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Colete Soler - Les Temps Pas Logique
Colete Soler - Les Temps Pas Logique
Colette Soler
Dans Champ lacanien 2009/1 (N° 7) , pages 13 à 21
Éditions EPFCL-France
ISSN 1767-6827
ISBN 9782916810058
DOI 10.3917/chla.007.0013
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1 Ce texte reprend une intervention prononcée le 5 juillet 2008 au V e Rendez-vous international
de l’IF-EPFCL à São Paulo (Brésil) sur « Le temps du sujet de l’inconscient ».
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2 Lacan J., « Note italienne », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 309.
3 Lacan J., « Note italienne », Autres écrits, op. cit., p. 254.
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L’autre variable
Alors faut-il dire que dans les trois cas, le temps qu’il faut pour mener
une analyse à son terme et que l’on trouve si long, est un temps épis-
témique d’accès à la conclusion par le réel ? Sûrement pas. Et dès 1949
avec la notion du « temps pour comprendre », inanticipable car il ne se
réduit jamais à la seule intellection, Lacan avait marqué la place de ce
que j’appelle aujourd’hui la variable non logique. Elle est parfaitement
évidente quand il s’agit de l’inconscient réel. Je crois avoir montré à
propos de la première phrase du texte « L’introduction à l’édition anglaise
du Séminaire XI » que le lapsus ramené à son hors sens donne un modèle
réduit de la passe au réel se répétant dans une analyse comme sortie
du transfert. Mais, sans même parler du symptôme, combien de lapsus
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5 Lacan J., Le Séminaire Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 127.
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synonyme de castration. Il bute dès lors sur un refus, un « je n’en veux
rien savoir » qui protège de « l’horreur du savoir ».
« Faut le temps de se faire à être », disait Lacan dans « Radiophonie ».
Dans le contexte, cela voulait dire : à être l’objet qui est en exclusion
interne au sujet. Le « se faire » connote la patience à supporter, à accepter
le réel que l’élaboration de l’inconscient a fait apparaître.
Un index de cette variable non logique, de ce seulement possible de la
fin, je le trouve aussi chez les sujets dont j’ai eu l’occasion de parler récem-
ment, qui venus à bout de la relation au savoir qu’est le transfert, s’allè-
gent de leur propre « horreur de savoir », en la convertissant en haine,
aussi bien haine de l’analyse que de ses suppôts, Freud, Lacan, et bien sûr
celui ou celle qui les a accompagnés dans le parcours. Il y a bien d’autres
index de la variable non logique dont Lacan a toujours marqué la place, et
qu’il a inscrite avec le mot « éthique ».
Autant dire qu’avec cette variable non logique, on ne peut pas prévoir
le temps qu’il faudra à l’analyse. « On » ce n’est pas l’analyste seulement,
c’est aussi bien le sujet lui-même. Et combien de fois n’aura-t-on pas
constaté avec surprise que l’analysant décidé des débuts se retrouve le
plus récalcitrant à la fin ? L’inverse est aussi vrai, et on voit le sceptique
d’entrée devenir le très décidé de la fin.
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Ces signes, Lacan a fini par les situer du côté de l’affect et… il lui a
fallu le temps.
C’est la thèse de la « Note italienne » et de l’« Introduction au
Séminaire XI » que j’évoquais. Il y a AE, dit le premier texte, quand le
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qui, comme l’oracle, « ni ne révèle, ni ne cache, mais fait signe 6 ». Signe de
ce qui ex-siste à l’hystorisation du sujet. Dans « La direction de la cure… »
Lacan avait avancé l’idée d’une interprétation silencieuse, doigt pointé
vers le signifiant du manque dans l’Autre, au terme c’est le doigt pointé
vers le réel qui vient à cette place.
L’hystorisation se fait par les temps dit d’ouverture de l’inconscient
dans lesquels la vérité se déplie dans la structure de langage ; le thème est
connu et a fait déplorer les temps de fermeture. Mais le réel quelle que soit
sa définition, se manifeste en temps de fermeture de l’inconscient, voire
de rejet de l’inconscient bavard. Sicut palea. L’inconscient réel notamment
est un inconscient fermé, fermé sur ses Uns de jouissance.
Maintenant, entre la vérité et le réel il n’y a pas à choisir dans l’analyse.
Pas d’analyse sans hystorisation du sujet. Dans la diachronie, le réel est
au terme du processus, aussi bien celui de la séance que de l’analyse,
où il fonctionne comme limite, donc point d’arrêt de la vérité menteuse.
Dans la synchronie réel et vérité sont, disons, noués ; ce qui exclut que
de la vérité, malgré toute la dévalorisation que l’on y apporte, on en
sorte complètement. L’inconscient réel « tripote » avec la vérité. C’est si
vrai qu’au moment même où Lacan affirme l’inconscient réel, il réitère
l’idée que la passe consiste à témoigner de la vérité menteuse. Ça permet
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6 Lacan J., « Introduction à l’édition allemande des Écrits », in Autres écrits, op. cit., p. 558.
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