You are on page 1of 3

MOOC

« Les fondamentaux du contentieux


administratif »

La naissance de la juridiction administrative

La naissance de la juridiction administrative est le fruit d’une évolution historique.

Sous la Révolution, aux termes de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor
an III, les révolutionnaires décident que les juges ne peuvent pas intervenir dans les affaires
de l’administration.
C’est l’apparition du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires.
Mais il n’existe pas encore de tribunal administratif.
Un administré en conflit avec une administration doit s’adresser en dernier lieu au ministre,
qui est à la fois juge et partie. On parle alors du système dit du "ministre-juge ».

Sous l’Empire, la loi du 28 Pluviôse an VIII crée le Conseil d’Etat et les conseils de préfecture,
le premier ne disposant, dans le système dit de la « justice retenue » que d’un simple
pouvoir de proposition de résolution des contentieux à l’attention du chef de l’Etat, puis des
ministres, seuls responsables du choix des solutions à retenir.
Ce système est un héritage du pouvoir royal revenu à la faveur de l’Empire.

Sous la République, il faudra attendre la loi du 24 mai 1872 pour consacrer la substitution
définitive du système de la « justice déléguée » à celui de la justice retenue. Le Conseil d’Etat
s’affranchit de la doctrine du « ministre-juge » pour devenir le juge administratif de droit
commun par son arrêt Cadot du 13 décembre 1889.

Ce n’est toutefois qu’en 1980 que l’existence constitutionnelle de la juridiction


administrative sera consacrée.

Jusqu’alors, seule l’existence de l’ordre des juridictions judiciaires était mentionnée dans les
articles 64 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958.
Se posait donc la question de la pérennité du juge administratif et de ses compétences…
dont l’existence ne tenait qu’à une simple loi.

C’est une décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 1980 dite « lois de validation » qui
a finalement assuré définitivement aux juridictions administratives leur indépendance et
leur domaine de compétences en se fondant sur les « principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République », tout particulièrement la loi du 24 mai 1872, puis sur la «
conception française de la séparation des pouvoirs » pour définir le statut constitutionnel de
la justice administrative en rappelant que « l'indépendance des juridictions est garantie ainsi

Centre national de la fonction publique territoriale 1


MOOC
« Les fondamentaux du contentieux
administratif »

que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le


législateur ni le Gouvernement ; qu'ainsi, il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement
de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se
substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ; ».

Dans une seconde décision du 23 janvier 1987 dite « Conseil de la concurrence », le Conseil
constitutionnel affirme solennellement que : « à l'exception des matières réservées par
nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction
administrative, l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des
prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs
agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous
leur autorité ou leur contrôle. »

Ces éléments de jurisprudence permettent d’affirmer clairement que le juge administratif


est, et demeure, un juge d’attribution chargé d’appliquer aux litiges nés des décisions ou des
agissements de l’administration un droit spécifique né de la notion de service public,
distincte de celle de gestion privée, appliquée aux contrats, aux travaux, et au domaine
publics.
La référence de principe est ici l’arrêt du Conseil d’état Terrier du 6 février 1903.

Un juge qui doit savoir « distinguer l’intérêt général des intérêts particuliers », selon Pierre
Mazeaud (ancien président du Conseil constitutionnel).

Toutefois, ces jurisprudences ne sauraient faire oublier que le contentieux administratif,


constitutionnellement reconnu comme tel, n’est que celui du contentieux de l’annulation ou
de la réformation, ce qu’on appelle dans le jargon juridique « recours pour excès de
pouvoir », et pas celui de la responsabilité et plus généralement le contentieux indemnitaire,
qu’on appelle « le recours de plein contentieux ».

Ce dernier est en effet un travail purement prétorien, c'est-à-dire une création du juge à
travers sa jurisprudence.
Un exemple patent de cette création est la jurisprudence du tribunal des conflits Blanco du 8
février 1873 qui isole un régime particulier de responsabilité de la puissance publique par
rapport à celle du droit privé.
En effet l’Etat ne peut voir sa responsabilité engagée sur la base des règles du droit civil, car
ce dernier ne régit que les rapports entre particuliers.

Centre national de la fonction publique territoriale 2


MOOC
« Les fondamentaux du contentieux
administratif »

Un autre exemple, la distinction entre faute personnelle et faute de service, établie par la
jurisprudence Pelletier du tribunal des conflits le 30 juillet 1873, ou encore la définition des
services publics industriels et commerciaux par opposition aux services publics administratifs
précisée dans celle du 22 janvier 1921, société commerciale de l’Ouest africain.

Il n’en demeure pas moins qu’il existe des exceptions au principe et des limites à la
« création jurisprudentielle » du fait de la « création législative » de blocs de compétences et
par la jurisprudence du Tribunal des conflits.

Centre national de la fonction publique territoriale 3

You might also like