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ans Bach, la théologie is zs x ee de , Serait dépourvue eee a i ae % n u se be A objet, la Création fictive, le néant péremptoire. Sil y a quelqu’un he, a ff st ee t 4. ‘ we (hh spe qui doit tout 4 Bach, he eee a gre a a pee) c'est bien Dien. 9:9 Pies pel gy! 4 Bete HET el ple, heyy ke uy weet, Cioran ne Bae Syllogismes de Pamertume imard, 1952 Partition de ta premiére version ‘ee SS Be ae (7a7-1729) area : dea passion seton saint wattnie, | hy Yh ty Rage Wey hp Bach a utilisé l'enere rouge Bete rool we Os eae = ea sour les paral de 'Evangdiste bp go gen ES comme pour signifi attention, parole sacrée ! Deutsche Staatsbibliothek, Berlin. | A Pee fe tH, | Chose 2h Stee wtih ep Peet ig tebipee ob See ci eine as jes fF 2 e got gd phe Saye So Bat 88 4 rb PED + Sip ae So antee i dm LIES | buf kelp NPs & ob phpinft dy HU DI ig ; eke eee oa [ln x |e : oe oe Pg BRT aU il Laws es fem be 7 ee ee is Usted ay RYU cevute Cee feiss FB gee aptistiphi copay. on eee " i a thas Sey oe. ‘ te 7 > se eat hile oe ae 4) es a esd Chez les Bach, la musique est affaire de famille depuis déja un siécle lorsque l'enfant parait, en 1685. Jean-Sébastien n'échappe pas & la tradition lui qui d&s son plus jeune age se jette avec avidité sur la moindre partition. Orphelin, pressé de subvenir & ses besoins trés tét, le grave adolescent, puis I'adulte exigeant va caresser tour a tour ou en méme temps plusieurs métiers enseignant, instrumentiste polyvalent, chef d'orchestre, compositeur, tout en passant de ville en ville au gré des tracasseries que ne manquent pas de lui faire subir les diverses higrarchies ecclésiales. Derniére étape, Leipzig, ou il deviendra directeur musical de la ville, avant de s‘éteindre € & soixante-cing ans. Maitre de I'harmonie, guidé sa vie durant par une foi fervente, il n'aura exploré toutes les tonalités que pour accéder & la Lumiére. la passion selon Jean-Sébastien honorable bourg: zig recoit en ses salons. Un at teur improvise au clavecin sur bourdon d dain, la slhouett oisie de L Bach p . Son noit habit de can- tor ombre de sévérité sa physio. nomie bonhomm: Pétrifié, le claveciniste leve les bras, laisse en sus pens un accord dissonant; puis saute de son siége Bach traverse la pide, négl acontre. I maison qui se porte 4 sa file droit au clavecin, résout, conelut Vaccord 2 doit. Ensuite seule son héte et lui fat sa révéren comme i ‘ent il marche vers Diva surgissait cet homme qui plagait les lois d'une harmonie intemporelle aui-dessus de celles de la civilité? Du chaos, du pillage, du saccage d'une Allemagne saignée de la moitié de sa popit= lation par la guerre de Trente Ans (1618-1648) um pays, en 1685, mais 3 Eisenach, bourgade corpusculaire d'un puzzl de 350 subdivisions terricoriales done les lans- Bach ne nait pas d [BACH annaces 08 quenets bornent la découpe. La langue méme tra duit cette mosaiqu rugueux mating dinfluences slaves, 4 base d'allemand rural ahi par le mes. Le sens di frangais, colonisé pat les italian ‘mor bach porte en lui une magnifique impesei~ sion sous sa racine hongroise (musicien ambu- lane), ou plus germanique (cau courante). Jean-Sebastien personnitieta cette dual ‘De bourgs en villes, impérial & Torgue, le compo- siceur 3 Pinspiration torrentielle deviendra V'insur~ passable évangeliste du seul verbe qui innerve et ‘unit le corps supplicié de son pays : la Parole de Dieu, Dans la liturgie réformée par Luther, le cho- ral (ou cantigue) rehausse la puissance du Verbe IL est la pierre de voate de V'édifice spiriuel, le mor- tier de V'espérance humaine. Le chanter a phy voix, ct en langue valgaire, soude la commen Liexalter Vorgue unit au divin. Le choral nimbe la quigcude domestique, irradie le temple, rigle les servitudes communales, réfréne la frivolité dans les cours, Cette musique amniotique « wionjorte cen qu sone estes ou bien effiaye ceux: ui sontjoyews, rend courage aur désespérés, Athi les orgucilleur, apaise les amemrte, adoucit coe gui hassent», proclame Luther, tout heureux que « Satan la déeste for» Johann Sebastian grandit sous Nombre tatlsre de cing générations de Bach maviciens, qui laiwérent 94 partitions dans la bibhioehéque finale, Une base fondarice transmise et ensichie de pere en fk. Son pire, Johann Amibrosts, brase fs big, taquine la vole ete violon, rouse & Poccasion des airs de fanfare. Son oncle, Johann Christoph, Sillusie 4 Vongue de 'élise ce compositeur au talent didactique signa méme un reeuel d'euvres pédagosgigues qui, semble-Cil,inluenga jasqu's Pachelbel, Les deus frees cieunent bi vedete dans ta petit ville d'Eisenach «Hs saimaent a pls haut degre, ts étaient se lables Pun a Pautre que mie leurs femmes ne par print pi bs tinge. oe] Fajon deep forme desprit, tout tat identique. Et méme en ce ui concme la misigue il my avait pas de difrencs; it jonaient de maniére égae et interpésaient deta tide menide [..] lt mauranent& peu de distance tan de Pantse! © Aune épague oi Vespérance de vie avorsinait les ttente any, le jeine Bach se trouve orphlin de mére A neuf ans, puis, quelques mois apis, orphe~ lin de pére et doncle. Un rud latine pour tout bagage, il pase a la charge de son frére ainé, prénommé comme son oncle Johann Christoph, organiste | Obrdr, 3 30 kilo- interes d'Bisenach nent dhumanité 1. Pour tne plus grande commodité de lecture des temo gages et dacunieuts autogeaphes ci fuvriges ccationnes pape 19, nous ous sommes pecs \de modifier parfos ln ponctuation et le temps des verbes. et exttats des + La passion du petit Jean-Sébastien pour la musique ait extaéme pour son plus jeune dge, En un view de temps, it avate su matteser parfatement sons les more eaux que son fier lui avait donne @ étudier, On lui avait inerdit, ependant, en dipit de ses priére ct sane motif apparent, de prendre connaissance d'un livre comte- nant dos morceaus pour clavscin des mattres les plus renomnés de temps, Forberger, Kerll, Pachelbel. Le ele dowt il érat animé pour five des progres dans son travail lui sugyéra alors Pinnocent stratagéme suivent le livre ait dares une armoire fermée par une grille En qlissaut ses pevtee mains le Dong de la grille, i rus sie asteindre Vomeériens de Varmoire 3 ruler le livre, qui conststait en um cahier de feuilers, et & Pextraive; 1 sorte que la nuit, lorsque rout fe monde était couché, if lui fur possible de te copier & la elarté de la lune, tant donne qu'it ne disposait pas d’autre lumire. Au out de sise mois, il posséair entibvement ce bagage Inusical. U chercha alos & Urliser en secet, avec une avidité peu courante, mais, & son grand chagrin, son fie se apencut et fai configs, sams pti, a copie qu’ 5 était fabriguée avec tant de peine. » Johann Christoph destinait-il son puiné & devenie ‘organiste, situation stable, sinon enviable, avec som scatut @employé municipal aux ordees? Désirai-il {que le gamin concentre toute son énergic A hono- ror do sa belle voix de soprano a maitrise 7} Ob ddruf, une source de revenus pour son foyer & Pétroit financigrement? Jean-Sebastien aspirait-l dovenir un « fugatenr strict», selon Te témoignage posthume de son fils Cael Philipp Emanuel? A détaut de documents iréfutables, esquissons la sil- hhouette grave d’un jeune Jean-Sebastien Bach auto- didacte, Sabimant la vue & pénétrer toute partition ‘qu'il peut approcher: mais également riche d'une arentéle musicienne peu ordinaire. Une fois l'an, elle se rasemble, venue de Thuringe, de Hauce et Basse-Saxe, de Franconie. Cette asemblée, exclu sivement composée d'une lignée de chantres, d'ong- nistes et de musiciens de ville, débute naturellement par un choral « Apns un exorde si dévot et si ecusili, om passait uy divertisements, souvent en ner contrast aver ce {yi avait précédé. Us chantaient alors des chansons populaires, an contenu tants badin, tantse égeillard, roms ensentle et de manne rotaloment inprovicee, en sorte que les différentes voix engendraienr ane sorte harmonic, alors que les textes entonnés par les digi rents pares éaientdifrems Pun de Vane. Ms avaient dune a ce type de chant collecif le nom de “quoter, et now seulement cus-mémes y puisaient des motifs de rine de bon cur, mais encore quicongue se serait row Tha es outer n'aurais pu sempcher d'élater fran ‘hement de rie. » Quels Echos de ces joyeuses joutes polyphoniques e dans les tardives Variations Gold ‘erg, composées pour un insomniague par an Bach de cinguante-six ans, et dont la phénoménale construction en miroits famboie de méramor~ pphoses libres d'esprit, pour s'achever sur le sourire dan quodlibet humoristique ? #10 “BACH ANNALES Mais Ie Jean-Sébastien de quatorze ans n'a pas encore Pige des souvenirs féconds. La pauvreté Vexclut de 'école d’Ohedruf, Son bienveillant professeur Iui obtient cependant une bourse éendes 4 Vinstitution Saint-Michel, 4 Liineburg Par son assiduité 4 la chorale, il subvient 3 ses besoin. Par l'étude en solitaire, il Gtanche s4 soit de connaissances en explorant le plus vaste fonds ditions musicales de toute I'Allemagne : | 102 volumes de partitions composées par 175 maitres des plus anciens aux plus contemporains. Quétant par lui-méme la lumi dans la caverne labyrinthique d'une bibliotheque. Bach ¢échappe réguligrement lors d’escapades 081 il pulse un oxygene. Pour progresser. Toujours plus loin. Il se rend plusieurs fois A Hambourg, fasciné par la virruosté d'un organiste octog: naire. A Celle, Vorchestre ducal linitie 3 Vorne= mentation 3 la francaise, plus enjouée, plus lttéaire que l'écriture germanique. Bach émerge a dix-huie ans, probablement auréolé d'un début de reputation puisque la ville d’As tadt le sollicite pour tester un orgue neuf. Devant son toucher virtuose et son sens de Vinterprétation profondément liturgique, la ville lui propose aus- sit un contrat. Ce premier poste officiel nam Pere des chicanes avee ses employeurs, Ils empoi- re d'un savoir théorique sonneront Bach sa vie durant. Mais Porganiste ne manque ni de souffle, ni de re; sir de son droit, le plaideur offensé rejoint le compositeur inspiré quand il sempare dun litige comme d'un chime musical, il en épuise touses res, Tatillon, facettes, toutes les variations, lui imprime son tempo personnel pour enterrer ou relancer le débat. Ce maitre et serviteur des lois musicales ne s'en laissera jamais compter par celles des hommes. La premitre querelle d’Amstade porte sur les eves incultes des deux chorales 08 il puise pour assurer motets et cantates lors des offices Bach se plaint, mais refuse de les former, car son contrat ne mentionne pas cette servitude pédae gogique. Puis, sous Vemprise de Nexaspération, iI traite de chévre un basson indigne. Le soit mime, le bafoué Pattend dans la rue avee un gour- din, Bach dégaine son épée. Procts. Avertisse- ment; A ses dépens. En 1705, il obtient un congé de quatre semaines pour se rendre 4 Litbeck écouter le plus grand. magne, Dietrich Buxtehude, dont Ia succession est ouverte. Théologien et théori- ien de la musique, le viewx maitre représente le trait d’union entre Heinrich Schiiea, qui raviva la force du mor biblique d'un éclairage isalien, ct Jean-Sébastien Bach. Le maitre venérable trans. met d son jeune disciple un sens foisonnaut de la organiste All thétorique musicale, dont l'éloquence répond 3 mnagnifiés par tune palette de figures symboliques, d'allitérations sonores, de rimes, de seansions, de fugues bon- dissantes, de toceatas crépitantes, de dauses répi- dantes. La verve de Bustehude se ramifiait tellement qu'on prit habitude de distribuer le cexte des ppsoumes afin que le fidéle ne s'égare pas en route Sila musique véhicule les mouvements de T'ame, elle reste ral nourricier, ce pilier qui ierigue la basse obsti~ née, « Le multiple dérive de Munique, dans la confrontation du five et du variale », écrit le musi- ccologue Gilles Cantagrel. Jean-Sebastien Bach res- tera quatre mois auprés de Bustehude. Son admiration ne se reporta pas sur la fille, qu’ll conve nit d’épouser pour obtenir Ia charge ~ méme Vambiticux Haendel renacla devant Pobstacle, Une silongue absence engendre de nouvelles ten- sions lors de son retour 3 Arnstadt, Plus alarmantes, cette foit-ci, car elles visent I'essence méme de Bach, sa musique + « Nous (Ie Consistoire) lui reprochons ces denviers temps davoir introduit dans Paccompagnement die surpronantes, d'avois entrecoupé les mélodies de sons arangors, et avoir ainsi toublé la communauté des fidéles. Si, 4 Vavenir, il veut insroduire wn tonum peregrinum, i! {ui faudra poursuivne sur ce méme ton, fet ne pas passer rapidement & un autre, wi, comme il 2 fait ces deniers temps, aller jusqu’a proposer un tonum, Et Ammstad: jase d/avoir apergu une jeune étran~ agve dans le chovur de l'égse, réservé aus: hommes sa cousine Maria Barbara, Il l'épouse, puis quitte Arnstade pour Miihlhausen, en 1707. des codes constamment chahwté rant tout un discours 4 partic du cho- horal wombre de variationes Bach y rencontre a nouveau les yriefs que Mozart essuera apres lui: « Trop de notes!» I respecte son contrat en fournissane cantates, piéces pour orgues ermotets, mais les ides encendent dnonner dans ane tionnelle, Mais Bach ne murmure pas ses adresses 8 Diets Tekin pleine-val Jastora, oui! Le» pastors», non! Coineé par une plises, Bach déménage au bout d'un an A Weimar, le climat se relroidt encore plus, Avec 1255 000 habitants (Eisenoch compet 8 000 Ames, ‘Ataxtade 4 00 et Mubiausen 7 000), la ville du due Wilhelm Ernst respire nne bigoterie legit she dans lee oindees devils, compe Pore tante musique fone exulte, clame. Le riens musiciens et piétistes hiérarchique dans lequel communient ses vassau. ‘Aprés le sermon, le duc opére des contrales de connaissances aupris des fidéles. « Tow! aver Diew », indique sa devise. L’Opéra ferme 3 Varrivée de Bach, of se donnaicnt des pices aussi aflriolantes que | De l'amour vertues qui s'oppose au désirdissolu Les restrictions frappent aussi les cantates, trop opulentes pour les offices Organiste de cour, violoniste-laquais, professeur privé, Bach percoit un bon stlire qui Paide ce tainement 4 surmonter son relatif ennui. I un livre d'orgue de l'école frangaise, et de I'école ita- lienne, qu’il recopie, nourrit une certaine idé bonheur. Sa transcription des concertos de Vivaldi répond probablement 4 une commande du jeune prince Johann Emst pour l'efecti de sa chapelle. On soupconnera Bach de copier? Stupide procés! Au au mieux il atteint le glorieux avec pire il sinspire le besogneux, au plus pur il trans6gure A Weimar, le pédagogue entouré de quinze éléves met au point le premier volet de son Orglbichein Petit ire Porque, offont 3 Vorganiste débun méthode pour exéenter un choral de toutes les mani: ct se perfectionner en méme temps dans Uétude du péda- Fier, le pédaler étant traisé en mode obligé dans fes cho- vals qui y fiqurent. Au seul Diew supréme pour I'hono- rer, et au prochain pour Winstruire, » Est-ce pour sur- monter l'ériolement, explorer par a spéculation pure cco que la férule locale interdit? Bach ouvre Ja can- tate a aria da capo, aux récitatifs propres 4 ’opéra Les archives de Weimar évoquent surtout ses dépla- cements pour expertiser les orgues neuf ou conva~ lescents, Cette spécialisation lui procurera de notables revenus. Jean-Sebastien rédige des mémoires d’une I ne mi précision vertigineuse lige aucun détail, démonte la moindre piéce, Péprouve, et distingue avec une foncitre honnéteté quand la mesquinerie de la commande, les impératifs du liew de linstalla- tion de Forgue contraignirent le icteur au bricolage « La premiéxe chose qu il fsa, lors de Pexamen dun ongue, était celle-ei + il disaie en plaisantant “avant tout, je veux savoir si orgue a de bons pournons et, afin de lapprendre, il trait fous les regstres et jouait de manieze aussi polyphonique que possible, Les fac~ seurs devenatient alors souvent piles d'effiok. » #12 “BACH ANNALES Cotte science de la mécanique, de Norganologic, rehausse encore V'artisanat gloricux d'un homme ui, tutoyant Diew ~au sens propre dans certaines cantates ~ se devait de connaitre lucidement V'ins- trument de cette audace. Le macrocosmique pro= cde du mictocosmique. Léonard de Vinei disséquait Jes cadavres, Bach ausculte les argues, Lassé par Te climat de Weimar, il engage des dis- cussions avec la ville de Halle. Le poste, d’impor- mn stylistique, d'une tise sous tutelle théologique a fui. Alors, il entame les pourparlers avec Coethen. Son obstination 3 arracher son congé de Weimar Iui vaut quatre humiliantes semaines de prison, tance, s'accompagne d'un car Léopold von Anhalt-Cocthen se révla« prin gr ews, aint fa musique aussi bien ud la consist», soulignera, bien des années plus tard, depuis Leipaig, i Bach désabusé, presque nostalgique. Pourtant, Vaimable cour de Coethen, cee cité industri sous influence calviniste, repousse comme le démon toute tentative de métamorphoser les services religicue en théitre de la foi. Durant ses sept années a Coethen (1717-1723), Bach livre de rares eantates, on suppose deux par an, ct fort peu de pitces déglises. Ce rou badour de Dieu supporte son cilice moral avec une apparente sérénité, Avec un salasre de 400) thalers par an, le maitre de chapelle touche les mémes émo- uments que le maréchal de la cour, deuxitme fonc~ tionnaire de la principauté En outre, Léopold entresient un excellent ensemble de seize musiciens, en majonté issus de la prestigieuse chapelle berlinoise de Frédéric-Guillaame 1°. Depais son clavecin, ow au pupitre de chef, Bach se régale « Ml entendait a moindre fausse note on sein du plus grand oschesive, En matte incontesé de Charmane, it ‘timait avant tout jouer de Walio avec les variations intensiténécessanes. Debs sa jeunesse et jusqu’'a un Age avancé, il jona du violon dune manitre pure et pénétrante, maintenant ainsi une metlleure discipline dans Vorchestve qu'il w'aurait pu le faire du piano, It onnaissait& le perfection tes possbilité de ous Te ins uments a condes, » Faute de Verbe pour étancher sa soif d'innova- tions, Bach explore le son en Messe. Ses six Cincer= 10 brandebourgeois bowsculent la relation concertante entre un soliste et Forchestre et mobilisent tin ensemble de virtnoses, tous exposés. Le musico. logue Gilles Cantagrel discerne méme dans les trois demiers concertos une maniéte dautoportrait. Les Sonates et Partitas pour vielen seul annoncent la musique spéculative de ses views jours, eoncep- tuelle et virtuose 4 la fois: ce recueil pour violon ne muatérialise pas du tout Ia ligne de basse que Vexécutant doit constamment encendre dans son oreille interne. Avec Ie premier livre du Clavier bien tempéré, Bach semble xépondre aux griefs du Comsiscoire d’Arnstadr sur ces incessantes sates de toms + il exploite tous les camaieusx de a tonalité et Sachemine vers Vabstraction pure, lumineuse, A Coethen, fuse nents, Bach se fixe au clavecin, son chevat-l A travers le Clavierichlein pédagogique destiné a son fils de neuf ans, ils'adresse aux générations futures, Avertissement sous forme de programme charg ‘ nstmaction sinere, par loquelle lest montré aus: ama teurs ds clavier, et surtout di ceux qui son désireux de Sinsoire, tne mariére aire pour apprendre now seu- lement 3 jouer proprement & deus parties, mais encore, les progrés aidan, procéder conectement et astment avec trois parties oblighs et ansei & avoir de bonnes Aorgue, lempereur des instru iivenions, mais enone & bien extoutrclle-c, ete outre 8 parvenir dune maniére chantante, enfin & rcevoir un arant-gotit solide de Ja composition. » Lrorgue manque 3 la respiration de Bach, surtout quand la douleur Voppresse, I perd sa femme en 1720. Ausi se précipite-t-il i Hambourg, dans l'espoir dle succéder 3 Reinken presque cencenaire, Norganiste méme qui I'émerveilla lors de ses années de pen- sionnat 4 Liineburg. Reinken fournit un théme att postulant. Bach s'en empare, galope de figues et variations. Apres une demi-heure, le vieilrd se tend, A bout de souflle + « fe royais que cet art ait mor, mais il vit encore en vous », reconmait-il Si les quelques temoignages concernant le jeu de Bach soutionnent que son habileté aux pédales ses contempo- tains s'accordent surtout pour souligner la virto- égale Ia vélocivé de son touches sité de sa pensée « Lorsque Bach s‘asseyait a ongne en dehors des offices, omame il y était souvent invite par des étrangers, if avait Phobitude de choisir un sujet, de fe taiter dans routes les formes permises par Vinstrument et den faire ainsi le theme inehangé de son improvisation, méme si celles durait deux heures ou plus. Ise servait d’ahord d'un sujet pour un prétede et une Fugue aw plein: jew du grand orgue; pis il vara es fevee dau wn trie ow un quatuor sur le miéme sujet, Vent ensuite un choral, dont ta mSlodi ait ride & tri ou quatre partes en contrepoint aver des fragments du sujet principal. I ceomiait enfin par une fugue sur les pleins- _jeus, ott if utilsait le sujet principal, seul ou assouié un ow deux nowveaus snjets. » Envions le moment véeu par cet autre témoin « Bzoxtant une fugue complese a plusieurs voix, il pow vait dij dive, apres es promidnes ennées des sujet, quel ‘moyen du cantepoint fi ait possible diliser et ce que le compositeur devait fate pour respecter les réles. A ume de ces occasions, come j'étais debout pris de Ini et quil me disait ce qu'il supposai, il me donna jayense Coup de caude, lorsque ses prvisions se réaliserent. » Bach n’obtint pas Ie poste & Hambourg : acquit~ ter le prix de cette charge dépassait ses moyens Non qu'il meni un dispendieuy train de vie i Coethen, mais ce veuf élevait quatre enfants (les trois autres n’ayant pas suryécu). 11 épouse sans tarder Anna Magdalena Wilcke, de seize ans sa ce, bonne cantatrice et musicienne consom: née, probablement rencontrée 4 la chapelle de Cocthen. Elle metera treize enfants au monde, mais n’en verra grandir que six. Au total, dix enfants sur vinge survécurent : un taux de morta lit dans les normes da sidel Anna Magdalena s'effacera dans 'ombre de la gloire maritale, Aucun portrait ne nous parvine pour offi un visage & celle dont la main sauva de oubli beau coup de partitions. Anna M: alena s'impose en copiste. Certes sa rapidité se paye de quelques erreurs, Mhis seule la science moderne, la radiographie, per- met de distinguer son écriture de celle de son mari. Un étonnant phénomene d’imitation ow Pémou- vante manifestation dune symbiose parfaite ? Tous les mariages ne Vannoncent pas aussi heu- reux pour le compositeur : le prince Léopold convole avec sa jeune cousine Friedetica, Aucune musique n’embrase les cing semaines de cérémo. nies, Seulemes des feux d'artifice. Funeste pré e. Car aux poussiéres d’étoiles succé ha (un éteignoir, un bonnet de nuit), déplore Bach. 1 wit noire. La princesse se révéle un est En 1 rivaux : Georg Philipp Telem du barogue musical allemand apr and temps de partir 3, la bataille pour Leipzig oppose deux n, atlante incontesté gu’Haendel se fut établi a Londres, et un certain Jean-Sébastien Bach, maitre de chapelle de notoriété provinciale. Le premier mobilise la presse. Le second se plie aux auditions marathons. Depuis Hambourg, pre- imidre ville d’Allemagne, Telemann prend une pose outragée du haut de ses orgues : i estime indigne de sa réputation d'assurer l'enseignement 4 Leipzig, Bach, pourtant novice au poste de cantor, ne craint pas le poids Gnorme de la charge Ce poste de directeur musical de la ville implique de régler le fonctionnement des quatre églises de Leipzig, de fournir de la musique anx deux prine’- pales, de veiller 4 sa bonne exécution; puis d’ensei gner au collége. y compris Ie latin; d'assurer la action de pion d'internat auprés de morveux insupportables; sans omettre d'honorer les événe= ments municipaux d'une production appropriée En fait, Telemann manie le chantage au départ, et se voit confirmé 3 Hambourg avec une augmenta- tion de salaire, Aprés d’interminables tergiversa tions le Conseil de Leipzig vore 3 Punanimité pour Bach. « Puisqu’om ne peut pas avoie les meilleurs, om doit 1 contenter des médiocres », lit-on dans un proces verbal, En vin sept ans, ces oiseaux de beffroi auront le temps de re ter cette injure Au xvi sigcle, aucune ville d’ Allemagne n’égale la Venise de Vivaldi, le Paris de Rameau, le Londres de Haendel. Néanmoins, Leipzig gros carrefour commergant avec ses 25 000 habi- tants. La ville des foires accucille entre 3 000 et 7 000 opérateurs étrangers par an. Us s'abreuvent utiennent Part de la conversation, confrontent leurs idées dans 90 auberges, La ville de lédition mnorgueillit de 20 libraities. L'université, une jes plus anciennes du pays, jouit d'une grande réputation, Bach dut songer a cette ouverture culturelle, i d’éventuels débouchés profession nels pour Pourtant, dans sa plus grande largeur, Leipzig se traverse en vingt minutes 4 pied. Une densité i Vimage des instructions et des restrictions qui cad nassent le contrat de Bach, Il faut Lire attentivement chacun de ses articles pour apprécier la marge de manceuvre du cantor de Leipzig. Désormais fonc~ tionnaire municipal, Bach vient de signer rant de moi 1° que je dounerai d'une conduite honnéte, que je de Vécole et que j’instruirai loyal 2° fe ferai tou la musique dan 3° je manifesterai a Mhoworabl tout le respect et Vobéi emi qui ta 1 que je le pourrai, son ses de cette vitle neur et sa roputation ; de méme si lan onseit soul pas par ailleurs qu pour une musique, ne perm ée ements on des mariages sans en avertir au préalable et demander le consentement au hourgneste en exercice et a Messiewss les diveclews d’école, -# F'obéivai comme je le dois aucx honorables inspecteurs et dinecenrs de l'éoe en chacune de toutes les instue- tions que ceux-ci oxdonneront au nom de honorable et inésesage Const, 5° je n'admetrai a ole aucun gargon qui n'ait deja quelques hases de musique ow qu tau mens we apt tude 4 en recevoir une formation, et ne le feral sans en savertir au préalable et demander fe consentement aucx hhonorables inspectns et directeur, 6° afin: que ces églies ne sient pas charges de dépenses ites, j insta ave =A ces gargs mon seement dans 4c musique vocale, mais aust dans la musique instrumental, 7° pour contribuer au majnien dir bor ordre dans ves iets, jamboree tage de eller qe ve dure pas trop longtemps,» qu'elle soit aussi de nature telle qu'elle we paraisse pas sortir d'un théitre, mais bem plusst qu'elle incite les auditeurs dla 8 jepronrra a Eqlise-Newe de bons Aes, 10* jem acquit loyalement de Vinson & se, et plus génealement de ce qi income, quelque autre personne competente, sans dépense pour Phonovable es sréssage Conseil, 12¢ je ne sortirai pas de la ville sans Mautorisation de Monsieur le bourgmeste en exercc, 13° fors des enteriements, je marcherai toujours autant que possible et selon Pusage aux cdtés des garcons, 14 Je we voustnai ni ne devyaiacepter auc office pris de Puniversité sans le je m'oblige et m'engage en vertu de da présente coutre= lettre & observer fidelement tout ce qui précéde et @ ne pas agir l-contre, sous peine de perdre ma charge. * O4 Fon constate que la municipalité de Leipzig ne pratique pas l'emploi fictif... Le jong serail plus supportable sila seconde autorité locale, le Consis- coire, n'y ajoutait son grain d'encens en tentant de soumettre 3 son approbation la rectitnde théo- logique des textes et commentaires employes par Bach dans ses cantaces? Sans oublier le recteur de Péglise Saint-Thomas, son patron immédiat, avec Lil parrage les commodités de son logement de fonetion... mais guére plus. Bach excelle se défende lorsqu'l est cermé de toute par, ranime au besoin Pantagonisme larvé entre pou- voir eivil et pouvoir religieux, La querelle des pi fets, concemant la nomination d'une fripourlle 3 Ia Wee des quatre cheeurs dont Bach a la charge, dure tune année entiére, ponctuée de mémoires et de contte-mémoires vétillewx. Quand il se voit barrer Facets 4 Péglise de Funivensité, Pautodidacte d'Eise rach le prend comme un camonile marquant son 6é- vation au fer rouge. Chaque jour, Porgue, le Cantor converse avec Dieu, et ergote avec les hommes. « Je ritement du tre-sage Conseil vis ew conséquenve dans un état de quasi perpétuel éner- venment, envié et persécuté », éerit-il A un ami de jeu neste, au bout de sept années pasées i Leipzig. La bourse ou Favis? Chague made de Bach s'accom- pagne d'une tentative de ses employeurs pour rogner ses appointements. En complément de quelques ppintes de bigre ec boisseaus de bois de chautfe, la ville lui octroie 100 thalers de fixe. Bach en reverse la moitié an professenr sur qui il se décharge de Pensei- gnement du latin, L’essentiel de son revenu pro vient done des les mariages, baptémes enterrements, célébrations municipales ou nobi identi liaires, oi il gagne correctement vie comme com- positeur et interpréte. Tl se montre done tras préoccupé par a santé de ses concitoyens... « Ma sitnation se site ause environs de 700 thaters, et lorsqu'd ya plus de morte qu'd lordinaive, les accidentia s'en frouvent augmentés en proportion, Mais quand Pair est sain, ils diminuent, comme ce fut le cas Pan demaier, ot j'ai en une perte de 100 thalers sur les accidentia relax f aux morts ordinaires, En Thuringe, je vivais miews re 400 thalers quel avec quelques containes de tha- ters de pls, tant ect de lave est excess.» Bedeat de la liturgie, laguais municipal, pion diapason de Pépoque. A Paris, le sort de Lully ow de Rameau dépend de Tévolution d'une royale fatale, Chez inte s munificents Esterhiry, le palefi niet des plasirs se nomme Haydn. L"archevéque de Salabourg bortera le cul de Mozart, Mais rete- rons plutot limage de Jean-Sebastien Bach en majesté, dirigeant une cantate depuis orgue. 4M prite som attention en mime temps &trente ou qua ante musicens, avenit celui dun signe de tte, clue 1 d'un battement de pied, rappelane un tosiéme le rytlime et la mesure d'un doigt menacant, dose @ Pun Ja note haute miéiane. Seul av miliew des passages tes plus bruyants de ta musigue et bien qu'il tiene lui-méme ta parte ta plus dificil, i emargue immédiatemens que quelque part, quelque chose n'est pas joné comme i le veut. La imanire don il mantient dans leur ordre Tensemble des musicens, apportant sow concours tous lrg y a une hésitation quelcongue, rend @ tous Ja confiance. La amaniae dont i esse ke rythm dans tous ses meses, examine routes les harmonies d'une orelle prise, Jat cetendre de sa seule voix toutes les autres. » Bach est tenu de pourvoir d'une cantate les 59 offices et (tes annuelles. {I en livrera plus de 300, dont on ne retrouvera que les deux tiers. Le chiffre s'a en @hallucinant: Telemann débitera biew 1 518 cantates, Mais, cher le cantor de Leipzig, rien 3 jeter; non plas 3 Forgue, au ela Ton, La force de son esprit déploie devant les Iuthé- riens les images Bguratives incerdites par le ene. Looreille voit la plastique du corps martyrisé, Menter des damnés, Testase de la sainte, Ie glaive corus- cant, la larme brilante, Mime évanescente. Voreille au second fa basse et at troisiéme ta ‘gravit la pente du Golgotha, souifie sous la lapida- tion. Lorelle frémie au souffle de Vévangéliste. Les fausses notes volontaites accompagnent le chaos dit monde. Bach seulpte, ps dans Nimpalpable matidre sonore. II vadesse 4 Dien avec tune fimiliarité respectueuse. Sa ferveur brile et console en mime temps. Il terrific le fdéle pour mieux fortifier son espérance. S'il porte parfois la liturgie aux frontiéres d'un théitre de la foi, jam cet exégate ne franchit Ie Seyx du blasphéme, Sa bibliothéque contient 80 volumes de théologie, dont 20 volumes annotés de la main de Bach, Pour comprendre com- bien la musique représemtait le sang du culte voué an Christ, voyons comment se dérawlait Paice du premier dimanche de I’Avent au matin #1, On prelude 2. Motes (Om prétude an Kyrie, qu est accompogné entivement On entonne devane Mautel Lecture de I Eptive Chane de ta Litanie On préfude ay choral Lecture de I'Evangie 9. On prélude a la musique principale 10, Chant de la Confession de Fos 11, Prédication 12. Apris la prédcation, chant, comme d’habitude, de quelques versets d'un choral 13, Verba institutionnis 14. On prétude a ta musique. Ensuite, et alternative sment, on prétude er on chanue les choral jusqu'a 1, trace des perspectives its de Luther, commentés et ce que a communion soit terminée, et sic porto. » Pour honorer les deux principales églises de Leip ig. pour ne pas rougir de la qualité artistique offices qui dépassaient couramment les quatre heures, pour défendre Péclat de ses cantates de plus ‘en plus audacieuses, Bach dispose d'effectifs de second ordre, renforeés par des cachetonneurs de la meme plébe, Son mémoite sur sa situation de diree- teur de la musique dresse un constat accablant pour Leipzig; et erie son impuissance godt, En préambule, il parle de la decadence dune Inmigne sacs bien ordonnée ». Puis i relate une série

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