUEST
1. Produit Intérieur Brut (PIB)

La croissance économique des pays de la CEDEAO a légèrement reculé


passant de 7,0 pour cent en 2010 à 6,1% pour cent en 2011. Les
principaux pays pétroliers en sont les moteurs avec respectivement
7,4% pour cent en 2011 pour le Nigéria et 14,4% pour le Ghana (FMI).
Si pour ce dernier, la croissance a été portée par le secteur pétrolier,
c’est plutôt les secteurs non pétroliers qui ont tiré la croissance au
Nigéria.
Les pays sortant des conflits ont également contribué à cette bonne
performance qui aurait pu être meilleure si la Guinée et le Togo
n’avaient pas connu des troubles sociaux d’une part et surtout si les
résultats au sein de la zone UEMOA n’avaient pas été décevants avec
0,8% de croissance en 2011 d’autre part. Cette année pour l’UEMOA,
deux facteurs exogènes majeurs ont été à l’origine de cette décélération,
à savoir la crise politique en Côte d’Ivoire et la sécheresse au Sahel. Les
autorités de l’UEMOA ont réussi à maîtriser le risque de contagion de
la crise ivoirienne, qui a eu de graves répercussions sur le plan financier
et a beaucoup freiné l'intégration régionale. La sécheresse récente au
sahel a durement éprouvé les pays du CILSS notamment Burkina Faso,
le Mali, le Niger et le Sénégal occasionnant une baisse de 7 à 27 %,
selon les estimations, de la production céréalière. La conséquence est
une forte prévalence de l’insécurité alimentaire. Il est déjà estimé
qu’entre 8 et 10 millions de personnes en souffrent et ont besoin
d’assistance (FMI). Pour les pays du CILSS, les effets de la sécheresse
sur le PIB se sont fait sentir en 2011.
En 2012, malgré la poursuite du ralentissement de la croissance
mondiale, la sous-région CEDEAO a progressé de 6,0% contre 6,1% en
2011. Plusieurs pays ont réalisé des taux de croissance de plus de 6%
en 2012 notamment le Nigeria avec 6,0% et représentant près de 67%

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

du PIB de la sous région, le Ghana avec 7,1%, le Burkina Faso avec


8,0%, le Niger avec 11,6%, la Sierra Leone avec 18,2%, la Cote
d’Ivoire avec 8,6% et le Libéria avec 8,7%. Cette croissance s’explique
par la hausse de la demande extérieure des ressources naturelles
notamment minières, occasionnant ainsi un relèvement des cours
mondiaux, et la reprise du secteur agricole consécutive à la bonne
pluviométrie de l’hivernage 2012/2013.

Les investissements prévus dans les secteurs de l’énergie électrique et


les mesures de soutien en faveur de l’agriculture pour pallier les
difficultés d’approvisionnement en électricité et relancer les activités
agricoles ont été positifs. Le développement des secteurs des
télécommunications dans la quasi-totalité des pays et les importants
investissements engagés dans les grands travaux de reconstruction ou
de développement ont contribué à relancer la croissance dans la sous-
région.

Sources : Données CEDEAO, 2012


En termes de transformation structurelle, il est à noter la bonne tendance
dans certains pays pétroliers dont les PIB hors pétrole ont mieux fait
que le PIB global. Depuis 2010, le taux de croissance du PIB du Nigéria
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

hors pétrole a été supérieur à celui de l’ensemble de l’économie


s’établissant en 2012 à 7,9% contre 8,8% en 2011. Dans le cas du
Ghana, cette situation n’est apparue qu’en 2012 avec 8,8% alors qu’au
Niger, nouveau pays pétrolier, ces secteurs sont encore à la traine. La
reprise en Côte d’Ivoire, où l’économie était déjà bien structurée avant
la crise de 2002, s’est aussi traduite par un taux de croissance du PIB
hors pétrole plus important 8,4% que celui de l’ensemble de
l’économie.
Concernant les pays de l’UEMOA, la zone a souffert des effets de la
mauvaise campagne agricole 2011/2012 dans les pays sahéliens et des
crises sociopolitiques au Mali et en GuinéeBissau. La fin de la
sécheresse en 2012 devrait se traduire par une accentuation de la
croissance dans cette zone qui devrait s’accélérer pour atteindre environ
6,0%, malgré l’affaiblissement de la conjoncture extérieure. La zone
UEMOA, très dépendante de la Côte d’ivoire qui pèse environ 30 % du
PIB, a subi les fluctuations de cette économie. Le redressement de
l’économie ivoirienne en 2012, avec une croissance estimée à 8,6%
aura un impact positif sur les autres pays de la région, notamment les
pays enclavés grâce à la reprise des échanges commerciaux, des envois
de fonds et des investissements. Au sein de l’UEMOA, l’impact de la
crise mondiale ne devrait toucher que la Côte d'Ivoire et le Sénégal,
économies les plus exposées. Mais ces pays bénéficieront de sources
endogènes de croissance avec la reprise post-crise en Côte d'Ivoire, les
investissements accrus dans les infrastructures et la fin des pannes
d'électricité, surtout au Sénégal. D'autres facteurs endogènes tels que
les nouvelles exploitations pétrolières au Niger, devraient stimuler la
croissance régionale avant de décliner à moyen terme.
Le taux d’investissement dans les pays de la CEDEAO dépasse 20%,
niveau satisfaisant pour s’inscrire sur un chemin de croissance de
qualité, ce qui est à l’origine des performances économiques dans la
sous région. Toutefois, la région peut mieux faire car plusieurs pays ont
un taux d’investissement en deçà de cette moyenne parmi lesquels la

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Côte d’Ivoire dont le taux d’investissement est resté particulièrement


bas pour n’atteindre en 2012 que 12,1%.
Cinq pays, à savoir le Cap Vert, le Niger, la Gambie, le Nigeria et le
Sénégal ont maintenu des taux d’investissement élevés depuis 2008 en
raison surtout des infrastructures et des exploitations minières ou
pétrolières. La Guinée et la Sierra Léone ont surtout menés des efforts
ces dernières années depuis 2010, avec l’arrivée d’importants flux
d’investissements étrangers pour les exploitations minières. Dans
l’ensemble de l’UEMOA, les efforts du Sénégal et du Niger n’ont pu
compenser les faibles taux d’investissement dans les autres pays qui
sont restés le plus souvent en deçà de 20%. L’Union a été moins
performante dans ce domaine, malgré les 20,5% enregistrés en 2012.
L’importance du taux d’investissement dans la Communauté s’explique
surtout par le niveau des investissements publics dans presque
l’ensemble des pays. La mobilisation des investissements privés relève
plus du besoin d’exploitation des ressources naturelles dont la demande
extérieure reste encore forte que de l’amélioration du climat des
affaires.

2. Impact sur les économies de l’Afrique de l’Ouest

Les performances économiques de la sous-région sont largement


dépendantes des conditions économiques des pays avancés malgré une
certaine modification des flux d’échanges en faveur des pays
émergents. Malgré la progression des échanges avec ces pays, la zone
CEDEAO dépend à 50,7% de ses exportations des Etats unis et de la
zone Euro et à 31,6% pour les importations selon les données de la
CUNCED de 2010. La dépendance est aussi forte pour les flux de
capitaux, les transferts des immigrés et de l’Aide publique au
développement. Le repli de ces variables va directement se faire
ressentir sur les performances économiques. La poursuite de la
récession dans les pays avancés commence à se faire sentir dans les
pays émergents et en développement dont certains comme le Brésil
commence à en subir les conséquences. Cette évolution pourrait
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

remettre en cause l’alternative que ces pays offraient à l’Afrique de


l’Ouest.
En Afrique de l'Ouest, malgré les perspectives de récolte favorables
dans la région, la situation de la sécurité alimentaire dans le Sahel
demeure préoccupante, près de 19 millions de personnes ayant besoin
d'une assistance permanente en raison principalement des effets
persistants des mauvaises récoltes de l'an dernier. Cependant, les
balances commerciales de plusieurs pays pourraient être soulagées en
Afrique de l’Ouest.

3. Perspectives économiques de la sous-région

Les perspectives économiques de la sous-région s’inscrivent dans des


conditions sécuritaires très préoccupantes. Un risque majeur pour
l’Afrique de l’Ouest est lié aux répercussions de la criminalité
transnationale avec des menaces internationales grandissantes pour la
stabilité dans la sous-région et dans la région du Sahel. Il s’agit des
trafics d’armes et de drogues, de la piraterie et des vols à main armée
commis en mer, et le terrorisme. Ces menaces contribuent à affaiblir la
gouvernance, le développement social et économique et la stabilité, et
compliquent la fourniture de l’assistance humanitaire, tout en menaçant
de réduire à néant les avancées accomplies dans la région en matière de
consolidation de la paix (ONU). Le trafic de cocaïne transitant par
l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale génère environ 900 millions
de dollars par an, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et
le crime (UNODC),

En conclusion, la confiance au devenir de l’Afrique au Sud du Sahara


se renforce. Les économies de l’Afrique de l’Ouest, malgré la
conjoncture internationale délétère, ont continué d’être performantes.
Cette performance résulte de l’amélioration de la gestion
macroéconomique, de la demande mondiale encore favorable en
matière de ressources naturelles. Cette évolution reste encore très
fragile car les bases d’une croissance forte et durable restent à

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

consolider. La poursuite de la mise en œuvre de politique de qualité, le


renforcement des cadres institutionnels de gestion de l’économie et le
renforcement du processus démocratique sont autant de mesures qui se
consolident au profit du développement économique et social. La
pérennisation de ces efforts est nécessaire pour mieux contenir les
problèmes sécuritaires observés çà et là.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Chapitre 4 : L’AFRIQUE DE L’OUEST, NOUVEAU «


THEATRE DES OPERATIONS » DU TERRORISME
MONDIAL
1. Caractéristiques de l’espace sahélo saharien favorables aux
groupes islamistes
L’Afrique de l’Ouest a connu ces dernières années une prolifération de
groupes terroristes très actifs. Le phénomène islamiste a pris une
tournure inquiétante dans la région ce qui en fait une des zones les plus
dangereuses du monde. La situation de délitement au nord du Mali a
favorisé l’implantation des groupes islamistes qui y opèrent face à
l’impuissance des « pays du champ ». Mohamed Bazoum, le Ministre
des Affaires Etrangères du Niger qualifie la région de « poudrière ». La
zone connait également une recrudescence de trafic en tout genre et de
criminalité. Un rapport du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 26
Janvier 2012 faisait état de l’aggravation de l’insécurité au sahel après
la chute de Khadafi. Plus que jamais, l’Afrique de l’Ouest est devenue
un nouvel « el dorado » de groupes terroristes très organisés et mobiles.

Le Président déchu Amadou Toumani Touré (ATT) évoquait la «


fragilité » de la région sur le plan sécuritaire, les événements récents
ont cristallisé cette instabilité. Les groupes islamistes « cohabitent »
avec des mouvements indépendantistes et des narco trafiquants. Le
terrorisme est propice dans des zones frappées particulièrement par
l’insécurité et la pauvreté. Cependant, le phénomène, de plus en plus
croissant au niveau de la zone sahélo-saharien, est amplifié par
l’enlisement au nord du Mali qui semble s’inscrire dans la durée ajouté
aux conséquences de la crise libyenne. Ainsi, Al Qaida au Maghreb
Islamique (Aqmi), le Mouvement pour l’unicité du jihad en
Afrique de l’ouest (Mujao) et Ansar Dine profitent de cette situation
de confusion dans la région pour renforcer leur présence et agir en toute
liberté. Le Nigéria aussi fait face aux agissements de la secte islamiste
Boko Haram qui multiplie les actes terroristes avec une violence inouïe

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

depuis quelques mois. Cette montée en puissance des groupes


islamistes échappe complètement aux pays de la région.

La bande sahélo saharienne présente un intérêt particulier pour les


groupes terroristes du fait de son immensité. C’est une zone faiblement
peuplée avec de grands espaces désertiques et montagneux. Ce vaste
territoire aride de 8 millions de kilomètres carrés présente des
conditions de vie difficiles. Les températures y avoisineraient 1 degré
en décembre à 50 degrés durant la période de sécheresse. Une grande
partie des populations installées dans le Sahara sont des nomades qui
ont pour principale activité le commerce. La mobilité des ces
populations qui sont retrouvées dans les différents pays rendent le
contrôle des frontières ardu. Ramtane Lamamra, Commissaire à la
Paix et à la Sécurité de l’Union Africaine expliquait l’implantation des
groupes terroristes au sahel à travers trois facteurs. « La recherche de
zones refuges caractérisées par un faible maillage sécuritaire et une
présence insuffisante des organes des États; la quête de nouvelles
sources de financement ; le besoin de conquérir de nouveaux espaces
de recrutement pour les besoins d’une confrontation planétaire avec
autrui».

La faible présence de l’Etat dans la bande sahélo-saharienne dû à


l’immensité de la zone de contrôle constitue un handicap dans la lutte
contre le terrorisme. Il s’agit d’Etats aux « économies vulnérables » qui
ne peuvent soutenir une réelle action d’envergure face au péril
islamiste. Les écarts démographiques dans les pays du sahel entre les
zones urbaines et le reste du territoire constituent un déséquilibre
considérable. A titre d’exemple au Mali, la capitale Bamako compte
plus de 1,5 million d’habitants, soit 12% de la population, tandis que la
moitié nord du pays est très peu peuplée. De même, les trois quarts du
Niger sont désertiques. La capitale politique et démographique,
Niamey, avec près de 900 000 habitants, représente près de 6% de la
population du pays, soit une proportion moindre par rapport à
l’armature urbaine de la Mauritanie et du Mali, car la géographie du
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

peuplement met en évidence un ruban de densité relativement élevée de


population le long de la vallée du fleuve Niger, ce qui signifie, là aussi,
une prime méridionale dans le peuplement.
Les groupes terroristes, notamment Al Qaida au Maghreb islamique
(Aqmi) profitent des faiblesses structurelles des Etats de l’arc sud-
sahélien. La notion d’intangibilité des frontières s’applique
difficilement dans la région pour les populations. La zone est aussi
caractérisée par ce contraste, d’une part nous avons des centres
politiques et économiques situés au sud des territoires et d’autre part,
des zones périphériques faiblement peuplées localisées dans les régions
septentrionales. Cette « dichotomie centre/périphérie » se répercute sur
les conditions d’exercice de l’autorité de l’Etat et se traduit par
l’absence de visibilité des pouvoirs centraux dans les espaces éloignés
des capitales.
« Ces pouvoirs centraux ne disposent pas ainsi de relais suffisamment
denses pour assurer, en permanence et durablement, les fonctions
régaliennes de l’Etat dans les zones périphériques »
Cette situation crée de fait des velléités indépendantistes de populations
qui sont « déconnectés » du pouvoir central et l’instauration de territoire
sous leur contrôle.

2. Les groupes terroristes présents en Afrique de l’Ouest

La percée islamiste en Afrique de l’Ouest a eu lieu au cours de ces dix


dernières années. La préoccupation à l’égard du développement de la
menace terroriste dans la région sahélosaharienne est devenue au fil des
événements une préoccupation internationale. Les principaux « groupes
terroristes » actifs qui menacent la stabilité de la zone ouest africaine
sont Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), le Mouvement pour
l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Boko Haram. Au
palmarès des groupes les plus-en vue, ils jouent les « premiers rôles »
et la situation actuelle au nord du Mali a renforcé leurs positions.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Aqmi, le pendant d’Al Qaida au niveau africain


Al Qaida au Maghreb Islamique est l’appellation actuelle du Groupe
Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) né en Algérie en
1998. Il fut crée à la fin d’une décennie de violence qui a plongé le pays
dans la terreur. Ses fondateurs dont Hassan Hattab sont des anciens du
Groupe Islamique Armée (GIA) opposés à la forme de violence
perpétrée par l’organisation contre les populations civiles. Le GSPC
s’est donc constitué à partir d’un noyau de l’ex-GIA de la zone 2,
localisé en Kabylie, plus précisément dans la région BoumerdèsDellys-
Tizi-Ouzou. Hattab en aurait été, pour une courte durée, le premier
émir. Des dissensions vont naitre en 2003 au sein du GSPC sur les
objectifs entre le fondateur Hattab et sa « jeune garde ». Ce nouveau
courant sous l’inspiration d’Abdelmalek Droukdal alias Abou Moussab
Abdelwadoud prône une « internalisation » des actions de la mouvance
et en prend les commandes.
Cette volonté d’étendre l’influence du GSPC au delà des frontières
algériennes se traduit par l’attaque de la caserne de Lemgheity en
Mauritanie en juin 2005 et l’envoi de combattants dans le bourbier
irakien. Le GSPC cherche à se rapprocher d’Al Qaida qui occupe le
devant de l’actualité mondiale depuis les attentats de New York.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Le 11 septembre 2006, le numéro 2 d’Al Qaida, l’égyptien Ayman Al


Zawahiri, annonce officiellement l’intégration du GSPC dans Al Qaida.
En effet, le GSPC a fait allégeance au leader d’Al Qaida, Oussama Ben
Laden. En janvier 2007, le GSPC change d’appellation et devient
désormais Al Qaida au Maghreb Islamique, ce « label » lui procure une
plus grande visibilité dans les médias. Selon l’ancien Ministre des
Affaires Etrangères mauritanien Mohammad-Mahmoud Ould
Mohamedou , « AQMI est la seule des différentes branches d’Al
Qaida al oum (Al Qaida mère) qui soit un rattachement d’un groupe
préexistant, alors que toutes les autres variantes, aussi indépendantes
soient-elles, avaient été créées directement par Al Qaida elle-même ;
en Irak, dans la péninsule arabique, en Afghanistan, au Pakistan et
également dans le cas de l’organisation secrète qui avait réclamé la
responsabilité des attentats de Madrid en mars 2004 et de Londres en
juillet 2005. D’autres organisations islamistes ont exprimé leur
solidarité avec Al Qaida mais n’ont pas nécessairement cherché à y
être formellement rattachées. C’est ainsi le cas du groupe libanais
Fatah Al Islam et des milices Al Shabaab en Somalie ». Aqmi
compterait dans ses rangs plus de 500 hommes déployés entre l’Algérie,
dans les Brigades du Sahara et au nord du Mali. Le recrutement de
combattants est facilité par les conditions de vie difficile des
populations dans cette zone. Aqmi dispose d’une puissance financière
qui lui permet d’intervenir dans le domaine social et attirer les jeunes
désœuvrés. La situation de délitement que connait actuellement
l’espace sahélo saharienne a favorisé une plus grande autonomie au sein
de la mouvance islamiste. Mokhtar Belmokhtar et Abdelhamid Abou
Zeid ont obtenu une plus grande notoriété avec leurs « katibas »
(brigades) tandis que la direction de l’organisation et son chef Droukdel
sont basés en Kabylie (Algérie).
Le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’ouest
(Mujao), une dissidence d’Aqmi
Apparu en décembre 2011, le Mouvement pour l’unicité du jihad en
Afrique de l’ouest (MUJAO) est présenté comme une « émanation »
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

d’Aqmi. Il est dirigé par le Mauritanien Hamada Ould Mohamed


Kheirou alias alias Abou Qumqum. L’objectif principal de Mujao est
l’établissement de la charia dans toute l’Afrique de l’ouest avec une
pratique « rigoriste » de l’islam. Mouvement mystérieux, Mujao a
revendiqué la prise d’otages du 23 octobre 2011 d’humanitaires
occidentaux (2 espagnols et une italienne) à Tindouf, et l’attentat
suicide en mars 2012 perpétré contre le siège du groupement de la
wilaya de Tamanrasset de la Gendarmerie Nationale à 1800 km
d’Alger. Il semblerait que le Gouvernement algérien soit la cible
privilégiée de la mouvance même si son nom indique une volonté d’agir
en Afrique de l’Ouest. Le Mujao, composé de jeunes combattants
mauritaniens, de maliens et sahraouis a profité de la crise malienne pour
renforcer sa présence dans le nord du Mali. En quelques mois, ce groupe
islamiste a démontré une capacité d’actions dans la région. Le vaste
plateau désertique allant de Tessalit (à l’extrême nord du Mali) jusqu’à
Gao constituerait leur fief.
Boko Haram, les « talibans nigérians »
Le Nigéria est un « géant » d’Afrique avec ses 160 millions d’habitants
et sa place de deuxième économie du continent. Ces derniers mois le
pays est secoué par une vague d’attentats terroristes perpétrée par les
islamistes de Boko Haram. La secte nigériane a été fondée en 2002 à
Maïduguri dans le nord du Nigéria par un groupe de fidèles réuni autour
du jeune prêcheur, Mohammed Yusuf. Selon certains analystes, les
origines de la mouvance islamiste remontent à l’année 1995. Le terme
« Boko Haram » provient de l’haoussa et de l’arabe et signifie
"l’’enseignement occidental est un péché". La secte islamiste
communément appelé Boko Haram s’est donné comme nom “Jama’atul
Alhul Sunnah Lidda’wati wal Jihad” .Certains membres de la secte
faisaient partie d’un mouvement islamiste apparu dans les années 80 à
Kano autour du prêcheur camerounais Mallam Muhammadu Marwa
surnommé « Maitatsine ». Le fondateur de Boko Haram Mohammed
Yusuf a étudié le Coran au cours de séjours au Tchad et au Niger.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

L’Objectif principal de la secte est le renversement du gouvernement


nigérian et l’application de la charia sur l’ensemble du territoire. Le
mouvement islamiste a pour cible le Gouvernement Nigérian, les
populations chrétiennes et les forces de l’ordre.
En décembre 2003, Boko Haram s’illustre pour la première fois dans
l’Etat de Yobe avec les attaques de postes de police et des bâtiments
publics dans les villes de Geiam et Kanamma. Les « talibans » de Boko
Haram comme ils se définissent eux mêmes sont issus des couches
désœuvrées de la société. Ces jeunes sont séduits par le discours
islamiste de Boko Haram. Il semble difficile de connaitre le nombre
précis de combattants mais les chiffres tourneraient autour de 280 000
personnes dont 300 permanents, répartis entre le nord du Nigéria, le
Niger (Zinder, Maradi et Diffa) et le Tchad.
En 2009, suite aux attaques répétées contre les institutions de l’Etat
dans le nord, les forces de sécurité nigérianes passent à l’offensive. Plus
de 700 combattants de Boko Haram seront tués parmi eux, leur chef
Mohammed Yusuf. Il est remplacé par Mallam Umaru Sanni. Au cours
de l’année 2011, un climat de violence permanent s’installe à nouveau
dans les Etats du nord du pays. Dans l’intervalle, Boko Haram se serait
divisé en plusieurs branches. L’ex-numéro deux du mouvement, l’imam
Abubakar Shekau est un des chefs les plus connus actuellement.

3. Modes opératoires des groupes terroristes

La menace terroriste dans l’espace ouest africain a des formes


multiples. Aqmi et Mujao ont sensiblement le même mode opératoire
et Boko Haram est plutôt sur le registre de la terreur avec des attaques
d’une extrême violence sur le sol nigérian. Au cours de ces dernières
années, Aqmi a développé différents modes opératoires sur l’ensemble
de la région relayés dans les médias occidentaux. Les deux modes
opératoires les plus utilisés ces dernières années par les réseaux
terroristes sont les attentats et l’enlèvement d’otages au sahel.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

L’attentat suicide, acte terroriste « par excellence » fut utilisé à


plusieurs reprises par la mouvance algérienne. En Avril 2007, plusieurs
attentats suicide ont été commis en Algérie et au Maroc dans la même
période. Aqmi a utilisé le même procédé le 11 décembre 2007 à Alger
contre le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) et Programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD). L’organisation
s’illustre à nouveau avec le même mode opératoire en aout 2009 en
Mauritanie contre l’Ambassade de France.
En Aout 2011, Aqmi a revendiqué le double attentat suicide qui a fait
18 morts à l’Académie militaire de Cherchell, en Algérie. En effet,
Deux kamikazes, dont l’un à moto, se sont fait exploser à quelques
secondes d’intervalle devant l’entrée du mess des officiers de cette
école militaire.
Le 3 Mars 2012, la mouvance dissidente d’Aqmi, le Mujao a eu recours
à l’attentat suicide à la voiture piégée contre la brigade de gendarmerie
de Tamanrasset (1.970 km au sud d’Alger). Cette attaque à fait 24
blessés, parmi lesquels 14 civils.
La mouvance islamiste nigériane semble adopter ce même mode
opératoire. En effet, Boko Haram a commis une série d’actes terroristes
au nord du Nigéria sous plusieurs formes (attentats suicide, attaques à
main armée, braquages). Il a revendiqué le 3 juin 2012 l’attentat-suicide
contre une église dans le quartier de Yelwa à Bauchi, au nord-est du
Nigeria. Le bilan fut de quinze morts et une quarantaine de blessés.
Boko Haram multiplie depuis plusieurs mois les actes terroristes contre
des cibles variées notamment les symboles du pouvoir (police, armée,
hommes politiques) et les églises. En janvier dernier, la secte avait lancé
une série d’attaques coordonnées spectaculaires dans la ville de Kano,
visant principalement des commissariats et faisant au moins 185 morts.
La mouvance nigériane a toujours pris pour cible l’Etat et la population
nigériane.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Il semblerait que la date 26 Aout 2011 soit un tournant dans la stratégie


de Boko Haram. En choisissant de frapper le bureau de la représentation
des Nations unies à Abuja, la mouvance a voulu « internationaliser »
son combat. Avant cette date, la secte ne s’était jamais attaquée à une
cible étrangère. Doit-on pour autant conclure que Boko Haram a franchi
un palier et s’inscrit dans la lignée d’Aqmi avec une perspective
régionale ? La secte islamiste n’a pas récidivé et il semble trop tôt pour
tirer des conclusions hâtives. Pour l’heure, Boko Haram continue
d’étendre son action au delà du nord du Nigéria et l’attaque de l’église
catholique de Madalla, près d’Abuja le 24 décembre 2011 en est une
parfaite illustration. Cet attentat a fait au moins 35 morts à la fin de la
messe de Noël. A la mi-janvier, Human Rights Watch avait calculé que
Boko Haram avait tué 935 personnes au Nigeria depuis la reprise de ses
actions militaires, en 2009.
L’utilisation de « l’attentat » révèle une volonté de créer un climat
d’insécurité chez « le supposé ennemi » des mouvances islamistes.
Dans « cette nouvelle ère du tout technologique » un attentat est relayé
dans les premières minutes dans les médias du monde. Les attentats du
11 Septembre et surtout les images des avions percutant le World Trade
Center ont laissé une trace indélébile dans la mémoire collective.
« Internet » est devenu un outil de propagande pour les groupes
islamistes. Il apparait un phénomène de « médiatisation » des chefs
terroristes qui mettent en scène leur message de revendication après un
attentat. L’ex leader d’Al Qaida Ben Laden avait ouvert la « brèche »
de l’ère médiatique des chefs islamistes pour véhiculer son message.

L’autre procédé très prisé par les groupes islamistes dans la région est
l’enlèvement. En 2003 déjà, Aqmi (Ex GSPC) s’était illustré avec
l’enlèvement 32 touristes européens dans le sud algérien. Parmi ces
touristes, une allemande perdra la vie durant la détention des suites
d’une insolation. Les derniers otages sont libérés en août 2003 au Mali,
où ils avaient été transférés.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

En février 2008, Aqmi procède à l’enlèvement de deux touristes


autrichiens. Ils seront libérés le 31 octobre 2008 au Mali. En janvier
2009, quatre touristes européens sont enlevés. Trois seront libérés au
Mali (le 22 avril et le 12 juillet 2009) et la britannique Edwin Dyer sera
exécuté le 31 mai 2009. Le 26 novembre 2009, l’humanitaire français
Pierre Camatte est enlevé au Mali, à Ménaka. Il sera libéré le 23 février
2010. Le Mali est devenue pour Aqmi une zone de captivité pour les
otages enlevés au sahel.
AQMI détiendrait actuellement neuf otages européens dont six français,
un suédois, un néerlandais et un britannique. Depuis 2007, il aurait
procédé à l’enlèvement de plus de 80 personnes. La mouvance islamiste
commencerait à modifier sa stratégie, en s’aventurant endehors de ses
lieux habituels vers des régions moins suspectes, plus proches de la
frontière avec le Burkina Faso.
Le Mojao s’est inscrit sur la même trajectoire qu’Aqmi avec
l’enlèvement du Consul d’Algérie et ses six collaborateurs le 5 avril
2012 à Gao. L’enlèvement des sept Algériens a eu lieu quelques jours
après la « chute du Nord du Mali » tombé aux mains de divers groupes
armés dont le Mujao, Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique
(Aqmi) et le Mouvement national de libération de l’Azawad. A la
différence de Mujao et Aqmi, Boko Haram n’est pas sur le registre de
l’enlèvement d’otages.
L’enlèvement d’otages présente « deux intérêts » pour les groupes
islamistes tels que le Mujao et Aqmi. Il permet de négocier la libération
de détenus qui sont actuellement dans les prisons algériennes mais aussi
le paiement de rançons. Ce que Serge Daniel appelle « l’industrie de
l’enlèvement » est devenu aujourd’hui l’activité la plus lucrative pour
ces groupes terroristes.
Mujao réclamait à l’Algérie la libération d’islamistes détenus sur son
territoire, en plus d’une rançon de près de 20 million de dollars
moyennant la libération du Consul et ses collaborateurs. Le mouvement
avait formulé une demande de rançon de près de 40 millions de dollars
36

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

et la libération de deux Sahraouis arrêtés par la Mauritanie en échange


d’une espagnole et d’une italienne humanitaires enlevés le 23 octobre
2011 à Tindouf dans l’Ouest de l’Algérie. En 2011, Aqmi demandait à
la France pour la libération de quatre otages enlevés le 16 septembre
2010 à
Arlit sur un site d’extraction d’uranium dans le nord du Niger la somme
faramineuse de 90 millions d’euros. Le paiement des rançons des
premiers otages au sahel par les occidentaux a modifié
considérablement le rapport de force. En effet, les groupes terroristes
en n’ont fait un moyen de pression et un outil de propagande.
Selon Serge Daniel, « Les prises d’otages sont une vraie manne
financière pour les salafistes.
Il n’y a qu’à voir les montants des rançons : les Espagnols ont versé
entre 8 et 15 millions d’euros pour la libération de leurs ressortissants,
l’Italie 3,5 millions, l’Autriche entre 1,5 et 3 millions ». Il estime la
fortune de la mouvance algérienne aujourd’hui à 200 millions d’euros.

Cela nous amène à nous poser la question suivante. Que reste t’il de
l’idéologie face à des pratiques qui relèvent plus de la criminalité que
du « djihadisme » ? Est-on toujours dans le « terrorisme idéologique »
ou dans une nouvelle forme de « banditisme organisé » ? Il semble que
le quotidien de ces groupes islamistes est plus devenu celui de réseaux
criminels portés sur le rapt, le blanchiment d’argent[26], le trafic de
cigarettes, d’armes légères, d’essence, de drogue et les filières
d’immigration clandestine.

4. Existe-t-il une menace terroriste sur le transport aérien en


Afrique de l’Ouest ?
Les attentats du 11 Septembre 2001 ont marqué fondamentalement le
début de la lutte internationale contre le terrorisme. Ils ont constitué le
degré le plus élevé en termes d’impact d’un acte terroriste dans la
mémoire collective. En effet, cet événement a bouleversé la donne d’un
point de vue sécuritaire avec l’intensité des attentats sur le sol

37

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

américain. Aujourd’hui encore, la planification minutieuse de ces actes


qui ont touché le pays supposé être le plus puissant du globe soulève de
nombreuses questions. Si les Etats Unis avec toute leur « puissance
technologique » et leur arsenal militaire n’ont pas déjoué cette attaque,
la tache s’annonce alors difficile pour les pays d’Afrique de l’Ouest. Il
ne s’agit pas de dire qu’une menace terroriste sur le transport aérien est
en cours de préparation en Afrique de l’Ouest mais plutôt d’en évoquer
les liens.
Il faut rappeler qu’en 2011, la secte islamiste Boko Haram menaçait de
prendre pour cible l’aéroport de Lagos. Il existe plusieurs formes de
menaces terroristes sur le transport aérien même si « l’avion suicide
type 11 Septembre 2001» est le plus connu. Nous avons aussi le «
détournement d’avion avec prise d’otages » et enfin « le sabotage
et la destruction en vol de l’appareil ». Concernant ce dernier point
l’Afrique a connu le 28 novembre 2002, l’épisode de la tentative de
destruction d’un Boeing israélien à Mombassa au Kenya. En effet, le
double tir manqué de missiles SA-7 sur le Boeing 757 israélien de la
compagnie Arkia fut imputé aux milices Shebab. En 2007, la milice
Shebab récidive successivement le 9 mars en prenant pour cible à l’aide
d’une lance-roquette un avion-cargo [27](Iliouchine 2-76) en phase
d’atterrissage à l’aéroport de Mogadiscio.
Le 23 Mars, le même groupe terroriste abat le même type d’avion cargo
en utilisant un missile antiaérien à l’aéroport de Mogadiscio [28] et
causera la mort d’européens.
La circulation des missiles sol-air SA-7 (de fabrication soviétique) au
Mali et des MANPADS (Man Portable Air Defense System, missiles
portatifs sol-air), dont le nombre s’élèverait à 20 000[29] selon
l’Africom, fait naitre des inquiétudes sur le transport aérien en Afrique
de l’Ouest. En effet, il ne fait nul doute que les groupes terroristes
présents au sahel disposent de la logistique pour menacer les appareils
locaux et occidentaux. Les états doivent accroitre leur niveau de
vigilance quant à une éventuelle menace sur le transport aérien.

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Même si au regard des différentes actions menées dans la région depuis


plusieurs années, Boko Haram et surtout Aqmi n’ont jamais pris pour
cible le transport aérien. Dans la gradation de la menace, l’attentat
contre le transport aérien constitue « un coup d’éclat » pour les
terroristes. L’objectif recherché n’est pas nécessairement d’atteindre la
cible désignée dans un attentat mais créer les conditions d’une crainte
généralisée. A ce sujet le 29 Juin 2012, le
Mujao a menacé de s’attaquer aux Etats qui composeraient une future
force militaire d’intervention au nord du Mali. Cette menace devrait
interpeller les états à une plus grande surveillance sur tout ce qui relève
du transport aérien.

5. Vers une « grande alliance des terroristes islamistes» en


Afrique de l’Ouest?
Au regard de la montée islamiste dans l’espace sahélo saharien depuis
quelques années, il convient de s’interroger sur une possible «
connexion » voire une « alliance » entre ces groupes terroristes.
L’instabilité politique à Bamako et l’insécurité au Nord du Mali a
accéléré cette « mainmise territoriale » des groupes islamistes au coté
du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA). Il ne
fait aucun doute que l’agenda islamiste d’Ansar Dine est plus en phase
avec celui de Mujao ou d’Aqmi que la revendication indépendantiste
du MNLA [30]. En mai dernier il est fait état d’une rencontre à
Tombouctou [31] à laquelle a participé Aqmi, Mujao et Ansar dine. Elle
avait pour but de « consolider » leurs relations et leur emprise sur la
région. L’Algérien Nabil Makloufi, coordinateur des katiba d’Aqmi au
Sahel, Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar ont pris part à cette rencontre
[32] au coté du chef du Mujao.
On prête à Aqmi et à son chef Abdelmalek Droukdel, l’ambition
d’instituer un « Etat islamique » dans la région ce qui pourrait
rencontrer l’assentiment de Mujao et Ansar Dine.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

La relation entre la secte islamiste Boko Haram et les autres mouvances


islamistes semble plus difficile à établir. En effet, Boko Haram a
cantonné toutes ses attaques sur le territoire nigérian. Cependant, les
Etats Unis par la voix du Général Carter Ham[33], le Commandant de
la mission « Africa Command » a révélé que « les liens entre Aqmi et
Boko Haram sont très probablement les plus inquiétants dans la mesure
où les informations que nous avons indiquent qu’ils partageraient des
ressources monétaires, s’entraineraient ensemble et s’échangeraient
des matériaux explosifs ce qui peut être très dangereux». Les
représentants de la mission des Nations Unis au sahel ont également fait
état de liens entre Boko Haram et AQMI. Leur rapport indique que
certains des membres de la mouvance islamiste basés Nigéria et du
Tchad avaient été formés dans les camps de l’AQMI au Mali pendant
l’été 2011. « Sept membres de l’organisation auraient été arrêtés au
Niger, alors qu’ils se rendaient au Mali, en possession de documents
sur la fabrication d’explosifs, de tracts de propagande ainsi que de
noms et de coordonnées de membres de l’AQMI qu’ils projetaient,
semble-t-il, de rencontrer ». Le Président nigérien Mahamadou
Issoufou a même évoqué l’installation de camps d’entrainement de
Boko Haram à Gao.
Boko Haram semble avoir tissé des liens avec Aqmi, ce rapprochement
expliquerait le "saut technique" opéré par ses membres dans
l’organisation des récents attentats-suicides. En effet, la « sophistication
» des dernières attaques et les similitudes dans les modes opératoires
avec
Aqmi, font penser qu’il y’a eu un « transfert de savoir ». Cependant,
irait-on jusqu’à affirmer que les deux organisations ont noué une
alliance alors que les objectifs poursuivis sont opposés ? Aqmi s’inscrit
dans une perspective régionale alors que Boko Haram jusqu’ici a mène
un combat national.
Le professeur James Forest estime plutôt qu’ "Aqmi a longtemps
cherché un groupe affilié en Afrique de l’Ouest, et de préférence au
Nigeria. Bien qu’on distingue des tentatives avec Boko Haram, rien
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

n’indique que cela ait eu du succès. Mais il y a quelques relations


personnelles entre AQMI et Boko Haram qui ont facilité des échanges
d’armes et de renseignements ; ceuxci ont été accompagnés de quelques
déclarations publiques de coopération au niveau de leurs
organisations."
Se dirige t-on vers une « grande alliance du terrorisme djihadiste» en
Afrique de l’Ouest? Il semble difficile de répondre à cette question pour
l’heure, il serait plus judicieux de parler de « mutualisation » des forces.
A cet effet, il semblerait que l’enlèvement des deux jeunes Français à
Niamey en 2011 avait été organisé grâce à des renseignements fournis
par un membre de Boko Haram présent dans la capitale nigérienne. Une
« alliance djihadiste » en Afrique de l’ouest serait lourde de danger pour
la stabilité d’une région déjà en proie à toutes les formes de fragilité
institutionnelles.

6. Quelle stratégie pour enrayer le phénomène terroriste en


Afrique de l’Ouest ?

La menace terroriste prend de l’ampleur dans la région et déstabilise


surtout des pays comme le Mali et le Nigéria. Une véritable stratégie
pour enrayer le phénomène a tardé à se dessiner au niveau des pays
concernés et sur le plan régional ces dernières années. Le nord du Mali
est devenu le « sanctuaire » des groupes islamistes qui y développent
leurs activités sous le regard impuissant des « pays du champ ». La crise
libyenne a participé à l’exacerbation de la situation avec une
prolifération d’armes dans la région.
L’autre facteur déstabilisant est le retour au Mali et au Niger des
combattants (mercenaires et anciens touaregs) issus des rangs de
l’armée régulière libyenne. La crainte d’une jonction entre Aqmi et ces
combattants lourdement armés venus de Libye pèse sur la région. Mais
l’élément le plus inquiétant est la circulation des armes corroboré par la
déclaration du Ministre algérien Abdelkader Messahel qui affirma que
« des pans entiers des arsenaux libyens ont été transférés vers l’Algérie
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

et les pays de la bande sahélienne». La France dans sa volonté de faire


plier Kadhafi en soutenant le Conseil National de Transition (CNT)
avait procédé au parachutage d’armes à l’Ouest de la Libye. Le constat
est indéniable, le sahel est devenu un « dépôt d’armement à ciel ouvert
» et les groupes terroristes pourront se ravitailler sans aucune difficulté.
Le Rapport de la mission d’évaluation des incidences de la crise
libyenne sur la région du Sahel des Nations Unies de 2011 confirme
cette inquiétude sur la présence massive d’armes.
Certaines voix sont montées au créneau pour fustiger le « laxisme » du
Gouvernant malien sur ce qui couvait au nord. La liberté de mouvement
des groupes islamistes au nord a soulevé de nombreuses interrogations
sur l’attitude de l’Etat malien. En effet, Il a été reproché au
Président Toumani Touré l’absence d’une véritable volonté politique
pour juguler cette menace. En proie à une rébellion touareg et disposant
de moyens limités, pouvait-il se permettre de faire face à Aqmi. De plus,
des officiers maliens auraient été en contact direct avec les groupes
islamistes, leur facilitant les trafics en tout genre dans cette partie du
pays. Selon Ahmadou Ould Abdallah « il n’y aurait pas d’AQMI dans
la région sans complicités avec les services de renseignement et de
sécurité, et avec des responsables des douanes. Ces complicités
s’étendraient partout, notamment en Algérie, mais aussi au Mali. A
Gao, dans le nord du pays, un quartier où s’érigeaient de luxueuses
villas a été surnommé… "Cocaïne City" ».
Le tableau du sahel ainsi présenté, il semble difficile de trouver une
solution rapide pouvant mettre fin aux agissements des groupes
islamistes. De nombreuses initiatives ont été mises en place dans la
région pour lutter contre la menace terroriste. En 2011, l’Union
européenne a présenté sa stratégie concernant la sécurité et le
développement au Sahel. Avec cette initiative au Sahel, l’UE entend
aider des pays comme la Mauritanie à un meilleur contrôle de ses
frontières. En outre, la stratégie de l’Union Européenne s’articule sur
la bonne gouvernance, le développement économique et la résolution
des conflits. Elle encourage les Etats partenaires à renforcer leur
42

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

sécurité et le respect de la loi, tout en luttant contre l’extrémisme et le


radicalisme.
Les « pays du champ » semblent vouloir renforcer leur coopération en
matière de lutte contre le terrorisme mais font face à l’extrême mobilité
des mouvements islamistes. Seule une réponse globale face à la menace
peut enregistrer des résultants probants. « Une lutte efficace contre le
terrorisme, passe non seulement par une détermination individuelle de
chaque Etat, mais aussi et surtout, par une politique sécuritaire
commune au plan international et sous régional » affirmait Soumeylou
Boubèye Maïga. L’Algérie une puissance régionale, est fréquemment
accusée de fermer les yeux sur les agissements des groupes islamistes
issus de ses « flancs ». L’Algérie s’est refusée jusqu’ici à une
intervention militaire au-delà de ses frontières. Ce manque
d’implication d’Alger dans la coopération pour annihiler les actions des
groupes terroristes est déploré par les partenaires. En Novembre 2011,
Le chef d’état-major de l’armée algérienne Gaïd Salah donnait des
gages sur l’implication de son pays en ces termes. « La situation
sécuritaire dans la région constitue un défi face auquel il nous
appartient de redoubler d’efforts à travers une coopération plus étroite
au sein du Comité d’état-major opérationnel conjoint afin de juguler
tout risque et facteurs d’insécurité et poursuivre notre dynamique dans
le but d’éradiquer le terrorisme et ses connexions ».
Depuis quelques semaines, l’Union Africaine et la Communauté des
Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) souhaitent une intervention
au Mali d’une force africaine sous l’égide des Nations Unies. Le
Conseil de Sécurité à New York s’est montré plutôt réticent sur la
proposition africaine demandant plus de gages sur la portée d’une telle
opération. On note un certain « empressement » à vouloir en découdre
avec les groupes islamistes au nord du Mali.
L’ancien Ministre d’ATT Maïga indique « qu’il faut démonter la
logique des dijhadistes d’Ansar Dine et d’Aqmi, et signifier à leurs
membres que le Mali ne peut plus être, comme ils pensent, une terre de
combat ». Le risque principal d’une telle intervention au nord du Mali
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

serait le rassemblement de tous les groupes islamistes. Ils pourraient


constituer une armée pour faire face à cette force internationale. Dans
un tel scénario, quelle serait la position du MNLA ? Quel camp le
mouvement indépendantiste va-t-il soutenir ? Quelle serait la durée
d’une telle intervention et quel va être le rôle de l’armée malienne?
Autant de questions qui méritent d’être soulevées dans l’optique d’une
intervention au Nord du Mali.
Dans toute crise ou situation de conflit, intervient le temps de la
négociation. La situation au nord du Mali ne dérogera pas à cette règle.
Une intervention militaire n’est pas forcément un gage de succès tout
au plus elle réduira l’influence dans le temps des groupes terroristes.
Elle permettra sans doute à l’Etat malien de reconquérir le nord mais
l’éradication du phénomène islamiste parait plus complexe. Nous
sommes en présence de groupuscules répartis dans une zone immense,
ce qui rend plus difficile la confrontation.
Le cas du Nigéria semblait offrir plus de perspectives en termes de
résolution du conflit qui l’oppose à Boko Haram. Le Gouvernement a
appelé la secte islamiste à une table des négociations mais Boko Haram
serait fragmenté en plusieurs cellules qui n’obéissent pas une
hiérarchie. Cette situation rend complexe une négociation avec Boko
Haram et la fin des attentats sur le sol nigérian. Les Etats-Unis ont placé
le chef de la secte Boko Haram, Abubakar Muhammad Shekau, et deux
autres dirigeants sur leur liste noire antiterroriste [51]. Cependant Boko
Haram ne figure pas sur la liste des organisations terroristes des
américains. Cette précision est de tailler car elle permet au
Gouvernement nigérian d’avoir comme interlocuteur le groupe
islamiste et d’entrevoir des négociations.
L’Afrique de l’Ouest, d’ordinaire instable est confrontée aujourd’hui à
la menace terroriste. Les événements qui se déroulent actuellement au
Nord du Mali et au Nigéria font de cette partie du continent la nouvelle
destination des combattants djihadistes. Le Président nigérien dans un
entretien avec la chaine France 24 confirmait la présence d’Afghans et
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

de Pakistanais au nord du Mali. Ces derniers serviraient de formateurs


aux personnes recrutées dans les différents pays de l’Afrique de l’Ouest.
La nécessité d’une intervention internationale est agitée dans les
rencontres africaines mais serait elle gage de succès ? Il ne s’agit pas
d’un « ennemi conventionnel » mais d’une mosaïque de fractions
islamistes très organisées et mobiles. La stratégie des pays africains et
de l’ONU devra pendre en compte toutes ces spécificités sans courir le
risque de déstabiliser davantage la région comme ce fut le cas en Libye.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

CONCLUSION

La géopolitique de l’Afrique de l’ouest est un domaine qui change


beaucoup et très vite, nécessitant une mise à jour permanente. Les
problèmes endémiques de cette région, sont dus au fait que la carte des
États ne correspond pas à la carte des ethnies. Ainsi, l’unité nationale
n’est pas suffisante. D’ailleurs, il est important de constater que les
États à forte identité nationale sont ceux qui réussissent le mieux aux
niveaux économique, politique ou du développement.
Une question se pose : le nouveau positionnement de l’Afrique, au cœur
des intérêts géostratégiques planétaires, va-t-il lui être bénéfique ? Rien
n’est moins sûr. Les places laissées vacantes par la France et le
Royaume-Uni sont chères. On sait que l’affrontement Chine-États-
Unis autour du contrôle du pétrole. L’Afrique occidentale ne constitue
qu’un nouveau point chaud de la lutte des Grands pour la domination.

46

Page 283 of 321


Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

BIBLIOGRAPHIE
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Sciences Economiques, Université de Nice Sophia Antipolis, juillet,
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9. FMI (2012). Rapport sur la stabilité financière dans le Monde 2012.
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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

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11. FMI (2012). Moniteur des finances publiques, Octobre 2012.
12. FMI (2012). Perspectives économiques régionales : Afrique
subsaharienne, préserver la croissance dans un monde incertain
Octobre 2012.
13. FMI (2012). Perspectives économiques régionales : Afrique
subsaharienne, Entretenir la croissance dans un climat mondial
d’incertitude, Avril 2012.
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politiques communes des pays membres, Mars 2012, No 12/59.
15. FMI : Rapport N° 12/117 Côte d’Ivoire FMI : Rapport N° 11/328
Côte d’Ivoire
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18. FMI : Note d’Information N° 12/132 Bénin
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21. FMI (2012). Bulletin FMI, Le FMI et la Banque Mondiale un
allègement de la dette pour la Guinée 26 Sept 2012.
22. FMI : Rapport FMI N°12/109 F Niger
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24. UEMOA (2012). Rapport semestriel d’Exécution de la
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semestriel d’Exécution de la surveillance multilatérale, Dec 2011.
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50

Page 287 of 321


Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Table des matières


Sommaire ..................................................................................................... 2
INTRODUCTION ....................................................................................... 3
Chapitre 1 : LES INDICATEURS GEOGRAPHIQUES DE LA SOUS
REGION OUEST-AFRICAINE ................................................................ 4
1. Présentation de la région ..................................................................... 4
2. La population au cœur des stratégies de développement ................. 7
Chapitre 2 : LES ORGANISATIONS ECONOMIQUES D’AFRIQUE
DE L’OUEST ............................................................................................. 13
1. L’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) ................................ 13
2. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) .............................................................................................. 16
3. Une politique plus volontariste ......................................................... 18
Chapitre 3 : SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE EN
AFRIQUE DE L’OUEST ......................................................................... 21
1. Produit Intérieur Brut (PIB)............................................................. 21
Sources : Données CEDEAO, 2012 ................................................... 22
2. Impact sur les économies de l’Afrique de l’Ouest .......................... 24
3. Perspectives économiques de la sous-région.................................... 25
Chapitre 4 : L’AFRIQUE DE L’OUEST, NOUVEAU « THEATRE
DES OPERATIONS » DU TERRORISME MONDIAL ...................... 27
1. Caractéristiques de l’espace sahélo saharien favorables aux
groupes islamistes ................................................................................... 27
2. Les groupes terroristes présents en Afrique de l’Ouest ................. 29
3. Modes opératoires des groupes terroristes ...................................... 33
4. Existe-t-il une menace terroriste sur le transport aérien en Afrique
de l’Ouest ? ............................................................................................. 37
5. Vers une « grande alliance des terroristes islamistes» en Afrique
de l’Ouest? .............................................................................................. 39
6. Quelle stratégie pour enrayer le phénomène terroriste en Afrique
de l’Ouest ? ............................................................................................. 41
CONCLUSION .......................................................................................... 46
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................... 47
Ouvrages généraux ............................................................................. 47
51

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science Politique / Semestre 2

Ouvrages spécifiques .......................................................................... 48

52

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Géopolitique de l’Afrique de l’Ouest

Géopolitique de
l’Afrique de l’Ouest
Frédéric MEMEl

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

Géopolitique de la
Méditerranée
Saturnin GAUDET

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Géopolitique de la Méditerranée

Géopolitique de la Méditerranée

Saturnin GAUDET

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

I. INTRODUCTION

1. Le cadre théorique, la géopolitique une science en


évolution
La géopolitique est une discipline instable en plein mouvement.
Les auteurs et théoriciens en les matières du début du 20eme siècle
reviennent de plus en plus dans les cercles de réflexion. Des auteurs
comme Harold Mackinder, Alfred Mahan et Nicholas Spykman.
Ces trois auteurs analysaient l’évolution des RI selon une
approche système monde. Cette géopolitique qualifié de matérialise
entendait alors faire ressortir le lien fort entre l’environnement
(géographie) et la puissance de l’Etat. Cependant elle connait des
failles, des limites. Alors que disent ces auteurs et quelles sont les failles
dans leurs approches de la géopolitique ?
1.1. Friedrich RATZEL (1844-1904)
Considère comme partissent du darwinisme il est fondateur de la
géographie moderne
Pour lui l’Etat est un élément central dans sa réflexion en
géopolitique, l’Etat est vu comme un organisme vivant et des
organismes qui entretiennent avec le sol donc l’espace un rapport
puissant et nécessaire et doit de ce fait être considéré sous l’angle
géographique. C’est dans ce sens que Ratzel développe sa notion central
et son espace vital. Pour li la puissance démographique (la population)
économique de l’Allemagne doit permettre à celle-ci de dominer
l’Europe (c’est même sa vocation selon Ratzel) et même le monde il
ajoute sa survie en dépend. Par ailleurs selon Ratzel, l’homme politique
doit toujours avoir une grande importance pour le facteur géographique.
En outre, les Etats forts sont selon Ratzel basés sur des peuples forts
bien encrés au sol et termine pour dire que la hiérarchie des peuples
place en première position l’Allemagne (les plus forts) serbes et

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Géopolitique de la Méditerranée

polonais le plus faibles et juifs vue comme des peuples inorganisés et


doivent être par conséquent exterminés.
1.2. Rudolf KJELLEN
Kjellen suédois qui reprendre et précise les thèses de Ratzel et va
alors forger en 1900 le thème de géopolitique dont l’objet serait selon
lui l’analyse de l’Etat vue comme organisme géographique tel qu’il se
traduit dans l’espace. Pour cet auteur le territoire c’est-à-dire l’espace
est la source cde puissance, de vitalité de l’Etat. Il constitue le
fondement matériel de la nation avec lequel est établie une relation
solide nécessaire et immuable. Il va distinguer trois éléments majeurs
a- L’espace
b- Le domaine
c- La position de l’Etat
Selon lui un Etat vigoureux dans un espace bien limité se trouve sous
l’impératif catégorique d’élargir son espace.
1.3. Alfred MAHAN
Mahan, amiral américain, va s’intéresser aux échecs répète de la
marine française qui selon lui serait dû à la position géographique de la
France, à l’alternance d’une politique de développement navale et de
domination. Pour mahan s’agissant des USA pour devenir une
puissance mondiale les Etats-Unis doivent pouvoir maitriser les mers.
Cette maitrise des mers serait déterminée par cinq éléments essentiels
a. La position géographique
b. La formation physique
c. La production naturelle (l’économie)
d. Le climat
e. La taille du pays, sa population et le
tempérament de la population.

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

Il ne s’intéresse pas uniquement au cas français il va également se


pencher sur la situation de l’Asie (ancien japon). Du constat qui dégage
celui-ci formera quatre idées majeures
a. Inégalité et hiérarchie des races qui fonde une hiérarchie de
civilisation
b. Suprématie de la civilisation occidentale d’où son droit à
l’expansion
c. Soutient que le monde se résume à un combat permanant
d. Menace permanente des barbares (étrangers) sur l’occident qui
doit donc organiser sa défense en fessant une bonne analyse des
rapports de forces dans le monde.
Pour Mahan donc la politique internationale est une question de
rapport de force faite de concurrence pouvant découler sur des conflits
ouvert. Ce recourt à la force d’autant plus normale que le droit
internationale est une illusion. Par conséquent la guerre est moralement
justifiée. Mahan n’est pas partissent de l’isolationnisme mais de
l’interventionnisme : les Etats-Unis doivent s’investir hors de leurs
frontière.
1.4. MACKINDER Halford
Britannique, Mackinder est vu comme le plus illustre en matière
de géopolitique. Il cherchait à savoir comment le royaume uni pourrait
se maintenir comme puissance première face à deux concurrents
majeurs (Etats-Unis, Allemagne). La puissance se déplaçait des mers
vers les terres plus encore se mettait en place l’alliance Russie-
Allemagne. Pour contrer cette nouvelle donne Mackinder va préconiser
deux choses :
1. une alliance royaume unis-Russie et même la France dans le but
d’isoler l’Allemagne,
2. s’appuyer sur des Etats satellites pour contrer l’Allemagne
C’est l’idée précurseur de la politique de l’endiguement. C’est en
fonction de cette politique que Mackinder va définir sa célèbre idée de
4

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Géopolitique de la Méditerranée

1904 « qui contrôle le cœur du monde commande à Lille du monde


contrôle le monde ». En définitive, il pense que les puissances
maritimes sont trop exposées par rapport aux puissances terrestres. Il
estime que les données physiques géographiques sont des éléments
déterminants dans les rapports de force entre les Etats.
1.5. Nicolas SPKYMAN (1880-1943)
Nicolas s’intéresse surtout aux facteurs espace et taille d’un
territoire et leurs influences sur la politique extérieure des Etats. Pour
lui la géographie ne détermine pas mais conditionne, offre des
possibilités et impose qu’elle soit utilisée. La seule liberté de l’homme
demeure sa capacité d’employer à bon usage, escient. Pour lui pendre
en compte la taille d’un Etat cars un Etat long et étroit tend selon lui à
se désintégrer. Il explique que puisque les caractères géographies des
Etats sont relativement stables donc leurs ambitions restent les même
pendant longtemps et parce que les relations internationales (le monde)
n’ont pas encore atteint (à cette époque) cette situation ou les ambitions
de chacun n’entreront pas en conflits avec celle des autres, ces
ambitions sont sources de tension. Pour Nicolas la géographie est à la
base des conflits que connait l’histoire. C’est donc la taille d’un Etat qui
est l’élément important quand à sa politique sur son comportement
(c’est le cas du Royaume-Uni, ile modeste qui va chercher sa puissance
sur les océans). Il va reprendre l’idée du Heartland de Mackinder et y
ajouter son idée de Rimland8 qui est selon lui le domaine des puissances
maritimes. Il soutient que les relations internationales c’est-à-dire la
lutte entre les Etats se déroule entre le Heartland (domaine des
puissances terrestres) et le Rimland (le domaine des puissances
maritimes).
II. L’ECOLE REALISTE (matérialiste)
La définition que donne cette école de la géopolitique c’est
qu’elle est l’étude des rapports entre l’activité politique et
l’environnement (espace, géographie) c’est-à-dire les influences du

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

territoire demeurent primordiales. L’analyse ici pose que les activités


des humains peuvent être saisies à partir des causes (élément territorial).
Ce sont les éléments du territoire donc de la géographie qui
déterminent, influencent les humains.
1. Les champs de l’école réaliste
Selon jacques Levy dans (géographies du Politique) la
géopolitique s’intéresse à des phénomènes dont les acteurs sont des
Etats pris comme entité isolable et indépendante et le moteur la
tendance de l’Etat à dominer les autres. Quoique les réalistes aussi
prennent en compte la géographie (espace), il faut noter, espace dans
lequel se déploie le politique vue comme nécessairement conflictuel
dont l’analyse relèverait de la science politique. L’espace chez les
réalistes n’est que la position, l’endroit où se situent les Etats ils
impliquent les éléments économique (les industries, les ressources
naturelles l’urbanisme), des éléments qui peuvent devenir des enjeux de
la lutte. Le réalisme place donc l’Etat au centre de toutes leurs analyses
politique, l’Etat est vue comme l’acteur principal voie unique des
relations internationales. Dans ses rapports de force (la lutte des
pouvoirs) face à ses concurrents ce dans une perspective globale.
2. Les objets de la géopolitique
D’abord et avant tout la géopolitique cherche à comprendre le
comportement des Etats dans leur action sur la scène internationale. Elle
permet aussi de faire ressortir les zones de tensions, de fractures de voir
les rapports de force sur le terrain. Elle permet d’aller au-delà des
sentiments et des descriptions simples voir simpliste si tant est que l’on
veut faire ressortir les dynamiques profondes qui stimulent la politique
extérieur d’un Etat. Pour ce fait, l’analyse géopolitique se base sur des
faits c’est-à-dire des forces en présence, des alliances, des opérations
militaires, la diplomatie etc… quoiqu’il en soit une bonne analyse
géopolitique peut se faire sans faire référence au passé.

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Géopolitique de la Méditerranée

a. Les postulats de l’école réaliste

- L’Etat est considéré comme l’acteur principal et unique dans


l’analyse des relations internationales
- Le système international (régional) est caractérisé par l’anarchie
dû à l’absence de gouvernement en dessus des Etats
- Tous les Etats ont pour objectifs principal la recherche de la
puissance
- Souveraineté de chaque Etat qui lui procure le monopole de
l’usage légitime de la force sur son territoire
- Pour les réalistes, à part l’Etat, toutes les autres entités
(organisations internationales, acteurs transnationaux) ont une activité
faible voie nul dès lors qu’elles ne sont pas souveraines. Alors, selon
l’école réaliste :

Qui fait et veut quoi Acteurs, action et ambitions


Comment Mode opératoire
Quand Le time ming (le tempo)
Ou Lieu (espace géographique)
Avec qui Alliés (alliances)
Contre qui Adversaire, l’ennemie
les moyens Les dispositions militaires,
la diplomatie

b. Les méthodes en géopolitique


o Bien définir les enjeux (la lutte pour le contrôle d’espace, le
territoire qui ont un intérêt stratégique.
o Identifier l’espace géographique
o Identifier les différents acteurs
o Comment préparer un travail géopolitique

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

En introduction : présenter brièvement la crise et les conflits, poser


l’enjeu ou les enjeux
Le corps du sujet va s’attacher à suivre les étapes identifiés (les
territoires des acteurs), donner une analyse explicative avec si
possibles une critique des représentations (les idées des uns et des
autres acteurs) des positions et actions à la base du conflit
La conclusion doit reprendre les enjeux ou l’enjeu en développant les
principaux facteurs explicatifs. On peut conclure en ouvrant des
perspectives (sans prophétie), en évitant les conclusions définitives
(qui seraient non scientifique).

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Géopolitique de la Méditerranée

CHAPITRE I : LA MEDITERRANEE
La méditerrané s’épare deux vaste ensemble géopolitique aux
évolutions divergentes voir opposées, celui d’Europe et celui du
Maghreb et le moyen orient symbolisés d’une part par la Rive Nord
d’autre part par la rive Sud géographiquement parlant. Depuis
l’antiquité, la méditerrané est vue comme un trait d’union entre ces
différentes régions qui a permis le développement d’un brassage à
plusieurs niveaux (cultures=religion ; économique ; politique etc…) de
nos jours, elle est d’avantage perçu comme une ligne de fracture entre
une rive nord (riche et développée) et une rive sud (pauvre et au
développement problématique). Malgré les coopérations et la
proximité, l’écart est loin de s’atténuer entre ces deux régions. La mer
est donc une mer semi fermée entre l’Europe, l’Afrique, l’Asie et relié
à l’atlantique par le détroit de Gibraltar (longueur=60 km, largeur=12
km, profondeur environ 400m) il a été tour à tour contrôlé par captage
à Rome, Byzance, Andalousie, Portugal Espagne et la grande Bretagne
depuis 1704 à nos jours
1. La méditerranée et ses enjeux
Le climat méditerranée hiver doux, été très chaud 25° 40°, les
précipitations sont rares, quasi inexistantes. Elle a une superficie
d’environ deux millions cinq cent mille kilomètre carré de Gibraltar
jusqu’à l’est ce se environ 3860 km. Elle se subdivise en deux bassins
qui communiquent entre eux par le détroit de Sicile au sud de l’Italie.
De la distance ouest de Gibraltar au Cap bon (Pointe nord-est de la
Tunisie et situé sur la méditerranée). Sa distance est de 1600 km, tandis
que le bassin oriental s’étire sur 2100 km. Elle a une profondeur
moyenne de 1500 m à 5267 m avec une population d’environ à
427000000 ce qui correspond à 7% de la population mondiale. Les
projections pour 2025 sont de 524000000. De par ces dimensions il
s’agit d’une mer étroite, la caractéristique majeur que l’on connait de la
méditerrané c’est quelle forme un carrefour entre trois continent
EUROPE ASIE AFRIQUE et partant de trois aires de civilisations qui
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

l’on modelé est défini : il s’agit du nord essentiellement chrétiens de


l’est d’une part les judaïsmes et de l’islam au moyen orient. Il ne s’agit
pas de culture ou de moyen étanche séparé mais au contraire il a eu des
approcher des unes vers les autres donc un brassage des civilisations et
des cultures.
1.1. Les grandes routes maritimes
De par sa position géographique (entre trois continents), il est
évident que la méditerranée joue un rôle important dans les échanges
commerciaux. Morcelé mais non fermée, la méditerranée est
relativement facile à contrôler, à aborder a parti de ces points de passage
que sont entre autres les détroits : BOSPHORE, DARDANELLES,
GIBRALTAR, CANAL DE SUEZ.
1.1.1. BOSPHORE ET DARDANELLES
Bosphore 30 km de longueur et Dardanelles 63 km. Ces deux
passages représentent unique route maritime entre la méditerranée et la
mer noire fessant d’elle le véritable nœud stratégique de l’EURASIE.
Les détroits deviennent incontournables en même temps que l’orient
devenait une question fondamentale dans les relations internationales
au XVII siècles. BOSPHORE se situe à la limite Europe Asie et relie la
mer Tandis que les Dardanelles relient la mer EGEE et la mer Marmara.
Le Bosphore permet de désenclaver la Russie et les Balkans c’est le seul
moyen pour la Russie d’atteindre la mer. 40% du trafic Russe passe par
les Bosphore. Il voit le passage 50000 navires (10000 pétroliers par an
avec 140000000 de tonne de pétrole, 60 navires commerciaux par jour)
en 1960 ils voyaient passer 280000000 de tonnes de marchandises en
2002 ils voyaient 800000. Ce détroit représente une importance
majeure.
1.1.2. GIBRALTAR
L’importance géopolitique s’explique par le fait qu’il est unique
entré du côté de la méditerranée occidentale et communique avec
l’atlantique long de 60 km et environ 12 km de largeur. Il est partagé
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Géopolitique de la Méditerranée

par trois Etats : le MAROC L’ESPANE et le Royaume-Uni.


Géopolitiquement le détroit de GIBRALTAR le trafic qui s’y déroule
90000 à 100000 navires autant allant en Europe qu’aux USA.
1.1.3. CANAL DE SUEZ
Le canal fait partie depuis sa création en 1809 des grandes voies
maritimes reliant la méditerranée et la mer rouge. Il permet de joindre
l’Asie et l’Europe en évitant de passer par le cap de bonne espérance.
L’importance de ce canal, se situe aussi au niveau du commerce et des
échanges. En 2000 on passe de 360 millions de tonnes à 710 millions
de tonnes en 2008. Les frais de péage sont entre autre 4 et 5 milliard de
dollars ce qui constitue la quatrième source de revenu de ce pays.
2. La méditerranée et les pays riverains

2.1. Les pays européens de la méditerranée


Nous avons :
 le Royaume-Uni (Gibraltar)
 l’Espagne
 France (paris)
 Monaco
 L’Italie
 Malte
 La Slovénie (Ljubljana)
 Croatie (Zagreb)
 La Bosnie (Sarajevo)
 Le Monténégro (Porto Rica)
 L’Albanie (Tirana)

2.2. Proche et moyen orient

 Israël (Tel-Aviv)
 Turquie (Ankara)
 Chypre (Nicosie)
 Syrie (Damas)
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

 Liban (Beyrouth)
 Palestine (Ramallah «de facto »).

2.3. Le côté ouest (Maghreb)


 Lybie (Tripoli)
 Tunisie (Tunis)
 Algérie (Alger)
 Egypte (Caire)
 Maroc (Rabat)
2.4. Les pays balkes qui font partie de la rive
nord
 Slovénie
 Croatie
 Bosnie Herzégovine
 Monténégro
 Albanie
2.5. Les pays de la rive sud
 Maroc
 Algérie
 Egypte
 Jordanie
 Liban
 Tunisie
Elle est aussi dénommée rive africaine sans le Liban.
3. Les iles et les subdivisions
3.1. Les iles
On a deux (2) iles italiennes (Sicile)
-Les plus grandes iles
 la Sicile (la plus grande ile de la méditerrané, elle fait
25milles 813km).
 La Sardaigne : 23milles km
 La chypre : 9251 km
 La Corse (France) 8681km
- Les plus petites iles
 inuroli (10km2 (Turquie)
 ile du levant (France)
 Listico 8km2 (Italie)
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Géopolitique de la Méditerranée

 Port-Cros 7km2
La plupart des iles de la méditerrané sont membres de l’OTAN et
la plupart de ces iles notamment Malte et Chypre qui ont permis au
Royaume-Unis d’asseoir sa puissance dans la méditerrané. La crête et
les iles citées ci-dessus ont servi de plateforme pour attaquer la Lybie
(printemps arabe).
3.2. les subdivisions

 la mer Al borane
 la mer Adriatique
 la mer Tyrrhénienne
 la mer Ionienne
 la mer Marmara
 la mer Egée
 la Thrace
 la Ligurie
La méditerrané signifie entre les mers, elle n’est pas uniforme. Il
y a beaucoup de contrastes, de divergences.
 Le sud est Maghreb (Maroc, Liban, Syrie) dominé par
l’islam.
 Le nord occidental est dominé par le christianisme et
l’orthodoxie (Serbie, Croatie)
 Le nord démocratique, stabilité politique et
développement économique
 Sud est : conflit et tension (Maroc-Algérie, Israélo-
palestinien, Turquie-Grèce), faiblesse démocratique,
autoritarisme, transmis depuis le printemps arabe (2011) avec une
unité de langue arabe
 Méditerrané orientale : transition démocratique,
langue dominante le slave et la religion orthodoxie

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

 Rive nord : conflit modéré, Espagne (catalogne), la


Corse
 Sud vers le nord : produits bruits vers le nord
 Nord sud : produits manufacturés

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Géopolitique de la Méditerranée

CHAPITRE II : LA CIVILISATION GRECO-


ROMAINE
Ensemble des caractères politiques, socio-culturels entre la Grèce
et la Rome antique. Il est difficiles d’opérer une distinction nette entre
les deux cultures dès lors qu’il y a eu influence mutuelle entre eux. Il
y’a d’abord la domination de la Grèce sur Rome puis celle de la Rome
sur la Grèce.
I. LA DOMINATION GRECQUE
1. Les raisons de l’expansionnisme grec
Il y’a d’abord des crises socio-politiques qui sont dues à
l’augmentation de la population, au manque de terres et d’insuffisance
de ressource disponible d’où la sortie des grecques pour fonder de
nouvelles cités. Comme élément politique nous pouvons noter le départ
des vaincus afin de s’installer ailleurs. Les grecques sont généralement
de grands navigateurs c’est-à-dire des peuples de mer. Dans son
expansionnisme la Grèce va atteindre la cyrénaïque (Lybie) l’Egypte
(Alexandrie), la ville Bengazi en gaulle (France), Marseille (600 ans
avant JC), Ibérie (Espagne), l’Ecosse. La plupart de ces colonies étaient
des centres de négoces avec les villes comme Marseille, Antipolis.
Fonder la méditerranée occidentale. Synthèse entre la civilisation
grecque et la civilisation romaine la dénomination n’est pas fortune une
est antérieur à l’autre. Ce si pour dire que au départ était la civilisation
grec qui va aller conquit la méditerranée y compris Rome.
II. L’IMPACT DE LA CIVILISATION
1. Art, culture et politique
La plupart des mots des autres langues sont d’origine grecque.
Rome donne la citoyenneté romaine aux vaincus. Le latin grec a été
diffusé dans toutes les régions conquises par la Grèce. Le droit romain
marque la naissance du droit. Le code napoléonien va influencer tous
les Etats latins (France Italie l’Espagne le Vatican). Depuis
l’officialisation de la religion chrétienne, le latin est la langue de
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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

l’église. Du point de vue éthique la règle d’or (éthique de la réciprocité


« ne pas faire à autrui ce que tu voudrais pas qu’on te fasse »). Rome a
été la capitale de l’empire romain pendant 3 siècles (357). Le
christianisme devient la religion légale au 3eime siècle après JC et la
religion officielle en 380. Le Vatican est le seul Etat enclavé dans une
ville. La Rome est aussi appelé la ville éternelle, la ville aux 7 collines.
La Grèce a laissé dans son sillage de domination des disciplines comme
la philosophie, la monogamie la géographie, les mathématiques, la
médecine, la rhétorique, la dialectique, le théâtre, l’architecture. La
démocratie vient de la Grèce.
2. Etude de cas : MARSEILLE

 Proximité avec la méditerrané


 Le climat méditerranéen
 Hiver agréable
 Commerce marchandise, ports
 La plus ancienne ville de France
 Ville d’échanges avec le proche orient le méditerrané
oriental, occidental l’Asie l’Europe de l’est
 Premier port français et second en méditerranée et
cinquième en Europe
 Deuxième commune de France
 Troisième ville après paris et Lyon
 Importance géopolitique et géostratégique lieu ou à
commence la diffusion de l’écriture en gal France
 Point important pour le début de la colonisation
française mais aussi pour la décolonisation
 Ville d’immigration, cosmopolite forte communauté
grecque depuis le
 Présence des trois religions du monothéisme le
christianisme, le judaïsme 6eme S et l’islam
La domination romaine.
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Géopolitique de la Méditerranée

III. LA CIVILISATION ROMAINE

Quand on parle de domination romaine il s’agit de l’entité


politique qui s’étend d’est en ouest de la méditerranée. L’empire
romain en tant que telle part de 27 avant JC à 476 après. Il sera
divisé en deux en 395 ce qui fait qu’on aura deux entité d’une part
l’empire romain occident est et qui prend fin au 5eme siècle 476
et d’autre part l’empire romain oriental ouest. Empire byzantin
Byzance capitale Constantinople, actuel Istanbul connaitre sa
chute au 15eme siècle en 1453. L’empire romain était
autocratique. Il s’étendait sur 4millions de kilomètre carré pour
une population d’environ
Une forte remarque au niveau de la domination romaine
Le christianisme sera décrété religion officielle par
Constantin au 4eme en 380.
- L’empire romain d’occident
L’empire romain d’occident est du côté ouest de la
méditerranée à la fois le Maghreb et l’Europe occidentale il a
duré de395 à 476 soit 80 ans avec pour capitale Rome il n’arrivait
pas en orient population d’environ 25 millions d’habitants. La
chute était due aux attaques incésens de Rome de par sa position
géostratégique
Rome sera remplacé par Constantinople qui devient la ville
la plus importante de la méditerrané au 4eme et au 5eme siècle.

- L’empire romain d’orient


C’est le côté est de la méditerrané (proche et moyen orient)
il va garder une grande partie de l’héritage romaine quoi que dans
certain domaine comme la religion
L’église catholique romaine d’un côté avec comme siège
Rome de l’autre l’église orthodoxe côte orientale Constantinople
cet empire va dominer les Balkans, l’Asie mineur (actuel Turquie,

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Les manuels de l’IUA-Licence 1 Science politique / Semestre 2

chypre, la Grèce etc.) 2millions et demi pour 17millions


d’habitants
Constantinople (constantinopolitain) fondé par Constantin
1 ancien Byzance fondé au 4eme en restera capitale de l’empire
romaine de 330 à 1930 16 siècles. Sainte Sophie première
basilique de la sainte consacre à la chrétienne de par son prestige
à partie des 4eme siècles Constantinople sera nommé 2 Rome. La
manière que Constantin a fondé Constantinople de sorte à ce
qu’elle soit protégée. A niveau du césaro-papisme il y a une lutte
entre le pape et le roi pour la détention du pouvoir.

A- LE JUDAISME
Il appartient aux 3 religions monothéistes. Ils sont encore
pratiqués aujourd’hui. Il bénéficie du brassage de deux autres
religions monothéistes (le christianisme et l’islam).
1- La diaspora
C’est la dispersion d’une communauté à travers le monde.
La 1ere diaspora survient après la prise de Jérusalem par Rome
en 63 avant JC. Il y a une expédition des juifs à Rome comme
esclave, pis en Egypte et en Syrie. Cela marque la 1ere présence
juive dans les pays de la méditerrané surtout en Italie.
2- La 2eme vague
La 2eme vague arrive en Espagne. C’est dans cette
seconde vague que vont émerger les juifs
- Ashkénazes : ils vont se disperser en Italie en Syrie etc.
- Juifs sépharade : ils appartiennent au bassin méditerranéen on les
retrouve avec pour berceau la Grèce.
C’est avec les intellectuels juifs ashkénazes d’occident que
ça naitre le sionisme. C’est à partir du sionisme que va naitre
l’Etat d’Israël. Les juifs sépharades vont également s’installés

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Géopolitique de la Méditerranée

en France, Allemagne. Les juifs arabes sont des juifs s’inscrivant


dans l’espace linguistique et culturel arabe.

B- LA CIVILISATION ISRAELO-ARABE
L’islam rejoint le christianisme et le judaïsme comme
religion monothéistes. L’islam est caractérisé par les 5 piliers :
la profession de la foi, les 5 prières quotidiennes, l’aumône
légale, le pèlerinage a la Mecque et le jeune de ramadan. Il existe
beaucoup de différence en son sein dont les plus connues sont :
sunnisme et chiisme. Ils apparaissent au XXe siècle.
1- Son expansion
L’arabe n’est pas la première langue au niveau de la méditerrané et du
Maghreb. A l’origine c’était le berbère. Il existe une forte opposition
entre berbères et arabes car les berbères seront colonise par les
arabes. En Egypte on n’a 85 millions d’habitants avec une minorité
copte. Le Liban a environ 4,8 millions d’habitants, 17 communautés
composés de musulmans, chiites, alaouites et les grecques
orthodoxes. L’islam domine en partie la méditerrané. C’est l’exemple
de la prise de damas en 635. Jérusalem en 638 l’Egypte, Palestine, la
méditerrané orientale, la chypre, la Grèce ont été sous la domination
arabe. C’est aussi le cas de l’Espagne, la gaulle en 732 (Poitier),
Constantinople etc. dès le 7eme au 15eme siècle il y a eu la traduction
des œuvres grecques en arabe. Ils vont structurer les maths, l’algèbre,
la chimie. Les grands scientifiques sont IBN SINA (iranien), IBN
BATTUTA (algérien) et IBN KLALDOUM (tunisien, père de la
sociologie moderne). Les chiffres arabes ont été emprunté aux
indiens et mis au point au Maghreb. La civilisation arabe a duré 4
siècles
OTTOMAN
La domination ottomane a duré 6 siècles et il aura été aussi
expansionniste come ses prédécesseurs. Le Kalifa pose des enjeux au
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niveau du Proche-Orient. Il va s’emparer de Constantinople. Cet empire


s’est allié à l’Allemagne pour la première guerre mondiale. De par sa
puissance l’empire ottoman va s’appeler sublime porte. 4 milles 800
km2 a son début en 1299, il passera à 5 millions 200milles km2 à son
apogée au XVI siècle. En 1856, il comptait environ 35 millions
d’habitants qui passent a environ 14 million à sa chute. Il représente à
sa chute environ 700000 km2. Il disposait de 4 capitales dont la plus
importante était Constantinople.
L’EMPIRE D’OTTOMAN ET LES PROBLEMES
GEOPOLITIQUE
Vu l’importance de la méditerrané (passage et
l’importance majeure du commerce qui s’y déroule) on constate
que son étendu est à la fois source de faiblesse et source de
puissance. Ces difficultés se rencontrent à 2 niveaux essentiels
- Contrôler ces territoires depuis la capitale : les problèmes internes
qui tournent autour du leadership parce que le sultan est à la fois
sultan et calife. Cette situation crée de nombreuses instabilités
- Les reformes la modernité se heurte au conservateurs du XVII
siècle.
LES LUTTES DE RIVALITES
L’une des puissances qui menaçait l’empire ottoman était la
Russie. La Russie avait pour intention de s’étendre vers la Crimée
appartenant à l’empire ottoman, le détroit et les mers chaudes. La
Russie se considère comme la 3eme Rome et a pour ambition de
s’étendre. Le royaume uni va soutenir l’empire ottoman. La grande
France a pour rôle de protéger les minorités chrétiennes (Syrie, Liban).
Des 1915 la Russie reprend Constantinople et le détroit. Pendant la 1er
guerre mondiale, le royaume uni live sa protection qui a duré 100 ans.
En outre, toutes les positions changent pendant la guerre et même la
France cherche à se maintenir dans le bassin méditerranéen.

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Géopolitique de la Méditerranée

La question de l’orient est l’ensemble des problèmes pose par le


démembrement de l’empire ottoman aux puissances européennes il
débute en 1774 prend fin avec la fondation de la république de Turquie
en 1923.
Trois temps fort en termes de traite
Traite de sèvre 1920 démembrement de l’empire ottoman, sa mise
sous contrôle britannique France et italique (refuse par les nationaliste
turque mené par Mustafa kenal (Atatürk)) crise interne turque débouche
sur une guerre civile Grèce Turquie 1922 guerre
Ottoman 1er guerre mondiale allie à l’Allemagne l’autiche
Hongrie et la Bulgarie sortie défaite de cette guerre face à la France
l’Italie et la Grèce
Traité de Lausanne 1923 accepté par les nationalistes turques
Les accords sykes /picot. La guerre turque a été gagnée par les
nationalistes. La turque s’engage en guerre contre la Grèce, l’Arménie
et les kurdes. Cette même Turquie engage une guerre contre les troupes
d’occupation. En mai 1916, l’accord de sykes picot est à la base de la
naissance de l’Etat d’Israël ; entre la Russie et le royaume uni. La
Palestine tombera en ce même moment entre les mains du Royaume-
Uni, le conflit entre la Grèce et la Turquie est né du partage de l’empire
ottoman parlent gagnants de la première guerre mondiale l’empire
ottoman était allié à l’Allemagne, l’Autriche Hongrie la Bulgarie. La
Grèce cherche à libérée des territoires où se trouvent des grecs c’est
leurs projet de regali idea = Grande idée. La Grèce prétexte également
d’une population orthodoxe à protéger .Elle met en évidence son
autorité territoriale. Elle a aussi pour projet de rendre l’empire ottoman
à la chrétienté. Elle a enfin pour ambition de refaire un empire byzantin
Le grand bouleversement géopolitique
Le royaume uni appui la Grèce dans son ambitions sans toutefois
froisser la France qi soutient la Turquie. La Turquie est aussi appuyée
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par l’Italie. La France et le royaume uni évitent de se retrouver dans un


conflit avec la Turquie. La Turquie reconnait ses pertes territoriales.
Aujourd’hui l’empire ottoman qui est la Turquie se retrouve avec
700000 km2.
Le nationalisme est un principe qui émerge au 17eme siècle qui a
pour objectifs fondamentale de légitimer l’existence d’une nation ou
mettre en évidence une nation.
LE SIONISME
Le sionisme avec la destruction du temple de Jérusalem les juifs
veulent retourner en Israël pour plus de sécurité. Il y a aussi le
phénomène de l’aristotélisme en Europe au 19eme siècle. En Israël la
crise prend une ampleur politique en 1897 avec le mouvement sionisme
de THEODORE HERZ. Il est juif austro-hongrois, intellectuel, il est le
premier à développer l’idée de foyer. C’est sous le mandat britannique
sur la Palestine que le royaume uni attribue un foyer nationale aux juifs
en Palestine à partir de ce qu’on appelle la déclaration Balfour par la
SDN en 1922. En 1948 il y a eu une arrivée massive des juifs au temps
l’antisémitisme (contre les intérêts du peuple juifs) baignait en
puissance en Europe autant il y a eu une arrivée massive des juifs en
Palestine. Le sionisme est un nationalisme qui est prôné par la diaspora
juive ashkénaze en terre Palestine. La proclamation de l’Etat d’Israël en
1943 va provoquer la montée du nationalisme arabe qui est aussi appelé
le panarabisme. Il n’était pas orienté contre Israël au départ mais plutôt
contre la présence coloniale. Son but est de s’opposer à l’émigration des
juifs, s’opposer à la présence britannique. Le royaume uni remet alors
son mandat à l’ONU qui va procéder au partage de la Palestine en deux
Etat l’un juif et l’autre arabe. Dans ce partage Jérusalem est mis de
côtes, Jérusalem a un statut international car c’est une ville symbolique
chargé d’histoire. Face à cette situation les juifs acceptent le partage
mais les arabes le rejettent et en 1948 1949 nous assistons à la première
guerre.

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a- L’histoire
b- La culture
c- La langue
Ce panarabisme était laïque qui induisait la séparation entre le
religieux et le politique. Plus tard, ce panarabisme devient politique et
lorsqu’il se politise il a pour objective majeur de se dégager de la
domination coloniale. Il va s’engager dans trois objectifs majeurs
a- Fondé l’Etat arabe
b- Définir ne citoyenneté arabe
c- Faire fi les frontières artificielles imposées les
puissances coloniales
Il aura pour points centraux Yémen, l’Arabie saoudite, le Liban.
Lorsqu’il arrive en Egypte, Nasser devient alors un leader du
nationalisme arabe. Le nassérisme est un nationalisme à sa façon. Sa
vision est que le nationalisme arabe soit unifié et mise sous la tutelle
d’un seul pays : l’Egypte. Nasser va s’engager dans trois directions :
a- Pour Nasser c’est la liberté des pays arabes
b- Le socialisme
c- L’unité du monde arabe en une nation
Avec son influence sur la scène internationale (mouvement des
non-alignés) et le nationalisme se pose en leader du monde arabe. Dans
la crise du nassérisme, il y a eu un échec entre l’union Egypte- Syrie et
l’Egypte n’oublie pas les moyens pour fédérer les Etats arabes
2- L’Egypte cherchait à dominer le monde arabe
La guerre des 6jours va mettre fin au panarabisme et au
nassérisme en 1967. Elle opposait les pays arabes Egypte, Jordanie,
Syrie et Israël. En juin 67 elle sera un échec pour les nations arabe cela
va aussi modifier la géopolitique de la méditerrané. Apres juin 67 il y a
un remodelage de la géopolitique. Le Sinaï et la bande de gaza sont
perdus par l’Egypte. La Syrie perd le plateau de Golan et la Jordanie
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perd la Cisjordanie. Apres cela, nous assistons à la montée du


nationalisme palestinien.
3- Le nationalisme palestinien
Il est né en Palestine avec pour leader Nasser Arafat en 1964. Il a
pour objectif de mettre fin l’existence d’Israël et de faire revenir la
Palestine dans la nation arabe. L’OLP va beaucoup assoupir et tenter le
dialogue avec l’Etat d’Israël dont le plus récent est le processus et les
accords d’Oslo (Norvège) et à Washington D.C en 1993 entre les
palestiniens et les israéliens. C’est après cet accord que l’OLP reconnait
Israël et Israël reconnait l’OLP.

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Géopolitique de la Méditerranée

Géopolitique de la
Méditerranée
Saturnin GAUDET

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